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AJ^A ¿sJ^Ls. a 3£&
M E MO I R E
P O U R M e- A n t o in e -N o e l C H E V A N T ,
Procureur d’Office. en la Ju ftice.de la M ongie,
: Appellant.
CONTRE Mr. le PROCUREUR GENERAL ;
Intimée
L ' A P P E L eft d’une Sentence de la Sénéchauffée
d’Auvergne du 1 7 A v ril dernier , par laquelle
I’ Appellant a été' condamné à être mandé en la
Chambre du’ Confeil pour y être admonefté, a été
interdit de toutes fonctions de Judicature àTl'avenir,
* & a été condamné en une aumône de cinquante
livres au pain des Prifonniers de la Conciergerie
dudit Siège.
L ’Appellant croit avoir lieu de fe ’pfaindre d’un
Jugement auffi rigoureux envers un Officier de Jufti ce, & de ce que les condamnations qui y font
contenues impliquent une contradiction évidente;.
1 °. Ce Jugement.eft rigoureux en.ce qu'on n’a pu
imputer tout au plus à l’A p p ellant qu’une fimplé im
prudence' qui a dû être jugée pardonnable dans les-A.
�3*
O
)
.
.
circonftances. 2°. Il eit contradi&oire en ce que les
Juges , dont eft appel , n’ont eux - même envifagé
laccufation que fous le point de vuè’ d’une faute, leg e r e , dès qu’ils n'ont ordonné qu’une admonition
qui n’eit point une peine affli&ivev ni infamante ,
& qui'ne rend point l’Officier incapable de fes
fondions :-on ne peut donc concevoir fur quel
motif ces mêmes Juges y font ajouté une interl di£î:ion~ perpétuelle de toutes - fondions de judicature, qui étant une peine féver.e •&> flétriiïànte
ne peut jamais fe concilier avçc l’admonition.,
F A I ' T ’ E 'T
F R O ,C É D U R E
Le 1 0 Décembre 17&3 l’Appellant étant cou
ché avec Marie Laroche fa femme, dans fa maifon au lieu de la Mongie , Jean Hugon Maréchal
du même lieu , homme publiquement connu pour
être très-mauvais & -très - dangereux heurta au
point du jour à la porte de la maifon de l’Appellant. La porte lui ayant été ouverte, Hugon
fe préfenta les bras croifés devant le lit de l’Appellant , & lui demanda d’un ton brufque une fomme
de vingt-quatre liv. à emprunter pour finir une af
faire qu’il difoit avoir avec le nommé Prunaire du
lieu de Gimaux. L ’Appellant lui ayant répondu qu’il
- ne pouvoit lui prêter cette fom me, & que n étant
.pas coniidérable il lui feroit facile de fe la procurer
„ ailleurs OU. par fon induftrie ; Hugon mécontent de
cette réponle ouvrit précipitamment fes bras qui
�3*
(5)
étoient armés d’un marteau de fer:& d’autr,es inftrumens offenfifs, il s’avança <Tun air^furieux , fejêtta
furie lit où l’Appellant & fa femme étaient, couchés»
& 4eur donna pluiieurs coups de fon marteau ¿¿ autres
inftrumens fur la tête & fur pluiieurs autres;parties de
leur corps ¿dont ilsfurentbien-tôt enfanglantés 1 ilîïut
heureux pour eux que pluiieurs Voifins accouruiïènt
à leurs cris & leurs portaiTent un prompt fecours,
fans quoi il étoit évident qu’ils auroient.péris Cous
les coups de l’AiTaiïin.
: Une a&ion aufli horrible exigeoit que FAppellant & fa femme s’en rendiiTent plaignans. Ils donnè
rent à cet effet leur Requête en la Juilice de la
Mongie , ils y déclarèrent qu’ils n’entendoient point
fe rendre parties civiles pour la punition du coupa
ble , & ils conclurent à ce que l’information fut
faite en leur nom , & celui de l ancien Curial de la
Juftice qui feroit en cette partie les fondions de
Procureur d’Office.
Sur l’information Hugon fut décrété de ;prife «.de
corps. Cet Accufé n’ayant pu confommer le rniatin
fes noirs projets envers l’Appellant & fa femme3 n’avoit pas cette pendant tout le jour de les me
nacer qu’ils n’échaperoient point tôt ou tard -à
fa vengeance : ces menaces, de la ,part d’un hom
me capable de tout entreprendre, n’étoient quç
trop puiiTantes pour intimider avec jufte caufô :
il importoit à l’Appellant de prévenir ce..danger
imminent , il fit .donc quelques démarches .pour
�fe mettre à l'abri des fureurs clé cet homme re
doutable , il le fit garder à vue & prit quelques
mefurés pour empêcher fa fuite ,
le faire ar
rêter en vertu du décret qui avoit été décerné
contre lui.
Hugon , après avoir le matin excédé de coups
FAppellant & fa femme, s’étôit réfugié dans fa-maifon , d’où il écartoit à coups de pierres fes furveillans , & ceux qui étoient prépofés pour le capturer:
il entroit de temps en temps dans des accès de fu
reur Ci terribles que fes -Gardes en étoient éfFrayés :
fon évaiion étoit inévitable :fi l’Appellant trop intéreiTé à y mettre 'obftacle, ne'fe fut préfenté , fur
lavis qu’il en eut, pour encourager THuiifier chargé
de la capture , & les perfonnes-qui Taiîiftoient dans
cette expédition dangereufe , à faire :leur devoir :
on avoit mandé les Cuvaliers de MaréchauiTée d’Iffoire, Ville éloignée .de deux grandes lieues de la
Mongie , il falloit néceilairement contenir Hugon
jufqu’à ce qu’ils fuilent arrivés , tel fut le motif qui
occafionna la préfence de l'Appellant, il la crut indifpenfable pour fa propre fureté , & dans les circonftances où il étoit le feul Officier de Juftice re
ndent dans le lieu de la Mongie.
Les Cavaliers de la MaréchauiTée d’IiToire étant
en courfe , on ne put avoir leur aifiitance ce même
jour : Hugon armé d’une pique ferrée faifoit face à
tous ceux qui vouloient l’app ro ch er, étant enfuite
monté dans fon galetas il lança de nouveau des pierres
�S "
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•
..
( 5)
fur tous ceux *jui intfeftiiroienqfa?maïÎôà‘Jjniais ivôr
yant eflfittqu’it'éteït'faiiS reiîburcèi p’à ur s’évader
, il s’écria commé lin homme defefpéréy
je
veux abfolumem¡Jortirx, & ayant fait’ plufleurs tenïatives:pour réchapper par la "porte qui fermoit ledit
g a l e t a s l ’Appellant crut en' cette .¿c'cafiori pouvoir
•luifaire ipeur pour empêcher.fa fortie.; il prit à :cet
vîdt la
effet le fufil qui étoit entre les mains .du nommé deP0Frann
B erard , Huiffier, & le tira fur le côté de la porte çois G ar:du ;galetas ,i derriere laquelle étoit Hugon-,; ne ,çror deUc*
yant pas pouvoàr l’atteindre, &L n!àyant certainement
aucune intention de le bleifer.: cependant quoique
•la majeure partie du coup eut porté dans Les planches
-qui étaient à côté(de.'la porte dudit galetas ,r fuiyant
l’atteftation de tous les témoins, deux ou trois petits
plombs de cendrée s’écartèrent ôc-bleiferent Hugon
•au bras , dans un moment où il l’avoit paÎTé.à travers
’la porte: cette bleifure fut d’autant plus legere aue
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1 •
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C
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nle depofiHugon ne s en plaignit point <x remonta: dans ion tion.
galetas ; le rapport en chirurgie , doit faire.foi que
la bleflure étoir très- peu coniidérable ; quelque
•temps après Hugon ayant fait de nouveaux efforts
pour & affranchir de fes furveillans $ il fut,faifi &
de cordes par l’Huiffier & fes Afliftans pour,être trâ-duiî dans iersrr priions d’Iifoire comme priions em
pruntées, attendu qu’il n y en a point dans le Jieu de
la Mongie.
. ,
La nuit - approchant , ¿y ayant d e u x ’grandes
lieues de diftance ¿de Ma : Mongie à IiToire & la
�■ 'V :*
-
TÎvîere id 'À IIier.iàr.p aiT erôn ¡fut. contraint d’inr
iroduire? texdii; Hugon. dans.'lune maifçn.;; particu
lière pour yl-attëridi'e 4 e.ijour & l’arrivée des 'Car
paliers de »la Maréchauffee dlffoire dont on avoit
jefTehtiesltemerit befoin [pour- 'fa conduite : il fut
S ab o rd introduit dans lajmaifon'du nommé M enu,
Ühiais'^ ÎHuIffier n y ^'ayant trouvé aucune fûrèté
comme ilLl’a. énoncé dans fôn procès verbal , ÔC
craignant Tenlevement de fon Prifonnier , dont il
■étoit -menacé , il ne -put trouver ’ d er maifon plus
iûfre ^ i i e ; celle de iDamien i-Boft .un de fes ailistâ n s^ u i *l’a rtient à loyer’ deTAppellant:*en 'conÎéijü'eriCje :Hugon y futrconduitfans:queTAppellant
fciieiit la -rtioindre èonnoiifance), s!étant retiré long¡t&fnps^auparavanfc dans ^fa .maifon )de domicile qui
£n_eft’ irès-éloignée. :
■ •
?V-: ■:
H ügonr-ne • tarda pas à rdonner de nouvelles
prreuvçs; qu’il étoit rcâpable:rdè fe ’ porter, aux plus
grands : 'excès : fes .gardes aÿarit’ laiiTé imprudem
ment leurs'armes fur une.table à côté de laquelle
cet Accufé étoit'aiîïs * il eut les mains ailes libres
pour fe faifir dun piftolet qu’il-tira prefqu a bout
touchant' fur Damien:B o fl qül 'en périt à Tinûant
fur la placei
* V
'
i
: C e meurtre'fit la mati'di'e d’une ; nouvellé> pro
cédure . «qui fut inftruite en la Juftice de la Mongie à la requête de l’ancien Curial faifant en cette
ipartic'lcs : fon£lions de .Proaiircur'd'Office , :il fut
jdéc&né-ûn fcconc). d€cte t !debprife : &e> corps ‘coii^
�5*9
(f% 3
tre'Hugon & rinftrfu8i0n de forç procès fut faite
pa/ reqoUeiïjent oç par confrontation.
r
^LA ppellaut
¡décrété, ^aipurnemerit perfonnel
PPWfcifô ¥ i ® W e- ^ç^ide.ntêlle * q ù jï avoit faite à
Hugo^ &; fqn procè^ a,ajuiïï étë *iriftrüit à l^ tr a o r -,
dipaire à la reqpête du même Curial. * 1
° T
Ces procédures furent jointes en la Ju ilic e dè
la'^iopgÿe
furent enfuite. renvoyées par la Cour
en. J ^ Sénéchauffée d'’AuyêrgiieVrr _ V r r ’
Par le Jugement^dé.iînitif ^qui eft intervenu le 1 7
A vril dernier, Hugon a été comdamnë à m ort, & il
a été'ordonné une f admonition contre l’Appellant
avec interçli&iQti de. toutes fondions de judiçaijure
à l’ayenir, ;Ôç cpndemnation d’aumône au pain des
Prifonniers.
■ t. .
" .
Les condamnations ^prononcées contre l’Appellant font les feules qui. l’intereflent ,r i l . en a inter
jette appel en, la C o u r, & il ne doit s^occùper que
du fqin (de fe juftifier ; il efpere que les çircbnftance’s
dont il vient de rendre compte lui mériteront l’in
dulgence de la Cour .fur ce qu’il peut y avoir eu
d’imprudent dans i^.cjonduite : c’eft ce qu’il va tâcher
de développer .le,.plus fucclntement qu’il l u i . fera
poiCble.,
‘ . ,r \\ ■
’
Il ïeft confiant au procès, & par la Sentence mê
me de condemnation qui a été rendue contre Hugon,
qu’il étoijt ven,u, le rg Décçmbrç. 17 6 3 , au’point du
.jour en la.maifqu de l’Àppcllant v & qu’il j ’avoît ex<:édé:çlç coup's.j. aipfi que Marie Larochç fa femme ,
�^ *4 - 'f - !.
t
y
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qui etoient^ couchés dans un même lit : ÎI eiî éga
lement, confiant que làns le prompt fecours de
leurs \ÿoifirïs qui les’ virent, couverts de faner de
0 3 1 G7
3IO V5
C'X'ift
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toutes parts., ils .auroient lUn & lautre perdu la
*■ Î*îJ |**-À1 X)
I- r ; LO. »■ !î1f? T* *'
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/
vie : lAppellant ne prit én ce moment d autres precautions que Jcelles.''quéulaI ilécefîité lu i1 fuggeroit *,
elles!^cohfiiîerërir uniquement à fe deffendre au*
tant qu’i r leifrs -fut poffible tdes violences & des
fureurs de leur , meurtrier : à peine enf furent-ili
(délivres1Qu’ils ‘eürent Yécours à la Juülice;.
Hugon,! extrêmement, craint de tous* les habî*
ians 'de la M o n g ie, comme un homme impétueux
io. U/»C01, • V î» t.
i }
j
f
/» j t m«.
• .
v
oç ror.micrapre, quaucune.conlideration ne-pouvoit
arrêter ] s’aifüroit/îur la méchanceté qu’on né feroit
pointaiTés téméraire pour ven ir.le prendre-en fa
maifon. Ce fut dans, cette idée qiril s y retira-, comp
tant pouvoir ÿ Braver. impünéiinent la Juftice : en
<effet
'j Jôn
1Ma •vuidàns
•
. le récit, du ifoit
. avec
* ‘ qu elle-peine
# >
onj parvint‘à i¥ iaifir de lui *:. ce ne fut que fur le
rapport de fa reiiftance opiniâtre que l’Appellant fe
determiha à fe préfentérpo.ur donner désordres re
latifs; !‘,peut-on lui faire uii crimé d’avoir employé
fesToins pour faire arrêter fon meurtrier ^ &r fe met
tre à l’abri des nouveaux excès qu’il avoit à craindre,.
& dont Hugon n avoit ceifé der le menacer dépuis
le matin.
r
li . ' ,
L ’AppeJldm étant plutôt un pénbnbiâreùrqu un.
il n ç'îui’auroit pas été’abfolument in
terdit dé faire ulage dans 'lés éircoiiftàrices de fon
Ji
1*-
■
■<’
<■
�cara&ere cî'Officier public , fur-tout étant le feùl O f
ficier de Juftice qui refide dans le lieu de la Mongie,
néanmoins ce ne fut pas en cette qualité qu’il agit y
& quand il auroit été Aceufateur en fon propre nom,
quoique la bienféance ne permette point à l ’A ccufateur d’être prefent à l’éxécution du décret de
prife de corps contre l’Accufé par rapport aux accidens qui pourroient en arriver , on ne voit aucune
difpofition dans l'Ordonnance de 16 7 0 ,qui défende
à l’Accufateur d’aider &. de donner main-forte pour
faire capturer un Accufé : cette même Ordonnance
prend au contraire toute forte de précautions pour
aiTurer Féxécution des décrets, comme on le voit en
l’art. 3 du titre 2 , &: en l’art. 15 du tir. 10 : au furpjus.il'eft de l’qrdre public que toute perfonne puiiTe
concourir à faire arrêter un AiTaifin.
Si dans un moment où Hugon agiiTant en défefpéré voulut forcer les barrieres qui s’oppofoient à
fonfévaiion , l’A p p ellan t croyant devoir l’intimider
prit un -fufit des mains de l’Huiiïier & le tira pour
lui faire peur , fon intention n’étoit point criminelles
il n’avoit conftamoient d’autre deflein que celui de:
contenir Hugon & d’empêcher fon évaiion : cela fe*
préfume naturellement de l’état de l ’Appellant,, de
lar bonne conduite qu’il a toujours tenue, & de ce:
qp’il eft prouva par les informations qu’il n’avoirpas>
t i r ^ j M I dineQfci&çntoù étpit, H u g o n , mais à'côté,
dfi l’^droifipùi iWioijt.cpuvertp^i: unTetr<tnchèxnenc,
�.
.
(.I 0 )
X •
inettoit pas de croire qu’il peut être blefle du coup :
d’ailleurs le menu plomb dont le fufil étoit chargé
éloigne toute idée que l’Appellant eut voulu attenter
à la vie dudit Hugon : cet événement, plus malheureux
que repréhenfible n’eut même aucune fuite funefte,
puifque Hugon s’apperçut à peine de fa bleflure.
• L ’Appellant n’a donc pas du paroître fi coupable, '
pour fubir une condamnation à être Admonefté, &
fe voir en même-temps interdire de toutes fondions
de Judicature à l’avenir : il .na’commis^aucutie pré-*’
v.arication ni malverfation dans fon^ E m p lo i, il n’a
point agi en qualité de Procureur d’Office , puifque
c’étoit un ancien Curial qui en faifoit les fondions,
il s’eit comporté comme une partie qui avoit inté
rêt de veiller à fa fûreté, & qui cherchoit à fe ga
rantir des nouvelles entreprifes "d’un homme qui
avoit voulu l’aiTaiTiner : en un mot il a cherché à dé
fendre fa propre vie , fu it defenfor propriœ falutis
Il n y a pas lieu non ¡plus de fairè le moindre
reproche à l’Appellant fur ce que THuiffier avoit ï
détenu Hugon en maifon particulière’ foit parcequ’il n’y avoit participé en ancune maniéré, foit
parce que'^ cette détention n’étoit point contraire"
à TOrdonnance 16 7 0 , qui la permet en Tait. 1 6
tit. 10 , lorfqu’il y a péril d’enlçvement , & que
c’eft pendant la conduite de l’Accufé. On a vu
dans le fait que l’enlevement étoit extrêmement
m craindre
• que la nuit étant furvenue il
n’étoit pas poiTiblt ¿ ’entreprendre tle transférer Hu-j
�gon'dans les Priions de la Ville d’IiToire , éloignée,
comme on l’a déjà d it, de deux grandes lieues de
la Mongie avec le paifage d’une grande Riviere :
de plus le lendemain étoit un jour de Foire dans le
lieu de la Mongie où la Brigade des Cavaliers de
la Maréchauflee d’IiToire de voit venir fuivant I’ufag e , & auroit prêté main-forte pour la conduite dé
l’Accule. Dans de telles circonftances le fait de dé
tention en maifon particulière n*a pu -authorifer
aucune condemnation contre 1’/ ppellant, quoique
cette maifon fut tenue de lui à titre de loyer ;
l’Huiffier lui-même en fit le choix de fon propre
motif, fans aucun confentement ni la "moindre connoiflance de l’Appellant, d’où il fuit qu’à tous égards
il n’a pu être refponfable de cette détention, fi elle
a été confidérée comme irréguliére.
Sur cet expofé fidele il ne paroit pas que l’A p pellant ait pu être dans le cas de mériter une ad
monition q u i, quoique peine legere , eft toujours
affligeante pour un Officier. Cruellement maltraité
dans fa propre maifon par un Aflaiîin qui en vouloit à fa vie & à celle de ia Femme , il l’a pourfuivi & a prêté fon fecours pour qu’on s’aflurat de
fa perfonne , il a cédé à ce mouvement naturel
dont tout autre que lui auroit été également fufceptible , eft-il rien de plus pardonnable , & fi c ’eft
une imprudence , nauroit-elle pas été aifez punie
par des défenfes de récidiver ?
Qu’on fuppofc encore pour un moment que les
�*%
/f>k
Juges , dont eft appel , euflent du ordonner une
ad m o n it io n , du moins elVil certain dans les princi
pes qu’ils n’ont pu y joindre une interdiâion de
toutes fondions de Judicature à l’avenir, & que
leur Jugement implique une contradi&ion manifefte?
Il eit de maxime qu’un Jugement qui prononce
une admonition contre un Officier de Juftice , quand
même il feroit accompagné d’une condemnation
d’amende, n’emporte point note d ’infamie , ni par
çonféquent privation des fondions de fon Office.
La Loi verbum i y , cod. ex quibus caufis infamia
irrogatur , eft précife pour dire que l’admonition
.du Juge ne rend .point infâme, & elle le décide
dans un cas où les termes qui accompagnoient l’ad
monition étoient bien griefs, puifqu’il y a dans le
texte de la Loi C
gravatus
& admonitus. La Loi ca>
pitalium 2 8 %: filen t, ff. de pœnis , fuppofe même
que l'admonition n’eft pas une’ peine publique, &
dans notre langue l’admonition 11’eft qu’un terme
de charité & de bonté & non pas une expreffion
pénale : c eft ainiî que s ’explique la fameufe Con
sultation du h Août 1 7 4 1 , rapportée dans le
Supplément au Traité des Matieres criminelles de
Me. G u y RouiTeau de la Combe , où plufieurs A r
rêts de la Cour font cités , dont la Jurifprudence
cil conforme pour défendre de joindre à l’admo
nition aucune peine qui puiife empor ter infamie ,
& C êft fur ce même principe que le dernier Com
mentateur de ¡’Ordonnance criminelle , art. 1 9 , tit#
�0
0
î o ; a obfervé que la peine de l’admonition neft ni
affli&ive, ni infamante, qu’elle ne rend point un
Officier incapable de fes fondions & qu’on ne doit
la joindre qu’avec l’aumône.
Cette Jurisprudence s’eit foûtenue depuis par de
nouveaux Arrêts des z Décembre 17 6 0 & 20 Juin
1 7 6 1 , qui font rapportés par Denizart en fa Colle&ion de dédiions au mot admonition. Dans l’efpece de ces A rrêts, le Curé ‘de Couzon , par Sen
tence du Lieutenant Criminel de Lyon , avoit été
condamné à être admoilefté pour diverfes prévari7^
cations dans fes fondions, & en conféquence déclaré
incapable de poifeder aucunBénéfice à charge d’ames,
ce même Curé , par Sentence de l’Ofîîcial de Lyon ,
avoit été condamné pour les mêmes fautes à jeûner,
à fe retirer au Séminaire, & c. & avoit été déclaré
incapable de poifeder aucun Bénéfice à charge d’a
mes ; fur les deux appels , l’un fimple & l’autre
comme d’abus, la Cour infirma les deux Sentences,
feulement en ce quelles déclaroient le Curé de Cou
zon incapable de poifeder aucun Bénéfice à charge
d’ames, & par conféquent, dit Denizart, il fut jugé
que l’admonition n’emportoit ni infamie, ni incapa
cité de poifeder des Bénéfices, & ce qu’il y eut de
fingulier dans cette affaire, c ’eft que le Défenfeur
du Curé de Couzon n’avoit pas traité la queftion de
l’incapacité. & s’étoit feulement attaché à- jyftificr
ion Client*, au moyen de quoi la queilioii fut jugée
d’Office.
’•
•
�. .
( 14 )
? D 'après un principe auff i clair & fi manifeftement
confacré par nombre d’A rrêts, il eft étonnant que
les Juges, dont eft appel, fi connus pour des Magiftrats pleins de lumieres, ayent pu .s’en écarter,
enjoignant à l’admonition une interdiction infamante.
C ’eft à la Jageffe de la Cour qu’il eft refervé de re
former un pareil Jugement ; les circonftances de
cette malheureufe affaire femblent devoir détermi
ner plutôt à l’indulgence qu’à la févérité.
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M e. F O N T A N IE R D E L A G A R E N N E , Avocat.
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De l'Imprimerie de René C A N D E Z E , Imprimeur-Libraire
Rue du Palais, près l'Intendance, 1 7 6 4
�
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Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
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A name given to the resource
[Factum. Chevant, Antoine-Noël. 1764]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Fontanier de la Garenne
Subject
The topic of the resource
admonestation
violences sur autrui
forcené
homicides
condamnation à mort
jurisprudence
huissiers
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour maître Antoine-Noël Chevant, Procureur d'Office en la Justice de la Mongie, appelant. Contre Mr. Le Procureur général, intimé.
Table Godemel : Admonition : 2. une condamnation à être mandé en la chambre du conseil pour y être admonesté, a-t-elle pû contenir, en outre, l’interdiction de toutes fonctions de judicature à l’avenir ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'Imprimerie de la Veuve Candeze (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1764
1763-1764
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0414
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lamontgie (63185)
Rights
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Domaine public
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condamnation à mort
forcené
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654215bb8e8ffb610ea87570fa8fee1f
PDF Text
Text
1
M E M O I R E
S I G N I F I É
P O U R Me. J e a n - L é o n a r d R E I G N A C ,
Avocat en Parlement, Confeiller du R o i ,
Receveur des Confignatio n s aux Sieges de la
V ille de Tulle , Demandeur.'
C O N T R E Sieur J u l i e n A L A T E R R E ,
Adjudicataire Général des Fermes Unies de
France Défendeur.
,
E
J pourfuis la fixation des dommages intérêts
que la Cour m’a accordés contre le Ferm ier,
pour raifon de la vexation exercée contre
moi par certains de fes G a rd es, à qui j’ai déplu en ne ju g e an t, ou ne concluant pas fuivant leurs defirs dans différentes affaires dans lefquelles
ils étoient accufés en l’E le tci o n de T u lle , de prévari
cation dans leurs exercices, & ou j ai fait les fonctions de
Ju g e ou de Procureur du R o i. J ’ofe me flatter que l'e xpofé de cette vexation & . des préjudices quelle m’a caufés s détermineront la C o u r a m adjuger un dédomma
gement confidérable.
�w*.
1
F
A
I T
:
Plufieurs Em ployés de la Ferme , & en particulier ceux
de la Brigade d’Eym outier en Limoufin , ayant les an
nées dernieres vexé les Citoyens , & même infulté aux
Juges des droits du R o i de la maniéré la plus criante,
il fut rendu diverfes ( plaintes contr’eux en l ’Ele& ion de
T u lle . J ’ai été quelquefois invité à remplacer dans les
inftruttions de ces affaires , ou des Juges , ou le Subrtitut
de M . le Procureur Général. J ’ai eu le défagrémertt de
ne pas trouver les accufés innocents , & j’ai eu la fer
meté de Ju g e r ou de conclure fuivant les fentiments de
mon honneur & de ma confcience.
Dans une de ces accufations contre Pierre G o ilo u 3
Capitaine G é n é r a l , fur laquelle il avoit été décrété d’a
journement p erfo nn el, j’ai donné des c o n c lu fio n s , le 3 1
O ftobre 1 7 7 1 * qui n’ont pas été de fon g o û t; j ’ai été
menacé de la vengeance de ce Capitaine Général , & il
n ’a pas tardé de chercher à m’en faire reffentir les effets.
L ’après dîner du z Ju in de l ’année derniere , jour de
la foire de faint C l a i r , la principale de la V ille de T u l
le , je fus interrompu dans le travail de mon Cabinet
par des clameurs de la rue : j’entends crier à l’affaifin.
, U n premier mouvement d’humanité me fait courir en
.robe de chambre au tumulte s afin de l’appaifer.
J e vois qu’une troupe de gens armés & très-mal mis ,
maltraitoit la femme du fieur la C h a ife , m arch and , mon
voifin , au milieu de fa boutique & à la vue des paffants
de la foire. J e me crois autorifé à dem ander.à ces g e n s ,
qui n’avoient aucune marque diftin&ive , le fujet de leurs
mauvais traitements. Pierre G o ilou , l’un d ’eux , me ré
pond q u ’il eft Capitaine Général des F e rm e s , q u ’en cette
q ualité, il a tous les droits poffibles.
J e repréfente poliment à ce Capitaine que fes droits
ne vont pas jufqu’à excéder de coups la femme d ’un
honnête domicilié , & à mettre le défordre dans fon
commerce un jour de foire j que s’il a quelque recher
�3
che à faire clans la maifon du fieur la Chaife il doit y
procéder avec m odération, & fe rendre à la demande
que lui faifoit ce Marchand de pofter des Gardes à cha
cun des appartements de fa maifon , & de fouflrir c u ’on
allât appeller des témoins ou un Ju g e de l ’EIe&ion , pour
être préfents aux perquifitions.
G oilo u répliqué q u ’il f e F . de la Juftice de T u l l e ; con
tinue fa vifite fans aucun o b ftacle, tandis que les aififtants
s ’occupent à foulager la dame la C h a ife , accablée par les
coups redoublés des Gardes. C eux-ci fe retirent enragés
de n’avoir rien trouvé en fraude chez le fieur la C h a i f e ,
proférant des injures, faifant des menaces & laiiTant l’ef
froi dans lam e de tous les fpe&ateurs.
Les fieur & dame la Chaiie fe hâtent de donner leur
plainte à l ’Ele& ion des excès commis cÆntreux par les
“Em ployés.
Juftement effrayés de cette démarche des fieur &
dame la Çhaife & des fuites de leur crime , les Gardes pro
jettent de les empêcher d ’avoir juftice. Ils tentent d’ar
rêter leur procédure par la fignification d’un procès
verbal de prétendue rébellion qu’ils leur font fignifier dans la foirée du lendemain 3 J u i n , & qu’ils ont la
criminelle précaution de dater de la veille de la fignifïcation.
Ces Em ployés ne m’ont pas notifié ce procès-verbal,
mais ils ont voulu me mettre pour quelque chofe dans
la rébellion qu’ils imputent aux fieur & dame la Chaife.
Ils ont inféré fur mon compte dans cette piece inique
ces faufles énonciations : & dans l'injîant lefieur Reignac,
A v o c a t , qui fa ifo it ci - devant les fonctions de Procureur
du R o i dans une affaire que moi Capitaine Général fo u fi
fg n é avois en ¿’Election de Tulle avec deux de mes Em
ployés ; lequel nous auroit couverts d'injures & de menaces,
faifant des efforts pourfe jetterfuf nous^ & nous maltraiter r
ce qu'il auroit fa it dans la colere oie i l étoit , s 'il n'en avois
été empêché par une Dame à nous inconnue , qui Je jetta à
'fon cou pour l'empêcher d'effectuerf i s menaces ù f i s démonftrations ; & le fieur Reignac crioit toujours de le laiffer
�^
4
aller , difan t audit (leur la Chaife q u l l a v o lt tout le tort
poffible d 'a voir la iffé entrer des Coquins & de la, Canaille
che% lu i ; qu i l auroit dû crier aux Voleurs & au F eu ,
& nous auroit d i t , toujours en nous infultant 3 que nous
. n a vion s aucun d roit d'entrer dans les m aifons , fa n s être
affiflés d u n J u g e ; que les D écrets m ultipliés qui a voien t
été décernés contre nous , dont i l a v o it f e r v i de J u g e plufîeurs
f o i s , & les différents p rocès verbaux annullés en l'E lection
de T ulle , d évoien t nous intim ider &nous fa ir e rentrer en nousmêmes ; que nous ri étions que des D rôles & de la C anaille.
L a C o u r fera bientôt convaincue que les propos que ces
'Gardes me prêtent ne font que trop v r a is , mais que je ne
me fuis pas permis de les leur tenir.
Cependant les fie u r& d a m e la Chaife ont prefîe leur in
formation. L a femme ayant fouffert une perte coniidérable
& d’autres maux dangereux, il y a eu un rapport en Chirur
gie , qui porte que ces accidents lui ont été occaiîonnés par
les mauvais traitements que lui ont faits eifuyer les G a rd e s,
contre lefquels il a été décerné un Décret d’ajournement
'perfonnel le 8 J u i n , qui leur a été fignifié le 1 4 .
Jufques-là les E m p lo y é s, qui n’avoient fait le procès
verbal de rehellion que pour épouvanter & l’oppofer en
cas de b efo iiij ie font bien gardés d’en faire le moindre
ufage ; mais à la vue d’un Décret émané des véritables
Juges de la matière, auxquels ils n’ont pas voulu obéir ,
ils m’ont fait décréter par le Subdélégué de Lu berfat, de
la Commiiîïon de Valence , d’afligné pour être o u i , & les
fieur & dame la Chaife d’ajournement perfonnel.
C e Décret qui eft du 23 juin , & qui ne vife aucunes
ch arges, m’a étéfigniilé le 2 J u ille t , à la requête de M r.
M e. de Beaune, Subftitut de M . le P rocureur G énéraldu Conf e i l de Valence : il porte dans fon intitulé que cette C o m miilion efl établie p ou r ju g e r fou vera in em en t de toutes les
fra u d es fa ite s aux droits des F erm es , & des rebellions &
v o ies de fa its ex ercées envers les E m ployés d'icelles. Il y
efl: dit que je fuis a ccu fé d 'a voir ex cédé les E m ployés des
Fermes dans leurs fo n ctio n s , & que j e fe r a i in terrogé fu r •
les fa it s réfultants des charges qui fo n t dans le Greffe de
�ï
t jp Z y
la S ubdélégation & a u tres , fu r ¿efquels le Subflitut d e M .
le P rocureu r G énéral dudit C onfeil requérera mefa ir e en
tendre.
Satisfaire à ce D é c re t, c ’eût été renoncer aux droits
de mon état, à ceux d’un Français dom icilié, & même
à ceux de l’innocence. Je favois que la C o u r des Aides
réprimoit les ufurpations que faifoit fur Ton autorité là
Commiifion Fifcale de V a le n c e , & accordoit fa protec
tion aux fidèles Sujets du R o i que les Gardes du Fer
mier traduifoient mal à propos à ce Tribunal de la Ferme.
J ’entendois publier de tous côtés que la C o u r du Confeil*
Supérieur remplaçoit la C o u r des A id es, à la fatisfaclioa
du Souverain & du Public. J ’ai réclamé la juftice de Paugufte C o m p a g n ie , fous l’empire de laquelle le Limoufin
fe félicite de fe trouver dans la partie des Impôts. Elle m’a
tendu une main fecourable. Par Arrêt du 7 Juillet j’ai
été réçu appellant du Décret comme de Ju g e incompé
tent : il m ’a été permis.d?intimer Je Fermier. J e dois parler
d ’un autre Arrêt obtenu le même jour par les fieur &
dame la C h a ife , qui porte les mêmes difpofitions fur le
Décret d’ajournement perfonnel contr’eux décerné à Lu berfat: il ordonne que les charges de leur plainte en l’E ledion de Tulle , & celles fur lefquelles font intervenus
• les Décrets de Luberfat- feront apportés au Greffe de la
C o u r.
#
L e Greffier de l’Ele&ion a obéi. Celui de la Subdé
légation de Luberfat ne reconnoît d’autres Supérieurs que
le Fermier : il ne lui a point ordonné de fatisfaire à
TArrêt de la C o u r : il l’a méprifé.
L e trois Septembre , la C o u r * fur le vu des charges de
la plainte des fieur & dame la Chaife en l’E le â io n de
T u l l e , a rendu un Arrêt par d éfau t, faute de plaider
contre FAdjudicataire , qui déclare nuls , incom pétam m ent
rendus & vex atoires les décrets de f o i t o u i , d'ajournem ent
p erfo n n el , décernés p a r le S ubdélégué de la Commifjion de
Valence à Luberfat contre lesfieu r & dame la Chaife &m oi ;
condam ne CA djudicataire en nos dom m ages intérêts à don
ner p a r déclaration , & or donne que la procédure extraor -
�o
•
6
dinalre , commencée en VElection , fera continuée jufqu’à
Sentence définitive inclufivement, f a u f Vappel en la Cour.
D ans Ton oppofitioti à cet A r r ê t , le Fermier demanda
la nullité de la procédure, fur le prétexte que les fieur
& dame Lachaife & moi avions afligné le Fermier au
domicile de Ton Agent près la C o u r , & non à l’Hôtel
des Fermes à Paris.
L a caufe revenue à l’Audience du 2 1 du même mois
de Septem bre, le défenfeur de la Ferme fe borna au
foutien de cette nullité , & refufa de plaider fur le fond
de l’appel. O n lui offrit la continuation
la remife de
la caule pour lui d o n n e r, s’il en avoit befoin , le temps
de s’expliquer au fond. Il déclara que toutes réflexions
lui étoient interdites là-deifus. L a Cour , Jans s arrêter à la
demande en nullité du Fermier , la déboute de Jon oppofition
à rArrêt du 3 ; en conféquence a ordonné qu'il fera exé
cuté felon f i forme & teneur.
D ans le temps que le Fermier feignoit de reconnoitre
la Ju rifd iâ io n de la C o u r , en y propofant des moyens
de nullité contre ma procédure & celle des fieur & da
me la C h aife, il travailloit à avoir au Confeil de Sa M a jefté
Arrêt de caiïation de celui de la C o u r du 7 Ju il
le t , & des défenfes de connoîtrq de l’affaire dont il eft
queftion.
M algré- les artifices ,• les fauiTetés & les couleurs trompeufes d’intérêt public employés par le Fermier dans farequête au C o n f e i l , il n’a pu obtenir l’Arrêt de caifation
dont cette requête contient la demande , mais il a été
affez heureux- pour furprendre la religion de Meilleurs
du C o n f e il , jufqu’à en faire rendre un.le 8 du même mois
de Septem bre, qui ordonne que les charges > informations
& autres procédures faites pour raifon du fa it dont i l s ’a~
g it , circonflances & dépendances , tant en VElection de
Tu 11} , au Confeil Supérieur de Clermont - Farrand qu'en
la Subdélégation de la Commifjion de Valence à Luberfat ,
feront inceffamment envoyées au Greffe du Conjeil, par le
tout vu & rapporté à f a Majeflé , être par elle Jlatué ainfi
qu i l appartiendra i & cependant par provifion que l'inÇ-
�truclion com m encée de rau torité de la CommiJJîon de F a
ïen ce fe r a continuée ju fq u a u Ju gem en t d éfin itif ex cluftvem ent.
" C e t Arrêt ne m’a été figniiîé que le 15 O ft o b r e , poftérieurement à la taxe & au paiement des dépens qui me
iont adjuges”par l ’Arrêt de la C o u r du 2 1 Septembre.
L ’Arrêt du Conieil du S Septembre ne caflant point
ceux de la C o u r des 7 Juillet & 3 Septembre , encore
moins celui du 21 du même mois ,q u i n’étoit pas encore
rendu , ne faifant point de défenfes à la C o u r de connoître des fuites de Paffaire , j’ai pris le parti d’y former oppoiition par un fimple a£te fur les lieux & par requête t par
Je miniftere d’un A v o ca t aux C o n fe ils , & de pourfuivre
le Règlement des dommages intérêts que la C o u r m’a
accordés.
Q uoique je lois pénétré de refpea & de foum ifîïon,
comme tout bon & fidele fujet doit l’être pour tout ce
qui émane du Confeil de Sa Majefté , cependant je n’ai pas
liéiîté à refufer d o b éir au décret de la Subdélé Ration de la
COUR S ouveraine de Valence t établie à L ubetfat , ainfi
que j’en ai été fommé par l’a&e de fignifîcation de l’Arrêt
du Confeil „ parce que cet Arrêt n'étant intervenu que
fur la requête non communiquée du Ferm ier, & ne por
tant pas qu’il feroit exécuté nonobftant oppofition , celle
que j’ai formée devoit arrêter de plein droit fon exécu
tion ; & parce qu’en obéiffant a ce décret je perdois m on
r e p o s , mon état & mon honneur.
M O Y E N S
.
Dans la taxe de mes dommages intérêts , la C o u r vou
dra bien avoir égard , 1 ° . à l’incompétence du Juge qui
m’a décrété. 20. A l’injuftice du décret. 3 0. A l’atteinte
que ce décret a porté à mon honneur & à mon repos 9
* & au préjudice qu’il m a caufé dans ma 'fortune.
P reu ve de Vincompétence de la CommiJJîon de V alence ,
L ’incompétence d’un ju g e dans une affaire ordinaire,
�..
.
g
ne préfente pas un moyen; de dommages intérêts en fa
veur de celui qui attaque le jugement incompétamment
rendu : mais dans l’efpece où l’on traduit par un décret
un Citoyen connu & d’un état honorable , devant un
Ju g e , qui tel que celui de la Commiflion de V a le n
c e , ne peut juger que des fraudeurs, errants & va g ab o n d s,
armés avec attrçupements , fuivis de meurtres & d’ém o
tions populaires, de forcement des poftesdes E m p lo y é s ,
ou enlevement des objets en fra u d e , quel dédommage
ment ne doit pas obtenir ce Citoyen vexé ? c ’eft la poiition où je me trouve.
Po u r manifefter combien le décret de la Com m iffion de Valence eft incompétamment prononcé &
m’eft injurieux', il eft à propos que j’expofe la nature
de cette Commiflion , fk les affaires dont elle peut
feulement connoître , fuivant les Arrêts du Confeil >
portant fon établiffement ou fa confirmation.
O n fait affez communément que cette Commiflion fut
créée en 1 7 3 3 , qu’elle eft compofée d’un feul Ju g e & d ’un
Procureur du R o i . O n apprend par l’affiche de fes juge
ments qu’elle a été confirmée par un Arrêt du Confeil
du 9 Juillet 17 6 6 , & que fon Reffort comprend les Pro*
vinces d e D a u p h in é , L y o n n o i s , B o u rg o g n e , Auvergne,.
Limoufin , P r o v e n c e , Languedoc , R ouergu e , Q u erci
& Rouflillon.
M ais comme les Titres qui ont établi ou confirmé
cette Commiflion n’ont été enrégiftrés nulle p a rt, q u ’ils
n’ont point été publiés ni im prim és, il eft peu de perfonnes quipuiflent être inftruites des cas dont cette C o m m it
fion doit avoir la connoiffance.
Il ne faut pas s’en rapporter fur la jurifdiftion de ce
T r ib u n a l, aux énonciations des décrets qu’elle décerne y
où l’on voit quelle fe déclare établie p ou r ju g e r fo u v era i-
nem ent de toutes les fra u d es fa ite s aux droits des F erm es .
A u travers
les bornas
Par des
N ovem bre
des nuages dont il s ’enveloppe , j ’ai découvert
de fon autorité.
Lettres patentes des 3 Septembre 1 7 6 4 8c n
17 6 5 , duement enregiftrées en la C o u r des
Aides
�9
Aides de Paris & au Parlement de M e t z , Sa Majefté avoit
rendu légales les Commiifions de Saumur & de Rheims ;
celle de Valence eft à l ’inftar de ces deux là. L ’Arrêt du
Confeil du 9 Juillet 1 7 6 6 , vifé dans les jugements de
la deiniere, doit être conforme aux Lettres patentes con
cernant les deux premieres.
Les expreifions du préambule de ces Lettres patentes qui
en développent l’efprit 3 & les difpoiitions des articles de
ces L o ix concourent à démontrer que je ne fuis point J u s
ticiable de la Commiffion de V a le n c e , même d’après la
teneur du procès verbal du 2 Juin .
V o ici comment s’explique le Souverain dans le préam
bule : L a multiplicité des Contrebandes qui fe font fu r les
frontières de notre Royaum e, nous a paru un objet d ’au
tant plus digne de notre attention ,\aue non feu lem en t les
Fermiers de nos droits , mais encore les Fabricants & Com
merçants en fouffrent un préjudice confidérable ; nous avons
été informés d'ailleurs que la vie errante & vagabonde à
laquelle plufieurs Habitants des frontières font invités par
l'attrait de la frau de , leur fa it contracter trop fouvent la trop
malheureufe habitude du crime & de la violence ; c’efl à
quoi nous avons voulu pourvoir en prononçant contre les
Contrebandiers les peines les plus Jévéres ; cependant les ex
cès commis depuis quelques années nous ont fa it connoître
la nécefjité de recourir à des remcdes extraordinaires 3 &
parmi les différents moyens qui nous ont été propofés , nous
avons employé par préférence celui qui a été employé plufieurs fo is en femblables occafions par les Rois nos prédeceffeurs, comme le plus propre à remplir la double vue que
nous nous propofons de réunir dans un feu l & même Tri
bunal un grand nombre de procès connexes entreux , & d ’y
faire juger définitivement & Jdns appel ceux q u i, par leur
nature & fuivant les L o ix de notre Royaume , feroient fufceptibles d ’être jugés prévôtalement ; en conféquence nous
nous fommes déterminés à envoyer dans l'une des Pro
vinces de notre Royaume , où la contrebandefe commet avec
plus de licence , des Commiffaires choitfis dans notre Cour
des Aides , à l’effet de juger fu r les lieux mêmes leflits
�Contrebandiers & Faux-fauniers , faifants la fraude a force
ouverte , & autres qui feront fpécifiés dans ces préfentes
Lettres , &c.
Les articles 3 , 4 , 5 & 6 des Lettres patentes pour
S au m u r, qui font les 5 , 6 , 7 & 8 de celles pour Rheims
règlent les pêrfonnes étrangères, à la Ferme , & les cas
:que peuvent juger ces Commiflions. Il paroît à propos de
rapporter ces articles-e.n entier.
Voulons que lefdits Commiffaires connoiffent de tous les
faits d'introduction de Marcfiandifes de contrebande ,
fa u x S e l , fa u x Tabac & de tous les attroupements, vio
lences , rebellions , féditions occasionnées par lejdites con
trebandes.
Ladite CommiJJîon connoîtra en dernier reffort des accufations de contrebande formées contre des Vagabonds, gens
fans aveu , où qui auroient été ci-devant condamnés à pei
ne corporelle , banniffement ou amende honorable.
E lle connoîtra pareillement en dernier reffort des contrebandes avec attroupement & violence publique , accompag
nées de meurtres, excès , (éditions & émotions populaires ,
fo it que les accufés foient de la qualité portée dans Varticle
4 , foit quils tien foient pas , à l'exception néanmoins de ceux
qui feront defignés ci-après ; & feront réputés lefdits Contre
bandiers être dans le cas de l'attroupement, s’ils ont commis
la contrebande au nombre de trois ou au deffus avec armes ,
fans titre ni permifjion , ou de cinq hommes ou au defjus ,
même fans armes ; feront pareillement réputés être dans le
cas de la violence publique, quand ils feroient en moin
dre nombre , s’ils ont attaqué les Employés , Commis
& Gardes des Fermes , ainfi que dans les cas de force
ment de pofles , recoujfes de Prifonniers & de reprifes vio
lentes , fpoliation & enlevement de Marchandifes , fa u x
Sel & faux Tabac faifis par les Employés.
Les Receleurs & Complices des Contrebandiers, dont le
procès fera jugé en dernier reffort par ladite CommiJJîon, y
feront pareillement jugés en dernier reffort.
Ne fa u t - il pas que le Fermier foit animé contre
înoi de la même paillon que fes Gardes pour foutenir
�11
que je fuis juiliciable de la Commifiion de V a le n c e ?
Suivant le procès verbal lui même , je ne fuis dans
aucune des claffes des perfonnes ni dans aucun des
cas fpécifiés par le préambule & les articles des Let
tres patentes que je viens de mettre fous les yeu x de la
C o u r.
J e fuis accufé par ce procès verbal d’avoir cou vert
les Gardes d'injures & de m enaces (lorfq u’ils excédoient
de coups la dame la Chaife ) fa ifa n t des efforts p o u r me
je tte r f u r eux & les m altraiter ; ce que f aurois f a i t dans la
colere , f i j e non euffe été em pêché p ar une D am e qui f e jetta
à mon cou ; que j e criois de me la iffer a lle r , d ifan t au fie u r
la Chaife qu'il a voit tout le tortpoffible d 'a voir la iffé entrer
des coquins & de la canaille che^ lu i , & qu'il auroit du
crier aux V oleurs,
Mais en fuppofant ces déclarations du procès verbal
aufTi exa&es qu’elles font prouvées faufles , aurois-je. c o m
mis un crime q u i , par fa nature & les L o ix du R oy au m e ,
m ’eût expofé à être jugé prévôtalement ? en réfulteroit-il
que je fuis prévenu d’avoir introduit de la contrebande
d’une Nation étrangère dans le R oyaum e ; d'être un Va
ga b on d &un homme fa n s aveu , déjà condam né à des p ein es
a jfliclives ; d’avoir fait la fraude a vec attroupem ent & v io
len ce pu b liq u e , accom pagnée de m eurtres 3 ex cès , f éditions
& ém otions populaires ; d 'a voir f o r c é les p ojles des Em
p lo y é s , de leur a voir en levé des P rifon n iers & des M ar
chandises de contrebande par eux fa ifies ? Il ne peut pas
non plus s’enfuivre du procès verbal que je fois le R e c e
leur ou le Complice d’un Accufé de quel que ce foit des
crimes dont laconnoiiïance eft attribuée à la Commiflion
de Valence , puifqu’aux termes de ce procès v e r b a l, le
iîeur & la dame la Chaife ne peuvent être mis ni au
nombre des perfonnes, ni dans aucun des cas défignés
dans l’attribution de ces fortes de Commiifions.
. Ils font accufés de violence publique & de rebellion
par le procès verbal ; mais cette rebellion & cette violence
fo n t-elles, même d’après les expreifions du titre de leur
accuiation, de la nature de celles fpécifiées dans les artiB 2
�I2
d e s 5 & 7 des Lettres patentes pour Saumur & pour
Rheim s ? N o n feulement ce procès verbal n’annonce pas
des violences publiques & des rebellions de cette efp ece,
mais la letture écarte toute idée d ’une rebellion ordinaire, &
même d’une fimple contravention. O n y lit que malgré les
débats d’entre la dame la Chaife & le Capitaine G o ilo u ,
les Gardes font montés & reftés feüls dans les chambres
de la maifon du iieur la Chaife ; que G o ilou a été les y
jo in dre; que les uns & les autres, qui étoient au nombre
de f e p t , & avoient la force en mains , ont fait toutes les
viiîtes q u ’ils ont jugé à propos * fans trouver de la M a r - '
chandife en fraude ; cependant il auroit été d’autant plus
aifé de la d é c o u v rir, s’il y en avoit eu dans la m aifon , &
d’autant plus difficile de la verfer ailleurs , que les Gardes
ont dit dans leur procès verbal qu’elle étoit dans une
malle.
C e ne feroit d’après les Règlements de la matiere que
fur l’accufation d’avoir été l’auteur ou le complice d’un
des délits que je viens de rapporter , que j’aurois pu être
traduit à la Commiffion de Valence : elle étoit donc no
toirement incom pétente, même pour les cas exprimés
dans le procès verbal.
Toutes les fois que le Fermier a voulu étendre l’attri
bution des Com m iflions, fes Tribunaux fa v o r is , & que
ces attentats à la juftice ordinaire &: au bien public font
parvenus à la connoiiTance des Cours 3 ils ont été
promptement réprimés. Il fe trouve dans les dépôts de
la C o u r des Aides de Paris & de Clermont-Ferrand une
foule d ’Arrêts rendus contre des décrets décernés par
les Commiflions de Saumur , Rheims & V a le n c e , ou con
tre des procès verbaux faits à la requête des.Procureurs
du R o i de ces Commiflions dans des cas plus forts que
celui où me place le procès verbal du î Juin dernier.
E n 17 6 8 la Commiflïon de Valence décréta de foit
ouï le fieur D u m a s, Procureur d’Oifice à T h i e r s , à l’o ccaiion d’un procès qui s’inftruifoit dans ce Tribunal con
tre des Faux-fauniers. Le fieur Dumas implore l’afliftance de la C our des Aides , il invoque fa qualité de do-
�•3
Ô ÿ -> '
,
mïcüié. Cette C o u r prononce des défenfes contre la
Commiflion d’aller plus avant fur ce décret. Cette C o m
miflion reconnoît ion devoir & obéit à cet Arrêt.
En 1 7 7 0 le iieur Chaifigni , Capitaine Général des
Fermes , drefle un procès verbal de rébellion , de l ’auto
rité de la Commiflion de Valence , contre le fieur Benoît
de la F o u illo u fe, Marchand de fel à Courpiere ; il lui
impute d’avoir employé la violence publique pour em
pêcher l’exercice des C o m m is, d’avoir caufé une émo
tion populaire, & mis la vie des Gardes dans le plus
grand danger. L e fieur de la Fouilloufe court à la C o u r
des A i d e s , fe mettre fous la fauve-garde des L o ix . Il y
intervient un A rrêt, conforme à celui du fieur D u m as:
le Fermier fe voit contraint d’y rendre hommage. Il fe
pafle un traité le 2 1 Juillet de la même année 1 7 7 0 , ’
refté en minute chez M e . C h e v a lie r , Notaire en cette
V i l l e , par lequel le Fermier convient que le procès ver
bal de Chaflîgni eft une vexation , & paye au fieur de
la Fouilloufe fes dépens , & des dommages intérêts.
Peu d’années auparavant les Em ployés du précé
dent Ferm ier, au pofte de R o u g n a t , font un procès
verbal de rebellion contre le fieur Bets B o u q u e t, B ou r
geois , & le fieur D e q u eriau x, Greffier du Dépôt des
Sels à Auzance. O n les y accufe d’avoir foulevé le Peu
ple d’Auzance contre ces Gardes un jour de M a r c h é ,
d ’avoir crié de fondre fur eux comme fur des voleurs
de grands chem ins, d’avoir déclaré aux Employés qui leur
rémontroient qu’ils faifoient exécuter les Ordonnances
du R o i , qu’ils fe moquoient du R o i & de fes O rdon
nances.
Sur ce procès v e rb a l, ces particuliers furent décrétés
de foit ouï par le Subdélégué de la Commiffion de Saumur à E v a u x . Par Jugement du trois Juin mil fept cent
foixan te-fept, les Juges de ce Tribunal renvoyerent d’of
fice l’afFaire pardevant les Juges ordinaires. Le Fermier
fut forcé d’exécuter ce Ju g e m e n t, le procès verbal fut
attaqué de faux à la C our des A id e s , ce faux fut admis
& p ro u v é , les Gardes décrétés de prife de c o r p s , le
�M
Fermier iurprit un Arrêt du Confeil pour parvenir à la
caffation de ceux de la C o u r des Aides.
Afin d’éviter une plus grande furprife de la part du
F erm ie r, les fieurs Bets Bouquet & Dequeriaux furent
éclairer fes démarches au C o n f e il , furs d’y obtenir la
plus exacle juftice des Magiftrats infiniment refpeâables
qui le com pofent, dès qu’ils en feroient entendus. L e F er
mier prévint l’Arrêtdu Confeil qui alloitfoudroyer les faux
révoltants commis par fes Gardes' contre les fieurs Bets
Bouquet & D e q u eriau x , en comptant à ceux-ci de gros
dommages intérêts.. N ’auroit-il pas dû en faire autant à
mon égard dans l’affaire défagréable que fes gens m’ont
ii mal à propos fufcitée ?
P reu ves de l'in ju flice du D écret.
L ’injuftice du Décret eft déjà démontrée par les preuves
de l’incompétence du Ju g e qui l’a rendu ; mais elle paroîtra beaucoup plus criante par celles des charges de la plainte
des iieur & dame la Chaife en l’E le û io n de T u lle . M e
trouvant impliqué dans le procès verbal fait contr’eux ,
leurs informations me deviennent communes. Je les connois par la lefture qui en a été faite aux Audiences de la
C o u r : elles manifeftent l’innocence des Accufés & l’atro
cité de la conduite des Em ployés. .
L e F e rm ie r, qui fent combien ces charges font acca
blantes contre ies C o m m is, &: confolantes pour les fieur
& dame la Chaife & pour m o i , s’eft permis, pour tacher
d’en affoiblir le p o id s, d’avancer des faits faux & des prin
cipes tout à fait erronés dans fa Requête au Confeil du
R o i . Il entreprend, de critiquer ces charges fur le défaut
de consignation d ’amende pour l’infcription de f a u x , fur
les défenfes portées p a r la Déclaration du 2.5 Mars 1 7 3 2 ,
de recev o ir aucune plain te tendante à d étru ire les p ro cès
verbaux des Commis des F erm es , & fur la qualité des té
moins ouïs dans celle des fieur & dame la Chaife. Q u ’il
eft aifé de mettre au grand jour les fauffetés & les erreurs
volontaires contenues dans cette Requête !
�10. Ln confignation de l’am ende'nëtoit point re q u ife - ^
pour la validité des procédures des fieur & dame IaC h aife.
Il en faut une dans les infcriptions de faux ; mais ce « eft
que plusieurs jours après leur plainte admife & dans l’afle
de fignification du D écret, que les fieur & dame la Chaife
ont déclaré qu’ils s’infcrivoient en faux contre le procès
verbal qui leur avoit été fignifié poftérieurement à l’admiffion de leur plainte, & qu’ils employoient pour moyens i
preuves du faux le contenu en leurs informations. L ’inf<
cription de faux étant alors inutile , n’ayant pas même été
entamée , il ne pouvoit pas êtrcqueftion de configner une
amende.
. 2°. Le Fermier auroit eu railon de cenfurer la plainte
des fieur & dame la C h a ife , fi elle eût été poftérieure à la
fignification du procès verbal jm aisfe trouvant antérieure,
fa cenfure eft un artifice dont il a i:fé pour en impofer à
la Juftice.
Il eft bien vrai que l’article 8 de la Déclaration du 25
Mars 1 7 3 2 , invoqué par le Fermier dans fa Requête au
C o n fe il, défend de recevoir des plaintes tendantes à dé
truire les procès verbaux des Commis des Fermes ; mais c’eft
lorique les procès verbaux ont été fignifiés avant les plaintes:
s’il en étoit autrement, il n’y auroit pas de plainte qu’un
procès verbal poftérieur ne pût anéantir pour obliger les
Particuliers de former une infcription de f a u x , dont les
procédures font dans la partie des Fermes critiques , coûteufes & multipliées; & ce feroit tout comme fi la Loi
avoit fait défenfes aux Citoyens de rendre aucune plainte
contre les excès des Commis des Fermes ^ & avoit ordonné
d’attendre, pour avoir juftice de ces e x c è s , que les C o m
mis fignifiailent un procès ve rb al; ce qui feroit une injus
tice & un ridicule qui ne peut s’accorder avec la fageiïe
des vues du Légiflateur.
L e Fermier eft pénétré de ces principes diftés par les
premières lumieres de la raifon ; auffi seft-it avifé de Sou
tenir dans fa Requête que le procès verbal de fes Gardes
étoit antérieur à la plainte, en le datant du 2 Juin , même
jour de l’Ordonnance qui donne a&e de cette plainte.
�16
C e procès verbal eft à la vérité cîaté de ce jour là ;
mais les Commis étant les maîtres de donner à leurs procès
v e rb a u x , qu’ils n’ affujettiffent pas même.à la formalité du
c on trôle, telle date qu’il leur p laît, dans la concurrence d’u
ne plainte & d’un procès verbal, ce n’eft pas la date de cette
derniere piece qu’on confulte , c’eft celle de fa fignifîcation ; & le procès verbal dont il s’agit n’a été notifié aux
fieurs & dame la Chaife que le lendemain de l’admiffion
de la plainte : circonftance que le Fermier a eu l’adreffe
de fupprimer dans fa requête au C o n fe il, parce qu’elle
prouvoit que la plainte étoit admiflible.
3°. Cette requête du Fermier eft aurtî peu fincere fur
le chapitre des Tém oins de l’information des fieur & da
me la Chaife. Ils y font traités de gens de la lie du Peu
ple & de complices des plaintifs.
Ces Tém oins font des étrangers à la V ille de T u l l e ,
que la Foire y avoit attirés. C eu x qui ont fait les plus
fortes dépofitions contre les Gardes , font des Gentils
hommes , de riches Marchands. Parmi ceux-ci fe trou
ve le fieur B e l l e , aîné , N égociant de cette V ille de
Clermont-Ferrand , ancien Ju g e de la Jurifdi&ion C on fulaire , qui jouit de l ’eftime générale par fon exa&itude
8z fa probité dans le commerce & la fociété.
Q u ’ont dépofé ces T ém oin s? que le 2 Juin 1772.3 des in
connus mal vêtus & qui fedifoient des E m ployés de la Fer
me , maltraitoient violemment la femme du fieur la C h aife,
& boulcverfoient tout dans fa boutique ; que ces gens n’avoient aucune marque du cara&ere qu’ils s’attribuoient,
qu’ils étoient fans bandoulières ; cependant les Lettres pa
tentes du 2 0 £tobre 1 7 5 9 , défen dent aux Commis du
F erm ier de fa ir e aucunes v'ifites che\ les d om iciliés pou r la
G abelle & le Tabac fans être m unis de leurs bandoulières
aux armes du R oi. Dès qu’ils ne font point diftingués par
l à , les domiciliés font autorifés à leur refufer l’entrée de
leurs maifons.
Ces T ém oins ajoutent que le fieur la Chaife crioit à
ceux qui faifoient cette bagarre dans fa maifon , de pofter des Gardes à la porte de chacun de fes appartements,
d’aller
�}7
/
d’aller appeller des Témoins ou un Ju g e de l’EIe£Hon,
& de faire enfuite chez lui toutes les vifites qu’ils jugeroient à propos ; que de mon côté je leur repréfentois
poliment que leurs droits n’alloient pas jufqu’à excéder de
coups la femme d’un honnête domicilié , & à mettre le
défordre dans fon commerce un jour de fo ire, que s’ils
avoient quelques recherches à faire dans la maifon du fieur
la Chaife , ils devoient y procéder avec m odération, &
fe rendre à la demande que lui faifoit ce M a rch a n d , & c .
A la vue de ces déportions & du rapport en chirur
gie qui conftate les coups reçus par la dame la Chaife &
leurs fuites dangereufes, le procès verbal & le décret qui
l ’a f u i v i , ne fon t-ils pas un ouvrage de la plus grande
iniquité ? le Fermier pouvoit-il lés fouteilir?
Quand ce procès verbal n’auroit pas été fait pour croifer
, 1a plainte des fieur & dame la Chaife , & qu’il auroit étépréfenté à des Juges compétents, auroit-il dû occafionner un
Décret fur-tout contre m o i, daprès ces expreiïîons c i , &
dans l'inflant le fieu r R eig n a c , qui fa i fo i t ci-d eva n t Les
fo n S io n s de P rocureur du R oi dans une affaire que m o i ,
Capitaine gén éra l a voïs en l'E lection de T u lle , &c. & d’après
les preuves que préfentoient ces énonciations, que c’étoit le
fiel & un efprit d’animofité qui avoit pouffé'le Capitaine
G o ilo u à m’impliquer dans ce procès v e rb a l, & qu’il voiiloit fe venger par là de ce que je n’avois pas voulu préva riq u e r, en lui donnant des conclufions favorables dans
le procès criminel dont il parle. M a caufe étoit celle de
la juftice elle-même; & tous autres Juges que ceux de la
Commiifion de Valence n’auroient décrété que les G ar
d es fu r leur propre procès verbal.
L a légéreté du Décret decerne contre moi n empeche
pas qu’il ne foit marqué au coin de la plus grande intu ftice, foit à caufe de mes qualités & de mon innocence
démontrée non feulement par l’information des fieur &
dame la Chaife , mais encore par le procès verbal lui-mê
me foit oar rapport aux cas & aux perfonnes que peut
juger là CommHnon de Valence,
D ’ailleurs, le Fermier ayant la plus grande influence dans
�i8 ^
la Cormliiffiôn de Vaïeiice , fi j ’euiïe coriïp'aru'dëvarit Ton
Subdélégüé à 'L ü b é r fa t , qui n ’aurôit garanti que les'Gardes de la Ferme ne m’euflént pas chargé d e ‘fers <Sc con
duit dans les cachots fontérreins des priions dé V alen ce ,
côtc . à côte de ces criminels de délits 'politiques-.^ deftinés aux derniers fupplices : trop foulent'vi£lim cs infor
tunées'de la cupi'djté & 'de Î'impoftu're 'a'trôces- des E m
ployés qui fighent un procès''verbal ^qu’ilsTaVent rdrëmeiit
lire , '¿k. .'dans .lequel ils acçufeiit fauffément ces' malheuréux,, de contrebandes accompagnées des plus grands
crijnes., “bienâilurés qiie.les ■aççufés manque'rÔht.de toutes
les ^rielïQq r ce s néç«ff?ir*<“s'p9ÜrçÎetrà
par*ta‘ voie* p'refq^’irnçfâïicable de lTnfcnptionj'ideîfaiix.
Ç e n ’eft pas'la .-prémïei;e fois 'qüe les fuppôts ‘dü "Fer
mier ont em ployé des ruies poiir attirer des. domiciliés
à 1^ Çommifiîon de Valence , & mleur faire éprouver un
fori' bien plus t r i f t eque celui ^ i n l leur faifoit annoncer.,
EiitV.aotres exemples'faits •pour inÇpirer d é l a terreur à
ceux'q^i*fo’rit tra^luits à 'cetté t ô m m iffio n '& 'q u e je ri’împute ni à Tes Juges , ; ni'a' l’intention des Fermiers G é n é
raux , mais à la "fourberie & à la dureté de leurs E m p lo y é s,
trop! âccouturrtés & trop ingénieux à les 'tromper , celui ’
du y.ièux l ^ i n c a r d a i r i v é en,' i 769 , ëft'énco're préfeht'àf
la îjnetiipirç1 de tQ.ïïslës liâbitants'dë cette rPrdvihce.‘ Ij('
C et lïorrime âgé.,de fôixhntë-qulnze a n s, éft'âccufé en
î 769 d’avoir vendu du fel à Vertai'fdn, ou la vente en eft l'ibt-'e
tout comme en cette V ille , à un particulier qui à fon irifu en
avojjp-Fait. le vërfemërit dans le Fôréz , pays de petites
Gabelles ; Il eïl po u rfüivi c olri me F à ux^- fa un ie r par la Com miifioiv de V aleace , il.refûfp .cl y ço.mpàroître & T e ' tient
caché. U n Capitaine Général *fe' rend''A ‘Vértâifon avec ,
une bande’ de 2 0 ’ Gardés : il s’anno'nCe comme-uni A nge'
de paix. Î1 propofe un accommodement amiable à la fa
mille de T rin c a rd ,, moyennant .1500 livres': la propo
rtion éit'acceptée , l’argent reçu par J e ' Capltaiiie (géné
r a l , lui ‘S rT a 'Troupe foin' régalés. 'Dans jl.e ’ re'pà|s. le
Capitaine remarque qu’il feroit a. propos que T-rincàrd fut
de la fete. O n le fait entrer , Tés enfants
tous les af-
�19
/
fiftarjts clu pa.ys. verfent des larmes de joie. L e C a p it a i dc Général Saifit cc V ieillard , le couvre dç chaînes, l’ar
rache du fein de fa famille éplorée & refte inflexible auxcris
l’amentables de tous lesfpe&ateurs. Il eft donc clair que mal
gré la légéreté du décret décerné contre moi , toutes les
circonstances prouvent qu’il contient une injuftice
manifeite,
P reu ves de £atteinte que le décret a p o rté à mon honneur
& à mon repos , & du p réju d ice qu'il nia ca u fé dans
ma fo rtu n e.
Etant confiant que je fuis A vo cat & R eceve u r des. C o n
signations _auxSiegçs de T u l l e , que la Fetme rp’a ftit dé
créter par une Commiflion qui ne peut juger que
des Contredandiers errants & vagabonds , ou des domi
ciliés qui , en faifant la contrebande , auront commis des
crimes fufceptibles d'être jugés prévôtalement, il eft dé
montré que ce décret a considérablement compromis mon
honneur , & m’a fait perdre la confiance que j ’avois acquifc par une conduite irréprochable & un travail de plu
sieurs années.
Au bruit que je fuis décrété par un Tribunal redouta
ble par fa févérité., & l’abréviation des form es, dont la
moindre peine qu’il prononce eit toujours affliftive , ne
dois-je pas pafler pour un grand criminel ? Il n’-eft perfonne qui à l’annonce de mon décret ne me regarde com
me flétri d’avance par le crime , en attendant que la flétriflure foit prononcée par un jugement ; & quelque ré
paration que la C our m’accorde, le coup que les injufles
pourfuites du Fermier ont porté à ma réputation marquera
bien long-temps.
L a vexation qu’il me fait efluyer a entièrement troublé
mon repos, en me caufant le plus v i f chagrin , & en jettant
dans la crainte & la déiolation ma femme & ma famille ;
tous ces malheureux accidents ont donné de violentes fecoufles à ma fortune ; la perte de la confiance y à fait un
échec irréparable.
L e féjour eue j ’ai fait en cette Ville pendant plus de*
C i
�10
huit mois pour la pourfuite d’une affaire qui intéreffoit
ii eiTcnnellement mon h on n eur; celui que le Fermier me
met dans le cas d’aller faire à la fuite du Confeil de Sa
M a j e i é , pour faire révoquer l’Arrêt qu’il y a furpris, font
faits pour achever ma ruine.
Q u ’iL me foit permis de repréfenter à la C o u r que pour la
toucher en ma faveur je n’ai pas eu l ’orgueilleuie témérité
de me placer au deffus dema véritable poiïtion.Pour manaiffance, j ’appartiens à ce qu’il y a de mieux dans la R o b e &
dans l’Epée en la V ille T u lle. Je ne fuis pas A vocat de nom
fimplement ; j ’âi l’honneur d’exerçer. cette honorable & laborieufe Profefiion avec toute ladélicateffe & toute l’exa&itude que requierent fes importantes fon dions. Il ne me
convient pas de parler de mes fuccès dans la carriere que
je fournis. Les certificats de l’Ordre dont j’ai l’avantage
d’être membre , des Officiers du Préfidial , des Maire 8c
E ch evin sd e la V ille de T u l l e , qui font imprimés à la fin de
ce M é m o ire, annoncent le rang que je tiens dans mon état.
J e puis ajouter à toutes ces atteftations que j’ai mérité "
l’honneur de la confiance , dans la partie des impoiîtions,
du grand Magiftrat Départi dans ma Province pour foutenir & accorder les intérêts du Souverain & ceux de fes
S u je t s , & qui eft à tant & de fi juftes titres eftimé de fon
Maître & adoré des Peuples du Limoufin , & que ce
digne Perfonnage a bien voulu recommander mon bon
droit à l’illuftre Magiftrat Préfident de cette C o u r
augufte , fou Confrere , qui de fon côté fait tous fes
efforts pour rendre heureux tous les Etats de fon D é
partement , où il eft univerfellement chéri.
Cependant j’ai la douleur & l’humiliation de me vo ir
confondu par le Fermier dans la claffe des gens q u ’il re
garde & traite comme d’infignes criminels. Les dix mille
livres de dommages intérêts auxquels j’ai conclu , feront
donc un foible dédommagement des maux de toutes les
efpeces que le Fermier m’a eaufés. Signée R E I G N A C .
M o n fcu r S A V Y
,
D u
R apporteur.
g
a
s , Procureur.
�J % J O u s , Préfident , Lieutenant Général , & Officiers
I l au Préfidial & Sénéchal de la V ille de T u lle, cer
tifions à tous ceux qu 'il appartiendra que M e. R e ig n a c ,
A v o c a t , Receveur des Confignations, fréquente notre
Barreau , plaide affulument à toutes nos Audiences ; q u il
sefl mérité nos fuffrages par f a façon de fe conduire dans
l'exercice de fo n miniflere , que nous avons vu avec déplaifir quon l'a impliqué dans une affaire pendante actuel
lement au Confeil Supérieur de Clermont, ce qui l'a obli
gé & l'oblige encore de s'expatrier pour la pourfuite de cette
affaire, ce qui ne peut que déranger infiniment fe s affai
res ; en foi de quoi lui avons donné le préfent certificat,
pour fervir & valoir ce que de raifoti, auquel avons fait
appofer le Sceau de la Sénéchauffée & fa it contrefigner par
notre Greffier. F a it à Tulle dans la Chambre du Confeil
le 1 4 Août i j j 2. Signés, D e f e n t s d e L a f e u i l l a d e ,
Président; D a r l u c , Lieutenant Général ; S t . P r j e c h
D E S t . M u r , Lieut. Gén. de Police', A u d u b e r t ,L ie u t.
Crim. F o r t 1 E R , D oyen ; M e l o n d e P r a d o u ,
D e v i a n e , L oyac d e la S u d r i e , d e B r a c o n a c ,
Confeillers ; B R I V A L , A vo c. & Proc. du R o i. P a r la
Chambre , C H I R A C , G réf. en chef.
N
' O u s fouffignés, Maire & Echevins de la Ville de
T u lle , certifions & atteflons à tous ceux qu’il appar
tiendra que Me. R e ig n a c, A vocat & Receveur des Confignations près les Sieges R o y a u x de cette V il le , y jouit
d’une très-bonne réputation & de toute la coniidération
qui eft due à Ta profeflion, & que nous avons vu avec
bien de la peine qu’on l’ait impliqué dans une affaire dont
la décifion eft foumife au Confeil Supérieur de Clermont ;
& qu'il n'eft jamais venu à notre connoiifance que ledit
M e . Reignac fe foit jamais trouvé dans aucune affaire où
il ait été inculpé , fes mœurs & fa conduite étant irrépro
chables ; en foi de quoi lui avons délivré le préfent cerv
�*
22
i i f î cat, auquel avons fait appofer le Sceau de la V ille &
contre-iigner par notre Secrétaire. Fait à l’Hôtel de V ille
le 1 4 Août 1 7 7 2 . Signés, D e f e n i s d e L a f e u i l l a d e ,
M aire ; L a n o t , Ëchevin ; L e y x , Echevin ; S a g e ,
E ch evin . Par Meilleurs , B e r a l , Secrétaire.
T O u s fouffîgnés , Avocats en Parlem ent, fréquentants
le Barreau du Ptéfidial & Sénéchal de la V ille de
Tulle , certifions & atteflons à tous ceux, qu'il appartiendra
que M e . R eign ac, notre confrere, efl très- ajfidu aux A u
diences, q ù i l y plaide exactement &f qu'il jouit parmi nous
de toute la cotifidération qui eft due à fo n état ; nous avons
vu avec beaucoup de mal au cœur quon l'a impliqué dans
une affaire pendante au Confeil Supérieur de Clermont y
ce qui depuis cette époque l'a empêché de vaquer aux fon c
tions de fo n état, & dont la pourfuite dérange extrême
ment fe s affaires, en f o i de quoi nous avons fîgné le p ré fent certificat, pour fe rv ir & valoir ce que de raifon. A
Tulle- ce 1 6 A o û t z y y z . S i g n é s D e f a r g e s , ancien
M aire de la V ille , D o yen des Avocats ; D u M Y R A T s.
Syn d ic ; L a n o t 3 V ï a l l e , R a b a n i d e , S t . P r i e c h
de St . A g n e, M augen de S t. A vjd , D uval ,
F ez , F augeron , S artelo n, Vi l l e n e u v e r
C h i r a c & B r i v a l , Avocats.
Légalifé par M . D a r l u c , Lieutenant G énéral.
N
O u s fouiîignés, Procureurs en la SénéchauiTée &
Siege Préiidial de lu V ille de T u lle , certifions à tous
qu’il appartiendra que M e. R e i g n a c , A vocat en la C o u r ,
R e c e v e u r des Confignations èfdits S ie g e s fr é q u e n t e le
Barreau & plaide pluiieurs & différentes Caufes à chacune
des Audiences tant civiles que criminelles, qui fe tiennent
régulièrement dans nos Sieges ; qu’if jouit de la coniklération & réputation qui eit due à fon é t a t & profeifion , 8c
que nous avons vu avec beaucoup de peine l’affaire ac
tuellement pendante au Confeil Supérieur de C le r m o n t,
o ù l’on l a impliqué.; que. fe trouvant obligé de fecourir
�par lui-même fa Caufe , cela lui occafionne divers vo yages
à C lerm on t, & -par là il ne peut vaquer aux fon ctions de
fon miniftere ; que cela nous a même empêché de pourfuivre
diverfes affaires,& même obligés de demander des délais dans
.d’autres affaires q u ’il fe trouvoit chargé de défendre , par la
confiance que les Parties avoient en lui étayée fur fes vrais
mérites, & q u ’il a été obligé de nous remettre bien des pro
cédures , foit en demandant & en défendant, & dont nous
ne pourrons obtenir de jugement à caufe de l’approche
des vacan ces, & que cette abfence lui occafionne un dom
mage très-confidérable par la ceffation de fes affaires, foit
a u x Audiences, dans fon Cabinet, & finalement par les
médiations des parties entre A v o c a ts , en foi de quoi avons
délivré la préfente atteftation des plus finceres , pour ferv i r & valoir au fieur Reignac ce que de raifon. Fait à T ulle
le 1 7 Août 1 7 7 2 . Signés , S u d o u r , Vieux , D o y e n ;
F l o u c a u d , Sous-D oyen & S y n d ic ; L u d i e r e ; J u y é
d e L a b e s s e ; V i l l e n e u v e , V ieu x, Syndic; O r l i a g u e t ;
P a u q u i n o t ; S u d o u r , Jeune ; G u i r a n d e , Procureurs.
L éga lifé p a r M . D a rlu c, L ieutenant G énéral.
A
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
l’imprimerie de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur des Domaines
du Roi, Rue S, Gcnès près l'ancien Marché au Bled. 1773
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Reignac, Jean-Léonard. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Savy
Dugas
Subject
The topic of the resource
abus de pouvoir
foires
vexation
dommages et intérêts
médecine légale
violences sur autrui
collecte de l'impôt
compétence de juridiction
commission de Valence
contrebande
faux-sauniers
troubles publics
témoins
fiscalité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié pour maître Jean-Léonard Reignac, avocat en Parlement, Conseiller du Roi, receveur des consignations aux Sièges de la ville de Tulle, demandeur. Contre sieur Julien Alaterre, adjudicataire général des Fermes unies de France, défendeur.
Table Godemel : Dommages-intérêts : 3. Fixation de dommages intérêts résultant de vexations ou de poursuites criminelles devant des juges incompétents, d’un décret injuste, et de l’atteinte portée à l’honneur du demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
Circa 1771-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0434
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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A language of the resource
fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tulle (19272)
Courpière (63125)
Rougnat (23164)
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abus de pouvoir
Collecte de l'impôt
commission de Valence
compétence de juridiction
contrebande
dommages et intérêts
faux-sauniers
fiscalité
foires
médecine légale
témoins
troubles publics
vexation
violences sur autrui
-
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1c0cb9e3a97d349c17ce8cd3a698e8b2
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G A S v e uv e de Gi l be r t
Barthom euf i n
C O N T R E J e a n -Bap
t i st e
Appellant.
t i m
é
e
Ba r t h o m e u f ,
Et contre F r a n c o i s
G abriel - A djutor
B a r t h o m e u f Intervenant
.
A près avoir fi fou ven t en ten du Jean
Baptifte Barthomeuf peindrere fon pere
c o m m e un vieillard imbécille pour
l eque l t outes les Volontés d’Anne Gas
étoient, des loix , apres a voir fi fouvent entendu ce
fils ingrat reprefenter ce père com m e un vil au
tomate , qui n a ete qu un inftrument de ruine pour
fa famille , on
n'apas du être fu rpris de ce que
f a Belle-M ère n 'eft a fes y eux, qu une marâtre
,
�l -AV
1
•arcificicufc, intéreiTcccruelle ; -piais ce qui eton:ncra fans doute c’eft J ’i'njù-tice des reproches dont
il accable cette malheureuie Veuve , c’eitTinjuiïice plus révoltante 'encôrè des demandés qu’il lui
forme ; c’eít en-fin la barbarie avec laquelle il la
traite^depuis longtemps.- Si la chaleur avec laquelle
jon 'a déclamé contre elle-avOit pu .produire FefFet
que fes ennemis en attendotent, ii la calomnie e'toit
parvenue à donner d’elle l’idée qu’elle vouloit en
donner-, il- efb temps que ces.injuftes préjugés difparoiiîent^ &L que l’infortunée qui réclame ici la
prote&ion de la C o u r , fott vengée avec éclat dé
l’inhumanité de fes oppreiTeurs. , vl
;
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A
l
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. . ,
Gilbert Barthomeuf, marie en premiere noccs
avec M agdelaine V-enteïon ,. en a eu Jean-Baptiffce & François-G^briel-Adjutor Barthomeuf.
Magdélainé" Ventelori étant décédée, Gilbert
Barthomeuf fc remaria avec Anne, Gas. Depuis ce:'dernier_‘>mánáge,''qúi*.fe fit au cpmmencenjerit 'de 17 6 0 , A nne G a i'a ' moins regar
dé les enfants de foii mari comme les .enfants d’une
étrangère que comme Tes propres' fc n iW s f& ils lui
rèndroîént euxr memeis cette 'juíVicC,'fi! úrí'criminel
intérêt n êtôuÎoiiPpas.it :c i i :d'é!îàJv,évité'dans leuV
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bouche.
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'' 'L a 'm a ïfô n c îe G ilbert B at^prticiïf étaniideve
nue 'p lu s^floriítante p a f 1<& íóínk de fa rVouvell^
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3!‘ .
. . . .
-
épouiè y il crut que la* recohnoifïàr.ce exigeoiin de*
liii qu’il l’en récompenfât ; il fit en coniéquence
un -teilàment le 27,(Septembre 17,6.5
par .ce'teftament il l’inftitua ion héritière par égale por-:; tion avec.Tes deux- enfants. Inde irœ., hinc.prima)
mali labes :vQ\\h. la feuler :caufe de ■
cette haine ■
inflexible que Jes parties adverfes( ont vouée à
A nne Gas ; voila pourquoi leàn-Baptifte BàrdiOrO
m eu f infulte à la mémoire de fonipere; ‘ivoilà pour-j
quoi ce pere i\’eft plus poiir luivqu’unb machine
qu’il fait gré au temps d ’avoir briiée , 6t dont il :
foule froidementt les ; relies..aux ripieds. . oq .,y, J.
- TGilbert Barthomeuf; 11’çft <mort que., quelquesannées après; le teiïamentrdont on vient de îparler.jp
les biens iqu’ib laiilà demeurerent indivis ;entrej.fa
veuve ôc fes enfants juiqu’au mois: de Janvier
1.772; mais à cette époque; ilsifurent tous parta-U
g é s, à l’éxceptiqn de ion;vin , qui ia été vehdii de-j
puis , & de,.les cu ves'& 'tonneaux qui iotit! encoret
dans le même état ou ils éroient alors.
La maifon qu’habitoit Gilbert Barthomeuf étant
échue a Anne G a s , elle ÿ continua.pciur ion comp
te le commerce qu’elle faifoitc auparavant poun la.;
communauté.
-* <
. i ‘»ri
Jean-Bapti lie Barthomeuf vôuluV auiTi eilà /er
de tirer parti des marçhandifcs qui e'toierit tombées
dans fon lot ; il buit hictt'icfîèt, ime;bo1u tiqub7 ôct
quoiqu’il- ne dût pas; s’y ennuyer , paiiquïil - n’y j
étoit jamais.,-il ne carda*pas de la>quitteV'pinir en»
prendre une autre , 0 1 1 par la même raiion, il ne
A 2
;
�4
dévoie pas s’ennüÿér davantage , 6c où pourtant
il fe déplut.encore. Toujours e rra n t, jouant fans
c.eiTe;, il marchoit à grands pas vers fa ruine ; il
s’en apperçut apparemment dans un de ces inftantsde réflexion ^auxquels-l’h o m m e'le plus diiïipéne
peut pas fe dérober; la peripecïive qu’il entrevit
l’effraya. rIl ie jetta aux genoux d’A n n e G a s , de^
cette A nn el Gas qu’il a. enfuite indignement vexée-,
qu’ils repréfente ¿aujourd’hui comme
un
monftre ; il lui avoua le défordre- de fes affaires;
il la conjura au nom de l’attachement qu’elle coniervoit pour la mémoire de fon mari de le laiiTer *•
demeurer avec elle , &: cette" femme trop indul
g e n t e . -pour pouvoir réfifter à >fes prieres & furtoutüà fes larmes,, confentit à tout-ce qu’il defiroit.
•; C o m m e il lui avolt promis une penfion de 30/
livres par m o is , il. ne- fongea pas-à la dédoirfma-1
ger de fa dépenfe par fon travail ’; il fe livra de-*
nouveau.à. fon goût, pour l’oifiveté & -p o u r le pla'H
fir , & il ne parut chez elle que deux fois par jour,
a midi & à huit heures.
- ^
- C o m m e n t l’arracher à l’inertie dans laquelle i l J
éioit plongé ? C om m ent rompre en lui cette habi
tude de ne rien faire qu’il avoit depuis fi long-*
temps contraâée ? C om m ent enfin briler le talis
man . qui Tenchàînoit dans ces lieux où l’attrait
impérieux du! jeu raiîêmbloit fes ¿mis? À n n é Gas
eiperé’q u e ’l’amour fcrarce prodige; elle‘veut le ma
rier , elle lui propofe c e ip ro je t, il y , fouie rit : il
recherche pluiieurs de’ fes concitoyennes, il- c n e it ,
_ A
t
t
*
�re fu fé , parce que fa réputation l’avoit devancé ; il
fent qu’il faut ou renoncer k trouver une compag
ne ou fe réhabiliter dans l’opinion publique ; il
prend un maître Diftillateur qu’il amene manger
avec lui chez fa Belle-Mere , emprunte d’elle de
quoi acheter des eaux-de-vie
d’autres choies
dont il avoit befoin , apprend à faire des liqueurs,'
en f a i t , les v e n d s, en touche l e ‘ p rix , le garde'
& ne paye ni ia peniion ni celle du Diftillateur
qui lui avoit enfèigné ion métier : il ne croyoit
pas encore être en iocieté de commerce avec A n n e
Gas ; ce n’eft que depuis quelques mois qu’il a rêvé
cette prétendue fociété.
En paroiiTant plus attaché à fon é t a t , il étoit
apparemment parvenu à d iflip e r, au moins en
partie , les idées défavantageufes qu’on avoit con
çues de lu i, car il s’établit enfin avec JeannePerrete-M ichelle Gaudin.
Q uelque temps après ce m ariage, dont A n n e
Gas fit tous les frais, Jean-Baptille B arth om eu f
6c fa femme s’étant unis pour tyrannifer cette
même A nn e G as,- elle fut forcée de leur déclarer
q u ’elle vouloit vivre feule, & qu’ils n’avoiènt à
ce moyen qu’à fe retirer chez eux.
Irrités tous deux de ce qu’elle ofoit fe laflèr de
leurs mauvais procédés , ils conipircrent de la
chailcr de fa propre maifon ; ils firent plus, ils
l’en chaifcrcnt en effet dans les premiers jours du
mois de Janvier dernier, & quand elle en fortic,
elle ne put obtenir d’eux qu’ un état des meubles
�6
&c des marchandées q u ’elle n’avoit pu renfermer
dans fa ch am b re , dont elle emporta la clef, après
avoir m i s , de concert avec e u x , une eipece de
icellé fur la porte ; fans afyle , fans a r g e n t, révol
tée de l’ingratitude de Jean-Baptifte Barthomeuf
- ôc de fon ép ou ie, elle alloit implorer iur le champ
l’autorité de la Jufticc contre eux. O n lui fit ac
croire qu’ils étoient difpofes à terminer à l’amiable,
&: elle fufpendit fes pourfuites. Elle vit qu’on la
jouoit, elle les reprit, & Jean-Baptifte Barthom eùf
fut a lig n é en la Sénéchauiiée de cette V ille le 17
du même mois de Janvier dernier.
L ’aSion qu’elle lui forma ten d o it, 1°. h ce qu’i l .
fut.tenu de déguerpir de fa m aiion, de lui en.laiffer la-libre jouifïànce, de lui laiiler en même»
temps celle des m archandées, meubles , effets ,
titres, livres de compte &: papiers généralement
quelconques qui étoient demeurés chez elle quand
il l’en avoit expulfée, <5c qu’au cas où il auroit
dégradé ou diverti les uns ou les autres des objets
qui viennent d’être déiignés, il feroit obligé d’en
payer la valeur à dire d’Experts.
a°. A ce qu’il fut également tenu de lui rendre
1 0 7 3 livres 1 5 . lois qu’elle avoit débourfés pour
lui lors de fon mariage. (<7) .
30. A ce qu’il fïic condamné à lui payer l a ’
iomme de 885 livres ,■a laquelle elle fe reftraig( . j ) O n v e r r a dans la requêre du
Janvie r de r ni er le détail
des différents articles de d é p e n f e qui c o m p o f e n t cette f o rn m e ,
�noir, tant pour fa peniion & celle de fa femme
que pour celle du ^Maître qu’il avoit pour appren
dre a diitiller.
4.0. A ce qu’il fut aufTi condamné a lui rendre
la fbmme de r o i 1 liv. 6 f. .qu’elle a payée à fa
décharge à différents Particuliers, dont elle rap
porte les quittances.
<j°.; A ce qu’il fût contraint à lui rendre ce
qu’elle avoit débourfé pour payer les impofitions
royales des biens dont il jo u it, &. pour faire cul
tiver* ces mêmes biens , dont il a feul perçu* le
produit.
6°. A ce qu’il fut condamné à lui payer 4000
liv. de provifion.
I l n ’eft pas une de ces demandes qui ne fut intômeftâble, cependant, comme elle connoiÎfoit l’en
têtement de ion A d v e r fa ir e , elle prévit que quel*
•ques juftesique puiïent être fes différents chefs
*de con clu fion s, elle alloit eiluyer mille chicanes!*
elle penfa donc qu’elle devoit chercher avant tout
a rentrer chez e lle , & a jouir de ce qui lui appartenoit ; elle préfenta à cet effet, le 16 Février
d ern ier, une requête à la Sénéchauffée de cette
V ille -,-p a r laquelle elle conclut premièrement à.
être provifoirement renvoyée en poiîefTion^de i^
Triàifôn , & a ce qu’il fût en cdnféquencê"brcion
né à Jean-Baptifte B arth om eu f & à* fa femm
d’en ' fo rtir à la première fom m atibn'qui leür
feroit faite
finon qu’il lui feroit p erm is; d
prendre m ain-forte pour les:.en -expulferuSeconf
V
�8
d e m e n t, à être pareillement renvoyée en poiîèfiîon de tous les m eubles, effets, marchandifes
& papiers qui étoient demeurés dans cette maifun lors de ia fortie , & à ce 'qu’il fut dreiTé
procès verbal du to u t,a in ii que de l’état oîi fe
trouvoit la fermeture de la porte de là chambre,
* Jean-Baptifte B arth om eu f n’ayant pas jugé à
.propos de comparoître fur cette demande provi
so ire , elle obtint contre l u i , le 22 du même mois
de Février dernier , une Sentence par défaut qui
lui a4jugea les conclufions qu’elle avoit priiès à
cet égard.
- A p p e l de cette Sentence en la C o u r par JeanBaptifte Barth om euf, dont le principal objet étoic
d ’éloigner la décifion de l’affaire. A r r ê t contra
dictoire du i ^ M a r s aufli derrfier , qui la coniîrr
me , à laj charge néanmoins parr A n n e Gas de
Jaiiièr à Jean-Baptifte B a rth o m e u f, pendant fix
m o is, l’appartement &: la boutique qu’il occupoii:
dans fa maifon.
M algré cet A r r ê t , Jean-Baptifte Barthom euf
.a gardé tous les meubles & toutes les marchan
dées d’ A n n e Gas , & ne lui a laiiïé l ’ufage. que
d’une feule chambre. Il a été dreile procès ver
bal de rla réfiftanec .qu’il ,a oppofçe aux décrets dç
la C o u rs ainii que^de l’ouverture qu’il a faite de
la chambre dans^ laquelle A n n e Gas avoit enfer. ip q ;fç£ J ? ijo u x ,.fç s;cpu verts 4 ’tf.rgcnt 7 fès dentel
les ., &cc. (a ) M ais il n’en a pas moins periifié
•'(j) Cctte^ niéme'joiivürturc ûil conitjtée, i°. par lü prjocès
dans
�dans ia rébellion aux ordres des Magistrats fou Verains , devant lefquels la conteftation eft pend a n té ,r & A nn e G a s } dont il menace tous les
jours la v i e & qui a dès-lors le plus grand
v e r b a l du 1 6 Mars dernier. 2°. Par une i n f o r m a t i o n faite à la
SénécliauiTée. O n a e n l e v é à, A n n e Gas , n o n f e u l e m e n t les
b i j o u x , les c o u v e r t s d ’a r g e n t & les d è n t e l l e s - q u e n ou s v e n o n s
d ’i n d i q u e r , mais e n c o r e f on l i n g e d e t ou te e f p e c e , & une
m u l t i t u d e d ’autres effets ; & c ’cft après cela q u ’o n a l ’a udac e
d e fe p l a i n d r e d ’èl le.
!
(a) J ea n- B a p ti ft e B a r t h o m e u f n e m an q u e r a pas d e fe récri er
c o n t r e cette i nc ul pa t io n :>voici p o ur t an t ce qui eft arrivé.
Il y a e n v i r o n d e u x m o i s cJu’A n n e G a s , - fe r eti rant ch'ez'elle
a v e c fa g a r d e , fur ies n e u f heures du f o i r . , t r o u v a la p o r t é
d e la m a i f o n f e rm é e ; e ll e h eur t a p lu fi e ur s fois fans q u ’ o p
v o u l û t l ’e nt e n d r e : l a ' d o m e f t i q u e , qui s'a'pperçut q u ’élie appell oit les v oi f in s , a y a h t enfirt r é p o n d u , Jean-BajStîfte Bai tÎi oü
f l i e u f lui cria '. A tten d s , c 'e fl moi. qui ouvrirai à cette B . . . .
ïà ; & il o u y r i t en effet ; mais à p ei ne é t o i t - e l l e entrée , que
l ’entraînant a up r è s - d e l ’e f ca li er , il dé c hi ra f e s- v é t e m e n t s fur
plie , & la f r a p p a avfcc i l- pe u d e m é n a g e m e n t , ’ q u e fa g a r d e
& la n o m m é e G o m e t l ’e m p o r t e r e n t d e h o r s fans i e nt i m e nt &
fans c onno if f a nc e .
L e ' j o u r m ê m e q u ’el le rentra c h e z el le en ve r tu d e l ’A r rê c
d u 1 9 M a rs de r ni e r , elle e f f u y a une i nf ul t e e n c o r e plus
v i v e , q ue la n o m m é e G o m e t p e ut e n c o r e attefter ; un autre
j o u r . . . . m a is i l f à u d r o i t écri re des v o l u m e s ; ii l’on Vouloir
r a p p e l l e r tous les outrages q u ’el le a ef fuyés : o n les niera ces
out ra ge s . P o u r fentir la foi que mérite cette dé n éga ti on , il fuffic
d e jetter les y e u x fur un écri t q ue Je a n- Ba pt i ft e B a r t h o m e u f
e n v o y a à fa B e l l e - M e r e , après une des fcenes d o n t no ils v e
n o n s d e parler. L e v o i l à cet écrit :
. J e fo u jfig n é reconnais , p a r un p eu trop de vivacité , avoir
m anqué de refpecl à ma B e lle - M e r e , dont j t me répens , & j ’a i
lieu d ’efpêrcr que p a r f a clémence ordinaire elle voudra bien ou
blier ma trop grande prom ptitude , & de me prendre fo u s f a m a
ternelle protection. J e la p r ie de ne p a s m 'abandonner ; j e liii en
a u ra i une éternelle reconnoiffance' : & c e f l dans ces gentiment s
ÿue j e J u is , & fe r a i toute ma v ie , fo n \élé & fid ele fe r v ite u r , Q
�intére tà é lo ig n e r d’elle un voifm auiïi dangereux,'
eft obligée de pourfuivre en la C ou r , a confir
mation définitive d u ; jugement provifoire de la
SénéchaufTée,,, d u ^ v f ' e v n e r dernier. • _
Jea'n-Baprifte Barthomcuf, pour retarder Ta con
damnation Taimamne^ "de faire intervenir FrançoisGabriel-Adjutor Barthom cuf en la caufe & de lui
Faire vdemander .un nouveau partage, ta n t. des-imi
meublas-que dés meùblesi1 & des marchandifes de
là fiicceiïion de Gilbert "Barthomcuf, -leur ..pere :
il l ’a enfuite fait départir de cette demande quant
a u x ’ immeubles , mais il l’a; laifle fubfiiter .quant
aux meubles & aux marchandifes. I l y a plus ; il
à oie ioutenir qu’il étoit en. ipciété.’de"commerce
avec A n n e Gas j
non content de vouloir,'à’ce
m o y e n , partager avec elle les marchandifes qui
fo n t tombées dans ion lpc .ôc celles, qu-elle-y a-join-f
tes depuis lé mois dé Janvier, il lüir;a en ' mcrac^
■
. , • .. riji <*t. L . iO' 'r •
i
%.in*
•*
temps forme une roule d autres aemandes*în ,
t
L a caufe a été portée a l’Audïence du 6 de ce
mois ; elle a été continuée le 8 ; on a prononça
un délioaré : comme rafFaire n’eit pasi iniiruite aii
1
MO
f i j ’oje me Jla tter cf un p a r e il litre ) Jpn irèsrjiu m iïc , très-ohéijf a u t , três-refpcchieux & très- d évou é F ils.
S ig n é , B A R T H O M E U F .
C e t h o m m e . qui p romet çoi r,i ifl e .éternelle recomgi^an^e > ce
\éU & 'fi& T t'ferv iiéu r , çe tr ès-h u m b le'très-o l> èiff.a rÿ 'ti tres-refipéciueux § i très-dévoué 'È its. n e ic ofouyient g j ù s . g u e r q - n i d e
c e qu'il \ Î j lire, ».ni* .des. qualités qu.’ il .s’çfl d on n é e s ; Anne. .Gas
efl: cjepeiVJ<1nc/ au'jo\irdMùù,/ç Jx q u ’cjjp, ctpit ai ors j'nv^s o n ne
la voit' pjus' /cles m ê m e s ÿ çt i x : o n a . t r u q u ’en la c a l o m n i a n t
pn p o u v o i t la ruiner^ & l ’ on n’ a p a s h é f i t é ^ o n l ’a c a l o m n i é e .
...............
d
�fo n d , & qu’en tout état de caufe il e(l de la plus
grande importance pour A n n e 'G a s qu’on ne 's’erï
forme pas une faüffe id ée, il éft indifp'enfable de
Retracer ici lés principes qui doivent -fervir dé ba1
fe a la décifion de la cohteftation.
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il^ étoit certain que la Ccnir n?évoqùera‘ pas le!
principal., on fe borneroit à établir que la Sen
tence de la Sénéchaufïée a bien ‘jugé-, en ordon1nant qu’ A n n e Gas ieroit-par'proYi^orí,- renvoyée
en poileifion de fa maiion, de fes meubles & de
fes marchandifes, & cette tâche ieroit d’autant
plus facile a rem plir, qu’on eft en état de démon
trer q u ’il y a réellement eu'ün'pàrtage/de'la-to,talité de la iucceiiion dé G ilbert Barthomeuf; ique
la maiion dans- laquelle cette Sentcnce' renvoya
A n n e Gas eft tombée dans fon ' l o t ,
‘ que rou
tes les marchandifes & tour le mobilier qui y étoient
lors de ia iortie lui appartiènnent : mais comme la
C o u r pourroit ionger h. évoquer le principal, on t
ne s’en tiendra pas la ; on prouvera’'encore qu’il n’y'
a jamais eu de iociétc entre A n n e Gas & Jean- Baptifte Barthomeuf ; que celui-ci doit par conféquent
h celle-là la totalité dcst différentes iommes qu’ellelui demande ^non feulement pour fà peniiôn, celle?
de fa fçmme & fcelle du Maître diltillateür qu’i l
avoit pris, mais,pour les dépenfes qu’elle a faites
à l ’occafion de*fon mariage ? pour les dettes qu’elle'
B 2
�Vf
i l
a acquittées à fa d éch a rg e , pour les impofitions
royales de fes biens qu’elle a payées pour l u i , &
pour les frais de culture de ces mêmes biens qu’elle
a toujours avan cés, quoiqu’il en retirât feul le
produit. O n prouvera enfin que de tous les chefs
de conclufions que Jean-Baptifte Barthom euf a
dirigés contr’e lle , il n’en eft point qui puiiîènt
être accueillis que celui qui concerne une iomme
de 500 liv. qu’ A n n e Gas a touchée du fieur de
Montuclas , & celui qui a pour objet la remife
des titres relatifs aux biens échus au lot de ce
même Jean-Baptifte Barthomeuf.
r
§ •
r -
Q u i l y a eu un partage de runiverfalité des biens
de la fuccejjion de Gilbert Barthom euf, & que
la Sentence, de la Sénécluiitjfée , du Z Z Février
dernier, a bien ju g é.
O u i , il y a eu un partage non feulement des
immeubles, mais encore de la totalité des meu
bles & des marchandifes dépendants de la fucceifion de Gilbert Barthom euf, & il en exifte une
foule de preuves, d’après lefquelles il a ’eft pas per
mis d’en douter.
L e 11 Janvier 1 7 7 2 les Parties partagèrent
leurs immeubles ; le lot d’A n n e Gas fut compoie ,
i°. d’une maifon iitiiée auprès de l’Hôpital G é
néral de cette V i l l e , &c cette maifon eil celle dont
�11 s’agit dans la Sentence de la Sénéchauffée. a 0. D e
12 œuvres & demie^de v ig n e , fituées au territoire
de Montjuzet. 3 0. D e. G autres œuvres de vigne,
au territoire des Neuf-ibleils, 4 0. D ’un journal -de
terre,- appelle le-terroir dë..la V ig n e & les lots
de Jean-Baptifte & de François-Gabriël-A'djutor
Barthom euf furent composés d’objets équivalents.
V1 , 0 o partagea ien m êm ë-tëraps, quelques effets
&c.) quelques marchandifes, 6c[ la portionrd’A n n e
Gas dans ce partage confifta en 98 livres "de pou
dre fine, 12 rames de papier commun & 10 poin
çons de vinaigre , auxquels on joignit! la gravelle
cjui étoit dans le grenier délia m a i i o n q u i l u r étoit
échue ;>les effets & marchandifes >qui’étoient dans
le grenier d ’iine autre, m aifon, fituée rüe de l’A n
g e , diftra&ion néanmoins faite des vieux drapeaux
qui s’y trouyoient, ô i les deux tiers des fommes
dueSjfur.le livre du commerce de. Gilbert Barthbm eu f ,gleiqûels deux tiers v quoiqu’ils m ontaient
a 1 1 3 7 liv. 6 f. 8 den. ne furent néanmoins é v a
lués entre les Parties que la fomme de 1000 liv.
Jeanr Baptifte ¿cFrançoisrGabriël-Adjutor Bartho
m e u f eurent'de. leur côté* d’autres marchandifes Ôg
d’autres effets , dont la valeur étoit au moins égale;
C e premier partage qui embraile , comme on
v o it , la totalité des immeubles <Sç une partie des
marchandifes de la fucceilion xle Gilbert Barthonieuf ,'f t it fait b l’amiable par) la; médiation dit
fieuiiBenoît, Aumônier de I’Hôpital Général^-du
fieur D u la c , M archand droguifte, du fieur L a-
�. H
morte , Banquier ^ & du :freurrBl'aieyroh , C u r e
de Saint-Adjutor , & i l ,fut - configné-dans un écrit
,qui porte qilC' /d^ Partieb fon t canvmiies'' de faire
dncéÿ'ammetw & feins -conteflation "le partage- des
<mèubfes-,' li‘ïg-C:0 inarchandijes vin & autres■effets
q u i ;dénièïiroiènt indivis , & que les chofes - qui
.aviendroient l\ chacun des->Copartageants rejlexoîcnt ?gi:atuitemenz ju fq u 7aui mois ° de'-'iSeptembre
'alorkï. prochain r .dàns, lesAizu'xj oà 'clles\ j c trou-veroienty.fi, celui d 'm tn èu x^ à qu i elle s j éclierroiait
■ne p ouvoit pas les déplacer^
- 1
'
.L e fécond partage que la' cVeuve de'G ilbert
zBaccHomeuf ¿k les enfants--'étaient 'Convenus 'd e
fa ire :inceffainment fut - effeâivem eni fait lie l-]‘ dit
-mémomois: de Janvier ’derniéri^-c^eft-li-dire', 'deux
jours après-le premier. Uitenfiles de cuifirie, linge*
marchàndifesy Irts-y tôut -y fut compris ; il rie reiVà
<Tihdivis : que rqu elqLies futailles & quelqtieS’ créan
tes! y.éreuiesjî dont on chargea AnnelGas* decfoire \
fi elle p o u v o ir, le recouvrem ent, & chacun s’ap
propria en coniéquence ce qui lui étoit échu. Jn
écrit du fieur Blàtcyron , C u r é de Saint-Adjutorj
et rit qui1 e ftd u 30 A v ril dernier. r ôc qu?on trouyérap arm i les’ pieces d?A n n e G a s , en fournit une
preuve fans répliqué.
L es objets qui échurent à A n n e Gas font énon
cés .cjaiis un.autre é c r i t , fans date & fans figna^
tùrc.,-màis qui/èfti.conftammeht de la main dû
Jban’- Baptifte Barthomcuf j & quiayant pour titre,'
Inventaire des meubles, inarchandijes & •autres
42
�cl 5
effets appartenants à la veuve Barthom euf, trou
vés. d'arts Ja piaifoti., vis-jbvisd’H ô p ita l Gérpéml^
au.Fauxbourg.\deSilQrg$:, :.achey.e des démontrer
la réalité,du .par^agQAVl^Jtiivcrralité des. meubles»,
.effets r&c marchand.ife.s- qui cômpofoicnt la fucceflio n de G ilbert B arih o m eu f, à l’exception cepend^s tuv-ç^ ftàesjfusaille^ik de>.c.réâiTces'-üont
j l Tctpit yqyeftiç.nv i l ‘ij’y, a qi]!un )mom.è.nt.s.Cet autre
éçrit.-eft auifi -daps ,1e dôflie’n d ’A n n e jG a s .
t j ’A !
j ; C e/n ’eft pas tout', quand^cette. .derniere . fut
chaflèe de,chez elle par JeanrBaptifie B a rth o m eu f
j l lui: donna ,-eppirne iious lavon s déjà dit >,un état
de ceux de fes meubles, ôc .eifets qu’elle. rn av.oir pû.
renfermer^darisjià çtambçe^'. & ivoici '.ce/quo n
lit dans, cet é ta t, p a g r i^ & .,a4 5 jDans le cuvage
■de, la m aijon-dç faipt^ G epçs^ il ^ cjltrouyé. ■
deux
grandes çuyes %deitxmoyennesv & [une^ petite £ deux
cuvettes , une .grande & y.ne\ moyenne ^ vingv. ba+
choies , tanty bonites-\que\ inauvaife.s. d fa x sjenuxry
un- entonnçir de bois : ôç après =ces mots on trou
ve. jjy N p ta ^ Ç e^ j k ( ë l k k i & effhtç- fp n i n n h
d iyis m yA nous :Jy■ le^Jleur B m k o m a ifi, kC u d \
ce qui,prou ve ?qu,e- t&ut Iç^irefe avortété pâVtafgé.’y
car c’eit ¡une maxime connue que , inchïjio Ainitfs
cjl- 'çxclufio alterius.' :r-V
1
' r‘ . V-\T
?«7.tUa de. pliisVexillGVdâ’n s l e s ^pi'eôcs de
B a p t i s e . Barfhbrüeüf \m:. projet-' dVrrarigemei'jt^
fair>cbç2i JVL.vl'ixLet jrparldtjuôl :cèQ i c & è vJèan'B^ptiite Barthomeiih a ZftoTiriêMSnYoiit-'avoué Tes
deux partages dont on vient de parlée. T l e pro1
3
«J
�»
Y6
•
ri
jet d’arrangement, qli’on“a apparemment fouilrait,
,jkiifq'u’ori'en a déiavoué les difpofitions à la derniere audience où la caufe a été plaidée “porte en
propres termes* «que tJédn-Bdpti/ïe B a rthom eu f,
fa ifa n t tant pour l u i , que pour Frdnçois-G abnelA d ju to r Barthom euf ¡ fo n frëre , approuve, rati
fia
confirme le partage qui a iétéjait le i l Jan
vier. vyj'Z.'Aàes r-iituneubles & dé ’pdrtie du ‘ mobiL
lier de .la fuccejjîorv d&feù- Gilbert Barthom euf;
q iL il reconnoît que lédip Jîeur Fràçois-Gabriël/ idjutor. Barthom euf a relu^fa part é portion d e
TO U T ZE^M O BbLlER Q U I - R E S T O I T A ' P A R '
TUGÈRr^ T A N T ' E N MEUBLES MEUBLANTS ,
ç iïlE N '.M A R C H Â N n is é s , E T Q Ü - f l n ' A PLUS
R I E N A P R É T E N D R E D A N S r T O U T LE MO
BILIER- D Q L A D I T E S U C C E S S I O N S I • CE
Wi’jÈJT ivE T I E R S DE S CUVES E T "•TONNEAUX
QUI . S ONT '■
>DANS LES CAVE E T yCUVAGES
D E .LA MA I S O N D E f S A Ï N T GE NE S ' ? ÉCHUE
A' S O N L O T , E T Q u ’i L • R E C O N N O I T É G A
L E M E N T Q U E T O U S LE S M E U B L E S ~MEU
B L A N T S Q U I S O N T D A N S LA M A I S O N O U
EST DECEDE' G ILBERT BARTHO M EU F, ET
D A N S CELLE QUI E S T ‘SITUE’E RUE D E
L'ANGE
A P P A R T IE N N E N T A ' L A D A M E
G AS., A¡NSIyQU’ILS SONT ENONCEES DAIs/S
f INVENTAIRE D U ' 3 JANVIER 'ijj'4 EN
SEMBLE TOUS LES AUTRES MEUBLES QUI
SONT D A N S LESDITÊS M A ISO N S EXCEPTE
,
,
UN L I T
,
&C.
7
}
,
?w ..................
t
’
�I7
<3
L a veuve B arth om eu f rapporte enfin es quit
tances qui établirent non feulement que fes A d Verfaires ont touché le tiers du prix du vin &
de l étain de la fucceiïion de G ilbert Bartho
meuf, mais encor'e que Jean-Baptiile Barthomeuf,
1 un d’eux , lui a vendu une partie des marchandifès de ion lot.
‘
>
Peut-il maintenant refter quelqu’incertitude y
foit fur le partage de l’univerlalité des meubles
& marchandifes dont il s’a g ir , foit fur l’exécu
tion qu’il a eue ? il n’eft pas poifible de fe le
perfuader. Cependant fi l’on craint encore de pro
noncer contre Jean-Baptifte B a rth o m e u f, qu’on
appelle le iieur Benoit
le fieur Blateyron ;
qu’on appelle la nommée M arie-A nne D u b o jî;
qu’on appelle fa fille ; qu’on appelle un nommé
brançois Gie^ ; un nommé A n to in e ; une nom
mée M ichelle B u ffe t, &: mille autres, ils attefteront tous que ce même partage eft ré e l, qu’il
fut g én éral, que chacun des Copartageants iè
nantit fur le champ des objets qui lui étoient échus,
& que ceux qui formoient les lots d eJean-B ap tifte Ôi de François-G abriël-Adjutor B arthom euf
furent emportés dans la maifon qui cft fituée dans la
rue de l ’A n g e : les L o ix ne défirent que deux té
moins irréprochables pour conftater un fait, celuici fera certifié par dix , par v i n g t , s’il le faut ;
& ces dix ou ces vingt témoins, qui feront tous
irrécuiables , parleront tous plus affirmativement
& plus précilcment les uns que les autres ; ainii
C
�i8
n’ y ayant pas plus de doute fur l’exécution de
ce partage que fur fa réalité , il eft impoilibie à
Jean-Baptifte & à François-G abriël-Adjutor Bar
th o m e u f de l’attaquer autrement que par la voie
de la reftitution en en tier, encore iaudroit-il pour
cela qu’il y eût léfion.
Les mêmes pieces qui étabïifïènt que la tota
lité des immeubles , des meubles & des marchandifes de la fucceifion de G ilbert B arth om eu f a
été partagée entre fes trois he'ritiers , établirent
auifi que la maiion qui eft: auprès de l’H ôpital
G én éral, & les meubles & marchandifes qui font
défignés dans l’inventaire du 3 Janvier dernier, ap
partiennent excluiivement à A nn e Gas, & i l ne faut
qu’une légere attention pour s’en convaincre.
Si les Parties adverfes ne peuvent pas défavouer qu’ il n’y ait eu un partage entre la veu
ve B arth om eu f & elles ; fi l’on ne peut pas1
contefter que > tout le mobilier & toutes les
marchandifes de la fucceilion de ce dernier
n’y aient été compris ; s’ il eft e'vident qu’il a
cté exécuté ; s’il eft d ém o n tré, non feulement
que k maifon d ’où Jean-Baptifte Barthomeuf à
chafte A n n e G a s , appartient à cette même A n n e
G a s , mais encore que les effets & marchandifes
qui y font lui appartiennent également, il eft pal-k
pablè que la Sentence de la Sénéchauffee du 22
Février à bien jugé en ordonnant qu’ elle feroit
provifoirement renvoyée en poiTeflion, tant de
cette maifon que de ces effets & marchandifes,
�/
19
.
& il n’ y a par conféquent pas de difficulté à là
confirmer définitivement, (a)
:
• '
V
II.
'
• : : ;
_ ,J ; ‘
'--1 ;
t;
Q u i l n y a point,-de fociété de conïtiieïce entre
Jean-Baptijle Barthom euf & 'A nne Gàs.
_
!•
••
-I
O n a allégué qu’il y àvoit une ibciété de com
merce entre Jean-Baptifte B arth om eu f & fa BelleM ere. Il y a une fociété de commerce Jean-Baptifte B arth om eu f & la" Belle-M ere '! comment le
prouve-t-on?
; r
‘
- L ’A rticle <54. de l’Ordorlnance dé M oulins eft
conçue en ces termes : « P o u r obvier à la m ul» tiplication de faits que l’on a vu ci-devant être
» mis en avant en jugem ent, fujets à preuve de
» témoins & reproches d’ic^ux, dont adviennent
»» plufieurs inconvénients ôc involutions de pro» ces , nous avons ordonné & ordonnons que
(a) O n a o b j e & é à A n n e G a s q u ’el l e a fix lits, & q u e p ar
le partage il ne lui en feroi t é c h u q ue d e u x ; q u ’e l l e a c i n
quante dr ap s d e l i t , & q u ’il ne lui en f er oi t é c h u q ue v i n g t hui t , & c . & l ’o n a c o n c l u d e là q u ’il n ' y a v o i t pas eu d e 1
partage.
C e r a t i on n e me n t eft fans d o u t e admi ra bl e. C e p e n d a n t s’il n ’eft
p as i m p o f l i b l e q u ’A n n e Gas ait ou fait faire ou a che té la
majeure partie de ces lits & d e ces draps de lit , dep ui s le
pa rt a ge q u ’el l e articule , o n f ent que la di ffi cul té q ue fes A d v e r f a ï r e s é l e v e n t i t i ne fignifie a b f o l u m e n t r i e n . O r el le fe f oii mèt
à p r o u v e r q u ’ en effet el le a ou acheté ou fait faire , d ep ui s c e
p a rt a ge , tous les m e u bl e s & t ou t le l i n g e q u ’on t r ou v e r a c h e ï
elle , au de l à de ce q ui étoit t o m b é dans f o n lot.
�» dorénavant de toutes chofes excédants la iom» me 011 valeur de cent livres pour une fois payer,
» ferontpafïes contrats pardevant N otaires 6c T é • moins, par lefquels contrats feulement fera fait
„ ÔC reçu toute preuve èfdites maticres , fans re-”
„ cevoir aucunes preuves par témoins............ E n
„ quoi n’entendons néanmoins exclure les preu„ ves des conventions particulières, 6c autres qui
w feroient faites par ces Parties fous leurs feings ,
« fcéaux 6c écritures privés. »
L ’A r t. i du T itre a o de l’Ordonnance de 16 6 7
porte à peu près les mêmes diipofitions ; car il
exige aufîi qu’il foit paffé des actes pardevant N o
taires de toutes chojès excédant la fom m e ou va
leur de 100 livres.
L ’Ordonnance du Com merce , poftérieure aux
deux autres Ordonnances qui viennent d’être ci-'*
tées , veut enfin que toutes fociétés générales ou
en commendite fo ie n t rédigées par écrit, ou pardevant Notaires , ou fo u s fignatures privées , &c
que 1 extrait des fociétés entre Marchands & N é
gociants , tant en gros quen d é ta il, fo it régijlré■
au Greffe de la Jurifliclion Confulaire, s'il y en
a , f i non en celui de /'H ô te l commun de la V i l l e ,
& s 'il n ’y en a p o in t, au Greffe des Juges royaux
des lie u x , ou de ceux des Seigneurs, & l ’extrait
inféré dans un tableau expofé en lieu public ; le
tout à peine de nullité des acles & contrats paffés,
tant entre les A jfo ciés quavec leurs Créanciers
& ayant caufe.
�10
A ces difpofitions des Articles i & 2 de
rdonnance de 16 7 3 le Législateur a même ajou
té , art. 6 du même titre, que les Jociétés 11 au
ront effet à F égard des ¿4Jfociés, leurs V euves &
Héritiers , Créanciers & ayant caufe , que duj o u r
quelles auront été régijlrées & publiées au Greffe
du domicile de tous les Contractants , & du lieu
où ils auront M agajin.
L ’ Auteur des notes fur Bornier prétend à la
vérité que quelques précis que foient les termes
de ce dernier article , la formalité de l’enrégiftrement qu’il ordonne eil tombée en défuétude :
mais M o rn a c , la Peyrere , Ferriere , L a co m b e ,
Pothier , D énifart, attellent unanimement la néceffité de rédiger toutes ibeiétés par é c r it, &
de produire un contrat pardevant N otaire, ou au
moins un fous*ieing pour la prouver. L e dernier
de ces Auteurs dit de plus que fur la difpofition
de l’art. 1 du tit. 4 de FOrdonnance du com
m erce, dont le vœu eil que toutes lociétés géné
rales ou en commandites ioient rédigées par é c r it,
il eil intervenu un A rrêt au Parlement de Paris ,
au rapport de M . C h a rle t, en la premiere C h a m
bre des Enquêtes, le 23 Mars 1 7 4 6 , par lequel,
nonobllant beaucoup de préfomptions & même
quelques légers commencements de preuves par écrit,
qu’il y avoit eu fociéréentre Jean M ic h e l, pere, &
Jean Michel, ion fils, pour des entreprifes du pavé des
g r a n d s chemins du Bourbonnois, le Parlementa con
firmé une Sentence de la Sénéchauilée de M o u lin s ,
�du 1 7 Juin 1 7 4 3 , qui déboutait François Michel &
M arie Giraudet, fa femme, avant veuve de Jean M i
chel, fils, de leur demande en reddition de compte Ôc
partage de fociété, en affirmant par le Défendeur
qu’il n’avoiteu aucune connoiiTance de cette fociété.
D ’après ces loix & cette Jurifprudence 011.
fent que fi Jean-Baptifte Barthom euf perfifte à
foutenir qu’il y a eu une fociété de commerce
entre A n n e G a s & l u i , il faut néceiîairement qu’il
rapporte 011 un a&e pardevant N o ta ir e , ou au
moins un a£te fous fignature p rivée, qui conftate
cette même fociété , & que iàns le rapport decet a£te il doit être déclaré non-recevable dans
fa demande à cet égard.
Il obje&c qui! y a eu plufieurs affignations pofées a des Particuliers de cette V i l l e , à la requête
de la veuve Barthomeuf & f i l s ; que fur quelques-uns
de ces exploits il a été prononcé des Sentences ;
que ces Sentences font rendues en faveur de la
veuve Barthom euf & f i l s , & que des-lors il y. a
eu fociété entre la veuve Barthom euf & lui- Mais
il eft facile de réioudre cette difficulté.
Il étoit dû à Gilbert Barthom euf par différentes
perfonnes auxquelles il avoit fourni des marchandées,
on a afligné plufieurs de ces perfonnes avant le parta
ge de ià fucceffion; jufqu’à ce partage tout étoit com
mun entre fes héritiers ; ainii quand on a voulu récla
mer le paiement de ces créances on a été obligé d’agir
au nom de la veuve Barthom euf & fils. A partir
delà on voie que cette expreffion, la veuve Bar-
�;? / /
t homeuf à f i l s , indique bien une communauté, une
indivifion entre la veuve Barthom euf & les enfants
de ion M ari dans le droit de répéter les créances
dues a la fucceiïion de ce M a r i , mais ne prouve
pas qu’il y ait jamais eu une iociété de commerce
entr elle & eux. Il y a loin d ’une de ces chofes
à l’autre ; avoir des dettes a&ives à p artager, ré
clamer des créances communes en co m m u n , agir
au nom c o lle â if des Cointérefïes à ces créances ;
ce n’eit pas former une fociété de co m m e rce , c’eft
fimplement avoir des dettes a&ives a partager, c’eft
fimplement réclamer des créances communes en
commun , c’ eit fimplement agir au nom co lk £ i f des Cointérefles à ces créances ; ainii
de ce que des Débiteurs de la iucceifion de
G ilbert B arth om eu f ont été condamnés à payer
telles ou telles fommes a la veuve Barthom euf &
f il s , il ne s’enfuit nullement que la veuve Bar
thom euf & f il s aient été en fociété de com m er
ce ; tout ce qu’on peut valablement en in fé re r,
c’eil que les iommes dont on a répété & pourfil ivi ainfi le paiement, appartenoient alors inaivifé*
ment aux Héritiers de ce môme G ilbert Barthomeuf^
Héritiers du nombre defquels écoit A n n e Gas.
Q uand Jean-Baptifte Barthom euf produiroic
d ’autres Exploits 6c d’autres Sentences, qui pa-.
roîtroient les uns avoir été poiés, les autres avoir,
été rendues au nom de la veuve Barthom euf
f i l s , pour des fournitures de marchandifes poiîéricures au partage fait entre les P a ru e s, cette cir-
fik
�v >-
2-4-
A
confiance elle-même ne prouveroit pas q u ’il eut
exifté une iociété entre Jean-Baptiite Barthom euf
& fa Bclle-M ere , parce que cette énonciation
de la veuve Barthomeuf à f i l s ne fetrouveroit dans
les Sentences que nous fuppofons, que parla raiion
qu’elle feroit dans les Exploits fur lefquels elles auroientété rendues,ôcqu’eile n’auroit étéinféréedans
ces mêmes Exploits que par un effet de l’erreur de
l’Hiiiilier q u i , voyan t A n n e Gas & Jean-Baptiile Barthom euf demeurer enfemble , en auroit
conclu qu’ils étoientaifociés;fi ce n’eftpas ainfi que
cette énonciation s’ eft gliifée dans ces Exploits
& dans ces Sentences , on ne peut l’attribuer qu’à
une manœuvre de ce Jean-Baptifte B arthom euf qui,
voyant le commerce de la Belle-M ere dans un
état a (lez floriifant pour tenter fa cupidité, auroic
fait inférer fon nom à la fuite du nom de cette
derniere dans les Exploits qu’elle étoit forcée de
faire pofer à fes Débiteurs pour faire rentrer fes
fonds ; ce qui lui étoit d’autant plus facile , qu’écrivant &c marchant plus ailément qu’elle, c ’étoit
toujours lui qui faifoit les mémoires de iès four
nitures, & qui les portoit chez PHuiflier dont
on avoit coutume de fe fervir ; pour peu qu’on
veuille fc pénétrer de ces obiervations, pour peu
qu’ on daigne coniidérer que cette énonciation de
la veuve Barthom euf & f i l s eft ou l’eiîèt de Yer
reur , ou l’ouvrage de la fr a u d e , qu’elle n ’émane
point d’ Anne G as, qu’elle n’eft point iignée d ’elle
on ne pourra môme pas la regarder comme un
commencement
�commencement de preuve par écrit ; car enfin ,
quand un H u iilie r, ou quand Jean-Baptifte Bar
th om euf auroit écrit mille fois que Jean-Baptiile
B arthom euf eil en fociété de commerce avec A n n e
Gas , il n’ en réfulteioit rien. i°. Parce que l’art.
54. de l’Ordonnance de M o u lin s , & l’art. 2 du
tit. 20 de l’Ordonnance de 1667 , veulent qu’il
foit paifé des ailes de toutes choies en général
qui excédent la fomme ou valeur de 100 livres;
que l’Ordonnance du commerce exige, non moins
impérieufement , que toute iociété de commerce
foit confignée dans un écrit pardevant N o tai
r e , ou lous fignature privée , qui émane1des perfonnes qui s’ailocient enlemble ; que les L o ix du
R o yau m e rejettent par conféquent la preuve teftimoniale des lociétés de commerce, dont la maile*
excède toujours la fomme ou valeur de i o o l i v .
qu’un tiers qui écrit qu’ il y a eu ou qu’il y a une
iociété de commerce entre telle & telle perfonne,
n’eft & ne peut être qu’un témoin qui dépofe
que cette même fociété exiile ou n’exiile pas ; que
Pexillence d’une fociété ne peut être légalement
conilatée que par un a£le authentique foufcrit de
chacun des A iib ciés, & qu’à ce moyen tout écrit
qui ne feroit figné que d’un H u iilier, ou d’un
autre étranger quel q u ’il ioit, ne pouvant former
au fond qu’une dépofition fur un objet qui n’efb
pas fuiceptible d’ être prouvé par tém oins, il faut
évidemment le rejetter. 2°. Parce que tout ce que
D
�i6
Jean -B ap tifte B arthom euf pourroit également
écrire ou avoir écrit lui-même fur la prétendue
fociété dont il parle , ne formant non plus qu’une
dépofition fur cette fociété, & même q u ’une dépoiition d’un homm e dans fa propre c a u iè , on
doit encore moins s’y arrêter.
M a i s , pourfuit Jean-Baptifte Barthomeuf, j’ai
des fkâures qui ont auili été adreiîees a la veuve
Barthom euf & f ils . D es fa&ures adréifées a la
veuve Barthom euf & f i l s ! il eft étonnant qu’il y en
ait. Cependant il fe peut que Jean-Baptifte B ar
thomeuf, ayant fouvent écrit aux correfpondants de
fa belle-mere , au nom de cette même belle-mere,
on fe ioit en coniéquence imaginé qu’ils étoient
aiTociés l’un avec l ’autre ; il fe peut encore que
Jean-Baptifte Barthomeuf projettant dès-lors de
tracaiTer A n n e Gas ait fait accroire, de deiTeia
prémédité , a quelques-uns des marchands, avec
lefquels elle eft en relation d’affaires, qu’il y avoit
une fociété de commerce entr’elle & lui ; car s’ila aujourd’hui la mauvaife foi d’argumenter de
leur erreur, pourquoi ne ieroit-il pas capable de.
leur en avoir impofé exprès fur cet article ? mais
peu importe. A u petit nombre de fa&ures qui peu
vent être adreilées à la veuve Barthom euf à f i l s y
nous oppoibns une foule d’autres fa&ures qui ne
lont adreffées qiwz la veuve Bnrthom euf ; nous
joignons a ces fi&ures différents mémoires qui font
écrits de la maio même de Jean-Baptifte Bartho-
�.V
,
m e u f, 6c q u i, au lieu d’être intitulés mémo ire de
ce que tel ou tel doit à la veuve Barthom euf &
f i s , font feulement intitulés mémoire de ce que
tel ou tel doit à la veuve Barthom euf ; nous rap
portons d’ailleurs un livre journal qui prouve que
dans le temps où Jean-Baptifte Barthom euf étoit,
dit-on, en fociété avec A n n e G a s , il lui a vendu
pour 42. hv. d'huile de n o i x , pour Z 4 liv. de
fa x on j pour z y liv. de vinaigre, pour 4 8 liv.
d ’étain ou de p o i x , &c. & qui au bas de cette
lifte de marchandifes contient cette quittance écri
te de la propre main de ce même Jean-Baptifte
Barthom euf: pour acquit, B a rthom eu f nous ar
ticulons de plus que quand Jean-Baptifte Bartho
m eu f eft rentré chez fa belle-mere, après les par
tages qui avoient été faits entr’eux, il n’a rappor
té qu’une demi-balle . de cailônade , une demiballe de poivre, trente à quarante livres de iavon ,
quelques livres d’huile de noix , vingt-cinq livres
de chandelles , quelques fromages d’A u vergn e ,
cinquante livres de m erluche, deux barrils d’eaude-vie, contenants environ huit pots en tour , huit
ou neuf autres pots d’eau-de-vie, deux balles de
fe l, un tonneau de vinaigre , une centaine de topettes vuides, une cinquantaine de bouteilles, qui
pour la plupart étoient également vuides, &c plufieurs boëtes deftinées a tenir des marchandifes,
mais vuides encore ; nous ajoutons enfin qu’il de
voir la majeure partie de ces foibles objets a A n n e
D 2.
^
�2,8
Gas ; que c’eft la nommée M arie Faure qui eft
venue les prendre chez elle ; qu’il devoir le furplus à d’autres Particuliers auxquels elle en a foldé la valeur, & qu’ayant vendu tout cela quel
que temps après, il en a ièul touché le prix. C e s
faits une fois pofës, il eft de l’évidence la plus lumineufe que la fociété fur laquelle il infiftc
n’eft pas moins chimérique que le partage qu’il nie
eft réel.
. ■.
Si cette fociété avoit exifté il iè trouveroit des
lettres de change , des billets, des a£tes de toute
efpece fignéspar la veuvev Barthom cuf & Compa
gnie , ou par la veuve Barthom euf & Jfils e n COM
P A G N I E : or il n’y a ni lettres de c h a n g e , ni
billets, ni aâes quelconques qui foient lignés
ainfi. (<z)
(a) O n v oi r dans le P a r fa it N égociant q u ’ un fieur du C o u l dr é , qui p r é t e n do i t q u ’il y a vo i t eu une f oc ié té entre un i ieur
D u p i n & lin fils d e ce iieur D u p i n , n o m m é la T h é b a u d i e r e ,
& qui r ap p o r t o i t plufieurs arrêtés d e c o m p t e o u cette f oci ét é
p a ro i if oi t p ro uv é e , c o n f ul t a S a v a r y fur l'effet que des p i e ce s
d e cette e f p e c e p o u v o i e n t p r o d u i r e en pareil cas. Q u e r é p o n
di t S av ar y ? S a v a r y , ce m ê m e S a v a r y , d o n t l’habileté dans
l es matière» de c o m m e r c e ctoi t fi g é n é r a l e m e n t r e f p e & é e q u e
l e G o u v e r n e m e n t lui confia la r é d a & i o n de l’O r d o n n a n c e d e
1 6 7 3 , ce S a va r y e n f i n , d o n t tous les N é g o c i a n t s du R o y a u
m e ont toujours r e g a r d é les dé c i f i o ns c o m m e des L o i x , j u g e a
fans héfiter que les arrêtés d e c o m p t e du fieur d u C o u l d r é ,
n ’étant ni fignés D upin & Com pagnie , ni l ig né s D u p in & la.
Thébaudiere en Compagnie , o n ne p o u v o i t pas ( de q u e l q u e
maniér é q u ’ils fuiTent d ’ailleurs c o n ç u s ) en inférer q u ’il y
a vo i t une f oc ié t é entre le fieur D u p i n & le fieur la T h é b a u
diere. V . le Parfait N é g o c i a n t , Parère L X V .
�.
29
Si cette fociété avoit exifté, tous les correfponclants dont elle auroit tiré des marchandiies l’auroient fans doute connue. Toutes les faâures de
ces marchandifes feraient adrefîees ou à la veuve
Barthom euf & Compagnie, ou à la veuve Bartho
m euf & f i l s en Com pagnie, ou du moins à la
veuve Barthom euf & fils : or il n’y en a point
d’adrefTées à la veuve Barthom euf & Compagnie;
il n’ y en a point d’adreiTées à la veuve Barthom euf
& f ils en Compagnie, & il n ’y en a q u ’une ou
deux d’adreiTées à la veuve Barthom euf & f i l s ,
tandis qu’il y en a une multitude d’adreflées à la
feule veuve Barthom euf
Si cette fociété avoit exifté, Jean-Baptifte Bartho
meuf, en faiiant les mémoires des marchandiies qui
auraient été fournies par les deux afîociés, a telle ou
telle perfonne, ne les auroit jamais intitulés mémoires
de ce que tels ou tels doivent à la veuve Barthom euf; il
les auroit au contraire intitulés mémoires de ce que tels
ou tels doivent à la veuve Barthom euf '&f il s ; or nous
produifons plufieurs mémoires qui tous font fimplement intitulés mémoire de ce que tel ou tel
particulier doit à la veuve Barthom euf
Si cette fociété avoit exifté, toutes les marchan
difes des deux ailociés feraient dés cet inllant devenues communes entr’eux ; l’un n’en auroir pas
(vendu a l’autre, or Jean-Baptifte Barthom euf en
a vendu a la veuve Barthomeuf.
Si cette fociété avoit exifté, Jean-Baptifte Bar-
�3° ,
thom euf, après avoir débité le peu de caiTonade,
de p o ivre, de chandelles, d’huile & d’eau-de-vie
q u ’il a rapportés chez la veuve B a rth o m e u f, en
auroit infailliblement partagé le prix avec elle :
or il l’a gardé tout entier ce prix.
Si cette fociété enfin avoit exifté, les conditions
en auroient été rédigées par écrit, conformément
au vœu de l’article 54 de l ’Ordonnance de M o u
lins , conformément au vœu de l’article 1 du
titre 0.0 de l’Ordonnance de 1 6 6 7 , conformé
ment au vœu de l ’article premier du titre 4 de
^Ordonnance de 1 6 7 3 ; e^c aur°it été régiitrée
au Greffe de la JuriitliéHon Confulaire de cette
V ille , l’extrait en auroit été inféré dans un tableau,
expofé en lieu public, & cet extrait fèroit figné
d ’A n n e Gas & de Jean-Baptifte Barthomeuf, con
formément aux difpofitions de l’article i & de
l ’article 3 du même titre de la même Ordonnan
ce de 1673 , parce que perionne n’ignore que l’ar
ticle 6 de ce titre porte expreilement que fans cela
les Jbciétés n auront aucun effet, même à Végard des
ajjociés, leurs veuves & héritiers, créanciers ou
ayant cauje : or il n’y a point ici d’a&e de focié-'
té ; aucune des formalités qu’on obferve en for
m a n t une fociété n’ont été remplies, quoiqu’elles
ioient toutes de rigueur ; il y a p lu s, on ne trou
ve nulle part aucuns veltiges de ion cxiftence, &
il y a au contraire mille preuves qu’elle n ’a jamais
eu lieu.
�31
^5
Une fociété de commerce entre A n n e G as &
Jean-Baptifte Barthom euf! une fociété de com
merce entr’ elle qui eft a£tive , laborieufe , éco
nome , & lui qui eft in d o le n t, pareiTeux , pro
digue ! une fociété de commerce entr’elle qui
avoit encore ajouté de nouvelles marchandifes a
celles qui étoient tombées dans fon lo t, & lui
qui prefque fur le champ avoic difiipé toutes les
iiennes ! une fociété de commerce entr’elle qui
auroit fourni tous les fonds de cette fociété , ÔC
lui qui n ’y auroit pas même apporté de l’induftrie ! une fociété de commerce entr’elle qui au
roit tout avancé, qui feule auroit travaillé , 8c
lui qui n ’auroit rien avancé', qui n’auroit pas
travaillé , & qui ne lui laiiferoit même pas
prélever ce qu’elle auroit ii généreufement rifqué
pour former la maiîe du négoce pour lequel ils
fe ièroient afïociés ! N o n ; une pareille fociété
eft impoiïible , elle n’exifta jamais, (a)
(a) L e D é f e n f e u r d e Jean- Bapti fte B a r t h o m e u f , a y a n t a ll é
g u é à l ’ A u d i e n c e du 8 de c e m o i s q ue c ette f o c i é t é a v o i t été
avouée par A n n e Gas dans fa r e qu ê te d u 15 Janvier d e r n i e r ,
il eft p e u t - êt r e néceifaire d ’e x p l i q u e r à q u oi ce p r ét e n d u a ve u
ie réduit. A n n e G as a efTeftivement d i t dans la re quê te d on c
on p ar le , q u ’il lui r e v e n o i t des font ni es c o n f i d é r a b l e s p o u r
r ai fon des m a r c h a n d i f e s q u ’elle a f our ni es à J e a n- Ba p t i f t e
B a r t h o m e u f , p o u r v e n d r e dans l ’ une & l ’autre des B o ut i qu es
q u ’il a f u c c e i l i v e m c n t o c c u p é e s d ep ui s le p ar ta g e d e la i u c ceilion d e G i l b e r t B a r t h o m e u f , j uf qu ’à c e q u ’il f oit r e v e n u
c h e z elle ; & q u’il d e v o i t lui c o m p t e r d u p r o d u i t d e ces
m ar c ha nd i f es , p o u r en être le profit p artagé , fu iv a n t les con
ventions qu'ils avdient fa ite s ; mai s elle n’ a di t n u ll e p ar t que
,
�31
§. III.
Q ue Jean-Baptijle Barthom euf doit à A n n e Gas
les différentes jouîm es quel l e lui demande.
Puifqu’il n’y a point de fociété entre A nne
G as & Jean-Baptiite Barthom euf, pourquoi JeanBapcifte Barthom euf ne payeroit-il pas à A n n e
G as une penfion proportionnée au temps pen
dant lequel fa F e m m e , fon M aître D iihllateur
& lui ont habité Ôi mangé avec elle ? Pourquoi
A n n e Gas auroit-elle été obligée de le nourrir
& de le lo g e r , de nourrir & de loger fa Fem
m e , de nourrir & de loger ion M aître D iftillate'ur ?
Pourquoi ne lui rembourferoit-il pas ce qu’elle
a avancé pour lui lorfqu’ il s’eit marié?
Pourquoi ne lui rendroit-il pas ce q u ’elle a
payé d’ailleurs à fa décharge aux différents Par
ticuliers dont elle rapporte les quittances?
c et te f ociété a it continué q uand ils o nt été réunis dans la
m ê m e m a i f o n ; elle n ’a dit nulle part que cette f oci été ait
été une fo cié té générale : & de ce q u ’e ll e c o n v i e n t d e lui a vo i r
p r êt é p e nd a nt q u e l q u e t e mp s de l’ h u i l e , du f a v o n , du f u c r e ,
d o n t ils d e v o i e n t p a rt a g e r le pr of it e n f e m b l e , il ne s’enfuit
pas q u ’ils d o i v e n t é g a l e m e n t p ar ta ge r t ou t ce q u ’e ll e p o i f é d e ; il en réfulte au c ont r ai re q u’ ils n ’e toi ent aifociés que
p o u r cette hui le , c e f a v o n & ce f uc r e q u ’il a vo it e m p r u n t é d ’elle ;
c ar , p u i f q u ’ il faut e n c o r e le r ép é te r , inclufio unius ejî ex~
elujio alierius.
Pourquoi
�33
r .'Pburquoi ne. lui feroit-il pas. rai ion delce qu’il
-lui en a coûté pour acquitter les dmpofitions taÿales de les biens?
.c-tts?
Pourquoi enfinrne lui feroit-il pas âiiiTi ràifon
des frais de culture de ces mêmes biens, dès .que
<c’eft elle quilles a faits?< .i ; n'S' ( - r ¿.i :a.* ' ‘E lle ne doit rien perdre de tout ?cela-:;àl' ne
-faut pas qu’après avoir-été* injuriée;, pérféeutée,
chaflee de chez elle, diffam ée, battue y i. elle foit
encore ruinée.
."
i
.
§. I Vc.
f!
:
z!
; "-v
W -
-
!
{«'
:0'J
£ Î dL>
' l J ’ijq i'h 6\
Q ue de^zous les chefs de demande de^Jieah-Uapiïfic
Barthom euf i l rfy èn a aucun Aèfü.nd(' que celui
qui concerne les 500 liv. qu'elle a(\feçk du
- fle u r ■
M o n tu cla s, ' & j c e lu i iqïn r i):p our -0, bjèt la
' i£fnife.des titres 'relatifs.!aux biàw de, ceMnêpie
;■
>.\-Jean-Baptifle rBarthomeuf. 6 iriD;fj/b
xr< r V"'. 1
»r
Il eft évident,
. <
h'up L[ -1 ■ r» >
A I V Q u e er; mobilier dé lai fucceifiort cfo-Gilbert
Barthom euf ayant'îétéî partagé les d !i s&» 1 3.Jan
vier dernier, on ne ¿peut pasdèmandêr. aujourd’liiii
t^u’il le ibit encore.
. : îj ii . ’ ’
i.l 2/^ Q u e ii’y ayant point de focjeté.entre ;Anné
G as &c Jean-Baptille Barthomeuf, les marchant
difes-*énoncées dans rinvèntaire dû [£;du même
mois de Janvier dernier doivent toutes*'être adju»
gées à A n n e Gas.
‘
1
r:
�34
V o ilà donc déjà deux des.chefs de conclufion
■-de/Jean-Baptift:e?Barthomcuf qui; doivent être re
jettes.
[
' ^ L a réclamation c^u’il fait d’une fomme de 400
Iiv. que François-Gabriel-Adjutor B arth o m eu f,
fon fre re , a , félon lu i, donnée„ à ‘ A n n e G a s ,
mérite-ït-cllc d’être mieux- accueillie ? non : car
.A n n e Gas n?a jamais rien reçu de François-Gâbriel-Adjutor'Barthom euf : elle Failirme poiicivem e n t , on ne prouve pas le contraire ; 6c dès
qu’on ne prouve pas le contraire, on ne peut pas
ic diipenler de la renvoyer de ccrtc demande :
telle elt la rcglc : creditor 'qui pecuniam. petit numeratam, impUrc cogitin. Cod. de probatio/iibus.
L »I •
»
Jean-Baptifte 'Barthômeilf veut de plus qu’ A nne G as ait pris Une montre d or & une paire de
crochets d’argent h fa femme : A n n e G as réjtond
qu’il en impoic e n co re, ôc cette reponfe fuffit pour
détruire la fable qu’il avance.
.
11
veut enfin que fa bdlc-m crc ait enlevé à fa
femme une bague donc elle lui avoit clle-mcrne
fait préfent. Nouvelle anecdote, nouveau menfonge. Le fait elt q u ’A n n e Gas avoir prcté cette bague
à Jeannc-Pcrrctrc-Michcllq G o d in , ôc q u e lle l a
repriiè.
• ■« '
A l’égaid des <¡00 liv .. que le ficur Montuclas
(a) Si CrtJitor à ne p tttt ptettnijn , 0 ntgtr". tpjim
r j j f t , prviurt d tlt: J< r.- rtrjJTt. C loiT . ib fii.
�3$
lui a com ptées, clic confent à en faire raiion à
Jean-Baptiile Barthom euf fur ce qu’il lui doit.
Elle confent également à lui remettre les titres
quelle peut avoir a lui. Il n’étoit pas ncceilairc de
recourir aux voies judiciaires pour l ’y contraindre:
elle n’a pas befoin d’un A rrêt pour ctre jullc.
Après la difcuilion où l’on vient d’entrer, ou
ne penfc pas que la C o u r puifTe être incertaine fur
le parti qu’elle a a prendre ; la cabale qui fôllicite
pour Jean-Baprilte Barthom euf n’ayant rien de
iolide à oppofer aux moyens qui s’élèvent en fa
veur d ’A n n e G a s , vomira en vain des impoflurcs contr’ ellc ; elle brave le ilylet de la calomnie;
fa cauic cil trop équitable pour qu’elle puifle fuccom bcr devant des Juges integres.
C e s Juges fentiront qu’il cil indifpcnfablc de la
réintégrer dans fa m a iio n , qu’il cil indifpcnfable
de lui rendre tous íes meubles 6c toutes íes marchandifes , qu’il cil indifpcnfablc de condamner
Jcan-Baptillc Barthomcut à lui payer les différen
tes créances qu’elle répété d’ailleurs.
Ils fcnciront qu’indépendamment de ccs diffé
rents objets il lui taut des dommages 6c intérêts,
puifqu’clle a non ieulcmcnt été clu d c c de chc/
clic , nuis privée de íes m arch andées, dont le
débit lui auroit procuré un gain coniidcrable ,
fur-rout dans le temps des Poires qui fo n tà p r é fent toutes pafTccs.
IU fentiront que Frauçois-Gabricl-Adjucor
¿ó*
�Barth om euf, qui n’eft intervenu en la c a u fe que
pour demander des partages qui font faits depuis
lon g-tem ps, & qu’il n’y a aucune raifon de re
faire , doit être déclaré non-recevable dans fon
intervention.
.Ils fentiront enfin que ce François-G abriëlA d ju to r B arthom euf & Jean-Baptifte Bartho
m e u f, fon fre re , doivent fupporter tous les dé
pens de la conteftation , & c’eft ainfi ( nous
ofons le dire ) qu’ils prononceront.
Monf i eur T O U R N A D R E , Rapporteur.
M e. S A U T E R
• E A U
D E -B E L L E V A U D ,
Avocat.
C h a s s a i n g ,
A
De
Procureur.
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
l’imprimerie de P i e r r e VI AL L ANES , Imprimeur de s Domaines
du Roi, Rue S. Genès, près l’ancien Marché au Bled. 1774.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Gas, Anne. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tournadre
Sautereau de Bellevaud
Chassaing
Subject
The topic of the resource
testaments
partage
secondes noces
femme commerçante
captation d'héritage
violences sur autrui
vin
commerce
fraudes
commerçants
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Anne Gas, veuve de Gilbert Barthomeuf, intimée. Contre Jean-Baptiste Barthomeuf, appellant. Et contre François-Gabriel-Adjutor Barthomeuf, intervenant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1760-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0510
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52988/BCU_Factums_G0510.jpg
captation d'héritage
commerçants
commerce
femme commerçante
fraudes
partage
secondes noces
testaments
vin
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53064/BCU_Factums_G0903.pdf
5443cc2d9757cf0ceafb033f08792963
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Text
P O U R
C H A P P E L , Officier de
santé pharm acien ?habitant à Clerm ontFerrand Défendeur ;
M a r ie - J u l i e n
C O N T R E
D
M a r g u e r i t e M O N E S T I E R , son-
ame
épouse se disant autorisée par justice ,
Demanderesse,
, demeurant en la même ville,
'
' L
•*
en divorce.
•
■
<1
'
:
"
-L’aimer, e n ê tr e aim é e est ton esttonplusdouxpartage partage.
• '
' i
,
T r a d u c tio o d e M ilto n .
•
E t a i t - i l donc dans la destinée de la D am e C h ap p el d’être là'
prem ière , depuis la publication du code civil , à donner au public
l’exem ple scandaleux d ’une dem ande en divorce ? . . . . U ne fem m e
�(o
née dans un état honorable, pouvait-elle pousser l’oubli de tous
les devoirs et de toutes les bienséances, au point de réclamer des
tribunaux la dissolution de son m ariage, d’y venir abjurer solemnellement sa qualité d’épouse , et d'oser soutenir en même lerns ,
par une singularité qui tient du délire , qu’aucun acte lc-gal ne lui
q conféré
ce respectable titre? Convenait-il , enfin, à une mère de
famille de tenir une conduite qui ne tend rien moins qu’à com
promettre son état et celui de sa HUe, à diffamer son m ari, e t
'
à se mettre en spectacle de la manière la plus désagréable ?
Un tel excès d’égarement est en opposition manifeste avec les
bonnes mœurs.
Certainem ent, si la Dame Chappel n’était pas livrée à de perfides
conseils, si des impulsions étrangères ne l’agituio ni sans cesse, il
serait facile de la rappeler à elle-m êm e, par la seule considéra
tion des conséquences funestes de ses téméraires démarches j
niais son imagination sédu te ne so co m p laît que dans T e n e u r ,
et la rend également insensible à la voix de la raison , comme à
celle de la nature.. Il est cruel pour le C.en C h a p p el,
.
. .
m
’
V
'
qui a
«
employé tous les moyens pour conquérir son affection , de ne
trouver en elle que des sentimens de h ain e, et ce qui le rend
peut - être plus à plaindre est de sen tir, quand tout est changé
pour lu i, qu’il lui est impossible de changer lui-même.
Aussi
malgré la vive d a t e u r qu’il ressent de voir «a femme
cumuler contre lui les imputations les plus calomnieuses, pour
..
t
ce creer des moyens apparens d’obtenir du tribunal la rupture du
,
»001$ conjugal,
"
...............................................
pi qtioiquerde tels procédés soient capables d’irriter
qjfigqiymf eu.rspruit, l’obje* >le Ç.eh Chappel ne pferdraijaniaia «le vue
qu’il e^t ppqux ,, qu’jlt.çst, père , et ¡qüeopoür frvpîr la p a is, il n’c s ï
point de'sacriQce que de pareils titres ne détermiuent. Pénétré de
�.y
(?)
celte vérité et fort de la pureté de ses intentions , connaissant
.
t
• ».
tie n d’ailleurs la nmin perfide d’où parlent les trails les plus
envenimés qui ont été dirigés contre lui } il tiendra toujours un lan
gage conforme à la loyauté de son caractère , espérant avec confianco
que les magistrats trouveront dans leur propre conscience , des
motifs plus que suffisansde rejelter une demande, qui est tout-àla-fois odieuse y n u lle , inadmissible et mal fondée.
F
.
-.;j ii
A
15 T
S.
L e 9 messidor an n , la Dame Chappel a présenté au C.<*
B o y e r, premier ju g e , faisant les fonctions de président , une
requête expositive des faits qui l’ont déterminée à provoquer le divorce
contre son m ari ; m ais reco n n aissan t elle-même la fra g ilité de se»
moyens , elle s’est réservé d’attaquer son mariage de n u llité , sur
le fondement que les publications et l’acte du mariage ont été rédigés
par le C .cn C h a p p el, son beau p è re , alors officier municipal. E lle
a joint à cette requête, pour pièces justificatives de sa demande ,
i.° l’extrait dudit acte de mariage du 5 o frimaire an 8 ; 2." une
lettre sans d a te, à elle écrite par son mari ; 5 .° une ordonnance
du tribunal en date du 8 prairial an n , rendue sur sa pétition ,
en la cliambre d’instruction , et portant autorisation pour form er
et poursuivre sa demande en divorce. L e C .cn Boyer a rempli le
voeu de la loi ; il a représenté à la Dame C h a p p e l, avec l’éner
gie du
sentim ent,
les
conséquences funestes de la
demande
quelle voulait engager; il n’a rien omis pour lui faire abandonner
projet si violent : mais la Dame Chapelle a été in éb ran lab le
dans ses résolutions ; en sorte que le C.cn Boyer a dressé pro
cès - verbal
ja remise
desdites pièces
et a ordonné que
�C4 ) '
lès deux époux seraient ci lés devant lu i , en la chambre d’ins^
truction, à jour et heure fixes. Le. iG , le s . deux époux o n f
comparu devant le C.en B o yer, qui leur a fait toutes les repré
sentations propres à opérer entre eux un rapprochem ent, et il
a constaté par son procès - verbal leurs dires respectifs. O n ’ y
voit que le C .cn Cliappel a déclaré qu’il ne
consentait pas au
divorce ; qu'il a demandé que son épouse se réunisse à lui ; qu’i l i
l’a même sollicitée de revenir dans sa. maison , promettant d’avoir'
pour elle tous les égards possibles , en un m ot, de la traitera
iparitalenient ; qu’au -cprçtraifce son épouse ayaitrejetté cetteinvitation
,
d is a n t
qu’après ce (^ e lle avait éprouvé
,
elle ne pouvait
compter sur les promesses du O n .. Cliappel , et qu’ainsi elle persistait dans sa demande en divorce. L ’obstination de la Dame
Cliappel a donc ren d u . vaines et infructueuses les remontrances et:
les sollicitations du m ag istra tL e 2 0 . du même mois , sur le rapport du C.en Boyer et sur les •
conclusion s du commissaire du Gouvernem ent, il a été rendu par
le trib u n a l une ordonnance, qui a permis à la Dame Cliappel de.
faire citer son mari à comparaître en personne a 1 audience a huis,
clos
dans les délais de la lo i , pour répondre aux fins de sa;
req u ête de divorce, q u i, en outre, l’a autorisée-à rester pendant!
le cours de l'instruction , dans la maison de ses- père et m è re ,,
et à voir son enfant, quand bon lui semblera j mais sur la remise
de l’enfant, a sursis à faire droit.
L e 25 >therm idor, des deux époux se sont présentés à l’audience
à huis clos.
L a Dame Chappei a fait exposer les motifs de- sa demande >,
¿lie a représenté les
pièces
qui l’appuyent et a nommé
l</s-
té moins quelle se propose de faire entendre. Son m aria ensuite*
�fO'
>r .
fait proposer 9es
(<)
observations
sur
celte
dematide ' j ' qu’il
a soutenu être tout-à-la-fois odieuse , nulle , inadmissible et
^ ^i ^
•i'
• 1• f 1' *
**
mal fondée, et il a ind ique, en tant que de besoin et seule
ment 'pour
satisfaire
i
à
la
loi , les
’
produire.
Il a été ¿Tressé
observations
témoins
i il
'
procès-verbal des
qu’if
pourrait
u t / f'
comparutions" , dires et
des parties , qui Pont signé ; ensttité le
tribunal
a renvoyé les deux époux à l’audience publique du je u d i, 7
fructidor prochain, heure de 8 du matin , a ordonné la com
munication de la procédure au commissaire du Gouvernem ent,
et a commis pour rapporteur le (Xen Boyer.
C ’est dans ce t état
d ivo rce de
la
q u ’il
s’agît de savoir si la
D am e C lia p p e l p eu t
dem ande
en
ê tre adm ise , ou si au con
tra ire elle doit
ê tre rejeltée.
Nous
soutenons ayec
l ’affirmative de
cette dernière proposition.
confiance
"
M O Y E N S *
Plusieurs
t
doivent
considérations
des magistrats toutes les fois
se
présenter dans l’esprit
qu^il s’agit d’un divorce. « Les
)) tribunaux ( dit leC.cn Treilliard , conseiller d’É ta t, dans son dis)) cours .sur la loi du divorce,) ne sauraient porter une attention
j» trop sévère dans ^instruction et Pexamen de ces sortes d’af)) faires........ 1-1 ne iaut ppint affaiblir dans l’ame du. magistrat
)) ce sentiment profond de peine seorette qu’il doit éprouver,
y
t
» quand on lui parle de divorce»...,,
E n effet , que d« réflexions ne
action !.....
'
fait pas naître une pareil!^
.r
�( O
Premièrement , l’on ne peut se dissimuler que le divorce,
. ^
■
•; .. i ^
_
3, '
J,J' •, i'1■
'
quoique permis p a ra la loi , n’imprime à la pensée quelque
cl;ose d’odieux , qu’il ne soit généralement réprouvé par l ’opinion
publique , comme
\
’,< up
étant une occasion de scandale - et comme
.
. . ..
• .•
entraînant' avec lui des maux graves et
.
.
T
certains , lors même
que
l'usage en paraît justifié par les circonstances , à plus
et > . • t: " • joov ;
1
jforte raiso.n , tpiand il est évident que l’on en abuse. C ’est ce
Il v/nb t ëtîo...jC ;n m
qui a toujours retenu le* femmes vertueuses , qui,, d’avance e xcu Y t lijíJOj I1’ ’ OUplUiKJ
'10.i, ':
.■> tu . , [
séos dans ,une .pareille démarche par la notoriété des souffrances.
::m
r . ‘. . n n o lr to r. t ri:inr:i i.o -
o'iiiîmi
. f» »■•ïi» ;-ovj r,c h i ' ■: i . i
que d’indigne^ maris^.leur^font éprouver^ ^ préfèrent- cependant
dévorer leurs chagrins dans le .silence.
° .1
.J r
II. iOq.ji.-,
• ..
Secondement ,. quelles inductions ne peut - on pas tirer de la.
np oUí i r. rv. :
J: t: '
i
conduite, d’uneo jeune fepime ,
-
*• '•/
..........
1
qui invoque par préférence .le-
divorce à i a séparation de corps! De quelle défaveur ne s’en yironne-t-elle pas elle - même , en réclamant la dissolution d^uilt
lien dont elle avait juré aux pieds des autels de respecter l’in
dissolubilité ! E t si le parjure est toujours honteux, combien ne
d oit-il pas paraître plus révoltant j dans fa circonstance où l’in
térêt de l’enfant réclame la conservation du noeud conjugal, à qui
i l 1doit1 l’bkiâtertcfe’ et f i légitimité!'
'
“
’
*
f0 Tioiâîeih^ilènt y le Jdivorce est Fimage de l'a mort naturelTél
P a r
'le divorcc',’'íes époiix sont , pour ^insi dire , anéantis Tun.
pbiif ^ f * ? t e r n i f ë
commence déjà poiir e u x , "puisque0 lai
loi leur ; ôte jusqu’à l’espoir dfe se réunir ’ jamáis. Phis màlh’e ureux
que si 'là mort !l'inêmo; les eût l séparés
1 leur
présence
dans lé_ monde i:entrétieut e n -e u x le souvenir am er1 de
ancienne liaison; elle ex cite 'le s regrets' de lu n
leur
les l'emords de
llautrei; elle l e s ’f fiicerd eJ86 rappeler le passé, lorsqu’ils auraient
le plus besoin de
s’oublier pour ¡ ’avenir. Privés du bénéfice
�(7)
'du temps q u i, dans le’ cas dp la mort n atu relle, effaceiinsenii-*;.
blement les objets, les divorcés ne trouvent que des occasions
tiop fréquentes d’éprouver les j>Ius douloureuses impressions.-'
Quatrièm em ent, quel •sort le divorce ne prépare-t-il pas aux
enfans nés du mariage que l’on veut dissoudre ? Innocentes
victim es, leur é ta t, leur éducation, leur fortune, tout est com
promis. Élevés sous de si funestes auspices ,
devoir être encore
l’avenir
plus sinistre pour eux ; il est
semble
impossible
de calculer les maux qui les attendent; de nouveauxi.engagemens les feraient tomber sous une dominaliomélrangèreii.Qrplielins du vivant même de leurs père et rmèré
c’est end vain qu'ils-
les appelleraient; à peine trouveraient-ils dilûfe’ kelui là qui le dépôt j
en serait -confié , ces) soins tendres et généreux-- qu’ilsaout droit
d'ut tend ro de loiis les deux, .’ il
:ir
-.r'abnc ?.->l
:p!
i
-Cinquièm em ent, le C .e>i TreilH ard, dana son disoours jp récitér j
pose en principe que « le divorce en,;Ini,-çmêmai nenpeut- pas» ê t r e un b ien ,
puisque c ’est ,}e remède d'un
» le divorce-lue doit pas êtie
)) mal
non plus
tmflisil jquar.>
signalé
çynnnp.ilUnu
s’il . peut être uni.remède quelquefois ; néceijsaireijj)i;queti
J) d’ailleurs il est-reconnu 1er incontestable—q u e'la \lo i doil.\QÎTrir^
» à des époux outrag^s.-^' maltraités , zen périlinde sUjur»:ojQiw»[>>a
» des moyens de- me tire là couvert! lejür ülumneurtnetnleiW) yie/Difi
Médiloii» ces-pensées Ji ehnous, iaj-sirons^tfaiteniefrt ’l îesprM ô?«
la loi >!6ür •te K d ivo çcèiiiÇ eH fsp o ia it /de' \dbirte\qire,».lev;divorc6^
n’ est-'pais'un bîen ; rnmis> s i l i .'es k:u n rt<réinède
il faiit icdjvenlFF
qute c\\st un -tèri'îble rewèdeijitqu’on newdoit ,appliqüen)qu'ûvlwnit
xri«îI'éVtTêni^,i let dflns3uii'iMffl6 «Iffwèfcpéfé^ sanslitjuçi j iearJteûJBdoT
étant plus dangereux que le mal , ou-'tombefaTtm Jahs; Jfiuconirj
Vôiitem d’ôpéfei? par^'lo^ittojyon’ d ’u » ’ lefc
iü:wgra.rj}<l
�(8)
mal yrsans aucun bienl Aussi' la pensée du-Iegisktetif 11 f s* P oin*
équivoque à cet égard , puisqu'il rie. ««Justine- ce remè&e .qu-aux
époux obligés de mettre à, couvert leur
honneur^et le u r
IJtonc ?ii'ffaut examiner .scrupuJettyeme.nt si la i ";niiue qiû;‘-cm ai'^e
le ••■divorce.] <ist exactement dansi-Ta position de iik '^ 10 a Ç°ll',ert
ton •honneur et sa vie, ' v
i
i: .
-irai ,
* L e baron dePuiTeudorf., tomi JF, p . 208, quoique ass
.:
;
^aFP"
rablejau divorce, .convient pourtant qu’il serait également dés.*l0ri“
jiêiei^t nuisible que le mariage p u t . être dissous sans» de frès-'i'
fortes i’àisons, même du consentement des parties; car une telle t
licence troublerait extrêmement l’ordre ét Ja paix des familles et [
par conséquentule l ’Etdt,.
-i
••••;.
. î
)Sixièmement j en 1matière idc d ivorce, il est essentiel de se ;
rappeler les anciennes
co rp s fi
maximes
touchant
les
séparations
de ;
puisque; là l o i ' n o u velle o u v re ég alem en t ces deux t voies
sur leëmiçmes m otifs, e t'n e les distingue que par la d ifféren ce \
des;«ifetô.tjejatif« au noeud conjugal. O r , dans l’ancienfrégime >(
il fallait que les mauvais1traitemens fussent excessifs pour don—< '
ïifePfiicu tv la 'réparation ;de c o r p s 1: suivant le chapitre 1 5 J de
restitution'# spoliatorum > aux ' décrétalcs, il n’y avait lieu à la
séparation! que : 'datis le 'cas • oui: la ■
'femme n ’avait
aucun autre ;
moyen de;gaiantir .sa; vie ’de lia "cruautiê ^d’un 1 époux dénaturé.
Si'tajitci sit i>iri sœ vitia , ut mulierii trepidanii non posait suffi-'
ciens ,securilcis provideri. A lia vérité j la jurisprudence 11e suivait,
pÛS à la lettre là disposition du droit ca n o n , ¡et ' appréciai les
m
a u v a i s
¡traitem ens, suivant l a ’nature) des
circonstances et les,
conditions et qualités des parties’, m a is :toujours fallait-il qu’i l s .
parussent infiüim ent gravas, j
i n: •»!
:ru
1 ;r . . , t'i
Com m e fh o m ie ù r est encore plu» p récieu x que la
in, )■
>
vie , su r-
�C9 )
tout pour «ne femme vertueuse, il y
avait
encore lieu à la:
séparation de co rp s, lorsque par des injures atroces
et
de»
outrages réitérés, un mari avait eu l’indignité d e ' chercher à
déshonorer. 6a f e m m e s a n s qu’ella lui en eût donné le moin
dre. sujet. . Ces maxime» dérivent encore aujourd’hui de l’arliclo
C C X X V de la loi du d iv o rce , portant que « les. épOQX pourront
)> réciproquement demander le divorce pour excès , sévices , ou
» injures graves de l’un d’eux envers l’autre w. Sur quoi , f le
C'". Treilliard a observé « qu’il ne s’agit pas là da simples >mou»> vemens de vivacité, de quelques paroles dures échappées rlans des
» instans d’humeur on de mécontentement ,
de quelques refus
» même déplacés de la part d'un des é p o u x , mais de véritables
» excès , de mauvais traitemens personnels , de sév ic es , dans
» la rigoureuse acception de ce mot sæ vitia, c ru a u té , e t d ’in -
» ju r e s
portant un gra n d caractère do gravité
S e p tiè m e m e n t, dans ces sortes d’affaires,
».
il y a quantité de
choses soumises à la pure sagacité des juges , et le plus souvent
la
disposition particulière de leurs esprits influe singulièrement
sur l’événement
de la contestation. Sans
rigueur jetterait dans
opprimée , mais
le désespoir
aussi
trop
de
doute que
trop
de
une femme u véritablement
condescendance
produirait
1 effet le plus funeste, en donnant à toutes celles qui- ai meut
1 indépendance ,
l’envie
et
l ’espoir de
b r i s e r 1 lesi
liens
dii
mariage. Une telle facilite nous conduirait bientôt à ces temps
de désordre
que le divorce produisit chez les romains ,
et
qui étaient tels que le philosophe Sénèque disait : » Il n’y a
w point aujourd'hui
Elles
de femmes
comptent leurs
années ,
consuls, mais par le nombre
qui oient honte
non
par le
du divorce*
nombre, des
des maris qu’elles ont eus *
�' Q {-10 )
v elles sortent de chez un mari pour se remarier', et ne se
» remarient que pour quitter ensuite le nouveau
mari qui le»
» épouse ». Juvénal , dans sa sixième sa ty re , a peint ces indignes
moeurs V de manière à en inspirer toute l’horreur ;
progrès furent si!rapides
et' leurs
que lès empereurs Théodose et Valen-
tinien spécifièrent dansPune lo i, les seules causes pour lesquelles
Je divorce pourrait être! autorisé ; et comme ces causes ne;furent
pas assez restreintes, l’usage du divorce ‘ deVint encore assez fré
quent pour perpétuer le scandalé deslmocurs , le danger de l’exem
ple , la division des familles et la perte dés enfans.
H u itiè m e m e n t, il ne faut point perdre de vu e, que dans tou
tes les nations où le divorce est permis su r'‘ plus ou moins de
motifs ,
la loi qui l’autorise est d e ; pure
tolérance.
De tôut
teti'ipSj le torrent des moeurs entraîna les lo is; èlles sont obli
gées de suivre l’homme de loin ,’ de se
prêter , de céder uil
peu à ses écarts, m ais toujours' dans l’intention , non pas d^àutoriser le m a l, mais seulement d’en empêcher un plus grand".
C ’est la reniarqué de B u xto rf ;’Jdans son traité de spomaÙbus
divorliis , où il prouve1,que la foi sut1 le divorce est une to lé
rance ,Ume'éonnivence politique, et nullement un prétexte ou une
autorisation directe. C rest ainsi que Moïse , voyant que le désir de3
secondes :noces , l’attrait d’une "fem m e, bu plus* riche , ou plus
'jeunoîy’’ ou- plus b elle,
port'àii ' les ' Juifs ^'au' meurtre ^de* leurs
premières femmes , ou à nno°vïo tfcbordëé”, aima mieux 'm o n
trer de l’indulgence pour ia'rupture du m ariage, que de per
p é tu e rie z règne 'des. haines è t’ 'clcs
homibijcs. Notre' lo i'd u
•divorce tfet de même ùne condescendance du législateur
lçjr\po-
rel , à un'übus que! notre position 'semble avoir' rencfy/ néces•fairç, C q n’est qu’à regret que le/'Gouvernem ent ' l’a ' proposée j
�'Ç i )
ïàv le 1 conseiller ‘d’Etat^, ° ' T r c i l b a r c l d i t : « Nous ne • connais-
5) soiis pas d’acle plus soÎémhel que
celui du
mariage.
C ’est
5) par le mariage que les :lumilles se forment et que la société
-tr n
..
•
,
¡ r ‘-
,
•* :, ' •
,
» se perpetue... De tous les contrats, il n en est pas un seul
J
'
' i ** *
'■ l l <
'
î*
*’
» dans lequel on doive plus desjrër l ’intention et le vœu ' de la
. j ‘l f ;
J 41
» perpétuité de la
- ,
'r .
part de ceux qui contractent'
[
Ensuite,
il fait voir qu e, dans notre position , on ne peut se flatter de
^
j
;î * *'
*'
*'
trouver le moyen ’ d^assortir si parfaitement les unions conju1
‘ n•
1
'
’ l 'I' l .
•'rï.
gales , d inspirer si fortement aux époux le sentiment et 1 amour
(II ' ' ■*■■<.
. -I
de leurs devoirs respectifs , qu’il ne s’ en trouve quelques-uns
')7*
•
•;i! '
'
■,:»
capables d’excès propres à déterminer leur séparation. L a loi
,0
}
***' *' ' :) H
'' ‘
n’autorise donc l’emploi du remède du divorcé que par la néces§ité de notre état présent et de
mœurs.
Le
la corruption
législateu r n e1 dissim ule
p o in t
sa
actuelle 'd e s
douleur
d’être
ré d u it à cette extrémité , puisqu’il fait des vœux poufique quel-
qu’institulion ou quelque loi salutaire épure l ’espèce hum aine >
au point de pouvoir se passer d’ un pareil remède. 1
‘‘
Toutes ces réflexions doivent donc exciter dans l’ame
<c
des
juges une détermination également salutaire de n^accueillir une
• *' :i" ■
*
,
demande en divorce qu’autant que les circonstances en démon
treraient l’indispensable nécessité.
C eci, p o sé , .examinons les motifs que
la Dame
Cliappel a
donnés pour établir sa dem ande, et par une saine critique ,
voyons si les faits dont elle se p la in t, sont de nature a exiger
.4 r -
l ’usage du remède auquel elle a eu recours.
Sa requête
contient dix-sept
chefs d’accusation contre son
m a r i, et depuis à l’audience à huis clos, elle en a ajouté U°*s
autres , consignés au procès-verbal ; ce qui fait
en ton* vingt.
Sans doute que la Dame Cliappel a pensé que la quantité de»
�V.}
( I»)
imputations était propre à éblouir le public , et à le
rendre
favorable à sa cause ; mais elle s’est trompée, car devant les magistrats
et aux yeux
de tout homme sensé, c’est la qualité seule
des
faits qui peut faire sensation. Vainement a-t-elle cherché à peindra
son mari sous les couleurs les plus odieuses ; il y-a long-tems que
la justice est en garde contre le prestige d’ une fausse peinture« Il n’y a point de fem m e, dit le célèbre C o cliin , tome V , p» 47 y qui, formant une demande en séparation r ne fasse un portrait
3) affreux du caractère et des procédés de son mari 5 il n’y en a
i) point qui n ’articule des faits graves et souvent circonstanciés ,,
)> et qui ne demande permission d ’en faire preuve. Quand le mari
)) s’oppose à la preuve , on ne manque jamais de s’écrier que c’est
» un éclaircissement innocent ; que les faits sont vrais ou qu’ils
)) sont faux j que s^ils sont faux t les enquêtes doivent faire le
î) triomphe {lu mari et couvrir la femme de confusion j que s’il»
3)
sont vrais , il serait so u vera in em en t in ju ste de refuser à la femme
ï) la liberté d’en faire preuve et d’en tirer les avantages qui doij) vent affermir son repos et la mettre à l'abri des persécutions.
» auxquelles elle est exposée. Mais ces vains prétextes n’en impo» sent pas à la justice. E lle sent l’inconvénient d'admettre trop
v légèrement de pareilles preuves r soit par le danger de cette
» preuve en elle-mêm e , soit parce qu’elle perpétue une division
3) funeste et scandaleuse par les longueurs qu’elle entraîne , soit
» enfin , parce qu’il se trouve souvent des fins de non recevoir ,
)> qui ne permettent plus d’écouter les plaintes affectées d’une
5) femme qui n’aspire qu’à l ’indépendance.
)) C ’est ainsi que la Dame R apally , qui articulait les faits les
« plus graves et les plus circonstanciés , qui se plaignait queson
mari l’avait presque égorgée et ne lui ayait laissé qu’un reste
�c u)
» de vie pour s’échapper de. sa maison et pour implorer le secours
)) de la justice , fut cependant déboutée de sa demande à fin de
)> permission de faire preuve d’un événement si cruel : c’est ainsi
» que la Dame de M archeinville, la Dame d’Ervillé et plusieurs
» autres ont été aussi déboutées de pareilles demandes , la cour
)> n’ayant pas témoigné moins de réserve pour admettre des preu» ves de cette qualité , que pour prononcer définitivement des
« séparations qui offensent toujours l’honnêteté publique et qui
» présentent à la société les exemples les plus dangereux et les
» plus funestes«.
C ’est particulièrement dans cette cause que le tribunal recon
naîtra la nécessité de rejetter une demande en divorce, qui n’est
appuyée que sur des faits , dont les uns sont rejettés par la loi
ineme comme insignifians pour autoriser une pareille action, et
dont les autres sont de p ure im agin ation et impossibles à prouver,
de l’aveu même de la Dame Chappel. Une analyse succincte de
tous ces faits suffira pour convaincre le tribunal de la vérité de
notre proposition.
i.° L a D am e Çhappel déclare q u 'il y
-
a incom patibilité d 'h u
meur et de caractère entre elle et son m ari. Elle s’imagine
viyre encore sous le règno de la loi du 20 septembre 17 9 a , qui
donnait aux époux un prétexte commode pour divorcer, puisqu'a
défaut de raisons , il suffisait, pour satisfaire le caprice , d’alléguer
cette prétendue incompatibilité. Mais les nombreuses et intéres
santes victimes dJun si léger prétexte , ont mis le Gouvernement
dans le cas de le proscrire de la législation, et ce n’est plus
aujourd’hui un moyen de divorce.
a.° E lle im pute à son m ari de fréq u e n te r les fe m m es dé
bauchées et les lieux de p ro stitu tio n , et même elle prétend
�7O
/O
;
( M )
q u 'il a eu 'recours aux remèdes que nécessitaient les suitet
de ' ces mauvaises
persuadera'-t-elle
fréquentations. A qui la
que son
et d e tJim cu rs, pour lui
mari
Dame Cliappel
fût assez dépravé
de ‘ goûts
préférer des m isérables, dont la vue
seule inspire le dégoût ? Avilir son mari p a r ’ de pareils repro
ches , c’est encore plus
s’avilir soi-même.
Cette
outrageante
imputation est d ’ailleurs tout-à-fait gratuite , car outre qu’elle
est sans fondement et même dénuée
de vraisemblance , cJest
qu’encore la loi n ’admet point de pareils faits pour appuyer
une demande en divorce. Diaprés l’art. C C X X IV de la loi du 00
ventôse an X I , « L e mari ne peut êlre accusé d’adultère que
» dans le" cas' où il aura tenu sa concubine
dans la maison
î) commune ■
’»i O r , i c i ,'i l n ’est'pas question de concubine ; mais
p a r'ü n excès de1! mechàncèVél!, on veut décrier la conduite du
C ‘ n.
Cliappel et
le peindre absolument
comme u n - libertiri.
He ureusement quo les personnes lionnêles des deux sexes, que
le C .en Cliappel v o i t ‘ habituellement , lui
rendent justice.
Sa
santé n ’a jamais éLé compromise , et com m e1son épouse riese
plaint ’'pas que la sienne ait été en danger , il en résulte que
ce ’moyen est tout-à-fait illusoire.
J 3
L a D am e Cliappel reproche ' à son mari de courir les
cafés et d ’y perdre au jeu tout le produit de
son commerce.
Si le fait était vrai , cela pourrait donner lieu à une sépara
tion de biens et non pas au divorce. Mais le C.cn Cliappel n est
pas un joueur , il n ’en a jamais eu ni les goûts ni les facultés.
Au reste , il ne pouvait rien perdre aux dépens de sa femme ;
car depuis près de quatre ans qu’il est marié , il r/a
pu par-
-venir à déterminer son beau-père à lui donner le plus léger
à-com pto sur la modique pension annuelle de 800 i1~, qu’il avait
ponslituée à
fille. L e C.en Cliappel a d o n c, lui se u l, support«
�(OV)}
les
charges du
mariage.
Les»’joueurs
sont presque
toujours
noyés de dettes; au contraire , le C.«i Chappel a payé celles
qu’il avait contractées pour ses frais de noces , et si le Ç.en
Monestier
voulait
s’acquitter envers lui , son
commerce
et
l’état de ses affaires seraient dans le meilleur ordre. E st-il donc
défendu à un m a ri, sous peine du d ivo rce, d'aller au café pour
s’y délasser de ses occupations ? Ne voyons-nous pas quantité
d’honnêtes gens se permettre cette recréation ? Peut-on leur en
faire un crime ? non , sans doute.
Ainsi ce reproche prouve
tout-à-la- fois le désir et l’embarras de le trouver coupable.
4 .° Z.« D am e Chappel se p la in t de ce
refusait
aux
dépenses nécessaires
de
que son mari
son
pitoyable m otif pour un divorce ! L a Dame
ménage.
se
Quel
Chappel a é t é ,
fcôrnme son mari , logée et nourrie dans la m aison,
et à la
table du- C.cn C h ap p el, père , qui a eu pour elle tous les égards
et toutes les attentions possibles ¿''elle ne pouvait donc avôiu
aucune difficulté, ni aucun souci touchant les dépenses du m é
nage. Serait-ce dortc ‘au sujet des" dépenses de sa toilette et do
ses plaisirs , qu’elle se plaint de
quelques 'lésines , de la part
de son m ari? Mais chacun là-dessus doit calculer sa i dépense
sur ses facultés , 'e t 'i l semble que c’était^bien honnête,
dans la
position du C .eu Chappel ,
un ütou
décent,
o-.
taisies
de tenir sa ^femme sur
sans être encore obligé de1*subvenir à*'tontès ses fan—
Cependant il' nrest personné q u i,- a v e c itn : commercé
:!
m édiocre, eût fait plus de sacrifices pour satisfaite les :goûts de
tj
1
son épouse. La
Damo
Chappel avait une 'dormis'tiquo'i exclusif
veinent attachée à son service1;' ello 'était tfès'-bii1n ’ 'hiise", allait
souvent
au t>al et au 'ip ectacle : ‘ û h 'ïid i'à it
pas Irop'co
fallait faire5 do plus "p our' la ' co'nteuter J niais ce q u ’il y a de
�certain , c’est quo toute autre femme eût été fort’ contente. Au“
reste , elle ne disconviendra pas, que les C ’eus C happel, père et
lils , lui ont p ro p o sé plusieurs fois de lui abandonner pour son
e n tre tie n e t ses plaisirs la pension
de 8 0 0 * , quo ses père
et
mère lui ont constituée dans son contrat de mariage , espérant
que cette destination déterminerait le C.cn Monestier à payer
c e lte
pension ; mais la Dame
Chappel a toujours refusé cette
offre généreuse.
5 .° E lle se plaint d ’ injures atroces et d ’outrages très-graves ,
qu'elle prétend a voir
reçus journellem ent de son m a ri, au
p oint q tie lle a passé sa
vie dans les chagrins et les pleurs ,
et n'a éprouvé ni adoucissem ent, ni relâche dans son m alheur.
Ce sont lesi termes de sa requête. Il est facile de reconnaître
ici
l'exaltation des idées d’une femme qui cherche à apitoyer
le public sur son sort et, à exciter en sa faveur quelques mouvemens do
s e n s ib ilité .
C ’est; un pur conte , débité pour le besoin
de la cause ; aucune fçmme n ’a passé une vie plus agréable que
la Dame Chappel. Quels instans réservait-elle donc pour pleurer ,
elle qui s.0 levait à onze heures, faisait ses quatre repas, em
ployait à sa tpilette une bonne partie do la journée et passait
tes soirée« dans les société?, les spectacles , les bals ou les promqnadqs ? Ca n’est point là l’existence d’une femme continuel
lement gémissante sur ses malheurs. D ’une p a rt, la notoriété pu
blique dément S0,n assçrtjon >et de l’autre , si
nous la réduisons
à s’expliquer sur tes injures et les outrages dont elle se plaint ,
elle naus retrace* des scènes de théâtre, qu’elle applique à son
•î
jnari avec trè ^ p eu de discernement.
6.°PeiV pifÇQnstajioie^ljeB injures et les outrages dont elle se plaint,
elle Façopte «Vabord quff $o.n piari revenait du je u aveç une
�(I7)
très-m auvaise humeur,, lo^smême que ses pertes étaient modi
ques ; que. pendant la, nuit il ne lavait , prenait un poignard
et. dans sa fcènêate g estic u la it,,, menaçait de. tuer sa fem m e ,
sa fille
et lui-même ; que lés choses \en étaient <>enu#s d
ce
p oint qu’elle )Voyait arriver chaque
nuit en frém issa n t'/
qu'elle f u t obligée de fa ir e coucher,un e domestique dans $a
chambre , pour le ¡retenir dans ses insla/is de délire. Voilà: donc
1g C-en Cliappcl transformé en un n o u veau 'B éw erley, qui^ d an i
poix désespoir veut poignarder
tout ce qu’il a ide rplus clïer^et
se débarrasser ensuite luiim ême d’une . vie qui lui est im por
tune. De pareils tableaux sont
deéti.nés à, produire
au théâtre
de grandes sensations!, mais dans le temple de la ju stice, c’est
en vain que l’on cherche à ém ouvoir , si l’on ne parvient à per
suader. O r ici , nulle vraisemblance , nulle justesse
situations ; par conséquent, faux portrait.
il’uno fem m e
s’échauflb , elle sait.donner
Quand
dans les
l’imagination
aux choses' les plus
indifférentes , un caractère de ¡gravité, L e C.cn G lia p p el , qui a
servi , possède différentes . espèces d ’armes , parmi lesquelles est
un de ces poignards antiques, qui ressemble ¡beaucoup àiün mau
vais couteau de -cuisine. Son épouéesip-à jamais témoigné
quiétude de cette arm é, qui reposait: tranquillement
d ’in
dajls 'une
■commode de son appartementr;' cependant») depuis plus d’un an
q u e lle a- quitté :son mari 1, voua îvoyez- comme 'elle a , su tirer
partie do la scenai.du poignard de Béwerley^ il. n ’y manque’qu’una
chose j!ic’es.t qu’elle convient de l’impossibilité da là
preuve: -,
puisque la 8cèné(s}est’ pdssée-'darife èomappartemont pendant la
nuit. Ce sont là de epsî images pliosphariques ■
qui ont beaucoup
d’éclat et peu de consistance ; la .'justice* nb. s’fe'st- jamais laissa
tromper par de pareilles fictions , quii.peûveüt auBsi p ren d re leuç
source dans quelque mauvais rêve.
2
�SX
( *8 y
7.° La Dame C h appel, poursuivant son ré cit, ajoute qiüurt
jo u r sa domestique fa is a n t le Ut de son m a r i , trouva un grand
couteau o u v e r t, destiné sans doute à remplacer le p o ig n a r d ,
ce qui ne f ît qu'ajouter à ses fra y e u rs. Quelle fertilité dans
l ’invention!...
L e C .cn Chappel porte habituellement un couteau
de peu de valeur et d ’environ six pouces de longueur ; peutêtre l’aura-t- il laissé dans l’appartem ent, sur la commode , ou sur
la cheminée , ou même sur son lit ( car on ne dit pas dans la
requête
o ù ,la .'domestique>l’a trouvé ) ; eh bien ! en voilà assez
pour jetter la Dame Chappel dans une frayeur mortelle., pour
autoriser son d ivorce, pour lui faire prendre son mari en h o r
re u r.
La justice ne s’affecte pas au gré .des parties pour des.
choses sî indifférentes.
■i8.° P endant qu’elle ' ¿Lait enceinle , scni m a r i la j è l t a d baa
du lit et Vobligea de p a sse r la nuit toute nue sur le carreau r
quoiqu'il f i t un très-grand f r o i d , qui lui glaça le sang . Encora
une; seine eecrette d’horreur^ ilont la lecture des mauvais romans
pouvait seulé fournir lJidée à la Dame Chappel.' E st-il croyable
qu’ un fait de cette importance ait été- passé sôus silence dans/sa;
req u ête, et qu’elle en aiip arlé pour la première fois à l’audience,
de huis clos du 22 thermidorodernier ? Rien n’ est plus facile que
d’inventer. Mois à quôi-hoti.yahandonner aux écarts de son imar
gination , quand on en est rtîduit à dife que la scène sîcst.passé
dans le mystère ? L a justice méprise les discours romanesques^.
e t le C .en Chappel ne! peut ¡être obligé de combattre des chimères.
Il suffit de remarquer que la fausseté de l’imputation se démon
tre par le 'fait même : car si Cliappel avait pu : exercer envers sn
femme un pareil'acte de barbarie , ■
sur-tout dans le temps de sagrossesse> ellé' aurait dû en.' périr ,o u to u ta u moins éprouver les
�0 9 >
pins graves accideng, et-cependant elle ne s’en est jamais plaihtç,
•cllevn’èn a'pas dit un.m ot d an s sa requête, quoique remplie de
détails mihù'lrcux et inéigriifians » et sa mémoire ne lui a'rappelé
ce cruel événement qu’à la tlerniète • audience. C^est en vérité se
jouer de la justice , que d’oser débitei4 de pareils contes.
.o4>
9.^ A u mois de Jlo rèa l an g , au sujet du paiem ent et une fa ç o n
" l'y ■'
1
■
.! :o: .■
’ •.:!) .
' ■ i’/'r ;
de robe p o u r Sjaj)elile} le Cen. Çhappel entra enfu r e u r et porta a son
épouse un violent coup de poing dans Vestom ac , qui fa illit la renverser. Une personne présente voulut se perm ettre quelques obser
vations, mais le Çc». Çhappel la m it à la porte. D ’ une circonstance
■
'
¡tt
t Oiülî. ..
/.
h,
très-simple, la Dame Cliappel en Tait un su je t.d e plainte
, (
tres-
sérieux. Elle veut parler d’un petit/débat qu i'eu t lieu entre les
deux ép o u x, au sujet, non du paiement d’ une façon de robe pour
sa p e tite , m ais de la c le f (le la b an q u e , qiie le' C .cn Cliappel
11e voulait plus confier à sa femme
tout l ’argent que. produisait la vente
parce qu elle 's’ emparait de
des drogues. Oubliant sa
iaiblesse , la Dame Cliappel. voulut arracher de vive forcé là clôf
"\ I 1
•í1i Í1J. •*. .]
-' ‘f
rl ' f'‘'(t ’
d elà banque, que le C.cn Çhappel tenait dans ses m ains, vè t
dans sa vivacité., elle se frappa le poignet contre la banque. L a
Demoiselle Brous.se , présente à ce d éb at, prit chaudement les
intérêts de son sexe et de la Dame C lia p p e l, son intime am ie,
en sorte que s’etant permis quelques réflexions impertinentes , le
C.cn Cliappel se crut autorisé
affaires ; cette
à la prier de se mêler de ses
Demoiselle prit cela pour un congé et so rtit
aussi-tôt. Voilà le fait dans son exaclitude. D e-pareilles brouilleries ne sont point des causes déterminantes de divorce.
• : J »•-'f ‘* •
>
io .°
Un jo u r ,
la Dame
en présence
du C.en Monestier ,
Chappçl , son mccri t l ’ outragea
.
oncle
grièvement
�( 20 )
p en d a n t'p lu t de detix heures , et lui répéta plusieurs f o is de
s'en, aller de la m aison , q u ’ i l f a lla it qu’ elle n'eût point
de
cœur pour rester avec lu i, q u 'il lu i en fe r a it tant qu'elle serait
bien obligée de s ’en aller. L e récit de la Dame Chappel est
marqué au coin de l’exagération sur certains fa its , et de la faus
seté sur les autres. L a circonstance qu’elle rappelle ici ne donna
•'l
lieu qn*à des propos de vivacité fort -excusables. C ’était encore
au sujet de la clef de la banque , dont la Dame Chappel abusait
pour prendre l’argent, sans en vouloir donner a son m a ri, qui dit
au C .en Monestier , oncle : « Vous m’avez fait un mauvais cadeau ,
» vous m’avez donné une méchante fem m e, je travaille comme
)> un m alheureux, et je ne puis pas avoir Îe sou, elle prend tout».
Rappelons-nous que la loi du divorce ne tient aucun compte des
paroles
dures
échappées dans la vivacité, et ne donnons pas à
de pareils propos plus d’importance qu’ils n’en méritent.
I i.°
P fiu r
rendre
ses outrages publics ^ le
C en.
Chap—
n el ouvrait la porte de sa boutique , et criait d lue - lêle. L a
...
. j /.
-u
»;:j ,
[
Dame. Chappel vçut absolument faire passer son mari pour
ifî
un fou , ,mais tout le monde sait bien qu’il ne l’a jamais é té ,
Àj
et qu’en .aucun temps , il n ’a excité ni désordre, ni scandale
dans le public. Si ce fait était de rature à mériter une preuve r
ses voisinai seraient les premiers à lui rendre justice, mais ce n ’est
pas le cas.
12.0 L e s représentations de la fa m ille de la D am e Chap
p e l n ’ ont p u produire aucun effet sur Vesprit de son mari.
Quand et comment la famille Monestier a -t-e lle fait des repré
sentations au C™, Chappel ? L e C en. Monestier , p ère, ne lui a
jamais témoigné ni affection , ni déplaisir, si'c e n’est une fois quo
le C 0,\ Chappel s’avisa de lui demander quoiqu’argent pour allèr
�/T
( 2I )
à Paris acheter des objets utiles pour son com m erce, ce qui parut
lui faire de la peine , quoiqu’il se dispensât de lui donner la moin
dre chose. Quant à la Dame M onestier , elle a toujours traité le
C on. Cliappel du haut de sa grandeur ; il se rappelle notamment
qu’à l’occasion .de la petile brouillerie dont nous avons déjà parlé,
et qui eut lieu en présence de la Demoiselle B rousse, sa femme
ayant été se plaindre à sa mère , la Dame M onestier, accompagnée
de la Dame M ign o t , se
donna la peine de venir chez lui pour
lui signifier, avec ce ton hautain et impérieux qui tient à son
caractère, qu’il n ’élait pas fait pour épouser sa fille , et quoique
le O n. Cliappel pouvait fort bien lui répondre de maniéré à rabais
ser son amour p ro p re , il voulut pousser le respect envers sa belle
m è re , jusqu’à garder le silence sur une pareille impertinence :
aussi , la Dame M ign o t, voyant sa so u m issio n , crut que c’était le
cas «le lui représenter avec douceur combien un mari doit être
ilatté d’étre le très-liumble serviteur des volontés de son épouse,
et reconnaître que son premier devoir est de lui accorder une
pleine et entière confiunce, et de lui obéir en toutes choses, parce
c’est le vrai moyen d’avoir la paix dans son ménage.
i 5 .° L a D a m e
Va
diffamée ,
en
Cliappel
disant
se p la in t encore que son m ari
à certaines personnes qui il vau
drait bien la voir enceinte > p o u r Paccuser d ’ adultère ,j q u 'il
était fâ c h é qu'elle ne f i t p as de connaissance p o u r a voir occa
sion de là renvoyer. Ce n’est pas assez de faire passer son mari
pour fou , la Dame Chappel veut encore le peindre comme un
homme in ep te, qui ne sait pas qu’autant il est facile de commettre
l ’adultère , autant il est difficile de le prouver. C ertes, lo C on. Chapr
pel vient une conduite bien opposée aux intentions qu’on lui prête,
et sa seule résistance au divorce met assez l’honneur de sa femme
�h co u vert, pour qu'elle ne craigne pas les discours de la méchan
ceté. Il est vrai que des femmes ont obtenu leur séparation do
corps contre des maris qui les avaient. injustement poursuivies
judiciairement pour cause d’adultère C ’était la peine
de leur
calomnie et la satisfaction due à un outrage véritablement grave ;
mais ceux-là plaidaient pour perdre leur fem m e, et le C cn. Chapp e l, au contraire , plaide pour la conserver.
1 4 '° P our Vobliger de sortir de la maison ,
le C.
Chap-
pel lui écrivit une lettre sans date , oit il term ina p a r lui dire
de pr&ndre son p a rti , de p a rle r d sa fa m ille , parce que p o u r
lu i', son parti est bien p r i s , q u 'il va quitter Clermont. Rien ne
prouve mieux l’illusion de la Dame C lia p p el, que d’avoir osé pro
duire elle-mêm e
une le ttre , qui lui rappelle tous ses torts et
prouve jusqu’où sa conduite envers son m aria été injuste et déso
lante. C ’est dans un excès'de douleur, les larmes aux yeu x , que le
C en. Chappel épanche son c œ u r, et témoigne à sa femme combien il
est malheureux de n ’avoir pu lui inspirer le moindre retour de
tendresse. L a cause de son désespoir n ’était propre qu’à la flat
te r , ou du moins à l’attendrir, si déjà son cœur n ’eût été loin de
lui. L e tribunal, qui a cette lettre sous ses yeux , n ’en peut juger
autrement.
i 5 .°
La
D am e Chappel
fa it proposer
une
prétend que son
séparation volontaire ;
m ari lui
q u ’elle y
a
con
sentit , d condition qu'elle aurait son enfant et q u ’il p a y era it
4 0 ^" p a r mois pour sa nourriture et son entretien ; m ais que
le C.en Chappel ne voulut p a s céder l’enfant. Jamais le C.en
Chappel n 'a fait faire à sa femme une pareille proposition , c’est
au contraire ce qui lui fut astucieusement proposé par un ami
perfide ,
qui
est hauteur de leur discorde , et à qui il répon-,
dit qu’on lui Qterait la vie plutôt que de quitter son enfant.
�( *3
j 6.° E n sortant de la maison ,
la D am e Chappel emmena
sa f i l l e , mais elle avait l’attention de
jo u r s
Venvoyer tous les
voir son père q u i , abusant de sa confiance , la retin t ,
donna des coups de p ie d à la servante qui l a va it amenee et
la m it à la porte ¡en disant qu’il ne voulait p a s que sa mère
eût cet e n fa n t , ni q u e lle la vît. 11 est vrai que la Dame Chapp e l , se retirant chez son pére , emmena sa domestique et sa
fille , avec tous ses effets , ceux de l’enfant et même
plusieurs
effets de son mari. Celui-ci crut drahord que sa femme revien
drait bientôt d’elle-même dans sa maison ; mais voyant qu'elle
ne se pressait pas , il usa de son d roit, en retenant son enfant,
dans l’espoir que la mère serait plus empressée de revenir chez
lui. L a domestique , qui était toute dévouée à sa maîtresse , voulut
remporter cet enfant , elle se perm it d’insulter le C .e«i C happel,
qui lui donna tm co u p
porte.
Depuis ce teins
de p ie d
dans le
cal et la
mit à la:
, la Dame Chappel n ’a montré aucun
attachement pour sa fille, dont le C .en Chappel a eu le plus
grand soin. Dans tout cela , le C.en Chappel a fait
ce
qu’il
avait le droit de faire.
17.° D eux
sur le
mois après sa sortie ,
boulevard
du
étant avec des D am es
sém inaire , la
D am e
Chappel
venir sa f i l l e , que portait la servante j son prem ier
vit
m ouve
ment f u t de la prendre dans ses bras et de la caresser , m ais
son m ari survint qui Varracha b ru sq u em en t, il aurait m utité
les membres délicats de cet e n fa n t, si elle ne le .h ii eût cédih
Voilà positivement l'a1 scène' de( la vraie mère dans le jugement
dè Salomon. L a Dame Chappel ne dit pas’qûe , sous le prétexté
de caresser sa fille , elle sé^ sauva
chez elle et força son mari
de courir après pour la lui reprendre. Il en vint bien « b o u t,.
�(h )
sans violence et sans
faire aucun mal à, l ’enfant ; sa tendresse
pour ccüo petite est assez connuo, pour qu'il ne craigne pas
qu’on lui reproche d’être mauvais père,
18,°
L e a p r a iria l dernier , la D am e
à son m a r i, pour lui proposer
le
Cliappel écrivit
divorce p a r
consente
m ent m utuel ; m ais il ne daigna p a s lire sa lettre et la
reçut
avec mépris ; il veut vivra séparé, m ais ne veut p a s
consentir au divorce. Oui , toute proposition de divorce est in
compatible avec les sentimens duC.cn Chappel et de sa famille ;
mais loin de vouloir vivre sépare , i! n ’a cessé d’inviter son
'
j
épouse à se réunir à lui ; les procès-verbaux des précédentes
séances en font foi et prouvent que c’est elle seule qui veut
l
vivre loin de lui.
ig .°
I l y & P cu de jo u rs que le C.en
Chappel vint
avec
plusieurs je u n e s gens , sous les fen êtres de son épouse, p o u r
l'insulter en l ’appelant mie , mie poupée , il contrefaisait
sa voix pour n'être p<fs reconnu, et s’est sauvé , quand on est
venu p o u r le reconnaître ; c ’est-à-dire, qu’on ne l’a point re
connu , et cependant sa femme l’accuse. Elle a cru devoir ajou
ter ce fait
à ceux insérés
dans sa requête.
Lorsqu’elle en a
parlé à l’audience de liuis clo s, elle a excité la pitié autant que
la surprise $ car, des enfans de six ans ne s’amuseraient pas à
aller sous des fen êtres, pour l’appeler , m ie , mie poupée. O r ,
qui croira que des jeunes gens çe. donneront la peino d’aller avec
son mari , exprès pour dire de pareilles sottises ? Qui supposera
le C.Çn Chappel capable d’aile? troubler le repos de sa femme
depuis sa
demande en divorce jj lui qui a usé envers elle do
toutes sortes d’égards avant qetto demande ? Il faut que la Dame
Chappel ait l’esprit trpubléi flpur alléguer des rêveries de celtç
espèce.
�0i
( *5 )
L e C.CK C happel a mis le comble à ses injures en
fa isa n t notifier un commandement au C.en M onestier , son
beau-pére} p o u r qu’il ait à lui p a y e r les arrérages de la
pension de son épouse ; c a rd a n s ce com m andem ent, il ose dire
que le C.en M onestier , loin d'autoriser sa fille dans une action
de divorce , aurait du la renvoyer chez son m ari ; que Fort
n ’ignore p o in t que celle action a pour objet de fa ir e rendre
à la Dame Chappel son indépendance , afin de lu i fa ir e ensuite
consentir des arrangemens destructifs de l ’institution d ’héri
tière portée dans son contrat de mariage ; qu'une telle conduite
dispense le C.en Chappel de tous les égards q u ’il a eus p o u r
son beau-père ju sq u 'il ce jo u r ; qu 'il est teins qus le C.c,ï
M onestier remplisse ses e ngagemens. Quoi ! c’est une insulte
20*
de forcer par les voies juridiques , un beau-père à satisfaire aux
promesses authentiques qu’il a souscrites en mariant sa fille !
E st-ce donc aussi un crime <le lui rappeler qu’il importe à son
lionneur et au bonheur de sa fille , que la nature et les.m œ urs
ne soient pas outragées par une demande en divorce , toute fon
dée sur la calomnie ou
sur de misérables prétextes ? N ’est*il
pas permis à un mari qui éprouve les plus indignes procédés,
d en révéler les causes secrelles et de dévoiler le
concert
de
iiaudes dont on veut le rendre victim e , ainsi que son épouse
et son enfant ? Un beau-père qui autorise sa iille dans la dé
marche la plus imprudente , qui vient jusques dans le tribunal
approuver sa résistance à toutes les invitations , soit de son
m a ri, soit des magistrats
Certes , le C.<-u C h ap p el,
repousse avec deduin de
son plus mortel ennemi
, peut-il encore exiger quelques égards ?
traité plus indignement qu’un étranger,
la maison de son beau-père , tandis que
, le C .en Louirette , auteur de toutes les
discordes qui existent entre lui et sa femme , y est reçu à cha
que instant du jour , ne peut plus voir dans le C.en Monestier
qu’un homme dont il doit déjouer la . politique. En un m o t, il
a droit de demander ce qui lui est dû , il en a besoin ; sou
btiau-père se refuse injustement à l'acquit de conventions sacrées
qu il lui est facile de remplir j rien n’est donc plus légitime
que de 1 y contraindre par les voies légales.
4
�., w , .
(îty
.
,,
.
M aintenant, qu'il nous soit permis ¿'‘interroger la conscience
&es magistrats et de feur demander s i , d’après les principes reçus
en cette matiere', il ’est possible d’admettre Paetion intentée par
la Dame Chappel. Nous sommes convaincus du contraire", parce
qué‘ toute ta cause doit se réduire à cette unique question : Lii
viè^et l’honneur'de la Dame Chappel sont-ils en p é ril, au point
qu’elle ne puisse,les m ettre à couvert autrement que par un
divorce ? O r , sur cette q u e s l i o n i l n’est personne de bonne
fo i qui ne tienne aussi-tôt pour la négative. Il n’y a ici aucuns
faits de sévices., mais de simples brouilleries passagères , suivies
d'une cohabitation paisible; il n^y a point non plus d’outrages,
ni d’in ju res, portant un g^and caractère de gravité, mais seulemfent des'propos de vivacité provoqués par la Dame Chappel
elle-même". Aucune juste cause n’a déterminé sa so‘rtie de la mai
son de son mari. E n pareille circonstance, serait-ce donc le cas
¿ ’admettre unie preuve des faits par elle allégués ? non , parce que
cétte preuve né peut avoir lieu sur les faits importans q u i, de
son propre a v e u , se seraient passés dans le mystère de la n u itr
èl qui n ’o n t été imaginés que pour le b esoin de la cause, et que
celte preuve serait illusoire sur les autres faits insignifiuns pour
un divorce. E n se réservant , dans sa req u ête, d’attaquer son
ïriàriage de nullité, n ’est-ce pas avouer qu’elle ne peut réussir dans sa
cTetfiande eii divôrce ? C’est donc le cas de se rappeler la doctrine
de l'illustre Cocliin déjà c ité , et d’élo ù ifer, dés le princip e, une*
affaire qui 'h ’eut jamais du paraître. Admettre la p re u v e , ce
serait* prolonger inutilement des débat4 scandaleux, entretenir ¡a
h a in e 'èt'les Vaines espérances d’uné épouse égarée ; ce serait forèer le C '“.' Chappel 'de rompre lé silence touchant les témoins
{produits* càritre lui par son épouse , ‘ agraver le inal sans o b je t,
jjerpêtiiev leè diseentiôns eritre deux familles destinées à vivre
ÜUns la paix d’une alliance'étem elle. ’
‘ 1, "
D ’aillfeurS , quel danger lie présenterait pas une preuve .admi
nistrée^ par des témoins intéressés, tels que là plupart de ceux
produits par la Dame C h a p p e l, qui a osé indiquer, pour justifier
sdiT accusation, cem ênie L o u irette, ‘auteur de ses divisions avec
son époux , ennemi mortel du C*“'. Ü ftappèl, puisqu'ils ont eu les
�(*7 Í
•
rixes les plus viólenles, au point que Louirette lui a iiré ,t!e u x
coups de pistolet ,xkns un moment où le C tu. Chappel était sans
ormes ; la Dame M ignot, qui est l’ame et le conseil de la famiile
M onestier, qui a acquis un empire absolu sur l’esprit de Ja Dame
C h ap p el, e t' la dirige •par ses leçons autant que par ses exem
ples ; la fille Chavagnat, qui jouit de la plus mauvaise réputation ,
qui passe publiquement pour recevoir des cadeaux et des liabillemens de la Dame C h ap p el, afin de lui être favorable, q u i, étant à
son service } lui était si totalement dévouée qu’elle méprisait
ouvertement les ordres de son maître ; la Demoiselle Brousse f
confidente et amie intime de la Dame C lia p p el, et dont les mau
vais conseils n ’ont pas peu contribué à l'éloigner de ses devoirs ;
le C e'\ M onestier, p è re , q u i, pour l’exécution de ses p ro je ts ,
maintient sa fille dans une résolution qu’elle n’eût osé soutenir
elle -m êm e ; la Dame Monestier , qui a toujours traité son gen
dre avec hauteur et dédain , qui ne c o m p r e n d pas qu^un mari ne
soit pas l’esclave de sa femme , et veut que tout genou fléchisse
devant sa fille comme devant e lle , etc. , etc.? Assurém ent, outre
Finutilité de la p reu ve, son danger résulte ici de la disposition
particulière des esprits des témoins
produits par la Dame Chap
pel ; et lorsque la justice cherche la v é rité , elle ne peut s’expo-'
ser elle-mêm e à s’environner des ténèbres du mensonge. T out concourt donc à rejetter , to ut-à-la-fois , et la preuve et la demande
en divorce.
L e Ccn- Chappel a poussé jusqu’ici les égards pour son é p o u s e ,
jusqu’au point de rester seulement sur la d éfen sive; un autre à
sa place , pourrait la faire repentir de son agression, en lui rap
pelant ses torts avec aigreur ,, .mais l’espoir de la r a m e n e r par
^oüJigijt-iÊncore^et Jg ¿i^ jo sç naturellement à l'indulg^Ticp et
j.aijl oncles ^flejnses d^nt elîé^ Ju rîait sentir l’a
mertume. Cependant il ne peut dissimuler au*}nb 1inal que plu
sieurs“ causer ont aîtéré là* prtiy d<r san ménrrge; r*-fce-cam»rt*re
capricieux de son épouse; 2.0 Son obstination à recevoir ,.J?ia|gré
ses défenses, le C.en L o u ire tte , long - lemps encore après qu’il
eût rompu toute liaison avûc lu i , et qu’il eût re co n n u la perfidie
�( »8 )
de ses conseils et de sa prétendue am itié; 3 .° L es tons dédaigneux:
qu’ elle prenait enve rs le C.en C h ap p el, qu’elle traitait , pour la
moindre contrariété , de b u to r, g o u ja t , m anant , et autres ter
mes indécens , dont une femme honnête ne doit jamais se se rv ir,
sur-tout â l ' égard de son mari ; 4 .“ L ’esprit de dissipation de son
é p o u se , son goût pour une dépense nullement proportionnée à ses
facultés. Voilà , en peu de mots , les causes des petites querelles
qui ont eu lieu entre les deux époux , et quoique les torts soient
évidemment du coté de la Dame Chappel , un mouvement de
repentir de sa part peut encore les faire oublier. Il est si peu
d'unions dont quelques nuages n ’altèrent la douceur et la p u re té ,
que les époux sont bien obligés d’apprendre à supporter leurs
mutuels défauts ; car s i , pour la moindre brouillerie , l ’on avait
recours au divorce, le mariage rie serait plus qu’ un concubinage
et une source perpétuelle de désordres.
Term inons par une seule réflexion : la vie et l’honneur de la
Dame Chappel ne sont et n ’ont jamais été compromis ; la posi
tion des deux époux n ’est point désespérée ; il n’y a donc pas
lieu d ’e m p lo y e r à le u r ég a rd le r e m è d e terrible du divorce. A u
c o n t r a ir e , il est de leur devoir et la justice est intéressée à les
ré u n ir, afin de rép arer , par l’exemple d’une vie douce et paisi
b le , l ’outrage que la Dame Chappel a déjà fait à l ’honnêteté
publique, par le scandale de sa demande.
C H A P P E L.
Le C.en B O Y E R , Rapporteur.
C. L .
R O U S S E A U ,
Jurisconsulte.
À Clerm on t, chez, V E Y S S E T , Imprimeur de la Préfecture
du Puy-de-Dôme.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chappel, Marie-Julien. 1803?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boyer
Rousseau
Bonnefoi, Avoué
Subject
The topic of the resource
divorces
nullité
jugement moral du divorce
appréciation de la notion de mauvais traitements
séparation de corps
témoins
premier divorce clermontois depuis la promulgation du code civil
violences sur autrui
maltraitance
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Marie-Julien Chappel, officier de santé pharmacien, habitant à Clermont-Ferrand, défendeur ; Contre dame Marguerite Monestier, son épouse, se disant autorisée par justice, demeurant en la même ville, demanderesse en divorce.
Annotations manuscrites : voir le jugement qui admet la preuve des faits, et l'arrêt infirmatif au journal des arrêts de Riom, an 12, p. 88.
Table Godemel : divorce : Considérations générales sur le divorce. – caractères des sévices propres à le justifier.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1804
Circa 1804
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0903
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53064/BCU_Factums_G0903.jpg
appréciation de la notion de mauvais traitements
divorces
jugement moral du divorce
maltraitance
nullité
premier divorce clermontois depuis la promulgation du Code civil
séparation de corps
témoins
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53095/BCU_Factums_G0934.pdf
94e73fba3524b36d8b267b105adc9830
PDF Text
Text
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MÉMOIRE
J U
S T
I F I C
A
T
I F ,
' P O U R Me J o s e p h D e s m a r o u x , Notaire Royal &
Procureur au Bailliage Royal de Montaigut en
Combrailles, prifonnier dans les prifons de la Ville
de Riom, accufé.
>
C O N T R E Monfieur le Procureur du R o i de la
Sénéchauffee d'Auvergne & Siège Préf idial de la.
V ille de Riom accufateur.
infortunée de la vengeance & de la calom
nie, je gémis depuis deux mois dans l’horreur des
prifons ; j’éprouve tout ce qui eft deftiné aux fcélérats du premier ordre ; cependant, tout autre que
moi eft coupable du crime qu’on m’impute. Fut-il
A
Vci t i m e
CRIMINEL.
SÉNÉCHAUSSÉE
D ’A U V E R G N E
�jamais d’accufé plus cligne d’être plaint du public &
protégé par la juilice ? Diipenfateurs de ce tréfor
facré, magiilrats intègres, vous devez l’ouvrir à tous
ceux qui le demandent ; s’il pouvoit être fermé pour
un, il pourroit l’être pour tous : le dernier des citoyens
y a le même droit que les puiiTances du royaume;
mais, s’il pouvoit y avoir quelque préférence fur la
diilribution d’un bien fi précieux, la raifon, la nature
& l’humanité ne demanderoient-elles pas qu’elle fût
en faveur du malheureux qui eftinjuftement opprimé?
Père de famille, domicilié, jouiifant de tous les
droits de l’honnête bourgeoifie , j’ai été outragé
dans mon honneur, dans ma perfonne, dans ma
liberté. Chargé par état de la confiance & du fecret
des familles, j’ai depuis long-temps rempli tous mes
, devoirs avec toute l’attention qu’ils exigent : expofé,
malgré ces avantagés, aux coups d’une trame odieufe,
ourdie par le reffentiment, fomentée par la paiîion,
&foutenue par la cabale de quelques ennemis pervers,
je fuis confondu avec les m alfaiteurs, & réduit à
paraître aux yeux de la juftice en criminel.
Mais, qui peut fe-défendre de la calomnie, furtout quand elle eft armée du bouclier impénétrable
-de la tyrahnie, iefecret? Combien de gens honnêtes
Uônt<été à la veille de fuccomber fous le poids de
-i’aCcufation la plus injufte ? La vertu la plus pure
'n ’èit-elle pas tous les jours en 'butte à l’envie A à la
ijaloufie.?
�( 3 )
*
Raiïuré par mon innocence, je pourrois laiiTer le
foin de ma défenfe à la réputation que je me fuis
acquife en vingt-deux ans d'exercice de mes charges
& des différens emplois de confiance donc j’ai été
honoré par plufieurs perfonnes de confidération ; je
pourrois me diipenfer de me donner en fpeétacle au
public, par un mémoire, fi la juftice humaine, meiurant fes coups fur ceux de la juftice divine, pouvoit
çonnoître fur le front des hommes la perverfité dç
leur cœur, & diftinguer le coupable de l’innocent;
fi elle-pouvoit dire en toute aifurance : Defcendams
& videbo utràm clamorem qui venu ad me opere corn-*
pleverint y an non efl ita ut fciam ( æ).
Ma cauie intéreile eifenrieliement la iociété ; c’eü
celle de tous les notaires; c’eft celle de tous les
citoyens, parce qu’il n’y a perfonne qui puiiTe ie
flatter de n’avoir aucun ennemi, & d’être à l’abri de
la calomnie. Des circonftances fi fingulières & fi intéreiTantes pour un homme public, demandent qu’il
faiTe paroître de la fenfibilité; elles veulent qu’il
repouife l’outrage; elles lui mettent les armes à la
main pour ia défenfe. Ce feroit donc mériter de ma
part toutes les injures qui m’ont été faites, que de
n’en pas Taire çonnoître i’injuftiçe aux refpeélables
magiftrats qui doivent me juger, & au public qui
-m’a alfez honoré de fon eftime, pour ne pas me faire
un crime du filence quejje voudrois m’impofer.
(a) Genef. chap. 1 8 , verf. 2 U
A i
�L e fieur de Segonzat, 'feigneur de Champigoux,
fît en ma faveur, par un feul & même a¿le du 24
feptembre 17 7 6 , deux donations : l’une, à titre oné
reux, & l'autre, abfolument gratuite : l’aCle fut reçu
par Giraud, notaire royal à Montaigut; il fut pafie
dans l ’étude du notaire, & écrit de la main de Lougnon
'qui lui' fervoit de clerc pendant les vacances qu’il
paiîoit à Montaigut, chez le fieur Tabardin, notre
beau - frère.
Il eft dit dans la première partie de cette donation,
que le fieur de Segonzat me donne, par donation
:entre-vifs, le bien & fief de Champigoux, fous la
•referve de l’ujfufruit 8c jouilîance de tous les bâtimens,
jardins y attenans, de deux chenevières. . . . . le fieur
de Segonzat fe réferve auiTi la directe fur les objets
'donnés, & y impofe la redevance d’un denier de
cens portant profit. La donation eil de plus faite, à
la charge par moi de payer annuellement au fieur de
Segonzat une penfion viagère de 800 liv. d’acquitter
fes dettes, jufqu’à concurrence de la fomme de
'I0200 liv. ou environ, & de le tenir quitte de la
jfon?me de 593’ liv. qu'il me devoit perfonnellement.
La fécondé clauie de la donation porte que a le
;t> fieur de Segonzat défirant me témoigner la conti» nuation de Ion amitié & de fon affeétion . . . . ma
V donné & me donne gratuitement, & aux miens,
�*» par donation entre-vifs perpétuelle & irrévocable,
. » le domaine appelé des Rondiers, iitué audit lieu
» de Champigoux, coutume de Bourbonnois^ & tous
v les autres héritages en roture, qui lui appartenoient,
» iitués dans les paroiifes de Mourmière & St. E loy,
» avec quatre bœufs . * . . . en quoi que le domaine
■» des Rondiers Si héritages en roture conilftent &
3> puiflent confifler, iàns en rien retenir ni réferver (\z).
Je dois obferverici ( & c’eiHe feul crime qu'on peut
«l'imputer, en iuppofant que.je doive être garant des
faits d’autrui ) qu’à la iliite de cette fécondé partie
de la donation, Giraud qui la diétoit, fit, par igno
rance, ou plutôt dans le deiTein de trahir mes intérêts,
inférer la claufe, que le fieur de Segonzat me donnoic
de plus t o u s s e s b i e n s é c h u s e t a é c h o i r , p r é s e n s
e t a v e n i r ( ¿ ) ; ce qui rendoit la donation radicale
ment nulle, d’après les diipofitions textuelles de l’or
donnance de 17 3 i»
u
l J ’étois dans l’étude de Giraud, pendant qu’il étoit
occupé à compofer cet aéîre; mais je faifois alors la
converfation à l’écart avec le fieur de Segonzat, & ne
. doniiois aucune attention à ce que Giraud di&oit,
, n’ayant garde de fuipeéler fes dellêins, moins encore
( û ) N ota. C ’eft pour ce dernier objet de la donation feulem ent,
que le fermier de M. le duc d’Orléans m’a demandé des droits de lods.:
v
(¿ 5 La mlnut© de la donation étoit compofée de deux feuilles,
cette Claufe fe trouvoit écrite dans la feuille du milieu. ’
■
i :>
�:( * )
de me défîerMe ifon expérience & de ia capacité qui
m’étoient connues : d'ailleurs , on devoit me faire
leélure de Ta&e ; on me l'a fit en effet, & alors je
remarquai la claufe vicieufe : j’en^fis aufli-tôt l’obfervation, & demandai que la minute fût changée, ou
la claufe fupprimée, attendu que je n’étois pas dans
l’intention de fournir aux frais d’une donation qui ne
pouvoit m'être utile. Sur ma repréfentation, Giraud
ayant remontré qu’il iuffifoit de changer la feuille du
milieuy fur laquelle étoit écrite la claufe vicieufe, &
de iiibftituer une autre feuille, dans laquelle on ne
comprendroit point les biens échus & ci échoirs , préfens & à venir, le iïeur de Segonzat 8c moi nous ren
dîmes à fon avis. Dans le même moment, la feuille
étant tranfcrite par Lougnon, la claufe fupprimée &
Taéle figné, je me retirai avec le iieur de Segonzat,
laiifant iur la table de Giraud, & la minute de la
donation, & malheureufement la feuille fupprimée
qu’on auroit dû déchirer dans l'inftant. Mais quél eft
l’homme aiTez prévoyant qui puiiTefe flatter de n’avoir
jamais eu d’imprudence à ie reprocher?
Enfans de Colère & du nienfonge, vous qui êtes
plus confommés en malice que ces fcélérats même,
.dont les crimes ont enrichi l’hifloire au déshonneur
de la nation, mon imprudence va fournir à votre
imagination une vafte carrière, pour exercer vos
talens. Mais.cous vos projets odieux, vos iropoftures,
vos calomnies, viendront fe brifer à l’écueU de-Î’is^
vraifemblance & des contradictions.
�(7)
»
l e s dates font dans cette affaire, de Ja plu? grande
importance.
La donation faite en ma faveur par le fleur dp
Segonza.t, le 24 feptembre 17 7 6 , fut contrôlée &
iniinuée le 16 du même mois. Cette vérité ne peut
paroître équivoque, puifqu’elle eft confignée dan$
des a£tes .publics, dans un certificat du contrôleur,
'& dans fa propre dépofition.
Devois-je m’attendre qu’une libéralité de cettp
nature alloit devenir pour moi le principe de la deftru&ion de ma fortune? Pouvois-je prévoir que des
.héritiers qui avoient refufé d’accepter ce don, au£
mêmes conditions que moi, feligueroient un jour avec
des ennemis jaloux & un fermier avide, pour me perdre
dans l’efprit d’un confeil éclairé, du confeil d’un prince,
à tous égards refpe&able, M. le duc d’Orléans?
- La ligue formée, je fus atteint de fes coups meur
triers, peu de temps après la donation. Je vis éclore
deux procès contre moi, & s’en former un troifième
.qui attend fon exiftence du fort de la plainte qu’on
a fait rendre contre moi.
: Giraud, quel nom viens-je de prononcer! ouï,
«Giraud, ce même notaire qui a di<5té la donation fait/?
;en n>a faveur, par le fieur de Segonzat, ce notaire
qui avoit euja confiance des deux parties, fe montre
¿à-la tête de la cabale; il eft le premier qui cherche
-à me faire dépouiller des biens qui venoient de m’être
¿«donnés en fa préfence. Que ne^oit-on pas craindre
.du rellentiment & dune baiTe jalouüej
�(S )
Depuis la donation, ayant été chargé, en ma qua
lité de procureur, de la défenfe de Jean Rouzille,
auquel Giraud avoit iufcité le procès le plus injufte,
pour la vente de là coupe d’un bois taillis 3 je deviens
un objet odieux pour Giraud. Il faut me venger 9
dit-il, il faut me venger, quand je devrois moi-même
être enveloppé dans ma propre vengeance.
1
Des raiions d’intérêt l’animèrent encôre &■ lui
fuggérèrent le plan qu’il a fuivi, & que fans doute,
il méditoit, en faifant ma donation, puifqu’il a con^•iervé foigneufement cette feuille fatale que je fis
iupprimer. C ’eft cette pièce dangereufe qui lui four
nit le moyen de me nuire. On voit tout d’un coup
l’ufage qu’il en pouvoit faire, & il le fit d’autant ptas
avidement, que le fuccès & l’impunité paroiiToient
infaillibles.
Il voit le fieur de Segonzat, l’engage à fe pourvoir
contre fa donation, & lui fait part des reffources qu’il
lui a ménagées pour'réuiïîr à la faire déclarer nulle.
Ceux qui ont connu le fieur de Segonzat, ne feront
point étonnés que Giraud ait pu le faire varier.
’>
On m’afligne donc le 17 février 17 7 7 en la juftice
de Montaigut, en nullité de cette donation faite cinq
mois avant. Le moyen de nullité eft tiré de ce que
la donation comprend les biens à venir.
Quel abus, Giraud j faites-vous de votre miniftère?
Eft -ce la haine feule qui vous confeille .de vous com
porter -ainii l Non : une efpérance chimérique vous
faic
�(p )
ïïy
fait encore agir. Vous vous étiez periùadé que la
donation faite en ma faveur étant une fois annuilée,
le iieur de Segonzat difpoferoit des mêmes biens en
faveur de Bouttin, beau-frère de votre gendre. C ’eft
le langage que vous avez tenu, & la convention que
vous aviez faite avec le fieur de Segonzat : la preuve
en eft écrite au procès.
Je négligeai de comparaître fur la demande du
fieur de Segonzat, ou plutôt je ne favois quel parti
prendre; car, comment éviter la nullité, s’il failoic
que j’adoptaile le faux aéle, & comment entrepren
dre de pourfuivre mon confrère en action de faux?
comment même prouver la fauiTeté?
Cependant le fieur de Segonzat prit contre moi
une fentence par défaut, le 4 du mois de mars, qui
déclara la donation nulle.
L ’impofture, fière de mon filence & de fes pre
miers fuccès, alla croiifant de jour en jour. Giraud
s’étant retiré pour un moment derrière le rideau, je
vis paraître fur la fcène Salleneuve, fermier de M,
le duc d’Orléans, pour me iufciter un nouveau pro
cès, fous le nom de ce prince. Ce fermier s’étant
figuré que la donation qui m’avoit été faite par le
fieur de Segonzat, étoit une vente déguifée, me fit
aifigner, fous le nom du prince, en la juilice de
Montaigut, le i j du même mois de mars, pour être
condamné à payer les droits de lods.
Ma défenfe fut fimpie, Je ne de vois pas de droits
B
�W
l. :
( I0 )
"de lods pour une.donation gratuite; 8c quand j’en
aurois dû, je ceiTois d’y être aiTujetti, ii, par la four
berie de mon notaire, ma donation devoit demeurer
nulle : ce furent les moyens que j’employai ; je dis
d’abord qu’une donation ne donnoit point ouverture
aux droits feigneuriaux dans la coutume de Bourbonnois ; j’ajoutai fubfidiairement que la donation
fa ite en ma faveur par le Jieur de Segonqat, avoït
été déclarée nulle par une fentence du bailliage de
Montaigut} d’oùje concluois que A i. le duc d3Orléans
ne pouvoit pas exiger de droits feigneuriaux, ju fqu à
ce que la jujïicc eut prononcé définitivement Ju r cette
demande en nullité de la donation > ou que le fieur de
Segon^at s3en fût défifié.
. J ’étois bien loin par ce genre de défenfes, d’ap
prouver la demande en nullité, 8c j’en difois afiez’
pour montrer le cas que j’en faifois, ou du môins
pour convaincre que je ne m’en tiendrois certaine-?
ment pas à la fentence de Montaigut.
. Comment donc la malignité peut-elle me faire un
crime de m’ctre ainfi défendu? Etoit-ce m’approprier
le faux de Giraud, 8c vouloir abufer de la nullité
apparente, que d’en appeler, au contraire, à la jus
tice, 8c d’annoncer que je ne regardois pas commedéfinitif le jugement de Montaigut? d’un autre côté,
fi ce faux devoit produire fon effet, fi je ne pouvois
parvenir à écarter cette prétendue & faufïe nullité,
étoit-il jufte que .je.payaiTe les lods dam bien qui
t
�( ( rï l ) )
-n’étoit pas à moi? c’étoient les termes où j’en étais
lorique je me défendis, & il y a à ce fujet deux circonfîances bien remarquables : lu n e, qu’à l’époque
des défenfes que je fis lignifier le 15 juillet 1 7 7 7 ,
contre la demande de M. le duc d’Orléans, il eft
inconteftable que la fentence qui déelaroit nulle la
donation que m’avoit fait le fieur de Segonzat, fubfiitoit dans toute fa force, puifque je n’attaquai cette
fentence par la voie de l’oppofition qu’au mois d’août
fuivant.
L ’autre, que Giraud, de concert avec Salleneuve,
pour me perdre, ayant eu l’infidélité de lui délivrer
une expédition de la donation dans laquelle il avoit
inféré la claufe des biens échus-& à échoir, préfëns &
à v.enir ; & Salleneuve m’ayant fait lignifier cette
donation dans cette forme, j’avois tout lieu de crain
dre que la perfidie de Giraud ne l’eût encore porté à
faire contrôler & infinuer cette donation dans la même
forme. Il n’y a rien à eipérer d’un ennemi, & tout eft
à craindre de fa part.
Pour terminer mes doutes & fixer mes incerti
tudes, j’allai coniîilter les regiftres des infinuations,
ÔC me fis donner par le greffier une expédition de la
donation. Etant alors bien aiîuré de fa validité, je
formai oppofition à la fentence qui avoit été furprife
contre moi, de la part du fieur de Segonzat, & depuis
il n’a plus été queftion, ni en la juftice de Montaiguc,
ni en la cour de parlement, où 1 affaire fut portée par
�appel,delà fentence obtenuepàrlefîeur de Segônzat,
qui décJaroit la donation nulle. Giraud avoit en fon
pouvoir, & la feuille fupprimée, & celle qui fut fubftituée, au moment de l’aéte ; & cet ennemi juré fe
faifoit un jeu de délivrer des expéditions, tantôt dans
une forme & tantôt dans l’autre : tel eft l’art dange
reux qu’une intrigue adroite fait employer pour fatisfaire l’animofité, Sc compromettre l’innocence.
Inflruit du contenu en l’expédition que javois
retirée du greffe, le fieur de Segonzat ne put fe diffitmuler que la donation étoit valable, Sc que Giraud
l ’avoit induit en erreur, en abufant de fa crédulité;
il s’empreffa à m’en faire part Sc à fe réconcilier avec
moi : la lettre qu’il m’écrivit à ce fujet le 10 août
1 7 7 7 , eil trop elfentielle à ma juftifîcation, pour
que je puiffe me difpenfer de la tranfcrire ici dans fon
entier.
« Monfieur, M. Bidon, mon procureur, m’a dit
1 « que vous avez formé oppofition à la fentence ( du
4 mars 17 7 7 , qui déclaroit la donation nulle, comme
contenant la claufe des biens échus & à échoir, & c. ) ;
» je vous prie de ne point la pourfuivre : M. Giraud,
» quoique votre ami, m’avoit confeillé cette demande,
ï> pour m*engager à faire une nouvelle donation à M .
» Bout tin; il m’aVoit & \tquil s3¿toit réferve , lors de
» la donation, d e q u o i à me fa ire reujfir : je fuis
» trop content de vous, pour me laiifer gouverner
» à l’avenir par de mauvais confeils; faites faire la
�( i3 )
ï > fo u p e ; je vais la m an ger ch e z v o u s , & iu is v o tre
» fe r v ite u r , J i g t i è 3 de S e g o n z a t » .
Il n'y a rien dans cette lettre qui ne foit remar
quable. Chaque phrafe, chaque ligne, chaque mot
découvre la perfidie de Giraud & la noirceur de Tes
intentions : il a confeillé la demande en nullité; il a
confervé d e q u o i à la faire réuiîir ; il a déterminé le
fieur de Segonzat à difpofer en faveur de Bouttin,
des biens qui m’avoient été donnés. Quelles preuves
plus fenfibles pourroit-on exiger pour diftinguer le
coupable de l’innocent! Giraud a confervé, lors de
la donation, de quoi faire réuifir la demande en nullité
du fieur de Segonzat. Ce d e q u o i enveloppé fous
l ’ombre du myftère, peut-il fe référer à autre choiè
qu’à la feuille fupprimée, lors de la donation, dans
laquelle on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir ? Non, Giraud, vous en êtes convenu vousmême, & les témoins ouïs dans l’information l’ont
attefté à la juftice, d’après les aveux que vous leur en
avez faits.
La perfidie de Giraud étant ainfi découverte,,
la conteftation qu’il m’avoit fait fufciter par le fieur
de Segonzat, fut auifi-tôt. terminée.
Le 12 du meme mois d’août, fut jugée l’inilance
d’entre M. le duc d’Orléans & moi. Par la fentence
«qui intervint, M. le duc d’Orléans fut débouté de ia
demande en paiement de droits de lods, à la charge
par moi d’affirmer & de faire affirmer par le fieur de
�C i4 )
Segonzat, que la donation du, 24 feptemhre
étoit fincère , & quelle ri avoit pas été' imaginée pour
■frujlrer M . le duc d* Orléans , des droits feigneuriaux*
L e iîeur de Segonzac & moi fîmes notre affirma^
lion le même jour fur la fincérité de cette donation;
& j3avois lieu de croire qu'un a<5te auiïi folennel
deiîilleroit les yeux à mes perfécuteurs, & me déli-»vreroit de leur tyrannie. Mais, de quel poids peut
être la religion du ferment pour des hommes dont
les principes ne renferment aucune conféquence,
pour des hommes qui ne confultent que leurs paifions
Sc l’intérêt ?
Giraud & Salleneuve, quoique réunis en fecretj
ne fe font montrés jufqu’à préfent contré moi, que
lu n après l’autre ; mais ils vont marcher de front :
plus animés que jamais, l’un, de ce qu’il n’a plus d’efpérance de me faire enlever les biens du iîeurt de
Segonzat, pour les taire paifer entre les mains de
Bouttin, & l’autre, de ce qu’il craint d’être privé
des droits de lods qu’il m’avoit demandés, fous le
nom de M. le duc d’Orléans, forment un nouveau
fyftême pire que le premier : n’ayant pu parvenir à
déchirer leur viétime, ils tentent la voie de la faire
égorger. Calomniateurs infignes, que ne m’eft - il
poifible de peindre ici toute la noirceur de vos dé
marches dans cette circonftance ? Que n'ai-je dans
ce moment une plume de fer, & le talent d’écrire
eu caractères de feu 2 Mais quel homme peut être
�à l'abri des traits d une cabale odieufe & intéreiTee !
Ces hommes, nés pour le malheur des autres, ces
Kommes qui ne connoiffent que l’intrigue & ne refpirent que la haine; ces hommes que je me félicite
d’avoir pour ennemis, parce que les honnêtes gens
èn auront toujours de tels, tant qu’il y aura des mé
dians, parviennent par leurs iubtilités & leurs manœu
vres, à periiiader au confeil du prince, que je iiiis
un fourbe sunimpojleur3un fauffaire enfin. On invente,
on controuve des faits; on leur donne les couleurs1
les plus vives & les plus éclatantes; on transforme
les allions les plus indifférentes, pour les rendre
douteufes, & toutes ces indignités iè trouvent renfer
mées dans un mémoire qu’on préfente au confeil du
prince, avec une lettre de Giraud qui en attefte la
iincérité.
Ce mémoire, tout infidclle qu’il étoit, a produit
l’effet que mes ennemis s’en étoient promis. Aprèsun arrêt du i l août 1775?, qui infirme la fentence
du juge de Montaigut, & me condamne à payer au
prince ( o u , pour mieux dire, à fon fermier, partie;
principale intéreffée ) les droits ieigneuriaux pour
une partie des objets que m’avoit donné le iieur de1
Segonzat, je me vois, près de cinq ans après, enchaîné
dans les détours d’une procédure criminelle. Les droits
de lods fu r payés au fermier du prince, les frais
'acquittés, la conteilation terminée, je fuis tout à coup
faifi, lié, garrotté Si conduit comme le plus infam»
�c.i 6 )
des criminels, par lin huiifier & la maréchauffée dâni
les priions de la ville de Riom.
Qu’on fe peigne, s’il eft poiîible, l’était affreux ou
je dus me trouver, au milieu d’un cortège auiîi
effrayant : Quelles révolutions étranges la nature n’é
prouve-t-elle pas dans des momens auifi critiques !
Un homme d’honneur n’eil fenfible alors qu’au regret
de vivre encore ; il croit voir d’un feul coup d’œ il,
fa jeuneiTe, fa vie facrifiée, fa fortune envahie, fes.
enlans & tous fes parens couverts de honte, plongés
dans l’opprobre, dans l’indigence, & difperfés : des
objets aufli effrayans ne font-ils‘pas fentir les tortures
les plus rigoureufes, ôc ne confondent-ils pas toutes
les facultés de l’ame.
Il
feroit inutile de m’étendre davantage fur des
images auffi hideufes : il n’eil perfonne qui ne foit
frappé d’un fpeèlacle ii révoltant, & qui, d’après fes
propres réflexions, ne gémiife de voir encore dans la.
fociété des monilres auez barbares pour immoler au
plus vil intérêt tout ce que leurs concitoyens ont de
plus précieux.
Que la nature du décret n’étonne pas : Giraud &
Salleneuve font témoins dans l’information faite contre
moi, à la requête de M. le procureur du roi.
Quelle manœuvre incompréhenfible pour étayer
une plainte ! Giraud & Salleneuve font mes ennemis
jurés, les auteurs de la ligue, mes perfécuteurs, mes:
délateurs : ce font eux qui ont préfenté des mémoires
contre
�C
1
7
>
n
Contre mor au confeil du prince; ce font eux qui one
envoyé au greffe civil de la cour de parlement la
feuille fupprimée de la donation dufîeurde Segonzat;
ce font eux qui ont follicité Si obtenu l’arrêt du 11août 17 7 ^ , Si ce font ces mêmes liommes qui ofent
fe préfenter à la juflice pour être témoins contre moii
Qu’eft-ce donc qu’une accufation pour laquelle on
commence à faire violer les règles les plus inviolables
del’ordre judiciaire? Votre religion a été furprife, ma^
giftrats refpeèhibles : des coupables artificieux, dans la
vue d’éviter ou de diminuer les châtimens dont ils font
menacés, ont eu l ’audace de fe plaindre des perfécutions qu’ils ont fufeitées aux autres h Si d’imputer
leur propre crime à celui qui auroit dû être leur accufateur; mais quel ne doit pas être moneipoir? Eclairés
du flambeau de la juftice, vous avez déjà percé les
ténèbres -où l’on cherchoit à vous égarer; vous avez
déjà pefé .au poids du fan<5luaire la valeur des pref*
tiges qu’on avoit employés pour vous faire illufion,
puifque Giraud, l’un de mes délateurs, a été décrété
d’ajournement perfonnel. Après le récolement Si la
confrontation, n’ai-je donc pas lieu d’attendre que-,
pénétrés de la délicateffe de vos fonctions qui fonc
toujours proportionnées à celles de la confcience ,
l’impofture étant entièrement découverte, & l’inno
cence reconnue, les prévaricateurs fubiront le fore
auquel ils m’avoient deftiné ?
Ces premières réflexions devroient être fuffifante^;
G
t
�'
,
1
i
8
)
pour me juftifier d’un crime, dont je n’ai pu m i
former l’idée ; d’un crime qui auroit tourné con
tre moi, puifqu’il m’enlevoit le fruit d’une donation ,
ou qu’évidemment je n’aurois pu commetre que de
concert avec Giraud, afin qu’après m’être fervi de
la faufle feuiiie pour éviter les lods, je pus rétablir
enfuite la véritable, pour conferver ma donation ; &
cependant il eft démontré que, loin de me fervir de
cette fauffe feuille, j’ai appris que je proteftois contre
la demande en nullité; & ce même Giraud qui feroit
auili coupable que moi, fi j’avois participé au faux,
& qui l’eft feul, puifque le faux n’a été pratiqué que
pour me nuire, eft tout-à-la-fois délateur & témoin
contre moi; il ne manqueroit plus à la fmgularité du
fait, que de l’avoir pour juge avec Salleneuve.
Mais , l’iniquité de mes ennemis les trahit trop,
pour que je néglige de les en accabler, autant que
je le peux. Comme il s’agit ici d’une inculpation des
plus graves, qui attaque tout-à-la-fois mon honneur,
mes états & ma fortune, & qui dépend de l’événe
ment de rinftruétion, je fuis obligé de recourir aux
moyens qui concourent à ma juftification. La juftice
ne fauroit me déiàprouver, puifqu’elie eft elle-même
intéreifée à ne pas fe méprendre fur le choix des cou
pables. C ’eft par l’examen des dépofitions que l’injus
tice fanglante de la calomnie éclatera. Il eft donc
indifpenfàble que j’expofe les différens chefs d’accufation dont (on m'inculpe, Si pour en démontrer
�C ip >
*■
l’injuilice Si la faufleté, que je rende compte de la
qualité des preuves répandues dans les information,
récolemens 8c confrontations, parle moyen defquelles
j’en ai eu connoiifance3 ayant d’ailleurs la mémoire'
aiTez heureufe pour retenir, fur-tout ce qui m’intéreife auili particulièrement. Mais une obfervation doit
précéder cet examen.
On a dû remarquer par le détail des faits, dans
lequel je fuis entré, qu’une donation faite en ma
faveur par le iïeur de Segonzat, cil le principe de mes
malheurs 8c la fource de la ligue qui s’eft formée
contre moi. J ’ai dit, 8c je le répète, qu’à la ieéhire
de cette donation m’étant apperçu que dans la feuille
du milieu on avoit iniéré la claufe des biens échus &
à échoir, préfens & à venir, qui rendoit la donation
nulle, cette feuille fut fupprimée; qu’il en fut fubilituée une autre à la place, 8c que tant la minute de
la donation, que la feuille fupprimée, relièrent fur
la table de Giraud, notaire recevant.
Voilà le fait eilentiel, prouvé, confiant qu’il ne
faut jamais perdre de vue, parce que c’ell la clef du
fyftême d’iniquité enfanté contre moi, 8c la preuvé
convaincante de ma juftifïcation.
Or, cette feuille fatale fut entre les mains de mes
ennemis, comme une épée à deux tranchans ; elle
devoit fervir à m’enlever les biens, & à les faire
paifer à Bouttin, fi le iîeur de Segonzat vouloit y
^ donner fon confentement. Dans le cas contraire, oa
C 2,
�poiivoit l’employer à me faire une affaire criminelle,
& à y intéreffer le prince, en periuadant que j’avois
fubflitué cette fauiîe feuille à la véritable, pour priver
Je prince de fes droits de lods.
C ’étoit, fans doute, un plan bien abfurde 8c bien
contradictoire ; car, s’il arrivoit, comme on devoit
le prévoir, 8c comme il eft arrivé en effet, que je fis
tous mes efforts pour maintenir ma donation & me
garantir de la fauiïeté dont on vouloit me rendre
victime, alors il devenoit évident que ce n’étoit pas
moi qui étois l’auteur de cette fauffeté; mais heureu
sement les méchans ne prévoient pas toujours tout,
8c ils tombent fou vent eux-mômes dans leurs pro
pres filets.
Je me défendis, en effet, comme je l’ai déjà dit,
contre le fieur de Segonzat, 8c il fut lui-même très-'
' prompt à abandonner Terreur dans laquel on l’avoit
^précipité.
Alors Giraud ayant manquéfon but, 8c Salleneuve
craignant toujours que je ¡ne réuifiife à écarter le droit
de lods, par le principe qu’une donation n’y efl pas
-iujette, ils en vinrent, de concert, à l’autre partie
de leur fyflême, qui fut de m’accufer auprès du
; prince, d?avoir falfifié.la minute de la donation. Ils
' adrefsèrent à fon confeilmn mémoire où ils expo
sèrent.
« :i°.'Que le 24 feptembre i77É>, l’aéte de donation fait en ma faveur :par le Jieur de. Segonzat %
»
�ÿ> fut préfenté fur ies dix heures du foir, tout rédigé,
» à Giraud, notaire, qui ne voulut le ligner avec les
» parties, que ;lê lendemain 2,^¡leptembre.
» 2°. Que Faite étant ligné me fut remis pour le
» faire contrôler & infinuer.
» 3°. Que dans l’efpace de trois ou quatre mois,
» qu’on a fuppofé que la minute de la donation avoin
»■relié en mon pouvoir, je l’avois fait changer, trois
» ou quatre fois; que les premières minutes avoient
_» été brûlées ou déchirées, & qu’à chaque change^
y> ment, la relation du contrôle & de i’infinuation
» avoit été remife fur la nouvelle minute que je pré'» fentois moi-môme au contrôleur.
» 4 0. Que dans le temps que j’étois faiii d elà
» minute, j’eus recours à deux ilratagêmes pour me
difpenfer de payer les droits delodsque me deman•» doit Sallenéuve, fous.lé nom du prince. Le pre:3) mier fut de fupprimer dans la minute de la dona,» tion, la feuille du milieu, & d en ,'fubflituer une
» autre qui renfermoit la claufe des biens a venir,
» ce qui-rendoit.la donation nulle,.& faifoit priver
» le prince des droits feigneuriaux. Le fécond fut de
-» confeiller au /leur de Segonzat., de former la de» mande en nullité de la donation- qu’il ma voit faite,
Sc d’oppofer enfuite au prince-, contre fademande
•» en. paiement-des lods , laTentence qui déclaroit la
;» donation nulle., cominè. renfermant la claufe d'es
•jiiàiens. à venir.» -*»» L,{1~
f!~ ^ - ...
�Ce font les mêmes chefs d’accuiàtlon qui ont été
mis fous les yeux de moniieur le procureur général,
& qui ont donné lieu à la plainte qui me retient dans
les fers, avec cette différence néanmoins que dans
le mémoire préfenté à M. le procureur général, on
y a ajouté « qu’après la remife de la minute qu’on
» fuppofe m’avoir été confiée, Giraud s’étant apperçu
» qua la place de la feuille du milieu, j’en avois
» fubilitué une autre qui renfermoit la claufe des
» biens à venir, ce notaire vint comme un furieux
» chez moi, avant quatre heures du matin; qu’il me
» furprit au lit, dans le temps que je dormois; qu’il
» m’intimida, en me préfentantJu r la gorge un piflolet
» garni de trois chevrotines ; qu’auiïï-tôt je me levai,
» j’allai dans mon étude pour remettre la feuille fupv> primée ; que dans ce moment arrivèrent les fieurs
yy de Segonzat & Rance qui relièrent un inftant, allèrent
y> enfuite à la mejf'e, & qu’après leur départ, je remis
» à Giraud la feuille fupprimée qu’il rétablit dans
» la minute, après l’ avoir montrée à Salleneuve, & ôta
» la feuille fauiTe qui contenoit la claufe des biens
» à venir ».
Qui ne. voit dans tout cet expofé un tiiTu de four
beries, d’impoftures 8c d’invraisemblances ? Qui n'y
reconnoît une machination concertée avec art, avec
réflexion, un myftère d’iniquité, un ouvrage digne
de l’exécration publique? En iiiivant pas à pas ces
calomniateurs infâmes, je me flatte de parvenir à le*
�( 23 )
Confondre. Une feule circonilance n’opère pas la
■conviction; mais la réunion des faits ne permet pas
de fe méprendre fur les vrais coupables. Il eil donc
néceifaire de fuivre, de réunir, de combiner leurs
difcours, de les comparer avec l’énoncé en l’a<5te
de donation, avec les déportions des témoins, & de
relever les contradictions dans lefquelies iis font
tombés : c’eft le feul moyen de faire fortir la vérité
du chaos, où l’on a cherché à i’enfeveiir.
P r e m i è r e
i n c u l p a t i o n
.
L ’ a c t e de donation f a it en ma fa v e u r p a r le fic u r
de Segon^at, fu t p r é fente le 24 feptembre 17 7 6 fur
les d ix heures du f o i r , tout rédigé3 à G irau d 3 notaire ,
qui ne voulut le jig n er avec les p a rties , que le len
demain 25 feptembre.
R
é p o n s e
.
A ce premier trait de la calomnie, ne doit-on pas
reconnoître la noirceur du génie de mes perfécuteurs?
peut-on fe difpenfer de croire qu’une paillon aveugle
fait arme de tout; que les vérités les plus feniibles,
les démonftrations même n’ont aucun prix aux yeux
des fourbes animés à calomnier l’innocence ?
Quoi ! ma donation a été préièntée à Giraud,
toute rédigée, le 24 feptembre, & elle n’a été fignée
que le lendemain ! Qui s’eft jamais permis des impoftures auifi évidentes? Lorfque vous avez parié ainii*
�W
'( 24 )
Giraud, vous êtes-vous fouvenu que vous àviez été
le miniftre de l’aéte, que par votre fignatüre vous
en aviez attefté la ilncérité & la date? De deux chofes
l’une : ou vous conviendrez, comme vous l3ave% fa it
à la confrontation, que ma donation a été paiîée le
2.4 feptembre, ou vous perfévérerez à dire qu’elle
ne Ta été que le 2 y. Au premier cas , vos mé
moires, votre lettre au confeil, votre dépoiition,
votre interrogatoire, font un tiifu de fuppoiitions &
de fauifetés ; au fécond cas, il faut que vous conve
niez que vous êtes un fauifaire, puifque l’aéle dedonation qui fait par lui-même probationemprobatamy
ne permet point de douter qu’il ait été paifé le 24
feptembre.
Jepourrois ajouter que Lougnon qui a écrit l’aéie,
a attefté dans fa dépoiition, foutenu dans fon interro
gatoire (tf) & à la confrontation, que c’eft le 24
feptembre 177<5 , qu’il l’écrivit, ainfi que la feuille
fupprimée, dans votre étude & fous votre di&ée ;
mais cette dépoiition, toute ilncère qu’elle eft, ne
peut rien ajouter à la foi d’un a£le qui fait preuve
par lui-même; ainfi Giraud eft néceiTairement un impofteur ou un fauifaire; ce qui ne permet point d’a
jouter loi à fa dépofition.
( a ) N ota. Le fieur Lougnon a été auilî décrété d’ajournement perfonnel. Mes juges ont fans doute voulu apprendre de lui-même les cir—
confiances dans kfquelles l'acls avoit etc paifé, & l’époque à laquellû
il l’avoit écrit.
S
?
e c o n d
^
�,
C
S e c o n d e
•
x
7a*
)
i n c u l p a t i o n
.
L * a c t e de donation étant { i g n é m e fu t remis
pour le fa ir e contrôler & infirmer*
R
é p o n s e
,
s’efl deflaiii de fa minute ! Comment un
officier public oie-t-il faire un aveu de cette efpèce,
s’accufer de prévarication : nemo creditur allegans
turpitudinem fuam. Cet aveu fufliroit feul pour em
pêcher la juftice d’y ajouter foi : mais c’eft encore
une iuppoiïtion démontrée telle par les dépofitions
des témoins ouïs dans l’information en effet. Le fieur
Lougnon a encore attefté que l’aéte de donation étant
écrit & fîgné, les parties fe retirèrent 3 & que la minute
de la donation & lafeuille fupprimée furent laijfées fur la.
table de Giraud. Le fieur Tailhardat de la Fayette,
contrôleur, a dépofé que la minute de la donation lui
fu t remife pour être contrôlée & infinuée par Giraud,
& q u il la remit au même notaire, après le contrôle &
l3infirmation. Le même fait eit attefté par un écrit qui
me fut envoyé par le fieur Tailhardat de la Fayette,
le 9 oétobre 17 7 6 . Cet écrit eft imprimé à la fuite
du mémoire. Peut-on après cela fe diiîimuler que
les inculpations qui me font faites, foient l’unique
fruit de la brigue & de l’impofture l
G ir a u d
D.
■
'V -r
�(aS)
T r o i s i è m e
i n c u l p a t i o n
.
On a ajouté que dans Vefpace de trois ou quatre mois
qu’on a fuppofé que la minute de la donation avoit refté
en mon pouvoir , 'je l3avois fa it changer quatre oucinq fo is; que les premières -minutes avoient été brûlées
ou déchirées, & quà chaque fo is , la relation du con
trôle & de l3inJinuation avoit été remife fu r la nou
velle minute queje préfentois moi-même au contrôleur.>
R
é p o n s e
.
C e t t e troifième imputation dévoile de plus en
plus l’acharnement de mes ennemis à consolider l’ou
vrage d’iniquité, dont ils font les architeéles; mais
la vérité fe dérobe rarement aux yeux perçans de
la juftice , & le crime fe trahit ordinairement par les
fubtilités même qu’on emploie pour le cacher.
»
i° . Il eft fuppofé, il eil faux que la minute de la
donation m’ait été confiée. Que la ligue s’étudie tant
qu’elle voudra à inventer, je la mets au défi de
prouver que j’aie été faifi un feul inflant de cette
pièce.
2°. N eil-ce pas une fable ridicule de prétendre
que dans l’efpace de trois ou quatre mois, la minute
îi été changée jufqu’à cinq fois ? Cette impoflure eil
entièrement détruite, i° . par l’expédition de la dona
tion qui a été tirée des regiilres du contrôle & desinfinuations. On voit en effet, par cette expédition,
»
�'( 2 7 )
qu’elle efl conforme mot pour mot à la minute qui
eft entre les mains de Giraud ; & il n’eft pas à pré
fumer que la minute eût été refaite fi fouvent, fr
l’intention des parties n’avoit pas été d’y faire quelque
changement.
2°. Pour adopter une abfurdité de cette nature ,,
ne faudrot-il pas fuppofer iix fauifaires; deux notaires,
le clerc, le contrôleur & les parties contractantes l
ce qui ne fauroit fe- préfumer.
3 0. Les regiftres du contrôle & des infirmations
ayant paiîe fous les yeux du miniftère public & de
monfieur le lieutenant général criminel, il n’y a été
remarqué ni changement, ni rature, ni furcharge ;
cependant la donation du 24 feptembre fut contrôlée
& infmuée le 26 du même mois.
4 0. Les témoins de l’information difent, favoir;
le fieur Charbonnier, l’un des notaires, q u i l n a (ign é
Vacle de donation , dont il s’agit, qiLune feu le fo is ;
le contrôleur, q u i l ne Va enregiflré quim e f o i s ; le
clerc, q u i l ne Va auffi écrit qu une f o i s , ôc tous les
trois ont déclaré dans leurs dépofitions, récolemens
Sc confrontations , qu’ils reconnoiffoient la minute
qui leur a été repréfentée pour être l a m ê m e q u ils
avoient écrite, fignée , contrôlée & infmuée.
L ’incrédulité elle-même pourroit-elle ne pas céder
à des preuves fi évidentes & fi précifes? Se trouveroit-il dans le public quelques - uns de ces efprits
malheureux qui croient fi facilement le mal fans preuve,
D z
�w
& qui doutent toujours du bien, lors même qu’il efl
prouvé / Ce n’eit pas pour eux que je publie ma déienfe ; & toutefois , fi je ne peux parvenir à les con
vaincre, je vais du moins les confondre par un dernier
moyen fans réplique.
Giraud, principal auteur de cette calomnie , l’a
ainiî préienté, pour fervir Salleneuve, dans le mé
moire envoyé au confeil du prince ; il Ta attefee dans
fa dépofition , & foutenu dans fon interrogatoire ;
mais à la confrontation, la force de la vérité Ta obligé
à venger l’innocence : ce miférable , après y avoir
hardiment répondu aux reproches déshonorans que
je lui oppofois , n’a pu réfifier aux remords de fa con
science ; il s’e/l retraite pofitivement de ce chef de
calomnie; il a avoué q u il iiavoit été fait quune feule
minute de la-donation. Que d’opprobres? quel abus ?
quel jeu de la religion ? & que peut-on en inférer, il
non qu’un tel témoin, qui cil l’un de mes délateurs ,
s’eft proilitué à dépofer au gré de ion complice.
En faut-il davantage pour rendre la preuve com
plète , pour défabuièr l'incrédulité , & pour démon
trer qu’il eft une juilice fupérieure qui frappe les
criminels d’aveuglement, afin de faire foudroyer le
vice Si triompher l’innocence ?
Q
uatrième
i n c ul p a t i on
.
D A N s le temps que.'fétois fa ijid e la minute } f e u s
recours à deux Jlratagênies f pour me difpenfer de p a y er
les droits de lods que me demandait Salleneuve, jo u s
�C'*P )
le nom du prince : le premier fut de fupprimer 3 dans
la minute de la donation , la feuille du milieu, & d’en
fubjütuer une autre qui renfermoitlaclaufe des biens à
venir; ce quirendoit la donation nulle, &fa ifo it priver
le prince des droits feigneuriaux. L e fécond 3 fut de
confeillerau ficur de Segoujat de former la demande en
nullité' de la donation q u il ni avait faite y & d’oppofer
enfuite au prince contre fa demande en paiement des
lods, la fentence qui déclarait la donation nulle comme
renfermant la claufe des biens à venir,
RÉPONSE.
• T o u t ce que la malice peut inventer de plus arti
ficieux , fe trouve renfermédans ce chef d’incuJpation.
Diffamateurs exécrables, comment avez-vous pu vous
garantir du remords déchirant d’avoir outragé la vérité
d une manière fi indigne ? Avez-vous jamais conçu ,
combien il en coûteroit à un accufé, pour rendre ion
innocence auiïï notoire quepourroit l'etre votre diffa
mation l Avez-vous jamais penie qu’un jour de ca
lomnie demandoit des années entières pour l'effacer,
Si que fes blellures , fi elles ne font pas abfolument
incurables, laifient toujours des cicatrices qui quel
quefois partent d’une génération à l’autre ? Mais ,
quelles réflexions peuvent faire des monflres, dont
le cœur ne refpire que la haine Si la vengeance \
Ce neft pas.aifez pour faire punir un crime, de
fuppofer quiÎ a été coinmis ; il faut .le .prouver, 8c
�*74°
'
C30)
.
donner des preuves plus claires que le jour. Que tous
ceux, dit l’empereur, qui veulent intenter une accu
sation capitale, fâchent qu’ils n’y feront point reçus,
s’ils ne la prouvent, ou par des titres inconteflables ,
ou par des témoins fans reproche, ou par des indices
indubitables & plus clairs que le jour. Sciant cunclV
accufatores eam Je rem deferre in publicam notionem
debcre , quœ injlrucla fit aperti^imis documentis , vel
rnwiita idoneis tejlibus 3 vel indicis ad probadonem indubitatis & lace clariorïbus expedita ( ¿z).
Dans la recherche des crimes , en effet, comme
dans le commerce des affaires humaines , l’ufage a
introduit trois différentes fortes de preuves : la litté
rale , lateilimoniale & la conjeéturale.
La preuve littérale eil la moins douteufe & la moins
foupçonnée, parce qu’elle fe tire de la leéture immé
diate des pièces authentiques ; elle prend fon principe
dans la propre autorité de la foi des a<5tes ; mais elle
ne fait foi que de ce qui y eft contenu. Injlrumentwn
nihilaliudprobat, quàmilludquodcontineturin eo (/;>).
Pour cette preuve, deux conditions fontrequifes (c):
lu n e , que la pièce qui fert de titre contienne
prouve immédiatement le fait dont il s’agit . . . car
fi ce titre ne contient rien du crime dont il ejl quejlion ?
.
(
a
(
b ) Bald, ad leg. ad probat, z j , cod de probat.
)
L .fin . cod. de probat.
( c ) M. le V ayer, trait. dela preuv. par com p, dccrit.
�(
i I )
>4!
.Sc qu’on s’en ferve feulement pour en tirer des con
séquences 8c des induélions par conje&ures, alors cette
.preuve ne s’appelle plus preuve littérale du crime ; ce
n’eft plus qu’une preuve littérale d une conjeéture ,
8c par conséquent, elle ne forme plus elle-même
qu’une conjecture Sc un indice.
La fécondé condition néceifaire eft, que la pièce
qu’on produit fa fle fo i par fon autorité propre ; car il
elle ne fait pas foi par fa propre autorité, ce n’eft
point encore une preuve littérale, d’autant que ce n’eit
plus la pièce qui prouve : la preuve vient alors, ou
des témoins, ou des indices qui lui font donner créance ;
Sc ainfi , elle tombe encore dans l’efpèce de la preuve
teflimoniale ou conjeéturale.
La feuille iupprimée au moment de la donation du
24 feptembre 17 7 6 , peut-elle être confédérée comme
une pièce authentique? peut^elle faire foi par ellemême que j’ai voulu priver le prince des droits feigneuriaux ? Il faudroit iuppofer les têtes & les idées
de tout le genre humain renverfées, pour qu’il pûtfe
trouver un feul homme qui osât affirmer des abfurdités auiîi révoltantes. i° . Unepiècequin’aétéiignée,
ni par les parties, ni par un notaire, ne fera certaine
m e n t ’ jamais coniidérée comme un a6te authentique.
2°. La fuppreffion de cette feuille, qui renfermoit la
claufe des biens échus & à échoir 3 préfens & à venir >
peut d’autant moins manifefler mon intention de faire
priverleprin.ee ou fon fermier des droits feigneuriaux j
�( 3 0
que dans le moment de cette donation, j’étois intime
ment convaincu que je n en devois point, d’après les.
difpofitionsdelacoutumedeBourbonnois, fous l’em
pire de laquelle fe trouvent fitués les biens donnés.T
Suivant le langage de mes ennemis , je n’ai gardé
la minute de la donation, que pendant trois ou quatre
mois. Dans cet intervalle, le fermier de M. le duc
d’Orléans, n’a formé, contre moi, aucune demande
pour le paiement des droits de lods, puifque je n’ai
été affigné par ce fermier , fouslenom du prince, que
le i <y mars 17 7 7 , dansun temps où l’on convient que je
n’avois plus la minute de la donation en mon pouvoir.
Or, dès le moment qu’il eft prouvé, par l’aveu même
de mes délateurs , qu’au temps de la demande du
prince , je n’étois pas faiii de la minute , on doit nécellairement convenir que je n’ai pu en fùpprimer là
feuille du milieu pour en fubilituer une autre.
Eft-il croyable d’ailleurs , que, pour me fouftraire
au paiement des lods, j’euife voulu m’expofer, dune
part, à me faire dépouiller des biens donnés; & d’une
autre, à voir ma fourberie découverte, par le moyen
du rapport de l’expédition qu’on étoit dans le cas de
retirer duregiftre des infinuations ? L ’intérêt eft la règle
& la meiùre des avions : on ne fe porte point ordi
nairement aunefcélérateffe,lorfqu’onn’en doit retirer
aucun fruit, nemo gratuité malus ; ôc il ne pourra ja
mais paraître vraifemblable, qu’un quelqu’un s’expofe
3, encourir une accufation qu’il eft le maître.d’éviter«
.Quel
'
�C 3 3 )
7* 's
. 'Q uel ufage, au furplus, ai-je fait de cette feuille,
qui n’a jamais été en mon pouvoir, & que je n’auroiS'
certainement pas remifeà Giraud, ii j’en avois été
Tain ? L ’ai-je oppofée au prince ou à fon fermier? leur
ai-je communiqué quelque expédition, où fe trouve la
fauffe claufe des biens à venirl Salleneuve, quoique
l ’un de mes délateurs, a dit tout le contraire dansfes
dépofition, récolement & confrontation.
. M ais, à propos d’expédition, je me rappelle d’un
ipoyen bien important, pour confondre mes ennemis;
j’ofe même dire qu’il eft décifif. Le voici :
' Dans fa dépofition, Giraud a dit, cp3après que l3aâe
4? donation eut été refait pendant trois fo is , dans l3ef*
pace de deux mois , ou un peu plus & que les pre-"
mières minutes eurent été brûlées ou déchirées en préfence du fieur Charbonnier3 il me délivra une expédi
tion de ta donation , une fécondé expédition au fieur.
Rancey & une troifième à Salleneuve.
De fon côté, Salleneuve a foutenu que je lui avois
communiqué l3expédition que j 3avois retirée ; q u il en
avoit pris une copier q u il Vavoit confiât ée, & q u il
écoit afîuré que la claufe des biens à venir îi3étoit
jfiin t dans cette expédition : cette clauie fe trou voit
néanmoins dans les expéditions délivrées dans le même
temps au fieur Rance ôc à Salleneuve. L ’exiftencede
la claufe, dans ces deux dernières expéditions, eft
atteflée par les dépofitions de Giraud, de Salleneuve
& du fieur Rance *
.
;
E
�74*
C 34 )
" De là réfulte la conféquence nécefTaire, évidente,
que Giraud eft fauteur du faux; car^ il jeTavois com
mis, ¡c’eût été, comme on le iuppofe, pour tromper
Salieneuve, & ce fermier convient que je ne l’ai pas
fa it, puifque je lui ai» communiqué l’expédition del!a£te vrai. Cependant il eft certain qu’il y a eu des
expéditions de l’aéte faux ; que ces expéditions ont
été délivrées par Giraud ; qu’il les a enfuite retiréesou corrigées : donc c’eft Giraud qui a fait le faux >
pour me mettre aux prifes avec le fieur de Segonzat,
ou avec Salieneuve.
r Faut-il indiquer ces preuves, pour démontrer que
Giraud eft feul l’auteur du faux \ cela eft très-facile
on les trouve dans la conduite que Giraud a tenue, &
dans la dépofition de Salieneuve.
Giraud, inftruit que dans le procès que j’avois
avec M. le duc d’Orléans , Salieneuve m,’avoit faic
fignifier une copie de la donation , dans laquelle fe
trou voit inférée la claufe des biens à venir, vint chez:
m oi, me prie de lui communiquer cette copie ; ce
que je fis , fans connoître fes intentions ; & , dans le
moment, Giraud va chez le fieur Coulongeon, pro-.
çureurdu prince, l’engage à raturer la claufe vicieufe,'
& me remet, en cet état, ma copie. Pourquoi faitesvous ces démarches, Giraud \ quel intérêt prenez-vous
h la conteftation qui s’eft élevée entre le prince <3cmoi£
Vous avez,craint que j’appe.rçuife votre fauifeté, que
jedéconcertaiïe vos projets, &que je priifele parti dé
i
�( 3 1 )
vous attaquer le premier; mais ce n’eft pas tout.
Le fieur Rance , créancier du fleur de Segonzat,
Vêtant rendu en la ville de Montaigut, pour prendre
■à ce iujet des arrangemens avec m oi, Giraud , qui
eft inftruit du jour de fon arrivée , l’attend à ma
porte , entre avec lui dans mon étude ; & à peinele
fieur Rance à-t-il dépofé, fur mon bureau, fes titres de
créance, parmi lefquels fe trouvoit l’expédition de ma
donation, qui lui avoit été délivrée par Giraud, que
ce dernier fe faiiit de cette expédition , l’emporta
•fur le champ , ratura la fauiTe claufe, & ne la remit
que plufieurs jours après au fieur Rance qui fit les
• plus vives follicitations pour l’y engager. Lors de la
remife, le fieur Rance s’étant apperçu de la rature, ÔC
en ayant démandé les motifs à Giraud : que répondit-il?
que fon clerc s3¿toit trompé. Quelle invraifemblance i
un copifte fe trompe ordinairement , en omettant
•quelques claufesde l’aéte; maisilne lui arrive jamais,
.lorfqu’il eft de bonne foi, comme fetoit certainement
le clerc de Giraud, d’ajouter dans une copie , des
claufes qui ne fe trouvent point dans l’original. A la
confrontation avec le fieur Rance, Giraud eft coravenu que cette rature étoit de fon fait : cette expédi
tion eft produite au procès.
Giraud ne s’eft pas contenté de raturer la clauiq
vicieufe dans les expéditions qu’il a délivrées ; il s’eft
en outre fait remettre les expéditions, lorfqu’il a pu y.
•parvenir. Ce fait eft attefté par Salleneuve qui dit >•
E 2
�jdans fà dépofition , que' Giraud Vayant p rié de lm
remettre la fauffe expédition q u il lui avoit délivrée, il
yconfentit,en'liddifant: j e n e v e u x p a s l a m o r t
d u p é c h e u r , & je ferois fâché de vous expofer à des
conféquences défagréables.
Giraud eft le pécheur ; Giraudefl/efauffaire ; Giraud
eft le coupable ; il eft néanmoins en liberté , & je fuis
dans les fers. Que de réflexions ne pourrois-je pas me
permettre ici?.mais je fuis hors d’état de les expofer.;
jnaraifon égarée, mon efprit affoibli, toutes les facultés
.démon ame anéanties, ne me permettent point d'ap
profondir un myftère auifi inconcevable.
Qu’on perfifte à préfent à dire, avec quelques ames
corrompues , que mon intention ^toit de me Servir
de la feuille fupprimée, lorfque le prince me demandejo it les droits de lods, & d’oppoferla véritable donation,
lorfque les héritiers Segonzat voudroient m’attaquer,
&que cette fupercherie doit me faire envifager&punir
xommeun criminel? Je répondrai toujours avec fuccès a
cesfuppoiltions, i° . qu'elles font purement gratuites ÔC
contraires à la préfomption de droit; que c’eft Giraud,
-dépofitaire de la minute , qui en a abufé & qui l’a
-faliîfiée : car,.encore une fois, la fauife feuille qui fut
lupprimée lors de la rédaction de l’aéte, & laiflée au
.pouvoir de Giraud , ne fait preuve, par elle-même ,
d’aucun crime. Le crime eft dans l’abus qu’on en a
fait : or, cet abus , à qui l’imputer, qu’à Giraud qui
t8> déliyré de fauife s,exp éditions ;
comment rim*
�(
57 )
_
* *
pùter à- mol, qui en ai reçu une vraie, & qui la i com^
muniquée, comme je lai reçue, félon le dire même
4e la partie intéreiTée, par qui cette affaire m’eftiuAi
cirée?
f 2°. Outre la préfomption de droit, il y a preuve
évidente contre Giraud, par les expéditions qu’il a
délivrées, & par le témoignage de Salleneuve qui
attefte que je lui ai communiqué la vraie.
Ce n’eft pas cependant que j’adopte rien de ce qu’a
pu dépofer Salleneuve. Je fuis obligé d’avouer que
je n’ai nulle mémoire de lui avoir communiqué aucune
¡expédition. Mais enfin, ou fa dépofition eft vraie, ou
elle eft fauife : ii elle eft fauiTe, quel cas doit-on faire
de mes délateurs .? ii elle eft vraie , comment douter
du véritable criminel.
Si jen’étoispasaifez heureux pour avoir des preuves
teftimoniales auili déciiives , ma iituation en feroitelle plus critique ? Je vais démontrer que non,
; J ’ai dit qu’un fécond genre de preuves fur lequelil eil
permis d’aifeoirune condamnation, eft la preuve teftimoniale ; mais quil eft dangereux de fe référer à des
témoignages de cette nature ! Par une eipèce de fatalité
attachée à la condition humaine, la plupart des témoins
ignorent l’importance duminiftère auquel la juftice les
appelle ; & d’autres à qui la diffamation ne paroît plus
qu’un jeu de la fociété, étant vendus au menfongë, ,ne
marchandent que l’honneur & la vie de l’innocent. Une
fonction auift férieufe exige de la réflexion, foutenuQ
a i'
�/
,
w
d’une probité éclairée & fcrupuleufë ; auflî, pour la
preuve teftimoniale , comme pour la preuve littérale,
exige-t-on rigoureufement, en matière criminelle y
deux conditions eifentielles pour la rendre certaine. >
Lapremière, que les témoins qui dépofent d’un fait,
l ’atteftent comme d’une chofe qu’ils favent de pleine
certitude, pour y avoir été préfens 8c l’avoir vu euxmêmes. Inquifitio fiat per examinationem tejlium dicentiumfe àdfuijfe iis quæ gefla fu n t, & vidijfe quoi tune
agebantur ( a ) ; car s’il paroît que la dépofition des
témoins eft vacillante & incertaine, audiendi non
ju n t(b ')\ qu’ils n’ont parlé que d’après des ouï-dire,
ou fur des préemptions , leur témoignage ne peut
plus former de preuve : fie ergo fuâ feientiâ debet
reddere tejlimonium, & de fuâ. præjenda ; de auditu
autem alieno non valet ( c ).
La fécondé condition pour former la preuve com
plète, eft que les témoins qui font entendus en dépo
sition, foient exempts de paiîion contre l’accufé; qu’ils
ne foient point engagés par quelque raifon particu
lière à le faire confidérer comme coupable, & , qu’en
un mot, leur conduite foit irréprochable : intejlimoniis autem d i g n i t a s f i d e s m o r e s g r a f i t a s
examinanda ejl ( d ) .
y
,
,
,
(a) Auih. de fanclif. ejnfcop. cap,
fivero abfunt,
( b ) L. a sff. de teflib.
( O G lof. ad l. tejlium t q f cod, de teflib, vert, praflo»
- (tf) L , z , cod. de teflib,
'
�V 39
V Four démontrer dune manière très-feniible, que la:
preuve teftimoniale confignée au procès ne fauroit
non plus me faire conÎidérer comme coupable du
crime dont on m’accufe, j’expoferai d’abord les motifs
qui doivent faire rejeter les dépofitions de quelques
témoins, & j ’examinerai enfuite s’il peut réfulter quel
que preuve de conviétion du témoignage des autres.
P R E M IÈ R E
PR O P O SIT IO N .
Onconnoît déjà, & les témoins que j’ai dûrécufer^Gîraud&saU
& les motifs qui m’y ont forcé. Les auteurs difent ,!eneuire'
que l’accufé peut, avant la confrontation, demander
le nom de fon dénonciateur à M. le procureur du
roi, pour fa voir fi les témoins font parens ou alliés de
fa partie fecrète, & plufieurs arrêts l’ont ainfi jugé (<z).
La conféquence qu’on doit tirer de cette jurifprudenc* eft facile à pénétrer : on doit en conclure que
les parens du dénonciateur ne pouvant être témoins
contre l’accufé, il en doit être, à plus forte raifon, de;
même des dénonciateurs qui dans cette circonftance
dépofent dans leur propre caufe: or, Giraud & Salleneuve font mes véritables dénonciateurs ; ce font mes
ennemis jurés ; ce font les chefs de la ligue ; ce font
enfin eux qui, avec les héritiers Segonzat, m’ont fait,
fufciter le procès criminel qui eft à juger.
Giraud & Salleneuve, de concert avec les héritiers
( a ) Lacom be,.mat. crimin. part. 3 , chap. 1 3 , n, 3 / j B ou vot, queft,
not. au mot dénonciateur fto m t
2,
queft. i crc*
- s
/
�'< *
Ç 4 0 )'
Segonzat , ont compofé differens mémoires corttre
m oi, qu’ils ont envoyés auconfeil du prince, 8t Giraud
a attefté, par une lettre, la iincérité du contenu dans
çes libelles (a).
Giraud a follicité le iieur Charbonnier à iigner l’un
de ces mémoires ; mais ce notaire, dont la probité
çft reconnue, a conftamment refufé de proilituer ia
plume (h).
Giraud a fait tous fas efforts pour faire annuller la
donation que m’avoit faite le fieur de Segonzat, afin cte
pouvoir enfiiite faire difpofer des mêmes biens en
faveur de Bouttin, beau-frère de fon gendre (c).
Giraud a dit publiquement, avant & depuis fa dépoiition, que mon affaire criminelle feroit bientôt ter
minée, J i je voulais me départir de la donation qui i
7na été fa ite (d). Les héritiers Segonzat tnont fait<
( a ) A la confrontation Giraud eft convenu d’avoir envoyé ces
mémoires au confeil, & il s'ejî ex cu /é , en difant qu ï l y avoit été fo r c é 3
& que ces mémoires lui avoïent étéfu g gércs.
(
b)
Le fieur Bidon a attefté ce fait dans fa dépofition.
( c ) Giraud en a fait l’avçu au fieur B id o n , qui l’ a ainfi dépofé ; &
rA u din , autre tém oin , a attefté que dans le temps que la demande en
nullité de la donation fut form ée, le fieur de Segonzat lui avoit dit que
Giraud lui avoit c'onfervê q u e l q u e
c h o s e p o u r fa ir e
réuflir cette demande.
Ce q u e l q u e c h o s e eft le d e q u o i dont parle 1« iieur de Segonzat
flans fa lettre ; c’eft-à-dire, la feuille fupprim ée., dont Giraud a abufé.
( d)
Il en eft convenu, à la confrpntation.
fa irt
I
�'( 4 r )
'ifdire la même propofttiùn depuis que je fu is privé ie
ma liberté ( a).
Giraud a avoué au procès cpien vertu d ’arrêt du par
lement il a fait dépofer au greffe, tant lafeuille fup■primée, que la minute de la donation : donc ii eil tout-à-la-fois , & l’un de mes dénonciateurs, & témoin
.dans fa propre caufe.
Enfin, Giraud eil le vrai criminel, lefeul coupable
du faux ; il ne m’accufe que pour qu’on ne l’açcuic
pas ; il veut me perdre pour fe fauver, & ce qu’il y a
d’incroyable, c’eil qu’il eil venu à bout contre toute
vraifeinblance, toute raifon, de me mettre à fa place,
& de faire tomber fur ma tête un poids dont il doit
répondre par la iienne.
Salleneuve eil convenu à la confrontation , qu’il
avoit travaillé contre moi pour les héritiers Segonzat
qui ont obtenu un arrêt d’attribution pour tenter
enfuite la voie de faire annuller la donation qui m’a
été faite (b).
A la follicitation de Salleneuve, & d’un curé, dont
( a ) J’en aurois offert la preuve teftimonlaJe ; mais depuis que mon
mémoire eft fous prefle, les héritiers Segonzat m’en ont fourni une
preuve écrite; n’ayant voulu ni pu obtempérer à leurs propofitions dans
la circonftance a&uelle, ils m’ont fait aflîgner le 2¡> mai dernier, pour
être condamné à me défifter des biens donnés.
(¿>) C’eft la cour qui eft commife par cet arrêt, qui eil du î i
novembre .1 7 8 3 , & qui me fut fignifié fans-aflignation, & fans expliquer
E
�( 42 )
le nom eil aiTez connu, un nommé Ja b e y , de la
paroille d’Y b u x, s’efl: rendu dans cette ville le I er oii
le 2e mai dernier, pour porter des plaintes contre moi,
quoique je ne lui aie fait aucun tort ( a ) .
'
Saileneuve a dit hautement qu'il parviendroit à me
fa ir e perdre mes états, & même A M E FAIRE p e n d r e
ou q uilp erd ro it fon nom (/?). Si la loi s’indigne contre
les témoins qui fe préfentent d’eux-mêmes, que doit
doncpenfer le juge, de ceux que je viens de nommer?
Si je me conduifois par les mêmes principes que
mes ennemis, je ne manquerois pas l’occafion de
dévoiler ici des faits qui ne laiiferoient aucun doute
jiir le cas qu’on doit faire de la fidélité des uns ÔC de?
autres, dans les devoirs de leurs états; mais je crois
pouvoir m’en taire, & j’aime à le faire, perfuadé que
^
____ -Wj -jj Sw«a^
■les motifs pour Icfquels il avoit été obtenu, le 1 7 du mois de décembre
luivant.
Sur le retus que j’ai fait, depuis que je fuis dans les liens, de confentir
à ce que les héritiers Segonzat exigent injudement de m oi, j’ai été afligné
en la cou r,àleur requête. Ces procédés permettent-ils de douter que les
héritiers Segon?at fe font réunis avec mes délateurs ? C’efl: à mes juges;
c ’eft au public impartial, à le décider ; c’efl le troifième procès dont j etois
m enacé, & que j’ai annoncé au commencement de mon mémoire.
( a ) Ce tém oin, qui m’efl; venu trouver en prifon , m’a inftruit du
fa it, & il l’avoit auparavant dit à plufieurs perfonnes qui le firent appercevoir de fa démarche inconfidérée.
%
................
<
'
( h ) J’offre la preuve des propos de ce fermier.
r
�4 3 )'
je- peux faire ce facrifice à Teipric de charité , iàn£
compromettre la néceiTité de ma juftification. Ëh !
peut-être la notoriété publique ne fuppléera que trop
à ma difcrétion.
Un fécond motif qui doit faire rejeter le témoi
gnage de Salleneuve, eft l’évidence de la fauifeté de
là dépofition : Salleneuve a Soutenu dans ia dépoli-'
tion, dans le récolement & à la confrontation, que
Giraudne lui délivra une expédition, dans laquelle fe
trouve, la claufe, des biens à venir, qu après que fe u s
fa it lignifier (le r j juillet 1 7 7 7 ) la fentencequi avoic
été rendue contre moi, en faveur du fleur de Segon^at.
Cette allégation eft une impofture démontrée. Jefupplie mes juges de vouloir bien faire attention , en
examinant les pièces produites au procès, que ce fut
le 1 j’ juillet 1777? que je fis lignifier au prince la fen
tence rendue en faveur du iieur de Segonzat, &
qu’avant cette époque du iÿ juillet, Salleneuve, fous
le nom de M. le duc d’Orléans, m’avoit fait fignifier
une copie de la donation, avec la claufe des biens
cchus & à échoir, préfens & à venir. Ce fut la lignifi
cation de la donation dans cette forme, qui me déter
mina à oppoSer iubfidiairement contre la demande du
prince, que la donation étant nulle, je ne pourrois
être dans le cas de payer des droits feigneuriaux ; il
eft donc faux ; il eft donc fuppofé que Salleneuve
n'ait retiré une expédition delà donation, que poftérieurement à la Signification que je fis faire de la Sen^
F 2
�C 4 4 )
tenèe qu£ le iîeur de Segonzat avoit iurpriie contre
moi.
Giraud a d’ailieurs démenti formellement cette
aifertion de Salleneuve : on peut voir, en effet, dans
la'dépofition de Giraud, qu’il y attelle qu’environ trois
ou quatre mois après la donation, qui efl du 24 feptembre 17 7 6 , il en délivra une expédition à Salleneuve dans laquelle étoit la claufe vicieufe ; mais ce
n’efl point là l’unique fauifeté que j’ai remarquée dans
la dépofition de Salleneuve ; il y en a une autre aufli
frappante.
A la repréfentation qui a été faite à Salleneuve de
la minute de la donation & de la prétendue feuille
iiibflituée, ce fermier d e jin t é r e fjé a eu le front de foutenir q i i i l re c o n /io iffo lt l 3a cte é c r it f u r d e u x f e u i l l e s
p o u r être c e lu i q u i c o m p o fo it O R I C I N a i r e m e n t Ici
m in u te d e la d o n a tio n . , e t l a
c e lle
f e u i l l e , p o u r être
q u i a v o it é t é s u b s t i t u é e
ci
la p l a c e d e la
Peut-on s’expofer
à mentir aufli groiîièrement \ Quoi! Salleneuve ofe
attefler qu’il reconnoît l’aéte écrit fur deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit o r ig in a ir e m e n t la minute
de la donation? Mais quelle certitude pou voit-il avoir
de ce fait,puifqu’iln’avoitpasétépréfentàla pafTation
de cet aéle l II dit encore qu’il reconnoît la f e u i l l e ,
pour être celle qui avoit été fu b jlit u é e ; mais quelle
connoiffance a-t-il de la prétendue fubflitution? a-t-il
yn iorfqu’elle a été faite a-t-il vu écrire la feuillet
f e u i l l e d u m ilie u d e la d o n a tio n .
�iiibftituée ? m’a-t-il entendu dire que j’étois l'auteur
de cette fubftitution l Te fils debet reddere rationem
d iâ i fu i per fenfum corporalem s putà vifunt vel auditum (a). Salleneuve en a donc impofé dans ces deux
parties de fa dépofmon ; il a défavoué ce qui étoit
de fa connoi/Iance , & il a atteilé ce qu’il n’a jamais
pu connoître; ainfi fa dépoiition eft fauife., au moins
quant à ces faits.
< M ais, quelle eft la règle reçue par les docteurs criminaliftes dans cette matière , & puifëe dans la difpoiition des loix ? il n y en a pas un qui ne dife que
le témoin, convaincu d’être faux en une partie , eft
réputé faux en tout, par rapport au ferment qui ne
le peut diviièr : ex quo juravit dicerc veritatem fuper
.omnibus , tune fi deponit falfum in uno 3 non creditur
■ci in aliquo, tanquamperjuro, dit Alexandre (/>). Menochius ( c ) s’exprime en termes encore plus forts :
S i in modico confflat falfitas tcflis deponentis, prafumiturfalfitas in aliispartibus , etiamfi ignoranter&per
erroremfalfum effet atteflatus, noncnïm ob idexeufatur,
Alciat ( d ) donne trois raiions pour prouver que
( a ) GloJ'. a d L u fiiu m . cod. de tejl, Dimoul. n. 6q.
denomb.
(b ) Tit.2 , conjil.
pag.
17 .
(c)
4 4 .,
7,
,
8 , tic. i , glof>
pag.3 2. Cravetta, tom. 1 , conf. 6 , n .
Bald. lïb. 2 , conf. 2.86’ , n. 4 , pag. 80
Lib. 5 , prœf. 2 2 , n. 1
§
2,
3
,
verf. col. 1,
,pag. 486*.
• ( d ) A d . L' 1 . d t verb. obligat, § J ed f i m ihi, n. 5 2 , 5 ? } 5/j., pag,
& 7.86*
•
'-
28$
�;
_
(4 0
l-ignorance & l’erreur ne' doivent point ex'cufer urt
témoin qui fait une faufTe dépoiition , i °. quia tejlis'
prœfumiturpropter juramentum deponere confideratè &
de eo quodefcertus; 2.0. quia te(lis diccns aliqilid falfum,
commuât contra jus divinum & naturale , undè ignorantia non excufat à dolo ; 3 0. quia in his in quibus
débetprœcedere diiigentia, prœfumiturfeientia &dolus
iilius qui debebat diligenter inqulrere., nec admitdtury
exeufatio ignorantiœ ; d’où il 'conclut, que in dubio
non prœj'umitur ignoranter depofuijfe falfum3 & confequenter in dubio totum diclum annullatur.
'
Je conclurai aufiï, avec ce do<5teur, que la fauiîe
dépoiition de Salleneuve tombe entièrement; que le
ferment qu’il a violé dans une partie, perd fon carac
tère, qui doit être comme la vérité une & invariable;
que , où la vérité n’eft pas entière, la faulTeté eft par
faite , & que ce qui n’eft vrai qu’à demi, eft entière
ment faux : veritas quœ non ejlplena veritas, ejlplena
falfitas : quoi non efi plena probatio y nulla eft probatio , dit Cujas ( a ) .
Giraud eft tombé dans des contradictions révol
tantes. Dans fes mémoires envoyés au confeil, il-y
avoir dit que la donation avoit été refaite, dans l’e f
pace de quatre mois , pendant cinq fo is ; qu’il l’avoic
toujours fignée par complaifance : dans fa dépoiition ,
. \\ , •
( « ) Sur la loi 3 , au cod. ad leg, Ju l, M ag. c’eftaufli l’avis dePapon, en
fes arr. liv.
, tit, 8.
�c 47 y
11 a dit que cette donation n’avoit été refaiteque trois
fo is , Si à la confrontation , il eft convenu que cette
donation navoitjamais été refaite. Dans fon interro
gatoire, ileit convenu en un endroit, que c’étoit par
ion miniftère que la donation avo'u étépa[fée le 24
feptembre 17 7 6 3 Si en un autre endroit , ii dit que
Vacíe lui fu t préfenté tout rédigé le 24 feptembre 3 &
quilne lefigna que le 25. Dans la dépofition , ii a dit
c^x ayant délivré à Sallenéuve une expédition de Vacte3
avec la claufe des biens à venir 3 cefu t Sallencuve qui
fu t le trouver 3 & lui fit remarquer cette claufe ; Si dans
fon interrogatoire , ii a fouteriu qu3il s3étoit apperçu
le premier de ce vice, & qui l fut auffï-tot trouver Salleneuve 3 & le prier de lui remettre Vexpédition. Je ne
finirois pas , ii je voulois rappeler toutes fes incon
séquences S i fes 'contradictions v j
Quelle foi eit-ii permis d’ajouter à des contradic
tions auili frappantes? quoi, Giraud, à chaque inftant
vous dites o u i Si n o n , Si la jufticenelance pointlur
votre tête íes foudres & fes carreaux ! Suis-je donc
deftiné à être le fuppôt de vos in iqu itésil faut nécef
fairement que celaioit, puiiqu’à l’avis même de votre
ami Salleneuve, vous êtes le p é c h e u r ; & perfonne
ne difconviendra que je fubis la peine due à vos for
faits. O uï, il faut que cela foit, puifcju’avant votre
dépofition, Si en vous promenant dans l’antichambre
du parquet , fur les repréfentations qui vous furent
faites, par un eccléilaftique, de ne pas vous expofer
' x
�( 4§)
à dépofer contre la vérité, vous répondîtes que vous
avie{ dans votre poche de quoi vous garantir. Mais
vous garantirez-vous de la peine dont eft menacé un
faux témoin, un impofteur, un prévaricateur, un fauffaire : fouillez dans vos poches, Giraud, vous n’y trou
verez pas de billet de garantie de la part de la juftice.
La contradiction eft l’écueil où fe brifent ordinaire
ment les fourbes & les impofteurs ; non feulement elle
détruit toute la foi du témoignage, mais elle expofe’
encore le témoin àlapeine du crime de faux. Aut tejiis
deponit in uno judicio contrarium ejus quoddixerat in .
aliojudicioy& in hoccafudebetpuniritanquamfalfarius;
aut deponit in uno judicio contrarium ejus cpiodpriiis'
dixerat in eodem judicio, & pariter puniendus e(l de
fa lfo ( a ).
N ’eft-ce pas infulter à la juftice elle-même; n’eftce pas chercher à la furprendre ; n’eft-ce pas l’expofer
à pleurer fur fes propres jugemens, que de lui pré»fenter des témoins de cette nature ? Ah ! s’il étoic
permis d’aiTeoir des condamnations fur de pareils
témoignages, combien d’innocens feroient expofés
à devenir la vi&ime de la fcélérateife \ Ne feroit-ce
point ouvrir un champ libre à la calomnie? ne feroitce point favorifer la noirceur de ces hommes mons
trueux qui n’épargnent ni les moyens ni les fuites
(a )Julius Clarus, lib. 5 , §fdlfurn, n, 5 ,1 . 16 ,jf% de tejîib. 1.2-7 f f 3 ad
l. Cornel. de fa If.
funeftes
�( 4? )
t â
funeiles'cle leur vengeance, pourvu qu’ils fe vengent?
Mais oublions pour un moment ces faux témoins,
pendant que je vais examiner les autres.
SECONDE
PR O PO SIT IO N .
L es autres témoins ouïs dans l’information doi
vent être diftribués dans deux clalfes : lu n e, pour
ceux dont le témoignage n’efl: fondé que fur des
ouï-dire; & l’autre, pour ceux dont la fcience ne
peut jamais être étayée que fur des préemptions ,.
des indices, des conjectures, & le plus fouvent fur
des invraiièmblances. Tout le monde conçoit que
¡^entends parler de la fcience des experts en matière
de vérification d’écriture.
Première clajfe des témoins.
D e tous les tém oins o u ïs dans l ’in fo rm a tio n , il y tes fleurs
i
• r*
i
n
r p «it
i
i
1 t -1
Tailhardat de la
en a deux, qui lont les heurs 1 aiihardat de la rayette Fayette &R am
& Rance, qui ont dépofé avoir ouï-dire quil avoitce>
été fubjütué à une des feuilles de la minute, une autre
feuille s dans laquelle fe trouvoit inférée une claufe
nouvelle qui étendoit la donation aux biens à venir ^
mais quils ne favent par qui cette fubjlitution a été
fa ite.
S’arrêter à contredire ces dépolirions, ne fèroit-ce
point s’occuper à combattre l'évidence ? Il y a une
feuille fùbftituée dans la minute de la donation! qui'
en doute? On a entendu parler de cette fubftitution I
^u’y a -t-il d’étonnant, puifque le fait eil vrai? Mais,
G
�C i? ) ■
quel eft l’auteur de ce faux qui dans ce principe n’en
étoit pas un? On vient d’obferver que la fauffe feuille,,
ou le faux, s’eft trouvé entre les mains de G.iraud ;
ainfi il eft très-aifé de connoître le fauifaire.
Seconde clajfe des témoins.
L a preuve conjeéhiralej ou la preuve par indices,'
qui eft la troifième que j’ai annoncée, eft celle qui
réfulte de la dépofition des experts qui ont été ouïs
dans l’informaticn. Peut-être ai-je à me reprocher
de n’avoir pas obfervé à la confrontation, que ces
experts, connus pour muficiens gagés, qui en font
leur état, n’ont jamais fu écrire que machinalement,
Si fans principes; mais, outre que ce fait eft notoire,:
l’opinion de ces muficiens m’eft d’ailleurs très-indiffé
rente, puifqu’elle ne peut former ni preuve littérale,
ni preuve teftimoniale, Si que ce n’eft que fur l’une
ou l ’autre de ces preuves, que la juftice doit fe déci
der ou à condamner, ou à abfoudre.
Ces experts ont dépofé, fur la repréfentation qui
leur a été faite de la minute de ma donation Si de
la feuille fubftituée, q u ’ i l s e s t i m e n t que les deux
feuilles qui compofent la minute de la donation, ont
été écrites d’un même contexte > avec la même plume }
de la même main & de la même encre, & que la feuille
féparée a aujfi été écrite de là même main, mais d’une
encre différente de celle du corps de la minute; que cer
taines lignes font rejferrées & d’autres efpacées, &dJun
plus gros caraâère ; que le caractère des deux feuilles,qui
�Cs )
_ '
tompofent la minute efl plus uni que celui de la feuilîè
féparée 3 d’où Barbon ( feul ) a eu le courage de
conclure que la feuille féparée a été écrite dans ufi
temps différent de ma donation.
Au récolement, ces experts ont ajouté que la
marge de la feuille féparée nétoit pas égale à celle
des feuilles de la minute3 & q iiils n ont pu juger fi
Vempreinte de ces deux feuilles étoit la même que
celle qui fe trouve dans la feuille féparée qui efl d’un
papier plus fin ; ce qui 3 fuivant eux3 peut provenir
de la pâte, ou de la main de Vouvrier.
De quel poids peuvent être aux yeux de la juilicë
les déportions de ces deux experts? y a-t-il quelqu’un
qui ignore que leur jugement eíl conjetural, incer
tain, & qu'il peut fervir de paife-port au menfonge,
aufil bien qu’à la vérité?
La preuve conjecturale & préfomptive eft inadmiffible en matière criminelle ; elle n’apprend que
des circonilances defquelles on peut fe fervir par
raifonnement, pour découvrir la vérité; mais cela ne
conduit pas à la découverte de la vérité, puifqu’ii
ne s’agit que de conjecturer & d’argumenter pair
conféquences qui ne peuvent déterminer une jufte
concluiion. Quand il s’agit d’accufation capitale, où
il échoit peine afflictive ou infamante, les loix exi
gen t nécelfairement une fcience parfaite, une certi
tude phyfique, de la part des témoins qui dépofeni.
.C’eit pour ve motif qu’on diftingue- deux fortes d§
'i
�fciences & deux fortes de convictions, favoîr ; la
fcience qui produit une certitude morale, & celle qui
produit une certitude phyfique.
La fcience qui produit une certitude morale, eft
celle qui dépend du raifonnement, 8c telle eft la
icience qui n’eft fondée que fur des indices, des pré
emptions & des enchaînemens de conféquences.
La fcience qui produit une certitude phyfique,
eft celle qui dépend immédiatement des fens, telle
qu’eft celle des témoins qui ont vu commettre le
crime. Ces deux différentes efoèces de fciencesforment' les deux différentes efpèces de convictions ;
conviction morale & conviction phyfique : or, la
Icience 8c la conviction morales, quoique capables
de fonder un jugement en matière civile, ne fuffifent
jamais en matière criminelle, contre un accufé, parce
que dans de femblables affaires, les juges doivent
chercher & délirer des preuves toujours claires ,
pour n’être pas furpris ; elles fufHfent en matière
civile, parce qu’il n’y eft jamais queftion que du
droit des parties, Si que les queilions du droit font
de la dépendance de la morale ; mais elfes ne font
pas fufiifantes dans une queftion capitale, par la
raifon qu’il ne s’agit dans cette queftion, que d\i
.fait, & que les queilions de fait ne font point de la
juriidiction de la morale, mais feulement de la pur.e
connoiifance de la phyfique, qui confifte dans l’évi-'
deuce, dans l’expérience 8c les preuves.
JL
�053 )
,Qui oferok direrque Morgeat & Barbon ont une
certitude phyfique du faux dont- on m’accufe? mais
ont-ils été préfens à la paifation de ma donation ?
ont-ils vu écrire la feuille fubftituée ? ont-ils une
connoilTance parfaite , per fenfum corporalem , que
cette feuille a été écrite après ma donation ? Il faudroit être auili impofteur que Giraud 8l Sallcneuve,
pour foutenir 'des aifertions fi évidemment fauifes.
D ’ailleurs, lorlqu’on eft dans l’intention de com
mettre un faux, ne prend-on pas toutes les précau
tions pour empêcher qu’il ne foit découvert? Le fauffaire eft ordinairement très-adroit; il fe cache; il.fe
déguife, & il imite fi parfaitement les écritures, qu’il
n’eft peut-être perfonne à qui il ne foit arrivé d’avoir
été trompé par la reilèmblance des, écritures , &
quelquefois même par la iienne propre.
Qu’on fuppofe donc, comme l’on dit ces experts,
que la feuille féparée. eft écrite d’une encre différente
de celle de la minute; que les lignes font'tantôt plus
reiferrées, tantôt plus éloignées ; que le cara<5tère eft
plus uni dans la minute, que dans la feuille féparée ;
que les marges des trois feuilles .ne font pas les
mêmes , toutes ces préfomptions, ces conjeéhires
c o n d u i r o n t - elles à une certitude phyiique, que la
feuille féparée, a été écrite pofté.rieurement à ma dona
tion ; que c’eft. moi qui ai [ait écrire cette fauiTe
feuille; que je fuis l’auteur du faux, & que je. l’ai
commis pour tromper le prince & fon fermier ! Je
>'
�rie me periiiaderai jamais qu’ily a it un feul Homme,
inftruit' ou non, qui puiife foutenir l'affirmative de"
cette aifertion; il fera plutôt porté à croire que ces’
irrégularités dans la feuille ieparée, font une preuve^
inconteftable, qu’elle a été écrite dans un temps où’
l’on ne pou voit préfumer qu’il pût s’élever des con-'
feftations à cet égard.
Au furplus, l’expérience n’apprend-elle pas que.
la main eft fu jette à des variations’ infinies ? Ceux qui
ont i’ufage d’écrire, n’ont-ils jamais apperçu dans
leurs écritures des. variétés frappantes qui provenoient, foit du changement de l’encre, foit de la
pofition du corps, ou de la main, foit de la'diipofition des idées ? N ’arrive-t-il pas tous les jours à un
clerc qui écrit fous la diétée*, tantôt de reiferrer les’
mots & les lignes, tantôt de les écarter? Cette diffé-1
fence peut provenir de l’attention & de l’application
du copifte, ou de fa négligence, & fouvent de la
nonchalance ou de la précipitation avec laquelle on'
lui di<5te.
Cetté reffemblance & cette difparité que ces experts
prétendent avoir remarquées entré l’écriture dé la!
minute & celle de la feuille féparée, peuvent donc
être l’éffet de différentes caufes; mars fi cela eft ainfi,
y eût-il jamais un figne plus équivoque, un indice
plus incertain, une conjecture plus1 trompeüfe ?
Pour fonder une preuve fur des drgiïmens tirés des
jpi'éfomptions,“ il"fait qu’il n’y aitr rien~d’éqüivo^ùé
�( s i)
$ans‘Jes‘cîrconftances du fait,
qu'il.n'ait pn arriver
dune autre manière qu’on fe l’eft periuadé. Pourquoi
*lonç fuppofer ici un faux, tandis qu’il eft évident
qu’il n’y en a aucun, au moins de ma part? pourquoi
fuppofpr que j ’e n fuis l’auteur, tandis que je n’avois
aucun intérêt à le commettre?
Des experts qui dépofent iur un fait qui ne s’efl
point pafle fous leurs yeux, né peuvent en avoir une
connoiiTance parfaite ; auifi les plus hardis ( tel que
Barbon ) n’ofent-ils avancer autre chôfe, finon qu’ ils
croient 3 quils préfument3 qu ïls ejliment que le fa it
s*ejl pajfé ainfi. Mais, fi ces experts ne favent pas
positivement le fait fur lequel ils dépofent, comment
un juge pourroit-il fonder fur leurs dépofitions une
fcience 8c iine connoiiTance qu’ils conviennent n’a
voir pas eux-mêmes? Y a-t-il un homme de bon fens',
qui fît le moindre cas d’un témoin qui, au lieu de
témoigner qu’il fait le fàit,;dont il dépofe, avec cer
titude, diroit fimplement q uï l a opinion que cela eflï
Qui peut s’aiîurer, a dit un favant, que la penfée Sc
l’opinion d’autrui ne foient pas un menfonge
La dépoiition des experts ne peut produire une
preuve phyfique; elle ne forme pas même un indice
indubitable; il n’y a rien de plus incertain que leur
opinion ; rien de plus trompeur que leurs conjec-*
tures, 8c de là réfuite la conféquence évidente, inconteilable, qu’il, n’exiûe au pro.cès aucune des . trois
�preuves déiîrées par i a l o i , pour forcer la juflice a
punir un accufé (¿z).
,
• Mais ce n’eft pas fur le'feu l défaut de preuves
qu’eft fondée ma juftificatioîï; c’eft principalement
fur l’invraifembiance du faux ^qué 1’pri m’impute ; &
quoique j’aie déjà démontré que ce faux ne pouvoit
être que l’ouvrage de Giraud, je ne dois pas omettre,
pour achever de le .confondre & de le convaincre
d’impoftures & de fauiletés tout-à-la-fois , de dire
deux mots fur la manière dont il a raconté qu’il étoit
parvenu à retirer d’entre mes mains la feuille de la
minute qu’il a fuppofé que j’avois fupprimée.
Au dire de cet impoiteur, il vint chez moi avant
quatre heures du matin; il me iurprit dans iefommeil,
me porta le piftolet fur la gorge ; qu’intimidé j’allai
dans mon étude, où vinrent aujfi-tôt les fieurs de
Segon^at & R ance; qu’ils y relièrent un iniiant, fortirent enfuite pour aller à la mejj'e ; qu alors je lui
remis la feuille fupprimée ; qu’il fortit de chez moi,
§C qu’ayant apperçu Salleneuve dans la ru e, il lui
cria de loin : j e l a p o r t e , j e l a p o r t e .
Quel front ne faut-il pas avoir pour ofer entre( a ) Comme dans le récit des faits j’ai prouvé que la fentence
"obtenue contre moi par le fieur de S egon zat, avoit été follicitce par
Giraud qui avoit intérêt à faire déclarer ma donation nulle pour
obliger Bouttin, je crois devoir m’interdire d’autres réflexions quant
aux reproches qu’on m’a faits, relativement à cette fentence..
. .. j
prendre
�s’attendre dans une pièce qui n’eft qu’un amas monf.
trueux de fauiTetés, de fuppoiitions, & un tiiTu d’intri
gues déteilables ?
Eft-il d’abord à préfumer que il j'euife été faiiî de
la prétendue feuille fupprimée, je l’euiTe remifc à
Giraud, fans exiger qu’il me remît dans le même temps
la feuille iubftituée ? perfonne ne fe le periuadera.
2 °. A quelle époque & à quelle heure s’eft paiTée
la fcène dont parle Giraud? cela eil elfentiel àfavoir,
& il a eu la complaifance de m’en inftruire.
D ’après les aveux de ce notaire & ceux de Salleneuve , je n’ai gardé la minute que trois ou quatre
mois : auiîi-tôt que je l’eus remife à Giraud, il s’apperçut de la ilippreiîion & fubftitution des feuilles ,
ce qui l ’obligea à venir chez moi, pour me forcer à
lui remettre la feuille fupprimée : la remife de cette
feuille fe réfère donc au mois de janvier, ou de février
I 777> puifqu’il y avoit alors quatre mois que ma
donation ( qui eft du ^feptèm bre 1 7 7 6 ) , avoit été
faite. Or, qui pourra fe perfuader que dans la rigueur
de cette faifon, où le jour ne commence à paroître
qu’à fept heures, Giraud s’eil introduit chez m oi,
avant quatre heures du matin? queleiieur de Segonzat,
& le fieur Rance qui demeure à plus de trois lieues
deMontaigut, y vinrent auifidans le même moment?
que Giraud étant fôrti de mon étude, apperçufSalle^
H
�w
neuve dans la rue ( c’étoit apparemment à la faveur
de la clarté de la lune ) , Sc qu’il lui cria de lo in ,
je la porte , je la portel Que d’invraifemblances à-lafois ; mais il eit un principe qui d it, quod non ejl
veriffimile, ejl falfîtatis imago.
Les Jieurs de Segon^at & Rance fortirent de mon
étude pour aller à la mejfe ! en vous expliquant ainii;
Giraud, vous n’avez certainement pas lait attention
que tous vos concitoyens vous donneront un démenti
iur ce fait, en vous rappelant que les premières mefles
ne fe célèbrent point auiïi à bonne heure dans les
églifes de Montaigut. Achevons de confondre l’impoiture de Giraud, par une dernière réflexion.
A la confrontation, j’ai rappelé ces faits à Giraud,
Sc lui ai de plus demandé qui lui avoit prêté le pis
tolet chargé de trois chevrotines, qui lui avoit ouvert
la porte de ma maifon ( je n’avois point alors de
domeftique, ¿k Giraud m’avoit trouvé endormi, ainfi
que ma iamille ) , Sc s’il y avoit de la lumière dans
mon étude. Que m’a répondu ce miférable? quil ne
javoit plus oà il en étoit ; il avoit oublié fa leçon.
Ah ! Giraud, calomniateur infâme, vous ne favez
plus où vous en êtes? la force de la vérité vous acca
ble ; la confcience vous reproche, les remords vous
déchirent :.hé bien ! je vais vous apprendre où vous
en êtes, ou du moins, où vous devriez être : c’eit
à ma place.
Tant d’iniquités > tant d’impoilures, tant de for-
�c 59 y
faits pourroient-ils refter impunis ? quelles couleurs
ne faudroit-il pas emprunter , pour en peindre toute
la noirceur , pour exciter la jufte indignation des
magiftrats & la rigeur des loix /
N ’eft-cepas un crime, en effet, Sc même un crime
énorme , que de charger un officier public d’une
fauife accufation ? N’eft-cepas un crime, &un crime
exécrable , que de m’attaquer dans mon honneur,
dans ma liberté, pour me faire perdre la confiance du
public .? N ’ePc-ce pas un crime , que de m’accufer
^ d’un abus de confiance , de iuppofer que j’ai été
capable de fouftraire une feuille d’un a<5te authen
tique , & d’en fubflituer une autre à la place .?
Perfides calomniateurs, votre complot eit heureufement découvert; vos propos , vos démarches , vos
contradictions , vos aveux même ont décelé votre
honte ôc votre turpitude. Il eft prouvé au procès ,
que ç’eft Giraud qui a foliicité la fentence que le
iieur de Segonzat avoit obtenue contre moi ; que
pour parvenir à faire annuller ma donation, & faire
enfuitepaiferlesbiens du iieur de Segonzat à Bouttin,
Giraud avoit confervé la feuille fafale qui me retient
dans les liens. Il eft prouvé que Giraud eft feul l’au
teur du faux que l’on m’impute , puifque l’inftrument de ce faux s’eft trouvé entre fes mains, &
qu'il en a fait ufage , tantôt pour faire annuller ma
donation, tantôt pour me perdre dans l’efprit de
mes juges ôc du public ; il eft prouvé enfin par l’in-
I
�•sv.
(60)
'
vraifemblance des faits de l’accufation, par la faufleté
des déportions de mes délateurs, par l’évidence des
contradiélions , dans lefquelles ils font tombés , par
les pièces juftificatives que j’ai produites , & par les
dépositions des autres témoins de l’information, que
dans cette affaire, il n’y a d’autres criminels que mes
perfécuteurs. Y a-t-il de fatisfaétion publique, de
dommages-intérêts qui puiffent réparer le tort qué
des injures & des calomnies il odieuies m’ont caufé £
8z arrêter l’effet du poifon de ces mortelles impos
tures l
J ’obferverai en finiffant, que ce n’efl point par
un efprit de haine & de vengeance, que je me fuis
permis quelques déclamations contre mes délateurs ;
c’ëft la néceflité d’une légitime défenfe qui m’y a
obligé : j’y étois d’ailleurs autorifé par les loix_, puiiqu’en même temps qu’elles défendent l’injure, elles
permettent de la repouifer par les termes, les expreffions & les couleurs les plus vives : Licet enim fanguinern fuurti QU a l i t e r , q u al i t e r redimere ( a
Signé, D E S M A R O U X .
( a ) D it M ornac, fur la loi
confciv. Bart, fur la même loi.
1,
de bon, eor. qui ante fentent. mort, ftbi
�C o p i e du billet qui me fu t envoyé par le f ieur
Tailhardat de la Fayette contrôleur, le 9 octobre
1 776.
J
»
»
»
»
e
prie M. Defmaroux de vouloir fe donner la
peine de paffer au bureau, pour me payer le contrôle & infinuation de la donation qui lui a été
faite par M. de Segonzat, que j ' ai remife au notaire..........il obligera fon ferviteur.
Signé T A I L H A R D A T
DE L A F A Y E T T E .
Cet écrit eft produit au procès.
Monfieur C H A B R O L
préfident} lieutenant
général criminel rapporteur.
M e G A S C H O N , avocat.
D e f f a y e s , p ro cu reu r.
Signé, D E S M A R O U X .
A R I O M , chez M a r t i n D É G O U T T E , Imprimeur
Libraire ; près la Fontaine des Lignes, 1784,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmaroux, Joseph. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmaroux
Subject
The topic of the resource
faux
notaires
opinion publique
Duc d'Orléans
donations
droits de lods
droits féodaux
abus de confiance
prison
coutume du Bourbonnais
témoins
faux témoignages
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire justificatif, pour maître Joseph Desmaroux, notaire royal et procureur au bailliage royal de Montaigut en Combrailles, prisonnier dans les prisons de la ville de Riom, accusé. Contre monsieur le procureur du Roi de la sénéchaussé d'Auvergne et siège présidial de la ville de Riom, accusateur.
Copie de la pièce d'enregistrement par le contrôleur Tailhardat de la Fayette.
Table Godemel : Faux : dans un acte, reçu le 24 septembre 1776, la feuille du milieu avait été soustraite et remplacée par une autre contenant des altérations essentielles. quel est l’auteur de la substitution ? est-ce celui au profit duquel l’acte avait été consenti, ou le notaire recevant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1776-1784
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0934
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0933
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53095/BCU_Factums_G0934.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montaigut-en-Combrailles (63233)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
coutume du Bourbonnais
donations
droits de lods
droits féodaux
Duc d'Orléans
Faux
faux témoignages
notaires
opinion publique
prison
témoins
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53097/BCU_Factums_G0936.pdf
332f905acce22ca04152cde66959ac8d
PDF Text
Text
P
R
É
C
I
S
P O U R L o u i s B O I S S O N , citoyen de la
ville de RiOM plaintif.
,,
CONTRE les sieurs TRAPET, MARCHAND
PELLABO U T, ASTRE, garçons tanneurs
et PE TIT, dit TIX IE R , voiturier, tous de cette
ville de Riom , accusés.
couru les risques de perdre la vie dans mon
ja rd in , où les accusés se sont introduits exprès pour
m’assassiner. Pour en avoir le prétexte, ils me provoquent
par les outrages les plus sanglans , et les obscénités les
plus infâmes.
L a présence de mes enfans, auxquels je dois l’exemple
de la prudence , et la crainte de les voir victimes de-la
fureur de ces forcenés, me rendent patient au-delà du
croyable je souffre les outrages sans y répondre ; ils
durent trois quarts d’h eu re, au m oins; e t , lorsque je
A
J ’A I
�\
■:
■ c o
v *
crains de voir pousser ma patience à b ou t, j ’ai recours à.
la fuite. J e quitte mon chez moi avec mes enfans ; je
l ’abandonne aux assaillans ; mais ils me poursuivent sur
le grand chemin ; ils se jettent sur moi : les coups de
pierres et de bâton pleuvcnt sur ma personne ; ils veulent
m’arracher un fusil , que je remporte de mon jardin à
la ville , sans doute pour consommer plus facilement,
avec cette j&rme , le crime cpi’ils ont médité : lorsqu’ils
sont trompés dans leur ^espW'j ils: ameutent le peuple
contre moi par le^cri qui leValîie f e f s i j ’ai Conservé la
yie 3 je la dois à plusieurs gardes nationaux qui accourent
au secours d’un, homme qu’on assassiné ( i ).
Pour me soustraire ai là *îiiréiir ^d’e^cé^peuple trompé
gar_ me^ ^ssassins^, qui^ crioient que j ’avois tué deux
hommes à coups'de fùsil , je suisv'<àBligé? de demander à
la m u n icip a lité un asile*dans le/séjour des c r im in e ls ,
tândis-que le s cciim in els;vtQnt coucher tra n q u illem en t dans
leur lit : pour comble de disgrâce ? j ’apprends qùfe l’on
impute mon malheur à une imprudence de ma part ; qu’on
répand que j ’ai tiré'su fiîes enfaris'qui se b a ig n o ie n t, et
p e n d a n t q u ’ils é to ie n t dans l ’eau.
i ■
~ J ’apprends encore que ces malheureux ont ,des pro
tecteurs , et qu’ils espèrent fermer la bouche à mes té
m oin s, et se.soustraire^à la punition de leur crime. Je dois
donc détromper mes concitoyens, et leur faire connoître
la vérité, les coupables, et la satisfaction qui m’est due.
( i ) MM. Barbat du Clozcl et Loriette, de Clermont; Dumontj
ci-deyant procureur ; Forel, oratoiienj Rougier, fils J Faure , grç*
nadier de la garde nationale.;
'
,
9
�yy ° )
< j. )
y ^
.Tout le jnbnde saif 4 u e rje suis adjadic^ita ire.cje l ’en cios
de Bardon , dont j ’ai fait un jardin à gros frais. Il est
fermé de murs à trois aspects ; un faux ruisseau , amené
du moulin des Boules, et-démembré du grand ruisseau,
à la faveur d’un droit de prise d’eau , le ferme à l ’aspect
de bise. Mon ja rd in , le Champ-Redon , et, le ruisseau
qui les sépare, ne form oient, avant mon adjudication ,
qu’une même propriété des dames religieuses de la visita
tion, de cçtte v ille , et la moitié de son lit fait aujourd’hui
partie de la mienne.
■
3;, ; ,
,■ * ,
. Au bout de mon enclos, à l’aspect de jo u r, les anciens
propriétaires avoient fait un rutoir ou une serve, aux
dépens du terrein qui en fait partie ; et à la faveurjd’une
digue qui en soutient le terrein , l ’eau „est retenuejî la
hauteur nécessaire, soit pour faciliter l ’irrigationfdes deux
héritages, soit pour faire chute au moulin .Bardon ,,.dont
les dames religieuses de Sainte-Marie étoient aussi pro
priétaires.
:
...
Depuis la digue jusqu’au mur de clôture , , à l ’aspect
de jo u r, le ruisseau porte le nom de ruisseau Beaum é,
parce qu’il l ’est effectivement; entre le ruisseau Beaumé
et l’ancieii rutoir, il y a une langue de terrein de 12 à
15 pieds, sur lequel sont d’anciens arbres qui font partie
de mon adjudication ( 1 ).
•j
. . . i;
Ainsi je suis seul propriétaire de l’ancienne .serve ou
( 1 ) Cela est établi par un plan géométrique des sieurs Manneville et Savarin qui ont fait 1arpentage de mon jardin , par ordre du
district, et j’ai fait l ’année dernière et celle-ci les mayères qui ont
été successivement en coupe.
A 2
�Ÿùtolï
jfcôifteèdelalànguedutetéiriquiestau-delà
.
■<*■>
du tnur qui rénfefrftie le tout dans l’enceinte de mon
jardin*. A l’égard dü lit du ruisseau, j ’en suis co-propriétâife dans toute sa longueur s depuis le pré de M .
Sàm pigny, jùsqu’à mon mur de clôture.
L e public n ’a donc aucun droit dé venir se laver dans
ce ruisseau qui n’est pour ainsi dire qu’un b é a i, environné
de propriétés particulières, et pratiqué pour l'usage du pro
priétaire s cela est si v r a i, c ’est qu’on ne peut y arriver
qu’en traversant ces propriétés particulières, ce que nul
ii’adroit de faire, pas même du consentement d’un des ri
verain s, dont la Co-jouissanee n’est pas cessible , dès que
là propriété ta’est que promiscue entr'eux.
Cependant sur le fondement que dans les tettips où la
ctiltùre des deux héritages que ce ruisseau divise , étoit
livtée à 60 ou r8o fermiers ou sous-fermiers, on hantoit
familièrement ce ruisseau, et même l’ancien rutoir, prati
qué dans mon jardin : quelques jeunes gens de la ville se
iônt persuadés que cettë tolérancè des anciens jouissans
leur forme aujourd’hui un droit acquis : il sem ble mêmô
îqu’ils ont entrepris de me faire tenoncer à la jouissance de
taon jardin.
Ils viennent journellement se baigner, et dans mon ruis
seau , et dans mon rutoir ; ils s’y mettent exactement
hus , sans s’embarrasser s’ils peuvent être v u s, ou non r
par des personnes du sexe ; ou pour mieux d ire , c’est
lorsqu’ils en v o ie n t, soit dans le Cham p-Redon, soit
dans mon jardin , qu’ils affectent de se montrer davan
tage ( 1 ).
( r ) Quelques personnes mieux élevées et mieux instruites n y
�Ils font p lu s, ils s’attachent à me provoquer et à me
braver, lorsque je suis dans mon jardin ; ils y viennent en
troupe pour être en force et m’insulter impunément ( i ).
Parmi ces jeunes gens se sont fait sur-tout remarquer le
sieur T rap et, fils j un sieur Marchand ( a ) , et un sieur
P ellab ou t, tous garçons tanneurs de cette ville , et
un sieur Petit, dit Tixier , fils du voiturier, qui se sont
mis dans la tête qu’ils avoient autant de droit que m oi, non
seulement au ruisseau, mais même au rutoir qui fait
essentiellement partie de mon jardin, comme renfermé
dans les murs qui en forment l ’enceinte.
J ’ai reçu en conséquence, de leur p a r t , plusieurs in
sultes, et sur-tout de très-graves, de la part du sieur Trapet
t[ui m’a toujours paru être le chef et le principal acteur
des scènes que j ’ai eues à supporter, qui s’est montré
chaque fois non seulement un homme qui est sans mœurs,
tnais qui se fait encore une gloire de les braver et de se
livrer aux actes et aux propos de la plus infâme obscénité.
sont venues que de mon agrément, et d une matière décente : toutes
personnes honnêtes auroient cet agrément, sans le demander, s’ils y
venoiçnt de la même manière.
(i)
Il y en eut même un qui poussa l'audace jusqua menacer
de battre mon enfant, parce qu’il vouloit chasser de mon jardin un
chien qui pouvoit y faire du dégât.
A la vérité tous n’ont pas été aussi malhonnêtes; et dans la même
société , il s’en trouvoit qui paroissoient reconnoitre la justice de
mes plaintes.
( 2 ) Il est mon parent; j’ai même été assez heureux pour rendre
quelques petits services à sa famille > dent une partie est venue
me témoigner les plus vifs regrets de sa conduite.
�( O
J e m’étois tu sur les premiers motifs de plainte que ces
jeunes gens m’ont donnés ; une seconde scène plus grave
me détermina à me plaindre à un de MM. les officiers
municipaux : je nommai principalement le sieur T ra p e t;
je ne voulois pas en faire encore une matière à p ro c è s(i);
je sollicitois une ordonnance de police contre les indé
cences de la jeunesse ; j ’espérois que l’ordonnance que
je sollicitois, en défendant à toutes personnes de paroître
nuesj dans les endroits fréquentés , me débarrasseroit de
cette foule d ’étourdis et d’m solens, qui rendent impos
sible toute jouissance de mon jardin ; je ne voulois leur
faire d’autre mal que de les chasser de chez moi.
L ’impunité enhardit les ames basses et malhonnêtes ;
ils imputent à crainte et à foiblesse les ménagemens dont
on use à leur égard ; et cette espèce d’hommes mesure
toujours sa hardiesse sur le degré de crainte qu’ils s’ima
ginent inspirer ; tels ont été les accusés ; parce que j ’ai
_ ( i ) Entre les insultes que le sieur Trapet vomit , il me dit que
son père étoit procureur, comme m oi, mais avec cette différence que
son père étoit u n h o n n ê t e h o m m e , e t q u e j'étois un coquin; je me
contentai de lui répondre , que si son père étoit aussi honnête
homme qu’il le disoit, il devoit payer à la communauté des procu
reurs l’argent qu’elle lui avoir prêté et qu’il leur fait perdre. J ’avois
alors été provoqué à tel point par le sieur Trapet qui s’étoit, ainsi
que ses camarades, armé de pierres contre moi, et q u i, pour me les
lancer sapprochoit du bord de mon p ré , qu’un sieur Rougier'qui
de mon agrément faisoit baigner son cheval, fut obligé de le prendre
par le corps pour le retenir , et lui dit qu’il étoit bien heureux qu«
je fusse plus prudent que lui : ce jeune homme qui m’a parit fort
honnête , et que j ’ai appelé en témoignage , rendra assurément
compte de ce fait.
�c 7 }
souffert de premières insultes, lors même que je pouvoia
avoir pour moi l’avantage des armes et du nombre : parce
que je n ’ai pas même cherché à les en faire punir par la
lo i, ils ont cru qu’ils pouvoient venir m’assassiner impu
nément.
j C ’est dimanche dernier qu’ils ont choisi pour exécuter
ce complot : sur les six heures et demie du soir,ils s’introdui
sirent dans mon jardin, en passant sous-le pont, non pour
y prendre les bains, car le temps ¿toit si froid, que l’usage
ne pouvoit qu’en être funeste : l’air furieux avec lequel
ils entrèrent, annonçoit leurs desseins et les fit suivre par
plusieurs particuliers ; ils ont à peine les pieds dans l ’in
térieur de l ’enclos, qu’ils crient qu’il faut me tuer; ils
s’excitent à ce meurtrç à haut cris ; ils s’imaginent que
le bruit qu’ils font m’attirera vers eux ; ils se trompent,
J ’étois au haut de mon jardin avec mes enfans, où je
cueillois quelques fruits, et récoltois quelques grains; ils
étoient alors dans l’ancien rutoir à 80 pas de nous , je
feignis de ne pas les entendre, et ne bougeai point. Alors
ils moptent dans le pré qui fait partie de mon enclos; ils
le traversent dans toute sa largeur.en crian t, ou pour
mieux dire en hurlant; ils vont jusqu’au ruisseau Beaumé ;
ils reviennent dans mon pré ; j ’affecte de leur tourner le
dos : alors ils m’appellent et m’insultent; je fais la sourde
o re ille ; j ’ai déjà dit les raisons de ma m odération,j’avois
mes enfans avec m oi, mais ellenefaisoit pas leur compte:
ils prirent un autre moyen pour m’émouvoir et m’attirer. '
Trapet.se déshabille ; il se met nu , exactement nu ; en
cet état il s’ étale sur mon p ré, et, tourné de mon côté, il
affecte de montrer sa nudité, en appelant ma fille et
�C 8 )
moi ( i ) , en nous provoquant à l ’acte de la plus grande
obscénité , et en tenant et répétant des propos tels qu’on
rougiroit de les prononcer dans les lieux mêmes destinés
à la débauche la plus crapuleuse. A ce spectacle , à ces
horreurs, mes enfans et moi courûmes nous cacher dans
ma maison basse ; nous en étions éloignés : il profita du
temps que nous mîmes à y arriver, pour s’approcher, nous
répéter les mêmes propos, et nous les faire mieux entendre:
arrivés à notre m aison, nous fermons portes et fenêtres;
ses camarades et lui s’approchent alors davantage ; il vient
nu jusqu’au milieu du p r é , et nous les y entendions
comme auparavant ; les obscénités , les insultes, les me
naces se succédoient et se répétaient sans discontinuation.
Soit pour ne plus les entendre , soit pour être plus en
sûreté, je monte avec mes enfans en ma maison haute(2),
je m’y ferme derrière, et me contente de regarder par la
fenêtre ce qu’ils deviendroient.
Trapet nous voyant échapp er, courut s’habiller en
partie ; car il ne prit pas le temps de se chausser, et
re v in t comme un furieux , avec q u e lq u e s-u n s de ses
cam arades, jusqu’au milieu du jardin ; l à , armé de
pierres qu’il frappoit l’une contre l’au tre, il m’appeloit,
en me menaçant et en me défiant de venir j il insulta
ma domestique ; il menaça de la battre : lorsqu’il vit
que je ne me mettois pas en mouvem ent, il traversa,
( 1 ) Elle aura bientôt quinze ans.
( 3. ) Mon domestique, qui (levoit sortir le même soir de chez moi
m'avoit rendu un outil, et un fusil que je lui avoit donné pour la
garde du jardin , <t je l'emportais ¡)vec moi.
avec
9
�(> ))
avec quelques-iins de ses camarades'qui s6 contentoient
de m’insulter de plus loin , la partie basse de mon jardin
dans toute sa longueur ; il revint sur ses p a s, s’approche
de moi en me disant qu’il vouloit venir sortir par la
po rte, et en invitant ses camarades à lui porter un bâton.
A ces mouvemens, à la fureur qui se manifestoit chez
ces assaillans , je ne doutai pas que leur projet étoit de
m’assassiner ; la frayeur s’étoit emparée de mes enfans ,
nous résolûmes de venir à la ville avant qu’il fût plus
nuit j nous sortons, et laissons ces assaillans dans mon
jardin. Mais pendant que nous les évitons, ils nous
cherchent j nous venions à la ville par le chemin de
Bardon"; les compagnons de Trapetnous voient sortir ;
une partie passa sous le pont, et vint nous couper le pas.
Trapet ne nous avoit pas vu sortir , et ne m’appercevant
plus à ma fenêtre, vint à ma maison haute , en m’appe
lant et en criant : Où est-il, ce coquin de Boisson, où estil que je le tue ? Cependant nous voyions en venant ici
ses camarades sortir de dessous le pont, et déjà au-devant
de nous. Pour les éviter, nous rebroussons chemin , et
nous enfilons un sentier qui conduit au faubourg de
Clermont ; mais déjà Trapet et un autre sont sortis par
le portail de mon jardin ; et les autres étoient venus à
bride abattue sur nos pas. J e vois leur dessein de nous
suivre par ce petit sentier peu fréquenté ; nous nous
arrêtons, je prends témoins ; ils passent en se tenant
sous le bras et m’insultant : je me contente de le faire
remarquer. Ils feignent de prendre un chemin qui
conduit à la Varesne. Nous revenons sur Je grand
chemin j ils y sont aussi-tôt de retour que nous i ils
B
�4'
( 10 )
s’arrêtent près de moi en continuant leurs insultes ; alors
plusieurs personnes passent , et nous les suivons, dans
l ’espérance que ces forcenés n’oseroient nous attaquer en
leur présence; m ais, vaine précaution l ils se contentent
de nous suivre en chantant jusqu’à ce que nous sommes
arrivés en face de la porte du moulin Bardon ; là , ils
avoient des amis et des soutiens dans le m eunier, son
domestique et ses enfans, contre lesquels j ’ai déjà rendu
plainte pour mauvais traiteniens commis sur la personne
de ma fille a în é e , à coups de pierres.
> C e fut devant le moulin que mes assassins, confians
dans le secours que le meunier leur avoit promis , sans
doute , viennent m’assaillir ; j ’étois au milieu de mes
deux en fan s, Trapet s’approche en m’insultant; je
rapportois de mon jardin à la ville le fusil que j ’avois
confié à mon jardinier ; je le tenois sous le bras droit,
la crosse en arrière , le canon en avant ; il fa u t que tu
rendes cé fu s il à ma compagnie , dit-il , ou j e te coupes
la fig u re à coups de bâton ; et dans le même in stan t,
pendant que de la main gauche il s’em pare du bout
de mon fusil , de l ’autre il me porte deux coups d’un
bâton à nœuds , beaucoup plus gros en bas qu’en haut ;
il espéroit , sans doute , que cette attaque imprévue
me feroit lâcher plus aisément mon fusil ; mais elle
produisit l’effet contraire ; il m’étoit aisé de voir que ces
assassins vouloient s’en emparer pour s’en servir contre
moi , et je le saisis des deux mains ; en vain Trapet
continuoit de me porter des coups de bâton à la tête ?
pendant qu’aidé d’un ou deux de ses cam arades, il
tiroit le fusil par le bout du canon, que d’autres cher-
I
�itr
( 11 )
choient à m’arracher la crosse des m ain s, et que
d ’autres me lançoient des pierres ; je tins bon , lorsque
le valet du meunier accourut , se précipita sur moi ,
me porta deux coups à la tête et me terrassa. Cependant,
dans les efforts respectifs de mes assassins pour m’ôter
le fusil, et des miens pour le retenir, le coup partit( i ) ,
mais il n ’atteignit aucun de mes meurtriers qui avoient
eu soin , en essayant de l’ô ter, d’en placer la bouche
entr’eux , de manière que le coup en partant ne pût
les atteindre ; car ils sentoient bien qu’ils ne méritoient
aucun ménagement de ma part ( 2 ) ; ce qu’il y a de
v r a i, c’est que Trapet , ses camarades et le valet
( 1 ) Sans doute il s etoit armé , lorsque Trapet en le prenant par
le bout l ’avoit tiré de dessous mon bras.
(2 )
Trapet a montré une meurtrissure à la poitrine ; elle ne peut
être du coup de fusil, parce que, ou il étoit boutonné, ou il avoit la
poitrine nue : dans le premier cas, si le coup avoit porté à bout tou
chant à l’endroit qu’il indique , dès qu’il n y a aucune blessure , ce
seroit une preuve que le fusil n etoit chargé qu’à poudre ; mais
alors ses habillemens auroientbi en em p o ch é le coup de marquer sur
sa poitrine:si sa poitrine eût été nue, ou seulement couverte de sa
chemise, alors la poudre auroit brûlé le linge ou la poitrine dans la
largeur d’une assiette, et il auroit dû le faire constater par le juge
de paix , lorsqu’il se transporta chez lui , sur la suppositiun qu’il
ne pouvoit sortir: l’assertion est donc fausse; mais quelqu'un qui dit
avoir vu le sieur Trapet, m’a assuré que sa peau sur le côté du bas
ventre présente , comme de petites, vessies ou levures, ce qui
annonce que la poudre en sortant du canon l’a eiïïeuré légèrement
et brûlé en cette partie , et confirme ce que j ’ai dit que le coup
n avoit pu passer qu’entre lui et son camarade.
. t,
�du m eu n ier, ne cessèrent de me frapper jusqu’à ce
<jue, m’arrachant de leurs mains , je me sauvai dans
Ia maison voisine , dont la porte étoit ouverte, dans
l ’espoir que cet asile ne seroit point v io lé , et que je
pourrois y retirer mes enfan s, dont l ’état faisoit mon
plus grand mal et ma plus grande inquiétude ; mais
les meurtriers m’y poursuivirent avec fureu r, et s’y
précipitèrent aussi promptement que moi ; le meunier
et un autre y furent les premiers ; ils sautèrent sur moi
pour me terrasser : je vis alors que j ’allois être; assas
siné dans cette maison, sans espoir de secours : j ’es
quivai , en me baissant , les mains qui vouloient me
saisir ; ils ne purent prendre que ma perruque et mon
chapeau qui quittèrent ma tête ; je profite du moment';
je m’arme de force et de courage , je repousse et
éloigne de moi , par un effort du. bras d ro it, les deux
coquins qui s’étoient jetés sur moi , et en poussai en
avant trois ou quatre autres qui étoient sur le pas de
,1a porte pour entrer dans la m aison, et je m’échappai,
la tête n u e , et en parant du bras les coups de bâtons
qu’on me portoit.
Mes enfans, plus morts que v ifs, jetoient les hauts
cris ; j ’appelois du secours , et ne pouvant me résoudre
à les laisser seuls au milieu de mes assassins , je ne
courois qu’en proportion de leur force pour me suivre ,
et cependant j ’étois accablé de coups de bâtons et de
coups de pierres ; les scélérats, ils ne sont pas assez de
huit contre un , ils ameutent contre moi le peuple ,
ils le provoquent en criant : A rrête£ L'aristocrate, il a tué
deux enfans y et dans l'instant j e suis’ assailli par cent
�C
)
personnes; j ’allois perdre la v ie , j ’en aurois perdu mille,
si je les avois eu es, sans le secours des braves gardes
nationaux qui m’arrachèrent aux assassins , me condui
sirent à la municipalité , me défendirent généreusement
contre les coups qu’on me portoit en chemin.
• Tout le monde sait le reste de cet événem ent, le
rassemblement populaire qui eut lieu auprès d e là maison
de ville , et le parti que je fus obligé de prendre
pour ma sûreté.
.
; '
...
Mais ce que l ’on ne conçoit p a s , c’est la ^situation
de mon fils qui me suivit à la maison de ville et en
prison , et qui s’évanouit à différentes reprises ; c’est
celle de ma fille qu’on avoit portée évanouie chez moi}
et que la douleur et le désespoir tinrent pendant'deux
heures entre la mort et la vie ; eh ! qui pourra, s’il n’est
pas père, se peindre ma situation pendant tout le temps
que j ’ignorois le sort de cet enfant, et jusqu’à ce qué
je l’eus vu e; les scélérats, sera-t-il jamais en leur pouvoir
de réparer tout le mal qu’ils m’ont fait ? quelle,,puis
sance humaine le pourroit? Voilà les faits ( i ) : je n’ai
besoin d ’a u cu n e réflexion. Il suffit de la connoître pour
juger les coupables et la punition qu’ils méritent. Qui
n e verra qu’ils ont cumulé les délits lés plus graves; ils ont
violé ma propriété; ils l’ont souillée ; ils "¡sont vernis dè
dessein prémédité ppur m assassiner 3 puisqu aucun ne
( i ) Toutes les dépositions des témoins , en forment la preuve,
et ils se seroient exprimés bien plus disertement encore , si.lors de
leur déposition, leur mémoire eût été rafraîchie sur cliaqiie fait de
la plainte, et si la s l^ ifit é du juge ne les-eût pas interdits.
�(
H
)
s’est m ouillé, ni mis à même de le fa ir e , si ce n’est
le sieur Trapet qui voüloit aggraver l ’insulte. Ils ont
commisr• ou servi de soutien à des obscénités horribles
devant une jeune personne de quinze ans. Ils sont
vpnus ensuite m’attaquer en grand chemin pour m’homicider ; ils m’y ont assailli ; ils auroient consommé leur
crime , s’ils Pavoient pu ; enfin , ils ont provoqué une
émotion populaire pour faire faire par le peuple ce
qu’ils n ’avoient pu faire eux-mêmes , m’arracher la vie.
Pour mettre le comble à leur scélératesse , ils se sont
livrés à la plus noire calomnie ; quels hommes ( i ) !
( i ) Trapet dit à la maison commune , que je lui avois tiré un
coup de fusil et deux coups de pistolet. Dans sa déclaration devant
le juge de paix ( M. Polignat ) , il a dit d’abord que dans la
chem in, je lui avois tiré un coup de fusil ; qu’il avoit ra té , et
que de la maison où je m’étois réfugié, je lui avois tiré un coup
de pistotet ; ce n’est que par réflexion , et par un renvoi, qu’il
a ajouté que j’avois réarmé mon fusil et tiré un second coup : dans
son i n t e r r o g a t o i r e , il a dit qu’il ne savoit pas si le c o u p de pistolet
étoit parti ; mais que je l’avois sorti, et qu’il avoit eu tant de
p e u r, qu’il s etoit évanoui, et qu’il ne sait s’il a raté ou s’il esc
parti. Dans le fa it, j ’ai déposé à la municipalité le pistolet bien
chargé , bien amorcé , et je réponds qu’ujx essai prouveroit que sur
cent coups, il ne rateroit pas un seul. Il est plaisant d’entendre dire
au sieur Trapet qu’il a été raté d’un premier coup de fu sil; qu’il
en a reçu un second dans la poitrine; qu’il 11e s’est pas trouvé mal,
puisqu’il a dit qu’après le coup , il avoit voulu m’arracher mon
fu sil, et qu’il s’est trouvé mal à la vue d’un pistolet. Cet homme là
n’est-il pas aussi bête que scélérat? A coup sûr, depuis qu’il m’afteignit, jusqu’à la maison-commune, il nd^essa de me frapper, ou
d’essayer de le faire. A mon égard, si je m\rois servi, à dessein, ds
�1
5 )
mon fu s il, si je m’étois servi de mon pistolet, je n’aurois besoin ni
de désavouer , ni de me justifier ; eh ! où est le doute que je me
s erois servi , et de toutes mes forces , et de toutes mes armes, pour
écarter ou diminuer le nombre de mes assassins, sans un sentiment
plus fort que celui de ma conservation , la crainte de faire assas
siner mes enfans : ouï, ce n’est ni dans ma foiblesse, ni dans ma pru
dence que j ’ai puisé, et ma patience, et ma modération; c’est à ma
tendresse paternelle qu’ils en ont l ’obligation : sans la présence de
ces êtres chéris, ils auroient vu ce que peut un homme arm é, quand
il a à défendre sa vie mais j ’ai mieux aimé leur laisser assouvir
leur rage sur m oi, que de la voir tomber sur ceux-ci.
B O I S S O N .
^
mmmmmtmé——— —
A R IO M , D E L ’IM P R IM E R IE DE L A N D R IO T , 1752.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boisson, Louis. 1792]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boisson
Subject
The topic of the resource
violences sur autrui
violation de domicile
jouissance des eaux
béal
troubles publics
atteintes aux bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Louis Boisson, citoyen de la ville de Riom, plaintif. Contre les sieurs Trapet, Marchand, Pellabout, Astre, garçons tanneurs, et Petit, dit Tixier, voiturier, tous de cette ville de Riom, accusés.
Table Godemel : Violation : de domicile et voies de fait.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1792
1792
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0936
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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atteintes aux bonnes mœurs
béal
Jouissance des eaux
troubles publics
violation de domicile
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53171/BCU_Factums_G1213.pdf
22d5b178148d10eb74c420a6b786e856
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PREMIER
MEMOIRE
PO U R
les Sieurs D e s f o n t a i n e s
C o m p te s,
C O N T R E
&
, A u d i t e u r des
L a m y , B ourgeois de P a r is
M.
le D u c
d
' O r l e a n s
Prem ier
P rin ce du Sang.
o
N a p e r fu a d é à
M . le D u c d’O rlé a n s q u ’il étoit
propriétaire de tout le terrein qui , avant fes n o u v e lle s
co n ftructio n s , conduifoit de fon Palais à la rue de R i
chelieu. D e - l à le projet co n çu par ce P rin ce de bâtir f ur
cet em placem ent; D e - là les voies de fait que ce font permifes fes ouvriers. D e - là les prétentions é levées par fes
G e n s d’affaires. D e - là e n fin , pour les fieurs D esfontaines
& L a m i , la trifte alternative ou de perdre le u r b i e n ,
ou de repouff er l’attaque q u ’on leu r livre.
A
�T o u s ceux qui voient aujourd'hui les murs immenfes
dans lesquels
enfermée la Capitale , ne fa vent pas
dans quelles limites
ccroit.cs , c li c fut originairement •
reiïcrrcü.
L u tcce Jîtuée dans une ijlc de■h S ein e ^ dit C é f a r , e jl
la V ille des Parifiens.
J u i q u ’à la fin d c r l a fç ce nde J\^ce , Paris .fut efïecti vement-eirconfcrit ¿ntre-Hôs-deux'-bras delcette R i v i e r e .
A
la fin du douzième ilecle , Philippe A u g u i t c en.
re cula les 'limites. '
'
V f"'
;f
7
M ais ce q u ’il importe de connoîçre , pour l’intelli
ge n ce de la caufe , c ’eil l ’enccinte de cette V i l l e , coinme ncée fous-Charles V en 1 3 6 7 , , &: ache vé e fous, fon
fuccefleur en 1 3 83 .
*
'• *r\ ' '
A cette é po qu e furent placées les portes S a i n t - A n -
çoine , Saint-Martin Sc Saint-Denis 3 fur. l’emplacement
q u ’elies oc cu p en t aujourd’hui.
D e ' l a porte Saint-Denis , les murs des rempârts'conrinuoient par la ’rue de B p u r b o n -, traverfoient l c s P e - :
t j t s - C a r r e a u x , la rue M o n t m a r t r e , la place d e s V i d o i r e s ,
l ’hôt el de T o u l o u f e , le jardin d u ' P a l a i s - R o y a l , la rue
de R i c h e l i e u entre celles des Bo ucheries &: du R e m p a r t ,
& :aljoi.efjt £pir au bout: de la, rue Sa mt- Nicaife.
: i- cs maifçns .qui o n t leur façade fur la rue St. H o i^pré; j, • ctitrp' la. ru,Q de Richelieu^ 5c I c ( P a l a i s - R o y a l ,
s'^tendoient parj derrière jus qu'a ux murs des remparts.
�3
-
L e Cardinal ‘de R i c h e l i e u ., p r o p ^ i ^ j r ^ #e§J£jî$rens
jcîrconvoifînhitjistca, e n • i Ciaj^ lsM£ond4iiV?rtï!dfi;fe[nrP,'i^s
a u jo u rd ’hui l e P a l a i s r oyal . . . ■
Jijiio'j
.‘ ."'cio ¿si
C e t t e immenfe bâtifle changea encore".de *c£ t ô t é les
limites de.Paris.
J- o .
l •'» en.
‘
Li^ p or te Saint-Honoré , alorsrplacéçi fur le (local afi•tuèFdes'Quinze-Vingts, 'fut,reculée
l'endroÎDoti
nous l’avons vue j & depuis cette porte , ju fq ü a cel le de
S a i n t - D é n i s , le circuit que trace maintenant le b o u l e
vard fut oc cu p é par de nou ve a ux remparts.
L e Cardinal ;s’çmpara de
la p a r t i e . des anjcicps qui
étoit à'fa ¡convenance , ou elle luic f u t ' co nc é dé e rpV^la
.Ville q ui en étoit propriétaire , dans l a dirC & è d u R q ï .
L e Palais fut a ch e vé i 6 3 6.
C e t t e même année le
>■
Cardinal çn fie donation à
L o u is X I I I .
C e p e n d a n t il réfolut de Je bâtir un hptel p a r t i c u l i e r ,
à l’endroit de la rue de R i c h e l i e u o ù s’é î e v é aujourd’hui
le th éâ tre des V a r i é t é s , 5c de le fa irc;C o m m u riiq u er a v e c
fon b â tim e n t .p rin c ip a l. '
.v .
I l f a l l o i t , pour cet e f f e t , acquérir tout ou pïiftié des
propriétés qui régnoientvfur la-rué S a in i- H o n or é, depuis
c e J e de R i c h e l i e u j û f q u ’au Palais royal,
r.
'
O r du nombre de ces maifons étôient céllés dont j'quifient a prefent les ficiirs Desfontaines Sc L a m i.
'
^Celle-ci au derriere d’une autre v donnant fur la rue
Saint-Hohoré , qui avoit pour ehfeigne: l ’I m a g ç N o t r e D a m e , ou la Belle-Image , étoit. compofée d ’un - corps,
de bâtiment &; d ’un jeu de paulme terminés ^iar une
place vague.
À
i
�' n i,
-,
C e l l e - l à fucceiïivement connue fous le nom du C o r n e f
& du D a u p h i n * donc elle avoic vraifemblablemenc porté
les enfeignes confiftoit en deux corps d ’hô te l av e c étables
& jardin derriere.
L ’une &
l ’autre aboutifîbit , comme les maifons voi-
fiaes , aux anciens remparts de la V i l l e . D e s contrats &. ;
fentences de 1 4 7 6, 1 ? 7 4 , i i J o p & i i o i , n e leur don
ne nt pas d ’autres tenans de ce côt é , & prouvent en même
temps leur confiftance telle que nous venons de la détailler.
L e Cardinal de R i c h e l i e u ayant cu b ef oi n d’ une partie
du terrein dépendant de ces maifons, pour la conftru&ion
de fon nouvel hôtel , le (leur D e v a u x , auteur du ficur
L a m i , lui céda d’abord la place qui terminoit fa propriété,
& de p u is, cinquante-cinq toifes de fon jeu de paulme.
C es ventes font des deux août 1 6 $ $ & 2 1 décembre
1 (5’4 1 .
D a n s les mêmes années , le ficur HanneiTon , alors
propriétaire de la maifon du fieur De jfo nta in es, fit auifi,
au profit du C a r d i n a l , de ux aliénations fitcceffives de
portions de la C o u r , autrefois jardin , qiû écoic derriere
fes étables.
L e s d e u x contrats de 1 6 4 1 contiennent la claufe que
le C a rd in a l fera conftruirc de n e u f fur fon fonds de terre ,
aux dépens de lui feul , & fans répétition , un mur qui
fera la féparation des terréins cédés d ’ave c le réfidu de
j e u depaulm r & de cour que fe réfervoient les v e n d e u r s ,
fans q u e dans ce mur,qui fera mitoyen dans toute fa largeur
& h a u te u r , il puifle pratiquer aucunes v u e s , égouts , ni
autres fervitudes.
L e mur de démarcation , co nve nu par ces a&cs & par
�% .6\
S
les traités du meme genre , faits av e c les propriétaires
r/i
vo i fi n s , étoit déjà co m me ncé l orf que , le 2 3 maf 1 6 4 2',
le Cardinal fit fotî teilament. I l en ordonna la continua
tion fuivant les delfins & devis q u ’il avoit arretes.
L o u is X I I I habita ce Palais pendant le peu de temps
q u ’il fu rv é cu t à fon premier Miniftre.
L o u is X I V . y fit aufli fon féjour pendant fa minorité ,
&
le
conferva j u f q u ’en 1 6 9 2
q u ’il en fit donation a
M on fi eu r , premier D u c d’ Orléans , fon frere uniq ue.
C e p e n d a n t le mur co nvenu entre le Palais royal & les
propriétés limitrophes , avoit été conftruit comme l ’avoit
preferit le C a r d i n a l , d ’une maniéré uniforme & couronné
d ’une corniche faillante dans toute fa longueur.
O n y avoit adofie la b ib lio th èqu e.
Aufli les maifons des fieurs Destontaines 6c L a m i } aux
quelles les titres de 1 4 7 ^ 1 ^ 7 4 , 1 i o o &. 1 6 o b avoient
j u f q u ’alors donné pour tenans les remparts, ou les murs de
la V i l l e , font-ils depuis énoncés aboutir de ce côté aux
murs mitoyens de la biblio thè que
ou du Palais royal.
D e s actes de vente , des décrets , des procès-verbaux
d ’e x p e r t s , & des déclarations à terriers des années 1 6 $ 4 ,
1657,
/
1 6 5 8 9 1 6 tfa , 1 6 9 2 & 1 7 0 2 , prou
ven t cette vérité.
D ou il réfulte que le terrein d ’entre le Palais royal
ou la bibliothèque & les maifons qui y faifoient f a c e , &
auxquelles !a biblio thè que ou le Palais royal fervoient de
tenant de ce côté , a toujours fait partie de ces maifons p a r .
ticulieres , qui en con fé q u en c e avoient deflus leurs en
trées & leurs vues , & q u ’il doit etre confidéré par rap
port aux iieurs Desfontaines & L a m i , com m e leréjidu de
\
�G
cour ù de je u de paulm e q ue s‘étoicnt réfervés leurs a u
teurs j par les actes de
1Î41.
- ''
J
Ce p e nd a nt c ’eil pour la confervation Je ce réfidu, q u i
fervoit de paflage de la rue de R i c h e l i e u au Palais r o y a l ,
& fans le q u e l les maifonsdes iîeurs Desfontaines &. L a m i ,
ne feroienr que des cachots ; que nous fommes forcés
de piailler aujourd’hui conrre M . le D u c d’Orléans.
A u mois de janvier 1 7 8 7 , les ouvriers de ce Prince
ont mis des cadenas aux portes des fieurs Desfontaines de
L a mi donnant fur le paflage.
D e p u i s , ils ont creufé le fol au pied des murs juf■qu’à la profondeur d’environ deu x roifes.
A inf ile s fie-ur D e s f o n t a i n e ô c L a m i , enfermés c h e z eux
de ce côté , courent en outre le rifque d’être écrafésfous
les ruines de leurs maifons.
A ces voies de fait cependant ont fucc éd é des voies
de droit.
L e 20 février
1 7 8 7 , il a été flic aux fieurs-Dds-
fontaines 8c L a m iu n c fommation de s’écayer du côté du
paflage ,
même de juftifier des titres' en vertu defquels
ils y avoient pris des jours & des iiTucs.
L e 2 4 mars
lurva-nt , on les a fait fommer de ;fe
tr ouver fur les lieux , à l’effet d’ y être fait vifitc des
murs féparatifs des propriétés refpe&ives.
Le
iîeur L a mi s’cil rendu aux défirs de M . le D u c
d ’Orléan s , 6:-après avoir exhibé fes ti t r e s , il a reprefente
à i’ArchiiXcte du Prince que les jours 8c les entrées qu-il
à voie fur le paflage n etoient l’effet d'aucune fervitude ,
mais le libre exercice de fa propriété , q u ’efïe&ivement
le terreiil fur le qu el il en jouifloit 3 vis-à-vis de fa maifon,
w
�•
7
.
lui a p p a r te n o it , 5c q u e le mur de la bib liothèque é tok
aux termes du contrat de 1 ^ 1
, &
de tous les a&es
poftérieurs, la limite'du Palais royal.
E n co n fé q u c n c c le ficur L am i s’oppofa à la continua
tion des ouvrages de M . le D u c d ’Orléans , & ils fu.retin
fufpendus.
Mais bientôt on' réfolut de les reprendre.
L e i 2 mai î 7 8 7 , on fit lignifier, a la requête de IVi.
le D u c d ’O r l é a n s , un arrêt obtenu feus ion nom la furveille , qui lui permçttoit de faire afligner tous les,pro
priétaires des marions aboutifiant au paflage. en queilion y
pour juftifier des
titres
de foufïrance q u ’ils pou voient
avoir fur ce terrein., iînon s’en voir déclarer d é c h u s ,
ce q u i , fur la demande provifoire du Prince , à ce q u ’il
fût autorifé à continuer fes travaux , jndiquoit jo u r
..
. -. i .1 .
au i 0.
L e s parties ayant été appointées à mettre , les iieurs
Desfoniaines &. La m i fembloient n’avoir à craindre a u
cune innovation iu f q u ’au juge ment de cette inftance > c e
pendant il fallut encore un référé pour arrêter les nou
velles cntrpprife des ouvriers.
....
?
C cft dans l’inftance provifoire que , le 2 1 juin 1.7 8 7 ,
-
eftintervenu arrêt qui, avant faire droit, ordonne la. vifite
&: reconnoiiTance des terreins dont il s’a g i t , par experts ,
auxquels les parties remettroient leurs titres refpeftifs de
p ropri été, apiès.^fe les,çtre mutuellement co ççi iuj n iq^ g ■
pendant trois;jours.
*
.....
-
. Ge tt ç opération a eu-lieules 2 4 juillet & jours ; fuivan?,
& , s il le faut /nous montreront dans bi fuite., 3vec plus
de détail , q u ’il en réfultc en faveur des fieurs Dcsfoiv-
�s
’
taines & L a m i , une infinité de preuves de leur propriété >
du terrein c o n te n tieu x .
N o tr e ob jet a & u e l n’eil q u e de donner un apperçu
des moyens qui , tant en la form e q u ’au fo n d , s’é lè v e n t
contre la prétention de M. le D u c d ’O r l é a n s , prétention
dont les auteurs eux-memes ont fi bien fenti l ’illufion que
q u o iq u ’ils la p réfen ten t hardim ent au ju gem en t de la
C o u r , ils n’onc pas même , dit-on ,
ô fé la foum ettre
encore , ou du moins ils ne l ’auroient offerte que depuis
peu de te m p s, à l ’exam en du C o n fe jl faic pour prémunir le
P rin ce contre de pareilles furprifes.
m
o
y
e
P r e m i e r e
n
s
.
P a r t i e .
F in de non-recevoir.
L e s fieurs D esfontaincs & L a m i font loin d ’imputer
à M . le D u c d 'O rléa n s les voies de fait dont ils ont à fe
plaindre. L e P rin ce qui , fécond L é o p o ld , exp ofe fes
jours pour co n ferv er ceu x du dernier de fes g e n s , ne fau roit-ètre fou p çon n é d ’a v o ir trou b lé violem m ent la p r o
priété des d eu x citoyens i mais la garantie civ ile du faic
de fes ouvriers , dont M . le D u c d ’O rlé a n s eft te n u , n’en
fournit pas moins à c e u x qui en ont été les victim e s,
une exception péremptoire contre fa demande.
C e tte fin de n o n -rec ev o ir refu lte de la maniéré illé
g a le d onton a p r o c é d é , foit à la réclufion des fieurs D e s fontaincs & L a m i , du cô té d u terrein contentieux., foie
S
3
�9
à l’excavaiion du fol au pied de leursmaifons, t a n t a v * n t
q u e depuis le litige!
Cadenafîer les portes d ’un propriétaire , avant d ’en
gager aucune conteftation ave c lui , & découvrir ju£>
q u ’aux fondations de Tes b ât im e n s , c ’cft de la part des
f u b a lt c r n e s , coupables d’un pareil at t en t a t, avoir m é
connu les premieres réglés de l’odre public , & violé la
condition fondamentale du pa£Ve focialj fuivant lefquelles
nul ne peut troubler de fa feule autorité une pofleffion
fubfiftante fous la fauve-garde des loix : N ih il efi exitio tiojîus civ ita tib u s, n ihil tant contrarium ju r i & legibus ,
quam compofitâ & conjiitutâ republicâ } quid quant agi per
vim, C ic . de legib. lib. 3 , n° 1 8 .
Mais rcn ouveller ces a&es d’hoftilité lors même q u e
les
parties font devant
les T r i b u n a u x principalement
deftinés à les rép rime r, c ’eft pour ainfi dire , méprifer
la juftice elle-même. Dans le doute a uqu el des contendans la C o u r adjugeroit le bien c o nt e nt ie u x, les ouvriers
du Prince devoient attendre , dans une ina&ion refpectueufe , q u ’elle en difpofât en fave ur de celui dont le
droit plus évident feroit pancher fa balance , & ils onc
fait perdre à leur Maître toute efpérance de vi&oire , en
prenant fur eux de difpofer d’avance de l’objet qui doic
en être le prix.
U n homme demande à être re lev é eontre un engage
ment onéreux , le Lég if la te ur ne ve u t pas q u ’on mette à
exécution le titre contre le q u e l il Te pourvoie. l>cg%unicai
Cod. lib. 2 j tit.
5 o.
U n héritier légitime attaque un teftament 5 il » pour
lui la loi qui l ’appelle A. la fucceflîon , & même un pre
mier ju g e m en t qui fait cefler l ’o b i h c l e q u ’oppofoient à
B
�1o
f a j^uliTance les dernières difpoficions du d éfu nt 5 c e p e n
d an t , s’il y a appel , il ne doit pas , avant l'arrêt .défi
nitif y fe mettre en pofîeffion des b i e n s , L eg. 1
lib :
Qodic.
5 ? tit. 2 1 .
L e principe qui ,di£ta la prohibition d ’innover pen
dant le litige , eft: confacré par la doctrine des Aute urs
ÔC par la ' jurifprudence. ; V o y e z Pothier , du .droit de
propriété, part-, 2., chap. 1 ç r , art. 2 ; les arrêts de Pà pon
liv. 1 4 j titre 1 3 5 & M ar éch al , traité des droits h on o
r i f i q u e s , chap. 2 3 $. $.
Ainfi , mal à propos les ouvriers de M . le D u g d ’O r
léans ont-ils / a u mois de janvier 1 7 8 7 , intercepté , par
des cadenas j le .paU'age. dont avoient joui j u f q u ’alors les
fieurs Desfontainfcs & L a m i , 6i creufé le long de leurs
murs
le terrein contentieux plus
bas même que
les
fondations.
j Mais plus mal à propos encore., ont ils continué ces
ouvrages pôilérieürementiau jï'2 mai 1 7 8 7 , ép o qu e de
la d em an d c'i mr od u cl iv e de la caufe.
^
^
L a co nf éq u en ce qui refult« contre M . le D u c d’O r
léans , de ces quafi-délits de fes fu b o r d o n n é s , q u o iq ue
çoinmis
ians fa participation,
c’êft q u ’il faut dès à pré-
le n t remettre les. chofes dans l’état où elles éroient avant
ces voies de fait. Spoliatus ante otnniâ reflituen diis, c ’eft
le v œ u des loi-x &. la jurifprudence confiante de la C o u r .
'
« C e l u i qui aura été dépoiTédé par v o ie de f a i t , porte
. TO rd on na nc e C iv il e , cit. 18, art. 2, » pourra demander la
» réintégrande. »
■
'
U n Pa vt ic ul ie r. tr ou ve ,une-digue éle vé e fur un che
min p u b l i c , i l i a d é t r ui t j un arrêt du mois de Juill et
1603 , fans avoir égard au motif plaufible d’ une telle
c o n d u i t e , l ’oblige à la r é t a b l i r . &
dépens.
le condamne aux
�z
I i
D e s P a y f a n s com blent des fofies par le fq u e ls oti le u r
avoit récem m ent
interdit
l ’encrée
d ’un
pré
où
ils
étoient dans l ’ufage de faire paître leurs beftiaux i par
arrêt
du 4 Septem bre ! 7 4 P , ils font condam nés provi-
foirem ent à la réparation de’ leurs voies de fait.
' . _
L a même queffcion fe préfente le 12 mars 17 ($’4 , &:
elle effc jugée de même au rapport de M . 1 A b b e T e r r a y .
V o y e z le C on tin u ateu r de D e n iz a r t , verbis V o ie s de fait j
& le T r a it é des Injures de D a re a u , page 8 0 - 8 4 .
C ’eft A cecte falutaire' aliimadveriîon des T r i b u n a u x
contre toute efpéce de voie de fait, que font dus l'ordre
& la tranquillité p ubl iqu e 5 6c la Juftice ne fauroit fe
relâcher de cette fainte f é vé ri ré , fans introduire en même
tems dans la fociécé la violence & les guerres inteftines ,
qui ont fi long-tems défolé notre patrie.
Mais les nouvelles excavations c o m b l é e s , la liberté
du pafl'ige r é t a b l ie , que lle fera en définitif l’iiTue de
la
conteftation ? C ’elt ce q u ’il faut examiner fubfidiairement * ne fut ce que pour éclairer la religion du P ri n ce
fur r injuilicc de la conreflation q u ’on lui fait foutenir.
S
e
c
o
n
d
e
P
a
r
t
i
e
,
D efe n fes au fo n d .
T o u t demandeur doit~:juiUfïer l’a di on q u ’il intente j
& pour fe fouiïraire à fa po ur fui te , il fuffit au d é f e n
deur de montrer q u ’elle eft dép ourvue de fondemenc :
dclore non probante , ra.üs abfolvitur.
Mais fi le demandeur obligé de tout prouver, ne prouve
r i e n , 3c q ue le déf endeur exempt de rien p ro u v e r, p rou ve
B 2
6ï
<w.'
�t o u t , le fuccès de ce dernier peut-il alors être d o u te u x ?
N o n certes j 8c celle eft heureufement pour les (leurs Desfontaines ôc L a m i , la pofition re fp e& iv e des parties.
- ’ ' M . le D u c d ’Orléans aftrcint à démontrer fa propriété
du terrein c o nt e nt ie u x, ne l’établit pas.
'!
E t fes adverfaires qui pourroient fc renfermer dans leur
poflefïion , démontrent par les pieccs mêmes, q u ’on leur
o p p o f e , la juitice & la légitimité de leur défenfe.
s j ' v
' M . le D u c d'O rléa ns ne prouve rien.
\
D e trois experts qui ont procédé à l’opération o r d o n
née par l ’arrêt du 2 i juin 1 7 8 7 , un feul eft favorable à
la prétention du Prince
c ’eft celui q u ’on a nommé de.
fa part. L e s deüx autres font unanimement d ’avis co n
traire.
■
-
M a is ;v oy on s fur quoi fe fonde le premier.
D ’une multitude de plans produits par M . le D u c
d ’Orléans pendant le cours de la vi fi te, il n’en cft q u ’un
a u q u e l il s’attache, 5c voici à qu el le occafion & de q u ’elle
maniéré il a été fait.
E n 1 d’4 0 , il s’étoit é le vé une conteilation entre l’A r c h e v ê q u e de Paris 5c le chapitre de Saint-Honoré., fur les
limites de leur cenfives, dans le quartier du Palais royal,
8c les experts .nommés, pour fixer la.'lignc -.dc démarcation,
a v o i e n t , afin de fournir intégralement au chapitre les 1 ^
arpens q u ’il reclamoit, e m p ié té de quatre perches fur les
anciens remparts de la ville , dans la directe du R o i.
O r , c ’eft pour revenir de la part du D o m a i n e , contre
cette légère anticipationv q u ’en
^ a été dreflo le
�13
pian q u ’adopte cxclufivcmenc l ’expert de M .
le
Duc
d ’O r l é a n s , 8c d’après l e q u e l il décide q u e les fieurs D e s
fontaines 6c L a m i doivent fournir au Pr in ce les q uan ti
tés de toifes f u p e r fi c ie l le s , acquifes de leurs a u t e u r s , par
le C ard in al de R i c h e l i e u , 8c que le paflage en queftion ,
en fait néceflairement partie.
C ’eft peut être de la part de cet e x p e r t , d écé le r aflez
mal adroitement l’efprit dans le q u e l il a rédigé fon avis ,
q u e de prendre ainfi fur lui d ’adjuger à M . le D u c d ’O r
léans la propriété du terrein contentieux , tandis que fa
miiTion fe bornoit Amplement à vifiter 6c à reconnoître le
local.
C e a ’eft pas non plus annoncer moins de p réventio n,
q u e de prendre pour bafe de cette décifion inc omp éte nte ,
une opération faite entre le D o m a i n e ôc le Chapitre SaintH o n o r é , fur tout après avoir rejette c e lle beauc oup plus
r e g u l i e r e , faite antérieurement entre ce même chapitre &
l ’A r c h e v ê c h é de Paris, fous prétexte que la contejtatiofi
qui Vavoit occafionnée n avoit aucun rapport au x demandes
des fieu rs D esfon ta in es G* L a m iy ôc de porter à l ’aide de ce
p l a n , à plus de 20 toifes la largeur des remparts, fixée à
4 0 pieds par un procès verbal de 1 64.0.
A u lurplus le] plan de 1 6 9 5 , e f t , fuivant le procèsverbal qui s’y réfère, un plan figuré Ù fa n s échelle , 8c
l ’expert n’affigne même aucunes dimentions fur Icfq.ueües
on puilTe en dreiTer une.
E n fécond lieu, le cerreinpour la reconnoiflance d u q u e l
il a été f a i t , eft fitüé à l’extrémité de la rue des Bons Enfans', vers la rue Bail ii f, & c o nf éq u em me nt à une diilance
trop confidérable du paflage contentieux., pour q u ’il puifle
s’y appliquer.
Enfin on ne voit ni fur ce pian , ni fur le p r o c è s - v e r
�bal qui l’expl iqu e , les points qui ont déterminé l'ob
liquité des lignes qui s’y trouvent tr acé es, pour repréfenter les anciens fofles ou rempars de la ville 5 car pour
fixer la direction d ’une ligne q u e lc o n q u e , il
faut
au
moins deux points donnés j o r , en fupçofant avec l’auteur
q u ’il aie trouvé un ancien veftige du mur du rempart à
l ’extrémité de la rue des Bons E n f a n s , il auroit fallu pour
prolonger fa l i g n e , comme il l a fait fur Îon plan , qu il
eue encore rencontré pour fecours q u e l q u e ancien témoin
des rempars près de la rue de R i ch e l i eu .
R i e n donc de plus incertain que le tracé des lignes
fur le plan de 1 69 j , &; deslors nulle preuve en faveur
de M . le D u c d’O r l é a n s , de la propriété que fon expert
ne lui attribue que fur la foi de cette feule opération ,
d ’ailleurs non moins étrangère au lo c a l , ainfi q u ’aux par
ties, q ue cel le de 1 6 4 0 , q u ’il écarte fous ce p ré te x te . .
§
I I.
Jjes Jleurs D esfon ta in es & Lam i prouvent tout.
E n a ¿T3 9 &c 1 S 4.1, les auteurs des fieurs Desfontaines
& L a m i , n’ont ve ndu q u ’une p a rt i e , l’un de la c o u r , èç
l ’autre du jeu de paulme qui terminoient leurs propriétés.
I l doit donc encore leur refter , indépendamment de
leurs m a i f o n s , le terrein réfervé lors de ces aliénations,
& qui leur
étoit indifpenfablement nécciïaire pour
la
confervation des jours 8c la commodité de leur paiTage.
Auiîî dans différens actes faits depuis cecte époque, leurs
maifons avec ces réfidus de terrein font deiignes ainfi. qu il
fuit :
E n 1 <j 4 3, celle du fieur L am i , eft dite joignan^ai*
jardin de l'hôtel de R ic he li eu ,
�„
* *
E n i 6 ; 4 , le Palais du Cardi na l eft donné pour tenant
à la propriété du fieur Desfontaines.
E n i 6$ 7 , 6c i 6 £ 8, le terrein d u i ie u r L a m i eft énoncé
aboutir à la bibliothèque.
Dans un décret de i 6 6 2 , on lui donne pour tenant
le mur mitoyen de la bibliothèque.
Da ns un autre
de la même année , il eft dit abou-
tiflant d’un bout au Palais royal.
*
E n 1 6$ 2 } le local du fieur D e s fo n t a i n e s , a pour c o n
fins le Palais royal.
E n 1 7 0 2 , même énonciation par rapport au manoir du
fieur L am i.
Il
eft donc confiant q u e depuis 1 6 4 1 , les propriétés
des fieurs Desfontaine 6c L a m i fc font étendues j u f q u ’au
mur de la bibliothèque ou du jardin du Palais r o y a l , quoi
q u e leurs bâtimens fe terminaiTent à environ 20 pieds en
deçà. C e fait n’eft pas moins pr ouvé par les aftes de 1 6 4 3 ,
1 <5^ 4 , 1 (i j 7 , 1 6
, 1 6 6 2 , 6c 1 7 0 2 , q ue ne l ’étoic
par les ailes de 1 4 7 6 ’ , 1 J 7 4 ,
1 600 * 6c 1 <
5o 1, l ’exten-
Îïon antérieure de ces mêmes t e rr e in s ju fq u ’aux remparts.
L e s énonciations géminées qui s’en trouvent dans des
actes d c toute efpéce , 6c notamment dans plulïeurs dé
crets faits pendant plus d ’un demi ficcle prouvent dès lors
q ue le paflage intermédiaire en faifoit partie. E t co n fé quemment que c'eft ce mur de la bibliothèque , conitani'
m e n td o n n é p o u r tenant auxmaifons des fieursDesfontaines
6c L a m i , ce mur qualifié mitoyen dans le décretde 1 6 6 2
q u e le Cardinal a fait conftruire pour fe borner av e c fes
voifins conformément aux traités de 1 6 4 1 .
C ’eft d ’ailleurs ce q u e prouve la forme même de cette
bâtifle,
/
�E u effet, fi le mur de la bibliothèque n’étoit pas celui
que le Cardinal s’éioit obligé d ’él éve r entre fes propriétés
& celles que s’étoient réfervées les auteurs des fieurs D e s
fontaines, L a m i Sc autres, il fa u d r o it , ainfi que ne craint
pas de le fou tenir l'e xpe rt de M . le D u c d ’Orléans j q ue
les murs qui font en f a c e , Sc qui terminent les bâtimens
particuliers q u i y régnent, euflent été deftinés à cette fin.
O r , indépendamment de ce que dans cette hipothèfe
on n’auroic pas donné la bibliothèque pour confin aux
propriétés des fieurs Desfontaines Sc L a m i , qui n’auroient
abouti q u ’au paflage j abftraclion faite en outre dejee que
dans cette fuppofition il ne reiteroic rien à ces proprié
taires de la cour Sc du jeu de paulme dont leurs auteurs
n ’ont
cependant aliéné q u ’ une partie j fi l’on compare
feulémenr les murs qui terminent leur jouiflance a & u el lc
à ce que difent les a de s de
1 6 4 1 , 6c le teilament de
* 6 4 2 , relativement à celui dont la conilruétion
étoit
dès lors projettée , on fera bientôt convaincu q ue cette
fuppofition eil inadinifible.
A u x termes des a il e s , le mnr que devoit él ever le
C ar din al entre fes propriétés Sc celles que s etoienc ré
fervées le fieur D e v a u x 2c fes confors, étoit un mur d’ une
fe u le c o n i t r u & i o n , 6c dans le q u e l il ne pourroit lui- mem e
p ercer ni vues ni autres ouvertures.
Su ivant le rapport au contraire , les murs des fieurs
Pesfo nta ine s ôc Lam i n’ont ni fymétrie ni uniformité j
ils ferve nt dans un endroit de clôture
Sc dans un au
tre de p i g n o n , enfin ils font percés de toutes parts, de
çroifées 6c de portes de paflage.
C ’eft
�Z7&
11
C ’eft do n c a ve c raifon q u e le m u r de la B i b l i o t h è q u e
ou du P a la is -R oy al a toujours é té confidéré c o m m e la
ligne de dé m a r c a ti o n , c o m m e le mur m itoyen e n t r e les
pro pr iété s d u P r i n c e £c celles de fes voiiins , &i q u ’on T a
p e r p é t u e l l e m e n t d o n n é p o u r t e n a n t aux maifons des fieurs
D e sf o n t ai n e s Sc L a m i .
Mais il exifte en outre dans le mur de clôture de ce
dernier un témoin muet de l ’impoiîibilité phyfique que
ce mur ait été conilruit depuis les aliénations partielles
faites par fes auteurs ; c e f t un arrachement fouterrein ,
reite du mur qui féparoit cette maifon de la maifon voii i n e , 6C qui ne pourroit fubfifter , fi poftérieurement à
la réunion des propriétés dans la maifon du C a r d i n a l , il
eut tranfverfalement
fait conitruire le mur a u q u e l cec
arrachement eft encore adhérent.
N ou s fournirions bien d ’autres preuves de la fauffeté
de ce fyftême
j
fi
le Prin ce propriétaire de de ux maifons
mitoyennes , l’une avec celle du fieur Desfontaines , 5c
1 autre ave c celle du fieur L a m y vouloic rapporter les
ventes fucceiïîvts faites aux époques de i 6 3 9 & 1 6"^ 1
par ceux à qui ces mêmes maifons appartenoient alors.
No us ne diffimulerons cependant pas que dans un con
trat du 28 Juin 1 7 4 6, Sc dans une fentence du 1 $ A v r i l
1 7 7 8 , la maifon du fieur L a m i eft dite tenir par derriere
au paflage qui conduit de la rue de R i c h e li e u au Palais
R o y a l 5 d’où l’on a prétendu inférer que la partie de ce
paflage qui oc cu p e l’intervale de fon mur de clôture à
celui de la Bi bl io th èq u e n’en dépendoic pas.
Mais q u a n d , d ’a i l l e u r s , ces mêmes titres d ’acquifition e x p r i m e n t q u e
c e tt e
maifon
eft
v e n d u e , ainfl
C
�i 8
q u e lle f e pou rfu it j comporte. & étend de toutes parts >
fa n s aucunes exception ni réferves ; c ’eft confcamment
aux ailes antérieurs q u ’il faut fe référer pour en connoître l ’étendue.
O r en i <$"4 1 , le fieur D c v a u x , auteur du ficur L a m i , en cédant une partie du jeu de paulme qui
étoit
derriere fa niaifon , s’étoit réfervé l’autre , 6c ce réfidu
de terrein eft dit , fuivant des aûes 6C des décrets de
1 64 3 , i 6 $ 7 ôc 1 7 0 2 , renir au jardin de R ichelieu _>
au mur de la Bibliothèque^ à l ’ H ô te l du Cardinal, au P ala is
R o y a l , 6c même fuivant un décret de
1 6 6 2 , au mur
mitoyen de la bibliothèque.
N u l l e part on ne lui donne le paiTage pour ccnfîn , S:
pendant un aulli long intervale de t e m s , 2c j u f q u ’aux
voies de fait commifcs par les Ouvriers du P r i n c e , les
fieurs Desfontaines 6c L a m i o n t ,
comme propriétaires,
joui de vues droites 6c d’ifiucs fur le terrein contentieux.
L e s ailes 6c fentcnces de 1 7 4 6 6c 1 7 78 font meme men
tion de ce droit.
Q u e faut-il de plus pour développer rénonciation 7
peut-ê tre d ’ailleurs incom ple tt c, de ces titres? E t com
ment au rc-fte , prétendre q u ’un défaut de défignation
plus précife dans leur co nt e xr c, attribue à un tiers une
extenfion de propriété au préjudice des Parties contrac
tantes.
Auifi mal à propos a-t-on excipé pour le Pr in ce de la
ciirconftance q u ’il avoit un SuiiTe à ia folde 6c à fa livrée
à la porte du paflage du c ô té de la rue de R i c h e l i e u .
M . le D u c d’Orléans., pofîedant plufieurs des maifons qui aboutiiTent au pailage , dont il cil à ce titre co
propriétaire , il étoit de fa dignité que le tout fût gardé
�1
9
par un de fes domeftiques j & l’on auroit eu d'autant
moins de droit de s’y oppofer , q u ’indépendamment de
l ’avantage q u ’on y t r o u v o i t , la maifon particulière où
logeoit le Suiflc , & qi,n terminoit le paflage du côté de
la rue de R i c h e li e u , étoic une de celles qui
apparte-
noient au Prince.
Répétera-t-on encore q u ’il y avoit des boutiques der
rière les maifons des fieurs Desfontaines Si L a m i , &
q u ’ un des Officiers de M . le D u c d ’Oriéans en percevoic
le l o v* e r. ’
Quand
le
fait
feroit
v r a i , q u ’en conc lueroit-on
contre ces propriétaires, s’ils louoient eux-mêmes le der
rière de leurs maifons à M , le D u c d’O d é a n s i C e Prin ce
n’anroit-il pas été maître d’ y adofler des échoppes ou des
b o u t i q u e s , & d’en percevoir la location.
Mais l’aiTcrtion n ’eft pas exacte. Le s b o u t i q u e s q u i
o c c u p o ie n t le d e rr ie re des maifons des (leurs D e s f o n t a i n e
& Lami , appartenoient
a ux
marchands
qui les ou-
v r o i e n t , 6c s’ils pa yo ient un droit q u e l c o n q u e au C o n
cierge du P r i n c e , c ’étoit p o u r la permiijion de les ap
p u y e r c o n tr e des maifons d o n t il énoit locataire.
A ucu ns de ces petits moyens fur lèfquels on a tant
mfifte dans le cours du p ro c è s -v e rb a l, ne peut donc por
t e r atteinte aux preuves qui réfultent furabondamment en
faveur des ficursDesfontaincs &. L am i, des titres dei CT^j ,
■16f 4 3 16 J 7 , 1 6 6 2 , 165? 2 , & i j Q 2 , qui tous ne don
nent d’autre limite par derriere à ieurs propriétés que le
mur mitoyen de la B i b l i o t h è q u e , ou du Palais R o y a l .
C e p e n d a n t , à ces preuves multipliées de la prop iiétc
des lieurs Desfontaines & L a m i , & de la pofielîion mm\é-
�2O
m o riale qui les c o n f a c r e , nous pourrons ajouter d ans, la
fuite l ’analyfe d ’une foule d e plans & de procès-verbaux
produits par M . le D u c d’O r l é a n s , & que fon Exp er t n’a
rejettes que parce q u ’ils s’élé ve nt contre le fyftême q u ’il
v o u loit fcconder.
M a i s une plus ample difc uffion ne
q u ’autant q ue les Gen s d’affaire de
fe roit néceff a i r e ,
le D u c d ’O r -
M.
léans fermeroient les yeux à l ’évidence & fie
au cou-
traire , ( livrons-nous à cette d o u c e efpérance) fi le C011feil éclairé du Prince , fi le Prince lui-même jettent les
yeux fur cette défenfe , bientôt les voies de fait h afar
dées par d’audacieux Ou vriers feront réparées
la de
mande formée fous le nom de M . le D u c d ’Orléans ne
reparoîtra plus &
les fieurs Desfontaines & L a m i auront
la fatisfaction d ’avoir obtenu de la j u ftice du Prince ce
q u ’ils ne follic itoient q u ’à regret de celle des T r i b u
naux. Signé M
artin
M e.
D
esfontaines
. & L
G U I L L A U M E ,
amy.
A v o c a t.
y
P
olle de
V
iermes
, Procureur.
7 .4*
D e l'imprimerie de Q U I L L A U , I mp. de S. A . S. Mgr. l e p r i n c e d e C o m t y
rue du fonarre N° 3, 1788.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desfontaines. 1788]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Guillaume
Polle de Viermes
Subject
The topic of the resource
conflit de voisinage
violences sur autrui
violation de propriété
Palais Royal
Richelieu (Cardinal de)
Bibliothèque nationale
jurisprudence
experts
mitoyenneté
Description
An account of the resource
Titre complet : Premier mémoire pour les sieurs Desfontaines, auditeur des comptes, et Lamy, bourgeois de Paris ; Contre monsieur le Duc d'Orléans, premier Prince de sang.
Table Godemel : Trouble : 1. des entreprises commises sur la propriété de l’adversaire pendant que les parties sont en instance sur le droit de propriété, constituent-elles une fin de non recevoir ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Quillau (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1788
1787-1788
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1213
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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bibliothèque nationale
Conflit de voisinage
experts
jurisprudence
mitoyenneté
Palais Royal
Richelieu (Cardinal de)
violation de propriété
violences sur autrui
-
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3f1665a761f135c06f078a6da23adb33
PDF Text
Text
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M
É
A
ËT
M
O
I
R
aa-n T M
E
C O N S U L T E R ,
C O N S U L T A T I ON,
POUR
Dame M arie -A nne FILION-BANTIN, veuve
de N icolas BONCH RETIEN h a bitante de
la ville de Moulins, intimée ;
CONTRE
P
ie r r e
- Clau
de
p r o s t
, o fficier d e
habitant du bourg de Souvigny
d’Allier appelant.
sa n té
, département
J ’ A v o i s contracté un premier mariage avec Nicolas
Bonchrétien ; e n mourant il m ’a comblé de bienfaits:
devenue veuve et sans enfans, ma position piqua l’am
bition du citoyen Prost; il vit ma fortune, et en devint
amoureux. J ’eus la facilité de croire qu’ il l’étoit de moi ;
•
J eus
aussi celle de lui donner ma main . Cet homm e est
A
�,
( 2 )
]c plus inconstant que l’on connoissc; sous des manières
douces il cache presque tous les vices. P o u r preuve de
son inconstance} je n’ai besoin que dé citer son change
ment de résidence de C hâlon s-sur-S aôn e à Bourbonl’A rch am b au d , de Bourbon - l’Archambaud à M oulins,
de Moulins aux armées dé la république, et enfin, des
armées & B e n a y , près Souvigny. Quant à ses vices, ils
sont n o m b r e u x , et je m ’abstiendrai de tout détail sur
ce point. Je dirai seulement que sa conduite envers moi
fut te lle , qu’après dix mois de mariage je fus forcée de
demander contre lui la séparation de,corps et de biens,
p o u r cause de sévices et mauvais traitemens de tout genre,
pour cause tîb la dissipation de mes biens. lIssu de parens
sans éducation, sans autre patrimoine que sa lancette ,
le citoyen Prost étoit incapable de procédés honnêtes
et d’une bonne administration. ( Il ne peut pas nier le fait de
jna demande en séparation, puisque, dans une assigna
t i o n du 2 brumaire an 7 , >1
demander le r e m b o u r
s e m e n t d e t à u s le s d é p e n s q u e j e l u i a i o c c a s i o n n é s p a r
ma
d e m a n d e e n s é p a r a t io n , d u 10 m a i
1788 ).
M a première démarche fut de faire des saisies-arrêts
entre les mains de mes débiteurs, et de les dénoncer au
citoyen P ro s t, en conformité de l’article G V III de la cou
tume de Bourbonnais. Ceci étoit une entrave aux jouis
sances du citoyen Prost; il vit que celle de mes biens
alloit lui échapper, il employa mes parens et nos amis
.communs. J e pardonnai ; j’y fus engagée par quelques
témoignages de vepenlir. L a procédure lut anéantie,
et le citoyen Prost garda la possession de tous mes biens.
Il est des caractères que l ’on ne peut pas plus retenir
�( 3 )
que la p ie rre , lorsqu’elle est lancée. Celui du cit. Prost est
de cette sorte.Il recommence comme de plusbelle: nouveaux
excès de tout genre : sa façon d’agir envers m oi lui attire
l’indignation publique en la ville de Moulins. En 1 7 9 1 ,
ainsi pourchassé par l’opin io n , il se jette dans un bataillon
de volontaires ; il y sert comme officier de santé : mais
avant son d é p a rt, il enlève tous les papiers, actes, tout ce
qu’il y a de plus précieux dans la maison. Ce qu’il ne peut
pas em porter , il le dépose entre les mains-d’un sien ami
(„le cit. M auguin, marchand à Benay, auquel il donne sa pro
curation générale. ) Il me délaisse absolument : je lui écris
plusieurs fois; point de réponse. J e suis réduite à demander
en justice une pension : je l’obtiens d’un tribunal de famille.
A la compagnie du citoyen Prost ma vie avoit été en
danger: ma dot l’étoit aussi; il m ’avoit laissée sans pain.
T a n t de maux accumulés sur ma tête m’avoient fait former
la resolution d e p a sse r e n c o r e à la séparation de corps et
de biens, pour n’avoir plus à craindre la d is s ip a tio n et la
tyrannie de cet homm e : mais j’étois retenue par l’espoir
mensonger de le ramener : mais j’étois rebutée par l’éclat
inséparable d’une instruction en séparation de corps. Enfin
parut la loi du 20 septembre 1 7 9 2 , sur le divorce: je l’ai
provoqué , et il a été prononcé p o u r cause d’'incompa
tib ilité d'hum eurs et de ca r a ctè res, le 11 nivôse an 2. J ’ai
pris ce mode , i ° . pour donner au citoyen Prost le temps
de faire des réflexions u tiles, et de r e n t r e r dans la voie de
l’honneur ; 20. pour n’avoir pas à publier davantage ses
torts graves envers moi. Je n’ai pas réussi : le cit. Prost
a dédaigné tous les moyens de rapprochement.
«Te sens tout l’odieux attaché au divorce ; mon adverA 2
�(4)
'saire le met toujours en avant pour me rendre défa
vorable: mais que ceux qui auroientle moindre penchant
à recevoir cette impression, prennent pour un instant ma
place ; qu’ils se représentent tous les maux que j’ai
essuyés de sa part. J e l’avois tiré de la misère ; je l’avois
co m b lé; par mes bienfaits il jouissoit de la plus gcande
aisanco, etc. P o u r récompense de tout le bien que je lui
ai f a it , il m ’a accablé de m épris, de mauvais traitemens,
de cou ps, etc. J e le dirai cent fo is , mes jours étoient
exp osés, ma dot fétoit aussi : alors la voie de la sépa
ration de corps et de biens n’avoit plus lieu ; je fus donc
forcée de prendre celle du divorce. L e ciel est témoin
que je ne conçus jamais l’idée d’un remariage , et que
si jamais les lois permettent de faire convertir les divorces
en séparations de co rp s, je serai la première à recourir
à ce remède. P o u r bien juger de la moralité d ’une action,
il faut descendre à la position de celui qui l’a faite : il
faut ne pas se décider par les apparences} elles sont pres
q u e toujours si trompeuses! Quiconque connoîtra les cir
constances de ma manière d’être avec le citoyen P r o s t,
se gardera bien de me jeter la pierre.
J ’ai poursuivi la liquidation de mes reprises;cette liqui
dation n’étoit que provisoire, parce que le citoyen Prost,
comme oilicier de santé près les armées de la république
jouissoit des privilèges accordés aux défenseurs de la patrie.
' L e citoyen P rost, revenu
M oulin s, recueilli parson
bon ami Mauguin , en a suivi les avis pernicieux. L e
citoyen Prost a demandé une liquidation définitive. J ’ai
fait tous les sacrifices possibles pour en finir plutôt : mais
l’affaire a été conduite de telle m anière, que quoique
�. ( 5 )
infiniment simple en s o i , elle est devenue ^ès-compliquée par tout ce que la mauvaise f o i , la ruse , etc. ont
p u imaginer de plus abominable. Six jugemens ont t j
rendus entre le citoyen Prost et moi ; il en a interjeté
appel; il a publié ses moyens dans un précis de 56 pages.
J e prie m on conseil de me dire ce que j’ai à espérer ou
à craindre dans cette affaire ; pour le mettre à même d’en,
bien j u g e r , je me sens obligée à mettre en évidence les
faits principaux de la cause.
M on contrat de mariage avec le citoyen P ro s t, est du
2. juillet 178 7; il contient, i Q. stipulation de communauté
de tous les biens meubles et conquêts
faire pendant le
m ariage; 20. mise de* 100 francs dans la com m unauté,
par chacun de nous , le surplus de nos biens devant nous
demeurer propres.
I'« citoyen Prost se constitua en dot le s b i e n s à l u i
a p p a r t e n a n t , qu’il déclara n e p o u v o i r e x c é d e r e n v a l e u r
l a s o m m e d e 10,000 f r a n c s . ( A v a n t la révo lu tio n , l’on
estimoit plus ou moins les hommes par leur avoir : celui
qui avoit cent mille francs valoit plus que celui qui n’en
avoit que dix. A la fin, l’estime eût dépendu des experts.
L e citoyen Prost avoit pour tout patrim oine, pour tout
pécule, sa personne. J ’en fais ici l’aveu : tenant un peu
au p réju g é , j’étois en quelque sorte humiliée d’épouser
un homme sans fortune; il partagea ce sentiment. P a r
cette considération puérile, le c o n t r a t f u t h o n o r é d e ■
10,000 f r a n c s , que le citoyen Prost n’eut jamais, et qu’il
n’aura jamais comme lui a p p a r t e n a n t ). T o u t son avoir sc
réduisoit i\ une petite maison qu’il avoit à Bourbonl ’Archam baud > et dout il n’avoit pas encore payé le prix.
�( 6 )
.
D e mon c ô t é , je me constituai en dot tous mes biens ;
je déclarai q u 'i l s n e c o n s i s t a i e n t q i i e n e f f e t s m o b i l i e r s ,
argent
c o m p ta n t , p ro m esses ,
a c te s,
m o n t a n t ¿1 la
som m e
o b lig a tio n s
et
a u tr es
d e 2 .7,0 0 0 f r a n c s ,
que
le d it s i e u r f u t u r é p o u x a r e c o n n u a v o ir e n s a p u is s a n c e :
ce sont les propres expressions du contrat.
J ’eus la faculté d’accepter la com m unauté, ou d’y re
noncer. Il fut exprimé que, dans les deux cas r j e l 'e t i r e r o i s
m e s h a b i t s , lin g e , J ia r d e s , t o i le t t e , d o r u r e s , d e n t e lle s ,
b a g u e s e t j o y a u x , o u , p o u r m e s b a g u e s e t j o y a u x , la
so m m e de
5oo f r a n c s ,
sans aucune imputation sur les'
choses sujettes à restitution. Dans le cas de renonciation
de ma p a r t, le citoydn Prost s’obligea à r e n d r e t o u t c e
q u ' i l a u i 'o i t r e ç u d e m o i o u ci c a u s e d e m o i , f r a n c e t
q u i t t e d e s d e t t e s d e la c o m m u n a u t é .
Enfin est la dernière clause, qu’il importe de transcrire
m ot pour mot : S i a u d é c è s d u p r é d é c é d é i l n 'e x i s t e
p o i n t ( T e n f a n s , t o u s le s p r o f i t s
te c o m m u n a u té a p
p a r tie n d r o n t a u s ie u r f u t u r .
En juillet 179 2 , je demandai, en tribunal de famille,
une pension alimentaire de la somme de 1,800 francs
par a n , payable de six mois en six mois et par avance,
pendant toute l’absence du citoyen Prost ; je demandai
en outre la somme de 5oo francs, pour acquitter les em
prunts que j’avois été obligée de faire pour subsister
depuis le départ du citoyen Prost ; j’accusai avoir reçu ,
i ° . une somme de 200 francs du citoyen P ro st, lors de
son départ; 20. celle de 120 francs pour location d’une
maison à Bourbon-rArchnt'nbaud.
Par jugement par défaut du 9 août 1 7 9 2 , le citoyen
�(7 )
Prost fut condamné à me payer une pension alimentaire
de 1,200rfrancs par a n , à compter du mois de novem bre
1791 , époque du départ du citoyen Prost. Ce jugement
m ’autorisa à toucher du citoyen F ilio n , et autres y dénom
més , différentes sommes qui formoient un total de
1,229 francs.j ü y ”avoit dès lors la somme de 29 francs en
sus du montant de la pension. J ’avois accusé les deux
sommes de 200 francs d’une part, et de 120 francs d’autre,
dont je viens de parler: total, 349 francs. L e tribunal cfe
famille m’adjugea ,,en ou tre, cette somme pour payer mon
loyer , les gages de ma domestique et les frais du jugement
arbitral. Ces frais s’élevoient à entour i5 o francs; en sorte
qu’il me demeuroit à peu près la somme de 200. francs. *
L e 29 thermidor an 2 , j’obtins un second jugement
contre le citoyen P r o s t , portant liquidation provisoire de
mes reprises contre lui. Je crois devoir rapporter ici le
dispositif de ce j u g e m e n t ( 1 ) .
(1) Avons dit et statué que provisoirement la veuve Bonclirétien
est autorisée à réclamer contre Claude P ro st, avec lequel elle a
d iv o rcé , la somme de 27,000 f r a n c s , que par son contrat de
m ariage, du 2 juillet 1 7 8 7 , elle s’est constituée en d o t , tant en
effets mobiliers qu’argent c o m p ta n t, promesses, obligations, et
autres actes que le citoyen Claude Prost a reconnu avoir en sa
puissance, et dont il a donné quittance par le contrat même; pour
le 1’ecouvrem ent de laquelle somme elle pourra suivre l’effet des
saisies-arrêts par elle faites les 28 février et 13 août 1 7 9 3 , et
exercer telles autres poursuites qu’elle avisera bon être. L a eitoy.
Veuve Bonclirétien se m ettra pareillement eu possession des im
meubles procédant de son c h e f , et d o n t , pour en exercer la
jouissance, elle tse fera rem ettre, par son mari ou par tous autres
�C8 î
E n vertu de ce jugement je fis quelques poursuites
contre des tiers; j’en exerçai contre le citoyen Prost luimême. J e fis saisir et vendre quelques effets mobiliers
qu’il avoit dans sa maison à Bourbon-FArcham baud ; les
deniers de la vente, qui est du 11 nivôse ail 3 , sont encore
entre les mains de l’huissier, parce que d’autres créanciers
du citoyen Prost firent des saisies-arrêts entre les mains
de cet huissier.
E n germinal an 4 ,1 e citoyen Prost revint à M oulins,
en vertu d’un congé absolu. L e 9 pluviôse an 5 , près
d’un an après son reto u r, il me cita en conciliation sur les
demandes qu’il annonçoif vouloir form er contre m o i , en
restitution, i° . des sommes et papiers qu’il suppose que
je lui aifu rtiv em en t et clandestinem ent { cesontses propres
termes) enlevés dans le courant de 1788 ; 20. de tous les
meubles et effets, marchandises , titres, papiers existans
dans son domicile A M oulins, et dans sa maison ù J3ourbonle s -B a in s j 30 .de pnpici-s re tira s par moi des mains du citoyen
M auguin ; pour être ensuite procédé A la liquidation des
droits respectifs des parties.
L e i 5 ventôse an 5 , procès verbal de non-conciliation ;
point d’assignation de la part du citoyen Prost.
L e 9 floréal an
5 , vente par le citoyen Prost de sa maison
à Bourbon-rArcham baud, au citoyen Jardiller, officier de
santé. Opposition de ma part au bureau des hypothèques,
lettres de ratification obtenues par l’acquéreur. L e 3 fruc
dépositaires, les litres des propriétés et jouissances, sauf à la c ito y .
veuve lionchrétien à fiiiro valoir, au retour de sou m a ri, tous
autres d ro its, etc.
tidor
�( 9 )
tidor suivant, demande de ma part en rapport et déli
vrance du p rix de cette vente.
L e 3 brumaire an 7 , assignation à la requête du citoyen
P ro st, contre m o i’, assignation en vingt-quatre rôles de
minute. Il demande que, sans s’arrêter au jugement du 29
thermidor an 2 , portant liquidation provisoire de mes
reprises , je sois condamnée à lui rapporter dans quinzaine
to u t ce q u i l a laissé com posant la com m unauté ) q u i
ex ista it entre lu i et m o i, notam m ent en la m aison de
M o u lin s ' savoir : les meubles m eublans, les actes de cession et subrogation de meubles et im m eu bles, (q u ’il p ré
tend que je lui ai consentis sous seing privé , au mois de
juin 1 7 8 7 , c’est-à-dire, avant notre mariage ) , avec les
autres actes et papiers q u i concernaient tous et un
chacun les biens q u i m appartenaient, et d o n t, d it-il,
j e me suis positivem ent constitué en dot p o u r la som m e
de 27,000 j Fi'ancs ; p hes, Vargent c o m p ta n t , les effets ,
cré a n ces, m archandises , papiers , titres , prom esses,
obligations , m ém oires et quittances , ensemble ce u x
q u i l avoit en dépôt¿iBurges-les-Bains et autres endroits,
tels qu'entre les m ains du citoyen M auguin q u i en avoit
été chargé p a r le citoyen P r o s t , p o u r su iv r e , en son
a bsence, su r différens procès q u i ex isto ien t au temps de
son départ p our Tarmée ; et enfin le rapport de tous les
objets désignés ait susdit exposé et m ém oire ; ( ces e x
posé et mémoire sont dans le libelle de l’assignation ; ils
contiennent le d é ta il, i°. de quantité d’effels mobiliers;
2°. d’une bibliothèque ; 30. d’instrumens de chirurgie;
4°- d’une pharmacie; 5°. de nombre de papiers, actes, ctc.)
pour y api'ès les rapport et restitution des objets, étreproB
�( 10 )
cédé à la liquidation des droits respectifs des p a rties,
sinon et à défaut par m o i de fa ir e lesdits rapport et
restitution , que je sois condam vée au payem ent d elà
som m e de 32,000 J 'r a n c s, p o u r lu i tenir lieu de la portion ¿1 lu i revenant dans la com m unauté. Telles sont les
expressions des conclusions de mon adversaire.
M o n adversaire se permit de faire quelques saisiesarrêts comme de mes biens.
A u tribunal civil de l’A llie r , le citoyen Prost prit à
l’audience les mêmes conclusions. Il demanda main-levée
de mes saisies-arrêts, et opposition aux hypothèques, avec
600 francs de dommages-intérêts.
D e mon côté , je soutins , i Q. qu’avant son d é p a rt, le
citoyen Prost a voit enlevé tous les titres, papiers et obli
gations; 20. que les meubles que j’avois fait saisir et vendre
à B ourbon-rArcham baud , l’avoient été régulièrem ent,
en vertu dé la sentence du 29 thermidor an 2 ; et que
les deniers en étoientencore èsm.-»J»o dci'huïssier, ministre
de la vente , à cause des saisies-arrêts survenues d ep uis,
3 0. que la pharmacie et la bibliothèque existoient telles
quelles, el que le citoyen Prost n’avoit qu’à les retirer;
4 0. que lors de notre mariage, le citoyen Prost n’avoit
apporté presque aucun cfTet ; mais que j’oiïrois de lui
en fournir état, et de lui en compter le montant. Je
demandai qu’ il fût déclaré non-recevable en ses demandes,
et que la liquidation provisoire de mes droits lût défi
nitive ; je demandai main-levée des saisies-arrêts faites
comme de mes biens; ju demandai enfin acte de ce que
je renonçois à la communauté.
Sur c e , jugement contradictoire du i^r. pluviôse an 7,
�( 11 )
portant « acte t\ la défenderesse de ce qu’elle déclare qu'elle
« r e n o n c e à la c o m m u n a u té q u i
« le d e m a n d e u r , e t q u e
a e x is té
c e tte r e n o n c ia tio n
e n tr e lle et
n est pas
; lui donne pareille« ment acte des offres qu’elle fait de rapporter la biblio« théque et la pharmacie du demandeur, sans néanmoins
« qu’elle puisse être garante du dépérissement ou dété« rioration qu’ont pu éprouver aucunes des drogues com
te posant ladite pharmacie; condamne la défenderesse, de
« son consentem ent, à fournir , dans le délai de deux
« décades, à compter de ce j o u r , un état détaillé et cir« constancié des meubles et effets qui existoient avant le
« départ de son mari, et de ceux qui sont en sa puissance,
« ainsi que des sommes qu’elle a reçues, p o u r , ledit état
« fourni et contredit, être procédé à la liquidation déli
ce mtive des droits des parties , à l’audience du i ventôse
cc prochain, toutes ch o ses ju s q iit i ce d em eu ra n t e n é t a t . »
L e 13 du môme m ois, mon adversaire inc fît signifier
« f a it e en fr a u d e
d e s c r é a n c ie r s
ce jugement, avec les expressions, « e t a i t à s a t i s f a i r e a u x
« d i s p o s i t i o n s d '¿ c e l u i , d a n s le s t e m p s
y p o r t é s ; le t o u t
c< a u x p e i n e s d e d r o i t e t s o u s t o u t e s r é s e r v e s . »
L e 3 0 , je donnai l’état commandé par cette sentence.
L e 22 prairial suivant, jugement contradictoire , q u i ,
i ° . me donne acte du rapport que j’ai fait au g re ffe , de
mon état, en exécution du jugement du ici’ pluviôse;
2°. ordonne que le citoyen Prost l'avouera ou contestera;
3°. me fait main-levée de toutes saisies-arrêts comme de
mes biens, faites à la requête du citoyen Prost (1).
(1) Considérant que la citoyenne Bantin a suffisamment rempli
B 2
�C 12 )
L e citoyen Prost contredit mon état , et le 28 mes
sidor il en revient à l’audience : là s’engage une trèslongue et très-scandaleuse plaidoirie. Un délibéré est or
donné; il en résulte un jugem ent, du 28 thermidor (1),
le vœu du
fourni et
jugem ent
d épo sé
du 1 pluviôse dernier, par l’état qu’elle a
au greffe, en exécution d’icelui, sauf au citoyen
Prost à le contredire, ainsi qu’il y est autorisé par le jugement
susdaté.
Considérant qu’il ne peut pas être statué, quant à présent, sur
les demandes et prétentions dudit P r o s t , sans qu’au préalable
il n’ait fourni tout contredit contre l’état produit parla citoyenne
Bantin.
Considérant pareillement qu’ avant de statuer définitivement sur
la liquidation des droits de ladite B a n tin , il est nécessaire que les
parties se soient expliquées sur l’état et contredit de celui produit
par la citoyenne Bantin.
Considérant enfin que la citoyenne Bantin a des droits constans
à répéter contre Je cito yen P ro st, fondés sur des titrée, et que le
citoyen Prost n’a aucune créance liquide.
L e tribunal, par ces considérations, jugeant en premier ressort,
donne acte à la citoyenne Bantin du rapport par elle fait de l’état
par elle fourni et déposé au greffe, en exécution du jugement du
i ir pluviôse dernier: ordonne en conséquence que le citoyen Prost
sera tenu de fournir aveux ou contredits sur les articles dudit
état, pour par la citoyenne Bantin en prendre communication par
la voie du grelle, et en venir plaider sur le t o u t , à l'audience du 12
messidor prochain : fait m'anmoius, dès à présent, pleine et entière
inain-levée à la citoyenne Bantin, de toutes les saisies-arrêts ou
oppositions faites sur elles, à la requête du citoyen P r o s t , entre
les mains des débiteurs de ladite B a n tin , toutes questions de fait
c l de d ro it, et dépens, réservés en définitif.
(1) Le rapport a étéfa it ccjQurdhui publiquement à Vaudience;
�( 13 )
par lequel je suis renvoyée des demandes du cit. P ro st,
relatives, i<>. aux papiers, e n , par m o i , en rapportant cer, quant à trois espèces de payemens
réclamés p a r l e citoyen P r o s t, qu'en partant le citoyen P ro st
duquel
il est
résulté
avoit déposé des papiers entre les mains du citoyen M a u g u in , de
B ên a y i qu’ il n’a pas été inconnu au citoyen P ro st, que la citoyenne
Bantin avoit eu recours au citoy. Mauguin , pour lui en demander
quelques-uns dont elle avoit besoin, et qu’il ne lui a remis qu’avec
son re ç u , et la citoyenne Bantin a offert de rapporter les papiers
dont elle aussi donné sa d é c h a rg e , soutenant n’ en avoir aucun
autre, ni par conséquent ce u x desquels il voudroit faire résulter
des objets de créances.
I l e n e s t r é s u l t é encore que les meubles et effets qui étoient
dans une maison que les parties occupoient à B u r g e s-le s -B a in s,
°n t été vendus judiciairem ent par l ’ huissier D u c h o lle t, lequel est
dépositaire du prix, à cause des oppositions faites en ses m a in s,
sur le citoyen P r o s t , et que la vente a été faite en exécution des
jugemens qu’avoit obtenus la cit. 33«min en 1792 et en l’an 2 ,
contre le cit. P r o s t , ainsi qu’ il a été déclaré par la cit. Bantin.
Q ue l a c i t o y e n n e B a n t i n a s o u t e n u n ’ a v o irfa it aucune
disposition de la pharmacie du citoy en P r o s t , et de tout ce qui
en dépendoit, et que le tout éloil au même état rjue lors du départ
du citoyen P ro st, et que ce dernier a au contraire prétendu, et
s ’ est soumis à prouver que la citoyenne B a n tin avoit disposé d’ une
partie de cette même pharmacie:
a r t i c u l a t i o n qui n ’a p a s eu
DE SA PART D’AUTRE DEVELOPPEMENT NI AUCUNE SPECIFI
CATION ET INDICATION DES OBJETS QUANT A CE.
Enfin, quant au mobilier qui avoit été p lacé dans une maison que
les parties occupoient dans la commune de M o u lin s, la citoyenne
Bam in n indiqué tout le mobilier que le citoyen Prost y avoit
laissé. Le citoyen Prostasoutenu qu’ily avoit danschaquechainbre,
c t autres dépendances de cette m aiso n , d’autres effets que ceux
�^ 14 \
tains que le citoyen M auguin m ’avoit délivrés sous mon
reçu , et en affirmant n’en avoir pas d’autres directement
ni indirectement comme appartenant au citoyen Prost.
déclarés par la citoyenne B a n tin , et dont il fait le d é tail, avec
soumission de sa part de p r o u v e r , sa u f la preuve contraire.
C o n s i d é r a n t , t ° . par rapport a u x papiers, qui sont l’un des
objets de réclamation du citoyen Prost, qu’ étant constant que
ce dernier a déposé des papiers entre les mains du cit. M a u g u in ,
de B é n a y , qu’ il avoit même placés dans un porte-manteau, il est
de toute certitude que ce dépôt avoit pour objet tout ce que le
citoyen Prostpouvoit avoir d e ce g e n r e d e p l u s i n t é r e s s a n t ;
qu’ ainsi la cit. Bantin n’ ayant p u avoir d’ autre papier, et n’ ayant
pu recevoir du cit. M auguin [que ceu x que ce dernier a bien voulu
lu i remettre, et lu i en ayant donné un reçu , elle ne peut être
comptable à cet égard, que de ce dont elle s’est chargée par le
même reçu.
C o n sid éran t
e n s e c o n d l i e u , que la citoyenne Bantin
ayant o btenu, en 179 2 , un jugement contre le c i t o y e n Prost,
a d j u d i c a t i f d ’ u n e pension d e 1,3 0 0 f r a n c s , et un second en l’an 2 ,
liq u id a tif provisoirement de sa d o t , elle a pu faire vendre judi
ciairement , en vertu de ces jugemens, les efTets du, même cito y .
Prost ; qu’ainsi elle est d ’abord quitte de ceu x qui étoient dans
une maison de Burges -le s -B a in s , en justifiant de l ’ acte qui
prouve celte vente, saufles droits des parties et de tous intéressés
sur le prix, que la citoyenne Bantin déclare être entre les mains
de l’huissier D u c lio lle t, qui a v e n d u , et entre les mains de qui
des oppositions ont été formées.
C o n s i d é r a n t e n t r o i s i è m e l i e u , que le citoyen Prost n’ a
dit que vaguement, et sans aucune indication d ’objets et articles;
que la citoyenne B a n tin , qui n ’en a autrement été chargée, ainsi
que de tous effets ; que par conséquent ayant une habitation com
mune avec le citoyen P r o s t , son mari, à cette époque, lors du
�C l5 )
2q. A u x effets mobiliers de la maison de BourbonF Archam baud, en, par m o i, rapportant le procès verbal
de vente fait par l’huissier.
départ dudit P r o s t , elle est restée dans la même habitation ;
qu'ainsi elle n ’ est tenue de remettre les choses qu’ en leur état
a ctu el, en affirmant q u ’elle n’ a disposé de rien à cet égard.
C onsidérant
en fin
, par rapport a u x effets mobiliers q u i
étoient dans la maison qu’ occupaient les parties en la commune
de M o u lin s, que la cito y . Bantin en a fait une énumération qui
reçoit une grande augmentation , par l ’ indication de quantité
d ’ effets de la part du citoyen P r o s t, qui se soum et à une preuve
à cet égardî que la m atière, de3 que les parties sont contraires
en faits, est dans la circonstance disposée à une preuve lo cale;
puisque s’ agissant de divertissement, d éplacem en t, ou au moins
déficit de mobilier d’ une com m unauté co n jugale, une preuve
testimoniale n’est du to u t point prohibée par les lo is , et doit
avoir lien avant qu’il soit ultérieurement statué entre les parties
sur to u t ce qui est enir’elles en contestation.
L e t r i b u n a l , p a r j u g e m e n t e n p r e m i e r r e s s o r t , sta
tuant p r e m i è r e m e n t sur la réclamation du citoy. P r o s t, rela
tive a u x papiers par lu i laissés lors de son départ de la commune
de M o u lin s , et selon la citoyenne B a n t in , par lui déposés chez
le citoyen M a u g u in , de B é n a y , renvoie la citoyenne B a n tin de
la demande form ée à cet égard par le citoyen P r o s t , sous le
bénéfice des offres par elle de rapporter les pièces dont elle a
donné son reçu audit citoyen M auguin , et à la charge p a r e l l e
d ’ a f f i r m e r , partie présente ou appelée, qu’ elle n ’ en a eu et
n ’ en a actuellem ent aucuns autres à sa disposition, et n ’ en retient
aucun directement n i indirectement appartenans au cit. Prost.
E n s e c o n d l i e u , relativement a u x effets que réclame pareille
ment ledit P r o s t, com m e lui appartenant, et ayant existé à
tiurgcs-lcs-Bains, renvoie pareillement ladite Bantin de toutes
�(
1
6
3
3°. A la bibliothèque , à la pharmacie et aux instrumens de chirurgie, à la charge par moi d’affirmer que je n’ai
disposé d’aucun des objets en dépendant. A vant de statuer
sur les effets mobiliers de la maison à M oulins, les juges
du tribunal civil d’Allier ont chargé le citoyen Prost de
prouver par tém oins, dans les délais de la lo i , qu’outre
les objets accusés par m o i , il y en avoit tels et tels autres
dans tels et tels appartemens.
demandes quant à c e , à la charge par elle de rapporter le procès
verbal de vente judiciaire qu’elle a soutenu en avoir été fa it e , et
sa u f les droits, sur le prix de ladite v e n t e , des parties et de tous
autres intéressés.
E n c e q u i t o u c h e , e n t r o i s i è m e l i e u , la bibliothèque ou
pharmacie, et les instrumens de chirurgie pareillement demandés
par le citoyen P r o s t , renvoie pareillement ladite 13an tin de toutes
demandes à cet égard, sous le bénéfice des ofFres qu’elle fait de
rendre ces difFérens objets dans l’ état qu’ils existent, a l a c h a r g e
p a r e l l e d ’ a f f i r m e r , partie présente ou nP P c i c e , qu’ elle n’ a
disposé d'aucun des ohjcts dépendans desdites pharmacie et biblio
thèque , ni d ’aucuns instrumens.
E t a v a n t de s t a t u e r sur l e surp lu s de l a c o n te s ta tio n
d e s p a r t i e s , fins, conclusions et demandes, sur le f a i t posé
par le citoyen P ro st, qu’ en outre des differens meubles et effets
compris en l'état qui a été fourn i par la citoyenne B a n tin , le
30 pluviôse dernier, en exécution du jugement du trib u n a l , du
premier du même m o is , il en existait beaucoup d ’autres dans les
différentes chambres et dépendances d’ une maison que les parties
occupoient eu la commune de Moulins ; s a v o ir , dans la pre
mière chambre , etc.
Sur la contrariété desdits faits , nous avons les parties admises
et réglées à faire respectivement preuve d a n s l e s
la
d élais de
l o i , dépens quant à présent réservés.
J ’ai
�( 17)
J ’ai cru nécessaire de rapporter littéralem ent, et en
note, tout le contenu de ce jugem en t, afin que, l'on soit
à même de saisir plus sûrement le système suiyi par le
citoyen Prost devant les premiers juges , ei de le comparer
avec ce que ce dernier dit en cause d’appel.
L e citoyen Prost a gardé le silence pendant plus de
trois m ois; il s’est tourmenté beaucoup , et n’a pu se pro
curer des témoins qui voulussent déposer à son gré : aussi
point d’enquête de sa part.
, L e premier frimaire an 8 , c’est-à-dire, trois mois et
quelques jours après le jugement du 2 7 ‘thermidor an 7 ,
la cause appelée à tour de r ô l e , j’ai pris contre le citoyen
Prost]un jugement par défaut ( 1 ) , q u i , i°. déclare le
(1) C o n s i d é r a n t qu’aux ternies de l’ordonnance de 1667, le
citoyen Prost n’avoit que huit jours pour commencer son en
quête, et trois jours pour la parachever, le tout, à d a t e r de la
Signification du ju g e m e n t p r é p a r a t o i r e ; q u e la loi du 3 bru m a ire
an 2, dispensant de lever et signifier les jugeinens pré p a r a to ire s,
lorsqu’ils sont contradictoires, le délai pour commencer et para
chever l'enquête «doit courir du jour du jugement de règlement,
d’où il résulte que le citoyen Prost ne seroit plus à temps de
procéder à une enquête.
• C o n s i d é r a n t q u e les parties a y a n t é té réglées à f ai r e p r e u v e
de s fai ts
s ur l esquels
elles é t o i e n t c o n t r a i r e s , r e l a t i v e m e n t à
l’ é t a t des m e u b l e s et effets, f o u r n i p a r la c i t o y . B a n t i n , e t c e t t e
p r e u v e 11’a y a n t pas é t é , e t n e p o u v a n t
plus être faite , l edi t
é t a t d o i t êt re t e n u p o u r f i d è l e , s i n c èr e e t véri table.
C o n s i d é r a n t q u e les dr oi ts de la c i t o y e n n e B a n tin n ’ a y a n t
été réglés q u e p r o v i s o i r e m e n t p a r l e , j u g e m e n t d u 2 9 t h e r m i d o r
a*1 2-,
il d o i t ê t r e p r o c é d é à u ne l iqui dati on définitive.
_C o n s i d é r a n t
q u e les m a i s o n s c l j ar di n , situés en la c o n w
�c 18 ?
citoyen Prost déchu delà faculté de faite enquête; 2°. tient
pour sincère et véritable l’état que j’ai fourni ; 30. déboute
mime de Moulins et en celle de C o sn e , déclarés p a rla B a n tin j
n 'o nt pas pu faire partie de la dot de 2.7,000 fr. puisque par la
clause du c o n t r a t de mariage du 2 juillet 17 8 7 , il est dit que
les 27,000 fr. ne sont composés qu’en effets mobiliers, argent
co m p ta n t, promesses, obligations, et autres a c te s , que le cit.
Prost a reronnus avoir en sa puissance; et que par conséquent*
elle ne doit com pter ni du revenu, ni du prix.desdites maisons;
C o n s i d é r a n t que le citoyen Prost, ayant lo u ch é 011 gardé
et dissipé pendant la com m unauté la somme de 14,800 fr. pour
le restant de la dot de la citoyenne B a n lin , il est juste qu’il
en fasse la restitution à cette dernière, et doit êtle contraint
à lui en faire le payement.
que la citoyenne B antin, restant créancière de
sommes assez considérables du citoyen P r o s t , et é ta n t1nantie
des meubles et effets qu’ elle a déclarés , il est juste qu’elle re
C
o n s id é r a n t
tienne les meubles et efFcts par ses mains, pour la somme de
2,000 fr. ou le m ontant de l’ estimarion qui en sera faite en
payem ent en atténuation de sa ciéance.
C
onsidérant
d’ailleurs, que le citoyen Prôst ne se présen
tant pas, ni son fondé de pouvoir , pour plaider, son silence fait
présumer son acquiescement à la demande.
L e T R I B U N A L donne défaut, faute de plaider, contre le cit.
P r o s t, pour le - profit d u q u e l , sans s'arrêter ni avoir égard à
scs demandes et prétentions, dans lesquelles le déclare non recei’ahle et ma! f o n d é , ou dont
en tout cas débouté, le déclare
déchu de fa ir e enquête, et tient pour sincère et véritable l'état
et réponse à contredit à icelu i, fournis par la citoyenne Banlin •
ayant au contraire égard aux demandes et prétentions de ladite
Bantin , donne acte à la citoyenne Jiantin du rapport de l ’ex
trait du procès verbal de vente fa it par Duchollct> huissier, le
n
n h ’ôse an 3 , et jours suivans.
�( i9 )
le citoyen Prost de scs demandes; 4 0. me donne acte du
rapport du procès verbal de vente des eiFets mobiliers
ayant existé à Bourbon-l’Archambaud ; 5°. déclare défi
nitive la liquidation de ma d o t , jusqu’ iî concurrence de
la somme de 14,800 francs, avec intérêts à compter du
I er. pluviôse an 7 , jour de ma r e n o n c ia tio n à la com
munauté ; 6°. 'm’autorise à retenir les meubles et effets
de M o u l i n s , pour la somme de 2,000 francs, ou suivant
Ordonne que la liquidation provisoire de sa d o t, faite par le
jugement arbitral dudit jour 29 thermidor an 2 , sera et demeu
rera définitive , et que le même jugement sera suivi et exécuté
selon sa forme et teneur, jusqu’à concurrence .seulement de ladite
somme de 14,800 fr. ensemble les intérêts d’ice lle , auxquels il est
cond am né, à com pter du i er. pluviôse an 7 , jour de la demande
quelle eu a fa ite , et de sa renonciation à la com m unauté.
, Autorise la c i t o y e n n e B a n t i n à retenir par ses m ain s les m e u b le s
et effets qu’elle a déclarés par son état et réponse au c o n t r e d i t à
icelui; dans lesquels meubles et effets sont compris ceux énoncés
au procès verbal de vente, du 29 prairial an
6,
fait par C a v y ,
huissier, qu’ elle a déclarés com m e s’ils n’avoient pas été vendus;
le tout pour ladite somme de 2,000 francs, en diminution de sa
créance eij principal, intérêts et frais, à elle due par le cit. P ro st,
si mieux n’aime ce dernier suivant l’estimation qui en sera faite
par e xp e rts, et tie r s , si besoin e s t , dont les parties convien
d ro n t, etc. lequel choix il sera tenu de faire dans trois jours, à
com pter de la signification du présent
jugement:
a personne ou
dom icile, sinon d é ch u , et le choix réservé à la citoyenne I3antiu.
Ordonne au surplus que les poursuites enconunencées seront
continuées.
E t condamne le citoyen Prost aux dépens.
'
G 2
�20 )
l’estimation par experts , à valoir sur le principal, les
intérêts et frais de ma créance.
L e 4 pluviôse an 8 , c’est-A-dire, plus de deux mois
après ce jugem ent, je l’ai fait signifier, ainsi que ceux
des 22 prairial et 28 thermidor an 7 , au citoyen P ro st,
avec assignation au 1 6 , devant le tribunal civil d’A llier,
pour être présent aux affirmations que je me proposons
de faire, en exécution de celui du 28 thermidor an 7.
L e 16 pluviôse, j’ai fait ces affirmations. L e tribunal
d’Allier a , par défaut, reçu mon serment, par lequel
f a i ju r é et a ffir m é , i ° . que je ri a i eu et il a i actuel
lem ent en m a disposition , aucun autre papier que ceu x
que j ’a i ojfert de. l'apporter p a r le jugem en t susdaté
( celui du 28 thermidor an 7 ) ; et que je rien retiens
aucun autre directem ent n i indirectem ent, appartenant
au citoyen P r o s t ’ 20. que je ri a i disposé d'aucun des
objets dépendans de la pharm acie et de la bibliothèque y
énoncés au ju g em en t, n i d'aucun in stru m en t apparte- ‘
n a n t a u cito y en P r o s t. Ce tribunal m ’a donné acte de
cette affirmation.
f
L e citoyen Prost est, malheureusement pour m o i ,
d’une insolvabilité notoire. Quelle que soit l’issue de notre
procès, j’ai la perspective de perdre : j’ai donc, intérêt à
11e pas faire de frais. J ’en demeurois l à , parce que je
n’avois rien il recouvrer. A v ec Lafontaine, je pourrois
lui dire :
Quant aux ingrats il n’en est point
Qui ne meure enfin misérable.
1
L e i cr. germinal an 8 , plus d’un mois après mon
affirmation, le citoyen Prost a appelé des jugeincns des
�9 août 1 7 9 2 , 29 thermidor an 2 , 22 prairial et 28 ther' midor an 7 , et i er. frimaire an 8. Il a jeté dans le
public son précis iriiprimé; il n’oublie rien pour tacher
de me rendre1 défavorable, c o m m e s’il étoit permis de
parler faveur devant tin tribunal qui ne donne rien à
personne, qui ne fait que déclarer à qui les choses appar
tiennent. L e citoyen Prost sait parfaitement bien, et toute
la ville de Moulins sait aussi qu’il m ’a forcée à provoquer
le d ivo rce, et que si- le moyen terme de la séparation
de corps eût été encore possible, je l ’aurois préféré.
D I S C U S S I O N .
Dans son précis im p r im é , le citoyen Prost critique
amèrement chacun des jugemens que j’ai obtenus contre
lui. J e
répondrai dans le m êm e ordre.
SJugem ent du 9 août 1792.
J ’avois demandé contre le citoyen P r o s t,
i ° . une
pension alimentaire de 1,800 fr. par an , pendant toute
1absence du citoyen P rô stj 2°. une somme de 5oo fr.
pour taire face à des emprunts que j’avois été obligée de
faii*!*, afin de subsister depuis son départ.
Ce jugement m’a adjugé 1,200 fr. de pension alimen
taire et annuelle ; il m’a autorisée à toucher de tels et
tels débiteurs telles et telles sommes : total, 1,229 francs.
J a vo is eu outre reçu 320 francs 3 il y avoit donc un
�C 52 )
excédant de 349 francs ; ce jugement m ’a attribué cet
excéd an t, au lieu des 5oo francs que je demandois.
Cela posé, je n’ai obtenu, i°. qu’une pension de 1,200 f.
au lieu de 1,800 fr. que je réçlamois; 20. une indemnité
particulière de 329 fr. au lieu de 5oo fr. Il n y a donc
pas dans le jugement du 9 août 1792 ultrcipetita , comme
le prétend le çitoyen P r o s t, page 17 de son précis.
, E11 vain le 'citoyen Prost,dit-il que j’étois nantie de
t o u t , et qu’il étoit injuste de m ’açcorder une provision.
E u partant, le citoyen‘P rost avoit confié sa procura
tion générale à son bon ami M auguin ; le citoyen Prost
in’avoit fait l’injure de préférer un étranger. Sans pro
curation , je ne pouvois pas toucher un centime ; les débi
teurs m’auroient-ils p a y é ? Falloit-ib vendre des meubles
meublons?'etc. aujourd’hui le citoyen Prost m’en demande
raison. L ’événement prouve que j’ai sagement agi en
n’usant pas de cette ressource: je n’avois rien p o u r exis
ter ; il falloit donc que la-justice y p o u r v û t .
Il est éti-ange que le citoyen Prost ose dire que ma
demande en alimens étoit :prématurée.
Que le citoyen Prost cesse de parler de ses procédés
obligeans envers m oi; il est démenti par tous ceux qui
le cojmoissent bien; il es.t démenti ppr toute la ville de
Moulins. Je lui ai écrit plusieurs fois, pas de réponse. Son
silence, scs mépris envers moi ne sont pqs substantiels,
Mais au reste, ù. quoi bon s’occuper davantage du bien
ou mal jugé de ce jugem ent? Ce point de la cause ne
présente plus aujourd’hui pucun intérêt; ce jugement ne
porte rien d'irrévoc<jbJciîiput déterminé; il m ’a accordé
seulement des aljjnens, L e cit. P rç st, jouissant de mes
�C -?3 )
biens dotaux, étoidobligé de me lo g e r, nourrir-et entre
tenir. La pension de 1,200 fr. n’est que le remplacement
de celte^ obligation. .Ce, jugem ent,.n’a fait que le* con
damner à faire "ce dont il étoit tenu par la loi.
> '
. Que la pension de' 1,206 franco fut, ou n o n , exorbi^
tante, cela est indifférent» D ’abord elle ne l’ étoit pas.5
le citoyen P ro st jouissoit.de plus de 2,000 francs de rej
venu ; revenu tiré de mes biens dotaux. E n 1792 *
1,200 francs assignats valoient à peine 600 francs écus :
il n y a là que le rigoureusement nécessaire pour mon
existence.
Y auroit-il exorbitance dûns la somme de 1,200 francs?
J ’étois alors en puissance de mari ; je ne pouvois pas
aliéner mes biens dotaux au profit de mon mari. Dans
le cas où 1,200 francs, outre-passei’oient la juste; mesure,
de c e que je devois avoir alors, ce seroit chose perdue
pour le citoyen P ro s t, et cela sans espoir de répétition.
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Jugem ent du. 2Ç)ither.midor. an, 2.
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Ce jugement liquide provisoirement à 27,000 francs)
la dot que le citoyen,Proat est obligé de mé, restituer;
20. m ’autorise à me mettre en possession des immeubles
m’appartenant.
i ImJj _; 1■
Com m e dans ce jugement il n’y a rien de définitive
ment r é g lé , et qu’aujourd'hui mous en sommes sur le
définitif ■
,<’je crois devoir m’abstenir de toutes réflexions
à ce sujet.III m e suffira de rc/üarquer q u e , quoique le
�(H )
citoyen Prost fût, officier de santé près les armées de la
rép u b liq u e, e t, à ce titre, classé parmi les privilégiés,
par la loi du 4 floréal an 2 , il a été très-bien jugé par
les arbitres, parce que j’avois le titre ( j’avois mon con
trat de mariage ) ; et la provision est due au (¡tre. M on
contrat de mariage m’établit créancière de 27,000 francs :
les arbitres ont donc tr è s -b ie n fait, en jugeant p rovi
soirement que je l'étois. 1- ;
1
? ■
: :
>•
'
* §.
iii
.
Jugem ent du prem ier pluviôse a n 7.
1: 1
: .¿hfi
' Par ce jugement!, i ° . il m'est donné acte de ma renon
ciation à la communauté, et de ma d é c la r a tio n qu’elle
n ’est pas faite en fraude des créanciers; 20. il m’est donné
acte de mes offres de rendre la bibliothèque e t la p h a r
macie telles quelles; 3 0. il est dit que je d o n n e r a i , dans
d e u x d é c a d e s , é ta t d é t a i llé des meubles et effets existons
lo r s du départ du citoyen P ro s t, ainsi que des sommes
que j’ai touchées sauf le contredit du citoyen Prost.
J e dis , i ° . que le citoyen Prost est non recevablc
en son a p p d de ce jugem ent, quant à la partie dans
laquelle il l’attaque; c’e s t-à -d ir e , quant à ma renoncia
tion à la com m un auté, pour n’avoir pas été faite avec
le commissaire du gouvernement. Il me l’a fait signifier
avec sommation d’y satisfaire; par là , il y a acquiescé.
Je dis, 2°. qu’il y est mal fon dé; en effet, d’une part
ma renonciation est sincère, je n’ai rien soustrait; d’ un
autre côté, il, n’appartient pus au uiari de connaître une
pareille
�( 25 )
pareille renoneiation. Ce droit n’est donné qu’aux créan
ciers de la communauté. E n f in , dans mon contrat de
m ariage, il est exprim é qu’en cas de décès sans cnfans ,
tous les profits de la com m unauté seroient dévolus au
citoyen P r o s t exclusivem ent. L e divorce opère le m ême
effet que la mort. L a loi du 20 septembre 1792 le dit
textuellement.
§ IV .
Jugem ent du 22 -prairial an 7.
Ce jugem ent, i ° . me donne acte du dépôt au greffe
de l’état que j’ai fourni ; 20. ordonne que le citoyen
Prost fournira ses contredits; 30. me fait main-levée des
saisies-arrêts comme de mes biens.
L e citoyen Prost se récrie contre la troisième dispo• •
Sition , contre c e lle x-elative à la m a i n - l e v é e des saisiesarrêts.
J e le soutiens non recevable en son a p p e l, i° . parce
qu’en exécution de ce jugement il a fourni ses contredits i\
l ’état donné par m o i; 2°. parce q u e, lors du jugement
contradictoire du 28 thermidor an 7 , il n’a pas réclamé
contre la main-levée des saisies-arrêts.
§ y .Jugem ent du 28 therm idor an 7.
• Ce jugement contient quatre dispositions:
i ° . Il déboute le citoyen Prost de sa demande relative
aux pap iers, à la charge par m oi de rendre ceux dont
D
�( 26 )
j’ai fourni un reçu au citoyen M a u g u in , et à la charge
par moi d’affirmer que je n’en ai pas et que je n’en
retiens pas d’autres.
2°. Il déboute le citoyen Prost de sa demande relative
aux effets mobiliers à Bourbon-l’Archam baud, à la charge
par moi de rapporter le procès verbal de vente.
3°. Il déboute le citoyen Prost de sa demande touchant
la bibliothèque et la pharmacie, à la charge par moi de
les rendre telles quelles, et à la charge par m oi d’affirmer
que je n’ai disposé d’aucun des objets en dépendant.
4°. II permet au citoyen Prost de prouver par témoins ,
qu’ outre les objets par moi déclarés, il en existoit beau
coup d’autres que le citoyen Prost a désignés, et qui le
sont aussi dans le jugement.
J e soutiens le citoyen Prost non recevable en son appel
de ce jugem ent, quant aux papiers, et quant aux biblio
thèque et pharmacie, parce que j’ai fait les a ffir m a tio n s
ordonnées. Je les ai faites le 16 pluviôse a n 8; c’est-àdire , plus d ’ u n m o is a v a n t l’appel du citoyen Prost.
J e soutiens que le citoyen Prost est de mauvaise foi
sur l’article des papiers, et sur l’article des bibliothèque
et pharmacie.
i° . L e citoyen Prost est de mauvaise foi s u r j ’nrticle
des papiers, parce qu’avant son départ il les avoit sortis
de la maison , et les avoit confiés à son ami Mauguin. Pre
nant cette m esure, préférant un étranger à sou épouse,
toutes les apparences disent hautement que là où il avoit
placé toutes ses affections , là il a déposé tous scs papiers
importans.
a 0. L e citoyen Prost est de mauvaise foi sur cet article,
�S 21 )
parce qu’en cause principale il n’a offert aucune preuve
testimoniale; il n’a pas offert de prouver que j’avois sous
trait tel ou tel autre papier. Dans son précis il dit, page 3 5 ,
qu’il en a fait l’énumération ; mais dans le jugement de
therm idor, les premiers juges ont analise très-soigneuse
ment tous ses d ires, et pas un mot de preuve offerte
sur ce point. Les premiers juges ne pouvoient donc pas
l’ordonner.
3°. L e citoyen Prost est de mauvaise f o i , parce qu’en
cause d’appel il réclame, page 31 , r°. i n j i n e , e t 3a v ° .
les papiers de la créance M o re a u , puisque, dit-il, j’avois
fait citer ce dernier au bureau de paix. L e citoyen Prost
m ’accuse d’avoir touché plus de 600 francs de la part du
cit. Moreau. O h , l’infamie ! P r o s t, vous me forcez à vous
démasquer ; vous le serez paîam om nibus. V o tre conduite
envers moi a excité l’indignation de toutes les personnes
lionnetes. Toutes s’e m p r e s s e n t A m ’a id e r d e to u t leur pou
voir à vous confondre. L e citoyen Moreau m’a prêté son
double, et l’on y voit que vous-même avez réglé compte
avec lui, le i9 a o û t 1788; l’on y voit queM oreau s’est trouvé
reliquataire de la somme de 6,110 francs 12 sous, qu’il a
promis vous payer lorsque vous lui rapporteriez main
levée de la saisie-arrêt que j’avois faite en ses mains, en
mai 178 8 , par suite de ma demande en séparation de
corps et de biens ; l’on y voit que le citoyen Moreau
s’oblige
vous faire raison de m o i t ié de soixante sacs
qui appartenoient ¿\ la société d’entre lui et moi ; l’on y
voit enfin 7 que vous et moi avons donné au citoyen
M o re a u , ( l e 27 mars 1 7 8 9 ), quittance des 6,110 francs
sous, et de trente sacs. C ’est vous qui avez touché,
D a
�(28
)
et vous avez l’audace de m ’accuser de retenir les papiers
de la créance!Est-ce encore lu un de ces procédés obligeans et nombreux que vous avez eus pour m o i?
L e citoyen Prost se tro m p e, en disant que j’ai fait citer
le citoyen Moreau. S’il eût pris la peine de lire plus attenti
vement les pièces qu’il rapporte à l’appui de son asser
tio n , il n’y auroit trouvé qu’une saisie-arrêt, du 13 mai
17 8 8 , faite à ma requête ès mains du citoyen M o r e a u ,
dans le temps où je poursuivois la séparation de corps et
de biens.
4°. L e citoyen Prost ne donne pas une preuve de pro
bité, en réclamant un arrêté de compte fait avec le citoyen
L a m o u r e u x ,e t montant à plus de i , 5oo francs. J ’ai déjà
répondu par é c r it, et je répète que c’est le citoyen Prost
qui a touché la créance. J ’en rapporte aujourd’hui une
déclaration des citoyens L a m o u re u x , en date du 25 ther
m idor dernier : ceux-ci y attestent avoir payé a u citoyen
Prost lui-m êinc en 1788,
5°. L e citoyen Prost n’est pas plus honnête, en deman
dant les papiers de la créance de 7,000 fr. contre JeanJ o s e p h Bantin , mon frère. i ° . L e citoyen Prost avoit
toutes ces pièces dans son dossier ; mon défenseur les y a
vues. Dans mon écriture du 26 ventôse dernier, il a arti
culé le fait, fol. 57 et 58. Dans le précis im p r im é , le
citoyen Prost n’a pas osé répondre non ; mais les sous
seings privés ne sont plus dans son sac , il les en a ôtés :
l’on donnera à ce lait toute la valeur qu’il mérite. 20. J ’ai
accusé avoir reçu le montant de la créance , à compte de
la restitution de ma dot.
6°. L e citoyen Prost agit contre sa conscience, en reven*
�( 29 )
cliquant des papiers concernant une créance contre JeanBaptiste Bantin , aussi m on frère. Par écrit , je lui ai
répondu , et je lui répète i c i , que lorsque mon défenseur
prit communication de ses pièces , il y trouva un acte sous
seing privé , du 5 février 1786. Dans son précis im prim é,
le citoyen Prost n’a pas osé répliquer non. Cet acte n’est
plus dans son dossier. Par écrit je lui ai rép o n du, et je
lui répète i c i , que parmi ses pièces étoient quatre lettres
missives. L e citoyen Prost ayant mis tant de soin u con
server ces lettres, ne fera jamais croire à personne qu’il
n’eût pas porté le même soin à mettre en lieu de sûreté
les actes essentiels ; au reste, je l’ai consigné dans mon écri
ture du 26 ventôse dernier. A v an t son départ pour l’ar
m é e , le citoyen Prost a arrêté compte avec mon frère;
il e n a reçu le reliquat moins la somme de 9 4 5 francs,
portés par un billet que j’ai touché et déduit sur la res
titution de ma dot.
Q u ’im porte, comme le dit le citoyen P ro s t, page 3 3 ,
qu’en 1788 j’aie fait une saisie-arrêt ès mains de mon frère ;
je l’ai faite par suite de ma demande en séparation de
corps et de biens, pour empêcher que le citoyen Prost
achevât de dissiper mes biens: j’aurois dû couler à fond
cette procédure; aujourd’hui je n’aurois pas à combattre
contre l’injustice du citoyen Prost ; je n’aurois pas été
rediute à la fâcheuse extrémité du divorce : mais, au reste,
ce qui a été lait en 1788, n’a rien de déterminant pour ce
qui a eu lieu depuis.
avoue que dans le jugement du 9 août 1792 , JeanBaptiste Bantin mon frère est indiqué comme devant
JO francs; ce jugement dit seulement 5o francs, sans ex-
�C 3o )
pliquer si c’étoit en capital ou en revenu ; en sorte que
je pourrois tirer parti de l’équivoque : mais je conviens
que je croyois alors que mon frère devoit 5o francs de
rente j mais quand il s’est agi de to u c h e r, il s’est
trouvé s e u le m e n t un principal de 945 francs dûs en vertu
de billet. J ’ai pris ce capital.
Que le citoyen Prost ne fasse pas sonner si haut les
quatre lettres q u’il rapporte; elles prouvent seulement
qu’il en usoit fort mal envers moi. Celle écrite à moi par
m on frère, et ma réponse, prouvent, i°. qu’il y a eu arran
gement entre le citoyen Prost et mon frère, parce que
sans cela mon frère ne lui auroit pas remis ma réponse
du 24 janvier 1790 ; 20. que le citoyen Prost étant nanti
de celle de mon frère du 23 août 178 9 , il doit avoir tous
les autres papiers.
70. Je n’ai jamais rien touché de la créance Bourdoiseau ;
je l’ignorois du temps de mon mariage a v e c vous; elle
n’est e n t r é e p o u r r i e n dnns la somme do 27,000 francs,
m o n t a n t de ma dot. A u reste, c’est mon frère Bantin qui
a tout touché, et, lors de vos comptes avec lu i, il vous
a fait raison de la part qui m’en revenoit ; d’ailleurs,
faurois-je touchée, c’eût été pendant la com m unauté, et
vous n’auriez rien à me demander pour raison de ce,
parce qu’ une femme en puissance de mari ne peut rien
faire tendant
l’aliénation de sa dot envers son mari.
8°. V ou s me demandez l’expédition de l’acquisition
T o n n e lie r , veuve llo n d el; elle est dans vos pièces, mon
défenseur l’y a vue ; d’ailleurs il s’y agit d’un terrain de
seize toises, que vous ayez acheté moyennant i 5o francs
assignats,
�(3 0
90> *^e n a i jamais cru avoir aucune créance contre
Pruniol cle Clavelle.
io°. A van t son départ, le citoyen Prost a vendu tous
les bois des Rouchers, et en a touché le prix. Il est indé
cent qu’il me demande des p a p i e r s pour raison de ce.
i l 0. J e ' n ’ai jamais eu la donation Collin. L ors de
votre d ép a rt, vous étiez en procès à ce sujet. C ’est votre
ami M auguin qui a fait juger; il avoit donc les papiers.
12°. V ou s m ’opposez une lettre de moi au citoyen
M auguin ; vous la datez du 3 nivôse an 6 ; vous en in
duisez que j’y ai reconnu avoir reçu de lui une somme
de 5oo francs ; vous me demandez un compte établissant
l’emploi de cette somme.
La date de cette lettre est surchargée; le chiffre 6 couvre
ton chiffre 3 qui y étoit auparavant. L e faux matériel est
évident : sous le 6 on aperçoit encore le 3. Cette altéra
tion a été faite p o u r me d é s o r i e n t e r ; m a is il faut tou
jours considérer la lettre comme étant du 3 nivôse an 3.
«Pavois fait une saisie-arrêt ès mains du cit. M a u g u in ,
comme des biens du citoyen Prost. Par exploit du 12 bru
maire an 3 , j’avois cité le citoyen Mauguin en déclararation affirmative. L e citoyen Mauguiii fit un bordereau
de l’emploi des assignats qu’il avoit, comme appartenant
au citoyen Prost : ce compte me parut étrange. Ce fut
a ce sujet que j’écrivis la lettre du 3 nivôse an 3 , au
citoyen Mauguin (1).
Moulins , le
(0
3 nivôse an 3 .
« J e ne sais ou vous avez pris que vous m ’ aviez donne
« des assignats • je ne nie cependant pas d'en avoir reçu de
�(3 0
D e cette lettre il résulte que le citoyen Mauguin m ’a
remis des assignats; qu’il m’a indiqué à qui il falloit en
faire payement; que j’ai suivi son indication, et que je
lui ai remis les reçus ou quittances : mais, tout cela ne
concernoit pas ce qui m’étoit du par le citoyen Prost.
D e cette lettre il résulte encore que le cit. M auguin
m ’avoit fait un compte par lequel il m ’établissoit l’emploi
de 5?ooo francs assignats; mais cela ne prouve pas que j’ai
reçu ces 5,ooo francs assignats. L e citoyen M auguin avoit
employé cette somme à tous autres objets que ma créance.
130. L e citoyen Prost me demande un acte sous seing
p r iv é , par lequel il prétend qu’avant notre m ariage, je
lui ai cédé mes im m eubles, et dont le prix est, d it-il,
entré dans la composition des 27,000 francs, montant de
ma dot. Mais je ne lui ai jamais consenti un acte sem
blable.
Ainsi donc, sur l'article des papiers, i°. toutes les ap
parences disent que le citoyen P r o s t les a tous confiés à
vous'; mais lorsque vous m ’ en avez donné, vous m 'avez chargé
d'en fa ir e l ’ em ploi par differens payemens que vous m 'avez
in diques, et que j ai fa its dans les temps, dont j e vous a i remis
les reçus ou quittances. D e plus , vous m ’ avez J a it un compte
par lequ el vous m ’ avez trouvé l'em p loi de 5 ,000 f r . qui etoient
entre vos mains. D ’après c e la , je suis étonnée que vous m ’en
fassiez m e n tio n , et que vous m’indiquiez mon livre journal. I l
me seroit di(Jicile d 'y trouver, ceci ne me concernant pas per
sonnellem ent. Saus doute que vous voulez amalgamer mes 11 £
17 s. avec les bouteilles de vin de Cham pagne, et autres choses,
en la c ro ya n c e que j’ai d’après votre lettre.
Signé, B A NT IN - 13 O NCII R ÛTIE S.
son
�( 33 )
son ami M au g u in ; 20. en cause principale, il n’a offert
aucune preuve à cet égard ; 30. il me demande des papiers
qu’il a ; il me demande des papiers dont il a touché le
m ontant; 40. j’ai affirmé que je n’en avois aucun. Il a
laissé faire cette affirmation ; il est donc tout à la fois
non recevable et mal fondé en son a p p el, quant à ce.
P o u r ce qui est de la bibliothèque et de la pharmacie,
le citoyen Prost est encore de mauvaise foi.
i°. L e citoyen Prost sait parfaitement bien que je n’en
tends rien en pharmacie. A peine m ’eut - il épousée,
qu’il me couvrit de tout son mépris ; il m’éloigna ab
solument de toutes affaires : je n’ai jamais pu prendre
aucune notion sur son art.
2°. E n cause p rin cip ale, il n’a jamais offert aucune
preuve relativement à la bibliothèque : ce qui conduit
a la pensée que devant les premiers juges il n’avoit pas
encore imaginé aucune soustraction à cet <5gard.
30. Quant à la pharm acie, en cause principale il offroit
de prouver seulem ent que f avois disposé de partie : mais
il n’assignoit aucun article; il s’expliquoit très-vaguement;
il n’y avoit rien de précisé.
40. En cause d’a p p el, le citoyen Prost d i t , par son
écriture du 2 thermidor an 9 , et il offre de p r o u v e r ,
que j a i J a it d ép la cer, et trajisporter hors M o u lin s ,
une partie de la pharm acie et de la b ib lio th èq u e, et
que j ai voulu vendre le tout à des ojjiciers de sa n té
de M o u lin s.
Il n’est pas vrai que j’aie fait sortir de M oulins aucun
des objets de la pharmacie et de la bibliothèque.
E
�.,( . 3 4 )
Il n’est pas vrai que j’aie voulu les vendre; d’ailleurs
il y a encox’e bien loin de la volonté à l’acte.
5°. Quand il seroit vrai que les articles 1 2 , 1 4 , 1 6 ,
17 et 18 compris au procès verbal de la vente faite par
l’huissier C a v y , le 29 prairial an 6 , auroient dépendu
de la pharmacie ( ce qui n’est pas ) , cela ne prouveroit
rien contre moi. Dans mon état fourni devant les pre
miers juges, j’ai porté ces objets comme s’ils n’avoient
pas été vendus, comme s’ils existoient encore en nature.
L ’on ne peut donc pas m ’accuser de soustraction , dès
que j’accuse ces choses.
6°. L e citoyen Prost en impose, en assurant que parm i
la fe r r a ille vendue, étoit une pierre (Taim a n t précieuse.
Celte pierre existe encore ; il la retrouvera en retirant sa
pharmacie.
Que le citoyen Prost cesse de crier que je lui ai fait un
tort irréparable, en faisant vendre partie de sa pharmacie,
le 29 pr a ir ia l an 6. D ’ une p a r t , il ne vouloit pas en
retirer un grand profit, puisqu’abandonnant son état, il
s’étoit jeté dans les armées, à la g e de près de quarante
ans; d’un autre cô té, je n’ai rien détourné.
70. E n fin , j’ai fait l’alfirmation ordonnée, et par là
le jugement du 28 thermidor an 7 a acquis autorité de
la chose jugée.
Dans son écriture du 2 thermidor an 9 ? le citoyen
Prost avoit avancé, et offert de prouver, que l’ huissier
D uchollct n’avoit vendu qu'une portion des meubles
étant à Bourbon - l’Archam baud, et que je m ’étois em
parée du surplus.
�( 35 )
J ’ai nié le fait ; j’ai répondu que devant les premiers
ju g es, le citoyen Prost n’avoit offert aucune preuve sur
ce point. Dans son précis imprimé , il ne dit plus mot
sur ce p o in t , et tout le monde doit en conclure qu’il
a menti dans cette partie de la cause, .le n’ai donc pas
besoin d’insister sur un sujet qu’il â abandonné lui-même.
*
Jugem ent du
§. V I .
I er.
fr im a ir e an 8.
Je laisse au conseil le soin d’examiner et de discuter
tout ce que le citoyen Prost dit dans son précis im prim é,
pages 40 , 41 et 4 a , contre la déchéance d’e n q u ê te r,
prononcée par ce jugement. J ’en viens de suite à ce qu’ il
oppose à la liquidation de ma d o t, dont les premiers
juges O n t fixé le r e l i q u a t ù la s o m m e d e 14,800 fra n cs.
Point de doute sur le montant de ma constitution
dotale ; il est réglé par m on contrat de mariage ; il est
de 27,000 francs.
En cause principale, j’ai avoué avoir r e ç u ,
i°. Des Daubertet, héritiers de Jean-Joseph
Bantin, mon f r è r e ..............................................
2°. D e Jean-Baptiste B a n tin , mon autre
frère, 1,000 f. (D an s le fait, je n’ai touché que
945 f. montant d’un billet. L a différence seroit
de 75 fr. à mon préjudice : mais je ne re
10,000 fr.
viens pas contre l’e rr e u r, parce que le citoyen
Prost ne présente aucune ressource de recouE 2
�(
36
)
D 'a u tr e y c ir t... . < , . . . . . . .
io,o o ofr,
1,000
vi'cment. Il est et mourra insolvable. ) .........
30. D u citoyen P ro s t, lors de son départ
pour les armées, 200 francs. ( J ’aurois pu
contester cet article, parce que le citoyen
P ro s t, jouissant de mes biens dotaux, étoit obligé de me nourrir et entretenir : mais
transeat. ) ..............................................................
40. Pareille somme de 200 fr. du citoyen
Godeau , de Varennes, pour cinq années
d’intérêts d’un capital..........................................
200
200
5o. D e la n atio n , y 5 o francs pour loge
ment de la gendarmerie dans la maison à
Bourbon-l’A r e h a m b a u d .....................................
60. E n fin , 5o francs pour deux cochons
que m’a livrés l’ami M au g u in .........................
T O T A L ................................................
75o
5o
12,200 fr.
M a dot ¿toit de................................................ .... 27,000 fr.
Déduisant celle de................................................ I2 200
•
y
Il m ’est encore dû........................................... .....14,800 fr.
et non pas seulement 14,200 francs, comme l’a imprimé
le citoyen Prost j page 43 de son précis.
Je n’ai jamais rien reçu de l’abbé Merle. J ’ai touché
seulement un revenu annuel de 40 francs par a n , de la
part du citoyen G odeau, curé de Varennes-sur-Teschc
( et non sur A llier
ces intérêts.
qui devoit le principal produisant
�(37)
.
Sur l’article M o r e a u , je renvoie le citoyen Prost à ce
que j’ai dit plus h aut, §. V , n. 3.
Sur l’artifcle V illard : le sieur Bon ch rétien , mon pre
mier m ari, avoit été le tuteur dé ces mineurs, et avoit fait
quelques avances pour la tutelle. Après sa m o r t , le citoyen
Desmaisons fut nommé tuteur. Les pièces de cette tutelle
sont du nombre de celles- que j’ai retirées des mains du
citoyen Mauguin : j’ai offert de les rendre. En cette partie,
j’exécuterai le jugement du 28 thermidor an 7.
Sur l’article L a m o u r e u x , je renvoie à ce que j’ai dit,
§. V , n. 4.
Sur l’article Sallard , je réponds d’abord qu’il n’est
entré pour rien dans la composition de ma dot de
27,000 francs; je rép o n d s, en second lie u , que parmi
les pièces du citoyen Prost, est un m émoire à consulter,
du c it o y e n Pi'ost, duquel il résulte que le citoyen Sallard
devoit au s i e u r B o n c l i r é t i e n , mon p r e m i e r m a r i, ou
pour argent reçu des sieurs D u v i v i e r e t V e r n a y , de
M o n tb eu gn y, ou pour délivrance de b o is, 1,678 livres
12 sous 8 deniers. Comment se seroit-il donc fait que le
sieur Sallard se seroit trouvé créancier? A u reste, le
citoyen Prost ne rapporte aucune quittance de la part
du sieur Sallard.
Sur l'article des religieux augüstins de M oulins, i». je
ne connois aucune quittance sur ce point ;2°. je crois bien
que le citoyen Prost a plaidé avec e u x , pour une rente
qu il soutenoit ne leur être pas due. Mais s’il a eu l’im
prudence de s’engager dans un mauvais procès, tant pis
pour lui : /es frais ont dit en être payés aux dépens de
com m unauté, qui lui, demeure en entier, au moyen
�38 3
de ma renonciation et de la clause exprimée en m on
contrat de m ariage, dès qu’il n’y a pas eu d’enfans.
Point de quittances sur les articles B o u la r d , B ou rg o i n g , Desrues, et sur les frais du récollement de la
forêt de Dreuille et Soulongie. J ’ignore absolument tout
cela.
Quant à la créance B o u rn ig a t, par mon écriture du
26 ventôse dern ier, j’ai rép o n d u , i ° . que bien avant
m on remariage avec le citoyen P r o s t , j’avois déposé ès
mains du citoyen Moreau la somme de 1,800 francs pour
acquitter le billet B o u r n ig a t, payable en mai 1 7 8 7 ;
20. que le citoyen Prost a pris les 1,800 fr. des mains
du citoyen M o re a u , et s’en est servi pour payer la veuve
Bournigat. Dans son précis, le citoyen Prost n’a pas
contesté ce fait.
P o u r ce qui est des jouissances que j’ai faites du
terrain de seize toises, acquis par le citoyen Prost pen
dant la com m unauté, celles a n t é r ie u r e s a u divorce doi
v e n t sc c o m p e n s e r t o u t naturellement avec les intérêts
de ma dot. L e citoyen Prost n’y perdra sûrement pas.
Quant aux jouissances postérieures, la compensation doit
avoir lieu aussi, mais jusqu’à due concurrence.
Sur les 5,ooo francs assignats de M a u g u in , je renvoie
le citoyen Prost au §. V , n. 12.
P o u r ce qui est du mobilier vendu par l’huissier C a v y ,
le 29 prairial an 6 , je l a i compris dans mon état, comme
s’il existoit encore. Il est confondu dans l’état général.
J ’ai pris le tout en payement, ou à raison de 2,000 francs,
ou suivant l’estimation par experts.
A u moyen de ma renonciation
la com m un auté,
(
�( 39)
j’ai le droit de reprendre la somme de 100 francs, que
j y avois mise.
J ’en ai dit assez, je crois, sur ces détails fastidieux,
dégoutans. J ’en viens au dernier o b je t, à celui concer
nant ma maison à Moulins , et ma maison à Cosne. Les
premiers juges ont décidé qu’elles n’ont pas fait partie
de ma constitution dotale. L e citoyen Prost soutient le
contraire. Il soutient qu’avant notre m aria ge , par acte
sous seing p rivé du mois de juin 1 7 8 7 , je lui ai fait
cession et subrogation de tous mes biens , meubles et
im m eubles, moyennant la somme de 2 7 ,0 0 0 francs, que
je me suis ensuite constituée en dot. Il soutient obstiné
ment que j’ai abusé de son absence pour lui enlever ces
actes. Il rapporte, i ° . un mémoire à consulter écrit de
ma main ; 20. une copie de ce m êm e m ém oire écrite
par lui , où il est parlé de cession et subrogation du
mois de juin 1 7 8 7 7 3°* quelques actes du c o m m e n c e
ment d’une procédure en tribunal de fam ille, entre le
citoyen Prost et Jean -Joseph Bantin , m on frère. Par
ces actes, il paroît que ce dernier prétendoit que l’acte
sous seing privé que le sieur Bonchrétien et moi lui
avions consenti, le 29 avril 1 7 7 3 , comprenoit plus d’ob
jets que mon premier mari et m oi n’avions entendu en
vendre.
, L e citoyen Prost se replie ensuite sur la clause de
notre contrat de m ariage, contenant évaluation de mes
biens dotaux la somme de 27,000 francs.
i ° . Je l’ai déjà dit, et je répète ici qu’avant mon mariag c , je 11’ai jamais consenti ni cession ni subrogation,
ni sous seing privé ni pardevant n o ta ire, nu profit du
�C 4° )
citoyen Prost. T o u t ce qu’il dit à cet ég ard , est men
songe.
2°. L e mémoire à consulter et la copie de ce m é m o ire ,
dans l’aiFaire contre Jean-Josepli Bantin, sont l’effet d’une
ruse abominable de la part du citoyen Prost, envers moi.
Il étoit en contestation avec Jean-Joseph Bantin sur l’é
tendue de la vente que le sieur Bonchrétien et moi avions
consentie à ce dernier, en 1773- L e citoyen Prost m ’en
gagea à faire le mémoire à consulter, parce q u e, disoiti l , je savois mieux que lui tout ce qui s’étoit passé. Je
rédigeai le mémoire tant bien que mal ; il est écrit de
ma main en son entier; c’est celui qui commence par
ces mots : M ém oire sur différentes p ro p riétés, etex- L e
citoj'en Prost le mit ensuite au n et, et le signa.
A u jou rd ’hui il produit , et le projet du m ém oire, et
une copie de ce mémoire écrite en son entier par lui.
Mais ils ne commencent pas de même.
L e projet c o m m e n c e a in si : « M é m o ir e S U R D I F F É « r e n t e s T R o r R i É T É s e n b i e n s f o n d s , provenantes
« d’ un partage des successions de défunts Pierre Filion«
« Bantin, et de dame L o u ise-P ierre, son épouse; L E S « Q U E L L E S P R O P R I É T É S O N T É T É P O S I T I V E M E N T trans« m ises en m ariage p o u r constitution de d o t, pa r m o i
« M a rie - A n n e F ilio n - B a n tin , veuve en premières
« noces de défunt Nicolas Bonchrétien, résidente à Cosnc,
« en Bourbonnais, actuellement épouse du sieu r P r o s t ,
« chirurgien , q u i L E S A R E Ç U S e t a c c e p t é s a i n s i ,
« l'AR L A REMISE ET TRANSM ISSION
« ACTES
QU I
DES T I T R E S E T
L U I S O N T N É C E S S A I R E S l ’O U R C H A C U N E
« i / E L L E S j».
La
�( 41 )
La copie du mémoire mis au n e t, commence ainsi :
« Copie cCun m ém oire à consulter , f a i t par m adame
« M a r ie - A n n e F ilio /i- B a n tin , veuve B o n ch rélien ,
« CONCERNANT
PLUSIEURS PROPRIÉTÉS IM M O B IL T A l-
« RE S , et l’ usufruit
« SUBROGATION
«
«
«
«
d'icelles, D O N T L A
A ÉTÉ
FAITE
SOUS
cession
et
SEING P R I V É ,
1787 , par la
susdite Bantin , résidante à Gosne en Bourbonnais ,
I
^
au profit de P ierre-C la u d e P r o s t , ch iru rg ien , résidant à B ou rb on -T A rcha m b au d , p o u r Q U E T OU S E T
D A N S L E C O U R A N T D U MOIS D E J U I N
« U N C H A C U N DES B I E N S Q U I A P P A R T E N O I E N T
«
su sdite
«
so ien t
B
a n t in
,
t a n t
com pris d a n s l a
m eubles
masse
et
A LA
q u ’i m m e u b l e s
,
somme t o t a l e
« D E S A D O T , P O R T É E A L A V A L E U R DE 27,000 fr. *.
Dans le surplus, les deux pièces sont parfaitement con
formes ; mais il est très-important de bien saisir les nuan
ces qu’il y a entre les deux titres.
Dans le p ro jet, il est dit : M ém oire su r différentes
propriétés. Dans la copie , il est dit : C oncernant plusieurs
propriétés im m obiliaires.
• Dans le p r o je t, il est dit : L
esquelles
p r o p r ié t é s
ont été p o s i t i v e m e n t transm ises en mariage pour
constitution de d o t, p a r m oi M a rie-A n n e F ilion -B a n tin .
Dans la c o p ie , il est dit : D o n t la cession et subrogation
a été f a i t e sous seing p r iv é , dans le courant du 7?iois
de ju in 1787.
Dans le projet, il est d it , que le citoyen Prost l e s a
r e ç u e s e t a c c e p t é e s a i n s i , ( les différentes propriétés ),
p a r
sont
la r e m is e e t t r a n s m i s s i o n d es titrp s e t a c t e s q u i
u t il e s
et
n é c e ssa ir e s
lu
1
p o u r c h a c u n e d ’e l l e s ,
F
�( 42 }
:
Dans la c o p ie , il est dit plus : il est dit : P o u r que tous
et un chacun des biens q u i appartenaient ¿1 la susdite
B a n tin , tant m eubles qu im m eubles, soient com pris
dans la masse et som m e totale de sa doit} portée à la
valeur de 27,000 fra n cs.
^
'
J ’avoue que d’abord je ne concevois pas d’où prove-'
noit cette différence; mais j’ai enfin découvert le tour
d’adresse du citoyen Prost'; j’ai enfin découvert que le
citoyen P ro s t, qui me demande avec acharnement des
papiers qu’il a , des papiers que mon avoué a vus dans
le dossier du citoyen P ro st; j’ai enfin découvert, dis-je,
qu’il y a faux matériel , faux tant dans le projet fdu
m émoire , que dans la copie du mémoire mis au net. ’
Quant au projet du mémoire , ‘l'adverbe positivem ent
présente une altération qui saute aux yeux ; les deux
syllabes p o si ne sont pas de moi. Au-dessous ét à l’entour on aperçoit encore les traces du grattoir. A upara
vant il y «1voit l’actvcrbc taxcitiÇCTTlCnt OU Celui lim ita —
tivement. L ’on a enlevé les syllabes ta xa ou lim ita , pour
y substituer celles posi.
^
•
A la fin de la huitième ligne, il ÿ a deux mots ajoutés;
ces deux mots sont reçu et'': auparavant la ligne finissoit
par les mots q u i les a.
1
v u '
A u commencement de la neuvième lig n e, il y 1a un
mot effacé; on découvre encore les traces du grattoir qui
a vo ylu enlever les lettres e n , avant un t qui finissoit
le’ mot effacé ; l’on à laissé subsister le /, et au ieèond jam
bage de Mn effacée, l’on á posé un e dont la liaison va
aboutir dans le l ] 'h les ’yeu x disent encore qu’i l y a v o i t
auparavant l’advtabc subsidiaii'cm ent.
�( 43 )
Dans la même ligne on remarque que le mot par est
surchargé, et à travers on démêle encore le mot que.
* A .la troisième ligne ,1e sixièmè mot ( lu i ) est altéré;
il y a voit auparavant celui ic i, les points des deux ¿'exis
tent encore ; celui du premier n’a pas été effacé, le c for
mant la seconde lettre est dans sa forme primitive ; pour
transfigurer ic i en lu i y l’on a tout simplement posé une
1 avant le premier i.
üi-:,.
A la suite du neuvième est un espace couvert d’encre;
adjectif u t ile , venant après , a été form é aux dépens
de la défiguration d’un autre mot que l’on voit h peine,
mais on diroit qu’il y avoit l’adverbe actuellem ent.
P o u r ce qui est de la copie du mémoire , c’est là que
l’on a exercé tout son talent; mais on a fait de telle ma
n iè r e , que la pièce porte avec elle-même des signes cer
tains de sa réprobation.
Cette ipiece >est en trois feuilles, papier libre, dont
quatre rôles sont couverts d’écriture toute de la main du
citoyen Prost; au quatrième rôle sont la signature du
citoyen P r o s t , ainsi qu’une approbation et une signature
qu’il m’attribue : viennent ensuite deux rôles en blanc.
L e premier rôle est sans signature aucune, en sorte qu’il
étoit infiniment facile de changer la première feuille. O r ,
c’est ce qu’a fait le citoyen P ro s t; tout dit qu’elle l’a été.
En effet, i°. l’encre des deux premières pages de cette
copie n’est pas aussi noire que l’encre des autres pages.
2°. L e citoyen Prost avoit c h a n g é le titre : dans celui
de la copie ce ne sont pas les mêmes termes que ceux
de la première copie du projet. LecitôyenProst, en copiant
de nouveau, avoit d’abord écrit sans aucune précaution;
F 2
�'
( 4 4
)'
arrivant ù la fin de la p a g e , et voyant qu’il auroit trop
d’espace, il grossoya un peu pour remplir cette page,-et
atteindre le' même point que la page de la feuille suppri
mée. Parvenu là , le citoyen Prost n’eut pas besoin de la
m ême précaution pour le verso ; aussi remarque-t-on qu’il
est allé bien couram m ent, parce qu’il àvoit la même
quantité de mots pour couvrir* le même espace, i
3 0. U n fait plus déterminant que tout cela,..est dans
les filigranes des trois feuilles du papier. ,
* n 1.
L e filigrane des deux secondes feuilles représente,
au premier rôle, une fleur de lis entre les lettres A . G. F .
et au second r ô le , un cartel ayant au milieu un cornet de
chasseur. D e là vient que ce papier est appelé papier au
cornet.
L e filigrane de la première feuille, c’est - à - d ire, de
celle qui a remplacé celle en levée, est, au prem ier rô le ,
une coquille de mer. L e rayon du milieu du demi-cercle
q u elle fo rm e, est s u r m o n t é . d ’ u n e p i q u e ; et au haut de
cette p iq u e , est un bonnet de la -liberté. A u second rôle,
sont la lettre I , un cœur, le mot B o u g r e t, la lettre F , et
le mot Nevers.
D e toute cette description il suit que la première feuille
de la copie du mémoire a été supprimée; que le citoyen
Prost y en a substitué une autre sur du papier tout autre
que l’ancien, et que par cette opération le citoyen Prost
s’est donné la plus grande aisance pour ajouter au litre de
sa copie tout ce qu’il lui a plu. L e faux est évident ; il est
certain. Il ne faut pas dès-lors s’arrêter à cette copie. Il faut
s’en tenir uniquement au projet écrit de ma main. Il faut
surtout être en garde contre les altérations que j’ai signalées
plus haut.
�C 45 )
_■J ’observerai que le citoyen Prost a si peu cru lui-même
que la co m p o sitio n de ma dot de 27,000 fr. absorboit
tous mes im m eubles, que dans ses causes d’appel du 2
thermidor an 9, en critiquant le jugement du ie r. frimaire
an 8 , et en étalant tous les objets par lesquels il veut
éteindre ma d o t, a dit (folio 3 9 , recto in fin e') : I I f a ll o i t
bien déduire les réparations et am éliorations f a it e s p a r
Texposant a u x biens im m eubles de ladite Ba?itin ; par
mes réponses à ces causes d’àppèl , j’ai pris acte de cet
aveu. J ’avois donc encore des immeubles : tous mes im'
4
*
.
meubles n’étoient donc pas fondus dans l’appréciation de
ma dot à la somme de, 27,000 fr. V o y . page 41 recto,
in fin e , et verso.
,
T-»
' •' •
'
‘' '
Enfin , perdrois-je mon procès sur la maison à Cosne ,
et sur la maison de jardinier, à M ou lin s, le cit. Prost
Dy gag neroit absolument rien ;b ien incontestablement il
me d o it , et me devra sans doute toute sa vie la somme
de 14,800 fr. Dans son précis ypage 5 4 , il dit : L a petite
m aison située dans le village de Cosne est tout au
plus en valeur de 1,000 f r . L a petite m aison située
au dehors de M o u lin s , q u i n e s t q 11 une petite m aison
de ja r d in ie r , ensemble le ja rd in , sont tout au plus
en valeur de 3,000.
l i é bien , en jugeant le citoyen Prost par ses propres
paroles , de son calcul il résulteroit un total de 4,000 fr.
Il m’en doit 14^800 fr. il seroit donc mon reliquataire
de 10,800 fr. que dès ce moment je regarde comme
perdus. Il suit delà q u’il 11’aaucun intérêt à faire juger que
ces deux immeubles lui appartiennent, parce que s’ils m ’échappoient par désistement, je les retrouverois bien par le
�( 4* )
moyen de l’expropriation forcée. J e n’y verrois que l’in
convénient des frais q u i, tout le monde le sait, sont
énormes.
'
) is!
<*'M ff*’ t-
•
• •.
‘ 11• ' i '
■o;
•;i )
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , sur le m ém oire cidessus et les pièces de l’affaire,
,
’
E s t i m e que la dame Bantin. ne doit pas avo ir d’in
quiétude sur l’événement.
T o u t odieux qu’est aujourd’hui le d iv o r c e , il ne doit
pas influersur le jugement à intervenir. i° . L a demande en
séparation de corps et de biens, formée par la dame Bantin,
peu après son mariage avec le citoyen Prost (en mai 1788
annonce une conduite peu convenable de la part de ce
dernier. Ordinairement une femme ne prend cc moyen
extrême j que paix:e qu’elle y est forcée par les excès de
son mari. L e départ du citoyen P ro st, en 1 7 9 1 , pour les
armées: un homme marié âgé de près de quarante ans,
qui abandonne ainsi son épouse, son état et scs affaires;
q u i place le soin d e ses intérêts en des mains é tra n g è re s ;
qui réduit sa bienfaitrice à la très-dure nécessité de de
mander des aliinens en justice. T o u t cela excüseroit la voie
du divorce dans le temps ou celle de la séparation de corps
étoit ôtée : d’ailleurs il faut bien croire que la dame Bantin
dit en bonne f o i qu’elle fera convertir soh divorce cri
séparation de corps, si jamais une loi tant désirée, tant
sollicitée, en donne la faculté. Elle n’a pas d<S raison pour
ne pas le faire ; plusieurs, vivement senties, 1 engagent au
�( 47 )
contraire à user de ce rem ède. 2°. Quoique le divorce
semble enfin réprouvé comme étant une erreur politique,
les tribunaux doivent o u b lier, doivent n’avoir pas su que
la datne Bantin*est divorcée , parce que les magistrats ne
partagent pas lès affections plus ou moins désordonnées
des plaideurs : ainsi donc cette dame ne doit pas être
effrayée par tous les reproches'de son mari." Des repro
ches ne sont pas des moyens.
'•«
§• I erI
, *■
Sur Vappcf
• ■
..t.
;/ r
•
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4 yi jugem ent
.
.
* : ’ . •*
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■ • I -•
f 'i.
i
•
w ,l
•
; •
.
du 9 août 170)2 ^ la dame
Bantin a c}épipi?,tré(qu’a.Vijourd’huij cette partie de la cause
n’a plus_d’objet
iÇ^l^'.iîn,partant des principes trèsvrais en point de drpit , quelle mari^doit lo ger, n o u rrir,
et entretenues;? femn¡ie (1) ^ e tq u ’une femme en puissance
dpi mari nç peut ,1’icn faire qui puisse conduire à l'alié
nation de ses biens dotaux envers son-m^ri (2)., La dame
Bantin devant .être*nourrie, et entretenue par son mari»
ç
»■
r j
• »<
r
*î
, ( 1 ) Tous nos livres, et la jurisprucienc^ constante des tribubaux, ont’depuis long-temps proclamé-cÊttc ié r iié .
1
0 ' 'V . -;»•
■•[/’ *•[
(2)
L article C C X X V l de la-icdutiunë du Bourbonnais^régis
sant les parties, porte : « L e m ari , durant le mariage, ne 1peut
«fa ir e aucune association, donation ou autre contrat avec sa
« femme. » C e tte disposition’s’applique tant aux contrats directs
qu’aux contrats indirects; Cüm¡ dit la ri-g^e de d ro it, 8 4 , in^G,
quod,iuiâ viàprohibetur alicui ?âd hoc al/d vid non \lcbct admitti.
t n coutum e dè 'BourbáHíiaisy une fcinni'e petit'bien aliéner
scs bicins dotaux-; niais-,1dit* M. le président'Dùrei, il faut qu’elle
n J soit pás forcé«} : Miïlicr'phtnè'tnajor} non ri aut minis maritalibus coacta.
' î*
�(
.4
8
)
celui-ci né le faisant pas, il en résultèrent une sorte de
violence. Si elle étoit obligéefde faire raison de ce qu’elle
a: reçu à. titre de pension ^alimentaire, et de l’irnputer
sur la restitution de sa . d o t i l s’ensuivroit une aliéna
tion de ses biens dotaux ; il s’ensuivroit que la darae
Bantin auroit été v i et m inis rnaritalibus coacta. A u
reste il est tout naturel que la femme vive aux dépens des
revenus de ses biens dotaux. L e mari n’a ces revenus qu’à
la condition de fournir à sa femme les moyens d’exister ;
s’il ne le fait p as, la femme est en droit de l’y contraindre ,
d’abord jusqu’à l’épuisement absolu de ses revenus; elle
peut même toucher aux revenus d u ’mari. Dans l’espèce,
de l’aveu du citoyén P ro sty il avoit reçu un capital de
27,000 francs, donnant un intérêtannuel de i , 35o francs:
il n’est donc pas inconvenant que l’on ait adjugé à la
dame Bantin une pension alimentaire de 1,200 francs.
P o u r ce qui est du taïoyen ùltrà pet ¿ta, em ployé p arle
citoyen P ro st,1 il n’existe pas; i l 1 est dém en ti, et par la
demande de la dame B a n tin , qui s’élevoit à 1,800 fr.
et par le jugement qui n’a accordé que 1,200 fr. L a dame
Bantin réclainoit 5oo f. pour frayera ses emprunts, depuis
le départ de son mari ; le jugement n’a adjugé que 349 f.
pour cela et les irais.
S- I I .
L ’appel du jugement du 29 thermidor an 2 , n’est pas
considérable, ce jugement n’étant que provisoire. Toute
la difficulté roule aujourd’hui sur le définitif. Ilseroit puéril
de discuter sur le provisoire, quand on a à juger ledéiiuitif.
Il est pourtant vrai que ce jugem ent a autorisé la
darne
�C 49 )
dame Bantin à jouir provisoirement des immeubles à elle
appartenans ; et que s’il venoit à être jugé que ces im
meubles sont au citoyen P r o s t, c e lu i- c i se croiroit en
droit d’en demander les jouissances à la dame Bantin.
M ais, i° . ces immeubles se réduisent à une maison à
Cosne, et à une maifo:i à M oulins: le citoyen Prost les
- apprécie ensemble à la somme de 4,000 fr. Plus bas, il
sera prouvé que ces deux maisons n’ont jamais cessé
d’appartenir à la dame Bantin.
2°. Ces jouissances, s i elles étaient dues au cit. P r o st,
ne pourroient remonter qu’au jugement du 29 thermidor
an 2. L e jugement du I er. frimaire an 8 n’adjuge à la
dame Bantin les intérêts de sa d o t, q u’à compter du I er.
pluviôse an 7 , date de la renonciation de la darne Bantin
à la communauté. Il suit de là qu’il y a eu compensation
pour tout 1antérieur au ie>‘. pluviôse an 7. Jusqu e-là,
tout avoit été confondu.
E n v a in , le citoyen Prost o p p o s e - t - il que la dame
Bantin n’a pas appelé du jugement du
I er.
frimaire an 8
,
en ce qu’il n’adjuge les intérêts et la dot qu’à compter du
I er
pluviôse an 7. D ’une p a r t , la daine Bantin n’a pas
réclamé contre cette disposition, parce qu’elle a pensé et
dû penser que tout l'antérieur au I er! pluviôse an 7 ,
étôit fondu respectivement. S i a u j o u r d 'h u i le citoyen
Prost vouloit et pouvoit revenir contre, il faudroit au
moins que la chance fût égale. D ’un autre c ô t é , si la
dame Bantin étoit obligée de r e n d r e compte des jouis
sances , il seroit bien juste que, jusqu’à concurrence, elle
compensât les intérêts de sa dot , parce qu’il n’y auroit
G
�0 50 )
aucune sorte de m o tif, pour que le citoyen Prost retînt
en pur gain ces intérêts.
§.
III.
L e citoyen Prost est indubitablement non recevable et
mal fondé en son appel du jugement du ier. pluviôse
an 7-., donnant à la dame Bantin acte de sa déclaration
q u’elle renonce à la com m unauté, et que cette renonciation
n’est pas faite en fraude des créanciers.
i°. L e citoyen Prost est non recevable, parce qu’il a
fait signifier ce jugem ent, et a sommé la dame Bantin d’y
satisfaire. O r , en droit et en jurisprudence, l’on tient pour
certain qu’une partie qui a fait la signification d’un juge
m ent, en approuve par cela même les dispositions.
Il est pourtant vrai qu’après la sommation de satisfaire
aux dispositions de ce jugem ent, le citoyen Prost a ajouté,
s o u s t o u t e s r é s e r v e s . Mais d es r é s e r v e s banales ne suffisent
pas pour dire utilement que l’on n’approuve pas un juge
ment que l’on signifie avec sommation d’y satisfaire. Mais
les mots, sous toutes réserves, ne se rapportent pas à la
renonciation de la dame Bantin. Ces mots ont un tout autre
sens. L e jugement ordonnoit que la dame Bantin donneroi t, dans deux décades, état des meubles et effets existans
lors du départ du citoyen P ro s t, ainsi que des sommes
touchées par la dame Bantin, s a u f le contredit du citoyen
P r o s t. L e citoyen Prost somme la dame Bantin de satis
f a i r e a u x dispositions iC icelu i, dans les temps y portés,
a u x peines de d r o it, et sous toutes réserves : cela veut
�( 5i )
dire que s i , dans les deux décades, la dame Bantin ne
fournissoit pas l’é t a t , le citoyen Prost se réservoit de
demander contr’elle l’application des peines de droit; cela
veut dire que si la dame Bantin fournissoit cet é ta t, le
citoyen Prost se réservoit de contredire cet état. Après
les m ots, a u x'p ein es de d r o it, vient la conjonction e t ,
qui les lie ù c e u x , sous toutes réserves : en sorte que
le tout ne forme qu’un m ême membre de phra&è. C e
m em bre se rapporte à ce qui précède; il se rapporte à
l ’exécution ou non exécution de la disposition qui oblige
la dame Bantin à fournir l’état.
2°. L e citoyen Prost est non recevable en son appel,
pour ne l’avoir pas interjeté dans les trois mois de la
signification de ce jugement (i). La signification est du
13 pluviôse an 7 , e tNfappel n’est que du I er. germinal
an 8 : d’une époque à l’autre, il y a plus d'un an.
Nous-pensons que le citoyen Prost e rr e , en soütenant
que ce jugement n’est que préparatoire pour la partie qui
donne acte de la renonciation ; il al beau dire qu’il ne juge
pas la validité de la r e n o n c ia t i o n q u ’il ne juge pas que
la dame Bantin n’est pas com m un e, et qu’il en est ici
comme d’un jugement qui auroit donné acte d'offres
réelles, et permis de lesl)consighèi\1
U ne renonciation faite à la, com m unauté, se réduit
I j* '
un seul acte; il n’y a rien,de préliminaire. Quand la renon
ciation est faite contradictoirement, avec la partie inté—
*
— ----------- :-----Tr---------ï
‘
( 1 ) L ’article X I V du .titre V do Ia'Ioi du 24 a o û t 1 7 9 0 , no
dourïe que c e délai p o u r les jugemefls co n tra d icto ire s: celui en
question est dans c e tte classe.
■
v :;.A .
G 2
�(5 0
ressée, qui ne réclame pas contre, tout est consommé ; il
n’y a pas à revenir. L a renonçante déclare publiquement,
et à l’audience , qu’elle ne le fait pas en fraude ,des créan
ciers : cette déclaration est une espèce de serment. Quand
la partie contraire laisse venir les choses jusque-là, ce
doit être le'terme de toute discussion sur ce point.
Entre ce cas et celui des offres, il n y a pas d’analogie
exacte-,Après la réalisation et la.consignation des offres,
reste à en jugçr lar Validité, parce qu’une règle expresse
le i commande’ ainsi. ÎVlads■
l’article C C X L V de la coutume
de Bourbonnais, qui prescritiles conditions nécessaires à
line renonciation, ne dit pas cfu’après qu’elle aura-été
fait q ju d icia irem en t avecjles-héritiers du défunt,iceux-ci
auront le pouvoir de h* çbmbattre (ï).
'
-. ^y.
P o u r q u o i cette loi e x i g e '- t - e lle que les héritiers du
défunt soieat présens ou appelés ? C ’est afin que ceux-ci
contredisent à l’instant la renonciation, ou tout au moins
se réservent la fqcylté:.de la contredire d a n s la suite. S’ils
.ne le fqiit pas d e suite, ou s’ ils, ne se réservent pas le
droit d,e le faire ultérieurement; s’ils laissent dire que la
______
) 1 * y *:f ‘
»
.
(i) Art. CCXLV de la ççiutumCjde Bourbonnais: Et doit f a i r e
la renonciation judiciellem en t dedans quarante^ jours, (,depuis,
l'ordonnance’ de, 1667. a étendu ce délai à( trois niois pour faire
'invcntJiirè, et quarante jours pour délibérer ), après qu’elle aura
su le trépas dé son mari ; appeler pour ce fa ir e les héritiers apparens du trépassé , s’ils sont demeurans en la justice en laquelle le
défunt étoit domicilié eni Bourbonnais au temps dudit1trépas ,*
et 11 f a u t e desdiis.- héritiers , 1appeler le prvciirèur de la ju stice
dudit lieu où le trépassé ètoit domicitiéi
.
.
•
�( 53 )
renonciation n*est pas faite en fraude; par leur silence,
ces hértiiers en avouent la sincérité. Q u i tacet consentire
videtur.
Les dispositions pénales ne se suppléent pas. Quand il
n’en est pas dans le tçxte d’une lo i, il n’est pas permis
d ’y en insérer ou d’en induire. Jean Decullant, sur 1 ar
ticle Ç C X L V de la coutume de B o u r b o n n a i s , dit : Statu ta
sunt stricti j u r i s , quibus non licet quidquam addere vcl
detrahere. L a coutume ne disant pas que la r e n o n c i a t i o n
faite pourra être ensuite :contredite, on ne le peut pas
après c o u p , parce ,que ce seroit addere.
i
Ici le citoyen Prost a<-.vu faire la renqnciatiopr.de la
dame Bantin ; il n’a pas réclamé : par son silence il y a
consenti. Il a ensuite fait signifier le jugement qui l a
recueillie ; il n’a pas protesté contre la renonciation : il
l a d o n c approuvée. L a fin de non recevoir nous paroit
invincible.
,v
'
3°. lies moyens qu’oppose le c i t o y e n P r a s t contre
la régularité de là renonciation de la dame Ban tin, ne
sont pas justes. Elle a été faite judiciairement et'contra*
dictoirement avec lui-mcme ; i l etoit la seule partie inté
ressée : par là tout ce que prescritM ’art. C C L V de
la coutume de Bourbonnais a été exactement observé.
Il'hte fnlloit pas que le commissaire d-u gouvernement ?
(représentant aujourd’hui l’ancien p r o c u r e u r de la justice);
ne falloit pas, disons-nous, que le commissaire du gou
vernement fut ouï dans l e j u g e m e n t du i e i . pluviôse
il
an 7. Sa présence et s e s Nç o n c l u s i o n s n auroient <5té rjg011”
reusement n é c e s s a i r e s , q u e dans le, cas où le cit. PipsÇ
auroit fait défaut; et .à f a u t e desdits h é ritie rs, dit far-
�( 54 )
tîcle C G X L V de la coutume de Bourbonnais , appeler le procureur de la ju s tic e ; et si les héritiers sont
présens ou appelés , point de commissaire , parce que
cette loi ne l’exige c\\xàjhuta desdits héritiers.
Peu importe qu’A u ro u x dise, n. 17 : « Mais l’usage est
•• v que la veuve fasse cette renonciation judiciairement ;
« et q u e , su r la réquisition du procureur du r o i , elle
« prête serm ent q u elle ne la f a i t pas en f r a u d e des
a créanciers, a
I c i , A u ro u x ne parle que d’usage ; et un usage ne sauroit l’emporter sur la loi ( I ). Q u ’avant la révolution ,
certains-procureurs du r o i , voulant étendre leurs attri
butions , aient exigé que cela fût ainsi ; cela est indifférent
aujourd'hui. Qu^avant la révolution, les veuves embar
rassées d’assigner des héritiers souvent éloignés; que pour
a b ré g e r, l 'o n se soit contenté di faire la renonciation avec
le procureur du ro i; cela pouvoit avoir quelqu'avantage:
mais cela ne dit pas q u e , même avant la r é v o l u t i o n , une
renonciation ne s c r o it p a s r é g u l i è r e , par cela seul qu elle"
n ’ a u r o it été faite qu’avec les héritiers appelés, et sans la
présence dp procureur du roi. Quand une loi laisse l’alter-
(1) A van t lu i, M . François M enudcl avoit dit qu'on n’appeîoit plus les héritiers, mais seulem ent le procureur du roi: Q uod
non obscn>amiis \ dit-il >sed p cssim è, hœc enim statuti solem nitas
est loco fidclis inventivii desiderati à consuctudiiie parisiensi.
Prcvses noster, dit M . Sem in, en parlant du président D u re t,
liane solem nitatcm , ut hœredcs roccntur, rcso hit esse neccssarià
requisitam, quant tamen non 'o}>sëri>\imus, et sufficit lume reniaitiationem fieri in ju d ic io , procuratore regio aut jis c a li prccscntc.
�,
Ç 55 )
native de deux formalités ; q u a n d , pendant deux
siècles on ne se seroit servi que d’u n e, cela n’empêcheroit pas qu’au bout de ces deux siècles, l’on ne pût
très-bien user de l’autre qui auroit été oubliée.
A u reste , voudroit - on que l’usage eut prévalu ; ce
seroit un abus qu’il faudroit c o r r ig e r , parce qu’on ne
prescrit pas contre la disposition des lois. Depuis l ’or
donnance de 1 6 6 7 , les cours souveraines avoient bien
reçu pendant trente ans les oppositions aux arrêts par
d éfa u t, faute de comparoir. Les nouveaux,tribunaux ont
ravivé la force de cette ordonnance, et après la huitaine,
fin de n o n . recevoir. P a r parité de raison , il faudroit
revenir à l’art. C C X L V de la coutume de Bourbon
nais : les premiers juges s’y sont conform és; la renoncia
tion est donc régulière.
Il est bien vrai que la dame Bantin n’a pas renoncé
dans les trois mois et quarante jours accordés par l’ordonnance de 1667. Il est encore vrai qu’elle est nantie des
meubles meublans étant dans le domicile des parties à.
Moulins. Dans ce se n s, on pourroit d i r e , que s’étant
écoulé cinq a n s , entre son divorce de l’an 2 , et sa re
nonciation de l’an 7 , les choses n’étoient plus entières.
M ais, d’une p a rt, les parties se trouvoient dans une
position singulière. L e citoyen Prost étoit aux arm ées,
et la dame Bantin à Moulins. L e citoyen Prost n’étoit
pas i\ M oulins, pour prendre les meubles meublans do
la maison de Moulins.
D ’un autre cAté , ces meubles étoient une partie de
ceux que la daine Bantin n v o i t apportés en mariage au
citoyen Prost j ils lui étoieut dotaux ; ils lui appartenoient;
�C
)
clic avoit droit de les reprendre; elle en étoit saisie dë
plein droit (i).
1
_
L e citoyen Prost compare une femme commune pré
som ptive, à un héritier présom ptif: mais l’argument sè
rétorque contre lui-même. En effet, si en droit on d it ,
Sem el hceres, semper h œ r e s, l’on dit aussi que l’addition
d’hérédité plus est a n im i q u à m fa c ti. Si une femme n’agit
pas expressément comme com m une; si elle a tout autre
titre, on ne peut pas en induire une addition de com
munauté.'
'
O r , la dame Bantin n’a jamais agi comme com m une;
elle a agi seulement comme créancière; puisqu’en l’an 3
elle a fait saisir et vendre les meubles que le cit. Prost
avoit à Bourbon-l’Archam baud ; puisqu’en l’an 6 elle a
fait vendre d’autres effets mobiliers dans la maison de
Moulins. Elle n’avoit donc pas' intention d’être commune.
Mais quand la dame Bantin seroit commune , quel
profit en tireroit l e c i t o y e n P ro s t? En cette qualité, elle
ne seroit pas tenue des dettes de la communauté au delà
de la valeur de ce qu’elle y auroit pris. T e l î j est la dis
position de l’article C C X L I I de la coutume de B o u r
bonnais, de l’article C C X X V I I I de celle de P a ris, et de
l’article C L X X X V I I de celle d’ Orléans.
E n fin , un moyen péremptoire résulte du contrat de
mariage d’entre les parties; elles y ont stipulé qu’en cas
(1) A rt. C C X L V 1 I de la co u tu m e de B ourbon nais: « L a prov prié té des biens dotaux retourne à la fem m e ou à ses héritiers,
a le mariage d isso lu , et en est ladite fem m e saisie et en posu session, o u scs héritiers, $ans autre appréhcnsioij de fait. »
de
�( 57 )
tle non enfans, au décès de l’une d’elles, tous les profits
appartiendroient au citoyen Prost.
Ici même position , même raison que s’il y avoit décès,
puisque l’art. I V du §. III de la loi du 20 septembre 1792
veut que les parties soient réglées de même (1).
Ici la convention e st, qu’en cas de non enfans, toute
la communauté appartiendra au citoyen Prost. Il n’y a
point d’enfans ; tout est donc à l u i , et alors il ne falloit
pas de renonciation de la part de la dame Bantin : elle est
surabondante.
L e citoyen Prost ne peut pas dire qu’il veut admettre
la dame Bantin à la communauté : la clause du contrat de
mariage doit être exécutée, par cela seul qu’elle est écrite. Il
doit ici y avoir égalité de conditions. Si la dame Bantin
v o u lo it, contre le gré du citoyen P ro s t, participer à la
com m unauté, il la repousseroit par la clause du contrat
de mariage, s i p a r i, la dame Bantin peut s’abstenir
d’entrer dans la communauté , et cela en vertu de la m êm e
clause. En dernière analise , sa renonciation est redon
dante : il n’y a donc pas d’utilité de s’occuper davantage
des moyens de régularité ou d’irrégularité de cette renon
ciation.
(1) A rt. IV du §. III : « De quelque manière que le divorce
« ait lieu , les époux divorcés seront réglés, par rapport à la com« m unautéde biens, ou à la société d’acquêts qu» a existé en lr’eux,
« soit par la lo i , soit par la convention, comme si l'u n d ’ e u x
* était décédé. »
II
�' L e jugement du 22 prairial an 7 n’a jamais p résen té,
et ne présente pas surtout aujourd’hui un grand intérêt.
L a dame Bantin y a obten u, il est v ra i, main-levée défi
nitive des saisies-arrêts faites comme de ses b ien s, à la
requête du citoyen P rost; mais ce jugement a encore été
exécuté, et c’étoit vraiment le cas d’une main-levée défi
nitive et non d’une main-levée provisoire. L e cit. Prost
n’avoit aucun titre pour saisir et arrêter. Il est bien v r a i,
comme il le dit, qu’il avoit le contrat de mariage de 1787 :
mais ce contrat étoit contre l u i , puisqu’il le constituoit
débiteur de 27,000 fr. envers la dame Bantin : il étoit déjà
établi qu’il ne pouvoit qu’être redevable en définitif.
L e citoyen Prost ne pouvoit pas se dire commun avec
la dam eBantin, puisqu’il y avoit, de la part de cette der
n ière, renonciation à la c o m m u n a u t é ; puisqu il y avoit
toute cessation de com m un auté, au moyen du cas de la
dissolution du mariage sans enfans.
Il faut pourtant convenir q u e , pour raison des meables de la maison de M o u lin s, pour raison de tous les
effets dont la dame Bantin a fourni état devant les pre
miers juges, le citoyen Prost avoit une action contr’elle:
mais c’éloit une simple action 5 mais cette simple action
ne lui donnoit pas le droit de saisir et arrêter des biens
de la dame Bantin. P ou r pouvoir faire une saisie-arrêt,
il faut ou un titre exécutoire, ou tout au moins une ordon
nance de ju g e, et le citoyen Prost u’avoit ni l’un ni l’autre.
En eet état des choses, les premiers juges ont v u , d’ un
�( 59 )
cô té , la dame Bantin créancière de 27,000'fr. en vertu
de son contrat de mariage ; e t , d’un autre c ô lé , le citoyen
P ro s t, sans autre qualité que celle d’ un demandeur tracassier et de mauvaise foi. Ils ont dès-lors dû donner, et
ils ont donné main-levée définitive des saisies-arrêts: en
cela ils ont parfaitement bien fait.
A u reste, le citoyen Prost a acquiescé à ce jugement, en
fournissant ses contredits à l’état de la dame Bantin; il ne
sert à rien qu’il dise qu’il étoit obligé à donner ces contre
dits : mais au moins il devoit protester contre la main
levée définitive des saisies-arrêts. A u lieu de protester, il
a acquiescé purement et simplement, en obéissant au juge
m ent; il a persisté dans son acquiescement, puisque lorsqu’après coup les parties en revinrent à l’audience , il ne
dit mot contre cette main-levée.
§ V.
L e citoyen Prost est incontestablement non recevable
en son appel du jugement du 28 thermidor an 7 , et quant
aux papiers, et quant à la bibliothèque et à la pharmacie,
- ( dans la pharmacie sont compris tous les instrumens comme
en dépendans ) : il est non recevable, parce que ce juge'm ent l’a débouté de ces deux chefs de conclusions, à la
charge par la dame Bantin d’affirmer ; parce qu’il a laissé
faire l’affirmation, le 16 pluviôse an 8 , et que son appel
n a été interjeté que le premier germinal suivant, c’est-àd ir e , quarante-cinq jours après l’affirmation (1).
(1)
M . D o m a t, en scs lois civiles, üv. III, lit. VI", scct. VI, d it:
« Lorsqu’ une partie, ne pouvant prouver uij fait qu’elle avance, s’en
II 2
�( ¿0 )
L e serment a été ordonné le 28 thermidor an 7 ; le
jugement est contradictoire : il a été signifié au citoyen
« rapporte au serment de la p a r tie , ou que le ju g e défère le
« serm ent, celu i à qui il est déféré, ou par le ju g e ou par sa
« partie, est tenu de jurer. »
A l’art. V I', le m êm e auteur dit : « Lorsque le serment a été
« déféré à une partie et qu’ elle a ju r é , il sera d é c isif ; car c ’ éto it
« pour décider que le serment a été déféré. A in s i il aura autant
« et p lu s de fo r c e qu'une chose ju g é e , et fera le même effet
« qu'un p ayem en t, si celui à qui on demandoit une somme jure
« ne rien d evo ir, ou qu’ une transaction, si c’ étoit un différent
« d une autre nature. » Sur ce p o in t, M", R om at nous renvoie
à la loi 2 , ïï. de jurejurando. Jusjurandum speciem transactionis
co n tin et, majoremque hahet auctoritatem quàm res judicata.
P ige a u , en sa procédure, c iv ile , liv. I I , part. I I , lit. I I , ch. I ,
en parlant des effets du serment ju d iciel, dit : « On ne peut ad« ministrer contre ce serment aucune des preuves que l ’ on a lors
«
«
«
«
«
«
de sa prestation, parce qu’en laissant affirmer sans en u s e r ,
c’est y re n o n cer, à moins qu’on ne veui l l e dire qu’ on a caché
les preuves p o u r déni grer so n adversaire. Lorsqu’ on a à se
plaindre de la sentence qui défère le serm ent, et qu’ on a eu
le temps de prendre un, parti entre cette sentence et l'affirmation ; si on ne l ’ a pas f a i t , on ne peut p lu s appeler. En l a i s î
« S A N T A F F I R M E R , ON A A C Q U I E S C É AU J U G E M E N T QUI
«
d o n n o i t
.
L’oR-
» E t Part. V du tit. X X V I I de l'ordonnance de 1667,
m et au nombre des sentences qui doivent passer en force de
chose jugée , celles auxquelles les parties ont acquiescé.
R e n iza rt, verho S E R M E N T , d it, a. i 5 : « (^uand le serment
« déféré par le juge est f a i t , il a la force de la chose jugée. »
E t n. 18 : « S ’ il y a un intervalle entre le serment ordonné et
« la réception, il y a f i n de non recevoir contre l ’ appel interjeté
« après le serm ent, parce que l’appelant pouvoit suspendre le
« serm en t, en signifiant son appel avant l’affirm ation faite. »
�( 6 i )
Prost le 4 pluviôse an 8 ,- avec assignation au 1 6 , pour
voir faire l'affirmation. L a citoyen Prost connoissoit ce
ju g e m e n t, puisqu’il y a été ouï. D u ¿8 thermidor an 7
au 4 pluviôse an 8 , date de la signification , le cit. Prost
a eu un intervalle de plus de cinq mois. D u 4 pluviôse
an 8 au 16 du même m o is , le citoyen Prost a eu un délai
de douze jours. Il a donc eu un temps suffisant pour
prendre un p a rti, pour interjeter appel. L e jugement de
thermidor an 7 a donc passé en force de chose jugée.
Dans tous les temps les tribunaux ont toujours eu le
plus grand respect pour le serment même judiciel; l’idée
du parjure est révoltante. Tou s nos livres sont pleins
de préjugés où il a été prononcé par fin de non rece
voir contre l’appel en pareil cas. Il n’y a eu que quelques
exceptions infiniment rares; ces exceptions ont eu lieu
lorsque l’on a acquis, depuis le serment, des preuves de
sa fausseté j des preuves retenues p a r le J a i t de la p a rtie
q u i a affirm é, et cela, par argument tiré] de l’art. X X X I V
du titre X X X V de l’ordonnance de 1 6 6 7 , permettant
le pourvoi en requête civile pour cause de pièces recou
vrées depuis le serm ent, et retenues p a r la partie.
Mais il n’est jamais arrivé que l’appel ait été r e ç u ,
lorsque l’appelant s’est présenté seulement avec les pi-euves
qu’il avoit déjà au temps du serment reçu.
I c i, le citoyen Prost ne se présente pas avec plus de
preuves qu’il n’en avoit en cause p r in c ip a le , avant l’af
firmation ; il ne se présente pas avec des preuves rete
nues par la dame B a n tin .
Par rapport aux papiers, devant les premiers ju ges,
le citoyen Prost n’a offert aucune preuve écrite de faits
�(60
de soustraction de la part de la dame Bantin. D e 1 analise du jugement du 28 thermidor an 7 , il resuite merae
que le citoyen Prost ne s’cst soumis a aucune preuve
testimoniale.
Aujourd’hui le citoyen Prost demande d’éfre admis
à prouver q u i l avoit laissé dans sa m aison des p ap iers,
et que la dame B a n tin s'en est emparée.
i ° . C e tte p r e u v e n ’ est p as c e lle d ’un fa it n o u v e a u ; il
la
dam e
B a n t i n ; ce n ’est p a s u n e p r e u v e re te n u e p a r la
dam e
devoit
s’y
s o u m e ttre
avant
l ’a ffirm a tio n
de
B a n t in : p a r c e tte r a is o n , il est n o n r e c e v a b le à la p r o
p o s e r e n ce m o m e n t ; il y v ie n t b e a u c o u p tr o p ta rd .
2°. F ru strà probatur quod probatum non relevât.
L ’article I er. du titre X X de l’ordonnance de 16 6 7 , dit:
« V o u lo n s que les f a i t s q u i gissent en preuves, soient
succinctem ent articulés. »
L ’article X L I I de celle de 1 6 3 9 , veut %ue lesf aits
soient positifs et probatifs.
L ’on ne doit p a s s’ a rrê te r à des allégations vagues.
P a r faits p r o b a t if s , l ’ o n e n te n d it to u jo u r s d es faits b ie n
c i r c o n s t a n c i é s , des faits c o n c lu a n s.
I c i , rien de plus vain que la preuve que demande à
faire le citoyen Prost ; elle faite, il seroit impossible
de juger.
E n effet, supposons que le citoyen Prost eût prouvé
qu’ il a laissé des papiers : quid indè ? La dame Bantin
a déclaré dans son état du 30 pluviôse an 7 ; cette d am e,
disons-nous , a déclaré que dans la chambre de la cour
il y avoit un sac contenant des papiers : en sorte que 1 en
quête du citoyen P rost, conduiroit seulement a la preuve
�(¿3
)
d’un fait avoué ; et f r u s t r a probatur quod probat uni
non relevât.
Considérons ensuite la conduite du citoyen Prost, lors
de son départ. Il enferme des papiers dans un porte-man
teau, et le confie à son ami M auguin.C e trait prouve sa
grande méfiance pour sa femme. U n homme qui en
agit de la sorte , fait cr o ire , et tout le monde doit cr o ire ,
que le citoyen Prost a renfermé dans son porte-manteau
tous les papiers en valeur, et que dans le sac étant dans la
chambre de la co u r, étoient tous les insignifians.
Comment ensuite le citoyen Prost ose-t-il demander,
i°. les papiers de la créance M o re a u ? lui qui a touché
toute cette créance, suivant son reçu du 27 mars 178 9 ;
20. les papiers de la créance Lamoureux ? liii qui l’a
reçue, suivant une déclaration de L a m o u re u x , ep date
du 25 t h e r m i d o r dernier; 3 0. les papiers de Jean-Baptiste
Bantin ? lui qui les a en sa puissance. L e co n seil, sous
signé les a vus dans le dossier' du citoy en P r o s t , lorsqu il en prit com m unication pour répondre a u x causes
d'appel de ce dernier. D ep uis, ces papiers ont disparu;
nous ne les avons plus retrouvés, lorsque nous avons
pris une seconde communication de ce dossier. On con
çoit bien comment la chose s’est passée. Dans l’écriture
du 26 ventôse dernier, nous avons r e p r o c h é au citoyen
Prost qu’il demandoit ces papiers, et qu’ il les avoit dans
son dossier ; nous les avons signalés, de manière qu’il
sentit bien toute la force de l’a r g u m e n t . L ’on a envoyé
ou remis au citoyen Prost la c o p ie de cette écriture; il l’a
lue. Il a fouillé dans son d o s s i e r , et en a retiré les pa
piers de Jean-Baptiste Bantin, sans en faire la confidence
�( 6 4 ) ;
h personne. L ’auteur du précis imprimé n’a pu dès-lors
les voir, aussi n’en a-t-il pas dit un mot.
Ces traits de mauvaise foi de la part du citoyen Prost,
produisent le plus mauvais effet contre lui ; joints à
d’autres circonstances relevées par la dame Bantin, et
superflues à rappeler ic i, il s’ensuit que le cit. Prost
mérite toute ¡’animadversion de la justice. Il est pourtant
bon de faire ressortir encore le fait de la lettre de la
dame Bantin au cit. Mauguiu.
L e citoyen Prost la présente avec la date du 3 nivôse
an 6 , tandis qu’il est apparent qu’elle étoit du 3 nivôse
an 3. L e chiffre 6 , couvrant celui 3 que l’on entrevoit
encore, est un faux matériel.
Quelle raison a - t - o n cru avoir pour commettre ce
faux ?
L a dame Bantin avoit fait, le 12 brumaire an 3 , une
saisie-arrêt ès mains du cit. Mauguin comme des b ie n s
du citoyen Prost ; elle demandoit au cito ye n Mauguin
une d é c la r a tio n a ffirm a tiv e . C e lut dans cette position ,
que le cit. Mauguin donna des explications par lesquelles
il indiquoit l’emploi de 5,000 francs assignats. Ce fut
dans cette position, que la dame Bantin écrivit la lettre
du 3 nivôse an 3.
L ’on a mis la date de l’an 6 , pour l’éloigner de l’époque
de la saisie-arrêt et de la demande en déclaration allirm a t iv e , pour donner une apparence de justesse aux
inductions que le citoyen Prost tire de ces mots : V o u s
w ’avez f a it un compte p a r lequel vous m 'avez trouvé
ïem p lo i de 5,000 f r . q u i étoient entre mes m ains.
M ais, en rétablissant les choses dans leur état v ra i,
en
�( 65 )
en restituant à la lettre sa date du 3 'nivôse an 3 , en
la rapprochant du fait de la saisie-arrêt de la dame
Bantin, le manège du faussaire est en défaut.
En analisant cette lettre, on y trouve deux choses bien
certaines : l’on y tro u ve, en premier lieu, que la dame
Bantin y avoue avoir reçu du citoyen Mauguin desassinats ; mais elle ajoute en même temps : L orsqu e vous
n i en avez d o n n é , vous n i avez chargé d'en fa ii'e X em
ploi p ai' différens payem ens que vous n i avez in d iqu és;
c e q u e f a i f a i t dans les temps , dont je vous a i remis
l e s r e ç u s o u q u i t t a n c e s . Ceci signifie que les assi
gnats donnés par le citoyen Mauguin à la dame Bantin ,
n ’étoient pas pour cette dernière ; ils étoient pour toutes
autres personnes indiquées par le citoyen Mauguin. L a
daine Bantin a suivi ces indications ; elle a p a y é , elle
en a remis les quittances ou reçus au citoyen Mauguin.
.Cette partie de la le ttré n e p r é s e n te a u tr e c h o s e q u ’ u n e
déclaration de la part de la dame Bantin; déclaration qui
suivant les principes ne sauroit etre divisée.
• E n second lieu , on voit dans cette lettre que la dame
Bantin dit au citoyen M a u g u in , que celui-ci lui a fait un
compte par lequel le citoyen Mauguin lu i a trouvé Rem
p lo i de 5,ooo f r a n c s qui étoient entre les mains du
citoyen Mauguin. En cet endroit de la lettre il paroît que
le citoyen M auguin indiquoit le livre journal de la dame
Bantin; mais celle-ci rép o n d , I l me seroit im possible d'y
trouver, ceci ne me concernant pas personnellement.
Ces mots intéressans dans la cause, ceci ne me concernant
pas personnellem ent, signifient que tout cela étoit étran
ger à Ici dame Bantin ; mais cela ne dit pas qu’elle a
I
�C 66 )
touché les 5,ooo francs, et cela suffît dans les circonstances.
Quant aux actes sous seing p riv é , constatant qu’avant
le mariage , la dame Bantin a fait cession et subrogation
de ses biens meubles et immeubles au citoyen P ro s t,
la dame Bantin doit en être crue en sa dénégation;elle
a affirmé devant les premiers juges qu’elle n’avoit pas
d’autres papiers que ceux par elle déclarés. Ces sous seings
privés ne sont pas au nombre de ceux déclarés : c’est
donc chose jugée irrévocablement.
P o u r ce qui est de la bibliothèque et de la pharmacie,
le citoyen Prost n’offre pas en cause d’appel des preuves
retenues p a r la dame B a n tin .
E n cause principale, le citoyen Prost se soumettoit
seulement à prouver que la dame B a n tin avoit disposé
de partie de ta pharm acie , ( pas un mot sur la biblio
thèque). Les premiers juges ont rapporté dans l’exposé
de leur ju g e m e n t, dans leur troisième c o n s i d é r a n t , que
le citoyen Prost 7i*a dit que v a g u e m e n t e t sans aucune
indication iVobjets et articles. Ce n’est pas ce que l’on peut
appeler f a i t a rticu lé,,f a i t p o s itif, fa it, p ro b a tif Pour
qu’il y eût f a i t a r ticu lé, il eût fallu que le citoyen Prost
eût offert de prouver que la dame Bantin avoit disposé
de tels et tels objets. Les premiers juges ont donc sage
ment fait, en naccueillant pas le préparatoire demandé
par lui.
E n cause d’a p p e l, le citoyen Prost offre de prouver
que la dame Bantin a f a i t déplacer et transporter hors
M ou lin s une partie de la pharm acie et de la biblio
thèque , et quelle a voulu vendre la tout à des officiers
de santé de M oulins.
�( 67 )
M a is , i ° . ce n’e s t,e n d’autres term es, qu'offrir h peu
près la même preuve que celle que n’ont pas admise les
premiers juges. Il n’y a en plus que la circonstance que
la dame Bantin a voulu vendre le tout ; et quand cette
dernière auroitfait déplacer et auroit voulu ven dre, cela
ne diroit pas qu’elle a v e n d u , parce que le signe de la
chose n’est pas la chose, parce que la volonté de vendre
n’est pas la vente. Cela ne diroit pas que la bibliothèque
et la pharmacie ne sont plus dans le même.état que lors
du départ du citoyen Prost. Cette preuve faite ne seroit
pas concluante.
2.°. Ceci ne seroit pas une preuve n ouvelle, une preuve
retenue p a r la dame B a n tin .
Dans ces circonstances , il nous paroît que tout est fini
à cet é g a r d , au moyen de l’affirmation de la dame Bantin:
c’est chose ju g é e .
P o u r ce qui est des m e u b le s d e la m a iso n à Bourbonl’A rch am b au d , dès que dans le précis imprimé le citoyen
Prost n insiste pas, dès qu’il ne dit plus un mot sur la
preuve qu’il avoit offerte dans son écriture du 2 ther
m idor an 9 , il y a lieu de croire qu’il »econnoît son
erreur.
D ’ailleurs, le genre de preuve qu’il offroit par ses causes
d’appel est infiniment vague. Dans ses causes d’appel, il
demandoit à prouver que l’huissier n’a vendu qu’une
portion de ces meubles, et que la dame Bantin s’est em
parée du surplus. Mais au moins le citoyen Prost auroit-il
dû offrir de prouver, i°. que dans sa maison à B o u rb o n ,
il y avoit tels et tels effets; ( la preuve une fois faite on
auroit confronté l’enquête avec le procès verbal de vente
I â
�'
( 68}
de l’huissier Duchoîlet ; par là on eût été à même de
juger si cette vente comprend ou non la totalité ) ; 20. que
la danje Bantin a pris tels et tels objets non vendus par
Duchoîlet. Sans cela rien de positif, rien de probatif, rien
de concluant.
Enfin, d e v a it les premiers juges le citoyen Prost n’a
présenté auçühe donnée , aucune preuve ; ce qui conduit
a penser qu’ijrrient'aujpurd’hui sur ce point. Enfin encore,
l'on nesauroit être trop en garde contre les rubriques du
citoyen Prost ; il y auroit imprudence à l’autoriser â pro
duire des témoins. Dans cette affaire, il y a plusieurs faux
matériels : il y auroit tout à craindre de la part de cet
homme.
’
.
V I.
Il nous pproît. certain que, Jes premiers juges ont trèsbien jug4 par leur jugement du premier fr im a ir e an 8 >
et en déclarant le c ito y e n P r o s t déchu du droit d’enquêter,
et dans les autres dispositions de ce jugement.
D ’abord il faut ne pas perdre de vue que l’appel du
citoyen Prost n’est pas indéfini , quant au jugement du
28 thermidor an 7. Dans son écriture du 2 thermidor
an 9 , il a désigné les chefs dont il demande la réforma
tion : celui concernant la preuve est excepté par lui ; il
soutient qu’il est encore en droit de faire sa preu ve; en
sorte que cette disposition est approuvée par lui : c’est
donc chose jugée.
O r , il est intéressant de rappeler les'tçrmcs dans lesquels
ce jugement a permis la preuve testimoniale. « Sur la con
te trariété des faits, y est-il d it, nous avons les parties
�( 69 )
« admises et réglées A f a i r e r e s p e c t i v e m e n t p r e u v e
« D A N S L E S D É L A I S D E L A LOI. » Ainsi donc voilà les
parties obligées à faire entendre leurs témoins dans le
délai de la loi.
Ici quelle étoit en thermidor an 7 la loi qui fixoit les
délais d’enquêter? là est toute la difficulté.
Il est bien certain q u e c e n ’étôitpascelledu 7 fructidor
an 3 : elle ne parle pas de délais ; elle dit seulement que les
témoins seront entendus publiquement, que notes seront
prises de leurs dépositions, et que l'affaire sera jugée de
suite , ou au moins à l’audience suivante.
Il est bien certain aussi que ce n’étoit pas plus celle du
3 brumaire an 2 : elle est absolument muette sur les délais
d’enquêter. En so n article I V , elle dit bien que les témoins
à e n te n d r e se ro n t assignés, ainsi que la partie , en vertu
d une cédille a c c o r d é e p a r le p r é s id e n t (x). C e n ’est pas
ici chose nouvelle. L ’ordonnance d e 1 6 6 7 , titr e X X I I ,
art. V , a même disposition (2). Mais la loi du 3 b r u
maire ne dit pas ici de quel instant courra le délai d’en
quêter.
L ’art. V de la loi du 3 brumaire dit bien que dans
la cédule sera la m ention des j o u r s , lieu et heure a u x
quels il sera procédé à Vexécution du ju g em en t prépaA rt. I V (le la loi du 3 brumaire : « L o r s q u ’il s’agira de faire
« entendre des tém oins, ou de faire o p é r e r cîes experts , les uns
(1)
« ou les autres seront assignés en vertu d’ une cédule qui sera
« accordée par le président. »
(2) A rt. V du tit. X X I I de l’ ordonnance de 1667: « Les témoins
« seront assignés pour déposer, et la parlie pour les voir ju re r,
« par ordonnance du j u g e , sans commission du greffe, »
�( 7° )
ratoire (i). Mais elle ne dit pas quand cette cédule sera
prise et signifiée: elle ne dit pas que cela ne sera pas fait
dans le temps prescrit par l’ordonnance de 1667. E n sorte
qu’il y a un silence absolu sur ce point dans la loi nou
velle : elle est incomplète.
En cet état des choses, fâut-il se jeter dans l'arbitraire?
non sans doute. E n cette partie, il y auroit seulement in
su ffisan ce. Quand une loi nouvelle n’a pas d e disposit on
précise pour un ca s, il faut recourir à l’ancienne, s’ il en
existe une : N on estnovum ut priores leges adposteriores
trahantur. L . 26, au tit. de legibus. Sed etposteriores leges
a d priores p ertinen t, n isi contrariœ sin tj idque m ultis
argumentis probatur. L . 28, cod. Les lois anciennes ser
vent à expliquer les nouvelles , à moins que ces dernières
n ’abrogent formellement et intégralement les anciennes.
D e tout ceci il suit que la loi du 3 brumaire ne dé
terminant rien , il faut remonter à l’ordonnance de 1667,
à laquelle il n’y a point de d é r o g a t i o n n i expresse ni impli
cite dans la lo i d e brumaire ; parce que l’ordonnance de
1667 assigne précisément le délai d’enquêter; parce que
Ja loi de brumaire n’en disant rie n , c’est la loi de 1667
que les premiers juges ont appliquée,
O r , le dernier clerc du palais sait que l’article II du
titre X X I I de l’ordonnance de 16 6 7 , veut que l’enquête
soit com mencée dans Ja huitaine de Ja signification du
jugem ent in terlocutoire, et parachevée dans la huitaine
suivante.
Mais l’article III de la loi de brumaire autorise seu(3) L’ordonnance de 1667, art. V I , dit la même chose.
�( 71 )
lement la signification des jugemens définitifs; elle auto
rise seulement la signification des jugem ens prépara
toires , s’ils sont p a r défaut. Elle repousse toutes autres
significations ( i ). h iclu sio unius est exclusio alterius.
L a loi de brumaire n’ordonnant de signifier que les ju
gemens préparatoires par défaut, il en résulte que les
jugemens contradictoires ne peuvent pas l’être; il en
résulte encore qu’il ne faut pas de signification pour
faire courir le délai de huitaine. Cette huitaine date du
jour du jugement qui permet l’enquête.
E n vain le cit. Prost dit-il que le jugement du 28 ther
midor an 7 , devoit être signifié, parce qu’il est défi
n itif, en ce qu’il rejetait la preuve par lui offerte.
i ° . U n ju g e m e n t q u i est to u t à la fo is d é fin itif d an s
u n e partie, et p r é p a r a to ir e d an s le s u r p lu s , n’a b e so in
d ’ê tr e signifié, p o u r la p a rtie d é f in i t i v e , q u e lo rs q u e l’ o n
V e u t fa ire c o u r ir le délai des trois mois pour l’appel j
m a is ce n 'est pas u n e ra iso n a b so lu e pour qu’il faille u n e
s ig n ific a tio n p o u r la p a r tie p ré p a r a to ir e . L a d a m e Bantin
n’ayant pas fa it signifier, il e n s u iv o it q u e les tro is m o is
p o u r l’a p p e l n e c o u r r o ie n t pas.
20. L e jugement de thermidor n’a pas admis la preuve
du cit. P ro st, relativement à la bibliothèque; mais il est
prouvé que cette branche de la contestation est finie in
variablement , par l’affirmation de la dame Bantin.
(1) A rt. III : « S i les parties comparoissent, H ne sera notifié
« au procès que l’exploit de demande et le jugem ent définitif.
« S i l ’ une d’ elles ne eomparoît p o in t, il lu i sera notifié d ép lu s
« les jugem ens préparatoires. L a notification de tout autre acte de
« procédure ou jug em en t n’ entrera point dans la taxe desfrais. »
�Il
C 73 )
y a une erreur impardonnable, à comparer une en
quête;! une expertise. Il y a une erreur impardonnable,
à dire qu’une partie ne seroit pas déchue de faire opérer
des experts , parce qu’ils ne l’auroient pas fait dans la
huitaine. Il y a u n e erreur impardonnable, à en conclure
que la huitaine pour faire enquête , ne court pas à
c o m p t e r du jugement. D u n cas à l’a u tre , il y a une
différence immense. Des experts sont du choix respectif
des parties; ce sont des juges du fait de la contestation ;
l à , il n’y a pas à craindre la subornation. Dans une enquête,
au contraire , l’expérience a prouvé combien l’intrigue est
malheureusement puissante ; c’est pour empêcher ce mal
affreux, que l’ordonnance de 1667 a grandement resserré
le cercle des délais.
E11 vain encore le cit. Prost oppose-t-il que les enquêtes
étoient à la commodité des juges, et non à celle des
parties ; en vain oppose-t-il que les tribunaux éloient
en usage d’indiquer les jours où les té m o in s seroient
e n te n d u s , et q u ’ils n e se so n t jamais astreints au délai
de huitaine.
i<\ Il n’est pas certain que les enquêtes fussent à la
commodité des juges. Tous les fonctionnaires publics
s o n t, comme les simples citoyens, obligés de se con
form er aux lois.
2°. Il est très-vrai qu’au tribunal civil du Puy-deD ô m e , lorsque ce tribunal ordonnoit une enquête, par
son jugement il indiquoit le jour où elle seroit faite;
m ais, d’une part, ce n’étoit que chose d’usage, et l’u
sage ne pouvoit pas l'emporter sur la l o i , sur l’ordon
nance de 1667. Si l’on avoit réclamé con tre, le tribunal
de
�( 73 )
de cassation auroit cassé. D ’un autre côté , l’usage
d’un tribunal n’étoit pas une règle pour un autre tri
bunal. I lp a ro ît, par le jugement du 28 thermidor an 7 ,
qu’au tribunal de l’Allier on ne procédoit pas de cotte
m anière, puisque ce tribunal a dit que Ion enquêteroit
dans le délai de la loi. Point d’indication de jour pour
l’audition des témoins. Par là les parties étoient obligées
de se conformer à l’ordonnance de 16 6 7 , et de com
mencer leurs enquêtes dans la huitaine.
A u reste, la faculté de faire p reu ve, accordée au cit.
P rost, n’étoit pas indéfinie. Il falloit bien qu’elle eût un
terme. O r , comment en auroit-elle eu u n , si ce terme
n’étoit pas, et dans le jugement du 28 thermidor an 7 ,
et dans l’ordonnance de 1667 ? Ce terme ne pouvoit
pas être dans la signification du jugement pi’éparatoire,
puisque la loi du 3 brumaire an 2., ne passoit pas en
taxe cette signification. La dame B a n tin n ’é to it pas
obligée de prendre céd u le, et de la signifier au citoyen
P r o s t , pour faire courir le délai d’enquêter. L a cédule
n’étoit nécessaire que pour assigner les témoins :(art. I V
de la loi de brumaire ). Quand on n’a pas de témoins
à assigner, il ne faut pas de cédule. L e citoyen Prost
étoit chargé de la preuve directe. Il ne la faisoit pas.
L a dame Bantin étoit dès-lors dispensée de faire une
contre-enquête. Donc point de cédule à prendre et à
faire signifier par elle au citoyen Prost. E n sorte que
n’y ayant pas, suivant lu i, de moyen de faire courir
son délai, il auroit été perpétuel. Pensée ridicule!
Enfin , le jugement du 28 thermidor an 7 , a été signifié
4« citoyen P rost, le 4 pluviôse an 8 ; tout au moins
K
�C 74 )
fauclroit-il compter le délai d’enquêter', à partir de ce
jour là. L e citoyen Prost a laissé écouler beaucoup plus
que la huitaine.
Dira-t-il qu’il en a interjeté appel ? Mais son appel
n’est que du premier germinal an 8 ; il est postérieur
de cinquante-six jours à la signification du jugement in
terlocutoire. A u temps de son appel, la fin de non en
quêter étoit o p é r é e , et il n’y avoit plus moyen d’y
revenir.
.
. Si le citoyen Prost avoit eu vraiment l’intention et la
puissance de faire sa p reu ve, aussitôt la signification da
•4 pluviôse an 8 , il auroit formé opposition au jugement
du premier frimaire, qui n’étoitque par défaut; il auroit
ensuite demandé de faire entendre ses témoins. Ce n’est
pas que l’on croye qu’il eût réussi, parce que déjà la fin
de non recevoir étoit parfaite r mais il auroit eu aum oins
une apparence de raison, tandis qu’en ce moment il ne hii
reste aucune ressource.
-
Sur les objets de compensation du citoyen Prost, la
discussion de la dame Bantin nous paroît exacte, quant
à ceux Godeau, M o re a u , V illa rd , L am ou reux,Sallard,
les augustins de M oulins, B oulard, etc.
Quant à celui des 5,000 francs assignats Mauguin, il y
a faux e t mauvaise foi de la part du citoyen Prost.
Pour les objets vendus par l’huissier C avy, le 29 prairial
an 6 , la dame Bantin a prononcé contre elle-même comme
l’auroit fait le tribunal le plus sévère; elle a portédans
son état ces objets c o m m e s’ils existoient encore; elle a
offert de déduire sur sa créance le montant et de ces effets,
�( 75)
et des autres, ou sur le taux de 2,000 francs, ou à dirè
d’experts. Cela est juste et raisonnable. Si ces effets avoient
disparu en totalité, qu’auroit pu demander le citoyen
Prost ? leur valeur. O n lui offre 2,000 francs pour cette
valeur : s’il ne veut pas cette somme, il faut en passer par
une estimation; c’est la règle qu'on suit tous les>jours.
A u moyen de la renonciation à la communauté, au
moyen de la clause exprimée au contrat de mariage du
2 juillet 178 7, par laquelle, en cas de non enfans, toute
la communauté est au citoyen Prost, la dame Bantin ne
doit point perdre la somme de 100 francs par elle con
fondue dans la masse de la communauté. Eu effet, ce
contrat porte que, dans le sens de la renonciation à la
com m unauté, tout ce que ledit sieur f u t u r époux aura
reçu d’e lle , ou à cause d’elle,, lu i sera rendu et res
titué. fr a n c et quitte des dettes de la com m unauté.
M . A u r o u x , s u r l'a r tic le
C C X J L V I I d e la
c o u tu m e
de Bourbonnais, dit: « En renonçant à la communauté,
« elle ( la femme ) n’a droit de reprendre que la partie
*
«
«
«
«
de sa dot quelle a stipulée propre, et non l’autre partie
qui est entréo dans la communauté, à m oins q u elle
lia it stipulé dans son contrat de m a riag e, q u elle
reprendra , en renonçant à la com m unauté, tout ce
q u e lle y aura apporté. »
D e ceci il suit que la dame Bantin , ne devant pas
perdre cette somme de 100 francs, elle n’est pas obligée
de la déduire sur sa créance,
A l’égard de la cession et subrogation que le citoyen
Prost prétend lui avoir été consenties avant son mariage,
par la dame Bantin, de tous les meubles et immeubles
K 2
�(
7e
)
de cette dernière, non-seulement il y a faux matériels,
mais encore le citoyen Prost est contredit par lui-même.
D ’abord, le citoyen Prost ne rapporte pas les cessio?i
et subrogation ; cela suffiroit pour écarter sa prétention.
Il est vrai qu’il dit qu’elles étoient sous seing p r i v é ,
et que p e n d a n t son absence la dame Bantin les lui a
volées ; mais il est difficile de croire q u e , lors de son
départ, le citoyen Prost les eut laissées dans son domicile
à M oulins, et sous la main de la dame Bantin en la
quelle il n’avoit aucune confiance. Il met des papiers
dans un porle-manteau ; il remet le porte-manteau au
citoyen Mauguin. T o u t le monde doit induire de ce fait,
que là sont ses papiers les plus précieux. Aujourd’hui il
produit des mémoires et des lettres peu conséquens : et
il auroit négligé de mettre aussi en lieu de siireté des
actes sous seing privé infiniment importans ! cela est in
vraisemblable.
E n second l i e u , il faut mettre à l’ é c a rt la copie de
mémoire à c o n s u lt e r , é c r ite delà main du citoyen Prost:
il faut la r e je t e r , parce que la première feuille n’est pas
la vraie ; elle a été changée. Il y a un faux matériel qui
saute aux yeux ; il est exactement décrit par la dame
Bantin. Entre cette copie et le projet du m ém oire, il y
a , dans les deux litres de ces pièces, une différence trèsconsidérable, une différence toute à l’avantage du citoyen
Prost; cela n’est pas étonnant, puisqu’il tenoit la plume,
puisqu’en changeant la première feuille , il a é té le maître
d’écrire tout ce qu’il a voulu dans la nouvelle feuille.
Dans le titre de sa copie de mémoire , le cit. Prost
a mis des choses qui n’étoient pas dans le mémoire lui-
�. #C 77 )
même. Dans la co p ie , il fait reconnoitre formellement
par la dame Banlin, qu’en juin 1787 la dame Bantin
lui avoit fait, sous seing p r iv é , cession et subrogation
de tous ses biens meubles et immeubles, et qu’ils étoient
tous compris dans sa dot de 27,000 francs, clioses qui
ne sont pas dans le titre du mémoire lui-même.
E n repoussant, comme on doit le fa ire , cette copie,
il ne demeure plus que le mémoire ; mais il faut faire
bien attention aux altérations qui y sont, et il semble
que le titre de ce mémoire doit être rétabli ainsi qu’il
suit :
« M ém oire su r différentes-propriétés en biens fo n d s ,
« provenantes d’un partage des successions de défunts
« Pierre Filion-Bantin et de dame Louise Pierre son
« é p o u s e , lesquelles propriétés ont été taxativem ent ou
« nom inativem ent transmises en m ariage, pour consti« tution de d o t , par moi M a r i e - A n n e Filion-Bantin,
« veuve en premières noces de feu Nicolas Bonchrétien,
« résidante à Gosne en Bourbonnais, actuellement épouse
«
«
«
«
du sieur P rost, chirurgien, qui les a subsidiairem ent
acceptées, ainsi que la remise et transmission des titres
et actes qui ic i sont actuellem ent nécessaires pour
chacune d'elles. »
Remarquons ici ces termes, différentes propriétés. Celui
différentes désigne certaines propriétés, mais non la gé
néralité des propriétés de celui qui parle ; ainsi, dans
l’espèce, les mots différetites propriétés indiquent les pro
priétés qui formoient le sujet du litige entre le citoyen
Prost et le citoyen Jean-Baptiste Bantin. Si dans le fait
tous les biens meubles et immeubles de la dame Bantin,
�( 78 )
nvoient été fondus dans la constitution de dot de 27,000 f.
on se seroit servi d’expressions indéfinies.
L ’adverbe taxatiçem ent ou lim itativem ent signifie
que la. transmission n’étoit pas générale, qu’elle embrassoit seulement tels et tels objets.
Les mots rem ise et transm ission des titres et actes q u i
ic i sont actu ellem en t nécessaires , prouvent que tout se
r a p p o r t o i t uniquement à l’objet de la contestation d’entre
le citoyen Prost et le citoyen Jean-Baptiste Bantin.
Dans celte position, on peut faire au citoyen Prost
ce dilemme : O u il n’existe pas de cession et subrogation,
ou il en existe une. Dans le premier cas, point de diffi
culté; dans le second cas, vous l’avez sûrement. Vous ne
la produisez pas, parce quelle est limitative; elle n’em
brasse que tels et tels objets : cela résulte du préambule
du projet de m ém oire; cela résulte bien plus fort des
faux matériels. C a r , pourquoi ces faux ? si ce n'est pour
déguiser la v é r it é , et vous faire des titres qu’on n’a jamais
eus. Mais v o u s ne p o u v e z p as rétendre au delà de ses
limites.
N ’importe que par le contrat de mariage du 2 juillet
17 8 7 , la dame Bantin ait déclaré que sa dot consistait
seulement en effets mobiliers. Cette déclaration ne dé
truit pas le fait positif 5 qu’outre les 27,000 francs, elle
avoit en propre une maison à Cosne, et une maison
à Moulins. Il en résulterait seulement qu’elle n’avoit mis
en dot que les effets mobiliers, (parm i lesquels étoit la
dette de Jean-Baptiste Bantin, dérivée de la vente immobiliaire de 1 7 7 3 ) , qu’elle n’avoit mis en dot que 27,000 fr.
et que le surplus étoit parapliernal, à l’abri de l’usufruit
marital du citoyen Prost.
�(7 9 )
Enfin dans le sens de la mobilisation des biens im
meubles de la dame Bantin , dans le sens de leur fusion
absolue dans la somme de 27,000 francs , la dame Bantin
n’en auroit plus eu aucun. T o u t auroit appartenu au
citoyen Prost. Cependant celu i-ci , dans son écriture
du 2 thermidor an 9 , lui demande raison, 1 °. des
jouissances qu’elle a faites dans ses propres immeubles ;
20. des réparations et améliorations qu’il prétend avoir
faites dans les immeubles de la dame Bantin. D e là suit
l’aveu bien exprès que cette dernière a toujours des
immeubles. Ces immeubles sont la maison à Cosne et
celle à Moulins. L a dame Bantin a pris acte de cet
aveu. Il est irrévocable, et d e là la conséquence de plus
fort que le citoyen Prost ment à sa conscience, en pré
tendant que ces deux maisons appartiennent à lui.
DÉLIBÉRÉ à R i o m , le 24 brumaire an 11.
G O U R B E Y R E .
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — An 11.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Filion-Bantin, Marie-Anne. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
divorces
séparation de biens
séparation de corps
coutume du Bourbonnais
communautés de biens entre époux
renonciation à succession
violences sur autrui
pension alimentaire
officier de santé
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour Dame Marie-Anne Filion-Bantin, veuve de Nicolas Bonchrétien, habitante de la ville de Moulins, intimée ; Contre Pierre-Claude Prost, officier de santé, habitant du bourg de Souvigny, département d'Allier, appelant.
Annotation manuscrite : arrêt du 4 germinal an 11, 1ére section.
Table Godemel : Appel : 4. l’appel d’un jugement donnant acte à la femme divorcée de sa déclaration qu’elle renonce à la communauté, et que cette renonciation n’est pas faite en fraude des créanciers, est-il recevable de la part du mari qui a fait signifier le jugement avec sommation de l’exécuter, sous toutes réserves ? peut-il encore, étant interjeté plus de trois mois après la signification ? 5. l’appel d’un jugement contradictoire qui a ordonné une affirmation est-il recevable, lorsqu’il a été interjeté postérieurement à la signification du jugement portant assignation pour voir faire l’affirmation, et 45 jours après que l’affirmation ait été prêtée ? Renonciation : 6. l’appel d’un jugement donnant acte à la femme divorcée de sa déclaration qu’elle renonce à la communauté, et que cette renonciation n’est pas faite en fraude des créanciers, est-il recevable de la part du mari qui a fait signifier le jugement avec sommation de l’exécuter, sous toutes réserves ?
la renonciation ayant été faite judiciairement et contradictoirement avec le mari, est-elle régulière si le procureur du Roi n’a pas été entendu lors du jugement ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1788-An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
79 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1401
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Souvigny (03275)
Moulins (03190)
Bourbon-l'Archambault (03036)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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communautés de biens entre époux
coutume du Bourbonnais
divorces
officier de santé
pension alimentaire
renonciation à succession
séparation de biens
séparation de corps
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53242/BCU_Factums_G1502.pdf
909b27e6f454feb8207dae025e0f2c10
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Text
ai
COUR
D ’A P P E L
SÉANT
%»' » iu<«k iir
A RI OM.
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
Jeanne
L
A
VALLA, et E l i s a b e t h FERRIER,
sa fille , majeure intimées.
,
recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. D ans ce secret de
la nature , le législateur ne p o u v o it que s’en rapporter à
la crédulité de l’ h o m m e , ou se jeter dans le vagu e des
conjectures : le prem ier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nom m er son p è re
que celui qui a vo ulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�1
( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l ’eiTet
^
spontané de la réflexion , le bu t m oral de la loi n’existe
plus.
* - *'* -uXLî^ g\
L ’appelant réclam e contre l ’oubli de ces p rin c ip e s, et se
place sous la protection de la c o u r , p o u r faire annuller un
***'
acte in fo r m e , auquel on l’a fait participer par la violence ;
4
il demande à n’être par foi’pè île rçcpnnqître un enfant. ' ',
•
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U fX«rilÉi)
qui ne fut jamais le sien.
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^
^
L es premiers juges n ’ont pas vo u lu admettre là jîreuve*«'^ >*u
q u ’il étoit à m êm e d ’o ff r ir ; et si cette o p in io p ,'p o y v o it ^ .*
p ré v a lo ir , il en résulteroit que , contx;e ,le-*vœu'de i« l a i f
un h o m m e donneroit son nom m algré lui à u n 'e n fa n t
**••?
n a tu r e l, seroit contraint de prendre soin d’un étrtfng^r,-' *- >
et de lui laisser sa succession.
. ;
*" '
F A I T S .
Jeanne Valla^ et Elisabeth F e rrie r, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t , m airie de Cham bon. L eu rs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C h a v e ,
qui demeure à la distance d ’environ une lieue de leur
domicile.
Son â g e , plus avancé m ôm e que celui de la m ère, ne lui
eût donné aucun prétexte de se rapprocher de la fille. U n
séducteur à ch e v e u x blancs est ra re ; au village il ne connoît pas l’oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Clia ver
lorsque tout d’ uu coup il s’est trouvé m êlé à leur destinée
**
�(3)
SU
p ar une de ces sourdes m anœuvres que l ’enfer seul peut
faire concevoir.
U n matin à huit heures ( le 21 germ inal an 9 ) , Jacques
C have , m a la d e , est brusquem ent arraché de son lit par
deux frères de la fille F errier , suivis de trois autres jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyés
par le sieur de B an n es, m aire de C h a m b o n , et comman
dent i'i C have de les suivre dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et les suit.
L à il trouve Jeanne V a lla qui paroit en grande ç o l e r e ,
l ’accueille par des injures grossières , lui dit que sa fille est
a c c o u c h é e , depuis quinze j o u r s , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le récit de sa fille et de M . le m aire de
C ham bon , et q u ’il faut signer sur le cham p l’acte de
naissance.
C h a ve , étourdi d ’une vespérie aussi in a tten d u e, pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des f r è r e s ,
et les menaces de leurs trois hom m es d’esco rte, veut éle ver
la v o i x , et in v o q u er la notoriété p u b liq u e; des bâtons sont
levés contre lui p o u r toute réponse : il sollicite la justice
du m aire , mais le m aire le pren d à part p o u r lui dire
q u ’ il falloit céder à la circonstance, et que sa v i e .n etoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à C h a v e quel interet pres
sant le m aire lu i- m ê in e avoit a ce que la calom nie eut
une direction certaine.
O n com prend alors que cette derniere insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efFace quelques mots, en subs
titue d’a u tre s , et remet une plum e à C h ave : une seconde
résistance am ène de nouvelles violences. I l fait enfin ce
q u ’ on exige ; il signe.
�(4)
E n sortant de chez le m a ire , les satellites le mènent au
cabaret, se font donner ù b o ire , le forcent à p a y e r, mettent
l ’enfant dans ses bras , lui font les pins horribles menaces
s’il dit un m ot ; et se retirent.
Sans doute il m an gu e à ces faits beaucoup de circons
tances
importantes ; mais C h a v e , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre de r é flé c h ir ? L a plupart de ces détails ont
échappé à sa m é m o ire , ou plutôt à son attention».
Enfin C h a y e , revenu de son étourdissem ent, p ut réflé
ch ir sur les conséquences de l ’acte qu ’on venoit de lui
e x t o r q u e r , et sur le parti q u ’il avoit à prendre.
L a dém arche la plus pressée et la plus indispensable,
étoit de se débarrasser de l ’innocente créature q u ’une
m ère dénaturée avoit rejetée de ses bras p o u r l'aban
don ner aux. soins d ’un étranger. C h a v e hésita s’il la
r d p p o r te r o it, dans la n u i t , à la porte des F e rrie r : cepen
dant la l’e l i g i o n , l’hum anité , peut-être la terreur pourlu i-m è m e , l’em p ortèren t sur son d é g o û t , et il fit porter
l’enfant à une nourrice.
M a is aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte au juge de p a ix de T e n c e ; le juge de p a ix le
ren voya au magistrat de sûreté : mais com m e la plainteéloit dirigée aussi contre le m a ir e , les autorités délibé r è r e n t , et ne résolurent rien.
C h a v e in q u ie t , et ne voulant pas que son silence p ût
d éroger a son d r o i t , se décida à citer, le floréal an 9 ,
5
tant Jeanne V a lla et sa fille , que le m aire lui - même-,
p o u r v o ir dire q u ’il seroit restitué contre la reeonnoissince de paternité qui lui avoit élé extorquée p:ir la
v io lé iit e , et que le m aire seroit tenu de rayer du registre
�3ï
XO>
( 5 >
ce qui concernôit ladite reconnoissance •, et la m ere et
la iille p our être condamnées à reprendre l’e n f a n t , payer
ses alimens chez la n ourrice , avec dommages-intérets.
O n pense bien qu’au bureau de p aix la fille F e rrie r
ne manqua pas de faire la réponse d’ u sag e, qu ’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et q u ’elle
seroit en état de p ro u v e r les familiarités de C h ave avec
elle ; celui-ci l ’en d é fia , et ajouta m êm e q u ’il offroit de
p ro u v e r c e u x avec qu i elle avoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d ’a u t r e , puisqu’il
n’èst permis de rien p ro u v e r
et la fille F e rrie r ne
risquoit rien à faire b onn e contenance. Q u o i qu'il
en
s o it, un p rem ier ju g e m e n t, du 28 p luviôse an 1 0 , m it
le m aire hors de p ro cès, com m e ne p o u v a n t être juge
sans au torisation , et a p p o in ta les autres parties en droit.
Cet appointement ne fournit pas plus d’éclaircisse
ment. C h a ve persista toujours à offrir la p reu ve de la
violence exercée contre lui -, et les femmes F e r r i e r , q u i ,
au bureau de p a i x , n’a voien t paru a vo ir aucune crainte,
firent leurs efforts p o u r soutenir cette p reu v e inadmis
sible. L e u r système p r é v a lu t ; et le 14 fructidor an 1 0 ,
le tribunal d ’-Yssengeaux rendit le jugem ent qui suit.
.1
« Considérant que l'article 2 du titre 20 de l'ordonnance de 1GG7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux actes publics; qu'à la vérité la force, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves, qui feroient craindre pour la vie nietus rnortis,
ou que la partie obligée auroit souffert ‘cliarte privée, ainsi que*
Renseignent Domat en ses Lois civiles, et Potlûtr en son T ra ité
des obligations;
�7
( 6 )
» Considérant que Jacques Chave n ’a articulé qu’il lui ait été
fait aucune menace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son domicile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoilre pour lui appartenir reniant d o n t s’éloit
accouchée Jsabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier domicile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’cn seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant C h ave avoit offert expressément de faire
p reu v e de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit p riv é alors d ’un m oyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite aloi*s au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B a n n es, m a ire , qui avoit trop d ’intérêt
à en cacher l’irrégularité p o u r la faire soupçonner. A u
reste, C have s’est p o u rv u en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être p o u r la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêm em ent dure
contre les enfans naturels; et cependant, par une étrange
inconséquence., elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jo u r d ’hui la loi a fait p o u r eu x
davantage : mais sans v o u lo ir percer le mystère qu i
cou vre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences; .elle ne vo it dans
l ’enfant né hors le mariage q u ’ une innocente créature
�^ / 7
/
digne de la pitié de tout le m o n d e , mais ne tenant à la
société que par celle qu i lui a donné le jour. Si cepen
dant un hom m e , gu id é par des apparences q u ’il a ie droit
djapprécier lui - m êm e , et cédant à l’impulsion de sa
conscience,
veut se don ner le titre de p è r e , la loi le
lui p erm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mai’iage :
mais com ptant p o u r rien aujourd’hui toutes les démons
trations exté rie u re s, elle exige une déclaration authenti
que et non éq u iv o q u e ; elle prescrit à l’acte une solen
nité plus grande que p o u r la naissance m êm e de l ’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, q u ’elle a ôté
tout prétexte à l ’astuce, et n’a laissé de voies q u ’au faux
ou à la violence. M ais à q u i peut être réservée l ’une ou
l ’autre de ces vo ie s criminelles ? Ce n’est pas à la fille tim ide
q u i , rougissant encore d ’ une prem ière foiblesse, et par
tagée entre l’am ou r de son enfant et la honte de sa nais
sance, n’en ose no m m er le père que dans le secret de son
c œ u r, et se fait l ’illusion de penser que le mystère dont
elle s’en velop p e la p rotégera contre l ’o pin ion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes d é b o u t é e s , qui ne voient
dans la prostitution qu ’ une h a b itu d e , dans leur avilisse
ment q u ’ un éta t, et dans leur fécondité qu’ un acciden t?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’elles déféroient
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacriiices pécuniaires aux homm es qui leur
étoient souvent les plus étrangers , mais q u ’ép ouvanloit
la perspective d’ une honteuse et p ublique discussion. Si
on leur laisse en trevo ir aujourd’hu i une tolérance queU
�(; » )
c o n q u e, que leu r coûtera-t-il de tenter d’autres voies p ou r
en ven ir aux mêmes lins? E t s’ il est près de leur demeure
un citoyen paisible, q u i, p ar ses mœurs douces et réglées,
puisse passer p o u r pusillanim e, quelle difficulté y aura-fc-il
de répandre adroitement que c’est là le c o u p a b le , d’ip téresser contre lui qu elqu e personne c r é d u le , de l’effrayer
lu i-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ameuter s’il
le faut ceu x qui ont un intérêt réel <iu succès de la n é g o
ciation ! Jadis il falloit des témoins,«aujourd'hui il ne faut
q u ’une simple signature; tout cela p eu t s’exécuter avec
rapidité : ce n’est q u ’un changem ent de com plot.
Heureusem ent cette rapidité m êm e ne laisse pas au
crim inel le calm e de la réflexion : souvent scs fautes le
trahissent, e t , quelques légères qu ’ elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’ ellesne
sont pas un simple résultat de sa n égligen ce, mais q u ’elles
ont é c h a p p é à l’excès de sa précipitation.
C e u x qu i ont gu id é la fille F e rrié r dans ses démarches
n ’ont pas visé à l’exactitude ; la co u r en sera convaincue
bientôt par la form e de l’acte de naissance qui fait son titre.
U n e seconde décou verte la convaincra encore q u ’il ne
s’agit point ici de ré p a r e r , envers une fille s é d u ite , des
torts que la m alignité suppose toujours. L a fille F errier
a , le 20 prairial an n , donné une n ouvelle p reu v e de
sa con tinence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è r e , que l’acte apprend m êm e avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que p our cette fois la m ère et la fille
Fen-ier aient jugé à propos de réunir un conseil p o u r
disposer du nouveau n é , et lui élire un père ù la p lu
ralité
�(?)
ralité des suffrages; il est vraisem blable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
• Q u o i q u ’il en soit, et soumettant cette découverte p ré
cieuse aux réflexions de la cou r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lo n g -te m p s , et se contentera d’observer
q u ’ il n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité q u ’on lui a fait sig n er, et au surplus que les faits
-de violences articulés suffiront p ou r la détruire. C ’est à
l ’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i ° . L a d éclaration de "paternité n e s t pa s légale.
Ija lo i du 12 bru m aire an 2. s’occupoit de trois espèces
d ’enfans naturels, après a vo ir décrété en principe qu ’ils
^toient successibles.
i° . C e u x dont le p è r e é t o it d é céd é , et il leu r suffisoit
de p ro u v e r une possession d’ é t a t , par des soins donnés
à titre de p a te rn ité , et sans in terru p tion ; 2°. xles enfans
d ont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
C o d e c i v i l , et leur état civ il y étoit re n v o y é ; 3 0. de ceu x
dont la m ère seule seroit décédée lors de la publication
d u C o d e , et alors la reconnoissance du p è r e , faite devant
l ’oilicier p u b l i c , rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’ un enfant de la seconde espèce ; et le p ré
tendu p ère , quel qu ’il s o i t , de m êm e que la m è r e , sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle
urgence y a v o i t - i l de
p réve n ir la publication du Code civ il , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s , et q u ’ello
B
�ajournent au contraire ? N ’a percevroit - on pas déjà le
do l dans cette extraordinaire p révoyance ?
D ira -t-o n que le Gode civ il prescrit aussi une décla
ration au th en tiqu e, et q u ’ on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? M ais qui blâm era les législateurs de l’an 2 ^
d ’a vo ir vo u lu p r é v o ir q u e leur système ne seroit peutêtre pns celui du C o d e civ il ? qu i leur reprochera d’a v o ir
supposé que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de maturité , et de s’être défiés de le u r
p rem ie r système sur une innovation aussi im p o rtan te?
Ils vo u lu ren t rég le r le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la lo i transitoire du 14 floréal an 11 ,
nous apprennent assez q u ’il n’y a eu , dans l ’intervalle d e
l ’an 2 à l ’an 1 1 , aucune législation touchant les enfans
naturels. L es bulletins de la c o u r de cassation sont aussi
rem plis d’arrêts qu i ont cassé tous les jugeinens dans lestjuels les tribunaux avoient vo u lu r é g l e r , m êm e p r o v i
soirem ent , le sort de quelques enfans n a tu re ls, pendant
cette lacune d e n e u f ans.
Il ne p o u v o it donc être question d e fixer l ’état d e
l’enfant d ’Elisabeth F e rrie r q u ’après le Code c i v i l , dont
l ’art. 334 p orte que la recounoissauce sera faite par un acte
a uthentiqu e, si elle ne l’a pas été par l ’acte de naissance.
M ais fût-il indifférent q u e la rcconnoissance contestée’ „
•ait été faite avant ou après le Code c iv il, m algré la sus
pension totale e x ig é e par la cou r d e cassation , et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n ’en est pas
moins ir r é g u liè r e , car elle n ’est faite ni par l’acte d e
naissance lu i-m êm e, ni par un acte séparé authentique*
V oici com m ent cet acte est littéralement écrit au registre*
�c » î
A c T I
D I
N à Î S S A S C I i
rt D u huitième jour du mois de germinal, l’an 9 de la répu« blique française. A cte de naissance de Jacques^ f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et on y a substitué au-dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e u , que l’ on a encore effacé, et l ’on a écrit à côté G11 a v e . ),
» né hors de mariage, né le septième jour du mois de germinal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeiu Ferrier, non mariée, domi» ciliée du lieu de la Marette, susdite commune, et Isabeau Ferrier,
» non mariée; le sexe de l’enfant a été reconnu u n e ( On a couvert
» d’encre la lettre e . ) f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant à C iiam bon , département de
» la H a u te - L o ir e , profession de cultivateur, âgé de irente-neuf
» ans; second témoin, Pierre Rue], demeurant à C h a m b o n , dé-*
u partement de la H a u t e - L o ir e , profession de tailleur d ’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
» Marie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit le
» sus-nommé Jacques Feuuieu ( C e mot est raturé, et l’ on a mis
y> au-dessus, dans l’ interligne, C iia v e. ), portant l e n o m d e sa
» m è r e ( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
» l e n o m d u p è r e . ); et ont la déclarante ne savoir signer, et les
» témoins signé. Ferrier, R u e l, signé à l'original. »
« Ledit Jacques Chave père reconnolt ledit Jacques son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le reconnoit pour son
»> véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -f* Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la commune de Cham bon, fai» sant les fonctions d ’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
“
Et de Pierre C allon , et de Jean-Pierre Fresclict, et de Jeanw Pierre Ferrier ; et dit Jacques Ghavd a signé avec les tcmoin$.
13 2
�_»
t
(
)
» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer , C liave,
» R io u , Freschet, Fcrrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
■
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecture
de la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident q u ’il puisse l ’ê t r e , que cet acte se
compose de deux parties Lien distinctes , qui në sont pas
d ’un m êm e c o n t e x t e , ne sont pas l’ouvrage du m ê m e
m o m e n t , et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i° . A c t e de naissance bien parfait et très en r è g le , d’un
enfant né dyls a b e a u F e r r ie r , s a n s m en tion d u p ère.
O n lu i donne le nom de sa mère. Il y a deu x témoins
de cct a c te , Josep h F e rrie r et M a rie R u el. L ’acte est
donc com plet : le v œ u de la lo i d u 20 septembre 1792
est rem pli.
,
2°. V ie n t ensuite une déclaration de C h a v e , qui est à
la suite du p rem ie r a c t e , et qui a exigé des surcharges.
M a is p e u t - o n , de bonne f o i , y v o ir un acte authen
t i q u e , une reeonnoissance de paternité telle q u e la loi
la com m ande et que la raison la c o n ç o it ?
Cet acte n’a aucune date , parce q u ’en effet il a eu
lie u
le 21 g e r m i n a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Com m ent supposer en effet q u e celte déclaration
finale fait partie de l’acte du 8 ? Les témoins dénommés au
.prem ier u c signent pas la déclaration.
�/
37
( 13 )
O n a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire i*ien ap p ro u ver aux prem iers témoins. L e maire
se u l ap p ro u ve t o u t , m êm e ce q u ’il lui plaira de raturer
e n c o re ; les autres t é m o in s , C h a v e l u i - m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de p rin cipe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n ’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre p rin cipe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance q u ’ils aient; c’est que les tém oins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le f r è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n ’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et m êm e acte, les uns l’ont signé
au m ilie u , et d’autres à la fin : chose bizarre et rid ic u le ,
qui ne peut s’a llie r avec la g r a v ite de l ’acte qu’on prétend
maintenir.
Q u e p e u t - i l résulter d’un acte de cette e s p è c e , si ce
n ’est de la pitié p o u r ses ré d a c te u r s , et une conviction
intime que ce n’est pas C h a v e qu i est allé déclarer la n a is
san ce d’un enfant com m e s’en disant le père ?
L e but de la lo i n’est donc pas rem pli ; car dans qu elqu e
form e que dût être une reconnoissance de p a te r n ité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rtic u lie r, daté lu i- m ê m e , et
qui 11e fût pas réd igé dans une form e ayant p o u r but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous q u e l ’article 334 du Code civ il dilt
que la reconnoissance sera faite p a r l’acte de naissance,
«u p a r un acte ath en tiqu e; à qu oi l’article 62 ajoute que
la c té de reconnoissance sera inscrit sur les registres n sa
date y et q u ’il en sera lait m ention en m arge de l’acle de
naissance.
f-V
�7
C «*
B.appelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter p o u r rien les reconnoissauces antérieures
au c o d e , quand l ’auteur est vivant. Il en est de cela com m e
des testamens antérieurs à l’an 2, q u ’ il falloit refaire p o u r
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. L a loi
a eu ici un but plus m oral : les changernens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l ’im portance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
p o u r tant d’autres actes! U n seul m o t é q u iv o q u e en un
testam ent, détruit toute la volon té d’ un père de fam ille;
u n e donation exige encore des formes plus m ultipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans qu e celui où il s’agit
de transmettre sou nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
e n c o r e , de vaincre l ’opinion et de surm onter sa p ro p re
répugnance ? D ’ailleurs , p o u rq u o i 11e p ourrion s - nous
pas dire p o u r un tel acte ce que R ica rd dit des tcstam ens,
« q u e toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leu r solennité consiste dans les formes ? »
A u jo u r d ’hui il faut y ajouter une v é rité bien c e r t a in e ,
c'est que la seule supposition q u ’un h o m m e est tenu et
obligé de se charger d ’ un enfant naturel sans sa libre
v o l o n t é , est incom patible avec le système indubitablem ent
reçu sur la législation des enfans naturels.
20. Cette d écla ra tion de p a tern ité est n ulle , s 'il y
a
violen ce. L e s f a i t s a rticu lés suffisent. L a preuve en
est a d m issible.
On est extrêmement sévère dans le monde pour ju ger
�5
( i
)
des eiTets de la p eu r d’autrui ; e t , quand on en com
mente les p articu larités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu ’ on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à rég ler p o u r soi-m êm e;
c a r , en d e u x cas semblables , le m êm e in d ividu se c o n dui roit rarem ent deux fois de la m êm e manière. M ais
celui q u i raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il ra is o n n e , tandis que le p rem ier elfet de la terreur
est d ’absorber toutes les réflexions / p o u r ne laisser place
q u ’à une seule id éed om in an te, la conservation de soi-même.
Q uelques auteurs , partageant sur ce point les idées du
v u lg a ir e , sem bleraient aussi se m on trer difficiles à ad
m ettre la p lup art des excuses fondées sur la crainte. 11
faut d is t in g u e r , d is e n t - ils , la cra in te gra ve et la crainte
l é g è r e , et on ne peut tro u v e r de m oyen rescisoire q u e
dans celle qui su ffiro itp o ur ébranler la ferm eté de l’h o m m e
le plus in tré p id e , m etus n o n v a n i h o m in is , sed q u i in
1
h om in etn co n sta n iissim u m c a d a i, . 6 , fF. Q u o d m etus
causa.
Ces a u te u rs, s’en tenant à une lo i isolée démentie p a r
beaucoup d’autres, n’ ont pas v o u lu ap ercev o ir, dans cette
rigueur étrange, un m on u m ent de la iierté romaine plutôt
qu’une règ le générale. Ce p e u p le , qu i avoit détruit le
tem ple é le v é p ar T u llu s à la C ra in te , n’ éto it, en la pros
crivant p ar ses lois, que conséquent avec lu i-m êm e . Sous;
un système de conquêtes sans b o rn e s, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel rom ain p ou vo it allégu er u n e
crainte lé g è re ! E le v é dans les carpps, son excuse m êm e
eut consacré sa houle , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d ’uu soldat.
�L a France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l ?c*ût créée e lle -m ê m e , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des m axim es nationales; la théorie
principale des lois consiste à les a p pro p rier au x mœurs
de ceux q u ’elles doivent régir.
G ardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
de m esure; ne nous obstinons pas à tro uver un Scévola
dans un laboureur tim id e , qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
L es auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D o rn a t surtout, à qui les premiers juges ont fait
Finjure de prêter une opinion si contraire à son discer
n e m e n t, D om at , dont l’ouvrage im m ortel n ’est que le
précis des lois rom aines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que p o u r en blâm er la rudesse.
« N ous avons v o u l u , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit rom ain parmi celles de cette sec« t i o n ......... T o u tes les voies de fait, toutes les violen ces,
■
v toutes les m enaces, sont illicites; et les lois condam« lient non-seulement celles qu i mettent en p éril de la
k vie ou de quelque tourm ent , mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut rem arquer
« que com m e toutes les personnes n ’ont pas la m êm e
« fermeté p o u r résister à des violences et â des menaces,
ce et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, q u ’ils 11e
« peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
« un n e d oit pas b o rn er la p rotection des lo is con tre les
« m en a ces
�/-«
4 ^
( ij )
« m enaces et les v io le n c e s , à ne réprim er que celles
« q u i so n t capables d ’abattre les personnes les plus
« intrépides ; mais il est juste de p rotéger aussi les plus
« tim id es............
« 11 est t r è s - j u s t e , et c ’est -nôtre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m êm e qui
« ne v o n t pas à de tels ex c è s, et qu’ on répare tout le
« préjudice que peu ven t causer des violences qui enga« gent les plus foibles à qu elqu e chose d’injuste et de con« traire à leur intérêt : ce qu i se tro u ve m êm e fondé sur
« quelques règles du droit r o m a i n ............et ces règles
« sont tellement du d ro it n a t u r e l, q u ’zV ne p o u rro it y
« a v o ir d ’ordre dans la so ciété des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces
étaien t réprim ées. » ( Sect. 2 ,
des vices des c o n v e n t i o n s , p ré a m b u le .)
•’
Il est peut-être inu tile, après a vo ir cité D o m a t , de faire
d’autres recherches ; mais les prem iers juges ont encore
fait l’ injure à P o th ie r de lui prêter des principes qui ne '
sont pas lës siens.
•
Cet auteur cite les lois ro m a in e s , et par conséquent
les rappelle
lelles q u ’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que « le p rincipe qui ne
« connoît d’autre crainte sufTisante p o u r faire pécher un
« contrat par défaut de lib erté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’hom m e le plus c o u r a g e u x , est
« trop r ig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous à la
« lettre ; on d o it, en cette m a tiè r e , a v o ir égard à l'â g e,
« an se x e et à la con d itio n des personnes ( i) ; et telle
( «) Expressions copiées mot pour mot en l'art. 111 a du Code civil.
c
�C 18 )
« crainte q u i ne seroit pas jugée suffisante p o u r a vo ir
« intim idé l ’esprit d’un hom m e d ’un âge m û r ou d’un
« m ilita ire , et p o u r faire rescinder le contrat qu ’ il aura
« f a i t , peut être jugée suffisante à l’égard d ’ une fem m e .
« ou d ’ un v ie illa r d , etc. » ( T ra ité des
page i re. , cliap. I er. , n°. 2 5 , in fin .)
obligations,
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d ’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-m êm es, q u ’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e , et q u i, au c o n traire, nous enseignent
ce que D om a t et P o th ie r vien nen t de nous apprendre.
T o u t consentement doit être l i b r e , disent plusieurs
lo is; e t, p o u r être restitué, il n’est p is besoin d’une v i o
lence c o r p o re lle , mais seulement d’ une crainte inspirée
à celui qui contracte; q u p a d ju sta m restitu tio n is ca u
sa/n n ih il refert u tràm y i an inetu q u is c o g a tu r . . , .
et q u o a d effecturn ju r is u tro b i deest c o n s e n s u s , a c
libéra volu n tas p a tie n tis , ut velle Ji,on videatur. L . 1 , 3 ,
7 e t ü , ff. q u o d m et. C. L . 1 1 6 , de r e g .ju r. ( in C o rv in o .)
Ces lois étoient bien- inoin§ dures, que nç l ’pnt sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la c ra in te , quand m êm e C h a ve auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée;, n on tatne/i ne cesse est des ig n a r e, perso n am
q u œ m etum in t a lit, sed s u jjic it p r o u a r e in c tiu n , q u ia
7/ietus habet in se ignorantiar//. f , . 14. ff. eod.
En lin , ce qui achève de convaincre que ces lois savole,nt
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des h o m m es,
cYst q u ’elles expliquent q u ’ il 11’étoit pas nécessaire de
p ro u v e r l'existence d’un danger- r é e l , mais seulement
�4 $
*
(* 9 )
'.
.
,
.
.
la crainte de ce d a n g e r , qui en elTet devoit detruire le
i)
consentement. S i ca u sa f u is s e t , c ü r p ericu lu m tim eret\
q u am vis p ericu lu m uerb n on f u i s s e t . . . . non con sid é-.
ra tu r e v e n tu s, sed ju s ta opin io.
e0l^‘
1
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr:1
A u lieu d’adopter l’antique rig u e u r d ’une lo i oubliée par*
les Rom ains e u x -m ê m e s , il a 4jugé que la crainte inspirée
à C h a ve n’avoit pas été un m o tif suffisant p o u r le con
traindre ; e t cependant il ig n o ro it jusqu’à q u e l'p o in tC h ave avoit été contraint ou menacé ; il l’ ignoroit ët ai
v o u lu l ’ignorer to u jo u r s , en refusant de s’ éclairer par uné'
p reu ve : cependant les faits articulés étoient graves. C h a v e
ofl’r oit et o iïïe encore de p ro u v e r ces f a i t s articulés", etnotam m ent,, i° . que le 21 g e rm in a l îcs frères F e r r ie r ’et*
d ’autres h o m m e s arm és de bâtons SOLlt'Venus c h e z 'l u i
2°. q u ’ils l ’ont forcé de se lev er et de les s u iv r e ,'e n le
m en açan t;
3 0.
que chez de Bannes ils se sont opposés
toute e x p lica tio n , l ’ont in ju rié, menacé et frappé*,
4°.
à*
que1
de Bannes l’a pris à part pour: l ’exhorter à céder à la fo r c e 1
et éviter un plus grand m a l; °. qu’on l’a fd rc é'd e Vëriir'
5
dans un cabaret, où on lui a remis un e n fa n t, avec de
nouvelles menaces.
M a is , a dit le tribunal d’Yssengeaux/, C lia v e 5, soiti dé'
sa m aison.et conduit chez le m aire, p o ù vü it récltfifrér.
■
C e seroit une réflexion b ieiyn atu rèlle, si les faits même'de la caiise n’ étoient déjà venus la détruire ; car ce m aire
lu i-m êm e étoit si peu disposé à user de son a u t o r ité ,'
qu’ il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé1
à l’événem ent.
’
I
1'
il
Muis à quelle protection , il faut' le d ire , auroit pu
�( ' 2 °- )
s’attendre un m alheureux à la m erci de c in q :individus ,
dans le domicile isolé d ’un m aire de v illa g e ? Battu à ses
y e u x , Chave p o u vo it-il se croire dans un asile in viola
b l e ? L e maire lu i-m êm e, l ’e x h o rta n t'à céder à la fo r c e ,
m.ettoit le com ble à sa terreu r, et déclaroit, ou sa p ro p re
c o m p lic ité , ou au moins son impuissance.
L ’acte le m oins im portant d e là v ie seroit vicié par une
semblable v i o l e n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incom patible avec la m oindre contrainte. U n
p ère de famille a contracté un engagement sacré envers
m*s enfans par son m a ria g e; mais c e l u i- l à m êm e qu i
auroit p rocréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien c iv il :.so n h o n neur et les sentimens de la
nature deviennent leu r unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. L es enfans naturels n ’ont point de
fam ille; tel est le langage d e là lo i : elle ne veut pas qu ’ils
en aient une. Q u an d leur père se nom m eroit hautem ent
dans le m o n d e , il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se. déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volon té seroit donc se croire plus sage
qu ’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’ un père , si elle consi
dère com m e un vice m oral de lui don ner un iils que
sa prop re vo lo n té cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’ idée révoltante q u ’ un h o m m e sera contraint
m algré lui^d’adopter un enfant dont il n’est pas le p è r e ?
Q u i lui donnera la force de supporter , dans sa de
m e u r e , la vue habituelle d ’une créaLure si étra n g è re,
placée là p ou r sa honte im m u a b le, sans aucune com pensatioU'SatisiaisantQ ? et qui oseroit répondre que dans
�4 > '
( 21 )
^
cette situation de d é sesp o ir, aigri p a r u n sentiment d’in
justice , il p û t assez maîtriser une fu re u r c o n v u ls iv e ,
q u i seroit tout à la fois le tourm ent de l’innocence
et
son p ro p re Supplice ?
E loign on s plutôt de vagues suppositions fondées sur une
p u re chim ère. L a p révo ya n ce des magistrats distinguera
la v é rité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne p o in t à u n h o m m e l ’enfant
q u ’il repousse avec m épris , qu and la lo i n’en fait pas
un devoir. L a c o u r doit p ron o n cer ici sur les consé
quences d ’un acte l i b r e , et tout p r o u v e q u ’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qu i donne lieu au procès. C h a v e ,
con d uit p a r la f o r c e , m enacé dans sa r o u t e , a signé
sous le bâton ; et, p o u r se s e r v ir des expressions de D o m a t,
si un consentement de cette espèce étoit jugé validç , ce
■seroit un a tten ta t a u d ro it n a tu re l ; i l n y a u r o it p lu s
d ’ ordre dans la so cié té des hom m es.
L a conduite d’Isabeau F e rrie r , l ’ép oque de ses co u -ches, c’est-à-dire, de celles qu i donnent lieu au procès,,
le c h o ix de ses croupiers , le lieu de la scèn e , la cir
constance q u ’ un acte de naissance a été c h a n g é , e t c . , tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , m a is.q u i sei’oient oiseuses, tant que la p reu ve
de la violen ce ne sera pas ordonnée.
Cette p r e u v e , sans con tred it, est adm issible; aucune
ordonnance ne la p r o h i b e ; et ce qui é to n n e , c’est que
les prem iers juges n ’aient pas v o u lu p ronon cer en connoissance de cause.
Il est possible que la m alignité toujours nvide de calom
nie , et toujours difficile ù d é t r o m p e r , prétende que C h a v e
�%
,
. .
( 22 )
n ’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth F errier
de ce dont on l ’accuse : mais il en prend le ciel à tém o in ,
cette fem m e lui fut toujours étrangère.
C h a v e , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se v o ir re v iv r e dans un fils qu ’il
croiroit le sien ; à son âge, et avec ses principes re lig ie u x ,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans m obiles ne
peuven t donc être vaincus 'q u e par quelque chose de
plus puissant e n c o r e , une conviction in tim e , une insur
m ontable répugnance.
Il ne demande pas à être cru sur p arole ; et si son
p rem ie r m oyen ne suffit p a s , il offre la p reu ve des v i o
lences qu i l ’ont forcé à donn er sa signature : et certes,
quand la cou r se sera assurée que C h a ve a été forcé de
sortir de son d o m ic ile , mené chez le m aire par cinq
h o m m e s , menacé et battu , elle a p p réc ie ra alors toute
la valeu r d’ une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F e rrie r sera
convaincue q u ’il ne lui est plus libre de faire de sa p ro
géniture une charge p u b liq u e , peut-être s’e fforcera-t-elle
d e mettre un terme a sa féco ndité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e . M A R I E , lic e n c ié avoué.
~
A R IO M , de l'imprimerie de L andriot , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 15.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
code civil
actes de naissance
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Table Godemel : Paternité : 1. la déclaration de paternité d’un enfant naturel est nulle, si elle a été arrachée par la violence. quels caractères doivent avoir les faits de violence ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1801-An 13
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0705
BCU_Factums_M0307
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53242/BCU_Factums_G1502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de naissance
Code civil
enfants naturels
Faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53298/BCU_Factums_G1624.pdf
ff54c01c21116f7d6524197ca4b92ba3
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P O U R le Sieur B r e u l , négociant, premier officier
municipal de l’ancienne municipalité du Bourg de
Viverols , chef- lieu de canton, accusateur et deman
deur ;
C O N T R E
le Sieur C ou h e r t , ci-devant agent des
affaires du ci-devant vicomte de Beaune ; le sieur Brauardfils ,
son clerc
D u p o rt,
Jacques Roux
boucher
et ses deux fils ; Laurent
cabaretier, et son fils ; Claude Midroy , charpentier ;
Antoine Lamartine , cordonnier; Jacques Chouvin , cabaretier;
George Suchet, journalier ; Pierre Jacon dit Picon , accusés
et défendeurs.
J ’ai été forcé , comme tant d’autres malheureuses vic
times de la méchanceté du sieur Couhert, de remettre
le soin de ma vengeance à la justice. Les injures étoient
trop cruelles, les voies de fait trop téméraires, pour que
je pus les dissimuler. J ’ai l’avantage de ne m’etre attiré la
haine implacable de mon adversaire , que par des qualités
A
�qui m’ont mérite l’estime des honnêtes-gens. Il n’est pas
besoin de peindre ce furieux ennemi pour le faire c o n n oître; on jugera facilement qu’un hom m e qui est capable
des actions dont il s’est souillé , enchérit sur la méchan
ceté m êm e
F A I T S
.
Je suis n atif de V iv ero ls. M o n pere étolt négociant ;
j’ai embrassé le m êm e état. M o n com m erce en gros est
fo rt étendu ; je donne principalement dans la partie de
la dentelle , dans celle de la d raperie, dans celle des
cuirs , dans celle du vin ; j’ai des correspondans dans le
M â c o n o is , le L yo n n o is , le Beaujolois ; dans les villes
d A n n o n a i , le- P u y , St. B o n n e t , C r a p o n n e , C l e r m o n t ,
A m b e r t , et dans lin grand n o m b re d’autres villes ; je fais
des entreprises en gros pour l’entretien des grandes
routes ; je tiens en m êm e temps l’auberge le mieux acha
landée de toute cette montagne.
Personne n’ignore que l’on ne prospéré dans de pareils
états , qu’autant que l’on parvient à s’acquérir la -co n
fiance publique; je n’ai rien négligé pour la m é rite r, et le
succès avoit surpassé m on attente. Il y a plus de dix
•ans que mes concitoyens m?o n t honoré- de leur estime ,
en m’élevant continuellement aux premieres places de
notre bourg. Après m ’avoir choisi pour syndic de leur
communauté , ils m ’ont continué pendant huit ans
dans cette place distinguée, et jusqu’au i z août 1787 ,
que le sieur Imberr , h o m m e - d e - l o i , m ’a succédé. A
�( 3>
cette époque , je fus n o m m é président de l’assemblée
ensuite adjoint pour le partage des tailles , et enfin pre
mier officier municipal du bourg de V iverols.
Si la confiance de mes concitoyens a été si constante
il faut dire aussi que le sieur C o u h ert avoir é t é , jusquesl à , d’une municipalité différente. M ais le département du
Puy-de-Dum e ayant arrêté la réduction des différentes
municipalités de la mêm e paroisse en une seule , et la
paroisse de V iv e ro ls étant com posée de deux munici
palités , l’une pour le bourg , l’autre pour les villages ,
le sieur C ou hert a eu dès-lors entrée dans les assemblées
du bourg ; e t , dès ce m o m e n t , tout n’a été que t r o u b le ,
que discorde : jaloux de ma p ro sp érité , il a mis tout en
usage pour me détruire , dans l’espcrance de s’élever sur
mes ruines.
L e z 6 décembre 179 0 , les citoyens actifs de toute la
paroisse se réunissent dans la chapelle des pénitens pour
p r o c é d e r à la nomination des nouveaux officiers muni
cipaux. L e sieur Couhert arrive le premier ; il se poste
à la porte de la chapelle , entouré de ses satellites. J’arrive
ensuite ; il m ’apostrophe, en me disant : Ha ! te v o ilà , coquin,
fripon 5 brigand 3faussaire , banqueroutier ; je m ’en vais te fcire
chasser de l’assemblée ; dans l’instant il me porte le poing
sous le menton , m ’en pince la peau ( du menton ) , la
tord avec les doigts , et me porte plusieurs coups de
poing dans l’estomac ; je me contentai de prendre
témoins de toutes ces atrocités. A lors le sieur Couhert
dit avec fureur : Ha ! coquin , tu prends témoins , nie donne
cinq ou six soufflets en ajoutant : Prends aussi témoins de
cela , gredin , coquin.
�**
.
(4 , \
L e but du sieur C ouhert étoit de me faire assassiner
par ses ad h ére n s, si je me fusse défendu ; mais ayant
compris quel étoit son exécrable d essein , j’eus la pru
dence de me contenir et d’endurer patiemment les insultes
et les mauvais traitemens qui m ’étoient faits. Pendant la
tenue de l’assem blée, il entreprit plusieurs fois de m ’en
faire expulser.
L e m êm e jour , sur les huit ou n eu f heures du s o i r ,
après que la séance fut levée , dans le temps que j’étois
chez m o i , on lença plusieurs coups de pierre aux vitres
de ma maison ; trois carreaux en furent cassés.
A l’assemblée du lendemain lundi , le sieur Couhert
recom m ença ses injures, ses m en a ces, ses voies de fait ;
je ne pouvois dire un m o t , sans qu’il s’écria aussi-tot :
Q ll’on chasse de l’assemblée ce drôle , ce coquin , ce fa u xtémoin , ce banqueroutier.
L es complices du sieur C ou h ert se plaisoient à répéter
Jes mêmes injures ; je ne pouvois ni entrer ni sortir de
l ’assemblée , ni passer dans les rues sans être insulté
par le sieur C ou h ert ou par quelqu’un de ses partisans.
L e mardi 2,8 , dernier jour de l’assemblée , le sieur
C o u h e r t , qui craignoit toujours que je ne fusse nom m é
officier m unicipal, imagina de me dénoncer à ceux qui la
c o m p o s o ie n t, sous prétexte q u e j’avois cabalé; mais il fut
interrompu par la majorité des membres de l’assemblée, qui
soutint qu’au contraire j’avois dit à beaucoup de citoyens
actifs de ne point me donner de suffrages, parce que si
j’étois nom m é je n’accepterois pas ; et le fait s’est trouvé
si r é e l , que la veille j’en avois eu tren te-sep t, tandis que
ce
�( 5)
ce jour-Ià je n’en eus que t r o i s , ce qui n’annonce cer
tainement pas la cabale.
Cependant le sieur C ou h ert vouloit absolument m e
faire sortir de l’assemblée par force et par violence ; et
ce qu’il y avoit de singulier , c ’étoit de v o ir les deux
fils de R o u x , boucher , celui de Brauard et celui de
D uport „ ses principaux fauteurs, qui n’ctoient pas citoyens
a c tifs , entrer dans l’assemblée et se saisir de m oi pour
m ’en expulser. Je voulois mêm e alors me retirer pour
éviter des malheurs ; mais je fus arrêté par une grande
partie de citoyens qui' m e forcèrent à rester , en faisant
sortir ces intrus.
Enfin les nouveaux officiers municipaux ayant été
n o m m é s , je fus requis , ainsi que ceux de mes confreres
qui se trouvoient à 1assem b lée, de les pro cla m e r. N ous
nous approchâmes en conséquence du bureau des scru
tateurs J j’avois déjà c o m m e n c é m oi-m êm e à faire l’appel
n o m in a l des officiers nouvellement é lu s , qui s’approchoient à mesure pour prêter Je serment. M ais le sieur
C o u h e r t , qui vouloit finir par un trait capable de cou
ronner tous les a u tres, s’approcha de m o i , m ’insulta de
nouveau , en attaquant ma naissance, disant que m on
véritable nom n’étoit pas B r e u l , niais bien Bret ; que
j’avois une sœur qui étoit une voleuse , et d’autres propos
de cette nature. Je me contentai de répondre à cet
enragé , qui m’avoit si fort fatigué par ses insultes conti
nuelles , qu’il étoit un imposteur ; que j’étois connu des
membres de l’assemblée , et que tous savoient qu’aucun de
ma famille ni de m on n om n ’avoit malversé ; j’ajoutai ,
B
�\\
í 6-}
dans un m ouvem ent d’in dign ation , qu’il étoit bien
étonnant qu’un hom m e tel que le sieur Couherc s’avisât
d ’attaquer continuellement la naissance et la famille des
autres ; que si les fautes n’étoient pas personnelles, et
si j’étois aussi mal élevé que lui , je pourrois lui parler de
Pierre C o u h e r c , notaire à Villecheneuve , dont tout le
m on de connoissoit la fin tra g iq u e , puisque sa sentence
de condam nation avoit été publiée et affichée dans tous
les lieux ; je croyois même en avoir un exemplaire dans la
poche ; je me fouillai je sortis quelques papiers cro yan t
qu’elle y seroit ; mais elle ne s’y trouva pas. Dans l’instant le
sieur C ou h ertse saisit d’un des chandeliers quiétoient sur la
table des scrutateurs , me le lança ; j’en fus atteint au
dessus et au dessous de l’œ il droit et au bout du n e z , je
fus étourdi du coup et presque renversé. L e sieur
C ou h ert , bien loin d’avoir du repentir de cette action
a t r o c e , ajouta „ en portant les mains dans les poches de
Son habit : T u es bien heureux , coquin , fripon 3 que je n’aie
pas mes pistolets, car je te brûlerois la cervelle en pleine
assemblée. E t com m e l’on alloit prendre des précautions
pour le faire arrêter en flagrant d élit, sa f e m m e , sa fille
■et plusieurs de ses partisans le firent sortir promptem ent
de l’assemblée , et en la quittant il dit : Je ne suis que
fâché de n avoir pas tué ce coquin j il n’en auroit été ni plus ni
moins.
J ’ai rendu plainte de tous ces faits au tribunal de district
d ’A m b e rt : vingt - deux témoins ont été entendus ; les
médecin et chirurgien qui m ’ont vi) pansé et m édicamenté , ont fait et affirmé leur rapport ; et le 22 janvier
�C7 )
i - - . le sieur C ou hert et onze de ses com plices ont été
tlév.::-\cs d’ajournement personnel.
L es accusés on t subi interrogatoire ; il leur étoit im pos
sible de se justifier : on verra bientôt que s’il m ’eut
manqué dé preuves , leurs réponses me les fourniroient ;
mais les informations prouvent même beaucoup plus que
les faits insérés dans ma p la in te , elles établissent que le
sieur C ou hert a mis tout en usage pour faire attenter à
m a vie , soit avant soit après la tenue des assemblées ;
qu’il avoit projeté de me faire pendre sous la halle „ que
déjà tout étoit préparé : ils avoient placé un drap mortuaire
sur le bureau des scrutateurs , entouré de 4. chandeliers
de bois ; sur cette enveloppe funebre étoit une partie
du livre qui contient les prieres des agonisans , et c’est
dans cet état qu’ils sonnerent l’agonie : tous ces prépa
ratifs atroces furent faits dans la matinée du jour de Tassemblée. Depuis quelques jours chaque acteur savoit son
rôle : celui-ci étoit chargé de faire la potence ; celui-là
de tirer la c o rd e ; les fils du boucher R oux se disputoient
l’honneur de faire les fonctions de bourreaux ; et dans le
cas où l’on ne pourroit parvenir à exécuter ce p la n , le fils
Brauard p ro m e r à Couhert de se cacher derriere le mur du
cim e tiere, et de me tuer d ’un coup de pistolet quand
j’irois chez le maire de l’ancienne municipalité. L e sieur
C o u h e r t , d’un autre côté , fait fabriquer des stilets pour
m e poignarder à la prochaine assemblée , qui devoir
avoir lieu pour la nomination du juge de paix.
Si ces faits sont constans , s’ils sont p ro u v e s, le sieur
Couhert et ses complices 11e peuvent échapper à des peines
�V\ ■* V
( 8)
séveres ; or ils sont com plètem ent d ém o n trés, ainsi qu’on
v a s en convaincre par le d é v e lo p p em en t des informa
tions dont les accusés eux-mêmes ont eu la complai
sance de m e fournir une copie , à force de les multiplier.
§Ier.
Preuves des injures , des menaces 7 des pincées } des soujflets ,
du coup de. chandelier, etc. etc.
L e sieur Leblan c des M a s , com m andant de la garde
nationale de V iv e r o ls , premier témoin , dépose “ que
» dans les assemblées qui se sont tenues à V iv e ro ls dans
»» le mois de décembre d e rn ie r, et dans la chapelle des
»> pénitens, il a entendu le sieur Couhert traiter le plaintif
5» de coquin , de frip on , de scélérat ; qu’à la fin de la s é a n c e ,
» lorsqu'on étoit sur le point de proclamer les nouveaux
» officiers de la m unicipalité, le déposant entendit dire
»> qu’on avoit frappé le plaintif d’un coup de chandelier ;
» que ses voisins lui dirent que c ’étoit le sieur Couhert
qui l’avoit lancé » ; que le plaintif tenoit sa tête bessée
sur son manchon , en disant qu’il avoit été blessé griè
vem ent ; que le sieur Couhert s’écria a l o r s , en parlant
au plaintif : S i fa v o is mes pistolets je te brulerois la cervelle ,
demande-en acte : E t que dans l’instant on fit sortir le sieur
Cou hert de l’assemblée ; que lui d é p o sa n t, en sa qualité
de com m andant , fut requis de faire arrêter le sieur
C ouhert en flagrant délit ; mais que dans le temps que
la municipalité faisoit la requisition par é c r i t , le sieur
Couhert s’évada.
Le
�( 9)
L e sieur D elisso n at, bachelier en d r o it , dépose « qu'au
»> moment oit Von alloit proclamer les nouveaux officiers mupi»> cipaux , il entendit du bruit dans rassemblée , sans
» néanmoins savoir qui l ’avoit occasionné ; mais qu’il
v v it alors le sieur C o u h e r t- D u v e r n e t, q u i , en matant
»» les mains dans la poche de son h a b it, s’écria , en s’adressant
»» au plaintif: S i fa v o is mes pistolets j e te brûlerais la cervelle ,
gueux que tu es ; et en s’en allant il répéta les mêmes
»> propos. »>
L e sieur D e m t c h e l, r négociant , dépose que le 26
décem bre dernier , il entendit le.sieur Couhert traiter le
plaintif de f
brigand , coquin , faussaire , banqueroutier f
putassier , faux-témoin ; que le lundi 2.7 , le sieur C o u h e r t ,
R o u x , ses fils , Claude M i d r o y , P ierre Jacon , la femme
et le fils de Laurent D u p o rt, Jacques C h o u v in , A n to in e
Lam artine ,vC lau d e P itan y , le fils Brauard , le jeune
Langlois , le sieur C o n t y et sa femme , proférèrent
c o n tre Je p la in tif , soit dans l’assemblée soit hors d’icelle ,
plusieurs propos injurieux, en le traitant com m e dessus
de f. fripon , scélérat , voleur > banqueroutier , faux-témoin ; et
que même ledit G eo rge Suchet et le fils ainé de Jacques
R o u x , boucher , dirent qu’il falloir lanterner le p lain tif,
et lui d ir e n t , en le m enaçant, nous t'aurons, et lui repro
chèrent que sa famille avo it malversé ; ajoute qu’un des
trois jours pendant lesquels on tint les assemblées à
V ive ro ls , le déposant entendit que Jacques Roux ,
b o u c h e r, dit au’plaintif : Coquin , je vais sonner ton agonie f
et qu’en effet le déposant entendit que dans le meme
m om ent on sonna la cloche des pénitens.
�( IO )
L e sieur L eb la n c-D u vern et, 9e témoin , dépose que ,
lors de la tenue des assemblées de V i v e r o l s , au mois de
décembre dernier, le sieur C o u h e r t , les deux fils de R o u x,
boucher , Jacques M id r o y , Laurent Duport et le n om m é
C h o u v in , vouloient faire sortir le plaintif de l’assemblée *
qu’ils le traitèrent de coquin , de faussaire , de_ brigand ; que
-,1e sieur C ou h ert dit même que s’il avoit ses pistolets , il
lui bm leroit la cervelle.
:
L e sieur Brun , dixième témoin , dépose que le 16
décembre dernier , avant :que- les citoyens actifs fussent
entrés dans la chapelle des'pénitens , où dévoient se tenir les
assem blées, il vit le sieur Couhert-D uvernet porter la main
au menton du plaintif et lui donner ensuite deux petits
soufflets ; que le lendemain lu n d i, le déposant a vu que
le sieur C ou hert vouloit faire sortir . de l’assemblée le
plaintif, et qu’il l’avoit traité de coquin et de banqueroutier ;
que le 28 du mêm e mois , et sur la fin de l’assemblée du
soir , il y eut une espece de dispute entre le plaintif et le
sieur C o u h e rt; que ce dernier lança un chandelier contre
le plaintif, duquel il fut atteint à côté du nez.et au dessus
de l’œil d r o i t , et que par contre-coup, lui déposant fut
frappé du m êm e chandelier sur l’épaule gauche ; qu’il
entendit que le sieur C ouhert disoit au plaintif : S i j ’avois
mes pistolets , j e te brulerois la cervelle.
. Jacques ?B abon , onzieme témoin , dépose que le rG
décem bre dernier « il a vu dans la chapelle des pénitens
?» de V i v e r o l s , et avant que l’assemblée fut com m encée»
le.rsieur. C ouhert saisir aux deux doigts le menton du
plaintif, et le pincer de chaque côté du mentonrv en; le
�( II )
traitant de coquin \ de voleur ,• et qu’il lui donna un petit
soufflet ; que le lendemain lu n d i, pendant l’assemblée qui
se tenoit également dans la chapelle des pénitens de V i . verols j le sieur -Conhert , G eo rge SucHet , Claude “
M id r o y , un nom m é P i c o n ', " avoient dit qu’il falloir
sortir le plaintif de l’assemblée , et qu’ils l’avoient traité dé
coquin et de voleur ; que le 2.8 du même mois , il a
entendu le sieur Couhert traiter le plaintif de coquin et de
fripon et lui: dire qiwV - lui brûleroit la cervelle s’il avoit ses
pistolets.
1
" Gregoire Fràudet , douzième témoin , dépose que
dans l’assemblée du 2.8 décembre , il s’éleva une dispute
entre le plaintif et le sieur Couhert ; que ce dernier prie
sur la table des scrutateurs un'chandelier m in ce, en feuille
de cuivre , et qu’il le lançà contre le plain tif, qui en fut
atteint au'dôssiis et au-'dëssous d’un œil , et que dans ce
m om ent il entendit le sieur Couhert dire au plaintif :
Coquin , gueux, si j ’avois mes pistolets , je te tuerois roide.
■
■GuillaumeBostnVironois:, quatorzième tém o in , dépose
qu’en venant de la foiré cfA rlan t, ayant appris que l’as
semblée qu’on tènoiraux pénitens n’étoit point achevée
il y entra sur les neuf heures du soir , et s’apperçut que
lé s i e u r ''•Couhert ise'/saisit d’un Jûhandelier e t ' l e lança
contreita plaintif qui en, fût .atteint'au dessus ëFau dessous
de l’œil'droit.,; et que le sieur Confierr dit-alôrs eh viva
cité et en adressant la parole au plaintif Gueux r ccqmn ,
si j’avois mes. pistolets^ suc;mot , je \ te brûlerois la cer
velle , ’. et’ qu’il,répéta', lei m ê m e s proposa en se*ietiiant a
la Sollicitation1d e'sa femme et dé sa fille -^
y •
.
�- J
( Il )
L a dame Coste-Bernard dépose q u e , pendant les assem
blées qui on t été tenues à V iv e rois au mois de décembre
dernier , elle a entendu à différentes fois le sieur Couhert
traiter le sieur Breul plain tif, de f brigand > coquin, voleur,
scélérat t de race de voleur, mendiant et porte-faix ; qu’elle a
vu ledit sieur* C ouhert pincer le m enton du sieur plaintif,
et lui donner des coups de poings dans l’estomac , en
disant : Le voilà, ce gueux ; scélérat , je te ferai chasser de
l'assemblée -, en l’accusant d’avoir cabalé pour se faire con
tinuer officier municipal ; que le dernier jour de l’assem
blée et dans l’assemblée m ê m e , le sieur Couhert avoit
également traité le plaintif de scélérat, de gueux , de voleur ;
que le plaintif lui ayant dit qu’il avoit dans sa famille
quelqu’un qui a v o it été pendu à V ille ch en e u ve , le sieur
Ç o u h e ft avoit renouvelle ses in ju r e s , lui avoit lancé un
chandélier au v is a g e , et s’étoit écrié que s’il avoit ses
piftolets il lui brûleroit la cervelle.
Benoît Pirolles , quinzième t é m o i n d é p o s e qu e, pen
dant qu’ori tenoit l’a s s e m b lé e ,.............il entendit le sieur
C oü hert traiter le plaintif de f . fripon , de coquin, et qu’il
lui dit ’m êm è que s’il avoit ses pistolets il lui brûleroit la
cervelle.
Etienne Brigollè , 'seizième témoin , dépose que le
dimanche 16 décembre d e rn ie r, pendant que les citoyens
actifs étoient assemblés dans la chapelle des pénitens de
V iv e ro ls , il entendit que le sieur C ouhert disoit au plain
t if > qu’il étoit un fripon , un coquin et un faux-témoin , et
<4ue la sœur du plaintif étoit comme lui plaintif , qu’elle ne valoit
rien ; que le sieur Couhert prit le plaintif par la main >
qu’il
�Ï Z 2>
( 13O
qu’il le p in ça i et lui dit : Je t aurai bien , et qu’il »voulut le
faire sortir de rassemblée; que le lendemain lundi j aussi dans
une assem blée, le sieur Couhert dit au plaintif q u’il étoit
lin banqueroutier , et cjue \da"S l’asçemblée du mardi a 8 ,
il s’éleva une contestation j^ntre le plaintif et; le sieur
C o u h e r t ; quç ce dernier tint, dç.s propos injurieux au
plaintif ; que le; plaintif reprocha -alors au sieur Ç ouhert
qu’un de ses parens ou frere avoit été maltraité à V ille( cheneuve ; que le plaintif tenoit.alqrs à la main la plume
p o u r écrire sa démjssiçm d’offîcie.r m unicipal, ( c ’està-dire pour sigper le procès-verbal de proclam ation des
nouveaux officiers municipaux ) , et que le sieur C ouhert
se saisit d’un des chandeliers qui étoient sur la table des
scrutateurs, le lança aü plaintif qui en fut atteint au dessus
er au dessous d’un de ses yeux , en disant : Gueux j coquin,
si j’avois mes pistolets , je te brulerois la cervelle.
Jean Rousset dépose que le mardi 2.8 décembre , sur
les sept à huit heures du soir , dans une assem blée........
et au m om ent o u l’on alloit proclam er les nouveaux
officiers municipaux , le sieur Couhert traita le plaintif
de coquin , de fripon 3 de banqueroutier ; qu’alors le plaintifsortit de sa poche un papier qu’il dit être une sentence
qui attestoit qu’un nom m é Pierre Couhert avoit été
pendu à Villecheneuve : A ce propos le sieur Couhert sc
saisit d’un chandelier qui étoit sur le bureau des scruta
teurs , et le lança contre le plaintif qui en fut atteint au
dessus et au dessous de l’œil d ro it, en lui disant : T i e n s ,
gueux que tu es , si j’avois mes pistolets je te bruieiois
la cervelle.
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( . 14 )
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M ichel B œ u f , d ix-h u itiè m e témoin , dépose que lè
x8 décem bre d e r n ie r , dans une assemblée qui se tenoit
dans la chapelle des pénitens de V ivero ls , et dans le
moment où Von alloit proclamer les nouveaux officiers muni
cipaux , et que ‘ le p la in tif, comme ancien officier municipal ,
tenoit la plume à la main pour écrire 3 le sieùr Couliert
dit au plaintif qu’il étoit un coquin t un fripon, un banque
routier } un scélérat un faux-témoin , et que dans une ville
dont le déposant ne se.rapelle pas du n om , le plaintif
avoit été mis sur un c h e v a l e t qu on Tavoit conduit par la ville ;
que le plaintif sortit alors' de sa poche un papier qu’il dit
être une sentence qui ‘avoit condam né Pierre Couhert
à être pendu à' Villechéneuve ; que sur ce reproche le
sieur Couhert se saisit d’un chandelier quic étoit sur le
bureau des scrutateursL,'le lança sur le plaintif qui en fut
frappé au visage en lui disant que s’il: a v o it ses pistolets
il lui bruleroit la cervelle.
Il seroit surperflu de rapporter un plus grand nom bre
de dépositions ; il suffira d’observer que celles de Benoît
B rigo lles, de Pierre M eyn is , de Jean M o r e l et de Cathe'
rine Traquelet , sont exactement conform es.
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Preuve que le sieur Couhert et autres avaient comploté <£attenter
à ma vie de plusieurs maniérés, •
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L e dix-huitieme témoin dépose qu’avant les assemblées
du mois de décembre dernier , il a entendu le sieur
C ou hert dire sous la h a ll e , lin jour de dimanche , en
présence de plusieurs personnes , qu’il faudroit pendre les
officiers municipaux qui étoient alors en exercice, au crochet qui
est à une des poutres de la halle.
L e dix-neuviem e témoin dépose qu’il a oui dire au
Sieur Couhert que ce dernier vouloit faire pendre l'ancienne
municipalité et que George Suchet tireroit la corde.
Barthélémy M alm enayde dépose que la veille des
assemblées , passant sous Ja halle au b l é , les enfans de
Roux , boucher , lui dirent, en lui montrant un crochet:
Voilà où l’on doit pendre la sacrée municipalité, et Breul le pre
mier ; que le soir repassant dans le même endroit j G eorge
Suchet lui dit également , en lui montrant des crochets ,
que le lendemain on y devoit pendre toute la municipalité.
L e septieme témoin dépose qu’à l’époque des assem
blées , G eorge Suchet et le fils ainé de Jacques Roux ,
boucher , -dirent qu’il falloit lanterner le plaintif, et lui
dirent , en le menaçant : Nous t'aurons.
L e huitième témoin dépose que du temps qu’on tenoit
les assemblées à V iv e r o ls , il a entendu que Claude
M id r o y , G eorge Suchet et les fils Roux , disoient qu’il
�(.
).
falloit lanterner les anciens officiers municipaux , et les pendre
tout de suite à des crochets, sous la halle.
L e troisième tém oin dépose que lors des dernieres
assemblées qui ont été tenues à V iv ç r o l s , le déposant a
entendu dire à Claude M id r o y , menuisier, qiw/ feroit la
potence si ton vouloit pendre le plaintif.
L e deuxieme tém oin dépose que le z janvier dernier ,
le sieur Couhert passant avec son domestique et le fils
Brauard ( son clerc ) , sur les huit à neuf heures du s o i r ,
sous les fenêtres de la d é p o sa n te , elle entendit ledit
C ou h ert j dire au fils Brauard : Comment ferons-nous pour
nous défaire de ce gueux de Breul ? Que le fils Brauard
répondit ; I l riy a qu’à se cacher derriere la muraille du cimetiere , et lui brûler la cervelle d’un coup de pistolet lorsqu’il
entrera cl;e% Granet.
L e troisième témoin dépose que le lendemain des
assemblées , A n toin e Lam artine , cordonnier , a vec le
:fils Brauard , passant devant la porte de la d éposan te,
elle entendit. A n toin e Lam artine demander si on ne feroit
rien à Breul ; et que Brauard avoit répondu quon faisoit
faire de petites machines pour arranger ce coquin de Breul.
Les petites machines 3 dont entendoit parler Brauard ,
ctoient des stilets ou petits poignards , que le sieur C ouhert
, faisoic fabriquer dans diifërens lieux , ainsi que l’ont d é. posé les p rem ie r, sixieme , septieme , neuvieme et trei
zième témoins.
Le..sieur C ouhert , dans son in terro ga to ire, n’a pas
- m êm e osé nier le fait ; il a seulement prétendu que ce
: n ’étoir pas de? stilets propres à ptrç cachés sous la manche
de
v
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l 17 î
de l’habit, mais bien des piques pour mettre à la pointe
des bâtons , afin „ d i t - i l , de s’en servir contre les mal
intentionnés. C ela n’annonceroit rien de bon , môme en
le prenant tel que le sieur Couhert le d it; mais , dans le
v r a i , c ’étoient des stilets propres à être cachés dans la
manche de l’habit et à poignarder : C ’est ainsi que le sieur
P a cro s , serrurier à A m b e r t , ( à qui le sieur Cou hert eu
avoit com m andé plusieurs, après lui en avoir fait faire
lin par form e d’essai ) , l’a déclaré à tous ceux qui lui
en ont p a r l é , et qu’il le déclareroit à la justice s’il étoit
appellé ; ce que j’ai cru superflu, parce que l’intention
du sieur C ou hert m ’a paru suffisamment manifestée par
toutes ses actions.
V o ic i encore d’autres circonstances qui décelent le
com p lot form é d’attenter à ma vie et même à celle des
autres officiers municipaux.
L e sieur L eb la n c de Lissonnat dépose que dans la
seconde séance de l’assemblée primaire qui se tint au
mois de décembre d e r n ie r , dans le bourg de V i v e r o l s ,
le déposant en étoit secrétaire ; il s’apperçut qu’on avoit
placé sur la table des scrutateurs un drap de mort avec
quatre chandeliers de bois f mais ne savoir qui les avoit
posés j et qu’il apperçut de plus une feuille d’iin antiphonaire de plain-chant sur laquelle étoient inscrits ces mots :
Veni
Domine , et noli tardare : Relaxa facinora pUbi tua,
et revoca dispersas in terram suam.
L e septieme témoin dépose que lors des assemblees
qui se sont tenues au mois de décembre d e rn ie r, dans
E
�( i3 )
le bourg de V iv e r o ls , il a vu sur la table dès scru
tateurs un drap mortuaire avec des chandeliers de
bois.
L e neuvieme tém oin dépose aussi qu’il a vu sur la
table dont se servoient les scrutateurs, un drap m o r
tuaire et quatre chandeliers , et en outre une Feuille de
papier sur laquelle il y avoit des notes de musique.
L e douzième témoin dépose qu’au mois de décembre
d e r n ie r , dans le temps où l’on tenoit les assemblées ,
les nom m és Barthélém y R o u x , fils ainé du boucher „ le
s?eur R i g o d o n , le plus jeune , et le fils ainé de Laurent
D u p o r t , placèrent sur la table des scrutateurs un drap
mortuaire , quatre chandeliers de bois., et un livre d o n t
on se sert pour chanter le Libéra pour les défunts ; que
le déposant leur ayant demandé par quel m o t if ils se
com p orto ien t de la s o r t e , ils lui a vo ie n t répondu que
cela ne le regardoit p o i n t , et qu’ils allèrent ensuite tous
I'js trois à la sacristie pour y sonner la cloche de la
m êm e maniéré dont on est en usage de la sonner pour
les agonisans.
L e treizieme témoin dépose sur le mêm e f a i t , du
drap m o rtu a ire , des ch and eliers, et de l’antiphonaire
à-peu-près com m e les p ré cé d en s, et il ajoute que dans
le temps qu’il dressoit , en qualité de président de l’assem
blée , procès-verbal de ce qui venoit d’arriver., le fils ainé
de R oux , boucher , étant entré dans la chapelle des pénitens avec Jacques Chouvin j cria : A la lanterne, et ressortit
précipitament/ '
.. A n d ré C h a t a in y , vingtième témoin , dépose que le
�( *9
7.6 décembre dernier , après que l’assemblée fut finie ,
il alla sur les n eu f heures du soir avec un de ses v o is in s ,
boire" une chopine de vin chez le sieur B re iil, p la in tif,
qui tient auberge , et que pendant qu’ils buvoient , on
jeta une pierre ou un bâton contre l’une des fenêtres de
la maison du plaintif ; qu’il y eut un carreau de vitre
cassé , mais qu’il ignore qui les jeta.
Jean M o r e l , vingt-deuxieme témoin , dépose aussi
qu’après que l’assemblée fut l e v é e , il alla avec un de ses
voisins boire chez le plaintif., et que pendant le temps qu’il
y c t o i t , on lança une pierre ou un bâton contre l’une
des fenêtres de la maison du plaintif ; que le plaintif dit
alors : E st-il possible qu’on vienne assassiner les honnêtes
gens qui boivent chez m oi ! Q u ’il prit aussi-tôt son fu s il,
se mit à la fenêtre et en tira deux coups ; que le déposant
ignore qu’elles sont les personnes qui ont lancé Jesdits
bâton ou pierre.
L a dam e B ern ard dépose qu’elle a entendu qu’on jetoit
des pierres aux fenêtres du p lain tif, qu’il y eut trois
carreaux de vitre cassés ; mais qu’elle ignore par qui ces
pierres furent lancées.
A toutes ces différentes preuves testimoniales , j’en
ajouterai encore de littérales , celles résultantes de plu
sieurs procès^Verbaux que je viens de rapporter à l’appui
de mes inform ations, et de déposer au greffe du tribunal
d’A m b e r t: ces pieces consistent, i°. en un procès-verbal
que j’ai dressé, en qualité de premier officier municipal ,
en l’absence du m a ire , c o n j o i n t e m e n t avec M . le p ro
cureur de la com m une contre Laurent D u p o r t , caba-
_
�retier , le <3 juin 1790 , à raison de ce que ledit Duport
donnoit à boire à des heures indues et où Ton voit que
la fem m e de D uport et celui-ci nous ont injuriés et mal
traités en nous disant qu’ils donneraient à boire et à man
ger tant que bon leur semblerait , que ce riétoit pas la merde
montée à cheval qid les en empêcheroit ; qu’ils se f . de nos bou
gres de rubans , et ajoutant il riy a quà les assassiner , c ’est
tout ce qu’ils méritent : et dans le même instant ledit
D u p ort donna un coup de pied à une de mes jambes
après
nous avoir fermé dans sa maison ; %°. dans la lettre de
M . le président du com ité des rapports , par laquelle il
conseille au sieur procureur de la com m une et à moi de
rendre plainte des outrages mentionnés dans le procèsverbal ; 30. dans un procès-verbal dressé par le sieur
C la v e l et m oi., en qualité d’officiers municipaux , le z6
décem bre dernier , a raison des insultes continuelles qui
nous étoient fa ite s , soit verbalem ent en nous attaquant
dans les rues et criant : A la lanterne , aussi-tôt qu’ils nous
v o y o ie n t passer , soit par é c r i t , par des lettres anonymes ;
une de ces lettres , jointe à n otre procès-verbal et éga
lem ent déposée au greffe, fut adressée au sieur C la vel ( 1 ) ,
( 1 ) Le sieur C la v e l, octogénaire , avoit été président d’âge dans toutes
les assemblées qui avoient eu lieu jusqu’alors ; on préyoyoit qu’il alloit encore
l'être a celle du 26 décembre : c’est dans cette position qu’on lui écrit la
lettre horrible dont vo ici quelques phrases : Bougre de président, je mets la
m ain à la plume pour t’écrire cet affront , foutu grisou , foutu capon. Ah !
qu’il est fouten d’avoir pour président ce foutu p u a n t...............T u as signé
toutes les faussetés qne ces brigands ont faites ; si tu ne te rends pas , nous
et
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( *i }
;
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et placée sous la porte de sa maison la nuit du 25 au 26
décembre ; 40. dans un autre procès-verbal dressé par
m o i en ma q u a lité 'd ’officier municipal , le 17 octobre
d e rn ie r, contre Bonnet Dumas , Billiardier et sa fem m e ,
o u l’on v o it que cette derniere a menacé ma femme et
m oi de nous assommer, et que nous ne ferions pas d ’autre
m o rt que celle qu’elle nous feroit faire
et tout cela
parce que j’étois exact à remplir les devoirs de ma place ,
et que je ne voulois pas souffrir que l’on donnât à boire
ni à jouer pendant les offices d iv in s , ni qu’on ruinât les
fils de famille du bourg de Viverols.
tefoutons ton ame à bas , foutu scélérat................ L e vilain protestant que tu me
fa is , puant, pois de C an ad a, pois m u sca , eau de la v a n d e , de vinaigre des
quatre-voleurs , tout cela est b o n , foutu grison , pour te faire sortir : b o n ,
tu as fait des amis qui t'écriront à coups de bâton. A d ieu , usurier ; que tu as
du malheur d’être entre dans la municipalité ; tu n’ignores p a s, foutu scélérat,
que l'on se fo u t de toi ; avant qu’il soit peu de temps l’ on te foutra au carcan.
A d ieu , pois de C anada, je serai content quand je verrai ta tête à bas , etc. etc.
Nota. Q ue , suivant le procès-verbal dudit sieur C la v e l, du 2G décem bre,
lorsqu’il passoit la veille s 5 , dans la rue et devant la porte de R oux , boucher ,
il entendit une voix qui partoit de la maison dudit R o u x , criant : Prends
garde à la lanterne 3 ou crains la lanterne.
Nota. Encore que le sieur Clavel n’avoit été nommé officier municipal
que le dimanche d’après la St. M artin , pour remplacer un des trois qui
étoient sortis par la voie du sort ; que les Roux , qui avoient été condamnes
en l’amende par les anciens officiers m unicipaux, pour avoir vendu de la
viande à faux poids , avoient étendu leur ressentiment non seulement sur
les officiers municipaux qui l’avoient condamné , et qui étoient sortis par la
Voie du so rt, mais encore sur reu x qui les avoient remplacés.
F
�.V *
|
ui.
^
,ij
,
( « )
Après avoir analysé les preuves des injures, des menaces
et des voies de fait dont je suis l’o b j e t , il convient de
parcourir les interrogatoires des accusés , et de c o m
m encer par le c h e f , c ’est-à-dire par le-sieur C o u h e r t ,
qui est le moteur des autres , qui les conduit com m e
un berger conduit un troupeau de m o u to n s , car je suis
presque assuré que sans lui et ses conseils , ses complices
ne se seroient point livrés à de pareils excès ; ils auroient
continué de vivre paisiblement com m e ils l’avoient fait
jusqu’alors , et à respecter les personnes en place au
lieu de les accabler d ’injures , et de braver toutes les
loix et les réglés de la bienséance.
Ré
:-'îterrogatoirc
txi
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f
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u
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iv
i
o
n
des interrogatoires des Accusés.
*
ï i du sieur
jtouHERT.
>'
L) abord 1 interrogatoire du sieur C o u h e r t , bien loin
de le justifier, acheve au contraire de con v ain cre qu’il
est coupable des injures les plus graves et des voies de
jjjj
fait les plus criminelles.
Interrogé si dans les assemblées.qui se tinrent au bourg
de V iv e ro ls dans le mois de décembre d ern ier, et dans
la chapelle des p én iten s, il n’avoit pas traité le plaintif
de f fripon , coquin , scélérat, banqueroutier > faussaire et
faux-témoin ; s’il ne lui avoit point pincé les mains et le
menton , s’il ne lui avoit point ensuite donné difîerens
soufflets sur le visage et des coups de poing dans l’estomac ?
A répondu que sur les propos quon lui impute il est vrai qu’il
*
‘
les a proférés ; mais il ajoute que ces propos n ’étoient point
relatifs au plaintif, mais bien à difïcrens autres particuliers
�? 2r&
^13^
de l’assem blée, q u i, par leur cabale et leurs discours sédi
tieux , ont failli faire égorger plusieurs citoyens qui étoient
dans ladite assemblée.
Il faut convenir que pour un hom m e aussi fin que
l’est le sieur C ouhert cette réponse est bien mal-adroite ;
car en convenant d’avoir tenu les propos qu’on lui impute ,
c ’est-à-dire de m ’avoir traité de f fripon , coquin, scélérat ,
banqueroutier, faussaire et faux-témoin , il ne lui est pas
possible de persuader qu’il les a adressés à d’autres qu’à
moi. E n effet quand mêm e il y auroit eu , com m e
il le p ré te n d , différens particuliers qui auroient cabalé et
tenu des discours séditieux , le sieur Couhert s’y seroit
bien mal pris pour ramener la paix et l’ordre , en les
traitant de f. fripons , c o q u in s , scélérats , banqueroutiers ,
faussaires et faux-témoins : C e n’est pas ainsi qu’un hom m e
sage qui ne veut que la paix , s’y prend ; ce n ’est pas
en proférant les propos les plus grossiers, propos dont
les gens de la lie du peuple ^ les gueux sans mœurs et sans
honnêteté ^ oseroient à peine se servir
que le sieur
Couhert pourroit se faire regarder com m e n’ayant pas
participé aux discours séditieux qui ont failli faire égor
ger plusieurs citoyens : O u i , c’est lui-même qui a cherché,
par toutes sortes de m o y e n s , à me faire égorger par ses
satellites, et que peu s’en est fallu qu’il ne soit venu à
bout de son exécrable dessein, com m e les informations
en contiennent la preuve la plus complété.
Quant à la seconde partie de l’article, le sieur Couhert
nie de m’avoir pincé et donné des soufflets ni des coups
de poing ; il m ’a seu lem en t, dit-il , touché la main , le
�( 14 )
menton et la joue } en me disant : M o n c/zer am i} je ne vous
veux aucun mal ; vivons en paix.
Quelle d o u c e u r , le sieur Couhert m e traiter de son
cher a m i} après avoir eu la bonté de m e prendre par la
m a i n , de me toucher le m enton et la joue ! A h ! il faut
que je sois bien in g r a t , bien m é c h a n t , d ’avoir fait un
procès criminel à un hom m e qui m e prodiguoit ainsi les
tendresses et les caresses ! Si les choses étoient ainsi que
le sieur C ouhert les r e n d , il faudroit dire que je serois
un monstre avec les vingt-deux témoins qui ont attesté
que le sieur Couhert m ’a injurié , insulté , maltraité „
qu’il m ’a tordu la peau du menton et des joues , qu’il m a
souffleté3 qu’il a dit dans le m om ent où le peuple étoit
rassemble , qu'il falloit me pendre sous la halle ; que Suchet
tireroit la corde j et qu’il m ’a traité de coquin , fripon } ban
queroutier > faussaire , faux-témoin J scélérat ; qu’il a fait tous
ses efforts pendant trois jours pour m e faire chasser de
l'assemblée : Il n’est donc plus question que de savoir qui
des témoins ou du sieur C ou hert -mérite d’être cru ; il y
a apparence que le sieur Couhert s’imagine qu’il mérite
la préférence : mais sans doute que les juges en penseront
différemment.
Je ne m e permettrai qu’une simple observation qui
n’est pas propre à faire présumer que le sieur Couhert
ait beaucoup d’amitié pour moi , et qu’il ait été porté à
me caresser en me prenant par la main , par le menton
et par les joues ; c ’est que , lors du récolement et de
la confrontation qui ont eu lieu dans l’affaire du sieur
Baile contre le sieur C o u h e r t , ce dernier a soutenu que
j’étois son ennemi capital.
Com m ent ,
�73J
( 2-5 )
C o m m e n t , après de pareilles expressions qu’il est
impossible au sieur C ou h ert de révoquer en douce •
com m en t
dis-je , ose-t-il entreprendre de persuader
aujourd’hui qu’il m'a regardé com m e son a m i , et m ’a faic
les démonstrations de la plus intime affection par ses
caresses et ses attouchemens ? L e sieur Couhert est donc
un imposteur ; vingt-deux témoins l’attesten t, et sa con
duite le démontre.
L e sieur Couhert interrogé si , pour faire injure ail
plaintif qui étoit sur le point de sortir de la munici
palité , il n’avoit point fait poser quatre chandeliers de
bois autour d ’une table qui étoit dans la chapelle où se
tenoit l’assemblée , sur laquelle table il y avoit un drap
mortuaire et un antiphonaire , et s’il n’avoit point fait
sonner la cloche qui est dans ladite chapelle , dans la
forme où l’on est en Usage de la sonner pour les ago-jnisans ?
A rép ond u qu’il étoit incapable de se porter à des
puérilités de cette naturel, et de les conseiller ; qu’il a
oui raconter que cette fascétie avoit été inventée pour
manifester l’alégresse générale du changement des officiers muni
cipaux.
Pour manifester Valégresse générale ! V o u s approuviez donc
tout ce qui a été fait pour-injurier les officiers munici
paux ; vous désiriez, donc leur changement ; vous n’étiez
donc pas incapable de vous porter à des puérilités de
cette nature , ou de les conseiller : quand on a ose
dire publiquement qu'il falloit pendre les officiers municipaux ,
et les mettre à la lanterne , on est capable de t o u t , et le
�(i6 )
sieur Couhert n’en a que trop donné des preuves dans
toute la conduite qu’il a tenue envers m oi.
L e sieur C ou hert interrogé s’il n’avoit pas voulu
engager différens particuliers qui étoient dans V'àssemblée ,
quoique non citoyens actifs , à chasser le plaintif desdites
assemblées ?
A dénié l’article , en observant que le plaintif ayant
été accusé d’avoir cabalé ouvertement pour capter les
suffrages, e t'a y a n t été convaincu de ce fa it, la majorité
des citoyens actifs opina qu’il fut exclu de l’assem blée,
mais que le président engagea les réclamans à abandonner
leur projet.
Il faut avoir le front du sieur C ouhert pour oser
s’exprimer de la sorte : c’est lui seul qui s’avisa de m im
puter d’avoir cabalé mais bien loin d’avoir été convaincu
de ce f a i t , qui étoit purement calom n ieux et de l’inven
tion du sieur C o u h e r t , je fus pleinement justifié par la
majorité des membres de l’assem blée, qui attesta q u e ,
bien loin d’avoir cherché à me faire n o m m e r , j’avois dit
ail contraire que je les priois de ne point penser à moi j et
que si Von me donnoit des suffrages, ce seroit inutilement s étant
déterminé à ne rien accepter.
L e sieur Couhert a dénié l’article relatif au projet fait
avec le fils Brauard , son c le r c , de me tirer un coup de
pistolet lorsque j’irois chez le sieur Granet ; mais ce
désaveu ne mérite pas plus de confiance que les p récédens , un témoin digne de foi l’a déposé , et quoique
son témoignage paroisse unique à cet é g a r d , com m e il
s’agit ici de la preuve d’un corps de d é l i t , d’un com plot
�>37
( a-7 )
form é d’attenter à ma vie , ce témoignage se rapporte
aux autres de mêm e nature , à celui de la demoiselle
A vo n d , qui dépose que le fils Brauard a dit à L a m a r tin e ,
cordonnier : M . Couhert fa it faire de petites machines pour
détruire ce coquin de B reu l , et l’on a VU que ces petites
machines étoient des stilets pour me poignarder dans la
prochaine assemblée qui devoir avoir lieu , et qui a eu
lieu en effet quelques jours après pour la nomination du juge
de paix.
L e sieur C ou hert interrogé s’il n’est point vrai que
dans l ’une des assemblées il avoit jeté un chandelier au
visage du p lain tif, et s’il ne lui avoit point dit qu’il
lui bruleroit la cervelle s’il avoir ses p isto lets, et si dans
le m om ent qu’il tenoit ces propos il n’avoit point porté
ses mains dans les poche de son habit ?
A répondu que la séance de l’assemblée étant renue ‘
on agitoit la question de savoir si les nouveaux officiers
municipaux d evoien t prêter le serment devant les anciens
officiers municipaux ou devant la com mune , que lui
Couhert tenant à la main les décrets de l’Assemblée
n a tio n ale , soutint que c’étoit devant la commune que
ledit serment devoit être prêté ; que le plaintif, qui étoit
d’un avis contraire „ s’échappa en injures atroces contre
lui , qu’il porta même l’indécence jusqu’au point de lui
dire qu’il avoit été attaché à Riom au derriere d ’une
'
charrette , et traîné ignominieusement
d’Aurilhac ; que tenant un papier à la
que lui Couhert auroit le même sort
de son nom qu’il supposoit être un
dans les prisons
main , il disoit
qu’un particulier
de ses proches
�(18).
parens ; que ledit C ouhert qui , jusqu’alors', avoit fait les
plus grandes violences à son caractere , fut si vivem ent
touché de ces atrocités , que voulant le papier que tenoit
le p la in tif, il renversa avec tant de force un des chan
deliers qui étoient sur la table des scrutateurs , qu’il peut
se faire que le plaintif en ait été a tte in t, mais que son
intention n’étoit point de le frapper soit avec la main
soit avec le chandelier : le sieur C ou hert ajoute qu’il
ne dit point que s’il avoit ses pistolets il brûleroit la
cervelle au p l a i n t i f m a i s uniquement que l’agression
étoit de telle nature , que si lui Couhert eût eu des
pistolets et eut brûlé la cervelle ai> p la in tif, le cas étoit
graciable.
C ette réponse est admirable ! c ’est le plus beau rom an
qu’il soit possible d’im aginer : mais le sieur C o u h e r t, qui
fit renverser un des chandeliers qui étoient sur la table et
qui croit possible que j’en aie été a tte in t, auroit dû nous
expliquer la hauteur extraordinaire que devoit avoir cette
table , et si ma tête étoit au dessous de la table ; heureu
sement que les témoins abondent sur ce fait com m e sur
les. a u tre s , et que les efforts du sieur Couhert pour tron
quer la vérité sont inutiles.
Il
en est de même de la menace qu’il me fit de me
brûler la cervelle en pleine assemblée , s’il avoit eu ses
pistolets sur lui. U ne foule de témoins attestent ce fait :
et le sieur Desmas , qui assurément est digne de foi
ajoute que le situr C ou hert me dit de plus : Prends acte ,
si tu veux , de ce que je te viens de te dire } que je te hrûlerois la
cervelle si j ’avois mes pistolets.
Le
�( 19 )
L e sieur C ouhert désavoue d’avoir engagé quelques
particuliers à lancer des pierres ou des bâtons aux
fenêtres de ma* chambre ; il convient d ’avoir acheté deux
piques d ’un serrurier de la ville de R iom „ d’en avoir
fait faire une autre par un ouvrier d’A m b e r t , qinl avoit
voulu même en faire faire trois autres par le même
ouvrier , mais que c ’étoit uniquement pour sa défense
particulière contre les mal-intentionnés 3 &; que son inten
tion n’a jamais été de s’en servir contre qui que ce soit
en particulier.
L e sieur C ou h ert auroit diï nous expliquer quels sont
ceux qu’il regarde com m e des mal-intentionnés : à ses yeux
c ’est sans doute m o i , il n’est pas permis d’en douter ,
puisqu’il me regarde com m e son ennemi , et qu’il me
donne les qualifications les plus odieuses : au surplus ,
l ’explication donnée par le fils Brauard à Lamartine , et
don t la demoiselle A v o n d a rendu compte dans sa dépo
sition , leve toute équivoque. Sois tranquille , lui d i t - i l ,
il se fa it de petites machines avec lesquelles on viendra à bout de
ce coquin de Brcul.
E n f in , le sieur Couhert prétend que je n’étois pas en
fonction et sur le point d’installer les nouveaux officiers
municipaux au m om ent où il me lança un chandelier au
visage.
M ais , i°. il est en contradiction avec ce qu’il avoit
répondu a v a n t , qu’à la fin de la séance il fu t question de savoir
si les nouveaux officiers municipaux devoient prêter le serment
devant les anciens officiers municipaux ou devant la commune .
le sieur Couhert ne dit pas qu’il y eut de difficulté sur le
�1 W
( 30 )
point de savoir par qui la proclamation devoit être faite ; les
décrets de l’Assemblée nationale qu’il tenoit à la main -,
lui auroient appris que cette proclamation ne pouvoit être faite.
que par les anciens officiers municipaux , com m e elle l’a été
effectivement ; o r il falloit nécessairement com m en cer
par faire la proclam ation avant d’en venir à la réception
du serment. x°. U n grand nom bre de témoins attestent
que je to is au m om ent de faire la proclam ation. j ° . Enfin
s’il falloit d’autres preuves , le procès-verbal qui a été
dressé par les anciens officiers municipaux les fourniroit,
iterrogntoire
Quant aux autres accusés , le sieur C ouhert avoit eu
des autres
soin'de leur recom m ander de tout nier , crainte qu’ils
♦
GCU SÉ S
1
/
ne tombassent dans quelques contradictions avec luij.
c étoit le parti le plus sage ; cependant quelques - uns
n’ont pu s empêcher de laisser échapper certains traits
qui découvrent de plus en plus la vérité.
Assez de témoins a voient déposé du drap mortuaire
placé sur la table des scrutateurs, des quatre chandeliers
de bois et de l’antiphonaire , pour m e faire injure ; mais
il n’y avoit qu’un seul témoin qui eût déposé avoir vu les
auteurs de ce délit; c’étoit G regoire Frandet. L ’on a vu
que ce tém oin a déposé que les nommés Barthélémy Roux ;
fils ainé de Jacques Roux j boucher; le sieur R igod o n le jeu n e ,
âgé d’environ 04 ans, ( ci-devant a b b é ) , et le fils ainé de
Laurent D uport , placèrent sur la table des scrutateurs
un drap mortuaire , quatre chandeliers de bois aux coins
d’icelui , et qu’au milieu de la table et à côté d’un autre
petit chandelier qui y étoit p la c é , ils appuyerent un livre
dont on se sert pour chanter le Libéra pour les Défunts ;
�y*!
C( ' i i »
que le déposant leur ayant de'manclc pourquoi ils se cornportoient. de la s o r te , ils lui avaient répondu que cela
ne le regardoit p o i n t , et qu’ils allèrent ensuite tous les
trois à la sacristie'-) polir y sonner Lv cloche de la même
maniere dont on est dans l'irsage de la, sontièrpour les agonisons.
Barthélém y Roux avoic été trop bien instruit par son
pere pour faire le moindre aveu ; le mensonge ne coûte
rien à certaines gens : mais 'Augustin D uport n’a pas eu
le môme front il avoue dans son interrogatoire'que du temps
des assemblées on avoit sonné la' cloche, pendant la nuit ; que sur
les six heures du matin- lui répondant s’étant transporté dans la
chapelle , il y trouva Barthélémy Roux , fils Miné de Jacques
Roux , et le plus jeune des enfans du sieur Rigodon , (ci-devant
a b b é); quil vit qu’ils placèrent- sur la table‘qui étoit dans ladite
chapelle un drap mortuaire et autour d'icelle' quatre chandeliers
de bois ; que Barthélémy Roux dit à lui répondant qu’il plaçoit
ainsi ce drap mortuaire par ordre J e ion pere „ qui est recteur des
pémtens. : que lui, répondant ayant trouvé par terre une
feuille d’un antiphonaire;, il la’ ram assa.et la plaça sur
ladite table ., qu’en cela il' n ’a. entendu faire aucun
mal ni injure à ’qui que ce s o i t , et qu’il s est repenti de
¿’avoir f a i t , lorsqu’on lui dit . ensuite qu’il ne devoit pas
se .co m p o rte r de la sorte.:
i . !
■
' '
S i’ dans l’ordre des .preuves celle qui résulte de l’aveu
de l’accusé mérite le premier r a n g , il ne;reste plus de
doute , d’après la confession d’Augustin D u p o r t, que
•pour m’injurier et me faire dérision , après m avoir
menacé dé m e p e n d r e , B arth élém y Roux , le fils dudit
D uport et le ci-devant abbé Rigodon , n’aient placé le
�drap mortuaire , les chandeliers et l’aritiphonaîre, dont
les mots notés étoient parfaitement analogues à leurs
vues.
C e qu’il y a dè rem a rq u ab le, c ’est que Barthélém y
R o u x a dit qu’il faisoit cette dérision par l’ordre de son
pere , et cela est bien croyable , car depuis qu’en ma qualité
d ’officier municipal , j’ai été obligé de sévir contre Roux
pere , de le; .condamner en l’amende pour avoir vendu de
la viande à faux p o id s, il n ’a cessé de m ’insulter , et
•de me faire .insulter par ses Afils toutes les fois qu’ils eu
rrouvoient l’occasion, : d’ailleurs, l’on a vu que R oux
pere m ’avoit .dit, en.pleine assemblée: Coquin , je nien vais
sonner tvn agonïe-.i.qix 'A étoit allé dans la sacristie où est la
corde dé la cloche',' & que d an sl’instant on avoit entendu
sonner, comme>pour \esaSonisans. T o u t annonce donc que
c ’est R ou x p‘ere qui\ést le principal m o teu r de toutes les
injures , de. toutes les dérisions , de toutes les m enaces
et voies de:fait;que j’ai éprouvées de. la;part de ses enfans;
dans-. tdus les cas ih est tdnu de: leurs faits: ; s ’il leur eût
donné une h onnête.éducatidn, au lieu de leur conseiller
le mal ^ ils ne se seroient jamais mis dans de mauvais
cas 3-et ne L’y auroierit jamais mis lui-mêm e ;(tandis que1,
avec la conduite déréglée qu’il.leur laissé ten ir, bien des
p e r s o n n e s , s d g e s i p r o p h c r i s e n t c e . q u ’il est peimis de
prophétiser,en. pareil cas.
’
'
* .. Jacques Chouvin , n’a pas pu se dissimuler que lui et
plusieurs autres particuliers m ’avoient voulu faire sortir de
ïn xsem b ïée ?n>Jiis‘ il ajoute' qiie. c ’est parce que je cabalois
pbuLfatre.nârarrfc r lin de mes1con fier es juge de paix.. I,a
fausseté
�fausseté de ce prétexte eft évidente , 'puisqu’il ne s’agissoit
pas de n om m er un juge de paix , mais des officiers mu
nicipaux : il n’y a d on c que la vérité qui reste de cet
aveu ; c’est que C h o u v in , Couhert j les R oux et autres
accusés , ont réellement fait tous leurs efforts pour me
faire exclure de Vassemblée.
,
Claude M id r o y com m ence par nier de m ’avoir tenu
aucun propos injurieux ; il ajoute qu’un jour seulement le
plaintif lui ayant dit qu’il Farrangeroit , il lui répondit
qu’il l’arrangeroit aussi , et que le plaintif n’étoit pas dans le
cas .d’arranger un honnête homme , que n’étant d’ailleurs que
depuis environ une année habitant de V i v e r o l s , il ne pouv o it savoir si le plaintif étoit un fripon et un banque
routier.
Interrogé s’il n’a point tenté de force et de violence de
m e faire sortir de l’assemblée ? M id r o y répond que n o n ,
et que quand-il l'auroit tenté il n’auroit rien fait de trop.
- C es deux réponses de M id r o y annoncent bien claire
m ent son envie de me nuire. i°. Suivant lui ¿ j e ne suis
pas dans le cas d’arranger un honnête homme. 2°. U n ie de s’être
¿tfalisé avec scs co-accusés pour m ’avoir voulu faire sortir
par force et violence de l’assemblée ; mais quand il l’auroit
fa it j d it-il, il n’auroit rien fa it de trop. Pcut- on laisser entre
v o ir plus manifellement la vérité des faits don t je me
suis plaint ! M i d r o y , à qui l’on avoit recommandé de
tout nier , n’a pu entièrement cacher la noirceur de son
caractere et de ses intentions à m on égard.
Lam artine avoue q u V me prit dans [’assemblée par la bou
tonnière ; mais il cherche à se justifier en ajoutant que
�( 34)
c ’est parce que je lui avois dit qu’il avoit voulu faire
perdre ses créanciers , et qu’il vouloit m e conduire
chez m oi pour que je lui en donnasse la preuve ; la
premiere partie de sa réponse est exacte , mais le prétexte
imaginé pour la justifier est absolument faux.
Enfin il résulte des interrogatoires de Barthélém y et
Joseph R oux , de D uport fils , et de Brauard., qu’ils
n etoient point citoyens ac tifs, et que cependant ils s’introduisoient à chaque instant dans l’assemblée : ils n’ont
pas voulu avouer que c ’étoit pour m ’insulter et m ’en faire
sortir m oi-m êm e ; mais la preuve en est consignée dans
les informations.
M O Y E N S .
D ’après les preuves que je viens de do n n er de toutes
les atrocités dont je m e plain s, il n’est pas difficile de
co n cevo ir que les sieurs C o u h e r t , R oux et leurs c o m
plices , se sont rendus coupables envers m oi des injures
les plus atroces. M ais pour bien sentir les peines qu’ils
ont encourues , il convient d’observer que les Auteurs
distinguent trois sortes d’injures : l’injure verbale simple ,
Tinjure verbale qualifiée 3 et l’injure réelle ou par voie de fait.
M ujart de V ouglans , qui donne le détail le plus clair
de ces différentes especes d’injures , enseigne , i°. que
Yinjure verbale consiste dans tous propos outrageans qui
se tiennent contre l’honneur et la réputation d’autrui.
C ette espece d ’injure , dit - i l , com prend non seulement
la calomnie , mais encore la m é d i s a n c e p a r c e que c’est
�( 31 )
la seuls intention de diffamer qui form e un délir en cette
matiere; en sorte qu’il n ’y auroit pas moins lieu à l ’action
d ’injure quand elle seroit fondce sur des faits véritables
et dont on offriroit la preuve , ou quand mêm e ils
seroient notoires et publics. L a peine de Yinjure verbale,
simple , ajoute-t-il , consiste dans des condamnations pé
cuniaires , telles qu’amende , d om m ages, intérêts et dé
pens ; réparation d’honneur par acte mis au greffe ; quel
quefois aussi on permet d’afficher et publier la sentence .mais aucune de ces peines n’est infamante par sa nature,
et peut par conséquent se prononcer sans l’appareil de la
procédure extraordinaire qui suppose des crimes méritant
peines afflictives ou infamantes.
2.0. Que par injure verbale qualifiée, on entend toutes celles
q u i, par leur nature ou par leurs c ir c o n s ta n c e s , peuvent
m ériter des peines plus fortes que celles dont on vient de
parler : l’injure est dite qualifiée par sa nature , lorsqu’on
impute à quelqu’un un crime grave
en le traitant de
voleur , de fripon , à!assassin ; et elle est dite qualifiée par ses
circonstances , lorsque ces circonstances sont tellement
graves qu’elles la font dégénérer dans un crime public à
cause du trouble et du scandale quelles causent dans la
société: la peine de cette espece d’injure doit nécessaire-'
ment être plus forte que celle de l’injure verbale. M u ja it
de V ouglans nous dit que l’on est dans l’usage de p ro
non cer contre les coupables de celle-ci une punition exem
plaire, dont la moindre est celle de la réparation faite a
l’audience , en présence de plusieurs personnes ou de
l’admonition ou de l’interdiction à temps , 011 bien de
�Y\
.
•
/ 36} •
1-abstention des lieux où l’offensé fait sa demeure.*
.9°. Enfin , que par injure réelle on entend celle qui peut
se com m ettre tout-à-la-fciis sur la personne \ sur -l'honneur
et sur les biens* Elle frarppe sur la 'personne, lorsque l’on bat
et que l’on excede quelqu’un'par des soufflets ^coups de
poings , coups de pieds , ou avec des b â to n s , é p é e s ,
fusils et autres a r m e s , ou bien qu’on porte la main sur
lui pour le battre, ou que sans le frapper on leve la-main
ôii un bâton ou canne sur lui , ou mêm e lorsqu’on se
contente de le p o u sser, de le prendre par l’habit au c o lle t,
qu’on lui crache au visage , qu’on lui jette des ord u res,
ou qu’on les met devant sa porte ; qu’on le fait m ordre
par son chien , ou blesser par qùelqu’autre animal dange
reux qu on n a pas s o u r d e co n te n ir, etc. etc. etc. L 1injureréelle frappe sur Yhonneur, lorsque pour insulter un h om m e
marié on met des cornes sur sa porte , ou bien que l’on
m et à d’autres quelques signes qui dénotent l'infamie ,
c o m m e une roue , une potence , où lorsque pour ruiner le
com m erce d’un marchand , oii fait mettre le scellé sur ses
eifets , sous prétexte de faillite ; lorsqu’on aftecte du m é
pris pour ses supérieurs, en ne rendant point les honneurs
qui sont dus à leur rang et à leur dignité ; 011 enfin lorsque
pour faire injure , on affecte de refuser Ventrée , ou même
de ne point convoquer à une assemblée ceux qu’on sait en avoir le
droit : enfin l’injure .réelle frappe encore sur les biens,
co m m e lorsque dans la seule envie de nuire et de faire
ins-.ilte à quelqu’un , sans espérance d ’en tirer aucun pro
fit p a rtic u lie r, 011 dégrade ses b ie n s , 011 casse scs p ortes,
ses fen êtres, etc.
La
�>*y
(37 )
L a peine de ces injures réelles est ordinairement cor
p o r e lle , afflictive ou infamante , ce qui dépend principa
lement des circon stan ces, c ’est-à-dire , tant de la qualité
des injures considérées en elles-mêmes , que de celles des
personnesqui les fo n t , ou de celles à qui elles s o n tfa ire s ,
mais s u r - t o u t du m o tif ou de Ja cause particulière qui a
porté à les com mettre.
E n faisant l’application de ces réglés à mon hypothese ,
il est aisé de juger que les injures dont je me plains parti
cipent tout-à-la-fois et de Yinjure verbale qualifiée , et de
Y
injure réelle.
P re m iè re m e n t, tous les caractères de Yinjure verbale qua
lifiée s’y rencontrent; elle est qualifiée par sa nature , puisque
les expressions dont on s’est servi sont telles qu’on ne
peut leur donner aucune interprétation qui puisse les
excuser. O n m ’a qualifié de voleur, fripon , coquin , faussaire ,
faux-témoin , banqueroutier , scélérat, putassier ; elle est qualifiée
par ses circonstances} qui sont tellement graves qu’elles la
font dégénérer en un crime public 3 à cause du trouble et
du scandale qu’elles ont causés dans la société. Le motif,
la maniéré , la qualité des parties , le lieu et le temps , tout
concourt à qualifier et à aggraver les injures dont je de
mande réparation. i°. Quant au motif, il est évident que
les injures m ’ont été faites avec préméditation et par
l’eff-et d’un ressentiment injuste. x°. Quant à la maniéré
dont elles ont été proférées , l’on y remarque des gestes
indécens , des cris séditieux. 30. M a qualité de premier
officier municipal , le lieu et le tem ps, tout se rencontre
ici pour manifester que les injures ne sont pas de simples
�c 3V
injures verbales qui peuvent être réparées par de simples
condamnations pécuniaires , mais qu’elles méritent le
premier rang dans la classe des injures qualifiées.
S e c o n d e m e n t, les injures dont il s’agit ne sont pas seu
lement des injures verbales qualifiées , elles sont encore
des injures réelles , de véritables voies de fa it : l’on m ’a pincé
les jou es*, tordu la peau du m enton souffleté ; Ton m ’a
saisi au collet pour m ’exclure d’une assemblée où j’avois
incontestablement le droit d’assister ; l’on m ’a jeté un
chandelier à la figure , dont j’ai été blessé , et cela dans
le m om ent où j’étois en fonctions ; l’on a cassé mes
vitres , l’on a voulu attenter à m a vie par tous les
m oyens imaginables. L e sieur C ou hert a été le premier
à dire publiquement , un jour de dimanche , lorsque le
peuple étoit rassemblé sous la halle , qu’il falloit me pendre
à un crochet qui avoit été place a une des poutres de cette halle :
pour y engager d’autres particuliers, il disoit que Suchet
dit P i rot , tireroit la corde. L es mêmes menaces ont été
faites publiquement par Roux loucher , et ses enfàns; elles
l’ont été non seulement par paroles , mais encore par
écrit. L ’on a déployé tout l ’appareil des funérailles , sonné
1’'agonie , sorti le drap mortuaire , placé aux quatre coins
d ’icelui quatre chandeliers de b o i s u n autre chandelier sur
le drap , avec le livre des agonisans et des morts ; il ne man~
quoit plus que Xexécution, et peu s’en est fallu qu’elle n’ait
eu lieu : c’en étoit fait de m oi si j’eusse repoussé les
insultes du sieur Couhert ( quand il me pinçoit et me sajjffletoit ) par les moyens naturels : tous ses satellites , ses
vils complices qui l’e x h o r to ie n t , n ’attendoient que le
m oindre prétexte pour fondre sur moi. O u i , je le répété,
�c 39 y
et mes informations le prouvent ^ je ne dois la vie qu’à
m a prudence , qu’à m a modération.
C e projet ayant échoué , on en ' form e deux autres :
Yun de se cacher derrière le mur dit cimetiere pour me
tuer d’un coup de pistolet quand j’irois dans une maison
011 j’avois des habitudes ; Vautre de me poignarder à la
premiere assemblée „ ou ailleurs, avec des stilets que le
sieur Couhert avoit com m encé à faire fabriquer ; fabri
cation qui n’a été arrêtée que par le bruit qui s’en répan
dit , et Jque quelques-uns suspecterent être contre la na
tio n ; mais que je crois très-fort , m o i , m’avoir seul en
vue : on ne peut en douter , d’après la confidence qui fut
faite par Brauard à Lam artine , que Von faisoit faire de
petites machines avec lesquelles on viendrait à bout de moi.
Il est impossible au sieur C o u h e r t , et aux exécuteurs de
ses ordres j de dissimuler le crime dont ils se sont rendus
coupables. L e s faits sont si publics , que Je sieur Couhert
n’a pas osé les d é sa v o u e r, et qu’il cherche seulement à faire
adoucir les peines qu’il a encourues , en prétextant qu’il
ne m ’a jeté le coup de chandelier que parce que je lui
avois dit qu’il avoit été attaché sur une charrette à R i o m ,
et conduit dans les prisons d’A u rilh a c, et qu’il finiroit
par se faire pendre com m e Pierre C o u h e r t , notaire à
V ille c h e n e u v e , son parent.
Il est aisé de p ré v o ir, d’après cette réponse à l’interro*g a tio n , quel sera le plan de défense du sieur C ouh ert : il
dira probablement que sa vengeance étoit excusable ,
qu’il n’a lancé le chandelier que parce qu’il avoit ete sen
sible au reproche que je lui avois fait,, et quen consé-
�7*0
( 4° )
quencé la faute qu’il a com m ise ne mérite pas de sup
plice infamant, mais seulement une réparation personnelle et
particulière à celui qu’il a offensé.
V o ic i ma Répliqué:
i°. Il n’existe aucune preuve de ce que le sieur
C o u h ert avance : ainsi , en supposant pour un instant
que la vengeance particulière pût jamais servir de pré
texte au délit dont il s’agit , la justice ne pourrait
m êm e , dans ce cas , la tolérer puisqu’on ne lui admi
nistre pas la preuve du fait que l’on vo u d rait exiger en
m o tif excusable.
. 2.°. M ais personne n’ignore qu’il n’est permis à qui que
ce soit de sc faire, justice à so i-m ê m e . Si chacun étoit
l’arbitre et le ministre de la vengeance qu’il croit lui
être due , 1 anarchie prendroit la place des lois ; la licence
ferait disparaître toute police , et la fo rce deviendrait
la réglé unique des prétentions et des droits. A v o i s - j e
insulté le sieur Couhert : il falloit en rendre plainte , le
p ro u ver, et demander justice; les juges lui auraient donné
une satisfaction analogue et proportionnée à l’offense;
les réglés de la décence n’auroient pas été v io lé e s , le
public n ’aurait pas été scandalisé.
3°. C e tte circonstance n’empêcheroit pas que le crime
dont le sieur Couhert s’est rendu coup able, ne fût un de
ceux dont la poursuite est confiée au ministere public
et qui doivent être punis par des peines afîlictives.
Il a été com m is dans une assemblée publique , dans une
église ; et tout délit com mis en pareil c a s , mérite une.
punition au moins exemplaire.
M ais
�7Ü
(40
M ais le lieu n’est pas la seule circonstance quî ait
aggravé le crime. J etois alors en fonctions , je me mettois en devoir de proclam er les nouveaux officiers muni
cipaux ; et le sieur Couhert n’auroit pas dû oublier que
dans ces circonstances il me devoit le respect-, qu’il me
le devoit mêm e dans toutes les occasions , par l’honneur
que j’avois de porter le nom d’officier municipal, quand
m êm e j’aurois été assez malheureux pour en abuser : c ’est
ainsi que l’enseignoit le célébré d’Aguesseau, en parlant
des juges subalternes , lors de l’arrêt du 4 juin 1699.
A u surplus , le crime du sieur Couhert ne se borne
pas au coup du chandelier ; il a voit déjà attaqué m on
honneur , ma réputation , m on créd it, de la maniéré
la plus indigne ; il avoit déjà porté sur ma personne une
main sacrilege ; il m ’avoit pincé et souffleté dans un lieu
s a in t, en présence de tout Je monde.
D ’aîlléurs , les fois ne se sont pas moins occupées à
défendre chaque particulier des coups de l’op in io n , qu a
la conservation de son corps et de ses biens. L ’honneur
fait une partie intégrante , et peut-être la principale partie
de chaque être civil : c ’est com m e une condition sans
laquelle il y a des homm es qui vont jusqu’à croire qu’ils
11e doivent pas continuer de vivre.
T o u t soumet donc Je sieur Couhert et les ministres de
sa vengeance , à la poursuite du ministere public, et aux
'peines que l’on inflige aux auteurs des délits publics.
A u surplus, c ’est là la cause de M . le Com m issaire du
Roi , et de M . l’Accusateur public.
Je' m e borne à m a réparation particulière ; elle est bien
�(4 2 ) ’
modérée , en comparaison de tout ce que j’ai éprouvé
d ’outrage et d’atrocité de toute espece.
Je demande 40,000 liv. de dommages-intérêts , et les
dépens solidairement et par corps ; des défenses de récidiver , à peine de punition corporelle ; l’impression du
Jugement au nom bre de quatre mille exemplaires , et
l’affiche au nombre de deux m ille , dans les villes et lieux
o ù s’étend m on négoce.
L e sieur C o u h e r t, qui a retiré 30,000 l. de dommagesintérêts du sieur T r é m é o le , pour un léger coup de canne
que ses saillies lui avoient a t t ir é , doit s a v o ir , mieux que
personne , qu’on ne frappe pas im p u n ém en t, et s’il veut
se rendre justice , il conviendra que mes Conclusions
n’ont rien d’exagéré.
Signé, B R E U L .
A
S A I N T - E T I E N N E , de l'imprimerie de B o y e r .
�
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Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Breul. 1791?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Breul
Subject
The topic of the resource
commerce de gros
auberges
syndic de la communauté paroissiale
création des communes
diffamation
violences sur autrui
élections
menaces de mort
témoins
doctrine
dommages et intérêts
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Breul, négociant, premier officier municipal de l'ancienne municipalité du Bourg de Viverols, chef-lieu de canton, accusateur et demandeur ; Contre le sieur Couhert, ci-devant agent des affaires du ci-devant vicomte de Beaume ; le sieur Brauard fils, son clerc ; Jacques Roux, boucher, et ses deux fils ; Laurent Duport, cabaretier, et son fils ; Claude Midroy, charpentier ; Antoine Lamartine, cordonnier ; Jacques Chouvin, cabaretier ; George Suchet, journalier ; Pierre Jacon dit Picon, accusés et défendeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Boyer (Saint-Etienne)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1791
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1624
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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Text
M
E
M
O
I
R
E .
P O U R
M arie - J Ulien C H A P P E L , Officier de
santé pharm acien, habitant à Clerm ontFerrand , Défendeur
C O N T R E
M a r g u e r i t e M O N E S T I E R , son
dam e
épouse ? se disant autorisée par justice ,
demeurant en la même v ille, Demanderesse
en divorce.
L ’aimer , en être aimée , est ton p lus dou x partage
T r a d u c t io n d e M ilc o n .
E
t A i t - i l donc dans la destinée de la Dame C h appel d être la
première
l'
,
depuis la publication du code civil à
donner au public
exemple scandaleux d’ une demande en divorce ? . . • • U n e femme
�N
(O
née dans un état h onorable,
p o u v a i t - elle
pousser I oubli
de tous
les devoirs et de toutes les bienséances, au point de i échimer des
tribunaux la dissolution de sou mariage, d’y venir abjurer s o l e n
nellement sa qualité il’épouse , et d oser soutenir en même leins ,
p ar une singularité qui tient d i délire , qu\uwun acte légal ne lui
a conféré ce respectable titre? Convenait-il , enfin, à une mère de
famille de ten ir'u n e conduite qui ne tend rien moins qu’à com
promettre son étal et celui de sa fille, à diffamer sou mari, e t
à se ineUfte en spectacle de la manière la plus désagréable ?
U n tel excès d’égarement est en opposition manifeste avec le3
bonnes mœurs.
'
Certainem ent, si la Dame Cliappel n’était pas livrée à de perfides
conseils, si des im pulsons étrangères ne l’agitaient sans cesse, il
serait facÜe de la rappeler à elle-même , par la seule considéra
tion
des
conséquences funestes de ses
téméraires
démarches ;
mais son imagination sédu te ne se complaît que dans T e n e u r ,
et la rend également insensible à la voix de la raison ,
celle de la nature. 11 est cruel
comme à
pour le C.<-‘n C l i a p p e l ,
employé tous les moyens pour conquérir
q-.ii a
son aifection , de ne
trouver en elle que des sentimens de h a in e , et ce qui le j t u d
peut - être plus à plaindre est de s e n tir , quand tout est changé
pour lu i, qu’il lui est impossible de changer lui-même.
Aussi , malgré la vive douleur qu’il ressent de voir
sa femmo
cumuler contre lui les imputations les plus calomnieuses, pour
se créer des moyens apparens d’obtenir du tribunal la rupture du
noeud conjugal, et quoique de tels procédés soient capables d ’irriter
quiconque en serait l’o b j e t , le C.cn Cliappel ne perdra jamais de vue
qu’il est époux , qu’il est p e r c , et que pour avoir la p a ix , il n’est
point de sacrifice que de pareils litres ne déterminent. Pénétré de
�( ?)
•
celle vérité et fort de la pureté de ses inienùons , connaissant
t ie n d’ailleurs la nuiin pej l’i ue d’où parlent les traits les plua
envenimés qui ont été dirigés contre lui , il tiendra toujours un lan
gage conforme à la loyauté de son caractère , espérant avec confu-ïice
que les magistrats trouveront
dans leur propre conscience , des
motifs plus que suffisans de rejeller une demande, qui est tout-àla-fois odieuse, n u l l e , inadmissible et mal fondée.
F
A
I
T
S
.
I.e g messidor an 11 , la D am e Chappel a présenté au C.e*
B o y e r , premier juge , faisant les fonctions de président , une
requête expositive des faits q u i l’ont déterminée à provoquerle divorce
contre son mari ; mais reconnaissant elle-même la fragilité de ses
m o y e n s , elle s’est réservé d ’attaquer son mariage
de nullité , sur
le fondement que les publications et l’acte du mariage ont été rédigés
p a r le C.cn C h a p p e l, son beau p è r e , alors officier m unicipal. E lle
a joint à cette re q u ê te , pour pièces justificatives de sa demande ,
i.° l’extrait dudit acte de mariage du 5 o frimaire an 8 ; 2.° une
lettre sans d a t e , à elle écrite par son mari ; 5.° une ordonnance
du tribunal en date du 8 prairial an i l , rendue sur sa p étitio n ,
en la chambre d’instruction , et portant autorisation pour former
et. poursuivre sa demande en divorce. L e C.cn Boyer a rempli le
voeu de la loi ; il a représenté à la Dame C h a p p e l, avec l’éner
gie
du
sentiment } les
conséquences
funestes de l a . demande
q u elle voulait engager ; il n ’a rien omis pour lui faire abandonner
Un Projet si violent : mais la D am e Chapelle a été inébranlable
dans ses résolutions; en sorte que le C.c» Boyer a dressé pro
cès - verbal de la remise
desdites pièces }
et a ordonné
que
�( 4 )
lés deux époux seraient cités devant lui , en la chambre, d’ins
truction
à j ° ur et heure fixes. L o 16
les deux- époux ont*
comparu devant le C.en B o y e r , qui leur a fait toutes les re p ré
sentations propres à opérer entre, eux un rapprochem ent, et il
a constaté par son procès - verbal leurs dires respectifs. On yvoit que le Cien Chappel a déclaré qu’il ne
consentait pas a u'
d iv o rc e ; q u ’il a demandé que son épouse se réunisse* à lui ; qu’il
l ’a même sollicitée de. revenir dans sa m aison , promettant d’avoir
pour elle tous- les égards possibles , en un m ot, de la traiter
maritalement ; qu’au contrairè son épouse avait rejette cette invita
tion , disant qu’après ce qu'elle avait é p ro u vé, elle ne pouvait
compter sur les
promesses du. Cen.
C h a p p e l., et qu’ainsi elle ■
persistait da n s. sa^ demande en divorce. L ’obstination de la Dame
Chappel a donc rendu vaines et infructueuses, les remontrance» et
les sollicitations du magistrat.
L e 20 du même mois , sur le rapport-du C.çn Boyer et sur les
conclusions du commissaire du Gouvernement ,.11 a élu rendu par
le tribunal une ordonnance , .qui a permis à la Dame Chappel de
faire citer son mari à comparaître en personne à l’audience à huis
clos ,
dans les délais de la l o i , , pour répondre aux fi ns de sa
requête de divorce, q u i, en o u tre , l’a autorisée à rester pendant
le cours de l’instruction , dans la maison de ses père et m è r e ,
et à voir son e n f a n t , quand bon lui semblera ; niais sur la remise
de l’e n fa n t, » sursis à faire droit.
L e 20 therm idor, les deux époux se sont présentés à l'audience
à huis clos.
L a Dame Chappel a fait exposer les motifs do sa demande P
elle a représenté les
pièces
qui l ’appuyent et a nommé
les-
tCiuviüs qu’elle se propose do luire entendre. Sou inuria ensuite»
�(*>
fait
proposer
a soutenu
ses
être
observations
tout-à-la-fois
.
sür
cette
'pour
satisfaire
à
la
demande ,
qu’il
odieuse , nulle , inadmissible
mal fo n d é e , et il a indiqué , en tant que
ment
'
loi , les
de besoin
témoins
et
et seule
qu’il
pourrait
produire.
Il
a été dressé
observations
procès-verbal
des
comparutions , dires et
des parties , qui l ’ont signé ;■ensuite le tribunal
a renvoyé les
deux époux à l ’audience publique du j e u d i , 7
fructidor p roch ain, heure de
8 du matin , a ordonné la com
munication de là procédure au commissaire du G ouvernem ent,
et a commis pour rapporteur le C .en Boyer.
C ’est dans cet état
divorce de
qu’il s’agit de savoir si la demande en
la Dame Chappel peut être admise , ou si au con
traire elle doit
être rejëttée.
l ’affirmative de
cette dernière proposition.
N ous
*
■
,
.
Plusieurs
soutenons avec
'
confiance
•
}
M o; Y E N S.
considerations
doiycnt.
des magistrats toutes' les fois qu’il
se
présenter dans
s’agit d’un
l’esprit
divorce, <c L e s
î> tribunaux (d it leC.cn T reilh ard , conseiller d’ É t a t , dans son dis
)> cours sur la loi du divorco ) 11e sauraient porter une attention
)> trop sévère dans Hnstrucr.ion et l ’ examen de ces sortes* d’a f » faires........ Il ne faut point- affaiblir dans l’ame du magistrat
w ce sentiment profond, d e ’ peino secretlc qu’il doit éprouver,'
» quand on lui parle de divorce **^...
En
eiïet , que de réflexions ne
action !....
•
fait pas naître une pareille.-
�•
(O
Premièrement , l’on ne
quoique
pe. mis
se dissimuler
s o it
étant une occasion
com m e
e n tra în a n t
avec lui des maux graves et
que
l ’usage
en paraît justifié
forte
raison ,
quand
qui a
toujours
dans
retenu
pensée
les
quelque
scandale , et comme
de
certains , lors même
par les
circonstances ,
est évident que l ’on en
il
le divorce,
généralement réprouvé par l’opinion
publique
sées
que
la loi , n ’imprime à la
, qu’il ne
d ’- o d i e u x
c h o s e
par
peut
à
plus
abuse. C ’est
ce
femmes verlneuses , qui , d’avance excu
une pareille démarche par la notoriété des souffrances
que d ’indignes maris leur font éprouver ,
préfèrent cependant
dévorer leurs chagrins dans le silence.
S e c o n d e m e n t,
conduite ' d'une
quelles inductions ne peut - on pas tirer de la
jeune
fe m m e ,
divorce à la séparation
qui invoque
de corps ! De
v iro n n e-t-elle pas elle - même ,
par
quelle
préférence le
défaveur ne s’en
en réclamant la dissolution d ’ un
lien dont elle avait ju ré aux pieds des
autels de
respecter l’in
dissolubilité ! E t si le parjure est toujours h o n te u x , combien ne
d o it - i l pas p a r a î t r e plus r é v o l t a n t , <luu& la circonstance
ou l’in
térêt de l ’e n f a n t réclame l a conservation du noeud conjugal , à qui
il doit l’ existence et la légitim ité!
T roisièm em ent,
le divorce est l'image
P ar le d ivo rce, les époux
de la mort naturelle.
so n t, pour ainsi d ir e , anéantis 1\1U
pom- l’aulre. L ’éternité commence
déjà
pour
eux,
puisque la
loi leur ôte jusqu’il l’espoir de se réunir jamais. Plus malheu
reux
que si la mort
dans le
.
ancienne
monde
même les
entretient
,• •
en
séparés ,
leur
eux le souvenir
amer
eût
besoin de
de
leur
1I„ ,,vn;.n les regrets de l’u n , les remords de
luuson ; elle excitc
7
l ’a u tre ; elle le» force de se rappeler le passé,
le plus
présence
s’oublier
lorsqu’il, auraient
pour l ’avenir. Privés du bénéfice
�(?)
clu te m p s 'q u î, dans le cas de la mort n a tu relle, efface insensi
blement les objets, les
divorcés
lie
trouvent que
des
occasions
tio p fréquentes d ’éprouver les plus douloureuses impressions.
Quatrièmement , quel sort le divorce ne prépare-t-il pas aux
eniuns nos
du
mariage que
l’on veut dissoudre
? Innocentes
Violimes, leur é ta t , leur éducation, leur fortun e, tout est com
promis.
Îileves sous de si
devoir être encore
de calculer les
funestes auspices ,
l’avenir
plus sinisLre pour eux ; il est
maux
semble
impossible
qui les attendent ; de nouveaux
engage-
Miens les feraient tomber sous une domination étrangère. O r p h e
lins du vivant même de leurs père et mère , c ’est en vain qu’ils
les appelleraient ; à peine trouveraient-ils dans celui à qui le dépôt
en serait confié, ces soins tendres et généreux
qu’ils ont droit
d’ut tendre de tous les deux.
Cinquièm em ent , le C.«--« T r e ilh a rd j, flans son discours précité,
pose en principe que <c le divorce
» •être un b ie n ,
» le divorce
puisque
ne doit
en lui - m êm e
ne
peut
pas
c ’est le remède d’un mal ; mais que
pas être
non
plus
signalé
» mal , s’il peut être un remède quelquefois
» d’ailleurs il est reroiinu et incontestable
comme
un
nécessaire ; que
que la loi doit offrir
H à des époux outrages } maltraités , en péril
de
leurs jours }
» des moyens de mettre à couvert’ leur honneur et l e u r ' v i e » .
Méditons ces p en secs, èt nous saisirons parfaitement l’esprit do
la loi sur
le divorce. C e r te s , point
n est pas -un bien ; mais s’il est un
que c est un terrible r e m è d e , qu’on
do doute que
re m è d e , il
le divorce
faut convenir
ne doit a p p liq u e r ‘ qu’à un
mal e x trê m e , èt dans un cas désespéré; sans quoi
lu remède
¿tant plus *langereux «pie le mal , on tomberait
dans
l'incon
vénient d’opérer par le m o ye u d’ un tel jo n iè d e ,
un très-grand
�( 8)
m a l , sans aucun bierK Aussi la pensée du -législateur n ’ est p o in t
équivoque à cet é g a r d ,
ércoux
obligés de
puisqu’ il ne
m eU re à co u v ert
destine
leur
ce
rem èd e
honneur et
qu’aux
leur
Yie.
D o n c il lu-ut exam iner scrupuleusement si la fem m e qui de m an d e
le divorce y est .exiK.)o.wiCiil dans lu position c e mettre à
co ."'^^^
sen honneur et sa vie..
L e
baron de P u i le n d o r f, tom. H , p. 2c3 , <]1JO;1ue nssez fa vo
rable au d iv o rce , convient pourtant q u ’il serait également d é sh o n nête et nuisible que le mariage pût
fortes raisons, m êm e
i.,-e
dissous sans
de ir è s -
du consentement des parties ; car une telle
licence troublerait ex trêm em en t l ’ordre et la p a ix .des familles et
pa r conséquent de l ’Etat.
Sixièmement ^ en matière de
rappeler
les
anciennes
divorce, il est
maximes
touchant
les
essentiel
Ûc
séparations
c o r p s , puisque la loi nouvelle ouvre également ces deux
se
tie
voies
sur les mêmes motifs a et ne les distingue que par la différence
dçs effets relatifs au nœud conjugal. O r ,
dans l ’ancien régime y
il .fallait que les mauvais traitemens fussent excessifs pour don
ner lieu à la séparation de corps : suivant le chapitre
restitutione sp o lia lo ru m , aux
séparation que
dans le cas
i5 ,
de
décrétales, il n ’y avait lieu à la
où la femme n ’avait
m oyen de garanti? sa vie de la cruauté d’un
aucun autr&
époux
dénaturé.
S i teinta sit v iri sccvitia , ut rnulieri trepidanli non p nssit sujjiciens securiicis p r o v id er i' A la vérité, la jurisprudence ne suivait
pas à la lettre la disposition du droit canon } et appréciai les
jnauYais traitemens,
suivant la nature
des
circonstances et les
conditions et qualités des parties > mais toujours fallait-il qu’ils
parussent infiniment graves.
Com m e l ’IiPijneur est encore plus précieux quo Ja vie , 6ur-
�(9)
tout pour une femme ve rtu e u se ,
séparation de
il y
c o r p s , lorsque par
avait
encore lieu
des injures
atroces
outrages r é it é r é s , un mari avait eu l’indignité de
déshonorer, sa f e m m e , sans qu’elle
dre. sujet.
à la
et
des
chercher
à
lui en eut donné le moin
Ces maximes dérivent encore aujourd’hui de l'article
C C X X V de la loi du d i v o r c e , portant que « les épo ux pourront
» réciproquement demander le divorce pour e x c è s , sévices , ou
» injures graves de l ’un d’eux envers l ’autre ». Sur
q u o i, le
C “ . T reilh ard a observé « qu’il ne s’agit pas là de simples m ou
» vemens de vivacité, de quelques paroles dures échappées dan6 des
» instans d’humeur ou de mécontentement ,
de quelques
refus
» même déplacés de la part d 'u n des é p o u x , mais de véritables
» excès , de mauvais traiteméns personnels
de s é v ic e s ,
dans
» la rigoureuse acception de ce mot sæ v itia , cruauté t et d ’i f l» ju r e s p ortant un g ra n d caractère de g ra v ité ».
Septicm cinent j dans ccs sortes (l’uiTiiircs}
il
y
a quantité
de
choses soumises à la pure sagacité des juges , et le plus souvent
la
disposition particulière de leurs esprits influe singulièrement
sur l ’événement
de la
rigueur jetterait dans
opprimee
,
mais
1 effet le plus
contestation. Sans
le
aussi
doute que
désespoir
une
trop
condescendance
de
femme
fu n e s t e , en donnant à toutes
1 indépendance ,
l ’envie
et
l ’espoir
de
de
véritablement
produirait
celles
briser
trop
qui aiment
les
liens
du
mariage. U ne telle facilité nous conduirait bientôt ù ces temps
do désordre
que le vdivorce
produisit
chez
les
romains ,
et
qui étaient tels que le philosophe Sénèque disait : « Il n ’y a
» point aujourd'hui
» Elles
comptent
do
leurs
)> consuls, mois par le
femmes
années ,
nombre
qui aient honte
non
p ar
le
du
divorce.
nom bre
des maris qu’elles
des
ont eus :
a
�( 1° )
» elles
sortent
de chez
un mari pour se remarier,
» remarient que pour quitter
ensuite le nouveau
et ne se
mari qui les
w épouse ». Juvenal , dans sa sixième satyre , a peint ces indigne3
moeurs , de manière à en
inspirer toute l’horreur ;
et
leurs
progrès furent si rapides , que les empereurs Théodose et Valen-
tinien
spécifièrent dans une l o i , les seules causes pour lesquelles
le divorce pourrait être autorisé ; et comme ces causes ne furent
pas assez restreintes, l’usage du divorce devint encore assez fr é
quent pour perpétuer le scandale des moeurs, le danger de l’ exem
ple , la division des familles et la perte des enfans
H u it iè m e m e n t , il ne faut point perdre de v u e ,
tes les nations où le divorce
m o tifs,
la loi
qui
est permis sur
l ’autorise
est
de pure
plus
suivre l'homme de
lo in ,
de se
ou moins
tolérance.
t e m p s , le torrent des moeurs entraîna les lo is ;
6ées de
qae dans tou
de
D e tout
elles sont obli-
prêter , do céder un
peu à ses écarts, mais toujours dans l’in ten tio n , non pas d'autonsor le mal , . „ . ¡ s seulement d ’c „
C e s t la remarque de B „ s l o r f ,
eu,pêcher
sü„
u„
plus grand.
d ivortu s , ou il prouve que la loi sur le divorce est
une tolu
rance , une connivence politique, et nullement un pré, CJile
autorisation directe. C'est ainsi que M o ïs e , YOJil„ t ^
secondes noces , Paîtrait d’une f e m m e ,
jeune , ou plus b e lle ,
••
r
^
ou plus riclie
portait les Juifs au n i c u r f r / i
prenneres fem mes , ou a une
(i
,o ^
•
1
vio debordée
5
ami.,
•
1 mieux
leurs
jDon-
trer de 1 indulgence p o u r la rupture du mariage
i
’
,
& > que de p e r
pétuer le règne des haines et des homicides N i
•
..
•
1 rN°lre ]t)i du
divorce est de même une condescendance du lénîd^i
. .
,
'•è'feinieur lenipo»e , a un abus que notre position semble avoir *. i
.
,
4
p i r e . Ce n'est <iu’à regrc! ^ue le
4
*crKiu‘ neccs-
G ou v cn icin cm l ’a p ro p oscc j,
�,
,
Cav le conseiller d’Etat ,
(
11 )
T r e i l h a r d , dit : « Nous r*e connais
sons pas d’acte plus soleninel
que
celui du
mariage.
C ’est
» par ïe mariage que les familles se forment et que la société
v se
perpétue... D e tous les co n tra ts, il n ’en est pas un seul
)> clans lequel 011 doive plus
» perpétuité de la
désirer l'intention et le vœu de la
part de ceux qui contractent
».... E n su ite ,
il fait voir q u e , dans notre position , on ne peut se flatter de
trouver, le moyen
d'assortir si parfaitement les
unions conju
gales , d’inspirer si fortement aux époux le sentiment et l ’amour
de leurs devoirs respectifs , qu’il ne
capables
s’ en
trouve quelques-uns
d’excès propres à déterminer leur
séparation. L a
loi
n ’autorise donc l’emploi du remède du divorce que par la néces
sité de notre
mœurs.
Le
état présent
législateur
ne
et
de
la corruption
dissimule
p o in t
sa
actuelle
douleur
des
d’être
réduit à c elle extrém ité } pu isqu’il lait «les voeux po ur que quelqu’institution ou quelque loi salutaire épure
au point de pouvoir se passer d’ un pareil
T outes ces réflexions
doivent
juges une détermination
l ’espèce humaine
remède.
donc exciter
également
dans
l’ame
des
salutaire de n'accueillir une
demande en divorce qu’autant que les circonstances en démon
treraient l’indispensable nécessité.
Ceci
posé , examinons
les mol ifs que
donnés pour établir sa d e m a n d e , et
la Dame
par
Chappel a
une saine critique ,
voyons si les faits dont elle se plain t, sont de nature a exiger
l ’ usage du remède auquel elle a eu recours.
Sa requête
m a r i,
autres
contient
dix -se p t
chefs
d ’accusation contre son
et depuis à l’audience à huis clos, elle en a ajouté trois
consignés au p ro cè s-ve ital ; ce qui fait
Sans doute que la Dame
en tout vingt.
Cliappcl a pense que la quantité de»
�(
imputations
était propre
I2 )
à éblouir le public , et à le
rendre
favorable à sa cause ; mais elle s’est trom pée, car devant les magistrats
et aux y e u x
de
tout homm e sensé, c est la qualité seule
des
faits qui peut faire sensation. Vainement a-t-elle cherché à peindre
son mari sous les couleurs les plus odieuses j il y a long-tems qu&
la justice est en garde contre le prestige d’ une fausse peinture^
« Il n ’y a point de femme , dit le célèbre C o c li in ,t o m e V , p ,
» 4 7 , qui, formant une demande en séparation, ne fasse un portrait
» affreux du caractère et des procédés de son mari ; il n’ y en a
,, point qui n ’articule des faits graves et souvent circonstanciés ,
» et qui ne demande permission d ’en faire preuve. Quand le mari
» s’oppose à la preuve , on ne manque jamais de s’écrier que c’est
» un éclaircissement innocent ; que les faits sont vrais ou qu’ils
» sont faux $ que s "’ils sont faux A les enquêtes doivent faire le
i> triomphe du mari et couvrir la femme de confusion j que s’ils
» sont vrais , il serait souverainement injuste de refuser à la fem m e
» la liberté d’en (aire preuve et d’en tirer les avantages qui doi» vent affermir son repos et la mettre à l'abri des persécutions
)> auxquelles elle est exposée. Mais ces vains prétextes n ’en impo» sent pas à la justice. E lle sent l ’inconvénient d ’admettre trop
}) légèrement de pareilles preuves , soit par le danger de c e lle
» preuve en elle-m êm e , soit parce qu’elle perpétue une division
v funeste et scandaleuse par les longueurs qu’elle entraîne, soit
» e n f i n , parce qu’il se trouve souvent des fins de non recevoir ,
» qui ne permettent
plus d écouter les plaintes affectées d’une
» femme qui n ’aspire qu’à 1 indépendance.
w C ’est ainsi que la D aine I l a p a l l y , qui articulait les faits les
» plus graves et les plus circonstanciés , qui se plaignait queson
mari l ’iiyait presque égorgée et ne lui ayait laissé qu’un reste
�» de vie pour s’échapper de
sa
maison et pour implorer le secours
» de la justice , fu t cependant déboutée de sa demande a iin de
» permission de faire preuve d ’un événement si c r u e l . c est ainsi
» que la Dam e de M arclieinville, la D am e d’Ervillé et plusieurs
î> autres ont été aussi déboutées de pareilles demandes , la cour
« n’ayant pas témoigné moins de réserve p our admettre des preu» ves de celte qualité , que pour prononcer définitivement, des
» séparations qui offensent toujours
lîhonnêtelé publique et qui
» présentent à la société les exemples les plus dangereux et ,1e»
i) plus funestes«.
C ’est particulièrement dans cette cause que le tribunal recon
naîtra la nécessité de rejetter une demande en d iv o rc e , qui n ’est
appuyée que sur des faits , dont les uns' sont rejeltés par la loi
mêm e comme insignifians pour autoriser une pareille action, et
dont les autres sont de pure imagination et impossibles à p rouver v
de l’aveu même de la Dam e Cliappel. U n e analyse succincte de
tous ces faits suffira pour convaincre le tribunal de la vérité de
notre proposition.
..
,
l -° L a D a m e Ç h a p p el déclare q u 'il y a in com p a tibilité d ’h u
m eur et de caractère
entre elle et son m ari. E lle s’imagine
vivre encore sous le règne de la loi du 20 ( septembre »-X92 >*lui.
• donnait aux, épo ux un prétexte commode pou* d ivorcer, p u is q u e
défaut de raisons , il suffisait, pour satisfaire le-caprice , d’alléguer
celle prétendue incompatibilité. Mais les nombreuses et intéres
santes victimes d'un si léger prétexte , ont mis le G ouvernem ent
dan6 le cas de le proscrire de, la législation, et ce n ’est plua
aujourd liui un- moyen de divorce.
E lle im pute d son
bauchées et les lit u x
•
m ari de fr é q u e n te r les fe m m e s
de p r o stitu tio n ,
d é
et même elle p réte n d
�( »4 )
q u 'il a eu recours au x rem èdes
tle
ce.t m a uva ises
persuutîeru-t-elle
jrè q n e n ta lio u s.
que
et de moeurs , 'pour
sèule inspire' le
que
son 1mari
lui
A
fut
nécessitaient les
q u i 1 Ui
Dame
suites
C hnppel
assez dépravé
de gcnits
préférer des misérables , dont
la vue
dégoût ?;A vilir soir mari par ■
db pareils r e p ro
c h e s c ’est encore
plus
’s 'avilir soi-même.
Cette
outrageante
s p u t a t i o n - e st d'ailleurs tout-à-fait gratuite , car outre qu ’elle
est
sans fondement et même dénuée
qù^enoiire l a . loi n ’admet - point
de vraisemblance , c'est
de pareils
fait»
p ou r-a p p u yer
une demande en divorce. D'après l ’art. C C X X I V d e ' l a loi du 5 o
ventôse an X I , ' « L e 'm a r i -ne
» dans lfc- caè
¿Ü il' aura
peut être accusé d’adultère que
tenu
s a ‘ concubine
dans l a J maison
)>'jconnniiiIig-)>.■Ôr ^ ic i, il n*est pas question dd concubine ^ mais
par un- e-bcces dfe
méchancelé
C cn. -Chappel
Je
et
peindre
Heureusement que les
ôn veut décrier la conduite du
absolument
comme
plaint
pas
éui
libertin.
personnes honnêtes des deux se xe s, que
le* C .en • C happel voit habituellement , lu i
sanlé n ’a jamais
un
rendent justice.
Sa
compromise , et comme son épouse ne se
que la sienne ait été
en danger , il en
résulte que
ce m oyen est tout-à-fait illusoire.
3•
Dam e
ca fés et d ’y
Chappel reproche d son m ari de
p erd re au je u tout le p ro d u it de
Si le fait était vrài ,
cela
pourrait donner
courir
les
son commerce.
lieu à une sépara
tion de biens et non pas au divorce. Mais le C.cn Chnppel n ’est
pas uil joueur , il n ’en' a jamais eu ni
Au reste , il
les goûts ni les facultés.
ne pouvait rien perdre aux dépens de sa femme ;
car depuis près de quatre ans qu’ il est marié , il r.’a
venir à déterminer
son
pu par
beau-père à lui donner le plus
ù-compLo sur la modique pension pnnuelle de 8oo
léger
, qu’il avait
constituée à sa iille. L e C.c« Chappel a d o n c , lui s e u l , supporté
�((iV)
les - charges
du
mariage.
noyés de dettes ; au
voulait
joueurs
contraire ,
qu’il avait contractées
M o n estier
Les
pour
sont presque
le C.en C h a ppel a payé celles
ses fra is de
s’acquitter
envers
l ’ état de ses affaires seraient dans le
noces , et si
lui
,
son
ses occupations ? N e
d ’honnêtes gens se p e r m e ttr e cette
le C .CH
com m erce
et
m e illeu r ordre. E s t-il donc
défendu à un m a r i , sous peine du ‘ divorce
s’ y délasser de
toujours
d'aller au café pour
voyons-nous pas
quantité
recréation ? P e u t - o n leur.ien
faire un crime ? non , sans doute.
Ainsi 'ce re p ro ch e , prouve
tout-à-la-fois le désir
de
4 .° h a
refu sa it
et ’ l ’embarras
le
trouVer coupable. ~
D a m e C h a p p el se p la in t de ' ce
aux
dépenses 'nécessaires
pitoyable m otif pour un divorce
t
■
de
que son 'mari
son
! L a 'D a m e
m énage.
se
Quel
Chappel a é t é ,
•
comme son mari / logée e t ’ nourrie' dans'- la m aison,
et à là
table du C . cn C h a p p e l , père , qui u eu pour elle tous les égards
et
toutes les attentions
possibles : elle
ne pouvait donc avoir
aucune difficulté, ni aucun souci to u c h a n tLlcs dépenses*du m é r '
•• . •, * 1
•
nage. Serait-ce donc au sujet des' dépenses' de • sa toilette'et" de
scs plaisirs , qu’elle se plaint de quelques lésines de la part
,
,
r
i. ' ’
•
’ ,.
.
t e son m a ri? Mais chacun la -d e s s u s doit calculer sa dépensô
sut ses facultés, et il semble que c’était bien honnête,
dans la
position du
u n ' 1ton
d e ce n t,
C.cn^ Chappel ,
sans être
taisies. Cependant
de
tenir
sa' femme sur
encore obligé d<J "subvenir a louïes ses fan
il
n ’est personne qui ,
avcc un
cornuierew
médiocre , eût lait plus de sacrifices pour satis-foire les goûts de
son épouse. L a
Dame
Chappel
vement atlâchée à son se rvice ;
souvent
avait une domestique exclusi
ell'-i ¿lait
très-bien
au bal et au spectacle : on tic sait
fallait faire de plus
mise , allait
pus irh p ce qu’il
pour la. contenter 5 iuais co qu’il y a de
�(
16
)
certain , c’est que toute autre femme eût été f o r f contente. A i r
re-Ue
ello ne disconvicu'lra pas que les C'ciu C h a p p e l, père et
iils lui ont proposé plusieurs fois de lui abandonner pour son
entretien
et ses plaisirs la pension
de 800*, que ses père
et
jnèrè lui ont constituée dans son contrat de mariage , espérant
q Ue cette destination déterminerait
Éette pension ; mais la D am e
le
C.en Monestier à p ay e r
Cliappel a toujours refusé cette
offre généreuse.
•
5.° JS Ils se p la in t d ’ in ju res atroçes et d ’ outrages très-g ra ves t
q u 'elle p réten d
a v o ir
reçus jou rn ellem en t de
p o in t q u 'elle a p a ssé sa
vie
ici
m a r i, au
dans les chagrins et les p le u r s ,
et n 'a éprouvé ni adoucissem ent , n i relâche
Ce sont les
son
dans son m a lheur.
termes de sa requête. Il est facile de reconnaître
l’exaltation
des idées d’une
femme qui cherche à apitoyer
le public sur son sort et à exciter en sa faveur quelques inouvemeïls de sensibilité. C ’est un
pur c o n t e , débité pour le besoin
de la cause ; aucune femme n ’a passé une vie plus agréable que
la Damo Cliappel. Quels instans réservait-elle donc pour pleurer ,
elle qui sa levait à onze h e u r e s , faisait ses quatre repas, em
ployait à sa toilette
une bonne partie (le la journée et passait
les soirées dans les sociétés , les spectacles, les bals ou les p ro
menades ? C s n’est point là l’existenco d’une femino continuel
lem ent gémissante sur ses malheurs. D ’une p a r t , l a notoriété p u
t crin assertion , et de l’a u tre , si nous la réduisons
bliquo dément so™
»
ic
i
r
I
ps iniures et les outrages dont elle se p la in t ,
à s’expliquer sur tes *« ;
o
t
,
ello nous retrace
¿09
“cènes Jo
lh e u ,r 0 ’ q u *
“P P H “ « 4
111.,; iivoc tr è s - p e u d e discernem ent.,
6 “Pour çirconsumcier les injures et les outrages dont ello « plaint,
„lie raconte d'abord
que t m m ari revenait du je u « n o
««0
�(i.7 ^
très-m a u v a ise hum eur , lors même que ses p ertes étaient m o d i
> "i
. a i )7 .
"î 11 ' t 1,v
.
.
gtiev ; que p e n d a n ts Iq n u it i l fç h u a it pi;en(tit un p o ig n a rd
et dans sa .fréçépie gesticulai^ j\ ingnaççi{tt cle iuery sa fe m m e f
f a f illf " et luirm èm e y que. le f c h o s e s e n f ila iç u t •fen u fis « ,ç.cr
p o in t y ii elle v o y a it a rriver chaqu e
jpuit en fr é m issa n t y ^
q u 'elle f u t
obligée de fa i r e cou cher une (domestique dans sa
cham bre ,p o u r le retenir dans ses instarf,^ de, dé Liref Y o ilà donc
le C.en Chappel .transformé en
un nouveau Bé>y:erley-, qui , dans
son désespoir veut/poignarder
tout ce. qu’il a rde; plus cher, et
-se débarrasser ensuite lui-même d’ui^e,?vie qui lui est
tune. De pareils tableaux sont- destiné^ à produire
im por
au théâtre
de grandes sensations , mais dans le. lemple de la justice , c ’est
en vain que l ’on cherche à ém ouvoir, si l’on ne-parvient à p er
suader.
O r ici , nulle vraisemblance
situations
nulle justesse
par co nséqu en t, faux portrait.
d une feininc
s ccliuuiîc 7 clic
indifférentes , un caractère de
dans les
Quand\ l ’imagination
suit d o n n c ï
aux cliosps
les jilus
gravité. L e C.cn C hap pel , qui ¡p.
servi , possède, différentes espèces d ’a r m e s , parmi lesquelles «si
un de ces poignards antiq ues, qui ressemble beaucoup à un mau
vais couteau de cuisine. Son épouse n ’a jamais
quiétude de cette arme , qui reposait
témoigné
d’in
tranquillement ¡jJans une
commode de son appartement ; cependant, depuis plijs d’un an
q u ’ elle a quitté son mari , vous voyez
comme elle a «u tirer
partie de la scène du poignard de B éw erley : il n ’y manque qu’une
chose , c est qu’elle convient de l ’impossibilité do la
preuve
puisque la scène s’est passée dans 6on appartement pendant la
¡nuit. Ce sont la de ces images phosphoriques
>d.éclat
et peu de consistance ; la justice
qui ont beaucoup
ne.-s’,est jatyiajs laissç
tromper par de pareilles fictions, qui peuvent aussi’ prendra leur
source dan» quelque mauvais
reye.
�( 18 )
7.* La Dam e C h a p p e l, poursuivant son r é c it, ajoute
jo u r sa dom estique fa is a n t le
Ut
q u yun
de son m ari , trouva un grand
couteau o u v e r t, destiné sans doute d rem placer le p o ig n a r d y
ce
q u i ne f it
l ’invention!-..
q u 'a jo u te r
a ses fra y eu rs. Quelle
fertilité dans
L e C .cn Chappel porte habituellement un couteau
de peu de valeur et d environ
six pouces de longueur ; peut-
être l’aurâ-t il laissé dans 1 appartem ent, sur la co m m o d e , ou sur
la cheminée
requête
ou même sur son lit ( car on ne dit pas dans la
oui la dom estique'l’a trouvé ) ; ¿h bien ! en voila
pour jetter la Dame Chappel
assez
dans une frayeur mortelle , pour
autoriser son d ivo rc e , pour lui iaire prendre son mari en h o r
reur.
L a justice ne s affecte pas au gré des parties pour
choses si indifférentes.
des
-
8.° "Pendant qiCelle était enceinte , son m ari la jc tta à bas
du lit"et Vobligea de p a ss e r la
nuit toute nue sur le ca rrea u ,
q u oiq u ’ i l f il un iras-grand f r o i d , q u i lu i g la ça le sang. Encore
une. scène secrette d’h o r r e u r , dont la lecture des mauvais romans
p o u v à if seule fournir r i d c e à la Dame Chappel. Est-il croyable
qu ’ un fait (le celle importance ait été passé sous silence dans sa
requête^', et qu’elle en ait parlé pour la première fois à l’audience
de-huis clos du 22 -thermidor dernier? Rien n ’est plus fucile que
d ’inventer. Mais, a quoi bon s abandonner aux écarts de son ima
gination , quand on en est réduit à dire que la scène s’cst passé
dans le m ystère ? L a justice méprise les discours romanesques,
rCt le C . '“ Chappel ne peut être obligé de combattre des chimères.
Il suflit de remarquer que la fausseté do 1 imputation se démon
tre p a r 1 le'fait même : car si ChappeL avait pu exercer envers sc
femme un pareil acte de barbarie j sur-tout dans le temps de sa
grossesse} -<¡11q aurait du en p u rir, ou tout au moins éprouver les
�( *9 ).
plus gvaves accïdensj et cependant elle fie s’eli est jam ais.plainte,
elle n ’en a paa dit iin mot dans s'd requete.-,
-yremplie de
q u o iq u e
détails minutieux et insignifians, et sa memoire ne lui a rappelé
ce cruel, évén em en t qu’à la
d e r n i è r e / a u d i e n c e . 1, G’ sst. e r i
V ente $e
jouer de la justice , que d’o3er. débiter ^de pareils c-ontes.-
pir>.rî'
9.S A u m ois de flo r é a l an 9 , au s u je t du 'paiem ent d'un e fa ç o n
'
.
■ •
1 • . > ■
f
fie robe p o u r sa p etite ¡ l e Cen. C h ap pel entra eh fu r e u r et p orta a son
épouse un violent coup de p oin g dans Ve sth m a c, q u i f a i lli t la 1 èYi
verser. Une personne p résente'vo ulut sb perm ettre qu elque* ôbser,v a tio n s, m ais le Ccn. C h a p p el la mit à ïa'p'orte. D^une circonstance
très-sim ple, la D a m e C liap pel en fait un
sujet
de
plainte
très-
sérieux. E lle veut parler dTun p e tit débat qui" eut lie u ‘ entre les
deux é p o u x , au s u je t , n on du paiem ent d*une façon de ro b e pour
su petite ,
mais de
la c l e f (le la^Tianque f, " q i i e le C .cn
lie voulait plus confier à sa fem me ,
C h a ppel
parce q u ’elle s’emparait de
*
\'y ' '•*
tout l ’argent que produisait la vente des
.
•
drogues. Oübliant
sa
faiblesse, la Daine Cliappel voulut arracher de vive force la clef
‘ ■ *-
de la banque , que le _C.cn
,1
Cliappel
|
».
#
,
r
tenait dans" ■
>ses“ nfains , èt
dans sa viva cité , elle se frappa le poignet contre la banque. L a
Demoiselle Brousse , présente à ce rd ébat j prit chaudement les
t
■
a
^
■
•
intérêts de son sexe et de la Dam e C h a p p e l , son intime a m ie ,
jI
.'
■
• •
en sorte que s’étant permis quelques réflexïôns im p ertin e n te s, le
C.cn Cliappel
se crut autorisé
affaires ; cette
Demoiselle
prit’
à la prier de se meîer de ses
cela p our
un congé et
sortit
aussi-tôt. Voilà le fait dans son exactitude. D e pareilles brouilleries ne sont point des causes déterminantes de divorce.
io.°
de
la
Un
jo u r ,
Dam e
en présence
C h a p p çl ? son
d u _ C.en M o u esh e r ,
m ari
l*outragea
’o ncle
grièvem ent
�(
p e n d a n t p lli* de
s'en
aller
deux
20
)
heures y et lu i répéta p lu sieu rs f o i s d e
de la m a iso n , q u ’ i l f a lla i t qu’ elle n'eût p oin t
de
cœ ur p our rester avec l u i , q u 'il lu i en fe r a it tant q u 'elle serait
■
bien obligée de s’ en
a ller. L e récit de la D am e Chappel est
marqué- au coin cle l’exagération sur certains faits
et de la faus
seté sur les autres.. L a circonstance qu’elle rappelle ici ne donna
,lie u ,q u 'à .d e s propos de vivacité fort excusables. C ’était encore
au sujet de la clef de la banque 7 dont la Dame Chappel abusait
p our prendre l’a r g e n t, sans en vouloir donner à son mari , qui dit
au C .“ Monestier , oncle : « Vous m ’avez fait un mauvais cadeau >
)> vous m ’avez donné une méchante fem m e, je travaille comme
)> un m alheureux, et je ne pyis pas avoir le sou , elle prend tout».
Rappelons-nous que la loi du divorce ne tient aucun compte des
paroles
dures
échappées darçs la v iv a cité , et ne donnons pas à
de pareils propos plus d’importance qu’ils n’en méritent.
11."
Pour
rendre
scs
outrages p u b lics ,
le
Cen.
Chap—
p e l ouvrait la porte de sa boutique , et criait d tue - tête. L a
D am e Cliappel
-veut absolument faire
passer
son mari
pour
un fou , mais tout le monde sait bien qu’il ne l ’a jamais é t é ,
et qu’en aucun t e m p s , il n ’a
excité ni
dé so rd re , ni
scandale
dans le public. Si ce fait était de nature à mériter une preuve ,
!
ses voisins seraient les premiers à lui rendre justice, mais ce n ’est
' '
pas le cas.
. ,
12.° L e s représentations de
pc.l n ’ ont p u
produira
•
* •ti
■i
•
la fa m ille de la D a m e Cfirtp-
a ucun e f f e t ,s u r l'esprit de son m ari.
Quand .et comment la famille Monestier a-t-cllo fuit des r e p r é icnlations au C*n. C h a p p e l ? L e C on. Monestier , p è r e , ne
lui a
jamais témoigné ni affection, ni déplaisir, si ce n est une fois quo
Je C ' “. Chappel s’avisa de lui demander quelqu’argent pour
aller
�r
oo
,
à Paris acheter des objets utiles pour son commerce , ce qui parut
lui faire de la p e i n e } quoiqu’il se dispensât de lui donner la m oin
dre chose. Quant à la D am e Monestier , elle a toujours ti'aité le
C”
Chappel du haut de sa grandeur ; il se rappelle notamment
qu’à l’occasion de la petite brouillerie dont nous avons déjà parlé.,
et qui eut lieu en présence de la Demoiselle B r o u s s e , sa femme
ayant été se plaindre à sa m è r e , la D a m e M onestier, accompagnée
de la D am e M ig n o t , se
donna la peine de venir chez lui pour
lu i signifier, avec ce ton hautain et im périeux qui
tient à son
caractère, qu’il n ’était pas fait pour épouser sa fille , et quoique
le C en. Chappel pouvait fort bien lui répondre de manière à rabais
ser son amour propre , il voulut pousser le respect envers sa b elle
m è r e , jusqu’à garder le silence sur une pareille im p e rtin e n ce :
aussi, la D a m e M i g n o t , voyant sa soumission, crut que c ’était le
cas de lui représenter avec douceur com bien un mari
doit être
ilatté d ?étre le très-humble serviteur des volontés de son é p o u se ,
et reconnaître que son premier devoir est;de lui accorder un e
pleine e f e n t i c r e confiance, et de lui obéir en toutes choses, parce
c est le vrai moyen d’avoir la paix dans son ménage.
i«3 .
La
Dam e
l (t diffam ée
en
C ha p pel
disant
se p la in t encore que
son
m a ri
à certaines personnes q u ’i l vou -
dràit bien La voir enceinte ^ jpour l'a ccu ser d ’ adultère • q u 'il
était f â c h é q u 'elle ne f i t p a s de connaissance p o u r a voir occa
sion de la renvoyer. C e n ’est pas assez de faire passer son mari
pour fou , la Dame C h ap p e l veut encore le peindre comme un
homme inepte , qui ne,sait pas qu’autant il est facile de commettre
l’adultère , autant il'est dilticilc de le prouver. C ertes, le C on. C h ap pel tient une conduite bien opposée aux intentions qu’on lui prête,,
et sa seule résistance au divorce met assez l’honneur de sa ienune
�à couvert , pour q u ’ elle ne craigne pas les discours de la méchan
ceté Il est vrai que des femmes ont obtenu
leur séparation de
corps contre des maris qui les avaient injustement poursuivies
judiciairement pour
cause
d adultère C ’était la peine
de leur
calomnie et la satisfaction due à un outrage véritablement grave ;
n»ais ce u x -là plaidaient pour perdre leur femme , et le C e\ C h ap p e l , au contraire , plaide pour la conserver.
1 4-° P o u r Vobliger
de sortir de la maison ,
le C.°n C hap -
p e l lu i écrivit une lettre sans d a te , où i l termina p a r lu i dire
de prendre son p a r t i, de p a r le r à sa fa m ille , parce- que p o u r
l u i , son p arti est bien p r i s , q u ’il va quitter Clermont. R ien ne
»
prouve miteux l’illusion de la Dame Chappel , que d’avoir osé pro
duire elle-même
une le t t r e , qui lui rappelle tous ses torts et
prouve jusqu’où sa conduite envers son mari a été injuste et déso
lante. C ’est dans un excès de douleur, les larmes aux y e u x , que le
C ' Q. Chappel épanclie son coeur, et témoigne à sa femme combien il
est malheureux, de n ’avoir pu lui inspirer le moindre retour
de
tendresse. L a cause 'de son désespoir n ’était propre qu’à la flat
t e r , ou du moins à l’attendrir, si déjà son coeur n ’ eût été loin de
lui. L e tribunal, qui a cette lettre sous ses yeux , n ’en peut juger
autrement.
l 5.°
fa it
La
Dam e
p roposer
une
C happel
prétend
séparation
sentit , « condition q u ’ e lle
que
volontaire ;
son
m ari lui
q u ’ elle y
a.
con
aurait son enfant et q u ’ i l p a y e ra it
40^ p a r mois p our sa nourriture et son entretien y m ais que
le C.en C h a p p el ne voulut p a s céder l'enfant. Jamais le C.c»
Chappel n ’ a fait faire à sa femme une pareillo proposition , c’est
au contraire ce qui lui fut astucieusement proposé par un ami
perfide ,
qui
est Fauteur do leur discorde , et à qui il répon-,
f)it(ju’on lui ôterait la vie plutôt que de quitter son enfant.
�iG.® E n sortant de la m aison ,
sa
ftlle ,
jo u r s
m ais elle
a va it
la D a m e C h a p p el em m ena
Vattention de
l en voyer
tous les
voir son p ère q u i , abusant de sa confiance , la r e tin i,
donna des coups de p i e d ■à la servante q u i t'a va it amenée et
la m it d la porte r en d isa n t q u 'il ne vou lait p a s que sa m eie
eût cet e n fa n t, ni q u 'elle la vit. Il est vrai que la Dame Chapp e l , se retirant chez son pére , emmena sa domestique et
f ille ,a v e c tous ses effets , ceux
de l’enfant et même
effets de son mari. Celui-ci crut d’ abord que sa femme
drait
sa,
plusieurs
revien
bientôt d’elle-m ême dans sa maison • mais voyant qu’elle
ne se pressait pas , il usa de son d r o it , en retenant son e n fa n t,
dans l’espoir que la inère serait plus empressée de revenir chez
lui. L a domestique , qui était toute dévouée à sa maîtresse , voulut
remporter cet enfant , elle se perm it d^nsulter le C.en C h a p p e l,
qui
lui donna un
porte.
coup
Depuis ce tems
de pied
dans le cul
, la Dome
et la
C liapp el n ’a m onlré aucun
attachement pour sa lille, dont le C.cn Chappel a eu
grand soin.
m it à Ih
Dans tout ‘ cela , le C.cn Chappel a fait
le plus
ce
qu’il
avait le droit de faire.
1 7'
sur
D eu x
le
mois après sa
boulevard' du
sortie }
sém inaire ,
étant avec des
la
D om e
D am es
C h a p p el
venir sa f i l l e , que portait là servante' j sou p r cjn ier
vit
m ouve
ment f u t de la prendre dans ses bras et de là caresser } m ais
son m ari
survint qui V'arracha b ru sq u em en t, il aurait m utilé
les m embres’ d élica ts de cet e n fa n t , si' elle ne le lu i eût cédé.
Voilà positivement la scène de la vraie mère dans le jugement
de Salomon. L a Daine Chappel ne'dit pas que , sous lo prétexte
de caresser sa 1111e
elle
se sauva
chez elle et força son jnuri
de courir après pour la lui reprendre. Il en vint
bien à b o u t ,
�( 14)
sans
violence et sans
pour
celte
faire aucun mal à l ’enfant ; sa tendresse
petite est assez
connue pour qu’il
„0
craigne pas
q u ’on lui reproche d ’être mauvais père.
' j S 0
Le
* son
m a r i, p o u r
m ent
2
p r a ir ia l d ern ier ,
lu i
reçut a vec m épris ; i l
veut
au divorce. Oui
co n sen tir
com patible
la
D am e
le
divorce
proposer
m utuel y m ais i l ne
,
^
C h a p p el écrivit
par
daigna pas lire sa
vivre
consente
lettre
et la
sép a ré, m ais ne veut p a s
toute proposition de divorce est in
avec les sentimens duC.eu Chappel et de sa famille ;
mais loin de vouloir
vivre séparé , i! n’a cessé
d’inviter
son
épouse à se réunir à lui ; les procès-verbaux des précédentes
séances
en
font foi et prouvent que c’est elle seule qui
veut
v iv re loin de lu i.
j g o i l y a p e u de jo u r s que le
C .en
C ha p pel vint
avec
p lu s ie u r s je u n e s gens , sous les fe n ê tre s de son épouse , p o u r
l'in su lte r en
l ’ appelant
mie , mie poupée , i l
sa voix p our n'être p a s reco n n u , et s'est
sauvé,
contrefaisait
qu a nd on est
venu p o u r le reconnaître ; e’est-ù-dire, qu’ on ne l’a point re
connu
,
et cependant sa femme Taccuse. Elle a cru devoir ajou
te r ce fait
à
ceux insérés
dans sa requête.
Lorsqu’elle en a
parlé à l ’audience de huis clos, elle a exciLé la pitié autant que
la surprise ; car des enfans de six ans 11e s’amuseraient pas à
aller sous des fenêtres , pour l’appeler , m ie , mie poupée. O r ,
qui croira que des jeunes gens se donnerontla peine d’aller avec
son mari , exprès pour dire de pareilles sottises ? Qui supposera
le C.en Chappel capable d’aller troubler le repos de sa femme
depuis sa
demande en divorce , lui qui a usé envers elle do
toutes sortes d ’égards avant celte demande ? Il faut qi,e la Damo
C h ap pel ait l’esprit troublé pour alléguer des rêveries do cetto
espèce,
�( *5 )
so.*
fa is a n t
Lo
c .*
notifier
b e a u -p è r e , p o u r
Chappel a
mis le
comble à « « in ju res en
un com m andem ent a u
q u 'il ait
C.en M on estier
à lu i p a y e r les
son
arrérages de
a
pen sion de son ép o u se; c a r d a n s ce com m andem ent, t
que le C.en M o n e stie r , loin d'autoriser sa f i lle dans une cti
de divorce , aurait du la renvoyer ch e z son m ari ; qu
n ’ ignore p oint que cette action a p our objet de f a ir e re
à la Dam e C hap pel son indépendance , afin de lu i fa ir e ensui
consentir des arrangem ens destru ctifs
de
e
l ’ institution d h tri
tière portée dans son contrat de m ariage ; qu'une telle conduite
dispense le C.en C happel de
tous les égards q u 'il a eus p o u r
son beau-père ju s q u 'à ce jo u r y qu i l est tenis que le
•
Jlîoneslier remplisse ses engageniens. Quoi ! c est une insu le
de forcer par les voies juridiques , un
beau-père à satisfaire aux
promesses authentiques qu’il a souscrites en mariant sa
Est-ce donc aussi un crime de lui rappeler q u il im p oite à son
honneur et au bonheur de sa li lle , que la nature et les mœurs
ne so ie n t pas outragées par une demande en divorce } touto^ fon
dée sur la calomnie ou sur de misérables prétextes 7 N ’est-il
pas permis à un mari qui éprouve les plus indignes procédés,
d’en révéler les causes secrettes et
de dévoiler le
concert
de
fraudes
dont on veut le
rendre v i c t i m e , ainsi que son epouse
et son
enfant? U n beau-père qui autorise sa iille dans la de-
marcho la plus imprudente , qui vient ju sq u e s. dans le tribunal
approuver 6a résistance à toutes
les
invitations , soit de
son
mari^ soit des m agistrats, peut-il encore exiger quelques égards ?
Certes*, le "C.en C h a p p e l, traité plus indignement qu un é tra n g e r,
repoussé avec dédain cle la maison de son beau-père, tandis que
son plus mortel ennemi , le C .cu L o u ir e t t e , auteur de toutes les
discordes qui existent entre lui et sa femme , y est reçu à clia
que instant du j o u r , ne peut plus voir dans le C.en M onestier
qu’ un homme dont il doit déjouer la politique.
E n un m o t , il
a droit de demander ce qui lui est dû. , il en a
esoih j^son
beau-père so refuse injustement à l'a c q u it de conventions sacrées
qu’ il lui
facile do r e m p lir 1;
rien
n ’ est
que do l ’y contraindre par les voies légales.
donc
ph iS
lcgihme.
, .
•) h l
�( *6 y .
M ainten an t, qu’il nous soit permis d interroger la conscience'
tTes magistrats et de leur demander s i , d’après les principes reçus
en cette m atière, il est possible d ’admelire l’action intentée par
la Dam e Clinppe'. Nous sommes convaincus du contraire , parce
que toute la cause doit se réduire à cette unique question : L a '
vie et l ’honneur de la D am e Chappel sont-ils en p é r il, au point
qu’elle
ne puisse lés m ettre
divorce ? Oi*,
à couvert autrem ent que par u n
sur cette queslion-, il
n’est' personne dë- bonne
foi qui ne tienne aussi-tot p our la négative. Il n’ÿ a ici" aucunsfaits de sévices , mais de simples brouilleries passagères , suiviesd^une cohabitation paisible ; il n^ÿ a poinb non plus d’outrages ,
ni d ’injures , portant un grand caractère dé g rav ité , mais seule
ment
des propos de vivacité provoqués par la D am e
Chappel.
eile-méme. Aucune juste cause n ’a déterminé sa sortie de la m a iéon de son mari. E n pareille-circonstance, serait-ce donc le cas
d’admettre une preuve des faits par elle allégués ? non , parce que
cétte preuve ne peut avoir lieu sur les faits import ans q u i ,. do
son propre a v e u ,
se seraient passés dans l e mystère de la n u it,
et qui n ’ont été imaginés que pour lé besoin de la cause, et que
cette preuve serait illusoire sur les autres faits insignifiaus* pour
un divorce. E n se réservant , dans sa. requute , d ’attaquer son.
iijuriüge dé nullité, n ’ést-ce pas avouer qu’elle ne peut réussir dans sa
demande en divorce ? C ’est donc le eus de se rappeler la doctrine
de l’illustre Cochin déjà c it é , et d ’otouiïer, dès Je princip e, une
affaire qui n eut jamais
du
paraître.
Adm ettie
la preuve ,
ce
éerait prolonger inutilement d?s débats- scandaleux, entretenir lç.
hairie. et les vaines espérances d ’une épouse égarée; ce serait for
cer Îo C*“. Chappel de rom pre le silence touchant les témoins
produits contre lui par son é p o u se , «graver le mal sans o b je t,,
perpétuer les. dissentions entre deux
familles destinées, à vivro
dans la paix d ’une alliance éternelle.
D 'a ille u r s , quel danger ne présenterait pas une preuve admi
nistrée par des témoins intéressés, tels que la plupart de ceux
jprojluits par la Dame Chappel , qui a osé indiquer, pour justifier
bon accusation, ce même L o u ir e tt e , auteur de.ses divisions nve,c
son époux,, ennemi mortel du C " 1. Chappel , puisqu'ils ont eu Ica.
't
�( *7 )
. r.
.
.
rixes les pTtis violentes , au point qùfe Louirtftte lui a iiré d e n *
coups de pisLolet, dans un moment ou le C ou.
iftppel ¿toit to rs
armes ; la Daine M ign ot, qui est l’a w e et le conteil <Ie la famille
IVlonestier, qui a acquis un empire absolu sur l’ esprit (le la L-sn.e
C h a p p e l, et
la dirige
par ses leçons autant q u e -p a r ses exem
ples ; la fille C h av ag n a t, qui jouit de ta plus mauvaise réputation y
qui passe publiquement pour recevoir des cadeaux et des habille—1
mens de la Dame Chappel , afin de lui être favorable, q u i , étant à
qu’elfe
méprisait
ouvertenvent les ordres de son maître : la Demoiselle
son s e r v ic e ,
lui était si
totalement dévouée
Brousse t
^
'
m‘
iV
.
■ *
1 11,
. •>.£ r , , •
confidente et amie intime fie la Daine C h a p p e l , et dont lés mau
vais conseils n ’ont pas peu contribué à l ’éloigner de sès d e v o irs;
le C . M onestier, p è r e q u i y p our l’exécution
maintient sa fille dans une
de ses p r o j e t s ,
résolution qu’ elle n ’eût osé soutenir
©Ile-meme ; la Dam e Monestier « qui, a toujours traité s o n d e n —
•
■.
¡a : 'u
i..
• ¡.a Jr.
ore avec hauteur et dédain, qui ne comprend pas qu’un m ari.ne
soit pas l’esclave de sa femme , et veut que tout genou fléctiisse
»levant sa iille comme tlevnnt elle , ele. T etc. ? A s su ré m e n t, outrs
1 inutilité de la p r e u v e , son dungcr resulte ici de 1q ciïspopition
particulière des esprits des ténjojns
produits
par la Dam e C!hag-
pel j et lorsque la Justice cherche la véjrilér, çHe ne pjîut. ^’ expo-*
ser elle-même à s’environner, (les ténèbres du mensonge. TouL con
court donc à rejetter , tou t-à -la -fois , et la preuve et" là demàncfe
en divorce.
'
L e C . Cliappel a poussé jusqu’ici hss égards pour son épouse ,
jusqu’au point de rester seulement sur la défensive ; un autre à
sa p la ce , pourrait la faire repentir de sdn1 agression, en lui rap«»
pelant ses toits avec aigreur ,
mais L’espoir de la ramener par
la douceur, le soutient encore et le dispose naturellement à l Jin*
dulgence el au pardon des oil’e nses dont elle lui fait sentir l’a—
nieviume. Cependant il ne peut dissimuler au tribunal que p lu
sieurs causes ont altéré" lâ~piu5c 'd e so n 'm é n a g e ; ï : u L e c a r n c té r e
capricieux de son épouse ;^a." ^on obstination à recevoir^ malgré
ses défenses,
le C.in L o u iie lte , long - temps ei\core âpres ^qu’il
eut rompu toute liaison avec l u i , et qu^il eut reconnu la perfidie
�< *8 )
d e s e s conseils e t . de. s
a p ré tendue amitié | 3
L es tons dédaigneux
qu’elle prenait e n v e r s . C . » . C hap p e l, q - e l l e traitait., pour la
m oindre1 Contrariété , de butor , g o u j a t manant , et antres ter
m es
indécens
,
dont une femme honnête ne doit jamais se s e rv ir ,
sur-tout à. l ’égard de son mari 4 . L e s p r i t de, dissipation de son
ép ouse , son goût pour une dépense, nullement proportionnée à ses
'f a cultés. V o i l a e n p e u dè m o ts, les causes des petites querelles
~aui ont eu lieu entre les deux époux , et quoique les torts soient
é videmment du cote de la Dame Chappel , un mouvement de
r epenttir de,.sa. part ;peut encore les f aire oublier. il est si peu
d unions dont quelques n uages n altèrent la douceur et la purete ,
que les époux sont bien
obligés
d’apprendre à supporter leurs
m u t u e l s défauts ; car s i , pour la moindre broüillerie , l’on avait
recoursau
divorce , le mariage ne'serait plus qù’un Concubinage
e t u n e s o u r c e perpetuelle dë désordres.
T e r m i n o n s p à r u n e séule réflexion : la vië et l’honneür de la
D a m e C h a p p e l ne s on e t n ' o n t jamais ‘é té’ co m p ro m is; la position des deux époux n est point ’desesperée ; il n y a donc pas
l i e u d ’employer a leur égard le remède terrible du divorce. A u
contraire , il est de leur devoir et la justice e st intéressée à les
r è u n i r afin d e ''r é p a r e r , par l ' e x e mple d ’une vie douce et paisi
b l e , ’ l ' o u t r a g e q u e l a d a m e Chappel a ’ déjà' 'fait! à'l'h on n eteté
p u b liq u e , par le scandale de sa demande.
C H A P P E L .
L
n‘
e
C.en B O Y
E R,
;R O U S S E A U , Jurisconsulte.
’
B O N N E F O I ,
A C le r m o n t . chez
R apporteur.
■
Avoué.
V E Y S S Ë T , i m primeur de la Préfecture
u
P
d u y -d e -D ô m e .
j
' ,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chappel, Marie-Julien. 1804?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boyer
Rousseau
Bonnefoi, Avoué
Subject
The topic of the resource
divorces
nullité
jugement moral du divorce
appréciation de la notion de mauvais traitements
séparation de corps
témoins
premier divorce clermontois depuis la promulgation du code civil
violences sur autrui
maltraitance
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marie-Julien Chappel, officier de santé pharmacien, habitant à Clermont-Ferrand, défendeur ; Contre dame Marguerite Monestier, son épouse, se disant autorisée par justice, demeurant en la même ville, demanderesse en divorce.
Annotations manuscrites : voir le jugement qui admet la preuve des faits, et l'arrêt infirmatif au journal des arrêts de Riom, an 12, p. 88.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1804
Circa 1804
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0211
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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appréciation de la notion de mauvais traitements
divorces
jugement moral du divorce
maltraitance
nullité
premier divorce clermontois depuis la promulgation du Code civil
séparation de corps
témoins
violences sur autrui
-
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b6c247e4fd66c5a717f15e6b498afd70
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
.
RECONNOISSANCE
DE
PATERNITÉ.
�COUR
D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
SÉANT
A RIOM.
P O UR
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
r
♦
Jeanne
V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R IE R ,
sa fille y majeure, intimées.
' ’
L a recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. Dans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’h o m m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures : le prem ier parti seul é toit juste; la loi l'adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nommer son père
que celui qui a v oulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incom
•
A
�( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l’effet
spontané de la réflexion , le but m oral de la loi n’existe
plus.
L ’appelant réclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la c o u r, pour faire annuller un .
acte in fo rm e, auquel on l’a fait participer par la violence ;
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges n’ont pas voulu admettre la preuve
qu’ il étoit à même d’offrir ; et si cette opinion pouvoit
p révaloir , il en résulteroit que , contre le vœu de la l o i,
un hoinme donnerait son nom m algré lui à un enfant
naturel y seroit contraint de prendre soin d’un étranger>
et de lui laisser sa succession.
;i a T : •
F A I T S .
Jeanne V a lla , et Elisabeth F errier, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t, m airie de Cliambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C have,.
qui demeure à la distance d’environ une lieue de leu r
dopiicile.
Son âg e, plus avancé même que celui de la m ère, ne lui:
eût donné aucun prétexte de se rapprocher delà fille. U n
séducteur à cheveux blancs est rare *, au village il ne connoît pas l'oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
j.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Cha vc,.
lorsque tout d’un coup il s’est trouvé mêlé ¿1 leur destinée
�(3 )
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer seul peut
faire concevoir.
•
. U n matin à huit heures ( le 21 germinal an.9 ), Jacques
C h a v e , m alade, eàt brusquement arraché^ d^son lit par
deux frères de la fille Ferrier , suivis de trois auti'cs jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyes
par le sieur de B annes, maire de Ghambon , et comman
dent à Chave de les suivj^ dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et le^uit.^,, ......
^
L à il trouve Jeanne V alla qui.¡paroît en grande.colère,
l ’accueille par des injures grossières, lui dit que sa fille est
accouchée, depuis quinze jours , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le r é c it é e sa fille et de^Mv l,e maire (de
C h am b o n , et qu’il faut, ^igner, sur le champ l’acte de,
naissance.
■ ..
. -1.
C h a v e , é to u r d i d’une v e s p é r ie aussi in a tte n d u e , pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des frères ,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte, veut élever
la v o ix , et invoquer la notoriété publique; des,bâtons sont
levés contre lui pour toute réponse : il sollicite la justice
du maire , mais le maire le prend à part pour lui dire
qu’il falloit céder à la circonstance, et que sa vie n’étoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à.Çhave quel intérêt près-,
sant le maire lu i-m êm e avoit à pe, que la calomnie eût
une direction certaine.
,
j’ *
, )
:l
O n compi’end alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface q u e lq u e s mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. Il fflit enfin ce
qu’on exige \ il signe.
�(4 )
E n sortant de chez le m aire, les satellites le mènent au
cabaret, se font donner a boire, le forcent à p ayer, mettent
l’enfant dans ses b ras, lui font les plus horribles menaces
s’il.dit un m ot ; et se retirent:.
Sans doute il manque à ces faits beaucoup de circons
tances im portantes; mais Chave , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre dû réfléch ir? L a plupart de ces détails ont
échappé 'à°sa; ta'érfibirè,1 ott pltitôt i\ son attention.
Enfin C h ave, revenu de srînJètoàrdissem ent, put i*éflé~
efrir sifr ïéy fcâtféfruëmîes' dé 'l’âcte* qu’ on venoit de lu i
extorquer ;'e t sütU’é parti qu’il avoit à prendre.
Lîï dém arche la ptus pressée et la plus indispensable,,
étoii de se débarrasser de' l’innocëüte créature* qu'uné'
irtèrë1dénritiitéë1avo it rejetée1'd e ses1 bras poufc l’aban-donner aux soins d’un étranger. Chave hésita s’il 1&
rap p o rtero it, dans la nuit , à la porte des F e rrie r: cepen
dant la religidû , l’hum anité', peut-être la terreur pour
Îirî-mêm’é , Fefri^ortèrent sur son d é g o û t, et il fit porter
Penfant à unë nourrice;
M ais aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte a a juge de paix de T en ce ; le juge de paix lerenvoya au magistrat de sûreté : mais comme la plainteétoit dirigée aussi contre le m aire, les autorités déli
b érèren t, et ne résolurent rien..
!:l '
Chave in q u ie t, et ne voulant pas que ¿on sileilce pût
déroger à son drrti't, se'décida à citer, le 5 floréal an 9
tant Jeanne V alla et sa fille , que le maire lu i-m ê m e ,
pour vôrr dire q u ’il scrôit r^ titu é côtitfü la reconnbissrince de paternité qüi lui avoit été extorquée par la
violen ce, et qtie le jnail'C seroit tenu de ra^çr du registre
�( 5)
ce qui concernoît ladite reconnoissance ; et la m ère et
la fille pour être condamnées à reprendre l’en fan t, payer
ses alimens chez la nourrice , avec dommiiges-intérêts.
O n pense bien qu’au bureau de paix la fille F errier
ne manqua pas de fqire la réponse d’usage, qu’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave avec
e lle ; celui-ci Pen d éfia, et ajouta même qu’il offroit de
prouver ce u x avee qui elle àvoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d’a u tre , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ;. et la fille F errier ne1
risquoit rien à faire bonne contenance. Q uoi qu’il en
so it, un prem ier jugem ent, du 28 pluviôse an 10 , m it
le maire hors de procès, comme ne pouvant être jugé
sans autorisation , et appointa les autres parties en droit.
C e t a p p o in te m e n t ne fournit p as p lu s d ’é c la irc is se
ment. Chave persista toujours à offrir la preuve de la
violence exercée contre lui ; et les femmes F e r r ie r , qui
au bureau de p a ix , n’avoient paru avoir aucune crainte,
firent leurs efforts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. L eu r système p ré va lu t; et le 14 fructidor an 1 0 ,:
le tribunal d’Yssengeaux rendit le jugement qui suitt■
« Considérant que Particlo 2 du titre 20 de l'ordonnance de 16G7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux acte6 publics; qu’à la vérité la fo rce, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves , qui feroient craindre pour Ja vi e metus mortist
ou que la partie obligée auroit souffert c h a r t e privée, ainsi que
renseignent Dom at en ses Lois civiles, et Polliier en son T raité
des obligations j
�( 6)
» Considérant que Jacques Chave n'a articulé qn’iî lui ait été
fait aucune m enace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoitre pour lui appartenir l’enfant dont s’étoit
accouchée Isabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’en seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant Chave avoit offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit privé alors d’un moyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite alors au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B annes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à en cacher l’irrégularité pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s'est pourvu en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels', et cependant, par une étraijge
inconséquence, elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jourd ’hui la loi a fait pour eux
davantage : mais sans vouloir percer le m ystère; qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’ une innocente créature
�k
(7)
digne de la pitié de tout le m o n d e, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homme , guidé par des apparences qu’il aie droit
d’apprécier lui^ -m êm e, et cédant à l’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de p è r e , la loi le
lui perm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit à l’acte uue solen
nité plus grande que pour la naissance même de l’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte à l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
o u à la violence. M a is à q u i peut èti*e réservée l’uue ou
l ’a u tre de ces v o ie s c r im in e lle s ? C e n ’est pas à la fille tim ide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse, et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa nais
sance , n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœ ur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes déhon tées, qui ne voient
dans la prostitution qu’ une habitude, dans leur avilisse
ment qu’ un état, et dans leur fécondité qu’un accident?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’e lle s déféroicnt
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leu r
etoicnt souvent les plus étrangers , mais qu epouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique discussion. Si
.on leur laisse entrevoir aujourd'hui une tolérance quel-
�CS )
conque, que le.ur coûtera-t-il de'tenter d’autres voies pour
en venir aux mêmes fins? Et-s’il est près de leur demeure
Un citoyen paisible, q u i, par ses mœurs douces et réglées,
puisse passer pour pusillanim e, quelle difficulté y aura-t-il
de répondre adroitement que c’est là le cou p able, d ’inté
resser contre lui quelque personne créd u le, de l’effrayer
lui-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ ameuter s’il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès 'de la négo
ciation ! Jadis il falloit des tém oins, aujourd’hui il ne faut
qu’ une simple signature ; 'tout cela peut ¿’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
crim inel le calme «de la "réflexion : souvent ses fa u te s le
trahissent, e t, quelques légères qu’elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’elles ne
sont pas un simple résultat de sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la iille T errier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cour en sera convaincue
bientôt par la forme de l ’acte de naissance qui fait son titre.
Une seconde découverte la convaincra encore qu’il ne
s’agit point ici de rép arer, envers une fille sé d u ite , des
torts que la malignité suppose toujours. L a fille Ferrier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è re , que l’acte apprend môme avoir
été sage-fenune en cette circonstance.
Il ne pnroit pas que pour cette fois la mère et la Cllo
T errier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui elire un père à la plu
ralité
�( 9)
ralité des suffrages; il est vraisemblable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
- Q u o iq u ’il en soit, et soumettant cettedécouverte pré
cieuse aux x-éilexions de la c o u r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lon g-tem ps, et se contentera d’observer
qu’il n’y a rien de légal dans la’ prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
de violences articulés suffiront pour la détruire. C ’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i° . L a déclaration de -paternité n e s t pus légale.
!La loi du 12 brum aire an 2 s’occupoit de trois espèces
d’enfans naturels, après avoir décrété en principe qu’ils
étoient successibles.
1°. Ceux dont le p èreéto it décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’ éta t, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption ; 2°, des enfans
dont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
Code c i v i l , et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C o d e , et alors la reconnoissance du p è re , faite devant
l’officier p u b lic, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il s o it, de môme que la m ère, sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle u r g e n c e y a v o it - il de
prévenir la publication du Gode civil , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s> et qu’elle
B
�( 10 )
ajournent au contraire ? N ’aperCevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance ?
D ira-t-o n que le Code civil prescrit aussi une décla
ration authentique, et qu’on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu p révo ir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
supposé. que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
prem ier système sur une innovation aussi im portante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal a n n ,
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , d an s l’intervalle de
l’an 2 à l’an 11 , aucune législation touchant les enfans
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
remplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu régler , même p rovi
soirement , le sort de quelques enfans naturels, pendant
cette lacune de n eu f ans.
Il ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfunt d’Elisabeth F errier qu’après le Code c i v i l , dont
l’art. 334 porte que la reconnoissance sera faite par un acte
authentique, si elle ne l’a pas été par l’acte de naissance.
Mais fût-il indifférent que la reconnoissance contestée
ait été faite avant ou après le Code c iv il, malgré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation, et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n’en est pas
moins irrégulière ? car elle 11’est faite ni par l’acte de
naissance lui-m êm e, ni par un acte séparé authentique«
V oici comment cct acte est littéralement écrit au registre*
�(-!■))
' ’
:
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A c t !
de
n a i s s a
ü;-' . ■
■:
n ' c ' e . ,:
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rr Du huitième joyr du ntois de germinal, l’an 9 de la repui> blicjue frarçca^sç. A cte de naissance {Je Jacques, f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et. on y a substitué au -dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e r , que Üon a encore effacé, et l ’on a écrit à côté C i i a v e . ),
» né hors de mariage., né le septième jour du mois de germ inal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeau Ferrier, non m ariée, domi» ciliée du lieu de la M arette, susdjte commune,.et-Isabeap Fermier,
» non mariée; le sexe de L’enfant a été reconnu u n ;e ( Qn a couvert
* ^*
» d’encre la lettre y.. ^f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant'^' Chambon , Méparte'merit de
» la H a u te -L o ire , profession de cultivateur, âgé de tren te-n eu f
» ans ; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant ¿1 Ghambon , département de la H a u te -L p irp , profession ¡de tailleur d’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite pxjr
» Marie R u e l, sage-femm,ef<|e ladite accpucbqe, avons inscrit le
» sus-nom rué Jacques F e r m e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
» au-dessus, dans l’ interligne,
»
mère
»
le
C
iiave.
),
portant
le nom
de
sa
( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
nom
du
pere
.
) ; et ont la déclarante ne savoir1signer, et les
« témoins Signé. F e rrie r , R u e l , signé àtPoriginal. »
•' ■'1 >!'/ • ", ■
(t ,
« L ed it Jacques Ch ave pèretreconnoît ledit Jacques son fils, de
» ladite décl^ratioij de <la présente, lacté-; le rçcqnnolt pour ^sqn
» véritable fils, avoir droit à tous ses bien^, en p n v s c n c e . d e Jean» Louis Riou. ( -J- Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la,commune de Cham bon, fai—
» sant les fonctions d ’ofiieier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e B annes, maire, signé.
» ^ Et de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre Frescliet, et de Jeanj> Pierre F errier; et dit Jacques Chavc a signé avec les témoius.
B 2
�» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer, Chave >
» R io u , Freschet, Ferrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. Ledit renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecturede la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident qu’il puisse l’ê tre , que cet acte se
compose de deux parties bien distinctes , qui ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du m ême
m om en t, et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i ». A cte de naissance bien parfait et très en règ le, d*ua
enfant né d’Isabeau F e r r ie r , sans m ention du père
O n lui donne le nom de sa mère. Il y a deux témoins
de cet a cte , Joseph F errier et M arie R uel. L ’acte est
donc com plet : le vœ u de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. V ien t ensuite une déclaration de C h ave, qui est à
la suite du prem ier a cte , et qui a exigé des surcharges..
M ais peut-on , de bonne foi , y v o ir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la lo i
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en effet il a eu lieule 21 g erm in a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Comment supposer en effet que cette déclaration
fiiinle fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommés au
premier ne signent pas la déclaration.
�( *3 )
On a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’ il lui plaira de raturer
en core; les autres témoins , Chave lu i- m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le fr è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et même acte, les uns l’ont signé
au m ilieu , et d’autres à la lin : chose bizarre et rid icu le,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
m a in te n ir .
Q ue peut - il résulter d’un acte de cette espèce , si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs , et une conviction
intime que ce n’est pas C have qui est allé déclarer la n a issance d’un enfant comme s’en disant le père?
L e but de la loi n’est donc pas rempli ; car dans quelque
form e que dût être une reconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rticu lier, daté lu i-m êm e, et
qui ne fût pas rédigé dans une form e ayant pour but de le
rattachera un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l ’article 334 du Code civil dii
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,
ou par un acte atlientique ; à quoi l’ a rtic le 62 ajoute que
la cté de reconnoissance sera in sc rit sur les registres () sa
date j et qu’il en sera lait mention en marge de l’acte de
naissance.
�C H )
'
Rappelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter pour rien les reconnoissancesantérieures
au c o d e , quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’nn 2, qu’ il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. La loi
a eu ici un but plus moi'al : les cliangemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l’importance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! U n seul m ot équivoque en un
testam ent, détruit toute la volonté d’un père de fam ille;
une donation exige encore des formes plus multipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans que c e lu i où il s’agit
de transmettre son nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
encore, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleurs , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A u jourd ’hui il faut y ajouter une vérité bien certain e,
c’est que la seule supposition qu’un homm e est tenu et
obligé de se charger d’un enfant naturel sans sa libre
v o lo n té , est incompatible avec le système indubitablement
reçu sur la législation des enfans naturels.
2°. Cette déclaration de paternité est n u lle , S il y a
violence. L e s jfà its articulés suffisent. I ta preuve en
est adm issible.
On est extrêm em ent sévère dans le monde pou r juger
�( i5J
des effets de la peur d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
ca r, en deux cas semblables , le même individu se conduiroit rarement deux fois de la m ême manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne, tandis que le prem ier effet de la terreur
est d ’absorber toutês les réflexio n s, pour ne laisser place
qu’à uneseuleidéedom inante, la conservation de soi-même.
Quelques auteurs, partageant sur cc point les idées du
v u lg a ire , sembleroient aussi se m ontrer difficiles à ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. Il
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut tro u ve r de m oyen rescisoire que
dans celle qui suffiroitpour ébranler la fermeté de l’homm e
le plus in trépid e, metus non va?ii hom inis , sed q u i in
hom inem constantissim um ca d a t, 1. 6 , ff. Q uod metûs
causa.
Ces auteurs, s’en tenant à une loi isolée démentie par
beaucoup d’autres, n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un m onument de la fierté romaine plutôt
qu’une règle générale. Ce p eu p le, qui avoit détruit le
temple élevé par T u llu s à la C rainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec lui-m êm e. Sous
un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel romain p o u v o it a llé g u e r une
crainte légère! E levé dans les cam ps, son excuse m êm e
«ût consacré sa honte , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d’ un so ld a t.
�( i6)
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l’eût créée elle-méme , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux qu’elles doivent régir.
Gardons-nous donc d e l’exaltation , quand elle est hors
de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboui'eur tim id e, qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
Les auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D ornat surtout, à qui les premiers juges ont fait
l ’injure de prêter une opinion si contraire à son d is c e r
nem ent, D o m a t, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons v o u lu , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n ......... Toutes les voies de fait, toutes les violences,
<f toutes les m enaces, sont illicites ; et les lois condam« nent non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque to u rm en t, mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut remarquer
« que comme toutes les personnes n’ont pas la meme
« fermeté pour résister à des violences et à des menaces,
tt et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, qu’ils ne
k peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
<c on ne doit pas borner la protection des lois contre les
« m enaces
�('17 )
a m en aces et les v io le n c e s ,
.
à ne réprim er q u e celles
« q u i so n t capables d'abattre
les personnes les pluà
« in trép id es; mais il est juste de protéger aussi les plus
« tim ides............
« Il est très - juste, et c'est n otre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m ême q u i
« ne vont pas à de tels excès, et qu’on répare tout le
a préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque chose d’injuste et de ccn« traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m a in ........... et ces règles
« sont tellement du droit n a tu re l, q u 'il ne p o u r r o it y
« a v o ir d'ordre dans la so c ié té des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces Tiétoient réprim ées. » ( S e c t. 2 ,
d es v ic e s d es c o n v e n tio n s , p r é a m b u le . )
Il est peut-être inutile, après avoir cité D om at, de faire
d’autres recherches ; mais les premiers juges ont encore
fait l’injure à P oth ier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois rom aines, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que te le principe qui ne
«
«
«
«
connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
de faire impression sur l’homme le plus courageux, est
trop rig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous
la
«■ lettre ; on d o it , en cette m a tiè r e , a v o ir égard a P ag e ,
« ait sexe et à la con d itio n des personnes (1),' et telle
( 1 ) Expressions copiées mot pou'r mot en Fart. 1 1 1 2 du C ode civil.
c
�( 18 )
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intim ide l ’esprit d’un homm e d’un âge m ûr ou d’un
« m ilitaire, et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« f a i t , peut etre jugée suffisante à l’égard d’ une femme
« ou d’un v ie illa rd , etc. » ( T raité des obligations,
page i re. , chap. I er., n°. a 5 , i n f i n . )
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d’autres citations, on les puiscroit dans les lois
romaines elles-m êm es, qu’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e, et q u i, au con traire, nous enseignent
ce que Dom al et Pothier viennent de nous apprendre.
T o u t consentement doit être lib r e , disent plusieurs
lois ; e t, pour être restitué, il n’est pas besoin d’ une v io
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
¿\ celui qui contracte; quoad ju sta m restitutionis cau
sant ni/iil refert utrhm v i an metu quis cog atur. . . .
et quoad effectum ju r is utrobi deest co n sen su s, ac
libéra roluntas p a tien tis, u tvelle non videatur. L . 1 , 3 ,
7
quod met. C. L . 116 , de reg.jur. ( in C orvino.)
Ces lois étoient bien moins dures que 11c l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crainte , quand même Chave auroit été
hors d’élat de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
in sp irée; non tamen necesse est designare personam
quœ rnetum intu/it, sed sujficit p r o u a r e rnetum, quia
me tus habet in se ignorantiarn. L . 14. Jf. eod.
E n fin , ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des hom m es,
c’est qu'elles expliquent qu’il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’existence d’uu danger réel , mais seulement
�C 19 )
la crainte de ce danger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu is s e t , cu r pericuîurn tim eret,
quam vis pericuîurn 'i crc non f u is s e t . . . . non considé
ra tur even tu s, sed ju sta opinio. L .
eod.
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-m êm es, il a jugé que la crainte inspirée
à Chave 11’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’ù quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer Loujours,. en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
ollroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notam m ent, i° . que le 21 germ inal les frères F errier et
il’ulitres liommcs armés île hfitous sont venus chez lui ;
2°. qu’ ils l’ont forcé de se lever et de les suivre, en le
menaçant ; 30.’ que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a prisi\ part pour l’exhorter à céder à la force
et éviter un plus grand mal ; 5°. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où 011 lui a remis un enfant, avec de
nouvelles menaces.
'
M a is, a dit le tribunal d’Ysscugeaux, C h av e, sorti de
si maison et conduit chez le m aire, pouvoit réclamer.
Ce scroit une réllexion bien naturelle, si les faits même
de la cause n’étoient déjà venus la d étru ire; car ce maire
lui-m em e étoit si peu disposé
user de son autorité ,
qu’ il est difficile de ne pas le juger nu contraire iutéressé
à l'événem ent.
Mais à quelle pro tectio n , il faut lo d ire , auroit pu
�( 20 >
s’attendre un m alheureux à la merci de cinq in d ivid u s,
dans le domicile isolé d’un maire de village? Battu à ses
y e u x , Chave pouvoit-il se croire dans un asile inviola
b le ? L e maire lu i-m êm e,l’exhorîMnt à céder à la fo rce,
m ettoit le comble à sa terreur, et ctéclaroit, ou sa propre
co m p licité, ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins im portant de la vie seroit vicié par une
semblable v io le n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la m oindre contrainte. U n
père de fam ille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son m ariage; mais c e lu i-là même qui
auroit procréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la loi : elle ne veut pas qu’ils
en aient une. Quand leur père se nom m eroit hautement
dans le m onde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice m oral de lui donner un fils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-011
soutenir l’idée révoltante qu’un homm e sera contraint
m algré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Q ui lui donnera la force de supporter, dans sa de
m eure, la vue habituelle d’une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im m uable, sans aucune com
pensation satisfaisante ? et qui oseroit répondre que dans
�(
21
)
celte situation dé désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur co n v u lsiv e,
qui seroit tout à la fois le tourment de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vaguessuppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne point à un homme l’enfant
qu’il repousse avec m é p r is , quand la loi n’en fait pas
un devoir. L a cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’ un acte lib r e , çt tout pvouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. C h ave,
conduit par la fo r c e , menacé dans sa route , a signé
sous le bâton; et, pour se servir des expressions de D om at,
si uu consentement de cette espèce étoit jugé valide , ce
serait un attentat au droit n a t u r e l i l n ’y auroit plus
d ’ordre dans la société des hommes.
L a conduite d’Isabeau F errier , l’époque de ses cou
ches, c’est-ùidire, de celles qui donnent lieu au proçès,
le choix de ses cro u p iers, le lieu de la rscène, la :c ir
constance qu’ un acte de naissance a été ch an gé, e tc ., tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroient oiseuses, tant que la preuve
de la violence ne sera pas ordonnée.
Cette p re u v e , sans contredit, est adm issible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible que la malignité toujours avide de calom
nie , et toujours diilicile ù d étro m p er, prétClide que Chavc
�( 2 2 )
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l’accuse : mais il en prend le ciel à tém oin,
cette femme lui fut toujours étrangère.
Chave , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se voir .revivre dans un fils qu’il
cro iro it le sien ; à son âge et avec ses principes religieu x,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par quelque chose de
plus puissant encore , U n e conviction in tim e, une insurm ontable répugnance.
¡:
Il ne demande pas à être cru sur p a ro le; et si son
prem ier moyen ne suffit p a s , il offre la preuve des v io
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son d om icile, mené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F errier sera
convaincue qu’il ne lui est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge p u b liq u e, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rappotteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R I O M , de l ’im prim erie de L a n d r iot , seul imprimeur de la
C o u r d ’appel. — T h e r m i d o r an 13.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
nullité
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0614
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0307
BCU_Factums_G1502
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53874/BCU_Factums_M0614.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chambon-sur-Lac (63077)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
nullité
reconnaissance de paternité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/18/53952/BCU_Factums_B0113.pdf
66ad76188d33020a77dd44593a220e16
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
JUSTIFICATIF
E
,
P O U R
J
«r
Mc D E S M A R O U X ,
ACCUSÉ.
C O N T R E
M. LE PROCUREUR DU RO I
A C C U S A T EUR.
�CRIMINEL.
M
É
M
O
I
R
E
JUSTIFICATIF,
P O U R Me J o s e p h D e s m a r o u x , Notaire Royal &
Procureur au Bailliage Royal de Montaigut en
Combrailles, prifonnier dans les prifons de la V ille
de Riom, accufé.
C O N T R E Monfieur le Procureur du R oi de la
Sénéchauffée d’Auvergne & Siège Préfidial de la
Ville de Riom } accufateur.
infortunée de la vengeance & de la calomieje
n gémis depuis deux mois dans l’horreur des
prifons ; j'éprouve tout ce qui eft deftiné aux fcélérats du premier ordre; cependant, tout autre que
m o i eft coupable du crime qu’on m’impute. Fut-il
A
Vci t i m e
r
~
�*jamais d’accufé plus cligne d’être .plaint du public 8c
' protégé par -la juftice '1 Diipeniàteurs de ce tréfor
«îacré, magiilrats intègres, vous devez l’ouvrir à tous
ceux qui le demandent ; s'il pouvoit être fermé pour
un, il pourroit l’être pour tous : le dernier des citoyens
' y a le même droit que les puiiTances du royaume ;
mais, .s’il pouvoit y avoir quelque préférence iiir la
diftribution d’un bien il précieux, la raifon, la nature
Sc l’humanité ne demanderoient-elles pas qu’elle fût
. en faveur du malheureux qui eilinjuftement opprimé?
Père de famille, domicilié, jouiiTant de tous les
droits de l’honnête bourgeoise , j’ai été outragé
dans mon honneur, dans ma perfonne, dans ma
-liberté. Chargé par état de la confiance & du f e c r e t
des familles, j’ai depuis long-temps rempli tous mes
devoirs avec toute l’attention qu’ils exigent : e x p o i e ,
"malgré ces avantages, aux coups d’une trame odieufe,
ourdie par le reifentiment, fomentée par la paillon,
- & foutenue par la cabaletdç-^quelques ennemis pervers,
, je fuis confondu avec les malfaiéïeurs, & réduit a
paroître aux yeux de la juilice en criminel.
Mais, qui peut fe ‘ défendre de la calomnie, iur"
t o u t quand elle eil armée du bouclier impénétrable
-¿le ia tyrannie, le fecret! Combien de gens h o n n ê te s
‘ont été à la veille de fuccomber fous le poids de
-raceufation la plus injufte ? La vertu la plus p ^
'n’eft-ellepas tous les jours en butte à l’envie & a ^
�TlaiTuré par mon innocence, je pourrois laifFer le
foin de ma défenfe à la réputation que je me fuis
acquife en vingt-deux ans d’exercice dû
charges
& des différents emplois de confiance dont j ai ete
honoré par plufieurs perfonnes de considération ; je
pourrois me difpenfer de me donner en fpeétacle au.
public, par un mémoire, û la juilice humaine, mesu
rant fes coups fur ceux de la juftice divine, pouvoic
çonnoître fur le front des hommes la perverfité de
leur cœur, & diitinguer le coupable de l’innocent;
fi elle pou voit dire en toute atfurance : Defcendam,
.. 6’ videbo utràm clamorem qui venu ad me opere compleverim an non efl Itd ut fciam ( a ') .
Ma caufe intérelle effentiellement la fociété ; c’eit
celle de tous les notaires; c’eft celle de tous les
citoyens, parce qu’il n’y a perfonne qui puiife fe
flatter de n’avoir aucun ennemi, & d’être à l’abri de
la calomnie. Des circonitances il fingulières & fi inté^
reiTantes pour un homme public, demandent qu'il
faife paroître de la fenfibilité; elles veulent q u i1
repouife l’outrage; elles lui mettent les armes à la
main pour ia défenfe. Ce feroit donc mériter de ma
part toutes les injures qui m’ont été faites, que de
n en pas faire çonnoître l’injuftice aux refpe&ables
luagiftrats qui doivent me juger, & au public qui
!u a allez honoré de fon eitime, pour ne pas me fair^
Vn crime du filence que je voudrois mimpofer.
( tt) Genef, ch'ap. 1 8 , verf. 2 1 .
A
2
�L e fieur de Segonzat, feigneur de Champigoux,
'fit en ma faveur, par un feul & même aéte du 24
feptembre 1 7 j 6 } deux donations : Tune, à titre oné
reux, & l’autre abfoiument gratuite : l’a<5le fut reçu
par Giraud, notaire royal à Montaigut; il fut paifé
dans l’étude du notaire, & écrit de la main de Lougnon
qui lui ièrvoit de clerc pendant les vacances qu’il
paiîoit à Montaigut, chez le iieur Tabardin, notre
beau - frère.
Il eft dit dans la première partie de cette donation,
que le ijfeur de Segonzat me donne, par donation
entre-vifs, le bien & fief de Champigoux, fous la
réferve de l’ufufruit & jouillancede tous les bâtimens,
jardins y attenans, de deux chenevières..........le iieur
de Segonzat fe réferve auifi la dire&e fur les objets
donnés, & y impofe la redevance d’un denier de
cens portant profit. La donation eft de plus faite, à
la charge par moi de payer annuellement au iieur de
Segonzat une penfion viagère de 800 liv. d’acquitter
fes dettes, juiqu’à concurrence de la fomme de
lo a o o liv. ou environ, & de le tenir quitte de la
iorome, de ^ 3 liv. qu’il me devoit perionnellement.
La féconde claufe de la donation porte que « Ie
» fieur de Segonzat déiirant me témoigner la conti» nuation de ion amitié & de fon affe&ion „ . - •
a
* donné & me donne gratuitement, & aux miens*
�» par donation entre-vifs perpétuelle & irrévocable9
» le domaine appelé des Rondiers, fitué audit lieu
« de Champigoux, coutume deBourbonnois, & tous
r> les autres héritages en roture, qui lui appartenoient,
y> fitués dans les paroiiTes de Mourmière & St. Eloy ,
» avec quatre boeufs.......... en quoi que le domaine
y> des Rondiers & héritages en roture confiftent &
» puiiTentconfifter, fans en rien retenir ni réfer ver (a ).
Je dois obferver ici ( & c ’eft le feul crime qu’on peut
m'imputer, en fuppofant que je doive être garant des
laits d’autrui ) qu’à la fuite de cette fécondé partie
de la donation, Giraud qui la dtéloit, fit, par igno
rance, ou plutôt dans le deifein de trahir mes intérêts,
inférer la clauie, que le fieur de Segonzat me donnoit
de plus t o u s s e s b i e n s é c h u s e t a é c h o i r , p u é s e n s
e t a v e n i r (/>); ce qui rendoit la donation radicale
ment nulle, d’après les difpofitions textuelles de l’or
donnance de 1 7 3 1 .
J ’étois dans l’étude de Giraud, pendant q u il étoit
occupé à compofer cet a&e ; mais je faifois alors la
converfation à l’écart avec le fieur de Segonzat, & ne
donnois aucune attention à ce que Giraud di&oit,
n ayant*garde de fufpeéter fes deileins, moins encore
■(û) Nota. C e ft pour ce dernier objet de la donation feulement)
le fermier de M. le duc d’Orléans m’a demandé des droits de lods*
L a minute de la donation étoit compofee de deux feuilles« fit
claufe fe trouvoit écrite dans là feuille du milieu.
�( 6)
de me défier de Ton expérience & de fit capacité qui
m’étoient connues : d’ailleurs, on dévoie mç faire
leéhire de l ’a ile ; on me l’a fie en efiet, & alors
remarquai la claufe vicieufe : j’en iis auiïi-tôt l’obfer-.
vation, & demandai que la minute fût changée, ou
la claufe fupprimée, attendu que je n’étois pas dans
l ’intention de fournir aux frais d’une donation qui ne
pouvoit m’être utile. Sur ma repréfentation, Giraud *
ayant remontré qu’il fuffifoit de changer la feuille du
milieu, fur laquelle étoit écrite la claufe vicieufe, &
de fubflituer une autre feuille, dans laquelle on ne
comprendroit point les biens échus & à échoirs } pré' fens & à venir, le iieur de Segonzat & moi nous ren
dîmes à fon avis. Dans le même moment, la feuille
étant tranferite par Lougnon, la claufe fupprimée Si
l’aéte figné, je me retirai avec le iieur de Segonzat,
laiifant iiir la table de Giraud, & la minute de la
donation, & malheureufement la feuille fupprinuç
qu’on auroit dû déchirer dans l’inftant, Mais quel eft
l’homme allez prévoyant qui puiife fe flatter de n’avoir
jamais eu d’imprudence à fe reprocher?
Enfans de colère & du menfonge, vous qui êtes
plus confommés en malice que ces fcélérats même,
dont les crimes ont enrichi Unitaire au déshonneur
de la nation, mon imprudence va fournir à votre
imagination une vaite carrière, pour exercer vos
talens. Mais tous vos projets odieux, vos impoftur^,
vos calomnies, viendront, fe brifer à l’écueil de lip*
vraifemblance & des contradi&ions.
�(7 )
,
.
..
— -Les dates font dans cette affairé, de la plus 'grande
‘
importance.
'.......
c La donation faite* en ma faveur par le fieur de
^Segonzat, le 2.4 feptembre 17 7 6 y lut contrôlée &
¿nfinuée le 2,6 du même mois. Cette vérité ne peut
iparoitre équivoque , puifquelle eft confignée dans
des aéles .publics, dans un certificat du contrôleur,
& dans fa propre dépofition.
^
Devois-je m’attendre qu’une libéralité de cette
-nature alloit devenir pour moi le principe de la dei‘tru6lion de ma fortune! Pouvois-^je prévoir que des
-héritiers qui avaient refüfé d’accepter ce don, âux
Tnemes conditions que moi, fe ligueroieilt un jour avec
des ennemis jaloux & un fermier avide, pour me perdre
-dans l’efprit d’un confeil éclairé, du confeil d’un prince,
à tous égards refpedjjable, M. le duc d’Orléans?
La ligue formée , je fus atteint de fes coups-meur
triers, peu de temps après la donation. Je vis éclôrfe
deux procès contre moi, & s’en former un troiiîème
-qui attend fon exiftence du fort de la plainte q u oa
a fait-rendre contre moi.
I
‘ Giraud, quel nom viens-je de prononcer î ouï,
Giraud* ce même notaire qui a di&é la donation faitfe
^n ina faveur, par le fieür de Segonzat, cé notaire
jjui avoit eu la confiance des deux parties^ ie montre
^'la^tête de la cabale; il eft le •premieri'qui c'hei'çhe
faire dépouiller ’detf biéiis iqüi venbièiït de m êtrfe
’^ rniés en fa préfencè. Que ne^d'oît - on pas -crâindïb
^ ieifentiment & d’une baiTe jaloufieS
�(8)
Depuis la donation, ayant été chargé, en ma Qua
lité de procureur, de la défenfe de Jean Rouzîiie',
auquel Giraud avoit iufcité le procès le plus>injufte,
pour la vente de la coupe dun bois taillis je deviens
un objet odieux pour Giraud. Il faut me venger,
dit-il, il faut me venger, quand je devrois moi-même
être enveloppé dans ma propre vengeance.
Des raifons d’intérêt l’animèrent encore & lui
fuggérèrent le plan qu’il a fuivi, & que, fans doute,
il méditoit, en faifant ma donation, puifqu’il a confervé foigneufement cette feuille fatale que je fis
iiipprimer. C ’eft cette pièce dangereufe qui lui four
nit le moyen de me nuire. On voit tout d’un coup
l ’ufage qu’il en pou voit faire, & il le fit d’autant plus
avidement, que le fuccès & l ’impunité paroifToient
infaillibles.
Il voit le fieur de Segonzat, l’engage à fe pourvoir
contre fa donation, & lui fait part des reiTources qu’il
lui a ménagées pour réuifir à la faire déclarer nulle.
Ceux qui ont connu le fieur de Segonzat, ne feront
point étonnés que Giraud ait pu le faire varier.
On m’aiTigne donc le 1 7 février 17 7 7 en jufàce
de Montaigut, en nullité de cette donation faite cinq
mois avant. Le moyen de nullité eft tiré de ce que
la donation comprend les biens à venir.
Quel abus, Giraud, faites-vous de votre miniftère?
Eft-ce la haine feule qui vous confeille de vous com
porter ainfi ! Non : une efpérance chimérique vous
�t 9)
fait ,encore agir., Vous vous étiez periuade què ladonation faite en ma faveur étant une fois annullee*
le fieur de Segonzat difpoferoit des mêmes biens en,
faveur de Bouttin, beau-frère de votre gendre. C ’eft
le langage que vous avez tenu, & la convention que
vous aviez faite avec le fieur de Segonzat : la preuve
en eft écrite au procès.
Je" négligeai de comparoître fur la demande du
fieur de Segonzat, ou plutôt je ne favois quel parti
prendre; car, comment éviter la nullité, s’il falloit
que j’adoptaife le faux a<5te, & comment entrepren-v
dre de pourfuivre mon confrère en aèlion de faux!
comment même prouver la fauifeté?
Cependant le iieur de Segonzat prit contre moi.
une fentence par défaut, le 4 du mois de mars, qui
déclara la donation nulle.
L ’impofture, fière de mon filence & de fes pre
miers fuccès, alla croiifant de jour en jour. Giràud
s’étant retiré pour un moment derrière le rideau, je.
vis paroître fur la fcène Salleneuve, fermier de M.
le duc d’Orléans, pour me fufciter un nouveau pro
cès, fous le nom de ce prince. Ce fermier s’étant
figuré que la donation qui m’avoit été faite par le
fieur de Segonzat, étoit une vente déguifée, me fit
aflîgner, fous le nom du prince, en la juftice de
■Montaigut, le 1 ^ du même mois de mars, pour être
c°ndamné à payer les droits de lods.
1
défenfe fut fimple. Je ne devois pas de droits
�Cio)
rde lods pour une donation gratuite;'& quand j’en
aurois dû, je ceiTois d’y être aiîujetti, fi, par la four
berie de mon notaire, ma donation devoit demeurer
nulle : ce furent les moyens que j’employai ; je dis
d’abord qu’une donation ne donnoit point ouverture,
aux droits feigneuriaux dans la coutume de Bourbonnois ; j’ajoutai fubfidiairement que la donation
fa ite en ma faveur par le fieur de Segon^at} avoit
été déclarée nulle par une fentence du bailliage de
Montaigin 3 d3ouje concluois que M . le duc d 3Orléans
ne pouvoit pas exiger de droits feigneuriaux, jufqu à
ce que la jujiice eût prononcé définitivement jiir cette
demande en nullité de la donation, ou que le fieur de
Segon^at s3en fu t déjijlé.
J ’étois bien loin par ce genre de défenfes, d’ap
prouver la demande en nullité, & j’en difois allez
pour montrer le cas que j’en faifois, ou du m o i n s
pour convaincre que je ne m’en tiendrois certaine
ment pas à la fentence de Montaigut.
. Comment donc la malignité peut-elle me faire ufl
crime de m’être ainii défendu l Etoit-ce m ’a p p r o p r i e r
le faux de Giraud, & vouloir abufer de la nullitf
apparente, que d’en appeler, au contraire, à lajuft*te, & d’annoncer que je ne regardois pas comme
définitif le jugement de Montaigut? d’un autre côté,
ii ce faux devoir produire fon effet, fi je ne p o u v o i r
parvenir à écarter cette prétendue & fauiTe nullite>
oit-il jufte que je payaife les lods d’un bien ep*
�< « ')
n’étoit pas à mol! c’étoient les termes ou ) en etok
lorfque je me défendis, & il y a à ce fujet deux circonftances bien remarquables : lu n e, qu’à l’époque
des défenfes que je fis fignifier le i< juillet 17 7 7 t
contre la demande de M. le duc d Orléans , il eft
inconteftable que la fentence qui déclaroic nulle la
donation que m’avoit fait le fieur de Segonzat, fubfiftoit dans toute fa force, puifque je n’attaquai cette
fentence par la voie de l’oppofition qu’au mois d’aouc
fuivant.
L ’autre, que Giraud, de concert avec Salleneuve,
pour me perdre, ayant eu l’infidélité de lui délivrer
une expédition de la donation dans laquelle il avoit
inféré la claufe des biens échus & à échoir préfens &
à venir ; & Salleneuve m’ayant fait fignifier cette
donation dans cette forme, j’avois tout lieu de crain
dre que la perfidie de Giraud ne l’eût encore porté à
faire contrôler & infinuer cette donation dans la même
forme. Il n’y a rien à efpérer d’un ennemi, & tout eft
à craindre de fa part.
« Pour terminer mes doutes & fixer mes incerti
tudes, j allai confulter les regiftres des infinuations,
Sc me fis donner par le greffier une expédition de la
donation. Etant alors bien aifuré de fa validité, je
formai oppofition à la fentence qui avoit été iurpriie
contre moi, de la part du-fieur de Segonzat, & depuis
'1 n a plus été queftion, ni en la juftice de Montaigut,
1X1en ta cour de parlement, où l’affaire fut portée par
,
�'(,1 2
)
"appel, de la fentence obtenue parle iîeur de Segonzat,
qui déclaroic la donation riulle.» Giraud avoit en ion
pouvoir, & la feuille fuppriinée, & celle qui fut iiibftituée, au moment de l’aéte ; & cet ennemi juré fe
faifoit un jeu de délivrer des expéditions, tantôt dans
une forme & tantôt dans l’autre : tel eft l’art dange
reux qu’une intrigue adroite fait employer pour fatisfaire Tanimofité, Sc compromettre l’innocence.
Inftruit du contenu en l’expédition que javois
retirée du greffe, le fieur de Segonzat ne put fe diffimuler que la donation étoit valable, & que Giraud
l’avoit induit en erreur, en abufant de fa crédulité-;
il s’empreifa à m’en faire part & à fe réconcilier avec
m o i l a lettre qu’il m’écrivit à ce fujet le 10 août
1 7 7 7 , eil trop eifentielle à ma juilification, pour
que je puille me difpenfer de la tranfcrire ici dans fon
entier.
!
« Moniîeur, M. Bidon, mon procureur, m’a die
» que vous avez formé oppolltion à la fentence ( du
4 mars 17 7 7 , qui déclaroit la donation nulle, comme
contenant la claufe des biens échus & à échoir, ôcc. ) j
» je vous prie de ne point la pourfuivre : M. G i r a u d ,
» quoique votre ami, m’avoit confeillé cette demande,
pour m'engager à faire une nouvelle donation a
» B outtin j* il m avoit dit q u il s*e'toit refervé, lors de
y> la donation , DE quoi à me faire réujftr : je fuis
,» trop:content de vous, pour me laiifer,gouverner
y) à l’avenir par'de.mauvais confeils; laites,laire w
»
�( 13 )
v» Coupe * je vais la manger chez vous, & fuis votre
r> ferviteur, figné 3 d e S e g o n z a t r>.
. Il n’y a rien dans cette lettre qui ne foit remar
quable. Chaque phrafe, chaque ligne, chaque mot
découvre la perfidie de Giraud & la noirceur de fe’s
intentions : il a confeillé la demande en nullité ; il a
confervé d e q u o i à la taire réuilir ; il a déterminé le
fieur de Segonzat à difpofer en faveur de Bouttin,
des biens qui m’avoient été donnés. Quelles preuves
plus fenfibles pourroit-on exiger pour diitinguer le
coupable de l’innocent? Giraud a confervé, lors de
la donation, de quoi faire réuifir la demande en nullité
çlu fieur de Segonzat. C e d e q u o i enveloppé fous
l’ombre du my itère, peut-il fe réiérer à autre chofe
qu’à la feuille fupprimée, lors de la donation, dans
laquelle on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir ï Non, Giraud, vous en êtes convenu vousmême, & les témoins ouïs dans l’information l’onc
attefté à la juftice, d’après les aveux que vous leur en
avez faits.
> La perfidie de Giraud étant ainfi découverte ,
la conteftation qu’il m’avoit lait iufciter par le fieur
de Segonzat, fut auifi-tôt terminée.
Le 12 du meme mois d'août, fut jugée r.inilance
d’entre M. le duc d’Orléans & moi. Par la fentence
qui intervint, M. le duc d’Orléans fut débouté de fa
demande en paiement de droits de lods, à la charge
par moi d’affirmer & de faire affirmer par le fieur de
�C 14 >
Segonzat, que la donation du 24 feptetnbre 17 7 6
étoit Jîncère , & quelle 11 œvoit pas été imaginée pouf
frujlrer M . le duc d* Orléans , des droits feigneuriaux.
L e fieur de Segonzat & moi fîmes notre affirma-’
tion le même jour fur la fincérité de cette donation;
& ) avois lieu de croire qu'un aéte auiîi folennel
deiIÎHeroit les yeux à mes perfécuteurs, & me délivreroit de leur tyrannie. Mais, de quel poids peut
être la religion du ferment pour des hommes dont
les principes ne renferment aucune conféquence,
pour des hommes qui ne coniiiltent que'leurs paillons
Sc l’intérêt ?
Giraud & Salleneuve, quoique réunis en fecret,
ne fe font montrés jufqu’à préfent contre moi, que
lu n après l’autre ; mais ils vont marcher de front :
plus animés que jamais, l’un, de ce qu’il n’a plus d’eipérance de me faire enlever les biens du fieur do
Segonzat, pour les faire paiTer entre les mains de
Bouttin, & l’autre, de ce qu’il craint d’être prive
des droits de lods qu’il m’avoit demandés, fous le
nom de M. le duc d’Orléans, forment un nouveau
fyftême pire que le premier : n’ayant pu parvenir *
déchirer leur vi&ime, ils tentent la voie de la faire
égorger. Calomniateurs iniignes, que ne m’eft - ^
pofliBle de peindre ici toute la noirceur de vos dé
marches dans cette circonftance ? Que n’ai-je dans
ce moment une plume de fer, & le talent d’écrirô
en caractères de feu l Mais quel homme peut etrô
�à 'l’abri des traits d’une cabale odieufe & întereffee î
Ces hommes, nés pour le malheur des autres, ces
hommes qui ne connoiflent que l’intrigue & ne res
pirent que la haine; ces hommes que je me félicite
d’avoir pour ennemis, parce que les honnêtes gens
en auront toujours de tels, tant qu’il y aura des mé
dians, parviennent par leurs fubtilités & leurs manœu
vres, à perfuader au confeil du prince, que je fuis
Unfourbe un ïmpojleur, un fau (faire enfin. On invente,
on controuve des faits ; on leur donne les couleurs
les plus vives & les plus éclatantes; on transforme
les avions les plus indifférentes, pour les rendre
douteufes, & toutes ces indignités fe trouvent renfer
mées dans un mémoire qu’on préfente au confeil du
prince, avec une lettre de Giraud qui en attefte la
fincérité.
Ce mémoire, tout infidelle qu’il étoit, a produit
l’effet que mes ennemis s’en étoient promis. Après
un arrêt du n août 17 7 9 , qui infirme la fentence
du juge de Montaigut, & me condamne à payer au
prince ( o u , pour mieux dire, à fon fermier, partie
principale intéreffée ) les droits feigneuriaux pour
line partie des objets que m’avoit donné le fieur de
Segonzat, je me vois, près de cinq ans après, enchaîné
dans les détours d’une procédure criminelle. Les droits
de lods furpayés au fermier du prince , les frais
acquittés, la conteilation terminée, jeiuis tout à coup
lié, garrotté & conduit comme le plus infamô
,
�(t6)
des criminels, par un huiiîier & la maréchaüÎTée 'dànS
les priions de la ville de Riom.
Qu’on fe peigne, s’il eil poifible, l’état affreux où
je dus me trouver, au milieu d’un cortège auflî
effrayant : Quelles révolutions étranges la nature n’é
prouve-t-elle pas dans des momens auiïï critiques \
Un homme d’honneur n’eit feniible alors qu’au regrec
de vivre encore ; il croit voir d’un feul coup d’œ il,
fa jeuneife, fa vie facrifiée, fa fortune envahie, fës
enfans & tous fes parens couverts de honte, plongés
dans l’opprobre, dans l’indigence, & difperfés : des
objets auifi effrayans ne font-ils pas fentir les tortures
les plus rigoureufes, & ne confondent-ils pas toutes
les facultés de l’ame.
Il
feroit inutile de m’étendre davantage fur des
images auifi hideufes : il n’eil perfonne qui ne foin
frappé d’un fpeétacle fi révoltant, & qui, d’après fes
propres réflexions, ne gémiife de voir encore dans la
fociété des monftres aiîez barbares pour immoler au
plus vil intérêt tout ce que leurs concitoyens ont de
plus précieux.
Que la nature du décret n’étonne pas : Giraud &
Salleneuve font témoins dans l’information faite contre
moi, à la requête de M. le procureur du roi.
*
Quelle manœuvre incompréhenfible pour étayer
une plainte ! Giraud & Salleneuve font mes ennemis
jurés, les auteurs de la ligue, mes perfécuteurs, m.es délateurs : ce font eux qui ont préfenté des mémoires
contre
�C 17 )
contre mol au confeil du prince; ce font eux qui ont
envoyé au greffe civil de la cour de parlement 1^
feuille fupprimée de la donation duiieur de Segonzat J
cé font eux qui ont follicité & obtenu l’arrêt du 1 1
août 17 7 9 , & ce font ces mêmes hommes qui ofent
fe préfenter à la juitice pour être témoins contre moi lQu’eft-ce donc qu’une accufation pour laquelle on1
commence à faire violer les règles les plus inviolables
del’ordre judiciaire! Votre religion âété furprife, magiftrats refpedtables : des coupables artificieux, dans la
vue d’éviter ou de diminuer les châtimens dont ils font
menacés, ont eu l’audace de fe plaindre des perfécutions qu’ils ont fufcitées aux autres * & d’imputer
leur propre crime à celui qui auroit dû être leur accufateur; mais quel ne doit pas être monefpoir? Eclairés
du flambeau de la juftice, vous avez déjà percé les
ténèbres où l’on cherchoit à vous égarer ; vous avez
déjà pefé au poids du fanétuaire la valeur des pref- .
tiges quon avoit employés pour vous faire illufion,
puiique Giraud, l’un de mes délateurs, a été décrété
d’ajournement perfonnel. Après le récolement & la
confrontation, n ai-je donc pas lieu d’attendre que,
pénétrés de la délicateife de vos fondions qui fonc
toujours proportionnées à celles de la confcience ,
limpoilure étant entièrement découverte, & l’inno
cence reconnue, les prévaricateurs fubiront le fort:
auquel ils m’avoient deftiné !
Ces premières réflexions çtevroient être fufïifante£
C
�,
c i 8 )
pour me juftifîer d’un crime, donc je n’ai p.u me
former l'idée ; d’un crime rqüi àuroit tourné con-r
tre moi, puiiqu’il m’enlévoic le fruit dune donation,
ou qu’évidemment je n’aürôis pu commetre que de
concert avec Giraud, afin-qu’après m’être fervi de
là fauiîe feuille pour éviter les. lods, je pus'rétablir,
enfuitela véritable, pour conferver ma donation; Si'
cependant il eft démontré que, loin de me iervir de
cette fauiTe feuille, j’ài appris que je proteftbis contre
la demande en nullité; & ce même Giraud qui ièroic
auili coupable que moi ,.ii j’avôis* participé au faux/
Si qui l’eft feul, puifque le faux n’a été pratiqué que;
pour me nuire, eft tout-à-la-fois ¡délateur & témoin
contre moi; ii ne manqueroit plus à la fingulaiité du
lait, que de l’avoir pour juge avec Salleneiiye.
-'»■/Mais, l’iniquité de-mes ennemis les trahit itrop >•
pour que je néglige dç les.<en accabler’, a u t a n t quejé le peux. Connue il s’agit ici d’une inculpation des!
plus graves, qui attaque tout-à-la-fois mon honneur,
mes états Sc ma fortune, & qui dépend de l’événe
ment de i’inilru<*tipn, je (ujs obligé de recourir au*
moyens qui concourent-à ma juftilication.'La juftice
lie làuroit me défaprouver, puifqu’elle eft eiie-meine
intéreilee à ne pas fe méprendre lin [ç choix des coü'
pables. C ’eft par l’examen,des déportions que ttnjufticçi fanglante. 'de; la . calomnie; éclatera. Jl eft donc
indifpenlable que j expdib.lës/différens chefs d^acçufation dont ojr m’inçulpe,,
ppur ejU; démontré
�l’injuilice & la fauiTeté, que je rende compte de a
qualité des preuves répandues dans les information,
récolemens & confrontations, par le moyen deiqueli.es
j’en ai eu cormoiiïanceayant d’ailleurs la mémoire
aiTez heureufe pour retenir, fur-tout ce qui mintereife auili particulièrement. Mais une obfervation doit
précéder cet examen.
On a dû remarquer par le détail des faits, dans
lequel je iliis entré, qu’une donation faite en m'a
faveur par le fieur de Segonzat, eft le principe de mes
malheurs Si la fource de la ligue qui s eit formée
contre moi. J ’ai dit, & je le répète, qu’à la leèlure
de cette donation m’étant apperçu que dans la feuille
du milieu on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir, préfeus & à venir, qui rendoit la donation
nulle, cette feuille fut fupprimée; qu’il en fut fubftituée une autre à la place, & que tant la minute de
la d o n a t i o n , que la feuille fupprimée, relièrent fur
la table de Giraud, notaire recevant.
Voilà le fait eifentiel, prouvé, confiant qu’il ne
faut jamais perdre de vue, parce que c’eft la clef du
fyftême d’iniquité enfanté contre moi, & la preuve
convaincante de ma juilification.
Or, cette feuille fatale fut entre les mains de mes
ennemis, comme une épée à deux tranchans ; elle
devoit fervir à m’enlever les biens, & à les faire
pafTer à Bouttin, fi le fieur de S e g o n z a t vouloit y
ourier ion conientement. Dans le cas contraire, on,
C2
�/ (2 0 )'
pou voit l’employer a me faire une affaire criminelle,
& à y intérefler le prince, en perfuadant que j’avois
fubftitué cette fauife feuille à la véritable, pour priver
le prince de fes droits de lods.
C ’étoit, fans doute, un plan bien abfurde & bien
contradictoire; car, s’il arrivoit, comme on devoit
le prévoir, & comme il eit arrivé en efiet, que je fis
tous mes efforts pour maintenir ma donation & me
garantir de la fauifeté dont on vouloit me rendre
victime, alors il devenoit évident que ce n’étoit pas
moi qui étois l’auteur de cette fauifeté ; mais heureufement les médians ne prévoient pas toujours tout,
& ils tombent iouvent eux-mêmes dans leurs pro
pres filets.
Je me défendis, en effet, comme je l’ai déjà dit,
contre le fieur de Segonzat, & il fut lui-même trèsprompt à abandonner l’erreur dans laquel on l’avoit
précipité.
*
Alors Giraud ayant manquéfon but, & Salleneuve
craignant toujours que je ne réuiliife à écarter le droit
de lods, par le principe qu’une donation n’y efl pas
fuje.tte, ils en vinrent, de concert, à l’autre partie
de leur fyftême, qui fut de m’accufer auprès du
.prince, d’avoir falfifié la minute de la donation. Ils
adrefsèrent à fon confeil un mémoire où ils expo
sèrent.
« i° . Que le 24 feptembre 17 7 6 , l’aéle de donaj) tion fait en ma faveur par le fieur de Segonzat,,
�( 21 )
>> fut préfenté fur les dix heures du foir, tout rédigé,
y> à Giraud, notaire, qui ne voulut le figner avec les
v parties, que le lendemain 2.5 feptembre.
, » 2 0. Que Faite étant figné me fut remis pour le
» faire contrôler & iniinuer.
» 30. Que dans l’efpace de trois ou quatre m ois,
ï> qu'on a fuppofé que la minute de la donation avoit
y> refté en mon pouvoir, je l’avois fait changer, trois
« ou quatre fois; que les premières minutes avoierit
y> été brûlées ou déchirées, & qu’à chaque change^
» ment, la relation du contrôle & de Tinfinuatiori
» avoit été remife fur la nouvelle minute que je pré» fentois moi-même au contrôleur.
« 40. Que dans le temps que j’étois faiii de la
« minute, j’eus recours à deux ftratagêmes pour me
y> difpenfer de payer les droits de lodsque me deman» doit Salleneuve, fous le nom du prince. Le pre» mier fut de fupprimer dans la minute de la dona» don, la feuille du milieu, & d’en fubilituer une
» autre qui renfermoit la claufe des biens ¿1 venir ,
» ce qui rendoit la donation nulle, & faifoit priver
» le prince des droits feigneuriaux. Le fécond fut de
» confeiller au fieur de Segonzat, de former la de» mande en nullité de la donation qu'il ma voit faite,
» & d’oppofer enfuite au prince, contre fa demandé
** en paiement des lods, la fentence qui déclaroit la
« donation nulle, comme renfermant la claufe des,
biens à venir »
J
�( 22 )
Ce font les mêmes chefs d’accufation qiii ont été
mis fous les yeux de monfieur le procureur général,
& qui ont donné lieu à la plainte qui me retient dans
les fers, avec cette différence néanmoins que dans
le mémoire préfenté à M. le procureur général, on
y a ajouté « qu'après la remife de la minute qu’on
» fuppoie m’avoir été confiée, Giraud s’étant apperçu
» qu’à la place de la feuille du milieu, j’en avoîs
» iiibilitué une autre qui renfermoit la claufe des
» biens à venir, ce notaire vint comme un furieux
» chez moi, avant quatre heures du matin; qu’il me
» furprit au lit, dans le temps que je dormois; qu’il
» m’intimida, en me préfentant fur la gorge un pijlolet
y> garni de trois chevrotines ; qu’aulli-tôt je me levai,
» j’allai dans mon étude pour remettre la feuille fup» primée ; que dans ce moment arrivèrent les fleurs
y> de Segonzat & Rance qui relièrent un inftant, allèrent
y) enfuite à la mejfe, & qu’après leur départ, je remis
» à Giraud la feuille fupprimée qu’il rétablit dans
y> la minute, après Vavoir montrée à Salleneuve, & jôta
r> la feuille fauife qui contenoit la claufe des biens
» à venir ».
Qui ne voit dans tout cet expofé un tiiïii de four
beries, d’impoflures & d’invraiiemblances l Qui n’y
reconnoît une machination concertée avec art, avec
réflexion, un inyflère d’iniquité, un ouvrage digne
de l’exécration publique? En fuivant pas à pas ces
calomniateurs infâmes, je me flatte de parvenir à les
�C 23 )
. ,
confondre. Une feule circonftaiice n’opère pas 1^
conviction; mais la réunion des faits ne permet pas
de fe méprendre fur ies vrais coupables. Il eft dond
néceifaire de fuivre, de réunir, de combiner leurs
difcours , de les comparer avec l’énoncé en l’aéte
de donation, avec les dépofitions des témoins, & de
relever les contradictions dans lefquelles ils fohc
tombés : c’eil le feul moyen de faire fortir la vérité
du chaos, où l’on a cherché à l’enfevelir.
-
PREMIÈRE' INCULPATION,
L * a c te de donation fa it en ma faveur par le fieu/
de Segon^at, fut pre'fenté le 2.4 feptembre 1 7 7 6 , fur
les dix heures du fo ir, tout rédigé 3 à Giraud, notaire
qui ne voulut le figner avec les parties, que le len
demain 2,5 feptembre.
.
j;
R É P O N S E.
- I
A ce premier trait de la Calomnie, ne doit-on pas
reconnoître la noirceur du génie de mes perfécuteurs?
peut-on fe difpenfer de croire quune paifiori aveugle
fait arme de tout; que les vérités les plus feniibles,
les démonilrations même n’ont aucun prix aux yeux
des fourbes animés à calomnier l'innocence ?
Quoi ! ma donation a été préfentée à Giraud,
toute rédigée, le 2.4 feptembre, dz elle n’a été lignée
que le lendemain ! Qui s’eft jamais permis-des impoi’-^
tUres auifi évidentes! Lorfque vous avez parlé Jainii£
�( 24)
fjiraud, vous êtes-vous fouvenu que vôus aviez été
le miniflre de l’a6te, que par votre fignature vous
en aviez attefté la iincérité & la date? De deux chofes
l ’une : ou vous conviendrez, comme, vous l’ ave^ fa it
à la confrontation} que ma donation a été paifée le
2.4 feptembre, ou vous perfévérerez à dire qu’elle
ne Ta été que le 25. Au premier cas , vos mé-^
moires, votre lettre au confeil, votre dépoiition,
votre interrogatoire, font un tiiîu de fuppoiitions &
de fauifetés ; au fécond cas, il faut que vous conve
niez que vous êtes un fauifaire, puifque Ta&e dedonation qui fait par lui-même probationemprobatam9
ne permet point de douter qu’il ait été paifé le 24
feptembre.
Jepourrois ajouter que Lougnon qui a écrit l’a&e,
a attefté dans fa dépoiition, foutenu dans fon interro
gatoire ( a ) & à la confrontation, que c’eft le 24
ieptembre 17 7 6 , qu’il l’écrivit, ainfi que la feuille
fupprimée, dans votre étude & fous votre diélée ;
mais cette dépoiition, toute fincère qu’elle eft, ne
peut rien ajouter à la foi d’un a&e qui fait preuve
par lui-même ; ainii Giraud eil néceifairement un impofteur ou un fauifaire; ce qui ne permet point da*
jouter foi à fa dépoiition.
( a ) Nota. L e fieur Lougnon a été auili décrété d’ajournement per
sonnel. Mes juges ont fans doute voulu apprendre de lui-meme les cir-*
confiances dans lefquelles l^éte ayoit cté pafle, & lçpoque à laquelle
¡1 l’avoit écrit.
S E C O N D S
�O j)
S
e c o n d e
I
i n c u l p a t i o n
.
& a c t e de donation étant (igné a me fut remis
pour le faire contrôler & infirmer.
R é p o n s e
.
G iraud s’eft defiaift de fa minute ! Comment un
officier public oÎe-t-il faire un aveu de cette efpèce,
s’accufer de prévarication : nemo creditur allegans
tiirpïtudinem fuam. Cet aveu fuffiroit ieul pour em
pêcher la juftice d’y ajouter foi : mais c’eft encore
une iuppoiition démontrée telle par les dépofitions
des témoins ouïs dans l’information en effet. Le fieur
Lougnon a encore attefté que l’aéle de donation étant
écrit & figné, les parties fe retirèrent 3 & que la minute
de la donation & lafeuillefupprimée furent laijfées fur la
table de Giraud. Le fieur Tailhardat de la Fayette,
contrôleur, a dépofé que la minute de la donation lui
fu t remife pour être contrôlée & infirmée par Giraud,
& q u il la remit au même notaire, après le contrôle &
Vinftnuation. Le même fait eft attefté par un écrit qui
me fut envoyé par le fieur Tailhardat de la Fayette,
le 9 oétobre 1 7 7 6. Cet écrit eft imprimé à la fuite
du mémoire. Peut-on après cela fe diflimuler que
les inculpations qui me font faites, foient l'unique
ruit de la brigue & de Timpofture l
D.
�( i6 )
T
r o i s i è m e
i n c u l p
a t i o n
;
O nu ajouté que dans Vefpace de trois ou quatre mois
qu’on a fuppofé que la minute de la donation avoit refté.
en mon pouvoir , je Vavois fa it changer quatre ou
cinq fo is ; que les premières minutes avoient été brûlées
ou déchirées, & quà chaque fo is , la relation du con
trôle & de l3infirmation avoit été remife fu r la nou
velle minute queje préfentois moi-même au contrôleur.
R
é p o n s e
.
C e t t e troiiième imputation dévoile de plus en
plus l'acharnement de mes ennemis à confoiider l'ou
vrage d’iniquité, dont ils font les architectes ; mais
la vérité fe dérobe rarement aux yeux perçans de
la juilice , & le crime fe trahit ordinairement par les
fubtilités mcme qu’on emploie pour le cacher.
i° . Il eft fuppofé, il eft faux que la minute de la
donation m'ait été confiée. Que la ligue s'étudie tant
qu’elle voudra à inventer, je la mets au défi de
prouver que j’aie été faifi un feul inftant de cette
pièce.
2°. N ’eft-ce pas une fable ridicule de prétendre
que dans l’efpace de trois ou quatre mois, la minute
a été changée jufqu’à cinq fois ? Cette impoflure eft
entièrement détruite, i° . par l’expédition de la dona
tion qui a été tirée des regiftres du contrôle Sc des
infinuations. On voit en effet, par cette expédition,
�( *7 5
qu’elle eft conforme mot pour mot à la minute qui
eft entre les mains de Giraud ; & il n eft pas à preiumer que la minute eût été refaite il fouvent, fi
l’intention des parties n’avoit pas été d’y faire quelque
changement.
2°. Pour adopter une abfurdité de cette nature,
ne faudrot-il pas fuppofer fix fauilaires; deux notaires,
le clerc, le contrôleur & les parties contrariantes l
ce qui ne fauroit fe préfumer.
3°. Les regiftres du contrôle & des infinuations
ayant pafle fous les yeux du miniilère public & de
“ monfieur le lieutenant général criminel, il n’y a été
remarqué ni changement, ni rature, ni furcharge ;
cependant la donation du 2.4 feptembre fut contrôlée
& infinuée le 2.6 du même mois.
40. Les témoins de l’information difent, favoir;
le fieur Charbonnier, l’un des notaires, q u il n3a figné
Vaâe de donation, dont il s’agit ^ quune feule fo is ;
le contrôleur y q u il ne Va enregiflré quune fo is ; le
clerc, quil ne l3a anffi écrit quune fois , & tous les
trois ont déclaré dans leurs dépofitions, récolemens
& confrontations, qu ils reconnoiffoient la minute
qui leur a été repréfentée pour être l a m ê m e quils
avoient écrite, fig{iée, contrôlée & infinuée.
L ’incrédulité elle-même pourroit-elle ne pas céder
a des preuves fi évidentes & fi précifes? Se trouver°it—
il dans le public quelques - uns de ces efprits
malheureux qui croient fi facilement le mal fans preuve,
D a
�w
êc qui doutent toujours du bien, lors même qu’il eft
p r o u v é C e n'eft pas pour eux que je publie ma défenfe ; & toutefois , fi je ne peux parvenir à les con
vaincre, je vais du moins les confondre par un dernier
moyen fans réplique.
G irau d , principal auteur de cette calomnie , l’a
ainii préfenté, pour iervir Salleneuve, dans le mé
moire envoyé au confeil du prince ; il l’a attefté dans
fa dépoiition , & fou tenu dans fon interrogatoire ;
mais à la confrontation, la force de la vérité l a obligé
à venger l’innocence : ce miférable , après y avoir
hardiment répondu aux reproches déshonorans que
je lui oppofois, n’a pu réfifter aux remords de faconlcience ; il s’eft rétra&é pofitivement de ce chef de
calomnie; il a avoué qu'il iiavoit été fait quune feule
minute de la donation. Que d’opprobres? quel abus ?
quel jeu de la religion \ & que peut-on en inférer , fi
non qu’un tel témoin, qui eft l’un de mes délateurs,
s’eft proftitué à dépofer au gré de ion complice.
En faut-il davantage pour rendre la preuve com
plète , pour défabufer 1 incrédulité , & pour démon
trer qu’il eft une juftice fupérieure qui frappe les
criminels d’aveuglem ent, afin de faire foudroyer le
.vice Sc triompher l’innocence \
Q
uat ri è me
i n c u l p a t i o n
.
D a n s le temps que fé to ïs fiifid e la minute>j ieus
recours à deuxflratagémes , pour me difpenfer depayer
les droits de lods que me demandoit Salleneuve, fous
�('!(> )
le nom du prince le premier fut de fupprimer , dans
la minute de la donation, la feuille du milieu, & d’ en
fubflituer une autre qui renfermoitla claufe des biens à
venir ; cequirendoit la donation nulle, &fu fo itp riv er
le prince des droits feigneuriaux. Le fécond 3 fut de
conjciller aufieur de Segon^at déformer la demande en
nullité de la donation q u il m3avoit faite & d3oppofer
enfuite au prince , contre fa demande en paiement des
lods, la fentence qui déclaroit la donation nulle 3 comme^
renfermant la claufe des biens à venir.
R É P ONS E .
T o u t ce que la malice peut inventer de plus arti
ficieux , fe trouve renfermé dans ce chef d’inculpation»
Diffamateurs exécrables, comment avez-vous pu vous
garantir du remords déchirant d’avoir outragé la vérité
d’une manière fi indigne ? Avez-vous jamais conçu ,
combien il en coûteroit à un accufé, pour rendre fon
innocence auifi notoire quepourroit l’être votre diffa
mation l Avez-vous jamais penfé qu’un jour de ca
lomnie demandoit des années entières pour l’effacer,
Si que fes bleifures, fi elles ne font pas abfolument
incurables, laiifent toujours des cicatrices qui quel
quefois pafl'ent d’une génération à l’autre \ M ais,
quelles réflexions peuvent faire des monftres , dont
le cœur ne refpire que la haine & la vengeance ?
Ce n’eit pas aifez pour faire punir un crim e, de
*uppofer qu’il a été commis ; il faut le prouver, St
�C 3°)
donner des preuves plus claires que'le jour. Que tous
ceux, dit l'empereur, qui veulent intenter une accufation capitale, fâchent qu’ils n’y feront point reçus*
s’ils ne la prouvent, ou par des titres inconteftables ,
ou par des témoins fans reproche, ou par des indices
indubitables & plus clairs que le jour. Sciant ciincli
accufatores eam Je rem dcferre in publicam notionem
debere , quœ injlructa Jît apertifjimis documends , vel
munita idoneis tejlibus , vel indicis adprobationem in-dubitatis & luce clariorïbus expédita ( a ) .
Dans la recherche des crimes, en effet, comme
dans le commerce des affaires humaines , l’ufage a
introduit trois différentes fortes de preuves : la litté
rale , la teftimoniale & la conjecturale.
La preuve littérale eit la moins douteufe& la moins
foupçonnée, parce qu’elle fe tire de la leéture immé
diate des pièces authentiques ; elle prend fon principe
dans la propre autorité de la foi des a<5tes ; mais elle
ne fait foi que de ce qui y eft contenu. Irijlmmentunt
nihilaliudprobat, quàmïllndquodcontineturin eo (b).
Pour cette preuve, deux conditions fontrequifes (V ):
l’une , que la pièce qui fert de titre contienne Sc
prouve immédiatement le fait dont il s’a g it . . . car
fi ce titre ne contient rien du crime dont il ejl quejlion,
( a ) L . fin . cod. de probat.
( b ) B a ld , a d leg. a d probat. Z j , cod de probat.
( c ) M. le V a y e r , trair. dela preuv, par copp.d ecrit*
�( 31 )
$c qu’ori s’en ferve feulement pour en tirer des conféquences & des induCtions par conjeCtures, alors cette
preuve ne s’appelle plus preuve littérale du crime ; ce
neft plus qu’une preuve littérale d’une conjecture ,
& par conféquent, elle ne forme plus elle-même
qu’une conje6ture & un indice.
La fécondé condition néceiTaire eft, que la pièce
qu’on produit fa(]'efoi par fon autorité propre ; car il
elle ne fait pas foi par fa propre autorité, ce n’efë
point encore une preuve littérale, d’autant que ce n’eil
plus la pièce qui prouve : la preuve vient alors, ou
des témoins, ou des indices qui lui font donner créance ;
Si ainii, elle tombe encore dans l’efpèce de la preuve
teftimoniale ou conjeCturale.
La feuille fupprimée au moment de la donation du
24 feptembre 17 7 6 , peut-elle être-confidérée comme
une pièce authentique? peut-elle faire foi par ellemême que j’ai voulu priver le prince des droits feigneuriaux l 11 faudroit fuppofer les tètes & les idées
de tout le genre humain renverfées, pour qu’il pût fe
trouver un feul homme qui osât affirmer des abfurdites auifi révoltantes. i° . Une pièce qui n’a étéfignée,
ni par les parties, ni par un notaire, ne fera certaine
ment jamais confidérée comme un a6te authentique.
■20. La fuppreffion de cette feuille, qui renfermoit la
■claufe ’des biens échus & à échoir , préfens & a venir 3
peut d’autant moins manifefter mon intention de faire
•priver le prince ou fon fermier des droits feigneuriaux.
�( 32 )
que dans le moment de cette donation, j’étois intime
ment convaincu que je n en devois point, d’après les
difpoiitions de la coutume de Bourbonnois, fous l’em
pire de laquelle fe trouvent iitués les biens donnés.
Suivant le langage de mes ennemis , je n’ai gardé
la minute de la donation, que pendant trois ou quatre
mois. Dans cet intervalle, le fermier de M. le duc
d’Orléans, n’a formé, contre moi, aucune demande
pour le paiement des droits de lo d s, puifque je n’ai
été affigné par ce fermier 3 fouslenom du prince, que
l e i j mars 17 7 7 , dans un temps où l’on convient que je
n’avois plus la minute de la donation en mon pouvoir.
Or, dès le moment qu’il eft prouvé, par l’aveu même,
de mes délateurs , qu’au temps de la demande du
prince, je n’étois pas faifi de la minute , on doit néceflairement convenir que je n’ai pu en fupprimer la
feuille du milieu pour en fubftituer une autre.
Eft-il croyable d’ailleurs, que, pour me fouftraire
au paiement des lods, j’euiTe voulu m’expofer, d’une
part, à me faire dépouiller des biens donnés; & d’une
autre, à voir ma fourberie découverte, par le moyen
du rapport de l’expédition qu’on étoit dans le cas de
retirer duregiftre des infinuations 1L ’intérêt eft la règle
Si la meiiire des actions : on ne fe porte point ordi
nairement à une fcélérateife,lorfqu’on n’en doit retirer
aucun fruit, nemo gratuité malus ; & il ne pourra ja
mais paroître vraifemblable, qu’un quelqu’un s’expofe
il encourir une accufation qu’il eft le maître d’éviter.
�(33 )
'Quel ufage, au furplus, ai-je fait* de cette Feuille,
qui n’a jamais été en mon pouvoir, & que je n aurois^
certainement pas remife à Giraud , fi j’en avois été
faifi? V ai-je oppofée au prince ou à Ton fermier \ leur
ai-je communiqué quelque expédition, où fe trouve la
fauife claufe des biens à venirl Salleneuve, quoique
l’un de mes délateurs , a dit tout le contraire dansi’es
dépofition, récolement & confrontation.
Mais , à propos d’expédition, je me rappelle d’un
moyen bien important, pour coniondremes ennemis;
j’ofe même dire quil eft décifif. Le voici :
. Dans fa dépofition, Giraud a dit , qu3après que VaÜe
de donation eut été refait pendant trois fo is , dans l3e f
pace de deux mois , ou un peu plus 3 & que les pre
mières minutes eurent été brûlées ou déchirées en préfence du fieur Charbonnier, il me délivra une expédi
tion de la donation , une fécondé expédition au fieur
Rance , & une troifème à Salleneuve.
De fon côté, Salleneuve a foutenu que je lui avois
communiqué l3expédition que fa vo is retirée ; q u il en
avoit pris une copie ; qu il Vavoit confultée, & q u il
écoit aifuré que la claufe des biens à venir, n3étoic
pnnt dans cette expédition : cette claufe fe trouvoit
néanmoins dans les expéditions délivrées dans le même
temps au fieur Rance & à Salleneuve. L ’exiftencede
'la claufe , dans ces deux dernières expéditions, eft
atteftée par les dépofitions de Giraud, de Salleneuve
•A du fieur Rance.
E
�C 34 )
De là réfulte la conféquence néceflfaire, évidente*
que Giraud eftFauteur du faux; car fi je l’avois com
mis, c’eût été, comme on le iuppofe,pour tromper
Salieneuve, & ce fermier convient que je ne l’ai pas
fait, puifque je lui ai communiqué l ’expédition de
l’aéte vrai. Cependant il eft certain qu’il y a eu des
expéditions de i’a£te faux ; que ces expéditions ont
été délivrées par Giraud ; qu’il les a enfuite retirées
ou corrigées : donc c’eft Giraud qui a fait le faux ,
pour me mettre aux prifes avec le fieur de Segonzat,
9
\
ou avec Salieneuve.
Faut-il indiquer ces preuves, pour démontrer que
Giraud eft feul l’auteur du faux \ cela eft très-facile ;
on les trouve dans la conduite que Giraud a tenue, ÔC
dans la dépofition de Salieneuve.
Giraud, inftruit que dans le procès que j’avois
avec M. le duc d’Orléans , Salieneuve m’avoit faic
iignifier une copie de la donation , dans laquelle fe
trou voit inférée la claufe des biens à venir, vint chez:
m o i, me prie de lui communiquer cette copie ; ce
que je fis, fans connoître fes intentions ; & , dans le
moment , Giraud va chez le fieur Coulongeon, pro
cureur du prince, l’engage à raturer la clauiê vicieufe,
& me remet, en cet état, ma copie. Pourquoi faitesvousces démarches, Giraud? quel intérêt prenez-vous
à la conteftation qui s’eft élevée entre le prince & moi?
Vous avez craint que j.’apperçufle votre faulfeté, que
je déconcertaiTe vos projets, &que je priifele parti de
�*îî:> .
vous attaquer leTpremier ; mais ce n’eft pas tout; x
Le iieur Rance , créancier du fieur de Segonzat,
s’étant rendu en la ville de Montaigut, pour prendre
• à ce iujet des arrangemens avec m oi, Giraud , qui
eft inftruit du jour de fon arrivée , l’attend à ma
.porte , entre avec lui dans mon étude ; & à peine le
iieur Rance à-t-il dépofé, fur mon bureau, fes titres de
%créance, parmi lefquels fe trouvoitl’expédition de ma
donation, qui lui avoit été délivrée par Giraud, que
ce dernier fe faifit de cette expédition , l’emporta
- lur le champ , ratura la fetuife claufe, & ne la remit
que plufieurs jours après au fieur Rance qui fit les
plus vives follicitations pour l’y engager. Lors de la
remife, le fieur Rance s’étant apperçu de la rature, 8c
en ayant demandé les motifs à Giraud : que répondit-il?
que fon clerc s*étoit trompé. Quelle invraifemblance !
un copifte fe trompe ordinairement , en omettant
quelques claufesde i’aéte; mais il ne lui arrive jamais,
lorfqu’il eft de bonne foi, comme l’étoit certainement
le clerc de Giraud, d’ajouter dans une copie , des
claufes qui ne fe trouvent point dans l’original. A la
confrontation avec le fieur Rance , Giraud eft con
venu que cette rature étoit de fon fait : cette expédia
tion eft produite au procès.
Giraud ne s’eft pas contenté de raturer la claufe
vicieufe dans les expéditions qu’il a délivrées ; il s eft
en outre lait remettre les expéditions, lorfqu il a pu y
- parvenir. Ce fait eft attefté par Salleneuve qui dit ,
Ea
�. h * ?
'Hans fa dépoiition , que Giraud Vayant prié de lifiremettre la fau(fe expédition q u il lui avoit délivrée, il
y confentit, en lui difant j e n e v e u x p a s LA MORT
d u p é c h e u r , & je ferois fâché de vous expoferà des.
conféquences défagréables.
1
Giraud eft^/w/zi^r; Giraud eft/f faujfaire; Giraucl
eil le coupable ; il eit néanmoins en liberté , Sc je fuis
dans les fers. Que de réflexions ne pourrois-je pas me
permettre ici? mais je fuis hors d’état de les expofer;
ma raifon égarée, mon efprit affoibli, toutes les facultés
de mon ame anéanties , ne me permettent point d’ap
profondir un myftère auiïï inconcevable.
Qu’on perfifte à préfent à dire, avec quelques amés
corrompues, que mon intention étoit de me fervir
de la feuille fupprimée,lorfque le prince me demande*
roit les droits de lods, & d ’oppoferla véritable donation,
lorfque les héritiers Segonzat voudroient m’attaquer,
&que cette fupercherie doit me faire envifager& punie
comme un criminel? Je répondrai toujours avec fiiccès à.
cesfuppofitions, i°. qu’elles font purement gratuites Sc
contraires à la préfomption de droit; que c’eil Giraud,
dépofitaire de la minute , qui en a abufé & qui l’a
falfifiée : car, encore une fois, la fàuife feuille qui fut
fupprimée lors de la rédaétion de l’a&e , & laiflee au
pouvoir de Giraud , ne fait preuve, par elle-même ,
d’aucun crime. Le crime eil dans l’abus qu’on en a
fait : or, cet abus , à qui l’imputer, qu’à Giraud qui
il délivré de fauiîes expéditions-;
comment Tim^
;
�(37)'
«puter à moi, qui en ai reçu une vrâîe, 8t qui l’ai com
muniquée , comme je l’ai reçue, félon le dire meme
delà partie ùntéreifée, par qui cette affaire m’eftfufcitée \
* 2°. Outre la préfomption de droit, il y a preuve
évidente contre Giraud, par les expéditions qu’il a
délivrées, 8c par le témoignage de Salleneuve qui
attefte que je lui ai communiqué la vraie.
Ce n’eftpas cependant que j’adopte rien de ce qu'a
pu dépofer Salleneuve. Je fuis obligé d’avouer que
je n’ai nulle mémoire de lui avoir communiqué aucune
expédition. Mais enfin > ou fa dépofition eft vraie, ou
elle eit faulfe : fi elle eft fauife, quel cas doit-on faire
de mes délateurs ? fi elle eft vraie , comment douter
du véritable criminel.
Si jen étois pas aifez heureux pour avoir des preuves
teftimoniales auifi décifives , ma fituation en feroicelle plus critique \ Je vais démontrer que non.
J ’ai dit qu’un fécond genre de preuves fur lequelil eft;
-permis d’aifeoir une condamnation, eft la preuve teftimoniale ; mais quil eft dangereux de fe référer à des
témoignages de cette nature 1 Par une efpèce de fatalité
•attachée à la condition humaine, la plupart des témoins
ignorent l’importance duminiftère auquel la juftice les
appelle ; & d’autres à qui la diffamation ne paroît plus
qu un jeu de la fociété, étant vendus au menfonge, nq
^marchandent que l’honneur & la vie de l’innocent. Une
°n£Uon auifi férieufe exige de la réflexion, foutenue
�d’une probité éclairée & fcrupuleufé ; auffi, pour la
preuve teftimoniale , comme pour la preuve littérale,
exige-t-on rigoureufement, en matière criminelle ,
deux conditions eiTentielles pour la rendre certaine.
La première, que les témoins qui dépofent dun fait,
l ’atteftent cûnftne d’une chofe qu’ils favent de pleine
certitude, pour R avoir été préfens & l’avoir vu euxmêmes.' InqulfitiofuH per examinationem tejlium dicentiumfe ddfuïjje iis quæ gefla fu nt, & vidiJJ'e quœ tune
agebantur ( a ) ; car s’il paroît que la dépofition des
témoins eft vacillante & incertaine, audiendi non
Ju n t(b '); qu’ils n’ont parlé que d’après des ouï-dire,
ou fur des préem ptions, leur témoignage ne peut
plus former de preuve.: fie ergofuâ feientiâ débet
reddere tejlimonium, & de fut! prœjenda ; de auditii
autem alieno non valet ( c ).
La fécondé condition pour former la preuve com
plète, eft que les témoins qui font entendus en dépo
sition, foient exempts de paiîion contre l’accufé ; qu’ils
ne foient point engagés par quelque raifon particu
lière à le faire coniidérer comme coupable s 8c, qu en
un mot, leur conduite foit irréprochable : intejlimoniis autem d i g n î t a s 3 f i d e s , m o r e s > g r a v i t a s
examinanda ejl ( d ).
(a ) A uth. de fa n â if. epifeop. cap. z ,$ f iv e r o abfant.
( b ) L. z , J f . de tejlélb.
t e ) G lof, a d l. tejlium i q } cod. de tefiib. verb. prccJÎot
( d ) L . z , cod. de tefib.
�C 39 )
Pour démontrer d’une manière très-fenfible, que la
preuve teittmoniale confignée au procès ne fauroit
non plus me taire confidérer comme coupable du
crime dont onm’accufe, j’expoferai d’abord les motifs
qui doivent faire rejeter les dépoiitions de quelques
témoins, & j’examinerai enfuite s’il peut réfulter quel
que preuve de conviction du témoignage des autres.
PREM IÈRE
PRO PO SITIO N.
Onconnoît déjà, & les témoins que j’ai dûrécuijer, Giraud&s»i& les motifs qui nvy ont forcé. Les auteurs difentleneuve*
que l’accufé peut, avant la confrontation, demander
le nom de ion dénonciateur à M. le procureur du
roi, pour favoir fi les témoins font parens ou alliés de
fa partie fecrète, &plufieurs arrêts l’ont ainfi jugé (a).
La conféquence qu’on doit tirer de cette jurifprudence eft facile à pénétrer : on doit en conclure que
les parens du dénonciateur ne pouvant être témoins
contre l’accufé, il en doit être, à plus forte ration, de
même des dénonciateurs qui dans cette circonftance
dépofent dans leur propre caufe : or, Giraud & Salleneuve font mes véritables dénonciateurs ; ce font mes
ennemis jurés ; ce font les chefs de la ligue ; ce font
enfin eux qui, avec les héritiers Segonzat, m’ont fait
. fufciter le procès criminel qui eft à juger.
Giraud Si Salieneuve, de concert avec les héritiers
( a ) Lacombe, mat. crimin. part. 3 , chap. 1 3 , n. 3 Î > B ou vot, queft^
n0t* au mot dénonciateur-, tom. 2 , queft.
�U ° )
Segonz^t-, onc compofé différens m.çmoires^ .contre;
m oi, qu'ils ont envoyés auconfeil düprincej& ,Giraud
a attefté, par une lettre, la iincérité du contenu dans
ces libelles (rz).
Giraud a follicité le ileur Charbonnier à ligner l’un
de ces mémoires ; mais ce notaire, dont la probité
eft reconnue, a conftamment refufé de proftituer fa
plume (7 >).
Giraud a fait tous Ces efforts pour faire annuller la
donation quem’avoit faite le iieurdeSegonzat, afin de
pouvoir eniuite faire difpofer des mêmes biens en
faveur de Bouttin, beau-frère de fon gendre (c).
Giraud a dit publiquement, avant & depuis fa dépoiition, que mon affaire criminelle feroit bientôt ter
m in ée,^’ je voidois me départir de la donation q u i,
m a été faite (c/). Les héritiers Segoujat ni ont fa it
( a ) A la confrontation Giraud eft convenu d’avoir envoyé ces
mémoires au confeil, & il s’ejl excu/é, en dïfant q u i l y avoit été fo rcé,
& que ces mémoires lui avoient étéJuggérés.
( b ) Le fieur Bidon a attefté ce fait dans fa dépofition.
( c ) Giraud en a fait l’ aveu au fieur Bidon , qui l’a ainfi dépofé ; 8C
'Audin, autre témoin , a atteftc que dans le temps que la demande en
nullité de la donation fut form ée, le fieur de Segonzat lui avoit dit que
Giraud lui a vo it confervé q
Ce
Q U EL Q U E CHOSE
u e lq u e c h o se
eft le
de
QUOI
pour fa ire réuffir cette demande.
dont parle le iieur de Segonzat
dans fa lettre ; c’eft-à-dire, la feuillefupprim ée, dont Giraud a abufé.
( d ) Il en eft convenu à la confrontation.
faire
�(41 )
,
,
i f aire la même propofition depuis que je fuis prive de
.ma liberté (a).
Giraud a avoué au procès cpien vertu d*arrêt du par
lement 9 il afait dépofer au greffe , tant lafeuille fup primée, que la minute de la donation : donc il eft tout,à-la-fois, & l’un de mes dénonciateurs, & témoin
dans fa propre caufe.
Enfin, Giraud eft le vrai criminel, tefeul coupable
du faux ; il ne m’accufe que pour quon ne l’accufe
pas ; il veut me perdre pour fe fauver, & ce qu’il y a
d’incroyable, c’eft qu’il eft venu à bout contre toute
vraifemblance,toute raifon, de me mettre à fa place,
& de faire tomber fur ma tête un poids dont il doit
répondre par la fienne.
Salleneuve eft convenu à la confrontation , qu’il
avoit travaillé contre moi pour les héritiers Segonzàc
qui ont obtenu un arrêt d’attribution pour tenter
enfuite la voie de faire annuller la donation qui m’a
été faite ( b).
A la follicitation de Salleneuve, & d’un curé, donc
( a ) J en aurois offert la preuve teftimoniale ; mais depuis que mon
mémoire eft fous preiTe, les héritiers Segonzat m’en ont fourni une
preuve écrite ; n’ ayant voulu ni pu obtempérer à leurs propofitions dans
la circonftance attuelle, ils m’ont fait aflîgner le 2<j mai dernier, pour
être condamné à me défifter des biens donnés.
( ^ ) C ’eft la cour qui eft commife par cet arrêt, qui eft du lit
novembre 178 3 # & qui me fut figniiié fans afiignation, & fans explique*
?
�C )
le nom eft afiez connu, un nommé Jab ey, de la
paroiife d’Y oux, s’eft rendu dans cette ville le I er ou
.■le 2e mài dernier, pour porter des plaintes contre moi,
-quoique je ne lui aie fait aucun tort ( a).
Salleneuve a dit hautement qu’il parviendrait à me
faireperdre mes états mime A m e f a i r e p e n d r e ,
ou quilperdroit fon nom (b')^ Si la loi s’indigne contre
les témoins qui fe préfentent d’eux-mêmes, que doit
donc penfer le juge, de ceux que je viens de nommer ?
Si je me conduifois par les mêmes principes que
mes ennemis, je ne manquerois pas l’occafion de
dévoiler ici des faits qui ne laiiferoient aucun doute
fur le cas qu’on doit faire de la fidélité des uns & des
autres, dans les devoirs de leurs états; mais je crois
pouvoir m’en taire, & j’aime à le faire, perfua’dé que
les motifs pour lefquels il avoit été obtenu* le 1 7 du mois de décembre
iuivant.
Sur le refus que j’ai fait, depuis que je fuis dans les liens, de confentir
à ce que les héritiers Segonzat exigent injuftement de m oi, j’ai été aifigné
en la cour, à leur requête. Ces procédés permettent-ils de douter que les
héritiers Segonzat fe font réunis avec mes délateurs ? C ’eft: à mes juges;
c ’eft: au public impartial, à le décider ; c’eft le troifième procès dont j’étois
m enacé, & que j’ai annoncé au commencement de mon mémoire,
(a )
C e témoin, qui m’eft venu trouver en prifon , m’a inftruit du
fa it, & il l’avoit auparavant dit à plusieurs perfonnes qui le firent apper-1
c/evoir de fa démarche inconfidérée.
( b ) J ’offre la preuve des propos de cc fermier,
l
�■ C 43 >
je peux faire ce facrifice à l’efprit de charité, fan$
compromettre la néceifité de ma juftification. Eh 1
peutrêtre la notoriété publique ne iuppléera que trop
à ma difcrétion.
Un fécond motif qui doit faire rejeter le témoi
gnage de Salleneuve, eft l’évidence de la fauifeté de
fa dépofition : Salleneuve a foutenu dans fa dépofition, dans le récolement & à la confrontation, que
Giraudne lui délivra une expédition, dans laquelle je
trouve la claufe, des biens à venir, qu après que j 3eus
fa it ftgnifier ( le 15 juillet 17 7 7 ) la fentencequi avoic
été rendue contre moi, en faveur du fieur de Segon^at.
Cette allégation eft une impofture démontrée. Je fupplie mes juges de vouloir bien faire attention, en
examinant les pièces produites au procès, que ce fuc
le 15 juillet 17 7 7 , que je fis fignifier au prince la fentence rendue en faveur du iieur de Segonzat, &
qu’avant cette époque du 15 juillet, Salleneuve, fous
le nom de M. le duc d’Orléans, m’avoit fait fignifier
une copie de la donation, avec la claufe des biens
échus & à échoir, préfens & à venir. Ce fut la lignifi
cation de la donation dans cette forme, qui me déter
mina àoppofer fubfidiairement contre la demande du
prince, que la donation étant nulle, je ne pourrois
être dans le cas de payer des droits feigneuriaux ; il
eft donc faux ; il eft donc iuppofé que Salleneuve
n ait retiré une expédition delà donation, que pofténeurement à la fignification que je fis faire de la fen,->
�............ (4 4)
tence que le iîeur de Segonzat avoit furprife contre
moi.
Giraud a d’ailleurs démenti formellement cette
aifertion de Salieneuve : on peut voir, en effet, dans
la dépofition de Giraud, qu’il y attefte qu’environ trois
ou quatre mois après la donation, qui eft du 24 feptembre 17 7 6 , il en délivra une expédition à Salleneuve dans laquelle étoit la claufe vicieufe; mais ce
n’eft point là l’unique faulfeté que j’ai remarquée dans
la dépofition de Salieneuve ; il y en a une autre aufli
frappante.
• A la repréfentation qui a été faite à Salieneuve de
la minute de la donation & de la prétendue feuille
iiibftituée, ce f ermier defintérefjé a eu le front de foutenir quil reconnoijjoit Vacte écrit ju r deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit o r i g i n a i r e m e n t Ici
minute de la donation e t l a f e u i l l e pour être
celle qui avoit é t é s u b s t i t u é e à la place de la
'feuille du milieu de la donation. Peut-on s’expofer
à mentir auifi grolfièrement ? Quoi! Salieneuve ofe
attefter qu’il reconnoît i’aéte écrit fur deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit originairement \a minute
île la donation? Mais quelle certitude pouvoit-il avoir
'de ce fait,puifqu’iln’avoitpasétépréfentàla paiTation
•de cet aéle ? Il dit encore qu’il reconnoît la feuille
¡pour être celle qui avoit été fubjlituée\ mais quelle
'connoiflànce a-t-il de la prétendue fubftitution? a-t-il
y u iorfqu’elle a été faite ï a-t-il vu 'écrire la feuille
,
,
,
�(4i >
iubftîtuée ? m’a-t-il entendu dire que j’étois [auteur
de cette fubftitution \ Teftisdebei reddere radonem
'dicli fu i per fenfum corporalent, putà vifum vel ciudi-tum (a ). Salleneuve eh a donc impofé dans ces deux
parties de fa dépoiition ; il a défavoué’ce qui étoit
de fa connoiiTance , & il a attefté ce qu’il n’a jamais
pu connoître; àinfi fa dépoiition eft fauife, au moins
equant à ces faits;
<
M ais, quelle eft la règle reçue par les do&eurs criminaliftes dans cette matière , & puifée dans la difpofition des loix ? il n’y en a pas un qui ne dife que
'le témoin, convaincu d’être faux en une partie , eft
réputé faux en to u t, par rapport au ferment qui ne
fe peut divifer ex quo juravit dicere veritatem fuper
omnibus tune f i deponit falfum in uno } non creditur
-eiinaliquo y tanquamperjnro y dit Alexandre (7>). Menochius ( c ) s’exprime en termes encore plus forts :
»Si in modico conftftat falfitas teflis deponentis, prœfimiturfalfitas in aliis partibus 3 etiamfi ignoranter &per
erroremfalfum effet attejlatus s non enim ob id exeufatur.
Alciat ( d ) donne trois raifons pour prouver que
,
:
( a ) GloJ. ad l. ujiiutn. cod. de teji. DumpuL. n,
§ 8 , tit. i , gloft
denomb.
(b )
T it.% , confil.
44., n. 7 , p a g . 32. Cravetta, tom. 1 , cotif\ G ,
Pa£ ' *7* B ald, î'tb. z , co h f.z2G 3 n. q , pag. 80 , verf. col. 1 •
( O Lib. 5 , p ra f, z z , n. 1 , a , 3 ,p a g . q 26.
'(d) Ad, /, 1 , dt verb,-obligau §jtd fi mihi} n. 5 2
C‘ a86‘.
$4>PaS'
n.iqt
�( 4 i )
l ’ignorance '& l’erreur ne doivent point excufer un’
témoin qui fait une fauife dépofition, i° . quia tejlis
prœfumiturpropter juramentum deponere conftderatè &
deeoquodejicertus; i ° . quia tejlis dicens aliquidfalfums
committit contra jus divinum & naturale , undè igno
rant ¿a non excufat à dolo ; 3 0. quia in his in quibus
debetprœcedere diligenda, prœfumiturfcientia &dolus
illius qui debebat diligenter inquirere, nec admittitur9
-excufatio ignorantiœ ; d’où il conclut, que in dubio
non prœfumitur ignoranter depofuijfe f a l f u m & confequenter in dubio totum diclum annullatur.
Je conclurai aullî, avec ce do&eur, que la fauife
dépofition de Salleneuve tombe entièrement; que le
ferment qu’il a violé dans une partie, perd fon carac
tère, qui doit être comme la vérité une & invariable;
que , où la vérité n’eft pas entière, la fauifeté eft par
faite , & que ce qui n’eft vrai qu’à demi, eft entière
ment faux : veritas quœ non eflplena veritas, eflplena
falfitas : quœ non eft plena probatio s nulla eft probatio y dit Cujas ( a ) ,
Giraud eft tombé dans des contradiélions révol
tantes. Dans fes mémoires envoyés au confeil , il y
avoit dit que la donation avoit été refaite, dans V ef
pace de quatre mois pendant cinq fo is ; qu’il l’avoit
toujours iîgnée par complaifance : dans fa dépofition %
( a ) Sur la loi 3 , au cod, a d leg. Ju l, M a g %c’eft auifi lav is de Papon, en
fes air. liv, % \, tit. S.
�( 47 )
il a dit que cette donation n’avolt été refaite que trois
fo is , & à la confrontation , il eft convenu que cette
donation rfavoitjamais été refaite. Dans fon interro
gatoire, il eft convenu en un endroit, que c’étoit par
ion miniftère que la donation avoit étépa(fée le 24
feptembre 17 7 6 ^ & en un autre endroit , il dit que
Vacle lui fu t préfenté tout rédigé le 24 feptembre 3 &
quilne lefigna que le 2. ÿ. Dans fa déposition , il a dit
qu ayant délivré à Salleneuve une expédition del 3acle>
avec la claufe des biens à venir, ce fu t Salleneuve qui
fu t le trouver, & lui fit remarquer cette claufe\ & dans
fon interrogatoire , il a foutenu quJi/ s3étoit apperçu
le premier de ce vice, & q u il fu t aufji-tôt trouver Salleneuve j & le prier de lui remettre Vexpédition. Je ne
finirois pas ii je voulois rappeler toutes fes inconféquences & fes contradictions.
Quelle foi eft-il permis d’ajouter à des contradic
tions auifi frappantes? quoi, Giraud, à chaque inftant
vous dites o u i & n o n , & la juftice ne lance point fur
votre tête fes foudres & fes carreaux ! Suis-je donc
deftine a etre le iuppot de vos iniquités? il faut nécef
fairement que celafoit, puifqu a 1 avis même de votre
ami Salleneuve, vous etes le pécheur ; & perfonne
ne difconviendra que je fubis la peine due à vos for
faits. O uï, il faut que cela foit, puifqu’avant votre
^epofition, & en vous promenant dans l’antichambre
u parquet , fur les repréfentations qui vous furent
dltes> par un eccléfiaftique, de ne pas vous expofer
�C 4» >
•
5
t
*'
*
à dépofer-contre la vérité, vous répondîtes que voiiï
àvie% dans votre poche de quoi vous garantir. Mais y
Vous garantirez-vous de la peine dont ¿il menacé un
faux témoin, unimpofteur, un prévaricateur, unfauA
faire : fouillez dans vos poches, Giraud, vous n’y trou
verez pas de billet dé garantie de la part de la juftice*.
La contradiélioneftfécueil où fe brifent ordinaire
ment les fourbes & les impofteurs; non feulement elle
détruit toute la foi du témoignage, mais elle expofé
encore le témoin à la peine du crime de faux,
tejlis
deponit in uno judicio contrarium ejus quoddixerat in.
aliojudicio, & in hoccafudebetpuniri tanquamfalfarius\
aut deponit in uno judicio contrarium ejus quodpriàs
Uixerat in eodem judicio a & pariter puniendus e(l de
fa lfo ( a ) .
N ’eft-ce pas infulter à la juilice elle-même; n’eflce pas chercher à la furprendre ; n’eft-ce pas l’expoier
à pleurer fur fes propres jugemens, que de lui préfenter des témoins de cette nature? Ah! s’il étoic
permis d’aiTeoir des condamnations fur de pareils
témoignages, combien d’innocens feroient expofés
à devenir la vi<5time de la fcélératefTe? Ne feroit-ce
point ouvrir un champ libre à la calomnie? ne ieroitce point favorifer la noirceur de ces hommes mon£
'trueüx qui nepargnent ni les moyens ni les fuites
____
‘ - _______
,)
- (a ) Julius Clarus, lib. 5, Sfalfum, n. 5, /. 1 6 ,ff. détêjîib. /. 27 f , ad
/. Cornel, de fa lf.
.
-
^
funeftes
�( 4 9 .
funéites de leur vengeance, pourvu qu'ils fe vengent.
Mais oublions pour un moment ces faux témoins %
pendant que je vais examiner les autres.
SECONDE
PROPOSITION.
L es autres témoins ouïs dans l’information doi
vent être diftribués dans deux claifes : l’une, pour
ceux dont le témoignage r i eft fondé que fur des
o u ï-d ire ; & l ’autre, pour ceux dont la fcience ne
peut jamais être étayée que fur des préfom ptions,
des indices, des conje&ures, & le plus fouvent fur
des invraifemblances. T ou t le monde conçoit que
j entends parler de la fcience des experts en matière
de vérification d’écriture.
Première claffe des témoins.
D e tous les témoins ouïs dans l’information, il y
Le* fieur»
en a deux, qui font les fieurs Tailhardat de la Fayette Fay«ted&
& Rance, qui ont dépofé avoir ouï-dire q u ila v o itce*
été fuhjlitaé à une des feuilles de la minute, une autre
feuille , dans laquelle fe trouvoit inférée une clan.fe
nouvelle qui etehdoit la donation aux biens à ven ir,
mais qu’ ils ne fa v a u par qui cette fubiliiuûon a été
jatte.
'
J
S arreter a contredire ces dépofitions, ne feroit-ce
S
? ccuPer ^ cc>mbattre l’évidence ? Il y a une
eui le fubilituée dans la minute de la donation! qui
qu’ ° Ute‘
a entendu parler de cette iubilitution î
a y a-t-U d’étonnant, puifque le fait eft vrai\ M ais,
Q
�o
°
j
qûel eft l'auteur de ce faux qui dans ce principe n’en
étoit pas un? On vient d’obferver que la faufTe feuille,
ou le faux, s’eft trouvé entre les mains de Giraud ;
ainii il eft très-aifé de connoître le fauifaire.
Seconde clajfe des témoins.
L a preuve conjecturale ? ou la preuve par indices,
Morgeai &
qui eft la troifième que j’ai annoncée, eft celle qui
Barbon.
réfulte de la dépofition des experts qui ont été ouïs
dans l’information. Peut-être ai-je à me reprocher
de n’avoir pas obfervé à la confrontation, que ces
experts, connus pour muficiens gagés, qui en font
leur état, n’ont jamais fu écrire que machinalement,
& fans principes; mais, outre que ce fait eft notoire,
l'opinion de ces muficiens m’eft d’ailleurs très-indiffé
rente, puifqu’elle ne peut former ni preuve littérale,
ni preuve teftimoniale, 8c que ce n’efl que fur l’une
ou l’autre de ces preuves, que la juftice doit fe déci
der ou à condamner, ou à abfoudre.
Ces experts ont dépofé, fur la repréfentation qui
leur a été faite de la minute de ma donation & de
la feuille fubftituée, q u ’ i l s e s t im e n t que les deux
feuilles qui compofent la minute de la donation, ont
été écrites d’un même contexte, avec la même plume ,
de la même main & de la même encre, & que la feuille
fépctrée a auffi été écrite de la même main, mais d’une
chcre différente de celle du corps de la minute; que cer
taines lignes font refferrées & d’autres efpacées, &d’un
¡dus gros caractère; que le caractère des deux feuilles qui
EXPERTS.
�v
C 51 )
•èompofent la minute ejl plus uni que celui de la feuille
féparée 3 d’où Barbon ( feui ) a eu le courage de
conclure que la feuille féparée a été écrite dans uti
.temps différent de ma donation.
Au récolement, ces experts ont ajouté que la
marge de la feuille féparée riétoit pas égale à celle
des feuilles de la minute } & quils n’ ont pu juger J i
Vempreinte de ces deux feuilles étoit la même que
celle qui fe trouve dans la feuille féparée qui ejl d3un
papier plus fui ; ce qui, fuivant eux} peut provenir
de la pâte s ou de la main de Vouvrier.
De quel poids peuvent être aux yeux de la juftice
les dépoiitions de ces deux experts? y a-t-il quelqu’un
qui ignore que leur jugement eft conjeétural, incer
tain, & qu’il peut i'ervir de pailé-port au menfonge,
auiîi bien qu’à la vérité?
La preuve conjecturale & préfomptive eft inadmiiîible en matière criminelle ; elle n’apprend que
des circonftances defquelles on peut fe fervir par
raifonnement, pour découvrir la vérité; mais cela ne
conduit pas à la découverte de la vérité, puifqu il
ne s’agit que de conjeéturer '& d’argumenter par
conféquences qui ne peuvent déterminer une jufte
çoncluiion. Quand il s’agit d’accufation capitale, où
il échoit peine affliétive ou infamante, les loix exi
gent néceftairement une fcience parfaite, une certi
tude ^phyfique, de la part des témoins qui dépofent,
C eit pour*ce motif qu’on diftingue deux fortes'de
�o o
fciences Sc deux fortes de convictions 9 favoir ; la
fcience qui produit une certitude morale, & celle qui
produit une certitude phyfique. >
La fcience qui produit une certitude morale, eft
celle qui dépend du raifonnement, & telle eft la
icience qui n’eft fondée que iur des indices, des pré
emptions & des ënchaînemens de coriféquences.
La fcience qui produit une certitude phyfique,
eft celle qui dépend immédiatement des fens, telle
' qu’eft celle des témoins qui ont vu commettre le
crime. Ces deux différentes eipèces de fciences' for
ment les deux différentes eipèces de convictions;
conviction morale &■. conviétion phylique : or, la
-fcience & la conviction morales, quoique capables
<de fonder un jugement en matière civile, ne fufïifent
jamais en matière criminelle, contre un accufé, parce
que dans de femblables affaires, les juges doivent
chercher & déiirer des preuves, toujours claires.,
•pour n’être pas furpris ; elles 'iufEfent en matière
: civile, parce qu’il n’y eft jamais queftion que du
droit des parties, 8c que les queftions du droit font
de la dépendance de la morale; mais elles ne font
pas fuffifantes dans _une queftion capitale, par la
raifon qu’il ne s’agit dans cette queftion, que du
-fait, & que les queftions de fait ne font point de la
-jurifdiction de la morale, mais feulement delà pure
. connoiffance de la phyfique, qiii'Confifte dans*révi¿.dence, dans l’expérience & les preuv.es,-; .j
�'Cï3>
, Qui ôferoit dire que Morgeat & Barbon ont une
certitude phyiique du faux dont on m’accufe? mais
ont-ils été préfens à la paifation de ma donation l
ont-ils vu écrire la feuille fubftituée ? ont-ils une
connoiifance parfaite , per fenfum corporalem , que
cette feuille a été écrite après ma donation ? II fau
drait être auifi impofteur que Giraud & Salleneuve,
pour foutènir des aifertions ii évidemment fauifes.
: D ’ailleurs, lorfqu’on eft dans l'intention de com
mettre un faux, ne prend-on pas toutes les précau
tions pour empêcher qu’il ne foit découvert? Le fauffaire eft ordinairement très-adroit; il fe cache; il fe
déguife, & il imite fi parfaitement les écritures, qu’il
n’eft peut-être perfonne à qui il ne foit arrivé d’avoir
été trompé par la reilemblance des écritures , 8c
quelquefois même par la iienne propre.
Qu’on fuppofe donc, comme l’on dit ces experts,
que la .feuille féparée eft écrite d’une encre différente
de celle de la minute ; que les lignes font tantôt plus
reiferrées, tantôt plus éloignées; que le caractère eft
plus uni dans la minute, que dans la feuille féparée;
.que les marges des trois feuilles ne font pas les
mêmes, toutes ces,précomptions, ces conjectures
conduiront-elles aun e certitude phyiique, que la
feuille féparée a été écrite poftérieurement à ma dona
tion; que c’eft moi qui ai fait écrire cette fauife
■feuille; que je fuis l’auteur du faux, & que.je l’ai
c°ttU>Tiis pour tromper le prince & Ion fermier.? Jp
�0 4 )
ne me perfuaderai jamais qu’il y ait un Îeul homme,
inftruit ou non, qui puiiTe foutenir l’affirmative de
cette aifertion; il fera plutôt porté à croire que ces
irrégularités dans la feuille féparée, font une preuve
inconteftable, qu’elle a été écrite dans un temps où
l’on ne pouvoit préfumer qu’il pût s’élever des conteftations à cet égard.
Au furplus, l’expérience n’apprend - elle pas que
la main eft iùjette à des variations infinies ? Ceux qui
ont l’ufage d’écrire, n’ont-ils jamais apperçu dans
leurs écritures des variétés frappantes qui provenoient, foit du changement de l’encre, foit de la
pofition du corps, ou de la main, foit de la difpofition des idées? N arrive-t-il pas tous les jours a un
clerc qui écrit fous la diélée, tantôt de reiîerrer les
mots & les lignes, tantôt de les écarter? Cette diffé
rence peut provenir de l’attention 8c de l’application
du copifte, ou de fa négligence, & fouvent de la
nonchalance ou de la précipitation avec laquelle on
lui di<5te.
Cette refiemblance & cette difparité que ces experts
prétendent avoir remarquées entre l’écriture de la
minute & celle de la feuille féparée, peuvent donc
;etre l’effet de différentes caufes; mais fi cela eft ainfi,
y eût-il ‘jamais un figne plus équivoque, un indice
jplus incertain, une conje<5hire plus trompeufe'?
' Pour'fonder une preuve fur des argumens tirés des
préfom ptions, *ii faut qu. il n y ait rien *d'équivoqufe
�'(ff)
'¿[ans tes circonilances du fait, Sc qu’il n’ ait pti arriver
d’une autre manière qu’on fe l’eft perfuadé. Pourquoi
donc iuppofer ici un faux, tandis qu’il eft évident
qu’il n y en a aucun, au moins de ma part? pourquoi
fuppofer que j’en fuis l’auteurtandis que je n’avois,
aucun intérêt à le commettre?
' Des experts qui dépofent fur un fait qui ne s’eft
point paifé fous leurs yeux, ne peuvent en avoir une
connoiffance parfaite; aufli les plus hardis ( tel que
Barbon ) n’ofent-ils avancer autre chofe, finon quiU
c r o i e n t q u i’ ls préfument y quils efliment que le fa it
s’ ejl pajfé ainfi. Mais, fi ces experts ne favent pas
poiitivement le fait fur leqùel ils dépofent, comment
un juge pourroit-il fonder fur leurs dépoiltions une
fcience & une connoiilance qu'ils conviennent n’a
voir pas eux-mêmes?~Y a-t-il un homme de bon fens^
qui fît le moindre cas d’un témoin qui, au lieu de’
témoigner qu’il fait le fait, dont il dépofe, avec cer
titude, diroit fimplement q u il a opinion que cela e(lÎ
Qui peut s’ailurer, a dit un favant, que la penfée &
l’opinion d’autrui ne foient pas un menfonge !
La dépofition des experts ne peut produire une
preuve phyiique; elle ne forme pas même un indice
indubitable; il n’y a rien de plus incertain que leur
opinion ; rien de plus trompeur que leurs conjec
tures , Si de là réiulte la conféquence évidente, incon-’
^ftable^ quil n’exifte au procès aucune des trois
�'C y * ;
preuves déiîrées par la lo i, pour forcer là juilîce a
punir un accufé (¿z).
)
Mais ce n’eil pas fur le feul défaut de preuves
qu’eft fondée ma juftification ; c’eft principaiemenc
iùr l’invraifemblance du faux que l’on m’impute ; &
quoique j’aie déjà démontré que ce faux ne pouvoit
être que l’ouvrage de Giraud, je ne dois pas omettre,
pour achever de le confondre & de le convaincre
d’impoftures & de fauiTetés tout-à-la-fois, de dire
deux mots fur la manière dont il a raconté qu’il étoit
parvenu à retirer d’entre mes mains la feuille de la
minute qu’il a fuppofé que j’avois fupprimée.
v
Au dire de cet impofteur, il vint chez moi avant
quatre heures du matin; il me furprit dans lefommeil,
me porta le piftolet fur la gorge ; qu’intimidé j’allai
dans mon étude, oà vinrent aufji-tôt les fleurs de
Segon^at & Rance; qu’ils y relièrent un infîant, fortirent enfuite pour aller à la meff'e ; qu’alors je lui
remis la feuille fupprimée ; qu’il fortit de chez moi
¿te. qu’ayant apperçu Salleneuvé dans la ru e, il lui
cria de loin : j e l a p o r t e , j e l a p o r t e .
Quel front ne faut-il pas avoir pour oier entre_
( a ) Comme dans le récit des faits j’ai prouve que la fentence
obtenue contre moi par le fieur de Segonzat, avoit été follicitée pac
Giraud qui avoit intérêt à faire déclarer ma donation nulle pour
obliger B ju ttin , je crois devoir m’interdire d’autres réflexions quant
aux reproches qu’on m’a faits, relativement à cette fentence.
*
�.( >7 )
prendre.de perfuader à la juftice des faits auÎTi fau^ç
qu’invraifemblables l mais à quoi ne doit-on pas
s’attendre dans une pièce qui n'eft qu’un amas mons
trueux de fauifetés, de fuppofitions, & un tiifu d’intri
gues déteftables \
Eft-il d’abord à préfumer que fi j'eufle été faifi de
la prétendue feuille Supprim éeje l’euile remife
Giraud, fans exiger qu’il me remît dans le même temps;
la feuille fubftituée? perfonne ne fe le perfuadera.
,
2°. A quelle époque & à quelle heure s’eft paifée
la fcène dont parle Giraud? cela eft elfentiel àfavoir,
& i l a eu la complaifance de m’en inftruire.
,
D ’après les aveux de ce notaire & ceux de Salleneuve , je n’ai gardé la minute que trois ou quatre
mois : auffi-tôt que je l’eus remife à Giraud, il s’apperçut de la iuppreiTion & fubftitution des feuilles ,
ce qui l’obligea à venir chez moi, pour me forcer à
lui remettre la feuille Supprimée : la remife de cette
feuille fe réfère donc au mois de janvier, ou de février
* 7 11 > puifqu il y avoit alors quatre mois que ma
donation (qui eft du ^Septembre 17 7 (5 ), avoit été
faite. O r, qui pourra fe perfuader que dans la rigueur
dé cette faifon, ou le jour ne commence à paroître
qu à fept heures, Giraud s’eft introduit chez m oi,
*^ant quatre heures du matin? que le fieur de Segonzat,
le fieur Rance qui demeure à plus de; trois lieues »
eMontaigut , y vinrent auffi dans le même moment!
^Ue Ç*^,aud étant forti de mon étude, apperçut Salle-*
�C ;8 )
. .
neuve dans la me ( c’étoit apparemment à la faveur
de la clarté de la lune ) , & qu’il lui cria de loin ,
j e la porte, je la porte \ Que d mvraifemblances à-lafois ; mais il eft un principe qui d it, quod non ejl
verifjimile, ejl falfitatis imago.
L,es fieurs de Segon^at & Rance fordrent de mon
étude pour aller à. la mejfe ! en vous expliquant ainfi,
Giraud, vous n’avez certainement pas fait attention
que tous vos concitoyens vous donneront un démenti
iùr ce fait, en vous rappelant que les premières meifes
ne fe célèbrent point aulli à bonne heure dans les
églifes de Montaigut. Achevons de confondre l’impofture de Giraud, par une dernière réflexion.
A la confrontation, j’ai rappelé ces faits à Giraud,
8c lui ai de plus demandé qui lui avoit prêté le piftolet chargé de trois chevrotines, qui lui avoit ouvert
la porte de ma maifon ( je n’avois point alors de
domeftique, & Giraud m’avoit trouvé endormi, ainfi
que ma famille ) , 8c s’il y avoit de la lumière dans
mon étude. Que m’a répondu ce miférable? q u il ne
javoit plus où il en étoit ; il avoit oublié fa leçon. •
Ah ! Giraud, calomniateur infâme, vous ne favez
plus où vous en êtes? la force de la vérité vous acca
ble ; la confcience vous reproche, les remords vous
déchirent : hé bien ! je vais vous apprendre où vous
en êtes, ou du moins, où vous devriez être : c’eft
à ma place.
•.Tant d’iniquités , tant d’impoftures, tant de for-
�C 19 )
faits pourroient-ils relier impunis ? quelles couleurs
ne faudroit-il pas emprunter , pour en peindre toute
la noirceur, pour exciter la juile indignation des
magiilrats & la rigeur des loix
N’eil-cepas un crime, en effet, & même un crime
énorme , que de charger un officier public d’une
faulfe accufation ? N’eil-cepas un crime, & un crime
exécrable , que de m’attaquer dans mon honneur ,
dans ma liberté, pour me faire perdre la confiance du
public ? N’eil-ce pas un crime , que de m’accufer
d’un abus de confiance , de fuppofer que j’ai été
capable de fouflraire une feuille d’un aéle authen
tique , & d’en fubilituer une autre à la place
Perfides calomniateurs, votre complot eil heureufement décoüvert; vos propos , vos démarches , vos
contradi<5lions , vos aveux même ont décelé votre
honte & votre turpitude. Il eil prouvé au procès ,
que c’eft Giraud qui a follicité la fentence que le
fieur de Segonzat avoit obtenue contre moi ; que
pour parvenir à faire annuller ma donation , & faire
enfuite paifer les biens du fieur de Segonzat à Bouttin,
Giraud avoit confervé la feuille fatale qui me retient
dans les liens. Il eil prouvé que Giraud eil feul l’auteur du faux que l’on m’impute , puifque l’inilruïftent de ce faux s’eil trouvé entre fes mains, &
il en a fait ufage , tantôt pour faire annuller ma
nation, tantôt pour me perdre dans l’efprit de
nies juges Si du public; il eil prouvé enfin par im*
�« o .y
vraifemblance des faits $e l’adcufation, par la fauiTeté
des dépofitions de mes délateurs , par l’évidence; des
contradictions , dans lefquelles ils font tombés , par
les pièces juitifîcatives que j’ai produites , & par les
dépofitions des autres témoins de l’information , ques.
dans cette affaire, il n’y a d’autres criminels que mes_
perfécuteurs. Y a-t-il de fatisfaétion publique , dé>
dommages-intérêts qui puiifent réparer le tort que.
des injures & des calomnies ii odieufes m’ont caufé,
& arrêter l’effet du poifon de ces mortelles impos
tures. ?
J ’obferverai en finiiTant, que ce n’eil point par
un efprit de haine & de vengeance, que je me fuis.)
permis quelques déclamations contre mes délateurs ; *
c’eft la néceiîité d’une légitime défenfe qui m’y a
obligé : j’y étois d’ailleurs autorifé par les loix_, puifqu’en même temps qu’elles défendent l’injure , elles
permettent de la repouiïer par les termes, les expre£
fions & les couleurs les plus vives : Licet enirn fanguinem fiium q u a
liter
,
S ig n é ,
qua l it e r
redimere ( a ) .
DESMAROUX.
( a ) Dit M ornac, fur la loi I , de bon, cor. qui ante fentenu mon, fib i »
cortfciv, Bart, fur la même loi.
,
...
j
�-
J
:
C o p i e du billet qui me fu t envoyé par le fieur
Tailhardat de la Fayette contrôleur, le 9 octobre
1 776.
» J E prie M. Defmaroux de vouloir fe donner la
** peine de paffer au bureau, pour me payer le conw trôle & infinuation de la donation qui lui a été
- » faite par M. de Segonzat, que f a i remife au n0w taire. . . . . il obligera fon ferviteur.
s ig n é
'
|
'
(j
T
a i l h a r d a t
de
F
la
>
a y e t t e
.
Cet écrit eft produit au procès.
Monfieur C H A B R O L , préfident
général criminel rapporteur,
j
lieutenant
Me G A S C H O N , avocat.
D
effayes,
procureur*
S ig n é D E S M A R O U X .
D É G O U T T E , ImprimeurLibraire, près la Fontaine des Lignes. I784
A R IO M
c hez M a r t i n
�
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Factums Baron Grenier
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A name given to the resource
[Factum. Desmaroux, Joseph. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmaroux
Tailhardat de la Fayette
Chabrol
Gaschon
Deffayes
Subject
The topic of the resource
faux
notaires
opinion publique
Orléans (Duc d')
donations
droits de lods
droits féodaux
abus de confiance
prison
coutume du Bourbonnais
témoins
faux témoignages
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Mémoire justificatif, pour maître Joseph Desmaroux, notaire royal et procureur au bailliage royal de Montaigut en Combrailles, prisonnier dans les prisons de la ville de Riom, accusé. Contre monsieur le procureur du Roi de la sénéchaussée d'Auvergne et siège présidial de la ville de Riom, accusateur
En annexe : « Copie de la pièce d'enregistrement par le contrôleur Tailhardat de la Fayette. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1776-1784
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
BCU_Factums_B0113
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_B0114
BCU_Factums_G0934
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montaigut-en-Combrailles (63233)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
coutume du Bourbonnais
donations
droits de lods
droits féodaux
Faux
faux témoignages
notaires
opinion publique
Orléans (Duc d')
prison
témoins
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53980/BCU_Factums_V0105.pdf
fb8ff42d1e0d706a533a1138f9a47a6c
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PLAIDOYER
PO U R M.
d ’A b b a d i e
, Confeiller-H onoraire au Parlement
de Paris, Préfident à M ortier au Parlement de Navarre.
C O N T R E
Epoufe
M
L
Madame la P r éfidente D 'A B B A D I E
, fo n
.
e s s i e u r s
,
s Juges du Châtelet ont prononcé fur l’état de
M . le P ré fid e n t d’A b b a d i e , c o n fo r m é m e n t à l’avis d e fes
parens & amis aff em b lés au n o m b r e d e vin gt-fix , en l ’H ô tel
e
du fieur Lieutenant C iv il, à la vue de feize interrogatoires,
dont plufieurs ont été fubis dans des jours défignés com m e
des jours de f o lie , & dont un feul marque une agitation
paff agère, au milieu de laquelle la raifon a toujours furnagé,
à la vue d’un foule d’actes de comparution & de dire perfonnels de M l e Préfident d’A b b a d ie , à la v ue enfin du
A*
Parlement de
Paris.
Grami’Chambre*
�a
rapport de deux Médecins qui l’ont vifité pendant foixante*
huit jours confécutifs , iis ont décidé d une voix unanime
qu’il n’y avoit lieu à l’interdiôion de M . le Préfident
d’A b b a d ie , 6c ils l’ont maintenu dans l’adminiftration de
fa perfonne & de fes biens.
C e Tribunal auroit-il donc été aveugle fur l’état de M. le
Préfident d ’A bbadie, après l’inftruîtion la plus longue ôc
h plus complette ? N ’auroit-il fu reconnoître un infenfé dans
an examen de cinq m o is, & auroit-il pris le délire p ou r
le bon fens, les ténèbres pour la lum ière, les écarts de la;
folie pour la marche de la raifon ? Cela n eft pas croyable ,
& ce feroit une efpèce de phénomène dans l’adminiftration
d e la Juftice, fi les mêmes preuves ,, qui ont convaincu les;
Juges du Châtelet que M . le Préfident d’Abbadie eft dans
un état de raifon, pouvoient vous convaincre, Meilleurs r
qu’il eft dans un état de démence..
M . le Préfident d’Abbadie eft-il raifonnable ou infenfé,,
eft-il capable ou incapable dadminiftrer fa perfonne & fes
biens l V o ilà le vrai point de la caufe : elle eft fimple parelle-m £m e, & elle feroit bientôt développée, d’après la;
procédure , d’après l’expérience, fi l’envie d’attirer la déri~
iion publique fur M . le Préfident d’A b b a d ie, & des foupçons odieux fur ceux qui lui font d évo u és, ne l’avoit furchargée d’incidens faux, méchamment, amenés, fur lefquelsl e r e f p e â d û à la perfonne de ce Magiftrat, & au caractère*
dont il eft revêtu , & la défenfe qu’il doit à ceux qui ont eut
le bonheur de le férvir, ne nous permettent pas de-garder lefilence.
Trois adverfaires pourfuivoient dans le principeTinter*Ji£tion de «M.- le Préfident d’Abbadie j Le Marquis du
�5
C o u d r a i, Ton beau-frère , la Marquife du Coudrai, fa foeur,
& Madame la Préfidente d’Abbadie. La mort lui a enlevé
fa fœur^ la Sentence du Châtelet a défarmé fon beaufrère; il .lui refte pour adverfaire.celle qui n’auroit jamais dû.
l’être : fon époufe.
E lle vie n t, dans le .délire de la cupidité , dévouer fon
mari à.une efpèce de mort civile; elle vient flétrir fes enfans
dans la.perfonne de leur père , 6c les marquer, .pour ainfi
dire, du fceau de la réprobation.
E t c’eft au milieu de cette aftion effrayante dont les
ames honnêtes ont tant de peine à foutenir le fpe&acle , que
Madame la Préfidente d’Abbadie fe vante d’être digne
époufe ôc tendre mère !
A h ! l'amitié conjugale tâcheroit de détourner de deffus
Ja tête d’un mari le coup mortel de l’interdiction , & la
tendrefTe maternelle feroit des prodiges pour épargner à
des enians le préjugé que peut faire naître contr’eux la
profcription de leur père.
La digne époufe ( i ) eft celle q u i , au mois
d’A oût
dernier, défendoit fon mari accufé de démence dans ce
fan&uaire où Madame la Préfidente d’Abbadie s’efforce
d’immoler le £en.
L a tendre mère eft celle qui , combattant aux pieds de
l a C o u r pour fon é p o u x , déjà interdit au C h â t e l e t , le
c o u v r o i t de fa fille co m m e d’une
égide facrée , & recom •mandoit à la fenfibilité des Magiftrats la deftjnée de cette
enfant, l'unique efpérance de fa mai fon.
V o ilà le modèle que Madame la Préfidente d’Abbadie
devoit fuivre ; mais elle a d’autres principes & d’autre-s
La Marquife de CabrU.
A i;
�4
vues ; là fortune defon mari dont elle demande la curatelle*
eft l’idole à laquelle elle facrifie tout le refte.
i l ne s’a c co m p lira pas ce facrifice affreux. M . le Préfident d’Abbadie ne fera point vid im e de l’intrigue & de la
cupidicd : non , il ne le fera pas ; ce ferait en vain que le
c ré d it s’a rm e ro it contre lui : ce fecours décèle la foibleife
& la crainte du' plaideur qui l ’im p lore, & n’ajoute point a
fes droits. M . le Préfident d’Abbadie
fe préfente feul;
toute fa force eil en lui-même ; toute fa confiance eft dans
l.i Juftice qui s’eft déjà déclarée en fa faveur; elle ne 1 aban
donnera pas dans cette dernière attaque , & ellefaura mettre-,
un frein aux complots d’une femme qui a juré fa perte, & lu i
faire trouver enfin le repos après de longs ôcpénibles combats
dans le lieu même o ù il fe dévoua à fon faint miniftère.
L a défenfe de M* le Préfident d’Abbadie fera divifée en
deux parties.
L a première comprendra les faits antérieurs à la demanda
à fin d’interdiction de M. le Préfident d’A b b a d ie , dont la
plupart ont été dénaturés , ou font encore entièrement;
inconnus.
L a fécondé comprendra les procédures qui ont été faites
fur cette demande, dont Madame la Préfidente d’Abbadie
n a donné qu’une idée imparfaite & trompeufe.
Dans le tableau des faits on verra:,
D ’un c ô t é , Madame la Préfidente d’Abbadie méditantpendant quatre ans l’interdit\ioii de M . le Préfident d’Abba-?
d ie, fabriquant par le miniftère. d’un tiers des pièces infidieufes pour faire illufion fur fon état, & pour tromper
la Juftice , quittant fon mari pendant des années entières, ÔC
portant de temps en temps , à l’ombre dum yûère, une main
�?
ïndifcrètefur Tes reven u s, en attendant le moment où elle
doit s’aifurer de fa perfonne, & s’emparer de toute fa fortune.
E t d’un autre c ô t é , M . le Préfident d’Abbadie malheu
reux , mais toujours bon m ari, bon p è re , augmentant fes
biens par fes épargnes, ôc démontrant fans ceife par l'expé
rience qu’il eft bon adminiftrateur, tandis que la cupidité
crie autour de lui qu’il eft incapable de toute adminiftration.
Dans le tableau des procédures on verra la famille de
M . le Préfident d’À b b a d ie , fa m ère, fon oncle , fes paren s, fes amis, rendant tous juftice à fa capacité & à loti
adminiftration ; deux Médecins atteftant fous la foi du
ferm ent, après l’examen le plus long & le plus fcrupuleux,.
que fon état habituel eft un état de raifon entière ; M . le
Préfident d’Abbadie juftifïant, par des interrogatoires mul
tipliés, les témoignages qui s’élèvent de toutes parta en fa
faveur; enfin les Juges du Châtelet confacrant tous ces
fuifrages par une décifion folem nelle, applaudie du p u b lic,
refpe£tée par le Marquis du Coudrai lui-même, ôc dont
Madame la Préfidente d’Âbbadie feule affe&e de méconnoître la fageiTe & la juftice.
L e réfultat des faits & des procédure^ fera que M , le'
Préfident d’Abbadie ne doit pas être interdit, & que s’il'
a v o i t jamais le malheur de l’être , Madame la Préfixlente
d ’ A b b a d ie d e v ro it être exclue de fa curatelle comme fuf-
gefte & indigne.
F A I T S ;
f
M . le Préfident d’A bbadie, après avoir été pendant cinq;
ans C onfeillec en la C o u r , a été pourvu en 17.63 d W '
�6
Change de Préfident à Mortier au Parlement de Navarre,,
dont feu M . fon p è « avoit été titulaire.
Il a été marié en
1 7 7 ° à la demoifelle la Faurie de
M o n b a d o n , fille d’un Confeiller au Parlement de Bor
deaux. Il a v o it alors environ quarante mille livres de rente,
& de grandes efpérances que lui o.fFroit la fortune au iieur
de Borda fon o n cle , Fermier-Général.
A ces avantages fe joignoit dans la perfonne de vl. le
Prélîdent d’Abbadie., le titre de recoinmand».tion
plus
honorable.; le mérite d’avoir facrifié en 176^ for utat &
fa liberté, par zèle pour le fervice du R o i , & pour le
bien de la Patrie.
C ’eft ce Magiilrat que Madame fon Epoufe avoit d’abord
traité dans un M ém oire im primé, d'homme pufiUanime 9
en affe&ant de pafîer fous filence les évènemens mémo
rables de fa Magiürature : nous avons eu l’attention de les
lui rappeller; nous l’avons forcée à-s'enorgueillir de fon
époux , & à fe couvrir un inflant de la gloire de celui
qu’elle venoit avilir : elle a répété à cette audience l'hom
mage qiie nous avions rendu les premiers au zèle & au
courage de M . le Préfidenc d’Âbbadie. O n fait maintenant
par une bouche non fufpe&e., quel a été le dévouement
de ce M agiftrat, quelle fermeté modefte il a montrée
pendant dix.ans au milieu des révolutions publiques, à
la tête de fa C o m p a g n ie, à la fuite de la C o u r , dans les
prifons de la Baftille , & dans le lieu de fon exil. C ’eit
en la Cour qu’il avoit trouvé les modèles de ces vertus
fublimes qui l’ont diftingue dans la P ro v in c e , & c’eft vous,
MeiTieurs, qui lui en avez accordé le digne p rix , quand
vous l’avez reçu en 177 6 Confeiller H o n o r a ^ e , en con-
�7
jldèratlon de ta nature des fervices que lui avaient mfpires
depuis d ix ans f o x {èle & fort attachement au bien du fervice
du R o i
, & à £honneur de la Magijlrature.
M . le Préfident d’Abbadie en s'unifiant à la demoifelle
de M ;o nbadon avoit négligé entièrement l ’intérêt de fa
fo rtu n e, & n’avoit confulté que le penchant de ion cœur.
L e contrat de mariage ¿nonce une dot de 80,000 l i v , ,
& un p a iem e n t de 60,000 liv. à compte : mais dans la
réalité, fuivant une contre-leitre du même jo u r, la d o t
n a été que de 4^,000 l i v . , & il n’en a été payé que
25^,000 liv» ; les 20,000 liv. reliantes n’étoient exigibles
qu’après le décès de M . & de Madame de Monbadon , ôc
fans intérêt : cette fiûion a paru néceiTaire pour l’honneur1'
du co n trat, & pour afFoiblir aux yeux de la famille de
M . le Préfident d’Abbadie le facrifice qu’il faifoit de routes
fes prétentions. Il a ajouté à ce facrifice le don d’un douaire
de dix mille livres de rente, qu’il a conftitué à fon époufe.'
Il convient de- nommer ici le négociateur de ce mariage,,
qui va jouer un rôle inréreffant dans cette caufe : c ’eft le
fieur Louitau , A v o c a t , allié de M. le Préfident d’Abbadie,C e t A v o c a t , excité par un ami de M . de M o n b a d o n , a
propofé cette alliance à M . le Préfident d’A b b a d ie , qui'
féduit par des dehors flateurs n’a pas héiité l o n g - temps*
de l’accepter. L e fieur L o u ftà u eft intervenu dans le contratde mariage comme Procureur fondé de Madame la Préfidente d’Abbadie m è re , & y a fait en cette qualité une'
déclaration dont il importe de rappeller la teneur.» D éclarant ledit fieur L o u ft a u , au nom de ladite B a m e 3»
» en conioçm ité de ce qui eft porté par fa procuration ,.que-
�*
» bien qu’elle ait difpofé par le préfent contrat à titre de libé» ralité en faveur du fieur fon fils., de l h o t e l , ain.fi que de
» l’ameublement, comme d’effets à elle appartenans, ncan» moins, la vérité eft que l’acquifirion du local, ainfi que le
» bâtiment de i’iiôtel ont été faits par ladite dame., & par
» elle payés dis deniers propres & particuliers au fieur fon
» fih ; laquelle déclaration ladite dame s’eft crue obligée
:» de faire, pour lever tout doute à cet ég a rd , & rendre
juftice à la vérité
Si dès avant fon mariage M . le Préfident d’Abbadie
aba«donnoit en quelque forte à Madame fa mère une partie
de fa fortune , & fi cet abandon caraiâérife la confiance
filiale, le premier fenriment de la nature , faudra-t-il s’éton
ner de voir cette digne m£re aiTociée jufqu’à fa mort à
l’adminidration des affaires de fon fils; & iorfqu’elle inter
viendra avec lui dans une procuration relative à fon intérêt
p erfcn n el, ce foin infpiré par la tendreffe, accueilli par
le refpeft , autorifé par 1 habitude, devra-t-il être regardé
com m e un aveu tacite que la mère fera malgré elle de
la démence de fon fils ?
Continuons :
M . le Préfident d’Abbadie avoit cru former une union
heureufe : cette illufion n’a pas duré long-temps. Je ne me
permettrai point de rechercher la'caufe des diffenfions qui
ont régné entre les deux époux ; je me contenterai de lire
ce que M . le Préfident d’Abbadie en a dit lui-même le
27 Septembre 178 j en l’hôtel du fieur Lieutenant C ivil ^
en préfence de fes parens & a m is, & dans fon interro
gatoire du 18 Mai dernier. A P a u , & dans les Provinces
yoifmes où c is difleniions ont é c la té } perfonne n’aeufera
Mi
�9
M . le Préfident d’Abbadie d’avoir chargé le tableau.
« D e tout temps Madame la Présidente d’Abbadie a
Dire
du2f S‘f -
» témoigné la plus grande indiiiérence envers le compa- umbre I78*"
» raut, ¿k envers feue Madame la Préfidente d’Abbadie
» fa mère ; accoutumés à mener une vie tranquille ces
» derniers ont vu avec peine que Madame la Préfidente
» d’Abbadie ne vouloit pas s’aifujettir à leur genre de vie \
» elle portoit môme l’oubli des égards qu’elle leur devoit
» jufqu a refufer de manger avec e u x , & attendre que
» l’heure de leur repas fût paffée pour recevoir à fa table
» des convives qu’elle attiroit à leur infu : les chofes avoient
» été portées au point qu’une féparation volontaire avoit
» été arrêtée ; mais la promeife de Madame la Préfidente
» d’Abbadie d’avoir de meilleurs procédés a fuffi pour
» rétablir leur cohabitation prête à ceifer : ces faits font
» de notoriété publique dans la ville de Pau & dans toute
» la Province.
» Les promettes de Madame la Préfidente d’Abbadie
» font reftées far,9 effet : fon goût pour la diifipation n’a
» fait que s’accroître, & c. & c.
» A dit que nous fommes trop prévenus en faveur de interrogatoire du
jj
j»après
' la
i conduite
î • qu»elle
n a tenue a' 18 M J 1
» 1ladite
dame
; que d
» l’égard de lui répondant, tant à Pau qu’à Paris , & les
» chagrins d om eftiques qu’eJle lui a c a u f é s , il fe c ro it en
» droit de fe tenir éloigné d’elle ; que c’eft le feul moyen
» qu’il ait de rétablir parfaitement fa fanté , qui n’a été
» altérée que par les peines & les inquiétudes qu elle lui a
» caufées ».
Les parens &
amis qui ont été témoins des peines de
M . le Président d’A bbadie, ôc la Marquife du Coudrai fa
B
�10
fœur qui les a fi vivement fen ties, confirmeront bientôt
ce qu’il en a laifié tranfpirer.
L e chagrin a plongé M . le Préfident d Abbadie au bout
de dix années de m ariage, dans une efpèce de mélancolie
qui à ia naiifance portoit de loin en loin une confufion
paflagere dans Tes idées; mais ces legers nuages fe diffipoient promptement, & la raifon reprenoit auffi-tôt ià.
force & fa lucidité. C ’eft dans le premier de ces inftans
critiques que M . le Préfident d’Abbadie a écrit de Bourbonne-lès-Bains , le 18 Juillet 1781 , à Madame fon
époufe, une lettre dont la fin fe reffent de l’agitation dans
laquelle il étoit..
Entre ép oux, cette lettre devoit être jettée au feu, &
reiter à jamais dans le plus profond fecret. Madame la
Préfidented’Abbadi.e l?a gardée avec foin; elle y a vu labafe
de l'interdiction de fon mari dont elle a aufii-tôt conçu
le projet, &
des ce moment toutes fes' combinaifons,
toutes fes démarches ont eu pour but pendant quatre ans
cette aftion ftinefte..
O n a plaidé que dans le mois de Juillet 1781 M, le Préfi
xent d’A tbadie avoit cherché famèreàBourbonne-lès-Bains,
s-uoiqu’elle fût à Pau, & qu’il avoit dit, qu’il étoit indigne
de fe mettre à la table du (ieur de Borda fon o n cle , parce
qu’il avoit écrit au R o i , contre lui.
Mais 011 ne rapporte aucune preuve de ces faits.
Lt- quand ils leroient vrais, ils ne tireroient point à
conféquence pour l’état a£luel & habituel de M . le Préiîrient d’Abbadie..
A la réception de la lettre du 18 juillet 1 7 8 1 , Madame'
k P réfid en te d'Abbadie eft partie pour Paris x où elle eit arriv
�ii
vée le i ? août fuivant avec M e d’E tc h e g o rry , Procureur
au Parlement de Pau , logé gratuitement depuis p!us d*
vingt ans en l’hôtel de M. le Préfident d'Àbbadie. E lle
ne pouvoit pas arriver plus à propos pour intercepter une
lettre que ion mari a écrite le 16 a o û t, dans l’ardeur de
la. fièvre, à M . le Com te de M a u r e p a s ,& pour la joindre
à celle qui lui avoit été écrite à elle-même un mois au
paravant.
O n fent combien ces deux lettres font indifférentes au
bout de fix a n s , & peu propres à déterminer l’état a&ucl
de M . le Préfident d’A b b a d ie, qui eft conilatépar un rap
port de médecins & par fes interrogatoires.
L a maladie de M . le Préfident d’Abbadie pouvoit céder
facilem ent, dans le p rin cipe, à la vertu des remèdes : il
étoit naturel de confuiter des médecins 6c d’épuifer toutes
les relTburces que l’art pouvoit offrir dans cette Capitale,
■Mais quel foin Madame la Préfidente d’Abbadie a - t - e l l e
eu de fon mari dans le premier moment f E lle n’a rien fait
pour fon falu t, ôc elle a tout ramaifé pour fa profcripdon.
E lle étoit moins occupée de la fanté de M. le Préfident
d’Abbadie que de fa fortune, ficelle a preifé, au bout de
quinze jours, fon retour à P a u , impatiente de moiifonner
dans fa route les revenus de fon m ari, & de fe féparer
de lui dans la province.
E lle a fait éc fire , le * feptembre 1781 , par M c d’Etchegorry Procureur ^au Régiifeur de M. le Préfident d’A b
badie dans le P o ito u , la lettre fuivante.
» Il eft déterminé que nous partirons vendredi prochain,
» 7 , en pofte , nous prenons la route de P o itiers, nous
» comptons y arriver aux Troïs-Piiiiers} dimanche foir,
Bi j
�ta
» p Septembre. V ou s ne devez pas manquer dé vous rendre
» auifi pour le même jour , dimanche foir; mais n allez
» point loger aux Trois-Piîliers, allez à une autre Auberge.
» M adame
la
P r é sid e n t e
ne
veut
po in t
que
M.
le
» P r é s i d e n t v o u s v o y e , p a r c e q u ’e i l e c r a i n t q u e c e l a n e
» l ’i n q u i e t t e ,
to SORTES
»
que
d e forte
que
vous
devez
prendre
DE 'PRÉCAUTIONS POUR ÉVITER Q ü ’lL
vous
» Préfidente
êtes
A P o it ie r s.
en p a r t ic u l ie r
» l’o r , de l’argent
que
vous
:
toutes
NE SACHE
V o u s verrez Madame la
tâchez de vous procurer de
aurez a lui rem ettre
, foit
» de votre part, foit de la part de M . Delchamps . . .
» Faites attention à ma lettre.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Poitiers le p Sep
tem bre; ils foupent enfemble : M. le Président fe couche;
Madame la Préfidente & le Procureur paffert dans une
autre chambre, & y font introduire le Rdgiiïeur qui- apporte
vingt-mille livres ; celui-ci demande à parler à M. le Préiident ; Madame la Préfidente refufe; il infifte, elle lui
dit que fon mari ne peut plus entendre parler de fes terres
ni de fes revenus, fans entrer dans des accès de fureur,
& que pour menager fa foibleflfe, il falloit derober à fes
regards l’argent qu’on lui apportoit. L e
RégiiTeur n’eft
pas dupe de ce prétexte; mais il n’ofe point contrevenir
aux ddfenfes de Madame la Préfidente. Sur ces entrefaites
on entend du bruit dans la chambre de M . 1“ Préiident ;
on craint qu’il ne furvienne ; 011 fait cacher le RegiiTeur
dsns la ruelle : c’dtoit une fauflfe alarme.
Madame
la
Préfidente reçoit les facs fans compter les efpèces, tant
elle craint dé reveiller fon mari, & après avoir -conféré
avec le Régiileur fur le produit des terres du P o ito u }
�13
elle lui donne deux quittances, l’une de 12000 livres,
l’autre de 8coo livres, de la teneur fuivante (1).
» J’ai reçu de M . D efcham p s, notre receveur à Brefluire,
» laibm m ed e 12000 livres, à compte de larecette des reve» nus delà terre de Brefluire, dont je lui donne quittance pour
» mon m a ri, ne pouvant pas en donner lui-m im e, à caufe
» de maladie. A Poitiers, le 9 Septembre 1781.
S ig n é , M o n b a d o n d ’ A b b a d i e . (2)
Si M . le Préfident d’Abbadie étoit malade le
Septembre
1 7 8 1 , fa maladie n’étoit pas bien grave; elle ne lui ôtoit
ni Ja force de faire en porte un voyage de 200 lieues,
ni la faculté de reconnoître le tort que Madame fon époufe
lui faifoit, en recevant fes revenus, puisqu’elle n’a ofé les
recevoir qu’en fe derobeant à fes regards, & en fe cachant
à l’ombre du myftère.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Pau le 1 6 Septembre
1781,
fe fdparent au bout de quelques jours, & ne fe
réunifient jamais plus dans la Province. M . le Préfident
va paffer l’automne avec Madame fa m ère, dans fa terre
de B izanos, à un quart de lieue de Pau; Madame, la Préfidente ne juge pas à propos de le fuivre; elle, refte feule
dans fa maifon de V ille. C e procédé fixe l’attention publique,
& détermine la mère ôc le fils à prolonger leur féjour à
la Campagne. L e mari & la femme reftent feparés en
Eéarn , pendant dix-neuf mois, depuis le mois d’O ttobre
1781 , jufqu’au mois d’Avril
i —W T ---------"
Cl)
eft
L a
*
m a n i è r e d o n t la
*
■
fcène du
■
1785 , époque à laquelle
■
9 Septem bre
11
1781
---------
s’eil pniTée
1
----
-|
1
à Poitiers,
;ittellé e p s r le R é g i i f e u r .
(3
L’aatre quittance Je 8000 livres, donnée an fieur Tonnet, Riigiileur de
terre ¿e S. Loup-
dans la même forme.
la
�i4
M . le Préfident d’Abbadie eft parti pour Paris, avec le
Frère LiiTonde, R e l i g i e u x C o rd e lie r, fon ancien a m i,
dévoué de tout temps à fa famille. Dans ce long intervalle,
Madame la Préfidente d’Abbadie n’a fait qti’une ou deux
vifites de cérémonie à fa belle-mère , & a délaiíTé fon
mari qu’ e lle avoit le foin de faire décrier dans la V i l l e ,
par des ames vénales qui fecondoient fes projets, & qui
partageoient fes efperances.
O n a cru vous perfuader, M eilleurs, que M . le Préfidenc d’Abbadie étoit heureux é p o u x , en vous faifant
le&ure des lettres qu’ il a écrites à Madame la Préfidente
d’A b b a d ie , de Paris 6c de Bourbonne-lès-Baias , dans les
prem iers mois de l’année 1781 ; mais ces lettres prouvent
fon honnêteté, 6c non pas fon bonheur; on n’y voit point
ces épanchemejis dé la confiance, ces élans de l’amitié,
ces effufions du cocur qui régnent dans la correfpondance
de deux époux éloignés depuis long-temps l’un de l’autre,
&
impatiens de fe réunir : les d;fienfions de M. & de
Madame d’Abbadie avoient éclate dès les premières années
de leur mariage; il l’appeîkût îa chère femm-». en 1781 ,
comme elle l’appelloic fon
:her mavi, ie divorce qu’ils
ont fait en Béarn en 1762 &
1 7 8 ? , pendant dix-neuf
mois, eft plus parlant que leur correfpondance antérieure,
& fait aiïez fentir quelle étoit la tendrefle de la fem m e,
& quel pouvoir être le bonheur du mari.
O n a plaidé que dans cec intervalle de dix - neuf mois,
& durant un court féjour qu’il a fait dans fa maifon de
Pau , M . le Préfident d’Abbadie fe dounoit journellement
en fpeclacle, faifoit courir les enfans après lu i, & devenoit
Ja fable de la Ville.
�Madame la Préfidente d’Abbadie eft bien imprudents,quand elle avance de pareils faits.
Q u o i! l’époufe d’un Magiftrat l’auroit vu devenir l’o bjit
de la dérifion publique ! elle auroit été témoin de cc-3
(cènes humiliantes, & elle lauroit ¿té plus d’une fois!
E t la mère de ce Magiftrat, cette mère tendre, cette
compagne fidelle de fon fils, auroit foufiert qu’il fe donnât
en fpe&acle, que les enfans s’attroupaifent autour de lui,
& qu’il fût leur jouet !
Peut-être des gens de la lie du peuple, ou des corn1plices fecrets de Madame la Préfidente d’Abbadie enten
dus dans l’enquête qu’elle a fait faire à Pau , auront-ils
dépofé tout ce qu’elle aura voulu; mais cette enquête a
été annullée au Confeil d’E ta t, ainfi que l’Arrêt qui l’avoit
ordonnée. O n ne l’a pas même jugée digue de refter au
Procès pour y fervir de M ém oire; elle doit être mife à
l’écart comme nulle, & c’eft abufer de la patience de la
Cour que d<^ lui. rendre compte des menfonges &
des.
abfurdités qu’elle renferme..
Quel garant Madame la Préfidente d’Abbadie a-t-elle
donc des faits qu’elle plaide, avec, tant d’aifurance ? elle.,
n’a que for» allégation.
Mais cette allég a tio n plus que fufpeéte, eft détruite p a r
deux exceptions.
La premiereeft la dénégation formelle.de M , le Préfident'
d’ Abbadie qui a été interrogé au Chntelet fur tous ces faits;
controuvés par Madame ion époufe & qui les a tous dé
mentis.
L a fécondé eft le. témoignage pofitif de feue Madame.’ la>.
Préfidente d A bbad ie fa m è re , configné dans une lettre':
qu’elle a écrite à fa bru le 1 p N ovem bre 1783 , &
qu’om
*
�16
voit à la page 2$ du M ém oire imprimé de Madame
d’Abbadie.
» Je ne me fuis jamais apperçue, dit-elle, que
mon
» fils Te foit donné en fpe&acle à Pau, ni n’en ai entendu
» parler ».
Q ui croirez v o u s , M M. ou de Madame la Préfidente
d’Abbadie qui allégué des faits fans a u cu n e p reu ve , ou de
M , le Préfident d’Abbadie qui les n ie , & qui a en fa faveur
le témoignage d’une mere refpe£table qui ne l a jamais
quitté ? V ous ne pouvez pas hcfiter entre l’allégation de
l ’une , ôc la dénégation de l’autre, 6c la parole d u ne mère qui
juftifie fon fils eft plus facrée à vos yeux que celle d’une
femme qui accufe fon mari 6c qui cherche à le perdre.
Ecartons donc de la caufe tous ces faits de démence
qui dans le Rom an de Madame la Préfidente d’Abbadie
rempliffènt l’efpace de temps que fon mari a paiTé en Bearn ,
depuis le mois de Septembre 1781 , jufques au mois d’A vril 17S3.
A cette dernière ép oque, M . le Préfident d’Abbadie
arrive à Paris avec le frère LiiTonde, ôc fe réunit au fieur
de Borda fon oncle qui lui avoit témoigné le defir de le
voir. Cette réunion les fîartoit également l’un & l’a u tre,
mais leur joie ne fut pas de longue durée.
A peine M. le Préfident d’Abbadie eft-il parti pour Paris,
que Madame fon époufe court après l u i , ôc vient le join*
dre dans la maifon du fieur de Borda.
Q u el eft donc cet e m p re fle m e n t fubit après un divorce
de dix neuf mois? L es tendres foins v o n t-ils fuccéder
tout-à-coup à l’indifférence la plus marquée, & celle qui
depuis
�17
depuis plufieurs années n’avoit que le vain titre d’ép o u fe,
vient-elle enfin en remplir les devoirs ?
C ’eft par 1’évencment que nous allons découvrir les
motifs de fon voyage.
L e 6 Mai 1783 , huit jours après l’arrivée de Madame la
Préfidente d’A bbadie à Paris , le fieur B o rie , fon M edecin
ordinaire, invite les fieurs Deiean & de Montabourg fes
confrères à fe rendre avec lui auprès de M . le Préfident
d ’A bbadie. Ils l’examinent pendant un demi quart d’heure,
après quoi , on leur fait figner un certificat rédigé par le
fieur B o r i e , dont la teneur feule démontre jufqu’à quel
point ce M edécin , fervilement dévoué à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , a abufé de leur confiance.
E n effet, i°. on leur fait attefter, à la première & unique
vifite qu’ils font à M .l e Préfident d’A bbadie, quiL fe livre
à une loquacité qui fans interruption dure nuit & jo u r, que le
fommeil cflperdu , qu'il en ejl de même de l’appétit , & que cet
état dure plufieurs jours.
Q uel talent que celui de voir dans l’état d’un inftant l’é
tat de plufieurs jours , & de reconnaître au premier coupd’œil qu’un homme a perdu le fommeil & l'appétit ! Q uelle
atteftation que celle qui eft fondée fur une pareille certitude!
V oilà les té m o ig n a g e s que Madamela Préfidente d’Abbadie
venoit chercher à Paris c o n tre fo n mari en 1783 : voilà les
preuves avec lefquelles elle fe préparoità l’accufer de dé
m en ce, lorfque fa fortune feroit parvenue à fon com ble,
par le décès de fa mère & de fon oncle.
Rendons néanmoins aux lieurs Dejeanôc de Montabourg
la juftice qui lem eft due : ils n’ont fait que prêter une
fignaturs de confiance au fieur Borie qui a rédigé cette
G
�18
atteftation témeraire : ils ont réparé leur erreur en 1785*,
après plufieurs examens de l’état de M. le Président d’Abbadie : le tort qu’ils ont eu en 1785 cil celui de la probité
confiante : ils ont ajouté foi aux aifertions d’un confrère
qu’ils ne croyoient point devoir fufpeûer..
20, O n répète' au nom des trois Medécins dans le cer
tificat du 6 Mai 1 7 8 5 , ce qu’ils ont appris, dit-on, de:
la fam ille, c’eft-à-dire de Madame la Préfidente d’Abbadie,,
fur la manière dont M . le Préfident d’Abbadie avait ve<^u
en Bearn pendant les dix-neuf mois qu’jl venoit d’y paifer j
Roman imaginé par Madame la Préfidente d’A b b a d ie , compofé de faits faux dont des medécins de Paris ne pouvoient
avoir aucune connoiifance perfonnelle, ôc auxquels leur
fignature ne donne par conféquent aucune autenticité»
O n ajoute qu’ils ont appris par le rapport d’un M oine
qui accompagne M . le Préfident d’A bbadie, i°. qu’il v e
noit de pafler dix-neuf mois à Pau , toujours dans le même
état de délire. 20. Q u ’il y étoit journellement en fpe&acle3°. Q u e depuis le mois d’A vril ( 1 7 8 3 , ) époque de fon
arrivée à Paris , il avoit été dans un délire plus ou moins
f o r t , mais conftanf.
E h b ie n , ce M o in e , le Frère LiiTonde Re&eur de l’Univeriicé de Pau , que le redafteur du certificat du 6 M a l
178 3 , cite comme garant des faits qu’il dit avoir appris defa b o u c h e , lui donne un démenti formel fur tous ces
faits par fon atteftaûon du i j Décem bre dernier.
3°. L es M edécins déclarent que d'après Pexpafc des faits
ils pcnfer.t que M . le Préfident d’Abbadie eft en démence.
Mais ils n’avoient point vérifié les faits qui fervoient de
bafe à leur opinion; ils n’avoient jamais vu M . le Pré 11*
�T9
dent d’Abbadie en Bearn où ils difoient eux-mêmes que
ces faits s’étoient paifés. Ils les avoient appris de la bouche
de Madame la Préfidente d’Abbadie : leur aflertion fe
réduit donc en dernière analyfe, à dire que fuivant le
récit de Madame laPréiidente d’Abbadie,j *Ton mari eft en
démence. Q u el témoignage que celui de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de fon mari !
4°. Les Medecins attribuent, par conjecture , la maladie
de M . le Préiident d’Abbadie qu’ils n’ont pas eu le loifir
d’o bferver,à une humeur érefipélateufe fixée d’abord à la
jambe, & répercutée enfuite par des topiques.
N ous ignorons quelle a pu être la caufe des accidens
que M . le Préfident d’Abbadie a éprouvés autrefois ; tout
ce que nous avons appris par lui-même, par la corres
pondance de la Marquife du Coudrai fa focur, & par l’avis
de fes parens & am is, c ’eft qu’il a eu de grandes peines
domeftiques. Eft-ce le chagrin, cil-ce la repereuffion d’une
humeur érefipélateufe, font-ce ces deux caufes réunies enfemble qui ont altéré fa fanté ? C ’efl un problème qui n’efl
point de notre compétence , & dont la folution eft indif
férente dans ce moment. Mais fi les fieurs Dejean & de
Montabourg avoient eu le loifir de réfléchir fur la caufe
conjecturale de la maladie , indiquée dans le certificat du
6 Mai 1783 , ils n’auroient pas manqué d’ordonner l’appli
cation d’un cautère, qui étoit le remede le plus convenable
dans le fyftême de la repereufiion d’une humeur ; le M edécin
ordinaire de Madame la Prefidente d’Abbadie a mieux aimé
ordonner les faignées du p ied , les purgatifs, l’hémétique
m ê m e , rem èd es pour lefquels M . le Préfident d’Abbadic
C ij
�«
20
avoît une répugnance connue, ôc dont 1 ufage devoit nécef"
fairement irriter fa fenfibilité.
Enfin, - c e M e d é c in finit par dire que f i M . lePréfident
d’Abbadie ne devient pas plus docile à l’ufage de ces
remèdes, il ne faut pas héiiter d’employer la force, foit
dans la maifon du fieur de Borda , foit dans quelqu’une
des maifons ou l’on reçoit ces fortes de malades ; fur quoi
il laiife l’option à Madame la Préfidente d’Abbadie.
Envoyer dans une maifon de force un Magiftrat du pre
mier ra n g , un père de famille dont la fortune permettait
de 1ui adminiftrer dans fa maiion tous les fecours r.éceflaires !
L ’envoyer dans une maifon de force ! & pourquoi ? Pour
le faigner , pour le purger, pour lui faire prendre des bains
& du petit lait, comme fi l’ufage de ces remèdes étoic
plus fa c ile , ou leur vertu plus efficace dans une maifon
de force !
L ’envoyer dans une maifon de force au mois de M a i
1783 ! Mais dans ce temps là m êm e, il alloit voir fes
a m is, & il les recevoit chez lui , fuivant l’atteftation du
R e& eu r d e l’univerfité de Pau , fon compagnon de voyage ;
il correfpondoit avec fes gens d’affaires : il rcgloit des in
térêts avec le fieur Olivier caillierdu fieur de Borda, comme
on le verra bientôt dans un compte rendu par ce caiiTier;
Madame le Préfident d’Abbadie elle-même craignoic fa v i
gilance , & prenoit des rnefures pour lui ca ch e r les prépa
ratifs d’une nouvelle fouftrattion qu’elle v o u lo i t lui faire
de fes revenus; (1) il agiffoit en homme raifonnable; il
(1) Ce fait eft établi par une lettre du fieur Olivier du deux Juin 17»}
¿ont on parlera dans un inftant.
*
�21
veilloit à fes intérêts en bon père de famille; & l’on fon*
geoit à le releguer parmi des infenfés : qu’auroit-on pu faire
de plus , fi on avoit voulu le rendre femblable a eux ?
C e confeii , a-t-’on d i t , n’a pas été fuivi : Madame la
Préfidente d’Abbadie n’auroit jamais livré à dts étrangers
U N E T Ê T E SI C HE RE.
C e confcil n’a pas été fuivi : Mais le moment de le fuivre n’étoit pas arrivé. La mère & l’oncle de M . le Pre'fident
d’Abbadie n’étoient pas encore morts ; celle qui a ofé tenir
fon mari en charte privée , après fon interdi£lion provif
ne lui auroit peut être pas épargné la reclufion dans
une maifon de fotee , il elle avoit pu obtenir fon interdic
tion déiinitive. L e M edécin
de Madame le Préfidente
d’Abbadie devoit bien connoître fes intentions, pufqu’il
ofoit lui mettre en main l’avis cruel de faire enfermer fon
mari. Mais fi cet avis n’étoit pas bon à fuivre dans le premier
moment , il étoit bon à garder; c’étoit une arme nouvelle
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , & un moyen d’obtenir
un jour fa récluficn.
Remarquez , M eilleu rs, que le fieur Borie ne laiffe
d’option dans fon certificat du 5 Mai 1783 , pour le traite
ment de M . le Préfident d’Abbadie qu’entre la maifon du
fieur de B o r d a , & une maifon de force. Il vouloit exclure
ce Magiilratde, fa p a tr ie , & l’enchaîn er à Paris : & pour
quoi? Parce que le féjour de Pau ne convenoit plus en
1783 à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , qui craignoit
d’ailleurs les regards de fa belle-m ère, & qui ne vouloit
point perdre de vue cette tête f i chère , dont elle méditoit
la profeription. Son plaifir étoit de contempler fa victime,
& de continuer à fon aife les préparatifs du facrifice, &
�22
cette occupation ¿toit plus facile dans la maifon
d’un
oncle paralytique détenu dans fon lit, que dans celle d’une
mère dont la vigilance auroit éclairé les complots formés
contre fon fils, & les auroit fait avorter.
Cependant le traitement indiqué par la Confultation du
6 Mai 1783 étoitpeu propre à retenir M . le Préfident d’A bbadiedans la capitale : l ’ufage de lafaignée, de l’hémétique,
des bains 8c du petit lait eft aufli famillier à Pau qu’à Paris. O n
a eu recours à un remède extraordinaire , au traitement par
l’életlricité, qui n’eit pas commun dans la province. M .
le Préfident d’Abbadie eft allé chez le fleur Cornus pen
dant trois mois , au bout defquels il s’eft difpofé à retourner
en B ea rn , impatient de fe réunir à fa m è r e , qui defiroit
de fon côté la préfence de fon fils.
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait les plus grands
efforts dans cette circonflance pour empêcher la réunion
de la mère & du fils. Elle a fait écrire à fa belle-mère
par le fieur Borie fon M é d e c in , & par Madame la Ducheife
de C ivra c; elle lui a écrit elle-même plufieurs lettres pour
l ’engager à interpofer fon autorité , & à retenir M . le Préfi
dent d’Abbadie à Paris , où elle lui faifoit effuyer des
contradictions perpétuelles.
O n voit la correfpondance de la belle-mère & de la bru à
ce fujet, dans le Mémoire imprimé de Madame la Préfidente
d’Abbadie , depuis la page 20 jufqu’à la page 26.
Je ne rendrai point compte de cette correfpondance.
Mais je ne puis m’empêcher d’y remarquer un trait frap
pant qui décèle l’adreffe avec laquelle Madame la Préfidente
d’Abbadie cherchoità faire illufion à fa belle-mère , ôc à lui
faire approuver le féjour de M . le Préfident d’Abbadie
�23
dans cette capitale, fous prétexte d'un traitement qui n’avoit
point lieu.
En effe t, Madame la Préfidente d’Abbadie dit dans fou
M ém oire imprimé, page ï p , qu’après la Confultation du
6 Mai 1 7 8 3 , M . le Préfident d’Abbadie alla pendant trois
mois chez le fieur C o rnu s, & q u ii ne fu t plus pojjlbie enfuue
de lui adminiflrcr aucun remide : le traitement par l’é le ¿tri
c h é navoit donc plus lieu au mois de N ovem bre 1785.
Cependant par fa lettre du 4 N ovem bre 1783, Madame la
Préfidente d’Abbadie mandoit à fa belle-mère, que fon mari
continuoit toujours le remède de l’éleftricité, que le fieur
Borie étoit d’avis de le continuer par le miniilère du fieur
Cornus; & en aiïurant que les fieurs Borie & Cornus faifoient efpérer une guérifon totale, elle chargeoit l’honneur fie
la confcience de fa belle-mère de l’interruption d’un remède
qui avoit déjà ceffé long-temps auparavant.
« V ou s vous rendez , M adam e, lui diioit - elle par (a
» lettre du a f Octobre 1783 , refponfable de fa guérifon
» auprès de fa famille & du public ». ( Page 20 du M é
moire imprimé ).
Q uel grand intérêt Madame la .Préfidente d’Abbadie
avoit-elle donc à retenir fon mari dans la capitale , au mois
de N ovem bre 1783 , fous prétexte d’un traitement qu’il
n’y recevoit pas, 6c à quel deiTein fecret ce faux prétexte
pouvoit-il fervir de voile !
E lle quitte fon mari en Bearn pendant dix-neuf m ois;
& elle vole après lui lorfquil vient à Paris. E lle veut l’y
retenir malgré lu i, malgré fa m è re , quoiqu’il n’y reçoive
aucun fecours : créd it, prétextes, prières, m enaces, tout
eft mis en ufage pour- tromper la tendreiTe maternelle,,
�24
pour faire violence à l’amour filial, pour tenir éloignés
une mère & un fils impatiens de ie réunir, p ou r’enchaî
ner M . le Préfident d’Abtadie auprès d’une époufe q u i ,
jufques-là, s’étoit montrée plus jaloufe du foin de furprendre quelques inftants de foiblefle , que celui de les préve
nir. T a n t d’empreifement de la part de Madame la Préfidente d’Abbadie après douze années de diiTenfions, après
un divorce de dix-neuf m o is , pouvoit-il être infpiré par
l’amitié conjugale ?
Mais tandis que Madame la Préfideute d’Abbadie faifoit
certifier d’un côté par Ton M édecin que M . le Préfident
d’Abbadie étoit en démence, & qu’il ne falloit pas héfiter, s’il
étoit in d ocile, de l’envoyer dans une maifon de force , elle
prenoit d’un autre côté les plus grandes précautions pour
lui laiifer ignorer qu’elle s’immifçoit dans l’adminiftration
de fes biens. Elle s’étoit fait envoyer par les Régiiïeurs des
terres du Poitou des états annuels de recette & de dépenfe : bientôt elle voulut avoir tous les mois un état fuccinct de la fituation de leur caifle , & l’événement va faire
voir dans un inftant que fon defir n’étoit pas un defir de
pure curiofité. C e fu tle fie u r Olivier , Caiiïier du fieur de
B o r d a , dépofitaire depuis plufieurs années des revenus de
M . le
Préfident
Poitou , l’homme
d’Abbadie , provenans
de
confiance de
des terres du
Madame la Préli-
dente d’ A bbadie, ôc celui qu’elle défigne pour curateur
onéraire de fon mari, qui fut chargé de demander ces
états de caiiTe de chaque mois, üa lettre eit du 2 Juin
1783 : elle a fuivi de près la Confultation du *6 M a i , qui
conAituoit M. le Préiident d’Abbadie dans un état de dé
mence. Cependant Madame la Préfideute d'Abbadie craint
que
�a;
que ce prétendu îniènfé fie Toit inftruit de Ton entreprife, &
faic recommander le fecret à fon Régifleur.
« Vouà fentez , dit le iieur O liv ie r , qu’il n’eftpas nécef» faire que M . d’Abbadie vo ye cette lettre.
O n favoit donc que M . le Préfident d’Abbadie âuroit
improuvé l’entreprife de fon ép o u fe, & qu'il l’auroit répri
mée , s’il en avoit eu connoiflance.
E t c ’eft dans ces circonftances qu’elle le fait déclarer infenfé par fon M é d e c in , & qu’elle conçoit l’idée de ren
vo yer dans une maifon de force !
Mais à quoi tendoit la curiofité de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de la caifle des Régiffeurs ? A
faire vuider cette
caifle dans celle du fieur O l iv i e r , &
celle du fieur O livier dans fes mains.
En effet, le 4 N ovem bre 1783 , le fieur O livier a reçu
des Régiffeurs de M . le Préfident d’Abbadie une fomme
de 22,000 livres , q u i, jointe aux deniers qu’il avoit déjà
en m ain , a formé un total de 36,000 livres , & le 8 du
même mois il a livré clandeftinement cette fomme de
35,000 livres à Madame la Préfidente d’Abbadie.
C e fait eft établi par le compte que le fieur O livier a
rendu deux jours après à M . le Préfident d’A b b a d ie, qui
lui demandoit fes fonds pour les emporter en Bearn.
L e dernier article de dépenfe eft conçu en ces termes.
« Du
18 N o v e m b re , remis à Madame d'Abbadie ,
» 3j’,9pp livres <? fols.
A u moyen de q u o i , le fieur O livier fe trouvoit qu itte,
fi M . le Préfident d’ Abbadie avoit eu la bonté de fe payer
de cette monnoye. Mais il a eu le foin de faire affigner
le fieur O livier le lendemain 11 N ov em 6 re
1 7 8 3 , par
D
�il?
devant les Juge & Confuls à fin de reftitutïon de la fomme
de 36,ooo livres.
Obfervons en partant, que le compte du fieur O livier
prouve que depuis 1781 jufqu’en 1783 , JVL le Préfident
d’Abbadie a continué de correfpondre avec lui fur fes
affaires, & de s’occuper de l’adminiftration de fes biens.
E n effet, on y v o it , i° . la mention d’une lettre de
M . le Préfident d’A bbadie, du y A oû t 1 7 8 2 , par laquelle
il avoit confenti au profit du fieur O livier une dédu&ion
de 740 livres 1 p fols : 20. la mention d’un envoi fait par
le fieur O livier à M . le Préfident d’A b b a d ie, le 2p A oû t
1 7 8 2 , d’une fomme de 20,351 livres : 30. la mentiond’une conférence du mois de Mai 1783 , de ce
même
mois où Madame d’Abbadie avoit fait déclarer fon mari
infenfé par le
fieur Borie ,
conférence
dans laquelle
M . le Préfident d'Abbadie, en chargeant le fieur O livier du
foin de recevoir à l’H ô tel des Fermes les intérêts du cau
tionnement du fieur de Planterofe, fon a llié , lui avoit dit
fuivant le fieur O liv i e r , avoir touché par lui-même quinze mois
d'intérêts montant à 15 o livres, à compter du premier Octo
bre ¡ 7 8 0 , au premier Janvier 1782, C es faits concourent
à établir la continuité de ladminiflration de M . l e Préfi
dent d’Abbadieen 1782 & 178 3 . Je mettrai bientôt fous les
yeux de la Cour d’autres preuves de cette adminiftration
qui s’eft conftamment foutenue juîqu’au moment a£luel.
M . le Préfident d’Abbadie étoit trop impatient de fe
réunir à Madame fa m è r e , pour attendre l’éyénement de
la demande
qu’il avoit formée contre le
fieur Olivier.
Madame la Préfidente d’Abbadie lui a fait remettre par les
mains de ce dernier, une fomme de 6000 livres, & a eu
�27
le foin de s’en faire donner une quittance , quoiqu’en re
cevant 20,000 livres à fon inçfu en 1 7 8 1 , elle èût déclaré
qu’il étoit hors d’état de donner une quittance. I l eft parti
feul pour le Bearn vers le i f N ovem bre 178 5; Madame fon
époufe a mieux aimé relier à Paris que l’accompagner ; elle Ta
quitté de nouveau, & a v é cu loin de lui pendantquatorze mois.
A fon arrivée à P a u , par a£te du i cr. D écem bre 1785 ♦
M . le Préfident d’Abbadie & M adam e fa m ère ont envoyé
leurs pouvoirs à P aris, à l’effet de les repréfenter chacun
en ce qui les co n c e rn o it,
dans toutes les affaires qu’ils
pourroient avoir tant en juftice qu’autrement. M ais à qui
ces pouvoirs ont-ils été donnés ?
I c i paroît un C itoyen honnête que Madame d’Abbadie
a diffamé avec une licence inouie » qu’elle a peint com m e
un homme fans é ta t, com m e le c h e f d’une troupe d’intrigans qui obfèdent M . le Préfident d’Abbadie. Q u el eft donc
cet homme fi d é c rié , fi fufpe£t ? C ’eit un allié de M adam e
la Préfidente d’A b b a d ie, le coufin iflu de germain de fon
mari ; c ’eft le fieur d’Etchegaray.
Il n’étoit pas un intrigant
aux y e u x de M adam e la
Préfidente d’Abbadie m ère, dont le fuffrage valoit bien
celui de fa. b ru , ôc qui par une lettre du 21 Février
1-78 4, l’appelloit fo n cher neveu , & le rem ercioit des
marques qu’il ne ceffoit de lui donner de fon zèle & de
fon attachement.
Il n’étoit pas un intrigant aux yeux de M adame d’A b
badie elle-m êm e, lorfque par fa lettre du 17 Janvier 1 7 8 3 ,
elle le rem ercioit des témoignages £ intérêt & Rattachement
yu il lui donnoit dans toutes les occafions, ôc lui marquoit
D ij
�A*
le défir le plus v i f de lui donner des preuves de fa re<on-noijfance.
Il n ¿toit pas un intrigant lorfque par fa lettre du onze
avril 1785 9 poftérieure de deux jours au départ de M . le
Préfident d’Abbadie pour P a ris, elle chargeoit la foeur du
' fieur d’Etchegaray de lui faire mille complimens, & de lui
confier le deffein où elle ¿toit de fuivre de près fon mari.
C ’eft la procuration du premier décem bre 1783 , dont
l’objet principal ¿toit de forcer la reftitution des 35,000 L
enlevées par M adam e d’Abbadie , qui a transformé à fes
y e u x le fieur d’Etchegaray en homme fu fp e â , en intrigant,
ôc qui l’a rendu digne de toute fa haine.
Remarquons deux circonftance3 dans cette procuration*
L a prem ière, c’eft que M adame la Préfidente d’Abbadie
mère & M . fon fils y reconnoiffent expreifém ent le fieur
d’Etchegaray pour leur parent. L e fieur d’Etchegaray ne
doit donc pas être regardé ici com m e un intrus, com m e
un intrigant qui s’immifee dans les affaires d’une fam ille
étrangère.
L a fé c o n d é , c’eft que M . le Préfident d’A b b a d ie , en
donnant fes pouvoirs au fieur d’Etchegaray , ne fait que
fuivre l’exem ple de M adam e fa m ère, qui avoit déjà éprou
v é le zèle & la fidélité de fon neveu. C e tte marque de
confiance de M . le Préfident d’A bbadie pour le fieur
d’Etchegaray & celles qu’il lui a données depuis ne doivent
donc pas être regardées com m e des marques de démence*
L e fieur d’Etchegaray pourfuivit la demande à fin de
reftitution contre le fieur O liv ie r : celui-ci fut con dam n é,
par une Sentence confulaire du ip
décem bre 1783 , à
�2P
payer en cjeniers ou quittances valables la fomme de 3 6000
livres.
L e fieur O liv ie r, ou plutôt M a 4ame la Préfidente d’A b
badie fous fon nom , interjetta appel de cette Sentence
com m e de Juge incom pétent. M . le Préfident d’Abbadie
eut pour défenfeur M e Martineau : mais il ne perdit pas
moins fa caufe. L es parties furent renvoyées à fe pourvoir
p ard evant les Juges qui en devoient connoître.
L ’affaire fut portée au Châtelet où M . le Préfident d’A b
badie auroit infailliblement triomphé par le miniftère du
même défenfeur. Mais le fieur d’Etchegaray rallentiffoit les
pourfuites, par égard pour Madame laPréfidente d’Abbadie
qui ne paroiffoit pas difpofée à reftituer ce qu’elle avoit
pris. C e ménagement déplut à M . le Préfident d’Abbadie
& à Madame fa mère : ils s’en plaignirent au fieur d’E t
chegaray , ôc ils lui donnèrent ordre de preffer le jugem ent
par une lettre du 8 mars 1784.
L e s pourfuites recom m encèrent: M adame laPréfidente
d’Abbadie demanda à com pofer. M . le Préfident d’A b b a
die envoya au fieur d’Etchegaray , le 19 avril 1 7 8 4 , une
procuration à l’effet de tranfiger ; ce qui fut fait par un
a & e du 2 ju ille t fuivant.
Par cet a& e'M adam e la Préfidente d’A b b a d ie , fous le
nom du fieur O liv ie r , rend com pte des 36,000 liv. dont
elle s’étoit emparée.
E lle impute d’abord com m e de raifon les 6000 liv. don
nées à M . lePréfident d’Abbadie le 13 novem bre p récéd en t,
fuivant fa reconnoiffance du même jour , & les dépens
de l’appel d’incom pétence auxquels il avoit été condamné.
E lle remet enfuite x 6,800 livres au fieur d’Etchegaray;
�jo
qui les envoye aufli-tôt à M . le Préfident d’A b b a d ie, dont
il a la quittance.
E t elle retient à Ton profit 15,000 livres en fus de fa
penfion annuelle de 3000 liv re s , & d’un fupplément de
600 livres q u e lle s’étoit fait donner par le fieur O liv ie r,
quoiqu’elle n’eut aucune dépenfe à faire dans la maifon
du fieur de Borda.
T e l fu t, pourM adam è la préfidente d’ A bbad ie, le fruit
de fon fécond coup d’eiTai dans le maniment des revenu«
de fon mari.
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , dont la manie eft de
dire que fon mari eft fou , foutient qu’il l’a été à Pau
en 1 7 8 4 ; & pour preuve de fon allégation , elle cite des
lettres qu’elle a reçues de fes correfpondans, du fieur
L o u fta u , le négociateur de fon m ariage, & de la dame
d’E tchegorry fa co n fid en te, qui n’ont pas craint d’alarmer
fa tendreife pour fon mari , en lui écrivant fi fouvent &
fi inutilem ent, qu’il étoit malade- Mais des lettres mifiives
ne font point foi contre un tiers. Q u ’e it - c e que cet ama*
de lettres écrites avec tant de p rofufion , & gardées avec
tant de foin par une femme q u i, fi elles avoient été vé
ridiques, auroit dû les effacer de fes larm es, & que prou
vent-elles en ju ftic e , fi ce n’eft les mauvais defl'eins de
Madame la Préfidente d’Abbadie contre fon m a r i, & le
défir dont elle brûloit de le faire interdire.
C e n’eft pas tout : Madame la Préfidente d’Abbadie n’ayant
pu faire attefter par des M édecins de Pau que fon mari avoit
été fou à Pau en 1782 & 1783 , l’a fait attefter hardiment
par fon M édecin de Paris. E lle a fait plus : elle a fait at
tefter par ce M édecin que M . le Préfident d’Abbadie mourra
�5*
infailliblement dans la dém ence. V o ic i le certificat qu’elle
a obtenu de la complaifance du fieur B o r ie , le 6 f é v r i e r
1784..
» Je certifie que M . le Préfident d’A b b a d ie, que j’ai
» fuivi depuis le mois de mai de Tannée dernière jufqu’à
» fon départ, eft parti en novem bre 1783 dans le même
» état de démence dans lequel il étoit depuis deux a n s,
» lors de fon arrivée à P aris, & qu’il eft bien à craindre
» que fa maladie ne foit parvenue à l’incurabilité ; en foi
» de quoi j’ai figné la préfente déclaration. Borie.
Fixons un inftant nos regards* fur ce certifica t, q u i,
avec celui du 6 mai 1783 , a déterminé à Pau l’interdic
tion provifoire de M . le Préfident d’Abbadie. C ’eft une
des produ&ions les plus monitrueufes de l’intrigue & de
la mauvaife foi.
O n y diftingue trois articles.
L e p rem ier, c’eft qu’au mois d’avril 1 7 8 3 , lors de fon
arrivée à Paris , M r. le Préfident d’Abbadie étoit depuis
deux ans dans un état de dém ence.
L e fé c o n d , c’eft qu’au mois de novembre 1783 , lors
de fon départ pour le B é a rn , M . le Préfident d’Abbadie
étoit dans un état de dém ence.
L e troifièm e, c ’eft que la maladie de M . le Préfident
d’Abbadie eft probablement incurable.R eprenons
ces trois articles.
1°. A v ec quel courage le fieur B orie a - t - i l pu cer
tifier qu’au mois d’avril 1783 , lors de ibn arrivée à P a ris,
M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans dans un
état de démence ?
�3%
M. le Préfident d’Abbadie ¿toit refté en Béarn depuis
le mois de i'eptembre 1 7 81 iufques au mois d’avril 1783 }
le lieur Borie ne "l’avoit point vu dans cet intervalle.
2°. Com m ent a-t-il pu certifier qu’au mois de novembre
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie étoit dans un état de
démence ?
N ous avons des preuves littérales du contraire.
L e 8 novembre 1 7 8 3 , M . le Préfident d’A bbadie écrit
une lettre à fon régifleur qui vient de la lui envoyer pour
l’aider à confondre l’impoflure.
L e 10 novembre 1783 , le fieur O livier , l’homme de
confiance de Madame d’A b b a d ie , rend compte à M . le
Préfident d’Abbadie de fes revenus du P o ito u , dont il avoit
livré deux jours auparavant, à Madame -d’A b b a d ie , le reliquâ montant à 3 5,000 liv.
L e 11 novem bre 1783 , M . le Préfident d’Abbadie fait
aiïigner
le fieur O livier en reftitution de cette fomme.
ü
L e 1 3 novembre 1783 , veille du départ de M . le Préfident d’Abbadie pour Pau , Madame la Préfidente d’Abbadie
lui fait compter 6000 liv. & en retire fa reconnoiffance,
ainfi qu’il eft établi par la tranfa&ion du 2 Juillet 1784..
Ec c ’eft dans ces circoniïances que Madame la Préfïdente d’Abbadie fait certifier qu’au mois de novembre
1783 , lors de fon départ pour le B éarn , M ‘. le Préfident
d’Abbadie étoit dans un état de démence ! C o m m e n t peuton trahir la vérité avec auifi peu de pudeur!
30. Enfin par quel génie le fieur Borie étoit-il infpiré
quand il a prédit que M . le Préfident d’Abbadie mourra
vraifemblablement dans la démence ? O ù avoit-il puifé ce
préfage finiftre? L a nature lui avoit-elle révélé tous fes fecrets ?
�h
cfets? L ’art avoit-ü déployé à fes yeux toutes Tes rciTource«?
A veu gle qu'il étoit ! il né voyoit pas fétat préfent de M .
le Préfident d’Abbadie , 6t. il vouloit prévoir fon état
avenir !
Il certifie que la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
eft probablement incurable : mais Madame la Préfidente'
d’Abbadie mandoit à fa belle-m ère, par fa .lettre du 25
octobre 1785 , qui eft à la page 21 de fon mémoire im
primé , que le }leur Borie, lui faifoit efpérer la gtièrifon
totale de M'. le Préfident etAbbadie. Par quelle étrange con
tradiction ce m édecin, qui n’avoit plus vu M. le Préfident
d’Abbadie depuis le mois de novembre 1 7 8 5 , époque de
foii départ pour le Béarn , a-t-il donc certifié au mois de
février 1 7 8 4 , que fa maladie paroiiloit ótre parvenue à
l’incurabilité !
L ’événement a démenti fon aflertion à ce fujet : deux
médecins qui ontvifité , Tannés dernière, M. le Préfident
d’Abbadie depuis le 3 mars jufques au p m a i, ont déclaré
dans leut rapport que fa maladie eft curable, qu’elle a cédé
au temps ôt aux rem edes, fi elle a été jamais telle qu’on la
Jeura dépeinte, ôc qu’il eft dans un état habituel de raifon.
Mais ce qui doit le plus frapper les efprits à la vue du
certificat du 6 mai 1783 , ce n’eil point la foibleife que le
fieur Borie a eue de l’exp éd ier, c’eit le courage que
Madame la Préfidente d’Abbadie a eu de fe le faire déli
vrer. E lle ne va point demander à fon médecin des fecours .
pQur M . le Préfident d Abbadie; elle va chercher une arme
nouvelle contre lui. E lle n’eft pas en peine dè favoir com
ment on pourra le guérir; c ’eft: aflez qu’on lui certifie qu’il
ne guérira jamais.- E lle faific l’annonce de l’incurabilicé
E
�34
de M . le Préfident d’Abbadie comme une autre femme
faifiroit l’annonce de la guérifon prochaine de fon m a ri,
& elle garde pen d an t des années entières ce pronoftic
funefte & défefpérant avec le même foin que fi elle y
trouvoit l’alim en t de fes efpérances & une fource de confolations.
Je ne fais pourquoi ce certificat n’a été ni imprimé au
C hâtelet, ni lu à cette audience, à moins que Madame
la Préfidente d’Abbadie n’ait craint l’indignation que devoit
faire naître contr’elle une pièce auffi révoltante, & qui
la d ém afque il bien aux yeux du public. Mais il a exifté ce
certificat odieux : il a été annexé à la procédure de Pau,
où il a produit fon effet; il a été annexé à la procédure
du Châtelet, où il a été regardé avec horreur; nous en
avons une copie expédiée par le Greffier du Châtelet ; il
n’eft plus temps de le fupprimer, l’efprit qui l a difté efl
à découvert.
C e certificat efl digne de figurer à côté de celui du
6 Mai 178 3 , qui enhardit Madame la Préfidente d’Abbadie
à envoyer fon mari dans une maifon de force. Ils font
fortis de la même fabrique; ils avoient la même deftination : ce font deux monumens des machinations de Madame
la Préfidente d’Abbadie, contre fon mari, & de la com
plicité du M édecin qu’elle avoit aifocié à fes coupables
projets.
O n a plaidé qu’ en 1 7 8 4 , pendant fon féjour à Pau
M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter deux chèvres
qu’il vouloit atteler à fa v o itu re , ôc deux oyes à, qui il
youloit apprendre l’alphabet..
O n ne dit pas qu’il ait fait atteler des clièvres à fa
�5?
^
voiture , ni qu’ H ait prononcé l’alj h i l e t devant des oye.3,
pour le leur apprendre ; on dit feulement qu il a voulu
le faire. Mais par quels lignes certains cette intention
s’eft-elle manifeftée? ceft ce qu’on ne fait pas.
Au mois d’Avril de l’année dernière, M . le Prérident
d’Abbadie a touché, dit-on, du bout de Ton manchon dans
le jardia des Tuileries, la ftatue qui repréfente le Tibre.
Madame d’Abbadie a dit dans fon Mémoire imprimé, qu’il
avoit donné un coup a cette flàtue, pour la punir de ce
qu’elle ne lui parloit pas; on reconnoit à ce tra it, le génie
familier qui veille iur M . le Préfident d'A b b a d ie, qui
connoît fes peniees mieux que lui-m êm e,
qui devine
lorfqu'il fait acheter des chèvres, que c’eft pour les atteler
à la voiture, lorfqu’il fait acheter
des o y e s , que c’eft
pour leur apprendre l’alphabet. Mais fi M . le Préfident
d’Abbadie étoit infenfé, fes a£tions ne feroient-elles pas
allez parlantes par elles-mêmes , & auroit on befoin de
deviner fes intentions, pour le convaincre de démence?
Dans le fait, M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter
deux chèvres en 1 7 8 4 , pour l’ufage auquel elles devoient
fervir naturellement, il les a envoyées dans fa terre de
B izanos, d’où on lui apporroit du lait tous les matins.
L ’oye eft un aliment qu’il aime ; il en a fait engraifler
deux en 1 7 8 4 , parmi des poulets, des canards, des
dindons & des volailles de toute efpèce, qui garniiToient
& qui garnilfent en core, fuivant l’ufage de la P ro v in ce ,
la bafTe-cour qu’il a dans fa maifon de Pau.
C eu x qui lui ont attribué l’intention fecrette de faire
atteler des chèvres à fa voitu re, & d’apprendre l’alphabet
à des o y e s , n’ont fait que lui appliquer l’hifioire d’un
E ij
�¿6
fameux fou du Béarn, nommé B erd u c, dont la tradition
tranfmet les folies depuis 40 ans, dans cette province.
L e nommé D o u c e r , qui étoit en 178 4 , le Cocher &
i’efpion de M . le Préfident d’A bbadie, & qui a paffé depuis
au fervice de Madame fon époufe, ne parle point dans
la déclaration qu’il a faite le premier O & obre 1 7 8 ; , en
l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , du prétendu projet de
faire atteler des chèvres à une voiture : c’eût été lui cepen
dant qui auroit été chargé, comme C o c h e r, de ce bizarre
attelage, fi M. le Préfident d’Abbadie en avoit conçu l’idée,
& il ne lui auroit certainement pas fait grâce de cet écart,
s’il avoit eu le plus léger prétexte pour le lui imputer.
A u furplus, & c’eft ici le mot décifif, fi des témoins
de Pau ont été auffi complaifans pour Madame la Préildente d A b b a d ie, que fon Médécin de Paris, & s’ils ont
eu la témérité de dénaturer les actions les plus raifônnables
de M . le Préfident d’A b b a d ie , par l’extravagance des
motifs qu’ils lui ont attribués, leurs dépofitions ne font
d ’aucun poids dans la caufe ; les enquêtes ont été annullées
par un Arrêt du C on feil; Madame la Préfidente d’Abbadie
n ’a à l’appui de ces faits que fa fimple allégation , qui eft
pleinement détruite par la dénégation formelle de M. le
Préfident d’Abbadie.
Il ne refie que les deux lettres des 18 Juillet & 16 A oû t
1781 : mais qu’importe que M . le Préfident d’Abbadie
ait eu , il y a iïx ans, deux mrtmens d’abfence , & quelle
connexité y a t-il entre ces nccidens anciens 8? psifagers,
& l’état a&uel & habituel de M . le Préfident d’Abbadie?
C ’eil fon -état préfent qu’il faut juger,
accidens paiTés-
&
non pas feà
�37
Ces accidens n’ont point troublé fa correfpondance,
ni interrompu le cours de fon adminiflratipn , qui s’eft
conftamment foutenue jufau’au moment actuel.
Ses parens, fes amis, fes g«ns d’affaires lui ont envoyé .
quelques-unes des lettres qu’il leur avoit écrites, & lui
ont accufé la réception de beaucoup d’autres; ces lettres
prouvent qu’il a entretenu fans ceife toutes fes relationsd’intérêt, de bienféanpe & d’amitié.
Il faut voir fur-tout fon administration depuis 1781 ,
«5poqueà laquelle on fait commencer fa prétendue démence:
c’eft la meillem-e défenfe qu’il puiOe fournir, c’t'ft le triomphede fa caufe.
Par Procès-verbal du 30 Juin 1781 , M . le Préfident
d’Àbbadie exerce le retrait féodal d’un bois , moyennant
la fomme de 3661 livres.
Par a£te du 2 Mars 1 7 8 2 , il fait le rachat d’une rente
foncière de 24.0 l i v . , moyennant une fomme de 4800 liv.
P a ra tìe du 18 Juillet 1782 , il acquiert pour la fomme
de 4788 liv. 17 fols 6 deniers, un bien-fonds dont Madame
fa mère a exercé
le retrait cenfuel comme dame de
Bizanos.
Par autre a£te du 25» du même m o is, il acquiert pour
la fomme de
livres, un autre bien -fon d s dont
Madame fa M ère a pareillement exeixé le retrait cenfuel.
Par afte du 3 Octobre 1783» il acquiert des droits
de féodalité &: de cen s, qui fe trouvent à fa bienféance.
Par afte du 22 O ttobre
1 7 8 4 , il çonfent un bail à
rente d’ un terrein qui ne lui étoit d’aucune utilité.
Par atle du 14 Mai 1785 } trois jours après un fécond '
�38
Arrêt du Parlement a s Pau j qui confirme fon inter
diction provifoire » M . le Piéfident dA bbad ic dans
1 ignorance de cet A.riêt , acquiert une portion de la
dîme de C re m ille, aux environs de fa terre de SaintLoup.
Depuis 17S1 jufqu’en 1785’ , M. le Préfident d’ Abbadie
a fait chaque année quelque acquifition, malgré les fouftnclions que Madame fon époufe lui avoit faites en 1781
& en 1785.
C ’eft principalement après le décès de Madame fa M ère ,
arrivé dnns le mois d’Août 178 4 , que M . le Préfident
d’Abbadie a donné des preuves figna’ ées de fon économie
&. de la fageife de fon adminiilration.
Il étoit feul héritier de Madame fa m ère, & fpécialement chargé du f jin d’erécuter fon teilament, qui contenoit des legs confidéra! les.
A entendre Madame la Préfidente d’Abbadie .dans fon
Mémoire imprimé, (pag. 1 1 1 ) , fon mari n'a pas encore
acquitté une teule difpofition du teftament de Madame
fà mère, ôc s’eft montré par le fait incapable du foin qu’elle
lui avoit confié.
1
Com m e le menfonge prend dans cette caufe le ton
d’affurance qui ne convient
qu’à la vérité! voici des
quittances d’environ 30000 livres, que M . le Préfident
d’Abbadie a payées dans les deux premiers mois qui ont
fuivi le décès de Madame fa mère, pour 1acquit dune
partie des legs- contenus dans fon teftament. Elle lui
avoit accordé quatre ans de terme, à la charge de payer les
intercts ; il a mieux aimé en bon Adminiftrateur éteindre
ces intérêts que garder des deniers oififs dans fa calife.
�39
E t d’où provenoient ces 30000 livres? des épargnes
q u eM . le Préfident d’Abbadie avoit faites fur 40000 liv. de
rente. T e l eft l’Adminiftrateur que Madame fon époufe
veut faire interdire comme incapable d’adaiiniftrer. Y eutil jamais de plus folle entreprife ?
A la vue d’une adminiflration auili f a g e , fi le concours
du Miniftère public n’étoit point néceffaire dans cette
caufe , vous vous lèv erie z, M eilleurs, emportés par le
fentiment de l’équité qui vous prefle ; vous vous hâteriez
de confirmer ¡a Sentence du Châtelet, 6c de mettre fin à
cette perfécution.
Q u e Madame la Préiident.e d’Abbadie faiTe dans l’inter
valle
de
1781
à
1785* ,
des
approvifionnemens
de
certificats & de lettres miilives fur l’état de fon mari-,
qu’elle le faffe décl-rer fou par les correfpondans, incurable
par fon M édecin, & digne d’être enfermé dans une Maifon
de F c r c e ; qu’elle s’exerce avec fus fi.;ppôts à imaginer
des traits de folie , pour ies lu-' attribuer , qu’elle s’amufe à le couvrir de ridicules, & à en faire aux yeux dit
public un objet de cérifion : ces jeux de l’intrigue & de
la malignité n’effaceront point les preuves de l’économie
de M. le Préfident d’ALbadie, &. n’exciteront pas fur fon
compte les alarmes d e là J u llic e , qui n’eft point en peine
de favoir quelles ont pu être quelquefois i'es idées fugitives,
& à qui il fuffit de voir quelle cil dans tous les temps fon
adminiftration.
L es années 17??, &
1784 que M. le Préfident d’Abba
die a paffées en Bearn n’ont cm de remarquable à fon égard
que la ceffation
de fes fondions ; fon zèle l’aj pelloit au
P a la is .. mais une indiferétion cruelle, lui en interdifoit l’eu-
�\
40
trée. Ses deux lettres de 1731 , dont Madame fon époufe
'
¿toit nantie, avaient été colportées dans la ville de Pau-,
& y avoient répandu contre lui les impreilîons les plus fa-
cheufés. Il redotftoit les regards du public prévenu; il
c ra ig n o it d’avoir à rougir dans le fanchnire de la Juftice :
fa modeftie ne lui permetcoit pas de fonger que la tache
\ des accidens qu’il avoit éprouvés y feroit effacée par la
gloire qu’il y avoit acquife : fa retraite comme Mngillrac
prouve l’excès de fa ienlibilité de de fa déiicateife ; mais
fon adminifiraticn comme père' de famille prouve qu’il
eft en é t a t . d’adminiilrer par lui-même , 6c c’efi: le père
de famille qu’il faut juger maintenant, & non pas le Magiiîrat.
Le décès de Madame fà mère a été fuivi dtj près de ce*
lyi ci..; (leur de Bordn fon oncle- C e Fermier-Général eil
déeé-;é le 3 Novembre 17S4. Tous deux avoient confié
à M. le Préiï lent d’Abbadie l’exécution de leurs teflamens.
Iis ne s’étoie-nt point aveuglés fur fon état; ils le connoffeient mieux que Madame fon époufe, qui ne vivolt
pas avec lu i, fit ils lui avoient continué l:ur confiance
la plus entière jufqu’à leur dernier moment.
Madame la Prélidente d’Abbadie attendoit depuis 178^,
dans la maifon du fieur de B o r d a , l’ouverture de fa
fucceffion , refolue de s’en emparer à quelque prix que
ce fût. Elle, avoit lniffé jufqu’alors à M . le Préfident
d’Abbadie la libre ad mi nift ration de fa perfonne ôt de
fes bi ens, quoiqu’elle feignit de croire qu’il etoit depuis
1781 dans.un état de démence, fic elle sxétoit contentée
de s’emparer deux fois d’une partie de fes revenus; mais
quand elle vit deux ou trois millions que la fuccefiion
du fieur de Borda offroit à foa mari, elle ne garda plus
de
�ft
de m efu re, c’étoit le moment où elle devoit recueillir le
fruit de fes intrigues & de fes machinations.
M e Bourgeon, Procureur au C h â te le t, avoit aififté à
i’appofition des fcellés dans la maifon du fieur de Borda,
■en vertu de la procuration qiie M . le Préfident d’Aèbadie
& Madame fa mère avoient envoyée le premier Décembre
1785 , au fieur D etchegaraî, chacun pour fon
intérêt
perfonnel; cette précaution déplut à Madame la Préfideite
d’A bbadie, & lui rendit Le fieur Detchegaraî encore plus
odieux.
Il fe forma d’abord deux partis dans la famille, dont
chacun vouloit adminiftrer au nom de M . le Préfident
d’A b b a d ie, s’il reftoit en Péarn , mais qui fe réunirent
pour le faire interdire, quand ils le virent arriver à Paris,
dans
le deifein d’adminiftrer par lui-même.
Ces partis étoient compofés, l’un du Marquis & d e la Marquifedu Coudrai,l’autre de Madame laPréfidente d’Abbadie,
6c des intrigans qu’elle avoit aiTocics a fes efpérances. Ces
deux partis s’adreifoient à M . le Préfident d’Abbadie luim êm e, pour obtenir fa procuration. Lamarquife du Coudrai
agiiïoit avec fa franchife naturelle ; Madame ü’Abbadie
plus adroite faifoit mouvoir en fi faveur les reiforts de
l’intrigue. C ’eft dans leur correfpondance avec M . le
Préfident d’A b b a d ie , & dans celle des partifans de M a
dame la Prélidente d’Abbadie que
nous allons voir les
divers mouvemens qu ils fe font donnés pour obtenir fa
confiance, refolus de le perdre s’ils ne pouvoient pas y
réufiii*.
L a Marquife du Coudrai a écrit cinq lettres à M . 1»
F.
�' 42
*
'
Préfident d 'A bbadie, 1e s * , 9 , \S , 23 6c 47. N ovem bre
1784.
. Dans celle du fix , elle lui accufe la réception de fa lettre
du a i O fto b re p récéd en t, qui lui a f a i t , dic-elle, grand
plaijîr, &
qui par cette raifon ne pacoh point dans, la
caufe. E lle lui mande que les affaires de la fuceeffion du
iieur de Borda font Amples.
/
» Il feroit donc déiirable, ajoute-t-elle, que vous vinflïex
» ic i, pour les diriger vous-même.
Dans celle du n e u f N o v e m b re , elle lui demande fa pro
c u ra tio n pour un homme en qui elle a de la confiance^
rnais que M . le Préfident d’Abbadie ne co n ço it pas.
Dans celle du 16 f elle lui indique un autre Procureur
fondé, & lui envoye un projet de procuration.
Dans celle du 23 , elle lui accufe la réception de fa
lettre du 11 du même mois , qui ne paroît pas dans la
C a u fe , parce qu’elle eft bonne , & elle le prefle d’envoyer
Ci procuration à l’homme qu’elle lui a défigné.
Dans celle du 2 7 ., elle lui accufe la réception de fa
lettre du 1 3 , qui ne paroît pas plus que les deux autres,
& elle lui dit: « T o u tes vos peines, au p aflé, au préfent
» & à l’a v e n ir, ont é t é , font &
feront toujours
les
» m ien n e s, par mon attachement pour ma fa m ille , &
» pour vous en particulier.
I c i , M eilleu rs, fe préfente 11ne réflexion bien naturelle.'
L a Marquife du Coudrai & fon mari dont elle étoit
évidem ment dans cette occafion l’interprète & l’organe,
engagent M . le Préfident d’A b b ad ie, dans le cas où il
ne viendroit point diriger lui-même fes affaires, d’envoyer
fr procuration à un homme qu’il* lui défignent. Ils preférent
1
�un étranger à Madame la Préfidente
d’A bbad ie, qu’ils
ConnoiiToient par eux-m êm es, avec qui ils écoient dans
la maifon -du fieûr de B orda, ÔC qu’ils voyoient à Paria
depuis vingt mois. Ils ne la jugent point digne de la
confiance de fon M a ri; ils perfiftent pendant plus d’un
mois dans le .parti qu’ils ont pris de l’exclure des fonftiona
de fimple mandataire; com m ent l’intrigue a-t-elle pu de*
puis leur fafciner les yeux , & leur faire envifàger M . le
Préfident d’Abbadie com m e digne d’interdi& ion, 6c M a
dame la Préfidente d’Abbadie comme digne de la Curatelle?,
D e fon c ô t é , Madame la Préfidente d'Abbadie a écrit
deux lettres à fon M a r i, dans le cours du mois de N o
vembre 1784.
- » Je fens, lui dit-elle, dans la première en date du 6 ,
» com bien la perte de votre oncle va vous affliger, &c
» ;e voudrois bien
être avec vous pour adoucir votre
»chagrin . . . Je vous envoye une expédition du tefp tament de votre o n c le , par laquelle vous verrez les
» preuves qu’il vous donne de l’attachement particulier
» q u 'il avoit pour vo u s, en vous nommant fon E xécuteur
» teftamentaire. L es fcellés ont été appofés ; vous appren» drez avec le plus grand étonnement que M . D etch e» garay, abufant d e là procuration que vous lui avez don
» n ée, conjointem ent avec feue M adame votre m ère, s’eft
» préfenté avec un Procureur au ChâteJet, pour aflifter à
» l’appofition des fcellés; cette démarche a caufé un vrai
» fcandale dans 1* maifon j il aurait dû fa v o irq u e , dans
» les circonftances où nous nous trouvons, il riy a que
v moi (¡ni
vous repréfenter, & porter à vos'intérêts
» & à ceux de nos enfans toute l’attention cu’ik mûrirent u.
■
�44
( le S r d’Etchegaray ne favoit pas cela ; il penfou à cet égard
comme le Marquis ôt la Marquife du Coudrai, comme toute
la famille, & comme M. le Préfident d Abbadie lui-même).
L es tentatives du Marquis & de la Matquife du C o u
drai, pour faire donner à un étranger la procuration de
M . le Préfident d’Abbadie, dans le cas où il ne viendroit
pas diriger lui même fes affaires, jettoient Madame la
Préfidente d’Abbadie dans un grand embarras. E lle n’ofoit
pas leur réfifter ouvertement
ni demander pour elle-même
la procuration de fon mari, dont elle ne pouvoit pas fe difiîmuler qu’elle avoit perdu la confiance. E lle prit le parti de
la faire folliciter par des tiers, & pour mieux ailurer fon fucc è s, elle invita M . le Préfident d'Abbadie à confuiter, fur le
choix de fon mandataire, des Avocats de Pau , qui, prévenus
par les agens de Madame la Préfidente d’A bbadie, devoient
naturellement lui donner la préférence; en tout événement,
elle fongea à attirer M . le Préfident d’Abbaçlie à Paris, dans
le foyer de la confpiration, pour avoir la facilité d’obtenir
fa confiance, ou de le perdre s’il la lui sefufoir.
» Il eft trop jufie, lui difoit-elle, par fa. lettre du &
» N ovem bre 1 7 8 4 , que fur des affaires ayifi importantes
» vous preniez un parti avec nos confeils & nos amis
» communs; le meilleur de tous, feroitr, mon cher mari,
» d e vous rendre ici; vous e n
sen tez
» vos a f f a i r e s
présence.
e x ig e n t
vo tre
la
n é c e s s ité ,
V ous fentez
» tout l’embarras qu’éprouveroient les affaires, fi nous ne
x pouvions les traiter que par correfpondance ; je ne puis
» vous le diifimuler, je ne laiife pas d’avoir bien des
» chofes à fouffrir, par les altercations fréquentes qui me
» font faites de la part de M . le Marquis & M adame la
�4Î
»M arquife du Cdudrai. Sans>douter que M . Huftafti: 'ner
» manquera pas de vous écrire pour vous faire part dç<
» Tes obfervatigns fur la conduite £i tenir.
M ?. H ü t t e a u .A v o c a t en la C o ur , étojt depuis dix ans
iam i de M . le Pfélident d’Abbadie , fon confeil & fon
défenfeur dans toutes fes caufes ; ce n’avoit été; que dans
celle,des 35,000 livres enlevées par Madame la Préfidente
d!Abbadie. qu’il avoit cédé à M u. Martineau le foin de le
défendre. Il écrivit à M. le Président d’Abbadie le 8 N o virnbre >784, uné longue lettre dans laquelle il fe plaint
d’.abord , de ce que le fieur d’Etche^aray.a.aififté aux fcellés
en vertu de fa procuration générale* ’( Madame la Préfi
dente d’Abbadie s’en plaignoit auflî ) & lui marque qu’il
ne peut fe difpenfer de défavouer ce qu’afait le Procureur
au Châtelet d’après cette procuration gén érale, dont il a ,
ajoute-t-il , (i indignement abufé. ( Q u e l grand abus pouvoiril donc y avoir dans la iimple ailiftance du Procureur de
M . le Préfident d’Abbadie à l’appoiition des fcellés ! )
« L e vrai mot de tout c e la , continue M e. Hutteau j eft
» l’avidité du Procureur au Châtelet qui, pour fon intérêt
» perfonnel, n’a pas craint de faire un aile injurieux à v o u s ,
» M . le Préfident, & à votre famille.
» C e premier point arrêté, qu’allez-vous faire aihielle» ment? Il y a les fcellés à le v e r, l’inventaire à faire; if
» faut prendre qualité
dans la fucceiTion, délivrer
les
» legs, & c . Pour toutes ces opérations fi férieufes, fi im» portantes , qui embraiTent des objets fi confidérables ,
» J e CROIS QUE VOTRE PRÉSENCE SEROIT ABSOLUMENT INDIS-
jd p e n s a b l e . ( Madame la Préfidente d’Abbadie le lui avoit
» marqué auiTi) au moins ne pourroit-on fuppléer à votre
�» abfence que par une procuration méditée & concertée
» pour que vos intérêts ne puiflent être compromis en
» rien; mais q u a n d il s’agit de procuration , il y a toujour*
» deux
ch o fes
eflentielles à confidérer , l e c h o i x
de la
» p e r f o n n e qui n o u s reprefente, & l’objet des pouvoirs
» q u ’ o n l u i donne.
M e. Hutteau a eu la difcretion de ne pas s’expliquer
ouvertement fur le choix de la perfonne; il favoit qu'il
n’étoit pas aifé de faire tomber ce choix fur Madame la
Prélidente d'Abbadie ; il a renvoyé à cet égard M . le
Préfident d’Abbadie à fes Confeils de Pau. (M adam e la
P ré fid e n te d’Abbadie l'y avoit renvoyé auiïi)
» O n doit vous laiiler le temps , difoit-il, de prendre
» votre parti avec les Confeils éclairés que vous avez à
» Pau ; peut-être aufTi defirerez vous avoir le temps de
» vous entendre, & de vous concerter avec moi.
11 entre enfuite dans une diflertation profonde fur les
qualités & les droits de M . le Préfident d’ A bbadie, dans
la fucceiïion de fon o n c l e , & il finit par lui dire:
i° V o i l à , M . le Préfident, mes obfervations; Je vous
i .es
soum ets
; que ce fuffrage eft précieux pour M . le
Préfident d’Abbadie ! c’eft un Jurifconfulte , fon ancien
C o n le il, le Confeil dciigné de la Curatelle, qui lui foumet
.les obfervations, au mois de N ovem b e 1 7 8 4 , à la veille
de la pourfuite de fon interdiction.
M e. Hutteau étoicTi éloigné de regarder M . le Préfi
dent d’Abbadie comme infenfé , qu’il lui a écrit dans le
courant du même m o is, trois autres lettres., dans l’une
‘ tlefqùelies, qui eft du 27 N o v e m b re , il lui recommande
fur-tout de ne donner fa procuration qu’à une perfonne
" ’il ço;;ncîi;.i panic^Hèrencnt & par Uti-mcmcy. cîe co:i-
�*7
fulter à P a u , fur fon c h o ix , & de né pas compromettre
fa fortu n e, par ¡es fa its de quelque, krangtr qu’il ne connût*
iroitpas.
C es derniers mots tendoient à i’excluficm du Procureur
/
fo n d é , défigné par le Marquis 6c la M arquife du C o u d rai,
qui écoit inconnu à M . le Préfident d’Abbadie ; exhorter
d'ailleurs c e Magiftrat à confulter fur le ch oix d’un man
dataire, à Pan où M adame la Préfidente d’Abbadie avoit
des
agens qui lui étoient aveuglém ent d évo u és, c’étoit
s*aiTurer qu’elle feroit défignée par préférence à tout
autre.
M . de C h e ra u te , Confeiller au Parlement de P a u ,
a prévenu l’avis des A vocats ; il fe flattoit apparemment
d’avoir aiTez de crédit auprès de M . le Préfident d’A b b a d ie,
pour déterminer fon choix en
faveur de M adame fon
époufe. I l lui a écrit à ce fujet, le 27 N ovem bre 1784.
» Sans doute, lui d it-il, que le foin de cette importante
» fucceflion vous d¿terminera d’aller à Paris , Ci votre
» fanté vous le permet ; 6c fi elle ne vous le perm ettoit
x> p a s, vous donnerez, votre confiance à quelqu’ un.
» C e foin regarde naturellement M adame la Préfidente
» d’A bbadic, . . . j’apprends avec le plus v i f chagrin qu’on
» travaille à voue déterminer à lui refuier votre confiance,
» 6c à la donner à d’autres . . .
S i vous ne com ptez
» pas fur fon exp érien ce, ôc fur le choix qu’elle feroit d’un
» bon C o n fe il,
qui vous e m p ê c h e , M o n fieu r, de lui
» en indiquer u n ,
de l’avis de
qui elle fe conduira,
» SUR LES INSTRUCTIONS QUE VOUS LEUR DONNEREZ ü ’iCI.
» J e penfe donc M onfieur, que la re lig io n , l’honnêteté
» & la décence vous impofent la loi d’accorder votre
�»"confiance à ¿elle qui unie à vous par les liens les plus
» facrés, partage-. . • votre tendrdfe pour vos enfans,
» & tous les biens 6c les maux qui vous arrivent, & c. & c .
R e m a r q u e z , Meilleurs, le iuffrage honorable qui réfulte
de te lettré de M . de Cheraute, en faveur de M . le Préiident
d’Abbâdie.
G ’eil un Magiftrat
du
Parlement de 'Pàu^
qui juge M . le Préfident d ’Abbadie capable de diriger
P a r ses i n s t r u c t i o n s
perfonnelles Madame la Préiidente
d’Abbadie ôc fon Confeil.
Devoit-on s’attendre à voir
ce Magiftrat ouvrir.peu de temps après, dans une aifemblée
domeftique, l’avis de l’interdi&ion
de M . le Préfident
d’Abbadie?
Q u o i qu’il en fo it, M . le Préfident d’Abbadie n’a pas
c r u , malgré fa déférence pour les lumières de M . de
C héraute, que la religion lui impofât la loi de confie^
à fou époufe le maniment de deux ou trois millions.^
& il ne fç fentoit pas naturellement difpofé à la charger
du fardeau d u n e adminiftration auifi importante. Cepen
dant comme M e H utteau, fon con feil, en qui il avoit mis
toute fa confiance, l’ exhortoit à confulter des Avocats
de P a u , fur le choix d’un Procureur f o n d é , dans le cas
fih il ne vi en droit pas à Paris, & qu’il* héiitoit de faird
ce voyage dans le mois de Décembre 1 7 8 4 , il a chargé
le fieur A bbé d’Erchegaray • fon coufin., fon am i, & fort
voiiin dans le pays de S o û le , où il étoît alors, d’ailer
prendre à Pau l’avis de ces Jtirifconfultes, fe refervant
de prendre enfuite par lui,- même tel -parti qu’il jùgeroit
convenable.
ta
quefiion a
été
propofée aux A vocats de P a u ,
dépouillée dçs circonflances particulières qui auroient pu
éclairer
�49
éclairer leur opinion. Us ont décidé que fi M . le PréiHent
d’Abbadie n’alloit point diriger lui-même fes affaires à
Paris, il devoit
envoÿer fa procuration à Madame fon
époufe. Mais M . le Préfident d’Abbadie s’eft déterminé
' à fe rendre dans cette C ap itale, malgré la rigueur de la
faifon, malgré l’accablement dans lequel l’avoit plongé la
mort de la mère & de fon oncle.
11 eft arrivé à Paris le 29 Décem bre 1784., avec l’Abbc
d’Etchegaray ; Ils fe font réunis dans l’hôtel du fieur de
Borda à Madame la Préfidente d’Abbadie , à íes enfans., au
Marquis & à la Marquife du Coudrai. Il n’étoit point de
la dignité de M. le Préfident d’A bbadie, d’aififter jour
nellement aux opérations préliminaires, telles que la levée
des fcellés & l’inventaire, 6c comme ces opérations étoieut
urgentes , &
que la Marquife
du
Coudrai
lui
avoit
mandé dans toutes fes lettres qu’il n’y avoit pas un inftant à
perdre, il a d o n n e le 30 Décem bre 1 7 8 4 , une procura
tion fous feing p rivé, en attendant que la fatigue du
voyage lui permît d’aller la donner pardevant 1Notaire ,
au fieur d’Etchegaray fon coufin , dont il avoit éprouvé
le zèle & la fidélité dans diverfes occafions, & fmgulièrement dans l’affaire des 3.6000 livres dont il lui avoit
fait reflituer m e partie. ■
» M a is , a-t-on d it, M . le Préfident d’Abbadie en don» nant au fieur d’Etchegaray le pouvoir
d’aflifter à la
» le v é e des fcellés, & à la confettion de l’inventaire,
» lui a d o n n é aufii le pouvoir de fe faire remettre le?
' j» titres & papiers de la fucceifion : il a livré une fortune
» immenfe à un homme fans état, &
qui avoit( deux
G
�»procès,
S °t
l’un en la C o u r , l’autre au C h â te le t, où il
» avoir été décrété d’ajournement perfonnel. Madame la
» Préfidente d’Abbadie n’a-t-elle pas dû s’alarmer en voyant
» la confiance de ion mari ii mal placée, & prendre les
» mefures les plus promptes pour en prévenir l’abus ?
N o n , Madame la Prélîdente d’Abbadie ne devoit nifuf*
peder le fieur d’Etchegaray à raifon de ces procès, ni
faire interdire ion mari , fous ce prétexte.
D ’abord, quel étoit le fujet des deu< procès que le
fieur d’Etchegaray avoit au commencement de l’année
178 j ? le voici.
i°. L e fieur d’Etchegaray avoit fait faifir une manufac
t u r e , fife à Paris, appartenante au fieur Texada Efpagnol,
fon débiteur d’une famine d’environ 20000 livres.
Le
fieur A rra g o n ,
autre Efpagnol j neveu du fieur
T e x a d a , avoit formé oppoiition à la iaiiïe, fous prétexte
que fon oncle lui avoit vendu peu de temps auparavant
cette manufadure.
L e fieur d’Etchegaray a foutenu que cette vente étoit
frauduleufe & n u lle , & l’a fait juger telle au Châtelet
avec dépens, dommages & intérêts.
Sur l’appel , le fieur Arragon a fait juger cette vente
fincère & valable.
L e tort du Sieur
d ’E tch ega ra y, dans ce p ro cès, a
donc été de n’avoir pas deviné avant de faifir la manufa& ure, que fon débiteur l’avoit vendue à fon neveu , &
d’avoir
cru
enfuite que
cette
vente
étoit
fimulée &
frauduleufe ; cette opinion que les Juges du Châtelet
avoient adoptée , ne le rendoit certainement pas indigne
tîc la confiance de M . le Préfident d’Abbadie.
�u
2*. L e procès pendant au Châtelet n’étoit pas plus grave*
L e Sieur A rra gon , débiteur d’une lettre de ch a n g e,
dont le fieur d’Etchegaray tftoit porteur, lui avoit mandé
en 1783 , qu’il ne la payeroit pas, & qu’il ne craignoit
point Tes pourfuites, parce qu’il s’étoit mis fous la pro•te&ipn. du
Confeil
de Caitille. L e fieur
d’Etchegaray
l ’avoit menacé de faire connoître fa mauvaife f o i , dans
les places de com m erce, s’il ne payoit pas. L e fieur
Arragon avoit reconnu fon to rt, & avoit payé.
Plus d’un an après, dans le mois de Janvier 1785',
dans ce môme mois où Madame la Préfidente d’Abbadie
envoyoit à Pau
le pouvoir de pourfuivre l'interdiction
de fon mari , J e fieur Arragon s’efl laiffé perfuader qu’il
falloit faire un procès
criminel au fieur d’ Etchegaray,
fur les prétendues injures qu’il lui avoit écrites en 1783.
Il a rendu plainte, ôt a furpris contre le fieur d’E tche
garay un décret d’ajournement perfonnel, qui eft intervenu
à propos pour accompagner à Pau la procuration tendante
à l’interditlion de M . le Préfident d’Abbadie.
M a is , qu’eil-il arrivé ? une Sentence du 24
Janvier
17 8 5 , a déclaré la plainte calomnieufe & vexatoire, a
déchargé le fieur d’Etchegaray de l’accufation , Ôc a
condamné le fieur Arragon aux dommages fit intérêts,
& aux dépens.
L e fieur Arragon a gardé le filence pendant près d’un
an: il vient d’interjetter appel de cette S e n ten ce, depuis
que la plaidoirie eit engagée en la C o u r , entre M . le
Préfident &
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , comme
fi ces deux caufes étoient faites pour marcher enfemble,
G ij
�p
& ponr fe prêter un fecours mutuel. Mais quand le fieur
Arragon feroit juger que le fieur d’Etchegan.y a eu tort
de fe plaindre à lui-même & à d’autres, de la mauvaife
foi avec laquelle il lui-refufoit en 1 7 8 3 , le payement
d’une lettre de change, quand il feroit accueillir une
plainte en injures rendue après plus d’ un an de filetice,
ce
qui répugne aux principes , cet événement n’enta-
cheroit point l’honneur du fieur d’Etchegaray, & ne le
rendrait pas indigne de la confiance de M . le Préfident
d’A tb a d ie.
Madame la Préfidente d’ kbbadie a donc eu tort de
feindre des alarmes pour la fortune de fon m ari, à raifon
des deux procès que le fieur d’Etchegaray avoit en 1785",
ôc j h s grand tort encore de l’avoir peint récemment
fous ce prétexte, comme un homme fufpeft, connu dans
les rI ribunatJx, & indigne de toute confiance.
Si M. le'Préfident d’A b b a d ie, en donnantau fieur d’Etche
garay le pouvoir d’aififter à la levée des
fcellés & à
l ’inventaire , lui a donné en même temps le pouvoir de
fe faire remettre les titres & papiers, il ne l’a pas autorifé
par là à toucher les effets au porteur, ni les deniers de
la fucceifion : l’argent comptant & les effets au porteur
ne font point compris fous Ja dénomination vague de titres
& papiers : onpourroit comprendre tout au plus, fous cette
dénomination , les contrats , les obligations , h’ s billets
à ordre ; mais ces fortes de titres de créance n’auroient
jamais pu courir aucun rifque dans les mains du fieur d’Etche
garay , puifqu’il n’étoit pas autorifé à en toucher le montant,
& à en donner quittance. Si M. le Préfident d’Abbadie
lui avoit confond un pouvoir aufli étendu , le lien du
�ir
f a n g , l’exemple de Madame fa m ère, Ôcla fidélité éprouvée
du fieur d’Etchegaray auraient iuPiifié fa confiance. Madame
d’Abbadie deman Je que la curatelle onérairefoit déférée au S r
Olivier, homme fans ¿ ta t, fans confiftance, décrété à la R e
quête de M. le Préfident d’Abbadie , pour fouilra&ion de
papiers de la fuccelîion du fieur de Borda; elle veut confier
à cet étranger la fortune de l'on mari, & elle fait un crime à
fon mari d’avoir voulu confier à fon coufin des titres 6c pa-,
p iers, qu’il n’a d’ailleurs jamais eus, qu’il n’a jamais réclamés,
& dont il ne pouvoit pas toucher le montant; 6c elle fe
flatte de colorer fous ce prétexte une interdiction odieufe
dont elle faifoit les préparatifs fecrets depuis quatre ans,
& qu’elle a pourfuivie après que le fieur d’Etchegaray a eu
requis lui-même le dépôt des effets 6c des deniers comp
tant de la iuccefiion ?
Mais li c’eft la crainte que le fieur d’Etchegaray n’abusât
de la procuration de M. le Préfident d’A bbadie. qui a
déterminé les pourfuites de Madame d’A bbadie, pourquoi
les continue-t-elle depuis u nan que le fieur d’Etchegaray
s’eft défifté de cette procuration ?
La procuration donnée au fieur d’Etchegaray n’eit évi
demment que le prétexte des pourfuites de Madame d’A b
badie; fon vrai m otif a été le refus qu’elle a efluyé d’une
procuration, à l’effet d’admir.iftrcr. La procuration ou l’interdittion: c’étoit le dernier mot d e là cabale : je le trouve
dans la lettre de M e Lom bard, A vo ca t à P a u 3 à Madame
d’Abbadie, en date du 3 D écem bre 178 4 , (p a g e 58 de
fon Mémoire imprimé).
» S ’il a un moment heureux , il reconnoitra la fageife ,
�» lanéceilitéde l’avis, (lavis des Avocats de Pau concernant la
» procuration) il l’exécutera.
» S ’il ne le fait p a s, lavis fera votre premier titre pour
» les mefures que vos intérêts communs exigent ».
E t ces mefures étoient, comme l’événement l’a prouvé
bientôt après, l’interdi&ion de M . le Préfident d’Abbadie.
Il étoit donc décidé que M. le Préfident d'Abbadie fe
démettrait de fon adminillration dans les mains de Madame
fon époufe, ou qu’elle pourfuivroit fon interdi&ion.
Il a annoncé ouvertem ent à fon arrivée à Paris, l’in
tention dans laquelle il étoit d’aJlminiftrer par lui-même :
M adam e d’ A b b a d ie &
fes aifociés ont
aulïitôt travaillé
fourdement à le faire interdire.
L e 26 Janvier 1 7 8 ? , à h premiere vacation de levée
des fcellés, le fieur d’Etchegaray a confenti, de fon propre
mouvement, fans que pe.rfonnc l'eût requis, que les effets
au porteur, ôc les deniers comptans de la fucceifion fuifent
remis à M c Quatremere, N o ta ire , qui s’en chargerait,
comme dépofitaire judiciaire. Il en a été référé pardevant
le fieur L ieutenan t-C ivil, qui, par fon ordonnance du même
j o u r , a donné a¿le au fieur d’ Etchegaray
confentement , & a
ordonné qu’il feroit
de fes dire &
procédé à la
reconnoitlance & levée des fcellés, & à l’inventaire , à
la requête de M . le Préiideut d’ /Vbbadie; en conféquence,
lès deniers comptans Sc les effets de la fucceifion du fieur
de Borda paifoient dans les mains du Notaire Sequeftre , à
mefure qu’ils fortoient de deiTous les fcellés.
M . le Préfident d’Abbadie étoit avec fon époufe , ôc
ne fongeoit pas à s’éloigner d'elle , quoiquelle l’eut accou
tumé à vivre f e u j, par un long divorce. L a fucceilion
�¿toit en dépôt, & ne couroit aucun rifqu e, en attendant
le partage auquel M . le Préfident d’Abbadie vouloit aiïlilet
lui-même ,
mais qui n'étoit pas li prochain.
Il n’a voit
eu recours jufqu’alors qu’à M c Babille fon nouveau C o n f e il,
pour les ?. flaires de la fucceillon , & à M e Hutteau fon
Confeil ancien & habituel, comme il venoit de le ddclarer
à la vacation du a i Janvier 17 8 y : c ’eft dans ces circons
tances que , par a d e du 30 du même mois , Madame
d’A'bbadie a donné pouvoir à un Procureur au Parlement
de Pau ,
dt.‘ pourfuivre l'interdiction de fon mari , ôc
de demander la curatelle honoraire pour elle, h curatelle
onéraire pour le fieur O liv ie r , à la charge de lui rendre
compte tous les trois mois , ôc la nomination de M c Hutteau
pour confeil de la curatelle.
» Si mon mari avoit été à m oi, a-t-elie dit à cette audience,
» jamais je n’aurois fongé à le faire interdire ».
A qui étoit-il donc dans le mois de Janvier 178$’ ,
quand vous avez envoyé-à Pau le pouvoir de pourfuivre
fon interdittion ? A qui étoit-il dans le mois de F évrier,
quand vous l’avez pourfuivie ? N ’étoit-il pas à vous, & à
vous feule? N e demeuroit-il pas avec vous & avec vos
enfans ? Il étoit fans défiance au fein de fa famille, &
vous aviez profcrit fa tête ; il vous traitoit comme fon
époufe , ôc vous contempliez en lui votre victime ; il
vous auroit confacré fa vie , ôc dans l’attente de fa mort
civile que vous aviez demandée , vous comptiez le peu
de jours qui lui reftoient en core, impatiente de voir arriver
le^dernier : voilà donc le prix du facrifice qu’il avoit fait
de toutes fes prétentions, en vous donnant fa main ; voilà
la récompenfe de 1 amitié qu’il vous avoit v o u é e , & des
libéralités dont il vous avoit comblée par votre contrat de
�mariage. C e t o î t pour le faire interdire à P a u , à fon in rç u ,
que vous l’aviez invité à fe rendre à Paris : c étoit pour lui
porter des coups plus surs, que vous l’aviez attiré auprès
de vous : eft-ce ainfi qu’une époufe remplit le devoir que
la religion & l’honneur lui impofcnt ? eil-ce ainfi quelle
garde la foi jurée au pied des autels ?
P R O C É D U R E S .
L a requêteàfin d’interdidion d e M . le Préfident d’Abbadie
a été donnée au Parlement de Pau, le 18 Février 1787 ,
& répondue d’une Ordonnance portant que les parens
amis feroient aiTemblés pour donner leur avis.
L e 2 Mars fuivant, Madame d'Abbadie a fait convo
quer une aflemblée dans la ville de Pau. Aucun des proches
de M . le Préiident d'Abbadie , aucun de íes amis n’a été
appellé : l’afTemblée étoit compofée de M . de Cheraute, des
lieurs D a b e n fe , Darberats , laF orcade & Loufl.au , parens
& alliés à un dégré très-éloigné & preique tombé dans l’oubli.
A ces cinq parens & alliés fe font joints les fleurs Defpalungue & de Peyré , que M. le Préfident d’Abbadie n’avoit
jamais comptés au nombre de fes amis , & ls fieur de
Peborde que Madame d’Abbadie avoit admis d’autant plus
volontiers parmi les fiens, qu’il étoit le neveu de fon M éd e
cin, du fieur Borie qui lui avoit expédié fiofficieufementpour
fon mari en 1783 & en 1784 deux certificats de démence.
Ces parens éloignés , & ces fçjj - difans amis fc font
aiïembiés pardevanr M . de Sajus , R ap p orteu r, qui n’a
pas jugé à propos de leur faire prêter ferment.
On
a mis fous les yeux de l’aflemblée; i°. les deux
lettres de M . le Préfident d’Abbadie de
1 7 8 1 , qui ne
prouvoient rien pour fon état atluel en 178 ; ; 20. les deux
certificats
�n
certificats du fieur Borie des 6 Mai 1783 , & 6 Février
1 7 8 4 , fruits honteux d e l à furprife la plus inanifeile, ôc
d e là machination la plus odi<Mjfe; 30. la procuration donnée
au fieur d’E tchegaray, le 9 Janvier 1 7 8 ? , tendante à des
attesconfervatoires, & dont il n’avoit fait d’autre ufage que
d’affifter à la levée des fcellés ;4°. le Procès-verbal d e ie v é e
des fcellés du 26 du même m ois, par lequel il paroiifoit
que le fieur d’Etchegaray avoit requis lui-même , ôc fait
ordonner le dépôt des effets au porteur ôc des deniers comptans, qu’il n’avoit point d’ailleurs le pouvoir de toucher.
Il n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces une caufe
réelle des alarmts que Madame d’Abbadie feignoit d’avoir
pour la fortune de fon mari : cependant les parens & amis
de Pau ont apperçu , comme ils fo n t dit dans leur avis ,
un danger imminent de voir difparoître dans les mains du
fieur d’Etchegaray, un million ôc demi d’effets au porteur,
qui n’étoient point dans les mains du fieur d’E tchegaray,
ôc dont il avoit requis lui-même , ôc fait ordonner le dépôt
dans celles de M° Q uatrem ere/N otaire.
Il
n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces la preuve que
M . le Préfident d’Abbadie fût dans un état de démence: auffi
les parens ôcamis de Pau ont-ils atteflé dans leur avis la noto
riété publique; ce témoignage fi incertain par lui-même, que
chacun invoque à fon gré , qui n'efl: fouvent que le langage
de l’impofture répété par la crédulité, qui ne tient jamais
lieu de preuve au Tribunal de la L o i , ôc qui mérite com
munément fi peu de créance au Tribunal de la raifon.
Ils ont attefte aufîi leur connoiifance perfonnelle: mais il«
n’avoient point fait ferment de dire la vérité.
Ils ont été de l’avis de l'interdiction.
H
■ N
�*8
: C e t avis a été homologué par provifion, par un arrêt du
3 Mars 1787 , qui en interdifant M. le Préiident d’A bbadie,
ordonne que. Madame d’Abbadie fera fa curatrice hono
raire , aura foin de lui dans fa maifon , ôc lui fera adminiftre'r tous les fecours de M édecine & de Chirurgie néceffaires à fon état & à fa fituation ; que le Heur O livier fera
fon curateur onéraire, & M e Hutteau,Confeil delà curatelle,
& au principal, renvoyé les parties à l'audience.
C et arrêt doit paroître bien extraordinaire : M. le Prtifide'nt d’Abbadie eft jugé fou , par provifion, comme s’il
ne fai loi t pas juger par provifion qu’un homme eil dans
ion état naturel, qui eft un état de raifon. Un Magiftrat du
premier rang eft interdit au Parlement de Pau , avec la
même facilité qu’un citoyen, eft ail-igné devant les autres
Tribunaux, pour y défendre un mince intérêt. Fortune,liber
t é , magiftrature, exiftence civile, tout lui eft enlevé à la fois
fans aucune forme de procès : il eft écrafé par un arrêt fur
req u ête, comme par un coup de foudre: qui ne trembleroit
à la vue a ’un événement de ce genre! quel moyen l’homme le
plus fage auroit-il d e fe garant.r d’une pareille interdiction !
N e croyez point , M M . , que le Parlement de Pau
foit dans l’ufage d’interdire, pai provifion, (ans inftruction préalable , ceux qui font accufés de démence. O n
pou rroit, a-t-cn d it, citer cer.t arrêts qui confucrent cet
ufage , & on n’en cite pas un feul ; mais je vais en citer,
moi , qui établifl'ent un ufige contraire, & qui font d autant
plus frappans, qu’ils ont été rendus au Parlement de Pau ,
dans le temps même où finterdiclion provifoire de M. le
préfident d’Abbadie y a été prononcée.
L e Parlement de Pau étoit faiii au mois de Février
�170^ , de deux demandes à fui d’interdidion pour caufe de
démence , formées l’une contre M . le Préfident d’A bbadie,
l’autre contre, le fieur Cataîy , Huiilier de i’Univerlicé de Pau.
V ou s favez , Meilleurs , quelle marche a été .fume à
l ’égard de A4 , le Préfident d’Abbadie : le 2 M a rs, avis
d’une
poignée
de parens éloignes , &
de foi - difans
amis ; le lendemain Arrêt qui prononce l'interdiction pro
vifoire de ce Magîftrat : jamais procédure ne fut auili rapide
dans une nutière auili gruve.
La marche qu’011 a fuivie à l’égard du Bedeau de l’Univerfité a été plus lente fie plus folemnelle. La voici. D ’abord
avis de parens tendant à l’ipterdidion : mais point d'interdic
tion provifoire.'Arrêtdu 2 6 Février 178^ , rendu au rapport
de M. d’A u g e r o t , qui ordonne , avant faire droit, la vifice
du Bedeau par deux Médecins. L e premier Mars fuivant,
rapport des Pvlédecins qui déclarent que le fieur Cataly eft
dans un aifaiiTement qui le rend incapable de foutenir fes
idées. N ’ijiiporte, point d’interdi&ion provifoire : Arrêt
du 8 du même mois qui renvoye les Parties à l’audience.
L e ilippôtde l’Univerfité furvit à l’avis de fa famille & au
rapport des 7Æédecins, & le Magiftrat eil facriliéau premier
vœu formé pour fa perte.
N e dites donc pas que l’ufage du Parlement de Pau eil:
d’interdire par proviiïon fur un fimple avis de parens ceux
qui font accufés de démence ; fit à qui perfuaderez vous
qu’un Corps de Magiftrature fe foit formé une Jurifprudence auili étrange & auili dangereufe : à Pau comme à Pa
ris, l’état civil eil facré, 6c 11’eft point le jouet de l’opinio.!
ou du caprice d une pviignçe d’hommes privés qui peuvent
ailéiiient fe laifisr féduire & devenir, même fans le favoir,
H ij ‘
�6o
les inflrumens de l’intrigue & de la cupidité. L e citoyen
n’eft point l’efclave de fa famille, il eft l’enfanc de la l o i , &
la loi défend de l’interdire, fans la plus grande connoiiîance
de caufe. Obftrvarz prœtorem opportebit ne cui temcrè dira
caufœ coonitionemplenifjimam curatorem dct.
L e Parlement de Pau interdit quelquefois par provifion
ceux qui font accufés de prodigalité, ôcdont les diiïipations
font apparentes. Cette Jurifprudence eft fage ; le prodigue,
aliène valablement fes biens jufqu’au moment de ftfn interdiûion; il pourroit confommer fa ruine dans vingt-quatre
heures, & rendre, inutile la veille le fecours que la loi lui apporferoit le lendemain.-Mais l’interdidlion de l’infenfé a un
effet rétroa&if au jour où la démence a commencé ; elle eft
à la fois un préfervatif pour l’avenir, &: un remède efficace
pour le pafle. Rien n’exige donc qu'elle foit prononcée
par provifion comme l ’interdittion du prodigue. D'ailleurs
l’homme accufé de' prodigalité qui fe relève de fon inter
diction provifoire peut dire qu’il n’a rien perdu dans l’opi
nion publique; mais celui qui
eft interdit par provifion
pour caufe de démence, reçoit dans fa perfonne, & tranfmet à fes defeendans une tache
dont ils ont à rougir
pendant des fiècles. Plus cette tache eft difficile à effacer,
plus il faut héfiter de l’imprimer furja perfonne du cito yen ,
& principalement fur la perfonne du Magiftrat qui eft revêtu
d’un cara&ère facré,qui eft l’homme de la loi & delà patrie.
Nous pouvons le dire hardiment : l’interdi&ion pro
vifoire de M . le Préfident d’Abbadie n’a point d’exem
ple : c’eft un de ces évènemens extraordinaires qui frappent,
qui éto n n en t} & dont la caufe eft un myftère difficile à
découvrir.
�6i
Madame la Préfidente d’Abbadie vante l’Arrêt du Parle
ment de Pan du 3 Mars 178s" , quoique caflé, comme un
témoignage toujours fubfiflant de la démence de Ton mari :
mais cet Arrêt a été cailé principalement parce qu’il n’étoit
point fondé fur une~ preuve certaine de cette prétendue '
demence; c o m m e n t pourroit-il donc tenir lieu de preuve?
d’ailleurs le témoignage qu’on voudroit faire réfulter de
cet Arrêt ne paroitro.it pas bien impofant ii l’on remontoit
à fa four ce.
En e ffe t , l’Arrct du 3 Mars 1785’ , qui interdit par pro'
viiîon M. le Préfident d’Abbadie ne fait qu’homologiter
par provîfion l’avis des parens ôc amis de P a u , dont il
répète mot à mot les difpofitions.
C e t avis n’a d’autre bafe apparente que les certificats
des 6 Mai 1783 & 6 Février 1 7 8 4 , qui conftituent M. le
Préfident d’Abbadie depuis 1 7 8 1 ,
dans un état de de-
mence.
Ces certificats téméraires & faux font évidemment l’effet
de la collufion de Madame d’Abbadie avec fon M édecin
de Paris, qui y attefte le prétendu état de démence do
M . le Préfident d’Abbadie en Bearn , où il ne l’a jamais
v u , & qui l’attefte fur la parole de Madame la Préfidente
d’Abbadie.
En remontant à la fo u r c e , on voit que le témoignage
réfultant de l’interdifliion provifoire de M . le Préfident
d’Abbadie eft le témoignage de Madame la
Préfidente
d’Abbadie elle-même , tranfmis par elle à fon M édecin
de Paris , par fon M édecin de Paris , aux parens de Pau , 6c
par les parens de Pau au Parlement qui par provifion a
homologué leur avis.
M . le Préfident d’Abbadie continuoit de vivre avec fa«
�¿2
dpoufe ; il ne favoit pas qu il dtoit interdit. Il vo yo it.fa
curatrice, fou c u r a t e u r , le confeil de la curatelle, tous
les conjurés qui feig noi en t d ctre fes amis, 6c dont fa maifon dtoit le repaire. Aucun ne lui faifoit preiTentir l'on triils
fort ; toutes les bouches dtoient muettes en fa prdfence ,
tous les vifages dtoient fereins; la Marquife du Coudrai
feule pouifoit de temps en temps des foupirs en regardant
ion Acre , & ajloit cacher les larmes qui s’dchappoient dé
fes yeux, & que la cabale ne lui auroit point pardonne'es.
C e ft une lettre derite de Pau qui a appris à M . le Prdfident
d’A bbadie, à la fin du mois de Mars 178 ; , qu’il dtoit inter
dit comme fou depuis le commencement du même mois.
Q uel coup de foudre pour ce JvIagifLrac ! il eft heureux
qu'il ait fu fe moddrer dans le premier m om ent, & triom
pher de lui-meine. Il a imité le lilence qui régnoit autour de
lui ; il a didimulü, réfolu de fortir au plutôt d’une maifon
où il dtoit environné d’ennem is, ôc de fuir une époufe
qui dtoit à leur tête.
Son projet dtoit d’aller paifer les Fêtes de Pâques dans
fes terres du Poitou , où il vouloit régler les comptes.des
Régiffeurs. L e jour de fon départ dtoit lixé : c’dtoit le 25
Mars. L e nommé D o u c e t , fon Cocher , & fon efpion fami
lier , devoit être du voyage ; il en donna avis à Madame
d’Abbadie qui s’empara la veille des clefs de i’hôcel, ôc
tint fon mari, qui ne s’en doutoit pas, en chaitre-privde.
Un accident furvenu à M. le F ré fuient ci Abbadie dans
la nuit du 2j au 26 Mars fit découvrir cette entreprife. C e
Magiftrat fut atteint d’ une colique.violente. On voulut fortir
pour aller c h ei l’Apothicaire ; le Portier
rdpondit que
MaJame la Prcfidenie avoit les clefs. O n frappe à l’appar-
�tement de Madame la Préfidente, qui ne dormoit pas : point
d e rép o n fe; on dit à la femme-dechambre que M . d’A b badie foufïre des douleurs aiguës ; point de réponfe. L a
nuit s’écoule fans que
M. le Président d’Abbadie puifîe
faire venir les fecours dont il a befoin.
L e Poftillon qui devoit conduire M . le Préfident d’Abbadic, frappe à la porte le lendemain matin. C e Magifirat veut
partir; il s’apperçoit qu’il eft en prifon. Il ne va point
demander les clefs à Madame la Préfidente d’A bbadie; il
n’avoit jamais manqué d'égards pour fon époufe, il en
auroit peut-être manqué malgié lui pour fa geôlière; il prie
le fieur d’Olhaflarry , Chevalier de Saint Louis , fon eouiin, qui depuis quelques jours étoit avec lu i, d’aller inftriiire le Heur Lieutenant de Police de la violence qui lui
étoit faite dans fa maifon. C e Magifirat invite M. le Frciident d’ bbadie d’aller conférer avec lui : fa prifon lui eft
ouverte à onze heures du matin ; le iieur Lieutenant de
Police eiï frappé d’un étonnement qu’il ne peut diifimulér
en converfant svec M. le Préfident d’A b b a d ie , & l’engage
à aller voir M . le Garde des Sceaux , à qui Madame la
Préfidente d’Abbadie avoit infpiré la même prévention.
M . le Préfident d’ ALbadie va le même jour à Verfailles,
revient à Paris , où il paiTe deux jours, & part le 29
Mars avec l’Abbé Detchegarai pour fes terres du Poitou.
V ou s avez dû être frappés, Meilleurs, de la véhémence
avec laquelle le défenfeur de Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft récrié contre ce voyage de M . le
Préfident
d’ Abbr.die , qu’il a peint fous les couleurs d’ un rapt. M. le
Préfident
d’A b b a d ie, a-t-il dit, a été enlevé par les fieurs
d’Etchegarai à fa femme , u fes enfans, à la fociété. Il
�¿4
n’a pas dit que M . le Préfident d’Abbadie avoit été interdit
un mois auparavant à la requête de Madame Ton époufe;
il n’a pas dit qu’elle l’avoit dépouillé à ion infçu de fes
droits de m ari, de père & de c ito y e n , & voilà ce qu’il
falloit d i r e , pour donner une jufte idée du voyage que
M . le Préfident
d’Abbadie a fait en Poitou à la fin du
mois de Mars i j 8 f : il n’a pas été enlevé à fon époufe , il
a fui fon ennemie; il auroit pu l’expulfer 6c refter maître dans
fa maifon ; mais le reifentiment du mari a cédé en lui à la
modération du Magi'ftrat, & il a fu refpecter aifez fon carac
tère , pour remettre à la loi feule le foin de fa vengeance.
O n a fait un crim e-au fieur Detchegarai d’avoir té
m o i g n é fon reifentiment , lorfqu’il a appris que M . le
Préfident d’Abbadie étoit en chartre-privée ; falloit-il donc
qu’il applaudît à cette v io le n c e , qu’il trahît les droits du
fa n g , qu’il confpirât contre fon parent, & qu’il fe-rangeât
parmi fes oppreifeurs ?
L ’ À b b éD e tch e g a ra i, a-t-on d i t , a éclaté en reproches &
en menaces ; ilvou loit enfoncer les portes de l’hôtel. Mais
la loi le lui auroit pardonné ,'f i fes forces le lui avoient
permis ; il étoit le prifonnier de Madame la Préfidente
d’A bbadie; tout moyen de recouvrer la liberté eft licite,
v lorfqu’elle eft ravie par la force privée.
C e n’étoit pas la peine de tant déclamer à ce fujet con
tre lés fieurs Detchegarai ; en fe plaignant amèrement de
la chartre privée dans laquelle M . le Préfident d’Abbadie
iewr coufin étoit détenu a v e c l’un d’eux , ils n’ont fait que ce
que
tout homme honnête & fenfible auroit fait à leur place.
C ’eft à la fin du mois de Mars 178 ; , fur la première
nouvelle de fon interditHon, & au fortir de la chartre pri
vée t, eue
M . le Préfident d’Abbadie m’a encacé
â
O O à affilier
aux
�aux aflemblées qui fe tiendroient pour fa défenfe dans le
Cabinet de M e. Babille Ton Confeil. Il m’a appelld au dé
faut de M e Hutteau , qui avoit été nommé Confeil de fa cu
ratelle, & qui par conséquent ne pouvoit plus être fon
c o n feil, ni fon défenfeur contre ¡’interdiction.
Je ne devrois avoir à m’occuper que de la défenfe de
M.
le
Préfident
d’A bbadie,
& fa caufe
devroit être
entièrement indépendante des qualités de fes défenfeurs.
Mais tel eft l'acharnement avec lequel Madame la Prési
dente d’Abbadie pourfuit fon mari, que ne trouvant point
des motifs d’interdidion dans fa perfonne, elle cherche
des prétextes dans les relations qu’il a avec fes confeils.
E lle ne me pardonne pas le zèle avec lequel je défends
c e Magiftrat depuis deux ans, & elle tâch e, dit-on, de
me rendre fufpect , par des inculpations dont elle fait
bien qu’il me feroit facile de me juftifier, fi elles m’étoient
faites publiquem ent, mais qu’elle a l’adreife de
femer
dans le fecret des cabinets, comme par une forte de
ménagement qui eft le dernier raffinement de la haine &
de la vengeance. Q u e puis-je faire dans des circonftances
femblables? ma feule reifource eft de protefter contre ces
délations ténébreufes, & d’attendre que la calomnie m’at
taque ou vertem en t, pour 1î> repoufier, ôc pour la con
fondre.
C e qui m’a étonné le plus dans le cours de cette
plaidoirie, c’a été d’entendre déclamer contre des intrigans qui parlent pour M . le Préfident d’Abbadie.
C ’eft moi qui ai 1 honneur de parler pour ce Magiftrat.
Seroit-ce donc moi qu’on auroit voulu qualifier d’intrigant?
I
�66
il y a *24 ans que j’exerce la profeiïion d’Avocat ; un
intrigant ne fe foutient pas fi long-temps dans une carrière
où l'honneur fert de guide, du moins , lorfque fa con
duite eft foumife, comme la mienne l’a é t é , aux rigueurs
de la cenfure, ôc il ne commence pas fi tard fon métier.
C e feroit pour la première fois que j’efiuyerois une pareille
injure, fi elle s’adrefioit à moi. Il faut avoir la preuve
à la main pour faire une inculpation auifi grave. Celui
qui la feroit au hazard, à l’inftigation d’une partie irritée,
courroit le
rifque
d’être
regardé
comme
l’inftrument
aveugle des partions étrangères, 6c l’organe bannal du
menfonge ôc de la calomnie.
C e n’eft point à l’intrigue que je dois l’honneur de
défendre M . le Préfident d’Abbadie : des motifs particu
liers
ont
pu
m’attirer fa confiance , que je n’ai point
recherchée. J’ai commencé en 1762
à exercer la pro
feiïion d’A v o c a t au Parlement de P a u , dans le reiïbrt
duquel je fuis né;
j’ai été témoin
du dévouement de
M . le Préfident d’A bbadie; encouragé par fon exem ple,
j’ai fait le facrifice de mon état, ôc fouffert pour la caufe
com m un e, la perte de ma liberté. D evenu libre, mais
toujours en butte aux ennemis de la Magiftrature, je me
fuis réfugié en \ j 6 8 , dans l’ordre des Avocats de Paris,
qui ne m’ont admis parmi e u x , qu’après avoir examiné
ma conduite pafTée, 6c vérifié les faits qui fembloient
me donner quelque droit à cette adoption.
M- le Préfident d’Abbadie avoit befoin d’un défenfeur
qui eut le courage de lutter fans cefle contre les diffi
cultés, contre les dangers .même qu’une cabale accréditée
pouvoit faire
naître dans cette caufe : il ni’avoit vu à
�61
Pau
dans de plus grands périls; voilà le m otif de la
confiance dont il m’a honoré; il ne me reprochera jamais
de l’avoir trahie, ni d’avoir abandonné fon parti, pour
en embrafler un contraire.
Par une R equête du 8 A vril 1 7 8 ; , M . le Préfident
d’Abbadie a formé oppofidon à l’Arrêt du 3 Mars pré
céd en t, &
a demandé par provifion, pour ôter à fes
Adverfaires tout prétexte d’inquiétude, a&e de fes offres
de ne
pouvoir
aliéner ni hypothéquer fes biens
que
de l’avis de M* Babille, ancien Bâtonnier des A v o c a ts ,
qu’il choifilToit pour fon Coufeil. Je ne fais quel eft le
C lerc de Procureur qui a rédigé à Pau
cette requête
dont les conclufions feules étoient conformes au voeu
de M . le Préfidçnt d!A b b a d ie, & convenables à fa défenfe. O n y fait l’éloge de la tendrefle de Madame la
Préfidente d’Abbadie pour
fon mari , & de fon défin-
téreffement. M . le Préfident d’Abbadie n’envie point à
Madame fon époufe ces louanges dont
elle s’eft tant
enorgueillie à cette aud ien ce, en difant qu’on n’auroit
ofé tenir un autre langage fur fon compte à P a u , où
elle eft connue : mais les fentimens qu’elle a pour fon
m a ri, fe peignent mieux dans fes p rocéd és, que dans
les co mp li me nt s qu'un C l e r c de Pr o c u r eu r a jugé à propos
de lui faire dans une req u ête, & l’opinion que M . le
Préfident d’Abbadie en a , après feize années d’expérience,
fe manifefte dans fes interrogatoires, & dans un mémoire
imprimé, qu’il a envoyé à P a u , au mois de M ai 1 7 8 ; ,
ligné de l u i , & dans lequel il n’a pas craint de rendre
publiquement à Madame fon époufe une partie de 1*
I ij
�68
juftice qui lui étoit due, & que le Clerc de Ton Procureur
n’avoit pas fu lui rendre dans fa requête.
L ’envoi de ce mémoire fait paraître ici un jeune homme
honnête aux yeux de tout le monde , intrigant à ceux
de Madame la Préfidente d’Abbadie feule & de Ces affociés , également inconnu à la Police & aux Tribunaux
de cette C apitale,
depuis dix ans qu’il l’habite, ardent
à obliger, d’ un défintérefiement ex trê m e, qui n’a voulu
d’autre récompenfe des fe'rvices qu’il a rendus à M. le
Préfident d’A b b a d ie, que le plaifir de les lui rendre, &
dont le feul crime eft d’être mon frère.
Il eft parti de Paris le 20 Mai 178 j , & eft arrivé à Pau
le 24, excedé de fatigue, reipirant à peine, chargé d’un mé
moire imprimé, & d’une confultation figtiée de M es Babille
& A u b ri, &: de m o i, & des pièces néceifaires à la défënfe
de M . le Préfident d’Abbadie; mais il n’éroit plus temps;
on n’avoit point voulu attendre à Pau ce m ém oire, cette
confultation ,
ces
pièces qui y avoient
été annoncés
15 jours auparavant : ni le choix du confeil fage ôt éclairé
auquel M . le Préfident d’Abbadie s’étoit fournis par prov ifio n , ni le dépôt des deniers comptans & des effets au
porteur de la fuccefllon du lieur de Borda n’ont pu garantir
ce Magifirat d’une interdi&ion provifoire & deshonorante
que ces précautions rendoient fi inutile- Un fécond Arrêt
du 11 M ay 178J a ordonné l’exécution de celui du trois
M ars, la preuve des faits allégués par Madame la Préfi
dente d’A b b a d ie , & la vifite de Monfieur le Préfident
d’ Abbadie par quatre M édecins de P a u , en préfence de
Monfieur de -Sajus ,
le
Rapporteur ; à l’effet de quoi M .
Préfident d’A bbadie
comparaîtrait à Pau aux jour
�69
& heure qui lui ieroient indiqués, comme fi on n’avoit
pas pu lui épargner la fatigue ët les frais de ce vo yage,
en ordonnant
qu’il feroit vifité par des Médecins
de
Paris; il l’avoit demandé par une requête du 8 A v r il;
Madame la Préfidcnte
d’abbadie
l’avoit
demandé elle-
même par une requête du 25? Mars précédent, dans le
temps où elle tenoit fon mari fous fa puiifance , en vertu du
premier arrêt. Mais du moment qu’il s’eft éloigné d’e l l e ,
elle a changé de fyftême : elle a voulu le faire conduire
à P au , & donner dans un efpace de 200 lieues le fpeâacle
affligeant d’un Magiftrat du premier rang, traduit malgré lui
devant des Juges qui avoient commencé par le déclarer
fou , ôc qui vouloient voir enfuite s'il l’étoit réellement.
O n s’eft hâré de faire procéder à l’en qu ête, tant à Pau
qu’à Paris, niais avec cette précaution qu’à Pau les témoins
étoient fondés d’avance, 6c qu’on avoit le foin décarter tous
ceux qui paroiifoient difpofésà rende jufticeàM . le Préfident
d’Abbadie. C ’eft ainfi qu’on a négligé de faire entendre le
Curé de Pau, quoiqu’affigné à cet effet, comme il le mar
que par fa lettre du 18 A oût dernier, parce qu’il n’avoit
que du bien à dire de M. le Préfident d’Abbadie. C ’eft ainfi
qu’on à négligé de faire alïigner le fieur P o r t e , M edécin
de M- le Préfident d’ Abbadie à^Pau, quoique prévenu
qu’il le fe ro it, comme il le marque par fa lettre du 27
N ovem bre dernier , parce qu’il auroit d o n n é , d it-il, à
» l’incommodité de M . le Préfident d’Abbadie un caradère
» bien oppofé à celui avec lequel on l’avoit défignée.
L a no u ve lle de
l’arrêt du 11 M t í 178J eft arrivée à
Paris le famedi foir 21. ,1’en ai été inftruit le lendemain.
M . le Préfident d’Abbadie craignoit d’ être arrêté, & tra
�70
duit d’abord auprès de ion époufe, ôc enfuite à Pau en
exécution de cet arrêt. M on avis a été d’aller prendre celui
de M e. Babille qui étoit alors dans fa maifon de campagne
près Meulan. N ou s fommes partis à cet effet le 22 mai à
onze heures du foir M . le Préfident d’A b b a d i e l e ileur
d’Etchegarai ôc moi ; nous avons couché en route. L e len
demain nous avons appris que M e. Babille étoit chez M. le
Garde-des Sceaux où il devoit diner : je m’y fuis rendu ,
j’ai pris fon a v i s , ôc je fuis revenu à Paris le même jour.
M . le Préfident d’Abbadie a été abfent pendant cinq ou
fix jours , jufqu’à ce qu’il a fçu que fa requête en caiïation
des deux arrêts du Parlement de Pau avoit été prèfentée ,
6c qu’on avoit pris des mefures qui le mettoient à l’abri
de toute violence.
A la fin du mois de Mars 178 j , M . le Préfident d’A b
badie avoit fait appeller le iieur P h ilip , ancien D o y e n
de la Faculté de M é d e c in e , qui après avoir examiné fon
é t a t , lui donna le 14 M ai fuivant un Certificat favorable.
*
A fon retour du Poitou , M . le Préfident d’Abbadie fe fit
vifiter plufieurs fois par cinq M edécins , du nombre defquels étoient les fieurs Dejean 6c* de Montabourg dont le
fieur Borie avoit furpris la fignature au bas de fon Certifi
cat du 6 Mai 1783. T o u s lui ont rendu juftice par leurs
Certificats des f & 1 j Juillet 1787.
Indépendamment de ces vifites extraordinaires , le fieur
Philip avoit vifité chaque jour M . le Préfident d’Abbadie
depuis le 16 Mai 178? , 6c l’avoit trouvé conftamment
dans un état de raifo n , jufqu’au 14 Juillet fuivant, jour
où il en a donné fon Certificat.
T e l étoit l’état de M . le Préfident d’Abbadie lorfqu’il
�7»
pourfuivoit la caflationdes deux arrêts qui l’avoient interdit
par provifion, comme infenfé. Il n’eft point de moyens que
Madame d’Abbadie n’ait employés pour empêcher cette
caiïation. M é m o ire s, confultations lignées de M es. Doutremont, C o l l e t , T ro n c h e t, Target ôc autres Jurifconfultes, 6c
diflribuées aux Magiflrats du C o n fe il, crédit puiflant, follicitations preflantes, tout a été mis en ufage contre la de
m a n d e de M . le Préfident d’A bbadie, dans un temps où il
ne devoit pas avoir de contradicteur : Madame d’Abbadie
étoit partie fecrete , ôc par cela même plus dangereufe ; mais
fes efforts ont été vains : un arrêt du Confeil du premier
A oû t 1 7 8 y a caiTé les deux arrêts du Parlement de P a u ,
enfemble tout ce qui s’en étoit enfuivi , ôc a renvoyé les
parties au C h â te le t, fauf l’appel en la Cour.
M . L e Préfident d’Abbadie a provoqué le premier I’inftru£tionau Châtelet par une requête du 5 Septembre 178^.
Il a requis l’affemblée de fes parens ôc amis pour être enfuite procédé à fon interrogatoire , ôc à la vifite de fa perfonne par des Medecins nommés d’office, ôc il a demandé
de nouveau atte de la nomination qu’il avoit déjà faite au
Parlement de Pau ôc qu’il réiteroit, de la perfonne de M e.
Babille pour fon Confeil. C ette requête a été répondue
d’une ordonnance de foient les -parens &' amis ajjemblês.
Madame d’Abbadie ôc conforts ont demandé de leur cô té
par une requête du 12 du même mois l’aifemblée des
parens ôc amis de IVI. le Préfident d A b b a d ie , pour être en*
fuite procédé à fon interrogatoire , de deux jours l’u n , pen
dant deux m o is , ôc com m e Madame d’Abbadie vouloit
apparemment difpofer fon mari à fubir cette é p re u ve, elle
a demandé en même temps la permiflion de l’aller vifïter
�72
toutes les fois qu elle jugeroit à propos. Mais le fieur
Lieutenant-Civil a o r d o n n é feulementl’aiTemblee desparens
& amis. Il a cru que M . le Préfident d’Abbadie pourroit
fe paifer des vifites & des leçons de Madame fon époufe
durant le cours de l’inftru&ion.
A u x termes de ces deux ordonnances, les parens & amis
de M . le Préfident d’Abbadie étoient les feuls qui devoient
être aiïemblés ; mais Madame d’Abbadie & conforts ont
trouvé plus com m ode de convoquer leurs parens & leurs
amis intimes. L e feul parent de M . le Préfident d’Abbadie
qu’ils ayent fait appeller eft le fieur de Joantho payeur des
rentes, coufm germain de M . le Préfident d’Abbadie , qui
l’a fait appeller aufli de fon côté avec fes autres parens &
amis au nombre de vingt-fix.
Une circonftance remarquable , c’eft que Madame d’A b
badie a convoqué à cette afïemblée
ceux qu’elle avoit
fait entendre à Par.is dans l’enquête faite en exécution
de l’arrêt du Parlement de Pau : cette enquête avoit été
annullée par l’arrêt du Confeil du premier A oû t 1785 :
elle a été reffufcitée fous la forme d’un avis ; des témoins
qui avoient depofé contre M. le Préfident d’Abbadie âu
mois de Juin 178 ç*, tels par exemple que le fieur de SaintCriftau Fermier G én éra l, le Chevalier de Borda & autres
étrangers dévoués ouvertement à Madame d’Abbadie , fe
font transformés tout-à-coup au mois de Septembre fuivant
en amis de M . le Préfident d’A bbadic, & font allés figurer
en cette qualité en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil.
Il s’efl formé deux aiTemblées qui fe font trouvées en prdfence l’une de l’autre , & au milieu defquelles M. le Préfi
xent d’Abbadie a paru, Sa comparution a déplu à Madame
d’Abbadie
�Il
'd’Abbadie : elle â effayé de l’écarter en lui faifant dire en
face quelques injures; mais il a fu les méprifer 6c il a
continué de fe montrer jufqu’au jour où fes parens & amis
devoient donner leur avis : il a fait au commencement du
mois d’O & obre
178^ , un voyage de 20 jours dans la
Normandie ou il m’a prié de l’accom pagner: on a furpris
dans cet intervalle le fieur O livier enlevant des papiers de
- la fucceflion du fieur de Borda ; M . le Préfident d’A b
badie a rendu plainte contre l u i , & l’a fait décréter au
Châtelet : il eft allé en Bearn au mois de N ovem bre fuiv a n t , pour ôter ladminiitration de fes biens & de fa maiTon de Pau au fieur Louftau , qui contre fa c o n fc ie n c e,
comme il l’avouera bientôt lui-même, avoit vo té fon in
terdiction , & pour faire choix d’un autre adminifirateur.
A u défaut de l’A bbé d’Etchegaray qui fe difpofoit à par
tir pour T o u lo u fe , M . le Préfident d’Abbadie a pris pour
compagnon de voyage mon frère qui l’a quitté à leur arri
vée en B earn, pour fe retirer dans fa fam ille, & qui n’eit allé
le joindre à Pau que lavant veille de leur départ pour Paris.
C ’eft ce voyage , le feul que mon frère ait eu l’honneur
de faire avec M . le Préfident d’A b b a d ie , & quelques vifîtes
qu’il lui a faites de ma part relatives à fon p ro cè s, qui lui
ont valu les titres d’intrigant & d’obfeffeur, dont il a plu
à Madame la Préfidente d’Abbadie de le décorer en l’afr
fociant aux coufms de M . le Préfident d’Abbadie , aux
fleurs d’Etchegaray.
Mais voici des faits conftans que Madame d’Abbadie n’i
gnore pas & qui devroient mettre fin à fes déclamations*
L ’Abbé d’Etchegaray eft depuisplus d’ un an à T o ulo ufe ;
le fieur d’Etchegaray , pour faire ceifer tout prétexte de ca*
lomnie ? s’eft défifté par a£te du 20 Février 1 7 8 6 , de la
�74
procuration que M le Préfident d’Abbadie luTavoit donnée
à l ’effet d’aiïifter à l’inventairé , & il n’a eu l’honneur de
voir ce Magiftrat que deux ou trois fois depuis un an.
M o n frère eft depuis le.mois: de Septembre dernier dans
la P r o v i n c e de Bearn avec mon père & ma m è i e , ma
femme 6c mon enfant.
L es voilà ces intrigans, ces obfefTeurs actuels de M . le
Préfident d’Abbadie ; l’un eft à T o u lo u fe , l’autre en Bearn,
à 200 lieues de Paris , ôc celui qu’on leur donne pour chef
a la difcretion de ne pas même
faire à M . le Préiident
d?Abbadie des vifues que la bieniéance autoriie, & que
le lien du fang femble exiger.
C e lu i
qui a l’honneur de voir le plus fouvent M . le
Préfident d’Abbadie , c ’eft moi : vous m’ en faites un crim e,
je m’en fais un devoir facré. Charge' de fa défenfe > je
cherche la vérité , 6c je la trouve dans fa bouche : témoin
de fes pein es, je les adoucis autant qu’il eft en mon pou
voir : je mets du baume dans la playe que vous lui avez
faite. Je l’admirai de loin dans les beaux jours de fa M agis
trature
je ne m’approche maintenant de lui que pour le
fervir dans fon, malheur.
Q u e Madame d’Abbadie ne fe flatte donc plus de colorer
les pourfuites odjeufes qu’elle fait contre fon mari en pré
textant qu il eft obfedé d’intrigans qui veulent envahir ia
fortune.
Ses immeubles .ne peuvent être aliénés que de l’avis du
Çonfeil fage ôc éclairé qu'il s’ eft donné lui-même.
Les deniers de la fucceilion du fieur de Borda font en
d é p ô t , & il doit en être fait emploi, du confentement de
M . le Préfident d’Abbadie , en préfçnce de fon Confeil :
�7Î
comment des intrigans s y prendroient-ils donc pour envahir
fa fortune ?
Madame d’Abbadie ne connoiffoit pas ces prétendus intrigans obfeiTeurs de fon mari , lorfqu’elle interceptoit fes
lettres en 1781 , pour l’accufer un jour de démence.
E lle ne les connoiffoit pas en 1783 , lorfqu’elle faifoit
certifier par des Médecins qui le vo yo ie n tp o u r la premiere
fo is , qu’il parloit nuit & j o u r , qu’il étoit en d é m e n c e ,
&
qu’il falloit l’envoyer dans une M aifon de F orce.
E lle ne les connoiffoit pas en 1 7 8 4 , lorfqu’elle faifoit
certifier par fon M édecin de P a ris , que fon mari avoit
été fou pendant près de deux ans en B e a r n , où il ne l’avoit
jamais vu , & que fa maladie paroiffoit incurable.
E lle ne les connoiffoit pas au mois de Mars
1785* 9
lorfqu’elle faifoit interdire à Pau fon mari qui étoit avec
elle à P a r is , & qui vivoit fans défiance
au fein de fa
famille.
Com m ent ofe-t-elle donc imputer après coup à des
étrangers la prétendue néceffité d’une interdi&ion qu’elle
a préparée quatre ans d’avance , & qu’elle a fait prononcer
dans un temps où fon mari ne vo yo it qu’elle , & les
intrigans qui alloient jouir avec elle du plaifir de voir
leur v i& im e , & de l’efpoir de partager fa dépouille ? E t
dans ce m om ent, où abandonnée par le Marquis D ucoud ra i, qui a reconnu fon erreur , elle a le courage de
pourfuivre feule l’interdi&ion de fon mari, & de demander
la curatelle dun adminiftrateur plus fage q u e l l e , & q u i,
par un excès de précaution, s’eft fournis à un Confeil ,
croit-elle pouvoir tacheter la honte de fes pourfuites,
qui n’ont plus de p rétex te, par les injures qu’elle fait proK ij
�76
diguer à des citoyens honnêtes qui embraifent la caufe du
pere de famille perfécuté par fon ép o u fe, & qui n’ont
jamais eu ni la v o l o n t é ni le pouvoir d’envahir fa fortune?
C eu x qui font dévoués à M . le Préfident d’Abbadie
font traînés dans la boue , & ceux qui le trahiifcnt font
élevés jufqu’aux cieux. L e cocher D o u c e t , ce traitre dont
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait imprimer la correfpondanceavec e lle , & qu’elle a pris à fon fervice depuis
qu’il.a été chaffé par M . l e Préfident d’A b b a d ie, a entendu
faire fon éloge à cette audience , & vanter la lâcheté qu’il
a eue de fe rendre l’efpion de fon M aître, & de fecon<Ier par fes impoftures la confpiration formée pour fa
perte ; fi. un domeftiqüe, traître envers fon M a ît r e , eft
digne de lo u a n g e , quelle sûreté aurons - nous avec des
¡gens attachés à nos perfonnes, qui pourront vendre nos
fecrets 8t leurs menfonges, fans compromettre leur honneur
par ce trafic infâme, & quelle fera la récompenfe du zèle
& de la fidélité, fi la perfidiç & la baifelfe méritent un
hommage public ?
M ’arrêterai-je au foupçon qu’on a ofé élever à cette
•audience, en plaidant que de prétendus intrigans avoient
fait tirer des coups de fufil dans la n u it, aux environs de
la maifon de M . le Préfident d’Abbadie à V itr y , & qu’il«
Tavoient fait attaquer nuitamment fur le grand chemin ,
pour lui infpirer, fous ce prétexte , des foupçons odieux
contre Madame fon époufe? Q uelle abfurde atrocité !
M . le Préfident d’ Abbadie n’a jamais été effrayé des coups
defufil qu’il a entendus à la campagne: il fçavoit en 178^, que
c’étoit le Jardinier de M e C alo n n e, A vocat en la C o ur, alors
fon voifin à V itry , qui les tiroit tous les foirs avant de fe cou«
�77 '
;h e r, fuivatït un ufage a fiez généralement obfervé aux envi
rons de Paris, pour avertir les malfaiteurs que famaifon étoit
g a rd é e, & en érat de défenfe. L’été dernier, que M. le Préfident d'Abbadie occupoit une autre maifon à Vitry , il fçavoit
que r/étoient les jardiniers du fieur A b b é de M o n d en o ix,
Chanoine de Notre-D am e , & du fieur Foreftier, Tréforier
du Régim ent des Suiffes, fes proches voifins, qui tiroient
tous les foirs par le même m otif, des coups de piftolet
ou de fufil ; ils tirent encore tout cet h iv e r , tandis que
M . le Préfident d’Abbadie eft à Paris, ainfi qu’il eft attefté
par le Procureur-Fifcal du lieu. Eft-ce donc pour effrayer
.M. le Préfident d’Abbadie à Paris , & pour lui donner
des foupçons contre fon é p o u fe , que des intrigans font
tirer des coups de fufil ou de piftolet à V itry ? M .
le
Préfident d’Abbadie ne s’eft jamais plaint d’une précau
tion qui fait fa sûreté en même temps que celle de fes
voifins : falloir-il donc imputer à crime à de prétendus
intrigans un fait innoncent qui leur eft étranger ?
On
n’a dénoncé qu’une attaque no&urne que M . le
Préfident d’Abbadie a effuyée fur le chemin de V i t r y ,
le 21 Janvier 1 7 8 6 , à dix heures du foir , en revenant
de l’H ôtel du fieur Lieutenant-Civil où il avoit été inter
ro gé; il n’a jamais foupçonné que Madame fon époufe
ait eu la moindre part à cette attaque ; à dieu ne platfc
qu’il foit en proie à l’horreur d’un tel foupçon. L es pré
tendus intrigans auroient-ils donc fait fur le grand chemin
le métier daifaJfins , au rifque de périr fur un échafaud,
pour avoir le prétexte de rendre Madame d’Abbadie fufpe&e a fon mari ? Sont-ce auili les prétendus intrigans
qui ont fait attaquer fur le chemin de V it r y , le 16 Janvier
�78
1 7 8 6 , à dix heures du fo îr , le nommé Chilindron, V ale t
de Chambre de M . lePréfident d’A b b a d ie, par trois quidams
qui ont été décrétés de prife de corps ? Eft-il donc néceifaire
de recourir à une manœuvre auiïi périlleufe , pour faire
perdre à Madame d’Abbadie la; confiance de fon mari?
N e l’a-t-elle pas perdue déjà depuis long-temps ? N e fe
fouvient-elle plus de leurs diflenfions domeftiques , des
peines
qu’elle lui a caufées, comme il le dit lui-même
dans fes interrogatoires , de la fouftra&ion de 20000 liv.
à
Poitiers
,
de la
fouftra&ion
de
36,000
livres
à
P a ris, du certificat de 1783 , qui l’autorife à envoyer
fon m a r i dans une Maifon de F o r c e , du certificat de 1 7 8 4 ,
qui lui donne laconfolante certitude qu’il ne guérira jamais,
de l’interdiftion provifoire dont elle l’a frappé en 178J ,
de la Chartre privée où elle a ofé le ten ir, du refus qu’elle
lui a fait de tout fecours, dans les douleurs d’une colique
vio le n te, de l’efpionage fcandaleux dont il eft le jo uet,
de l’acharnement avec lequel elle pourfuit depuis deux
ans fa profcription ôc fa perte ? Eft-il befoin de feindre,
pour la rendre fufpe£te à fon m ari, ôc après tous les torts
qu’elle a eusenvers lui, quel intérêt des étrangers pourroientils avoir à lui en prêter un nouveau au péril de leur vie ?
N ous avons purgé la caufe de ces certificats, de ces
lettres m iflives, monumens odieux des machinations de
Madame d’Abbadie contre fon mari , du préjugé des
;Arrêts du Parlement de Pau , qui ont été caiTés, des
.enquêtes faites à Pau ôc à Paris , qui ont été annullées,
de ces inculpations atroces qui ont été prodiguées à des
citoyens honnêtes , avec une licence effrenée , ôc qui
tombent par leur abfurdité. Il ne refte que la procédure
�19
qui confiftc dans l’avis des parens 8r amis, dans les inter
rogatoires, & dans le rapport des Médecins. C ’eft ici que
la caufe de M . le Préfident d’Abbadie reprend fa iimpJicité
naturelle : c’eft dans l’expofition de cette procédure que fa
défenfe va acquérir un nouveau dégré de força & de folidité.
A v is
des
p a r e n s
e t
a m is
,
N ous avons trois avis dans cette caufe , dont deux
formés à la requête de Madame d’Abbadie & du Marquis
du C o u d ra i, l’un au Parlement de P a u , l’autre au Châtelet
de Paris, tendent à l’interdidion de M . le Prélident d’A b
badie , & dont le troilièm e, formé au C h â te le t, à
la
requête de M . le Préfident d’ A b b a d ic , tend à lui laifler
la libre adminiftration ds fa perfonne & de fes biens.
L eq u el de ces avis mérite d’être écouté ? Cette queftion eft facile à réfoudre.
D ’abord , lavis formé à P a u ,
le a Mars 1785*, eft
eflentiellement vicieux.
D ’un c ô t é , les proches de M . le Préfident d’Abbadie
n’y ont point concouru. O n
n’a appellé à l’aiTemblée,
ni fes c oufins, ni fes amis perfonnels. C e font trois amis
de M a d a m e d’A b b a d ie qui fe font joints à cinq parens
& alliés éloignés de ion mari.
D ’un autre c ô t é , ceux qui ont concouru à cet avis
n’ont point prêté ferment. Q uelle foi peuvent-ils donc faire
en juftice?
Dailleurs, deux des principaux auteurs de l’avis du 2
Mars 1785* , font en contradiction avec eux-mêmes.
1®. M. de C h erau te, C h e f de cet avis, a v o i t , peu
«Hé temps auparavant, par fa lettre du 27 N ovem bre 1784- j
�8o
jugé M . le Préfident d’A bbadie capable de diriger par fes
inftru£tions perfonnelles Madame d’Abbadie & fon C on feil.
Son vœ u eft donc une contradiction avec lui - même
;
une i n c o n f é q u e n c e marquée.
.
a 0. L e fieur Louftau, autre délibérant, avoit entretenu
une correfpondance fuivie avec M . le Préfïdent d’Abbadie :
il lui avoit écrit le ip Février 178
le lendemain d e l à
demande à fin d’interdi&ion, une lettre par laquelle , en lui
accufant la réception de deux de fes lettres, des 4 & 8
du même m o is , il lui marquoit qu’il avoit exécuté fes
ordres relatifs à l’adminiftration de fa maifon & de fes
biens dont il lui rendoit le compte le plus circonftancié.
I l le jugeoit donc le ip Février *785 , capable de bien
adminiftrer : fon avis du 2 Mars
fuivant eft donc une
contradiction avec lui-même , une inconféquence marquée.
Mais ce qui décèle ouvertement l’eiprit d’intrigue qui a
préfidé à l’aflemblée tenue à Pau 3 le a. Mars 1 7 8 y , c’eft
la lettre que le fieur Louftau a écrite à ce fujet à M . le
Préfident d’Abbadie le 7 août dernier , vaincu par le
je m o r d s , & cédant à fon repentir,
*
M onsieur,
» Il y a vingt-deux ans que j’ofe me flater d’avoir mérité
» vos bontés & votre confiance ; il y a plus d’un an que
» j’ai eu le malheur de perdre l’une & l’autre: après avoir
5) témoigné à ma famille ôt à mon gendre , la pureté & la
» fincérité de mes intentions pour vo u s, f a i été pour ainfi
» dire, étouffé le dernier dan6 la circonftance la plus inté-
» reflante pour tous & pour m o i . . . . J’avoüe que je fus
forcé
�8i
» FORCÉ D’ OPINER D ’ UNE MANIÈRE OPPOSE^ A MA FAÇON DE
» penser.
D e là , que de regrets, que de reproches ouverts
» de ma famille ôc de mon gendre ? j ’ a i
»
encore
dévoré.
été
e t j en
su is
Quelque chofe qu’il en foit, JE NE
pu is
» M EMPECHER DE VOUS EN FAIRE MES AVEUX : quelque
» coupable & quelque ingrat que je paroifle à vos y e u x ,
» je le ferois aiTurément bien moins fi vous iaviez comme
» j’ai été féduit par des pièces que j’ai en main ».
Q uelle idée peut-on avoir à la vue de cette lettre, de
l ’aiTemblée tenue à Pau le 2 Mars
1 7 8 5 , & quel cas
doit-on faire d’un avis que le c h e f de cette aflemblée
a ouvert contre fon opinion confignée dans fa lettre da
27 N ovem bre précédent, que le fieur Louftau a été forcé
de fuivre contre le cri de fa c o n fcie n ce, & que les autre®
ont adopté fans favoir quel étoit l’état de M. le Préfident
d ’Abbadie avec qui ils n’avoient aucune relation ?
L ’avis donné au Châtelet par les parens & amis de
Madame d’Abbadie & du Marquis du Coudrai ne mérite
aucun d’égard.
D ’un c ô t é , les parens & amis de ceux qui pourfuivent
l’interdi&ion d’un citoyen , font auffi fufpeds que les pourfuivans eux-mêmes.
D ’un autre c ô t é , les O r d o n n a n c e s du Heur LieutenantC i v i l , des f & 12 Septembre 178? , en vertu defquelles
l’aiTêmblée a été tenue en fon H ô t e l, ne permettoient d’y
appeller que les parens ôc amis de M . le Préfident d’Abbadie.
Les parens & amis de Madame d’Abbadie & du Marquis
du Coudrai n’avoient donc pas droit d’y aiTiiler. Leur vœu
çil donc nul dans la caufe,
L
�84
L e même efprit d’intrigue qui avoit préfldé à lalTemblée
de P a u , à prefldé auffi à celle tenue en l’hôtel du fleur
L ie u t e n a n t - C iv il, à la requête de Madame d’Abbadie.
E lle a convoqué Ton frère , domicilié à Bordeaux , qui a
reconnu la démence de M . le Préfldent d’Abbadie avec
qui il n’a jamais vécu ni à P a u , ni ailleurs, à l’honnetété
que ce Magiftrat a eue
de ne pas
poufuivre par les
voies rigoureufes après le décès de M . de Montbadon , le
payement des 20,000 liv. reliantes de la dot de Madame
d’Abbadie, ou le partage de la fucceilion de fon beau-père,
fur lequ el, comme il le dit lui-mêmf*, dans fon interrogatoire
du 13 Janvier 1 7 8 5 , il avoit déclaré à Madame de M ont
badon fa belle-mère , qu’il s’en rapportoit entièrement à
elle & à fa famille; ôc c’eft cette déference de M . le
Préfldent d’A b b a d ie, pour Madame de Montbadon, que
les enfans même? de Madame de Montbadon dénoncent à
la juftice comme une preuve de démence ! Madame d'Abbadie à convoqué aulli trois ou quatre de fes alliés, qui
ne font ni parens ni alliés de M . le Préfldent d’Abbadie ,
& qui fans le connoître perfonnellement, ont reconnu fa
démence aux deux voyages qu’il a faits pendant les vacan
ces de l’année
178 j , l’un de 20 jours en Normandie
pour fon plaifir , l’autre de cinq
femaines en Bearn,
pour fes affaires, voyages qui fuivant eux ne font que
des courfes vagabondes , & des enlevemens de fa perfonne. Elle a appellé le Chevalier de B orda, fon commenf a l , à qui le fleur de Borda donnoit la table & le logement,
quoiqu’il lui fût
totalement étranger, & qui après le
décès de ce Ferm ier-G énéral, a continué de loger pen
dant deux ans en fon h ô t e l, avec Madame d’A bbadie, & yt
�«*'
feroît encore , s’il en étoit le maître , ôc fi M . le Préfident
d’Abbadie ne l’avoit prié enfin au mois d A oût dernier par
le miniftère d’un H u iiïier, d’aller loger ailleurs. E lle a ap<
pellé l’Abbé Lagrenée , Prieur de Saint V i& o r , fon convive
afiidu, qui a vu partir quelquefois M . le Préfident d’Abbadiepour fa maifon de campagne dans l’écé de 178J , qui l’a
entendu chanter, fans qu’il prononçât des fons articulés ,
& qui a oui-dire à fon portier dont il a bien voulu être
l ’organe , que le 8 Septembre 1 7 8 ? , M. le Préfident d’A b
badie , ( partant pour la campagne) avoit paru dans la cou r,
avec une. vefte blanche ( par deifus laquelle étoit un habit
gris ) qu’il s’étoit aifis
fur des
p ou tres, ( en attendant
l’Abbé d’Ethegaray qui devoit partir avec lui.) : il a déclaré
aufli, ce font fès termes, qu’il avoit vu quelquefois Madame
d’Abbadie qui ne réclamoit que l’heureufe félicité de rem
plir auprès de fon mari, ( en le faifant interdire) les devoirs
de la religion & de l’ordre f o c ia l, & qu’il penfoit que de*
foins di&és par fa tendreife, & préfentés par la droiture de fe s
intentions, étaient plus chers à l’humanité de fon ame. Madame
d’ '\bbadie aappellé enfin des témoins qui avoient depofé
dans l’enquête que le Confeil venoit d’annuller, tout ce
qu’elle a pu raifembler de gens dévoués à fes intérêts, juf.
qu’à trois elomeftiques dont deux font à fon fervice , & à
la tête defquels eft le C o ch er D o u c e t qui après avoir eu
l ’hon neur de correfpondre avec e l l e , a eu celui de figurer
dans l’aifemblée des foi-difans parens & amis de fon maître.
C e ne font pas là les parens & amis de M . le Préfident
d’Abbadie, les feuls que les ordonnances du fieur Lieute
nant Civil permettaient d’aifembler. C e font des étrangers,
des intrus dont le vœu ne doit pas être écouté.
M
�84
L e s parens & amis de M . le Préfident d’Abbadie ont été
convoqués à fa requête : ils font au nombre de 2 6 , dont
feize parens ôc dix amis. La plupart ont rappellé les chagrins
domeftiques auxquels il a été en p roye; tous ont reconnu
la capacité , la fageife de fon adminiftration , l’habitude où
il eft de faire des épargnes & des acquifitions : tous ont été
d’avis de rejetter fon interdi&ion comme une injuftice ôc
une cruauté.
Ajoutons à l’avis des parens ôc amis de M . le Préfident
d’A bbadie, le jugement que le fieur de Borda fon oncle , ôc
Madame la Préfidente d’Abbadie fa mère ont porté fur fon
é ta t, ôc dans lequel ils ont perfifté jufqu’à leur dernier m o
ment.
L e fieur de Borda par fon teftament du trois août 1778 en
nommant M . le Préfident d’Abbadie fon exécuteur teftamentaire , déclare qu’ il lui doit cette confiance qui ne peut
» être en meilleurs mains, qu’elle opere fa tranquillité , 6c
» qu’elle fera le bien de tous fes repréfentans.
Mais , a-ton dit, page 112 du M émoire imprimé de Ma
dame d’Abbadie, ôc c’eft fans doute ce qu’on fe propofe de
répéter à cette audience, le teftament du fieur de Borda
eft antérieur à la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
qui eft arrivée en 1 7 8 1 ; le teftateur ne pouvoit plus fe
choifir un autre exécuteur teftamentaire : il avoic efiùyé
dès le mois de Juillet 1780 une violente attaque deparalyfie
qui lui avoit ôté l’ufage de la parole ôc de la main droite.
L e fieut de Borda, dites v o u s , avoit perdu depuis le
mois de Juillet 1780 l’ufage de la parole , ôc n’avoit pu par
conféquent fe choifir un autre exécuteur teftamentaire? Mais
nous avons trois preuves authentiques du contraire,
�8*
i°. L e fieur de Borda avoit conienti le 2 $ Janvier 1781 ,-erf
faveur de M . le Préfident d’Abbadie, une procuration à
l ’effet de régler pour lui une affaire de la plus grande im
portance, avec la compagnie
de la Guianne. L e fient*
de Borda n’avcit donc pas perdu depuis le mois de Juillet
1780 l’uiàge de la parole.
2°* L e fieur deBorda a difpofépar una£tedu 27 A vril 17^81
en faveur du fieur de Saint Criftau de fa charge de Con-’
trô leu r, & Mifeur des o&rois de la ville de Nantes ; il
lui en a laiffé la finance qui eft de 2 ; j.,000 liv. à titre de
conftitution. Il n’avoit donc pas perdu depuis le mois de
Juillet 1 7 8 0 , l’ufage de la parole.
3 °. L e fieur de Borda s’eft démis par un a S e du "2 Jan
vier 1 7 8 3 , en faveur du fieur de Saint Criftan, de fa place de
Ferm ier-G énéral, & lui en a laiffé les fonds d’avance à titre
de conftitution. Il n’avoit donc pas perdu l’ufage de la paroledepuis le mois de Juillet 1780, il auroit donc pu fe choU
fir un autre exécuteur teftamentaire en 1 7 8 3 , époque pof*
térieure de deux ans à la prétendue démence,; de M . le'
Préfident d’A bbadie; cependant il n’a pas fait un autre choix j
il a perfevéré jufqu’à fon décès arrivé au mois de N o v em
bre 1784., dans la confiance qu’il avoit accordée à M. le
Préfident d A b b a d ie , & dont il lui avoit donné par fort
teftament une marque fi honorable. Il l’a donc jugé jufqu’à
fon dernier moment capable de remplir les fondions qu’il
lui avoit confiées
en 1778 , &
plus de p o id s, q u en
ce jugement a d autant?
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie
avoit paffé neuf mois a Paris dans la Com pagnie de fori
©ncle, qui connoiffoit parfaitement fon état.
�96
Madame îa Préfidente d’Abbadie a également confié à
fon fils l’exécution de fon teftament en date du 10 Février
1783 , & elle a perfeveré jufqu’à fon décès arrivé au mois
d’ Août 178 4 , dans la confiance qu’elle lui avoît accordée.
Q u e le jugement de la mère eft impofant ! E lle avoit tou
jours v é c u avec fon fils ; c’eft dans fes bras qu’elle a rendu
le dernier foupir. Elle connoiifoit fon état mieux que tous
autre : on ne fe perfuadera jamais qu’elle l’eût chargé du
foin d’exécuter fes dernières v o lo n té s, s’il en avoit été incapable, & l’événement a prouvé combien ce fils étoit
digne de la confiance de fa m è re , puifqu’immédiatement
après f jn décès , il a acquitté environ 30,000 liv. de
charges de fa fucceifion , avec des épargnes qu’il avoit
faites fur 40,000 liv. de rente,
L ’argument tiré de l’exécution du teftament de la mère
confiée aux foins du fils , n'eft point de m oi, M M ; je no
dois pa?en dérober le mérite à fon A u teu r; il eft d’un
jurifconfulte qui a été confulté à ce fu je t, & qui voudra
bien me pardonner, (1 je le nomme , pour confolider par
fon fuffrage cette partie de la défenfe de M . le Préfidenç
d’Abbadie, C ’eft M e. Martineau. Il ne renverfera pas fan$
doute dans le choç de l’audience, un ouvrage qu’il a compofé dans le calme du Cabinet , & il laiiTera du moins
dans cette caufe à M . le Préfident d’Abbadie un moyeu
de défenfe qu’il lui à fourni lui-môme.
L ’oncle ôc la mère de M . le Préüdent d’Abbadie, fes parens & amis au nombre de 26 , ont prononcé en fa faveur.
Il n’ont pas pu fe méprendre tous fur fon état ; la famille
fi intéreilée à la confervation de la perfonne ôc de la for
tune Je ce Magiftrat, nauroit pas été d’avis de lui laifler
�-87
ladminiftration de l'une ôc de l’autre , s’il en avoit été inca
pable.
I N T E R R O G A T O I R E S ,
Nous arrivons à l’dpoque la
(i)
plus intéreflante de l’inf*
tru&ion , celle où M. le Préfident d’Abbadie tantôt furpris
dans fa maifon , tantôt invité à fe rendre à l’hôtel du M agiftrat, fetrouve feul devant l u i , ôc répond fur le champ',
durant le cours d’environ cinq mois, aux diverfes queftions
qui lui font propofées; c’eft moins une inftruction faite fur
fon état qu’une inquifition exercée fur fa perfonne par M a
dame fon E p o u fe, qui abufant de l’extrême délicateffe du
fieur Lieutenant-Civil, n’a ceifé d’alarmer fa religion, par
de faux rapports, par des réquifitions continuelles faites
quelquefois par é c rit, ôc plus fouvent de vive v o ix , ôc a
forcé en quelque lorte ce MagiQrat d’ufer envers M , le
Préfident dA'bbadie d’une rigueur inouie qui convenoit
fi peu à fon caractère naturel, ôc que fes fondions n’exigeoient pas.
Les Interrogatoires que M . le Préfident d’Abbadie a fubis
font au nombre de f e i z e , non compris une foule d’aètes
de comparution, ôc de dires perfonnels. Ils ont commencé
le 29 D écem bre 1 7 8 ; , ôc ont fini le 18 Mai 178 6. O n
trouve d’ailleurs dans cet intervalle les vifites de deux
Medécins continuées pendant foixante huit jours confécutifs, depuis le trois mars 1 7 8 6 , julques au 9 mai fuivant.
( 1 ) L e procis-verbal d'audition de M . le Préfident d'Abbadic fera imprime fcparM
»ent avec quelques obfervations y relatives.
�88'
Une tête qui a pu refifter a une pareille épreuve, eft peut-*
être plus forte que celle qui i’accufè de foibleffe.
O n n’a pas ofé iufpt&er ouvertement la foi du fieur
L i e u t e n a n t - C i v i l dans les interrogatoires’de M . le Préfidenc
d’Abbadie : mais on a dit qu’il les avoit rédigés prefquetous,
on a cité pour preuve de ce fait un interrogatoire où il
eft dit que M. le Préfident d’Abbadie à répondu, diclant
lui-même : ce qui n’eft point dit dans les autres.
A cet é g a rd , M M , je dois avoir l’honneur de vous
obferver que Madame d’Abbadie deconcertée par fix inter
rogatoires que M . le Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis
le 29 Décem bre 1785 jufques au 25 Janvier 1 7 8 5 , a eu
le courage de prier le fieur Lieutenant-Civil à la fin du
môme mois , de s’écarter de la manière de conftater les
réponfes qui eft en u fa g e , en pareil cas, au Châtelet, eit
la C o u r , & dans tous les tribunaux, & de faire écrire
pelles de M . le Préfident d’Abbadie fous fa di&ée immé
diate , fans les faire paffer par la bouche du Juge , en énon
çant qu’il les di&oit lui-même : elle fe flattoit de fairg
loupçonner par ce moyen que les réponfes contenues dans
les- lix premiers interrogatoires n’étoient pas les réponfes
fidelles de M . le Préfident d’Abbadie. L e fieur LieutenantCivil auroit du rejetter cette demande comme in d écen te,
comme injurieufe à fon caractère fie à fa perfonne « il a eu
néanmoins la complaifance de céder aux importunites de
Madame d’ Abbadie, & d’énoncer dans un interrogatoire que
M . le Préfident d’Abbadie avoit repondu , diclant lui-même
f a reponfe. Mais les reponfes qu’il n’a pas di&ées immédia
tement au Greffier dans les autres interrogatoires, il les a
adreiTées au iieur Lieutenant-Civil qui les a répétées au
Greffier,
�80
Greffier. C e font toujours le» xéponfes perfonnelles de
M . le Préiident d’A b b a d ie , & il faut neceifairement les
regarder comme te lle s, .jufqu’à ce quon s’infcrive en faux
contre les interrogatoires, & qu’on les faffe déclarer faux.
Dans l’état a£tuel des chofes, la foi eft due au caractère du
Juge , & à fon procès-verbal. Les réponfes que ce procèsverbal renferme font toutes aux yeux de la L o i les ré;ponfesiperfonnelIes de M . le Préfident d’A bbadie, la vraie
expreifion de fes penfées & l’image fidelle de la fituation
de fon efprit.
M . le Préfident d’Abbadie a fubi d’abord dans l’elpace
de cinq femaines neuf interrogatoires, fçavoir les 29 D é
cembre 1 7 8 ? ,
15,17, 2 t , & 2 f
J an vier, 1 , 6 , &
y Février 1786. A quoi il faut ajouter cinq aftes de corn-*
^parution perfonnelle des 3 , 4 , 8 , 1 4 , & 18 F é v r ie r , jours
ou il a Converfé avec le Magiftrat de manière à lui faire feu*
tir qu'il étoit inutile de l ’interroger.
L es interrogatoires des y & 17 Janvier ont été fubis
,à V itry dans la maifon de campagne de M. le Préfident
d’Abbadie , où le fieur Lieutenant - C ivil eft allé le furprendre , d’après deux requêtes de Madame d’Abbadie
contenant qu’il étoit aclu dans une démence complette.
Us ont duré quatre heures & demie chacun : iis ont roulé
fur les faits le plus propres à irriter la fenfibilité de M .
le Préfident d’Abbadie. E h ! pouvoit-il en être autrement*!
C ’ étoit fon époufe qui l’interrogeoit par l'organe du M a
giftrat, à qui elle adminiftroit tous ces faits. Mais fi M .
le Préfident d’Abbadie a été humilié par les queftions qu’o n
lui faifoit, Madame la Préfidente d’Abbadie a du être b ie *
M
�90
mortifiée de fes réponfes ; elles font toutes marquées an
coin du bon fens , & de la raifon,
L e s interrogatoires des 21 Janvier & premier Février
1 7 8 6 ont été fub:s fur l'invitation du fieur Lieutenant C ivil
à qui Madame la Préfidente d’Abbadie avoit infinué de vive
vo ix que fon mari étoit dans le délire. Ces deux interroga
toires & tous les autres font marqués au même coin. Il
n’y a qu’un fou qui foit capable d’y trouver le moindee;
fymptôme de folie»
Com m e M . le Préfident d’Abbadie foutenoit avec avan
tage l’épreuve des interrogatoires, on a imaginé d’y join
dre celle des vifites des Médecins. L e fieur Lieutenant‘C iv il à commis a cet effét, par une ordonnance du 20
F évrier 178£> , le fieur Philip ancien Doyen de la Faculté
de M é d e c in e , & le fi&ir la Clerc M édecin ordinaire du
R o i au Châtelet.
C ette Ordonnance a été fignifiée aux deux Médecins ,,
le 2 Mars
à la requête de M . le Préfident d ’Abba-
die ; il avoit provoqué l’avis des parens & amis & les
interrogatoires ; il a fallu qu’il provoquât auffi les vifites
Vies Médecins : c’eft peut-être pour la première fois qu’on
à vu un homme accufé dé démence prévenir fes adverfàïres dans toutes les parties de l’inftrucUon.
O n a plaidé que fi l’Ordonnance du 20 Février 1786
n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, ç a été parce que
M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès de folie à
îa fin du mois de Février , & qu’on ne vouloit pas que les
[Médecins débutàffent par le rrouver dans cet état.
; Mais fi M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès
«le folie à la fin du mois de F'évrier 1786 , pourquoi M a
llame ion ¿poufe ne i ’eil-elle pas empreffée de fignifier
�91
l’Ordonnance du 20 , aux deux M éd ecin s, & de faire furprendre fon mari à la fin du même mois dans ce prétendu'
accès de folie ? C ’eût été un fi beau début pour
nement fi propre à la confoler des
neuf
e lle ,
un évé
interrogatoires que
M . ie Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis, le 29 D écem
bre 1785 jufques au n eu fF évrier
1785,
& du mauvais fuc-
cès des deux voyages que le fieur Lieutenant C ivil avoit faits
à V it r y , à fa réquifition, les 5 & 17 Janvier précédent.
M . le Préfident d’Abbadie étoit en démence à la fin
du mois de Février 1 7 8 6 , comme il y étoit les y 6c 1 7
J a n v ie r, comme il y a été tant d’autres fois qu’il a été
invité à fe rendre à l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , fur
les réquifitions verbales de MaJame fon époufe , dont il a
confondu les aiTertions téméraires par fa préfence,
par fes réponfes.
ÔC
D ’ailleurs le fieur Philip attefte dans le rapport, que
depuis le 1 j Février 1785 jufqu’au 3 Mars fuivant, jour oit
les vifites juridiques ont commencé , il a vu journellement
A l. le Préfident d’Abbadie , & qu’il l’a
oujours trouvé
jouiifant de fa raifon. Il n'eft donc pas vrai que M . le
Préfident d’Abbadie ait eu un accès de folie à la fin du
mois de Février 1786.
Mais , a-t-on d i t , le fieur Philip ne pouvoit pas être
nommé Expert conjointement avec le fieur L eclerc : d’un
c ô t é , il étoit le M édecin ordinaire de M . le Préfident
d’Abbadie : d’un autre c ô t é , il s’étoit déjà expliqué fur fon
état par des certificats, & par le dire qu’il avoit fait au moi|
de Septembre 178J en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil.
L a réponfe à cette obje&ion éft prompte ôc facile.
D ’un coté
f aucun m otif ne
doit faire exclure le Méden
M j.
�cin ordinaire d’ùn homme , de la vifite juridique de fa per-*
ibnne. L a connoiffance qu’il a <fe fon état paffé le rend'
même plus propre à faifir toutes les nuances de fon étatr
préfent, & à donner à la juftice les lumières qu’elle deftre»
L e fieur Philip eft d’autant moins fufpe& qu’il n’a point fait
de rapport particulier, quoiqu’il fût autorifé à en faire un
par l’Ordonnance du fieur Lieutenant-Civil, & que le rap
port quia étéfait eft commun entreluiôc le fieur L e c le rc , qui
l’a r é d ig é , qui en a écrit la minute entière de fa main r
& qui n’eft point fufpeft à Madame la Préfidente d’Ab«
badie.
D ’un autre côté , fi le fieur Philip s’étoit expliqué fur
l ’état où M . le Préfident d’Abbadie étoit en 1 7 8 5 , il 11e
s'étoit pas expliqué fur l’état où il étoit en 1 7 8 6 , depuis
le 3 Mars jufques au 9 M ai, & c’ell ce dernier état qu’il a ét é
çhargé d’examiner conjointement avec le fieur Leclerc. If
ne s’étoit donc pas expliqué fur l’objet de fa miiTion*
il ne peut donc pas être fufpeûé fous ce prétexte,
R A P P O R T
D E S
M É D E C I N S .
L e rapport des Médecins dit « qu’ils ont d’abord trou» yé
l’état
phyfique de M .
le
Préfident d’Abhadie
» fa carnation, fon em bonpoint, fes m ouvem ens, l’exer» cice des fondions corporelles , tout fon enfemble
j> dans ; l’ordre naturel, excepté fon afpeft , qui annon9 çoit de la mélancolie; qu’il leur a dit qu’il étoit accablé
» de chagrins dont il n'a point articulé la caufe ; qu’il
» s’eft fort appéfanti
fur ces foucis ôc peines d efprit
» dont il a paru vivement a f f e f t é .... qu’ils ont engagé la
* cenverfation fur divers objets, & fur différentes matières,
�» qu*il a répondu à tout a ve c juftefte & de manière à n’anv noncer aucune léfion des fondions de l’a m e , ‘ que fa
» m ém oire n’a point paru affaiblie à en juger par quelques
» traits d’hiftoire déjà a n c ie n n e , qu’ il a cités avec exadi«
» tude . . . . . que fon jugem ent & fa manière de rpifonner
» n’ont paru fouffrir aucune altération , &
qu’il revient
» fréquemment à fes chagrins qu’il peint avec DES c o û
te l e u r s f o r t e s e t s o m b r e s ; que pour mieux connoître
» fon état phyfique & m o r a l, ils ont pris exprès des heu» res différentes , qu’ils ont a ffe d é chaque jour de ï’entre» tenir fu r des matières diverfes &
autres que celles qui
» avoient été agitées la v e ille ., &
qu’il leur a toujours
» parlé de
b on jcn s, & fans aucune apparence de déraifon-
» nement ».
Suivant le rapport, cet état s’eft foutenu jufqu’au 17
M a rs, fans que M . le Préfident d’Abbadie ait donné le.
moindre figne d’altération., n i , au phyfique, ni au moral;
Il a eu le 18 Mars un accès de fièv re; mais fuivant le
rapport, toutes fes paroles étoient d’un jugement fa in , &
riarmonçoient aucune efpèce de léfion dans les opérât ions de
/f*
l ’ame.
L e 1 9 , il eft allé fe promené^ à C.lamar-ipus-Meudon ,
OÙ eft une maifon de campagne dépendante de la fuccefiion de fon oncle.
r
.
L e 20 , au matin, il a été vifité fucceifivement par les
'¿eux Médecipa.
,
L e ûeur Philip, a^tefte
(¡vil riapas.laijjééchapperunmot
quinefut raifonnab\eque
quent & un peu élevé..,
cependant fon pouls ¿toit fré
^
L e fierfr L e c le r c a t te ft e q u il l ’a trouvé mangeant des hui~
�• 94 _
.
très , ayant le pouls plus v if & plus "élevé que de coutume
parlant avec acîion , mais cependant s a n s 'd é r a i s o n n e r .
L e 2 1 , il ne reftoit que quelques veftiges de l'agitation
de la v e ille; mais il étoit dans l’état de raifon, qui eft,1
fuivant le rapport , fo n état habituel , & cet état s’eft foutenu jufques au 1 2 Avril.
L ’accès de fièvre du mois de Mars n’a donc pas été un
accès de folie.
M . le Préfidçnt d’Abbadie a fubi le premier Avril 1786
un dixième interrogatoire àuiïi fain que ceux qui l’avoient
précédé.
c'
D ’après les interrogatoires & le rapport des M édecins,
nous trouvons trois mois ôc demi confécutifr que M. le
Préfident d’Abbadie a paiTés dans un état continuel de
raifon, favoir depuis le 29 Décem bre 1785 , jufques au 12
'Avril 178 ¿T.
*
Q uelle fituation que celle d’un homme délicat & fen-
fible ,
d’un Magiftrat de la première claiTe,
recherché
pendant trois mois & demi, tantôt interrogé par le J u g e ,
tantôt vifité par des Médecins qui le trouvant toujours raifonn^ble.,, attendent toujours qu’il devienne fo u , ôc cher
chent Tans cefle à furprendre dans fes difcours, dans fes
regards, dans fon maintien , quelque fymptôme de dé
mence. Il lui auroit été permis de fe fouftraire enfin à
cette inquifition , ôr d’aller refpirer en liberté dans fes
terres jufqu’à ce que la juftice prononçât fur fon état qui 9
'y
après un examen de.trois mois & dem i, devoit être' fuffifemment connu. Mais5il a eu la patierice de foutenir cette'
é p r ç u v ç , encore pendant cinq femaines ; il a été raflcfïié'
^hum iliations, il a àvûlé pendarit cinq mois le calice que
�9S
lu i préparoit fon époufe, & où elle fe plaifoit à verfer
chaque jour de nouvelles amertumes.
C e qui a le plus offenfé M . le Préfident d’Abbadie du
rant, le cours de cette inqui’fition, c’eft l’audace des efpions
que Madame la Préfidente d A bbad ie fe van te, dans fon
Mémoire imprimé, d’avoir à fes ordres, & qui lui vendent
les infultes qu’ils font à fon mari.
Toutes ces vexations entroient dans le plan de Madame
la Préfidente d’Abbadie comme propres à irriter fon m a ri,
& à ébranler fa tête ; mais elles n’ont pas produit l’effet
qu’on s’en étoit promis; la patience de M . le Préüdeut
dA bbad ie a furpafTé l’audace de fes perfécnteurs.
L e 12 A v r i l , M . lePréfident d’Abbadie a fait en l’hô
tel du fieur Lieutenant-Civil un dire très - l o n g , ôc qui
marque la préfence de fa raifon.
L e 1 3 , il a fubi un onzième interrogatoire qui fuivant
le rapport des Médecins qui y ont aiTiflé, a duré deux
heures, ôc où la dernière répo-nfe feule marque une diftra&ion momentanée ; il s’en eft apperçu lui-même, tant il
eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui dans cette
agitation éphémère , ôc le procès-verbal conftate qu’il a fiui
par dire au fieur Lieutenant-Civil, « qu’en bon père de
» famille, ( c’eft-à-dire , comme un bon Magiftrat qui eft:
» le père commun des citoyens ) s’il parloit à tort & à.
» travers, il devoitfuppléer à fon infuffifance. ».
Cette agitation eft tombée le même jo u r, fuivant le rap
port des Médecins qui ont viiité M . le Préfident d’Abbadie
le 13 Avril vers minuit pour la féconda fois t & qui ont
déclaré « qu il étoit excédé de fatigue Ôc d’envie de. dor
as m ir, mais que malgré cela 11 avoit répondu allez juile
�* *► aux queftionsqu’ilsiuîavoient faîtes,8c qu'flsluîen avoîenf
» fait aifez pour être fûrs que fa ficuation étoit changée en
» bien ».
Il ¿toit encore mieux le 14 A vril fuivanc le rapport.
S i dans la vifite qu’il a faite le 14 A vril au fieur Lieute*
tia n t-C iv il, H a laiifé au Portier, en fon abfence, un billet
dont le fens paroît obfcur, quelle conféquence peut-on eu
tirer ? Une idée mal conçue ou mal rendue par M . le Pré*.
' fident d’Abbadie cara&érife-t-elle un état de démence qui
néceiîite fon intercU&icm ? annonce-t-elle un danger
fi
imminent pour fà perfonne ôc pour fa fortune qu’il faille
lui en ôter Tadminiitration, & le rendre l’efçlave d’une
femme qui exerce une inquifition tyrannique fur fes expreflions, fur Tes m ouvem en t, fur toutç fon exiftence?
P epu is
fix ans que Madame
4a Préfidente d’Abbadie
garde avec tanr de foin deux lettres de fon m a ri, dont
l ’une 3 été écrite à elle-m êm e, dont elle a intercepté
Vautre, & qui marquent une diftraûion paflTagère, la per
fonne 6c la fortune de M , le Préfident d’Abbadie ont-elles
fouffert quelque atteinte ? N e jouit-il pas au contraire d’une
meilleure fànté, fuivant le rapport des Médecins qui ont
comparé fon état ancien tel qu’il leur a été d é p e in t, à
fon état préfent tel qu'ils l'ont obfervé eux-m êm es? n'at’il pas Fait chaque année des épargnes ôc des acqüifitions ?
L e billet du 14 A vril 1786 a-t-il été fuivi de quelque
accident funefte arrivé à fa perfonne, ou de quelque échec
furvenu à fa fortune? Q u ’importe donc qu’il ait fait une
ou deux réponfei dilfonantes dans fon interrogatoire du
13 A vril dernier, ôc qu’il ait écrit dans la matinée du 14
yn billet dont le fens foit enveloppé? Quelques idées obfcures
�*> - ■ 9 1
cures ôc incohérentes mêlées à des idées claires ôc juftes
pendant un ou deux jours feulement dans un efpace d’en
viron cinq mois ne forment pas un état de démence ; un
nuage qui paife n’efface point la clarté du jour ; une di£
tradion
momentanée
n’annonce
point l’éclipfe
de la
raifon.
Auifi les Médecins déclarent-ils dans leur rapport « que
» depuis le 14 A vril il n’y a eu aucun nuage, M . le Pré» fident d’Abbadie ayant toujours joui de toute fa raifon
» 6c de fon bon fens , qu’il s’eft foutenu dans un calme
» parfait, jufqu’au 9 M ai inclufivem ent, jour où ils ont
» terminé leurs vifites ; que le bon état dans lequel ils
» l’ont laiifé a continué fans interruption depuis le 14
» A v r i l , n’ayant apperçu aucun figne d’altération dans fa
» raifon , quoiqu’il eût paffé de plufieurs jours l’époque de
» fa prétendue crife, à laquelle ils avoient dû s’attendre,
» depuis le commencement du mois de M a i, d’après les
» renfeignemens qui leur avoient été communiqués».
Cinq interrogatoires que M. le Préfident d’Abbadie a
fubis depuis le 14 Avril jufqu’au 18 M a i, ôc divers dires
qu’il a faits en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil confirment
à cet égard le rapport des Médecins.
C ’efl à la vue de cette procédure , la plus longue 8c la
plus .complette qui ait jamais éré faite en pareil c a s , que
la Chambre du C onfe;l du Châtelet a rendu le 27 Juil
let dernier, d’une voix unanime, une Sentence qui décide
qu’il n’y a lieu a 1 interdiction de M. le Préfident d’A bbadie,
& qui lui donne a&e de fes offres, de ne pouvoir faire
aucuns adçs tendans a 1 aliénation de fes biens, qu’en préfence 6c du contentement de M e B a b ille , ancien BatonN
�5>8
nier des Avocats qu’il a choifi pour fon C o n fe il, comme
aufïi de Tes offres de faire emploi en préfence du même
C o n f e il , des fommes provenantes de la lucceffion du fieur
de Borda , à l’exception des intérêts, fruits 6c revenus dont
il s’eft réfervé la libre difpofition.
L e Marquis du Coudrai a ceffé fes
p o u rfu ite s
à la vue
de cette Sentence; Madame la Préfidente d’Abbadie feule
en a interjetté appel. V o ic i le quatrième combat que M .
le Préfident d’Abbadie eft forcé de foutenir contr’e l l e , ôc
le terme heureux de cette attaque fcan.'aîeuie dont
i’é p G u f e
d’un Magiftrat n’auroit jamais dû donner l’exemple.
L e premier foin de M . le Préfident d'Abbadie, après la
Sentence du C h â te le t, a été de réclamer fes enfans âgés
l’un de dix ans, l’autre de f e p t , pour leur donner une
éducation convenable. Une Ordonnance du fieur Lieutenant
C ivil l’a aurorifé à fe les faire remettre. Il s’eft tranfporté'
lui-même à cet effet dans la rraifondu feu fieur de B orda,
accompagné de deux Notaires ôc d’un Procureur au C h â
telet-; mais fa démarche a été vaine ; Madame la Fréfidente
d’Abbadie a également méconnu l'autorité paternelle ÔC
l ’Ordonnance du Magiftrat.
Q uelle fcène, M eilleurs, que celle qui s’eft paifée danscette
occafion ! ces enfans ont jetté des cris d’effro i, ôc ont
pris la fuite à la vue de leur père. Q u e l ennemi commun
a donc étouffé dans ces jeunes cœurs les fentimens naiifans de la confiance ôc de l ’ a m o u r filial ! quel forffle impur
y a éteint le feu facré de la Nature ! malheureux père ! il
va chercher fes enfans , & il a la douleur de les voir fuir
devant lui : il tend la main à l’un', il le tient, il le carreffe, ôc un Laquais audacieux s’efforce de le lui enle
�pp
ver^(i). C e n'étoic pas encore là le dernier malheur qui
lui étoit réfervé. Reftés au pouvoir d’une mère qui facrifie tout à e lle -m ê m e , ces enfans font à la fois les inftrumens & les vi&imes de fa cupidité : on les conduit
chez les Magiftrats : ils follicitent par leur préfence l’interdi&ion de leur père : ils demandent fans le fçavoir, d’être
flétris 6t profcrits avec lui ; & c ’eft une mère qui eft leur
interprête & leur organe ! . . .
Mais fon vœu ne fera
pas rempli : la loi vient au fecours de ces êtres innocens,
& prend foin de leur deftinée, en protégeant l’état de leur
père ?
M
O
Y
E
N
S
.
L ’interdi&ion pour caufe de démence eft; une dégra
dation to ta le , une efpèce de mort civile. L e citoyen in
terdit comme infenfé eft déchu de toutes les prérogatives
qu'il tient de la nature & de la loi ; il n’a plus que l ’ap
parence de l’hcm m e; c’eft un objet de dérifion & de mé
pris, un être pailif alfervi a une volonté étrangère, & dont
l’unique droit eft de recevoir des alimens qui prolongent
fa miférable exiftence.
Plus les effets de l’interdi£Uon font funeftes, plus l’ac
tion qui tend à la faire prononcer, eft odieufe. Il eft dans
l’ordre que le père de famille jouifle de fon é t a t , de fa
liberté, de fes propriétés : lui ravir cettz jouiftance eft un
a£te violent qui répugne à la nature , & que la loi ne per-
(1} Ce Laquais eft le nommé Ticrcelln , dont la femme eft F -mnie-deChambre de Madame la Prélidenre d'Abbadie , & dont le Père vu «ians le
P o ito u , des bienfaits de M. le Pré ident d’ Abbadie
N ij
�IOO
met qu’à regret. - C ’eft moins un bien qu’ un mal quelque
fois néceifaire, pour en prévenir un plus grand.
La demande à fin d’interdi&ion du m a ri, pourfuivie par
la femme feule, contre le vœu do la famille, bleife l’hon
neur du mnriage, feandalife les m œ urs, & doit exciter la
défiance de la juftice. L a Marquife de Cabris n’auroit pas
la curatelle du Marquis de Cabris, fi elle avoit confpiré
contre l u i , & cherché des moyens de le faire interdire. L e
titre d’époufe fufRfoit à fon cœur : ce n’a été que la larme
à l’œil qu’elle s’eit vue chargée du titre de curatrice : c’efl
principalement par le zèle avec iequel e le a pris la défenfe
de fon mari qu’elle a mérité Tcftime des citoyens & la
confiance des Magiftrats.
Mais combien une pourfuite de ce genre n’eft-elle pas
odieufe de la part d’une femme qui de tout temps a fait
le malheur de fon mari, qui a employé quatre ans à s’ar
mer contre l u i , & à faire les préparatifs de fon interdic
tion , qui s’eft fait autoriier par un certificat de Médecins
à l’ envoyer dans une maifon de fo r c e , qui l’a fait décla
rer fou
incurable en fon abfence , par un autre certifi
cat d'un M édecin qui, fuivant elle-même, venoit d^ pro
mettre fa guérifon totale , qui a fait fes délices de ce cer
tificat, & d’une correfpondance collufoire par laquelle fes
confidens, fes fuppôts, un Coch er même l’entretenoient
fans ceffe de la prétendue maladie de fon mari; qui, pour
l ’accufer de dém ence, a attendu qu’il.eût perdu fa mère &
fon o n c l e , & que fa fortune fc fût accrue de plufieurs mil
lions , qui a reconnu d’abord fa capacité pour adminiflrer,
en lui demandant le pouvoir de toucher ces millions, &
a affecté de ta méconnoître au (fi tôt qu’elle a vu qu’il vou-
�ÏOI'
loit les toucher lui-même & en faire un emploi utile ; qui
l a attiré en trahifon de Pau à Paris, pour le pourfuivre
à Pau à fon infçu , ôr a réuili à force d’intrigues à le faire
interdire par provifion , fur le feul avis d’une poignée de
parens & alliés éloignés &
de foi-difans amis;
rigueur
inouie à laquelle un Bedeau de l’Univerfité de Pau échapp o it, contre le vœu de fa famille, dans le temps même
où un Magiftrat du premier rang en étoit la v id im e ; qui
a ofé le tenir en chartre privée pour l’empêcher de fe
défen dre, & l’a privé des fecours néceifaires contre une
colique violente dont il étoit atteint ; qui s’eft emparée
clandeftinement de fes revenu s, qui le rend depuis deux
ans le jouet de l’ efpionage le plus hardi ôc le plus fean*
daleux, exerce fes enfans à jouer le rôle de folliciteurs
contre leur père , contre eux-mêmes , fait coniifter fon
honneur à les déshonorer, & femble ne pouvoir plus être
heureufe que par la profeript'on de fa famille. ?
Madame la Préfidente d’Abbadie croit elle donc que la
curatelle de M . le Préfident d’Abbadie lui feroit-déférée,
après des procédés aufii odieux, s’il étoit polîible que ce
Magiftrat fin interdit? N o n : nos loix feront m éconnues,
nos mœurs entièrement relâchées , toute idée de juftice
effacée de nos efprits, tout fentiment d’honnêteté éteint
dans nos coeurs, avant qu’une telle femme puifie être nom
mée curatrice de fon mari.
Si la demande à fin d’interdi&ion de M . le Préfident
d Abbadie eft odieufe par les circonftances qui l’accompa»
gn en t, elle eft aufii injufte en elle-m êm e,
fort qu elle
&
digne du
eu devant les premiers Juges.
11 eft évident que M . le Préfident d’Abbadie jouit de ia
�i6 i
rail fon1, ¿a qu’il eíl capable d’adminifirer fes biens.
Son état de raifon eft démontré par l’avis de fa famille,
par íes interrogatoires & par le rapport des Médecins.
Sa capacité pour adminiftrcr eíl une fuite naturelle de fon
état de
ra ifo n
; elle eft démontrée d’ailleurs par fon ad-
miniftration m êm e, par fes épargnes, parles acquiiitions
qu’il a faites depuis 1781 , époque à laquelle on fait com
mencer fa prétendue démence. Il n’a jamais a lié n é, il a
toujours acquis : que pouvoit-il faire de plus ?
Rappeliez-vous , Meilleurs, c e ta & e d’adminiftration quia
fuivi immédiatement le décès de Madame la Préfidente
d’A bbadie, m ère, arrivé dans le mois d’A oû t 1784; M .
le Préfident d ’Abbadie avoit alors en réferve fon revenu
d’une année, environ 40,000 liv. Il a employé près de
trente mille livres à acquitter des legs portés par le tes
tament de fa mère, quoiqu’elle lui eût accordé un délai de
quatre ans, pour payer les fournies principales & les inté
rêts. Ces deniers étoient oififs dans fa caiife; ils ont fervi
fur-le-champ à éteindre des intérêts onéreux ; & fon projet
é t)it d’employer fucceíTivement fes revenus à l’acquit des
charges de la fucceffion de fa m è r e , fans aliéner aucuns
fonds..Si un tel Adminiftrateur pouvoir être interdit, quel
eft l’homme qui feroit digne d’être fou Curateur?.
En vain dit-on que des interrogatoires peuvent ne mar
quer qu’ une raifon apparente, & qu’ils ne font pas toujours,
quelque raifontiables qu’i!s paroiifent,
taines d’ un état de raifon.
des preuves cer
U n , d e u x , ou trois interrogatoires peuvent être fubis
dans des moments lucides &. marquer plutôt le fommeil
�103
'de la f o lie , que le réveil de la raifon. Mais feize interro
gatoires, dont neuf font fubis dans l’efpace de cinq femaines, depuis le 29 D écem bre 178) , jufques au neuf Février 1 7 8 5 , dont plufieurs font fubis dans des jours choins
par la partie qui cherche à découvrir la prétendue démence;
tant d’interrogatoires q u i , avec une foule de dires perfonnels embraifent un efpace d’environ cinq m o is , ne peu
vent pas être des fignes douteux de la raifon qu’ils an
noncent; la raifon qui fe foutient fi long tem ps, ôc qui
réfifte à une telle épreuve , doit être réelle ôc folide. D eu x
Médecins qu i, après avoir vifité M. le Préfident d’Abbadie
pendant foixante huit jours confécutifs, ont atteilé fous
la foi du ferment, que fon état habituel eft un état de raifon,
n’ont pas pris l’apparence pour la réalité ; ôc vous-mêmes,
Meilleurs, avec qui M. le Préfident d’Abbadie a eu l’honneur
de converièr en follicitant votre juftice , vous favez fi fa
raifon eft une lueur trompeufe, ôc fi elle ne reifemble pas
à celle des autres hommes.
Si fa conduite étoit infenfée, on auroit un prétexte
de dire, que la raifon qui règne dans fes interrogatoires,
n’eft qu’une raifon apparente : mais il agit mieux qu’il
ne parle, il adminiftre mieux qu’il ne raifonne , ôc des
hommes à qui la nature a prodigué fes dons, les plus
brillans, pourtoient prendre de lui des leçons de fageiTe
ôc d’écunomie.
Il
a eu des momens de trouble ôc d’agitation , cela,
eft vrai; mais ces momens dans lefquels fa raiion ne
s’eft pas éclipfée , ainfi qu’il eft démontré par fon dire
du 12 Avril ôc par fon interrogatoire du 1 3 , ets m om ens,
difons-nous, forment un
accident indifférent pour ion
�,04
. - adminiftration, & non pas un é ta t, & c’eft l’état que la
L o i confulte en matière d’interdi&ion, & non pas l’ac
cident.
L a démence eft une maladie perpétuelle de fa nature.
On
ne met. pas au rang des foux ceux qu’une fièvre
éphemère jette dans le délire, ni ceux dont la maladie
connue fous le nom de vapeurs, trouble de temps en
temps la mémoire & la raifon, ôc ce n’eft qu’à ceux en
qui la démence eft une maladie -habituelle & perpétuelle
de fa nature, que la L o i donne des Curateurs. M enti
captisi & mutïs & fu r dis
& qui perpetuo morbo laborant
,
Curatores dandi fu u t. C ’eft la difpofition des Inftitutes,
liv. 1 , tit. 23 , § 4.
E t comment feroit-il poflTible de regarder comme infenfé
un homrre
que des preuves confiantes &
multipliées
font voir dans un état habituel de raifon? l’accident du
moment où fa raifon fe trouble fans s’éclipfer, l’emporteroit-il donc fur l’état confiant & habituel où elle fe
montre fans aucun nuage , & quand la nature laiiïe un
fi grand intervalle entre un homme habituellement fou
qui a des momeos lucides, ôr un homme habituellement
calme
& raifonnable qui a quelques infians d’agitarion,
la Loi les confondra t-elle dans le jugement qu’elle portera
fur leur co m p te, & leur fera-t-elle fubir le même fort?
Q uelle feroit la condition de M. le Préiïdent d’ Abbadie,
s’il étoit interdit fous prétexte que dans un long efpace
de temps pleinement éclairé par fa raifon , il fe feroit
ren co n tré
un
ou
deux jours, pendant lefquels il auroit eu
quelques idées moins claires & moins ln.vnneufes! il fentiroit
toute l’horreur de fon éta t, il gémiroit fans cefle fous
le
�Tô*
le poids de fes chaînes, il feroît en proîe au défefpoir.
Peignez-vous, M eiïïeurs, le
fupplice d’un homme qui,
pour une légère indifpofition fe
verrôit enterrer tout
vivant: tel feroit le fupplice de M . le Préfident d’A bbadie, fi dans l’état où il eft il fe voyoit dégradé de
l ’efpèce humaine, & traité comme un vil automate qui
n*a en partage ni le fentiment ni la raifon.
E t pourquoi M . le Préfident d’Abbadie fubiroit-il cette
dégradation flétriffante ? feroit-ce parce que dans quelques
înitans fa raifon auroit eifuyé une agitation paifagère ?
mais la L o i voit d’un œil indifférent les variations de
Tefprit humain, lorfqu’elles ne portent aucune atteinte ni
à l'ordre Public, ni au bien des familles. Q u ’un homme
parle peu ou beaucoup ,
que ià parole foit lente
ou
rapide, que fes idées foient touiours claires & juftes, ou
quelquefois obfcures &
inconféquentes : peu importe,
pourvu qu’il fâche gérer fes affaires : c’eft tout ce que la
L o i exige pour le maintenir dans cette geftion. Si elle
donne un Curateur à un infenfé, c’eit uniquement parce
qu’il eft incapable d’adminiftrer fon bien : Mente captis
& qui perpetuo morbo laborant
, quia
, Curatores dandi Junt, C e
rebus fu is fuperejje
n’eft que rtlativeme: t
à i’adminiflratioti que la L o i examine les facultés ifitelle&uelles de l’homme. S ’il étoit un genre de folie com
non pofjunt
patible avec une bonne adminiftration, celui qui en feroic
atteint ne pourroit pas être interdit.
L ’inftruttion faite au Châtelet pendant près de cinq
m o is, depuis le
D écem bre 1 7 8 ) , jufques au 18 M ai
1786, fixe le dernier état de M . le Préfident d’A bbadie,
qui eit celui fur lequel la Cour a à prononcer. Q u e
O
�10 6
trouvons-nous dans ce long intervalle ? nous trouvons
deux jours du mois d A v r i l , le 12 & le 13 j pendant
lefquels fon efprit a été agité : mais dans ces jours là
mêmes fa raifon étoit dom inante, fuivant le rapport des
M é d e c in s, & comme il eft démontré par fon dire du 12 ,
&
par fon interrogatoire du
13. L a queftion à juger
dans cette caufe eft donc de favoir fi M . le Préfident
d’Abbadie doit être regardé comme incapable d’adminiftration, fous prétexte que fa raifon a efluyé une agitation
paflagère pendant un ou deux jours, dans un efpace d’en
viron cinq mois. La fjlution de cette queftion eft facile,
& la feroit également dans le cas même où cette agita
tion feroit plus fréquente , & fe renouvelleroit tous les
mois ,
hypothèfe qui eft pleinement démentie par la
procédure.
D ’abord la raifon de
M . le Préfident d’Abbadie ne
s’éclipfe point dans ces momens d’agitation. L e rapport
des Médécins le conftate ; le. dire du 12 Avril & l’inter
rogatoire du 13 le démontrent. Les foins domeftiques
pendant un ou deux jours
n’exigent pas des lumières
plus étendues que celles qui fe manifeftent dans ce dire
& dans cet interrogatoire. O n voit dans le rapport des
Médecins un fait décifif à cet égard , & digne de la
plus grande attention : » C ’eft que dans le fort d’une crife
» on a préfenté un mémoire d’ouvrier à M . le Préfident
» d’Abbadie, qui l’a lu attentivement, en a calculé le
» montant, & a répondu fur le cham p, que ce n’étoit
» pas là le réfultat de fes conventions, qu’il y avoit une
7> grande différence du prix convenu,
» term iner,
on
n avoit qu’à
donner à
mais que pour
l’ouvrier telle
�107
j*
fomme dont il devoit être content».M . le Préfident d’A b-
badie feroit donc capable de gérer fes affaires domeftiques
même dans le cas d’une maladie accidentelle femblable
à celle des 12 &
13 A vril dernier.
D ’ailleurs, les foins perfonneb du père de famille ne
font pas de tous les inftans, ni de tous les jours. Il n’en
efl aucun dans la clafïe où fe trouve M . le Préfident
d’Abbadie, ni même dans des clalTes inférieures, qui ne
paife plufieurs jours dans chaque m o is, fans s’occuper de
fes affaires domeftiques, & qui n’en confie le détail à
des fubalternes qui lui en rendent compte à des époques
marquées. M . le Préfident d’Abbadie feroit donc capable
d’une bonne adminiftration , quand on fuppoferoit que
tous les cinq m ois, tous les deux m ois, même
tous
les mois, il eifuyeroit pendant un , deux &c trois jours
une agitation femblable à celle qu’il a eifuyée les 12 &
15 Avril dernier. Une fuCpenfion momentanée de fes foins
perfonnels ne troubleroit point le cours de fon adminif
tration , qui feroit habituellement éclairée par fa raifon,
& n’en derangeroit point l’économie.
Q uel accident peut-on craindre pour la fortune de M .
le Préfident d’A b b a d ie, dans le cas où l’agiration des
12 & 13 A vril dernier viendroit à fe renouveller ?
Craint-on qu’il n’aliene fes fonds, ou
qu’il
ne les
engage par des obligations, des billets, ou des lettres
de change? mais outre qu’il n’a jamais aliéné,, qu’il eit
dans 1 habitude dacquérir, il fe foumet à un c o n fe il, fans
lequel il ne pourra, comme il efl porté par ia Sentence
du Chatelet, confentir aucuns a£tes tendans à l’aliénatioq
de fes biens.
O ij
�io8
Craint-on qu’il ne diflïpè l’argent comptant qu’il aura en
main? mais il n’a
l ’habitude de
réferve au
ja m a is
fa ire
r l.o is
dilfipé , il eft au contraire dans
des épargnes. Il avoit 40000 livres en
d’Aoû t 1 7 8 4 , & il en a employé la plus
grande partie à acquitter d’autant les charges de la fuccefiïon de fa mère. Un homme qui a été économe jufqu’à
l’âge de f o ans , ne devient pas tout-à-coup prodigue
& diifipateur. D ’ailleurs la crainte d’une diifipation future
ne doit pas produire une interdi&ion anticipée.
Craint-on enfin que l’argent comptant qu’il aura en
main ne lui foit volé ?
Mais le crime ne fe préfume pas, ôc perfonne n’ eft à
l ’abri du vol.
Si
dent
quelqu’un entreprenoit
d’Abbadie
de
voler
M . le
Préfi
en fa préfence , même en temps
de
m aladie, il s’en appercevroit, ôc il tâcheroit de prévenir
le vol. Il étoit malade le p Septembre 1781 , à fon paflage
à Poitiers, fuivant l’énoncé
des deux quittances de la
fomme de 20000 livres, que Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft fait remettre par
le Regiffeur, A-t-elle ofé
toucher cette fomme en préfence de M . le Préfident
d’Abbadie ? N on : elle a donné un rendez-vous fecret au
R égifieur; elle l’a fait cacher dans la ru e lle , au premier
bruit qu’elle a entendu dans la chambre de fon mari;
elle a pris les facs fans compter les efpèces, de peur
que le fon des écus n’interrompît le fommeil de M . le
Préfident d'Abbadie, ôc ne l’attirât dans le lieu où elle
s’emparoit de fes revenus. M . le Préfident d’Abbadie ne
pourroit do n c pas être volé ‘en fa préfence, même e a
temps de maladie, fans qu’il s’en apperçût.
�*0ÿ
S ’il étoit volé en fon abfence , ce qui peut arriver à
tout le monde , il ne tarderoit pas à s’en appercevoir.
I l s’eft bien apperçu que Madame fon époufe lui avoit
fouftrait 35,000 livres le 8 N ovem bre 1 7 8 3 , lorfque le
fieur Olivier lui a porté cette fotnme en dépenfe dans
fon compte du 10 du même mois, comme remifeà Madame
d’Abbadie ; & dès le lendemain, il en a pourfuivi la reftitution contre le Pieur Olivier. Il mandoit de fon Château
d’Ithorots ,a u fieur Louftau , par fa lettre du 28 N ovem bre
1 7 8 4 .,aprèsdaux mois d’abfence de la V ille de Pau ; qui i
t>trouveront
dans un petit tiroir de fon fecrèt a ire , à gauche,
» du côté de la porte de la bibliothèque , un billet du fieur
» de Beaurégard , de la Jommc de 8000 liv. fou s une enve» loppe. N ’eft-il pas évident que fi ce billet lui avoit été
volé pendant fon abfence, il fe feroit apper^u du vo l ?
L es biens-fonds & l’argent comptant font donc en sûreté
dans les mains de M . le Préfident d’Abbadie , comme il»
le feroient dans celles de tout autre adminiftrateur : ce
Magiftrat feroit-il donc interdit fous prétexte de quelque
agitation pailagère qui ne feroit aucun préjudice à fon
adminiflration ? Mais le Juge qui interdit un citoyen pour
caufe de d é m e n ce, n’eft que l ’organe de la L oi qui a pro
noncé d avance cette interdiction , & la L o i n’interdit que
celui que la privation de la r.aifon rend incapable d’adminiftrer par lui-même : quia rcfîus fu is fupereffe non poffunt
iuratores dandi Jutit. O r , il eft démontré par les interro
g a t o i r e s ^ p a r le rapport des M éd ec in s, que M . le Pré
sident d’Abbadie eft dans un état habituel de raifon , &
par une longue expérience , qu'il eft capable d’adminiftrer
par lui-même» Il n eft donc pas poflible de l’interdire.
�La jurifprudence de la Cour confirme à cet égard la
difpofition de la L o i , & des exemples anciens & récens
font des garans certains que M . le Préfuient d’Abbadie
ne fera pas interdit.
L es gendres de la Dame de Saintot l’avoient fait interdire
par les premiers J u g e s , fous prétexte d’une m élancolie,
qui
depuis quelques années avoit troublé fon «fprit &
affoibli fa Mémoire , ce qui leur faifoit craindre qu’elle
ne difposât de fon bien à leur préjudice. Un arrêt du
12 Février 1548, rapporté par S o e f v e , Centurie 2 , ch. 64 f
infirma la Sentence d’interdiftion ; & pourquoi ? « Parce
» qu’on ne voyoit point , dit l’Arrêtifte, que la Dam e
» de Saintot eût encore fait aucune diffipation de fon bien,
» & qu’il n’étqit pas jufte que des enfans demandaiTent
» l’interdi£tion de leur mère fur la feule crainte qu’ils avoient
» que dans cette mélancolie elle ne vînt à difpofer de fes
» biens mal-à-propos ; une interdiction ne pouvant jamais
» être fondée fur ce qui peut arriver , mais fur ce qui efl
» arrivé auparavant qu’elle ait été demandée & pourfuivie
» en juilice.
L e fieur Fourneau DucaiTeul étoit plongé depuis plus
de trente ans dans une yvreife journalière qui troubloit
fa raifon : fes proches detnandoient fon interdi&ion fous
ce prétexte. Mais il n’avait pas di(fipé, & il a été main
tenu dans fon état par un arrêt du 1 1 Juillet 178 6.
Une habitude de trente ans eft une fécondé nature ; un
homme dont une liqueur étrangère rouble journellement la
raifon depuis plus de 30 ans eit moins capable d’adminiftrer
que ne le feroit un homme en qui une humeur naturelle pro
duiront de loin en loin pendant un ou deux jours feule
�L I1
ment
une révolution femblable à un
commencement
d’yvreife, & affimiler à cet état celui où M . le Préfident
d’Abbadie écoit les 12 &
13 Avril dernier, ce feroit le
juger avec plus de rigueur que ne le permettent le dire
du 1 2 , & l'interrogatoire du 13.
Si la C o ur a épargné en
1648 &
en 1786 le coup
de l’interdi&ion à des gens de la claiTe com m une, dont
la raifon étoit moins faine que celle de M . le Préfident
d’Abbadie , & dont la feule défenfe étoic de dire qu’ils
rfavoient point difl/pé , peut-on croire qu’elle interdira ce
Magiftrat qui a fait des épargnes & des acquifitions , ôc
qu’elle frappera fa perfonne d’une fiétrifiure en quelque
forte héréditaire, fans aucune néceflité.
Je dis , fans aucune tiécejjiiê , & c ’eft ici mon dernier
argument que je vous fu p p lie, M elïieurs, de faifir avec
toute l'attention que mérite l’importance de cette caufe.
L ’interdi&ion d’un citoyen ne doit être prononcée que
lorfqu'elle eft d’une nécefiité abfolue pour la confervation
de fa perfonne & de fes biens.
O r , il n’y a aucune néceiTité d’interdire M. le Préfident
d’A b b a d ie , ni pour la confervation de fa perfonn e, ni
pour la confervation de fes biens.
N ulle nécellitd d’interdire M . le Préfident d’A bbadie,
pour la confervation de fa perfonne : ce point eft établi
par l'aveu même de Madame d’A bbadie, & par une longue
expérience.
Madame d’ Abbadie déclare dans fon Mémoire imprimé
nu Chatelet, page 114., « que fi M. le Préfident d’Abbadie
» lui a voit envoyé fa procuration, à l’effet de le repréferxer
» p ar-tou t, on auroit eu tout ce qu’on pouvoit attendre
�» d’une interdiction, & que feulement on s’en feroit épar» gné les ddfagrdmens ».
O r , la p r o c u r a t i o n qui auroit rendu l’interdi&ion inutile
,
de l’aveu de Madame d’A b b a d ie , ne lui auroit donné
aucun
fident
p o u v o ir
fur la perfonne de fon mari ; M . le Pré-
d’Abbadie feroit refté en Béarn , maître de
fa
perfon ne, tandis que Madame d’Abbadie feroit reftde à
Paris maîtreife de
ià
fortune , en vertu de fa procuration
:
l’interdiction n’eft donc pas ndceiTaire, de l’aveu même
de Madame d’Abbadie , pour la confervation de la per
fonne de fon mari.
D ’ailleurs, une longue expdrience démontre que M. le
PrdftdentdÀ’bbadiefaitadminiftrerfa perfonne.Depuis 1781
qu’il a continud d’être maître de lui-même , il ne lui eft
en core
arrivd aucun accident fâ c h e u x , & depuis deux ans
qu’il a quittd une dpoufe devenue fa perfdcutrice , fa fantd
eft plus robutfe, & fa perfonne eft en meilleur dtat.
* N ulle ndceifitd d’interdire M . le Prdfident d’Abbadie
pour la confervation de tes biens.
Il fe fo u m e t, par une prdcaucion furabondante, d’un
c ô t e , à faire emploi de toutes les fommes mobilières
provenantes de la fucceifion du fieur de Borda, & d’un
autre côtd , à ne pouvoir paifer aucuns a£tes tendans à
l ’aliénation de fes biens que de l’avis d e M c Babille , ancien
Bâtonnier des Avocats qu’il a ch o ifi, & que la Sentence
du Châtelet lui a donnd pour confeil.
M ais, dit-on, que deviendront les revenus dans les mains
de M . le Prdfident d’Abbadie?
Je demande d’abord moi-même ce qu’ils deviendroîent
dan* les mains de Madame d’Abbadie,
Tout
�, . 1 1 ?
,
X o u t le mond.e.répo nd'^qu’ejle les. employ eroit largement
à fés beibins & à fes plalilrs% "¿c* periorme n’eft dupe de
l ’offre dérifoire .qu'elle vient de faire en la C o u r , d’employer
l ’excédent des revenus, de l’avis d e M e Hutteau fon confeil.
A coup sûr, ,M e Hutteàu auroit été confijlté plus fouvent
fur un emploi de ce g e n r e , s’il avoit continué d’être le
Confeil de M . le Préfident d’Abbadie.
M . le Préfident d'Abbadie fera de fes revenus ce qu’il
jugera à propos. Il pourvoira aux befoins de fon époufe ;
c ’eft tout ce qu’elle a droit d’exiger; il n’épargnera rien
pour l’éducation de fes enfans ; il eft bon m a r i, bon
père : 40000 liv. qu’il avoit en réferve en 178.4, lorfqu’il
ne jouiifoit que d’environ. 40,000 livres de rente , & les
acquifitions
qu’il a faites depuis
1781 , prouvent cju’il
fçait trouver de l’excédent dans fes revenus, & l ’employer
d’une manière utile. C e que Madame d'Abbadie promet
de faire , M . d. ’Abbadie l’a déjà fait.
E t quand il feroit certain qu’il dépenfera fon re v e n u ,
feroit-ce un m otif pour l’interdire? Les fruits ne font-ils pas
eonfacrés à la jouiifance du père de fam ille, & a - t - o n
jamais interdit un m ari, de peur qu’il ne donne à fon
revenu une deftination arbitraire & indépendante de.»
goûts & des caprices .de. fa femme ?
M . le Préfident d’Abba die jouit de fa raifoh : fes
interrogatoires & le rapport des Médecins le prouvent ■
:
il eft bon adminiftraceur, fes épargnes & fes acquifitions
le démontrent. Il a clioifi. d’ailleurs. M c Babille pour fon
C o n fe il; fon adminiftration aura pour g u i d e 'l ’expérience
la plus confom m ée, & la fpgefle fera déformais la com
pagne de fa raifon.
Répétons en finiiTant ce que nous diiions l’année dernière
au Châtelet.
P
�'r i4 '
Q u e Ta. deftinée de M . le Préfident d’Abbadie eft cruelle]
Sa vie n’eft depuis, fon mariage qu’une chaîne d’épreuves
affligeantes dont la dernière tend à le dégrader & à le
plonger dans-un abîme de misère.
Il eft attaqué par un parti qui a confpiré fa perte ; &
qui voit-il à la tête de cette confpiration ? Son époufe.
Une époufe*. dans le choix de laquelle il a facrifié les.
convenances
de. l’in térêt, pour fuivre aveuglément le
penchant de fon cœur.
Une é p o u fe , qu’il a comblée de libéralités dans fon
cortrat de mariage, & qu’il auroit rendue heureufé,, fi elle
avoit fçu l'être.
T u n’as, lui dit-elle, que les dehors de l'homme :I’inftih£t.
aveugle a pris dans ton ame la place de la raifôn.
N o tre condition eft changée : je ferai déformais maîtreiTè
de m oi-m êm e, & tu relieras fous ma puiifancei
Abandonne ces richeiTes que la fortune vient d’accu
muler dans tes mains : c’eft moi qui dois-en avoir la jouitfan ce, c’eft à moi à régler la mefure de tes befoins.
Defcends du rang que tu occupes parmi les Miniftres
de la loi : ta Magiftrature eft finie, le fanûuaire de la juftiee
ya fe fermer fous tes pas.
R en on ce à tes enfans : il craindront de t’appeller leur
p è r e , & ils rougiront de te devoir la naiflance.
T u n’es plus citoyen : la fociété te proferit & te rejette
de fon fein.
T u n’as qu’une exiftence paifive, & le reffe de ta vie ne
fera qu’une mort anticipée.
Il
entend ce langage : il frémit au fëul fouvenir de celle
qui- ofe l’outrager & le menacer ainfi. L e paiTé femble revivre
pour fon fupplice; les peines qui ont empoifonné le cours
de fa viÇ y fe raifetnblent maintenant danrt fon ame > & la
�11*
'déchirent foutes à la fois. Son courage ne l'a cependant pafc
abandonné : il a fubi pendant cinq mois l’épreuve humiliante
à laquelle il a été aflujetti : fouvent il a prévenu lui-même
le Magiftrat; il eft allé lui faire voir la iktiation de fon
efprit & lui découvrir fon am e, cette ame qu’aucun méfait
n’a jamais fouillée, & qui ne cotinoît p oin tée remords;
il penfe, il raifonne, il fentr, il exprime; quiconque l’en*tend partage la douleur dont il eft pénétré, &. fes perfécuceurs, pour avoir l’air de l’immoler i.ns .finrc, feignent dô
croire qu’il eft infenfible au mal qu’ils lui font.
Ihfôrtuné Magiftrat ! . . . que deviendroit-il, fi les loixpouvoient fouifrir cet affreux facrifice !
l i e Certificat-du 0. Mai 1783 , qui autorife fon épouie
à employer la force contre l u i , fort dans fa maifon, foit
dans une maifon publique, à fon choix ; le certificat du 6
Février 1784., par lequel elle l’a fait déclarer fou incu
rable, contre fa convi£tion intime, contre l’évidence même;
la chartre privée où elle l’a tenu , & l’abandon où elle
1-a làiifé une nuit entière au milieu des dbuleurs les plus
aiguës-, font le p ré fa g e effrayant du fort qui lui eft réfervé.
R elégu é dans une maifon de force', ou détenu dans la
fienne , il ne jouiroit plus à-fon gré ni du ciel qui l’écla ire,
ni de 1-air qu’il refpire , ni de la rerre qur s’offre fous fes
pas ; la nature entière difparoîtroit à fes yetrx : fe u l, faiiî
parens, fans, amis-, étranger à tout le monde &
charge
à lui-même, il chercheroit vainement autour de lui des
êtres fenfibles auxquels il pûft fe plaindre, ôt qui priifent
part a fe’s peines. Jamais la' voix confolante de l’humanité
n e frapperoit fon oreille & ne fufpendroit le cours de &
douleur. Il n entejidroit que les infultes ôc les menaces dea
tyrans mercenaires qui s’attacheroient à fa perfonne, ôcdonc»1 feroit le jouet. & la vi&ime. L a m o r t.......... la mort trop
�i
\6
lente pour fes befoins feroit fon unique _efpérance ; elle
feule pourroit brifer fes chaînes & mettre fin à fon mal
heur.
L ’idée de cette fituation, quelque affreufe qu'elle fo it5
n’eft pas c e qui l’affecte le plus dans ce moment : il eft pere :
fon cœur fe déchire au fouvenir de deux enfans dont la
deftinée eft attachée à l a fienne, & que le préjugé envelopperoit dans fa profc ription. i l fent redoubler fon courage
en fongeant au malheur dont ils font menacés : ce feroit
peu de leur laiff er une grande fortune, s’il leur laiffoit en
.même temps un nom flétri & déshonoré : il l ’a fignolé ce
nom par d’affez grands facrifi ces , pour qu’il doive être
jaloux de le conferver fans tache : les prifons de la baftille
dépofent de fon dévouement généreux au milieu des révo
lutions publiques.; les regiftres de la Cour confacrent les
,
efforts de fo n zele pour le bien du fervice du R o i & pour l'hon
neur de la Magift rature : c eft cet honneur qu’il veut fauver
comme le .patrimoine le plus précieux de fes enfans;; en
combattant pour lui-même contre fon époufe, il .combat
pour eux contre leur mere : il défend trois victimes qu’elle
s’efforce d’immoler à la fois; mais après qu’ils auront triom
phé de ce péril com m un, il leur apprendra à oublier les
erreurs de celle; qui leur donna le jo u r, & à lui rendre le
bien pour le mal qu’elle n’aura pas pu leur faire.
M onfieur S E G U I E R , Avocat Général.
Me B E R G E R A S , A vocat.
1
A Paris, chez K N A P E N
J u l h i a r d , Procureur.
;
& F ils , Lib.-Im pr. de la
C o u r des A i d e s , au bas du Pont S, M ic h e l, 1 7 87.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Vernet
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Plaidoyer pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
117 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0105
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0106
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53980/BCU_Factums_V0105.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
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26faad0fe7621e18785ae1baded40915
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Text
REPLIQUE
P O U R
M .D
'
A
b b a d i e
,
Confeiller - Honoraire au
Parlement de Paris, Préfident à Mortier au Parlement
de Navarre.
C O N T R E
Madame
la
P r éfidente D ' A b b a d i e
fon
E poufe.
M
U
n
e s s i e u r s
,
Citoyen R om ain, qui avoit mené une vie paifible
voyant fon nom écrit fur les tables fatales qui annonçoient
les p r o f i t i o n s , s’écria avec douleur: « Malheureux que
» je fuis ! c’ef t ma belle maifon
» mourir ».
d’A lb e qui me fait
M . le Préfident d Abbadie s’écrie aujourd’hui dans une
A
Farlem ent de
P aris.
G rand’Chambre.
�2
iituation
non
moins affligeante : « M alheureux que
» fuis ! c’eft ma fortune
qui fait de
» enaem ie
qui
m o r t e lle ,
&
ma femme
l’excite à
demander
je
mon
ma
» profcription ».
L e s faits de la C aufe ne juftifient que trop cette exprcffion de fa peine , ce cri de fa douleur*
L e plan de M adam e la Préiidente d’À lb a d ie fe réduit
à ces deux points:
« Je fu is , d it-elle, exem pte de reproche.
» E t mon mari eft infenfé ».
L a défenfe de M . le Préfident d’A bbadie roule fur les
deux points contraires.
« M o n époufe , d it -il, eft grièvem ent coupable envers
» moi.
» E t je jouis de ma raifon ».
R é ta b liro n s ces deux p o in ts , & ramenons-y toute la
Caufe.
Il n’eft pas inutile de retracer les torts de M adam e la
Préfidente d’A bbadie envers fon mari : les uns ont dcd le
prélude & les préparatifs de fon a£tion ; les autres
en
décèlent les motifs ; tous c o n c o u r a ie n t à la faire exclure
de la curatelle de M . le Préfident d’A b b a d ie , fi ce M agiftrat avoit befoin d’un curateur.
I*r«mier tort.
premier
tort de M adam e d’A b b a d ie
eft
d’avoir
rendu dans tous les te-nps fon mari malheureux.
M . le Préfident d’A bbadie a fait entrevoir une partie de
fes malheurs d om eftiqu es, en l'hôtel du fieur Lieutenant
C i v i l , dans fon dire du 27 Septembre 1 7 8 ; .
�3
E n vain obje&e^t-on que ce dire étoit écrit d’une main
étrangère. Il avoir été écrit fous la di&ée de M . le Préfi
dent d’A bbadie ; & le procès-verbal conflate qu’il a réfuté
lui-même cette obje& ion , en déclarant Jeul & fans l’ajjîjtance, de fon Procureur, q u il p erfifoit dans fo u dire.
L e dire du 27 Septem bre 1 7 8 ; n’ efi. donc pas, com m e
o n l a plaidé , l’ouvrage d’une
l ’ouvrage de M . le Préfident
volon té étrangère ; il eft
d’A b b a d i e , &c une foible
expreflion de fes malheurs.
O u b li des égards qui lui étoient dus ainfi qulà fa m ère;
mépris de fa perfontie ; contradiftions perpétuelles ; nécefiité de vivre féparément : voilà d’après le dire du 27 S e p
tem bre 1 7 8 ^ , c e que M . le Préfident d’A b bad ie a trouvé
dans le mariage.
I l s’eft expliqué un peu plus ouvertem ent dans fes in
terrogatoires.
Il dit dans celui du. 29 D é c e m b re 178J : « Q u ’il eft
» bien aife de prouver à M adam e d’A b bad ie qu’il n’a pas
» befoin d’elle pour fe maintenir en bonne fanté ». D ans
celui du j Janvier 1 7 8 5 : « Q u e M adam e d’A bbadie eft la
» caufe dè tous fes chagrins ; qu’il confent à lui donner
» dix mille livres par année pour vivre clans un c o u v e n t» .
Dans celui du 13 Janvier : « Q u ’il ne croit pas Être o b ligé
» de faire de plus grands avantages à une fem m e qui le
» perd de réputation ; qu’il la difpenfe de fon attachem ent».
Dans celui du 1 7 , «qu’il lifoit (à l’arrivée du fieur Lieutenant
» C iv il à Vitry)le M ercure de F ra n ce dans lequel étoitjriiif» toire d u n e femme qui avoit empoifonné fon m ari, &
» qu à cette occafion il s’étoit livré à quelques réflexions chaA ij
�4*
» grines, fur les malheurs que les maris font fujetsà éprou» ver de la parc de leurs fe m m e s , & fur fa propre fitua» tion ». Dans c e lu i du 22 avril , il s’écrie : « C om m e n t
» ne pas tenir rigueur à uue fem m e qui deshonore fon
» m ari, qui lui fufeite une affaire dont l’éclat le met hors
d’état d’exercer aucune
fon& ion ! enfin dans celui du 18
M a i , il répond : « qu’il perfifte dans tout c e qu’il a déjà
» dit, ( concernant la peniion de Madame d’A b b a d ie , & fa
» retraite dans un c o u v e n t ) , que le iieur Lieutenant C iv il
» eft trop prévenu en faveur de ladite d a m e , que d’après
» la conduite qu’elle a tenue à l’égard de lui répondant
» tant à Pau qu’à P a ris, & les chagrins domeiUques qu’elle
» lui a ca u fé s, il fe croit en droit de fe tenir éloigné d’e lle ;
» que c’efl: le feul m oyen qu’il ait de rétablir parfaitement
» fa fanté, qui n’a été altérée que par les peines &
les
» inquiétudes qu’elle lui a caufées ».
C e s réponfesne font point l’ouvrage d’une volo n té étran
gère: M . le Préiident d’A b bad ie étoit feul a v e c le M agiftrat,
lorfqu’il les faifoit.
V ou le z-v o u s révoquer en doute ces plaintes modérées
qu’ une douleur profonde arrache au plus patient & au plus
d ou x des hommes ? E c o u te z du moins la M arquife du
C o u d r a i , fa focur, qui ne peut pas vous être fuipe&e.
« T o u t e s vos peines, lui dit-elle dans fa lettre du 27
» N o v e m b r e 1 7 8 4 , au paiTé
,
a u
p ré le n t
ôc a 1 a v e n ir , ont
» é t é , font ôc feront toujours les miennes par mon atta» chem ent pour: ma famille ,
et
pour
vous
en
p a r t i-
» CULIER » .
E c o u te z les parens & amis de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
notamment le fieur de Joantho , fon coufin germain , adi*
�s
gné par vous co m m e par l u i , & que vous n’avez fufpe&é
Il vainement à la dernière a u d ie n c e , que parce qu’il vous a
rendu juftice à l’un & à l ’autre. C es païens & amis parlent
dans leur avis des chagrins de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
& des peines domeftiques auxquelles il a été en proie.
V o u s précendez prouver fon bonheur , par les
lettres
qu’il vous a écrites de Paris en 1781 ? Il eft vrai qu’il les
com m ence toutes ,
en vous appellant f a chere fem m e,
com m e vous l’appeiliez votre, cher mari, & qu’il les finit en
vous aflurant d e ¿’attachement a v e c le q u e lil eft tantôt tout à
vo u s,
tantôt votre très-humble, ferviteur. U n mari bon par
caractère, & qui feroit heureux par fa fe m m e ,
n’auroitil
donc jamais d'autre nom à lui d o n n e r , d’autre fentiment
à lui offrir ?
E n fin , vous invoquez la naiiTance de vos deux enfans
com m e une preuve du bonheur de votre mari. C e tte nai£fance prouve bien que M . le Préfident d ’A b bad ie eft p ère;
mais elie ne prouve pss qu’il foit heureux époux.
Q u e lle circonftance choifiifez-vous pour vanter le b o n
heur paiTé de M . le Préfident d’A b b a d ie ? C e l l e où vous
travaillez à le rendre le plus miférable des hommes. A h !
la pourfuite de fon interdiction ne peut pas être le premier
tort que vous ayez eu envers lui. C e n’eft que par dégrés
qu’une femme bien née acquiert l’affreux courage d’atta
quer ouvertement l’état de fon m ari, & de b r a v e r ,
vous faites depuis deux ans , la^cenfure publique,
comme
L e fécond tort de M adam e la Préfidente d’A b bad ie eft
de s être emparée à P oitiers, le 9 Septem bre 1781 , d’ une
fom m e de 20,000 liv. qu’elle s’eft fait remettre clandefli-
Sccond torr.
�6
nem ent par le R égiffeu r de fon m a r i, qui fe retiroit avec
elle en B é a r n , fous prétexte qu’il étoit m alade, & hors
d’état de donner quittance de cette fomme.
Ajoutons 2 1 3 6 liv. que M adam e d’Abbadie avoit reçues
à Paris au m om ent de fon d é p a rt, co m m e elle le déclare
dans fon M ém oire imprimé au C h â t e le t , pag. 149.
E lle avoit donc fait au mois de Septem bre 1781 une
recette de 2 2 13 6 liv.
Jettons maintenant un c o u p - d ’œil fur la dépenfe.
M adam e d’Ab bad ie porte d’abord en dépenfe une fom me
d e j o o o liv. pour frais de voyage.
C e t article ne doit pas être alloué.
M adam e d’Ab bad ie eit partie de Pau au mois d’août
1 7 8 1 , pour venir joindre fon mari à Paris, & pour retourner
ave c lui en Béarn. Sa belle-mère qui a approuvé ce v o y a g e
lui a donné yo o o liv. pour l’aller & pour le retour. Si elle
nie la quotité de la fom m e qu’elle a reçue , elle eft forcée
de conven ir du moins qu’elle a reçu fom m e fuffifante pour
les frais du v o y a g e . C e fait n’a pas befoin de preuve ; il
eft dans l’ordre naturel des ch o fe s; il eft néceilaire ; on ne
v o y a g e pas à c r é d i t , & l’époufe d’un Magiftrat qui jouit
de plus de 40,000 liv. de
rente , n’entreprend pas une
route de deux cents lie u e s , fans avoir en main au m om ent
de fon départ les fonds dont elle peut avoir befoin.
Il n’y a donc aucune d éd u û ion à faire pour frais de
v o y a g e , fu r ie s 2 2 13 6 liv. que M adam e d’Abbadie a tou
chées au mois de Septem bre 17 8 1.
D e ion aveu , elle n’a dépofé à fon arrivée à Pau , dans
les mains du fieur d cB eau reg ard qu’une fomm e de i ; o o o l .
elfe retient donc à fon profit une fomm e de 7 1 3 6 liv.
�7
V o y o n s ce qu’ eft devenu le dépôt de i j o o o liv.
M adam e d’A b bad ie convient qu’elle a touché en 1782
3000 liv. pour la penfion que fon mari lui faifoit»
R e lie n t 12000 liv.
L e fieur Louftau , 1agent de M adam e d’A b b a d ie , & fort
correlpondant a reçu le 11 Septem bre 1 7 8 2 , du lieur de
Beauregard une fom m e de 3000 liv. favoir i j o o l i v . en
a r g e n t, & un billet du fieur de Beauregard de pareille
foïHme ; à qui a-t-il remis cette fom m e & ce billet? à Ma>
dame d'Abbadie. E lle ne peut pas nier ce fait. Madame la Préfidente d’Abbadie mère donnoit au iieur de Beauregard des
reçus des iommes qu’e lle t o u c h o it : elle lui a d o n n é en 1782
trois reçus montant à 9000 I. qui font dans les mains de M a
dame d’A b b a d ie ; elle auroit donné également un reçu des
5000 liv. touchées par le fieur Louftau le 11 Septem bre
1782 , fi le fieur Louftau les avoit reçues pour elle; il les
a donc reçues ponr le com pte de Madame d’A bbadie.
V o ilà donc 1 3 ,13 ^ liv. appliquées au profit de M adam e
d’A b b a d ie , dont la maifon étoit d’ailleurs défrayée à Pau
par fon m a r i, ainfi qu’il Je déclare dans fon interrogatoire
du j Janvier 1 7 8 6. C e n’eft donc pas un a£te d’adminiitration qu elle a fait en 1 7 8 1 , lorfqu’elle s’eft emparée clandeftinement à Poitiers des revenus de fon mari ; c ’eft une
entreprife in té reffée , qu’elle ne peut pas colorer par la
pureté de fes motifs.
L e troificme tort de M adam e d’A b b a d ie eft d’avoir quitté
fon mari en Béarn pendant d ix -n e u f m o i s , depuis le mois,
d efe p te m b re 1781 jufquesau mois ¿ ’avril 17 8 3 ,
Troifième tort*
�8
» Il n’y avoit pas , d it - e lle ,
de logement pour moi
» au château de Bizanos.
S ie d - il bien à une femme de dire qu’il n’y a pas de l o
gem ent pour elle , dans un Château habité par ion mari ?
Il y a au château de Bizanos un rez-de-chauifée, ôc un
premier étage : Je rez-dechauiTée étoit occupé par Madame
la Préfidente d’Abbadie mère ; le premier étage auroit fuffi
pour Madame d’A b b a d ie , fi elle avoit été jaloufe de vivre
avec fon mari ; mais elle aimoit mieux refter feule dans ia
maifon de Pau. V o ilà quel étoit fon attachement pour
fon mari ; voilà le foin qu’elle prenoit de cette téte fi chère.
M . le Préfident d’Abbadie arrive à Paris avec le Frère
L iflon d e , dans le mois d’avril 1783. Madame fon époufe
le fuit de près à fon infçu ; que vient-elle faire ? C ’eft
ici fon quatrième tort.
Quatrième tort.
E lle fait vifiter fon mari le 6 mai 178? , par le fieur
B orie fon M éd ecin ordinaire , & par les fieurs Dejean &
de M o n ta b o u rg , & elle fait fabriquer le même jour par le
fieur Borie un certificat ,
dans lequel ces M édecins at-
t e f t e n t , après un demi-quart-d’heure d’exam en;
i°. que
M . le Préfident d’Abbadie parle nuit & jour , qu’il a perdu
le fommeil & l’appétit, & que cet état dure plufieurs jours ;
2°. qu’il a été fou à Pau , depuis le mois de feptembre
1781 , jufques au mois d’avril 1783 , & à Paris , depuis cette
dernière époque , jufqu’au 6 mai , jour de leur vifite ; ce
qu’ils ont appris , difent-ils, du Frère L i (fonde fon compa
gnon de v o y a g e , ( qui leur donne à ce fujet un démenti
f o r m e l; ) 30. qu’ il ne faut pas héfiter d’employer la force
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , foit dans la maifon du
fieur
�9
Heur de Borda , foit dans une maifon publique ; c e qu’ils
Jaiiïsnt au ch oix de Madame Ton époufe.
C ’eft , a-t on dit à cette au d ien ce, Madame la Préfidente
d’A bbadie mère qui avoit conçu le projet de faire enfer
mer fon fils : elle avoit fait confier c e projet par le F rè re
L iifo n d e à M . de Cheraute , qui l ’en avoit détournée ;
M . de Cheraute l’a déclaré , & le Frère Liifonde ne l a
pas nié.
M . de Cheraute l a déclaré ! O ù efl donc cette décla
ration? Je l’ai cherchée avec la plus grande attention parmi
les pièces de Madame laPréfid en te d’A bbadie , ôc je ne l ’y
ai pas trouvée.
'
Si elle e x ift o it, elle ne prévaudroit pas fur les preuves
réelles que M adam e la Préfidente d’ Abbadie mère a don
nées de fa tendreife pour fon f i ls , avec qui elle a toujours
v é c u , & dont elle a été la com pagne fidelle jufqu’à fou
dernier moment.
L e Frère L iifon d e ne l’a pas nié! M ais il n’a pas été
interpellé fur ce fait ; fon filence n’en fournit donc pas
la preuve.
N o n ; le defir de faire enfermer M . le Préfident d’A b
badie n’a jamais fouillé le cœ ur de fa mère : c’eft fon époufe
qui s’eft fait autorifer à exercer cette violence. Q uand on
eft capable de demander à un M é d e c in une ordonnance de
ce g e n r e , on efl aiTûrément capable de l’exécuter.
L e cinquième tort de M adam e d’A bbadie eft de s’être
fait remettre claiideftinement par le fieur O liv ie r ,
cinquième ton
le 8
novem bre 1783 , une fomm e de 36000 liv. appartenante
à fon m ari, ainfi qu’il eft établi par le co m p te que le iieur
B
\
�ÎO
O liv ie r a rendu à M . le Préfident
d’A bbadie le 10 du
m êm e mois.
» M a i s , dit M adam e d’A b b a d ic , j’ai mandé le 11 no» vem bre 1783 , à ma belle-mère , que fur ces 36000 l i v . ,
» j’avois déjà remis 6000 liv. à mon mari ,
que j’avois
» wardé 5000 liv. pour ma dépenfe ; que j’avois converti
» les 2$ 000 liv. reftantes en billets des fermes , pour ne
» pas laiiTer l’argent o i f i f , & que j’étois prête à envoyer
» des fonds à ma belle-mère auffnôt qu’elle voudroit.
C ’eft là , en effet , la teneur d’une copie de lettre de
M adam e la Préfidente d’Abbadie, à fa belle-mère , en date
du 11
novem bre 1 7 8 3 ; copie dont rien ne garantit la
c o n fo r m ité avec l’o rig in a l, s’il a jamais exiilé , ô t que fa
teneur même rend plus que fufpefre.
D ’un côté ,
M adam e d’Abbadie n’a pas^pu mander à
fa belle-m ère le 11 novembre
1783 , qu’elle avoit déjà
remis 6000 liv. à fon m a ri, puifqu’elle ne lui a remis cette
fomme que le 13 du même m ois, fuivant la tranfa&ion du
2 juillet 178 4 .
D ’un autre côté , elle n’a pas mandé à fa belle-mère par
fa lettre du 11 novembre 1783 , qu’elle étoit prête à lui
remettre ces fonds , puifque fa belle-mère 11e lui dit rien
qui ait trait à une pareille offre , dans fa réponfe du 19 du
même mois
, & q u e lle & fon fils ont au contraire , par
leurs lettres du 8 mars 1 7 8 4 , preffé le fieur d’Etehegaray
de pourluivre en Juitice la reftitution des fomines iixrées
a Madame d’Abbadie par le fieur O liv ier ; ce qu’ils n’auroient point f a i t , l i , dès le îx novembre p récéd en t,
Ma
dame d’Abbi-die avx)it offert de les leur rendre.
Enfin , il a fallu compofer avec Madame d’Abbadie fur
�11
,
cette reftitution, & lui abandonner , par la tranfa&ion' du
2 juillet 1 7 8 4 , une fomme de 13000 liv . en fus de celle
de 3600 liv. qu’elle avoit reçue pour fa psnfion en 1783 ,
c e qui fait une fomme de 16600 liv. qu’elle a touchée
en 1785 , quoiqu’elle n’eût aucune dépenfe à faire dans la
maiion du fieur de Borda.
13000 liv. en 17 8 1 , 13000 liv. en 1783 ; voilà quels
ont été pour M adam e d’ Abbadie les fruits de cette adminiftration officieufe qu’elle exerçoit pour fon m a r i , à fon
infçu , & contre fon gré.
L e fixième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
eft d’avoir quitté fon mari pour la fécondé fo is , depuis
le mois de N o v e m b re
1785 jufques à la fin du mois
de D é ce m b re 1 7 8 4 , qu’il eft venu la joindre à Paris,
& d’être reftée dans cette C a p ita le, tandis qu’il étoit en
Béarn.
E lle a cherché une premiere excufe dans la lettre de
fa b elle mère du 19 N o v e m b re 1783 , par laquelle elle
la remercie de ce qu’elle veu t bien refter auprès
fieur
de Borda.
Mais elle n’a pu recevoir cette lettre de Pau que le 26
N o v e m b r e , & elle avoit laiiTé partir fon mari dè& le 1 4 ,
avec le F rère L iflon d e qui lui a mandé qu’ils étoient arrivés
à Pau le 2 j , avant qu’elle ait reçu la lettre de fa belle mère.
C ’eil donc de fon propre m ouvem ent qu’elle s’eft déter
minée à refter feule à P a ris, & non d’après la lettre de
fa belle m è r e , qui d’ailleurs ne l’en prioit pas.
E lle a cherché une fécondé excufe dans une lettre que M .
le Préiident d’Abbadie lui a écrite de Paris le 1 9 M ai 1 7 8 1 ,
pour lui annoncer le projet qu’il avoit de l’attirer incefB ij
Sixième tort.
�\2
famment dans cette C a p itale, où elle pourroit paffer q u el
que temps.
M ais il n’y a aucune liaifon entre ce projet manqué en
17 8 1 , & le féjour que Madame d’Abbadie a fait à Paris
pendant quatorze mois en 1783 & en 17 8 4 5 en l’abfence
de fon mari, qu’elle a quitté volontairement ôc fans aucune
néceiïité.
septième tort.
L e feptieme tort de Madame la Préfidente d’Abbadie
lui a paru enfin à elle-même fi o d ie u x , fi ré vo ltan t, qu elle
n’a pas même eflayé de le c o lo r e r , &
q u e lle l a laiifé
dans toute fa noirceur. Je veu x parler du certificat q u e lle
a fait fabriquer le 5 F év rie r
1 7 8 4 , par le fieur B orie
qui y attefte : i°. Q u ’au mois d’avril 1 7 8 5 , à fon arrivée
à Paris, M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans
dans un état de dém en ce, (quoique ce Magiftrat eût vécu en
Béarn,.à 200 lieues du'fieurBorie , depuis le mois de S eptem
bre 178 1 jufques au mois d’avril i 7 8 3 .) 2 ° Q u ’aumois d e N c vem bre 1 7 8 3 , lors de fon départ pour P a u , c ’eft-à-dire le 14
N o v e m b re jour de fon départ, M . lePréfidentJd’Abbadie étoit
dans un état de d é m e n c e , aifertiondontla fauiTeté eft démon
trée par la lettre que M . le Préfident d’Abbadie a écrite à
fon R égifleu r le 8 N o v em b re 1783 , p arle compte que le
fteur O liv ie r lui a rendu le 1 0 , par l’aiïignation qu’il a
fait donner au fieur O liv ier le 11 , & par la reconnoiffance qu’il a donnée le 1 3 , veille de fon départ , de la
fem m e de 6000 livres que M adam e la Prcfidente d’Abbadie
lui a fait -remettre. 3P. Enfin que la maladie de M . le
Préfident d’Abbadie paroît être parvenue à l’incurabilité.
Quel
trait de lumière
environne
dans
ce
m om ent
�\
n
M adam e la Préiidente d’A b b a d ie , & perce le vo ile donc
elle fe pare aux yeu x du public?
E lle fait déclarer fon mari in cu ra b le, à P a r is , trois
mois après fon départ pour Pau.
E lle le fait déclarer incurable par un M é d é c in , qui,,
fuivant la lettre qu’elle a écrite à fa belle-mere , le 2 $
O & obre
1 7 8 3 , quinze jours avant le départ de M . le
Préiident d’A bbadie pour P a u , avoit promis fa guérifon
' totale.
V o t r e mari fou incurable! Q u e l befoin aviez-vous de
cette
atteftation , le
6 F évrier 1 7 8 4 , un an avant que
vous a y e z . pourfuivi fon in te rd id io n ? Q u o i ! votre fang
ne s’eft point glacé à la vu e de ce préfage finiftre ; vous
n’avez pasrepouÎTé la main qui v o u s l ’offroit ; vous le gardez
depuis trois ans; vous le faites circuler d anstouslesTribunaux
où vous traduifez votre m a ri, & quand deux M édécins qui
l ’ont vifité récemment pendant foixante-huit jo u r s , atteftent
à la juftice fous la foi du fe r m e n t, [que fon état habi
tuel eft un état de ra ifo n , tel qu’il fe manifefte dans fes
interrogatoires, vous les a c c u f e z , l’un de com plaifance,
l’autre d’impofture; vous rejettez avec horreur une vérité
co n fo la n te, pour vous repaître d’une illufion qui devroic
vous défefpérer ; tous ce u x qui vo y en t votre inari ,
étrangers , parens , amis , M agiftrats, tous le trouvent
raifonnable 5 &
vous qui ne l ’avez pas vu depuis deux
ans, vous fon époufe , vous vous obftinez
à dire qu’il
eft infenfé ; vous démentez la notoriété p u b liq u e , vous
m éconnoiifez l’évidence m êm e ! A h ! ne cherchez plus
d e x e u fe à votre a v e u g le m e n t;
ne fuit ainfi la lumière ,
g u id e.1
jamais l ’efprit humain
que quand il a le cœ ur pour
•
�14
Huitième
tort.
L e huitième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
^ d>avoir attifé fon mari dans cette C a p ita le, au mois
de D écem bre 17 8 4 , fo u s prétexte, com m e elle le lui difoit
dans fa lettre du 8 N o v e m b re p ré céd en t, que fes affaires'
e x ig e o ie n t fa p ré fe n c e , pour le faire interdire à P a u , fans
qu’il pût fe défen d re; de l’avoir tenu en chartre privée
depuis le
Mars 1 7 8 j
au fo ir ,
jufqu’au lendemain
onze heures du m atin, pour l ’empêcher de fe pourvoir
contre l’interdi&ion provifoire dont il avoit été frappé
le 3 du même m o is, & de l’avoir privé des fecours néceifaires contre une colique violente , dont il a été atteint
la nuit du 25 au 2 6 Mars.
M adam e la Préfidente d’A bbadie convient qu’elle s’eil
emparée des clefs de l’h ô t e l , le 2$ Mars au f o i r ,
pour
la première
tenu
fois ,
&
q u e lle
a
par
conféquent
• fon mari en chartre privée , pour l’empêcher de partir
le lendemain pour fes terres de Poitou : mais elle nie
qu’il ait eu la colique dans la nuit du 25 au 2 6 Mars
& elle a pour garant de fa dénégation le C o ch e r D o u c et.
C e C o ch er peut bien attefter qu’il n’a eu lui-même
aucun mal la nuit du 2 j au 26 Mars 1785* , 6c que s’il
avoit fouffert com m e fon m aître, il auroit reçu tous les
fecours qui lui auroient été néceffaires; mais fon témoi
gnage purement négatif ne détruit point le fait pofitif &
prouvé que M . le Préfident d’Abbadie s’eft plaint d’une
colique violente la nuit du z<; au 2.6 Mars 178J , fans
qu il ait pu recevoir les fecours du dehors qu’il demandoit;
&
fi c’eft une trahifon de la part de fon é p o u fe , de
l ’avoir attiré de Pau à Paris, pour le faire interdire à
- Pau à fon infçu, fans aucune inftrudion, c’eft un attentat
�de l’avoir tenu en charte p riv é e , dans une
circonftance
où il avoit tant de befoin d’être libre pour fe d éfen d re,
& une cruauté de lui avoir refufé au milieu des douleurs
les plus aigu ës, des fecours que la pitié prodigueroit en
pareil cas au dernier des hommes.
Enfin , le neuvième tort de
M adam e la
Préfidente
d’A b b a d ie , eft d a v o ir laiifé infpirer à fes enfans la crainte
& le mépris de leur p è r e , 6c de les avoir rendus témoins
des follicitations
qu’ elle
fait
pour
fon. interdi£Hon.
V o u s vous rappeliez, M e ille u rs , cette fcène qui s'eft
paifée dans la maifon du fieur de B o r d a , lorfque M . le
Préfident d’A bbadie
eft allé en perfonne réclamer
fes
enfans, accom pagné de deux N o ta ire s, de M e.B o u rg e o n
fon Procureur au C h â te le t, & du C hevalier de Saiutray.
I l a trouvé fes enfans dans le fallon ; à peine
lui ont-ils
laiifé le loifir de leur donner un premier figne d’amitié.
L e nommé
Tiercclin, laquais de
M adam e la Préfidente
'd’A b b a d ie , eft venu lui arracher l’un qui s’eft enfui dans le
jardin ; l ’autre s’eû réfugié dans les bras du C hevalier de
Saintray qu’il ne connoiifoit | a s , & à qui il ne ceifoit de
dire d’une v o ix tremblante : » M . le C hevalier e m p ê c h e z ,
» je vous p rie, que papa ne nous amene ; papa n’eft
» point
le maître ,
c ’eft maman qui eft
maîtreife de
» tout ».
; M è re aveugle ! vous fouffrez |que vos enfans n’ayent de
la confiance
qu’en vous
autorité que la v o tre !
leçons ,
avouer.
&
ne
donnez leur
ôc infpirez-leur
L ite s-le u r
,
connoiiisnt
donc
d’autre
de meilleures
des fentimens qu’ils
puiflent
qu’ils dépendent principalement de leur
N euvièm e tort.
�\6
» p i r e , que vous d é p e n d e z vous-même de votre m a ri, &
« quevous avez tous trois le même maître».
D ites leur que vous devez à votre mariage l’aifance
dont vous jo u iffe z , que toutes leurs efpérances font du
cô té de leur p è r e , & qu’ils ont droit de tout attendre
de fa tendreffe & de fa bonté.
L ife z leur l'interrogatoire du 13 Janvier 1 7 8 6 , où il
dit : « que vous devez être perfuadée qu’il n’a pas moins
» d’attachement que vous pour vos enfans ».
L ifez leur l’interrogatoire du 17 du même m o is, ou il
dit : « qu’il facrifieroit fa fortune & mêfne fa vie , s’il le
» falloir, p o u r les perfonnes qui lui appartiennent ».
L ife z leur l’interrogatoire du 22 A v ril fu ivant, où il
d i t , « qu’en follicitant la caifation des arrêts du Parlement
» de P a u , il avoit annoncé aux Magiilrats du C o n f c i l, que
» fon intention é to itd e faire emploi des fommes inobiliaires
» provenantes de la fucceffion du fieur de B o r d a , qu’il
’ perfifte dans cette réfolution , pour le bien de [es enfans f
& qu’il demande atle de fes offres de faire cet emploi.
N ’affe&ez plus d’aifocier vos enfans à vos follicitations,
com m e
s’ils
étoient intéreifés à
demander avec vous
l’interdi&ion de leur père.
Conduifez-les plutôt aux portes de la Baftille, & dites
leur: mes enfans, v o ici la prifon où votre père fut e n ferm é,
martyr de
fon zèle pour les L o ix dont il eft le Miniftre.
Souvenez-vous ,
lorfque vous ferez
élevés à
ce faint
M iniftere, de le prendre pour votre m o d è le , & de fervir
com m e lui le R o i & la Patrie.
Montrez-leur 1arrêt du 21 Juin 1 7 7 6 , & dites-leur : rrres
enfans ? voici le titre le plus précieux pour votre p è r e , la
récompenfe
�IJ
■'
récompenfe honorable de fes longs facrifices, l’arrêt de la
C o u r des Pairs qui l’a reçu parmi fes m em bres, en confidération de la nature des fervices que lui avoienu infpirês
depuis
d ix ans fo n
^èle & fon attachement .au bien du
fervice du R o i f & à l'honneur de la Magïjlrature '.
CeiTez de les entretenir des prétendues folies de leur
père ; entretenez-les de fes vertus & de ion amour pour
eux ; diiïipez une prévention funeite qui aveugle
leurs
e fp rits, & qui flétrit leurs cœurs : dites-leur la vérité , &
laiflez agir la nature.
V ou s connoiiTez , M eilleurs, les torts de M adam e d’Abbadie ; ils font g r a v e s , ils font multipliés ; permettez que
je vous le demande maintenant ; ne trembleriez-vous pas
d e la nommer curatrice de fon mari, s’il pouvoit être in
te rd it, & vous repoferiez-vous du foin de la perfonne &
dg la io r tu n e de M . le Préfident d’A b bad ie, fur une femme
qui n’a fçu refpe£ter jufqu’au préfent ni l’u n e , ni l’autre ?
M ais M . le Préfident d’Abbadie n’a pas à craindre
un
événem ent auili m alheureux, puifqu’il jouit de fa raifon.
C ’eft le fe co n d i point de la c a u fe , le point le plus eifent i e l, & qui demande le plus d’attention.
L e s parties pofent ici deux propofitions contraires.
M adame la Préfidente d’A bbadie foutient & entreprend
de prouver que fon mari e f t , depuis 1 7 8 1 , dans un état
de démence.
M.
le Préfident d’A bbadie foutient &
prouve qu’il
eft dans un état de raifon.
Ecartons d’abord les preuves de l’état de démence.
N o u s retracerons enfuité fous un point de vu e trèsfimple les preuves de l’état a&uel & habituel de raifon.
C
�18
M adame d’A lb a d ie invoque trois preuves, pour établir
que fon rr.ari a été infenfé en 1 7 81 .
,
L a première coniifte dans les deux lettres qu’il a écrites
les 18 Juillet &
16 A o û t 1781.
Mai? ces deux lettres ne prouvent que deux momens
d’abfence qu’il a e u s , lorfqu’il les a écrites. E lle s ne font
point concluantes pour fon état Habituel, même en 1781»
elles le font encore bien moins
pour fon état actue.1 &
habituel qui eft l’état fur lequel la C o u r doit prononcer.
a
L a fécondé preuve eft la lettre que le fieur dOlhaiTarry
écrite à M adam e d’ A b b a d ie , le 30 Juillet 1 7 81 .
M ais cette lettre ne parle que de mélancolie & de dïjlrac-
tïons. ]Un état de mélancolie n’eft pas un état de d é m e n ce ,
& des diftra£lions ne font point l’éclipfe de la raiion.
-La troifième preuve eft le ce rtifica t où le fieur T o n n e t ,
RégiiTeur des Terres du P o ito u , répète ce que Madame
d’Abbadie lui a dit à Poitiers, le 9 Septembre 1 7 8 1 , de
l’état de fon mari, pour colorer à fes yeux la précaution
qu’elle prenoit de le voir en fe cre t, de le faire cacher
dans la ruelle, de peur que M . d’Abbadie ne fu r v în t, 8c
de toucher vingt mille livres à fon infçu ; mais le fieur
T o n n e t n’eft dans cette partie de fon certificat que, l’écho
de Madame d’Abbadie , qui eft fans contredit le témoin
le plus fufpe£t & le moins digne de foi fur l’état de fon
mari.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pour l’année 1 7 8 1 ,
que deux momens d’abfence qui ne forment pas un état
habituel ; & la preuve que M . le Préfident d’ Abbadie
n é to it pas en démence en 1 781 , c’eft fa correfpondance
de 178 1 avec fon épo ufe, & la précaution q u e lle a prife
�'19
,c
à Poitiers de fe dérober à fes regard s, quoiqu’il fût ma
la d e , pour percevoir fes revenus.
E lle invoque trois preuves, pour établir que fon mari a
été infenfé en 1782.
L a première eft une lettre que le (leur de Montbadon»
fon frère , a reçue de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
m è r e , en date du 30 D é ce m b re 1782.
M ais la mère dit feulement dans cette lettre que fon
fils diftrait par d’autres objets, n’a pas répondu à la de
mande que le fieur de M ontbadon lui faifoit de fa pro
curation pour procéder à un nouveau partage des biens de
la fucceffion de feu M . de M o n tb a d o n , père. E lle ne dit
pas que fon fils étoit en dém ence , le 30 D é ce m b re 17 8 2 ;
& fi M .
le Préfident d’Abbadie a refufé fa procuration
pour procéder à un nouveau partage, c ’eil parce qu’il ne
vou loit point plaider contre fa b e lle -m è r e , & qu’il lui
avoit déjà déclaré à elle-m êm e, com m e il l e d i t dans fon
interrogatoire du 13 Janvier
1 7 8 5 , qu’il
s’en rapporte-
roit aux arrangemens qu’elle feroit dans fa famille : E xem p le
d’honnêteté & de confiance refpetlueufe que les enfans
de M adam e de M ontbadon auroient dû imiter.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M *
d’Abbadie en 1782 ,
eft le certificat que M adam e
badie a fait fabriquer à P a ris,
M ai
par le fieur B o r ie ,
d’Ab~
le 6
1783.
M ais fi ce certificat porte que les M édecins ont appris
du Frère Liffonde que M . le Préfident d’Abbadie a été en
démence à P a u , en 1 7 8 2 , 1 e F rère Liffonde leur donne
lui-même à ce fujet un démenti formel.
L a troifième preuve eft l’enquête faite à Pau en 178$.
C ij
�Je la
connois
20
enfin cette enquête : on l’a citée comm e
contenant la preuve de deux faits principaux qui font ;
i°. que M . le Préfident d’Abbadie avoit fait acheter des
o i e s , pour leur apprendre l’alphabet. u°. Q u il avoit fait
acheter des chevres, pour les atteller a fa voiture.
Eh
b i e n , de 58 témoins qui ont été entendus a P a u , aucun
ne dépofe de ces faits controuvés , com me témoin o cu
laire. Les domeftiques de M . le Préfident d’ Abbadie , qui
feuls auraient été à portée d’en avoir connoiifance , n en
difent pas un feul mot. T r o is ou quatre étrangers qui en
parlent, n’en parlent que com m e témoins d’oui-dire, &
ne nomment pas le témoin principal dont ils font l’échç.
Q u e l eft donc ce témoin invifible qui a parlé par l’organe
des témoins d’oui-dire ? Faut-il le demander? C ’eft celle
qui les avoit fait aiïigner ; c’eft Madame d’Abbadie.
L ’enquête de Pau n’eft point concluante par elle-même.
E lle a été d’ailleurs annu llée, & ne peut par çonféquent
faire foi en Juftice.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mâri
ait été en démence en 1782 ; & la preuve qu’il n’y étoit
p as, c’eft fa correfpondance
en 1 7 8 2 , avec fes paretis ,
fes amis & fes gens d’affaires.
E lle invoque trois preuves , pour établir que fon mari
a été en dém ence en 1783.
L a première eft le
année.
certificat du 6 M ai de la même
M ais ce certificat ne prouve même pas que M . le Pré
fident d’Abbadie ait effuyé dans la journée du
6 M ai
1 7 8 3 , un accident critique. Il eft démontré faux dans la
p artie, où le certificateur dit qu’il parle d’après le F rère
�LiiTonde : il eil donc plus que fufpett dans la partie où
le cercificateur dit d’après lui-même que M . le Préfident
d’Abbadie ¿toit le 6 M a i 1783 dans un état de démence.
Si le fieur Borie en a im p o fé, quand il a dit que le F rère
LiiTonde lui avoit attedé la prétendue démence de M .
le Préfident d’Abbadie à Pau en 1 7 8 2 , qui peut s’aiïurer
qu’il n’en impofe pas égalem ent, quand il attefte fa prétendue-démence dans la journée du 6 M ai 1783 ? D ’ail
leurs ce n’eft pas l’accident du 6 ?vïai 1783 ,
q U’iI faut
juger , c ’eft l’état aftuel ôc habituel de M . le Préfident
d’Abbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1783 ,
eft la lettre de M adame
la Préfiden te d’Abbadie , m è r e , à fa bru, en date du ip N o
vem bre d e là même année, par laquelle elle promet de faire
continuer à fon fils, lorfqu’il fera à P a u ,
le traitement par
l ’éle£tricité.
Mais ce traitement convient aux maladies nerveufes ,
bien plus qu’à la démence. Madame d’Abbadie , m ère, n’a
donc pas reconnu la prétendue démence de fon fils, quand
elle a annoncé à à fa b ru , qu’elle luiferoit continuer c e
remède. E lle ne l’a pas reconnue non plus dans d’autres
lettres qu’elle a écrites à fa bru. E t com m ent pourroit-on
foupçonner qu’elle regardoit fon fils comme infenfé en
i
7 8 3 î qi,and on vo it que par fon teftament du 10 F év rie r
de la même année, elle le charge de foins qui ne convien
nent qu a un homme raifonnable.
L a troifième preuve eft la lettre du frère LiiTonde à
M adame d’A b b a d ie , du mois de N o v e m b re
1783,
où
il lui rend com pte du vo y a g e de fon mari , qui é t o i t ,
�22
dit i l , diftrait & g a i, & qui chantoit fans être prié; mais
on peut être diftrait & gai fans être en dém ence; &
M.
fi
le Préfident d’A bbadie chantoit fans en être p r i é , c ’eft
qu’il ne chante que pour fon plaifir, ôc qu’il n’eft pas un
de ces hommes qu’ on prie de chanter pour le plaifir des
autres.
M adam e d A ’bbad’te ne prouve donc pas que fon mari
ait été en démence en 1783.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s, c’eft fa correfpcndance
de 1783 , c ’eil la précaution que M adam e d’Abbadie a
prife de recommander le fecret pour lu i, au R é g ifle u r, quand
elle lui a fait demander l’état de fa ca ifle , par une lettre
du fieur O liv ier , du 2 Juin 1783 ; c ’eil le com pte que
le fieur O livier lui a rendu le 10 N o v em b re 1783 ; c’eft
le refus qu’il a fait d’allouer en dépenfe 36,000 liv. que
ce caiffier avoit
livrées à Madame d’A b b a d ie , le 8 du
même mois ; c’eft enfin le foin qu’elle a eu elle-même de
retirer une reconnoiflance de l u i ,
du léger à - com pte
qu’elle lui a remis, le 13 N o v e m b re 1 7 8 3 , la veille de
fon départ pour Pau , ainfi qu’il eit dit dans la tranfa&ion
du 2 Juillet 1784.
Madame
d’Abbadie invoque deux fortes de p r e u v e s ,
pour établir que fon mari a été infenfé à Pau en 1784.
L a première eft une colle£tion immenfe de lettres qu’elle
a reçues en 1784 , principalement du fieur L ou ftau , fon
agen t, &
de la dame D etchegorry , fa confidente , la
femme dd ce Procureur de Pau qui avoit aiTifté à Poitiers
en 1781 , à la recette myftérieufe de 20,000 l i v . , & que
M.
le Préfident d’Abbadie loge gratuitement dans
h ô t e l, depuis plus de vingt ans.
fon
�*3
Mais plus ces lettres font m ultipliées,
plus elles font
Îufpe&es. O n n’accable pas une femme pendant une année
en tière, de nouvelles facheufes fur l’état de fon mari, qu’autant* qu’elle le veut bien, & qu’elle le demande elle-même.
D ’ailleurs des lettres niiilives ne font point foi contre un
tiers; c’eft une maxime fa c r é e , & qui ne fera point mé
connue pour la première fo is , en matière d’état, au pré
judice de M . le Préfident d’A bbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1 7 8 4 , eft l’enquête faite à Pau en
1787.
M ais cette enquête où les témoins ne dépofent que d’ouidires fur les faits p rin cip a u x, a été annullée d’ailleurs par
le même jugem ent auquel M . le Préfident d’A bbadie d o it ,
Meilleurs , le bonheur de vous avoir pour Juges , & une
enquête nulle ne fauroit opérer la moindre convi& ion ;
quod nullum efl nullum producit effeclum.
M adam e d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mari
ait été en dém ence en 1784.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s , c ’eft fa correfpondance
de 1 7 8 4 , ave c fon époufe, fa foeu r, M e H utteau, alors
fon confeil & fon a m i; M . de C h e rau te, le fieur L ou ftau ,
a v e c tous ceu x qui
faifoient les
préparatifs fecrets de
fon interdi&ion.
M adam e d’Abbadie invoque fix preuves pour établir que
fon mari étoit en détrtence en 1785.
L a première eft la procuration fous feîng-privé donnée
par M . le Préfident d’A bbadie au fieur d’E tch é g a rai, le
30 D é ce m b re
1784 ,
que Madame d’Abbadie
com m e une preuve que fon
regarde
mari étoit dans un état de
�24
démence qui ne lui permettent pas de la donner pardevant
Notaire.
Mais qui fouferit une procuration donnée fous feing-privé
peut en foufcrire une donnée pardevant Notaire. C e n eft
p a s
l a
prétendue dém ence de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
c ’eft la fatigue de
fon
voyage qui l’a empêché de
tranfporter chez un N otaire le 30 D écem bre
fe
1784 , le
lendemain de fon arrivée à Paris.
_La fécondé preuve de fa prétendue démence en 1785' >
eft le dire de fon Procureur à la vacation du 26 Janvier de
la môme année.
• L e Procureur de M . le Préfident d’Abbadie , a bien dit
â cette vacation , q u il étoit malade dans fon lit; mais il n’a
pas dit qu’il étoit en démence.
L a troifième preuve eft la requête donnée au Parlement
de P a u , par M . le Préfident d’Abbadie le 8 avril
178; ^
à fin d’oppofition à l ’arrêt du 3 Mars précédent qui l’avoit
interdit par provifion com m e infenfé.
J 1 feroit bien étrange qu’une requête dont le but étoit de
faire juger en 178 j que M . le Préfident d’A bbadie n’étoit
pas in fen fé , contint l’aveu qu’il étoit infenié. A u di n’y
trouve-t-on pas un pareil aveu. O n y dit bien que M . le
Préfident d’Abbadie a éprouvé autrefois des crifes fâcheufes;
mais on n’y dit pas que ces crifes étoient des accès de folie.
La
quatrième preuve
d’Abbadie , dans
fon
eft l’aveu de M .
interrogatoire
17 8 ;.
C e Magiftrat a avoué dans
a v o ite u en
du
29
le Préfident
D écem bre
cet interrogatoire ,
qu’il
1 7 8 ; , pendant fon féjour dans la niaifon de
g a in t-V i& o r P deux accès d'une maladie de nerfs, dont il avoit
tu
�eu précédemment quelques attaques , & qui avoient duré deux
ou trois jours chacun ; mais loin qu’il ait reconnu que
c ’étoient des accès de folie , il dit
au contraire dans le
m êm e interrogatoire , « qu’il a cru jouir dans ces
accès
» de fa préfence d ’efprit, que quand les accès fe font paf»
» fés, il s’efi: rappel’ é
ce qu’il avoit, dit ôc fait pendant
» ces a c c è s , & qu’il a jugé raifonnable tout ce qu’il s’eit
» rappellé, com m e il en avoit jugd pendant l’accès m êm e;
» mais que ce qui le raiTure le p lu s , c’efl; le tém oignage de
» fon M é d e c in , qui lui a dit que pendant les accès m ê m e s ,
» il lui avoit répondu exactement à toutes les' queftion*
qu’il lui avoit faites ».
L ’aveu de M . le Préfident d’A bbadie efi: indivifible , &
puifqu’on veu t le convaincre par lui-même qu’il a eu deux
accès pendant cinq mois qu’il a paifés dans la maifon de
S aint-V ictor, il faut qu’on convienne avec lui que c ’éroient
deux accès d'une maladie de nerfs qui avoient duré deux ou
trois jo u r s , & qui ne lui avoient point fait perdre l’ufage
de la raifon.
L a cinquième preuve eft le. dire que le fieur P h ilip ,
M é d e c in , a fait en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil , le
ap Septem bre 178^.
Mais[ le fieur Philip a déclaré formellement dans ce dire
que ce qu’on appelle accès de dém ence dans la perfonne
d e M . l e Préfident d’Abbodie, n’eft qu’une maladie n e rv e u fe ,
curable de fa nature, déjà diminuée par l’ufagè des re m è
des qu’il lui a indiqués , &: qui ne lui fait point perdre la
raifon.
Enfin la fixième preuve d e là prétendue dém ence d e M .
l e Préfident d’A b bad ie, en 1 7 8 ^ , eft la correfpondance du
D,
�2
6
C o ch er P o u c e t avec M adam e la P r é s e n t e d’Abbadie. _
O n voit en effet dix-fept lettres du C o c h e r D o u c e t , qui
accufe la réception de celles que M adam e la P r u d e n t e
d’Abbadie lui a fait l’honneur de lui écrire , qui lui confe ille ,
dans une datée du
22
avril 178s1 , d’enfermer
l’A b b é d’Etchegarai dans une chambre, s’il va dans la maifon du
fieur de B o r d a , qui lui rend com pte dans
une
autre , d’un M ém oire imprimé qu’il a vu chez m o i , Jorfqu’il y a accompagné fon maître, & q ui, dans la plupart,
lui donne des nouvelles telles qu’elle les d efiro it, fur l'état
de ;M . le Préfident d’Abbadie.
Mais la correfpondance de M adam e la Préfidente d’A b
badie avec le C o ch er D o u c e t , ce faux délateur de fon
maître , chatte par lu i, &: indécemment accueilli par elle
ne prouve que les machinations de l’une & la lâche perfi
die de l’autre. L a bienféance,
l’honnêteté, la confiance
néceffaire des maîtres pour ceux, qui les fe r v e n t, le repos
des fam ^ les, la fureté du Magiltrat com m e celle du fimple
C it o y e n , dans l’azyle facré qu’ils habitent, tout crie v e n
geance contre cette correfpondance fcandaleufe , 6c la
d évo u e à la haine publiqus.
M adam e d’Abbadie ne prouve pas que fon mari ait été
en démence en 1785’ , & la preuve qu’il n’y étoit p a s , ce
font les deux certificats
des fieurs D e j e a n , de M onta-
b o u r g , D a r c e t , Philip ôc M athey* M é d e c in s ,
les j & i ç
donnés
Juillet 1785;,- après plufieurs vifites ; ce font
les deux certificats du fieur P h ilip , des 14 mai &
juillet 1 7 8 ; ; ce font les démarches continuelles
le Préfident d’Abbadie a faites
des Magiftrats du C o n f e i l ,
en
14
que M .
1 7 8 5 , tantôt auprès
pour folliciter la caifation
des
�27
arrêts du Parlement de Pau; tantôt auprès du fîeur L ie u te .
nant C i v i l , pour faire co m m encer la procédure que le C o n feil lui avoit r e n v o y é e , en calTant tout ce qui avoit été fait
à Pau ; tantôt auprès de fes Confeils pour régler avec eux
la marche de cette- procédure.
A joutons à toutes ces preuves de l'état de raifon de
M . le Président d A b b a d ie dans les années antérieures 'à
cette conteftation, le fuffrage de fa mère & de fon oncle
qui jufqu a leur décès arrivé vers la fin de l’année 1 7 8 4 ,
ont perfévéré dans la confiance qu'ils lui avoient a cco rd é e,
en le chargeant de l’exécution de leurs teftamens , 6c le
tém oignage de vingt-fix parens & amis q u i , au mois de
feptembre
178)*, ont rendu juftice dans leur a v i s , à fa
fageife & à fa bonne adminiftration. C e t avis eft plus jufte &
plus légal que celui donné à Pau le 2 mars 1 7 8 ^ , par
trois amis de Madame d’A b b a d ie , ôc par cinq parens &
alliés éloignés de fon mari , dont deux font en contradic
tion avec e u x -m ê m e s , & dont un demande pardon à M . le
Préfient d’ Abbadie de la foiblefie qu’il a eue de fe laiiTer
fé d u ire ,& d e
voter fon interdiction contre le cri de fa
confcience. Il eft plus jufte & plus légal que celui donné
au Cliâteletpar des parens , des alliés 8c des amis de M adame
d ’Abbadie , que leur qualité rendoit fu fp e & s , que les O r
donnances du fieur L ie u ten an t-C ivil ne permettoient pas
d’appeller, & plus digne de foi que la déclaration du C o
cher D o u c e t , q u i a eu l’audace d’ aller figurer avec deux
autres va lets, dont un aux gages de M adam e d’A b b a d ie
dans
raiTemblée des foi - difans parens
&
amis de fon
maître.
L e défenfeur de M adame d’A bbadie invoque fans ceiïe
D ij
�a8
ïa rrê td u Parlement d e P a u , du 3 mars 1 7 8 ? , qui prononce:
rinterdiûion
provifoire de M . le Préiident d A b b a d ie ,,
com m e un témoignage de fa demence.
Si je dis que cet arrêt a été c a f l é , il s’efforce
de le
juftifier, & il dit qu’il l’a rétabli.
Si je dis que le Parlement de Pau n’a jamais interdit
par p ro v ifio n ,. fur un iimple avis de parens , un hom m e
accufé de démence , il dit que la Jurifprudenca de cette
C o u r eft d’interdire ainfi pour caufe de dém ence , & il cite
dix-fept arrêts qui ont interdit par provifion des pères de
famille accufés non de d ém en ce, mais de p rod igalité, dont
les. diiTipations devoient Être nécefTairement établies par
des a £ t e s d o n t la ruinei auroit pu être confom m ée dans
vingt-quatre h e u re s , & dont l’interdi&ion provifoire n’a
pas été par conféquent prononcée com m e celle de M . le
Préfident d’A b b a d ie , fans connoiifance de c a u fe , & fans
une nécefïlté apparente.
Si je dis qu’un Bédeau de l’Univerfité de P a u , nommé
C a ta ly,, accufé de démence en 1 7 8 j , a échappé à Tinterdittion provifoire, malgré l’avis de fes parens, qui porte v
que fon état d’infirmité ne lui permet pas d’adminiftrer
fes b ien s, & que l ’adminiflration doit en être déférée au
fieur Cataly C u r é , il répond que Cataly n’avoit aucuns,
b ie n s , & que fa famille ne. s’o ccu poit que des moyens,
de pourvoir à fa fubfiftance.
Si je dis que les M édécins qui ont vifité C a ta ly en
exécution d’un arrêt du Parlement, de P a u , ont rapporté,
» qu’il étoit dans un état d’afïaiffement qui prodtiifoit une. '
» diminution & une difficulté de jugement qui le rendoit
» impropre à foutenir fes- id ées, » il perfifte à dire qu’il
�29
ne s’agiiToit point de l’état moral de C a ta ly , & qu’il s’agiffoit'uniquem ent de lui donner du pain.
A u refte, la procédure relative à ce Bedeau d e l’ Univerfité
eft fous les yeu x de M . l ’A vocat-G énéral. C e Magiilrat verra
ii j’ai bien ou mal lu, & aura la bonté de le dire.
Je me fuis plaint contre M adam e d’A b b a d ie de Tinterdi&ion provifoire de Ton mari ; c’étoit le droit ôc le devoir
de mon rriiniftère : maïs en parlant de l’arrêt du Parlement
de Pau , qui l a p r o n o n c é e , je n’ai pointbleiTd le refpeft du
à cette C o u r , com m e on a voulu le faire entendre. J ’ai
l’honneur d’être connu des anciens Magiftrats du Parlement
de Pau , fous les yeux defquels j’ai c o m m e n c é , il y a
vingt-quatre ans , l’exercice de ma profeflion. Ils fçavent
fi je leur fus dévoué ôc fidèle , & je crois leur prouver que
je le fuis encore , en défendant un de leurs chefs , celui
qui dans des temps orageux fe montra à leur tête , &
fçut faire a ve c eux le facrifice de fon état ôc de fa libertéN o u s voici arrivés à l’année 17 8 6 , fans que nous ayons
trouvé dans le cours des années antérieures des preuves de
la prétendue dém ence de M . le Préfident d’Abbadie. N o u s
y avons trouvé , au contraire, des preuves multipliées de
fon état deraifon. L es cinq premiers mois de l’année 1 7 8 6 ,
eoniacrés à l’examen de fa perfonne , von t fournir le co m
plément de ces preuves 3 £c mettre le dernier fceau à fon
état.
C e tte procédure a été affez longue pour fixer l’état habi
tuel de M . le Préfident d’A b b a d ie , & affez rigoureufe pour
qu’aucun fymptôme de fon état n’ait échappé aux regards
,de la Juftice.
Madame 4’Abbadie a fait diverfes defcriptions de l’état
�de fon mari : vo ici com m ent elle s’exprimoit nu Parlement
de P a u , dans fa R e q u ê te du i8 février 1 7 8 ; , qui eft la
R e q u ê te introduclive de linftance.
3) L a maladie de' M . le Préfident d’Abbadie , difoit-elle ,
» conlifte dans uns privation totale des facultés intellec» tuelles , qui. femble être atïujettie à un cours périodique
» pendant des accès qui durent huit à dix jours : . . . à ces
» accès fuccede une efpèce de cslm e a p p arent, qui fubfifte
» à-peu-près pendant le même tem ps,& dans.ce calme même
» l’efprit ne reprend qu’imparfaitement une efpèce d’ailiette
» qui ne lui b iffe que la faculté de réunir quelques idées.
» L a vie de. M . le Prélident d’Abbadie eft partagée,
» ajou toit-o n , entre celle d’un homme en dém ence, & celle
» d’ un hom m e qui conferve à peine les lumières de l’en» fan ce ».
C e langage étoit bon à Pau , où
vouloit faire interdire
Madame d’Abbadie
fon mari a b f e n t, fans inftruûion
préalable, fans connoiiiance de caufe.
Mais à P a r is , depuis que la procédure du C hâtelet a
fixé le véritable état de M . le Préfident d’Abbadie , il
n’étoit plus poiTible de divifer fa vie en deux révolutions
de huit à dix jours chacune , dont l’une le plonge dans
les ténèbres de la f o l i e , & dont l’autre lui rend à peine
les lumières de l’enfance. O n a imaginé un nouveau fyftême , auquel on a cru pouvoir donner un peu plus de
v.raifemblance : on a plaidé que tous les i£ , 18 & 20
jo u rs , M . le Préfident d’Abbadie eft fujet à des accès de
folie qui durent 4 , 8 , 10 & 12 jours.
J e n’ai befoin., pour renverfer ce fyflême , que de fuivre
rapidement l’ordre chronologique des aôes qui compofent
�J'
t
$
la procédure du C h â te ie t; je démontrerai, par ce m o y e n /
r°. que M . le Préfident d’Abbadie n’eft point malade tous
les i y , iS & 20 jo u rs ; a 0. qu’il n’eit point malade pen
dant 4 , 3 , i o &
i2 jours'; 3°. que fa maladie n’eft point
là démence.
Pour mettre plus de clarté dans l’ôr'dre chronologique
de cette p ro c é d u re , je la diviferai en deux époques; l’une
depuis le 29 D é ce m b re 178J , jour du premier interroga
to ire , jufques ali 3 Mars 1786 , jour de la première viiite des
M édecins ; l ’autre depuis le 3 Mars jufqu’au 18 M a i , jour
du dernier interrogatoire.
L e 29 D é ce m b re 17%$', premier interrogatoire o ù M . le Première époque.
Préfident d’ A bbadie développe la raifon la plus faine ôc
la plus entière.
( L e f Janvier 1 7 8 5 , deuxième interrogatoire exem pt
de critique , quoique , d’après une R e q u ê te de M adam e
d’A bbadie du 2 du même m o i s , fon mari dut être le j
dans un accès de folie.
L e s i? 6c / 2 du m ême m o i s , M . le Préfident d’A b b a d ie
comparoît en l ’hôtel du M a g i ü r a t , & demande à être
interrogé.
O
Il eft interrogé l e 13 pour la troifième fois;, & répond
avec la plus grande jufteiTe.
L e 1 7 , jour défigné com m e un jour de dém ence , il
donne dans un quatrième interrogatoire des preuves fen*
fibles de fa raifon.
L e 2 1 , jour indiqué par le M a g iftra t, cinquième- inter~
rogatoire auiïi fain que les précédens.
2 S > fixième interrogatoire également b o n , dans
�32
lequel le fieur Lieutenant - C iv il fait contracter a M . le
Préfident d’Abbadie l’engagem ent de comparoure le i
.
Février fu iv a n t, pour être entendu.
D u 2 y Janvier au premier F é v r i e r , il y a un intervalle
de fix jours; mais nous avons la preuve la plus, convain
cante que cet intervalle n’a pas été marqué par un accès
de folie : c’eft l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , qui
dans fa note 2 , fur le rapport des M éd ecins , dit que M . l e
Préfident d’Abbadie avoit eu un accès dans les premiers
jours du mois de F évrier. E lle reconnoît donc qu’il n’a pas
eu d’accès dans les iix derniers jours du mois de J an vier;
car elle convient que les accès font divifés entr’eux par
des intervalles de i j , 18 ôc 20 jours. V o ilà le mois de
Janvier révolu fans accès, d’après l’aveu même de Madame
d’Abbadie. N ou s n’avons donc befoin que de prouver qu’il
n’y apaseu d’accès dans les premiers jours du mois d eF év rierj
& cette preuve eft confignée dans la procédure.
L e premier F év rie r , feptième interrogatoire, où l’éner
gie du fentiment fe joint à la lumière de la raifon.
L es 3 ôc 4 du même m o i s , M . le Préfident d’Abbadie
comparoît fie demande à être interrogé.
L e 6 il eft interrogé pour la huitième fo is , & répond
avec jufteiTe.
L e 8 , il comparoît de n o u v e a u , ôc demande à être
interrogé.
L e 9 , il fubit le neuvième interrogatoire, qui n’a eifuyé
aucune critique.
L e s 14 & 18 il co m p a ro ît, ôc demande à être interrogé.
Le
�33
L e 2 0 , le (leur L ieu tenan t-C ivil ordonne la vifite de«
M édecins.
Arrêtons - nous un inftant.
Du
2p D écem bre 1 7 8 j au 18 F évrier
1786 inclufi-
v e m e n t , il y a un intervalle de cinquante - deux jours
marqués par des a£tes perfonnels à M . le Préfident d’A b b a d ie , ôc fi voifins les uns des au tres, qu’ils ne laiflent
point de place à un accès de folie de 12 , 1 0 , 8 , 6 , ni
m êm e quatre jours. ( 1) Il eft donc faux que Al. le Préfident
d’A bbadie foit fujet à des accès tous les 15-, 18 & 20
jo u r s , & que ces accès durent 6 y 8 , 10 & 12 jours.
Continuons.
L ’O rdonnance du 20 F é v r i e r , qui a fufpendu le cours
des interrogatoires pour faire place aux vifites des M é J e - ,
c i n s , n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, à la requête
de M . le Préfident d’A b bad ie, qui attendoic que M adam e
fon époufe la fie fignifier Ôc exécuter ; ce qu’elle n’a pas
ju gé à propos de faire. E lle trouve par ce moyen un vuide
de dix jours ; fa v o ir , depuis le 20 F évrier jufques au 2
Mars , ôc com m e
elle
a befoin de tirer parti de to u t ,
elle p la c e , après-coup, dans ce vuide un accès de folie.
(1 ) I l n’y a d a n sc e t efpace de yz jourj , qu’ un feul intervalle où Madame
d ’ Abbadie puifle placer un a c c è s , qui eit l'intervalle du *9 Décembre au
y Janvier ; ( car elle convient qu’ il n’y a pas eu d’accès à la fin du mois
de Janvier ) ; mais outre que les interrogatoires fubis dans ces deux jours
excluent l’ idée d’ un accès de folie intermédiaire, dont Madame d’Abbadie
n’a , ni ne peut avoir aucune preuve , la persévérance de l'état d« raifon
dans ce court interva'le eit d’ ailleurs certifiée par le Chirurgien de V i t r y ,
qui vo yo it tous les jours M. le Préfident d’ Abbadie.
E
�34
Mais fi elle avoit cru furprendre fon mari en démence
dans les derniers jours du mois de F é v r i e r , eUe nauroit
pas manqué de le faire vifiter par les M é d e c in s , en exé
cution de l’O rd onnance du 20 du môme mois. D ’ ailleurs,
le fieur Philip attefte , dans le rapport, qu’il a vifité jour
nellement M . le Prëfident d’Abbadie depuis la première
quinzaine du mois de F évrier jufques au 3 M a r s , jour où
v les vifites juridiques ont c o m m e n c é , & qu’il l’a toujours
trouvé jouiflant de fa raifon.
M.
le Préfident d’Abbadie n’a donc pas eu d’accès dans
les derniers jours du mois de 1* évrier 1786.
N o u s avons parcouru la première époque , qui comprend
l’intervalle du 29 D écem b re »785 au 3 Mars 1 7 8 6 , c’eftà-dire foixante - quatre
jours ,
fans
que
nous
ayons
trouvé un feul accès de folie ; parcourons maintenant la
fécondé é p o q u e , qui eit du 3 Mars au 18 M ai.
L e s vifites des M édecins commencent le 3 Mars : ils
Deuxième
époque.
vo y en t M . le Préfident d’Abbadie pendant foixante-huit
jours confécutifs; l’un tous les jo u r s , l’autre tous les deux
jours. L eu r rapport conftate qu’il n’y a qu’un jour dans
le mois de M a r s , qui efl le ip , & deux jours dans le mois
d’A v r i l , qui font le 10 & le 11 , où ils ne l’ayent point
trouvé chez lui ( parce qu’il étoit forti ) ; mais il a été
vu le 11 Avril par le fieur L ie u te n a n t-C iv il, enforte qu’il
n y a qu’un feul jour dans le mois de M a r s , & un feul
jour dans le mois d’A v r i l , où M . le Préfident d’Abbadie
n’ait pas été fous les yeux de la Juftice.
D epuis le
3 Mars jufques au
î7
in clu fivem e n t, les
�M éd ecins le trouvent toujours en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
L e 18 , il a un accès de fièvre ; maïs fes p a roles, dit
le fieur Philip , étoient d’un jugem ent fain , & n’annonçoient aucune efpèce de lézion dans les opérations de *
la m e .
L e ip , il va fe promener à Clamart-fous-Meudon.
L e 2 0 , il eft vifité fu c c e lliv e m e n t, dans la matinée ;
par les deux M édecins , qui s’accordent à dire qu’il étoit
a g i t é , mais qu’il ne déraifonnoit pas.
L e 21 , les deux M édecins le trouvent dans l’état de
r a ifo n , qui e f t , fuivant leur ra p p ort, fon état habituel.
L es 2 2 , 23 , 2 4 ,
& jours fu iv a n s , jufques au p A v ril
in clu fivem en t, ils le trouvent en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
Le
11 A vril il comparoît en l’hôtel du M a g iftr a t, &
confère avec lui d’une manière raifonnable. C e fait eft
conftaté par le procès-verbal du 12 , qui fait mention de
la comparution du 11 .
L e 1 2 , il fait un dire lon g & raifonné en l’hôtel du
fieur L ieu tenan t-C ivil.
L e 1.3 , il fubit dans fa maifon l’onzièm e interrogatoire,
où fes réponfes marquent de l'agitation , ôf non pas la
dém ence. O n y trouve feulement deux ou trois idées dont
il reconnoît lu i-m êm e à l’inftant le peu de ju ftefle, tant
il eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui au milieu
de cette agitation paiTagère, ainfi qu’il eft conftaté par le
rapport des M édecins , qui déclarent d’ailleurs que le même
jour 13 A v r i l , vers m in u it, il a répondu jufte aux diverfes
E
ij
�56
queftions qu’ils lui ont faites r & qu ils lui en ont fait aflez
pour s’afifurer que fa fituation étoit changée en bien.
Il étoit encore mieux le 14 A v r i l , fuivanc leur rapport.
D epuis le
14 A v ril jufques au p M a i , jour de leur
• dernière vilite , c’e f t - à - d i r e pendant vingt-fix jo u rs , les
M éd ecin s continuent de vifiter aiTidumetit M . le Préfident
d’A b b a d ie , le trouvent toujours dans un calme parfait,
dans la plénitude du bon fe n s , & le laiifent en cet é ta t;
c e qui fe trouve confirmé par cinq interrogatoires qu il
a
fubis, & par fix dires qu’il a faits perfonnellement en l’hôtel
du fieur L ie u te n a n t- C iv il, depuis le 14 A vril jufques au
18 M a i, jour du dernier interrogatoire.
Dans la fécondé époque , qui s’étend du 5- Mars au 18
M a i , ôc qui comprend foixante-dix-fept l'ours, nous trou
vons deux révolutions dans la fanté de M . le Préfident
d’Abbadie.
Suivant Je r a p p o rt, ces révolutions n’ont été que de
trois jours chacune.
Suivant le ra p p o rt, M . le Préfident d’Abbadie n’a point
déraifonné dans la première.
Suivant le rapport, ôc d’après le dire du 12 A vril , &
l’interrogatoire du 13 , la raifon de M . le Piéfident d’A bbadîe ne s’eft point éclipfée dans la fécondé , & n’a eifuyé
qu’une agitation p a iïa g ère, au milieu de laquelle elle a
toujours dominé : c’eft l’expreflion du rapport ; c’eft le
réfultat du procès-verbal d’audition.
Réfumons.
D epuis le 2p D écem bre
17 8 5 ,
c ’eft-à-dire dans
1 7 8 ; jufques
l’efpace
de
cent
au
18 M a i
quarante-un
jours que M . le Préfident d’Abbadie a paifés fous les yeux
de la J u f lic e , on n e n trouve que deux ou trois couverts
�37
d’ un léger nuâgc qui n’a point fait éclipfer fa raifon.
P e r m e tte z , M e ille u rs , que je remette fous vos yeux le
dire que M . le Préfident .d’A bbadie a fait en l’hôtel du
fieui; L ie u te n a n t-C iv il le 12 A v r i l , qui étoit un jour d’agi
tation. V o u s allez voir qu’un jour d’agitation n’eft point
pour M . le Préfident d’A b bad ie un jour de démence.
« L eq u el nous a dit qu’en rentrant hier ch ez l u i , fur
» les onze heures du f o i r , il a appris que nous avions pris
» la peine de venir le voir ; qu’il lui a été remis un billet
» que nous lui avions é c r i t , par lequel nous lui marquions
» de vouloir bien fe rendre en notre hôtel dans la fo ir é e ,
» ou aujourd’hui dans i après-midi.; que cédant à l’empref» fement de fe rendre à notre invitation., il s’eft tranfporté
» hier au foir çn notre hôtel entre onze.heures & m in u it,
» pour nous demander a£te de fa comparution ; que n’ayant
>3
point notre G r e f f i e r , nous n’avons pu faire mention fur
» notre procès-verbal de fa com parution, & nous l ’avons
» remis à c e jo u rd ’hui ; qu’il camparoît en c o n fé q u e n c e , &
» nous fupplie de lui donner a£le de fa comparution , tant
» du jour d’hier que d’aujourd’hui, & de fes offres de répondre
» aux queftions que nous voudrons lui fa ire, & a figné ».
V o ilà le langage que M . le Préfident d’A bbadie a tenu
le 12 A vril , le jour le plus critique qu’il ait eu dans l’eipace
d’environ çjnq mois. C e n’eft pas là le langage de la dé
mence.
L a procédure du C h â te le t, continuée pendant cinq mois
moins douze jo u r s , prouve i°. que M . le Préfident d’A b badie n’eft point malade tous les
ij,
18 &
20 jo u rs ;
2 0. qu’il n’eft point malade pendant 5 , 6 , 8 , 10 & 12
jours ; 30. q ue çz maladie n’eft point la démence.
�M. le Préfident
eft un état de
38
d’A b bad ie p rou ve que
fon
état habituel
raifon faine & en tiere, & que fon état
accidentel & paffager n’efl pas
un
état
de
folie.
Par quel m o tif ie r o it il donc interdit ?
L a dame de Saintot n’a pas été interdite, par l’arrêt
12
F é v rie r
du
1 6 4 8 , quoiqu’elle fût fujette à des accès de
m é la n c o lie , qui affoiblifloient de temps en temps fa mémoire
& fa raifon: & pourquoi ?
Parce
ment dans un état de ra ifo n , &
qu’elle étoit habituelle
qu’elle n’avoit pas
mal
adminiftré.
L e C o m te de Sauveterre avoit été interdit au C h â te let
en 1 7 8 2 , & M e Babille avoit été nommé d’office confeil
de fa curatelle. L a C o u r a infirmé la fentence d’interdic
tion
en lui confervant le même confeil : &
pourquoi ?
parce que le C o m te de Sauveterre n’étoit pas imbecille
quoiqu’il eût l’efprit fo ib le , & qu’il n’avoit pas encore fait
de grandes diflipations.
L e (leur Profit n’a pas été interdit pas l’arrêt du 7 Mars
préfent mois , quoiqu’il eût efluyé plufieurs crifes violentes
marquées les unes par la d é m e n c e , les autres par la fureur :
& pourquoi ? parce qu’il étoit habituellement dans un état
de raifon , & qu’il n’avoit pas mal adminiftré.
C es arrêts font conformes à la difpofition de la L o i ,
qui ne donne des curateurs qu’à ceux que leur état habituel
rend abfolument incapables de bien adminiftrer par euxmêmes. M.-'ntz captis....& qui perpetuo morbo lalorant, quia
rebus fu is fuperejje non poffunt, curatores dandi funt.
M . le Prélidcnt d’Abbadie eft en état de li e n adminiftrer
par lui-même. Sa capacité eft démontrée par la preuve la plus
co n va in ca n te , qui eft l ’expérience. D epuis 1 7 8 1 , époque
�!v
.
.
39
depuis laquelle fon époufe fe plaît à dire qu’il eft incapable
de toute adminiftration, il a fait chaque année des épargnes
!
qui ont fe rv ià augmenter íes biens ; il a em ployé en 1784,,
30000 liv. d’épargnes à acquitter d’autant les legs portés
par le teftanient de fa mere. L es a&es d’acquifition & les
quittances des legs font joints à la procédure qui conftate
I9 fituation de fon êfprit ; il fait v o ir en m êm e temps qu’M
eft dans l’habitude de raifonner, & dans l’habitude de bien
adminiftrer.
M adame d’Abbadie op p ofe deux arrêts d’interdi£tion
rendus l’ un contre M . le Préfident de P a n n e s , l’autre contre
la dame de la Garde.
L a C o u r fait par quels motifs elle s’eft principalement
déterminée à prononcer ces deux interdi&ions. E lle fait
aufii que de pareils motifs ne fe rencontrent point dans cette
caufe.
D ’a illeu rs, M . le Préfident de Pannes étoit en démence
pendant des mois entiers j des crifes auilï longues pouvoient
donner de grandes alarmes fur fon com pte; & le défenfeurde
M adam e d’Abbadie foutenoit que la dame de la Garde étoit
conftamment infenfée , fi non dans fes difcours
du moins
dans fes attio n s, c e qu’il ne peut pas dire de M . le P r é
fident d’A b bad ie, fans fe jouer de la notoriété publique.
Madame d A b b a d i e , accablée de la raifon de fon m ari,
qui s’eft foutenue fi longtemps dans fes interrogatoires,
voudroit faire entendre que
ce
de fa fagefíe, & invoque à l’appui de ce
'
preuves
paradoxe, ce que
ne font pas là des
M . d’Aguefteau dit dans la caufe du teftament.de M . l’A b b é
d Orldans.
Mais pour faire fentir la mauvaife application qu’elle
l
�4-0
fait de l’autorité de M . d’A g u e ife a u , il me fuffit d*obferver
que ce Magiftrat avoit déjà rendu com pte d une infinité de
faits qui
ca ra & e rifo ie n t
la dém ence com pletteôc continuelle
de M . l ’A b b é d’O r lé a n s , & dont la preuve étoit acquife par
l’enquête de M . le Prince de C o n t i , lorfqu’il s’eft exprimé
en ces termes :
« Suppofons qu’avec une enquête p a re ille , l’on vienne
v vous demander la confirmation d’une fentence d’interdic» tion : croira-t-on que l’on pût y trouver la matière d’une
» difficulté férieufe & véritable ? Q uand même les interroga» toires que l’on feroit fubir en ce cas à M . l’A b b é d’Orléans
» feroient fages & pleins d’une raifon apparente, pour» roient-îls jamais effacer
cette multitude prodigieufe
de
» f û t s , qui forment une image fi v iv e du cara&ere d e fo n
» efprit- ».
V o k - o n dans cette ca u fe ,
com m e dans celle de M .
l’ Abbé d’O rlé a n s , une multitude prodigieufe de faits de
dém ence ? A -t-o n feulement la preuve d’tin feul fait grave
qui annonce quelque danger imminent pour la perfonne
ou pour la fortune de M . le Préfident d’A bbad ie? O n n’a
que des témoins d’oui-dire des deux faits principaux, ou
plutôt de l’intention qu’on dit que M . le Préfident d’A b
badie a eue , d’atteler à fa voiture des chevres qu’il n’y a
point a tte lé e s , & d’enfeigner à des oyes l’alphabet
qu’il
n’a jamais prononcé devant elles , & /enquête qui
ren
ferme ces abfurditésa été annullée. Q u e lle différence entre
la caufe de M . l’A b bé d’Orléans & celle de M . le Préfident
d’A b b a d ie ! Dans la prem iere, c’étoit une multitude p ro
digieufe de faits de dém ence qui n’étoient contrebalancés
par aucun interrogatoire : dans la f é c o n d é , c’eft une m ul
titude
�41
titude d’interrogatoires pleins de raifon qui ne font contre
balancés par aucuns faits
qui cara&erifent un état
de
démence.
V o u le z-v o u s iavoir ce que penfoit de la preuve réfultante des interrogatoires,
l’illuflre Magiflrat dont vous
invoquez le fuffrage ? E c o u te z ce qu’il dit à ce fujet dans
la m ême caiife.
« Diftinguons deux efpèces d attes très-différens.
» L e s adtes de la premiere efpèce font tellem ent per» fo n n e ls , fi attachés , fi inhérens à la volon té de celui
» qui les p a if e , ils portent; un cara&ere fi évident de fon
» a & io n , de fon efprit, de fon ju gem ent, qu’ils ne peuvent
» prefque jamais être confidérés com m e l’ouvrage d’une
» main étrangère.
» T e ls font les interrogatoires de ceux qiù font accufés
» d’un c r im e , ou foupçonnés de d é m e n c e , & qui paroiifent
» en la préfence de leur J u g e , dénués de tout fe co u rs,
» fe u ls , fans autre appui que celui de leur in n ocen ce, ou
» de leur fageiTe, dans la main de leur propre confeil ,
» com m e parle TEcriture ».
J u g e z , d’après c e l a , ce qu’auroit dit M . d’AgueiTeau à
la vue de cette multitude d’interrogatoires & de dires perfonnels de AI. le Préfident d’A b b a d ie , foutenus par un rap
port de M é d e c in s , & par divers a£tes qui marquent une
bonne adminiftration , & une fage économ ie. Jugez ce que
dira le Magiftrat qui o ccu p e fa p lace, & qui y fait revivre
ion éloquence & fon zele.
A i-je befoin de combattre la demande fubfriiaire de
M adam e d’A b b a d ie , tendante à ce que fon mari foit inter
rogé de nouveau , pendant deux m o i s , de deux jours l’un?
C e tte demande inouie eft une vraie dérifion à juftice.
F,
�42
Q u o i ! n e u f interrogatoires fubis dans l’efpace de fix
femaines, depuis le 29 D é c e m b r e 1 7 8 y jufqu’au 9 F év rier
1 7 8 6 j deux interrogatoires fubis dans la premiere quinzaine
du mois d’a v r i l, cinq interrogatoires fubis & fix dires perfonnels faits depuis le ip avril jufques au 18 M ai , une
foule d’a&es de comparution & de dires p e r fo n n e ls , mêlés
pendant près de cinq mois à tous ces interrogatoires, &
des vifites de M é d e c in s , continuées fans interruption pen
dant foixante-huit jours confécutifs , tant d’a&es qui e x
cèdent fi prodigieufem ent la mefure de l’inftru&ion ordi
naire , ne fuififent pas à M adam e d’A bbadie ! Jufqu a quand
abufera-t-elle donc de la patience de fon m a ri, & quel fera
le terme de cette perfécution ?
E lle veu t que M . le Préfident d’A bbadie fubiffe encore
trente interrogatoires de deux jours l’u n , dans l’efpace de
deux mois ; mais elle avoit formé la même demande au
C hâtelet par fa R e q u ê te du 12 Septem bre 1 7 8 ; , & elle a
acquiefcé à l’Ordonnance qui l’a rejettée, puifqu’elle a requis
elle-même l’exécution de cette ordonnance par fes requêtes
des 2 &
17 Janvier 1786. C ’eft donc ch ofe jugée ave c
elle que fon mari ne doit pas fubir une pareille épreuve.
D ’ailleurs, M . le Préfident d’A bbadie n’a-t-il pas été
interrogé par le fieur Lieutenant C iv il dans des jours q u e lle
a choifts elle-même com m e des jours de folie ? N ’a-t-il pas
été vifité & entendu par deux M édecins pendant plus de
deux mois? N ’eft-il pas entendu plufieurs fois par femaine
depuis quatre mois qu’il a l’honneur de v o ir les M agiftrats,
& de folliciter leur juftice? Chaque conférence qu’il a a v e c
eux ne vaut-elle pas un interrogatoire ? Q u e l eft donc le
but de M adame la Préfidente d’A b b a d ie , & que cherche-
�43
t-elle après un com bat de deux ans foutenu devant quatre
T rib u n a u x , fi ce n’eft à juftifier fes pourfuites par leur
excès m ê m e , & à faire naître tôt ou tard, s’il eft p oflib le,
dans l’organifation fenfible de fon m a r i, une révolution qui
lui ferve d’e x c u fe , & qui allure le fuccès de fon a&ion.
L e iieur Profit, dont l ’efprit étoit agité par intervalles,
& dont l’adminiftration n’étoit pas aufii fage que ce lle d e
M . le Préfident d’A b b a d ie , n’avoit été interrogé qu’une
feule fois au C h â t e l e t , & ne l’a pas été en la C o u r. L a
dame Profit, prefque auiïi acharnée que M adam e d’A b b a d i e ,
à la pourfuite de l’interdiftion de fon m a r i , a demandé
fubfidiairement fur le barreau , qu’il fût furfis pendant fix
mois au Jugem ent de fon a p p e l , pendant lequel temps
fon mari feroit interrogé par un CommiiTaire de la C o u r ;
mais fa demande a été rejettée. M adam e d’A bbadie a-t-elle
donc pu croire que la fienne feroit a cc u e illie , & que la
C o u r , inftruite de l’état de M . le Préfident d’A b b a d ie , par
une longue p rocéd u re, ôc par l’infpeûion journalière de
fa p erfonne, laffujettiroit à de nouvelles é p r e u v e s , qui
dégénereroient en une forte d’inquifition ?
M adam e d’Abbadie propofe un fécond c h e f de demande
fubfidiaire , qui tend à ce qu’elle foit admife à p r o u v e r ,
11®, que le 12 A v ril i~j%6s M . le Préfident d’Abbadie a
paru à fon b a l c o n , un rafoir à la m ain , &
qu’il a fallu
qu’un voifin accourût de fa maïfon pour le défarmer ; 20. que
le m êm e jour ( 12 A v r i l ) M . le Préfident
d ’A bbadie a
fait toutes les folies poifibles à l’H ô t e l- d e - V ille , aux T u i
leries , ôc en l’H ô te l du fieur Lieutenant-Civil ; 30. que
toutes les fois qu’il a eu des a c c è s , il a fallu aller chercher
y n étranger pour le contenir par des menaces.
FÜ
�C es faits imaginés en défefpoir de caufe font faciles a .
écarter.
D ’abord le fait du rafoir demande une explication après
laquelle il doit paroîcre évidemment indifférent ou faux.
Prétendez-vous que M . le Préfident d’Abbadie avoit un
rafoir à la main le 1 2 A vril 178 6 , fans aucun mauvais deffein,
fans qu’il ait faic aucun m ouvement tendant au fuicide?
D ans c e cas, le fait eft indifférent^Il n’eft point d’h o m m e ;
parmi ceux qui fçavent fe rafer eux-mêm es, ( & M . le
Préfident d’Abbadie eft de ce nombre ) à qui il n’arrive
quelquefois de fe montrer à une fenêtre ou à un balcon ,
un rafoir à la main ; & la preuve d’un fait indifférent ne
doit pas être ordonnée ; frujlra enini admittitur ad probandum quod probatum non relevât.
Prétendez-vous que M . le Préfident d'Abbadie avoit le
12 A vril un rafoir à la m ain, dans le deffein de fe couper
la g o r g e , ou de fe m utiler, deffein qui n’a pu être décou
vert que par quelque m ouvem ent de fa p a r t , tendant au
fuicide ? dans ce cas, le fait eft déjà démontré faux de trois
manières; i°. par l’événem ent; 20. par le rapport de M éd e
cins ; 30. par votre aveu formel.
i°.
C e faic eft démontré faux par l’événement ; en
e f f e t , fi M . le Préfident d’Abbadie avoit eu un rafoir à
la main , &
s’il
avoit voulu fe couper la g o r g e ,
oh
fe
m utiler, il auroit eu amplement le loifir'de le faire avant
que le voifui eût eu le temps de fortir de fa maifon , de
monter dans celle de M . le Préfident d’A b bad ie, & d’arrivec
à fon balcon. S ’il ne l’a point fa it, c’eft qu’il n’avoit pas plus
la volon té que le m oyen de le faire.
2°, C e fait eft démontré faux par le rapport des M é
�4?
decins; en e f f e t , le rapport conflate que le 12 ôc le 13 avril
1 7 8 6 , M . le
Préiident d’Abbadie étoit Jans la' moindre
apparence- de fureur ni de violence,
5 0* Enfin , ce fait eft démontré faux par l’aveu formel de
Madam e d’Abbadie. C e t aveu eft configné dans fon C o m
mentaire fur le rapport des M é d e c in s , note 4.0, conçue
en ces termes.
»Jamais perfonne n’a dit que M . le Préfident d’A bbadie
» montrât de la fureur & d e là v io le n c e » .
C ’eft dans le mois de Juillet 1 7 8 6 , trois mois après la
journée du 12 avril, que M adam e d’A bbadie rendoit cette
Juitice à fon mari ; elle a donné trois ouvrages imprimés
au C hâtelet dans les mois de Juin &
de Juillet 17 8 5 ;
elle ne parle du fait du rafoir dans aucun ; &
c ’eft au
mois de Mars 17 S 7 , qu’elle imagine de dire pour la p re
mière fois , que fon mari étoit armé d’un rafoir lé 12 avril
I 7 8 5 , ôc agité par la fureur du fuicide ! Q u ’elle tâche donc
de s’accorder fur ce fait avec l’é v é n e m e n t, avec le rapport
des M é d e c in s , & avec elle-même.
L e fécond fait n’eft pas plus admifïible que le premier,
fi l’on peut appeller fait une allégation.vague qui n’a aucun
objet fixe ôc déterminé.
Q u ’eil-ce qu’on
a
voulu d ire , quand on a die que M .
le Préiident d’Abbadie a fait, le 12 avril 1 7 8 5 , toutes
les folies p o ifib le s , & com m ent concilier cette allégation
avec le dire raifonné qu’il a fait le m ême jour en l'H ô t* !
du (leur Lieutenant-Civil ?
L article premier du titre 20 de l’O rdonnance de 1 6 6 7 ,
veut que les faits qui giflent en preuve foient articulés?
�^6
c eft le feul moyen de diftinguer les faits indifférens dont
la preuve doit être refufée
d’avec les faits ielevans dont
la preuve peut être ordonnée. Tout a Us folies poffibles ne
font pas des faits articulés ; il n eft donc pas poifible d’en
ordonner la preuve.
L e troifième fait concernant l ’appel d’un étra n g er, pour
contenir M . le Préfident d’Abbadie par des m e n a c e s , n’eft
ni plus e x a d ni plus admiiTible que les deux autres ; en
effet , quel befoin peut-cn a v o i r , de contenir par des
menaces un h o m m e , q u i , fuivant le rapport des M éd ecin s,
& de l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , n’a jamais donné
la moindre marque de fureur ni de vio le n ce ?
L a dame Profit articuloit des faits de fureur de fon mari,
poftérieurs à la Sentence du C hâtelet dont elle étoit appel
lante, C es faits ont été rejettés, & la S entence a été con
firmée. Madame d’A bbadie donne aux faits qu’elle articule,
une date antérieure de plus de trois mois à la Sen ten ce
du Châtelet où elle ne les a pas articulés. C e s faits font la
dernière refTource de la chicane qui
cherche à retarder
le jugement de la caufe la plus fimple & la plus jufte.
D e quoi s’agit-il dans cette caufe ?
S ’agit-il de pourvoir à la confervation de la peçfonne
de M . le Préfident d’A bbadie ?
Mais Madame d’A b b a d ie convient elle-même dans fon
M ém oire imprimé au C h â te le t , page 1 14., qu’elle lui auroit
laiffé l’adminiftration de fa perfonne , s’il avoit voulu lui
lailfer l’adminiftration de fa fortu ne, & l’expérience prouve
depuis plufieurs années , que M . le Préfident d’A b bad ie
fçait adminiftrer & conferver fa perfonne.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des deniers de la
fucceflion
du
fieur de
Borda?
�47
Mais M . le Préfident d'A bbadie offre d’en faire e m p l o i ,
& de les convertir en immeubles.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des immeubles ?
M ais M . le Préfident d’Abadie fe foum et à un C on feil
fans lequel il ne pourra ni les aliéner, ni les e n g a g e r,
& plus de deux millions de fes biens font grévés de fubftitution au profit de fes enfans.
Q u e refte-t-il donc ? le revenu : voilà le feul intérêt
de la caufe : M adame d’A bbadie veu t jouir du revenu de
M . le Préfident d’A bbadie ; & pour fe ménager cette jouiffa n c e , elle brûle du delir de facrifier fon état, fa lib e rté ,
tous fes droits c i v i l s , & de com prom ettre la deilinée de
fes enfans ; c’eft ainfi qu’elle prouve qu’elle eft digne époufe
& tendre mère.
Mais pourquoi M . le Préfident d’Abbadie ne continueroit-il
pas de jouir de fon revenu ?
I l ne l’a jamais diflîpé; il eft au contraire dans l’habitude
de faire des épargnes & des acquisitions ; & s’il le dépenfoit
en e n tie r , il ne feroit que lui donner fa deftination naturelle.
S o p h o cle accufé de d é m e n c e , fous prétexte qu’il négligeoit fes affaires domëftiques pour com pofer des T r a g é d ie s ,
parut devant fes Juges , tenant fon CEdipe à colonne à
la main. E co u te z , leur d it-il, ce D ram e que j’ai co m p ofé
r é c e m m e n t, & jugés fi c ’eft-là l’ouvrage d’un infenfé :
il l u t , & il fut abfous.
M . le Préfident d’A b bad ie, chargé d’une femblable accufa tio n , n’a point de production du génie à offrir pour fa
défenfe. L a nature, en le douant d’un efprit fage & judicieux
�48
verfa fes plus beaux dons dans fon c œ u r ; mais s’il n’a
pas le talent d’écrire com m e S o p h o c le , il joint à une raifon
faine le mérite de mieux adminiftrer.
V o y e z , dit-il aux M agiftrats, le Procès-verbal de mon
audition : les réponfes que j’ai faites durant le cours d’en
viro n
cinq mois font-elles d’un homm e en démence ?
Voyez
les acquifitions que j’ai faites annuellement de
puis 1781 : un infenfé en auroit-il fait autant?
V o y e z les épargnes que j’avois en main en 1 7 8 4 , & les
quittances de 30,000 livres de legs faits par ma m ère,
que je me fuis empreffé de payer de mes revenus. L ’homme
le plus fage auroit-il pu mieux faire ?
Je parle com m e un hom m e raifonnable, j’agis com m e
un bon père de famille ; je ne fuis ni fou ni diffipateur ;
en quelle qualité ferois-je donc interdit ?
Monjleur
S E G U IE R ,
A vocat Général,
M e B E R G E R A S , A v o c a t.
J
A
u l h i a r d
,
Procureur.
P A R I S , chez K N A P E N , Imprimeur de la Cour des A id e s , au
bas du Pont S. Michel, 1 7 8 7 ,
�
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Factums Vernet
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A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Réplique pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0106
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0105
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Bizanos (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53989/BCU_Factums_V0114.pdf
6ca4dfae1c9a08659e23706246cc235e
PDF Text
Text
MEMOIRE
P O U R la Dame Marquife d e
à l'interdiction de fon mari ;
C O N T R E
Douairière
la Dam e
de
de
C
a br is
, défendant
L o m b a r d , Marquife
C a b r i s 3 pourfuivant l ’interdiction
de fo n fils ypour caufe de démence.
Une
mère foible par fo n â g e , foible par fes affect ion s,
inftrument prefque impaflible d’une aff ociation i ntéreff é e ,
pourf uit depuis huit ans la honte de fa poftérité dans la
perfonne de fon fils. Elle demande q u ’il foit interdit pour
caufe de démence, parce que les traitemens indignes exercés
pendant fept ans fur la perfonne de fon fils, autorifés par
e l l e , ou du moins tolérés, ont affoibli fon e fpr it en altérant
fes organes.
Elle demande que f on fils foit in te rdi t, pour demander
l’adm iniftration de fes biens j &. elle veut adminiftrer fes
A
�1
biens ¿parce qu’c!le en a diflîpé une partie , & pour diflîper
ie reitc.
i*
U n e femme perfécutée depuis huit ans, diffamée jufqu’au
pied du T r ô n e , privée deux fois de fa liberté , parce qu’elle
d éfendoit avec courage la p erfo n n e , l’honneur , les biens de
fon m a r i , ô£ les efpéranees de fa fille unique , vient encore
protéger des intérêts il chers. Elle demande'que fon mari ne
foit pas in te r d it, parce qu’il n’eft ni prodigue ni fu r ie u x ,
parce que fa foiblelle morale , eft un effet momentané de ion
affoibliiTement phyfique , caufé lui-m êm e par les excès &
les outrages dont il fut la vi£time.
Elle demande que l’infortuné ne foit pas puni de la bar
barie avec laquelle il a été traicé , & que fes tyrans ne trou
vent plus dans l’effet même de leurs perfécutions, un m o tif
de perfécutions nouvelles.
Elle demande le libre exercice de fes droits d ’époufe-ôc de
mère , du droit inconteftable de coniacrer ies loins à la fauté
de ion é p o u x , à l’éducation de fa fille.
Elle demande que les biens de ion mari foient confiés à
une adminiftration éclairée
i a g e , ions les aulpices des
Tribunaux.
Elle ne veut enfin que la perfonne de fon mari : elle dépofe fa fortune dans les mains d e là Jufticc.
V o ilà Us deux tableaux que cette affaire préfente.
C ette affaire doit intéreller, non pas parce que le Marquis
de C abris, dont on artaque l’exiftcnce c iv ile , c il un homme
de q u a lité , 6c qu’il a 50,000 liv. de rente ; mais parce qu'il
eft père d’un entant digne d’égards , parce que 1 état d’un ci
toyen eft une chofe confidérablc , parce qu’il importe à tous
�3
que la Loi foie entendue & exécutée dans Ton fens vérita b le,
& que l’interdiction qu’elle a établie com m e une précaution
ju fte , mais déicfpérée', ne devienne pas une fervitude arbi
traire & une flétriflure inutile.
T o u s les faits d o n t on va lire le r é c i t , font déjà confignés
dans des écrits publics ; cependant il eft néceiTaire de les rap
p eler, furtout d’indiquer les p reu v es, parce qu’ils font invrailemblables.
F
A
I
T
S
.
L a D em oifelle de M ir a b e a u , fille du M arquis de M ir a - frémi* « éso^ue.
b e a u , a époufé le M arquis de Cabris en 1769 ; deux ans
ap rès, une fille encore u n iq u e , eft née de ce mariage.
Le Bailli de M irabeau , oncle de l'epoufe , avoit pro
mis une fom m e de 30,000 livres pour égaler la d ot de la
M arquife de Cabris à celle de fa foeur , la M arquife du
Saillant. ( 1 )
C e tte promeile n’étoit point exécutée. Le M arquis de
Cabris la rappelle en 17 7 4 . L e Bailli répond q u ’on a pris un
com plim ent pour des paroles (2 ), 2c lui-même il prend cette
demande pour une injure.
D ’un autre c ô t é , la difeorde agitoit déjà la maifon pater
nelle de la M arquife de Cabris. Sa mère vivoit feule dans fes
terres du
Lim ouiîn. Elle
a voit
cru
remplir
un
devoir
de piété filiale , &. , accom pagnée de fon m a r i , elle a,voit été
voir fa mère.
( 1 ) L ettre du M arq u is de M i r a b e a u , du n Février ¿ 7 6 9 , déjà im
p rim ée.
( x ) L ettre du Bailli d e M ir a b e a u , d u 15 Janvier 1 7 7 4 , déjà im
prim ée.
A i;
�A
I.cM arquis de C a b ris , affe& é de l’embarras extrême dans
lequel il avoit trouvé fa belle-m ère, n’a voit pas balancé à lui
prêter z o ,o o c liv.
C ’etoit dans le m êm e temps qu’il demandoit les 30,000 I.
promifes par l'onclc de fa femme ; au lit, en répondant qu’il
n ’avoit
rien
promis ,
l’oncle
écrivoit - il avec
autant
d ’amertume que de mauvaile f o i , qu’ un prêt de 12000
liv . pour une obligation de 60,000, ¿toit une ufure épou
vantable. L ’oncle favoit bien cependant que le prêt étoic
de zo ,o o o liv. & ‘quc l’obligation n’exiftoit pas.
D e u x ans après, la rupture éclata entre le M arquis & la
M arquife de M irabeau. L e public a été aflez inftruit de
cette tri île querelle. La M arquife de M irabeau forma fa
première demande en féparation ; cette demande fut re
jetée. En exécutant PA rret du Parlem ent qui la réunit à
Ion m a r i, en rentrant dans l'a mailon , elle trouva un ordre
m im ftériel, en vertu duquel elle fut enfermée au co u ven t de
S a in t-M ic h e l, rue des Portes.
D epuis on a oie dire & imprimer que cette demande en fé
paration avoit été infpirée par la M arquife de Cabris. O n a
ofé dire & imprimer que les 10,000 liv. prêtées librement
par fon m a ri, deux ans a u p aravan t, avoient été prêtées fur
fes inftances, & pour alimenter ce déplorable procès.
11 étoic alors bien loin de fa penfée qu’on put un jour lui
faire un crime d’avoir c o n fo lé , d’avoir aidé fa mère.
A la nouvelle de fa détention , elle accourut fur le-champ
auprès d’elle; elle ob tint la permiflion de la voir: un refus au.
roit trahi des préparatifs perfides.
P e u de jours après , le 19 Juin 1 7 7 7 * la M arquife de C a
�11
bris cft elle-m êm e , en vertu d'un ordre m ïn ifléricl, exilée A
l ’A b baye de la Déferre à Lyon.
C et ordre cft
révoqué
quatorze
jours
après ,
le
4
J u ille t , fur la réclamation perfonnelle de la M arquife de
Cabris.
£lle retourne auprès de fon mari. Son mari ne pouvoit pa£fer fous fiicnce cet attentat à Ton autorité, cette injure faite
à lui-même dans la perfonne de fon époufe.
I l s ’adreiTa au M arquis de M ir a b e a u , feul auteur de cette
e n tre p riie, 8c lui fit les plus vifs reproches (1).
Peu de temps ap rès, inftruit par la M arquife de M ir a
beau elle-même des menaces faites de la renfermer aux
V a ld c n e s de C harcnton , il envoya conjointem ent avec fa
fe m m e , des pouvoirs pour demander à la Juftice desfecours
convenables au rang 6c à la fituation de fa belle-mère.
C e tte démarche fit jurer fa perte- ÔC celle de fa femme.
L e m oyen de l’interdi&ion étoit un moyen fa m ilie r, prefq u’autant que les ordres m inijlérids. D es deux caufes or
dinaires d’in te rd ictio n , prodigalité ô démence, la dernière
étoit moins difficile à fuppofer. Si le M arquis de Cabris
n ’eût pas prêté 10,000 liv. à fa belle-mère , s’il ne fc fût pas
préfenté pour la fecourir , s’il n’eût pas trouvé mauvais qu’on
fît enfermer fa fe m m e , parce qu’elle co nfoloit fa m è r e , il fe.
roit encore fage &: libre.
C e com p lot étoit Singulièrement encouragé par la certi
tude d ’avoir des partifans dans la propre famille du M arquis
de C a b r i s , & par la connoiiïancc des embûches déjà dref( 1 ) L ettre du M arqu is de C a bris au M arqu is de M ir a b e a u , du 4 A o û c
1 7 7 7 , déjà im prim ée.
�6
fées autour de lui par l’avidité des collatéraux , toujours ac
tive & jamais raflafiée.
L e Marquis de C a b r i s , à la m ort de Ton p è re , s’étoit
trouvé , à peine forti de l’a d o lefccn c e , propriétaire de 50,000
liv. de rente.
Scs trois foeurs , mariées à trois G entilshom m es P ro v en
çaux n’avoient eu
que 45000 liv. de légitim e , avec le
droit à un fupplément de lé g itim e , fixé par le teftament du
père com m un à 8000 lir. pour chacune ; mais elles étoient
appelées à l ’univerfalité de l’h é rita g e , s’il arrivoit que leur
frère mourut fans enfans.
L e mariage de leur frère fufpcndit cette cfpérance , & la
naiflance de la D em oifelle de C abris vint l’anéantir. O n réfolut au moins de ne pas laiifer doubler cet obftacle. D e -là
les intrigues pour troubler le jeune ménage , les ca lo m
nies auprès du m a r i , les délations auprès de la femme.
O n avoit poufle la perfidie jufqu’à égarer le cœur du M a r
quis de C a b r i s , & jufqu’à faire jaillir de cet égarem ent Tou* !
rrage &. l’infultc fur fa femme.
D e -là la réparation volontaire &
m om entanée
dont
on a fait tant de bruit ; q u i , dans ce m om ent e n c o r e , cil
le feul prétexte des calomnies , &; d ont la M arquife de
C abris a repouiTé il fouvent
la honte fur fes perfécu-
teurs.
En éloignant la fe m m e , qui feule pouvoit inquiéter la
cupidité par une furveillance in co m m o d e, on obtenoit deux
avantages , celui d’arrêter toute efpérance de poilérité fur la
tête de la fille u n iq u e , Sc celui d’environner le p o u x de gens
utiles à l’exécution des projets.
Seytre , préfenté par les beaux-frères avoit été choifi &
�7
nom m é curateur à fa minorité ; 2c le premier foin de cc
curateur avoit été de r é g le r , avec les beaux - frères, le
fupplémcnt de légitime. C c fu p p lé m cn t, fixé p a r le teitam ent du père à 14000 liv. pour les trois fœ u rs , avoit été
porté à 60,000 liv. ôc le M arquis de C a b r is , autorifé par Ton
c u r a te u r , avoit payé 60,000 liv. par quittance du 16 Juin
Ï775Seytre ne fe contentoit pas d’autorifer tout avec comp la ifa n c e , il cherchoit encore les occaiions à'autorifer \ &c
A lzia jri, Procureur à G ra tte , étoit chargé de l’aider dans
fes recherches.
C ’eft ainli qu’ils ont
fait
emprunter au M arquis de
Cabris plus de cent mille livres (1). A lziari fournilToit les
moyens Sc Scytrc les pouvoirs. C e font ces dettes qu’on a
acculé la M arqu ifc de C a b ris ,a lo rs ab fen te, d’avoir fait con
tracter à ion mari.
Le com plot d’interdi& ion form é à P a ris , favorifoit donc
les complots de Provence. La vengeance s’aflocioit à l’avi
dité. L ’infortuné Marquis de Cabris étoit environné d’en
nemis dans fa propre famille. Sa m è re , dont l’âge augmentoit la foiblcflè & l’ap a th ie, devoir céder aux impuliïons
de fes p a ren s, & les parens étoient entraînés par un double
intérêt.
Les trois beaux-frères parloient encore du fupplémcnt de
lé g itim e , peu iatisfaits de l’avoir fait tripler par le complaiiant Scytrc. L ’évén e m en t a juitifié leur elpérancc. Les pre
miers momens de la m ort civile du M arquis de C a b ris, ont
«
(1) L ettre du Heur A lz ia r i au M a r q u is de C a b ris , du 8 Juin 1 7 7 6 ,
im prim ée page 73 du prem ier M é m o ir e .
�S
cté em ployés, par fa m ère, à payer à ccs beaux-frères ccfup*
plément de légitime com m e ils ont v o u l u , fansd ifcuüion ,
fans conteftation , fans formalité.
U n intérêt plus v i f les animoic encore : a p p e lé s, au
défaut d’enfans , aux fubftitutions de la maifon de C a b r is ,
la, naiiïance de la D em oilclle de Cabris . n’avoit pu leur
enlever cette efpérance fans leur en donner une autre : ils
vou lo icn tre co u vre rp a relle lcs biens qu’elle leur faifoit perdre.
C es deux diviiîons des deux familles , réunies pour le
m êm e projet par des intérêts contraires, ont paru, dans les
premiers écrits de U M arquife de C a b r i s , un roman invraifcmblable.
C ep en dan t elle ne l’écrivoit pas fans preuves : aujour
d ’hui les preuves fe font accumulées ; elles font confignées
par to u t , dans des délibérations juridiques, dans des a£tes,
dans des écrits; Sc la double confpiration eft devenue l’hiitoire de toute la famille , de toute la province , & l’on pourroit dire même de la capitale.
S iconjje Époque
T o u t étant préparé pour l’exécution , le premier N o
vembre 1 7 7 7 , on voit arriver à GralTe le Bailli de M ira
beau ; celui q u i , trois ans au p aravant, en parjurant fa f o i ,
en refufant de payer les 30,000 liv. promifes au M arquis de
C a b r is , écrivoit à fon époufeq u ’ils étoient des ufuriers épou
vantables.
11 s’établit chez la D a m e de Lom bard , Douairière de
Cabris , 8c refufe de voir fa nièce ¿5c fon neveu qui viennent
le vifiter.
C e religieux d'un Ordre illu flre, capable de 'tous les acles
m ilita ires, incapable de tous les acles c iv ils , fans pouvoir
pour
�9
pour lui m êm e, s’étoit chargé des pouvoirsdes autres. I! étoic
muni de dix procurations que l’exceflivc bienveillance du
Juge rendit inutiles.
Six jours nprès ion a rrivée, la dame de Lom bard pré
fente la Requête en interdiction du Marquis de C a b r is , fon
fils.
Les pretextes n’étoient pas n o m b re u x , p u ifq u e, dans ce
m o m e n t encore , la dame de L om b ard ne juitifie fa d é
m arche cruelle que par deux
faits q u ’elle
appelle
des
fignes certains d ’une folie in c u r a b le , &: d o n t l ’un ne pouvoic être cara&érifé ( i ) , Ôc l’autre étoit un accident m a l
heureux (i).
La vérité eft que le Marquis de C a b r is , accablé des c h a
grins d o n t on avoit environné fa jeunelfe, & d on t on vient
d ’eiquiflcr le tab leau , étoit devenu très-fenfible ;
fcnfvbilité
lui
cette
d onnoit des accès fpafmodiques , &. des
inltans de mélancolie, fur tout les inftansqui fuivoient quel
que agitation
violente. D e cet état de foibleíTe p hvfique
à l’état de f o lie , l’intervalle e f t i m m c n f e ; cet intervalle cft
toujours le m ê m e , malgré les efforts employés pour le faire
franchir au Marquis de Cabris.
Jufqu’au m om ent de la demande en in te r d i& io n , l’opi
nion de la famille iur cet état de maladie m o m e n ta n é e ,
e lt conftatée par l’aveu de la dame de L om bard elle-même.
( i ) L a dam e de L o m b a rd a im prim é dans tous fes M ém oires ce
prétendu billet fait
6
par le
M arqu is d e C a b r is au iîeur G arnier , le
Juillet 1 7 7 6 , pour lui garantir pendant d eux ans la fanté de corps
& ti’efprit.
(1) L e M arquis d e C a b ris s’étoit blcile à la cuiiTe.
B
�10
En 1 7 7 6 , elle écrivoit à fa belle fille : V o tre mari cjlrevenu
d ‘ A i x avec quelques indifpofitions cauftes par les agitations
d ’un arrangement qui a pris trois mois de temps, mais elles ont
difparu ; i l f e porte très-bien.
E t dans une
autre lettre : V ous deve\ avoir reçu tn c
lettre de votre mari ; i l f e f a i t beaucoup plus malade q u i l
n e f l \ i l y a beaucoup a efpérer pour fort parfait radbli(jem tnt.
Quelques mois a p rès, la dame de Lom bard prétend que
fon fils eft in fe n fé , furieux, fans efpoir de guérifon , 6c elle
demande qu’il foit interdit.
L a M arqu ife de Cabris étoit feule pour défendre fon mari.
L e 7 N o v e m b r e , c’e ft-à -d ire , le lendemain de la demande
en in terd iction , elle fe préiente au tribunal pour s’y oppoler :
elle n’eft point écoutée.
L e Juge ordonne la preuve des faits. O n aiTemble, on
interroge tous lesd cm eitiq u es de la D a m e de Lombard ( 1 j.
Son fils demande à faire la preuve contraire. O n accorde \
mais on révoque cet acte de juitice avant m ême qu’il (oit
exécuté (z). Il écrit fa défenie de fa propre main ,
dans
le m ême temps il fait un a & c public de prudence &
de
fagacité , il tranfige dans les falles de fon Château a vcc toute
la C om m unauté a iïc m b lé e , fur une contellation délicate ,
fubiiilantc depuis plus de cinquante ans (3}.
Il cft interrogé ,
fes réponfes attellent fa prefence
d ’cfprit. La famille n’efl: ni ailemblée ni confultéc. Le m i'
niftère public conclut qu’ i l n y a pus lieu a l'interdiction >
Çi) D e vingt-deux témoins , lept ou huit fe u l e m e n t , les d fù iés d e
la D a m e de L o m b a rd , s’efforcent de parler c o m m e elle.
(2) L e M arqu is de C a b t i s avoit déjà fait conftater l'intégrité de fa
raifon par 42 tém oins.
(3) C e t t e tranfa& ion a etc confirmée par le Parlem ent d ’A i x , u o i s
ans aptes l’in te r d id io n prononcée co m te fo u A u t e u r .
�11
& le Juge la prononce pour caufe de manie hypocondria
q u e (i) , en ordonnant au furplus que la famille fera aiTem-
bl.ee pour nommer un Curateur à l’interdit.
Le lendemain , le M arquis de Cabris interjette appel au
Parlem ent d ’ Aix.
Malgré l’a p p e l, & douze jours après, la Sentence s’exé
cute. L ’H otel du Juge reçoit un fimulacre d ’aiTemblée de
parens. L à , préfide le Bailli de M irabeau , toujours muni
de Tes dix procurations, qu’il montre & qu’il n’a jamais d é pofées ; deux beaux-frères & deux étrangers fiègent à côté
de lui. Les plus proches parens , répandus dans dix familles
à G r a t t e , ne font pas m êm e invités : on connoilToit leur
opinion.
Sur le vœu trts~una'i ‘i m i de cette aflemblée le Jup-e ordonne l’exécution provil'oire de ia
Sentence nonobftanc
l ’appel , nom me la D am e de Lom bard C uratrice à l’inter
diction , & T u tric e de fa p etite-fille, fixe une penfion à
l ’i n t e r d i t , &L des alimens à fa femme , aucorife la prétendue
C u ratrice à emprunter
toutes les fomm es qu'elle jugera
nécedaircs fur les biens de l’interdit ; i l l'autorife fur-tout
h. arrêter le compte du fieur S e y tr e , autrefois Curateur à la
minorité du M arquis de Cabris , enfuite fo n c o n fe il, a d m im f
traceur de fe s biens , fo n Procureur, fo n défenfeur ju fq u au
moment de l'interdiction , vendu alors aux intérêts de l'a jfociation combinée,
0
depuis lors la trahiJJ'ant ou la protégeant
icur a tour fu iv a n t fe s intérêts perfonnels. (i)
( i \ Sentence d u 12 Janvier 1 7 7 8 .
( 2 ) L e fieur Seyire , mécontent de la D a m e de L o m b a r d ou de
fe? lui veillans , avoit déferré fon parti. V o i c i c o m m e elle le peignoir
alors dans fa R éplique
fo m m a ir e de 68 pages en
t r c s - p e r ic carac-
B ij
T r o is iè m e £10
qu i.
�11
Enfin , la même S e n t e n c e , par une efpèce d e vertige , autorife la C uratrice à faire enlever & mettre fo u s f a main la
perfonne de l'interdit & celle de f a fille comme étant fo u s f a
p u ijfa n cc, jufques fous les yeux du Parlement , donc leur
appel avoic provoqué la juflice.
L e M arquis de Cabris défendoit donc fa p e r fo n n e ,.fo n
honneur , fa fortune devant le Parlement d ’A ix , tandis
qu’à trente lieues de-là , fa mère , devenue fa Curatrice ,
faifoit enfoncer les portes de fon Château , brifer les fer
rures des arm oires, Sc fe m ettoit en poiTcflion de tout.
11 falloir un inventaire. U n N otaire , nom m é par
Sentence
du
14
Janvier ,
hom ologative de
l’avis
la
de
parens , é toit com m is pour y procéder en préfenec de la
C u ratrice
de deux parens. La Curatrice n’y afnfte pas.
L ’inventaire eft fait avec les fubalrernes , 6c quel inventaire i O n repréfenre feulement ce qui n’a tenté la cupi
dité de perfonne ; on ne fait nulle mention d’une Biblio
thèque de 12,000 liv. ; n e u f caiflcs de mfcubles p ré cie u x ,
envoyés de Paris pour meubler une maiion n e u v e , ne fon t
pas o u ve rte s, on fe contente d’indiquer leur nombre.
Le M arquis de C abris avoit un mobilier d’environ 80000
l i v . , fur lefquelles il devoir encore 11,000 liv. , payées de
puis par la C u ratrice elle-même. Le Notaire affirme à la clô
ture de fon procès - v e r b a l, que tout ce qui efl inventorié
n 'excède pas la fom m e de 2400 liv. ( j )
tere , im prim ée en 1 7 S 4 , page 3 1. M 4 S e y t r c , n é dans la plus grande
obfcuritc
,
fa u x pa r caraclère
j
facrijïa n t tout à l ’intérêt
,
également con
nu & élevé, par f e s intrigues & celles de f a fem m e, à la charge q u i l f a i t .
Iis font aujourd’hui dans la m eilleure intelligence.
( 1 ) O u t r e les meubles conficlérables que le M arqu is de C a b ris avoit
acheté à L y o n Si à M atfeille,, il en avoit fait venir de P a n s , c o m m e o n
�13
Les A rchives du château renfermoient trois fortes de
titres ; les titres de noblefle de la famille , les charrricrs
des terres , les titres de recouvrem ent &
de décharge.
L e repréfentant de la Curatrice obferve qu’il feroit trop
lon g de décrire ces papiers. T o u t eft confondu & entafle
d.ins les armoires.
Le Notaire appofe fon fcellé fur les
ferrures, à la réquiiiticn des parties. C e fcellé cil depuis
brifé parla C u ra tric e , qui s’empare de tout fans defeription,
(ans inventaire. .Les titres d’une famille ancienne & n om breufe , font aujourd’hui difperfés ou a n éa n tis, £c cette
perte eft irréparable, (i)
Le M arquis de C abris apprit à A i x ces invaiions rui~
neufes. Il demanda que la p e r fo n n e , celics de fa fe m m e ,
de fa filîe, ÔC fes b ie n s , fiiilent mis fous la fau ve-g ard e
du Parlement. M a is le Bailli de M irabeau n ’étoit plus à
GraiTe, il étoit revenu à A ix . Sa demande ne fut pas écourée>
C ep en d a n t on inftruir fur l’appel. N o u v e l interrogatoire
devant un Confeillcr-Commiil'aire. Les réponlcs du M arquis
de Cabris font un m onum ent de fageile , non-feulem ent
vient île l’annoncer. La M a r q u ife de C a b r is produit en ce m om en t un
m ém oire du fieur B r e n e t, & une trania& ion paifée entre lui &
le iïeur
V e r o n , fondé de la procuration de la curatrice , devant M<= Bricliird <?c
fon contrère , N o ta ite a u C h â t e l e t , le 2.0 M ars 1 7 7 9 ', par lefqael* il eft
1
conftaté que le M arq u is de Cabris avois déjà paye une f o m m e d e 4 6 ,6 9 6 .
8 fols fur les m eubles com m andés 6c en v o y é s, & q u e la cu ra tric e, en
arrêtant l’envoi de ceux qui n’étoient pas en vo yé s, a p.iyc e lle -m êm e
9 898 liv. 9 fols 4 clen. pour reftant de com pte avec les founiifïcurs. L es
quittances font jointes à la tranfaétion. L a curatrice par ce paiement défi
n i t i f , a reconnu exprelfément l’exiftence de ces meubles. 11 faut q u ’elle en
rende com pte. L ’inventaire fait par elle , eft d ’une infidélité qui épouvante.
( 1 ) La M a r q u ife de Cabris a rendu plainte par-devant le C o m milfaire Ninin ,
le 15 M a i d e r n ie r , de ce bris de f c e l l é , conftaté
�«4
fur les a&ions de fa v 'c p riv ée , mais m îm e fui- des détails
relatifs à l’adminiftration de fes biens. («)
Il n’avoit e n c o re , dans cette fituation c r u e l l e , que les fe-
cours de fa
fem me. C ’étoit à la préfence de la femme
qu’on attribuoit la force de fa railon & de fon courage.
»4 ievrier 1778.
Six jours après fon in te rro g a to ire , pendant la n u i t , *
deux heures du matin , une brigade de M aréchauilee s’in
troduit jufques dans fa c h a m b r e , &C là , en vertu d’un
ordre M in iflé n e l, d o n t il demande ÔC dont on lui refuie
la com m unication ,
fon époule cil arrachée de Ion l i t ,
conduite à S iftcro n , dans la haute-Provence , ôc renfermée
R ï Q U Î T f RÉPON
D U ! le i j
F é vr ie r .
dans le couvent des Urfulines.
Le lendemain , le M arquis de Cabris rend plainte de
cet enlèvem ent ; il redemande fa femme : fa R equête eft
jointe au fond.
Il découvre la retraite de fa fe m m e , il veut la lu iv re; '
A r r ê t du 16 Fé
v rier 1 7 7 8 .
j
Mars 17VS.
P r o c è s - v e r b a l de
au m om ent où il va m onter en v o it u r e , un Huillier lui
iigniHe A r r ê t , qui lui défend de lortir de la v i l l e ; A rrêt
,
,,
,,
,
r
,
l’HuiiTier, qui arritc o b t e n u a v a n t 1 e n l è v e m e n t d e io n e p o u l e , m a i s t e n u
lebrisMarquis
de Caen vertu
de S E C H H T , & ré le r v é p* o u r la c irc o n il a n c e . L e m ê m e H uiiîicr
[•Arrêt
vncr’
du 16 ii-
un Cavalier de MaréchauiTée s'attachent à les p a s , Sc
le gardent à vue jufques dans fa chambre.
Le 7 M a rs , la D em oifelle de C a b ris, en vereu d ’un autre
A rrêc, cil enlevée à ion p è re , jouiil'ant encore de tous les
par les deux procès-vet baux fucceflîfs du m êm e N o t a i r e ,
du 16
lanvier
Te premeir
177S , ôc le fécond fait eu vertu d'un A r tê t du Par
lem ent de P a r is , au mois d 'A v r i l dernier , &
encore par le certificat
du m êm e N o t a i r e , picces jointes aux procès-verbaux faits en l’Hôtel
du L ie u te n a n t-C iv il.
( 1 ) Cet
interrogatoire eft
M a r q u ifc dé C a b r iî ;
L i t s en l'H ûtei.
im prim é
au prem ier M é m o i r e de
c'eit une des piècts jointes aux
p r o c è s -
1*
verbaux
�15
droirs , de route Ton autorité , pour être remife entre les
mains de la D am e de Lombard.
Privé de fa fem me &C de fa fille 3 l’infortune pouvoir
encore influer fur le jugem ent par fa feule préfence. O n
l’engage à retourner à Cabris , on lui promet que le ju
gem ent fera fufpendu.
Il
part dans les
premiers jours
d ’A v r i l, efeorté d ’un EmiiTaire de fa mère. Auffi-tôt après
fon départ (i ) , A rrêrq u i confirme la S en ten c ed ’interdictioiî.
Les attentats s’a c c u m u le n t, & ce qu’on va lire eft plus
affligeant encore.
La manière dont cet A rrê t a été e x é c u t é , doit révolter
l’ame la moins fenfible. T o u te s les preuves font au procès :
il n’eft pas un fait qui puifle être révoqué en doute.
L a dame de L om b ard , cu ratrice, va déformais exercer le
pouvoir le plus abfolu fur la perfonne & fur les biens de
Ton fils, &: fur la perfonne de fa petite-fille.
Son fils , le M arquis de C a b r i s , eft enfermé dans un
coin de fon château , confié à la furveillance d ’A l z i a r i ,
père du Procureur de la D a m e de L om bard.
lier
du Marquis de Cabris , le
Ce Geô
livre à deux
traveftis en dom eftiqu es, qui le l i e n t ,
payfans
l'e n c h a în e n t, le
frappent du poing &. du bâton au gré de leurs c a p ric e s ,
& l ’on connoît le caprice des valets tyrans de leurs maîtres.
A u furplus , ces tyrans à gages étoient aiïez bien gages :
A lz ia ri
avoit
1 100
livres
par
an ;
les
deux
valets
150 liv. c h a c u n , c ’e f t - à - d ir e , plus du double des gages
ordinaires en P roven ce, (x)
(0
.
.
..
9 A v r il
„
1778.
■
'^■*^1
1
_______
^
5
(1) Eft il befoin de dire q u ’ils étoient au furplus n o u r ris, loges «f
�i6
O n prodiguoit au c a p tif les alimens les plus contraires
à fa i a n t é , le c a f é , le c h o c o l a t , les liqueurs fo r te s , roue
ce qui pouvoir enflammer fon fang & irriter fes nerfs. H
efl: rd té lix années dans cet é t a t , fans l i n g e , fans vêtem ens,
(i) fans m eu b les, fans rem èdes, & fur-tout fans plaifirs ,
(ans diftraction , fans lib e rté , le meilleur , &. peut être l’u
nique remède de la maladie. (2)
Les fenêtres de fa cham bre étoient grillées ; il vouloit
écrire , il aimoit la le£ture ; on éloignoit de lui plum es, pa
pier , encre & livres ; il aim oit fa fille , il a vécu quatre ans
ians la voir ; on a poufle l’infouciance , il faut le dire ,
l'in h u m a n ité , jufqu’à le faire coucher fans draps. O n fupprime plufieurs détails qui blcli'eroient les oreilles délicates.
__ ____ •
vêtus ? A lzia ri faifoic quelquefois à fon maître l ’honneur de l’adm ettre
à fa table.
( 1 ) L a garderobe la m ieux fournie avoit été difperfée. l o r s de la
tranilarion du m alade de Provence à P a r i s , on verra q u e
l’ Ofrici<»r
chargé des ordres du R o i , a été obligé d ’attendre q u ’on eût fait le
feu l habit apporté pat le M arq u is de Cabris ; cela ne doit pas étonner;
les habics de la M a r q u ife de C a b ris e l l e - m ê m e ,
ne
fo n t - i l s
pas
devenus la proie d e i fervantes J e fa b elle-m ère ?
( z ) C e s mauvais traicemens fo n t prouvés par la déclaration d e la
C o m m u n a u t é de C a b ris , & par fept dé^Fàrations particulières. Elles font
annexées aux procès - verbaux des aflemblées de parens faites ch ez le
Magiftrat.
La M a r q u ife de Cabris d em an de depuis lo n g tems à faire
de tous ces faits odieux , une inform ation publique , fa belle-m cre s’y
o p p o f e , Oc pourquoi ? Sans doute parce q u 'e lle fuppofe cette preuve
furabondante &
inutile. N ’a - t - e l ! e pas avoué dans ,fa réplique fo m -
m aire de 68 pages , page 48 , q u ’ il étoic qu elq u efo is néceifaire de
contraindre , de gêner Us m ouvcm ais de fon fils ? Elle le com pare à
Ch a rles V I .
Sa
�»7
Sa p e t i c c - f i l l c l a dcmoifellc de C a b r i s , unique héritière
d ’un nom d iilin g u é , 6c de 50,000 livres de ren te, eit dans
un Couvcnc de G r a ile , à 200 livres de peniion, ians G o u
vernance; ion éducation fuc un M aître d ’Ecriture pendant
trois mois feulement : ion inftruclion , tous les propos qui
pouvoient cendre au mépris de Ton père , 6c ion amuf'em en t, le récit journalier de calomnies inventées concrc /a
mère. Sa mère! il lui étoic com m andé de la h a ï r , &C ia
réiiilance à cet ordre étoic la faute la plus g rave ôc la plus
févèrem ent p u n ie '( 1 ).
Les biens écoienc adminiilrés com m e les perfonnes.
S t y t r e , Procureur du M arquis de C a b r is , & qui l ’avoit
fi bien d é fe n d u , cil d ’abord récom penfé de fa perfidie. Les
beaux-frères
avoient autorifé la C u ratrice à recevoir fon
com pte : ce com pte eil rendu fans d éta ils, fans pièces jufrificacives, Sc Scytrc cil reconnu C r é a n c i e r d e 60,000
livres (2).
Les crois beaux, frères fe préfencent à leur tour. Ils'fo n t
fervj par Scytre qu’ils ont déjà fe r v i , 8c auifi-tôt paroît une
tranfaclion , qui porte à 260,173 Üv * ^ f ° l s 3 den. ce pré
tendu fupplément de légitim e , fixé par le teilam ent du père
com m un à Z4000 liv.
(1) Elle fut condam née à d em eu rer chaque jo u r , crcis heures , fou
i e matin , à genoux fur une tom be de l’E g life , pour avoir été trouvée
lifant un M é m o ir e de fa m è r e , parvenu ju fq u a elle. C e t t e b ifir re pé
nitence fu t interrom pue par un événem en t im prévu ; il faut l'entendre
d ire avec fa naïveté de qu a to rze ans : pa r bonheur j e tombal malade.
(2.) Sur cette fo m m e , Seytre a déjà touché 50,000 livres , &: dans un
m o m e n t de m é c o n t e n t e m e n t , la d am e de L o m b a r d a déclaré e lle -m ê m e
q u e cette f o m m e pouvoit Sc devoit être tefl:ituée:on a m ê m e dit au cou*
c
fe i l de la M a r q u i fe de C a b r i s , q u ’il ex'tftoit mie Confultacion des A v o -
�iS
U n bois de haute-futaye , ornem ent d e l à T e r r e , cft
coupé & vendu.
l e s baux font faits fous feing-privés, par anticipation, 8c
pour des prix inférieurs aux prix trouvés 6c retulés par le
M arquis de Cabris lui-même , parce que l’on preréroit des
pots-de-vin confidérabies.
Le m o b ilie r, de plus
de 80,000
livres, a difparu fans
laiiler de traces. Le pillage étoit H public , 6c le diferédic
fi grand , que les mandats de la C u ra n ice étoient refulés
à fa p o r te , (ur la place de Gralfc. D ’un côté les revenus
étoient exigés,d ’avance ; de l’autre, les droirs royaux 6c les
autres charges n’étoient pas acquittés. La Curatrice a porté
l’abandon jufqu’i donner des portions confidérabies de ter
res féodales, fans exiger I.s redevances accoutumées. C e s
libéralités fo lle s , faites à tous les parens de íes dom eítiques, privent en ce m om ent ia T e rre de Cabris de plus
de mille écus de rente.
Enfin, pour donner une idée de cette d évaftation, il fuffir
de dire que pendant fix années la C uratrice a touché plus
de 300,000 liv re s , 6c qu’elle-a fait pour plus de 300,000
livres de d e tte s, lans autre dépenie que la nourriture de
l’in te rd it, celle de
fa fem me
&
de ía íi 1ie ; 6i cette dé-
penfe , en l’e x a g é r a n t , peut être portée à 6,000 1. par an ( 1 \
La M arquiie de Cabris fut inftruitc de ce défordre , Sc
de la manière indigne d ont fon mari étoit abandonné par fa
jn e r e , & traité par les valets.
ilile d em a n d a, par requête du 6 Mars 1 7 7 5 > a faire
tars de Provence , provoquée par la D a m e de L o m b a rd , par laquelle il
«toit décidé'que Seytre pouvoir être pourfuivi par la v o y e extraordinaire.
(1)
C e t ce preuve r efa ite
du com pte d e la Cu ratrice , non pas tel
q u e l l e l ’a r e n d u , mais tel q u ’ il fera rétabli par la Juitice.
�>9
preuve des mauvais traitemens exercés fur la p e r f o n n e d e
ion mari , &. en conféquence la defticucion de la C u ratrice'
C e tte demande ne produiiit qu’une fcène qui feroic rire,
fi elle ne faiioit pas garnir.
Le Juge n’ordonne pas la preuve demandée : il ordon
ne Ion tranfport à Cabris , pour voir lui-même & inter
roger le malade.
T o u t étoit ehoifi , jufqu’à l’heure de fa vifite; il trouve
le Marquis de Cabris , rafé , p o u d ré, vêtu d'un ju fie aucorps g a lon n é,
& dînant avec la dame fa m è r e , le M é -
drein &. le C h iru rg ie n ; ces trois perfonnages croient ar
rivés la veille.
L e Juge
interroge gravement l’h om m e
quoique mois auparavant
qu’il a déclaré
inienfé & h y p ocon d riaq u e,
&
rellulcitant pour un in fta n tlc même hom m e d ont il avoit
écliplé l’e x iile n c e , il écrit gravement que le M arquis de
C abris a répondu «' que la dame fa mère l’a toujours beau•>■
> coup c h é r i , qu’il n’a jamais été aband onné, étant au« contraire très-bien fervi par tous fes d o m eiliq u es, v ê tu ,
» logé
nourri com m e il le defire ; q u ’il voie avec le
» plus grand plaifir le lieur A l z i a r i , h om m e de confiance
» de la dame fa m ère, qui a bien des attentions pour l u i ,
» i l avec lequel il fe promène & converfe.... ôc que iur»> tout, i l ne s ’ étoit jam ais fo u cié de la dame fo u époufe »>.
L e Juge ajoute que le M arquis de C abris ayant dem an
dé de charger ce procès-verbal de tous ces faits , s’eit retiré.
Et pourquoi n’a-t-il pas figné ? Q u ’on pardonne cette
queftion à l’empreiTcmcnt qu on lui fu ppofepour faire conftater des réponies fi affirmatives &. fi fages.
C ette comédie finie , le Juge déclare la M arquife de Ca>
C ij
�so
bris non-recevable dans fcs demandes (i). E n vérité , tant
d ’appareil étoit inutile pour le jugem ent.
A p p el au Parlem ent d’A ix ; le 27 Juin f u i v a n t , A r r ê t
qui confirme la Sentence (2).
»
O n dira ptut-êcre que la dame de L o m b a rd , fi elle a
prodigicufcm ent influé fur la Sentence de G r a d e , n’a pu
ni difpofer ni m otiver l’ A rrêt du Parlem ent d’Aix.
C e la eft vrai : la dame de Lombard étoit à G r a d e ; mais
le Bailli de M irabeau étoit à A ix ; mais le Bailli de M ir a
beau ne prenoit la peine de cacher ni Tes démarches , ni
fori influence ( 3 ). Il avoit dit qu’il feroit enfermer fa nièce
dans la plus étroite prifon , q u ’ il avoit à cet égard tous les
pouvoirs de fon père. Il s’étoit m ontré publiquem ent le
lolliciteur 8c le miniftre de l’ordre du R o i , qui la tenoit
réléguée a u C o u v c n t .d e Sifteron.
Il avoit été plus lo in : le 16 A v r il 1779 , il a voit écrit
à la Supérieure de ce C o u v e n t , q u i l avoit reçu une pro
curation du M arquis de M irabeau , fo n frère 3 laquelle lu i
donnoit tous Us pouvoirs paternels f u r la M a rqu ife
de
Cabris , q u i, n étant plu s fou s la puijjance de fo n mari >
[ 1 ] O n ne peut fiippofer avec q u elqu e raifon q u ’ un m o t i f à cette Sen
tence. Il eft dans une C o n fu ltn tio n d ’ un A v o c a t d ’ A ix , [ M c Gaflîer ]
iîgHifice c o m m e pièce du P r o c è s ; fuivant l’uiage de ce P a r le m e n t , le
Confulran t y
décide qu e la M a r q u ife de Cabris étant enferm ée pat
ord re du R o i t étoit incapable d ’agir.
[2 ]S en ten ce du 1 7 M a i 1 7 7 9 , A r rc t du 1 7 Juin , pièces jointes aux
procès-verbaux.
( j ) P arm i les parens qui avoicnr déféré la curatelle , on co m p te
deux.
guet.
C o n feillers au Parlem ent d ’A i x , ( M M . de Gras <k d u B o u r -
�1I
retom bait f o u s la p u ijfa n c c de f o n p ère. En co nfçqu cnce v
ajoutant» de Ton autorité p r iv é e , quelques anneaux à la
chaîne de fa nièce , i l d éfen d o it q u e l l e eût aucu ne com m u
n ica tio n a vec le dehors ( i ) .
Q u elqu e rems après, il fc préfenta lui-même en Juftice
pour demander la iuppreilion d’un A lém oire publié par la
M a rq u ife de C a b r i s ,
5c
dans lequel il trouvoit fon nom
compromis par l’hiftoire des 30,000 1. p ro m ifes
DÉNIÉES.
L a fuppreflion fut à l’inftant prononcée. (1)
L ’opprciîîon devoit avoir un terme. Les plaintes de la
M arqu ife de Cabris ont frappé les oreilles du M on arqu e.
U n M agistrat refpectable ( M . L enoir , C onfeiller d’E t a t )
a été chargé d eclairer les motifs de fa détention. Elle a
fait parvenir à fon Juge , un Journal com plet de routes fes
a l l i o n s , depuis fon enfance jufqu’à fa captivité. Sur cette
( 1 ) L ettre du Bailli de M ira b ea u , du 1 6 A v r i l
1 7 7 9 , déjà
im
primée.
(z) C ’eft dans cette R e q u ê te q u ’il articuloir trois faits intéreflfans j
i ° . que la conduite de la M a r q u ife de Cabris avoit nécellité la demande,
en im erdidtion de fon mari j z ‘\ que la M a r q u ife de C a bris s’étoic
procurée un tcftam em
avoient été difeutées
de fon m a r i , d on t les d ifpofitio ns, d i f o i t - i l ,
lors de
l ’Arrêe du Parlem ent de Provence ; 30. Sc
enfin que la M a r q u ife de C a b ris avoit furpris des procurations
à fon
mari. C e s trois faits, dont la faulfeté eft évidente & d ém o n trée, fe trou
vent répétés m ot-à-m ot dans le Réquiiitoire de la dam e de L o m b a r d fait
en l’hôtel du M agiftrat, avec cette différence cependant q u ’elle avoue que
le teftament de fon fils étant m y jlïq u e , Tes difpoiitions n’ont pas pu ccre
difeutées. C e t t e obfervation n ’efl: faite ici que pour m ontrer un des filsqui lient entr’eux les m em b res de raiiociation.
�22
juilification , jufqu’à préfent inouïe , (es fers ont ¿té brifés
dans le mois de M a i 17 8 1.
L ib r e , clic eft venue fe profterner elle-m êm e au pied
du T r ô n e ,
pour
y dépoier tous les
Jugemens
rendus
co n tre Ton mari.
L e 8 Février 1783 , A r r ê t du C on fe il d’E t a t , qui ordonne
Vapport de toute la p rocéd u re, 6c des motifs de l’A r r ê t d u
P arlem ent d’A ix .
A cette n o u ve lle , la cabale fr é m it , s’a g it a ,
&
vou 'u t
calom nier encore : il cft prouvé par une D é lib é ratio n de
la C o m m u n a u té de C a b ris , ( 11 A v r il 1783 ) que l’hom m e
d e c o n f i a n c e de la dame de Lom bard a préfenté deux fois
aux H abitans allêmblés , un certificat à iigner , 5t que
deux fois les Habitans o n t refufé de figner ( 1 ) , malgré
toutes les modifications employées pour les y décerminer.
L a Juftice eut cette fois un libre cours. Le 15 A o û t 1783,
A rrêt du C on feil des D é p c c h c s , Sa M a jcité y étant , d o n t
voici les propres expreilions.
T o u t confidéré : oui le rapport, le R.oi étant en fon
i> C o n f e i l , en préfcnce ôi de l'avis deldits fleurs C o m « m iflaires, a caiTé, annullé , caiTe Sc annuile la Sentence
« du x i Janvier 1 7 7 8 , êc tout ce qui a pu s’enfuivre 5c
>3
s’en eft enfuivi , notam m ent les O rdonnances rendues
>• le 14 Janvier 1 7 1 8 , &: celui du 17 Juin 1 7 8 0 ; ordonne
(1) Pièce jointe aux Procès-verbaux. Il eft prouvé par la Déclaration
particulière du C o n f u l de ce t e m s , qii’on avoic em ploy é auprès de lui
les injlances 6c les menaces , pour obtenir quelques fign.’. tures feparées.
A ttcft.u ion particulière du C o n f u l de la C o m m u n a u t é de C a b i i s , jointe
aux Procès-verbaux.
�23
« que le ficur c’c Cabris fer.i transféré , de l’ordre de Sa
’» M a j cité ( i ) , en la m aifon d u ficur M a fie , à la V iJ lcrtc,
» près P a r is , où il fera libre aux dames de Cabris , bellc’ » mère 2c belle-fille , de lui donner égalem ent leurs foins,
v La demoiielle de Cabris fera pareillement transférée, de
v Tordre de Sa M a je ité , au C o u v e n t
de Bonfecours à
» P a r i s , ou Iciditrs dames pourront égalem ent la voir. Les
>• frais néceflàircs pour leidites deux tranilations , préalav b lcm en t pris (tir les biens dudit fieur de Cabris ; ordonne
m auffi qu’à la R equête de la plus diligente des deux dames
» de Cabris
il iera c o n v o q u é , pardevant le L ieutenant-
» C iv il du C h â ie lc t de Paris, dans le m o i s , à com pter du
» jour de la fignincation du prélcnt A r r ê t , une aflcmblée
*• des parens ù amis du ficur de C a b r is , dans laquelle lef» dites dames de Cabris pourront fe trouver , 2c même
» form er telles demandes qu elles aviferont ; lors de laquelle
m aflem bléc , lefdits parens 2c amis prendront connoiflancc
» des enquêtes refpe&ives , du rapport des M éd ecins 2c
» C h iru rg ie n s , s’il cft o r d o n n é , pour donner enfuite leur
» avis au fieur Lieutenant-Civil du C h â te lct de P a r is , au»» quel Sa M ajeité a attribué , f a u f L'appel au Parlement
» de Paris y toutes C ours , Juriidi& ion 2c c o n n o iiià n c e ,
» icelle interdifant à ics autres C ou rs & Juges, 8c jufqu’au
« J ugem en t, toutes choies d’ailleurs demeurantes en état.
« Fait au C on feil d'Etat du R o i , Sa M ajefté y étant, <Uc. »
(r) C ’eft l’ex é:u tion de cet ordre fonverain que la, d am e de L o m b a r d ,
paçe 54
de fa réplique fo m m a ire de 68 p .^ e s , &
à plulïeuri autres
endroits , exprim e ainli : E lle ( la M a r q u ife de C a b r i s ) f i t enlever fort
mari avec précipitation par la AJardihauJJ'ee.
\
�24
C e t A rrê t a été fignifié le 17 Septembre f u i v a a t , à la
dame de L om b ard ; fie voici com m ent il a été exécuté.
Le Marquis de C abris a é t é - remis entre les mains de
rOiHcier chargé de l’exécution de l’ A rrêt du C onfeil s avec
un foui habit fini la veille de Ion d é p a rt, 19 c h c m ife s ,
un chapeau déchiré &C des boucles de fer. La dame de L o m
bard avoit refuie le linge & l’argenterie néceiîaires. A u
m om ent du d é p a r t , l’Oflicier demanda quel domeitique
étoit plus agréable au M arquis , vingt voix crièrent enlem ble : pretie^ L a u r e n t, i l n’ a jam ais battu M . le M arquis.
P endant la r o u te , l’Officier fut obligé de lui prêter des
bas
des mouchoirs. ( 1)
r
(1) C e s faits font prouves par le procès vetb.il de l’O f l i c i e r , & ils ne
font pas conteftcs.
V o i c i co m m e la D a m e de L o m b a r d exeufs cette petite négligence ,
page 43 de fa R é p o n fe fo m m a a e en 68 pages : après avoir f a i t publier fort
triomphe dans Us G a le tte s É trangères ; E lle ( la M arq u ife de C a b ris )
arrive en Provence : un nommé M artin , f e difant Commiffaire chargé
des ordres du R oi , efeorté de la M arichauffée , enlève à l ’improvifle ,
avec fra cas & fcandale , mon f i l s & ma p etite-fille , fans permettre que
j e les garde une fe u le nuit 3 & que je fa ffe fa ire leurs malles. ( Et par
une note au bas de la page ; ) i l refulta de cette précipitation du nomm é
M artin , que mon f i l s f u t enlevé fa n s fies habits & fo n linge. J ’ avois
cru que c ’ étoit pure étourderie. J ’ ai vu pa r le mémoire de ma belle-fille ,
qu’ il y avoit un defjein prém édité. O n n ’ a pas voulu f e donner le temps
de lui fa ire f e s m alles j & on m ’ accufe aujourd’ hui de l ’ avoir laiJJé man
quer de tout y parce qu’ on n ’ a rien voulu emporter.
V o u s obferverezj s'il vous plaît , q u e le M arq u is de C a b ris a féjourne
3 6' heures a GraiTe j q u ’il y a vu fa m ère 3 8c q u e depuis le mois de
Septem bre 178 5 , depuis plus de Jeu x a n s , ces malles
11e fo nt pas
encore faites ; que la D a m e de L o m b a r d n’a jamais rien d on né à fon
fils j qu i n a du alors fon exiftencc q u ’aux fccours de fa fem m e.
La
�*5
L a D em oifclle de Cabris ¿toit encore plus mal pourvue.
E lle eft arrivée à Paris avec quatre chcmifes , deux m ou
c h o irs, deux coëffes de nuit , & une robe d ’indienne.
O n devinera fans
peine que l’O ffic ie r ,
co n du & eu r du
M arquis de C a b r is , ne put pas obtenir un fol pour les frais
de tranilation , malgré la difpoficion de l’ A rrêt du C onfeil t
qui ord on n oit que cette dépenfe ferait préalablement prife
f u r les biens du transféré.
E t co m m en t la D a m e de Lom bard auroit-elle donné de
l ’argent ? E lle n’en avoit pas ; &L telle étoit fa fituation
journalière au milieu du pillage que fon incapacité abfoluc
rendoit inévitable ; elle n’en a voit pas au m om ent où fes
ailociés l’a r r a c h o ie n t, com m e elle le dit e lle -m ê m e , de
fes f o y e r s , pour la traîner dans cette Capitale à la pourfuite de leur vi£fcime.
L a D a m e de Lom bard s’eft d onc décidée à quitter G raffe,
pour venir à Paris demander une fécondé fois l’interdic
tion de Ion fils , devenue pour elle &c pour les agens , le
feul m oyen de voiler les iniquités com m ifes.
A v a n t de partir, elle donna la procuration la plus étendue
à Mc G a y te , A v o c a t à G r a fíe , pour régir & adminiftrer en
fon ablcnce. (i)
D a n s l’écat des chofes , cette procuration étoit fort inu
tile : au moins A lziari ne devoir pas la regarder com m e un
a & e férieux. Il avoit lui-même fervi de tém oin à la rédac
(i) Procuration de li D a m e de L o m b a r d en faveur de M e G a y t e ,
fo n A v o c a t à G-aiTe , du 18 O f t o b r e 1 7 8 5 .
à la R e q u ê te de
Elle eft jointe ( N °. 1. )
la M a r q u ife de C a b ris , répondue
le
z 1 O ûobre
1785.
D
�i6
t i o n , & cependant malgré cette procuration faite fous fes
y e u x , il recevoit des Fermiers tout
ce qu il pouvoit les
contraindre à payer , & d onnoit audacieufement quittance
en fon nom . C e s quittances font produites, (i)
D ’ un autre côté , Seytre , malgré l’A rrê t du C onfeil
qu’il c o n n o iifo it, & qui anéantiiloit la curatelle 8c tous les
a&es de la curatelle , m ettoit la main fur la portion la plus
Jiquide des re ven u s, en vertu des délégations à lui faites
par
la C uratrice , n’attendant qu’un lignai
pour
faiiîr
le r e f t e , com m e on va le voir , en vertu des engagemens
qu’il avoit lui-même fait contra& er au M arquis de Cabris.
Seytre , G a y te , A l z i a r i , T riu m virat fu n e fte , fpoliateurs
fu b a ltern es, toujours divifés par leur intérêt perfonnel ,
mais toujours unis par la ilupidité de la Curatrice , & pour
la ruine de fon fils.
D a n s ce d éfo rd re, il étoit tout iimple que la D a m e de
L om bard n’eût pas d’argent au m om ent de fon départ. Pour
en avoir , elle a exigé d’avance les revenus de fon fils ; elle
a mis en gage l’argenterie de fon fils ; elle a vendu les bou
cles d’or de fon fils, (i)
(i)
V o y e z N ° . 1. des pièces jointes à la R eq u ê te , ci devant datées.
Q uittance du premier D é c e m b r e 178 3 , par A l z i a r i , fe difant chargé
des pouvoirs de la D a m e de L om b a rd .
(1) O n l’a vu arriver à Paris avec des boucles de fer. L e fieur R a bu is,
O rfè v r e de G ra lfc , a acheté les boucles d ’or : ce fait a été avouvé p arla
D a m e de L om ba rd , en préfence du M agiftrat & des parens aiTemblés
en
1H ô t e l ,
en D é cem b re 1 7 8 3 . A
l’égard de la vaiiïelîe , elle a aiTurc
qu elle n etoit pas vend ue , mais elle a avoué q u ’elle l’avoit m ife en
gage*
�17
C ’eit ainfi qu’elle eft venue dans cette C a p it a le , pourfui-
vre 1 état &. Ja pcrfonne de fon fils , avec le prix de Tes bou
cles d’or , de fon a rg e n te rie , & les revenus de fa T erre .
Elle l’a vu à Paris. Elle a vu fon fils , elle a vu fa petitefille réduits au plus iimple néceffaire , que leur époufe &
m è r e , épuifée par les dépenfes continuelles de fafituation ,
n ’avoit pu leur fournir qu’en recevant elle-m êm e des fecours de fes parens & amis , en com prom ettant fa dot. Elle
les a vu fubfiftant à crédit dans les maifons où les ordres du
R o i les avoit placés. Elle avoit 24,000 liv. dans fon por
te-feuille, & elle ne l’a point ouvert pour offrir à fon fils ,
à fa petite-fille, la plus foible partie de cette fom m e qui leur
appartenoit.
Jufqu’ici nous avons raconté des faits déjà publics ; la
narration a été rapide , parce que ces détails écoient inutiles,
Rcfpirons un m om ent.
N o u s allons e n tr e r , avec toutes les P a r t i e s , dans le C a
b inet du Lieutenant-Civil , où l’A r r ê t du C o n fcil a fixé le
T rib u n a l. La fcènc va changer fur ce nouveau théâtre. Le
même intérêt agitera tous les efprits ; mais les A £ e u r s &
les moyens von t fe multiplier. En P roven ce , on a voulu
faire interdire le M arquis de Cabris pour le dépouiller : à
P a r i s , on voudra le faire interdire encore pour cacher les
dépouilles conquifes , Sc pour en conquérir de nouvelles.
O n alléguoit en P rovence une dém ence iim u lé e , qu’on a
tenté de rendre réelle par tous les excès qui peuvent être
com mis fur 1111 efprit f o ib le , & iur un corps débile. A Paris,
l’on voudroit juftifier la tyrannie par fes propres effets , Sc
D ij
�réalifer la démence qui n ’exiftoit pas , par celle dont on
a voulu forcer l’exiftçnce.
C haqu e com p lot fera dirigé par la m ême main 5 chaque
fil fera conduit par le m êm e reiTort ; 5c tandis que la D a m e
de L o m b a r d , aveugle Sc croyant ne fauvcr que fes fautes
perfonnclles , s'efforcera de défendre les rapines de fes fu balternes ; elle protégera auiTi, fans le favoir , le projet
des chefs de parti ; ce p r o j e t , plus im portant que tous les
a u tre s, d’un mariage qui enchaîneroit la fille & les biens
dvi M arquis de C a b r is , Ôc dont l’âge de la D e m o ife lle de
Ç a b :is com m ençe à preiler l’çxécution.
L a M arqu ife de C a b ris va prononcer un nom plus refpe& able pour elle que tous les autres , le nom de fon père.
L e Marquis de M irabeau, q u is ’eft caché jufqu’à préfent , v a
paroître malgré lui. Elle refpe&era fon père.
JufquW ce
m om en t n’a-t-elle pas exagéré le rcfpeét ? En racontant
les attentats com m is fur fa p erfonne, les calomnies débitées
contre fon honneur , toutes les perfécutions dont elle a été
l'objet , n’a-t elle pas gardé le filence fur ce qui pouvoit cq
déceler l’auteur ? M a is après avoir vu fucceifivement in
terdire la M arqu ife de VaiTan , fon a y c u lc , & le C o m te de
M ir a b e a u , fon fr è r e ; après avoir vu des ordres miniflériels
enchaîner fucceifivement fa mère , fon frère , elle-m êm e ;
lorfqu ’on attaque fous fes yeux Tcxiftence de fon m a r i ,
l’état de fa f i lle , & l’honneur de fa jpoftérité , elle d o it
parler avec courage ; heureufe encore de pouvoir témoi
gner fes égards , en ne parlant de fon père que pour m o n
trer les écrits émanés de la main de fon père.
Les 10 D é ce m b re 1783 , 1 5
5c 1 4 J an vier, 5c 5 F évrier
�19
1784 , les parens & amis furent afTcmblés en I’H ô te l du
Lieutenant C iv il. La dame de Lom bard portant en main dixhuit procurations de dix huit parens qui avoient déjà donné
leur vœu en 1 7 7 7 , pour l’interdi& ion de Ton fils 8c pour
fa c u ra te lle , dem andoit d ’abord que Ton fils fût interrogé
d e nouveau , 6c que les perfonnes 6c les biens fuilent
dépofés entre fes mains , par fuite de la curatelle qu’elle
prétendait fubfifter encore.
Les parens aiTemblés lo n t
d’avis unanime qu’il faut
accorder du repos ôc des fecours au M arquis de Cabris
pour réparer fa f a n t é , ôc fur-tout cette foiblefle a ctu elle,
luite
des mauvais traitemens exercés
fur
fa
perfonne
pendant la cu ra te lle , ou plutôt pendant fa c a p tiv ité ; que
la dame de Lom bard doit rendre com pte de fa g e f t i o n , 6c
qu’il d oit être établi fur les biens une adminiftration provifoire. Sur le refus verbal de la M arquile de C a b ris , des
parens défignent unanim em ent pour R égi fleur M c C o u r t ,
Procureur au Parlem ent d’A ix . A u fîî-tô t, & à la première
vacation du 10 D é ce m b re 1 7 8 3 , M e Eoulard eft nom m é
Séquellre par O rd o n n a n ce du J u g e , rendue fur l’avis des
parens.
L e M arquis de C abris effc interrogé deux fois. A travers
quelques é c a rts , on voit un cfprit tantôt a i g r i ,
tantôt
accablé par la contrainte & la pcrfécution. 11 eft vifîie
par les gens de l ' A r t , 6c leurs rapports donnent Pcfpo ir
d’un ré tabliflem en t, qui déformais ne peut être que l’o u '
vraee
du tems ôc des foins alfidus.
&
Sur le t o u t , intervient une Sentence en la C h a m b re du
C o n f e i l , le 6 A v r il 1 7 8 4 , qui furicoit à faire droit fur
la dem ande en in te rd ic tio n , n o m m e , de l’avis de parens,
�3<>
le (leur C o u r t , RégifTcur, à la charge de verfer les deniers
dans la caille de M e B o u la r d , déjà nom m é S éq u eflre;
ordonne que le Marquis de Cabris fera de nouveau vifité
in te rro g é ; 2c fur les offres de la dame de L o m b a r d ,
qu’elle fera tenue de rendre fon com pte devant M e Boulard
p è r e , ancien N o t a i r e , pour être com m uniqué aux parens
6c amis raiTcmblés.
L e plus difficile étoit de faire exécuter cette Sentence
en
Provence.
O n devine
co m m en t ce ju g e m e n t , qui
dép ou illot la D a m e de L om b ard de toute adminiflrration,
devoit être accueilli par ceux qui adminiftroi e n t , ou plutôt
qui pilloient en fon n om 6c à fa place. Les m oyens de
fufpendre
au moins cette
e x é c u t io n , ne laiiïoient que
l’embarras du choix. Ils étoient offerts par les circonftances,
ou plutôt par les fuites de la mauvaife adminiftration.
La C u ratrice j tout en percevant régulièrement 6c d’avance
les revenus de fon f i l s , avoit retardé depuis deux ans le
payem ent de toutes les charges , même des droits royaux,
0 des im portions de la N oblejfe de laProvince.
Les Réceveurs
avoient formé des faifics iur tous les biens du M arquis de
Cabris.
C e n’écoit point aiïcz : la main levée de ces faifies ne
tenoit qu’au payem ent de fommes peu co n fid érab les, ôc
cette main-levée donnoit une activité libre à l’adminiftration provifoire ordonnée par la Sentence du Châtelec.
V o ic i les trois beaux-frères du M arquis de C abris qui
fe p réfen ten t, & qui form ent auffi des faifies générales'^
en vertu de la tranfaclion pajfée entr eu x
0
la Curatrice,
de cette tranfaclion qui leur d onnoit fur les biens de l’in
terdit près de cc n t mille écu s, pour un prétendu, fupplément
�31
de légitime ¡ f a t par le T cfta m e n t du père commun., à 24,000
liv r e s , & doublem ent acquitté en 1 7 7 5 , par une iomme
de 60,000 liv., donnée par le M arquis de Cabris lui-même ,
fous 1’aiKoriiation de Stytre , ion curateur.
C e n’étoit point alTcz : la main-levée de cette iaifie ne
' tenoit qu’à la dém onitration de l'invalidité du titr e , ÔC ce
titre étoit anéanti avec tous les effets de la curatelle , p a r
l*Arrêt d u C o n feil du 15 Août 1783.
V o i c i Seyrre , cet ancien C u ra te u r, cet ancien C o n fc il,
cet ancien Procureur du M arquis de C a b r is , A g e n t Ôc
déferteur de la conspiration , traître aux oppreil’e urs & à
1’ o p p rim é , iuivant la circon ilance &
fon intérêt ;
voici
Seyt&c qui raflcmble toutes les créances ( 1 ) q u ’il a fait
co n trafter lu i-m ê m e au M arquis de C abris , pendant fa
m in o r it é , com m e fon curateur; qu’il lui a fait ratifier en
majorité , com m e fon C o n fc il ôc fon Procureur ; qui ,
devenu Procureur des créanciers , forme auili en leur nom
des faifies générales fur tous les biens de fon ancien pupille,
de ion ancien client.
O n a pouflë plus loin l’oubli de toutes les bie.nféanccs.
Sur des biens enchaînés par tant de faifies, la M arquife
de Cabris ne pouvoit obtenir les moyens de faire fubfifter
( j ) Parm i
les calom nies débitées contre la M arq u ife de Cabris
on l a c u if o ir , dans tous les M é m o ir e s de la d am e de L o m b a r d , d ’avoir
jeté fon inart dans une diilîpation effrayan te, &
f u r - t o u t de lui avoir
fait contracter pour 100,000 liv. de dettes. Il faut efpérer q u ’on fe
taira e n f i n , lorfque tous les titres produits prouveront que tous ces
emprunts ont été faits pendant l’abfence de la M a r q u ife de C a b ris , par
l’entrem ife & avec l’aflîftance d e Seytre, alors curateur de la m in o r it é ,
8c
enfuite c o m m e chargé de la procuration générale du M arq u is de C abris.
�3*
fou époux & fa (ïllc , qu’à force ¿'E xécu toires du C on fcii
du Roi. O n a tenté de lui enlever cette reflource facrée,
5c l’on ne peut regarder cet effort que com m e un attentat
à l’autorité royale.
Le dernier Exécutoire étoit adrefle au nom m é B o n n irt,
Ferm ier des moulins bannaux. Bonnin
refufe de payer ,
& prélcnte une Requête aux Juges de G r a d e , par laqu elle,
en expofant qu’il a payé par anticipation à la dame de
L o m b a r d , il demande que fa perfonne & fes biens foien t
mis fous la fauve-garde de la Juilicc. L a D a m e de L om bard
eft appelée en garantie ; A l z i a r i , Procureur de la D a m e de
Lom bard , eft auffi Procureur de Bonnin.
A u c u n Juge ne vouloir accueillir cette dem ande audacicu fe
p lu s
ôc folle. U n G radué monte fur le T rib u n a l , & com m e
ancien en l l abfer.ee des J u g e s , il ordonne que la per
fonne & les biens de Bonnin feront mis fous la fauve-garde
de la J u ftic e , &
fait défenfes d ’exécuter XExécutoire du
C onfeil. U n A v o c a t d ’une petite ville de P rovence , annéantit au nom de la Juftice, les Arrêts de la Juftice-Souveraine.
E t quel eft cet A v o c a t ? C ’e s t M e G a y t e , celui que la
D a m e de L o m b a rd , en partant pour P a ris , a revêtu de f e s
pouvoirs , & nom m é fon repréfentant. (i)
( i ) T o u s ces faits fo n t configncs dans une R eq u ê te préfentée par
la M arqu ife de C a b r i s , & répondue le n
O i t o b r e dernier , à laquelle
font annexées tom es les pièces juilificatives : i ° .
L es faifies faites par
les Receveurs de la capitation & des impofitions de la nobleiïe. i 9 . Les
faifies faites à la
fc
requête des b e a u x -f r è r e s d u M arq u is de C a b r i s ,
par le miniftère de Seytre
&
d ’A lzia ri. 30. Plùfieurs faifies faites
à la R e q u ê te de piuficurs créanciers du M arq u is de C a b r is , &
par
On
�33
. O n croira fans peine q u e , lié p a r 'ta n t d ’e n tra v e s, le
RégilFeur nom m é par la Sentence du C h âtelet , n ’a pu
ju fq u ’à p r é f e n t , faire entrer aucunes fommes dans la caiflc
du Scqueftre ; mais ce q u ’on ne croira pas , c ’cft que la
dam e de L om bard , fcul auteur de tous ces embarras , par
elle-même ou par fes a g e n s , s’en faiTe un moyen férieux
devant le Juge pour cenfurcr la conduite de ce R é g iflè u r,
& l’accufer d ’incapacité , de n é g lig e n c e , & peut être même
d ’infidélité.
P endant que ces chofcs fe paiToient en P r o v e n c e , la
M arqu ife dé Cabris étoit occupée d’une affaire plus im
p o r ta n te , puifqu’clle intérefloit 8c fon repos & fa tend riilc. Le mariage de fa fille, qui venoit d ’atteindre fa qua
torzièm e année , en détruifant le principal m o tif des perfe
c t i o n s , devoit en fixer le terme. L e bonheur m êm e de
-fh fille pouvoir dépendre du m om ent où s’échappant aux
mains avides qui le tendoient fur e lle , elle trouveroit dans
•fon époux le proteéleur légal de fa perfonne 8c de fa fortune.
Un
G en tilh om m e ,
eftimable autant
par fes
qua
lités que par fa naiflance , fe préfente fous d ’auguftes auf*
piccs. A v a n t d’écouter aucune propofition , le Marquis
la M arquife de C a b ris , fournis à des devoirs qu’ils on t tou
jours r e fp c & é s , exigent l ’aveu préalable de la D a m e de
L om b ard Sc du M arquis de M irabeau , leurs père 8c mère.
L ’un 6c l’autre donnent leur aveu.
le mlniftcre de Seytre &' d ’Alziari. 4 0. Et e n f i n , la R eq u ê te prefem ee,
le 1 7 M ars
178 5 , psr le miniftere d A l z i a r i , par B o n n i n , pour fe
fouftraire à l’exécution du C o n f e i l du R o i ; &
la d éfen fe du 1 1 du
m ê m e m o i s , prononcée par M c G a y te , c o m m e A v o c a t plus ancien en
l ’abfençe des Juges.
E
�34
ÀiTur^s de ce double c o n ie n t c m c n t , le M arquis
la
M arquife de Cabris en réfèrent aux M iniftrcs du R o i , qui
applaudiflent au choix d’un G en tilh om m e connu de toute
la C o u r , Si vivant pour ainii dire fous leurs yeux.
E n f in , pour donner à cet a ile important la fanction la
plus authentique 8c la plus lé g a le , pour joindre aux vœ ux
déjà d o n n é s , le vœu de la famille en tière , ils obtiennent
des Lettres- Patentes qui com m ettent M . le L ieu tenan t-C ivil
du C h â t c l e t , pour ailemblcr les parens en fon H ô te l , &£
h om o logu er leur avis fur ce mariage.
Aiais l’aveu de la D a m e de L om bard n’étoit dû qu’à fa
foibleiTe , & fa foibleiTe le récraita. C elu i du M arquis de
M irabeau n’étoit dû qu’à l’impoflibilité du refus , & il pro
fita de la foiblcfle de la D a m e de L om b ard pour tenter
encore ce p r o j e t , fi long-tem ps médité , toujours inutile ,
mais toujours caché , ôc qui le feroit encore fans un a cc i
dent qu’il éroit impoffible de prévoir.
Les Lettres-Patentes venoient d’être cnregiftrées au Parr
lem ent , lorfquc la D a m e de Lom bard forme tout-à-coup
oppoiition à l’enrcgiftremcnr ,
préfente une Requête a.u
Confeil pour demander le rapport des Lettres-Patentes. (i)
Pendant cette contcftation , ni méritée ni prévue , la
D a m e de Lombard fait entam er une négociation auprèp
( i ) La D a m e de L om ba rd a été déclarée non-recevnb!e dans fa d em an de
en rapport, par un A rrêt du C o n f e il. A u fu r p lu s , les m oyen s préfentés
jl l’appui de cette dem an de , développoient le com plot.
de
gi
L o m b a rd
inevitable ,
Conf eil
du
annonçoit
&c
15 A o û t
l’interdiétion
m co ie
toujours
1783 : elle
de
fon filsconune
exiftante ,
annonçoit
m algrc
La
Dam e
néceiTaire
l’ Arrêt
fon droit à la
du
cura
t e l l e , c o m m e inconteftable , & co m m e une fuite certaine de ce droit >
le pouvoir de marier fa petite fille , de fa propre &
unique autorité ,
�35
d e fa belle-fille , par un fieur V i a l , confident de fes pro
jets & de ceux du M arquis de M irabeau (i). Il s’adrciïa à
l ’A v o c a t , C on feil de la M a rq u ife de Cabris.
C e t A g e n t propofoic pour première condition d’exclure
le G e n tilh o m m e nom m é dans les Lettres-Patentes , & de
choifir 1 époux de la D e m o ife llc de Cabris parmi quatre perfonnes indiquées , à la tête defquel.es étoit le fils du C o m t e
de G ra ile , Lieutenant-Général d es A rm ées N avales 2).
Cetre première condition n’épouvantoit pas la M arquife
de Cabris. Sur quatre gendres offerts, on pouvoit au moins
choifir , & même on laiffoit la liberté de les refufer tous les
quatre , ÔC de faire un ch o ix abfolumenc indépendant.
M a is la fécondé étoit révoltante. O n exig eoit qu’en faveur
de ce m a ria g e , le père & la mère fiilènt le facrifîce entier
de leur fortune , qu’ils fe li v r a ie n t à la merci d’un gendre
q u ’ils ne connoilToient pas. L a négociation n ’alla pas plus
loin.
Q u elqu es jours après , le
Septem bre 178 J , la M a r
quife de Cabris étoit à M o n t r o u g c , auprès de fon mari.
Elle y reçoit la vifite de fon frère , le C hevalier de M ira
beau , qu’elle n’avoit vu que deux fois depuis 17 ans. Il
m ê m e contre le vœ u d e fa mère. L e ctoiroir-on , fi 011 11e le lifoit pas
dans un écrit im p rim é ? V o i c i fes propres expreifions : « L a Curatelle du
M arquis de Cabris appartient de droit & de f a it à la Suppliante ; ( la
D a m e de L o m b a rd ) la D em o ifelle de Cabris ejl de droit fo u s la p u iffa n ce du Curateur de fo n père ; c ’ efl au Curateur f e u l qu appartient le
droit de la marier j tant que fo n père vivra , la mère n ’ a aucune puiffance
f u r elle . elle peut être mariée f i n s le confentem ent & contre le vœu de
f a mère. R eq u ê te au R o i , i m p r im é e , page <0.
(1) L e fieur V i a l fera tout à l ’heure un perfonnage rem arquable.
(z) Le Comte de Gralfe va fe montrer aiiiïi dans un moment.
E i j
�annonce qu’il a quitté Ton R ég im en t fans congé , fa n s
l'aveu de fort pcrc , qu’il n’efl: à Paris que pour quelquesjours.
L a M arquife de Cabris ch erch oit à deviner l’objet d’un
voyage fi myftérieux £c fi précipité, lorfqu’un tiers, dont le
Chevalier s’étoit fait accom pagner , propofe de le marier
avec fa nièce , la D c m o ife llc
de C abris , pour terminer
d ifo it-il, les conteftations qui diviioient la famille depuis li
lo n g temps.
L e f o i r , la M arquife de Cabris retourne à fon C o u v e n t ;
fon frère la fuit ¿c reite à fon parloir jufqu’à n e u f heures.
L e lendemain on a trouvé dans le parloir deux papiers (i)
échappés de la poche
du C hevalier ;
l’un n’eifc com poié
que de quatre lignes ; l’autre eft une inftru£fcion de deux
pages , donnée au C hevalier fur les moyens à employer
pour parvenir au mariage projeté. Ces deux papiers font en
tièrem ent écrits de la main m ême du M arquis de M irabeau.
L a Marquife de
Cabris tient en ce m om ent la parole
qu’elle a donnée de ne faire connoîrre les intentions de
fon père que par les écrits de fon père ( i ).
Le premier n’eft qu’un rendez-vous donné au C hevalier
fon fils.
« D e u x lettres , premier A o û t 1 7 S 5
( 1 ) , font en che-
(1) Ils font joints ^ux Procès verbaux des allemblées tenues chez le
Magiftrat , à la vacation du 1 6 Septembre.
( 1 ) Elle a voulu cacher ces écrits. Son père l’a forcée de les ren
dre p u b lics.T o u s les parens ont été témoins , q u ’au m om en t où M* R o - ,
zier , reprefentant fon père , s’eft montré à l ’aiïem blée » pour y d e m a n
der ail nom de fon père q u e fa fille lui fut e n le v é e ,
elle l’a invite à
ftifpenLlre le dépôt de fes pouvoirs, S: a inftruire fon père q u ’elle poirédoic .
ces écrits, parce que cette nouvelle pourroit au moins l’en gagera la neutra
lité. M e R o zie r cil reveuu le foir m ê m e , & il
dépolé fes pouvoirs >
�~37
min pour le Chevalier ; dans la première , je çhangeois
» l’adreiTc, & défignois l’H ôtcl Sc. Michel , rue des Francs» Bourgeois , qui é to itla m aifon de M de Fourqueux , Sc
» donne par derrière au paiTage , Ichez M adam e de Failli.
» D em a in , à onze heures du matin ou environ , je paflerai
» d ’abord à l’H ô tel de T o u r a in e , ôc iî l'on n’y cft pas,
»> à celui de S c . M ich el des Francs-Bourgeois, u
Le fécond écrit eil une note inférée dans ce billet ; cette
note cft fans date.
« D e m a n d e r d’abord fi l’on a quelqu’engagcm ent pris
» pour fa fille , attendu que fin s cela , l ’on a un parti à
>5 propofer.
» D ire que fon père veut l’établir ; que fatigué des dif» ficultés extérieures > & c , il lui a propofé d’époufer uns
» de fes nièces.
» Q u e , nièce pour nièce , cela lui a fait venir l’idée de
» réunir la portion de fa famille qui peut l’ê c r c , Sc ç[’é~
poufer celle qui peut lui procurer le plus d ’avantages ;
»
qu’il fait cette idée
¡f o r t
lo in
de
son
p e r .e
, à qui
» elle a été propofée.
» Q u ’elle ne lui c o n ven o it pas non plus «à lui dans ce
» fens là , qui coniiftoir à l’avoir par avis de parens , par.
difant tout haut , q u ’il n ’avoit pas trouve le M arqu is de M irabeau , &c
q u ’il étoit obligé de rem plir fa charge , difanc tout ba s, q u ’il avoit trouve
le M arqu is de M irabeau , & qu e celui ci avoir prétendu q u e ces deux
écrits ( écrits de fa main ) , croient fa u x , q u ’il l 'a v o i r m êm e chargé de
s’enferire en fa u x .
( i ) C e t t e date eft une erreur. L e C h ev alier de M irabeau i parti de
fon R é g im e n t fans congé , n’auroit pas etc un m ois fans paroîcre chez
fa feru r , objet de fon voyage : fa vifite à M.ontroiige , le î
b r e , & fes Lettres fiibféquetues le prouvent jufqu’à l'évidence.
Septem
Qu’on n'oublie pas
que l'écrit cft en en
tier de la ma>n du
Marquis de Mira
beau.
�3»
»* force de d r o it s , 8i contradictoirem ent avec la m è r e ;
>» mais qu’il lui conviertdroit de débuter dans le m onde
« par une réunion ; que fi cela ne leu r répugne p a s , qu'ils
»» s’expliquent fur le f o n d , 8c fur l’état de l’affaire dont
»> on n cl aucune notion.
»> Si on lui demande quels font fes moyens pour conci>5 cilier tant d ’efprits difeords , dire qu’il a un a m i , à la
» famille duquel il a les plus ienfibles obligations , qui fe
»J fait fort
»»
D ’ E N T R A Î N E R . L A V I E l L L E , & : d c DISPOSER. D E SES
a le n to u rs
; qu’à l’égard de fon p è re , qui
en traîn e
» fon oncle ( i ) , il faut qu’il foit sûr des autres côtés avant
» d’en ouvrir le m o t , mais qu’alors ce fera fon a ffa ire ;
»* mais que com m e cette courfe cft
m
ab so lu m en t
ig n o rée
n’eft qu’à court d é la i, il faut qu’on s’explique du
m oui ou du non , afin de ne le pas
d éco u vrir
&
com pro-
»» M E T T R E .
» A lors , fi l’on entre dans le récit de l’é ratdes affaires ,
» leur laiffer dire tous
leurs
m en son ges
,
ne leur rien
» difputcr ; leur difanc enfuite qu’on va s’informer de la
» verfion de l’autre p a r t ; car il faut ici-bas que tout fe
» rapproche ; mais que le
principal eft de favoir fi fa
»5 propofition eft du gré de la m ère, & fi elle aime m ieu x
» lui qu’un (z)
»
var ties
é t r a n g e r
tie n n e
sa
qu i
p l a c e
,
lui
ou l a
sera
d o n n é
d ispu ter
p a r
sans
ses
f in
. »
« Selon que tournera ce d é b u t , fi l’on paroît entrer
1
( i ) L e Bailli de M aribeau , qui entraîné, s’eft m ontre en Provence ©
C h e f de la perfccution.
[z] Étrange alternative pour le M arq u is &
la M a r q u i fe de C a b ris !
donner leur fille au C h ev alier de M irabeau ,
ou la voir m arier contro
Ieuj: vœ u , & à un étranger du choix de leurs perfécutçurs. Céder f a
place au C h e v a lie r de M ir a b e a u , ou être ctcrnellcm enc perfécuté.
�39
»»■dans fes vues, on pourra délayer & fu iv re , mais donnant
» le plus court term e; ne pouvant faire ici qu’une apparition
» bien fourde > jufqu’à ce qu’on foît sur de quelque ch ofe;"
« à plus forte r a ifo n , fi l’on paroît vouloir prendre des
« c ir c u its , faut-il preilèr par un veut-on y ne veut-on p a s >
»
A N T E C E D A N T A T O U T . >v
»» Si cela tournoit b i e n , il faudroit propofer tout de
» fuite de voir la fœ u r;
la
,
afficher toute franchisé
*
« mais ardente & g a ie ; laifler tout d ir c ;[ i] e n fu it e reprendre
» fa p a rtie ; dire que s’il faut continuer à co n tcïlcr., on
*> fç retire ; qu’il faut donc fe perfuader que chacun de
>• fa part a eu tort ou raifon juiqu’i c i , ‘ com m e il arrive
» toujours ; mais que fon plan e ftd e faire oublier de toute
>» part ce qui peut a ig r i r ; que ii ce coup - d’o e il, agrée 8c
»> cft préféré à celui de continuer
bataille
, Sc voir m arier"
»> fa fille par avis de p a ren s, tout de fuite on va fe faire
» informer de l’autre p a r t , q y ’on ne croira pas un m ot
» des
faits
litigieux
, mais qu’on verra clair fur les
« affaires réelles. »
» Si l’on voit qu’on '‘ait r e m u é e
capté les pallions
m nuifiblcs j Sc qu’il faille donner fa part à l’efpric d’in« tr ig u e , il faudra ouvrir alors la totalité de fon plan de
» réunion &: de volonté de
fixer
>5 de faire ccflcr le ch oquant
»
de
p^ y e r
,
vendre
et
l ’é t a t
de
sa
M
ère
,
dym qins de ce d éiord re,
réunir
les
biens
aifurcy: fon
: { i] Q n a y p que le Çljevalier de M irabeau s ctoit d ’abord adrelîc à un
t'iex s. À je f ic h e r t o v t e ïjp .a ^ c u is e
; ce niot peint le véritable caractère
d.ç la M a r q u ife de Ç a b r i f ; fou père m êm e eft forcé de lui rendre jufticc
dans fes confidences intimes.
i
�40
» crac; que tout cela ne T t peut que par
»> d’une p a r t , l’aveu du p è re , èc peut
»
L A S I T UA T I ON
>j
»
seul
.d
Q u e lï ce l a c o n v i c u t ôc Te conf i r me EN
isso lu ble
nécessité
AMELIORER.
DES I NTERLOCUTEURS. «
DANS L A M A I N , ET F A I S A N T T R A I T E R
m
la
se t o u c h a n t
d ’a
I LL ANC E I N-
tout c^e fuite il va Te raccorder avec fon
,
» m o y e n d’autre p a r t, & de-là
descendre chez
son p è r e
,
» attendu qu’on s’eft procuré un congé pour le refte du tems
»> de fervicc ; que l à , on ne l’efpionne pas fur ce qu’il fait
» fie'les gens qu’il ,voit ; q u e b ie n tô t on lui parlera affaires
» av e c c o n f i a nc e , fie q u ’il a mè n e r a les c h o fes1fé lo n le tem s,
' ' - , i:
» mais promptement. «.
*»’ Q u e fi au contraire cela ne convient pas , il ne
» demande que
secret a b so lu
, & repart tout de fuite pour
m fa troupe, ayant voulu com m encer par le com m encem ent,
»
fie ne
s’é t a n t o u v e r t à p e r f onne. «
O n ço n n o ît maintenant les intentions du M arquis de
M irabeau. O n voit avec quelle’influence fecrète il agifToit
dans la confpiration d e .P r o v e n c e \ fous le’ nom Sc par l’or
gane de l’oncle q u 'il entraînoic ; 6c fi l’on efl forcé de con
tinuer bataille , il ne faudra pas s’étonner de le vç>ir au pre
mier rang.
L e C hevalier
cet
cependant s’eft apperçu de la perte de
écrit. Il a em p loyé ,
pour le retirer des mains de
fa fœ ù r, l’inftancc &. la menace ; elle a cru devoir le co n ferver ôc le joindre aux pièces dépofées ch ez le Magiftrat'
pour l’inftrüction de la Jufticc. L e C hevalier cft reparti
pour fon R é g im e n t , &. l’on peut croire qu’il n’a pas d é - '
çowvert cette perte à fon père j qui fe feroit abftenu , fans
d o u te,
�4*
d o u t e , du rôle cju’il va jouer dans la derniere aiTembléc de
Parens (i).
C e t te aflemblée s’eft tenue les 1 3 , 14 &
16 Septembre
dernier.
La dame de L om b ard y d em and e, conformément a fes
nouvelles conclufiotis, que Ton fils foit in terdit; qu’elle foit
nom m ée C u ratrice à l ’intcrdi&ion. ; que la perfonne de
Ton fils Sc celle de fa petite-fille, com m e dépendante de la
curatelle de ion f i ls , lui foient remifes ; q u ’elle foit reftituée en poileffion des b ien s, titres &L papiers; q u ’iT Toit
n o m m é un Curateur ad hoc pour recevoir fon com pte de
l ’adm iniftration précédente.
A v e c elle le préfentent quatre p a re n s , M . T eiifier, A u -
[ 1 ] C ’eft au refus feul de la M a r q u i fe de C a b r is q u ’on peut attribuer
la requête de la d am e de L om ba rd , fignifiée le j Septem bre y c’eft-idire j le lend em ain
m ê m e du départ du C h ev alier. L a m anière donc
o n s’explique dans cette R eq u ê te , fur le fort de la d cm o ife lle de C a
bris , aiTure q u e cette requête eft, c o m m e l’in ftru & io n écrite au C h e v a
lier , r ouvrage du M atq u is de M irabeau .
O n y fait dire i la dam e de
L o m b a r d : « D a n s la-fâcheufe circonftance o ù la d e m o iié lle de Cabris
» fe trouve , elle ne peut pas habiter avec fa m ère , parce que fi elle
» d em eu ro it avec e l l e , elle feroit privée des confeils de rous fes pn» r e n s , tant paternels q u e maternels , p u ifq u ’aucun
d ’eux ne voit
fa
» mère. V o u s l'avez, M o n f i e u r , com bien cette jeu n e p e ifo n n e a b s » foin d ’être éclairée fur fes véritables intérêts. D ’ailleu rs, en la m e t» tant dans un C o u v e n t ,
où elle pourra voir librement le M arquis de
» M irabeau , fo n aïeu l m a te r n e l, M . & M adam e de S a illa n t yf o n oncle
» & f a tante germains > enfin tous fes proches- parens, elle pourra-êtr,*
» incelïam m en t é ta b lie, & alors plus de procès entre lesdeux M a r c j u i » fes de C a b iis. »
F
�dircur
41
!a R o te d’ A vig n o n ,
de
M
Tciflier Ton f i l s ,
le
C o m te de G rafle ôc le iicur de Com m cyras.
A v e c elle fc préfente V ia l , q u ’on a vu tour-a-1 heure
autres
de
l’A v o c a t de la M arqu ife de
C abris , A g e n t
de la négociation propofée par la dame de Lom bard pour
le mariage de la dcmoifellc de Cabris avec le fils du C o m te
de G r a f l e , & q u i, fans doute., étoit auiïî cet hom m e du
M arquis
de
M ir a b e a u , 'qui fc faifoit fort d'entraîner la
v ie ille , & difpofer de f e s alentours.
V ia l
étoit
porteur des procurations de fix parons de
G r a f l c , & chargé de porter leur vœu , conform ém ent aux
intentions de la dam e de Lom bard ( i ).
La M arqu ife de Cabris , avant de permettre qu’i l prenne
place au milieu d’une aflemblée refpc£bable, dépofe fur le
Bureau : i° . un décret de prife-dc-corps , décerné en 17 6 4 ,
par le Juge de G r a f l e , en vertu duquel V ia l & fon père ,
Greffier d’un village
voifin de G rafle ,
avoient l’un ôc
l’autre teilu pendant deux ans les priions de cette v i l l e , fur
une accufation de prévarication , de f a u x , d'intercept ion de
lettres, dans les fonctions de commis de fon p è r e ; 1*.
un Jugem ent du C o n fe il Souverain de la G u a d e lo u p e , du
15. Juin 1 7 7 5 , par lequel ce fieur V i a l , échappé des pri
ions de G r a f l e , & pafle à la G u a d elou p e, eft banni de
cette Ifle com m e injiigateur de procès , & perturbateur du
repos des fa m illes : digne repréfentant de ceux qui troublent
la famille du M arquis de Cabris.
[ 1 ] C a u x q u i fe font fait repréfenter par V i a l , connoiiToient fon
c a r a & è r e , notam m ent le fieur cle G o u r d o n , qui l ’avoit vu dans les prifons
de Grafle. L e fieur de G o u r d o n , père , ctoit Lieutenant de ce S i è g e ,
qui avoir d ïcrétc V i a l , pèie Sc fils , de prife de corps.
�45
Sur la repreTentation de ces deiK pièces, V i a l , malgré
fts murmures info'ens, fut forcé de fe retirer.
A v e c la dame de L om bard fe préfentent enfin quatre au
tres particuliers chargés des procurations de vingt - deux
parens, égalem ent Provençaux , égalem ent attachés à l ’in
térêt Sc à l’opinion de la dame de Lom bard.
C es
v in g t-h u it
parens abfens ,
&
repréfentés
par
V ia l & par les a u tr e s , manifeftenc dans leur procuration
une prévoyance remarquable.
Dans
le cas
où il feroit
queition d’un mariage pour la demoifelle de C a b ris, ils
déclarent qu’ils s’en rapportent au ch oix 5c à la prudence
de la dame de L o m b a r d ,
& qu’ils donnent leur vœ u à
celui qu’elle préfentera aux aiTemblécs.
V o ilà un choix bien é c la ir é , & un avis donné en grande
connoiflance d e ca u fc !
D e s quatre parens préfens , deux feûlem cnt fe confor
m en t aux demandes de la dame de L o m b a rd , & on les
devine. Le C o m te de G ra iiê (i) Sc le iïeur de C om m eyra s
eflriment que le M arquis de Cabris doit être in te r d it, &
[ i ] L e fieur de C o m m e y r a s n’eft là que le proxénète du C o m t e de
GraiTe ; il a pouffe Ton
zèle im pru d en t ju f q u ’à faire
d u cabinet du
la Ju ge , le théâtre de fa n o b le négociation. N ’ayant eu la liberté de voir
dem oifelle de C a b ris q u ’aux affemblées de fa m ille , il a eu un jour la
h ard ieiT ed es’adreiTerà cette jeune perfonne e l l e - m ê m e , & d e.la pérorer
pendant une d e m ie -h e u r e : E p o u f a l t f i l s du Com te de G r a jfe , & n c coutc\ pas ce que votre mère vous dira , étoient
les d eux points de fo u
difeours. D ix pareils o n t entendu cette éloquente exhortation !c la réponfe noble Sc f i g e de la d e m o ife lle d e C abris. Sa mère fut enfin obligée
d e rappeler au fieur de C o m m e y r a s
le refpeiit q u ’il devoit à fa ptt:-
fe n c e , & au lieu qui les ralïeinbloit.
F ij
�44
que fa mère doit être nommée fa C u r a tr ic e , & en cette
qualité feu!c ch argée, fans c o n c u r r e n c e , fans g u id e , fans
c c n f - i l s , de l’adminiftration d e la perfonne ôc des biens.
M M . TciiTier, père &. fils, é to ie n t, par le u rca ra& ère
leur é ta t, au-deflus de l’intérêt p e r fo n n e l, & des impulfions
étrangères. Juges impafLbles, ils ne ie décidèrent qu’après
un examen approfondi des différentes prerentions fie des
différens m o y e n s ; délicats autant que ju ftes, iis furent
d ’avis d’éviter l’interdi& ion , pour l’honneur de. la fa m ille ,
&. pour la sûreté des biens & des perfonnes ; de régler
les formes d’une adm iniilration d u r a b le , fous
l’autorité
de quelques C o n icils éclairés.
La M arquife de Cabris fe préfente de fon côté avec
d ix - fe p t parens & amis préfens , q u i , fur l ’examen des
pièces
confervécs par l’A rrêc du C o n f e i l , des n o u ve a u x ,
interrogatoires fubis par le M arquis de Cabris , & des
nouveaux rapports des gens de l’A r t , décident unanime
m ent que le M arquis de C abris n’étoit point dans le cas
de l'interdiction en 1 7 7 7 ; cl uc l’altération poftérieure de
iar f a n r é , pouvant & devant être une fuite des mauvais
traitemens exercés fur fa perfonne pendant la curatelle ;
la dame de Lom bard , fa m è r e , auteur de ces procédés,
èc rcfponfable de leurs e ffe t s , étoit par une conféqucnce
inévitable , non-rccevable dans fil demande actuelle ; que
ces fins de n o n - re c e v o ir, réfultantes des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , &. jointes au p ro c è s , devoient
etre jugées préalablement; à l’état actuel du M arquis de
Cabris.
Interpellés
par le M a giftrat
de donner leur avis fur
l’etat a& u cl du Marquis de C a b r i s , ils ajoutent : » que
�45
« s 'i l pouvoit être quejiion de fla tu er f u r l ’ état -actuel du
» M arquis dt C abris, » la nature de fa m aladie, Pefpérancc
de Ton ré ta b lifllm e n t > la lituation de fa f a m i lle , coût
devoit éloigner l’idée d ’une in te r d ic t io n , Sc que dans ce
cas ce feroit une précaution légale ôc fuffifante, de nom m er
des C on feils au m alade, qui donneroit une procuration irre-;
vocable pour gouverner ics biens 2c difpofcr de fcs revenus,
de 1’avis des C on feils nommés.
Enfin , forcés de s’expliquer dans le cas m êm e de Pi in
terdiction p ro n o n cée , ils appellent dans ce cas la M arqu iie
de C abris à la curatelle h o n o ra ire , le fieur C o u rt à la
curatelle o n é ra ire , foum ettant ce curateur onérairc à l’au
torité d’un C o n fc il.
D ix - f e p t parens a b fc n s , & repréfentés par leurs fondés
de p o u vo irs, portent les mêmes vœux contre l’interdiction
qu’ils remplacent par la nom ination des C o n f e i l s , &. dans
le cas imprévu de l’interdiction , ils règlent de la m êm e
manière la curatelle &
l’adminiitration des biens.
L a Marquife de C a b r i s , en fon nom p e rfo n n e l, fc ren
ferme dans les plaintes rendues par elle devant les Juges
de P r o v e n c e , rejetées par la Sentence de G ra d e , fie par
l ’Arrêc du Parlem ent d’A i x , renvoyées au Châtelec par
P A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s ,
plaintes
portées
devant M .
le
dans fcs additions de
Lieutenant - C iv il.
Des
mauvais traitemens exercés fur la perfonne de fon m a r i,
& des abus com m is dans Padminiitration de fcs biens
fur les preuves déjà rapportées, iur celles q u e lle demande
à faire , elle fait réfultcr
une indignité , une incapacité,
une fin. de non-reccvoir invincible , qui doit écarccr toutes
les demandes de la dame de L o m b a rd contre fon fils.
A u fu rp lu s, clic a obfcrvé verbalem ent à la famille &
�4*
au M a g i f t r a t , q u e , dans le cas où il feroit queilion de
nom m er des C onfeils à Ton mari 3 il n e t o it guères poffible
d ’en trouver de plus fages'fic plus dignes de confiance que
ceux qu’il avoir demandés lu i- m ê m e par fa Requête du
m ême
R o te
jour 1 6 Septem bre: M. T ciiîie r : A u diteu r de la
d’ A v i g n o n , oncle du M arquis de Cabris , &
con
duit à l ’àflemblée de parens par la dame de L o m b a rd
e lle - m ê m e , M c de Beauféjour , ancien A v o c a t au P a r
l e m e n t , C on feil du Marquis de Cabris depuis 1 7 7 6. C e
choix futapplaudi de t o u s , fie il étoit/ait pour l’être. D e p u i s ,
le M arquis de Cabris a encore demandé concurrem m ent avec
ces C onfeils , M c d’O u t r c m o n t , déjà indiqué par la famille.
M . T e iifje r, préfent à l’a fïcm b lée, ÔC votant lui-même
contre l’in tc rd id io n , s’exeufa long-tcm s fur l’importance
fie la multiplicité de fes fo n ctio n s; mais enfin il a cédé
aux inftances du M arquis de C a b r is , fie il confent à faire
ce facrificc aux intérêts & au repos de fon neveu. (1)
A u milieu de ces deux partis oppofés, paroît M e R o z ie r ,
A v o c a t aux C o n fe ils , fie fondé de procuration du M arquis
de Mirabeau.
L e M arqu is de M ir a b e a u , en parlant du trtariage de la
dcmoifellc de C a b r i s , écrivoit à la dame de L o m b ard , au
mois de N o v e m b re 1 7 ^ 4 , qu’il ne vouloit aucunement f e
mêler de cette affaire. {2.)
1
‘ [ 1 ] La L ettre d u M arq u is de C a b r is à M . T e i f l i e r , Si la répoufe
par laquelle celui-ci veut bien accepter la qualité & la charge de C o n f e i l ,
fo n t annexées à la fécondé R eq uête prefentée par le M a r q u is de C a b ris
le z j Septem bre dôrnïar.
f i ] L ettre d u - M a r q u i s
.
.
de M irabeau , du
,
18 N o v e m b re
»7*4,
im p rim é e par la d a m e . d e L o m b a r d e l l c - m t m e , dans fa R eq u ê te i u
R o i , p. i i , aux P. J.
�V
O n vient de le voir dans riiifftruction écrite au C hevalier
Ton fils, tout en f e mêlant très-particulièrem ent de cette
affaire, vouloir ib cacher encore ,
faire dire au C h e valier
qu’ il f a i t cette idée fo r t loin de fo rt p ère, a qui elle a été
propofée.
Ainfi , jufqu’alors, le M arquis de M irabeau avoit agité
dans l'om bre les différentes machines qu’il faifoit m ouvoir;
à A ix , le B a i l l i , fon frère : * P a ris, la dame de Lom bard.
M a is e n f in ,
l’o it qivinitruit de la fatale imprudence du
C h e v a lie r , 6c de la perte de Vinjlruclion fecrette , il ait
défefpéré de fe cacher plus long-tem s ; foit que l ’inftance
du m om ent lui ait fuggéré la nécelîité de fa préfence, il
a cru devoir fe m ontrer à la dernière aiTembléc des parens,
& là , par l’organe de fon fondé de p o u vo irs, il a déclaré :
Q u ’il n’avoit pu v o t e r , ni fur l'interdiction du M arquis
» de C a b r is , ni fur Ja cu ra te lle ; mais que iï l'ïnterdiéfcion
” éroit p ro n o n cé e , fi la dame 'de Lom bard étoit nom m ée
» cu ra trice , com m e f a petite-fille étoit une dépendance de
>3 cette C u ra telle, ôc pour éviter
les contcftations qui
« pourroient s’élever entre les deux dames de C a b r is , au
» fujet de l’autorité qu’elles voudroient s’arroger égalem ent
»
fur cet e n fa n t;
îl
est
d ’a v i s
que la dem oifelle de
>3 Cabris f o i t t mife en te l Couvent q u ’ i l plaira au Juge
» d ’ indiquer, dont elle ne pourra fortiravant fo n établijfement^
» & où f a mère & fo n aïeule pourroient la voir a la grille
» feulem ent. ».
Q u ’on compare ce vœ u d’un defpotifme fa m ilie r, plutôt
que d’une fagefle impartiale, à l’inftrudtion écrite au C hevalier
de M irabeau ; qu’on le compare encore au projet configné
dans la R equête de la dame de L o m b a r d , dû 5 Septembre:
�43
en la mettant dans un Couvent ou elle pourra voir librement
le M arquis de M irabeau, fo u a ïe u l............. E lle pourra être
incejfamment établie. . . • l’identite des expreilions ôc
des
maximes , m anifeilerà la confiance du m êm e complor.
L e M arqu is de
M irab eau d iloit à
Ton f i is , d a n s fou
inftruction : L a Curatelle de l ’interdit emporte la puijj'ance
f u r f a fille . . . • U n homme a. moi entraîne la vieille & d i f
pofe de fe s
alentours. M a is , les alentours de la vieille ,
V i a l , le (ieur C o m m e y r a s , A l z i a r i , & m êm e la F em m ede-Cham bre, Marianne Flourt, pouvoient être entraînés euxmêmes par des intérêts d ifîe rc n s , 6c la
M arquis
prévoyance du
de M irabeau , allait jufqu’à fe méfier de ceux,
qu’il faii'oit fervir à fes deiTcins.
C ’eft pour cela qu’il prôpofe de iouilrairc la demoifelle
de C a b r i s , m ême à Ton a ïe u le, ôc que , par une tyrannie
b iz a r r e , dont l’habitude feule lui actcfte la lé g itim ité , il
veut que cette jeune perfonne demeure captive 6c privée
de la fociécé de fa mère ô£ de Ton a ïe u le , jufqu’à fon éta,b lifle m e n t, c’e il- l-d ir e , jufqu’au m om ent où la réuffitedu
projet charigcroit les chaînes de la dem oifelle de C a b r is ,
& de fa prifon la feroit païïer fous la puiüance de fo a aïeul
maternel.
%
C o n ç o it-o n co m m en t la. demoifelle de C abris pourroir
fc trouver fous la puiflâncc du M arquis de Mirabeau ? La
choie cil claire ; en époufant fon oncle , le C hevalier de
¿Vdirabcau.
L e M arquis cil né en
pays d e D r o it
É c rit ; tous fes
biens font fitués en pays de D r o it É c rit ; il prétend c o n ferver encore fon d om icile en pays d e D r o i t écrit. Son filfii,
quoique marié * demeure fous la p u iiîa n c e ,
avec Ion fils,
La
�49 '
la femme de fon fils, & tout ce qui eft fous h puiflance de fon
fils. La demoifelle d e C a b r is , en époufant fon oncle le C h e
v a lie r , fe trouve, avec tous les biens qui lui fônt deftinés ,
dans la main du M a rq u is , ion a ï e u l , ôc père de fon époux.
En P r o v e n c e , le M arquis de M irabeau laifloit ou faifoic
agir fes aiTbciés , dont le fccours lui afluroic ls? double avan
tage du m yilèrc âc du fu c c è s , &. qui prenoient fur eux l'évi
dence odieufe des efforts réunis pour opérer l’interdiition,
c ’e ft-à -d ire , l’anéantiiTement du Marquis de C a b r is , qu’il
’fiî l'o it an éa n tir, pour difpofer de fa fille ; fa u f enfuite, pour
l ’intérêt m êm e de la demoifelle de Cabris , à tom ber fur
fes propres alliés , pour leur faire reftiruer les rapines d ont
ils avoient eux-mêm es payé leurs iervices, l o r f q u e , p*r le
mariage p ro je té , il feroit devenu le père ôc le protecteur
légal de l’enfant dépouillé.
C ’eft dans ce conflit d’intérêts oppofés & de prétentions
co n tra ires, q u ’il faut chercher les décidons de la Juilice.
M O Y E N S .
D e u x queftions principales conduifent au Jugement.
L e M arquis
de Cabris étoit-il , en 1 7 7 7 , dans le cas
de l’interdi& ion prononcée par la Sentence
de G raile ,
& par l’A r iê t du Parlem ent d ’A ix ?
L e M arquis de Cabris eft-il aujourd’hui dans le cas de
l’intcrdi& ion demandée par la dame de L om b ard ?
T o u te s
les queftions incidentes
naîtront de ces deux
queftions principales.
C ’cft en agitant la première , qu’on examinera les difl'eG
�50
rentes caufes d 'indignité qui s’élèvent contre la dame de
L o m b a r d , & qui doivent form er autant de fins de nonreccvoir contre fa dem ande a£tuelle. Interdiction in ju fte,
curatelle infidelle, excès com m is ou foufFerts fur la petfonne de l’interdit , abus de tout genre dans l’adminiilration de Tes biens.
C ’efl: par une fuite néceflaire de cette première queftion,
qu’on exam inera de même fi les parens qui ont donné leur
vœ u en 1 7 7 7 pour faire interdire le M arquis de C a b r is , &
pour confier fa curatelle à la dame de L o m b a r d , furtout
ceux qui on t profité des infidélités de fon adminiilration ;
peuvent être admis aujourd’hui à voter pour que le M a r
quis de C abris foit encore interdit, Sc pour que fa mère
foie encore nom m ée Curatrice.
C*eft en exam inant la fécondé Q u e ftio n , celle de favoir
il le Marquis de C abris eft aujourd’hui dans le cas de l ’in
terdiction , q u ’on pourra difeuter les différens intérêts de
ceux qui confcillent & qui défirent cette interdiction. C ’eft
en fuppofant cette interdiction prononcée , qu’on établirai
les droits de la femme ôc de la fille de l’interdit.
P R E M I È R E
Le
Q U E S T I O N .
M arqu is de Cabris é to it-il, en 1 7 7 7 , dans le cas de
Uinterdiction ?
C etti q u iîtion
IST
PRÉALABUI,
rovxliuox i
C e tte queftion e ft la prem ière, & par l’ordre duraifon.r e m e n t & par l’ordre judiciaire.
L ’A r r ê t d u C o n f e i l des D é p ê c h e s , en annullant les Sen"
�71
tcnces de Gratte & les Arrêts du Parlement d’A i x , a ren
voyé
le refeifoire à juger pardevant M .
le Lieutenant*
C iv il du C h â te let de P a r i s , c ’eft-à-dire , le mérite des de
mandes fur lefquelles ces Sentences &
ces Arrêts étoient
intervenus.
L e T rib u n al de renvoi doit d o n c , avant toutes chofcs,
ftatuer fur le mérite de la d em andeTorm ée en 1777 * & il
ne peut examiner le mérite de cette d em a n d e, fans exami
ner fi à l’époque de cette d e m a n d e , en
1 7 7 7 , le M a r
quis de C abris étoit dans la nécciîiré de l’interdi& ion.
D ’ailleurs, les plaintes rendues par la M a rq u ife de C a b ris
devant les premiers Juges, des excès com m is fur la perfonne
de Ton m a r i , ayant été'rejetées par les Jugemens annullés ;
la caffation de ces jugemens laifle encore à juger la juftice
de ces plaintes , 8c il eft impoilible de ftatuer fur la juftice
de ces plaintes, fans comparer l’état du M arqu is en 1 7 7 7 ,
avec fon état a£tuel, fans examiner fi, en 1 7 7 7 , 1 e M arqu is
étoit dans la néceilité de l ’interdi&ion.
La difpofition de l’A rrê t du C o n fe il eft formelle à cet
égard. Il ordonne « qu’il fera convoqué
devant le ficur
» Lieutenant C iv il du C h âtelet de P a ris, une ailcm bîée des
» parens ôc amis du fieur de Cabris , lors de laquelle lefdits
« pareris ôc
amis prendront connoiflance
»> refpcctivcs, des rapports des M édecins
des Enquêtes
Chirurgiens ^
» des interrogatoires dudit fieur de C a b r i s , ainli que de
» celui qu’il prêtera de n o u v e a u , &C du nouveau rapport
» des Médecins &. Chirurgiens, s 'i l efi ordonné , pour don» ncr enfuite leur avis au ficur Lieutenant-Civil du C h â « telet de P a r is , auquel S. M . attribue , f a u f l’appc! au Par
is l e m e n t , toute C o u r , & c . «
C es enquêtes, ces rapports, ces interrogatoires, confcrG ij
�vés par TA rret du C o n feil des D é p ê c h e s , ne peuvent fervir qu’à éclairer l'état dans lequel écoic
alors la tête du
M arquis de Cabris , ôc par conféqucnt le mérite de la de
mande form ée alors par la dame de Lombard. L ’ Arrêc du
C o n feil des D é p êch es a donc voulu que les parens ¿kamis^
en prenant com m unication de ces enquêtes, rapports ÔC
in te rro g a to ire s , d o n n a ie n t leur a v i s , ôc que le Juge de
renvoi ftatuât d ’abord fur les conféquences de ces pièces
c o n fe rv é e s , c ’cft-à-dire, fu r ie mérite de la demande for*
n i é e , en 1 7 7 7 , par la dame de L o m b a r d , fur la juftied:
des plaintes rendues par la M arquife de Cabris , fur la’queitio n de favoir f i , e n 1 7 7 7 , le M arquis de C abris d evo it
ctre interdit.
Si le C o n fe il des D épêches n’avoit entendu attribuer au
Juge de renvoi que laconnorfTance de l’état a â u e l du M a r
quis de C a b r is , il n ’auroit pas exigé que l’avis des parens
£c amis 6c le Jugem ent du M agiftrat,fuiTent déterminés par
Jes cnquêtcs^rcfpc&ives faites en 1 7 7 7 , par les rapports
donnés en 1 7 7 7 , par les interrogatoires fubis en 1 7 7 7 ,
q u i, fans d o u te , ne peuvent fournir aucune lumière fur la
fituation phyfique ôc morale du M arquis de Cabris en 17 8 5 ,
D ’ailleu rs, dans ce cas , on procéderoit en vertu d ’un A rrê t
d''attribution > revêtu de L ettres-Patentes, & non pas en.
vertu d’un A rrê t de renvoi.
N o u s ne difons pas que l ’attribution donnée par l’A r r ê t
du C onfeil , ne frappe pas fur l’état aftuel du M arquis de
C a b ris ; mais cette queftion de favoir fi ce malade cft uujourd hui dans la néceflité de l’in terd iilion , cft néccfl’a ircmcnc
fubordonnée à la première., fubordonnée aux circonftances,,
aux raifons qui pourront déterminer le Juge t aux demandes
�53
que les deux dames de Cabris font autorifées a former par
le m ême Arrêc.
C e t A rrêc die que le M arquis de Cabris fera de nouveau
inrerrogé par le J u g e , ôc vifité par les Gens de l’A r t , s ’i l
ejl ordonné. C ’eft admettre que le M arquis de Cabris ne fera
point inrerrogé ni viiîté de nouveau , s ’ i l n e j l pas ordonné :
le C on feil des D épêches fuppofe donc un nouvel ordre de
ch ofes, une nouvelle p rocéd u re, une nouvelle demande ,
& c’eft: ce que la dame de L om bard a parfaitement entendu,
puifqu’elle a jugé elle-même fa demande en interdi& ion for*
m ée en 17 7 7 , a n é a n tie , & dans tous les cas , infuffifante
pour faire prononcer fur l’état a & u e ld e fon fils; puifqu’elie
a formé une nouvelle demande en interdi& ion devant M .
le Lieutenant-Civil.
11 faut d o n c , pour la régularité du Jugem en t à in te rv en ir,
pour l’exécution
parfaite de l’A r r ê t de renvoi , ftatuer
préalablement à t o u t , fur le mérite de la demande adoptée
par les Jugemens a n n u llés, fur la juftice des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , fur la queftion de favoir i i , en
1 7 7 7 , le M arquis de Cabris pouvoic & devoir être interdit.
Il feroit d’ailleurs impoffible de procéder a u tre m e n t, ôc le
raifonnem ent le plus fimple prouve cette impoifibiJité. Le
M agiftrat ferm erait il abfolum ent les yeux fur l ’objet princi
pal du renvoi, fur la chofe jugée par la Sentence de GraiFe
fie par l’ A rrêt du P a rle m en td ’A ix ? Croira-t-il ne devoir s’o c
cuper que de l’état a£tucl du M arquis de Cabris ? C roira t-il
n ’avoir à juger que la nouvelle demande de la D a m e de
L om b ard ? M ais avant de juger cette d e m a n d e , il faut juger
fi la D a m e de Lom bard a eu droit de la former.
La M arquife de Cabris élève aujourd’hui contre elle de»
�14
caufcs nombreufcs d*in d ig n ité, qui doivent la rendre inca
pable de former aucune demande. Il faut examiner fi ces
caufes font légitimes.
C es caufes d’indignité réfultent de la demande en inter
diction formée en 1 7 7 7 . Il faut examiner 11 le M arquis de
C abris a été juftement interdit.
C es caufes réfultent encore de fes écarts dans les fo n d io n s
de la curatelle qui lui avoit été confiée, des excès com m is
ou tolérés fur la perfonne de fon fils, des abus innom brables
aurorifés ou foufferts dans l’adm iniilration de fes biens. Elle
n ’eût pas été curatrice de fon fils , &: curatrice infidelle , li
fon fils n’eût pas été interdit. Il faut examiner fi fon fils a
été juftement interdit.
Il n’eft pas poffible de faire un pas dans cette affaire , il
l ’on veut être exaét & ré g u lier, avant d ’avoir décidé 11 le
M arquis de Cabris m éritoit, en 1 7 7 7 , l’inrerdi&ion pronon
cée par la Sentence de GraiTe , &. par l’A rrê t du Parlem ent
d ’ A ix.
Suppofons encore que le Juge s’ o ccu p e, avant t o u t , de la
nouvelle demande formée par la D a m e de Lombard ; fuppol'ons auifi que fur cette d e m a n d e , il interdife le Marquis de
Cabris ; feroit-il temps alors d’examiner fi cettedem andc étoit
re c e v a b le , U Ci la D a m e de L om bard avoit le droit de la
former ?
TD„ Marquis
Marquis de Cabris n’étoit pas en 1 7 7 7 dans le cas de
deCabris ** l 777- l’inrerdi£tion. C ette vérité , aujourd’hui d ém o n trée, cft la
tige des fins de non-rcccvoir qui repouflent la D a m e de L o m
bard , 2c avec elle cous ceux à qui d ie doit cette curatelle 11
odieufem ent exercée,
dont elle a, par récip ro cité , fervi les
p ro je ts , ou favorifé les invafions.
�n
C e n’eft pas dans les faits qui ont précédé la demande de
la D am e de L om b ard , qu’il faut chercher cette vérié ; rricn
ne peut inftruirp la Juftice , que ce qu’elle a ordonné ellem êm e pour fon inftru&ion.
D ’ailleurs , l’A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s , d éfig n e, en
les c o n fe r v a n t, les pièces qui doivent être confultées. Il veut
que les enquêtes refpeciives , les rapports des Médecins &
Chirurgiens , 6 les interrogatoires du Marquis de Cabris, foient
com m uniqués aux parens 8c amis a ile m b lé s , pour donner
leur avis.
Les parens 8c amis ailemblés ont pris com m unication de
ces pièces co n lcrvé es, 8c ils ont tous déclaré , excepté ce-,
pendant le Comte de Grajfe & le fie u r de Commeyras , que
l ’état du M arqu is de Cabris en 1 7 7 7 , ne juflifioit pas l’interdi& ion dont il avoit été flétri.
En e f f e t , fi l’on coniulte d’abord les enquêtes refpe£tives,
on voit d’un cô té vingt-deux témoins entendus à la requête
de la D a m e de L o m b a rd , dont iept à h u it, c’eft-à-dire t fes
affidés, fes v a l e t s , fa fem m e-de-cham bre, veulent donner
quelque idée de la dém ence que l ’on cherche. Les autres
atteftent le bon fens 8c la raifon du Marquis de Cabris.
O n vo it d’un autre cô té quarante-deux témoins entendus
•a la requête du M arquis de C a b r is , ( 1 ) qui tous dépofenc
( 1 ) O n a obfervé que le Ju gé avoit interrom pu cette enquête avec une':
précipitation b lâ m a b le.S a n s c e l a , au lieu de quarante-deux t é m o in s ,
le"
M arquis de Cabris préfenteroit toutes les perfonnes dont il étoit connu
& fu r-to ut les habicans de fa T e r r e », d on t il fu t toujours & le père 3c
l ’ ami.
�Si indiquent des preuves de fa préfence d’c fp ric , & même
de fa (agacité 6c de fon intelligence.
Il en donnoit lui-même ,.à cette é p o q u e , une preuve bien
remarquable dans cette tr a n fa & io n , dont fcul il difeutoit ÔC
étabüfToit les claufes avec toute la com m unauté aflemblée
dans la falle de fon C h â te a u ; tranfa& ion confirmée trois ans
a p r è s , com m e un m onum ent de fa g e ile , parle m êm e T rib u *
nal qui ven oit de déclarer Ton A u te u r infenfé & maniaque.
Si des enquêtes refpe&ives on pafle aux rapports des M é
decins Sc C h ir u r g ie n s , on trouve la même v é r it é , avec quel
ques traces de l’empire exercé par la D a m e de L om bard fur
ceux dont elle s’environnoir.
L e M édecin Ifnard diflimule , Sc craint dans l'état de por
ter un jugem ent trop précipité ; deux fia n ces n étant pas fuffifa n tes pour l ’ inflruire du véritable & confiant état de l ’ efprit
q u t l exam ine.
L e C hirurgien L a m b e r t , déiintérefle , & par conféqucnt
f ïn c è r e , détaille tous les motifs de fa décifion , tous les
réfultats de fon examen , 6c déclare affirmativement que le
M arqu is de Cabris ejl
d ’ un tempérament mélancolique ;
mais qu’i l n ’y a en lui aucun égarement d ’ efp rit, & qu’ i l jo u it
d ’une fa in e raifon.
Si l’on jette enfin les yeux fur les interrogatoires du M a r
quis de Cabris , on eft frappé de fes réponfes tranquilles
8c raifonnables. D a n s celles qu’il a prêtées devant le C o n iciller-Commifl'aire du Parlem ent d ’A i x , on remarque furtout une raifon lu c id e , 6c cet ordre d ’une bonne m ém o ire,
qui ne peut claiïer les plus petitsdétails des affaires dom eiliq u e s , que dans une tête bien organifée.
E n fin , quand on a examiné tout ce qui pouvoit éclairer
le*
�les Juges, tic Provence fur la fituation defprjc du Marquis
de Cabris , pour concevoir les jugemens qui lui on t ravi fon
exiitence civilcen le déclarant infenfé ^il faut nëceiTairement
penfer à l ’aiTociation qui s’étoit formée pour l’anéantir, aux
intérêts divers qui infpiroient chaque membre de l’aiTociation , aux démarches tumultueufcs du Bailli de Mirabeau ,
enflammé par le d é p i t , & d’ailleurs entraîné par le M a r
quis de M irabeau ; fon frè re, aux in trig u e s, aux calom
nies employées pour le lu ccès; à la M a rq u ifed e C a b r i s , ar
rachée du lit de fon m a r i, ôc confinée loin de lu i, dans
un couvent de la haute Provence ; à la D e m o ifelle de
Cabris , enlevée fous les yeux de fon Père ; au M arquis
de Cabris lui-même , prifonnier dans
la
ville d’A i x ,
gardé à vue ju fq u e s d a n s fon a p p a rte m e n t, au m om ent
où il étoit encore fon unique maître fous la protection des
L o ix ; enfin , à tout ce que l’efprit de cabale & de violence a
ralfemblé dans cette aiï'airc déplorable.
C e tte troupe intéreflee marchoit fous la bannière de la
dame de Lom bard. C ’eft en fon nom que tous les coups ont
été portés; c’elt fur fa demande que Ion fils a été injuftem ent interdit.
C e tte interdiction cil l’injure la plus cruelle que la dame
de Lom bard pouvoit faire à fon fils , aux en fans de fon fils ,
aux enfans des enfans de ion fils.
Il faut diitinguer deux fortes d ’interdi& ioa ; celle p ro
non cée pour caufe de prodigalité, ,& celle prononcée pour
c a u fe d e démence. La première n’eil point une tache de fa
m ille , elle n’eft pour celui m ême qu’elle fr a p p e , qu’un
reproche de fes égaremens pâlies, l a prodigalité d’ un père
p orte lu id ig e u c c , mais jamais la ho.nce fur fes nfaus.
�5*
L ’inrerdi&ion pour caufc de dém ence cft une flétriflurc,
& pour l'in te rd it, & pour toute ia dcfcendancc : c’eft une
plaie qui du tronc va infectcr jufqu’aux plus petits rameaux.
D e tous les p réju g és, celui-là peu t-être, cft le icul raifoi:n ab le, ou plutôt ce n’eft pas un préjugé ; c ’eft une crainte légi
tim e qui vient quelquefois empoifonner le fentiment le plus
cher dans dans les apprêts d ’une union defirée, &c qui porte
l’inquifition dans une famille jufques fur les membres les
plus éloignés.
A in f i, Iorfqu’à la face de toute fa province , la dame de
Lom bard pourfuivoit avec acharnement la Sentence &. i’A rrêt qui on t déclaré fon fils en démence, elle difoit à fa P ro
v i n c e , a to u t le R o y a u m e ,e n montrant fa petite-fille,enfant
de fix a n s, intéreflante par toutes les qualités aimables que
la nature peut prodiguer : «• Q u e cet enfant vive f e u l , Sc
meure fans poftérité ; familles pures ,
m
recevoir
dans votre
« un poifon que
fein ;
il
trem blez de le
porte dans
fes
veines
j’ai tranfmis dans les veines de m ou
» fils.
C e cri terrible, elle le répète ici avec un emportement
qui e ffr a ie , &. fa petite fille touche à fa quinzième année:
elle annonce encore , elle publie que fon fils cft fou. L e
feroit-il devenu ? N ous allons examiner tout-à-l’heure s’il
cft devenu fou ,
com m ent il auroit pu le d eve n ir; mais
enfin il ne l’étoit pas en 1 7 7 7 ; la chofc eft ailèz prou
vée ,
fa mère l’a accufé de folie pour le faire en
chaîner.
Son aveuglement eft extrême : elle veut orner de quel
que vraifcm blance ce m enfonge de folie.
N ’a-t-elle pas
imprimé à Paris que fon é p o u x , le père de fon fils , avoic
�59
tïanfm is à ion fils le germe d’une démence incurable ? L a
dame de Lombard ne fait pas ce qu’elle é c r it , ou cc qu’on
écrit pour elle. Il cil impolîible de penfer q u e lle v o u lû t ,
de fa n g -fro id , pour exterminer ion fils 8c fa p e tite -fille ,
marcher à eux fur les cendres d’un mari qu’elle a dû ch é
rir 8c qu’elle doit rcfpe£ter. Si cette idée cruelle cft un fruit
de fon im ag in a tio n 3 voilà la dém ence: c'cft elle qu’ il faut
interdire.
.En vérité , les termes ufités n’expriment pas tout
l’o
dieux de ce m enfonge. Le M arquis de Cabris a trois feeurs
mariées ,8 c connues par leur bon fens 8c leur raifon. Son
père n’a jamais donné la m oindre preuve d ’un efprit difttrait
ou a g ité ; ¿te c e r te s , toute fa Province pourroit attefter qu’il
ne devoir pas cette tranquillité aux bons procédés de la dame
de L o m b ard , com m e elle a l’ineptie de le dire. Le M arquis de
Cabris lu i-m êm e, avant la tyrannie'qui a boulverfé toute fon
cx ifte n c e , n’avoit montré qu’un efprit préfent 8c raifonnable.
A infi , ce prétendu germ e de dém ence trouvé dans le fang
de fon p è r e , eft un trait perfide, le dernier trait qui carac*
tériie le com p lot formé fur la perionne de la D em oifellc
de Cabris. C ’cft pour difpoicr d’elle fans concurrence ,
pour lui ravir l’avantage du c h o ix , pour effrayer tous fes ri
v a u x , qu’on ofe flétrir en m ême-tem ps 8c fon p è re , 8c fon
ayeul ; 8c ce dcflcin peut il être douteux , lorfqu’on voie
s’empreifer autour d ’elle le C o m te de G r a d e , le M arqu is
de M irabeau , 8c tous ceux dont nous n’avons pas eu occaiion
de p a r le r ,
qui ne
craignent pas pour leurs fil*
cc qu’ils ont comploté de faire craindre aux autres.
E n s'efforçant d’ affaiblir la honte qui fuit une interdic
tion pour caufc de démence , la dame de Lom bard n’affoiH ij
�<jO
blic pas l’injure faite à fon fils, qui n ’étoit point en demenee. Elle difoit dans fa Requête au R oi : provoquer
rin te rd i& io n d ’un fils , lorfqu’il eft dans le cas de l’êrre ,
( d ’être interdit) c ’eft faire un a & e de p i é t é , c’eft obéir
aux L oix.
M ais provoquer l’interdi&ion d ’un fils , lorfqu’il n’eft
pas dans le cas d’être in te rd it; le noter com m e f o u , l o r f
qu’il eft fage ; le luppofer en d é m e n c e , lorfqu’il a toute
fa railon , pour lui ravir fon exiftencc & tous les droits de
citoyen : c’eft une atrocité jufqu’à préfent in o u ie , c ’eft une
violation des L o ix de la nature ôc de la fociété.
Les Lacédcm oniens n’avoienc point de loix contre les
crimes inconnus, nos loix n’ont pas prévu qu’une mère
fût capable de diffamer fon fils Si toute fa p oftérité, par
une
interdi&ion injufte, fous le prétexte d ’une dém ence
fuppofée1. C e t écart nouveau n ’eft donc fournis parmi nous
à aucune peine littéralem ent exprimée, [ i] M ais la raifon,
la juftice n a tu relle, veulent que celui qui a fait le m a l,
foie au moins privé des moyens de le faire encore. U n e
mère qui dépofe tous les lentimcns m aternels, doit abdiquer
auili tous les droits maternels. U n e mère qui a traité fon
[ 1 ] L a d am e de L o m b a r d tire la N o v . 1 1 5 ,
( elle fe tro m pe : c’eft
la N o v . 1 »4) pour prouver q u ’elle auroit été indigne de fucccder à Ton
fils furieux ou i n f e n fé , fi elle l’avoit abandonné. L a N o v . ne parle que
du fu r ie u x , & non pas de l’in f e n fé , & les foins q u ’elle preferit aux père
£c mere en faveur de leur fils, 11e font pas de le faire interdire. M a is la
d am e de L om ba rd ne dit pas que la m êm e N o v . la m enace de la m ê m e
p e i n e , fi elle a fait à fon fils une injure grave. S i gravem & ir. honeftam
injuriant injecejferk.
�¿1
fils com m e -un ennemi , cft i’ennemie
de Ton fiis;
elle
n ’eit plus fa mère.
A in J î, lorfque la dame de L om b ard demande aujourd’hui
que Ton fils Toit in te r d it, il ne faut pas l’é co u te r; il ne
faut pas m ême examiner fi quelque m o t if juifcifie fa de
mande ; parce qu’elle a ofé déjà le faire interdire fans
motif. L u i • (cro it-il permis de pourfuivre fon fils jufqu’au
tom beau , & de renouveler cette action infamante , toutes
les fois qu’elle feroit infpirée par fon intérêt particulier
ou par l’intérêt des autres.
C e tte caufe d ’in d ig n it é , lancée fur la dame de L o m b a rd ,
par l’intcrd iition
fils , ell g r a v e ;
m ême q u ’elle a provoquée contre fon
&
cependant elle fera p e u t-ê tre moins
d ’impreffion que celle qui nous refte à prélenter.
Elle invoque la nature pour juifcifier fa co n d u ite : fuivant
fes maximes, c’eil pour remplir un devoir de piété maternelle
qu’elle a fait interdire fon fils : c ’elt pour veiller fur fa
vie 6c fur fes biens, q u ’elle l’a privé de fa liberté phyfique
& morale. Suppofons d on c que l’in terd i& io n fut pour le
M arquis de C abris un fccours bienfaifant ôc in évita b le,
voyons co m m e elle a rempli ce devoir.
C u ratrice de fon fils, elle a écé revêtue du pouvoir des
L o ix fur fa perfonne 6c fur fes biens.
C o m m e n t a-t elle adminiftré fa perfonne ?
L e Marquis de Cabris a é t é , par fes ord res, placé dans
nne cham bre de fon c h â t e a u , à côté du n om m é A lzia ri
ivrogne [ i j de foixance ans, père du Procureur de la dame
[ i ] Seytre écrivoit à la M a r q u ife de C a b r i s , le prem ier M a r s 178 3 :
x l état de M., de Cabris ejl toujours le rneme , i l ne changera p a s t
�6i
de Lombard , qui lui-même l’a confié à deux domeftiques,
c ’eit à-dire, à deux paylans couverts de la livrée.
Alziari fe permectoit fou vent des a b fen ces, m êm e aiTez
lo n g u e s, & alors le château de C abris étoit gouverné par
M arianne F l o u r t ,
fem m e d e-ch a m b re
de la dame de
Lom bard.
L a dame de L om bard elle-même n’y faifoit que quelques
apparitions à intervalles très-éloignés. Elle habitoit conti
nuellem ent à GraiTe.
C e qui fe faifoit auprès de fon fils, fe faifoit donc par
fes ordres : fi l’on veut la traiter avec quelque fa v e u r, o n
croira feulement q u ’elle l’autorifoit ; &c Ci l’on veut être
très-indulgent , on fera au moins obligé de croire qu’elle
le to léro it; mais foit qu’elle le foufl'rît, qu’elle le p erm ît,
ou qu’elle l’o r d o n n â t,
elle en fera toujours refp on fab le,
parce que feule elle avoit l’autorité pour faire le b ie n , ôc
pour empêcher le mal.
O n a dit que les chagrins & les contrariétés avoient
troublé la conftitution du Marquis de C a b r is , 6c altéré
fa fanté. C e trou b le, cetre altération, s’étoient manifeftés
par une grande irritabilité dans tous fes organes.
L ’hu
manité feule demandoit pour lui un régime d o u x , ca lm a n t,
propre enfin à faire iuccédcr la paix à cette agitation
momentanée.
11 cil prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u ’Alziari , failant manger le M arquis à fa t a b l e , pour le
„ tant qu’ il n’ aura pour M édecins que deux payfans & un
» qui le gardent fa n s rien f a i t e ,
» prtju d ice. »
iv ro g n e ,
qui mangerie Jes revenus à voire
�¿3
guérir de Favcrfîon qu*iî avoit pour l u i, lai fnifoit boire du
vin p u r , des liqueurs fo rte s, lui faifoit prendre du café
6c du ta b a c , ôc répendoit gaîm ent aux
repréfentations ,
que f a maladie étoit incurable , & que le v in , le café & le
taba c, nepouvoicnt pas lu i ja ir e plus de m al q u i l n en avoit.
L e (leur Sue., C hirurgien , viiicant le M arquis de Cabris
à M o n t r o u g e , dans l’état où l'ont réduit lix années de
tyrannie 5c de mauvais traitemens , a dit que parmi les
moyens de rétablir fa f a m é , il falloit qu.il eût la faculré
de voir 6c de parler à ceux qui lui feroiunt pla iiir; qu’on
eût l’attention d ’entrer dans fes idées , ne le contrariant
en rien.
L a dame de L o m b a r d , en faifant imprimer cet a v is,
a eu l’extrême limplicité d’écrire cette note à côté : c 'e fl
ce qu'on fa ifo it à Cabris , ju fq u au moment ou fo n époufe
l ’ en a arraché.
C o m m e n t le M a rq u is , à C a b ris , avoit-il la faculté de
voir ceux qui lui faifoient p laiiir, ôc co m m en t n’étoit-il
contrarié en rien ?
Il ne voyoit perfonne. D ans les iïx années qu'il a été
détenu ca p tif dans un cabinet de fon château , on n ’a
foufTert auprès de lui aucune vifue*étrangère. A in i i , s’il
ne voyoit pas ceux qu’il a im o it j au moins n ’éroit-il pas
obligé de voir ceux qu’il n’aim oit pas , excepté toutefois
A lzia ri , que fes complaifanccs criminelles ne rendoient
pas plus aimable.
M ais fa fille q u ’il a i m o i t , fa fille qu’il dem andoit dans
tous fes difeours , dans toutes fes lettres , il a pafle quatre
ans fans l'embralll-r , fans recevoir de fes nouvelles.
D a n s toutes les lettres I B ien tô t cette unique c o u fo U -
�64
tion lui fut arrachcc , de peur qu'il n’écrivît à fa fem m e.
Il cft
prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u 'il y avoit dans la maifon les défenfes les plu s exprejjes de
ne remettre audit Seigneur M arquis aucune lettre de la p a n
de f a fem m e ni de tout autre , & de ne lu i fo u rn ir ni papier
ni plumes , afin qu'il n écrivît aucune lettre ni a f a fe m m e ,
ni a fe s amis.
O n dira fans douce qu’une trop grande application pouvo it être nuifible. Il avoit d on c au moins la liberté de la
p ro m e n a d e ?O u i, il fe prom enoit quelquefois : mais toujours
accom pagné d’un,valet fatellite , & quelquefois de deux, q u i,
pour ne le contrarier en rien , lorfqu’ il vouloir marcher dans
l'alléc de Sc. Jean , le forçoient a grands coups de poings de
marcher ailleurs. C e fait eft prouvé par la déclaration de
deux témoins oculaires.
Il cft prouvé que cette brutalité infolentc des V a l e t s , fc
m êloit m ême aux détails de leur fervice. Il eft prouvé par
une déclaration particulière , que C o u r t , l’un des dom eftiques placés auprès du M a r q u is , racontoic com m e
une
p io u e i l e , q u en chauffant ledit Seigneur M arquis , celui-ci
lui avoit donné un f o u jjle t , & que lui , Jean C o u rt, avoit
donné vingt coups de bâton f u r le dos dudit Seigneur M arquis.
arianne F lo u rt elle-même , fcm m c-de-cham brc de la
D a m e de Lom bard , fe croyoit aucorifée au mépris 6c à
l’oucrage , & difputoit audacieuiement
avec le M arquis
pour ne le contrarier en rien. Il eft prouvé par la déclara
tion d’un témoin oculaire , qu’un
j o u r , en fortant de la
tribune de l’ Egliic , M arianne difoic au M arquis a hautev o ix
: vous ctes f o x ,
0
vous fe r e ^ toujours fo u ,* ce q u e lle
répéta, cinq a f i x fo is d'un ton m enaçant..
La
�¿5
L à gardcrobe du Marquis ayant été pillée &c d ifp e rfé c ,
il a vécu pendant iîx années fans habits ôc ians linge. Il
étoit toujours à Cabris en robe-de-cham bre ou en vefte :
on a vu qu’il étoit parti pour Paris avec un feul habit 8c
d ix - n e u f chcmiies , fans bas & fans m ouchoirs ;
ôc la
D a m e de L o m b a rd , qui le plaint de n’avoir pas eu le temps
de faire faire íes m a lle s , n ’a pas encore fongé^ depuis plus
d e deux a n s, à lui faire parvenir un chiffon.
Les fenêtres de fa chambre étoient grillées com m e celles
d ’un fu rieu x ; 6c depuis qu’il eft à P a r is 3 dans cet état de
çrife 8c de trouble où l’on t réduit fix années de perfécurions , il intéreûe par fa tranquillité 8c fa douceur. Les
fenêtres de fa cham bre font toujours o u v e r te s ,
il fe p ro
m ène feul , il c o n v e r f e , il joue paiiiblement ; il fe livre
enfin avec un plaiiîr afïectueufement exprimé >àtous les amu*
femens que lui procure la petite fociété d ont il eft en vi
ronné.
O n a vu, dans le récit des fa its , qu’il étoit même arrivé aux
aftidés de la C u r a t r i c e , de faire coucher fans draps le Sei
gneur de la T e rre ,
un hom m e riche de 50,000 liv. de
rente. C ’efc ce que la D cm oifelle de C abris a affirmé à la
D a m e de Lom bard , en préfcncc des M a g iftra ts , Sc de tous
les parens aiTcmblés : aufli la D a m e de Lom bard a-t-elle dit
qu’on avoit amené cet enfant ( de 14 ans £c d e m i) aux
aflèmblées , pour lui faire infulter fon ayculc.
O n a fupprimé de ce trille récit , plufieurs détails <fjui ne
pourroient pas erre entendus fans dégoût. L e M arquis de
C abris, étoit dans fon Château , allimilé à ces infortunés ,
tombés par le bouleverfcment de tous leurs organes , dans
dans la claire des b r u t e s ,
attachés à la pierre qu’ils couI
�r
66
vrent de leur corps , & qui exiftenr >pour ainfi-dirc , au m i
lieu des horreurs de i’cxiiîetîcc.
V o ilà com m e la mère du M arquis de Cabris a f.iit inter»
dire Ton flîs , pour remplir envers lui un devoir d eptete /naicrnelU , pour obéir aux L o ix , pour v a lier fu r f a fanté.
Il étoit malade. La D a m e de L om bard
nous apprend
elle-même que des troubles antérieurs avoient a frotté fou
tempérament. Q a ’on
life
fes réponfes
faites devant le
C on fcille r-C o m m iila ire du Parlem ent d’A ix , & la manière
d o n t il parle , dans une grande tranquillité d’e f p r i t , des
foufrrances qui déchiroicnt fon c o r p s , attendrira les plus
infenfibles.
En cet é t a t , fa m ère, que la nature avoit établi fa g a r
dienne ; fa mère qui devoir faire au moins par tendrellc
ce qu’une autre auroit fait par humanité , fa mère s’empare
de l u i , le dépouille t l’enferme , l’e n v ir o n n e , pour guérir f a
f a n t é , de tout ce qui pouvoir augmenter fes douleurs , le
livre à dts m ercenaires, qui l’in fu lr e n t, qui le ty r a n n if e n t,
qui le frap p en t, &c qui pour le ca lm er, lui prodiguent des
alimcns Si des boiiTbns qui confu m cnt fes entrailles. P e n
dant lix années , elle écarte de lui tout ce qui pourroit le
rafleoir , le diftraire ; elle l’abreuve de privations & de dé
goûts : on diroit qu’elle s’exerce à embrâfer tous fes reff o r t s , moins encore par le régime brûlant q u ’elle lui fait
obfervcr , que par cette perfécurion le n te , décidée, qui mè
ne au défefpoir , Si. contre laquelle l'ame , pour s’ex h a ler,
dévore tout ce qui la retient.
Q u ’elle n’allègue point que ces fautes font les fiu tes de
fes a g e n s , Sc non pas les lionnes. C e qu’elle n’a pas fait »
elle 1 a laiiTé faire ; fie nous l’avons déjà d i t , elle eft c o u
pable de cousles excèscom m is en fon nom ôepar fon pouvoir.
�¿7
A u r o it - c n conçu le projet de juilifier un jour cette in
terdiction ü injnftement p ro n o n cée , Sc r/au roi t-on fuppofé
la dém ence que pour obtenir les moyens de la réalifer ?
D e s faits fi odieux exigent des preuves. Celles que la
M arqu ife préfente ne font pas fufpe&cs ; ce font des dé
clarations de quelques habitans de Cabris , fur lcfquelson
ne la foupçonnera pas d ’avoir e u , pendant le règne de fa
belle-mère , beaucoup d'influence ; elle a voulu cependant
proportionner les preuves à la publicité des faits ; elle a
dem andé , 8c elle demande encore qu’on
fafle fonner la
trom pette dans les rues de C a b r is , qu'on affcmble la mul
titu d e , qu’on interroge & qu’on écoute. La dame de L o m
bard s’y oppofe : cette réllftance eft un aveu forn\el. C e n’eft
pas avec les certificats du
D o c te u r , de ¿’honnête Chirur
gien y du Frère L a c e , du P rédicateur> du Chapelain , c ’eft-àd ;r e , de fes complaiians ou de fes co m p lice s, qu’elle peut
fe défendre. C ’eft la voix publique qu’il faut entendre. Si
elle n’a rien à fe reprocher , fi tous ces détails révoltans
fon t des m en fo n g e s, fon honneur exige qu’elle concoure
à l’enquête générale demandée par fa belle-fille. T a n t qu’elle
s’obftinera à fermer les cent bouches de la r e n o m m é e ,
on doit croire qu’elle eft coupable , puifqu’eüc craint d ’être
accufée.
Il n’eft perfonne q u i, en lifanc cette hifloire effrayante ,
ne tende auilitôt la main pour repoufler la dame de L o m
bard du cabinet du Juge à oui elle ofe demander encore
que fon fils foie interdit. Eft-ce donc pour le tourmenter
encore?
N o n ; nous ne lui faifons pas
cette injure : le cœur
d’Lne m è r e , de quelque intérêt qu’il foie a n im é , ne peut
lîj
�68
pas être cruel. N o u s avouons m ême qne relativement aux
excès com mis fur la perfonne de Ion iils s elle eft coupa
b l e , moins par fa mauvaise v o l o n t é , que par ia foiblciîc t fon incapacité (i) , par fa com plaifance aveugle pour tous
les intérêrs qui s’agitoient autour d’elle.
M ais elle v e u t, ou plutôt on la force de vouloir que fon
fils foit interdit , parce qu’il faut qu’elle ufurpe une puiff a n c e abfolne fur fa petite-fille , pour difpofer de fa per
fonne au gré de ceux qui guident fa v o lo n té , du M arquis
du Mirabeau , ou du
qu’elle obtienne
C o m te de G ra ile ; parce qu’il faut
encore l’adminiftration des b ie n s, p o u r
voiler ou pour confacrer les rapines de fes confédérés.
A l’égard de fa petite-fille, de la demoifelle de C a b r i s ,
rrous examinerons quel feroic ion f o r t , dans le cas de
l ’interdiction ; lorfque
nous aurons examiné l’état a£tuel
de fon p è r e , & fi l'état de fon père néceilite l’inEerdi&ion.
A l'égard des biens , il faut voir co m m ent la dame de
L o m b ard les a adminiftrés pendant fix ans , pour appren
dre fi elle feroit digne d e les adminiftrer encore.
A dm inistration
INJIBLLf,
L e premier devoir
d ’un C urateur eft de fa're appofer
les fccllés, ôc de faire l’inventaire des effets du pupille ou
de l’interdit. C e tte obligation , nécciïaire d’ailleurs pour la
décharge du C u r a t e u r , eft expreflement im pofée par les loix
R o m ain es, 8c plus expreifém ent encore par les itamrs de
P r o v e n c e , tant cités par la dame de Lom bard.
[ 1 ] S eytre, dans «ne
lettre du i M ars
1 7 8 } , parloir ainii de la»
d a m e de L o m b a r d : La cabale qui f a it mouvait e n te tête jo'tb le, qui ne
ja it p a s s ’ ndminiflrer tU t-m cm e , cette tête qui au roitbtfoin d ’ un C u xa ttu f
aulieu d ’eire Curatrice.
�69
M aires & alti Curatores, die cette loi lo c a le , cap.
de
T u tc l. arr. 10. S I tempore obi tus de cujus h xrcd itau agiuir
in dicla civitate pr.tfentes fu e r in t , illâ eâdem die obitûs ,
qu<e fa c iliter trunsferri pojjunt in tuto reduci capfafquefigillari fa c e tc per manum diclœ curiœ ordinarix pxosurent, de quibufquam atiiis poterit fie r it ettam ju ris commuais dilatione
pojlpojltâ deferiptionem debitam fie ri fa c ia n t cum ejfeclu ad
fa lv u m ju s minorum hujnfmodi. Q u o d fi ita fac-ere pofipofueTint, eifdem minoribus in cemum libris coronatorum LpfofacÎQ
tencantur ; pro qu/bus fie l esecutio realiter, prout fu prà , p r e f
iptione & apellaiione rejedis.
L a dame de Lombard devoit d o n c , au m om ent de fa
nom ination à la curatelle de Ton 61s , faire appofer les fcellés fur les effets d e fon fils , faire dreil'cr de tout un in
ventaire fidèle ; Sc faute d’avoir rempli cette formalité effc n tie lie , î'î’. c cit foumife à une peine pécuniaire , par la
loi même qui régit fa perfonne 6c Tes biens.
O n fe rappelle que le M arquis de
Cabris étoit encore
à A i x , pourfuivant fur l’appel de la Sentence du Juge de
G raife qui l’avoit in te r d it, lorfque , malgré cet appel ce r
tainement fuipenlit, la dame de Lombard ,
nom m ée C u
ratrice par une nouvelle S e n te n c e , faifoit enfoncer les ar
moires &
briier les ferrures du château de C a b r is , pour
fe mettre en pofîeilion de tous les effets de fon fils.
C ’étoit une fingulière manière d ’exécuter la loi qui lui
ordonnoit de faire appofer les fcclles.
L a même Sentence exigeoit que l’inventaire de tous les
meubles de l’interdit fût fait par un N otaire defi-gné, en
préfence d e l à C u ratrice & de deux païens.
�O n a vu nvrc quelle fidélité cct inventaire avoir été fait;
£c certes, en enfonçant les armoires , en brifant les ferrure?,
or; ne promet toit pas d’être fidèle.
U n mobilier de plus de 80000 liv. dont la M arquife de
Cabris repréfente aujourd’hui les mémoires & le s q uittances,
i’e trouve réduit à 1400 livres; n euf malles remplies de m eu
bles riches s tout récem ment apportés de P a r i s , n’on t pas été
ouvertes. O n n’a pas dit un m ot d’une b ib lio th è q u e , valant
au moins 11^000 livres; pas un m ot de l’argenterie ; pas un
m ot des meubles qui garnifioient l’habitation de la D a m e de
L om bard elle m ê m e , & donr elle n ’a que la jo u id a n c e; pas
un mot des meubles tranfportés par Ton fils à A i x ; pas un
m ot de tous les effets appartenans à la M a rq u ife d e C a b r is ,
laides à A i x , lors de fon enlèvem ent n o & u r n e , & devenus
le butin des Cervantes de la D a m e de Lombard.
Il eft: même conflaté par le fécond inventaire j fait en vertu
de l’A rrê t du Parlem ent de Paris, que plufieurs des meubles
dont on avoit daigné conftater l’exiitence , ont dilparu des
lieux où ils avoient été placés , pour être convertis à l’uiagç
de la D a m e de Lombard. ( 1 )
La portion la plus précieufe du m ob ilier, les titres de N o b le d e , les terriers, les pièces de recouvrement & de d éch arge,
tous les papiers enfin ont été l’objet d’une rapine plus révol
tante encore ; tk c’cft ici que la D am e de L om bard s’elfc
rendue coupable d ’un véritah'e-délit.
O n a vu com m ent les titres de famille Sc d’adminiftratiori
avoient été confondus Sc entaiTés fans defeription dans une
[ 1 ] Les
deux
inventaires ont ¿te joints
affeniblées de parens.
aux procès-verbaux des
�71
arm oire, fur laquelle le N otaire avoit appofé les fc e llé s , à la
réquiiîtion d ’A lz ia r i, Procureur de la D a m e de L o m b a rd , £c
des deux parensen préfence deiquels il falloit procéder.
L ’événem ent a prouvé que cette appolition de fccilés fur
des papiers précieux , dont 011 auroit dû faire la deferiptioa
la plus détaillée \ étoit moins une formalité remplie pour
éviter un travail long & p é n ib le , qu’un m oyen nouveau
d ’une invafion d ’autant plus crim inelle , qu’elle éioit c o m
binée fous un appareil judiciaire.
L a D a m e de Lom bard a brifé, ou fait brifer les fcellés
appofés fur cette armoire.
Elle s’eft e m p a r é e , &: elle a
difpcrfétous les titres. Cette perte effc inappréciable.Sans par
ler des terriers, & des pièces de recouvrem ent £1 de décha:g c , les archives do Cabris croient dépofitaires de tous les
titres de nobleflc , & ce dépôt feul pouvoit fournir les preu
ves à trente familles de Provence.
Les tirresde la rerre é toien t, pour ainii d ire, plus précieux.
E11 P r o v e n c e , point de féodalité ians titres. L a perte des
titres feroit pour la rerre de Cabris une perte au moins de
36,000 livres de droits Seigneuriaux.
L e N ota ire qui avoit appoié Iis fc c llc s , com m is par i:n
A r r ê t du Parlem ent pour les le v e r , & décrire tous 1rs
objers mis lous les fc ellé s, a conilaté par fon procès verbal,
qu’il avoic rrouvé les fcellés
b rifés,
bc
dans l’armoire
ouverte , des papiers relatifs à l’adm iniilration de la C u
ratrice.
avoit
Preuve n o u v e lle , mais in u tile , que la-C u ratrice
enlevé le« papier» renfermés dans cette a r m o ir e ,
lors du bifarre inventaire fait à fa re q u ê te , & qu’elle les
avoit remplacés par des papiers relatifs à fon adminiftra-
�T o u t ic
7Z
momie fait que le bris de fccllés eil un délie
qui ne peut être pourfuivi que par la voie extraordinaire, [ i]
Sa moindre confcqu encc cft de faire préiumer q u i l n a eu
Heu que pour fpolier les efîets mis fous la main de la
Juftice. [z]
i c i la preuve du délit c il com plette. La dame de L om b ard
efl d o n c convaincue d’une ipolation Ci confid érab le, que la
valeur des effets fpoliés ne peut pas être eftimée.
D a n s l’impuiflànce de nier le d é l i t , la dame de L om b ard
a voulu lcx c u fe r dan* fa Requête préfentée à la ({dernière
affemblée des parens. Elle a prétendu que ce fcellé n’é toit
point un fcellé ju d ic ia ire , q u ’il n’avoit pas été ordonne
par le J u g e ; que le cachet appofé étoit fon propre c a c h e t,
appofé par e l l e - m ê m e , & qu’ainfi elle avoit pu le rompre
fans y être autorifée par Juftice.
Excufe pitoyable Sc faulTe!
fcellés fur les effets
D ’a b o r d , l’appofition
des
de l’i n t e r d it , étoit une formalité
expreflément ordonnée par la Loi du pays : il n ’étoit pas
néceiïairc qu’elle fût
ordonnée par le Juge.
E n fai fane
appofer les fc c llé s , la dame de Lombard s’eft conform ée
à la Loi ; mais elle devoit auifi faire faire l'inventaire.
C e tte fécondé obligation c il une dépendance im m édiate
de Ja première.
[ i ] U n A rrê t d u P arlem ent de B a rjs , du 7 M a i 1 7 3 1 , a infirmé une
Sentence pai laquelle le L ie u te n a n t-C r im in e l d u C h â te le t a v o i t, fans
décret ni in te r ro g a to ir e , renvoyé à l ’audience fur une accufation de
corruption de dom eftiques pour rom pre des fcellés. L e m cn ie A r r ê t
décréta l ’inform ation pour parvenir à connoître les perfonnes contre
lesquelles la plainte avoit été rendue , & qui n’y étoienc pas nom m ées.
[ 1 ] R a v i o t , fur la coutum e de B o u r g o g n e , queft. 1 5 0 , n°. 37.
Enfuite y
�73
E n fu ite , le Juge n’avoit polht ordonne d ’appofer les
fc e llé s , parce qu’il avoir ordonné de faire l’in ven taire, ce
qui fuffilo t
pour conftater les quantités 8c les efpèccs
confiées à ia Curatrice. La dame de Lombard a fait appofer
les lcc'l^s fur les papiers , pour n’être pas obligée de les
invcnrorier : elle a tait ce que le Juge n’ordonnoit pas ,
pour ne pas faire ce q u ’il o rd o n n o it; c ’eft à-dire, qu’elle a
rempli la moitié de ion d e v o ir , pour fe difpenfer de l ’autre
moitié.
D a n s une tête auiïi fo ib le , il n’eft pas étonnanc que les
faits fe confondent. Ce n’eft point fon cachet qui a été
appofé fur l’arm oire; c ’eft celui du N otaire lui même. Il
faut lire les deux procès-verbaux. Il déclare dans le premier
qu’il agit en vertu d ’O rd o n n a n ce du J u g e , qu’il n ’a été
fait aucun inventaire des papiers, ôc qu’// a appofé le fc e llé
de fu s armes à la réquifition c^rs parties. Il conftare dans
le itc o n d , que ce fcellé a été brifé dans Ion a b f e n c e ,
q u ’il n’a été trouvé dans l’armoire aucun titre , ni de fam ille,
ni de p rop riété, mais des pièces de la geftion de la C u ratrice,
poftérieure à la date des fcellés.
E n f in , en fuppofant deux fauflecés : que cette appofition
de fcellés ne fut ordonnée ni par la L o i , ni par le J u g e ,
ôi que le
cachet appofé fut le cachet de la dame de
L om b ard ; ce ieroit d on c une rufe employée par elle pour
ecarter la defeription des papiers, Sc s’en faiiir im puném ent ;
&c cette rufe feroit d’autant plus co u p a b le, que le nom &
l ’appareil de la J u ftice , lui donnoient un extérieur impoiant.
C.'cil fur la foi de cette feinte fo r m a lité , que les parens,
ceniés
pre/ens à l’in v en ta ire , auroient confenti que les
turcs & papiers ne fu ik n c pas inventoriés. Brifer ce fimple
K
�74
cachet en l’ abfcnce de ces p a re n s , feroit une infidélité
auifi criminelle que le bris d’ un fcellé judiciaire» puifqu elle
auroit les mêmes c o n fé q u e n c e s , puifqu elle feroiî le prétexté
ou le m oyen de la fpoliacion des titres 8c papiers Tans
inventaire.
A i n i i , dans tous les c a s , la dame de L om bard ne pourroit exeufer l’omiiTion frauduleufe d’une formalité preferite
par la L oi & par le Juge.
D a n s tous les c a s , elle ne
pourroit fe juflifier de n’avoir pas fait inventorier les titres
& papiers pour les fouitraire &
D a n s tous les c a s ,
les difperfer à fon gré.
elle feroie coupable
d ’infidélité , &C
foum ife aux peines prononcées par la L oi.
L es autres abus de Tadminiftration fon t auifi nombreux
qu’intolérables.
O n a vu les meubles diiperfés & anéantis; ces meubles,
que le M arquis de C abris a vo it achetés à Paris , Sc donc
les mémoires fon t produits ; ccs mémoires montant à près
de 70,000 li v r e s , d ont la dame de L om b ard a payé ellem êm e une partie.
O n a vu les bois de h a u te -fa ta ye coupés & v e n d u s ;
les biens affermés par des
écrits fous fe iH g s-p riv és, &
pour des prix inférieurs aux prix offerts au M arquis de
C abris lui-même ; les fermages exigés d’a v a n c e ; les charges
&. les droits royaux arriérés; les terres féodales données
fans cenfives ; enfin , 300,000 livres au moins de dettes
contra&écs , 6c 300,000 mille livres au moins reçues &
dilapidées dans iix années , fans autre dépenfe légitime
que celle du Marquis de C a b r is , la peniion de fa femme Sc
celle de fa fille , & l’on a vu ce que le M arquis de C abris
pouvoit depenfer; 5c la penfionde fa fem me a été long-tems
�75
<3e 3000 livres , & cnfuice de 4000 livres , 6c Ion
fait
que fa fille étoit au C o u v e n t à G ra d e , à 100 livres de
peniion.
O n a vu le com pte de Seytrc arrêté fans d étails, Oins
d éb ats,
fans
pièces
juftificatives ,
&
Seytrc
conftirué
créancier de 61,000 l i v r e s , d ont 50,000 livres font déjà
p a y é e s , 6c doivent être refticuécs de l'aveu même de la.
Curatrice.
O n a vu fur-tout la tranfa&ion paiTée entre la Curatrice
& fes trois gendres , beaux-frères du M arquis de Cabris ,
par laquelle la C u ratrice fixe un prétendu fupplément de
légitim e
déjà doublem ent payé en 1 7 7 5 , Par ^es
k ° ns
offices de Seytre , alors curateur du Marquis de C a b r i s ,
à une fomm e d ’environ 200,000 liv. pour laquellcelle h y p o
thèque les objets les plus clairs de la fortune de fon fils,
6c l’on ie iouvient que ce fupplément de légitim e étoit
fixé par le tcilam ent du père c o m m u n , à 8000 livres pour
chaque feeur du M arquis de C a b r i s ,
ôc pour
les trois
c n fe m b le , à 14,000 livres.
T ou tes les
mains
pilloient autour
incapable , infouciante ,
de
fatisfaite des
la C u ratrice
refpe&s
qu’eile
recevoir tranquillement dans fon fauteuil à G r a l f e , 6c de
l’empire qui flatroit fa crédule Si. puérile vanité.
Les déclarations des Fermiers , annexées aux procèsverbaux
faits en l’H ôtel
de
M.
le
L ie u te n a n t-C iv il,
énoncent pluiieurs Maridemens donnés fur eux 6c acceptés,
lans énoncer aucun motif.
Le Bilan du fieur B o n in , [1] aujourd’hui annexé aux
[ 1] C ’eft au fîeur Bonin que la dame de L o m b a r d avoit afferme
pour lOjOOO livres ,
les moulins banneaux à h u ' l c j dont on avoir
K
ij
�7<Z
mêmes p rocès-verbaux, fait mention de plusieurs m andats
ou billets acquittés par l u i , fur-tout à A l z i a r i , pour 6,906
livres 10 fols 5 d en iers, &c cette lornme paroît acquittée
depuis le mois d ’O c to b re 1 7 8 1 , juiqu’au dix M a i fuivant.
C o m m e n t dans l’efpace de fix mois , &C à quel titre,, cette
fo m * ie a-t-elle été payée à A lziari ?
Le m êm e Bilan relate au 14 Janvier 1783 , un billec
de 4800 liv. payable a la fin du mois de Novembre fû iv a n i >
à M ‘ G a y te , A vocat de la dame de Lombard, 6c a&uellemcnc
ion fondé de pouvoirs.
C o m m e n t M e G a y te ctoit-il créancier de 4,800 liv.? [1]
O u a vu la C u r a t r i c e , partant pour P a r is , donner la
procuration la plus é te n d u e , pour régir & adminiftrer en
fon a b ( e n c e , à M e G a y t e , A v o c a t ,
0
quelquefois Juge v
lo r fq u il s’ agity pour l'intérêt de celle qu'il repréfentet d ’arrêter
offerc au M arq u is d e C a b ris 14 ,0 0 0 liv.
d eux
ans
après, &
Bonin a fait banqueroute
ceux q u i o f i o i e n t 14 ,0 0 0
livres n ’ont pas fait
banqueroute.
[ t j C e t t e queftion trouve fa réponse dans une L ettre de S e v t r e ,
du 6 * Î u in 1 783 , déjà im prim ée : «■11 en coûte
100 louis à votre
» maifon ; l’adminiftratrice donna à Bonin une quittance de cette f o m m e
»> le 14 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des moulins à écheoir en N o v e m b r e
» prochain,
»» tion de
» prouvent
3c en é c h a n g e , le failli donna
la m ê m e f o m m e , payable au
que d ’abord il 1avoit paffée fur
» & puis comme : l s p a r t a g e n t &
a
fe m êm e jour fon o b lig a m êm e
terme : fes livres
le com pte du P ro c u r e u r,
caufe de la fa illite ,
oit
a trouvé
» q u i l étoit plus convenable de le palier iur le com pte de \'A voca t
o qui figure dans le Bilan. O n n ’eft plus étonné k i de ce q u e ,
de
» brouilles qu ’ils é to ie n t, ils fe fo n t étroitem ent liés : on ajoute q u e
» t'eft aux dépens de votre maifon , & parce q u ’on abufe de la croy ance
o> £' de ¿>1 foibleffe de celle qui l ’ ad m inijhc* «
�77
Iss exécutoires du C onfeil d 'Ê ta t. O n î v u , malgrc cettc
procuration , paflée en préfence d’A lz i a r i, A lziari lui-mêm e
toucher les revenus de la t e r r e , com m e fondé de pouvoir
de la Curatrice. O n ne peut pas exiger un exemple plus
frappant de la licence autorifée par le défordre.
O n a vu enfin la C uratrice , pour raiTcmbler les reffources de fon vo y a g e & de fon féjour à Paris , exiger
d ’avance les revenus de
fon fils,
mettre
en gage Ion
arg en terie, vendre fes boucles d ’o r , arriver à Paris avec
24,000 livres dans fon porte-feuille, trouver fon fils & fa
p etite-fille réduits
au fimple n é ce ila irc , & 1 obtenant à
c r é d it ; ne pas leur tendre un é c u , & garder les 24,000
liv. appartenantes à fon fils, pour les frais de la demande
en interdiction qu’elle venoit intenter contre lui.
Il faut laiiler les ames honnêtes fc pénétrer de ce trait :
le fentiment eft plus éloquent que la parole.
V o ilà les preuves d ’une bonne adm iniitration , que la
dam e de L om bard préfente à la J u llic e , pour mériter Ht
obtenir le droit d’adminiftrer encore. [1]
La raifon
&
la
Loi la repoufl'ent avec mépris. Elle
FlNS DI non
prétend à la confiance de la J u ftic c , lorfqu’elle doit redouter * 1 c Ev ° 1K-
[ 1 ] 11 feroit ridicule de parler ici du prétendu co m pte par elle
rendu devant M * Boulard , ancien N o t a ir e , conform ém ent à la Sentence
d u 6 A v r i l 1784- C e co m p te 11’a été ni v u , ni examiné , ni débattu par
les parties intéreflees. N ’e f t - i l pas étonnant que M * Boulard , nncttn
N otaire ,
fe
foit
attribué
iine
au:orité
fuffifante
pour
allouer
les articles de ce c o m p t e , en déclarant q u ’il n ’a eu pour le fo rm er
que des renfeignem ens fuperficiels ? N ’eft-il pas plus étonnant e n c o r e ,
q u e les parties intéreflees, n’a y e n t p u , ju fq u ’à p r é fe n t , obtenir la c o m
m unication des Pièces Juftifkatives de ce prétendu cu .npie ?
�7*
Tes vengeances.
T o u te s
Tutor. £ Curât. du f f ,
les
L o ix
du
titre
de fu fpecl.
ÔC du cod, s’elevcnt contre -elle.
Suivant la Loi 3 de ce t i t r e , au f£, §. 16 .’ le tuteur q u i,
par fraude ou par n é g lig e n c e , n’a pas fait inventaire des
effets du p u p ille , doit être mis en prifon : T utores, qui
repertorium non fecerunt vinculis publicis jubetur conti
nt ri , & infuper pro fu fp e d is habentur. [1]
La m êm e L o i , §. 5 , prononce la deilicution du tu teu r,
s’il a commis des infidélités dans fa tu t e lle , s’il a caufé
quelque dom m age au pupille , s’il a fouftrait fes b ie n s ,
s’il a décourné fes moyens de fubiîftance. S i fo r te gm jfutus
in tutelâ e f l, aut fordidd egit , v el perniciosè pupiLlo , v el
aliquid intercepit ex rebus p u p illa rib u s, fufpeclum poflularc
licet.
La Loi 7 du même titre , §. 1 , punit par la deftitution
de la Vuteilc , non-feulement la fraude c o m m ife , mais la
négligence g roflière, parce qu’elle efl: très-voifin e de la
fraude : S i fra u s non f it adm ijfa, J ed lata neghgcntia quia
ifla prope. fraudent accedit ; removeri hune quaji fufpeclum
oportet.
La Loi 7 , cod. de fu fp . Tut. v e l Curât, décide qu’un
tuteur ou un curateur a cc u fé , doit être privé de ics fon c
tions & de fon p ou voir, jufqu’au jugem ent de l’accufation ;
6c pendant l’in t e r v a lle ,
un
autre
doit être chargé
['-] T o u t ce que ces L oix du tir. 16 du f f ,
de
ordonnent contre les
tuteurs fufpefts t elles l’appliquent égalem en t aux curateurs du furieux
8c «.lu prodigue.
N on tantum autem adolefcentis cu ra to r, f e d etiam
fu r io f î, vel p rod ig it uc fu fpeclus removeri p otejl. L eg. 5 , ff. de fufp. tut.
v e l c u u t . §. 1.
�79
l ’adminiftration. Eum quem ut fufpeclum tutorem v e l curatorem a ccu fa s, pend.en.tt caufâ cognitionis
ahjlinere ab
admïnijlraùone rerum tuarum , donec caufâ fin ia tu r , pr.tfes
Provincia juhehit. A liu s ramen intereâ in
locum ejus in
adminifiratione rerum ordinandus eji.
Ainfi d o n c , au m om ent où la dam e de Lom bard a été
accuféc ; lorfque la M arquiié de C abris s’eft élevée contre
les abus de Ton ad m in iftra tio n , lorfqu’elle a rendu plainte
d evant les premiers Juges des excès com m is fur la perfonne de Ton m a r i , lorfqu’clle a renouvel* Tes plaintes
devant M . le L ieu tenan t-C ivil; dès ce m om ent les fo n d io n s
&
r autorité de la dame de Lom bard auroient été fufpcn-
ducs , fi d ’ailleurs l’A r r ê t du C o n fc il des D épêches ne
l’avoit pas dépouillée de la curatelle.
Les plaintes de la M arquifc de Cabris auroient fuffi
pour néccffirer la difpoiition de la Sentence du 6 A v r il
1 7 8 4 , q u i , fur l’avis des parens a iîcm b lés, a nom m é le
fieur C o u rt Régiiïcur des biens du M arquis de C a b r i s ,
jufqu’à ce qu’il fût autrement ordonné.
1
E t lorfquc la fufpenfion de fes p ou voirs, s’ils fubfiiloient
e n c o r e , feroit prononcée par la Loi m ê m e , jufqu’au ju
gem en t de l’accufation , elle propofe férieufement de lui
rendre fes pouvoirs anéantis, avant m êm e que l’accufation
foit examinée.
C e c i démontre avec plus d’évidence encore la néceifité
de juger avant tout l’objet d^s plaintes rendues par la M a r
quifc de Cabris , le mérite des fins de non-rcccvoir qu’elle
¿lève contre fa b elle-m ère.
Si les griefs copfignés dans ces p la in te s , radminilfcratiçn
�8o
cruelle de
la perfonne , l’adm iniftration
deftru&ive des
biens , n’étoient pas pour la juftice fuffifamment conftatés
par les preuves que la M arqu ife de C abris p r é fe n te , il f audroic l'admettre , malgré la réfiftance de la D a m e de L o m
bard , à la preuve publique q u e lle
follicite
; & jufqu’à
l’événem ent de cette preuve , la D a m e de L om bard
ne
pourroic être écoutée ni dans fa demande en interdiction
de fon fils , ni dans fa demande à fin d !’être nom m ée C u
ratrice.
Mais les preuves acquifes fuffifent déjà pour éclairer la
J u ftic e , & fixer fa déciiion. Q u e faut-il d avantage que des
écrits que la C u ratrice n’ofe point attaquer , ôc fes pro
pres aveux?
D e s lettres de Seytrc , des déclarations particulières, donc
la D a m e de Lom bard auroic dû pouriuivre les auteurs, s’ils
cuiîent attefté des faits calom nieux ; aifurent tous les mauvais
ttaicemens d o n t le M arqu is de C abris a été l'objet 6c la
vi£time ; & la force avec laquelle elle réiifte à ce qu’une
enquête publique foie ajoutée à ces déclarations particu
lières , eft-ellc m ême une preuve invincible.
Les abus dans l’adminiftration des b ie n s, f o n t conftatés
par des écrits placés fous les yeux du M agiftrat.
Les M ém oires des meubles achetés à Paris par le M a r
quis de C a b r i s , m ontant k près de 70,000 liv. , fur lefquelles la Curacrice elle-m êm e a payé près de » 1,000 liv. ,
&, l’étrange inventaire fait par la C u ra trice , qui porte la to
talité
des
meubles
de
fon
fils à
1400 liv. font pro
duits.
L e com pte par lequel Scytrc a été, fans titre & fans ol jet,
conftitué
�8*
conftitué créancier de 61,000 Iiv. cft p ro d u it: les q u itta n
ces des 50000 Iiv. qu’il a déjà reçues, fon t repréfentées. La
coni'ulration par laquelle il eit décidé que Scytrc peut être
pourfuivi pour la reititution , même par la voie extraordidinaire , exifte dans la main de la D a m e de Lom bard.
L a trania& ion par laquelle le prétendu iupplémcnc de
légitim e des trois fœurs du Marquis de Cabris , a été por
tée à près de cent mille écus , cft produite.
Les baux faits
par la C uratrice , fous
fcing-pr.ivé &
pour des prix inférieurs aux prix offerts fon t produits.
Les faifics faites par les Receveurs des droits du R oi &c de
la Province , pour le payem ent des fommes non acquittées
par la C uratrice , ion t produites.
Les procès-verbaux du N o t a i r e , qui prouvent & îc bris
de fc e llé s , & le défaut d’inventaire des titres
p a p ie rs ,
iont produits,
t
Les quittances données par A îzia ri , com m e fondé de
pouvoirs de la Curatrice , & la procuration de la C uratrice
donnée dans le même te m p s , &c en préfence d’ A l z i a r i , à
M e G a y te , A v o c a t de G r a f f e ,
font produites.
Enfin , la Curatrice a avoué elle-même dans les aiTemblces de fa m ille, en préfence du M agiftrat , que pour faire
la guerre à fon fils , elle a voit mis en gage la ig e u te rie de
l'on fils, SC vendu les boucles d’or de fon fils.
Q uelles preuves voudroit-on
p ro u v é
chercher encore ? Il c fl;
que la D a m e de L om b ard s’efl: rendue, c o u pa bl e
de toutes les infidélités dont une feule , aux te rm e i des
L oix qui la condam nent , fuffiroit pour fa deilitution , il
elle étoit encore Curatrice. U n e feule fuiiiroit donc auiïi
‘
L
�S»
pour la rejeter loin de l’adminiflration qu’elle veut faifir ;
s’il éroit poffile que fon fils fût i n t e r d i t , s’il étoit poilible
que l’injare faite à fon fils par l’iniquité de la première
interdiction , ne fût pas capable de le garantir de la fé
condé.
Parens
nomi-
E n écartant la C u ratrice , il faut écarter avec elle les
natf.urs
8t ceux qui o n t
fRHMlÈRE Dcura* parens qui l’avoient nom m ée C uratrice
XÏLIE.
intérêt de la n o m m e r: encore par e x e m p le , ceux qui lui
ont prêté de l’argent q u ’elle difoit deftiner aux befoins de
l’interdit ; parce que le fuffrage des uns &
des autres effc
in d ign e de confiance.
En d r o it, les nominatcurs fon t garans &: rcfponfablcs du
T u te u r qu’ils n o m m e n t , parce que le Juge en confirm ant
leur choix , cède à l’aifurance qu’ils lui d onnen t de la fuffifin c e & de la capacité du Tu teu r. A u di font-ils tenus des
m êm es in té r ê t s , & fournis aux mêmes peines que le T u
teur dont ils font garants. (i)
D a n s l’e fp è c e je s parens qui on t fait nom m er la D a m e de
L om b ard C uratrice de fon fils ,
adminiftration. Leur fuffrage
fon t refponfables de fon
feul établit ce cautionne
ment dont rien ne peut les d é liv re r, ôc dont les circonftances rendent les réfuitats effrayans. L a
D am e de L om bard
cft abfolum ent infolvable. Elle ne pofsèdc rien : elle n’a
pour fubfiilcr qu’une penfion de 500a liv. , établie fur les
[ 1 J Etiam jidejujjbrem & Ltredem fidejujforis ad ratïonem ea/ndùm itfurarum revocandos ejje confiât , ad quam &
tutor rcvocatur. L e g . 3. if.
d e fid e j. & nomïna. & h*rc tuto.
Easdem reputaciones habebunt quas tutor : L e g . 5. Ibid.
�83
biens Je Ton fils pnr le ccilamcnt de Ton mari. O n vi ont de
voir l ’immenfité des répétitions
qui
v o n t être
exercées
contre elle. Les parens nominateurs, refponfables de fa g e f tion , n’ont pas d’autre m oyen
d’éviter le fardeau de ces
répétitions , prêt à tom ber fur eux par l’iofolvabilité de la
C uratrice, que de faire interdire encore le M arquis de C a b ris,
pour remettre dans la m êm e m a in , avec les pouvoirs d ’une
n ouvelle adminiitration , les Fautes de l’ancienne.
L a Juflice rejette leur fufFragc , entraîné par un intérêt fi
vifible &. fi grand.
C e u x qui ont eu la foibleiTe de prêter de
l’argent à la
C u ratrice fous le prétexte des befoins de fon fils in te rd it,
fon t animés par le m êm e in té rê t, 6c repoufléspar le m êm e
motif. Leur débitrice eft in fo lv a b le , & le feul m oyen qui
leur relie de ne pas perdre leurs avances , eft de faire inrerdire encore le M arquis de Cabris pour rendre à fa mère ,
avec les pouvoirs d ’une nouvelle adminiilrarion , le pou
voir d'acquitter les fommes prêtées.
M ais au milieu de ces votans intércûes , il en faut diftinguer trois qui joignent à l’intérêt com m un un intérêt plus
important. Les trois beaux-frères du M arquis de C abris ,
com batten t non-feulement pour fe fouftraire aux fuires du
cautionnem ent contracté par la nom ination de la D a m e de
Lom bard à la curatelle fi mal adminiltréc ; mais pour c o n ferver, s’il eft p o fu b leja portion des biens de l’interdit que la
C uratrice leur a li v r é e , fous le prétexte du prétendu fupplément de légitime. Le ieul moyen , co m m e l’on v o i t , eft
de faire interdire encore le M arquis de Cabris , pour conf a c r c r ,p a r l’autorité d’ une fécondé adminiitration., les rapi
nes de la première.
L
ij
�84
C ette expultîon de tous les nominacei rs de 1 ancienne
curatelle ÿ va trouver place lorfque nous examinerons le
nom bre & la diverfité des avis qui protègent ou qui co m
battent la demande a£tuelle de la D a m e de L om bard en.
interdiction de Ton fils.
S E C O N D E
Q U E S T I O N .
L e M arquis de Cabris e jl- il aujourd’ hui dans la nèccjfité
de l ’ interdichon ?
A près ce qui vient d’être dit , la première vérité qui doit
frapper , eft l’inutilité de cette queftion.
Si la demande de la D a m e
de Lom bard eft rejetée ,
co m m e elle doit 1 erre , par les indignités , les incapacités ,
les infidélités qui Ce raiTemblent fur ia t ê t e , il eft ieniible que le Marquis Ton fils , f û t - i l d’ailleurs dans la nécefliré de l’inrerdi£tion , ne peut pas être interdit.
Cependanc il le M arquis de Cabris eft aujourd’hui hors
d ’état d ’adminiftrer ia perfonne &. fes b ie n s , il faut que la
J-ullice veille fur lui.
« N ou s ne fommes que les adminiftrateurs de nos b ie n s,
» & la Loi qui nous en confie le g o u v e r n e m e n t, fe réiêrvc
« toujours l’empire abfolu qui lui appartient pour étendre
« ou refferrer notre pouvoir , fuivant les vues que la iageiTe
»» lui inlpire , & qui n’ont jamais pour objet que notre vém ri table intérêt. »
C eft en écabliiTant cette vérité , que le célèbre C o c h in
détailloit les d if lé r e n s moyens employés pas la Juftice pour
aflurer les intérêts des foibles d’c f p r i t , 5c des incapables.
�« D c-là font nées , continue-t-il , ces différentes précati» tions que la Loi prend courre des m ajeurs, pour empê« cher qu’ils ne diiîipent leurs biens , lorfqu’ils paroifténe
» incapables de les conicrver ; les uns font abfolumenc
» interdits de toute diipofuion , les autres ne le font que
» par rapport à l'aliénation des fonds ;
aux autres on
m donne un iimplc ^ o n f e i l , fans l’avis duquel ils ne peum vent contracter ;
il y en a qui ne font gênés que dans
» un feul genre d’action , par exemple , à qui on défend
» d’entreprendre aucun procès fans l’avis d ’iin A v o c a t.
»» L e remède change fu iva n t les circonflances, & c e f l la
» nature de chaque affaire qui règle la manière dont on doit
« pourvoir aux befoins de ceux a qui ces fecours fo n t n é c e f
faires. »
L a Juftice , dans cette circon ilance com m e dans toutes
les autres , appliquera donc le remède fuivant le befoim
Elle fera cc qui eit fuffifant : elle ne fera point ce qui eft
inutile. ■
D e u x partis font propofés dans l’ailemblée des parens.
L e p r e m ie r , conform e aux demandes de la D am e de
Lom bard. Le fécond , conforme aux demaxuies de la M arquife de Cabris.
Suivant le p re m ie r, il cil indifpc niable d ’interdire le M a r
quis de Cabris.
Suivant le fécond , il fuffiroit d’établir des confeils à l’adminiflration de fes biens.
Par le p re m ie r, dans le cas de l’inrcrdi£tion p ro n o n cé e ,
la D a m e de Lom bard feule, fans g u i d e , (ans confeils , cil
appelée à la curatelle de f'on fils , c ’cft-à dire à l'administra
�96
tion de fapcrfonne , de Tes b ie n s , & d e laperfonnc de fa fille.
Par le fé c o n d , dans le cas de l’interdiction p r o n o n c é e ,
la M arquife de Cabris eit appelée à la curatelle honoraire ;
le ficur Court,déjà nom m é régifleur, à la Curatelle onéraire,
toujours fous Paiiiilance de C onfeils éclairés.
Ii faut balancer les avantages ôc les inconvéniens de ces
deux partis , en oubliant pour
un m om ent les fins de
non-recevoir qui écartent la D a m e
de L om b ard 6c ceux
qui la pratiquent ÔC qu’elle favoriié.
I n u t i l i t é
L a liberté fociale eft le plus grand bien : la privation
de
I .' INTERDICTION.
de cette liberté eft le plus grand mal ; fie fi ce mal eft
employé com m e re m èd e, au moins ne fa u t - il l’employer
qu’à la dernière e x tr é m it é , lorfqu’il eft indifpen fable, &;
lorfqu ’un remède plus doux ne peut pas le remplacer.
» Q u e le p r é te u r , s’écrie la Loi , fe garde d ’enchaîner
>j un citoyen des liens d ’une curatelle, légèrem ent 6c fans
» connoillance de caufe. »
Si l’interdiction en
général eft un remède extrêm e ,
l’in te rd id io n prononcée pour caufe de d é m e n c e , a de plus
le
trifte
inconvénient d’étendre la tache
que fa caufe
p r o d u i t , jufqucs fur les defeendans de l’interdit.
Lorfque le citoyen frappé de cette interdiction , a des
e n fa n s , fie fur-tout des enfans q u i , par leur naiflancc 6c
leur fortune , ont des droits aux alliances les plus difting u é e s , il faut que l’interdiCtion foit d’une grande u tilité,
pour que le bien puiiTe compenfer le m a l, 6c c’eft encore
un m otif de ne l’employer que dans la plus grande néceffité,
6c à défaut de tout autre m oyen.
O n fait que trois caufes peuvent provoquer l’interdiCtion :
fureur, d é m e n c e , prodigalité.
�*7
D a n s le premier c a s , la Loi a deux objets : la sûreté
de la perfonne & la sûreté des biens. L e furieux peut
mettre en danger fa perfonne 5c celle des autres.
D a n s les deux derniers c a s , la Loi n’a q u ’un o b j e t ,
la sûreté des biens. 11 ne faut pas craindre que i’im bécille
&
le
prodigue attentent fur leur perfonne ou fur celle
des autres.
A i n f i , dans ces deux c a s , lorfque les biens font confervés
par des moyens déjà é ta b lis , ou lorfqu’ils peuvent être
affûtés par des précautions poflibles &. fuffîfanres, il ne
faut pas fonger à l’humiliante refl'ource de Tinterdidlion.
C es raifons on t introduit com m e une vérité g é n é ra le ,
que l’intcrdi£tion feroit in ju fte , parce qu’elle feroit inutile,
contre un hom m e d ’une telle foibleiïe d ’e f p r i t , q u ’il ne
pût manifefter
ni
m in e u r, parce que
exécuter aucune volonté ; contre un
la tutelle p ro d u it, quant aux biens
qu’il s’agic de c o n fe r v e r , le m êm e effet que l’interdi& ion
&. en fin , contre un hom m e dont les biens font fubftitués,
parce que la fubftitution feule rend toute aliénation impoiTible.
e ces principes g é n é ra u x , & pour en faire l’applicntion,
paflbns à l’examen de l ’état aftuel du M arqu is de Cabris
relativem ent à fa p e r fo n n e , Si relativem ent à fes biens.
L a r a ifo n , ce don fi g r a n d , qui diilingue notre efpèce,
do n t nous lorames fi fiers, eft un don fragile. L ’orgueil
de le poiTéder cil bien humilié par la foiblellè des relion s
d on t l’afTcmblage le p r o d u it, & dont l’accord le dirige.
Un
accident i m p r é v u ,
une
joie f u b it e , un
chagrin
c u :fa n r , tout ce qui franchit l’cfpace des effets ordinaires,
peur troubler ou détruire ces rcilorts d éliés, & fufceptibles.
de toutes les impreffions.
état actuel du
Dk
�88
Q u ’on choiiîile l’être de La plus robufte co n ilicu tio n ,
qu’on l'arrache d e .fa place o rd inaire, qu’on l’enlève à fes
habitudes
jo u rn a lière s,
facultés 6c de
à f e s . plaifirs ,
à l’ufage de Tes
fes rcflourccs ; qu’on l’a (TujétilTe à une
tyrannie longue 6c flétri l i a n t e , qu’on afloibliil'e les mem-*
bres par les douleurs , 6c fou ¡une par la iervitude ; cet
h om m e b ie n tô t ne fera plus un h o m m e ,
iî la railon efl
l ’unique attribut de {’humanité.
O n efl encore indigné de tout ce que le Marquis de
C abris a foufîert fous l’empire de la curatelle exercée par
fa mère. Interdit fans m o tif lé g it im e , au printems Je ion
â g e , au m om ent où fa majorité a ccom p lie, m ettoit dans
fa main
le libre ufage d’une fortune coniidérable ; cette
chaîne honteufe 6c non m é r it é e , pouvoit feule révolter
fon arne ôc troubler fes fens : ainfi , l’interdi£Uon feule
étoit capable d’opérer la caufe de l'interdiction.
É l o i g n é d e fa f e m m e , d e fa f i l l e , d e fes a m i s , d e tous
c e u x qui
la plus
lui é t o i e n t
chcrs ÔC agr éa b l e s , r e n f e r m é
pet ite c h a m b r e
é t é lcul
au
monde t
de
p ri v é
fon
de
c h ât e au ,
toute
comme
dans
s’il eût
communication
Sc
des plus (impies a m u f e m e n s , c o u v e r t d e h a i l l o n s , t y r a nn i f é
6ç b a t tu par fes va l et s ; c o n t i n u e l l e m e n t irrité , 6C par les
ri gueurs de fa c a p t i v i t é , 6c par le
il
éroit
nourri ;
pouvoit-il
comment
réfiiler à fix
cet
a n né e s
feu des
infortuné
de
cet
al imens d o n t
j eune
homme
étrange f u p p ü c c ,
aux efforts c o m b i n é s c o n t r e fa raifon.
La conduite des Subalternes déchaînés contre'le M arquis
de Cabris , ou plutôt enchaînés avec l u i , a trop decélé
Ipur objet. C et accord confiant des deux régimes contraires
à fa tranquillité, régime de procédés, régime de nourriture,
&
�&
89
fu r - to u t le propos d ’ A lziari $ que la maladie de fo n
maître étoit incurable ; qu'on pouvoit impunément lu i pro
diguer le c a f é , le vin , les liqueurs fo r te s , fans craindre
de lu i fa ir e plus de m al qu i l ríen avoit , aflfurcnt aflez
qu’on ne vouloir pas tourmenter le M arquis gratuitem ent,
& que la brutalité étoit m otivée par le projet d’anéantir
fon exiitence morale.
Sa
m ère,
feul auteur de ces
dangereux,
procédés
parce qu’elle les a p e r m is , ou parce qu’elle ne les a pas
empêchés ; c’eil fa mère qui vient aujourd’hui exagérer
leurs effets funeftes , pour juítifier ía perfécution paflée, &C
autorifer fa nouvelle perfécution.
C e tte penfée jette un fentim ent amer au milieu du raifonnem ent le plus froid.
Il ne faut pas croire cependant qu’un entier fuccès ait
couronné ce com p lot , &
q u ’on foit parvenu à enlever
au M arquis de Cabris la dernière étincelle de fa raifon.
Si nous prenons
l’engagem ent d ’expofer
avec vérité
l ’état actuel de fon e f p r it , nous exigeons au moins quelque
confiance. Il feroit injuite de voir dans un aveu le prétexte
d ’une réticence.
- Le
entière
Marquis
liberté
de Cabris
n’cit pas
toujours
d’efprit ; les tourmens q u ’il
pendant fix a n n é e s ,
dans une
a fouiFerts
en augm entant fa feniibilité ner-
veufe , ont aíFcdté fes facultes morales.
le
fouvenir de
fes douleurs, &, rout ce qui peut lui rappeler ce fo u v e n ir,
lui donne un accès de taciturnité & de m élancolie. A i n f î ,
c ’cit ce qui devroit exciter fes refpeCts, qui agite fes fens,
&
qui trouble
fes o rg a n e s; la préfence de fa m è r e , &
l’appareil d’un interrogatoire.
O n voit dans ceux qu’il a
M
�9°
prêtas devant M . le L i e u t e n a n t - C i v i l, moins un h o m m e
égaré , qu’ un hom m e aigri par la contrainte , 8c révolté
contre la tyrannie ,
qui refufe une réponie jufte à. des
demandes dix fois ré p étée s, 6c q u i , plus fouvent e n c o r e ,
ne veut ni écouter la d e m a n d e , ni faire la réponfe.
Son efprit cft tranquille , loin de tous les objets qui
peuvent lui retracer Tes infortunes. T o u s ceux qui l’entourent
attellent fa douceur. O n lui laiile la plus entière lib e rté ,
Ôc jamais il n ’a fait craindre le danger d ’en abufer.. Il
interroge , il répond avec juftefle : tous fes m ouvem ens
fo n t pofés 8c réfléchis. Il cft reconnoiiïant 8c afl'c£lueux
avec fa femme 8c fa fille. D e s perfonnes de la plus haute
diftin£tion n’ont pas dédaigné de le voir , de l’admettre
dans leur f o c i é t é , de faire la p a r tie , 8c l’on a ch oiii le
l'e R é v e rfis .
ieu le plus c o m p liq u é , le moins fufceptible de diftra£tion * ;
.
.,
/
•
,
, .
a
.
r
„
,
c
„
,
la prelcnce d c l p n t a ete la raeme ju iq u a la fin ; 6c après
quatre heures, de repos ôc de gaîté , l’humeur n ’a percé un
feul inftant qu’au fimulacre d’un interrogatoire.
D e -là
réfultent trois vérités.
L a p r e m i è r e , que le
M arquis de Cabris n’eft pas privé de l’cfpoir d’une entière
guérifon ; 6c les rapports des M éd ecins ôc C hirurgiens la
prom ettent avec alTez d ’aiïurancc. E n droit , cet efpoir
fuffiroit pour le garantir de l'interdiction.
La
&
seconde
qu’il cft
,
que la m élancolie n’eft qu’in fta n ta n ée ,
prcfque toujours libre de fens 6c de raifon..
E n d r o it, ces longs intervalles de tranq u illité, fuffiroienc
encore pour écarter la reiTource rigoureufe d’une inter
diction.
L a t r o i s i è m e , que m ê m e , dans fes m o m e n sd e vapeurs
ÔC de m é la n c o lie , il a l’extérieur paiiible ; que Ja nature
�9 1'
de fa maladie tend au repos
8c à l’apathie ; que dans
c e t é t a t , fes mouvemens lo n t lents &c mefurés t qu’il cft
enfin dans l’impofiîbilité morale d’attenter à fa perfonne
& à celle des autres.
C e tte dernière v é r it é , fixe & détermine l’objet fournis
dans la circonitance au loin de la Juitice. Elle n’a point
à veiller fur la sûreté de la perfonne. Elle ne doit être
occupée que de la confervation des biens.
A l’égard des biens
3 ils
fon t dans un état déplorable^
O n a vu les défailres de la curatelle exercée par la dame
de Lombard. Six années de mauvaife adminirtration , o n t
jeré dans la fortune du M arquis de C a b r i s , le trouble que
iïx années de mauvais traitemens ont porté dans fa perfonne.
M a is les fautes de fa mère ne peuvent pas être un m o t if
de l'interdiCtion qu’elle
demande ,
&
d’autres moyens
peuvent rétablir l’ordre &. la balance dans l ’adm iniitratioa
des biens.
D ’ailleurs, ces biens font fubititués, & cette fu b ititu tio n ,
dont l’efpérance a dirigé les plus ardens iniligateurs de
l'interdiCtion déjà p ro n o n cé e ,
repouifer l’idée
cil juilem ent ce qui d oit
d’une interdiction
néceilaire.
Parmi les
principes éta b lis, on a vu que l'interdiCtion étoit inutile
contre un hom m e déjà enchaîné par une fubllitution , Sc
qu’elle devoit être écartée par cela feul qu’elle étoit inutile.
C es m o tifs , éclairés par les meilleures in te n tio n s , o n t
v « 01 la fa-
entraîné les iufïragcs du tribunal de fam ille; de ce premier MILL£*
tr ib u n a l, établi par l’autorité fo u v e ra in e , pour juger fur
l ’état aCtuel du M arquis de Cabris.
O n a vu que ia mère n’avoit pu réunir que deux voix
M ij
�i fa demande en in te rd ictio n , celle du C o m te de G r a f f e ,
& celle du fieur de C om m cyras. [ i]
L e fieur de C om m cyras ne mérite pas cTÆtrc compté.
Sa conduite aux aiTemblées , a clairement dém ontré qu'il
ne vouloit l’interdiction que pour créer la dame de L o m b ard
cu ra trice , Se qu’il ne vou lo it établir cette c u ra te lle , que
pour protéger l ’agiotage exercé par lui jufques dans le
cabinet du J u g e , pour le m ariage projette de la dem oifclle
de C abris avec le fils du C o m te de G raile.
D ’ailleu rs, il s’eil rendu indigne de toute co n fia n c e %
par une fauiTeté volontaire. 11 a pris place dans l’aflemblée
en qualité de parent du M arquis de C a b r i s , [ i ] &. certes
[ i ] O n ne parle pas ici des v in g t - h u it procurations par lefquelles
v in g t-h u it parens de P rovence ont cru pouvoir donner leur vœu à
]’interdi£tion d em an d ée par la d am e d e L o m b a r d .
P our ccarter ces
v in g t - h u it c o m p la ifa n s , il n ’eft pas néceiTaire de rappeler l ’intérêt qui
d éterm ine en m ê m e - r e m s ,
&
q u i rejette leur fuffrnge. Il fufïit de
dire qu e ce v œ u , apporté de deux cents lieues , eft la preuve la plus
o d ie u fe de leur a veuglem en t & de leur m auvaife volon té. Ignorent-ils
q u ’en matière d ’incerdiétion ,
les abfens ne
peuvent pas délibérer :
parce q u e , pour pron on cer fur l ’état d ’un cit o y e n , il faut avoir fous le*
y e u x les fig n e î démonftratifs de fa dém ence 3 ou de fa préfence d ’efprit.
A u fu r p lu s , de ces 28 parens q u ’on préfente c o m m e la majeure par
tie &: la plus refpefbible de la fa m ille , le M a r q u is de V a u v e r n a r g u e s eit
feu l parent p a te r n e l, & encore au cinq uièm e degré.
T o u s les autres
fo n t parens de la D a m e de L o m b a r d . A i n f i , lorfqu e dans leur procura
tion , & dans Pailèinblée de f a m ille , ils prennent la qualité de parens
p a tern els, ils attellent une erreur volontaire , qu e la M a r q u ife de C a b r is
les défie de juflifier.
[ a ] Dans fon d i r e , au procès-verbal d ’a fle m b lé e , le fieur de C o m m eyras fe qualifie coujîn au quatrièm e d egré du côté p a te rn e l, à caufe de
�93
il n’cil lié à la famille de Cabris par aucun lien de p aren té,
quelqus éloigné qu’on puide le fuppofer.
Il pouvoit fe
préfcnccr com m e ami : l’ A rrêt du C on fcil des D épêches
co n voq u e les parais & amis ; mais fon vœu manifeftoic
q u ’il étoit encore moins ami que p a re n t, & entre deux
m e n fo n g e s , il a préféré le moins ridicule.
L e C o m te de G r a d e s’avance donc feul pour conqué
rir l’interdiction du M arquis de C abris ; Si c’effc ainfi qu’il
prétend pour fon fils à la main de la demoifelle de C abris.
C e mariage auroit pu convenir. M ais n’eft il donc d ’autres
moyens pour époufer la demoifelle de C a b r is , que de faire
interdire (on père ? Pou r captiver fon c œ u r , qui doit pré
céder fa main , n’eit-il donc d’autres moyens , que de graver
fur le front de Ion père une empreinte flé trid à n te; que de
livrer fon père aux mains avides & cruelles qui on t anéanti
fon e x iftc n c e , détruit fa fan té , troublé fon repos , & dévoré
fa fortune ?
Si le C o m te de G ra d e n ’a vu que ce chem in
pour
arriver à fon b u t , qu’il fe retire : fon vœ u refte inutile
com m e fon projet.
L a Juftice ne peut pas écouter un
fu d ra ge qu’un intérêt viiible [ i] accufe de p a rtia lité ; 8c
la demoifelle de Cabris déclare , avec toute la vivacité de
M adam e de V ille n e u v e , fo n e'poufe. L a d am e de C o m m e y r a s n ’eft point
née V illeneu ve. Elle eft fille d u fieur R abies t de la petite ville Ü A n o t t
dans la haute-Provence.
[i]
A cet intérêt , le C o m t e de GraiTe en joint un a u t r e , m o in i
r e m arq u ab le, à la vérité. Il eft oncle du C o m t e de GraiTe d u B a r , & du
fieur de St. C e z a i r e , beaux-frères du M arq u is de C a b r is , cautions de la
cu ratelle, & défendant pour leur propre co m p te r'envahiifem ent d ’une
portion des biens de leur beau-frère.
�94
Ton pays 6c la franchife de Ton â g e , que les Puiflances de Ja
terre ne pourront jamais la contraindre de fe donner aux perfccuteuis de Ton p ère,
6l
aux protecteurs de la perfécution.
L e C o m te de G rad e croit ou ne croit pas ce qu’il attefte
aux ailemblécs. S’il efl perfuadé que le Marquis de Cabris cft
m aniaque, affligé d 'u ne f o lie héréditaire , la fortune efl:-elle
un m o t if aflez puilïant, pour que le fils du C o m te de G ra d e
foit uni à la fille d’un m aniaque? Si le C o m te de G ra d e n’efl:
pas perfuadé de cette démence héréditaire, la fortune eft-elle
un m o tif a iîlz puidant pour que fa bouche démente fa penfée , pour qu’il déclare tout haut cequ ’il contredit tout bas ?
C o n tre
le fudrage
d ix - n e u f parens &
unique du C o m te de G r a d e , [ i]
amis préfens ,
rademblenc d ix - n e u f
fudrages contraires. Dépouillés de tout intérêt perfonnel,
exempts de toute p ré v e n tio n , ils ont prononcé fur l’etac
actuel du M arquis de C a b r i s , après un examen impartial
des événemens paiTés & des circonflances préientes
Ils
o n t remarqué dans la foiblcd'e actuelle de leur parent &C
ami j l’effet fu nede des mauvais traitemens a u ton frs par
fa première interdiction. Us ont reconnu dans les interro
gatoires & dans les rapports des gens de l’A r t , que cette
[ i ] O n a vu le M arq u is de M ir a b e a u , déclarer à la dernière aflem b l c e , q u ’il n’avoit pu voter pour l’interdiftion j mais la fuppofer d ’ ane
m anière cruelle , & rayer le M arq u is de C a b ris d e la lifte des v iv an s,
pour courir d ’un pas rapide à ce q u ’il defire uniqu em ent. N ’eft-ce pas en
effet feindre un pere m o r t , & m ort fans avoir laillé aucune trace de fo n
pouvoir p a te rn e l, que de vo u lo ir fe faifir de fa fille pendant ia vie , d e
d em an d er ferieufement à la Juilice que cette fille foit en ferm ée dans
u n C o u v e n t , d ’où elle ne fortiroit qu e pour être m a riée, o u elle n ’auroif
la liberté de voir fa mère & fes autres parens q u à la grille fe u le m e n t,
mais où elle verroit tres-librement le M arq u is de M ir a b e a u , lui diétanc
¿ e fp o tk ju e m e a t le m o y e n 8c le m o m e n t de fa liberté?
�foibleiTe d’efprir, dépendante de la foiblefTe des organes
étoir m omentanée , fufceptible de guérifon , fur - tout tran
quille , & toujours exempte de tranfports & dc m ouveniens furieux , tels qu’üs fiflrnt craindre pour la perfonne
du malade. Us ont jeté un regard d ’intérêt fur fa fille
unique, fur la dcm oifcllc dc C a b ris , âgée de quatorze ans
& d e m i, appelée par fa naiiTance & par fa fortune à une
alliance h on orable, & digne à tous égards d ’un m énagement
qui conferve dans l ’opinion publique & dans les cems \
v e n ir , l ’honneur dc ia p erfo n n e , & celui de fa poftérité
Entraînés par des motifs fi fages , les d ix - n e u f pa r c n '
& amis ont décidé que la perfonne du malade étant en
sû reté, foit par la nature de fa m a la d ie, foie par les foins
de Ion e p o u fe , dont perfonne ne peut le priver ; il falloir
rejeter la précaution humiliante dc l’in terdiction , puiique
d autres moyens ulités, faciles & fuffifans, pouvoienc veiller
à la c o n f e c t i o n des b ie n , , feul objet à régler dans ce
m om ent.
Parm i ces m o y e n s , ils on t choifi celui dont la Juftice
ellc-mem e d onne des exemples fréquens. Ils défirent q u ’elle
entoure le M arqu is de C abris de confeils ftgcJ & éclairés
avec le pouvoir d'établir & de diriger fur fts biens une’
adminiltration durable (i).
L a Juftice peut choifïr entre ces deux partis, interdic
tion ou nomination de confeils. E lle peut fuivre la v ’
partiale & ifoléc du C o m te de GrafTe, ou les voix
réunie
de d ix -n e u f parens & amis défintérefles. M ais Ja JuÎ^cc"1**
peut choifîr que cc qui cil rigoureufem ent jufle
pouvoir même détermine fon choix.
*
( i ) L e M arq u is de C a b ris a
une Requête du mois de Septembre dernier,
~
°n
r ~ ---------
” ” S* pn
\
�L ’intcrdi& ion , fût-elle d ’ailleurs fondée & u t i le , feroic
encore une iniquité b arb a re, parce qu’elle ne ieroit motivée
que par les brutalités de ceux qui la provoquent.
M ais clie cft abfolument in u tile , relativem ent aux deux
objets qu'elle doit e m b ra fle r; inutile pour la perfonne qui
n ’eft: point en d a n g e r ; inutile pour les biens qui feront confe r v e s ,
8c
par la fubftitution qui les enchaîne ,
ôc
par
l’adminiftration légale des confeils que demande le Marquis
de C a b r i s ,
que fa fam ille demande avec lui , & fatis
l'autorité defquels il ne pourra faire ni aliénation de fonds,
ni emploi des revenus.
Q u e l mal peut-on craindre ,
ôc
quels biens ne d oit-on
pas attendre de cette adminiftration , fi l’on nom m e les
confcils demandés par le M arquis de Cabris
ôc
par fa
fa m ille? L ’un eft c h e f d’un T rib u n a l-S o u ve ra in , [i] fujet
diftingué du M onarque lui-m êm e,
ôc dont
la modeltie feule
tient lccrets en ce m om ent les tém oignages honorables
qu’il en a reçus; les deux autres font deux anciens A v o c a ts
au P a rlem en t, [ i] dont le zèle peut feul égaler les lumières.
[ i ] M . T e y f l i e r , A u d iteu r de la R o te d ’A v ig n o n . O n obfervera q u ’il
eft parent de la d am e de L o m b a rd ; q u ’il a etc amené par elle aux
a ir e m b lc e s , Sc q u ’il s’eft déclaré le prem ier contre l ’in t e r d id io n q u ’elle
p o u r f u i t , après avoir entendu les f a i t s , & balancé les différens motifs.
E n le v o y a n t , fans le connoître , Sc fans autre raifon de confiance que le
caradtère dont il eft r e v ê t u , la M a r q u ife de Cabris a voulu rem ettre
entre fes mains le ju g em en t irrévocable d t ce trifte procès. Elle a propofé
à la dame de L om ba rd de confier ég alem ent fes p o u v o ir s à ce M a g iftra t,
fon parent, fou a m i , amené par elle aux a flem b lé es, qui terniineroit dans
deux heures une co nteftatio n, l’orig in e des troubles q u i déchirent la
fa m ille ,
&
le
germ e de m ille
autres conteftations.
L a d am e de
L o m S a r d a refufé.
f i l Mes d’Outremont <
5c de Beauféjour.
A in û ,
�97
A in fi, dans la balance de la J u ilic e , rien n’autorife l’inte-rdicfcion , 5c tout la co n d a m n e ; la fituation aétuellc du
M arquis de C a b ris , qui ne demande que des foins affectueux,
Si que ces ioins pourront rappeler, à cet état de fanté & de
paix dont il jouiiibic avant fon efclavage ; la ficuation de fes
b ie n s, déjà ftables dans les liens de la fubftitution, 6c q u i,
dans cous les c a s , feront fans doute plus utilement adminiftrés
par des C onfeils inftruits, que par un curateur, q u i, en ne
lui fuppofant pas l’incapacité abfoluc de la dame de L o m
bard, peut être très-inhabile aux affaires; &c e n fin , l’honneur
de la demoifelle de C abris , qui va devenir Pcfpérance d ’une
famille égale à la fie n n e , 8c dans laquelle elle d oit porter
feulement , les dons aimables que la nature a daigné lui
prodiguer.
Il ne refte à exam iner qu’une queflion incidente à celle
que nous venons de réfoudre.
D a n s le cas impoflible à n
p r é v o i r , où le M arquis de C abris fcroit in te rd it, q uelr
autre que la Marquife de Cabris fa fem m e pourroit pré- „
tendre h la curatelle?
Si la mère du Marquis de C a b r is , fi la dame de Lom bard
ne s’étoit pas rendue indigne de la curatelle qui lui avoit
été co n fié e; fi elle n’avoit pas traité fon fils com m e un
étranger , com m e un e n n em i., com m e un efclave ; on
pourroit examiner s’il exifle une concurrence ÔC un droit
égal cnrre-ellc 6c la Marquife de Cabris.
M a is depuis que fon in fou cia n ce, fa cruelle infenfib ilité,
& fon incapacité to ta le , fc font manifeftées par des œuvres
fi funeftes ; depuis qu’elle a perdu tous fes droits fur la
perfonne de fon fils , m ême le droit de pourfuivre fon
N
�interdiction , quand même elle fero t néceflaire ; on voie
bien qu’ il n’y a plus de livaliié , & que la femme feu.e du
M r.]u's de C abris pourroic être la c u r a tr ic e , s i l étoit
qucltion d’une curatelle.
C ’cit ici l’alarme générale.
Il eft tacile de fenrir que
t jus les intérefles, ceux qui ont fait interdire le M arquis
d e Cabris , 6c ceux qui veulent le faire interdire encore ;
ceux qui ont partagé íes dépouilles , ôc ceux qui veulent difpofer de ia fille, agitent avec effroi toutes leurs m a n œ u v re s ,
pour écarter le
m om ent
où
la M arqu ife
de
Cabris ,
jo ign an t les droits de la Juftice aux droits de la n a tu re ,
p o u rro it, dans fa iollicitude m a te rn e lle , fouftraire fa tille
à toutes
les intrigues qui
m en aien t fon
bonheur ,
fie
pourfuivre des refticutions immenfes fur les déprédateurs
des biens de fon mari.
Il n’eil pas étonnant qu’on a it , dans cette réfiftance,
épuifé tous les moyens d’invention , les faux p rin cip e s,
Jes faux raifonnemens , les calomnies.
11 étoit impoffible de nier que le droit ccm m un ne permît
d ’appeler une femme à la curatelle de ion mari in te rd it;
le fentim ent des Jurifconfultes étoit u n a n im e ; la Jurifprudcncc du C h â tc lc t offroit des exemples nom breux ,
ôc
l’ A rrêt du Parlem ent du 17 A v r il 1 7 3 4 , qui défère à la
M arquife de M cnars la curatelle de fon m a r i, étoit feul
un exemple ailcz d é c iiif, aflez refpcctable.
M ais on a voulu créer une excluiion particulière.
On
a prétendu que cette Jurifprudence étoit contraire aux loix
R o m a in es, 5c Spécialement contraire aux ftatutsde Provence.
C e c i eft une fuppofition : on eft obligé de renouveler cc
reproche , toutes les fois qu’il plaît à la dame de L om b ard
de renouveler fes erreurs volontaires.
�99
Pas un mot dans les ftatuts de Provence q uip u jile faire pré*
fumer ce qu’elle veut y lire. D a n s les loix R o m ain es, pas
une
trace d’cxclufion de la femme à la curatelle de fon mari.
La Marquife de Cabris a cité un A rrê t du Parlem ent
de P roven ce, du u Juin 1 6 9 4 , rapporté par le continuateur
de Boni face, qui nom m e une fem m e curatrice à l’interdiction
de fon mari.
Pluficurs A rrêts des autres Parlem ens des Provinces régies
par les Loix R o m a in e s , prouvent qu’ils fuivent tous la mê
me Jurifprudence , ôc qu’ils adm ettent , fu iva n tle s circonfta n ces, la femme a la curatielle de fon mari. B ouvot fournit
un exemple plus étonnant encore. Il cite un A rrê t du Parle
m ent, dont il recueilloit les d é d i i o n s , qui a nom m é une fille
curatrice de fa mère.
Les loix générales qui excluent les femmes des curatelles ,
com m e charges publiques, ne font pas obfcrvées dans le
Royaum e. Les deux Arrêts cités fuffifent pour le p rou ver;
& la curatelle de l’in te rd it, co tn m : droit h o n o ra ire , doit
être donnée devant le Juge , &
dans la forme preferite par
la loi , c ’cft à-dire , fur l’avis des parcnsaflfcmblés.
Il eft abfurde de vouloir appliquer à cette queftion la loi
14. ff. de curât, fu ri. qui défend de nomm er le mari curateur
de fa femme , de crainte qu’il ne la répudie pour fe difpcnfer de lui rendre compte.
D ’abord cette crainte eit une chim ère pour nous. L e d i
vorce eft loin de nos mœurs & de nos loix. Aulli B outaric
Sc les Auteurs qui ont traité la même matière , «mettent que
cette loi n’efi: pas obfervée, & que dans tous les Pays de D ro ir
É c r i t , le mari eft journellement curateur de fa femme mi
neure com m e en Pays Coutum ier.
D ’ailleurs , refufer au mari la curatelle de fa fe m m e , ce
N ij
�100
n’eft pas refufer -4 la femme la curatelle de fon mari ; furtout lorfque cous les biens de la fem m e font dotaux , lors
qu ' e l l e ne peut acquérir que pour fon m a r i , co m m e la M a r
q u i f e d e Cabris.
D e tous les Auteurs anciens & m o d e m cs>Bourjon eft peutêtre le feul qui éloigne la femme de la curatelle de fon mari.
Ce f r o i t , dic-il , renverfer l ’ordre naturel que de mettre un
mari fous la dépendance de fa femme. Il admet cependant
une exception en faveur de la femme d’un M a rch a n d , ôc in s
truite de fon com m erce.
U n A u teur moderne a remarqué qu’en général on peut
reprocher à Bourjon de manquer de c r it iq u e ,& que fouvent
les mêmes règles lui fervent à décider pour Sc contre.
En e f f e t , il venoit d’avouer q u e , co nform ém ent aux L o ix
R o m a in e s , un fils pouvoir être curateur de fon père interdit.
Filium f i fobriè v iv a t , patris curatorem dandum magis quam
extraneum. Il ne trouvoit pas révoltant de m ettre un père
dans la dépendance de fon fils. C e p e n d a n t, il faut convenir
qu’il y a moins d’inégalité entre un mari 6c fa femme qu’en
tre un père 6c fon fils. Auiïi l’on a v u , par l’ A rrêt de la Marqui fe de M én a rs,q u e le Parlem ent n 'avo it fait aucune atten
tion au fyftême ifolé de cet Auteur.
Le fils curateur de fon père refte toujours fous la puiffànce
de fon p ère, co m m e la femme curatrice de fon mari demeure
fous la puiiTance de fon mari. C e tte puiffance du père
du
mari i n t e r d i t , n’eft plus une puiffance d’exercice ; elle eft pu
rement légale.Elle fubfifte feulement pour l’utilité de ceux qui
la pofledent.
En donnant au fils la curatelle de fon p è r e , en donnant à
la femme la curatelle de fon m a r i , ce n’eft pas une autorité
�10X.
que la loi leur donne ; c’eit un devoir qu’elle leur impofc , un
devoir qui feroic prefcric par la nature , s’ il n’ étoit pas pfefcric par la loi.
L e fils cil in(pire par le re fp cil filial ; la femme par l’amour
conjugal , par la com m unauté d’intérêts ; & , com m e die
D argen tré fur l'article 491 de l’ancienne C o u tu m e de Bre
ta g n e , propter communes liberos & dignitaitm fa m ilU .
Il faut conclure de ces p rin cip es, que la femme n’eft pas
curatrice de fon mari de droit com m un , mais qu’elle peut
l’être par une jufte exception ; 2c que le Juge ne peut pas fe
difpenfer la n o m m e r , lorfqu’elle cil: appelée à cette charge
par les circonftances 5c jj>ar le plus grand nombre des parens
ailemblés.
D a n s l’cfpèce, on a vu la famille diviféc chez M . le Lieuten a n t- C iv il, entre la D a m e de L om bard ¿c la M arquife de
Cabris ; 6c fans avoir recours aux moyens de droic 6c de raiion qui repouiTent prefquc toutes les voix favorables à la
D a m e de Lombard , la Marquife de C abris emporte encore
la balapce. T r e n te voix choifiiïènt la D a m e de L om bard ;
trente fix appellent la M arquife de Cabris.
M ais bientôt la D a m e de Lombard reile feule, fi l’on veut
feulem ent rappeler le nom de ceux qui l ’environnent.
O n a vu quel intérêt animoit le C o m t e de GraiTe. C e
m o t if, indigne de l u i , eft égalem ent indigne de la confiance
du M àgiftrat.
O n a vu quel rôle jouoit le fieur de Com m éyras. C e rôle
peut prouver le zèle ÔC l’adreile d ’un négociateur , mais non
pas l’impartialité d’un Juge.
O n a vu que dix-huit parens, repréfentés par des fondés de
' P rocuratio n , étoictlc ou complices, ou caution^ où créanciers
Vœu bi la Famille.
�■i- r! ;
.
.
..
10 1
.
.
.
.
de la première adminiitration. C o m p li c e s ,-ils veulent rercn i r ' l s dépouilles injuftcmcnc'acquifes , càm m ç le prétendu
i
luppleaicnc de légitim e arrache par les bcaux-frercs.
Cau
tions , ils craignent de porter le fardeau des négligences ou
des infidélités de la D a m e de Lom bard. Créanciers , ils pré
tendent fe créer un moyen de recouvrer les fommes im pru
dem m ent prêtées.’ C es differens intérêts ne peuvent être
aflurés qu’en remettant la fortune du Marquis de Cabris en
tre les mains de cefle qui a com mis ou fouiîert les dépréda
tions , qu’une autre fera punir &. réparer.
Les dix autres ont
figné le M ém oire calomnieux fur
lequel la M arquifé de Cabris a éré privée de fa liberté.
C e t te démarche violente a prouvé qu’ils étoient fes enne'
m i s , 8c qu’ils m é d ito ie n t, depuis fept ans , la ruine de fa
famille.
j
D ’un autre c o t é , trente-fix voix impartiales défèrent la
curatelle à la M axquife de C a b r i s , dans le cas imprévu de
l ’interdiction de fon mari. D a n s le n o m b r e , on voit deux
pareils de la dame de Lom bard , amenés par elle aux ailemb lé e s , & qui n’ont pu fe décider contre elle j que fur les
preuves rapportées &
difeutées d evant toute la famille :
on voit onze parens très-proches de la dame de L o m b ard ,
q u i , n’étant point intérclFés à la première administration,
prononcent avec une entière liberté fur celle c,u’il i ’agit
d’établir. O n voit ii;izc parens du M a r q u i s de Cabris égale
ment recom m an d ab lçs, & par leur naillance , & par leur
forrunc. Sept amis préfens viennent ajouter leur lu il rage à ce
concours rcfpcdable.
Sur
¡(Il “
un Phjct d e t cette im p o rta n c e , Iorfque dans le*
L o ix générales
dans les Lo"ix particulières, rien ne co u -
�i °3
tredit le vœu de la farçiille , & lorfque le vœu de la famille
cft lui-m êm e néceflité par* les circonftauccs , c ’cil lui qui
doit déterminer & dicter le Jugem ent.
*
. Si la L o i , com m e l’allure la dame de L o m b a r d , refu fo it impérieufemenc à la M arqu ifc de Cabris la curatelle
de fon mari , la L o i feule iuftîroit au iyftême & aux cfp éranc.es de la dame de L om bard : les autres moyens Îeroicnt
inutiles.. E n .effet., fi le Code.,, le D ig e ftc & ' les. Statuts de
Proveucp , ne veulent pas qu’une femme foie curatrice de
fon m a r i, pourquoi invectiver cette femme ? Pourquoi la
calom nier ? Pourquoi tenter d’attirer fur elle les mépris
ou les foupçons du public & de la juitice ?
O n fe rappelle ces trois faits avancés dans la R equête du
r j pons1! ao
Bailli de M irabeau , Iorfqu’il v o u l u t , au Parlem ent d’Aix , u h ° c h , ! '
faire iupprimer un M ém oire de la M arqu ife de Cabris ,
faits
menfongers
tant de fois répétés , &c tanr de fois
détruits !
La dame de Lom bard en a fait encore fa principale défenfe devant M . le L ie u t e n a n t - C i v i l , pour oppofer au
moins
le ton du reproche
aux reproches dont elle eit
accablée.
Elle reproche donc
à
la M arqu ife de C a b r i s , d’avoir
livré les biens de ion mari à la plus folle dilîipation, de
lui avoir fait contracter pour plus de i 20,000 liv. de dettes,
de lui avoir furpris deux procurations pour faire des e m
prunts encore plus confidérables, de lui avoir fait faire un
teilam ent m yjlique en fa faveur. (1)
[ 1 ] L a d a m e de L o m b a r d
ne s’en tient pas à ces reproches ; elle
renouvelle les calomnies pcrfonelles q u e l l e a colportées dans les B nreru x
C o n t r e
l
*
�io 4
Les réponfes ne font pas difficiles.
D a n s fon com pte fi fingulièrement rendu devant M e
Boulard , la darne de L om bard déclare elle-m êm e q u e lle
a pris l’adminiftration dont elle va rendre com pte , des mains
ù tS 'c y ir c , C v r a t i u r à la minorité du M arquis de Cabris
depuis le décès de fon père , 2c ion
F
o n d e
de
po uvoirs
,
depuis fa majorité jufqu’à fon interdiction. C ertainem ent la
M arqu ife de Cabris n ’a jamais pu difliper le bien-de fon
m a r i , fi elle ne l a jamais adminiftré.
La M arquife de Cabris a annexé à fa R equ ête du a i
O f t o b r c dernier , tous les actes des emprunts faits par fon
mari avant fon interdiction.
des M in iftre s , dans les T r ib u n a u x , Sc q u e fes I ¡b e lle s , imprim es par
m illiers , ont verfées dans tout le R o y a u m e . L a M a r q u ife de C a b r i s ,
dans fes premiers écrits, a oppofé à chaque fait des preuves co n traires,
& des preuves écrites. Ici un m o t doit fuffire. C e s calom nies l ’ont fait
exiler de Paris à L y o n en 1 7 7 7 . L ’ordre a etc révoqué 14 jours après fur
fa feule dem an de. En 1 7 7 8 , ces calomnies l’ont fait arracher des bras
de fon mari q u ’elle d é f e n d o i t , &
l ’ont confinée dans un C o u v e n t des
M o n ta g n e s de Provence. Seule elle a fait jug er les m otifs de cet o r d r e ,
ôc feule elle a o btenu fa révocation. C e s c a l o m n i e s étoient la plus appa
rente raifon des Ju gem en s de Provence. Elle a d em an de juftice po u r t l!e
& pour fou m a r i , au C o n f e i l des D épêches de S. M . T o u t a été examiné.
L e M iniftre m ê m e duq uel étoit émané l ’ordre contre la M arqu ife de
C a bris , étoit M e m b r e du T r ib u n a l. T o u s les Jugem ens rendus en P r o
vence contre-ellé Sc contre fon m a r i , ont été annuités. L e M arq u is, c!e
C a b r is a été délivré des mains dé fa m ère , 8c placé fo us les yeux dé fa
fe m m e . L a d em o ifelle de C a b r is a été enlevée à fon a y e u l e j & rerriife'
entre les mains de fa mère. C e t t e réponfe eft aiTez b o n n e , Sc la d am e
de L o m b a r d daignera s’en contenter.
R c c o n n o iilà n c c
�!°5
ReconnoifTance de 12,000 iiv. empruntées le
21 M ai
17 7 3 , par le M arquis de C a b r is , alors m in e u r, &, aflïfté
de Seytre , fo n curateur.]
R c co n n o illa n c e de 10,000 liv. empruntées le 19 Juin
1 7 7 3 , par le M arquis de C a b r i s , alors m i n e u r , &: afliftc
de Seytre, fo n curateur..
R en te de i.,6oo 1. fans retenue , au principal de 32,000 1.
conftituée le 2.1 N ovem bre 1 7 7 j , par le M arquis de Cabris,
encore m in e u r, ôc ailiité de Seytre >fo n curateur. (2)
R en te
de
1,400
liv. fans
r e t e n u e , au principal
de
2,S^ooo liv. conilituée le 5 Mars 1 7 7 7 , par S e y tre , fo n d é
de la procuration générale du M arquis de Cabris , alors
majeur.
R en te de 900 liv. fans retenue, au principal de 18,000 1.
conftituée le 4 Juillet 1 7 7 6 , par Scycre, fo n d é de la pro
curation générale du Marquis de Cabris, alors majeur.
C es a£tes , qui portent les emprunts faits par , ou pour
le M a r q u is , à i i o , o o o l i v . , prouvent qu’ils o n t été fa its ,
partie pendant fa m inorité fie par fon c u ra te u r, partie pen
dant fa m a jo r ité , par fon fondé de procuration g én éra le ,
pendant l’abfence de fa
L yo n ; c e t o i t
femm e.
A lo rs elle étoit à
l’époque des troubles fcmës entre-elle
ôt
ion mari. Il faut être au-deilus d’un démenti , pour accufer
la M arqu ife de
Cabris des emprunts faits pendant Ton
abfence , facilités ôc autorifés par les A g e n s publics de la
tyrannie &C des déprédations d ont elle demande vengeance.
[ 1 ] Sceytre & A lzia ri faifoienc prêter cet argent , & eux - m ê m e j
c o m m e Procureurs des créa nciers, font faifir aujourd’hui les biens du
M arqu is de Cabris.
o
�i o6
II eft très-vrai que le Marquis de Cabris j
peu de temps
avant fon. interdiction , a donné à fa femme une procuration
à l'effet d’emprunter 2.0,000 livres; mais la Marquifc de
Cabris a-t-elle emprunté zo>ooo livres? N o n , elle n’a pas
emprunté un fol en vertu de cette procuration. U n e procu
ration ne peut exiilcr que par fqn e x é c u t io n , comme le
pouvoir ne ie manifefte que par fes eff ets. Lorique la M a r
quifc de Cabris n’a pas ufè de cette procuration, quelle abiurde méchanceté de dire qu’ elle l’avoit furprije à Ion mari
pour en aimj'cr!
A u iurplus, cette procuration eft la fe u le ; c’cft encore
une p etite malice de la dame de Lomb ard , ou de
ceux
qui la dirigent , d ’en avoir annexé deux aux Procès-ver
baux d’affemblee, lc de les appliquer toutes deux à la M a r
quifc de Cabris. Il feroit difficile de dire à qui la fécondé
étoit deftinée ; mais il eft certain qu’elle ne ro it pas deftinée à
une fem m e. L e nom du Procureur eft en blanc, ôi le Procureur
eft annoncé partout fous une dénomination mafcuune : fa
date prouve quelle a été fouferite vingt-quatre heures après
celle donnée à la Marquile de Cabris. La minute a toujours
été entre les mains de la dame de Lombard. T o u t imiique
que cette fécondé procuration avoit été réellement furprife
au Marquis de Cabris, pour révoquer celle donnée la veille
à fa femme.
A l’égard du T e f t a m c n t , dont on prétendoit autrefois
que les difpofitions avoient été connues Scdilcutécs lors de
l’Arret du Parlement d’A i x , la dame de Lombard convient
a u j o u r d ’hui qu’il eft m y fliq u c, ôC par conféquent clos & se
cret ; fi l’on pouvoit reprocher au Marquis de Cabris d’a
�107
v o ir .d é p o fé Ton teilam ent dans les mains de fa femme;,
quelle difpntc pourroit s’élever fur les diipoficions ignorées
d'un hom m e vivant ?
Q u e peuvent ces reproches v a in s , pour enlèvera la Marquife de Cabris l’honneur de la curatelle de Ton m ari?
N o u s difons l'honneur,
c’ell une obfervauon qui ré
pond à tous les re p ro ch e s, & qui prévient les-plus hardis
foupçons.
T a n d is que la dame de L o m b a r d , incapable par Ton âge
autant que par fa foibleilè , accufcc & convaincue de tant
d ’infidélités, demande à haute voix que ion fils foie inter
d it, pour administrer f e u le , fans fe c o u r s , fans confeils,
fes biens qu’elle a difperfés; la M arquifc de Cabris , forte
par f i jcuneile &c par l’expérience de fes malheurs , ne de
m a n d e , dans le cas où , contre toute juftice, fo n m ari feToit in terd it, que l’honneur d’être fa C u ratrice, & e.lle de
mande cet h o n n e u r , parce que ce feroit une injure de le
lui refufer. Elle ne veut point adminiftrer les biens; elle ne
veut que veiller fur la p erfo n n e , vivre auprès de fon m a r i,
réparer le défordre de fa fan té , tandis qu’ un confeil éclairé
réparera le défordre de fes affaires, & lui faire oublier ,
s il eff poilible , par toutes les douceurs d ’une vie tranquille,
les tribulations dont il a été iî long-temps tourmenté.
C ’eft conform ém ent à la demande de la M arquife de C a
b r is , que le plus grand nombre des P a ro n s , toujours dans
le cas de l’interdiction qu’ils n’approuvenc p a s , en la nom
m ant Curatrice honoraire, nom m ent M c C o u r t , Curateur
onérairc, ôc le foum ettent à l ’autorité d ’un confeil.
M e C o u rt cft celui que la Sentence du
6
A v r il
1784 a
provisoirement c h a r g é , iur la nom ination des p a r e n s ,d e
O ij
�108
l ’adminiflration dont la dame de L om bard a été dépouillée.
C ’eft un titre pour être ca lo m n ié ; il fuffit que M e C o u rt
foie appelé par les parens à la charge tant convoitée par la
dame de L o m b a rd , pour qu’on
reproches de négligence
8c
tente de l ’exclure par des
d’infidéliré. Q uels
reproches
dans la bouche de la dame de L om b ard !
C ep endant le choix des parens mérite d’être juftifié.
M c C o u r t , Procureur au Parlem ent d’A i x , jouit d’une
bonne renom m ée , qu’il doit à fa probité autant qu’à fes
lu m ières; il administre les biens du M arquis de Cabris
depuis environ dix-huit m o is; il a renouvelé une partie des
b a u x , ÔC ceux qu’il a renouvelés ont donné une augm en
tation annuelle de 5,000 liv.
L a d ame de L om b ard lui reproche de n’avoir fait verC ontre i «
c’ fer dans la caiiTe du Séqueftre, qu’une fomme de 1300 1.
tu u .
& de n’avoir point affermé les moulins à hui'e. La modicité
R é g isse u r a
de la dernière récolte préfente l’apparencc d’un défavantage
que le parti de la dame de Lom bard relève avcc une mauvaife-foi vraiment criminelle.
C es m o u lin s , affermés par la dame de Lom bard 20,000
li v r e s , ôc qui auroient dû l’être au m oins 14,000 livres,
n ’o n t rapporté l’année dernière que 7,5 6 9 liv. 7 fols 3 d.
Q u ’un hom m e né 6c vivant à Paris , dont les terres bor
dent les remparts de Paris , ne puifïc pas calculer les ré
coltes de P r o v e n c e , cette ignorance n’éronne pas; mais
que la dame de Lom bard , qui a vécu 70 ans fous les oli
viers Prov.cnccaux, affecte d ’ignorer que les produirions
de cet arbre font alternatives ; que la bonne 6c la mauvaife
ré o ltc fc fuivent avec cette régularité dont la Nature a
marqué tous les ouvrages : que cet ordre altern atif, général
�ro9
dans tous les cantons de la P r o v e n c e , cil encore plus fCnfiblc dans les cantons voiiins des m o n ta g n e s , & plantés de
vieux oliviers; que
la dame de Lom bard alfecle furcouc
d ’ignorer que l’année dernière a été vraimenr défaflreufe,
qu’elle n’a pas rapporté la moitié d’une mauvaiie ré co lte;
& qu’cllç a iîe & e cette ignorance pour en faire un reproche
grave & le m o t if d’un foupçon in ju rie u x , cette mauvaifefoi efl intolérable.
L a M arquife de Cabris a annexé à fa dernière requête
le certificat des C onfuls de G r a t te , donné le 29 Septembre
d e r n ie r , &. le certificat des C onfu ls de Cabris , par lequel
ils attellent que dans le terroir de G ra d e &
les terroirs
voiiins , la nature a divifé les récoltes des olives par bonne
& mauvaife a n n ée ; &c que la bonne année produit HUIT
fois plus que la maavaife.
Q u e cette différence énorme ne furprenne pas ; on peuc
promettre avec affurance que ces moulins à h u ile, qui n’onc
pas rapporté 8,000 livres l’année dernière , rapporteront
cette année plus de 50,000 livres.
L a M arquifc a annexé à fa dernière requête le com pte
(1) que M c C o u rt s e ft
cmprcfie d ’envoyer à la première
nouvelle des reproches de la dame de Lombard.
Il fa it, dans le préambule de ce c o m p te , l’obfcrvation
qu’on vient de lire fur la différence des récoltes , 5c il ajoute
q u ’ il avoit fait procéder à des enchères pour affermer les
moulins à huile ; mais que ceux qui avoient dcjjein de pren-
(1) Par le r-éfultat de ce c o m p te , M<-‘ C o u r t efl: en avance de 10 9 6 Jiv.
j f o l s 9 d.'; il a reçu 5798 l i v . 1 2 fols 6 d . & i l a dépenfe 6 8 94 livres 18
fols 3 deniers.
�1tO
dre cette F er m e, furent rebutés par de fa iffe s ctaintes que
certaines perfonnes du P a y s leur infpitèrent.
La dame de Lo m b ar d reproche donc au Regiiïeur de
n ’avoir pas fait ce q u e l l e , ou fes agens l’ont empêché de
faire.
Le Régiflcur obfcrve encore qu’il eft intéreflant pour le
Ma rquis de Cabris que fes moulins ne foient pas affermes
cette année , par deux raifons : d’abord , parce que la récolte
pendante doit donner un produit cxccdant deux années
de la Ferçne ordinaire , êc enfuitc parce qu’il pourra favorr
]c véritable produit de fes mouiins , qu’on ignore depuis
environ 10 ans.
Le Régiflcur répond avec la même énergie au fécond re
proche de la dame de Lombard.
En effet., n ’cft-il pas ridicule que la dame de L om b ard
fe plaigne de ce que la caille du Séqucitrc n’a reçu encore
que 1300 liv res, elle par qui les biens du M arquis de C a
bris ont été pillés pendant fepe a n s , &
font enchaînés
aujourd’hui.
L e R égiflcur obfervc tout ce qu’on a déjà vu dans le récit
des faits : qu’elle avoit exigé d ’avance 20,000 livres fur la
Ferm e des moulins
à h u ile , ôc environ 1700
livres du
Ferm ier de la T e rre de Blézardes. Il obfcrve qu’elle avoit
laiilé arrérager les im portions de la N o b lcile , la capita
tio n , la taille
8c
les intérêts dûs aux Créanciers légitimes
de fou fils, Sc qu’elle avoit négligé des réparations cflèntiçllcs.
Il obfervc que peu de temps après la, nomination du Sé~
�111
quef l re , (i) les rentes & revenus du Marquis de Cabris ju re n t
Jai fis pour les fr a is de f a tranßadon a P aris , & par d ’ autres
f a i f e s fa ite s a la Requête des fieur de G ourdou de Gras , 6
la D am e de S. Ce\aire ( z ) du fieur M a ß e , M ‘ de P en fo n a
P a ris , & de la Dam e Prieure du Couvent de Bon-Secours.
Il
oblcrvc que' toutes ces fa ifles ont été fu iv ies de celles
fa ite s a la requête des Dem oifclles de B o n p a r, du fie u r de
T a rd ivi , & du fieu r Courmes , Créanciers du M arquis de
Cabris , ( 3 ) & enfin par une autre à l.i requête de la Dam e
M arquife douairière, (4) de forte , ajoute le Régi fleur , qu’ il
n ’ a prefquericn reçu des Fermiers, dont les mains ont été liées
par les diverfes fin fie s.
Q u e la D a m e de Lom bard trouve une réponfe , s’il c il
pofîible. C es cfForts contre la probité & la capacité de l’iiom (1) C ’eft-à dire t peu de temps après la Sentence du 6 A v r i l 17 8 4 ,
q u i a enlevé Paiiminiilration à la D a m e de L om bard.
(1) Pour l’exécution de la tranfaétion qui porte le prétendu fnpplém ent de légitim e à plus de 100,000 liv., tranfaétion annullée par l ’A rrêt
du C o n fe il.
(3) C e fo n t les créances facilitées par A lzia ri & nutorifées par S e y t r e ,
c o m m e curateur , ou c o m m e fo nd é de pouvoirs du M arqu is de C a b r is ;
&: aujou rd ’h u i , c’oft: Seytre } c’eft A lzia ri qui fe trouvent Procureurs
des créanciers, & qu , en cette qualité ; pourfuivent & font faiiir les
biens.
-
(5) N ’eft-on pas étonné ou indigné de voir la D a m e de l om bard fe
préfencer elle - m êm e c o m m e créancière de fon f i l s , lorfqu ’elle a diilïpé
plus de 100 m ille écus fur fes r e v e n u s , lorfqu’elle a grevé fes biens de
plus de 100 m ille écus de dettes ? N ’eft on pas ind ign é de la v o i r ,
comme créancière 'de fo n f i s , failli' & enchaîner dans les mains des 1e r m i e r s , les revenus de fon fils , & fe plaindre de ce que les revenus de
fun fils
ne font pas dépofes dans la caiiTe du Séqueftre ?
�1I
X
me appelé par les circcnftances 5c par la Fa mil le , a 1 adminiftration des biens , atteftent l’inutilité des calomnies hafardées contre la Marquife de Cabris , qui ne veut pas adminif*
trer ; Si dans ces reproches infeniés , on voit plutôt le défefpoir du fuccès certain de la belle-fille , que l ’cfpoir de réuilîr
elle-même.
Elle cil il loin d’efpérer , qu’on annonce autour d ’elle que
dans l’impoilibilité de la nommer curatrice , les Juges n o m
meront un curateur d’office , autre que ceux indiqués par
les parens.
C e fyftême tient du délire qui agite tous les fyflêmcs de
l ’aiTociation. 11 faut une caution à l’in terdit, co m m e au pu
pille. Les pareils nominateurs (ont cautions du curateur q u ’ils
nomment. Les Juges doivent confirmer leur choix , s’ils ne
veulent pas être eux-mêmes cautions du curateur qu’ils fubfûitueroienc au choix des parens. Leurs fonctions refpe&ables font déjà trop onéreufes, pour leuriuppofer ledefir d’en
augmenter le fardeau,
D a n s l’efpècc , il faut donc fe décider entre deux perfonnes préfentées par la famille , la mère & Tépoufe du Marquis
de Cabris.
E t c o m m en t balancer ? Sa mère cft rejetée par la loi. Elle
cft comptable d’une curatelle déjà e x e r c é e , d ’une curatelle
fouillée de tous les abus que l’incapacité, l’infouciance &c l ’indélité peuvent accumuler. Elle cft comptablcde toutes les d i
lapidations qu’elle a autorifées ou fouftertes ; elle cft compta«
ble d’ un mobilier immenfe difperfé,destitrcs fouftrairs fans in
ventaire & au mépris des fccllés bi ifés, des baux faits par an
ticipation ôt fous lignaturc privée,iignes perfides d’un prix in-r
ferieurau véritable prix
elle cft comptable des bois coupés
fans
�M3’
fans nécelîîtré-, des terres abandonnées- fans redevance
des pertes eliuyccs par le retard des 'rçpcarations urgentes.
Elle.eit comptable des dans confidérablcs faits à les gendres
fous le prétexte & Je nom de légitime , des foixante mille
livres dont elle a payé les trahiions d e S e y t r e , de toutes les
rapines exercées par les fubaiternes, par A l z i a r i , qui oioit
fe couvrir de ion n o m , ôc de ion pouvoir pour piller les reve
nus de ion fils.
Elle effc comptable des tourmens que ion fils a foufFcrts
dans fon propre C h â t e a u , des privations qu’il ép ro u vo ita u
milieu de fa f o r t u n e , au milieu de ceux qui dévailoient fa
fo r tu n e , . d e s atteintes portées à l'on exiftence., des alimens
contraires à fa fan té , des haillons dont il étoit c o u v e r t ,
des injures qu’il en te nd oi t, des coups qu’il r e c c v o i t , fous la
main même de fes valets. Elle cft comptable de tout ce qu’il
a enduré à P a r i s , dans l’humiliation &C le befoin , redevable
de fa vie au crédit d ’un Maître de Peniîon , lorfqu’clle le
v o ÿ ô i t , lorfqu’clle lui p àr loi t, toute cha-gée des revenus
de fa T e rr e , du prix de fon argenterie
6i
de fes boucles
d ’or.
T e l l e cft l’indignité de cette ancienne curatrice, qu’un
étranger,un inconnu, un habitant desplus lointaines régions,
lui feroit préférable Sc préféré.,
s’il étoit queftion d ’une
nouvelle curatelle.
L a femme de fon fils, aux droits que la Loi lui d o n n e ,
unit les droits de la nature , de ia famille, de fon é t a t ,
:dc fa tendrefle , do nt d i e a donné des preuves éclatantes.
S e u l e , . e l l e a défendu fon époux, courte tous fes parens
ennemis; & pour la v o i r défendu , elle a traîné trois années
.de fa jeuncüc lous^un joug aviliiTanr. Pleine du courage
P
�ii4
qui l’anime c n c o r c , elle n’a briie Tes fers que pour brifer
ceux de ion épo ux , pour l’arracher des mains qui s’appefantifloient fur lui , pour le placer fous la fauve-garde d ’un
Tribunal plus propice. S e u l e , elle l’a accueilli foiblc &
dépouillé; elle l’a foigné , habillé &C nourri , fans autre
créJic que fa p ar ole , fans autre fccours que ceux de fes
amis , aux rifqucs de fa dot & de fes elpérances. Dans ce
mom en t encore , elle ne détend contre
l’intrigue Sc la
c a l o m n i e , que la douceur d’être auprès de l u i , de veiller
fur fon repos &. fur le bonheur de fa fille. Elle rejette les
foins. &î les foupçons inféparablcs de toute admmiftration
pécuniaire : elle ne prétend qu a l’honneur d etre époufe
&. mère.
M a i s , pourquoi ce parallèle ? pourquoi ce combat fur
la curatelle du Marquis de Cabris ? La curatelle ne peut
exifter que par l’interdiction , & le Marquis de Cabris ferat-il interdit ?
J
N o n : l’interdiition eft impoflible, parce qu’elle eft injufte ; elle clt injulte , parce qu’elle eft inutile.
Elle ne pourroit avoir que deux objets : la fureté de la
perfonne, & la fureté des biens.
Depuis que le Marquis de Cabris n’eft plus fous le bâton
de fes valets , fa perfonne eft en fureté : fes biens feront
confervés par les précautions que laJuftice fait prendre dans
de telles circonftances , par les foins aifidus &: éclairés d’un
Confc il relpcctablc.
Qu el avantage de plus pourroit promettre l’intcrdi£tion ?
Elle feroit utile fans doute , mais feulement à ceux qui
la provoquent.
Elle feroit utile à la dame de Lom bard , pour couvrir
�ir5
d ’une impunité éternelle les abus dont elle eft coupable ;
aux parens qui l’ont protégée, pour fe fouftraire à la caution
qui les menace ; à fes A g e n s fubalternes, pour petpétuer
leurs rapines; à S e y tr e , pour conferver les 60,000 liv
fi
juftement acquifes ; aux beaux-frères, pour légitimer , s’il
étoit p offible , le prétendu fupplément de légitime ; au
C o m t e de G r a ffe , pour unir fon fils à la fille d’un homme
q u ’il veut noter de f o lie ; au Marquis de Mirabeau , pour
exercer librement l’empire qu’il fe promet fur les perfonnes
& fur les biens.
Si ce genre d'utilité étoit une raifon légitime de l 'interdiction , il faudroit fuppofer à la Juftice, à fes M i n i ftres,
le droit & la penfée d’immoler à l’affemblage bizarre de
tant d’intérêts odieux , la fortune & l’exiftence du M a r
quis de Cabris , l’honneur de fa fe m m e , & le bonheur de
fa fille.
S ig n é t
M ira b e a u
C H A M B R E
Me DU
,
D U
M ar qui fe de Cabris.
C O N S E I L .
V E Y R I E R ,
de
Avocat.
N orm an d ie,
Procureur.
D e l’ imprimerie de P . G . S I M O N & N .-H . N Y O N ,
Imprimeurs du P a r le m e n t , rue Mignon , 1 7 8 5
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Du Veyrier
De Normandie
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
créances
experts
régime alimentaire
alcool
dénuement vestimentaire
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame marquise de Cabris, défendant à l'interdiction de son mari ; Contre la dame de Lombard, marquise douairière de Cabris, poursuivant l'interdiction de son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de P. G. Simon et N.-H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
115 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0115
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53989/BCU_Factums_V0114.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
alcool
assemblées de famille
bibliothèques
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
inventaires
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53990/BCU_Factums_V0115.pdf
d266c98a4f9470ea40bba1d17ac30bb5
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Text
M
ET
P O U R
É
M
O
I R
E
CONSULTATION
M adam e la M arquife
de
C
a b r i s
,
b e lle -fille , défendant l’interdiction de fon m ari;
CONTRE
de Cabris , Douairière ,
Madame d e L o m b a r d S a i n t
B e n o i t y Marquife
pourfuivant linterdiclion du Marquis de C a b ris,
fon fils , pour caufe de démence.
V IC T IM E S
malheure ufes des com p lo ts, de cabales
combinées , le marquis & la marquife de Cabris fe font
vus l’objet de perfécutions méditées dès les premiers inftans où leurs nouveaux engagemens dans la fociété fembloient devoir leur en affurer les douceurs.
D ’ambitieux collatéraux , retenus par un pere refpectable, ne gardent plus de mefures dès qu’ il a ceffé d’être.
Ils trouvent bientôt le moyen d’introduire le défordre
A
�dans une maifon où régnoit l’union; on favorife les goûts
d’un jeune homme qui commence à jo u ir; on fe m énage
par les dépenfes où on le précipite le moyen de le perdre ,
ati moins pour prodigalité. Les gens d’afFaires font changés,
la cabale fait expulfer un homme en poiTeilion de la con
fiance du chef de la famille depuis trente ans , elle lui
fubftitue un agent de fa main , d’abord fous le nom de
curateur pendant la m in orité, devenu enfuite agent gé
néral & Confeil intime.
D e nouvelles circonftances produifent bientôt d’autres
combinaifons.
Des reproches de manque de parole faits au bailli de
Mirabeau , refufant d’acquitter un fupplément de doc
promis d’honneur à fa niece , Sc accepté par le mari.
Un prêt fait à une belle-mere dans l’indigence , fuppofé
depuis employé à la fouftraire à la tyrannie fous laquelle
elle languifloit avec la fortune la plus brillante, devinrent
des crimes irrémiiïïblcs aux yeux de ceux que ces récla
mations contrarioicnt.
En 1 7 7 6 le Marquis de Cabris envoyé fon époufe
auprès de la marquife de Mirabeau , malade à Paris, où.
elle pourfuivoit fa demande en féparation contre fon
mari ; fes foins fc bornent à ceux qu’exige l’état de la
malade..
Aufli-tot quelle eil rétablie , fa fille fc retire au co u
vent de Popincourt. La marquife de Mirabeau déboutée
de fa demande , rentre dans la maifon de fon m a r i, elle
en cil enlevée huit jours a p rè s, &
maifon de f o r c e ,
qui
conduite dans une
n’étoit faite ni pour fon é t a t , ni
pour fon âge ; fa fille follicite 6c obtient la permiifion de
�3
la v o i r , , clic en reçoit des pouvoirs, eHc.n'cn fait 4'autrc
ufage que de révoquer les plaintes rendues contre le. mar
quis de Mirabeau , & de chapger les,jÇppfcils. -Tout cil
•notifié à.celui qui-cn étojt l'o b je t, pour l’epg^gjçrà, traiter
avec plus, d ’égards la mere de douze, encans.
H uit jours après , ordre du Roi qui exile à Lyon cette
fille q u ia v o it voulu calmer les troubles domeftiques; elle
fait des repréfentations aux M in iftr e s ';, quatorze jour,s
après l’ordre eiV révoqué, elle retourne tout de,fixité au
près de Ton mari , qui , inftruic. de ce qpi sfei^ pa0e,,
adrefle fes repréfentations aux Miniftres , & fait-les re
proches les plus vifs à M . le marquis de Mirabeau qu’il
regarde comme l’auteur de cet a£bc furpris à l’autorité.
La cabale fentit alors qu’il falloir hâter, l’cxéçuxiçn du
projet combiné depuis fi long tems.
Q uand le marquis de Cabris étoit en P r o v e n c e , & fa
femme à Paris , on avoit cfpéré perdre le. mari par les
gens dont on l’avoir entouré ; dans l’opinion que fon
anéantiiïement faifoit retomber la femme f o q s ,la puiffance de fon pere, on penfoit que le même coup les frapperoit tous les deux; réunis ils paroifloient redoutables à
la cabale ; il falloir les détruire avant que la confiance
fut parfaitement rétablie par Pcxpulfion des gens d ’af
faires. Quelques accès de vapeurs qu’eut le marquis de
C a b r is , fournirent le prétexte d’une demande en inter
diction. Il ne fut queftion que d’alFcrmir la perfonne de
puis longrtems pratiquée ( i ) , de la déterminer à intenter
cette a£tion honteufe Si flétriflante pour fa poftérité.
( i ) V o ici cc que dit la dame douairière de C abris e lle -m ê m e page 1 8 , pre-
A ij
�4
La dame de Lombard , douairiere de C a b r i s , alors
âgée de foixante a n s , avoit paiTé fa vie dans une apathie
complette , uniquement occupée de Tes petits exercices
domeftiques , 6c de la confervation de fa fanté ; on l’avoic
vue dans fa jeunette abandonner un mari eftimable 8c
refpe£té de Tes égaux, aux foins de quelques amis tendres
qui lui a v o ie n t rendu la fanté qu’il ne pouvoit recouvrer
dans fa maifon. Sa femme n’avoit jamais figuré dans l’adminiftration intérieure d’une fortune parfaitement con
duite 6c beaucoup augmentée ; mais elle avoit développé
des talens pour la perfécution; de deux filles plus im m é
diatement foumifes à fa furveillance , l’une avoir été
forcée de fc faire religieuse, & l’autre avec plus d’énergie
dans la m e , réduite à fo rc e de mauvais traitemens pu
blics , à l’état malheureux où on a voulu depuis conduire
le marquis de Cabris. O n la détermine contre lui par l’appât
flatteur du co m m a n d e m e n t, on lui préfente la difpofition de cinquante mille livres de rente attachée à la curarâtelle qu’on lui p rom et, iî elle veut demander l’interdi&ion. O n lui fait voir l’anéantiflement de fa belle-fille
tom bant fous fa puiiTance comme une propriété de l’in
terdit , où rentrant fous l’autorité paternelle du marquis
de Mirabeau , on lui p ro m e t, à tout évén em en t, de l’en
débarraiTer par la voie de l'autorité.
Les cabales fe mettent en m ouvem ent; îc bailli de
Mirabeau arrive à G r a t t e , il loge chez la dame de L om
bard , le marquis de Cabris 8c fa femme fe préfenterrt
m icre lign e du mémoire : « depuis long-tem s les parens de la fam ille me peignoiinfc
» com m e in évitable la rcffourcc de l’in te rd i& iaiu
*
�5
inutilement pour le v o ir , ils font conftamment refufës ;
s’ ils écrivent à leur mere & à leur oncle , leurs lettres
refirent fans rép o n fe, le bruit fe répand à Gratte que cc
ch ef de la c a b ale a Tes poches pleines d’ordre du R o i ,
pour punir ceux qui oferont s’oppofer à fes volontés im périeufes , qu’on veut faire interdire le mari & enfermer
la femme pour le refte de fes jours.
Aufli-tôt paroît une demande en interdi£tion j des té
moins domeftiques ou gagiftes de la dame douairiere de
Cabris , des gens de la lie du peuple , qui ne vivoient
point avec le prétendu malade , font entendus dans le
fecrct , avec l'appareil d’une procédure criminelle , ils y
d é p o fe n t, fuivant le vœu de ceux qui les produifent ; le
prévenu cft interrogé, & répond trop bien pour les vues
que fe propofe la ca b a le , il écrit fa défenfe de ia m a in ,
il demande à faire preuve par témoins de fon bon fens ,
l’enquêce lui eft a c c o rd ée, le juge mieux confulté fe hâte
de retirer cette grâce , quand on voit que la preuve peut
devenir complette ; le prétendu malade aflemble à Ton
château la communauté de fes habitans de Cabris , &c
tranfige avec eux fur des conteftations fufeitées par les
agens de la cabale pour lui aliéner l’amour de fes vafTaux ;
on crie au fief immolé ; le juge eft réeufé , la récufation
jugée contre le marquis de C abris, il le déclare atteint 8c
Convaincu de démence & l’interdit.
Plus de dix familles de parens diftingués habitent la
mêm e ville , on ne demande point leur fuffrage , qu’on
eft aiTuré qu’ils n’accorderoient pas à une iniquité con
duite fous leurs yeux. T o u t fe paiTe entre le religieux
p ro fè s , votant en fon nom , deux beaux-freres 6c deux
�6
des parens de l’un de Tes beau x-frcres, qui ne l’étoient
pas du marquis de Cabris. L a cabale y a jo u te , pour faire
n o m b re , les noms de quelques parens de demeures éloi
gnées , donc la plupart ne connoiilent pas le malade ,
même de v u e , 6c qu’on fait voter par des procurations
non annexées 6C qui n’ont jamais paru.
L e marquis de C a b r is , fa femme
leur enfant fe
trouvent mis tous les trois fous la curatelle d’une'femme
incapable, qui n’avoit jamais géré d'affaires, &L qui avoit
elle-même befoin d’un curateur pour les fonctions qu’oti
lui confioit ; on l’auto rife, non à remettre à ces trois pu
pilles fa fomme arbitrée pour leur fubfiftance, mais à en
faire l’emploi pour eux.
Les votans portent toute leur attention à ménager les
intérêts du procureur qui venoit de défendre à la demande
en interdiction du marquis de Cabris , fon curateur dan?
la minorité , fon procureur fondé depu is, l’homme dépofitairc de toute fa confiance, que les beaux-freres avoient
placé auprès de lui auiîi-tot la mort de fon perc.
L a curatrice eft chargée d’acquitter ce qui eft du à ce
procureur , fans aucun titre. V oilà le premier a£tc de
générofité de la cabale , il en furvint bientôt d’autres.
Le Marquis de Cabris étoit appelant de la fentence
d ’interdi&ion ; pendant qu’il fuit fon appel k A ix , les
portes de fa maifon font enfoncées, en vertu de cc juge
ment rendu fur fon état civil; fes meubles font dilperfés,
fes domeftiques cxpulfés; la curatrice perçoit fes revenus;
le juge dépouillé par l’a p p e l, l’autorife à faire faifir les
prétendus pupilles eu x-m êm es, pour les ramener en fon
pouvoir.
�7
T o u t femble confpirer la perte de l’opprimé , il de
mande à être mis fous la fauve-garde de la Juftice , Ie
Parlement le refufe ; il veut Te faire interroger par un
Com m iflaire de la Cour , ôC n’y parvient qu a grandpeine. U n e ordonnance permet à la curatrice de faire
exécuter par provifion la fcntcnce d’appel , on n’en ex
cepte que les perfonnes. A vec, tant d’avantages on redoutoit encore la défenfe du marquis de Cabris , tant qu’il
auroit fa femme à fes côtés.
Le 1 4 F é v r ie r, au milieu de la n u i t , elle eft enlevée
du lit de fon mari par des cavaliers de m aréchauflee, 8c
conduite à vingt lieues dans un couvent de la M o n ta g n e ,
où toute communication lui eft interdite ; fon mari préfente requête au P a rlem en t, pour qu’elle lui foit rendue,
com m e néceiTaire à fa défenfe; la demande eft jointe au
fo n d : il veut l’aller v o ir , il eft arrêté lui-même par un
huiifier efeorté de maréchauflee , en vertu d'un arrêt de
ce même P arlem en t, qui lui avoit rcfufé quelques jours
auparavant de le mettre fous la fauve-garde de la Juftice.
Sa fille lui eft également enlevée 6c mife entre les mains
de la curatrice. Enfin il eft ramené dans les mêmes mains,
& la mere aiFe£te encore , après c e l a , de faire plaider la
caufe , pour avoir un arrêt confirmatif ; il eft prononcé
le 1 i Avril. Dès ce moment le m a r i, la femme & l’en
fant paiTent, avec leur fortune , fous la puiflance de la
cabale.
Ici s’ouvre la carriere de deux procédés ; la curatelle1
s’étend fur les perfonnes & fur les biens ; le marquis de
Cabris n’étoit pas fou , mais il falloir le rendre tel, pour
prévenir &. empêcher tout retour : on place auprès de lui »
�ê
à i 1 0 0 liv de gages , le nommé A lziary , homme connu
par fa vie fcandaleufe , on lui entretient une table ou
verte pour fes aiTociés , où le maître n’eft admis que
quand il leur plaît. D eu x payfans en fous-ordre , gagés
pour le fuivre dans des inftans de liberté , ont l’ordre trop
fcrupuleufemcnt exécuté , de contrarier fes volontés ; la
moindre réiiftance, le plus leger fouvenir des droits de
fa raifon , font fur le champ punis par des coups i il
pafTe fa vie lié 8c garotté , 8c ne peut obtenir de voir
lâcher fes fers , que lorfqu’il parvient à plaire à cet
Alziary.
Sa mere , trop occupée de fa propre fanté pour le
venir vifiter dans fon ch â tea u , à trois quarts de lieue de
la ville de Gratte qu’elle habite , patte des iix mois fans
le voir.
Livré à des domeiliques qui veulent épargner leurs
peines, il couche fans drap s, & pour groiïïr le bénéfice
de la curatrice , k laquelle les parens avoient déterminé
une penfion fixe , 011 le laitte fans vêtemens , point de
médecin , 6c pour tout chirurgien celui du village, quand
il vient pour le rafer.
La femme initruice du fond de fa prifon , préfente en
1 7 7 9 une requête au Juge, pour faire conftater ces indi
gnités. C e juge prévenu , ordonne fon tranfport à Cabris.
Le jour convenu avec la curatrice , il l’y trouve dînant
avec fon fils; on rettufeite l’homme dont on avoir éclipfé
l’exiftence ; fon dire eft configné dans le procès verbal ;
on met dans fa bouche l’éloge de l ’adminiftration de la
curatrice , Sc on lui fait rejeter avec mépris les fecours
généreux de fa femme.
Leur
�V
L eu r fille u n iq u e , héritiere ci’un nom diftingué & do
de j o o o o liv. de re n te , e'ft mife dans le couvent de
G r a d e , k deux cent livres de peniion par année; fon édu
cation fe borne à quelques mois d ’ un maître d ’ écriture , 8c
aux petits exercices des coilvens de province.
L a femme enlevée dans le tems du procès d’interdic
tion , efl: releguéc dans un couvent où les pendons font
de cent quatre-vingt livres. L a cabale avoit arbitrairement
fixé la ficnne à cent louis > à prendre fur les trois mille liv .
que les parens avoient réglées pour fa dépenfe perfonn elle , 6i que le Parlement a portée à quatre mille liv'.
V o ilà ce que l’on fait à l’égard des perfonnes.
Les gens d’aiFaircs il utiles à l’interdi&ion, reçoivent
bientôt des récompcnfcs proportionnées aux ferviccs qu’ils
ont rendus pour la faire prononcer.1 Ils font mis en pofíe ilion d’ un mobilier de 8 0 0 0 0 livres, ils en difpofcnt
à. leur difcrécion , ils ne font i n v e n t o r i e r que ce qu’ils ne
croyent pas mériter leur attention ; pas un feul titre in
ventorié , les archives immenfes des te rre s, tous les titres
de famille font o m is , cet inventaire cil -figné par lacuratrice 6c par deux parens dévoués qui n’y afliftent ni
les uns ni les autres.
L ts biens font affermés au-deflous de ce qu’en avoic
trouvé le Marquis de Cabris lu i - m ê m e ; on donne des
pots de vin , on paye des termes à l’avance , les baux
font livrés à des fermiers fournis par les procureurs qui
pourfuivoient 6c défendoient l’intcrdi&ion. Les prétendus
parens ayant gratuitement fuppofé qu’il cft dû à l’un
de ces procureurs (le fieur Seytrc), autorifent la curatrice
à vendre 6c à emprunter pour cela ; elle lui accorde généB
�Io
jeufement é i'oo-o Livr , fom m e déléguée aufli-tot par des
mandats acceptés des ferm iers, qui deviennent p a r-ta
débiteurs perfonnels du délégué.
O n démolit des bâtimens faits depuis peu , fous les
ordres Sc fur les devis de cet homme d’affaires.
O n en conftruit de neufs h grands frais.
O n détruit des jardins plantés par le propriétaire avec
foin
5c avec beaucoup
de dépenfe, on en fait des cham ps,
o n ^ e répare rien , on laiiîe tout périr.
L ’anéantiiïement des deux époux prévenoit les incon-?
véniens d’une plus grande lignçc , fie laifloit aux beauxfreres l’efpoir de partager les fubftitutions des biens aux
quelles leurs femmes font appelées ; mais le marquis de
Cabris avoit, ,unc fille , 6c elle pouvoir vivre.
Les beau x->frères renouvellent une prétention de légi
times de leurs fe m m e s , fixées par le reftament du pere
com m un à 8 o o o liv. de fupplémem 3 & que- le marquis
de Q ibris avoit généi-eufement acquittées beaucoup audulà par une fomme. de z o o c o liv. payées en 1 7 7 5 à
chacun d’eux.
L a curatrice fait un compromis avec fes gendres , &
par une tranfaclion elle leur affure dès à préfent une fomme
d’environ 2 0 0 0 0 0 liv . acquittée en partie par des em
prunts s le furplus délégué fur les biens de l'on fils, a,leur
choix.
A v ec 5 0 0 0 0 liv. de revenus dont on faifoit dépenfer
moins de 6 0 0 0 liv. aux propriétaires > fans autres charges
que les engagernens fuggérés par la cabale , on etoit tou
jours à 1 étroit dans l’adminiftration.
Les prix de ferme étoient délégués à l’avancc aux gens
�1I
d’affaires & aux fous-ordre:; la voie des emprunts éroit
é p u ifé e , les billets de la curatrice devenus le rebut de '
la place de GraiTe.
L ’anéantiiTement de la trarrfa£tion paffée entre le rhatquis de Cabris & fes vaiTanx Hu moment de l'interdiCtiOn *
fait efpérer à la cabale une preuve complette de
la
fuppofée démence. L a curatrice n’ofe attaquer directe
ment cet a£te confenti par celui qu’e lle repréfente : on
le fait attaquer par le fermier ; il fuccam be , & lfe Par
lement d’A ix qui avoit reçu la dénonciation doucette
tranfaction comme une preuve de l’aliénation d’efprit
du marquis de C a b r i s , confirme trois ans après ce mo
nument de fa fa g e fle , Sc condamne le fermier à de
gros dommages & intérêts envers la com m unauté; répa
ration que les gens d’affaires , îniligateurs de la démar
che , engagent la curatrice d’acquitter aux dépens du
fonds.
' •
t
T o u t étoit perdu , les deux époux, leur enfant unique
& leurs biens, fi la femme n’eût fait entendre aux pieds
du T rô n e fes gémifTcmens & fes’ cris.
Le Sou verain, dans le fecret de fa ju ilice, charge fpécialcmcnt un m iniftrc(M . Lcnoir, Confeiller d’Ètar) digne
de fa confiance d’être le protecteur du foible, de lui faire
un fidelle rapport des malheurs de la marquife de Cabris.
Elle cft admife , non pas à fe juftifier d’accufations
connues , mais on lui permet de donner le journal de fa
vie ; auili-tôt fa liberté lui eit rendue.
Elle n’en profite que pour fecourir fon mari & fa fille,
pour recouvrer avec eux leur état & leur fortune.
L e moment étoit décifif; il ne reftoit plus à la cabale,
B ij
�11
pour confommcr Tes entreprifes , que de difpofer de cette
fille unique , elle approchoit de fes douze ans ; d ’accord
fur tous les moyens de l’oppreflion , les chefs de la cabale
fe trouvoient divifés fur ce point ; chacun vouloit difpofer de cct enfant ; tous cherchoicnt à fe tromper , la
c u r a tr ic e , fans volonté à elle , recevoir toutes les imprefiions de ceux qui prenoient alternativement des avan
tages fur fes entours.
Les foins & le courage, de la nicre préviennent ce façrifice.
Ses plaintes portées aux pieds du T rô n e , Paine com~
patiflante du Souverain eft émue du récit de tant de
m a u x , fa, juftice eft éclairée par les juges refpcttablcs qui
com pofent fon Confeil ; un premier arrêt ordonne que
le Parlement d’A ix enverra, dans un mois pour tout délai,
les motifs de fes jugemens &: les procédures faites contre
le marquis & la marquife de Cabris.
A rrê t définitif du i 5 A o û t 1 7 8 3 , qui caffe & annulle tous ceux du Parlement de Provence 3 la fentence de.
GraJJe qui prononce l ’ interdiction du marquis de Cabris
notamment l'avis de parens qui nomme la curatrice } enfem ble tout ce qui a pu s'enfuivre ù s'en ejl en fu iv i, ordonne que de l'ordre exprès de Sa M a je jlé 3 le marquis de
Cabris & la demoifelle de Cabris f a fille feront amenés dans
cette ville de Paris
le pere 3 pour être mis dans une
maifon de fa n té du choix de Sa M a je jlé , & la fille 3 dans
le couvent de Bon-Secours.
Sur la demande en interdiction , originairement formée
par la mere du marquis de Cabris contre fon fils 3 les
Parties renvoyées devant M . le Lieutenant C iv il du Châ-
�15
-telet 3 f a u f Vappel au Parlement de Paris 3 ou. lefdites
deux dames de Cabrif j belle-mere ô bru 3 formeront telles
demandes qu’ elles aviferont 3 toutes les chofes demeurant
en état.
C e t a£te de la bienfaifancc & de la juftice du plus
clément des M o n a r q u e s, uniquement occupé du bon
heur de Tes fujets , n’attere pas la cabale.
L e iieur Seytre écrit le 2 7 A o û t 1 7 S 3 à celle-même
qui avoit obtenu cet a& e de jufticc :
Q u e la dame Lom bard en a reçu la nouvelle de
M . le marquis de M ir a b e a u , avant que perfonne en aie
été inftruit dans le pays x
E t qu’ i l lui mande 3 ne vous alarme\ pas 3 madame ,
fu r cet événement 3 c’ efl un arrêt rendu fu r requête fans
vous entendre 3 & une fimple oppofition de votre part en
fu fpen d l ’ exécution.
L ’officier chargé de l’exécution de l’arrêt du Confeil trouve la demoifellc de Cabris n’ayant pour tout linge
que quatre chemifes 3 fans coiffure & fans jupes , avec la
feule robe de toile qu’elle avoit fur le corps.
Les ouvriers travaillent toute la nuit pour finir le feul
habit que le marquis de Cabris ait apporté : on y joint
d ix-n eu f chem ifes, il n’avoit ni mouchoirs ni bas. L ’offi
cier ne peut obtenir pour lui Sc pour fa fille , qu’ on leur
f&urniffe le linge dè h t & de table dont ils vont avoir
befoin.
L ’arrêt du Confeil des dépêches ordonne que les frais
de tranflation feront pris fur les biens du marquis de
C a b r i s , fa fubfiftance, celle de fa fem m e & de leur fille
�14
doivent aufli leur être fournies des memes f o n d s , tous
fans exception , entre les mains de la curatrice ; l ’officier
chargé de l’exécution de l’a r r ê t , la fomme inutilement
de facisfaire à ces devoirs que la nature lui im p o fe , que
la juftice exige de ceux qui ont entre les mains les biens
des autres, ÔC que l’arrêt mis à exécution , ordonne précifémenr.
A v e c un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. paiïe entre les mains
de la cu ratrice, plus de 3 5 0 0 0 0 liv. par elle touchées
des revenus des biens pendant les fept années de fon
ufurpation , elle ne peut fournir les frais de tranflation ,
elle a difpofé du linge même trouvé dans la maifon de
fon f ils , elle ne peut pas en donner pour l’ufagc indifpenfable des propriétaires , elle refufe de quoi payer le
premier quartier de leur penfion.
Il 'faut qu’ une femme , qu’ une mere infortunée , le
jouet des perfécutions & de la tyrannie de la cabale ,
luttant depuis Jept ans contre la tyrannie ëc l’injuftice ,
épuifée à pourfuivre des fantômes oppreffeurs difparus
dès qu’elle a pu les faiiir , il faut qu’elle avife aux frais
de tranflation de fon mari & de fa fille , il faut qu’elle
feule les pourvoyc de linge de toute efpece , qu’elle les
habille , qu’elle les meuble , qu’elle les nourriiïe , ainiî
qu’elle-même , qu’elle procure au perc les fccoursde fanté
qu’exige fon é t a t , ôc à fa fille l’éducation dont fon âge
eft fufceptiblc , fur la feule relTourccf'dc íes amis ôc d ’em
prunts trop multipliés pour n’être pas onéreux.
S'il pouvoir encore refter quclqu’apparcnce de réparer
promtement les vides ! L a curatrice a reçu d ’ avance deux
années du prix des fermes , elle a enlevé du château le
�M
peu de meubles qui y reftoient, les maifons de ville
de campagne font dévaftées.
L a vaiiîelle d’argent efl mife en gage, il n’y a pas j u f
qu’aux boucles d’or de Ton fils qu'elle n’aie arrachées defes pieds la veille de fon déparc, & qu’elle a vendues pour
venir le pouriaivrc en cette ville ( i ).
Les Parties renvoyées à un nouveau T r i b u n a l, la ca
bale y reprend fes anciens erremens ; une femme feptuagénaire quitte pour la premiere fois fa retraite , à deux
cent lieues de la capitale ; y vient-elle apporter du pain
aux opprimés qu’elle en prive depuis long-tems? Non ,
elle annonce des avances dont elle demande le rembourfement par privilège fur les rentrées échappées à la vigi
lance de fes agens ; y vient-elie donner à fon fils des
fecours de fanté ? 'Elle ne le voit que pour renouveler à
fes organes la réminilccncc des mauvais traitemens exercés
contre lui , elle fe fait accompagner du iicur A lziary qui
en a été .l’i-nftrumcnt ; amené à grands frais en cette ville
pour reprendre fon c a p t i f , pour le rejeter dans les fers
que l'humanité d’un M onarque bieiifaifant a brifés.
Si l’on défefperc de cet avantage , on peut au 'moins
s ’en ménager d’autres , à la faveur de l’afcendaot qu ’une
longue c i cruelle habitude procure iur I’eiprit de ceux
q u ’on a tenus fous fa loi : on peut furpremlre au marquis
de Cabris un arrêcé de compte qui couvre les vices de
l’adminiftration ; on peut extorquer fon confcntemcnt à
la difpofition déjà projetée de fa fille unique.
( t ) C ’ cft le fieur R a b a is , o rfeyrc Je G r a llc , qui les a achetées depuis le dépare
«lu marquis de Cabris.
�TS
U n e affemblée de famille eft indiquée chez le M ag iftrat le 2 o D écem bre; des parens &. am is, illuftres par
leur naiflance , diftingués par leurs grades 6c par les
places qu’ils o c c u p e n t, démontrent l’oppreffion exercée
par la cabale : les interrogatoires du marquis de Cabris
devant les Juges de Provence, les dépofitions de témoins
refpe£tables entendus fur les lieux , les actes paifés par le
prétendu malade dans le tcms même des pourfuites, pour
le faire déclarer en d é m e n c e , font mis fous les yeux du
Juge ; on d é velo p p e, on rapporte les preuves des mau
vais traitemens exercés fur la perfonne : les actes multi
pliés des abus de l’adminiftration de la prétendue cura
trice font repréfentés, elle eft forcée d’avouer la difperfioa du m obilier, la difpofition à fon profit de la vaijjellc,
d ’ argent 3 jufqu’à la vente des boucles d ’ or de fon fils. O n
lui repréfente les quittances de ces recettes anticipées ,
toutes les voix s’élevent pour la forcer à donner des alimens aux propriétaires de ç o o o o l i v . de re n te , dont les
revenus font encore dans fes mains , tous les vœux fe
réunifient pour la priver de ce refte d’une ufurpation
anéantie par l’arrêt du Confeil des D épêches du i 5 Aoiic
précédent.
Le Magiflrrat nomme un féqueflrc pour la réception
des reven us, fon ordonnance en dirige l’application à la
fubfiftance du marquis de Cabris , de fa femme 3c de leur
enfant.
C e t a£tc de juftice ne remédie point à leurs maux , les
revenus font reçus d’avance , des faifies fur ce qu’on n’a
pu toucher, faites par les membres de la cabale entre les
mains des fermiers dont les baux font an éan tis, mais qui
continuent
�r
17
continuent k percevoir les fruits dans l’anarchie ; des
délégations fur ces mêmes baux laiiTent le féqueftre fans
fon£tion.
L a cabale qui veut rétablir le défordre , fait paroître,
fous le nom d e là curatrice , une confultation im prim ée,
répandue avec profuiion , dans laquelle on fuppofc un
conflit entre la mere & la femme du marquis de C a b ris ,
pour la préférence de fa curatelle, queilion vraiment fupp o f é e , puifque la femme combat depuis fept ans de T r i
bunal en tribunal, 8c foutient que fon mari n’a jamais
été dans le cas d’être interdit, qu’ il n’eft pas encore dans
ce c a s , malgré les mauvais traitemens exercés fur fa perfonne pour aliéner fa raifon.
Enfin la cabale voyant échapper de fes mains 8c la
curatelle que l’arrêt du Confeil a caiFée, 6c l’adm iniftration des biens qui l’occupe bien d avan tage, 6c l’cfpoir de n’avoir ni l’un ni l’a u tre , par l ’état de fanté du
marquis de Cabris , par le vœu unanime des parens ÔC
am i$, par les preuves rapportées des traitemens exercés
fur la perfonne du malheureux pendant l’ufurpation , 6c
des
abus
encore
plus énormes dans
l’adminiftration
des biens ; la cabale n’a plus connu que les mouvemens
de la rage 6c du défefpoir contre celle qui éclairoit fa
conduite pafïee , 6c qui anéantifloit fes projets pour l’a
venir. U n libelle affreux de 69 pages eft imprimé 6c d is
tribué avec profuiion ; tout ce que la malignité , le
m en fon ge, la calomnie la plus atroce peuvent enfanter
y efl: prodigué contre une femme qui arrache à la cabale
fes vi£limes.
Ses mœurs y font attaquées par les calomnies les plus
C
�i 8
.baffes. & les plus viles : les a£üons les plus innocentes de
fa-vie y font empoi-fo-nnées , >fon honneur & fa réputation
y font déchirés , les fafifications d’écrits confignés dans
des regiftres publics , les altérations d ’écrits particuliers
pour leur donner un fens tout combiné &. convenable à
la malignité des calomnies grofiieres dont le libelle cfl:
tiffii y font prodiguées. O n y joint la difcufïion du procès
d’intcrdi& ion, dont tous les actes font anéantis par l’arrêt
du Confeil des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3. C e m ém oire,
ians p ro c è s, fans con tcftation, fans P a rties, fans autre
objet que la diffam ation, cft fuivi de la confultation ré
pandue un mois auparavant fur la queftion de préférence
pour la curatelle de l’interdit entre la merc de la fem m e,
queftion qui n’eft préfentée nulle part dans ce mémoire ,
que n’ont jamais vu les Jurifconfultcs qui ont iigné la
confultation.
A près ce tableau des perfécutions qui ont détruit ma
m aifon, l ’exiftence de ma fam ille, & qui ont ruiné notre
fortune, je prends la plume pour ma défenfe pcrfonncllc,
mon mari a été privé fept ans de fa liberté civile , il s’eft
vu enfermé en chartre privée dans ia propre maifon , expofé aux plus vils traitemens, dénuée du néceffaire le plus
indifpenfable.
J ’ai été enfermée trois ans dans un cou ven t, fans cornmunication avec ma famille 8c mes amis ; notre fille ,
dans l’âge le plus tendre , a été abandonnée fans fecours
& fans foin , & quand j ’obtiens ma liberté , que je la
procure à ces deux infortunés , victimes de la cabale ,
quand je parviens à dévoiler fes noirs c o m p lo t, je vois
mon honneur , ma réputation attaqués par un m é
�i,9
moire calomnieux , où coure ma famille cû: diffamée.
Je commence pitr établir fur les preuves les moins
équivoques &: connues des auteurs mêmes de la.calom nie,
la fauil’e té des imputations. Pour mettre; de l’ordre, dans
ma déferife , pour éviter le défordre ail celé de nos. ptr.-féc uteurs, je diviferai par fàics leurs imputations abomi
nables , 6c je joindrai mes preuves fur chaque faitJe me vois forcée de nommer plu fleurs perfonnes dans
m a justification, & de donner des copies 6c des extraits
de leurs lettres;, leurs noms tcfpc£lablç.s donnent de nou
velles forces à mes m oyens, je ne les cite-que quand leur
témoignage m ’eft néceffaire, je n’emploie de leurs écrits
que ce que je ne pourrais omettre fans aff.oi.blir ma. de*f e n f e , & c’eft toujours avec les ménagemens dûs à leur
naiffance & au rang qu’ilis occupent dans le mondes
■
'
Si je jette en,fuite un. coup d’œil fur. la difcuiîion de
l'affaire , de l'interdiction anéantie par l'arrêt du
1y
A o û t dernier, ce ne fera que pour développer davantage
les complots de la cabale qui nous p crfécu te, pour dé
montrer qu’elle ne s’efl; jamais étayée que fur le menfonge
& fur les fuppoiitions les plus révoltantes.
P R E M I E R
F A I T .
« L ’ hôtel de Grajfe placé dans le plus beau local
fj
>j embelli de tout ce que M M . de Cabris avoient cru
» propre a en fa ire un féjou r agréable, ne lui parut pas
53 ajje\ vajle s i l fa llu t cùnfiruire & vetfer, fuivant l ’ ufage
>3 des A rtifies en ce genre, z o o 3o o o livres au lieu de
»
i o o , o o o liv. qu'on avoit projeté d'employer ’>.
L a maifon paternelle étoit occupée par la dame de
C ij
�£
Lom bard ,
laifle par
&
douairiere de
6
Cabris. Son mari lui avoit
teilament la jouiflance d’un ap partem en t,
elle l’occupoic prefque tout entier.
L a déférence du fils pour fa mere , rem pêchoit de
la reftreindre à ce qui lui étoit réfervé. Les influences
de la cabale naiflante fur
Pcfprit de mon
mari , le
portèrent à en faire conftruire un autre. Q uoique bien
jeune encore, je prévis l’énormité de la d é p e n fe, & je
m ’y oppofai ,
mais inutilement ; j’en écrivis à mon
pere , &C voici ce qu’il me répondit par fa lettre du
a Février 1 7 7 3 .
» A l’égard de votre bâtiment ,
on dit qu’il faut
w une fois en fa vie faire une folie , c’en eût été une
» plus tard , au lieu qu’a préfent c’cft jeter la go irme
» de la jeunette à bon marché fur un fonds , & d’une
n
maniéré bien folide ; au
refte j ’ai
apperçu qu’en
53 qualité de voifin de l’Italie , le goût de bâtir étoic
» celui du pays.,; au fond , cela me paroît tout fim ple,
»> à G ra d e , où chacun conftruit fes propres fonds ;
» Q u a n t à moi parernellement p a rla n t, j’aime mieux
« que Cabris bâtille que s’il péroroic à l’hôtel de ville
»
d’A ix »3.
Que
réfultc t-il
d e - l à ? U n e dépenfe confidérable
pour mon m a ri; pour fa m e re , la jouiflance où elle eit
encore d’une maifon où elle n’avoit droit qu’à un petit
appartement ,
àc
pour
la cabale qui
fc
formoit ,
l ’expérience de ce qu’elle pourroit ofer par la fuite.
Si j ’avois eu fur mon mari dans les commencemcns
de mon mariage , l’afccndant qu’on me fuppofe , née
& élevée à P aris, nouvellement tranfplantéc en province,
�a u r o is -je balancé un inftant entre le féjour de Graiïe
& celui de la C ap itale, où notre fortune & les attenanccs
de ma familie nie promettoient une exiftence agréable.
D E U X I E M E
F A I T ,
I l parut en 1 7 7 4 , des affiches imprimées contre des
perfonnes de la plus haute conjîdération
qui furent fuivies
d'informations, décret de prife- de-corps
& tout l ’ appareil
de la procédure criminelle. I l ejl d ity page 6 du Mémoire
que le marquis de Cabris n ’ étoit pas l ’ auteur de ces
couplets y mais qu’ i l avoit eu la foibleffe de f e prêter a
l ’ exécution du com plot, & on ajoute de fu ite a. la page 7
qu’ i l s ’ étoit laiffe entraîner par fon epoufe qui avoit cherché
a exercer f a vcngeance perfonnelle & celle de fa fociété de
Poetes.
On a tranferit pour le prouver des fragmens de lettres
qu’ on dit écrites de moi , & qu’ on refufe de repréfenter.
'
A la page 1 3 , ligne 1 4 ,0 / 2 dit 3 que j e ne craignois
pas-feulement les foupçons , mais les preuves ; à a la page
6 8 j i l ejl dit , que f i on fe reporte en 1 7 7 4 3 mon
imprudence attira fu r la tête de mon mari un orage terrible
où j e rifquai d'être compromife encore plus que lu i 3f i j e ne
parviens a étouffer les progrès de la procédure criminelle.
Je laiiTc h. M. le Marquis de V a u vcn a rg u cs, ch ef de
la maifon de mon m a ri, & à M . de G r a s , fon beaufrcrc, la réponfe à cette imputation.
V o ici ce que le premier écrivoit au M arquis de Cabris
le 1 5 M ai
1774.
» V ous aviez raifon de croire , Monfieur mon cher
�11
» cou fin , que je ferois étonné 8c fâche de votre aflaire ,
» 8c que je ne négligerois rien pour la faire finir. M . de
» C alvi m ’a dit vous avoir envoyé h i e r , par M. de
» Briançon, les lettres d’ap pel, Il la procédure cil caffée,
»
comme je l’efpere ,
les prifonniers feront élargis;
« profitez de ce premier moment fans délai , pour les
» faire paffer en Piémont ou en Italie ; ces témoins
font les feuls qui puiiTc dépofer contre vous ; il cft
» inutile que je vous dife combien cette affaire m’afflige,
»
8c combien je la trouve humiliante pour vous............
J’étois alors venue à P a r i s , pour implorer les fecours
de mon p erc, dans une affaire qui compromcttoit mon
mari.
V o ic i cc que le Marquis de Vauvcnargues m ’écrivoic
à moi-même à Paris , le i 6 M a i 1 7 7 4 .
*j Vous ne devez m ’adreffer , ma chcrc cou fine,
» aucun rem erciem ent, des foins que je puis me donner
» pour l’affaire de votre mari ; on a ici une minute de
» la procédure fur laquelle M. C a l v i , bcau-frerc d e M .
« le Procureur G énéral, a confulté les trois plus fameux
» A vocats qui unanimement ont été d’avis d ’appeler
» des décrets, 8c de tout cc qui a été fait. M . C a lvi
» a levé ces lettres d’appel 8c les a envoyées à M . votre
« m a ri, par M . de Briançon; j ’ai écrit fur cela à M .
« de Cabris , que fi la procédure eft cafféc , les prifon« niers feront fur le champ mis en liberté ; je lui écris ,
a & lui répété plufieurs fo is, que lorfque les prifonniers
m feront élargis, il ne doit épargner, ni peines, ni
» argent , ni a&ivité pour les
faire paffer en pays
» étranger ; ces prifonniers font les feuls témoins qui
�¿3
« puiiïent dépofer contre lui , s’ils difparoiiTent, tout eft
dit en notre faveur (i ).
L e Marquis de Vauvenargues lorfqu’ il
écrivit
cette
lettre , ne foupçonnoit pas que cette expreflion d’intéiêc
le rendroit un jour aux yeux de ma bcllc-mcre , tout
au
moins complice d ’un complot dont il cherchoit à
détourner l'effet de deiTus la tête de fon parent.
Il écrivoit à M . le Marquis de Cabris lui-même , le
16
Juillet « je vois avec douleur que les voies
de
m conciliation pour l'affaire des placards font épuifées.
» L ’obftination de M . de Pontevès a rendu inutiles
>3 celles même qui paroiffbienc les plus affurées. Il veut
»3 un arrêt; je prévois qu’un arrêt ne peut être que bien
» fâcheux pour vous. M .P a z e ry , A vocat le plus célébré que
» nous ayons pour la confultation., homme cftimé autant
par fa p ro b ité , que par fes lum ières, m’a d i t , M.
» le marquis de Cabris , doit mettre la main fur la confm cience , s’il cit innocent, il faut qu’il refte tranquille...
Il m ’écrivoit à moi , le 2 4 Juillet « après la lettre
que vous m’aviez fait l’honneur, ma chere cou line ,
v* de m ’écrire le 1 o de ce m o is , j’étois tranquille fur
»3 le fort de mon cou iin ; mais cet état d’affurance cil
(1) O n fem ble à la page 7 , avo ir voulu tirer des preuves d’ inculpation de ce que
clans les lettres q u 'on m e fuppofe , je parle de cette affaire en nom c o lle & if ; v o ilà
le M arquis de V a u v e n a rg u e s fe fervant des mêmes cxpreflïons ; dans la lettre que
je cite quelques lignes plus b a s , on y lit » nous fommes aiTujetis aux réglés
« de la ju ftic e , tous nos foins* toutes nos démarchés j doiven t aboutir à to u rn er
* les choies de façon que ce (oit nos parties qui fafl'ent les fa u te s , & nous four« nifTtnt des c irc o n ft a n c c s h eu reu fes , dont il faut être a tte n tif de p ro fite r , en nous
» conform ant toujours à la rcgle : voilà notre tâchc.
�*4
»> bien changé depuis la le& u re de la vorte du 2 1 , Ton
»
état m’a fflig e , &c je le crois dans le plus grand d a n g e r ,
>3
pour ne pas fuivre vos avis ôc ne pas vous don n er
«
fa confiance , qui vous cfl: aquife par des titres il
«
refpcctablcs. D a n s cette fituation des chofes , je ne
»
vois pas , m a chcrc coufine , ce qui peut vous refter
»
à faire que vous n’ayez déjà fait.
L a cabale
bcau-pere
qui s’étoit form ée dès la m ort de m on
, pour nous
défunir
8c
nous
d é p o u ille r ,
profitoit de tous les événemens.
M . le M arqu is de V au vcnargu es m ’écrit le 20 A o û t
I?74'
»3 C e n’e f t , ni votre faute , ni la m ie n n e , fi d’autres
>3 confeils ont prévalu ; il ne refte plus que des précau>3 tions à p r e n d r e .............vous en a v e z propofé , j’en ai
»
propofé aufîî ,
on veut en fuivre d ’autres. O n rend
»
fufpetb à votre mari tout ce qui vient de v o u s ..........
33 Je prends donc la liberté , m a cherc coufine , de vous
33 confciller de refter en repos, 6c de ne plus vous mêler
>» de cette affaire, parce que tel bon parti que votre mari
>3 pourra
prendre , on
le lui fera éviter s’il vient de
»3 vous ÿ fi les chofes réuiTiHent, com m e on le lui fait
3
j efpercr , tant mieux , fi au contraire elles m anqu ent y
>3
votre
mari reconnoîtra alors qu’on l’a trom pé , Sc
«
reviendra à vous avec plus de confiance que jam ais.....
»
Je vous confeillcrois moins l’ina£tion , fi je ne voyois
>3 contre vous que des gens en fous ord re; mais dès-que
>3 la fa m ilU s'en m êle, refle^ en repos , s ’ i l efi pojjible ,
>3 fà n s cela on rejetera fu r vous tous les mauvais fuccès.
M» de G r a s , C o n icillcr au Parlem ent d ’A i x , bcaufrere
�frere de mon m a r i , lui écrivoit le 3 1 M ars 1 7 7 6 .
« Je ne vous répété pas ce que je vous ai die pour
' } finir cette malheureufe affaire , qui afflige véritable”
ment toutes les perfonnes qui vous appartiennent ;
» vous croyez 6c je le crois auiîi , qu’il n’y a pas allez
« de charges dans la procédure; mais je ne voudrois pas
» pour tout au monde courir le rifque d ’être jugé dans
» une affaire de cette nature , d ’autant plus que vous
» ne pouvez pas vous diflimuler qu’il y.a des préfomp« tions fi fortes que les Juges pourroient les regarder
» comme des preuves ; j’ai vu juger pluficurs fois des
»» aff aires criminelles fur des préem ptions moins fortes;
» croyez-en une perfonne qui a trente ans de fervice,
« 6c qui vous cil attachée par des liens trop forts pour
»
»
»s
»
avoir d’autre objet que votre avantage. Réfiéchiflez
bien , mon cher frere, fur l’avis que je vous donne ,
6c croyez qu’il n’eft di£té que par le véritable intérêt
que je prends à vous. C e t intérêt eft éclairé par une
« longue expérience qui m’-a appris qu’il n’y a rien de
» sûr au Palais.
La même lettre en contient une autre du Marquis
de VauvCnargues , pour engager mon mari à la conci
liation.
A ces témoignages je peux joindre celui dc >M. le
Marquis de Mirabeau mon perc , fur la même affaire.
Par une lettre du i
Juin i 7 7 4 > ü me marque que
dans cette affaire je dois nie conduire par les confeils
des parens de mon m ari, 6c entr autres de M . de V au vcnargues : 6c il ajoute » fi quelqu’un y récalcitre , il
faut lui donner la peur , pour qu’il gagne la M o n t a g n e ,
D
�26
m & laide fa procuration ; au refte il eft certaines gens
» qui ne trouveroicnt pas bon certaines retraites ; vous
m
m'entendez.
Par une autre lettré du
1 8 A o û t fuivant , il me
marque » M . de Cabris eft trop malheureux pour qu’il
» me foit permis de le blâmer ; d’ailleurs, je ne mç
« fuis jamais guere exercé en ce genre ; plus nos devoirs
« font pénibles , plus ils font impérieux , & fi M . de
« Cabris fe refufe à ce qui eft dû à fa perfonne , vous
»» ne pouvtz remplir les vôtres envers lui qu’en faveur
■
» de fa maifon ; je ne fuis point furpris que la caraf
es trophe s’ avance , il feroit plus que tems qu'il fongeâc
m à fa perfonne. M. de Vauvenargues m ’a mandé & dit
>4 que la famille dévoie être contente de vous ; je n’ai
« en ma vie qu’une méthode pour fixer les incertitudes
« qui fe préfentent plus abondamment aux têtes vives ;
« c’eft de me dire , où donc eft le devoir ? Marchons ;
« mais v o j s n’en êtes pas encore là.
Il m’écrivoit le 4 Septembre » tout innocent qu*eft
» M- de Cabris , êc je le crois en vérité beaucoup , le
>j hafard fculpourroit alarmer tout autre moins intrépide;
»» e n fu ite , qu’un Homme puiiTe vous affirmer comment
» un aut.e jugera.
M on pere croyoit que mon mari n’étoit pas coupable ,
8c affùrément il ne l’étoit pas , fes Advcrfaires ne l’ont
jamais cru tel ; il eft de notoriété que les couplets dont il
s’agifloit dans le procès, avoient été envoyés en manufcric
à. M- l’A bbé de Pontevès , l’un des offenfés dix ans
auparavant , dans le tems où mon mari étoit au Collège
& moi au Couvent. Les offenfés ne cherchoient dans
�la vivacité de leurs pourfuites que la découverte des
véritables auteurs dont ils croyoient que mon mari p o u
voir avoir quelque connoiflance:.
Je n’ai pas befoin d’autre preuve de l’innocence de
mon mari ,
que l’accommodement fait par M M . de
Pontcvès(, quand ils ont déïefpéré de trouver les vrais
coupables.
En faut-il un autre témoignage ? M . le Marquis de
Pon^evès, homme d ’une naiflanceilluftre3 & en poiTcffion
de la confidération due à fon rang & à fon mérite perfo n n e l, efl: parent de M. de Cabris , il habite la même
v i l l e , il avoit eu contre lui le procès des couplets deux
ans auparavant : la cabale qui fe réunit pour nous perdre
en 1 7 7 7 , n ’ofa jamais invoquer fon fuffrage ; il fut fi
révolté des moyens employés pour nous détruire l’un èc
l’autre , qu’en 1 7 7 9 , il fe joignit aux parens qui firent
des repréfentations au miniftre du R oi fur les excès
dont mon mari Sc moi étions vi£bimcs ( 1 ).
Q u ’on juge à préfent les motifs des auteurs du M é
moire dans les fragmens fuppofés de mes lettres copiés
à la page 7 ; qu’on juge l’intention dans leurs afTertions
des lignes 7 & 1 9 de cette même page , où il cil d i t ,
que ces lettres prouvent de.quclle terreur j ’étois agitée
pour m o i-m ê m e , &C que je gardois encore moins le voile
dans celle écrite à la dame de Lombard , parce que je
parle de cette affaire en nom collectif , & comme par
tageant avec mon mari les fuites qu’elle pouvoit avoir.
( i ) Placct de fam ille dépofé chez M e Pizcau , N o taire à P a r is , le j o Ar r i l 177?-
D ij
�i 8
O n a eu encore l’infidélité de tronquer cette phrafe
de ma lettre , où après avoir parlé d’ une affaire qui fait
des principauxhabitans.de. Graffemes ennemis ; » j ajoute
”
je ne peux plus rien cfpérer de la coniidération qu une
» femme cire ordinairement de fon mari.
Je fuis bien éloignée d’envier à madame de Lom batd,
le mérite d’avoir terminé cette affaire malheureufe ; mais
jamais elle ne l’a connue que par les bruits p ublics;
jamais elle n’a fait aucunes démarches pour fon fils. Dans
cent lettres que j’ai des différens parens ou autres perfonnes à. qui je me fuis adrefféc alors , on ne trouvera
fon nom nulle part ; j’ai encore une lettre d’elle à fon
fils du 10 A vril 1 7 7 6 , lorfqu’il éroit à A i x pour termi
ner cette affaire ; la premierc qu’elle lui ait écrite depuis
fon départ de Graffe , où il n’en cft pas feulement
queilion.
M o n pere m’écrit le 1 o Juin 1 7 7 4 « le fait eft que ou
« vous êtes les coufeils de M . de Gourdon x Si à A ix ,
» £c dans la Province , ceux de M . de Vauvenargucs.
»3 V o ilà quelle doit être votre bouffole, 8c votre affaire
» eft d ’être le point de raliement & de réunion de leurs
» correfpondances.
C e furent en e f f e t , M . de la T o u r , premier Préfidcnt ,
èc M .
de Caftillon , Procureur .Général du
Parlement d’A ix , qui voulurent bien en être les arbitres,
mais ce ne fut point à la follicitation de la dame de
Lom bard, cômme on le dit à la page 8 du Mémoire ;
j’oppofe -à cette affertion deux témoignages qu’elle ne
reeufera certainement pas M . de Gras , fon gendre *
&
M.
de Vauvenargucs , dans leur lettre écrite fur
�1 9
l'a même feuille le 3 1 Mars 1 7 7 6 " , déj«\ c it é e ; voici
comme le premier s’en explique ; » je crois devoir vous
» inftruire , Monfieur &C très-cher frere , de ce qui s’efk
» paile depuis peu de jours , au fujet de l’affaire des
3» placards ; M. de la T o u r ôc M . de Caftillon , ont bien
» voulu d ’ office y ô fans que perfonne les en eût priés ^
agir auprès de M . de P o n te v è s , pour l ’£ngager à
« donner fon confentemenr pour finir cette a ffa ire, par
m
l’arbitrage de quelques Gentilshommes ou Magiftrats.
M . de Pontevès a conicnti enfin d’arbitrer; il a prié
>3 M . de la T o ur de vouloir bien être un des arbitres ;
» M . de la T o u r nous a ch argés, M . de Vauvenargucs
>» &
moi , de vous écrire, pour demander votre confcn-
» tement à cet arbitrage.
O
Le marquis de Vauvenargucs m ’écrit le 2 6 Juin Aiivant n j ’ai l’honneur de vous féliciter , madame ma
» chere coufine , l’affaire de M . Cabris a été finie hier,
si La procédure a été ca'flee du confencernent de toutes
» les P a rtie s , entièrement an éantie.........Ces M M . ont
»
donné hier leur d é p a rte m e n t, & tout e ft, dieu merci ,
»3 terminé.
T R O I S I E M E
«
F A I T ,
p. 9 , alineâ, Iig. 3.
M . de Villeneuve , homme d ’ une tiaiffance & d'un
>3 mérite dijlingué 3 baron de Mouans } & Sénéchal de
»3 GraJJ'e
,f e plaignit d'un affaffinat prémédité fu r f a per-
» fonne ; le Parlement d 'A ix prit connoiffance de cette
»» affaire 3 & nomma des Juges a Grajfe • la procédure
>3 fu t
inflruite , & des decrets lancés y le
�yo.
» décrété de prife-de-corps prit la fu ite ; on ménagea la
»»foiblejfe de fe s complices. Madame de Cabris & madame
» de La Tour Roumoules , qui ne furent décrétées que d'afm figné pour être ouïes , & un Jîeur Briançon 3 d ’ ajourne» nement perfonnel; le procès f u t réglé a l*extraordinaire ,
» on récola s on confronta les témoins, & les accufés préfens
m ejfuierent toute l ’ humiliation de cette injlruclion crimim nelle. Sentence le
z Octobre
i 7 7 6 , qui juge les
contumax & les coaccufés ; fentence qu’on donne en
guillemets comme copiée fur la grotte à la page
1 o du
/Mémoire (1).
Q u i ne croiroit à cet expofé que le quidam dont on
laitte le nom en blanc , décrété de prife-de-corps , 8c
ayant pris la f u i t e , eft un aflaflïn à gages , amené pour
commette le crime , 8c qui s’enfuit fans être connu »
quand il a manqué fon coup ; il eft pourtant vrai que
ce
particulcr dont le nom eft ici laitte en blanc par
affectation , eft le comte de Mirabeau mon frere aîné,
que le comte de-Mirabeau eft le feul qui ait eu querelle
& prife avec M . de Villeneuve enfuite de relations an
térieures entr’eux.
Il eft certain encore que le comte de Mirabeau a été
décrété fous fon nom de K iclor de Riqueti 3 comte de
Mirabeau 3 qu’il eft nommé pluficurs fois dans la fentence, 8c qu’il demeuroit alors avec fa femme 8c fa famille
(1) Il eft bon d'obfcrver que la prétendue connoiiTance que le Parlement d 'A iï
prit de cette a ffa ire , ne fut que de commettre un Juge de la T«rre de l’accufatcur,
parce que « u s de Gratte refuferent d'en connoître.
�31
îi M anofque , à vingt lieues de G r a iïe , où cette procédure
s’inftruifoit.
il cil éga’cment certain 6c prouvé par un certificat du
Greffier de GraiTe ( 1 ) donné le i 4 Février dernier , que
jamais la fcntence n’a été levée, ni les droits payés. La
copie qu’on a affecté d’inférer dans le Mémoire , cil
altérée de falfifiée dans les vues de fon auteur.
A v a n t de difeuter cette fen ten ce, ce les conséquences
qu’on en veut t ir e r , je vais rendre compte des faits
généralement connus dans toutes nos familles 6c dans la
Province entiere.
Le com te
de M irabeau , mon fere , éto it exilé à
M anofque , d’ordre du R oi.
A u mois d’A o û t
1 7 7 4 , il vint au Château de Tou-
rettes , voifin de Grafle de deux lieues , pour traiter
du mariage de M . de Gaffaud,gentilhomme de M anofque,
avec mademoifelle de Villeneuve Tourettes. Je ne le
vis qu’à fon retour. Il étoit intéreiïant qu’étant réfractaire aux ordres du R o i , il ne fe montrât pas à GraflTe ,
je le menai dîner à la campagne chez madame de la
T o ur ma parente.
M adam e de Villeneuve & madame de la T o ur font
feeurs, com m e héritieres de M . le baron de G r a d e , leur
pere ; elles ont partagé les terres de Mouans Sc de Sartoux cù elles demeurent toutes les deux ; leurs habitations
ne font féparées que par le grand chemin , & leurs
domaines font extrêmement rapprochés.
(1) NM. dis pi««* juiUfiiatius.
�3*
Le dîner fut fervi , attendu la chaleur de la faifon ,
ious une allée de marronniers d’un pavillon de madame
de la T o u r ; nous étions huit à table , madame de la
T o ur 6c mesdemoifclles Tes filles "au nombre de trois ,
dont la plus jeune avoit alors douze ans , M . de Briançon
neveu de madame de la T o u r ,
le comte de M irabeau;
j ’y avois ma fille avec Tes bonnes, cinq ou fix domeiKques nous fefvoient.
A
la fin du dîner, à trente pas de n o u s , parut un
homme couvert d ’un paraiol qui venoit voir travaillée
des ouvriers.
M . le comte de Mirabeau demanda qui c’étoit, quel
qu’un dit que c’étoit M . de Villeneuve ; il I’avoit vu
chez M. le marquis de V ence , 8c croyoit devoir s’ex
pliquer avec lui fur quelques objets qui leur étoient
perfonncls. Le comte de Mirabeau fe leve de table , 6c
fa ferviette à la main va joindre M . de V illen e u ve , en
préfence de dix ou douze ouvriers que ce dernier faifoit
travailler ; l’un èc l’autre étoient fans armes ; ils cauferent quelque tems cnfcmblc fous le parafol de M. de
Villeneuve en continuation de promenade; la converfation
s’échnufla , les paroles devinrent plus élevées, «5c la rixe
fut pouflec encore plus loin.
Le comte de Mirabeau revint coucher à G rade , 5c
repartit le lendemain pour Matiofque. M . de Villeneuve
crut devoir
rendre plainte de prétendus excès , il y
comprit madame de la Tour fa belle-fœur, avec laquelle
il plaide depuis vingt ans. L ’honneur que j’avois d’êrre
avec elle me valut au(lî un rôle dans cette accufation de la
part d’un gentilhomme que je ne connoidois pas , ■.&
que
�33
que je n’avois vu qu’une fois, lors de mon mariage.
J’ai la preuve de tous les faits de cette hiftorique ,
puifqu’on me force de le publier.
Preuve que le comte de Mirabeau étoit à M anofquc
d ’ordre du R o i , l’ordre lui-même.
C e t ordre connu dans la Province.
M . de Tourrettes ( du nom de Villeneuve) , m’écrit
le 24. A o û t 1 7 7 4 :
-
« O n ne peut exécuter des décrets contre M . votre
frcrc , puifqu’il cft fous la main du R o i «.
Preuves du m otif du voyage du comte de Mirabeau.
L e même M . de Villeneuve T o u re tte s , m ’écrit le 1 1
Août 1 7 7 4 .
« Quoique le voyage de M . votre frcrc fût un myftere
>3 pour tous autres que M. le comte de V en ce ( de la
>3 maifon de Villeneuve ) , madame la comtefle (de Vcn33 ce) & moi 33.
Il m ’écrit le 9 Septembre fuivant 33 , la vérité faite
33 pour tout le monde , ne peut être biaifée , ni dillimulée
» par vous , non feulement c’eft au public qu’il faut
33 dire l’objet du voyage du com te , à vos parens , mais
» même aux Juges; 6c qui peut le trouver mauvais »3 !
M . de Tourettes eft le pere de la demoifelledont le comte
de Mirabeau étoit venu traiter le mariage.
Il exifte une lettre du comte de Mirabeau , écrite de
Hollande en 1 7 7 7 , dans laquelle il rend compte de ce
voyage , & des motifs qui l’avoicnt déterminé, les mêmes
que ceux qu’on vient de voir.
Preuves que je n’étois pas même inftruite du voyage
E
�34
& que je n’ai vu le comte de Mirabeau qu’à Ton retour
de Touretres.
Le même M. deTou rettes écrit au comte de M irabeau,
le 3 i A oû t t 7 7 4 .
» Q u a n t à madame votre f œ u r , je me charge de
» déterminer fa defenfe ; clic eft iim p le , en offrant
» de prouver qu’elle ignoroit votre voyage à Tourettes
»
Sc k V e n c e , qu’elle ne vous a vu qu’au retour ; cette
» preuve va .auiïi à votre décharge ».
Le même M . de T o u rettes, m ’écrit à moi le 9 Sep
tembre 1 7 7 4 ,» nous n’avons pas befoinque M. Pazcry,
» ( célébré A v o c a t d’A ix , co n fu lré), nous dife qu’il n’y
»3 a , ni complots , ni aflaflinat de prouvé «.
Preuve que la querelle vint d ’une explication deman
dée par M . le comte de Mirabeau.
M . le marquis de M arignane, fon beau-pere , m’écrit
.
le 7 Septembre 1 7 7 4
Q u e fon gendre eft inexcufable d’avoir pouffé les
choies ii loin , furcouc étant averti que cette démarche
feroit en pure perte , & il ajoute » je ne lui pardonne
m donc p.HS d’après des avis de M . de Briunçon , d’avoir
« été
faire cette bravade ridicule , ôc furtout de ne
» s’être pas contenté des exeufes & du défaveu de M*
«
d e V i l l e n e u v e ...............J ’a j o u t e r o i s m ê m e q u e s’ il e û t
« eu à faire à tout autre , les propos dont il demandoit
M raifon n’ayant pas été tenus devant lui , &
étant
» défavoués , il ne pouvoit exiger autre chofe que le
«
renouvclcmenc de ce défaveu devant des pçrfonncs
« qui pourroient avoir entendu parler de ces propos »>•
M . de Tourettes m ’écrit le 1 1 A oût 1 7 7 4 ; » M. de
�,5
3S
Villeneuve (Pofrenfé) connaît M . votre frerc , sVranç
trouvé plufieurs fois à A ix , l ’année dernière , mêmç
,J chez lç marquis de V ence ».
Preuve que la querelle fc borna à une rixe peu com
mune entre gentilshommes.
M . du B ou rgu et, Confeiller au Parlement ( parent de
M . de Mirabeau ) , m’écrit le 3 Septembre 1 7 7 4 , qu’il
a écrit à M M . les marquis &c bailli de Mirabeau.
» J’ai d i t , ( ajoutc-t-il), à l’un &c à l’autre , que le
» comte de Mirabeau avoit
eu le malheur de donner
« à GraiTe des coups à M . de Villeneuve-M ouans, qui
» avoit pris la voie de la plainte en
v
juftice ,
que
j’allois arrêter autant qu’il dépendroit de moi , toutes
« les pourfuites jufqu’à leur réponfc ; voilà où j’en
y> étois , madame , ma chcrc confine , quand vous m ’a» vez fait l’honneur de m ’écrire ; j ’ai vu avec plaiiir
»3 que la choie s’écoit paiTée ainii que je Pavois'pré» fumé ».
D ans la lettre déjà citée de M . de Tourettes , au
çomte de Mirabeau , du 3 1 A o û t , il lui marque que ion
affaire « n’a que le titre d’effrayant , qu’on ne prouve
» qu’une rixe ordinaire , dont touc au plus il cft Pagref*
>3 feur.
Il m’écrit la même chofe dans fa lettre du 9 Sep tembre »3 je le répète , l’affaire n’eft autre chofe qu’ une
» rixe dont M . de Mirabeau cft Pagreiieur >3.
Le même M . de Tourettes , écrit au comte de M ira
beau, le 8 Septembre 1 7 7 4 ; » les Avocats ont décidé qu’il
s? falloir fin ir, ce qui me furprend & me défefpcre........
» fi la procédure c f t bonne , M . de V i l l c n c u v e - M o u a n s
E ij
�3&
» fera aux nues ; vous , ou les vôtres ne devez lui offrir
» que de l’argent. O u i , c o m t e , je dis de l’argent. Le
» payfan de votre village qui efl: étrillé 6c fait informer,
» prend de
l’argent ,
pourquoi le gentilhomme qui
»> s’ailimile à lu i, n’en prendroit-il pas? Je fa is bien que
» vous vouleréparation de, la calomnie • mais la répam ration cft contenue dans le déportem ent, 6c le dépor»
tement paroît ie donner gratuitement ».
Il lui écrit le 20 Septembre » dans Phypothefe d ’une
«
r ix e , le décret peut être arbitraire au Juge; celui de
>5 prife-de-corps contre vous bleffe tout ce qu’on vous
n doit ; mais cela ne veut pas dire qu’il puifte être cafte,
99 Sc c’eft en fin de caufe qu’on appréciera ce qu’il vau t».
Il lui marque le x 5 Janvier 1 7 7 5 , » tout ce que l’on
«
a fait contre vous jufqu’ici n’efk rien ; il n’eft pas
»
douteux que le Parlement ne foit prévenu en votre
« faveur , il doit l’être pour la caufe , £c votre p a rtie,
>j comme vous l’avez bien prévu , avoit encenfé
»s l’idole dont il avoit obtenu deux arrêts injuftes à la
» follicitation du Procureur Général Joanis , fon parent,
»3 par lequel il n’avoit pas honte de fe faire protéger.
O n laiffa fuivre à cette affaire le cours ordinaire de
la Juftice , parce que mon pere l’exigea.
V oici les ordres qu’il me donna le 10 Juin 1 7 7 5 ,
dans le plus fort de l’inftruclion.
” Je me vois obligé de vous prier , ma fille , de
» facrifier vos reflentimens ; fuppofé que vous en ayez,
» contre M. de M o u a n s , pour ne pas barrer la fin que
>j je dois defirer de cette vilaine & malheureufe affaire;
»> j ’ai chargé votre coufm du Bourguec 6c autres per-
�37
» Tonnes de nies amis , dans ce pays-la, de la finir ;
” afin de faire biffer le décret lancé contre votre frere;
» c’eff bien affez qu’ un pareil afte aie été , il ne faut:
» pas du moins en laiffcr , s’il fe p eu t, la t r a c e , &
»3 cela peut importer pour toute la vie de votre frcrc : en
*s général les réparations ne font gucrcs prifées par les
peifonncs qui n’en ont pas befoin ,
& ne réparent
>j rien d’ordinaire ; mais quelle que puiffc être votre
»3 façon de penfer à cet égard ou celle de vos confeils,
« vous aurez toujours bonne grâce de facrifier ce qui
>3 vous cil perfonncl pour foulager votre frere , des
» fuites & du fouvenir d ’une affaire dont la tournure
la plus favorable 8c le terme le plus ordinaire eût été
» à le faire condamner à vingt ans Sc jour de prifon.
>» Je vous prie donc , ma fille, de vous conformer en
” ceci à ce que M. du Bourguet vous mandera être
33 néeeffaire, 6c vous m’obligerez en faifant bien ; adieu,
J3 ma fille , j ’embraffe Pauline , 8c falue M . fon pcrc.
» Signé M i r a b ü a u .
Sans des ordres auiii pofitifs, je ne pouvois me difpcnier de fuivre la réparation qui m’etoit duc : on voit
l’opinion qu’en avoit mon perc dans cette lettre ; c’étoic
celle qu’en avoit toute la Province, Si la propre famille d e
M . de Villeneuve M ouans; on a déjà vu ce qu’en penfoie
M . de V iilcncuveTourcttes, dans les pafiages de fes lettres
ci-delfiis tranferits, & dans celle du 8 Septembre 1 7 7 4 .
11 m ’écrivoit dès le 1 5 d'A out précèdent , 33 ce n’e ff,
»3 ni avec moi , ni avec perfonne de toutes celles qui
33 ont
»9
l’honneur de vous connoître , que vous avez
à vous juftificr fur ccttc malhcureuie affaire
,
que
M.
�35
» votre pere la prenne du bon côté 5 &C elle cédera de
»3 vous affliger ,
ôC tournera à la
honte parfaite de
» l’autre «,
M . le marquis de M arignane, m’écrie dans celle du
7 Septembre , que j’ai déjà citée.
» Sa requête (de M . de Villeneuve) cil une horreur,
»5 donc je crois que peu de gens font capables ; c’cft
»5 un tiiTu d’infamies , d’abiurdités &: de calomnies, qui
» mériteroit les peines les plus capitales li cette afîairc
pouvoir fe fjivre en juitice «.
Je devois à madame de la T o u r , de lui faire part
de la lettre de mon pere: elle la communiqua à M . do
Briançon , fon n ev eu , qui en donna avis au comte de
M irabeau fon ami ; voici la réponfe de ce dernier du pre
mier Juillet 1 7 7 5 , que madame de la T o ur me renvoya.
« Je ne viens que de recevoir , mon cher ami , ca
»5
lettre du 1 7 Juin ; j’y apprends avec le plus grand
« étonnem ent, la conduite de madame de Cabris ; ii
îj fon pere elt fon pere , j’ai cru que j’écois fon frere ,
m &. depuis dix mois fous les verrous , je ne fais fi clic
« devoit déferter ma caufe , mais je crois qu’„ellc fe fait
» juitice à elle-même en ne répondant pas à quatre ou
» cinq lettres qu’elle a de moi.
jj
Q uant à t o i, mon ami , je te pardonne un moment
55 de délire , pourvu que ce ne foit qu’un m om en t: tu
*> ignores mes projets, j’ai cru qu’un cœur comme le tien
3> les devoit deviner ; j’ai juré de ne recevoir jamais un
» accommodement ; mais quand celui-ci me paroîtroic
» auiîi convenable qu’il cil ridicule ; quand on m ’auroit
» confukée , ce qu’on n’a pas daigné faire , je ne fuis
�39
» pas foupçonnable de laÜTer là mon ami ; réparation,,
»
mon cher Briançon , &: jurons-nous encore une fois
» une amitié éternelle ; jurons que l’une de nos figna» tures ne fe verra jamais dans cette affaire, qu’acccm » pagnée de l’autre: voilà ma profeilion de f o i , hâte
>3 toi de me répondre &. de me raiïùrer.
m
Je n’ai aucune nouvelle de ma famille , & je fuis
>5 depuis iîx femaines ici ; même f ans, fecours pécuniaire;
h
n’importe , quand j’y ferai trop m al, j’en faurai fortir.
» L ’acte d’amitié que tu projettes ne t’écarte pas de
»> trente lieues ; mais pour mettre à profit cette petite
» perte de tems , paile par Grenoble & Geneves , ru
» verras un pays délicieux , ôc c ’eit la route la plus
droite.
» Adieu mon éternel, Sc peut-être aujourd’hui mon
» unique ami ; je fuis trop en colere pour c’en écrirc
» aujourd’hui davantage.
^
Signe .M ir a b e a u fils»
)
C ’eft dans cet état que fut rendue la fentencc du z
O ito b re 1 .7 7 6 , non pas telle que l’ont inférée entre des
guillemets les auteurs du m ém o ire, à la page 10,;, mais
comme je vais la mettre en colonnes à côté 'de cette
copie , pour faire juger de leur exactitude , de leur fidé
l i t é , & du m otif qui les a excités à cette falfification. >
y> Sentence du 2 Octobre
Nous Juge commis par la
» 1 7 7 6 , qui juge le con-
Cour pour remplir le Tribu-
« tumax Ô£ fes coaccufes ,
n al} par Jes decrets & arrêts
n les déclare atteints & con-
du 8 Novembre 1 7 7 + i 4-
�» vaincus du délit articulé
M a i & 1 1 Septembre der
» dans la plainte ; pour ré-
nier
« paration de quoi, les con-
nommés par decrets de la.
« dam ne ¿<7^5 àparoîtredans
Cour tenant la Chambre des
« la falle du Palais royal ,
vacations les $ 0 Juillet & 1 1
Sept, derniers pour le profit
« un jour d’audiencc , & les
en avis des foujfignés
>3 plaids tenans , & enfuite
jj au lieu de Mouans , 8c
du défaut de la part des ac-
sa dans la falle des habitans
repréfentés pour fubir les der
» du lieux de Sartoux , en
niers interrogatoires lors de
33 préfence du Confeil af-
la v i f te de la procédure 3fu r
les ajjîgnations a eux don
nées 3fuivies d'un exploit de
33 femblée , & là y faire des
i3 exeufes 5c demander par33 don à M . de Villeneuve ,
>3 dcfquelles réparations pu
eufés non contumax de s ’ être
is bliques procès verbaux fe«
proclamation 3 avec affiche
le tout fa it par Lantier qui
en a drefféfon procès verbal,
J3 feront dreifés. L e ...........
en déclarant la contumax bien
n , , , ...........effc condamné
33 en i o 1. d’amende envers
33 le Roi , &c 6 o o o liv. d’a-
inftruite contre fieur V ictor
33 mende envers l’accufa-
aux objets fournis par les
33 tcur ; le Heur Briançon
trois accufés non contumax,
33 en 4 liv. envers le R o i , 8c
ni a leurs exceptions & dé-
33 6 o o liv. envers l’accufa» tcur; les dames de Cabris
fenfes 3 ayant tel égard que
de raifon a la requête de
” Sc de Roumoulcs en i liv.
plainte du fieur de Vaille-
»3 d’amende envers le R o i ,
>3 &C 300 liv. chacune d’a-
neuve 3 & h fe s fins civiles >
»3 mende envers l'accu fa -
rabeau contumax 3 le fieur
33 tcur. Ils y font tous con-
Jofferandy
de R iq u c t i, C o m te de M i
rabeau , fans nous arrêter
en déclarant Le fieur de M i
Briançon 3 la
dame
�damnés folidaircment ,
ainfi qu’aux dépens ; &
jufq u’au p a y e m e n t, les
dame de Cabris, & la dame
de Graffe la Tour atteints
& convaincus , fiv o ir , ledk
deux dames , & le fieur
fieur de Mirabeau
Briançon , fon t condam-
infulté de deffein prémédite
nés y fuivant les ufages
le fieur de Taille neuve dans
de Provence , à tenir les
un de fe s domaines enclavé
arrêts de la ville.
dans fon f i e f , d ’ en être venu,
d ’ avoir
à cette occafion , aux prifes ,
& de l ’ avoir enfuite excédé
de coups ; ledit fieur Brian
çon , la dame de Cabris & la
dame de la Tour d ’ avoir participé au dejfein où étoit ledit
fieur de Mirabeau d ’infulter ledit fieur de Villeneuve , &
d ’ avoir autorifé ledit dejfein , en réparation de quoi avons
condamné les accufés a comparoître dans la fa lle du Palais
ro y a l, un jour d ’ audience , le p la id tenant , en la préfence
du fieur de Villeneuve , f i bon lui femble , ledit fieur de
Mirabeau ayant la tête nue, & derrière le bureau, à déclarer
que follem ent 6’ témérairement i l a infulté , excédé de coups
le fieur de V illeneuve , qu’ i l s ’ en repent, & lui demande
pardon ; laquelle réparation fera réitérée aux mêmes formes
dans le lieu de Mouans & dans la fa lle où f e tient le Confeil
des habit ans de Sartoux , ledit Confeil a cet effet affemblé,
a laquelle fa lle ledit Confeil affemblé , lefdits accufés non
contumax feront des exeufes au fieur de Villeneuve ; defi
quelles réparations publiquesil fera dreffé des procès verbaux
féparés ; avons condamné en outre ledit fieur de Mirabeau
a 10 liv. d ’amende envers le Roi , a 6000 liv. d ’ a m en d e
envers ledit fieur de Villeneuve , pour lui tenir lieu des
F
�4*
dommages & intérims ; ledit fieur de Briançon a
livres
d'amende envers le R oi 3 & a 600 livres d'amende envers
h d it fieur de Villeneuve ; & les dames de Cabris & de lu
Tour en z livres d ’ amende envers le R o i , & a 300 livres
d'amende chacune envers ledit fieur de Villeneuve , pour
lui tenir lieu des réparations civiles 3 condamnant les ac
cufiés aux dépens , pour toutes lefquelles adjudications ils
feront contraints folidairement ; & a cet effet ledit fieur de
Mirabeau tiendra les prifons 3 & le fieur de Briançon les
arrêts de la ville ju fq u 'a entier paiement 3 avec inhibitions
0
défenfes a tous les querellés de récidiver 3 fous plus
grande peine. F a it a G rafie dans le Palais ô dans l&
Chambre du Ccnfeil avant midi 3 le 2 Octobre 1 7 7 6 3 ayant
remis la procédure & toutes les pieces civiles 3 enfimble
notre préfente fentence au Greffe. Signé R e v e l le cadet *
Juge commis par la Cour 3 T r a s t o u r , Affeffeur
Guerate ,
&
Affeffeur .
O n voit ici avec étonnement que dans la fcntence
copiée dans le mémoire , madame de la T o ur Roumoules
& m o i , nous fommes d’éclar'ées atteintes & convaincues y
du délit articulé dans la plainte ; (aflaifinat prémédité
fur la perfonne de M . de Villeneuve , ligne
2
5 page 9 )
que nous y fommes également condamnées, madame de
la T o u r & m o i , à paroître dans la fallc du Palais royal
de Gratte , un jour d’aud ien ce, & les plaids tenans, &
enfuire au lieu de M o u a n s, dans la falle des habirans de
S a rto u x, en préfence du Confeil affcmblé , & là y faire
\ des exeufes , O demander pardon.
Et à la ligne 2 2 ; que nous fojnmcs également coi*-
�43
née$ , madame de la T o i# &C m o i, à garderies arrêts
de la ville ju fy u ’au paiement des réparations civiles & des
dépens.
Il n’cft pas jufqu’à la note mifc au bas de cecre même
page i o , où l’on fait une grande diflertation pçur m ’actabler d’injures, fous prétexte de l’amende prononcée par
cette fentence ; fans s’épuifer çn citations d'autorités, Qfl
po uv oi t
en trouver une dans l’article 7 du tit. x 5 dç l’or-r
donnance de 1 7 7 0 qui apprend qua l>m.çndç fl’eft point
infamante quand elle n’eft: pas confirmée par arrêt, quanti
elle n’eft pas jointe à une condamnation fur qn dçlic jn-r
famant. Toutes les charges de l’informatiot} de M . d«
Villeneuve contre madame de la Tour & moi fc bprnçn^
i dire que pendant fa querelle avec lç (leur de Mirabeau
nous avions ri dans un lieu d’où nou? np pouvions cepen
dant ni les voir ni les entendre.
J
Je ne dois pas oublier içi que la cabale qui minoiç
notre m a ifo n , étoit (ï co n n u ç, que M . de T o m c tte s c>
par fa lettre du 1 1 A oû t 1 7 7 4 , me m arque: « ççttç
»
affai re eft d’autant plus défagré^ible , que vous êrcs
»> entourés de gens abominables, ô£ çapablçs de to.y.tcs
?» fortes d’ipiquités.
Q U A T R I E M E
F A I T .
L a dam? de Lombard> douairière de Cabris > prétend
que pendant mon féjour à Lyon en 1 7 7 6 j ’ avois forcé la.
police a fuivre rfies pas ; elle fa.it de Içngs détails de prér
fendus prçcès verbaux qu’elle fuppqfe fq its a cet égard
tant par la, Police de Lyon que par c$llç de Paris i clic
Fi j
�t4
copie même en guillemets 3 a la page / j
M u r on.
'
j
celui du fie tir
'
Je ne puis & ne dois répondre à cc fait que par la
plainte que j’ai rendue, Sc par la réparation authentique
que j ’en attends de M . le Lieutenant Criminel. Si je me
livre ici à quelques réflexions, cc ne fera que pour dé
montrer l’abfurdité Sc la fauflecé qui naiflent de ces écrits
mênics.
'
M'. le M arquis‘de Mirabeau fit partir le 6 Juillet 1 7 7 6 '
le' fleur Muron , lui troïfieme ^ à la pifte du comte de
Mirabeaiu fon fils , qui s’étoit échappé du château de
Jtauir. If' j>afôît par une lettre écrite à M. le marquis de
Mârignanhé le 9 Septembre fu iv a n t, imprimée dans un
inémoire de la comtcflc de Mirabeau contre fon mari ,
pages 10 Sc fuivantes , ’»j qu’ils le fiiivircrit en S a v o ie ,
»j en Dauphiné , à Lyon Sc en P ro ven ce , qu’ils revinrent à Lyon où', fur clés avis Jqu’iPgagnoit les échelles
*> de Savoie Sc les Verrières de SuifTe, les chargés d’ordré
« y coururent.
C ’étoit donc contre le com te de Mirabeau que le iieur
Muron étoit envoyé. f
Ces chargés d ’ordre n’en iivoienr point contre moi ,
& n’en pouvoient point avoir; une femme en puiiTance
d’un m a r i, qui ne fe plaint pas,'qui ne parle d’elle qu’avec
,lcs expreflions du rcfpcdt Sc de l’cftimc , une femme qui
joint à ces témoignages domeftiques ceux des deux fan lillcs, & de toutes les perfonnes dont elle cft connue ,
ne peut avoir à fes trouffes des Infpecteurs de Police.
Il cft donc abfolumcnt faux que le ficur Muron Sc fes
adjoints avent drefle procès-verbal de mes démarches.
�45
Le procès verbal dont parle le libelle , aujourd’hui
fuppofé entre les mains de mes A dverfaires, n’effc donc
qu’un être de raifon , une piccc fauiîc , fabriquée dans
l ’obfcur'ité , pour fc préparcredes armes controinnoi , &
s’ il étoit poiïible qù'cllc-fût reuêtuç d e ! lafigmiTurc d’un
officier de Police , ce ne (croit que Je fruit de la préva
rication de de la coupable-complaifanceipour celui, qui le
payoir.
. . .
-t
Je ne veux pas d-autre prouve de la non exifter.ee de
ce prétendu procès v e rb a l, que l’ordre du Roi .décerné
contre moi le i 9 Juin 1 7 7 7 , à la follicitation de mon
pcrc & à l’infçu de mon m a r i, 6c révoqué quatorze jours
jours .après:(lé 4 Juillet) , fur /na'fimplc rcpr6fcncatipn ,
avant que mon mari , alors en Provence , eût pu ctt.êtrc
inftruit.
* ■.
. r
^Si le procès verbal eût exifté, le gouvernement auroitil refté onze moits £aus fôvir contre moi,, 6c fe fçroic- il
contenté d’un exil de quatorze .jours ?
,
Si je pouvois defeendre juiqu’à me juftificr, jc..n’aurois befoin que des lettres ci-devant citées ; on y vo.it mon
pere lui même , faifant l’éloge de ma conduite, exigeant
de moi des facrifices.
L a famille de mon mari me témoignant la plus grande
confiance, 6c prenant part aux chagrins domeftiques que
j’éprouve. M . de Vauvenargucs m ’écrit dans fa lettre
déjà citée , du i ‘4 Juillet 1 7 7 4 .
» Il ne me refté qu ’à vôus dire combien je fuis atten>» dri Sc touché de votre confiance 6c dé votre lituation.
n Vous pouvez avec liberté 6c sûreté , foulagcr votre
y> cœur dans le mien ; vos peines me font auifi fenfiblcs
�4^»
» que. . . . . . C e p e n d a n t mq. chert co’uÆne , nç l’abîïR’3 donnez p a s, il feroic perdu. La crainte Jcule qu’inf« pire une .Femme refpeâfcnblp * ppjt -quelquefois' arrêter,
v un m ari ; le -votre s’éloignera de vous , tournera ,
v changera de plan ^ d ’amis , 6c! d’habitudes , comme
» un malade qui ne trouve point de bonne plaçc , cet
v état cruel..le forcera de reyenir k vous :; je le délire ,
« je Pefpere.............. Mais en tout , ma chcre coufinc ,
» ouvrez-nous à. moi fans crain te, vous je poyvp:£ aveç
v affûta ne e ; quelque 'vertueuie que foie une am«?, elle
»> ne trouve pas toujours en elle - même de quoi ic
») fuffire.
Le même marquis de Vauvenargues m ’écrivoit le i 6
JuiHet i 7 7 4 :
»» Au furplus , ma chere co u fin e, votre conduite visn
vis de votre m a r i, & relativement-à. tous fes intérêts,
m eft âdlive , éclairée & refpc&able à tous égards, mon
■
a témoignage eft inutile pour le prouver, ce font dei
»5 vérités connues que j’ai atteftées , que j’attefte 6c que
» j’attefterai tant , & à qui il vous plaira.
On a vu quelles étoient les expreflions de celles de
M . de Totirrettes & des autres perfonnes avec qui j’étois
en correfpondance pour les malheureufes affaires de ma
famille.
La dame de Lombard , douairière, m’écrivoit à Lyon,
enfuite à Paris en 1 7 7 6 & en 1 7 7 7 .
D ans ia lettre du t 7 M ai 1 7 7 6 elle $ t : y ce feroif:
» une grande faxisfaction 5c confolation pour moj d#
» vous voir jçi d.ins quelque tems , que vous y fuifie.?
�*
47tranquille & comme vous devez y être ; voilà , m a
»> chcre fille, tous mes fouhaits.
J’ai déjà imprimé une autre lettre du 2 Janvier 1 7 7 7 ,
oii elle me marque ; « que c ’cil avec le plus v if intérêt
»» qu’elle reçoit le témoignage de mon amitié ; rien
« n’égale ( ajoutc-elle ) le plaifir que j’ai de favoir que
a
vous jouiriez d’une bonne fanté dans l’endroit où vous
*5 ères , fi ce n’eft celui que vous me cauferiez étant
« avec nous. Si le Seigneur daigne exaucer mes vœux ,
» vous jouirez de la vraie félicité pour tous les te m s,
*3 Pauline dit que. vous venie%, que vous venie\.
Je ne rappelerai point ici les certificats des rclîgieufes
^c la DeiTerte à Lyon , de Popincourt à Paris , & de
Siftcron.en Provence, couvcns où j-’a l demeuré -'pendant
le tems que je n ’ai pas été avec mon mari ; j’ai déjà été
forcée de les imprimer ailleurs , & je le ferai même de
rappeler le d ern ier dans un inftant.
A -t-on ofé fe permettre l ’affrcufc aiTertion ( inférée
page 1 9 , ligne 19. da m ém oire) quo mon mari s’éroit
éloigné de moi ! a t on pu oublier que le 3 1 Mars 1 7 7 6
il m ’envoya auprès de ma mero alors malade & à la
fuite de ics aiïaires à P a ris , que le n M ai 1 7 7 7 , il
me marquoit : « ma mere avec qui vous avez eu uti
53 con)mcrco fuivii de lettres-, m ’a dit pluficurs fois que
»i - vous n’étiez pas éloignée de revenir, èc m ’a même
«
montre des lettres qui confirmoient fon difeours. Je
w deiircrois que- vous vous mainteniez toujours dans ce
i» ü n tim çn t t &C que vous exécutiez promptement vorrç
*i projet.
Q u e le 4 A o û t 1 7 7 7 il écrivoit au marquis de M*-
�. 4?
rabcau de fa propi;c main , pour (e plaindre de l’ordre qui m ’avoic exilé de Paris : » fans les égards que ma
» femme conferva pour vous, & qu’elle m ’oblige à par» tager , je vous aurois déjà dénoncé au Tribunal de
« NoiTeigncurs les Maréchaux de France , je vous y
» anrois dénoncé comme le perturbateur de mon repos
» domeftique , le calomniateur de ma femme , d’une
« femme que je refpe£te.
M on mari adrefla en même tems des repréfentations
aux M inières du Roi fur cette furprife faite à l’auto
rité , &. leur envoya copie de fa lettre à M . le marquis
de Mirabeau.
C I N Q U I E M E
F A I T .
M on e x il a Sijleroti ; lettre de la Supérieure du couvent
ou j ’ étois ; entrée de Madame la marquife de Limaye pen
dant la nuit dans ce couvent.
Les auteurs du mémoire s’oublient fur les motifs qu’ils
veulent donner à ma détention.
A la page i 5 , premier alin éa, voici ce qu’ils en difent : » tous fes parens defircrcnt fauver leur honneur Sc
« le ficn qu’elle compromettoit à A ix dans le cours de
» l’année 1 7 7 8 , ils obtinrent un ordre du R oi pour la
» faire renfermer dans le couvent des Urfulines de Sii” teron ». (J’étois alors avec mon mari qui fuivoit fou
appel de la fentcncc d'interdiction ; je ne le quittois pas -,
je fus enlevée de fon lit au milieu de la nuit). D ans la
note au bas de la page 4.0 , après avoir raconté l’hiff
toirc fabulcufe , que M . de Cabris m ’étoit échappé au
fpe£taclc
�4i>
fpe&acle , &
av o it couru de loge en l o g e , f a ifa nt des
folies , ils ajo ut en t de fuite : «
les parens
s’ém urcnc
d ’une c o ndu ite qu i les c o m p r o m e t t o i t , ils cr urent né>> ceiTHirede féparer M . de C a b r i s d ’une c o m p a g n e ( q u i
»
le d é f e n d o i t) qui d o n n o it à fes malheurs une publ icité
33
Ci affligeante , q u ’ils fc réunirent & o bt in re nt du R o i
33 un ordre de la con du ire dans le c o u v e n t de Siiteron »>.
L ’hiftoire du f p e & a c l e , je le r é p è te , eft a b fo lu m e n t fauiïè.
M o n mari y alloit f o u v e n t , il y étoic
c o m m e tous les
autres fpectateurs ; toute la ville d ’ A i x & celle de M a r fcille peuvent l’attefter ; la publicité affligeante étoic dans
les pourfuircs de la cabale' pour l’interdiCtion.
L a c o nt ra di c tio n q ue je viens de relever n’eft: pas la
feule q u ’on puiiTe reprocher fur cet étrange f a it à mes
perfécuteurs.
M . le Bailli de M i r a b e a u , qui a toujours été reconnu
p o u r a vo ir p r o v o q u é de f a it obte nir l’ordre qui m ’enlcv o i t k la défe nfe de m o n mari , éc rit le 6 N o v e m b r e
1782
à la c o m t c f le de M i r a b e a u , fon autre n i e c e , qu i
v o u l o i t être féparée de fon m ar i : 55 vous êtes fa f e m m e ,
«
nulle autorité fous le ciel ne fauroit difloudre le lien
35 qui l ’a tt a ch e à vous , de vous à lui ; le Souverain lui»5 m ê m e ne le pourroit que par un acte de tyran nie
35 inouïe.
Je m ’interdirai tou te réflexion fur cette religion de
circonitance.
E n c o pi a nt la lettre de la Supérieure du c o u v e n t de
Siiteron au M i n i f t r e , page 1 5 , les auteurs du m é m o ir e
auroient du dire que cette religieufc n’ a v o i t été a p p e l é e par
les intrigues de la c a b a l e , du f o n d du L a n g u e d o c où elle
G
�5®
îWoit fait profeffion , que pour exercer fcs persécutions
contre moi.
Ils aur oicn t dû dire q u ’après que j ’eus obt en u la révo
c at ion de l’ordre du R o i , cette Supérieure voulu t m e re
tenir du iien p a r t i c u l i e r , m a lg ré les repréfentations du
S u b d é lé g u é de l’i n t e n d a n t , porreur de cette ré vo c at io n ,
q u ’elle ne cé da q u ’à la crainte d ’un tu mu lt e o<?cafionné
par plus de cin q ce nt perfonnes raflemblées qui s’é toient
tranfportées aux portes de m o n c o u v e n t fur le bruit de
m a liberté répandu dans la ville , 6c q u ’il fallut q u ’on
m e portât aux fenêtres pour appaifer l’in d ig n a t i on du
p e u pl e , qui fa vo it que m o u r a n t t depuis trois m o i s , on m e
refufoie des bouillons £c un médecin.
J’opp polerai à cette le ttre, dictée par la cabal e m ê m e ,
une lettre écrite par la Supérieure précédente au m ê m e
M i n i i t r c , le : o D é c e m b r e 1 7 7 8 :
» M o n i c i g n c u r , je viens de recevoir une lettre de M . de
'»3 la T o u r , In t e n d a n t de cette p r o v i n c e , par laquelle il
«
m e fa it part d ’un ordre de Sa M a j c f t é , pour refufer
îj d o r é n a v a n t à m o n parloir l' a vo c a t d u R o i de ce tte
»
v i l l e , qui éto it en ufage de venir co nfé rer en m a pré-
»
fe nc c a v e c m a d a m e la ma rq u ife de C a b r i s , enfuitc
»
d ’un de cret du P a r l e m e n t , 6c d ’une lettre de vo tre
«
part à M . de la T o u r qui l’y autorifoit en a p p ro u v a n t
”
le decret : j ’ai o b é i , 6c M . l’a v o c a t du P«.oi ne verra
M plus m a d a m e de Ca br is .
” Je crois de voir à la vérité 6c aux
>3 marq uife de
55
intérêts de la
C a b r i s que j ’eftime p r o f o n d é m e n t , de
prendre fur moi d’avoir l’hon neur de vous écire
,
Mon-
>3 f e i g n e u r , pour vous certifier q u ’a y a n t toujours été pré-
�51
» fente aux co nférences de M . D e y r a u d a v e c m a d a m e la
»> mar qui fe de C a b r i s , 6c pré fi dé, c o m m e je le d e v o i s , à
” toutes leurs relations , je n’ai jama is rien vu ni c n u tendu qui ne fût dig ne des fentimens de l’un 6 c de
u l ’a u t r e, 6c qui pût porter la mo in dr e atteinte aux ordres
» de Sa M a j ef t é .
»> Je dois encore avoir l’honn eur de vous aifurer que
>» depuis dix mois que cette d a m e cft détenue dans m a
m maifon , elle s’y cil fa it g é n é r a le m e n t refpc£ter 6c
53 aimer , q u ’elle réunit toutes les qualités du c œ u r 6c
» de l ’e f p r i t , que fa p i é t é , fa do uceur 6 c fa foumiiîîon
» aux ordres de Sa M a j e f t é nous édifient tous les jours :
« ces difterens t é m o ig na g e s font con iîgné s dans pluiieurs
» de mes lettres à M . de la T o u r , 6c je ne do ut e pas
» q u ’il ne vous en ait rendu c o m p t e , c o m m e je l’en ai
» chargé.
O
»
V o t r e juftice
&
votre
»s M o n f e i g n c u r , vous feron t
»
bienfaifance fi connues ,
pardonner , j ’cfpere , la
liberté que je prends de vous adrcilcr cette le t t r e ; m a
>5 c o nf c ic nc e cft en ga g é e à vous faire parvenir un té mo i”
S naS c dû » &
peut-être cft de venu néccfïaire ,
»
puifque je fuis feule à portée de juger m a d a m e de
«
C a b r i s , 6c de c o n n o ît r c la vérité ; je fuis d ’ailleurs
»> entièrement défintérefTée dans des affaires bien étran»
geres à m o n é t a t ; m o n devoir 6c la vérité p o u v o i e n t
»
fe u ls
me forcer de m ’en occuper.
Je fuis avec un très-profond r c f p c d ,
Monfeigncur ,
V o t r e très-humble & très-obéiflante f er va nt e,
Sœu r A i l i e r , Supérieure du monafte re de Ste. Urfule.
G ij
�52
Je puis oppofe r encore une lettre écrite par la m ê m e
Supérieure à M . de la T o u r , In te n d a n t de la province ,
ch a rg é de faire e xéc ut er les ordres décernés contre moi.
U n certificat de cette m ê m e Su p éri eu re , préfente aux c o n
férences q u ’il m ’a v o i t été permis d ’avoir a v e c M . D e y raud , A v o c a t du R o i , que le P a r le m e n t a v o i t n o m m é
pour m o n C o n f e i l , un certificat de toutes les religieufes
fans ex ceptions , fur la maniéré d o n t je m e c o m p o rt o is
dans le c o u ve n t ; enfin celui de tous les gens d e - c o n d i
tion , h o m m es en place & notables de la m ê m e v il le , du
9 Fé vrie r 1 7 8 1 ,
fur la réquifition de M M . les co m te s
de G r u e l , pcrc & fils , à qui j’ai l'honneur d ’a p p a r te n ir ,
du c h e f des M i r a b e a u ( ce dernier fy n d i c de la noblcfle
du D a u p h i n é ) ; Sc d ’après l’expofé qui leur eft fait de la
lettre écrite pa-r la d a m e A u g i e r , Supérieure , d o n t ils
11’héfitent pas d ’attefter la fa u île té.
il eft néceflarrc de diftinguer la dame Aftier de là
dame Augier qui lui a fuccédé.
L e t t r e de Madame A/lier a M . l'intendant de
Provence.
i) M o n f i e u r , j ’ai reçu la lettre que vo us m ’a v e z fait:
»
l’honn eur de m ’é c r i r e , en da te du 1 5 de ce m o i s , les
”
intentions du R o i f o n t remplies , M o n fi e u r D c y r a u d
”
ne voi t plus m a d a m e la m a r q u if e de C a b r i s , je fuis
>5 bien éloignée d ’ofer réfifter à des ordres fupérieurs.
« J’ai déjà eu l’honneur de vous aiTurer, M o n f i e u r %
»
q u ’il ne s’étoit c o m m i s aucuns abus dans les relations
«
qu e m a d a m e de C a b r i s a eues ave c le iîeur D c y r a u d 3
�53
”
conformément aux in tentions du P a r l e m e n t 8c h 1%
”
première a p p r o b a t io n du M i n i f t r c ; la fam il le a b f e n t e
,J
ne peut pas connoîcrc aufli bien que moi la vérité ,
13 &
je puis feule certifier c e qu i s’eft paiTé fous mes
»
yeux ; je mé rite d ’auta nt plus de cr o ya nc e que j ’étois
»
charg ée
»
porté d ’autre i n t é r ê t dans cette a f f a i r e , que ceux de
«
m o n d ev oir &
»
M . A m c l o c Sc la fam il le que les no u v e a u x ordres feront
»
e xa c te m e n t ob fervés , c o m m e l’onc toujours été ceux
»
que vous m ’a v e z fait l’honneur de m e c o m m u n i q u e r .
»
Je fuis av e c un p r o fo n d r e f p c d ,
d ’e mp êc he r les abus , 8c que je n'ai j a m a i s
de la ju fticc ; vous
po u v e z affurcr
Monficur ;
P . S. J’ai remis à m a d a m e
Votre
très - hu m b le
5c
d e C a b r i s la lettre que vous
très - o b é i f f a n t e fervante ,
m ’a v e z adreffée pour elle; il
fœ ur de Sr. Jean R . V* S.
ne m ’appartient point de lui
A i l i e r , Supérieure,
do nn e r aucun avis fur Tes
affaires.
C e r t i F I CAT de la Dame A flie r 3 Supérieure.
» Je foufïignée, Supérieure des religieufes du m on af te re
»
de Sainte U r f u l e de cette ville de Siftcron , certifie en
»
f ave ur de la vérité , que depuis le dccrct du Parlement:
»
du 1 4 M a r s d e rn ie r, qui m ’ a été c o m m u n i q u é le pre*
»
mier A v r i l , par lequel il a été permis à m a d a m e la
»
ma rqu ife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans
�14
ce. m o n a f t e r e , de co nfé rer a v e c fon C o n f c i l fur fes
a ff a ir e s, 6c depuis le c h o i x que ladite d a m e de C a b r i s
a f a it de M . D e y r a u d ,
A v o c a t du R o i au Siège de
ce tt e v i l l e , pour fon C o n f c i l , je n ’ai jamais rien vu
ni e nt e nd u dans leurs différentes co nférences ou j’ai
affifté , f u i v a n t
l’intention
du P a r le m e n t , é no ncé e
dans le fufdit de crct , qui ne fût c o nf o rm e à la d é
ce nc e & qui pût faire fufpecker les fentimens & la pru
dence d ud it Heur D e y r a u d ; que le fujet le plus ordi
naire de ces co nférences é t o it les affaires de ladite
d a m e ; que les confeils 6t les d é ma rc he s du fieur D e y
raud o n t toujours été c o n fo r m e s a u x
ordres de Sa
M a j c f t é , 6c dirigés par le r c f p c d qui leur cil: dû ; élo i
gn és des partis violens ,
8c feu lemen t a c c o m p a g n é s
des motifs de c o nf o la t io n propres à adou ci r les peines
de ladite d a m e de C a b r i s , & q u ’enfin la c o nd ui te d u
ficur D e y r a u d , dans fes relations a v e c ladite d a m e ,
a été fi ex aéï e 6c fi p r u d e n t e , que je ne fan rois croire
q u ’il ait pu don ne r lieu à la mo in dr e plainte de la parc
de qui que ce foit ; en foi de quoi j ’ai fait le préfent
c e r t i f i c a t ; à Siftcron ce
x o A o û t 1 7 7 8 , jignè fœu r
de St. Jean , A i l i e r , Supérieure.
CERTIFICAT
de toutes les Religieufes du Couvent
de S i fier on.
« N o u s fouffignées Supérieure , Ai fiftante , & toutes
«
nos Sœurs profeffes du mona fter e de fainte U r fu l c de
»
cette ville de Sifteron , déclarons 6c certifions que
m
m a d a m e la marquife de C a b r i s , p e n d a n t fo n iéjour
�u
”
dans notre c o u v e n t , où elle eft dé tenue par lettre Je
”
c a c h e t , mène une c ond uit e exemplaire , q u ’elle pra -
”
tique les exercices de religion , des vertus morales &
”
c h r é t ie n n e s , & obferve toute la d é cen ce & la dig ni té
»
q u ’on d o it attendre d ’une f e m m e de fon rang , que fa
»
do uceur 8c fon h o n n ê te té la f o n t chérir de toute notre
>3 c o m m u n a u t é , 8 c que ce ne feroic q u ’avec le plus v i f
>3 regret qu e nous la verrions iortir de c h e z n o u s , il* clic
>» éto it transférée dans un autre co u v e n t. En foi de quoi
33 nous avons, fait 8c figné ce préfent certificat. A Sille >3 ron le 20 M a i 1 7 7 8 ^¡ignées fœur de Sa int J e a n ,
»3 A i l i e r , Supérieure ; fœu r du St. E f p r i t , H u g u e s , A f >» fiftante ; fœur du St. A m o u r , D e y r a u t , Z e l a t r i c e ,
33 fœ u r de Ste. A g n è s , Berticr ; fœ u r de St. X a v i e r , de
»3 B r e m o n t ; fœ ur St. C h a rl e s , C r u d y ; fœu r de St. A u »3 g u i l i n , B o r e l y ; fœur du S a c r é - C œ u r , C o n f o l i n ; iœ ur
»
du Sa uve ur , B o i s ; fœur de St. P i e r r e , de C h a m p c l o s ;
»
f œ u r de St. P a u l , de C h a m p c l o s ; f œ u r . d u V e f b e in -
33 c a r n é , de C h a m p c l o s ; fœur de Ste. C c c i l e , F e r a n d ;
>3 fœu r de Ste. R e i n e , M i e u l e ; fœ u r de Ste. O n g e l e ,
33 G u i b e r t ; fœ u r C l e r c , de B e r m o n d ; fœ u r de Sainte
>3 R o f a l i e , L a t i l ; fœu r de Jéfus, Ifourd ; f œ u r de Sainte
»
U r f u l e , de C k a t e a u a r n o u x ; fœu r d e St. J o f e p h , Jacob.
oi;
C E R T I F IC A T des M aires 3 Conftds & Notables de la ville
de Sifieron. ■
»
»3 M o n f i e u r le C o m t e de G ru e l du Sais , & M . le c o m t e
») Jacques de G ru e l fon fils , f y n d i c s . d e la N o b l e f l e du
»3
ha u t D a u p h i n s , oncle 8c coufin de m a d a m e la mar-
�¿6
«
quife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans le
»
c o u v e n t de Sainte - U r f u l c de cette ville d e .S i f t c r o n
33 en P r o v e n c e , a y a n t appris qu e la d a m e A u g i e r de
33 Ste. C é c i l e , religieufe profeiïe du c o u v e n t des U r f u sj lines de la ville d u P o n t St. E f p r it , en L a n g u e d o c , Sc
33 depuis un an feu le me nt fupérieure du c o u v e n t de Sif"
33 teron , a v o i t d e m a n d é au M i n i f t r e du R o i , dans le
»
mois de N o v e m b r e d e rn ie r, le c h a n g e m e n t de m a d a m e
33 la mar qui fe de C a b r i s , leur p a r e n te , fur le fo n d e m en t
a» q u ’elle m e t t o it le défordre dans la ma if on , &
trou-
33 bloit les exercices divins , en re cev ant au parloir trop
93 d e vifites , èc n o t a m m e n t tou te la m a u va i fe c o m p a 33 gnie de la v i ll e ; les M M . c o m t e s de G r u e l , do miciliés
j> à cin q licucs de cette v i l l e , nous a y a n t prié de dire ce
33 qui effc à notre c o nn o iff a nc e , nous fouiîignés M a i r e ,
33 C o n f u l a & u e l de la ville de Sifteron , &
nous Ex*-
,33 C o n f u l s & autres N o t a b l e s de lad ite v i l l e , certifions,
-•> en f ave ur de la v é r i t é , que la c o n d u it e de m a d a m e la
,33 ma rqu ife de C a b r i s , depuis fa d ét en ti o n au c o u v e n t *
»
lui a attiré l’a t t a c h e m e n t Sc le refpc£t de toute la
»
ville , q u ’elle ne voi e au parloir que ce q u ’il y a de
53 gens c o m m e il f a u t , d ’honn eur 8c de probité , que
33 toutes les^perfonnes de d i f t i n û i o n , no n f e u le m e nt de
33 ce tt e v i l l e , mais en core celles qui y o nt pafle., n’o nt
33 pas m a n q u é de l’aller v o i r , q u ’elle efk l’objet .de la
55 véné ra tio n publ ique , &C q u ’ il par oît q u ’il ne peut y
avoir eu que de vils calom niate urs qui ayent fug géré
33 c o n t r’cllc des délations fecretes ; certifions en o u t r e ,
7) q u il eft de no t o r ié t é pu bl iqu e q u e ladite d a m e m a r
quife
�57
3>. quifc de Cabris donne à la mai fou de .Sainte Urfulc
,J quinze cenc livres de penfion pour elle &C fa femme
M de c h a m b r e , &C qu’elle y cft fi m a l logée , ii mal cou« chée , fi mefquinement nourrie , & ii négligée dans
5j fes maladies , qu’il paroît , eu égard à ce que coûtent
33 les vivres dans cette ville', 8c à la penfion ordinaire
33 de cent quatre-vingt livres fixée dans ce couvent pour
3j les penfionnaircs , que la communauté gagne , fur les
« 1 5 0 0 liv. au moins les deux tiers ; en foi de quoi , 8C
3j à la requête des iieurs comte de G r u e l , avons figné
33 le préfent c ertifica t, pour fervir Sc valoir ce que de
s? raifon , fait contrefigner par notre fecrétaire, 8c ap33 pofer les fceau Sc armes de la ville : à Sifteron le 9
33 Janvier 1 7 8 1 . Ainfi fignés Bcrard de St. Denis , M .
« Conf. ; Juflert, M . Conf. ; F u q u c t , Conful ; F. S. Im33 bert , E x -C o n fu l ; R c g n is , E x - C o n f u l ; Deiraud ,
33 Confeiller 5c A vocat du Roi au Siège ; Richam La*
33 plaile, D irc& eur des dames de la Vifitation; Pellegrin,
33 C h evalier; Deroux des Com tes d e 'L a r ic , Lieutenant
33 des M aréchaux de France ; Chevalier de Caftagny ,
y* ancien Capitaine d’infanterie; T o u rn a d rc, Capitaine
33 au Corps royal du génie ; H a t c l , premier Conful en
” * 7 7 9 i G om bcrt , Ecuycr ; Bezadc de Mazicres ,
53 Confeiller du R o i ; Ricaudi , A v o c a t au Parlement
« de Paris, LaplalTe , A vocat ; le Prieur Laplafle ; Ven*
33 tavon ; R ic a u d y , Lieutenant C r im in e l; C a f t a g n y ,
y» Chevalier de l’Ordre de Saint Louis; C a f t a g n y , Prêtre;
33 R ic a u d i, Chevalier ; B a r le t, Prieur ; le Chevalier de
33 Verneuil , Capitaine d’infanterie ; Deleuze , ancien
33 Officier d’infanterie ; Deleuze , Officier d’infanterie j
H
�58
» Gantianne , Chanoine théologal de la cathedrale »
îj
Regnier , A v o c a t ; Vormerdre.
E n marge ejl écrit > contrôlé à Paris le 9 Fevrier 1 7 S 1»
reçu 1 4 fols. Signé L e z a n .
• Il cft ainfi audit certificat légalifé , certifié véri
table, figné & paraphé , & dépofé pour minute a
M c Pijcau , l’un des Notaires à Paris fouiîignés ,
par a£te de ce jourd’hui 9 Février 1 7 8 1 ; le tout
étant en la poiTeiüon dudit M e Pijcau , Notaire.
A i n f i [ignés
D eyeux
&
P ije au ,
N o ta ire s,
avec
paraphes : ù en marge eji écrit 3 contrôlé lefdits
' jour & an ,
J’avois eu la liberté de recevoir an parloir les vifites
des perfonnes qui me faifoient l’honneur d’y venir ; la
lettre de la dame Augier , Supérieure , avoit produit
l’effet que la cabale en avoit efpéré. M adam e la marquife
de Limaye , ma parente (du côté de mon pere) venoit
fouvent d’A ix me confolcr dans ma retraite : a la fin de
D écem bre 1 7 8 0 , elle pafle au château de Mirabeau fur
fa route ; M . le Bailli de Mirabeau , inftruic de fou
projet, lui apprend que le parloir m’eft interdit: elle foutient qu’il ne doit jamais l’être pour une femme comme
elle : elle arrive à cheval à cinq heures du f o i r , le 3 1
Décembre : elle fc préfente à la porte du cou ven t, on la
lui refufe : elle retourne à fon auberge, fait porter par un
payfan une échelle quelle applique au m ur, au bas d’une
fenêtre de hauteur d’homme , elle en cafle les vitres ,
le payfan , porteur de l’échelle, s’en retourne à l’auberge
avec fon laquais.
�59
M adam e la marquife de Lim aye dans les corridors du
cou vent, ne fait où inc prendre, elle frappe à routes
les portes, &: me demande p artou t, une religieufe & ma
femme de chambre la rencontrent; cette dernicre la con
duit chez moi.
M adam e de Lim aye s’étoit blèiïee à la jambe par la
chute d ’un cheval , je la fis mettre au lit ; le lendemain
dès le m a tin , j’en avertis la Supérieure , & je la priai de
faire fortir madame de Limaye fans éclat ; elle me le
promit.
D ans le même inftant qu’elle faifoit cette promeiTc ,
elle donna fa requête à M . le Lieutenant-Général de la
Sénéchauflee, pour requérir fon tran fport, ôC recevoir fa
pl ai nre.
Elle reçut dans l’intervalle la vifite de madamé de
Lim aye au parloir , qui lui fit des exeufes de ce qui s’étoic pafle y Sc à. laquelle elle promit encore de ne faire
aucun éclat.
PromeiTe artificieufe : les Juges arrivent, & la plainte
eft rendue avec tput l’éclat & tous les cara£teres qui pouvoient l’aggraver.
O n dreile le procès verbal des prétendues effra&ions
commifes dans le couvent, elles fe bornent à quelques
carreaux de vitres.
Preuve que madame la marquife de Lim aye étoit
connue dans fon fexe & dans fa qualité.
L a déclaration que la Supérieure en fait elle-même
dans le procès verbal.
H ij
�Co
■EXTRAI T des rsgifires du Greffe du Siege de Sifleron.
A
M o n sieu r
le
L ieu ten an t-G én éral.
Supplie humblement dame de Sain te-C ecilc Augicr ,
Supérieure du Monaftcrc de Sainte Urfulc de cette ville
de Sifteron :
Remontre qu’elle .eft chargée de veiller à la sûreté &
au bon ordre de fa maifon ; & s’étant apperçue que des
étrangers qui y font actuellement, s’y font introduits pen
dant la nuit, elle vous requiert d’y accéder avec les Gens
du Roi , pour lui concéder verbal dudit fait : à l’original
figné fœur de Sre. Cccile , Augicr , Supérieure.
Soit montré au Procureur du R oi à Sifteron le 3 1 D é
cembre 1 7 8 0 , Signé Iiarlet de la Cazette à l’original.
V u la requête ci-deflus & le d e c re t, nous requérons
qu’il foie accédé audit couvent en notre compagnie, ppur
dreffer procès verbal de la plainte ci-deiTus , & avons
iigné à Sifteron les fufdits jour Sc at\: fignés L a t i l , Confeille r, & P. D . R à l’original.
V u la plainte ci-deiTus, notre d e c re t, & les conclu
rions
dudit Procureur du Roi :
Nous Lieutenant particulier, en l’abfence, ordonnons
qu’il fera par nous tout prélentemcnt accédé , en com
pagnie dudit Procureur du R o i , de notre Greffier fuivi
de l’ H u i f l î c r de fcrvice au monaftere de Stc. U rfulc, pour
y procéder relativement à la plainte ci-defl'us : à
Sifteron
le 3 1 Décembre 1 7 8 0 •>figné Barlct de la Gazette à l’ori”
ginal. Collationné figné Jacob.
�61
Nous Charles-François de Burles, C h e v a lie r, C o n
seiller du R o i , Lieutenant-Général au Siège royal 6c Sc>
néchauiTée de la ville de Sifteron en P ro ven ce, certifions
à tous qu’il appartiendra , que M c Jacob qui a expédié ,
collationné 6c figné l’extrait c i- d e flu s , cft Greffier en
c h ef audit Siège 6c SénéchauiTée , aux écritures & fignatures duquel foi doit être ajoutée tant en jugement que
hors d’icelui ; en foi de quoi nous avons fait £c figné le
préfent, contrefigné par notre fecrétaire, 6c fait appofer le
fccau de nos arm es, pour fervir 6c valoir ce que de raifon.
Fait 6c donné à Sifteron dans notre hôtel le i 5 Février
1 7 8 4 . Signés de Burles 6c H ern cl, Secrétaire.
E
X
T
R
A *1
T
des Regifires du Greffe du Siege de Sijleron.
D u 31 Décembre 1 7 8 0 ,
à Sifteron , Nous Picrrc-
Jofeph Barlet de la Cazette , Confeillcr du Roi , Lieu
tenant Particulier au Siege royal 6c SénéchauiTée de la
ville de Sifteron , en abfencc, en compagnie de M e Jofeph-Gafpard Latil , Confeiller 6c Procureur du Roi ,
6c de M c Jean-François Jacob , Greffier en chef audit
Siege 6C Sénéchauilee, fuivis de l’huiilier de fcrvice , nous
étant rendus au monafterc de Sainte-U rfulc, fitué hors
les remparts de la ville : eniuite de notre ordonnance
de ce jour au bas de la requete, de plainte a nous p o r t é e
par dame de Sainte Cecile Augier , Supérieure dudic
monafterc , 6c par laquellejadite dame nous r e q u i e r t de
vouloir
accéder audit couvent ; ou étant a r r i v é s
eu
�6i
compagnie de qui dcffus , nous nous ferions fait annon
cer par Phuillïcr qui eft à notre fuite , &
feroit comparu-e la dame fupcricura
qui
a l’inftant
nous auroit
fait ouvrir les portes dudit monaftere , ôc nous auroïc
conduits dans la falle capitulaire ou nous aurions trou
vé dame Hugos , fœur du Saint - Efprit , affiftante
dame d’Eyraud , fœur du Saint - A m our , zélatrice ,
&
dame Confolin , fœur du Sacré C œ u r , économe ,
dame B orely, fœur de Saint-Auguftin , confeillere ; la
dite dame fupérieure en préfence des dames ci-dellus
nous auroit requis de vouloir recevoir juridiquement fa
plainte; à quoi adhérant , elle nous auroit expofé que
le j our de hier , environ l’heure de huit du foir , l’on
vint frapper à la porta dudit monaftere , qui vife fur le
grand chemin , que la fœur de Notre-Dame , tourriere
dudit monaftere , accourut au bruit & demanda à ceux
qui frappoicnc , ce qu’ils demandoient , &. lui ayant
écé répondu d’ouvrir les portes ; ladite fœur répliqua
qu’on ne le pouvoir pas attendu qu’il écoit cxprcflemenC
défendu d’ouvrir les portes à cette hcure-là , que ladite
fœur de N otre-D am e s’apperçue alors que l’on avoir
frappé fi rudement que l’on avoit fait fauter la fèrrrure
de la première porte de la cour ainfi qu’un areboutant ;
que ladicc dame fupérieure , avant l’heure du coucher ,
fit faire la vifite dcfditcs portes dudit monaftere, qu’elle
fie refermer tout de fuite , que ladite dame fupérieure
s’étant retirée dans fa cham bre, elle entendit quelque
bruit dans ledit monaftere . . . . que ce jourd’hui à l’heure
de neuf heures ôc demie du m a tin , madame la marquife
de Cabris auroit demandé à parler à ladite dame fup«-
�¿3
Heure en particulier , & lui auroit die qu’elle éroît fort
en peine fur cc qui venoit d’arriver, Sc fur ce qui s’étoit
paillé hier au f o i r , qire madame de L im a ye, fa coufine ,
s’étant préientéc hier au foir pour la demander 6c n’avant
pu la voir , elle s’étoit introduite dans le couvent par le
moyen des échelles qu’elle s’étoit procurées3 accompagnée
de Ton laquais , qui l’avoit aidée à s’introduire dans lcd.
m onaftere, qu’elle congédia auifi-tôt ; que ladite dame
de Limaye pour s’introduire dans le monaftere avoit
brifé les vitres, d’une fenêtre 6c enfoncé un con treven t,
que s’étant introduite par ce moyen dans ledit m onaf
tere , habillée en cavalier : elle avoit frappé à pluficurs
portes, attendu qu’elle ne favoitpas la chambre de ladirc
rnarquife de C a b r is , qu’elle fut apperçue par la
L a t il , fœur de Sainte llo fa lie , 6c par la fille de chambre
de ladite dame marquife de C a b r is , qui eurent l’une 6c
l’autre quelque frayeur de voir une perfonne ainfi déguiféc
à une pareille heure , que la dame de Lim aye fe trou
vant couchée dans fon appartement , elle prioit ladite
dame fupérieure de trouver un moyen pour la faire fortir , ce que la dame fupérieure trouvant fort difficile ,
elle a dit à ladite dame marquife de Cabris de faire
habiller ladite dame de Limaye en fem m e, 6c qu’elle
t â c h e r a i t enfuite do la faire forcir p a rla porte des exter
nes , pour donner moins de fcandalc ; que la dame fupéricurc pour cela faire 6c pour que la chofe fût moins
co n n u e , fît apporter chez elle toutes les clefs des portes
pour qu’elle pût fortir en bonne 6c duc forme , que dans
cet incervalle de tems ladite dame de Lim aye a difparu ;
qu’environ un e heure après ladite dame de Limaye a u r o i t
�64
paru au parloir ,
Si y auroit fait demander ladite da me
fupérieure, 6c que l a d . d a m c d e L i m a y c a u r o i t f a i t d e s excufes, offrant e l l e -m ê me de faire fa déclaration c o m m e quoi
elle étoit entrée
de ne
dans ledit c o u v e n t ,
point faire d ’éclat
6c q u ’elle la prioit
de cette affaire , que
ladite
da me fupérieure ne p o u v a n t ‘ tolérer une pareille voie de
fait ,
6c voulant mettre l’ordre dans le monaftere d ont
on lui a confié l’adminiftration , elle nous requiert de lui
concéder a £ t e , ainfi que de ferment q u ’elle offre de prê
ter fur la vérité d’i cel lc ,
6c a figné à l’original ^figné s c eu r
d e S a i n t e - C e c i l e A u g i e r . , Supérieure.
Ledit
fieur Procureur du R o i a d i t , q u ’il n’c m p ê c h c
q u ’il foit conc édé a£te à ladite d a m e fupérieure, de la
plainte ci-deiTus ,
requérant
fra&urcs
L a t i l ,
en
6c du ferment qu’elle offre de prêter.,
outre qu’ il
foit
dreffé procès-verbal
y m e n t i o n n é e s , 6c à figné à l ’original
des
figné
Confeiller , 6C Procureur du R oi .
E t nousdit Li e ut ena nt Particulier , en abf cncc , avons
c on c éd é a£tc. à ladite da me fupérieure , de la plainte cideffus , 6c du ferment q u ’elle a prêté fur la vérité d ’icelle,
ordonnons en outre q u’il fera procédé à la defeription des
f ra &i o ns ci-deffus mentionnées ,
notre Greffier à l’original
6c J a c o b
Et
,
,fignés
&
avons
B a r le t de l a
figné
avec
C a z e tte ,
Greffier.
procédant à la defeription
ci-deffus ,
ordonnée ,
nous nous ferions rendus dans une c hambr e dudit m o n a f
tere dont la fenêtre vife fur le jardin du c o t é du l e v a n t ,
& aurions trouvé la fenêtre de ladite chambr e c ompo fé e de
d o u z e carreaux dont fept vitres on t été brifées 6c* rem
placés
tout récemment av e c du papier bl anc , ,6c é tant
defeendus
�defcendus dans la falle capitulaire, avons demandé À ladite
dame fœur fupérieure , fi elle n’avoic plus aucune def-
3c
cription à nous faire fa ire ,
n’ayant rien trouvé de
plus à écrire , avons dreiTé le préfent procès-verbal , pour
fervir 3c valoir à ce que de raifon , & avons figné avec
ladite dame ftipérieurc , ledit ficur Procureur du R o i ,
& notre Greffier ; à l’original , Jign.és
de
, Supérieure, B a r l e t d e l a C
, Confeiller , Procureur du R o i , £c
C ecile A u g ier
L atil
Sœ ur
Greffier. Collationné.
S ain te
a z e t t e
,
Jaco b
,
Ja c o b .
N o u s Charles-François de Burlcs, Chevalier, Confcil1er du Roi , Lieutenant Général au Siege Royal de la
Sénéchauflec de la ville de Sifteron en Provence , certi
fions à tous qu’il appartiendra , que M e Jacob , qui a
e x p é d ié , collationné 3c ligné l'extraie ci - defïiis , cft
Greffier en c h e f dudit Siège 3c Sénéchauflec , aux écri
tures Sc fignatures , duquel foi doit être ajo utée, tant en
jugement que hors icelui ; en foi de quoi nous avons
fait
3c
figné ce p réfen t, contiefigné par notre Secrétaire,
& fait appofer le fccau de nos armes 3 pour fervir
&: valoir à ce que de raifon. Fait 3c donné à Sifteron ,
dans notre H ô te l, le i 5 Février 1 7 8 4 , figné d e B u r l e s ,
Si H e r n e t , Secrétaire.
D eux lettres que m ’écrit madame la marquife de Limaye , elle-même, retenue dans l’auberge de Sifteron ,
par fon accident des i er &
8 Janvier
1 7 8 1 , où elle
fe plaint amcremenc des procédés de la fupérieure , &
de fes manques de promclTe : elle y marque » l’Abbé la
» T o u r , (A u m ô n ier du c o u v e n t ) , vint hier au foie
J
�66
m’apporter mes bottes , &C me fit une longue v i f i t e ,
dans laquelle il me témoigna Tes regrets lur tout ce
qui s’étoit paiTé ; que s’il en étoit le maître , il jeteroit au feu tout ce qui s’étoit é c r i t , il me dit qu’il
fcroit fon poffible pour me ménager une entrevue
avec vous avec l’agrément de la fupérieurc ; il cfl:
revenu aujourd’hui pour m’apprendre qu’il n’avoit pu
obtenir
le confentement
de ces dames , 6t pour
m’exhorter à renoncer à vous voir ; je ne lui ai point diilîmulé que j’étois convaincue que ces dames ne fe conduifoient
que par fes confeils , 6c qu’il dépendoit
abfolument de lui quejevous viffe au parloir aux heures
permiies , 6c que je n’y paroitrois qu’ en habits de
femme ; mes follicitations ont été inutiles , je lui ai
fait fentir cependant combien j’étois fcnfiblc à fou
refus Sc à l’éclat qu’on avoit fait à mon occaiion ,
tandis qu’on
m ’avoit promis qu’on me donneroic
jufqu’à onze heures pour fortir , 6c qu’on ne porteroic
aucune plainte.
D ans celle du 8 , elle me dit » je n’ai fait aucune
a? efpece de fracture que celle des carreaux de vitre , ce
» qui ne feroit point arrivé, fi on n’avoit pas eu la dureté
« de me refufer d’ouvrir la porte à une heure qui n’étoit
» point in d u e ........... qu’on n’a pas vu d’exemple de
*> pareilles rigueurs à l’égard de perfonne , encore moins
”
à l’éçard
d’une femme comme moi.
©
V oilà la perfonne qui paiTa la nuit dans le couvent
dans mon appartement : voici ce que le M ém oire die
page 1 7 , l i g n e
14,
le lendemain i l fa llu t fortir ,
5î Vétourdi n’ avoit pas fbngé au dénouement de Vefealade*
�¿7
La lettre que je reçus de M . Barlet , Juge, qui a^oic
dreffe lui-même le Procès-verbal.
M adame,
« J e n’ai pu lire fans attendriffement la lettre que
»> vous m ’avez fait l’honneur de m ’écrire ; vos malheurs
«
6c l’intérêt générai qu’ils vous avoient acquis m ’atta-
*i choient déjà bien ilnccrement à vous: je faifois gloire
» de partager la fenfibilité de vos a m is, 6c c ’étoit un
» honneur bien vrai pour moi que d’ofer me mettre du
« nombre ; je fuis très-flatté qu’une circonftance impré« vue m’ait fourni l’occafion de vous le témoigner, mon
»> deiîr étant de faire plus *particulierement votre connoiiTance , vous devez fentir combien il m ’eft doux
>» de la faire en vous obligeant, 6c de vous obliger d’une
» maniéré auifi conforme à mon inclination qu’à mon
m devoir ; ce dernier m o tif vous difpcnfc de toute gra« titude à mon égard ; je dois, il cil v r a i , ainfi qu’on
» vous en a in fo rm é, mander à M . le Procureur Géné«
ral tout le détail de cette affaire ; je le ferai d’autanr
«
«
»
«
plus volontiers que je crois , ainfi que vous raffurez
vous-même , que les fuites ne peuvent être que trèsavantageuies pour vous 6c très-peu nuifibles à madame
de Limaye. L a place que j’occupe ne me permet dans
» aucune circonftance de diffimulcr la vérité, 6c mon
»3 eftime pour vous, eft dans celle-ci une nouvelle raifon
« pour ne pas la taire; je prends donc cette voie, comme la
»3 plus douce 5c la plus honnête,elleeftla plus conformeaux
»3 égards qui vous font dûs ; foyez perfuadée, m adam e, q«c
m
je fais apprécier votre mérite, & que fi jepouvois en être
�¿s
» moins convaincu, le criunivcrfclqui s’élève pour vous,
» ôc qui réclame en faveur de votre vertu ôc de votre
33 innocence , feroit lui feul un titre aiTez refpe&able
33 pour vous mériter les fuffrages 8c les applaudiifemens
« de toute âme honnête 6c fenfiblc.
Je fuis avec refpc£t,
M adam e,
votre très-humble ôc trèsobéiiTant
B arlet
Sifleron ,
4. Janvier
ferviceur ,
de
l a
G a ze tte .
1784.
Celle de M . l’Evêque de Siitcron , du 3 Jan vier, ou
il me m a rq u e ,, l’év enem ent, m a d a m e, qui s’eft pafle
33 ces jours derniers au couvent de Sifteron , ne p e u t,
33 ni ne doit vous être attribué en aucune manière ,
55 j’ ai été fort aife de ne vous y voir autrement compro33 mife que comme l’objet d’un attachement qui n’a
33 point connu les bornes de la prudence.
C e lle d e M . le Procureur Général du Parlement d’A ix ,
du 1 8 Janvier , qui m ’écrit « j’ai vu M . l’Evêque de
3* Sifteron , vous ne paierez , ni réparations étrangères,
« ni nouvelle conftru&ion , mais feulement les répara5î . tions rendues néceflaircs par le dommage que'madame
53 de Limaye a caufé; vous faites noblement ôc fagement
« d y ajouter les frais de juftice.
M . le Procureur Général me fait l’honneur de mvécrire
encore le 8 F é v r i e r „ j’ai vu madame de Limaye , votre
33 coufine } toujours remplie de zele ôc d’intérêt pour
�*9
V vous ; je ne puis douter qu’on ne demande votre tranfl
« lation dans un lieu dont vous n’auriez pas le choix , 6c
» qu’on n’envenime ia vifitc nodturne de madame de
»
Limaye , jufqu’à lui imputer un projet d’enlevcmcnc
ji de concert avec vous , vous êtes en pays ennemi ;
•» qu’il ne faut cependant quitter que pour être en lieu
jj de liberté. Je me hâte de vous marquer ces choies ,
qui me font dictées par le fcul motif de votre intérêt
s?
de celui que je prends à la rigueur de votre fort.
Q u ’on juge à préfent quels motifs animoient les auteurs
du mémoire dans la defeription maligne & indécente qu’ifs
fe permettent ( pages 1 7
&
1 8 du mémoire ) de cet
événement dont ils avoient la plus exadte connoifiance.
O n dit page 1 8 du mémoire , qu’en 1 7 7 7 , j’étois
détenue d’ordre du R oi au couvent de Popincourt ; ccffc
Une fauiTcté dont je ne vois pas l’intérêt.
«
S I X I E M E
Prêt de 1 0 , 0 0 0 liv. fa it en
F A I T .
1773
3 a madame la
marquife de M irabeau, diffipation & dilapidation qui me
fon t imputées des biens de mon mari ; procurations q u 'il
m 'a données teflament q u 'il m'a dépofé.
M on mari alla en 1 7 7 3 , voir la marquife de M ira
b e au , Ta belle-mcre ,*qui ne le connoifloit pas, & qui ne
l’avoit jamais vu ; il l’a trouva dans l’indig#nce, man
quant du fimple néccflaire, il lui prêta z 0,0 00 1. je n’eus
d’autre part à ce prêt que d’être fenfiblc à cet acte de
générofité exercé en faveur de ma mere , mon mari
n’exigea aucune reconnoiilancc ; quel titre pouvoit don
ner une femme en puiiTancc de fon mari ?
�70
La marquife de M irab eau, n’a formé fa demande en
féparation qu’en 1 7 7 5 , plus de deux ans après.
En 1 7 7 6 , mon mari m ’écrivit dans une lettre que
j ’ai déjà citée » vous me ferez le plus grand plaifir d’al53
1er joindre madame votre mere le plutôt qu’il vous
33 fera poiîible , vous pourriez m ’être de la plus grande.
« utilité pour mes affaires......... vous pourriez auiïï être
33 de
quelques fecours dans les affaires qui affligent
33 madame votre m e r e , & cette lettre vous mettroit cl
3> l'abri des reproches injufies qu'on pourroit vous fa ire..
Je ne me fuis jamais mêlée des affaires de ma mere ,
que pour en procurer la conciliation : elle me donna fa
procuration le 4 Juin 1 7 7 7 , datée du couvent deSaintM ichcl , où elle étoit enfermée ; je n’en fis d’autre ufage
que de révoquer les plaintes quelle avoir rendues contre
fon mari , 6c de changer les gens d’affaires qu’on pouvoit
fufpe&cr d’avoir m is'la divifion entr’eux. Cetre révoca
tion qui devoit affurer le repos de M . le marquis de M i
rabeau % lui fut fignifiée le 6 Juin. C e t a£tc de refpe£t
filial m’attira l’ordre du R oi du 19 Juin 1 7 7 7 , qui
m ’exiloit à Lyon , ôc révoqué le quatre Juillet fuivant.
A u furplus , un arrêt du Parlement de P a r is , a pro
noncé la féparation des deux époux ; c’efl: aux Parties à
s’en plaindre, 6c non à ma bclle-mcre, qui n’eft encore
ici que l’inftrumcnt d’une vengeance particulière.
O n prétend ( dans la note des pages 18 6c 19 du
mémoire ) } que mon mari a emprunté depuis 1 7 7 3 ,
ju lq u cn 177-7 » une fomme de i i z , o o o liv. 6c qu’il a
aliéné pour 1 3 5 ,6 7 6 liv. de fes capitaux.
J’obferverai d’abord fur ce tableau qu’on a eu la pru
�7f
dente précaution de ne donner , ni le nom des acquéreurs
des fonds prétendus aliénés, ni le nom des Notaires qui
ont reçu les contrats , ni leurs dates ; on a craint avec
raifon , que dans une vérification que j ’en aurois faite ,
je ne prouvafle , ou que ces aliénations avoient été faites
pour acquitter les charges anciennes des b ie n s , ou pen
dant mon abfcncc ; ou qu’enfin , elles étoient l’ouvrage
de la curatrice, &. par confëqucnt de ceux qui la mettent
en avant.
O n donne bien des dates vraies ou fauffes des préten
dus emprunts , mais 011 fe garde d’y nommer les prê
teurs, ni les Notaires qui ont reçu les a£tes , on craint
toujours ma vérification.
Si on peut ajouter la moindre foi à ces a£bes, il cil
évident que les emprunts des 3 1 0 0 0 liv. des t 9 M ai 8c
20 Juin 1 7 7 3 , ont été faits dans la minorité de mon
m a r i, fous J’autorifation du fieur Scytrc , fon curateur,
placé dans fa confiance par la c a b a le , à l’exclufion d’un
ancien Procureur, qui avoit géré les affaires de mon beaupere pendant trente ans.
Le prétendu emprunt de 3 2 0 0 0 liv. du 1 6 Novem
bre 1 7 7 5 , cil fait fans que j ’en aie eu même connoiflance.; c’étoit dans Je fort des pourfuites de l’affaire
des affiches. Je prouverai l’influence de la cabale fur ces
emprunts.
Q u ’on fe rappelle que M . de Cabris me cachoit cette
a ffa ire, que je fus obligée d’abandonner à fes gens d’af
faires Sc à la cabale qui me pourfuivoit moi-même ; j ’ai
ci-devant tranfcrit.une lettre de M . de Vauvenargues; que
je ne puis m’empêcher de répéter i c i , » on a i n t é r ê t de
�7»
j> cabaler contre vous , je prends donc la liberté de vous
>3 prier de refter en repos , & de ne plus vous mêler de
î> cette affaire ; je vous confeillerois moins l’inaction ,
5j fi je ne voyois contre vous que des gens en fous-ordre;
3) mais dès que la fam ille s'en m êle, reftez en repos, s’il
33 eft poilible 33.
Le curateur de M . de Cabris , devenu Ton homme de
confiance & Ton fondé de pouvoir depuis fa m a jo rité,
lui nécefiitoit des emprunts pour de prétendues dépenfes
fecrettes. C e Procureur faifoit les emprunts , les reccv o i t , en faifoit l’emploi , Sc ils en comptoient enfuite
enfemble comme ils l’cntcndoient.
Les autres emprunts qu’on date des 4 & 1 o Juillet
1 7 7 6 , 5 Mars 1 7 7 7 , montans enfemble à 5 8 0 0 0 1.
ont été faits dans mon abfence : la dame de Lombard
& la cabale, ne nieront pas qu’à ces époques j’étois à Lyon
êc à Paris : je demande à toute la Province qui efl - ce
qui difpofoic de mon mari dans ces momens? C ’étoit la
cabale qui lui faifoit contracter des engagemens, lorfque
j ’étois à deux cens lieues de l u i , 6c l’on ofe aujour
d’hui m ’en rendre refponfablc.
Lors de l’arrangement
de l’affaire
des affiches en
1 7 7 6 , mon mari fe rendit à A ix avec le ficu'r Scytre,
fon fondé de pouvoir, fouvent cité par les deux Par
ties dans cette a ffa ire, 6c dont je vais parler plus ample
ment dans un inftant.
Le fieur A lziari , Procureur de GrafTe , collègue du
fieur Scytre -, devenu Procureur de la dame douairière
de Cabris , dans la demande en interdiction de fon fils,
qui a toujours occupé depuis pour elle dans fa qualité de
curatrice ,
�73
Curatrice,& qui occupé encore pour elle, écrivoic à mon mari
le 8 Juin i 77<j> dans un moment où Ion attendoit l'ar
rangement de Pafïaire des affiches 33,enfiniffant ce procès,
33 je préfume que vous aurez befoin de fonds ; il y a
33 peu de jours, Alavéne Ce trouvant chez m o i, un parti3j culier
vint me demander fix mille livres à lui faire
33 prêter ?*Lorfqii’il fut p a r t i, Alavéne me prit à part ,
33 8c me dit que vous pourriez en avoir befoin , & que
» je pouvois vous en écrire, du depuis 6c pas plus loin que
33 de ce matin , j’ai arrêté quelqu’un qui cherchoit du
»» papier pour mander dehors dix-neuf mille livres ,
3) qu’on lui faifoit placer au cinq pour cent ; comme je
33 ne compte pas beaucoup fur Alavéne , 8c dans la
s» crainte d’ailleurs de vous fâcher , -j’ai détourné la
33 perfonne du placement , en lui faifant envifager un
33 manque de sûreté ; fi ces dix-neuf mille livres peuvent
3j vous être agréables, ayez la bonté de m ’adreffer par
33 le retour du courier , 8c fans retard , une procuration
originale pour emprunter cette fomme de qui j e trou33 verai a propos en conftitution
de rente au denier
3J v i n g t , les intérêts payables à G r a ffe ,
avec
pouvoir
33 d ’obliger à raifon de cet emprunt , vos biens à toute
3> Cour. Le prêteur eft un honnête citoyen , avec lequel
33 vous ne ferez pas fâché d ’avoir affaire; fi par hazard
33
cette fomme étoic placée d’ici au retour du porteur ,
33
je pourrai la trouver d’ailleurs. M es clercs ligneront
33 l’a&e fans favoir rien de rien , 6c la chofe n’ébruitera
33 p a s , fi vous êtes bien aife de remplir la procuratioa
x> du nom d ’ A lavhie , c’eifc égal , &
fi vous voulez
» qu’il ignore ceci vous pouvez la remplir de mon nom ,
K
�74
53 Sc me marquer comment
je
dois difpofcr de cet
jj argent ; mais fur le tout j’attends votre réponfe par
îj le retour du courrier , crainte de manquer le prêt, ou
jj de conftituer le prêteur en perte de fruit de fon argent.
V o ilà qui indique aflfez les prêts des 4 8c 10 Juillet
1 7 7 5 , dont je viens de parler ôc de quelle maniéré les
agens de la cabale conduifoicnt mon mari k faire des
e mpr unt s.
Je défie que depuis mon retour auprès de lui à la fin
d t Juillet 1 7 7 7 , jufqu’au 2 4 Février , jour de m onenlevcment , on cite un feul emprunt , 8c cependant alors ,
nous'foutcnions l’afFairc la plus grave qu’il eût eu de fa
vie.
Q u a n t à la dette de 6 1 , 0 0 0 liv. du fieur S e y tre , je
ne lui ai jamais connu de titre ; on ne m ’en préfente
aucun ; je ne trouve d’autre indication de cette créance ,
dont je n’ai jamais entendu parler , que l’avis de parens
du 2 4 Février 1 7 7 8 .
M c Seytre avoit été le curateur de mon mari , par le
choix de fes beaux-frercs ; il avoit géré en cette qualité ;
la même faveur lui procura des pouvoirs à la majorité
de mon mari ; il a adminiftré toute notre fortune juf
qu’au moment de l’interdi&ion.
En fa qualité de Procureur au Siège , il
étoit le
défenfeur de mon m ari, fur la demande de fa mere , 8c
contre les pourfuites des parens qui lui avoient afluré
cette adminiffcration.
Par la délibération des mêmes parens, douze jours après
la fentence d’iruerdi&ion dont il y avoit appel f u i v i , il
cft d it , art. p > que madame la douairiere requiert qu’ i t
�lui fo it donné pouvoir de régler ô arrêter les comptes avec
les gens d'affaires dudit fieur de Cabris
,
(Ton fils )
notam
ment avec M e Seytre fon Procureur général y emprunter
en capital de penfion ( rente conftituée) ou autrement avec
,
intérêts pour payer les avances quipeuvent avoir été fa ites
& les autres dettes urgentes que le fieur de Cabris peut avoir
contractées
& obliger a cet effet les biens & revenus dudit
fieur de Cabris 3 ou d ’y pourvoir autrement par indications
fu r les fermiers , f i la dame de Lombard en trouve le moyen.
Les parens , à leur tête le Bailli de Mirabeau , reli
gieux profès , votent tous ces pouvoirs , & le Juge les
copie dans fa fentencc dans les mêmes termes :
Les baux faits par la curatrice annoncent la déléga
tion de cette dette pour i i o o o 1.
Y
a-t-il eu un compte entre le prétendu créancier &c
là curatrice ? C ’eft ce qui fe développera par celui qu’elle
doit rendre elle-même. Je vois par les regiitres du contrôle
de GraiTc , une ailignation donnée en i 7 8 3 , à la requête
de la dame douairiere de C a b r i s , au (leur Seytre , en
revifion du compte de Padminiftration que ce Procureur
avoit eue des biens de mon mari ; ailignation procurée
par une brouillerie furvenuc entre le fieur .Alziary , les
autres confcils de la curatrice & le fieur Seytre , Sc reftéc fans fuite , lorfque l’admilîion de ma requête au
Confeil fut connue.
J’ai déjà fait voir que le fieur A lzia ry, Procureur de ma
bclle-merc , celui qui a obtenu en cette q u a lité, la fentenccd’interdiilion , étoit en coçrefpondance avec M. de
C abris, qu’il lui propofoit des emprunts: voici la p re u v e
qu’il lui rendoit d’autres fervi.ces dans l’adminiAracion
K ij
�7<>
de Tes affaires. Le 1 1 Juin i 7 7 6 , il lui écrivit: » j’ai
33 l’honneur de vous joindre ici pour 1 1 5 o 1. de papiers
»
que M , Ricord , c a d e t , m ’a fourni fur Marfeille ,
53 payable au premier .Tuilier ; j ’y ai mis des endoÎTe» mens en blanc ; vous voudrez bien m’accufer la récep« tion de cette fomme ; M . Girard l’aîné , n’a pu fe
5} charger de vos mandats, 8c il m’a fallu faire l’im » poilible pour les placer ; ils étoient à trop long jours
îî pour lin n é g o c ia n t, puifcjue l’un étoit pour tout F é vricr, & l’autre à la Pâques.
Les (leurs Seytre & A lziary , Procureurs au Siege de
G rade , pourfuivant &
défendant l’interdi£tion de mon
m a r i , étoient tous les deux à la fois fes agens.
Je trouye au poflcripium de cette lettre , 33 je déca3j chetre ma lettre pour avoir l’honneur de vous obfer33 ver , que puifque vous êtes à A i x , vous devez con33
fulter à l’effet d’obtenir une réduQion fur les épices
33 de votre procès contre la communauté de Cabris. L a
33 levée de la fentcnce vous coûta près de 1 0 0 louis; les
33 épices du Siege z j o o liv. celles de M . de M artigny
»
1 2 5 0 liv. & le furplus , pour les droits royaux. D ès
33 que ce procès doit être arbitré , ou quand même il
33
devroit refter là , il doit y avoir une voie pour faire
>3 reftituer les épices prifes en fus de la taxe ordinaire , bc
cette reftitution ira au moins à 2 4 0 0 liv. ; je fens
3> bien que vous ne retirerez pas les petites portions qui
peuvent compéter à M . Floris & Car...; mais vous n’en
33 ferez pas grâce à M . d’Andon , & à M . de M artigny,
33
33
qui vous ont rendu des bons fcrviccs dans l’occa-
33
fion. Veuillez j moniïcur, pour votre intérêt Sc plus
�77 '
Jî encore pour votre fatisfa&ion , ne pas négliger ccc
» article; les perfonnes qui font fans crédit obtiennent
« ôc vos plaintes teilcroicnt-elles fans fuccès.
M c Floris a prononcé Pinterdi&ion de mon mari ,
après avoir fait juger en fa faveur , qu’il n’y avoit lieu à
la réeufation propofée contre lui.
Les i o o o o o liv. rappellécs dans le mémoire de dettes
criardes aux m archands, ouvriers &C fourniiTeurs , me
paroît un être de raifon.
'D epu is mon m ariage, je n’ai jamais fait & jamais
connu de ces fortes de dettes dans la maifon.
Il ne s’en eft contracté aucune depuis mon retour au
mois de Juillet i 7 7 7 , M . de Cabris auroit-il fait pour
1 0 0 0 0 0 liv. de dettes, de fourniiTeurs dans les quinze
mois de mon abfence ?
C es fourniiTeurs qui voyoient fous leurs yenx attaquer
l ’état de M . de Cabris, auroient-ils gardé le filcncedans
les huit mois écoulés depuis mon retour jufqu’à mon
enlcvcment ?
Il y a des négocians fore riches à G r a il e , mais ils
font leur commerce dehors ; les fourniiTeurs comme par
tout ailleurs, y font avec de fort petits fonds j ne peu
vent comme ceux, des petites villes , faire que des avan
ces journalières.
Les ouvriers n’y ont que leurs bras pour leur fubfiftance.
Le fieur B re n e t, fculpteur de Paris , avoit fourni des
bronzes
des meubles par commiiîion à M . de C a b r i s ,
je favois que le compte n’en étoit pas foldé ; ces mêmes
�7*
effets doivent être encore dans notre maifon ; cet objet
quand la curatrice auroit'acquitté quelque chofe là-dcffus , ne peut pas être une dillipation ; on auroit bien de
la peine à en trouver dans les aliénations , dans les
emprunts & dans les dettes annoncées dans le m ém oire,
quand on en pourroit fuppofer l ’exiftence.
Ces aliénations montent , comme on
Uy.
l’a vu , à ............... ........................................ .•
135000
Les emprunts à .........................................
112000
Q u ’on joigne à cela les fuppofés cent
mille liv. de dettes criardes, c i ...............
100000
Les foixante - un mille livres dues à,
M c S c y trc , encore plus incertaines, ci • ■
pm
m
'
O n ne trouvera q u e ................................
iiooo
1
418000
Sur cela je trouve un emploi dans les
propres fonds de mon mari , que mon
pere ne défapprouvoit pas :
L a conitru£tton de la maifon neuve ,
portée dans le mémoire à ...........................
200000
Pour quatre-vingt mille livres de meu
bles qui y ont été portées, ci U n e bibliothèque d e .................... ...
U n jardin conilruit à Cabris , qui a
coûté plus de
„ D es mouUns à. h u ile , conffcruits à neuf,
Cil addition aux anciens, 6c qui pour une
80000
11000
jjoqo
1
�dépenfe de vingt mille livres, augmentent
/¿Vt
le revenu de la terre de dix mille liv. ri • •
20000
L e prêt fait en 1 7 7 5 à madame la
marquife de M ira b ea u ................................
20000
T o ta l de l’e m p lo i................................
347000
Il
s’enfuivroit toujours que mon mari ayant augmente
par des améliorations fa terre de i o o o o l i v . de revenu
n’auroit diminué fes capitaux que de 7 1 000 liv. Il jouiffoit de cinquante mille liv. de ren te; il habitoit fa terre,
où il n’en dépenfoit pas dix.
Q u ’on joigne à cela le cout énorme de l’affaire des
affiches , que fon malheur ou fon imprudence lui avoicnc
attirée, les dépenfes fecretcs que les gens d’aifaires impof o i e n t , & dont perfonne autre qu’eux n ’avoit connoiffancc, l’argent qu’il fallut verfer partout, comme le difent
mes adverfaircs eu x-m êm es, page 8 , ligne 5 :
O n trouvera encore que le pillage énorme des fousordres fe prenoit fur les économies.
Loin que les revenus euffent été touchés d ’avance ,
comme on ofe l’annoncer à la même note , ceux qui
étoient échus à Noël de 1 7 7 7 , furent faifis par un créan
cier ap ofté, par a& c recordé de Lautior, huiiTier, du 2 4
Décem bre 1 7 7 7 ; & le même A lz ia r y , procureur de la
dame douairicre de C a b r i s , y cil conftitué procureur du
fa ifiifa n t, c’eft elle à qui on a aiTuré les revenus échus
avant l’interdi&ion.
J’ai déjà obfervé que le ficur Seytre avoit adminiftré
�8q
pour mon mari jufqu’au moment de l’interdi&ion * s’il y
avoit eu des revenus touchés par anticipation, ils l’auroient été par le fieur S e y tre , qui en a compté à la dame
de L o m b a r d , douairière de Cabris , fuivant l’avis de
parens.
*
Q uan t à moi perfonnellement, je n’ai r e ç u , pendant
les quinze mois que j’ai paiTés à Lyon & à Paris en 1 7 7 6
1 777»
5 4 ° ° ^ v* 011
mon m ari, ou par Tes ordres,
& je défie qu’on me cite une feule dette ; je n’ai
touçhé , dans les fept mois qui ont fuivi mon
retour
jufqu’à mon enlèvem ent, que 6 1 6 8 Hv. des mains du
fieur Seytre, fur cette rente j ’ai tenu la maifon fans aucun
mémoire de fourni fle u r , & j ’ai foutenu le procès d’interdi&ion.
M . de C a b ris, à cette ép o que, vouloit bien me laifler
faire toute la rece tte, èc je pourrois bien répondre qu’il
ne lui a pas été délivré un fol.
Je défie encore que depuis mon mariage jufqu’à l’époque
de mon enlevcment , on me cite une feule dette que j’aye
contra&éc ni en P ro v e n c e , ni à L y o n , ni à Paris, à l’ex
ception de cinquante louis que j’ai empruntés en mon
nom & fur mon engagement du fieur B on in, négociant de
G r a d e , au moment où mon mari &c moi nous partions
pour A ix , pour y fuivre l’appel de la fentence d’interd i& i o n , & que la| cabale avoit fait faifir tous nos re
venus pour nous empêcher d’aller nous défendre au
Parlement. C ’eft là ,la feule reponfe que je daigne oppofer
à tous les reproches de diflipation qu’on me fait dans le
mémoire , & f ur lefquels je porte le défi le plus formel à
■mes adverfaires.
Je
�8i
Je n’ai jamais eu de procuration de mon m a r i, dans
tout le terris que j’ai été avec l ui , fes biens ont toujours
été adminiftrés par le Heur Seytre, comme je l’ai déjà dit.
L e 3 O & o b re 1 7 7 7 mon mari me donna une procu
ration pour l’adminiftration de Tes biens , avec pouvoir
d’aliéner ou emprunter jufqu’à concurrence de 1 0 0 0 0 1.;
je n’en ai jamais fait ufage ; je ne l’ai pas même fait
fignifier au ficur Scy tre, qui a continué de gérer, comme
auparavant, jufqu’au moment de l’interdi&ion.
Q u o i , M. de Cabris qui donr.oic au fieur A lziary ,
procureur de ma bellc-merc, des procurations pour fairei
des emprunts effe&ifs , qui en donnoit au fieur Scytre Sc
à tant d’autres que je ne connois p a s , cft-il devenu cou
pable, pour en avoir donné une à fa fem m e, & fa femme
a-t-elle fait un crime de l’avoir reçue !
Q u ’on me repréfente toutes les aliénations faites par
mon mari , tous les emprunts qu’on a datés à la page
29 du m ém oire, fans vouloir donner le nom ni des n o
taires, ni des Parties, je ferai voir que tous ces a&es ,
s’ils ex ifte n t, ont été pafles en vertu de procurations de
M . de Cabris , contenant des pouvoirs bien plus étendus
que ceux de la procuration qu’on me reproche t a n t , êc
de laquelle je n’ai jamais fait uiage. O n ne craignoic
donc dans ce témoiçnaiïc
P & du retour de la confiance du
mari à fa femme , que de lui voir cxpulfer les gens d’af
faires placés par la c a b a le , on craignoic de voir s’établir
l’ordre dans une maifon où l’on avoit introduit le défordre;
on ne redoutoit donc que de voir perdre à ces gens d ’af fa ir es
l’afeendant procuré par la cabale.
La procuration qu’on date du 4 O & o b r e , l e n d e m a i n
L
�de cellc dont je viens de parler, copiée à la page 1 9
du m ém oire, donnant p ou vo ir, entr’autres choies, d’em
prunter ou vendre des fonds jufqulà concurrence de cent
mille livres , nommer & deilituer tous Officiers de juitice,
avec révocation de toute autre procuration ; cette procu
ration cil une de ces fuppofitions monilrueufcs que la
cabale s’cit fouvent permifes dans cette affaire ; en voici
les. preuves.
i°. Rien ne juitifie que cette procuration ait jamais
cxifté dans mes main» ni dans celles de mon mari ; dans
i’hiilorique qu’en ont fait les adverfaircs , en l’annonçant
au Parlement d’ A ix dans le procès d'interdiction , ils ont
dit qu’elle s’étoit trouvée dans l’appartement de M . de
Cabris , loriqu’on enfonça les portes du chateau fous
prétexte d’en faire l’inventaire , en vertu de la fcntcnce
de GraiTe, dans le tems que nous fuivions fur l’appel
k Aix.
20. Cette procuration fignee, dit-on , d’un Notaire de
de deux témoins , n’a jamais été contrôlée ; on fuppofe
que le Notaire fignataire y déclare au bas que M . de
Cabris s’eil chargé de faire remplir cette formalité de con
trôle, prévarication puniflable de l’Officier qui ne pouvoir
pas ignorer qu’il en étoit feul tenu. La vraie procuration
que j’ai reçue le 3 O & o b r c , cil portée au contrôle par le
Notaire le 1 4 , & on veut qu’il n’y porte pas celle du 4 ,
^u’il a dans fon porte-feuille, qu’il fait légalifer à GraiTc
le même jour.
3 °* Le N o ta ir e , prétendu fignataire, entendu dans
1 enquete faite le 1 1 Novembre fur l’intcrdiction,y détaillé
tous les actes qu’il a reçus pour mon m ari, jufqu’à la pro-
�83
curation du 3 O&obre. Il ne parle point de celle fnppofée
faite le 4 , ÔC donc ce Notaire n’auroit pu perdre le fôuvcnir,
fi elle avoit exifté; les témoins qu’on veut qui l’ayent foufcrite, entendus dans la même enquête, n’en font aucune
mention.
4 0. Cette procuration , datée en tête du premier O c
tobre , & du 4 par un renvoi à la fin de l’a c te , fuppofe un procureur général & fp é c ia l, dont le nom eft
laide en blanc. Le commettant y dit dans le corps de
l’acte, qu’il approuve tout ce qui fera fait par fondit pro
cureur conftitué ; dans la procuration de la veille je fuis
nommée par mon nom , indiquée en qualité de procuratrice ; tout ce qui annonce ma geftion, eft défigné fous
une dénomination fém inine: il y eft d it , que le commet*
tant approuve tout ce qui fera par ladite dame fa it & géré.
Pourquoi m ’applique-t-on cette procuration fuppofée,
plutôt qu’à M c Seytrc , donc les pouvoirs fe trouvoient
nominativement révoqués par celle de la veille 3 O c to
bre, que j’avois en mes m a in s, plutôt que tous ceux qui
en avoient reçu de M . de Cabris.
50. Cette prétendue procuration du 4 révoquoit celle
du 3 ; je reitois fans pouvoirs, dès qu’elle étoit hors de
mes mains ; je m’en ferois donc nantie , comme j ’avois
fait de celle où j’étois nommée, ou pour recevoir, ou pour
ne pas voir contrarier les opératiçns dont on mc fuppofe le
p ro je t, par ceux à qui cette révocation pouvoit être rcm if e , ou qui pourroient la trouver.
Enfin , ce qui eft encore plus étonn ant, cette procu
ration paifée le 4 , Ce. trouve lcgalifés par le L i c u r c n a n r
Particulier de G rade le 1 4 , dans le délai m ê m e d o n n é
L ij
�s 4.
pour le contrôle: la légalifation fuppofc qu’on avoit befoin
de l’envoyer dehors ; mon mari fuppofé com m ettan t, moi
fuppoféc procuratrice fo n d é e , étions tous deux fur les
lieux ; c’ étoit là où l’adminiftration devoit être faite :
cette procuration fe trouve trois mois après dans le ca
binet de mon mari , le nom du procureur en blanc ,
elle n’eft pas contrôlée , 8c elle eft nantie d’une légali
fation.
Q u e conclure de tout ceci ? Des horreurs dont je fuis
forcée de détourner les yeux ; il me fuffit de répeter que
je n’ai jamais reçu de pouvoir que ceux de la procuration
du 3 Octobre , 8c que je n’en ai jamais fait ufage.
Quand je retournai à Gratte au mois de Juillet 1 7 7 7 ,
mon mari me fit l’aveu que dans mon abfence on l’avoic
induit à faire un teftament trop favorable aux auteurs de
la fuggeftion
humiliant pour m o i , 6i nuifiblc aux inté
rêts de notre enfant ; il me témoigna fes delîrs de le
révoquer.
Si je fuis coupable d’avoir applaudi à ce deflein ,
j ’avoue ma fa u te; il fie un teftament m vftiquc, d’ufage
en P ro v e n c e , il m ’en rendit dépofitaire; ce dépôt cft
encore dans mes mains , nanti de tous les cachets.
Dans une requête préfenréc contre moi par le Bailli
de Mirabeau au Parlement d’A ix le 4 M ai 1 7 7 9 ; il dit
pofitivement qu’ i l y a beaucoup a dire fu r ce teftament t
dont les difpoftions ont été difeutées lors de l'arrêt de la
Cour ( fur l'interdiction) ; comment difeute-on les difpoiitions d ’ u n teftament myftique tant qu’il eft cacheté ?
Q u i a pu mettre fous les yeux du Parlement d’Aÿc ce
dépôt qui neft jamais forci de mes mains? L ’a-t-on en-
�«5
core trouvé dans. le cabinet de mon mari ? Je dois m ’interdire toure réflexion à cet égard.
M ais fi on fuppofe que j ’ai furpris un teftament à mon
mari , que ce teftament contient des difpofitions en ma
fa v e u r, comment allier ces prétendues captations avec
la réfiftancc que j’ai toujours oppoféc à fon interdiction,
qui m ’en aiTuroit l’irrévocabilité ? A v e c quels avantages
je rétorquerois les objections de mes ennem is, fi je rapprochois toutes les pieccs qu’ils fc procuroient depuis trois
ans , pour parvenir à l’interdiction de mon mari?
P R E U V E S
Que le marquis de Cabris } mon mari ¡ n ' a jamais été dans
le cas de l ’ interdiclion prononcée contre lui.
Q u e le s m a uva is traite mens exercés f u r f a p erfon n e 3 p a r les
agens de la cabale 3 ont eu p o u r objet d ya lién e r f a ra ifon .
D iJJîp a tion des biens p en d a n t la cu ra telle s leurs p a rta g es
entre les auteurs du com plot.
J’ai déjà annoncé que je ne me livrois à cette difcuffion
pafïagcrc d’une procédure anéantie par l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3 , que pour développer^
les moyens mis en ufage pour nous anéantir, à quels mal
heurs mon m ari, ma fille 6c moi avons été en but t e, fie
com m ent, après s’êcre emparés de toute notre fortune, en
avoir reçu les revenus par anticipation jufqu’cn 1 78 5-, on
nous 1ai île ici tous les trois, depuis il x. mois fri ns alunons.
La dame de Lombard établit dans fon mémoire que
la démence du marquis de Cabris cft une m a l a d i e héré
ditaire , 6v pour détourner les regards fixés fur elle à ces
�Si
KTOts ( i ) , elle va remuer les cendres d’un époux refpectable, toujours cher à Ton pays , où il jouifloit de la plus
grande coniidération , utile à fa province , où il avoic
occupé des places oonfidérables , ducs également h f;i
naiflance & à fa conduite ; un mari dont les iages difpofitions lui ont ailuré cinq mille livres de rente fur les
biens de fon fils , au lieu des mille liv. de revenus qu’elle
trouvoic dans fa propre dot.
Elle cite l’exemple d’une de fes filles, témoignage dou
teu x, Si donc tout le dérangement de fanté provient des
mauvais traitemens de fa mere , de fon attention à pré
venir tous les foulagemcns qui pouvoient adoucir ou éloi
gner ce m a l, à la refTcrrer quand je la faifois vivre avec fon
frere & moi dans le château de Cabris, loin des yeux de
l’auteur de fes perfécutions devenu l’objet de fa haîne.
La dame de Lombard a trois autres filles, qui toutes
ont des enfans ( mcfdames de Gourdon > de Gras & de
Sts. Ce^aire ) : le mariage les a enlevées de bonne heure
à la domination de leur mere ; ces dames ni leurs enfans
n’ont jamais donné de fignes de folie ; elles ne verroient
sûrement pas avec indifférence cette accufation de leur
m e re , d’une démence héréditaire dans leur ra ce, fi leurs
maris n’étoient pas les ennemis publics du Marquis de
Cabris.
( 0 Le fieur Seytre m'écrit le premier Mars 1785 , en parlant de la dame de
Lombard : M ia cab alc q Ui fait mouvoir cette tctc f o i b l e , qui ne fait pas s’ad» miniftrer c llc -t n c m e ; & dans une autre lettre du 15 du même m o is , qu’on
M abufe de la foiblcflc d'une tête qui auroit befoin d'un curateur, au lieu d'être
» curatrice.
�8?
Après cette preuve de démence que la dame de Lom
bard prétend que mon mari a apportée du fein de fa
m e r e , elle veut en trouver des preuves dans un confcntement fouferit de lui & du Jicur Seytre ¡fo u curateur eux
caufcs , du i y A v r il 1 7 7 >pour que fon époufe obtienne
du M inifire du R oi un ordre qui l'e x ile a Brie en Limofin ,
oit cet ordre lui fera fignifié.
On fc rappelle par la date de cet é c r i t , que c’étoit
l ’époque de l ’ affaire des affiches; mon mari étoit menacé
des pourfuites les plus rigoureufes , il en étoit averti par
fa famille , par les gens fages qui avoient la procédure
fous les yeux ; j’en ai rapporté les preuves.
O n fc rappelle qu’il m ’envoya à Paris pour intérefler
mon pere : fes Confeils , fes amis penioient qu’un exil
fort éloigné pouvoir arrêter tout ; c’cfl: ce que m ’ccrivoit
le’ marquis de Vauvenargucs à Pari», où j’étois a lo rs;
■
>3 c’c ftma derniere reflource , dit-il, dans ia lettre, ou
>3 un coup d ’autorité qu’on ne peut guercs fc flatter d’eb»3 tenir; M. le marquis de Mirabeau pourroit cependant
»3 faire quelque tentative pour cela»'. M on mari m ’avoic
en effet rem is, à mon d ép art, l ’ écrit copié page 2 6 du
mémoire de la dame de Lombard 3 écrit médité dans deS
afTemblés de C o n fe ils, de parens & de gens d’affaires j
fouferit du curateur , homme qui a joué un rôle fi impor
tant dans toutes les affaires de mon mari , & qui î’a autorifé , ou qui a conrracté pour l u i , comme mandataire,
dans prcfqtic tous les engagemens exécutés par la cura
trice. Si cet écrit eût été une preuve de démence , 1e
fleur Seytrc, Confcil du marquis de C a b ris, fon curateur
donné par la fa m ille , homme confommé dans le* at-
�8S
fa irc s, auroit donc été plus fou'pçonnable de démence
que le mineur qu’il autorifoit ? C ’efl le même homme
dont les parens ont foin de ilipulcr le fort au moment
de l’interdiction, & que la curatrice elle-même a traité
plus favorablement encore.
C e t écrit remis dans mes mains par mon mari , fut
depofé par moi dans celles de mon père dont je venois
implorer les fccours.
O n fe rappelcra encore de la lettre de mon pere, du z
Juin 1 7 7 4 ,
où il me marque :
réunifiez ces deux
» hommes-là , ma fille (M . le marquis de Vauvcnargues
>3 & M . de Gourdon ) , ne vous conduifcz que par leurs
m a v is, 5c fi quelqu'un y récalcitre 3 i l fa u t lui donner la
» peur 3 pour qu’ i l gagne la Montagne & laiffe f a procum ration. A u refle , il cil certaines gens qui ne trouve»
roient pas bonnes certaines retraites ; j’efpere que vous
m m’ entende
Je demande s’il efl poilible que mon pere eut pu parler
comme c e la , s’il n’avoit pas eu entre fes mains cet écrit
de mon mari ; 5c comment cet écrit que j’ai réclamé de
mon pere par une.lettre du z 6 Novembre 1 7 8 z reliée
fans réj)onfc, lettre que j’ai rendue publique dans un mé
moire imprimé de 1 7 8 3 ; comment cet écrit enfin f e
trouve aujourd’ hui tout a la fo is dépofé ( page 1 6 , pre
mier alinéa ) dans les regifires de la Police 3 & comment ma
belle - me/c , qui ne pénétré pas dans ce depqt 3 peut en
avoir une copie !
L ’autre écrit du 6 Juillet 1 7 7 ^ , ne paroîtra à toute
perfonne fenfée qu’un forfait entre un malade peut-être
trop
�trop riffc&é de Ton niai , Sc un homme qui promectoic
de le guérir, ou ce billet, s 'i l e x ifle , ne prouve que l’ar
tifice d ’un cfpion qui a profité d’un accès de vapeurs du
malade qu’on lui avoit. confié , c ’cft: le iîcur Garnier , fecrétaire de M . de Gras , l’un des beaux-freres du marquis
de Cabris , qui a reçu cct écrit des mains de mon mari.
Il en réfulte qu’on avoit depuis lo n g -t c m s le projet
de le détruire, que dès 1 7 7 6 on cherchoit à s’en aiTurer
les moyens ; que M. de Gras , qui a reçu cet écrit des
mains de Ton fecrétairc qui en a laifle faire ufage deux
ans après, étoit l’ennemi caché de mon ma r i , dans le
cems qu’il paroifloit le fecourir dans fes infirmités.
La date de ce billet prouve qu’il a été donné dans le
moment oh mon mari venoit de finir l’affaire des affiches,
que la dame de Lombard dit elle-même (page 8 ligne 3)
avoir f a i ll i a coûter la vie a fort fils par les chagrins dont
elle le pénétra.
A u mois de Septembre 1 7 7 7 mon mari fe bleiïapar
hafard à la cuiiTe, avec un couteau; je crus en devoir
donner avis à la dame de Lom bard fa merc , pour la
prier de m ’envoyer de la ville des gens de l’art.
Le malade jugea l’accident fi peu im portant, qu’il ne
voulut pas même leur lailTer panfer la plaie qui fe guérit
d’elle-même comme une égratignure.
La dame de Lombard prétend que le médecin dans
fa dépofition , dans l’enquête qu’elle fit en Décembre
1777,
évalue le fang
répandu
de cct
accident h
cinq livres. Je ne voudrois pas d’autres preuves contre
toutes les dépofitions de cette enquête , à peu près de
même portée , &c je demande à un h o m m e de l’art ii
M
�90
■ une bleflurc par laquelle un malade perd en peu de tems
cinq livres de f a n g , fc guérie aufîi aifément fans panfement & fans retour d ’accidens , fi le bleiïe qui vient de
perdre cinq livres de fang , peut être dans cet état de
vivacité &C de force cù ce témoin nous peint le malade.
Je puis au moins inftruirc le public fur les moyens
qu’on employoit pour avoir des témoins dans cette en
quête. Il exifte une lettre que m’écrivit le fieur Cruvc ,
aubergifte de Frejus , chez lequel logeoit^jM. de Cabris ,
du i 6 Juitv 1 7 7 9 ,
où il d i t : » au mois d’Oiitobrc
» 1 7 7 7 , M.
Commandeur de Mirabeau &c M . de
» Clapiers , le Chevalier de St. L o u is , vinrent coucher
» à F reju s, à mon auberge. Le foir le domeftique me
« dit qu’on vouloir me faire entendre en tém oin, comme
>3 M . de Cabris étoic fou lorfqu’il pafTa à mon auberge
>5 (avec Garnier le 6 Juillet 1 7 7 6 ) , àc étant monté à
« l’appartement de ces meilleurs , M . de Clapiers m ’in« teirogca beaucoup là-deflus ,
me demanda H cela
« n’étoit pas vrai , &c qu’ils favoient qu’il avoit fait des
m folies à fouper , à quoi je répondis que cela n’étoit
» p a s, que M . le Marquis fc faifoit fervir fcul dans fa
» chambre ordinairem ent, qu’au contraire ce jour-ià il
» mangea à la table d’hôte , quoiqu’il ne parût pas aufîi
”
gai qu’à l’ordinaire, &c qu’il parût même occupé de
”
”
quelque chofe , ce qui me fît demander à fon compagnon de voyage (ce même ficur Garnier) qui me ré-
n pondit que l’on n’étoit pas content quand l’on avoit
53 perdu Ton procès.
La dame de Lombard ne croit pas que les vapeurs
foient faites pour les campagnes qu’elle h a b ite, elle les
�91
renvoyé aux habitans des villes (page 1 7 , ligne 1 5) du
niémoire : voici ce que m ’écrit lé ficur Scytre le 3 o A v ril
1 7 8 3 : « la maladie de madame la douairière fa/ors à
»> Cabris) n’écoit que des vapeurs , & les vifites que le
« médecin lui a faites , pailent p o u rjc compte de M . le
» marquis qui n’en a certainement pas profité.
Le iieur G aytc , avocat de la dame de Lombard ,
m ’ecrit a Lyon le 27 Juillet 1 7 7 6 ( 1 1 jours après Je
billet fuppofé fait à Garnicr) : >3 il cft vrai que M . de
» Cabris revint d ’A ix avec des vapeurs , mais elles fc
n f o n t d ijfip ées , & quelques jours après il en f u t d é >5 liv ré.
Je ne puis omettre ici une contradiéHon échappée k
mes perfécutcurs ;
à
la page 27 du mémoire il cft dit :
» que pendant quinze mois mon mari avoit été en état
» de démence & de fureur depuis le billet de 1 7 7 6 ,
» (dont on vient de parler) jufqu’à la fcène de Septembre
>» 1 7 7 7 (expreflions du mémoire).
A la page 2 4 voici comme on s’explique : » de retour
m auprès de lui
quand la fr ê n e n'a pu l'attirer ju fqu 'a
» elle tout confpira a f a perte 3 & des organes faciles a
>» fuccomber 3 ne purent tenir contre cette accumulation
jj d'infortunes le. délire s'empara de lui.
Et dans la requête en demande d’interdi£bion du 6
Novembre 1 7 7 7 il eft dit : »j que mon mari n’ efi fo u que
» depuis mon retour auprès de lui ( en Juillet 1 7 7 7 ) ».
Dans une lettre du 8 O & o brc 1 7 7 7 , écricc au Bailli
de Mirabeau par la dame de L o m b a rd , pour l’inviter à
venir confommer le projet d’interdi&ion , elle lui dit :
>» jjion fils eft dans un état qui ne fauroit être dépeint,
Mij
�91
» il cil fort malheureux pour madame votre nîece qu il
» ne foie tel que depuis fon retour ». Il refultc de
ces contradictions , que mon mari n’étoit fou ni en
1774,
ni en 1 7 7 6 , ni en 1 7 7 7 ; qu’on l’avoit fait
déclarer tel à força d’artifices ; qu’on- a voulu enfuite
le rendre tel à force de cruautés ; qu’il a été victime de
la plus
effrayante
pcrfécution.
L a dame de Lombard n’eft pas plus heureufe en raifonnemens ; elle prétend établir page 1 3 , qu’une en
quête qui-a ^our objet de prouver qu’un individu jouit
de fa rai fon , eft une preuve négative 8c inadmiiTible e»
juftice ; c’eft fur ces principes fans doute que les Juges
ont rejeté les déportions de quelques témoins honnêtes
de fon enquête, joints aux autres pour y donner du poids ,,
& qui atteftent unanimement du bon fens 8c de la raifon
de mon mari.
D e ce que dans une requête aux Juges de G rade *
pour demander à être autorifée à la pourfuitc de mes
droits , je dis que mon mari dans les liens de l’interdic
tion , je ne puis plus plaider fous fa puiffancc, la dame deLom bard tire encore cette conféqucnce vi& oricufe; m a is
enfin toujours e f t - i l v ra i q u ’ e lle é to it réd u ite a a vouer l a
D É M E N C E 3 q u o iq u ’ e lle l ’ eû t n iée auparavant 3 com m e e lle
l ’ a fia it encore d ep u is 3 tant i l e ft v r a i que l ’ o p in iâ tre té a
fo u te n ir le m enfonge 3 fia it tom ber en con tra d iction p e r p é
tu e lle . ( C ’cft la merc de mon mari qu’on fait parler ainil
de fon fils 8c de la femme de ce fils.)
La darne de Lombard obferve (page 3 5 , deuxième
alinéa) que j’avois amené à A ix mon mari &. ma fille 5.
clic dit ( page 40 , premier alinéa ) que je le menois.
�i
e
i? 3
comme un enfant docile, dans le public à A ix & même
au fpe&acle , &c en même tems elle allure ( page 3 9 ) ,
parlant de l’interrogatoire qu’il avoit fubi à A ix le 1 8
F é v r ie r , qu’elle ne peut pas s’empêcher de trouver raifonnable: cette amélioration de fon état étoit le fr u it de mes
Joins j ou de la nature que j ’ avois fç u feconder ( 1 ). Q uand
elle parle (page 27) des bains froids que je faifois prendre
à mon m a r i, voici fes termes : madame de Cabris fa ifo ity
difent-ils, cet ejj'ai , & pour l 'y encourager s s ’y précipitoit avec lui , ainji parlent les héroïnes de romans ; quels
font les témoins? N u l autre qu’ elle. La dame de Lom bard
en a fans doute de meilleurs des foins qu’elle donnoit à
fon fils quand il étoit avec m o i, quand elle ne le voyoit
pas } quand elle perfiiloit à lui faire refufer la porte.
E ft - c e une contradiction aflez cara<ftérifée , de faire
interdire fon fils comme fou , & enfuite de le faire com T
paroître dans un procès verbal devant un juge trop pré
venu , de lui faire déclarer qu’il a à fon feul fervice la
nommée M a ria n n e , femme de chambre de la dame fa
mere , qui n’a jamais>quitté le fervice de madame la
douairiere, & qui eft encore avec elle i c i ; de lui faire
compter le nombre de fes dom eftiques, de le rendre le
conducteur de ce Juge dans les appartemens du château*
pour les lui m ontrer, Sc les difFérens lits où les habitans
de ce château couchoient, de faire configner de fa bouche
dans le procès v e rb a l, des éloges infinis du cœur de fx
m ere, de la fagefle de fon adm iniftration, & des injures
(1 ) Depuis la demande d’interdiftion jufqu’après mon enlevement d’auprês d*
mon m a r i , la dame de Lombard n’a pas .même apperçu fon fils.
�94
contre fa fem m e, & de lui faire requérir enfin que le touc
foit configné dans le procès verbal !
Je quitte toutes ces abfurdités dont le détail me me*
neroit trop loin pour me réduire à un fcul point de fait.
Je fouriens que mon mari n’étoit point en démence lors
de Patraque de fa merc pour le faire interdire comme tel
en i 7 7 7 ; &; j e l e p r o u v e , par fes interrogatoires devant
le Juge de Graflc ( 1 ) , & aii Parlement d’A ix : ces inter
rogatoires ont déjà reçu l’approbation de mes adverfaires;
comme on vient de le voir (2).
• Par les rapports de médecins & chirurgiens (3).
Par fon enquête de quarante-deux témoins s gens graves,
par ceux dont l’état peut infpircr quelque confiance, en
tendus dans l’enquête de la dame de L o m b a rd , & dont
les dépolirions font conformes.
Je l e
p ro u v e
enfin par quatre lettres de fa main ,
écrites à fa mere (4) dans le cours de cette honteufe infta n c e , pour la démouvoir d ’une a&ion odieufe pour elle
èc flétriiTante pour tous les deux ; par la tranfa&ion qu’il
pafTa à la veille de fon interdi&ion , avec fa communauté
de Cabris affembléc dans les falles de fon château , dont
des témoins de l’enquête déclarent qu’il
d i c t a des claufes.
d is c u ta
&
I^a dame de Lombard foutient que fon fils étoit fou à
catte époque.
(1 ) V o y c i Picccs juftificatives, n°
( i ) V oye\ P. juftif. n” . 3.
Î 3)
Voyel
Cf) V°yel
p*
n°. 4.
n°' 5'
�95
Quel les font Tes preuves ? L a fcntence de G r af l e qui
l ’a déclaré tel.
Les' arrêts du Parl ement d ’A i x qui confirment cette
fcntence.
Tout
cela eit caile 6c anéanti par l’arrêt du C o n f e i l
des D é p ê c h e s du i 5 A o û t 1 7 8 3 .
II
ne lui refte tout au plus q u’ une enquête c om po fé e
de fes domeftiques , gagiftes ou affidés, des gens de la lie
du peuple qui ont dépofé à fa vol ont é , à qui on a voulu
aiTocier quelques gens h onnê te s, d ont les dépofitions dét r u i f e n t , c o m m e on l’a vu , fes prétentions ; prétentions
encore anéanties p a r l e t émoig na ge des q u a r a n t e - d e u x
t émoins entendus à la requête de m o n m a r i , qui tous
dépof enc'de ion bon fens.
Elle veut infinucr , page 3 5 , que cette cafîation 6c
l ’anéanti fl ement de
ces
titres cft la fuite
d ’un
défaut
de forme dont l’oppofition perpétuelle avec le f ond , a
renouvelé le procès.
Je n’ ai befoin que d’ un m ot q u’elle a eu grand foin de
di fl imul er, pour faire difparoître ces plaintes 8c ces ré
flexions politiques.
L ’arrêt du 1 5 A o û t 1 7 8 3
cft émané du C ô n f e i l des
D é p ê c h e s , où Sa M a j e i t é aflifte en perf onne,
Sc qui ne
conno ît des affaires de particuliers que quand il y a in
fraction au droit des citoyens.
C e t arrêt cafic non feulement les arrêts du Pa r le me nt
de P r o v e n c e , mais la
fcntence de Greffe qui prononçoit
l* interdiction 3 NOTAMMENT L*AVIS DE PARENS qui
déféroit la c ur a t e l l e , cette curatelle m ê m e 8c t o u t
ce
q u i s’£N e s t e n s u i v i , & par c onf équent ces aliénations
�multipliées de la curatrice, ces ailes d’emprunts fans fin,
ces baux frauduleux , toutes ces reconnoiflances données
aux fous-ordres dans le partage de la dépouille de 1 op
prim é, ce procès verbal du Juge de GraiTe pour conilarer
la maniéré dont le marquis de Cabris étoic tenu par ia
m ere, copié ii complaifamment à la page 43 du mémoire.
C e t arrêt ordonne que mon mari Si fa fille feront
conduits ici de l’ordre de Sa Majefté , & fous les yeux
de fes Miiiiilres ( 1 ).
Je laide au public à juger les motifs de la caiïation pro
noncée dans le confeil d’Etat du R oi , de jugemens de
Juges inférieurs , d’avis de parens rédigés dans l'intérieur
d’une fam ille, d’ une curatelle qui pouvoit être réformée
par un Juge fupérieur, fx elle avoit été dans le cas d’être
prononcée , de tous les actes faits par la curatrice , dont
le fort dévoie fuivre celui du jugement qui lui avoit donné
fes pouvoirs ; enfin des motifs de cette prévoyance pour
les perfonnes prouvées dans l’oppreffion.
Je dois quelques réflexions fur ces parens qui ont voté
dans cet avis du 1 4 Janvier 1 7 7 8 , fur le vœu de cette
prétendue famille entiere dont la dame de Lombard fait
tant d’étalage dans plufieurs endroits de fon mémoire.
( i ) Les ordres de Sa Majefté ont été exécutés avec une attention particulière»
& une décence extrême. M o i - m ê m e j'ai pouiTé l’attention fi loin , qu'allant audevant de mon mari Si de ma fille , je m’ arrêtai à i j lieues de Cabris : !e peuple
¿coic foulevé d’indignation contre la dame de Lombard & fes gens d’affaires 3 ma
préfcncc pouvçic fervir de prétexte à des excès concr'eux, j ’attendis.
Il eft faux que l’Officicr ait refufé à la dame de Lombard de voir ma fille.
L ’hôtel que madame de Lombard appelle mon h ô te l, dans lequel elle prétenj
«ju’on a refufé de lo ger Ton f i l s , appartient à mon mari.
J’y
�91
J’ y trouve dix -n e u f noms ; à la tête , M. le Bailli de
Mirabeau , Religieux profès de POrdre de Saint Jean de
Jérufalem, homme que les loix déclarent more.civilement,
ôç par conféquent incapable de voter dans une pareille
aflcmbléc.
M . Lombard de Gourdon Sc M . Creps de St C czaire ,
tous deux beaux-freres , dont l’intérêt a déjà été aflez
démontré , 6c le premier d ’autant moins excuiable à
voter dans une aflcmbléc aufli irrégulière , que vingt an
nées d’expériences paflecs fous fon pere , Lieutenant au
Siège de G rade 6c Subdélégué de M . l’intendant de P ro
vence , avoient dû Pinftruire des formes ( i ).
M . de Clapiers Colongucs , complaifant connu du
Bailli de M ir a b e a u , promoteur de Pa&ion.
M . G eoffroy D u ro u re t, à qui ceux qui coftnoiflcne la.
noblefle de P ro v e n c e , favent que mon mari ni moi n’a
vons l’honneur d’appartenir.
To us les autres y font employés parce qu’il a plu aux
comparans de les y nommer , parce qu’il leur a plu de
dire qu’ils avoient leurs pouvoirs, fans qu’ils en ayenc
juftlfié ni au Juge , ni au public par l’annexe de leur
procuration , la plupart même des perfonnes nommées
n’ayant jamais-vu M. de Cabris.
J’ai déjà obfcrvé qu’il y a voit dans la même ville,
ou aux environs , douze familles de parens rcfpectables ,
avec lcfquels le marquis de Çabris vivoit habituellement,
qu’on s’cil bien donné de garde d’appeler.
____________ ■
^.
»
. '
.
«
( i ) C e M. Lombard de Gourdon n’eft pas de la même roaifon que la dame
&
Lojnbard St. Benoît, douairière de Cabris..
. .
N
�C e t avis de parens préfente un contraile bien frap
pant ; M . le Bailli de Mirabeau , que fa mort civile mec
hors d’état de voter, paroît à la tê te , 8c M . le marquis de
Mirabeau , fon ainé, n’y paroît pas même par procureur.
O n voit en tout que ce font quatre perfonnes , deux
bcaux-frercs , dont les intérêts ont déjà été démontrés ,
un étranger 8c un homme entièrement dévoué à M . le
Bailli de M irabeau qui privent le marquis de Cabris de
fon état c iv il, qui anéantiiTent notre fam ille, qui difpo*
fent de nos b ie n s, 8c qui mettent la perfonne de mon
m a r i, de ma fille , 8c toute notre fortune dans des mains
qu’ils connoiiToient incapables d’en prendre foin.
Je crois avoir prouvé que mon mari n’étoit pas fou
lors de la demande en inrerdiCtion , 8C que cette inter
diction' n’a été prononcée que par les intrigues de la
cabale; j’aurois pu borner ma preuve à l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A o û t 1 7 S 3 , qui caiTe cette inter
diction même rendue par un juge inférieur , & tout ce
qui s xen eft enfuivi & pu s ’ enfuivre.
Si je fuis entrée dans quelques détails des faits qui ont
décidé la juftice du Souverain , c’eft pour démontrer plus
fenfiblcmcnt la conduite de nos adverfaires , 8c ne rien:
laiifcr à defirer fur les motifs d’une interdiction qu’ils n’ont
pas eu honte d’annoncer dans leur mémoire comme néce flaire.
Je rapporte les interrogatoires devant le premier Juge
Sc au Parlement d ’ A ix , les enquêtes qui dépofent de fes
difeours avec les perfonnes habituellement en fa fociété ,,
fes lettres à fa m è r e , fes autres écrits , les a£tcs qu’il a
pafles , oiï l’on trouve de quelle maniéré il traitoit 8c
�99
conduifoît Tes affaires ; quelles autres preuves devois-jc
rapporter ?
Je vais prouver actuellement ce qu’a fait la cabale, par
le m o y e n de la dame de Lombard 5c de Tes agçns , pour
rendre Ton fils fou , du moment qu’il a été en leur puiffaneç.
M a u v a is t r a it e m e n s exer cés sur les per so n n es:
La dame de Lombard n’oppole aux faits en grand
nombre , déjà articulés à cet égard , que des déclamations
pathétiques.
Elle invoque en fa faveur le témoignage de tout le
pays que je vais faire dépofer contr’elle , de fes domeitiques qui ont oublié leur rôle dès qu’elle a ccfle de les
payer.
Elle me force de montrer mon mari tombant fous les
coups de fes valets , à ne plus diflimulcr que ces indi
gnités étoient l’ouvrage de la cabale qui les ordon noit, Si
de la meie de mon mari qui les autorifoit.
M on filcnce me rendroit complice de la dame de L om
bard , je contribuerois , en le gardant , aux foupçons
qu’elle ofe donner fur fa famille , d’une démence héré
ditaire ; je participerais à la flétriiTurc qu’elle cherche à
imprimer fur notre poftérité.
C e t objet de ma défenfc fera divifé en deux parties ,
l a premierc traitera de la nourriture , du lo g e m e n t, des
vetemens & foins de fanté. Dans la fécondé, jc r a p p o r
terai les preuves de mauvais traitemens e ffe c tifs , e x e rc é s
N ij
�1 00
par les Satellites qui entourerait mon mari à l’inftant de
rinterdidtion.
La dame de Lom bard, dont tous le domeftique fe bornoit à une cuifinicre Sc une femme de cham bre, prit, auflitôt l’interdi&ion, un état de m aifon; elle eut un cuiflnier,
un laquais ¡k. même une fécondé femme de chambre ; cc
font ces gens qui la fuivoient dans ia maifon à G ra fle, où
elle paiToic de fuite quelquefois plus de fix m o is , &: tou
jours la plus grande partie de l’année, qu’elle amene avec
elle à Cabris pour figurer dans le procès verbal du Juge de
Grafle , où l’on fait déclarer au marquis de Cabris qu’ils
lui appartiennent perfonncllement.
Dans l’abfence de fa mere du ch â tea u , il n’avoit pour
toute cuifinicre qu’une fervante païfanne à 3 6 liv. de gages
par année.
Quand la dame de Lombard étoit au château , fon fils
ne mangeoit pas avec elle , on lui envoyoit de deflus la
table dans fa chambre la portion du dîner de fa mere
qu’on jugeoit h propos.
Ces faits font atteftés par le témoignage de ma fille ,
elle les a rappelés à fa grand’mcre dans Paflemblée de
parens en l’hôtel de M . le Lieutenant civil ; elle lui a
renouvelé les repréfentations qu’elle avoit pris la liberté
de lui faire fur la rigueur de ce traitement fait à fou pere
fous fes yeux ; quand la dame de Lombard écoic abfcntc,
& j’ai obfervé qu’elle l’étoit la plus grande partie de l’an
née , mon mari mangeoit feul, ou avec le fieur A lzia ry.
V o ic i le régime qu’on lui faifoit obferver.
A ndré Court 3 l’ un des païfans qui le fervo ien t, atteftt
<
�6c de l’huiificr , qui l’cn
requéroit LÊ i S FÉVRIER iyS^-^x).
en préfence de deux témoins
fa i-
» Q u e le fieur A l z i a r y lui (au marquis de Cabris)
>j
foiL boire du vin fouvent PUR 3 lui fa ifo it prendre du
CAFÉ & lui donnoit auffi du tabac ; lorfque les domef-
»
tiques lui repréfentoient que tout cela étoit contraire a la
»
fan té de M . le Marquis & aux ordres donnés par ma-
>j
dame f a mere 3 ledit fieur Afyiary' répondoit que la ma-
»5
ladie de M . le Marquis étoit incurable 3 ù que le vin 3
»
le café & le tabac ne pouvoient pas lui fa ire plus de mal
53
qu’ i l n ’ en avoit; que pendant quelques années 3 & dans
»
le mois d ’ Août 3 l edit feigneur marquis de C a b r i s ,
»
accompagné
»
domeftiques,
»
quelques jours aux M o u l i n s près la rivicre de S i a g n e ,
»
& pris des bains qui lui étoient favorables pendant les
m
cinq ou fix premiers jours ; mais le fieur A l z i a r y lui
»
f a i f o i t boire du vi n , 6c avec plus d ’a bo nda nc e , le
ù
f o i r , ce qui l ’i n c o m m o d o i t
6c lui do nno it de fortes
»
altérations : que le n o m m é
Cavalier do n no it à boire
»
de l’e au -d e- vi e audit feigneur M a r q u i s , au vu
»
du fieur A l z i a r y , q u i , fur les reproches que le répon-
»
da nt
>3
que rien ne pouvoir augmenter fon m a l , ni le guérir ,
»
qu’il falloit lui donner t out ce q u ’il demanderoit
«
en aliment que
boiiïon : que lorfque ledit
»
M ar q u i s
bu une certaine quanti té
»
d ’eau-de vie ,
>5
(x)
du fieur A l z i a r y &
de quelques
autres
d ont étoit le r é p o n d a n t , a été paiTer
6c fit
6c les autres domeftiques lui f ai fo ie nt , répondoit
Voye\
avoit
tant
feigneur
de vin ou
6c pris du c a f e , q u o n lui préparoit fo rt
P ie ccsju ftifkativcs, n V »
�I 32
» chargé, il ¿toit beaucoup altdré 6c plus mal qu’à l’or» clinaire ; que c’étoit ordinairement après ces fortes de
» boiiTons contraires , qu’il demandoit pendant
«
une
partie de la nuit à boire , que fouvent le répondant
» avoit repréfenté au iïcur A lzia ry que fi madame la
» marquiie de C a b ris, belle fille , rev en o it, & que M . le
» marquis ou tout antre, lui apprît le peu d’attention
» qu’il avoit dans le choix des alimens ù de la boiJJ'on
« qu’on donnoit à M . le Marquis , elle en feroit fâchée;
» fur quoi Alziary répondoit que cela n’arriveroit jamais.
A quoi ce fieur A lzia ry ajoutoit d’autres propos indéccns , que ce fous-ordre ie permettoit contre moi.
m Le nommé Matthieu Pichot , autre domeftique ,
« dépofedes mêmes faits; ( i ) qu’il y a trois ou quatre ans,
« & pendant qu’il fervoic en qualité de domeftique dans
>3 le château de C abris, il s’apperçut qu’on faifoit pren
ds dre du café à M . le marquis de C a b ris , quoique le
r> médecin l’eût d éfendu , 6c même qu’après lui avoir
donné du chocolat , on lui faifoit encore prendre du
»5 café un moment après; qu’on lui donnoit fouvent du
»> vin
à
boire , 6c
particulièrement lorfque le ficur
>3 A lz ia ry , pere, mangeoit avec ledit feigneur marquis
>j à la merne table , 6c malgré la défenfc du médecin
»
6c de madame fa mere, ce qu’il a vu plu fieu rs fois;
”
en ayant fait des reproches au fieur A lzia ry 6c à André
”
Court fon dmneftique ; il certifie encore que pendant
» le même tems M . de Cabris n’étoit point vifité par
»
aucun m édecin, n’ayant point vu le médecin Roffignoli
( l ) V o y e z p ic c c s j u fti f ic a ti v c s , N * .
6.
�i o3
*■
« au château qu’une feule fois , 8c le fieur Raynaud ,
» chirurgien ne l’alloit voir que pour le rafer » ; il parle
enfuite des bains pris à la riviere de Siagne , où il accom pagnoic mon mari avec le fieur A lziary Sc André C o u r t,
fon autre domeftique; le répondant continue» qu’il vit
» avec fatisfa&ion que les bains étoient favorables à M . de
«
C a br is
, pendant les cinq ou fix premiers jours il étoit
>3 fort tranquille; mais comme A ndré & le fieur A lziary
»3 perc , lui donnoient à boire du vin , & fo u v e n t, par
33 cette raifon lui fut contraire ; une nuit , comme il
>s avo'it bu une certaine quantité de vin à fon fouper,
33 il fe trouva fort altéré ; le fieur A lziary & André le
33 fermèrent dans fa chambre ôc furent fe coucher dans
>3 des appartenions éloignés de celui de M . le marquis,
>3 ayant demandé de l’eau, &c étant feul dans Panticham33 bre il lui en donna une cruche , en but plufieurs
« coups ; une demi-heure après & vers les onze heures
>3 fc trouvant encore altéré , il demanda encore de l’eau ,
>3 le domeftique lui en donna , ce qui l’engagea d’aller
33 frapper à la porte du iïcur A lzia ry , pour Pavertir
s» do ce qui fe p a flo it, 8c pour obliger A ndré de fc
33 rendre à l’antichambre de fon maître ; le fieur A lzia ry
33 nefe remua pas du tout ; le répondant fut prier 8c folli-
» c i t e r André avec menace d’en porter plainte à m adam e
33 la douairière , de leurs négligences, & alors A ndré fe ‘
rendit avec lui dans la chambre de ion m aître, auquel
33 ils donnèrent encore à boire de Peau.
V oilà ce qui regarde la nourriture ; quant aux vêtemens
je n’ai pas befoin d’autre témoignage que le faic
certain que mon mari n’a apporté qu’ un habit. JL’officier
�i 04
chargé de 1’cxécution de l’arrêt du C o n f e i l , a dû attefler
que cet habit fait dans la nuit du départ, ne lui fut livré
que pour le voyage ; tous ceux qui ont vu le marquis
de Cabris , avant ce tems , attelleront qu’il n’étoit couvert que de haillons. Il cil arrivé à Paris avec les bas ,
& fe fervant des mouchoirs que fon conducteur a voit été
obligé de lui prêter pour l’ufage de la route.
Sa mere ne lui remit que dix-neuf chemifes ; il eft
dit> page 48 de fon m ém oire, qu’ elle demandoit le loifir
de fa ire préparer promptement le linge & les habits de fon.
fils. Que ne les lui a-t-elle envoyés depuis fix mois? Elle efl:
venue dans cette ville , elle y eft depuis quatre mois ;
elle a vu fon fils avec d’autres habits que je lui ai achetés
fans lui avoir parlé des ficns,ni lui en avoir rendu aucun.
D ans le fa it, quand je fus enlevée d’auprès de mon
ïïia r i, il avoit toute la garderobe d ’un jeune homme dç
fon état &
de fon opulence , qui aime la parure ; un
linge de corps immenfe &C du plus beau ; la dame de
Lom bard en a-t-elle difpofé comme de tant d’autres
objets? O ù a-t-elle la dureté de l’en priver volontairement,
dans un moment où elle fait qu’il 11e peut pas fe procu
rer le néceflaire fur fon propre bien?
^
Il paroîtra moins étonnant, qu’elle ait refufé de re
mettre du linge de l i t , Si de table pour l’ufage de fon fils ’y
puifque ma fille atteile, Sc elle l’a foutenu à fagrand’mcre,
dans l’aiïcniblée de parens à l’hôtel du M a g iilra t,d e va n t
Ton perc & moi , en préfence de M. le Lieutenant C iv il,
qu elle le faifoit coucher fans draps dans fa propre maiions fournie abondamment de tout ce qui étoit néceiïairc
à une famille opulente.
Oa
�1 05
O11 a déjà vu que loin de procurer k mon mari des
foins de ianté , on en détournoit l'effet par des nour
ritures 8c des boiflons contraires.
Les domeftiques 8c autres perfonnes du village de
Cabris , attellent que mon mari n’avoit point de mé
decin , 8c que le chirurgien du village ne le voyoit que
pour le rafer.
Alexandre C o u r t, Conful de la communauté , attefte
par fa déclaration du 1 7 Février dernier ( 1 ).
Q ue lors de Pailemblé© de la communauté , tenue
la fécondé fête de la Pentecôte de l’année dernierc ,
le iieur A lziary lui préfenta un certificat tout dre de fur
papier timbré , contenant nombre de faits » qu’on folli«
citoic le dépofant d’a ttefler, entr’autres, que M . le
m marquis de Cabris étoit fuivi journellement par un
« chirurgien , qu’un médecin de G rade venoie le viiîter
» fréquem m ent, qu’il mangeoit à la table de la dame
»3 f i m crc, Iorfqu’elle venoit à Cabris , 8c que ledit ficur
» A lziary ne le quittoit jamais , 8c autres faits relatifs
» aux traitemens dudit feigneur marquis de Cabris, qu’a» près avoir lu ce certificat , ayant trouvé que les.
»3 faits y énoncés n’ étoient pas véritables , le dépo
li fant refufa de figner malgré les injlances & les
>5 menaces du ficur Alziary ; il certifie encore que le
marquis de Cabris n’avoic que deux domeftiques , qu’ il
« *h’y en avoit qu’un - qui le fuivît , 8c fouvent M . de
» Cabris alloit promener fe u t, & le domelliquc n’ alloit
,3 le joindre qu’un tems après.
( j ) V o y e z p ie ccs j u f t i f i c a t i v c s , N \ 7 ,
o
�ï o6
L e fieur Seytre
m ’écrit lo i er Mars 1 7 8 3 , » l’état
» de M . de Cabris eft toujours le m êm e, il ne changera
»
pas , tant cju’il n’aura pour médecin que deux payfans
»
ôc un ivrogne, qui le gardent fans lien faire , ôc
» qui mangent tous fes revenus à votre préjudice.
Il me marque par fa lettre du 1 6 A v r il, que la com»5 munauté de Cabris attefte que M . de Cabris cil tou»j jours dans une efpecc d’abandon ; « c’eft en effet ce
qu’attefte la communauté par fa déclaration du 2. 1 A vril
1 78 3 , en fuite de la requifition judiciaire que je lui avois
fait faire ( 1 ).
L e fieur Seytre ajoute dans la même lettre « M . de
Cabris , eft toujours réduit au même état d’abandon;
«
»
depuis quelques jours il paroît plus tranquille; il feroit
portable fi en bonne juftice on vous autorife à lui
« procurer les fecours dont il.a le plus de befoin.
D ans celle du 10 M ai 1 7 8 3 , il m ’écrit » l ’exploit
•m que j’ai fait fignifîcr à la com m unauté, ôc la déli» bération qui a été prife , ont opéré quelques vifites
jj
de médecin à M . de Cabris; mais on s’en eft tenu là ;
« il ne s’eft point agi de remèdes , ôc des vifites ne
» guériffent pas : M . de Cabris ne recouvrera jamais la
« fanté pour être vifité , il eft toujours dans le même
» état , furveillé par deux payfans , p rom enant, fuivi
45 d’eux ôc de ce perfonnage qu’on nomme l’homme de
” confiance, ôc que le fieur Court appelle fort à propos
» la pefte du pays.
Il m ’écrit le 1 6 M ai fuivant, » les vifites de médecin
( 1) V o y e z pièces j u i l i f î c a t i v c s , N ° . -8,
�io7
w ont ceile depuis quelque jours ; la Tancé de M . do
» Cabris n’a rien gagné pour avoir été vifîcé , ¡k. dans
« fa lettre du 7 Juin , M . de Cabris jouit toujours de
» la fanté que Ton état pcût comporter de plus fa«vo« rable.
» M. de Clapiers ( 1 ) ne s’expofe pas à le v o i r , fo a
3) occupation au château confilte à raiTurci' madame fa
35 couiîne contre votre demande.
Il m ’écrit le i Juiîlet 33 au lieu ds tenir M . de C ia 33 piers au T i g n e t , on a trouvé plus commode de tenir
}>• M . de Cabris enfermé tout comme on en avoit ufé ci33 devant. M . de Clapiers prétend que l’état de M . de
35 Cabris l’afflige; mais on dirolt plus vrai, fi on difoit
33 qu’il le craint ; 011 ne diilimule pas la fenfation que
33 fa préfence fait à M . de Cabris , & on le punit de ce
» qu’ i l eft encore ajfci bien pour ne pas oublier à qui i l
33 eft redevable du trifte fort où on l ’ a réduit.
M on mari écoic donc enfermé en chartrc privée ; on
lui donnoit des alimens & des boiflons nuifibles dont
on avoit calculé l’effet ; il couchoit fans d ra p s , il étoic
fans vêtemens.
O n ne s’en tenoit pas là-, on le b a tto it, en voici la
preuve :
Jofeph 6c François Raybaud , habitans de Cabris ,
attellent dans le procès-verbal recordé de l’huilîier qui les
en avoit requis le 1 7 Février dernier ( z ) , qu’il y a envi« ron trois ans, ils habitoicnt une maifon du v illa g e ,
33 donc les rues donnent fur le château , qu’ils ont vu
( 1 ) Le même qui a voté dans l’avis des P a ï e n s , du 1 4 Janvier 1 7 7 * .
( t ) V o y e z pi'eccs juftificatives, N " . y.
O ij
�io8
» M . le marquis de C a b r i s , qui promenoit au-devant
33 du château ; enfuite il vint promener fur la vigne ,
si éranc là le marquis de Cabris dit au même Jean Court
33 fon domeftique , qu’il vouloir aller promener fur l’al>s lée de Saint-Jean ; Court ne voulut pas y confentir ,
j> & comme M . de Cabris infiftoit ; Court le menaça de
33 le battre s & alors M . le marquis ayant pris la route de
53 l’allée, ledit Court lui donnaplufieurs coups depoingt, ce
33 qui obligea M . le marquis de courir dans le château ; les
s) répondans certifient encore avoir ouï-dire publique33 ment que ledit feigneur marquis étoit battu par Tes
33 domcftiqiics.
Antoine R aybaud, dans fa dépofition dans îa même
forme 6c dti même jour , déclare ( i ) , que s’étant trouvé
» il y a rrois ans , au clos avec le nommé Jean C ourt ,
33
domeftique de M. le marquis de Cabris , en parlant
33
dudit feigneur, ledit Court dit an rép o n d an t, que
3 î dans la matinée du même jour , «\ mefure qu’il chauf33 foit ledit feigneur marquis , celui ci lui donna un
33 foufflet , & que lui Jean Court avoit donné vingt
33 coups de bâtons fu r le dos dudit feigneur marquis , ajoute
3> le rép o n dan t, qu’il a ouï-dire publiquement que ledit
33
feigneur marquis étoit battu par fes domeftiques.
La nommée d ’Aumas , femme C a u v in , aitefte dans la
même forme lem êm e jo u r(i ) , qu’elle a ouï dire publiquc” ment , que M . le marquis de Cabris étoit battu par fes
33 domefliques\ un jour elle vit venir M. le marquis de la
33 promenade, 8c il vouloit traverfer le village pour fe
( i ) V o y e z picccs juftif. N ° . i o .
(i
)
V o y e z pie ces j u l l i f i c a t i v c s , N ° . u .
�53
ÏC<)
rendre su château ; Jean C o u r t, Ion domeftique vûulut l’obliger de paflcr dans le pré qui cft à côté du
village, Sc comme M. le marquis infiftoit , le domeftique le força en le menaçant de paflcr dans le pré,
fur quoi ledit feigneur tout affligé, dit alors a haute
îj
voix , q u 'il éioit bien fâcheux pour lin homme de fon
»
«
«
33
» état s d ’ être obligé d'obéir en tout à un coquin de
j) domefiique 3 ajoutant la répondante, qu’elle a vu paf» fer fouvent M . le marquis de Cabris qui alloit prow mener tout feul , &c un intervalle de tems après un
33
de fes domeftique Palloit joindre.
Le même jour,lademoifclle Anne Roure, veuve Conrr,at-
33 tefte ( i ) qu’un jour forçant de la tribune d el’ëglife, elle
»> entendit que Marianne , femme de chambre de ma35 dame de Cabris, douairiere, difputoit avec, A/, le marquis ,
33 que ladite Marianne lui difoic en criant a haute voix >
J3 vous êtes f o u , vous fere\ toujours fou^ ce qu’elle répéta
>3 cinq ou fix fois, d'un ton menaçant ; un autre jour ,
jî
elle rencontra
le nommé
Acharc , domeftique du
33 c h â te a u , avec lequel elle parla de la maladie.de
33 M . le marquis , Sc demanda à ce domeftiq.uc comme
33 il fe trouvoic , fur quoi le domeftique lui di e, qu’il
» étoic tantôt b ie n , tantôt mal; la répondante dit à
33 ce domeftique que fi M . le marquis recevoir quelque
33 lettres de la paît de fon époufe , peut-êrre que cela
33 lui feroit plaiiir , ôc qu’en lui faifant réponfe cela
»
l’occuperoit quelques momens ; fur quoi ledit Achart
33 domeftique , lui répondit qu’il yavo it dans la mai ion
m**""'
(i)
1
V o y e z pieccs j u i l i f . , N ° . i z ,
"
‘ 1' ' m
�i ©9
î) les défenfes les plus expie îles de ne remettre audit
feigneur marquis aucune lettre de la part de fa fem m e3
j> ni de tout autre , de ne lui fournir
»
ni papier , ni plume,
afin qu’ il n’ écrivît aucune lettre > ni a fa fem m e} ni d
w fe s amis ( I ).
Dans un récit de cette dépofïtion , la répondante
dit , îî que la dame de Lombard réfidoit prefque conjj tinuellement à Grade ; elle certifie encore qu’elle a
35 ouï-dire publiquement, que M . le marquis étoit battu
J3 par le nommé C o u r t, Ton domeftique.
Je puis joindre ôc je joindrai bientôt à ces témoignages
ceux de tout le village de C abris, de la ville de G r a d e ,
&. de la contrée entière ; je n’attends pour cela que d’y
être autoriféc en Juftice. Je pourrois rapporter cent lettres
qui m ’annoncent un cri général 6c d ’ i n d i g n a t i o n contre
les manœuvres de la cabale qui a anéanti notre maifon
& détruit nos perfonnes.
M a fille n’éprouvoit pas un fort plus doux.
J’ai déjà dit qu’elle étoit au couvent de G rade à deux
cens livres depenfion , qu’elle n’avoit eu d’autre éducation
qu’un maître d’écriture pendant quelques mois ; il étoit
défendu de lui laifTcr voir les perfonnes qu’on foupçonnoit pouvoir avoir des relations avec moi , on ne lui
laifToit pafler aucune de mes lettres; il lui étoit expreflement défendu de m’en écrire ; elle fut mife en pénitence
publique
l’ordre exprès de fa grand’mcre , pendant
( i ) Loriqu'on voulue lui rendre la faculté d'écrire on ne le put p lu s ; le ficur
Scytrc me dit dans lu lettre du 30 Avril 178} :
n O11 ciTayoit a C a b r i s , de faire écrire M . de C a b r is , mais on m’ aflure q u o o
a> n'eft veuu à bout de rien tirer de lui ».
�ï Io
l’office fur une tombe de l’églife au milieu du c h œ u r ,
trois heures !c matin , &: trois heures le f o i r , pour s’être
procuré par le moyen d'urte mirrc pep.iionnaire, & avoir
lu un de mes mémoires , 6c ce traitement ne ce il a que
parce qu’elle en tomba malade.
L e fieur Scytre m’écrit le
2 1
Décembre
1 7 g 2 , >3
je
» dois vous entretenir, i°. de madcmoifellc de C a b ris,
53
depuis que je vous ai envoyé fa lettre elle a eu du
3)
défagrém ent, elle a eu la foiblcflc de le dire , où cela
a tranfpiré ; depuis ce tems on l’a fait fo u iller, pour
» favoir fi elle n’a pas reçu quelques lettres de votre
93
part, vous favez que madame la douairiere eft méfiante,
33
malgré toutes leurs précautions à vouloir priver made-
5J moifclle de Cabris de vos nouvelles , je lui ai remis
>s votre lettre 3 j’ai fu qu’elle l’a lue trois fois les larmes
» aux yeux ; d i e l’a laiile entre les mains de fon a m ie ,
33 & c h a q u e jour elle vient la lire.
Le premier M ai fu iv a n t, « on nous a fait à moi 6c à
« ma femme une hiftoire bien extraordinaire fur ce que
» nous
voyons madcmoifellc Pauline , par le moyen
» d’une Religieufe q u e , dit-o n , nous avons gagnée
&
que je ne connois pas par parenthefe ; on ajoute que
33 pour prévenir toutes chofes on va la faire fortir du
3> couvent , des mauvais plaifans y ajoutent à leur tour ;
» elle fera mieux fous les yeux d’un Italien ( A lziary)
33
53
qui a toujours vécu , même a C a b iis , d une manière
fcandaleufe.
Dans fa lettre du ï 5 Mars 1 78 3 , « il nie dit : ma-
53 demoifelle
33
de Cabris eft très refTcrréc dans le cou-
vent , il y a chaque jour de nouveaux tourmens
�I I z
« qui commencent à être à charge h La fupericiire; elle fis
5) plaint de tous les tripots que l’on fait fur fon compte au
55
iujet des prétendues libertés qu’elle donne à mademoi-
5} Telle de Cabris de venir au parloir ;
il
cft bien mal-
55 heureux que cette demoifelle reiTente
innocem m ent:
55 les jierfécutions que vos calomniateurs vous font
55 éprouver ; tout a un terme , Sc je fuis fur que nous
» approchons du tems où nous allons voir finir tant de
55 maux.
Il m’écrit le i G A vril fu iv a n t,
55 mademoifelle de
» Cabris ( alors à Cabris ) eût gardée à vue par cette
55 Alarianne que vous connoiflez fi bien ; il m’écrit
55 le
18 A vril , madame la douairiere efl m a la d e ;
55
55
55
mademoifelle de Cabris la fo ig n e& lui fait compagnie,
elle fort peu du château , & toujours fuivie par M arianne qui ne la quitte pas.
O n aiTembloit les principaux habitans de Cabris dans
les (allés du château ; on y lifoit publiquement les mé
moires calomnieux envoyés fecrétement contre moi ,
dans le tems que je pourfuivois l’année derniere mon
ail-aire au Confeil , la dame de Lombard forçoit ma fille
d ’en entendre la lecture. Le ficur Seytrc m’écrit le 1 o M ai
1 7 8 3 , 55 elle craint beaucoup fa grand’mere, &
n’ofe
53 dire mot devant elle ; mais lorfqu’elle peut la perdre
î3 de vu e, elle dit , que ne me laiiToit-elle au couvent,
”
55
plutôt que venir m ’emprifonner ici ; il parle enfuite
des
horreurs qu’on lui débitoit fur mon compte.
Dans fa lettre du 1 6 du même mois, il me marque : midemoifelle de Cabris continue de s’ennuyer au château ,
;5 & d y perdre un tems utile , mais n’importe on a
des
�11 3
« des craintes, Sc on l’y gardera , &c encore on la fait
33 toujours fuivre , parce que l’on craint à Cabris qu’on
»» ne lui porte des lettres de votre part ; tout le monde
55 crie contre cette conduite & plus que jamais , on
5j defirç de voir cefler une autorité qui dégénéré eu
33 dcfpotifme affreux.
Dans celle du i 8 Juin fuivant , il dit ce mademoifelle
53 de Cabris a eu une fcène avec Marianne & A l z i a r y ,
33 pere , ( qui lui parloient indécemment de moi , ainfi.
33 que ma fille me l’a répété ) ; elle dit à la premiere ,
33 qu’elle n’étoit qu’une fouillon méprifable ; & au
33 fécond, que ii elle commandoit jamais, fur le champ
33 il feroit mis à la porte : il femble que cet enfant
si devine la conduite de ces deux individus , ÔC tout le
33 mal qu’ils lui font.
Il me marque dans celle du z Juillet , « mademoi33 rdle de C a b r is ‘ fc plaint de ce qu’on la détient à
>3 Cabris; madame la douairicre feroit, dit-on , le facri53 fice de l’envoyer au couvent, iï elle ne craignoit, à ce
33 qu’elle d i t , ou mes vifites , ou les lettres que je pour33 rois lui faire parvenir.
V o ilà la maniéré dont mon enfant étoit traité ; quant
à fa garde-robe, jîai dit qu’elle n’avoit que quatre chemifes,
fans coiffures ni jupons, ni bas, & la feule robe de toile
qu’elle avoit fur le corps ; la dame de Lombard ne lui
en a pas envoyé -depuis , ne lui en a même pas apporté,
lorfqu’clle cft venue la voir dans cette ville.
Preuve qu’on a voulu profiter des malheurs de mon
mari & des m ion s, pour difpofèr delà perfonne de notre
«nfant.
P
�” 4
Le fîear Seytre m’écrit le
11
Décem bre 1 7 8 2 ,
3J quand j ’ai l’honneur de vous dire qu’il eft urgent de
»> porter remcde à tant de maux , c’eft que je fais que
» madcmoifelle de Cabris fera bientôt pubère , &
il
» tfous importe' &C à elle aufli , de mettre obftacle à
» toutes vues d’établiflement projeté.
L e m êm e dit dans fa lettre da 1 er Mars 1 7 8 3 ,
33 que dès qu’on fut informé à G rade par M . le Bailli
»5 de M ir a b e a u , alors à A ix , que le Parlement alloic
>3 donner les motifs de fon arrêt , il y eut plufieurs
» conciliabules de la cabale , tenus chez la dame de
» Lom bard , dont le fieur A lziary , fon P rocureur,
35 référoit les avis de difïérens membres de ces conci« liabulcs , entre lcfqucls il y avoit fciilion , & que ce
« Procureur agiiToit en conféquence fous' le nom de la
»» dame de Lombard
qui > comme vous fave\^ ajoute-
»3 t-il 3 ne fa it que figner.
*
O n mettoit alors en avant comme moyen de réuilîr
un projet de mariage de ma fille.
Je m ’interdis toute autre explication fur des chofes
qui intérefTent des noms refpe£bables & chers à la pro
vince , & des perfonnes dont les recherches dans une
occafion moins critique auroient été honorables pour n u
fille.
Le fieur Seytre m ’écrit le 2 3 Avril
1 7 8 3 , « il faut
w aller au cinq M a i , pour pouvoir craindre le mariage
” de madcmoifelle de Cabris ; on ne parle plus de fon,
» établi(J'ement prochain 3 o n .d it au contraire , que
« madcmoifelle de Cabrià-ne veut pas fe marier ; mais
33 de plus, je fais de bonne part que ceux qui avoient
�r t
5
5) des projets de mariage fur mademoifelle de Cabris ‘
»» manquent de ton à caufe des circonftances , ainiî
” ma crainte eft moindre de ce côté.
Le 3 o A vril il m ’écrit » quant à mademoifelle de Ca~
31 bris il ne s’agit plus maintenant de Ton établiffement; ce
3v qui occupoit iingulierement les efprits ; k préfent on
s> dit de toutes parts, il faut attendre Pévenement, Sc
>» il faut l’attendre avec d’autant plus de raifon que nous
« aurions befoin pour cela des parens, & dans les cir)) conftances , aucun ne voudroit fe montrer.
Il dit dans celle du i o M a i « qu’on ne parle pas plus
» de cet établiffementy que s’il n’en avoir jamais été quef3» tion , &
il ajoute , j’aime à me perfuader qu’il ne
y s’en agit plus abfolument avec qui que ce fo it.
Il répété encore dans fa lettre du i i du même m ois,
33 qu’il n’en eft plus queftion , & il ajoute , il doit être
33 toujours queftion pour vous, de la délivrer au plutôt de
» cet état de fervitude dans lequel on la fait vivre.
D ans celle du i 8 Juin , il m’écrit 33 on m’a dit aufli
l î que par fois on parloit de mariage à mademoifelle
3j de C a b r i s , que madame fa grand’merc lui difoit il
»3 elle vouloir fon couiin de Clapiers : elle répondit
» que non tout uniment : madame fa grand’mere lui
33 d i f o i t , que voulez-vous donc , M. de Lombard ? Elle
33 rép o n d it, il eft trop v i e u x ; M. de C . . . Il cft trop
»
g r a n d
& trop maigre:
M .
de G. M. de S. encore moins :
33 mais qui Vpulcz-vous donc ? Je fuis ma maîtrefle , lui
» dit-elle,
on ne peut pas commander mon g o iitp our
y> prendre un mari.
P ij
�n 6
(O n trouve ces noms dans l’avis de parcns cnfuitc de
l’interdi£tion de mon mari ).
A
d m i n i s t r a t i o n
d e s
b i e n s
.
L a da me de L o m b a r d s’eft fort étendue fur c c t o b j s t ,
je l’aurois réfutée en peu de mots , fi jo ne me fuffe cra
obl igée de joindre fur chaque fait la preuve des
fitions q u ’elle s’eft permifes.
f u ppo -
'
J’ai déjà dit de quelle maniéré l’inventaire a été f a i t ,
q u ’on n’y a compris que les meubles dédaignés par les
fous-ordres : pas un m ot d’ une bibliothèque de plus de
iiooo
liv.
que
mon
mari
avoit
raffemblée : pas un
fcul pa picr inventorié , les titres de l’a£tif , les archives
des terres , les titres de famille ramaifés
grand foin par mon beau-pere ,
&
&c confervés avec
devenu
la reflource
des différens membres de fa branche , lorfqu’ ils faifoient
des p r e u v e s , font livrés au premier oc cu pant : il ne refte
à mon
m a r i , ni à ma fille aucun titre pour répéter.
J ’attefte 6c j ’offre la preuve que j’ avois trouvé avapc
m o n départ pour A i x , dans le tems de l’intcrdittion ,
Z4.000 hv. de ferme des moulins à huile de C a b r i s ,
des ficurs R a n c , 6c du m ê m e
d a m e de L o m b a r d les a affermés
fieur Boni n , à qui
la
20000 hv. trois mois
après. Il eft de fait 6c j ’offre encore de prouver que l ors
qu'elle a
fai t ce bail , elle
a trouvé
de gens folvables
fort au-deflus du prix pour lequel elle l’a donné ,
n ’ y ,a pas deux moi s
depuis la caffatlon de T i n t e r -
di£tion , j ai reçu pour m o n mari des offres à
j ’ai deja
p r é c éd emme nt
8c il
z S 0 0 0 /.
dé vel oppé les motifs de ce
�117
au rabais , livré par les gens ¿ ’affaires auxquels la dame
de Lombard donnoit au même inftanc des mándemeos
particuliers fur le prix de ce bail, ôc moyennant un paie
ment anticipé dç, vingt-quatre mille livres , entre les mains
de la curatrice ; ces faits font prouvés par les réponfes
juridiques faites par les fermiers lors des lignifications à
ma requête , de l’arrêt du C o n fe il, annexées aux procèsverbaux faits à l’hôtel de M . le Lieutenant Civil.
Dans tous les autres baux , on a reçu de pareils paiemens ; ils font tous faits de gré à gré , ou plutôt fous la
c h e m i n é e , entre les-fermiers & les gens d’affaires; fans
affiches , fans publications, fans mandement de Juge , Ci
indifpenfable en pays de droit écrit pour les biens des
mineurs Sc des interdits; j’ai expoféci-devant que plufieurs
de ces moulins ont été conftruits à neuf par mon mari ,•
démolis dans Pinterdi&ion, reconftruits à grands frais fans
nécefiité prouvée, fans procès verbaux, fans mandement
de Juge.
J'ai déjà dit qu’un jardin de quinze arpens, conftruit
à grands frais, avoit été détruit; ce jardin avoit cinq
terraffes dans route fa largeur, chacune au moins de vingt
pieds de haut ; il étoit orné de réfervoirs en citernes, cëuverrs en voûté par le deffus , où l’eau étoit conduite des
parties extérieures par des tuyaux de plomb , avec des
ajuftages & des robinets en cuivre; ce jardin a été détruit
Sc réduit en champ ; un beau bouquet de futaie , orne
ment du château , a ete coupe au pied & vendu par la
curatrice, & les fouchcs détruites.
O n fe rappelle que j’ai ci-devant expofé que mon mari
avoit paffé avec la communauté de C a b r is , une tranfa&ion pour les eaux bourbeufes produites du marc des
�il 3
olives paflecs au moulin. Le fermier placé par la cura
trice contrevient à cet a£te &: fait un procès à la com
munauté pour ccs mêmes droits. Etoit-ce de fon chef
à ce fermier? O n fent combien il étoit peu fondé : avoiti l , comme cela eil probable , une indemnité de la cura
trice partie au procès comme appelée à la garantie du
fermier? Leurs conventions font demeurées fecrettes , èc
q ’ont pu venir à ma connoiffance ; je vois feulement
dans le bilan de ce fermier , depuis en fa illite , remis au
greffe de G rade en 1 7 8 3 , qu’il porte à la charge de
la dame de Lombard & à fon d é b it , tous les frais aux
quels il avoir été lui-même condamné pcrfonnellemcnt
en fuccombant contre la com m unauté; objet qui lui étoit
purement pcrfonncl , & dont il ne pouvoit avoir de ré
pétition contre la curatrice que par fuite d’un traité.
Il cil vrai que pas le crédit du même compte , il porte
le même objet au profit de la dame de Lombard & comme
dû par lui qui y étoit condamné ; mais un marchand ne
porte pas fes propres dettes à la charge d'un étranger,
pour en créditer cet étranger après.
Q ue pourroit-on conclure de cette fauiTe opération ,
dans
les livres
d’un marchand
pourfuivi au Parle
ment d’A ix en banqueroute frauduleafe , ' iinon que le
débit & lé Crédit de cet Article n’ont pas été faits en
même tems; le iïeur Seytre m ’écrit à ce fujetle 1 6 A vril
”
1 7 8 3 , on publie que vous ne parviendrez jamaiis
» à obtenu- ce que vous dem andez, & on a l’infolence
»> d’ajouter q U’à tout événem ent, madame la douairière.
» a encore n o o o liv. en un ca p ita l; qu’ un beau jour
>3
il paroîtra une quittance en faveur de ceux qui la fer-
» vent , &C la confeillent il bien ; jugez de là fi on. la
�r 19
** fert autrement que pour fon argent, &: £ avec de tels
» fcntimens ils ne font pas intéredes à entretenir M . de
« Cabris dans le trifle état oà on l ’ a réduit.
J’ai avancé qu’on avoic voulu rédimer ce ferm ier, des
dommages & intérêts auxquels il étoit condamné envers
Ja commnauté , aux dépens de la propriété de mon mari.
Le marc des olives , après qu’on en a extrait l'huile ,
connu fous le nom de grignons appartient au feigneur, qui
en tire encore une huile groffierc nommée rccence ; cet
objet à Cabris cil d’un revenu très-confidérable.
La communauté cil obligée de couper , exploiter &c
voiturer les bois fournis par le feigneur , pour le chauf
fage des chaudrons.
Les gens d’affaires de la curatrice imaginent de propofer une transaction, par laquelle la communauté en ré*duifant à 20 0 0 1, , les 2 o o o o 1. de dommages
intérêts
qui lui font adjugés par l’ârrêc contre le fermier, demeuroit
déchargée de l’exploitation & tranfport des bois néceiTaircs
au chauffage des chaudrons; de le feigneur de fa part
étoit tenu de les chauffer de ces mêmes grignons ; enforte
que le Seigneur perdoit par ce traité le produit de fes
grignons pour la confervation d’un bois dont il ne tire
rien , &. le fermier fe trouvoit rédimé par ce facrif ïc e , de dix-huit mille livres fur les 2 0 0 0 0 liv. de dom
mages & intérêts ; cet arrangement tient il fort a cœur
aux gens d’affaires, que depuis la iignification de l'arrêt
du C o n f e il, qui caffe la curatelle , depuis que la dame
de Lombard eft dans cette ville, fes confcils & fes fondés
de pouvoirs, font routes les tentatives imaginaires pour
terminer cette affaire ; le fieur Scytrc m ’écrit le 2 5 No-
�vcmbre dernier; » j’ai appris feulement depuis quelques
« jours, que madame la douairiere a laide en partant fa
« procuration à fon A v o c a t en cette ville, & qu’avec cette
» procuration & fous pretexte du tout en é t a t , par l’arrêt du
» C o n feil, on travaille à terminer une conteflation dont
55 l’objet porte eiTentiellcment fur les droits de M deCabris,
>5 que'Pon veut foumettre à faire brûler des grignons pour
>5 chauffer les chaudrons de fes moulins à huile, tandis que
» de tout tems on les a chauffés avec du bois; cette obli»5 gation exclufïve de brûler des grignons lui fera très-pré-
« judiciable dans un bail à ferme de fes moulins à huile
» parce que celui à recence ne peut produire à un fermier
>5 qu’autant qu’il a des grignons; vous ferez bien aife de
»s favoir que tandis que tout cc qui a été fait contre M . de
m C abris, a été anéanti, on cherche encore pourtant a nuire
» aux droits defaTerre ,en aggravant fes obligations envers
fes vaffaux ; cette innovation auroit déjà porté à effet, fi
>s la tranfa&ion à paffer n’avoit été liée avec d’autres objets
>5 qui regardent bien plus le ferm ier des moulins 3 que M . de
Cabris , & que l’on a eu en vue de réduire autant qu’il cil
a pofîible, en facrifiant les droits fonciers ; mais heureufe» ment le fécond conful a tenu ferme contre un parti qui
m s’étoit formé & que l’on avoit fait adopter par une délibé*
»> ration; s’il n’efl pas rompu, il eft renvoyé &C fubordonné
** à des vérifications dont le réfultat pourra bien aboutir à.
M la révocation de la délibération qui avoit été prife , mais
»s toujours vous voyez qu’il y a péril, ¡k. qu’ i l devient urgent
» de remettre toutes chofes dans leur ordre naturel, le plutôt
»» poffible.
^
e
Alexandre C o u r t , conful de la com m unauté, attefle
k
�•I I I
le 1 7 Février dernier « qu’ayant affilié aux deux confeils
53 des mois de Novembre &c Décem bre dernier , dans
« lefquels il fut queftion de finir avec le fermier des
moulins à huile , l'article des dommages 6c intérêts
j> auxquels il fe trouve condamné , & dé finir e« même
»j tems avec le feigneur de ce lieù , l’arci^le concernant
» le chauffage des chaudrons ;.l’i\tçeftan£ fut d’avis de ne
»s finir les conteftations que lorfqu’o n . 1q pourroit vala
is blement avec M . , le Marquis
où un adminiftrateur
« légitime., Sc q u e , parce qu’il fut de cet a v i s , les
» perfonnes qui agiiToicnt pour favorifer le fermier des
sj moulins , ôc les gens d’affaires de madame la mar»
quife douairière le menacerent de lui faire enlever par
» la voie du retrait fé o d a l, le bien qu’il avoit acheté
»>
»
»
n
du fieur ArdiflTon,
viron vingt - cinq
effectué , à ce qu’il
de la fignification
dans lequel il y a une récolte d’enmautes d ’olives , ce qu’on auroit
a appris enfuitc fans la circonftancc
faite à la communauté , de l’arrêt
» du Confeil , & de {’. ordonnance de' M . le Lieutenant
» C ivil , qui ôte l’adminiij:ration des revenus des biens
» de M. le Marquis , à la dame fa mere.
Pierre D aver , Auditeur des Comptes de la commu
nauté , attefte les mêmes, chofes par fa déclaration ,
donnée le même jour 1 7 Février dernier ( 1 ) il parle auifi.
de menaces qui lui furent fa ites par les perfonnes qui favorifoient les fermiers & les gens d'affaires de madame la
marquife douairière, de retrait féo d a l des biens qu’il avoit
a c q u i s ; menaces reftées fans effet par les mêmes m o tif s .
(1) Voyez picccs juftifiçativcs, N°- 15,
Q
t
�111
J’ai ci-devant expofé comment les gens d ’affaires fe
partageoient les dépouilles de mon mari ; on en a eu des
preuves dans la déclaration des fermiers à la lignifica
tion de l’arrêt du C o n f e i l , annexée aux procès-verbaux
faits en l’hôtel de M . le Lieutenant C i v i l , où ils énon
cent les mandemens donnés fur eux, & acceptés ; dans
le bilan du Heur Bonin , je trouve en débit a le ileur
A lzia ry ( Procureur de la dame de Lombard) pour une
fom m e de 6 p o 6 liv. i o fi. j d. pour raifon de plufieurs
mandats ou billets du ferm ier, à lui A lziary, acquittés ou
remis à différens termes depuis le mois d ’O & o b re 1 7 8 1 ,
derniere échéance du p r ix du bail^ jufqu’au 1 o M a i, épo
que de la faillite ; débit qui eft: balancé par un crédit des
mêmes fommes acquittées.
Je trouve dans ce même bilan un avoir du
Janvier
,payable par mon billet fin de Novembre prochain ,
de quatre mille huit cent livres au fieur G a y te , Avocat de
j 78 3
la dame de Lombard 3 & actuellement fon fondé de pou
voirs pour régir les biens de mon m a ri, même après que
les fo n d io n s de la curatrice ont ceffé.
Au-deffous de cet avoir eft mis en titre , cc
b ila n de
e x tr a it
Ronin j concernant madame de Cabris
»
du
3)
douairiere 3 & enfiuite a la ligne y
dam e de C a b r i
5
_,
33 d o u a i r i e r e , l a q u i t t a n c e d u 1 4 J a n v i e r
1783;
M pour autant que je lui ai payé par a n t i c i p a t i o n fur
33 la paye a échoir en Novembre prochain de la rente cou■55 riante des m o u l i n s a h u i i . e d e C a b r i s .
Il eft évident parcette balance que la dame de Lombard,
d o n n e une quittance au fermier des 4 8 0 0 liv. , & que
ce fermier donne à l’A vo ca t un billet du même mon-
�I z3
t â n t , payable au terme de l’échéance du prix de ferme.
L e fieur S e y t r e m ’écrit le 6 Juin 1 7 8 3 , « il en.
5î coûte
DEUX
CENS l o u i s
A v o tre
maifon ; l’adminif-
» tratrice donna à Bonin une quittance de cette fomme,
jj le 1 4 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des m ou lin s, à
33
écheoir en Novembre prochain , &C en échange , le
5î fieur Failli donna le même jour j fon obligation de
53
même iomme , payable au même terme ; Tes livres?
prouvent que d ’abord il l’avoit paiTée f u r i e compte
33
du Procureur , & puis
33
à caufc de la faillite , on a trouvé qu’il étoic plus
33
co n v en a b le
33
com m e
ils
p a rta g en t
de le pafler fur le compte de
, fie
l ’A v o c a t
33 qui figure dans le bilan ; on n’efl: plus étonné ici de
33 ce que , de brouillés qu’ils éto ie n t, ils fc font étroite33 ment lié s; on aioute que c’cft aux dépens de votre
33 maifon , & parce qu'on abufe de la c r o y a n c e e t d e
33 L A F O I B L E S S E D E C E L L E Q U I L ’ A D M I N I S T R E ; CH n ’ y
•33 met point de doute , en rapprochant la date de la
33 quittance.
Il cil de fait qu’à l’inftant de l’interdi&ion de mon
mari , il jouifToit de 5 0 0 0 0 liv. de rente. La dame de
Lom bard vient de me faire fignifier cxtrajudiciaircmcnt
un état de fes revenus qu’elle fait monter à 4.2.020 liv.
mais elle n’y porte qu’à 2 0 0 0 0 liv. la ferme des m ou
lins à l’h u ile, dont mon mari refufoit au monlent des
pourfuites de fon interdiction 24.00.0 liv. du fieur Bonin,
le même à qui la dame de Lombard 1 a louee 2 0 0 0 0 h v.
8c encore du fieur Rancé, autre négociant de G rade crèsfolvable ; elle omet dans cet état l’article des menus
fervices de z o o o liv. de revenus; elle ne parle pas du
Q îj
�- î ¿4
produit ' du jardin converti en champ ; de celui du bois
coupé âu pied auprès du château, qu’on peut louer plus
de i o o o 1.; de la vigne toujours réfervée par le feigneur ;
elle omet plulicurs autres objets qui feront relevés lorfqu’elle aura préfenté fon c o m p t e , ôc elle en emploie
beaucoup d’autres, non feulement au-deflous du prix qu’on
lui en avoit offert; mais au-delTous même de celui auquel
•elle a livré , à la preuve de quoi je me foumets ; elle a
fait difparoîtrc un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. que fa qualité
l'obligeoit d’employer utilement. Le prix des bois de futaie
que je crois prxfer bas de les mettre à 1 0 0 0 0 liv. ; elle
a touché par conféqueut pendant l’adminiftration plus de
. 5 0 0 ,0 0 0 livres.
Les charges confiiloient en 7 4 * 0 liv. de rentes, la iffées par mon beau-pere; favoir:
7 0 0 0 liv. en viager 3 pour les penfions de la dame de
Lombard , 8c de l’une de fes filles.
1 8 0 liv. de rentes par lui léguées à. l’hôpital de GraiTe.
Et Z40 liv. au principal de 8000 liv. dues à M . de
Tourettes.
Les charges foncières font de 1 0 0 0 liv. d ’impofitions
de la noblciTe.
Et ce feroit porter haut les réparations que de les m et
tre à 60 0 livres.
M o n mari enferme dans fon château n’a v o it , comme
j e l’ai déjà obfcrvé , qu’une
servan te
paysanne,
à
3 6 liv. de gages ; les deux payfans qui Pefcortoient ,
gagés dans le pays à 60 liv. , 011 n’achctoit pour ce mé
nage que îc pahi & la viande de boucherie ; le furplus ,
devoit fe prendre dans la Terre, où il y a un jardin pota
�I25
ger , baffe-cour, colombiers, chaÎTe &c pêche ; je crois
porter au plus haut taux les frais de ce ménagé en
les mettant à 1 2 0 0 liv. ; l’entretien a été nul , mon
mari n’a point eu d’h a b it , on lui a même pris ceux qu’il
a v o i t : je mets en fait , parce que j ’en ai la preuve en
main , que pendant les fept années, il n’y a pas eu pour
j o liv- de viiîte de médecin.
M a fille étoit au couvent à 200 liv. de penfion; ce
feroit forcer fon entretien 6c les frais de quelques mois
de fon maître d’écritures de les porter à pareille fomme.
Je n’ai reçu pendant les trois années que j ’ai été enfer
mée au couvent de Siitcron^ que 7 0 5 0 liv. 8c depuis
les trois ans que j’en fuis fortic, 1 0 0 0 0 liv. fuivant mes
quittances.
Toutes ces fommes accumulées montent dans les
fept années à 9 1 3 9 0 liv. quand on fuppoferoit exiilant
les 1 2 2 0 00 liv. d ’emprunts faits par mon mari , annon
cées par la dame de Lombard, fans le prouver à la page 2 9
du mémoire , & dont je fuis bien éloignée de convenir;
cesemprunts n’auroient pu produire, impofitions déduites,
que 5 4 1 8 liv. de revenus annuels, & dans les fept années
3 7 9 2 6 liv. , la dame de Lombard doit donc avoir entre
les mains plus de 3 6 0 ,0 0 0 livres.
J’ai déjà, annoncé le foin de l’avis de parens * du 2 4
Janvier 1 7 7 8 , enfuite de l’interdi£tion , pour procurer
au fieur Seytre, qui défendoit pour mon m a r i , à cette
interdiction , le paiement d’une créance que rien ne
juitifie.
Le règlement que prétendoit en avoir fait la dame
de Lombard ,
à 6 1 ,0 0 0 liv. Sc l’aifignation donnée
�I 26
enfuite à fa requête au créancier , en revifion du même
compte , demande reilée fur pourfuite , quand le ficur
Seytre s’étoit reconcilié avec Tes entours, au bruit de
quelques fuccès fur mes demandes ; je ne penfe pas que
Ja dame de Lombard perfifte à mettre cette créance dans
les charges ; j’en développerai dans un inilant l’origine
&C le progrès.
ans l’érac qu’elle vient de me faire iîgnifier, elle
emploie dans les charges de la maifon ,
2 9 0 0 liv. de
r e n t é , au principal de 5 8,000 liv. d’emprunts par elle
faits les 2 4 Décembre 1 7 7 9 , &
1 6 Ma i
1782,
de
M M . de Theas , frères , Saint Cefaire & Ricord , par
a£tes reçus par A d i f l o n , Notaire à Gratte.
Elle avoit reçu lors du bail des moulins à huile , du
30 M ai 1 7 7 8 , une fomme de 2.0000 liv. d’avance fur
cet objet : elle en avoit également touché de tous les
autres fermiers ; malgré c e l a , on voit toujours la gêne
dans Padminiilration ; toujours les fermiers font en
avance , je l’ai juilifié par leur déclaration , enfuite des
fignifications qui leur ont été faites de Parrêt du Confeil,
annexées aux procès-verbaux , devant M . le Lieutenant
C ivil ; il cil public que les mandats de la curatrice couroient fur la place de GraiTe , & qu’on ne pouvoit trou
ver à les placer; le bilan de Bonin, fermier dés m ou
lins , conftatc dans le compte particulier de la curatrice
qu’en 1 <7 8 2 , il étoit en avance particulière avec elle de
8 4 3 üv. , &
dans les mandats qu’il avoit
acceptés
pour les ficurs G ayte & A l z i a r y , A v o c a t & Procureur
de la dame de Lom bard, de 4 8 0 0 liv.; j’ai rapporté Sc
fait joindre aux procès-verbaux faits devant M . le Lieu-
�i z7
tenant C ivil ,
les quittances données par la dame de
Lom bard , en fa qualité de curatrice , dans le courant
de l’année i 7 8 3 , de la plus grande partie des revenus
jufqu’au terme de Pâques ou de Saint-Michel 1 7 8 5.
J’ai joint auili des quittances données depuis Ton
départ de G rade & depuis la cadation de fa curatelle ,
par les iieurs G ayte
&
d ’eux féparément chargé
A lzia ry ,
des
fe
difant
chacun
pouvoirs de la ci devant
curatricer, de ce qu’ils ont pu en recouvrer ; je viens
d ’en recevoir une autre du même Heur G a y t e , du 18
Décem bre dernier ,
donnée
au
fermier
du
Caftelet
( T e r r e de mon m ari) de 300 livres avec une remife
gratuite au fermier de
227
livres fur le prix de fa
ferme ^ échu en Septembre dernier ; depuis l’arrêt du
Confeil , qui cade la curatelle, la dame de Lombard
déclare qu’elle n’a pas d’argent pour payer les frais de
tranflation ordonnés par le R o i , de mon mari &c de ma
fille ; elle nous laide tous les trois fans alimens , fans
lin g e, fans h ab its, manquant du plus ftrid nécedairc ,
& elle touche fans qualité nos revenus ; elle les aban
donne au premier occupan t; la moindre attenancc avec
elle, devient un titre pour s’en emparer. T o u t le monde
retient 8c le propriétaire n’a de rcdourccs que dans fes
emprunts.
Je paÏÏe à la tranfa&ion avec les
beaux-freres de
mon mari ; je commence par obferver , que cet a& c
eft annullé par l’arrêt du Confeil des dépêches du 1 5
A o û t dernier , avec tous ceux de l’adminiftration de 1a
curatrice.
La dame de Lombard
en a fait trois pages de fa
&*L
�I28
défenfe dans le méa^pirc ; c’eft en effet l’a ile le plus meur
trier de Ton adminiftration , celui qui a concouru à tout
ce qui a été fait ; j’ai befoin pour l’expliquer de quelque
développement.
M o n beau - pere avoit réglé le fupplément de légitime
de fes filles à 8 o o o liv. Le fieur Seytre alors curateur de
mon mari , le mené à A ix au mois de Juin 1 7 7 5 , fous
prétexte de terminer l’affaire des affiches; il lui fait payer
fous fon autorifation 20,000 liv. de pur fuppl^gent de
légitime à chacun des beaux-freres , & on infere , diton , dans la quittance les réferves de la porter encore plus
loin.
Pour peu qu’on veuille rapprocher ici quelques circonftanccs , on trouvera aifément le fil de cette n égo
ciation. Le iîcur Seytre avoit été placé dans la maifon
par les beaux-frcrcs de mon m ari, qui enavoient éloigné
un homme en poffeffion de la confiance depuis trente
ans.
C ’étoient ces beaux-freres qui avoient engagé mon
mari dans la batiffe de la m aifon; c’étoit le fieur Seytre
qui l’avoit conduit dans l’affaire des affiches , qui procuroit &
faifoit les emprunts , qui étoit chargé des
dépenfes fecrettes. La lettre de M , le marquis de Vauvenargues , du 20 A o û t 1 7 7 4 , copiée ci d eva n t, page
2 4 , prouve qu’on rendoit fufpect à mon m a r i , tout ce
~
'
qui venoit de moi , & qu’il y avoit plus que des fousordres dans cette manœuvre dès que la f a m i lle s 'e n m êle 3
r e jle ^
en
repos. La
dame de Lombard convient elle-
m ê m e , ( page 1 0 , lig. i cre de fon m ém oire); que lo n g
te n u aya n t 1 7 7 7 > les p a ren s d e la f a m i l l e lu i p e ig n o iç n t
com m e
�il
9
comme inévitable la reffource de Vinterdiction de fo n fils .
Le ficur Garnier que la dame de Lombard appelle ,
page 26 dé Ton m ém o ire, un bourgeois honnête de la
ville d’ A ix , & qui foutira de mon mari en venant le
conduire h G r a d e , l’écrit du 6 Juillet 1 7 7 6 , copié à l«a
même page, eft le fecrécaire de M . de G r a s , l’un de ces
bcaux-frcrcs.
Le ficur Scyrre , curateur, Procureur fo n d é , défen
dant à l’interdi£tion comme Procureur ad lites , jufqu’au
moment qu’elle a été prononcée , cfl: Je premier dont les
intérêts font ménagés & la créancè aduréc par la déli
bération des parens , votant fur l’interdi&ion. C ’eft la
dame de Lombard contre
laquelle il venoit d’occuper
dans une affaire fam eu fe, qui
le
r e q u ie r t ;
ce font
les beaux-freres qui l’avoient mis dans'la maifon, qui
le
; ils autorifent la curatrice de leur choix , &C
d ’accord avec eux à emprunter à conftitution ou autre
m ent, à donner des mandemens furies fermiers fi la cura
v o t e n t
trice le juge à propos; pour l’acquit d’une dette dont il ne
paroît aucun titre, à un homme contre lequel ils dévoient
avoir au moins de l’aigreur , & que Padminidration univcifellc des affaires de la maifon depuis fix ans, devoit
faire réputer débiteur.
Cette créance fi foigneufement déléguée , eil acquit
tée pour 6 10 0 0 liv. en com p tant, ou en délégation ac~
ccptées des fermiers.
Dans le même requifitoire , la curatrice demande à
être autorifée a puffer des compromis, ù tranfiger fu r tou
tes les contefilations mues ô a mouvoir que peut avoir fon
R
�I}0
fils. Les mêmes parens le votent , 51 le juge l’ordonne.
Après que la dette du fieur Seytre eft parfaitement
aflfurée , « paroît la demande des b e a u x - freres, en fupm
plément
de
légitime ; auffi-tot
le compromis eft
« pafle.
Si les Satuts de Provence exigent cette forme de finir
les conteftations entre proches , les loix fupérieures à
ces ufages locaux , les interdifoient à la curatrice.
L e fieur Scytre va à A ix , inftruit les Arbitres , &C
leur porte les pieces. O n fait eftimer les terres de mon mari ;
les deux Expçrts f o n t , l'un le beau-frcrc de ce même
fieur Seytre; l’autre, le vaflal d’un des bcaux-freres.
L a fixation des droits , l’évaluation des fo n d s , tout
eft à volonté ; on ne daigne pas même diftraire les
fubftitutions ; e n fin , u n e t r a n f a & i o n aiTure 1 0 0 ,0 0 0 1.
aux beaux-freres , qui en avoient déjà reçu 60,000 liv.
& que le pjerecommun croyoit aiTez bien payés de z 40001.
C ’eft fous les yeux du fieur Seytre encore, que Pacte
eft rédigé.
Il ne faut pas je crois de longs commentaires pour
prouver de quel tems & avec q u i , tout avoit été mé
dité.
Q u ’on joigne à cela, l’écrit donné par mon mari le 6
Juillet 1 7 7 6 , au fecrétaire de fon beau-frere , Confeiller au Parlement. Celui que m ’avoit donné mon mari fur
l’autorifation de fon curateur , le 1 9 A vril 1 7 7 4 ,
pour obtenir un ordre du R o i qui l’exilât à Brie , dans
le tems que nous craignions les fuites de PaiFaire des
afficJaes (copié, page 1 6 du mémoire de nos A dveriaircs,}
�n 1
•
f qu’on fe rappelle l’ufâgc que j’avois fait de cet é c r i t , 8c
en quelles mains je l'avois dépofé , &C on verra com
ment l’exécution du projet a été am enée, on connoîtra
tous ceux qui ont concouru à nous détruire.
C ’effc du fieur Seytre lui - même , que je tiens le
témoignage que je vais invoquer; mes adverfaircs favent
s’il étoit inftruit de ce qui fe paflfoit dans l’intérieur de
leur délibération ; un écrit qu’il m ’a fait paiTer dans lû
moment, oit divifé d’avee eux , il fe voyoit pourfuivi
en recours de cette même créance dont les beaux-freres
lui avoient il généreufement aiTuré le paiement par leur
délibération , développe parfaitement toutes les marches
qu’ils ont tenues ( i ).
Quoique je faffe imprimer cet écrit en entier dans
les picces juftifîcatives , je crois devoir rapporter ici Ces
énonciations fur cette tranfa£bion ; « on dit que M . le
»» M a ig re , ( M. de Gras , beau-frere, ) frappé de ce qu’il
» a trouvé dans le mémoire concernant le fupplément
» de légitime qu’on s’eit fait adjuger , a fait un mémoire
» ou lettre juftificative de ce qui a été faità M. le Garde
î) des Sceaux , Sc lui demande juftice fur l’imputation
»> calomnieufe qu’il renferme contre les légitimâmes ;
»> puifqu’il fe plaine , il femble que madame de C a b r is ’
« doit ajouter par réflexion à fon mémoire, qu’un Con^
»3 fciller au Parlement devoit favoir qu’ils font très» mal d’attendre ou de faifir un tems d ’interdi&ion
«
pour fe faire adjuger un prétendu droit contfe l'interdit.,
( i ) V o y e z pieces juftificatiycs, N ° . 14.
Rij
�•
i 3î
53 qu’on â fi fort abufé de la foiblcjje de la. curatrîte qu’ on
» avoit créée, 8c de ce que l’interdit ne pouvoit parler;
» que non-feulement on s’eft: fait adjuger un droit qu’on
>• n’avoic ofé réclamer en juiKce contre M . de C abris,
» tandis que les biens de la fuccefîion , fur lcfqucls on
3* l’a p ris,
n’ont été cftimés qu’au taux de trois pour
» c e n t , comme domaines nobles
on s’effc fait adjuja ger , 6c on a établi dans la rranfa&ion , le taux de
53 l’intérêt du paiement à cinq pour cent ; qu’on juge de
>3 l’accciToire , fi madame de Cabris a tort de c r ie r , 6c
53 de fe plaindre.
A cç premier témoignage fe joint celui d’un homme
de qualité de la P ro v in c e , dont la religion avoit été
furprife.
M . le comte de Grafie du Bar m ’écrit le i z A vril
1783 :
53 Je n’ai point entendu , madame la m arquife, don53 ncr lieu à des ordres fevères de Sa M ajcflé , contre
>3 vous , lorlquc je fignai après trente de vos plus pro33 ches pauens de Provence , enfuite des lettres de m a 55 dame votre belle-mcrc , 8c de M.. le bailli de M ira>3 beau , un mémoire allez vague qui me fut préfenté à
'53 A ix. Je iuis charmé que ces ordres foient révoqués ,
33 mais juftifiée auprès de Sa M ajcfté, la vengeance n’cil”
elle pas au-deflous d’une ame comme la vôtre.
33 M adam e votre belle-mcre m ’a fait l’honneur do
35 m’écrirê- au iiijct de votre demande au Confeil des
» dépêches ; je lui ai témoigné mes regrets de voir
33 perpétuer les differens dans fa famille ; je lui ai offert
�i 33
» mes fervices dans ce pays-ci , mais feulement pour
3î tout ce qui auroit trait à une conciliation , &: ca
» r e n v o y a n t à M M . fes gendres tout ce qui auroit l’ap>3 pprcncc de procès.
J’ajouterai ici une dernière réflexion fur les manœu
vres de la cabale.
C e font les beaux-frères qui ont médité & fait pro
noncer l’interdiction de mon mari , Si cc font eux qui
ont nommé la dame de Lom bard curatrice; c’eft la
dame de Lom bard qui leur livre par tranfaction une
partie des biens de l’interdit. Leurs titres refpectifs font
leur ouvrage réciproque ; ils fé font donné les uns aux
autres les moyens de nous dépouiller , de nous enlever
notre exiilence , de s’emparer de notre fortune : nous
fommes depuis fix mois fans ali mens , fans linges, fans
habits , fins rcflourcc tout eft pris ou engagé .d'avance ,
tout eft faiiî- La dame de Lombard a reçu nos revenus
jufqu’cn 1 7 8 5 , les beaux-freres ont
saisi
les échéances
futures , & leurs titres refpectifs anéantis par l’arrêt du
Confeil , font mis aujourd’ hui à une exécution rigoureufe;
la violence fuccedc aux artifices employées originairement
pour nous perdre.
V oilà les perfonnes qui fe font crues obligées de venir
au fccours d ’un membre de leur famille , pour mettre a
couvert fa perfonne & fe s biens ; qui ont fa it, tout ce qui
¿toit compatible avec l'honneur pour le conferver a la de moif i l l e de Cabris avec fon pere & fon patrimoine , & voila
{comme) les mains de fa mere cherchent a lui ravir tous fes
*biens.
�1 3 4
D e toutes ces perfonnes, aucune ne vient lui donner
des alimens ; toutes abandonnent les perfonnes pour fe
faiiir du refte des biens.
L a dame de Lombard implore continuellement le
témoignage du public , les dépofitions de la Province ,
des perfonnes qui ont été témoins de fon adminiftration
je ’ lui oppofe des faits , j’offre d’y joindre le cri p u b lic ,
foulcvé contre elle, l’indignation contre les excès de la
cabale.
Quand j’articulai par ma requête du 6 Mars 1 7 7 9 ,
devant l e ‘Juge de Graflfe, l’abandon où é toit mon m ari,
les mauvais traitemens auxquels il étoit expofé , quand
je demandai à en faire preuve par témoins , que répondit
la dame Lombard ? C e qu’elle dit à la page 4 1 du mé
moire.
Elle déclara qu’il étoit inutile d’entamer fur cet objet
une longue procédure d’enquête ; elle m ’y foutint nonrecevablc Sc la fit prononcer par un Juge prévenu; à cette
preuve teilimoniale que je demandois , elle fubftitua la
defeente de ce même Juge au château de C a b ris, pour y
voir le fils 8c la mere bien préparés , &. dînant cnfcmblc;
les certificats de Ces gagiftes , ou de fes parafites , les
mêmes quelle ofe faite imprimer aujourd’hui.
Je vais prouver l’inutilité de ces démarches pour s’en
procurer d’autres; je lui oppoferai les déclarations de ceux
que ces agens ont voulu féduire ; je développerai la diffé
rence des moyens que j’employe pour faire connoître la
v é rité , Sc de ceux quelle met en ufage pour l’étoufFer.
�J31
Je donnerai des preuves du cri public , auquel je join
drai bientôt des informations juridiques.
D ans l’inftânt que je follicitois mon affaire au C o n fe il,
j ’appris que la cabale vouloic extorquer des certificats
¡contre moi.
Le i 6 A vril je fis fommer la communauté de Cabris
de s’aflembler 6c de déclarer s’il n’étoit pas vrai que
mon mari étoit maltraité ; s’il n’éroit pas vrai qu’on
avoit préfenté à la communauté des certificats touC
dreifés contre moi , qu’on l’avoit follicitée de figner.
Le i l ,
la communauté s’aifemble; elle répond que
mon mari n’eft pas Îoigné; qu’il n’efl: pas fervi; qu’il cil
abandonné ; que fa mere ne le voie pas ; qu’elle paifc la
plus grande partie de l’année à Graife & loin de lui.
Pour les certificats, la communauté répond que le fieur
A lzia ry, l’homme de confiance de la dame de Lom bard,
a propofé aux Habitans de figner des certificats tout dreffés, qu’ils l’ont refufé; que fes certificats leur ont été
repréfentés fous d’autres formes, & qu’ils l’ont encore
refufé. •
L e fieur Seytre m 'écrit, le 9 A vril 1 7 8 3 , « le certi» ficat contre vous, qui a été préfenté tout dreifé, a été
» figné par les Prêtres d e l à Paroiife, ôc par quelques
jj autres qu’on n’a pas pu me nommer, mais avec des
« explications Sc reftri£üons qui font préfumer qu’on ne
« les produira point ».
A peine ma fommation avoit-elle été connue des Agens
de la dame de Lom bard, qu’ils firent tous leurs efforts
pour empêcher l ’aifemblée de la communauté.' Le fieur
�13^
Scycrc m’écric le i G A vril 1 7 8 3 : « o n fait à Cabris
» toutes chofcs au monde pour que le Confcil n ait pas
» lieu, tk. je crains que malgré le Confcil deá Confuís
» & les Confuís eux-mêmes „ on n’y parvienne. Le pre» micr Confuí me répond que non,
que vous aurez
« une preuve de la bonne volonté de vos Habirans à faire
» quelque chofe qui put concourir à manifefler le defîr
« qu’ ils ont de voir rétablir leur feigneur & vous dans
» l’état ou vous devez être ».
N e pouvant pas empêcher l’afïemblée, les A gcns de la
dame de Lombard voulurent, au m oins, atténuer les faits,
que devoit attcfler la communauté. Le même fieurScytre
m ’écrit le 2. 3 Avril : t< A lziary ( le Procureur ) parut à.
« Cabris l ’avant-vcillc du C o n fc il, pour faire le thème
»> au C o n fu í, ôc malheureufcmcnt, il ne l’a que trop bien
»5 étudié » ................... O n voit, en comparant l’cxploic,
à la délibération, que l’on a cédé aux follicitations; que la
crainte a préiidé dans ce qui a été dir. « T o u t ce qui cil
m gens du peuple éto it, dit-on, furieux au Confcil. Ils
» crioient, dites que nous voulons M adam e la jeune, 8c
» qu’il n’y a que trop long-tems que nous fommes com »
mandés p¿r des domeitiques. Mais tout ce que ccs gens-
» là. difent, on ne l’écrit pas. Le thème étant fa it, on ne
» s’en eil pas écarté «.
Le Heur Alexandre C o u r t, Coniul de la même année,
atteile le 1 7 Février 1 7 8 4 : « q u ’après le Confcil de la
» communauté tenu la dcuxicme fête de la Pentecôte,
» le S r A l z i a r y , homme d ’affaires de madame la douairière,
» lui préfenta un certificat tout drefle fur papier tim bré,
>3 contenant
�ï.3 7
*» contenant nombre de faits; que ledit fieur A lzia ry le
»> follicita d’areiter, p ortan t, entr’autres, que M . Ic
>» Marquis écoit fuivi journellement par un chirurgien;
w qu’un médecin de Graile venoit le .vifiter fréquem>» m ent; qu’il mangeoic à la table de la dame fa merc
» Iorfqu’ellc venoit à Cabris; que le fieur A lziary ne le
*j quittoit ja m a is, &. autres faits relatifs au traitement
m
de M. le Marquis de Cabris. Après avoir lu ce certifi-
» car, ayant trouvé que les faits y énoncés n’étoient pas
» véritables, il refufa de le figner malgré toutes les infm
tances & les menaces dudit fieur A lziary »».
L e fieur Seytre m ’écrit le premier Mars 1 7 8 3 : « il
»» n’y a plus qu’un cri contre toutes les manœuvres de la
» dame de Lombard &C vous ne devez plus craindre de
>• le dire ».
D ans celle du 1 o M ai fuivant, il me d it: « M . le Bailli
»> de Mirabeau mande que vous ne réuflîrez pas; le public
u defirc fi fort que juftice vous foit rendue, qu’il n’en
« croit rien; il eft même très-impatient fur l’événem ent,
» Sc défire avec le plus v if cmprciTement d’apprendre que
» vous avez eu le fuccès le plus favorable; vos habirans
» de C abris, entr’autres ceux qui font de bonne fo i,
»> difent qu’il y a trop long-tem s qu’ils font gouvernés
i} par des mercenaires; ils efperent bien que D ieu leur
»
r e n d r a l eur m a î t r e » .
Il me dit dans celle du 1 6 Mai : « ce fera le plus grand
w a£tc de juftice qu’on pourra faire de tout anéantir d’un
»
feul coup................ Le public defirc avec le plus g r a n d
v» em prcifcm ent le dénoûment de cette affaire, qui ocS
�13^
» ' cup'e tous les gens de bien qui y prennent le pîus viF
» intérêt pour vous., 8c pour le bien-être de M . 8c de
» mademoifelle de Cabris >3. Et dans celle du 2 4 du même
mois : ci il eft tems que tant de maux foient réparés, 8c
» q a’ une fituation véritablement à plaindre, trouve enfin
» un terme.......................... Je ne fuis pas fâché d’être
» brouillé avec quelqu’ un qui ne refpc&e rien, qui no
» veut voir que fon in té rê t, 8c qui trouve mal tout ce
» qui eft: jufte. M a rupture lui fait peu d ’honneur............
« A v e c deux feules paroles, je donnai la goutte à mon
» financier.pour trois femaines».
U n homme de la premicrc qualité de la province
auquel mon mari a l’honneur d’appartenir, m’écrivit le 2 7
A o û t 1 7 8 3 , pour me féliciter fur le fuccès que je venois
d ’obtenir. « Lorfque j’ai fait l’ouverture de vôtre lettre,
» toutes les perfonnes qui étoient aiTemblécs chez m o i>
»5 ont paru partager mes fentîmens, & applaudir à un
» jugement qui h’a été que trop long-tcms attendu ».
Les iieurs Bonitt 8c Bauge, tous deux bourgeois de
C a b ris , m ’écrivent dans le mois d’A o û t 1 7 8 3 , « que la
» nouvelle du gain de mon affaire a caufé une joie géné» raie, non-feulement parmi les vaflaux de C abris, mais
» dans tous les environs; les nouvelles du 1 y , ajoutent» i l s , apportoient la palme aux deftructeurs de votre'
» mari, de votre fam ille, de vos réputations 8c de vos
”
biens. Celui du 2 3 apporte votre juftification 8c rend’
« vos adverfaires honteux........................ V en ez recevoir
w les hommages de vos vaffaux dont "vous êtes la mère
«
ôC la bienfaitrice, 8c qui par un attachement partica-
�*39
lier, n’ont jamais tant rien defiré que de voir la main
de Dieu s’appefantir fur les opprçffeurs de la maifon
»
» de Cabris................ . Nous touchons au moment de
»> voir notre mere &c. libératrice tendre une main fccou>j rableà un époux malheureux, infortuné, recevoir ^ avec
« des larmes de joie, fa tendre 6c çhere fille depuis long» tems vi&im e de l’implacable avarice » .............
Q u ’on daigne comparer ces témoignages de la yérité
avec les atteftations que produit la dame de.Lom bard,
D ’ un côré ce font des certificats donnés en 1 7 7 9 , dans
le tems même qu’elle, fe refuioit & faifoit rejeter par les
Juges les enquêtes que je demandois; ces certificats font
le fruit de la fugeftion, ou de la complaifance.
C e n’eft qu’avcc des menaces ¡k. par des voies obliques,
que
fes . A g e n s tentent d’extorquer des atteftations des
malheureux que la dame de Lombard foumet à leur def»
potifrne. Elle rient d’une main la verge de fer le v é e , &C
de l’autre le certificat qu’elle v e u t qu’on foufenvê.
J e f ui s a b f e n t e d u p a y s
M e s m a l h e u r s m ’e n o n t i n t e r -
ccDté
o u i fo l é les r e la ti on s . Je r é c l a m e c o n t r e de s O
gens
à
qui y ont des attenances, q»ji l’habitent, qui y ont le pou
voir en main. M rs perquifitions font publiques, mes de
mandes exemptes .de toutes captations; je fais fommer
juridiquement les communautés de s’aflembler, les parti-'
culicrs de déclarer la vérité. Je ne demande à tous que ce
qu’ils fi vent, que ce qu’ils ont vu; je ne les intimide point
pour empêcher qu’ils ne rendent a mcsr;AHvériaires toute;
la juftice qu'ils.en peuvent attendre; & voilà le jugement
du public entre la dame de Lom bard ô£ moi.
S ij
�14 0
Je crois avoir développé l’origine des cabales qui nous
pourfuivent; leur form ation, leur réunion, leur progrès,
&. l’exécution de leurs projets.
C ette attention à m ’éloigner de la confiance de mon
m ari, à le livrer à des mains perfides & Subordonnées, a
eu tout l’efFet qu’on pouvoit attendre des circonftanccs
malheureufes qui avoient réuni de plus grandes forces, à
celles des ennemis domeftiques acharnés depuis long-tcms
à fa perte.
C ’eft dans nos propres famille?, c’eft dans nos proches
que nous avons trouvé les deftru&eurs de nos perfonnes
de nos biens.
Les uns, avides de nos dépouilles, ont ofé attenter à
notre cxiftencc avec les armes meurtrieres, des autres
égarés par l’emportement ôc par la fo if de vengeances par
ticulières.
Com binés dans remploi des moyens & réunis dans
l’exécution, ils ne peuvent être divifés que fur la difpoiition d’un enfant échappé au nauffrage dans lequel ils ont
fait périr fes parens. Heureufe défunion ! qui nous a fauyé
le dernier opprobre réfervé à terminer nos malheurs.
Les coups fous lefquels on nous a fait fu cco m b cr,
étoient d’autant plus redoutables, que ceux qui nous les
portoient s’étoient ailurés de l’impunité en gardant l’ap
parence du voile. Les feuls qui fe m ontrent, font d’un
cô té , M . le Bailli de M irabeau, Religieux profès, m ort
civilement; de l’autre, une femme fans fortune que fon
incapacité même avoit fait appeler à la curatelle.
C ’eil fous le nom de cette m ere, de cette curatrice,
�I4 I
tout à la fois infolvable & hors d’état de ientir l’aviliffement du rôle qu’on lui faic jouer, qu’on nous pourfuic
encore ici.
C ’efl: par elle qu’on a fait dévafter nos m aifons; c’cft
par clic qu’on a faic recevoir & déléguer nos revenus
d ’avance; c’efl: par elle qü’on a rempli les mains de nos
ennemis de titres q u i, quoique anéantis par l’A rrêt du
C o n fe il, fervent encore de prétexte à des faiiies mifes en
ufage pour reculer notre jouiiTance & nous priver d’alimens. C ’efl: elle qui , pour venir nous pourfuivre, a mis en
gage notre vaijjelle d*argent s & vendu ju fq u ’ aux boucles
d ’ or de fon fils.
C ’efl: fous ion n o m , enfin, qu’on vient de publier un
libelle, ouvrage de tous les membres de la cabale : où la
calom nie, la faufleté 8c la malignité ont diftilé leur venin,
à l ’appui de pieces fal/ifiées, créées $c fuppofées par Ces
auteurs.
D es premiers attentats en néccflïrcnt toujours d’autres.
•Si nos perfécuteurs n’euflent voulu qu’arrêter les diiîipations qu’ils me fuppofent des biens de mon m ari, leur
pourfuitc devoit cefler dès que je fus enfermée; l’interdi&ion devenue inutile n’étoit donc plus qu’une flécriflure
gratuite, qu’un moyen de s’emparer des biens 8c de la
perfonne, pour s’aflurer le parcage des uns, 8c Ce prémunir
contre le retour de l’autre.
L a cabale demande encore aujourd’hui que mon mari
foit déclaré fou , parce qu’elle l’a fait juger t e l; parce
qu’elle a employé les derniers moyens pour le rendre rcî '■
>
actuellement même fa rnere ne le voit que pour l’effrayer 3
dans l’efpérance de le rendre tel.
�v
14*
C ’eft à n o s J u g e s , c ’e f t a u p u b l i c h d é c i d e r
encre
m a d a m e d e L o m b a r d 8c m o i .
E l l e a d é t r u i t l ’ h o n n e u r , l ’e x i f t e n c e & l a f o r t u n e d e f o n
fils.
;
Je n’ai jamais fait faire un fcul emprunt
je l’ai reiïufciré, je le défends.
k mon
Signé M i r a b e a u ,
mari;
M ar qui fc
de C a b r is .
M e D E B E A U S E J O U R , A vocat.
�C
L E
O
N
S
U
L
T
A
T
I
O
N
.
C O N S E I L foufîîgné fur la réponfc de madame la
Marquifc de C a b r is , b e lle -fille , au mémoire répandu
contr’elle fous le nom de la dame de Lombard de SaintBenoîc, Marquife douairière de Cabris :
E s t i m e ,
que cette réponfe 8c les pieccs authentiques
qui y font jointes, détruifent fuffifamment les calomnies
par lefquellcs on a tenté de noircir madame la mar
quifc de Cabris belle-fille, dans ce mémoire; il n’étoit
gueres poilible de prendre le change fur le- but que
fe propofoient les auteurs ; un pareil ouvrage ne doic
avoir pour objet que l’ctabliiTemcnt des droits de celui
pour lequel il eft fait, ou fa défenfe contte ceux qui
attaquent ces droits. La dame de Lombard ôc la M a r
quifc de Cabris ne plaident depuis fept ans que fur un
feul point; fur la feule queftion de favoir fi le Marquis
de Cabris eft, ou n’eft pas, dans le cas d’être interdit
pour démence. La dame de Lombard paroît ne réclamer
fon titre de mère, que pour faire déclarer fon fils fou :
la Marquifc de Cabris foutient qu’il ne l ’a jamais été 6c
qu’il ne l’eft pas. L ’une s’oubliant elle-m êm e, pourfuit, au
mépris de la nature Si du fang, la flétriiTurc de ia race
entiero Sc de fa propre poftériré; l’autre, épou'fe attachée
Sc fenfible, mere tendre, veut détourner de deiTus la tête
de fon mari ôc de leur fille unique, cette tache qu’on
�*44
t e n t e d e l e u r i m p r i m e r . U n e p ar e i l l e c o n t e f t a t i o n n e c o n f ifte q u ’e n f a i t s ; c ’eft l ' é t a t d u M a r q u i s d e C a b r i s q u ’il
s ’a g i t d e j u g e r : t o u t c e q u i n ’ef t pas r e l a t i f à c e t
état
a & u e l , eft a b f o l u m e n t étra ng er à la q u eftio n fo u m ife aux
Tribunaux.
C e t t e q u e f t i o n u n i q u e d a n s la c o n t e f t a t i o n , l ’é t a t d u
M arquis
de
C a b r i s , la d a m e de L o m b a r d la
fuppofe
é c l a i r c i e , c l i c l a m e t en f a i t r e c o n n u ôc d é m o n t r é ; e ll e
f u p p o f e i o n fils r e c o n n u
e n d é m e n c e p a r l a f a m i l l e ôC
p a r les J u g e s , & q u ’ il n ’ef t plus q u e f t i o n q u e d e lui n o m
mer
u n c u r a t e u r ; e ll e f u p p o f e
une concu rrence
ôc
uri
c o m b a t , d a n s le T r i b u n a l p r ê t à p r o n o n c e r l’ i n t e r d i c t i o n ,
e n t r e la M a r q u i f e d e C a b r i s ôc e ll e p o u r c e t t e c u r a t e l l e ;
ôc p o u r e n écar.tei l’a d v e r f a i r e q u e la d a m e d e L o m b a r d
s ’ y d o n n e f a n s q u ’ il e n a i t j a m a i s é t é q u e f t i o n d a n s les
T r i b u n a u x , e l l e a t t a q u e d e l a m a n i è r e la plus a f f r e u f e l es
m œ u r s ôc la c o n d u i t e d e l a M a r q u i f e d e C a b r i s f a b r u ; e ll e
l ’a p r é f e n t e c o m m e u n e f e m m e
coupable &
convaincue
d e s plus g r a n d s c r i m e s , f l ét ri e p a r de s j u g e m e n s h u m i l i a n s ;
c o m m e u n e f e m m e d o n t l a c o n d u i t e a a t t i r é les p e r q u i f i ï i o n s ôc les r a p p o r t s d e la P o l i c e ; u n e f e m m e q u i n ’a p u
fe
c o n t e n i r d a n s le C o u v e n t
o ù f a f a m i l l e l ’a v o i t f a i t
e n f e r m e r , p o u r p u n i r fes d é r é g l c m e n s .
Il
cft é v id e n t qu e ce
m é m o i r e fans o b j e t ,
puifque
les c o n t e f t a t i o n s q u i lui f e r v e n t d e b a f c , n ’e x i f t c n t p a s , n ’a
eu pour m o t i f qu e la d iffa m a t io n d o n t nous avons d éjà
çonfeillé
à m a d a m e la
M arquife
de
C a b r i s de rendre
plain te.
O n n e p e u t v o i r , f a ns é t o n n e m e n t , q u e l a d a m e d e
J - o m b a r d } p o u r f e r v i r des v e n g e a n c e s p a r t i c u l i è r e s , n ’ aie
pas
�M-J
pas craint de flétrir l'honneur de Ton m ari, d ’une de fes
filles, Sc qu’elle cherche encore à imprimer une tache fur
fa propre poftérité. Q ue pour décrier celle qu’elle fuppofe
fa concurrente dans la curatelle de fon fils, & qui n’eft
véritablement fon adverfaire que pour détourner la flétriflure qu’elle vçut imprimer fur fa famille ; qu’une
femme de qualité, âgée de foixante-dix ans, qui exige
les égards dûs à fon fexe,*à fon âge & à fa dignité, fc
permette d’expofer contre une femme de qualité, fa bru,
des faits qui, quand on pourroit les fuppofer véritables,
devoient allarmcr la pudeur de celle qui en faifoit le
tableau.
M adam e la
Marquife de Cabris démontre de la
manière la plus convaincante la calomnie acharnée à la
pourfuivre; elle prouve les falfifications & les altérations
qu’on s’eftpermifes dans la copie tranferitedans le mémoire
de la Sentence rendue dans l'affaire de M . de Villeneuve;
elle a démontré la faufleté du prétendu procès-verbal de
POificier de P o lic e , fuppofé attaché à fes pas. Nous ajou
terons à fes preuves, une feule réflexion fur ce fait. Si la
Police eût détaché quelqu’un pour éclairer la conduite de
madame la Marquife de C a b r is , les rapports qui en
auroient été fa its, pieccs fccrettcs du Gouvernement,
n’auroient pu iortir de fes dépôts. Quand on pourroit
fuppofer l’exiilence de ces procès - verbaux ; quand ils
pourroient être venus entre les mains de particuliers,
jamais de pareilles pieces ne peuvent être employées en
juftice, 8c il cft bien étonnant qu’on fe foie permis de
les tranferire avec des guillemets, dans un ouvrage que
l’on prétend defliné à une défenfe judiciaire.
T
�146
S’il pouvoic être queftion de la curatelle du Marquis
de Cabris, de la préférence entre la merc de l’interdit &C
fa fem m e, la M arquiic de Cabris démontreroit par le
texre même des loix romaines, qu’on lui oppofe, qu’elles
ne prononcent pas en ce cas l’cxclufion de la fem me;
qu’elles l’appellent au contraire de préférence à tout autre,
elle invoqueroit l’ufage du Parlement de Provence, où les
femmes font nommées curatrices du mari interdir, à l’c »
clufion de tous les parens; elle écartcroit d’un feul mot la
prétention de la dame de L om bard , que les mauvais traitemens exercés fur fon fils pefidant l’ufurpation d’une
curatelle anéantie, & les abus dans Padminiftration des
biens en rendent indigne. M ais cette queftion fur laquelle
la Marquife de Cabris réunit le vœu des Juriiconfultes,
cft abfolument fuperflue ici; elle foutient que le Marquis
de Cabris, fon m ari, n’eft pas dans le cas d’interdiclioa
pour démence; elle a , en fa faveur, le vœu d’une famille
refpe&able, compofée de ce qu’il y a de plus diftingué par
la naiffanee àc par les emplois. L ’avis des médecins & des
gens de l’art fait pour fixer l’opinion des Juges, & aux
quels on n’oppofe rien de contraire de la part de la dame
de Lombard.
Délibéré a Paris le dix neuf Mars mil fept cent quatrevingt-quatre. Signé d e B e a u s e j o u r .
�PIECES JUSTICATirES.
N". I.
ous G
reffier
en ch ef de la Sénéchauiiée de G ratte, certifions
que la fentence rendue par M e R e v e l, Juge commis par la Cour le
deuxième jour d’Odtobre 1 7 7 6 , en faveur de Meflire Louis de V ille
neuve , Seigneur de Mouans 8c de Sartous, contre les fieurs de R iqu eti,
comte de Mirabeau , de Briançon , & les dames marquifes de Cabris
& de la T o u r, n’a jamais cté levée au G reffe, les droits royaux n’ayant
jamais été payés, ayant néanmoins joint un extrait de ladite fentence
à la groiTe de la procédure par noüs remife rieres le greffe criminel
de la Cour du Parlem ent, enfuite de l'injon&ion qui nous en avoit
été fa ite , enfuite de l’appel de la même fentence", en foi de quoi ,
nous avons délivré le préfent pour fervir & valoir ce que de raifon. A
GiaiTe le 14 Février 17 8 4 ,fig n é A
ubin.
N°. II.
Copie des Interrogats, & Réponfes du fîeur Marquis de
Cabris des 10 2c z i N ovem bre 1777.
D u 10 Novembre 1777 , dans le château ftigneurial de Cabris, &c.
nous nous ferions prèfentés à la dame mafquife de Cabris , belle-fille ^
que nous aurions trouvée au - devant du château , laquelle nous auroit
introduit dans une chambre au fécond étage , dont les fenêtres vifent au
nord, & lui ayant fait Javoir le fujet de notre commiffion, elle nous auroit ■
dit que le jieur marquis de Cabris , fon mari, étoit parti ce jourd'huigrand
matin pour la campagne , pour y paffer la journée , & d ou il ne reviens
droit que ce fo ir , étant fdchee que ledit fieur de Clapiers fon mari, ne fe
fo it pas trouvé dans fon château ; quelle efl perfuadée que s ’il favoit
qu’on venait dans la vue de l’ interroger, il ne fe feroit pas abfenté,
T ij
�troyant que notre accedit navoit pour objet que l*audition %es témoins
par lui requife par fon comparant du jour d’ hier ; & ayant interpellé la
dite dame de Cabris, belle-fille, de figner, elle nous auroit répondu quelle
croyait que fa fignature etoit inutile, & n’ a voulu figner > de ce requife.
Me Al^iary, intervenant, Sec. a dit que le fieur marquis de Çabris de-
*
vant fe trouver dans ce moment à la campagne, ainjî que la dame matquife de Cabris ,fo n époufe, vient de le déclarer, ledit Me Al^iari audit
■
nom requiert être ordonné que ladite dame de Cabris , belle - fille , fera
tenue de nous déclarer
m oyennant serm ent,
ou
le
sieur
de C a
b r i s , SON M A R I , A ÉTÉ CE M A T I N , & LE N O M DE LA C A M P A G N E OU
I L L E P R E T E N D Q u ’lL A É t É , &
FA UT E P A R L A D I T E D A M E DE C a -
BR1S , BELLE- FI LLE , DE F A I R E T O U T P R É S E N T E M E N T L ADI TE D E C L A
RATION j
ledit Me Al^iary fe réferve de requérir ce qu’ il avifera ,, & a
fig né'
V u la réquifition ci-deiTus faite par ledit M e Alziary , ouï le Procu
reur du Roi n’empcçhant, avons ordonné que ladite dame de C ab ris,
belle-fille , déclarera tout préfentem ent, moyennant ferm ent, où le
dit fieur de Cabris , fon m ari, a été ce m a t i n & le nom de la cam
pagne où il a c t é , & ordonné que la préfente ordonnance fera-tout
préfentement lue à ladite dame pac notre Greffier. A Cabris lefdit»
jour & an que deiTus >figné F l o r i s .
Laquelle ordonnance ayant été publiée par notre Greffier à ladite dame
de Cabris, belle-fille , elle nous auroit répondu, moyennant le ferment
qu elle a tout préfentement prêté, que le fieur de Clapiers , fon mari >
étoit parti ce matin avec un domeflique de confiance, & quelle ne fa it
pas abjclument ou il a été , ignorant s’ il a été à la ckaffe, à la cam
pagne , ou partout ailleurs , où fe s affaires ou fon plaifir auront pu l’ ap
peler, &
l’a y a n t
interpellée
de figner, elle nous auroit répondu ,
qu’elle croyoit que fa fignature n’etoit pas néceifaire, & a refufé de
figner , de ce enquife , ajoutant ladite dame de Cabris yque f i elle avait
fu où fo n marl Je trouvait, elle n auroit pas eu befoin de réquifition , &
rauroit envoyé avertir fu r le champ ; requife de figner,
veau
a
de
nou
REFUSÉ.
Me Al\iary a du que la déclaration que la dame de Cabris *
�14?
belle-fille, vient cîe faire fur la publication de l’ordonnance ci-deiïus,
eft en oppofition avec ce qu’elle nous a dit à l’ouverture de notre
verb a l, où ladite dame a parle d’une maniéré affirmative qui indiquoit qu’elle ne devoit pas ignorer où le fieur de C abris, fon m ari,
peut fe trouver dans ce moment ; il n’eft pas douteux que dans l ’ctat
affligeant où le fieur marquis de Cabris fe trouve aujourd’h u i, il ne
foie entièrement livré à la garde & aux foins de la dame fon époufe ,
qui devroit conféquemment nous déclarer où le fieur de Cabris fe
tro u ve, afin qu’il pût ctre procédé à fon interrogatoire, en confor
mité de ce qui a été par nous ordonné ; en l’ état il cjl fehfiblc que le
Jieur marquis de Cabris doit f e trouver dans fon château, ou q u ’i l a été
caché à quelque part par la dame fon époufe , dans la vue d‘ éviter l'inter
rogatoire ordonné, aufii ledit M e A lziary, intervenant comme deffiis,
nous prie & requiert d’ordonner que par les huifliers à notre fuite il
S E R A F A I T P E R Q U I S I T I O N DANS LES A P P A R T E M E N S DU P R E S E N T C H A
TEAU
, que ladite dame de C abris, belle-fille, fera tenue
de
F A I R E O U V R I R , P O U R S A V O I R SI 1 E D I T SI E UR M A R Q U I S DE
s ’y
trouve
enferm é
,
C
leur
ABRI S
ledit M e Alziary fe réfervant, ladite perqui-
iition faite , de requérir ce qu’il avifera , &
figné.
JEt attendu qu’il eft ùne heure après m id i, on renvoya à trois heures
après midi.
Et à trois heures de relevée, nousdit Lieutenant, nous ferions de
nouveau portés au château en com pagnie, & c. , où nous aurions
trouvé Joachim G u erin , cuifinier du fieur de C a b ris, auquel nous
aurions demandé de nous dire fi le fieur ou dame de Cabris font
dans le château, de nous indiquer l’appartement où il fe trouvent, il
nous auroit répondu ne favoir où a été le fieur de Clapiers , & qu’à
l’égard de la dame de C a b ris, fon-époufe, elle eft fortie depuis peu
de tems du château , qu’il croyoit qu’elle ne tarderoit pas de venir ,
& qu’il alloit lui envoyer un exprès pour tâcher de la trouver , afin
de l’avertir de notre arrivée audit château, 6c ayant attendu jufqu a
quatre heures & demie , fans que la dame de Cabris qui avoit les clefs
de tous les appartemens, foit revenue, nous aurions renvoyé à de-r
main de ftatuer fur la rcquifition ci-deilus faitç par ledit M e Alziary.
�1s°
Etattendu l’heure’tarde, nous aurions renvoyé, & c ., ayant chargé
ledit fieur Joachim G uerin, cuiiînier, d’avertir ledit heur de Clapiers
de la dame Ton époufe du renvoi de notre préfent verbal à demain ,
& c . , & avant que de figner, ledit M c Alziary , audit nom , nous
pries & requis d’ordonner qu’il lui fera tout préfentement délivré par
notre greffier extrait de notre ordonnance de renvoi à demain pour
la continuation de notre verbal, afin qu’ il puiffe agir ainjî que Vintir et
de la dame de Lombard l ’ exigera , & a figné.
' Et nousdit L ieutenant, vu le dire ci-deilus , & ouï le Procureur
du Roi n’em pêchant, avons ordonné que par notre greffier il fera
tout prefenrement délivré audit M c Alziary extrait de l’ordonnance
de renvoi à demain pour la continuation de notre .prefent verbal aux
fins requifes. A Cabris lefdits jour & an que defTus, fignés F l o r i s ,
M a r t i g n y , I s n a r d , médecin
A l z i a r y , L a m b e r t , chirurgien,
R i p e r t & L a u t i e r , huiiîier , Si A u b i n , greffier.
Et advenu ledit jour 11 dudit m ois, nousdit Lieutenant aurions de
nouveau accédé au château , & c ., où nous aurions trouvé ladite dame
m irjuift de Cabris , belle-fille , qui nous a dit que le fieur de Clapiers ,
fon mari, Je trouve dans fon appartement, & qu’ il va defeendre dans le
moment ; & ledit fieur de Clapiers étant entré dans ledit apparte
ment , M e Alziary s’eft délifté de la derniere réquifition par lui faite
le jour d’hier , & nous a priés & requis de procéder tout préfen
tement à l’inteirogatoire ordonné , après néanmoins qu’il aura été par
nous ordonné, a inf que ledit Me Afyary le requiert, que la dame marquife de Cabris, belle-fille , & Me Seytre, procureur du fieur marquis de
Cabris , auront vidé le prefent appartement, <S a figné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit qu’il ne s'agit pas ici
d ’un aceufé , mais des réponfes à prêter en matiere civile , qu’elle
ni M c Seytre , procureur du fieur marquis de Cabris 11’entendent pas
prêter des réponfes pour lu i, mais qu’il y auroit de la dureté de les
obliger à vider ledit appartement j qu’en bonne règle s’agiflànt de
conftater 1 état permanent d’un citoyen , fon interrogatoire pourroit
Sc devroit être public : telles font les réglés ; 8c ç’eit ainfi qu’on l’a
décidé à la dame marquife de Cabris , qui requiert le déboiitement
�i <;i
delà rcquifition faite par M e A lziary, à quoi elle a conclu, M c Seytre
ayant figné, Indice dame ayant déclaré ne vouloir figner , de ce enquife.
Me Alziary a dit qu’ il ne faut rien de plus que les efforts de la dame
de Cabris 6• de Me Seytre , pour nous convaincre que leur prefence à
l ’ interrogatoire dont il s ’agit, ne pourroit qu’être nuif i l l e , s ’ilja u t en
fu s confulter les réglés , au lieu qu elles foient telles que la dame de
Cabris les expofe , chacun fait que lorfqu’il n ejl même quefiion que des
réponfes cathégoriques à prêter auffi en matière toute civile, celui qui
ejl interrogé ejl toujours fe u l à les prêter, il y auroit même d’inconvé
nient qu’ il put y avoir des confeils qui puffent influer en quelque maniéré
aux réponfes à prêter. A u jurplus Me Alziary oljcrve qu’ il defremit
fo rt que les réglés & les devoirs defon état ne lui impofajjent la ncccfjué
de perffler a la réquifltion par lui ci-devant fa ite, & <1 laquelle il requiert
qu’ il fo itfa it droit , & afigné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit que fi elle perfide de
refter dans ledit appartement , ce n’eit ni pour répondre , ni pour
inlinuer des réponfes à fon m ari; il n’a befoin ni de fon fecours ni
de celui d ’un confeil pour les prêter ; mais ayant été hier à la cam
pagne & étant fatigue, nous voyons qu’il foufFre des douleurs , & il
peut a vo ir befoin à tout inftant de fes foins , requérant de nouveau le
déboutement de la rcquifition de M e Alziary , M e Seytre a figné , la
dite dame ne voulant figner , de ce requife.
M e de M artigny , Procureur du R o i , n’empêche qu’il foit enjoint
aux procureurs refpeûifs des Parties de vider l’appartement, & ne
trouvant nul inconvénient que la dame marquife de Cabris y refte,
pour erre plus à portée de faire exécuter les ordres de fon mari ; il
eftime qu’elle peut y demeurer , délibéré , Scc.
V u la rcquifition & dire ci-deiTus, tk les conclufions du Procu
reur du R o i , nousdit Lieutenant avons ordonné que la dame de
Cabris , de même que les procureurs des Parties relieront dans ledit
appartement , ôc q u il fera par nous tout prefentement proccde a
l ’iirerrogatoire dont il s’agit. Fait à Cabris dans le château feigneurial
led it jour i i Novembre 1 7 7 7 , f i gné F l o i u s .
�is*
Enfuite de quoi nous aurions fait prêter le ferment à M c Antoine
Ifnard , Dodteur en médecine , 8c ail fieur Louis-Elzear L am b ert,
Maître en chirurgie , 3 e bien & fidellement gérer au fait de leur coin“
miilion , &c aurions procédé à l’interrogatoire dudit fieur de Clapiers
en leur préfence & en' celle du procureur du R o i , 8c conftitue le
dit , & c. Interrogé fur le contenu, &c.
Interrogé de fon nom , fur nom, âge , qualité & demeure :
A répondu qu’il s’appelle Jean-Paul de Clapiers de Cabris , âgé
de vingt-fept ans , rcfidant ordinairement à fon prcfent château ; ¿5C
par intervalle à Grafle.
Interrogé s’ il a été malade , & s’ il l ’ejî encore :
Ledit, iieur de Cabris nous auroit obfervé qu’avant de répondre,
il étoit bien aife de nous dire qu’il étoit fâché de fe préfenter à nous
en robe de cham bre, mais que fon état de maladie où il fe trouve,
ne lui avoit pas permis de s’habiller, attendu qu’il eft attaqué d’une
maladie de nerfs qui lui fait fouiFrir des douleurs aiguës , ajoutanc
que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, ne produit en lui que
des effets phyfiques, 8c répondant à l’interrogat que nous lui avons
f a i t , a dit que la folution de la demande précédente fe trouve dans
la réponfe ci-deifus a jo u ta n t que la maladie des nerfs dont il a été,
&: eft encore affe£té , n’attaque que fon corps , 8c n’a aucune correfpondance à fon cfp rit, 8c par conféquent ne peur le léfer fur
l’affaire qu’on lui a intentée , 8c dont il eft inftruit, & pour laquelle
nous avons accédé.
'
Interrogé pourquoi depuis environ trois mois il efl par intervalle plongé
dans la. trifiefje :
A répondu que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, & qui re
double dans ce moment des impreiTions vives 8c douloureufes fur
fon corps , ne lui permettent pas de répondre en détail à toutes les de
mandes que nous pourrons lui fa ire , 8c que la juftice eft en droit
de lui faire . ma;s qu’il peut dire généralement qu’inftruit que fa
niere abufte par ¿ QS efprits qui fans doute ont altéré les fentimens
maternels qu’elle lui avoit toujours tém oignés, 8c qu’elle lui a intenté
une procédure en dém ence, qui n’a Çc ne peut ¿voir aucun m o t i f
légitime
�*5?
légitime } mais qu’il eft bien aifurc , foit dans fo:i. domeftique , foie
!ci dans ion village, où la liberté de la campagne permet de fe tenir
d’une manière moins décente qu’à la v ille , foie à G raife, où il fe
trouve de tems à autre aux promenades publiques , dans les converfations privées avec fes parens, fes amis , &c fes gens d’affaires, qu’il n’a
proféré, ni dit aucun mot qui puiiTe donner-fujet à des interprétations
fauiTes , contraires à la raifon & au bon fens , & encore moins laiiTc
échapper des lignes vifibles de démence, ni fait aucune ad^ion dire£te
ou indirecte qui pourroit venir à l’appui de ces figues, y mettre le fçeau
par un ufage continuel & journalier.
E t tomme nous allions faire un troijîeme inerrognt, l e r é p o n d a n t
n o u s a u r o i t d i t que dans le moment fa maladie dont iL n o u s a
parlé ci-deiTus , lui fait fouffrir les douleurs les plus aiguës Sc les plus
doulourenfes qui ne lui permettent pas de répondre davantage aux
interrogats que nous pourrions lui faire ; & comme en tout état de
caufe un accufé cft lib re , même en matiere criminelle , ce qui eft
d’une confcquence encore plus elTentielle, que dan« une affaire civile
de fe laiiTec faire fon procès comme fourd & muet volontaire, à plus
forte raifon qu’il peut requérir le Juge de prononcer fon jugem ent,
d ’après une ou plufieurs réponfes limitées pour un citoyen prévenu
en ju ftice, fur-tout quand ce même citoyen eft sûr d’avoir énoncé
tout ce qu’il croit néceiTaire pour fa 'juftification authentique & com plette.
Nous lui aurions repréfenté que nous ne procédons au préfent interro
gatoire que pour conjlater l'état de fon èfprit, nous ne pouvions nous
difpenfer de faire encore d’autres interrogats , qu’attendu l’ état ou il
f e trouve, nous ayant obfervé qu’ il foujfroit beaucoup, nous aurions
renvoyé la. continuation du prefent interrogatoire à trois heures de re
levée.
Le£ture fa ite , & c.
Et advenue ladite heure , & c.
Interrogé pourquoi à la fin du mois de Septembre dernier étant nta-^
lade , il a reftépendant trois jours fans prendre de nourriture :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
. Y
�154
Interrogé pourquoi il refufoit tous les alimens qu'on lui préfentoit , &
qui auraient pu le foulager dans fa maladie :
A répondu qu’il fe rcfere à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi le 23 Septembre dernier, étant detenu malade, dans
fon l i t , il refufi de prendre un bouillon , quelques inflances quon lui
f 'U '
,
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi, quand on le preffoit de prendre de la nourriture , il
la refufoit en difant & répétant, mon D ie u , anéaniijj'c^ moi :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes-réponfes.
Interroge pourquoi environ depuis trois mois il s'emporte quelquefois
contre les perfonnes qui s’ approchent de lui :
A té p o n d u qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé s’ il n'efl pas vrai que vers la fin du mois de Septembre der
nier il fe feroit je té par la fenêtre , f l on ne l’ avoic retenu :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréferué que fon refus de répondre précifîment aux
interrogats que nous lui faifons , pourroit ctre regardé comme un aveu ,
nous l’ interpellons de répondre plus précifément.
A encore répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi il dit , ayant de me jeter par la jenctre , je veux
tuer mon époufe :
A répondu que l’interrogat que nous venons de lui faire eft faux.
Interrogé pourquoi le même foir il vouloit lancer un fauteuil contre la
dame de Cabris , fon époufe, f i on ne le lui eût ôté:
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi il en lança tout de fuite un fécond contre tous ceux
qui étoient préfens :
A répondu qu’il fe rcfere a fes- précédentes réponfes :
Interrogé pourquoi il vouloit fe renfermer dans la prifon :
'*
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi avant de s ’y renfermer, .cl demandoit que l ’on y
ùrulut de l'encens :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
�JÎ5
Interrogé s’ il efl vrai que dans le commencement du mois de Septembre
dernier il a maltraitéfa fille :
A répondu que cela efl: faux.
Interrogé pourquoi deux jours après , fe chauffant à la cuifine, comme
fa fille entroit, il lui donna un coup de pied :
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi le fo ir du i l Septembre dernier, il fe donna un
coup de coâieau :
A répondu que cela eft faux.
Interpellé de nous dire f i la ble(fure étoit confidérable ;
A répondu fe réferer à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréfenté qu’ il devoit avoir une: p laie, & que celte
plaie devoit être profonde, puifqu’ il en découla environ quatre livres defang.
A dit qu’il n’a rien à répondre à cet interrogat, non plus qu a ceux
que nous pourrions encore lui faire , & que s’il a répondu jufqu’à
prefenr , ce n’a été que pour montrer une plus grande déférence à la
ju ftice, Sc qu’il demande la permiifion d’aller fe coucher.
Interrogé pourquoi le 1 8 Octobre dernier il fe donna encore deux coups
de couteau fur les fauffes cotes :
N ’a voulu répondre.
Interrogé s’ il y a environ trois mois , & dans dijférens tems , il
a.
je té par la fenêtre une dame - jeanne de vin , de l ’ argent, une montre ,
& un chien :
N ’a voulu répondre.
Interroge s’ il ejl vrai que dans le courant de l ’ été dernier il brûla quan
tité de livres excellens , & des papiers précieux ;
N ’a rien répondu.
Interrogé s’il croit être guéri des coups de couteau qu’il s ’ étoit donnés ;
N ’a rien répondu.
interrogé f i dans ce moment il foujfre beaucoup :
N ’a rien répondu :
Interrogé s'il ne feroit pas bien aife que
Lambert, chirurgien, lui tâtajfent le poulx :
A répondu que non.
Ifnard , médecin , <5*
Vi)
�E t attendu qu'il ne nous auroit pas répondu , nous aurions abrégé &
fin i nos interrogats , & plus n’ a été interrogé.
Lecture , & c . , ôc a figné ledit Jieur de Cabris avec M . le Lieutenant
& toute fa fuite.
N °.
I n t e r r o g a t o ir e s
I
I
I.
faits d’office au Marquis de Cabris par
M . le Confeiller de Saint - M a r c , à la réquifition du
Marquis de C a b ris, dans une feule féance d’environ
'
deux heures & demie.
S A V O I R F A t SO
n s
nous Philippe de Meyronnet, Chevalier, Sei
gneur du Prignon , Confeiller du Roi en la Çour de Parlement de ce
pays de Provence fia n t à A ix , Commijfaire en cette partie député, que
ce jourd’hui 18 Février 1778 , à dix heures du matin, & dans le Pa
lais , fcroit comparu M e Jean-Louis Court le jeune , procureur en ladite
Cour , intervenant pour Meffire Jean-Paul de Clapiers de GraJJ'e, Sei
gneur , Marquis du lieu de Cabris & autres lieu x, qui nous a dit que
par decret de la Cour du neuf du courant, nous aurions été commis pour
interroger ledit ficur de Clapiers fu r tels faits & articles que nous trou
verons bons ; qu’enfuite de ce dire il en ejl intervenu un. fécond le qua
torze du courant , portant qu’ il fera par noui accédé , préfent M . le
•Procureur Général du R o i , dans Îappartement que ledit fleur de Cla
piers de Cabris occupe en cette ville , en la rue du St. Ffprit , pour
l ’interroger & prendre fe s réponfes ordonnées par ledit decret du neuf
'du courant, & que le jour d’ hier, au bas d’ un comparant à nous prefenté par ledit M e Court le jeune , nous avons rendu une ordonnance
par laquelle nous avons affigné à ce jourd’hui à dix heures du matin ,
l ' accédit ordonné par le decret du quatorze du courant ; & d’ autant auc
T heure de l’ affignation par nous donnée fe trouve txpirce , ledit M c Cburt
le jeune audit nom nous prie & requiert d ’accéder tout préfenterrient
dans ¡ ’appartement que ledit fleur de Clapiers occupe dans la maifon du
�»57
fitur Theyenin, à la rue du St. E/prit, en conformité des fufd-its decrets,
&
à
ce il a conclu & a fig n é ; figné C o u r t le jeune à l’original.
A laquelle réquijition adhérant, nousdit Confeiller & Commiffaire
aurions tout de fuite , en compagnie de M c Jean-François Dcymard de
Mans , Avocat Général, M c Jean-JoJ'eph Aymard ,• Greffier commis au
Greffe de la Cour, précédés de M c Antoine Gmjfan , Huiffter, aecédé
à ladite maifon du ficur Thevenin , fituée à la rue du St. E fp rit, où
étant, ferions montés au premier étage de ladite maifon , & entrés dans
les apparlemens occupés par ledit fieur de Clapierr fur le devant de la
dite maifon , où nous aurions trouvé ce dernier s lequel, moyennant
ferment :
Interrogé de fon nom , furnom , âge, qualité & demetire ;
A répondu s’appeler Jean-Paûl de Clapiers de C a b ris, gentil
homme âgé de v in g t-fep t ans , rélîdant tantôt dans fon château de
C a b ris, tantôt dans la ville de Gratte , qui n’eft diilante du lieu de
Cabris que d’une heure de Chem in.
Interrogé s’ il fa it pourquoi & à la requête de qui nous avons accède
dans la maifon qu’ il occupe acluellement ;
A répondu que c'eft au fujet d’nne affaire qui lui a été intentée
par la d am e de Cabris fa mere , au fujet d’une prétendue démence
dont elle l’accufe , ce qui a donné lieu à ce qu’il eft venu en cette
ville pour faire cefTer la procédure prife à ce fu je t , & enftiire de
la demande que le répondant a fa ite , & qu’il lui a été accordé que
nous accéderions dans la niaifon qu’il habite préfentement , pour y
recevoir fes réponfes , attendu fes incommodités-, & nous a déclaré
que la requête fur laquelle eft: intervenu ledit decrer, a été préfemée
en fon nom.
Interrogé s’ il fouffre acluellement de grandes douleurs de nerfs ;
N
A répondu que ou i, mais qu’elles ne font pas affez e'xceifives pour
l’empccher de répondre aux demandes que nous lui ferons.
Interrogé depuis quand a commencé la maladie' dont il eft atteint ;
A répondu que fa maladie eft une maladie de nerfs qui ne peut
Être relative, ni lui porter coup fur 1affaire prefente , Sc quelle a
commencé depuis environ fix ou huit mois.
�M?
(
Interroge s’il n a pas éprouvé quelque grand chagrin qui puijje avoir
occasionnéf i maladie ;
A répondu qu’il n’a jamais eiïuyé d’autres chagrins que ceux aux
quels le commun des hommes eit expofé , & qui ayent été aflez
violens pour le jeter dans l’état de démence qu’on lui reproche, &
qu’il déiavoue.
Interrogé f i depuis l ’ époque qu’ il vient de donner au commencement de
fa maladie , i l a toujours j o u i de la liberté d’efpnt néceQuire pour vaquer
par lui-mcme au régime de fes affaires ÿ
A répondu que oui.
Interrogé s’il n’a pas fa it une procuration le deux Septembre dernier ,
pour prépojer quelqu’ un à la conduite de fes affaires ;
A répondu qu’il Te rappelle d’avoir fait une procuration de cette
nature , mais qu’il ne fauroit fe rappeler précifément le tems qu’il
l’a faite.
Interrogé s’ il f i rappelle quelle ejl la perfonne en faveur de laquelle
il a fait cette procuration,
A répondu que c’eft en faveur de M e Seytre, procureur au Siège
de GraiTe.
Interrogé s ’ il fe fouvient d’avoir fait d’autres procurations , & à
quelles époques ;
A répondu qu’il fe rappelle d’avoir fait une autre procuration auflî
générale que la précédente , en faveur de la dame de Cabris , fon
époufe , & ' fur laquelle elle devoit fe concerter à l’amiable avec
U d itM e Seytre , à cette fin que la dernière eût l ’effet d’annuller celle
laite en faveur de M c Seytre.
Interrogé s’ il fe rappelle quels étaient les pouvoirs qu’ il donnoit aux
perfonnes à qui il confioit leflites procurations ;
A répondu que fe trouvant en cette v ille , & étant dans l’intention
d aller voyager dans les pays étrangers, il y fie une procuration en
faveur dudit M c Seytre , qui lui donnoit pouvoir d ’adminiftrer les
biens du répondant pendant fon abfen ce, d’affermer les terres en
cas d’expiration des précédens baux, d’emprunter pour faire face aux
dépenfes courantes 8c néceiTaires pour l’exploitation de fes b ien s,
�159
& les autres pouvoirs qu’une procuration aiTez ¿rendue peut con
tenir.
Interrogé .quels étoicnt les pouvoirs contenus dans la procuration faite
en faveur de la dame de Cabris , fon époufe ;
A répondu que c’étoient les mêmes pouvoirs contenns dans la pro
curation faite au iïeur Seytre.
Interrogé f i , lorfquil étoit dans le defftin d’aller voyager dans les
pays étrangers , il comptait de faire fe s voyages avec la dame de Cabris ,
fo n époufe ;
A répondu que non , la dame de Cabris fe trouvant alors i Paris.
Interrogéf i , lo rf qu’ il fit fa procuration en faveur Je la dame de Cabris
il avoit encore le dejfein de voyager dans les pays étrangers , & f i ladite
dame étoit alors de retour en Provence ;
A répondu que ladite dame fon époufe étoit en effet revenue en
Provence à cette époque , & qu’il étoit encore alors dans le dciTem
de voyager dans les pays étrangers, projet que des affaires qui lui font
iurvemies , ont empêché d’exécuter.
Interrogé quelles font les affaires qui l ’ont empêché d’exécuter fon
projet de voyage ;
A répondu que ce font des réparations qu’il avoit à faire à Cabris ,
8c l’affaire aétuelle qui lui eft furvenus.
Interrogé s ’ il ne poffede pas une belle maifon à Graffe ;
A répondu 8c accordé , difant qu’il l’a fait bâtir à neuf.
Interrogé f i cette maifon efi richement meublée ;
A répondu & accordé , difant qu’il a tâché d ’aiTortir les meublçs à
la maifon qu’il a fait construire.
I
Interrogé s 'il a dépenfé des Jommes confidérables tant pour la conftruclien de fa maifon que pour fon ameublement •
A répondu qu’en effet il y a fait des dçpenfes confidérables, & plus
fortes qu’il fe 1 etoit d abord propofe , qu il avoit d’abord voulu bâtir
une maifon plus petite & dans un autre lieu que celui où il bâtit de
puis , mais que des perfonnes lui ayant confeillé de bâtir fa m a i f o n
dans un terrein plus étendu, cela l’engagea à conftruite une plus grande
m aifon, & ayec plus de dépenfe que n’en font les gens ordinaires.
�1IjO
Interrogé f i les ameublement qu'il fit à fa maifion, s ’y trouvent ac
tuellement ;
A répondu que o u i, à l’exception de quelques-uns que madamo
fon époufe a fait porter au château de Cabris.
Interrogé f i le château de Çabris n’ ejl pas auffi bien meublé ;
A répondu & accordé, difant qu’il ne fait pas pourquoi la dame
fon époufe y a fait rranfporcer les fufdits meubles, qu’il préfume pour
tant que ç’a été pour les placer dans fon appartement.
Interrogé s’ il a beaucoup de vaiffèlle d’ argent ;
A répondu qu’il n’a que des cuilliers & .fourchettes.
Interrogé s ’ il n’ a pas pojfédé beaucoup plus de la vaiffèlle , & notam
ment de la vaiffèlle plate :
A répondu & accordé, difant qu’il a été obligé de la vendre pour
des affaires qui lui étoient furvenues.
Interrogé s’ il fe rappelle qu elles étoient les affaires qui Vobligèrent
à vendre f a vaiffèlle.
A repondu qu’il croit fe rappeler que c’étoit pour acquitter des
comptes à des marchand.
Interrogé s 'il n’ a pas dans fon château de Cabris une bille bibliothèque
& un recueil d’ ejlampes conjîdérable ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a une collection de livres 8c une
cinquantaine d’eftampes, qu’on ne peut pas appeler fa colledtion de
livres une bibliothèque , puifqu’elle ne lui a coûté qu’une douzaine
de mille francs, y compris le prix des eftampes.
Interrogé s’ il ne lui ejl pas arrivé de mutiler des livres , & à3en dé~
chirer beaucoup de feuillets ;
A répondu Sc dénié.
Interrogé s’ il n a pas également déchiré des eflampes ;
A répondu & dénié.
L ’ avons interpellé de tâcher de rappeler q u i l a en effet déchiré des
livres & des eflampes , s’il n'a pas été porté à ce fa it par quelque ferupulc de confidence & par une ferveur de dévotion ;
A répondu qu’il ne fe rappelle de rien de pareil.
!
Interrogé f i fia maladie & les douleurs quelle lui caufie, ne l’ ont pas
je té
�rtfi
Jeté quelquefois dans un état de tri/lefje & de profonde mélancolie ;
A répondu qu’il eft vrai que Ton naturel eft trifte & mélancolique,
mais que la ma l a d i e de nerfs dont il eft atteint, ne l’a jamais jeté
dans des états pareils à ceux fur lefquels nous venons de l’interroger.
Interrogé f i les fouffrances ne lui ont jamais infpiré du dégoût pour,
la vie ;
A répondu 8c dénié.
Interrogé f i dans ces momtns de foujfrance il ne lui efi pas arrivé de
fe porter à des extrémités fur fa perfonne , & de fe faire des bleffures ;
A répondu & dénié.
Interrogé f i dans cet état - là i t n’ a pas refufé des fecours quon a
voulu lui donner, & notamment la dame fa mere , qui avoit été appelée
au château de Cabris à cette occafîon
A répondu & dénié.
Interrogéft dans de pareils momens il nt s'efi pas porté aufji à de*
extrémités contre la dame fon zpoufe j
A répondu 8c dénié.
Interrogéfi la même chofe ne lui efi pas arrivée vis-à-vis la demoifellc
f a fille ;
A répondu & nié.
Interrogé s ’ il n’ a pas je té fa montre d’or & fon argent par la fe-t
nétre ;
A répondu : non jamais.
Interrogé s ’ il craint beaucoup le chaud ;
A répondu, beaucoup plus que le froid.
Interrogéf i , pour fe garantir du chaud, il tu. s efi pas promene quel»
quefois en chemife dans la campagne ;
A répondu qu’il prend la liberté, quand il fe trouve à la campagne,
de s’y promener en robe de chambre , pour avoir moins de ch aud,
mais qu’il ne s’y eft jamais promené en chemife.
Interrogé quelles fon t fes occupations & fe s amufemens, foit à la
ville , fo it à la campagne ;
A répondu que c’eft principalement la le&ure qui l’occupe , &
qui l’amufe,
�\6l
' interrogéfi, lorfqu’il eft à Grajfe, il ne fréquente pas les compagnies;
A répondu 8c accordé.
Interroge s 'il n a pas fa it des emprunts confidérables ;
A répondu qu’il a deux dettes principales de dix mille écus chacune
envers deux particuliers de Gratte.
Interrogé s’ il n’ a pas aliéné de biens fonds & des capitaux ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a aliéné des-capitaux pour fournir
i la dépenfe de la conftruârion de fa maifon , mais qu’il n’a point
aliéné des fonds.
Interrogé f i les douleurs q u i l fouffre augmentent ou diminuent en
tertaines périodes ;
A répondu que fes douleurs font fi grandes , qu’elles ne fauroient
augmenter davantage, qu’elles font continues depuis quelque teins ,
& n’augmentent ni diminuent en certaines périodes.
' Interrogé f i dans le mois de Septembre dernier il n’ a pas eu des
attaques de douleurs plus violentes que celles qu’ il avoit foujfertes fc it
avant, jo it après ladite époque ;
A répondu qu’il nous a déjà dit que fa maladie a commencé de
puis iîx ou huit mois , que les douleurs qu’il éprouve n’ont jamais
difeontinué & ont toujours été plus violen tes, & qu’il ne croit pas
qu’il pût v iv re , fi elles augmenroient encore.
Interrogé f i depuis qu’ il eft atteint de la maladie dont il fe plaint ,
il n’ a pas fa it un teftament;
A répondu qu’il l ’a fait précédemment à fa maladie ,
L ’ avons interpellé de nous déclarer à quelle époque il afa itfon teftament;
A répondu qu’il ne s’en rappelle pas.
Lecture à lui faite des préfens interrogats & réponfes , il y a perfifté
& afigné: fignes C
a bris
, M
e y r o n n e t de
Saint M
arc
,
Si H ïm a r b ,
■Greffier, à l ’original.
Par extrait collationné fur l ’ original étant dans le fac de la procé
dure
criminelle
qui fe trouve riere le Greffe
criminel
de la
c °ur, expédié enfuite du decret mis au bas de la requête à elle
prefentée par
Jleur Jeun-Puul de Cabris du i 9 Février 1 7 7 S.
Signé M
a u r cj «’
�N °. 1 V .
C o p ie
du Rapport du Médecin & du Chirurgien p refais
l'interrogatoire.
a
N ous A n t o i n e I s n a r p , doéteur en médecine de la Faculté royale
de médecine de Montpellier , de cette ville de Gratte, en fuite de
l’aflignation à nous donnée par exploit du dix-neuf du préfent mois ,
fait par Laurier , huiflier ^oyal , en vertu du decret rendu par M . le
Lieutenant particulier-civil ail Siège de cette ville , à la requête de
dame Elifabeth L om bard, douairiere , marquife de C a b ris, de nous
porter le lendemain vingt du m ois, à huit heures du matin, audit lieu
de C a b ris, & dans le château de Meflire Jean-Paul de C lap iers,
marquis de C a b ris, & d la fuite dudit M . le Lieutenant, pour affifter à l’interrogatoire dudit marquis de C la p iers, & de fuite pro_
céder au rapport de l’état & fituati'on de fon e fp rit, le tout en con
formité du fufdit d é cre t, nous ferions partis de cette ville ledit
jour vingt Novem bre à huit heures ciu matin , & nous étant mis a
la fuite de M . le L ieutenant, nous nous fommes portés audit lieu
de C a b ris, où arrivés comme ledit meflire de Clapiers s’ efl trouvé
dans une campagne , & que M . le Lieutenant 11’a pu procéder à fon
interrogatoire , nous aurions paiTé route la journée audit lieu de
C a b ris , pour attendre ledit meflire de Clapiers , & fur le renvoi au
lendem ain, ordonné par M . le Lieutenant, nous étant mis de nou
veau à fa fuite le vingt-un dudit mois , à huit heures du matin , nous
nous fommes de nouveau portés audit lieu de Cabris , ôc dans le
château feignetirial, où étant ledit mef l i r e de Clapiers , s’étant préfenté , & après avoir prêté ferment pardevant M . le Lieutenant , nous
aurions aiTiftc aux interrogatoires par lui fairs audit meflire de C la
piers , & de fuite nous aurions procédé au fait de notre commiifion .
Sc en conféquence , après avoir de nouveau prêté pardevant M* le
L ieutenant, nous déclarons avoir trouvé ledit meflire de C l a p i e r s ,
aiiifi qu’à lajcance du matin & de l’après-dîner, en robe de chambre,
X ij
�-ï <Î4
avCc une barbe aiTe;î longue & en bonnet de n u it, d’une contenance
timide & jorcie , ayant l’ air trijîe, occupé, mcditatij, les yeux (om
bres '■
) ion poulx que nous avons tâté , quoiqu’il eût déjà refufé de
le laiiïer tarer, 6c bien examiné , nous a paru lent , petit & inter
mittent-, enfuitc nous lui aurions fait diverfes demandes fur les diverfes fondions de fon corps & de fon e fp rit, auxquelles il n’auroïc
pas voulu répondre, 8c nous auroit quittés pour aller s’aiTeoir à l’autre
extrémité de l'appartement, où nous étant avancés , & lui ayant de
nouveau réitéré nos queftions , & en diverfes fo is , tout ce que nous
aurions pu favoir auroit confifté en ce qu’il nous auroit dit avoir
des douleurs dans différentes parties de fon co rp s, n avoir qu un fom~
meïl déj'agrèable & interrompu par des fonges affreux, ce qu’il nous
auroit dit après bien des demandes. Nous aurions de plus obfervé
lors de l’interrogatoire du matin , des tremblemens aux extrémités
inférieures \ du refte , le tempérament de melfire de Clapiers nous
a paru être mélancolique , & fes affeétions hypocondriaques , 8c
pour ce qui eft de l’état &: iituation de fon efprit , après avoir
€or.fidcré d’un côté les divers fymptômes dont a été attaqué ledit
meilîre de C la p iers, & dont nous avons eu connoiiTance lors des
interrogats faits par M . le L ieutenant, & de l’autre fes réponfes
tant à M . le Lieutenant qu’à nous , fon état aftuel ôc fon tempé
rament particulier , nous craindrions dans l’état d’en porter un juge
ment trop précipitéy les deux fcances faites auprès de meilîre de C la
piers } n’étant pas fuffifantes pour nous initruire du véritable Ôc conf
iant état de l'on.efprit, pouvant être fufceptible de bien des im preflïons , déclarant avoir vaqué quatre jours , fa vo ir, deux jours à
la fuite de M . le L ieuten an t, & deux jours ou à conférer avec le
fieur Lambert , chirurgien , qui a été d’un avis différent , ou à
ta rédaétion du préfent rapport que nous avons fait 8c figne à
GrafTe le ¿8 Novembre 17 7 7 . Signé I s n a r d , m édecin, à l’ori
ginal.
�x'tfj
C o p ie
S avoir
faison s,
du Rapport du Chirurgien.
nous Louis - Elzear Lam bert, m ante en chi
rurgie de cette ville de G rafle , Chevalier de l’ordre de l’Eperon d ’or,
C om te Palatin , qu’enfiiite de l’aflignation à nous donnée par exploit
du 19 du préfent mois , fait par Lamier , huiilier ro y a l, en vertu du
decret rendu par M . le Lieutenant particulier-civil au Siege do la
ville de G rafle , à la requête de dame Elizabeth de Lombard , douai
rière , marquife der C ab ris, de nous porter le lendemain vingt dudic
mois , à huit heures du matin audit lieu de C a b ris, & dans le châ
teau de meflîre Jean-Paul de C lap iers, marquis du même lieu , Sc
à la fuite de M . le Lieutenant, pour aflîfter à l’interrogatoire dudit
meflîre de Clapiers , & ‘ de fuite procéder an rapport de lctat Sc
iituation de fon .efprit, le tout en conformité du fufdic decret, nous
ferions partis de cette ville ledit jour vingt N ovem bre, à huit heures
du matin , en compagnie de M e Antoine Ifnard , docteur en mé
decine de cette v iile , qui nous a,,dit avoir été,.pareillement ailignc
pour le même fujec , & nous étant mis à la fuite de M . le lieu
tenant , nous nous fournies portés audit lieu de Cabris , où arrivés ,
comme lec^jt meflîre de Clapiers s’eit trouvé dans ur.e campagne ,
& que M . le Lieutenant n’a pu procéder à fon interrogatoire , nous
aurions paflc toute la journée audit lieu de Cabris pour attendre ledit
mellire 4^ Clapiers , & fur le renvoi au lendem ain, ordonné par
M . le Lieutenant , nous étant mis de nouveau à fa fuite le vingtun dudit m ois, à huit heures du matin , nous nous femmes de nouycaii portés audic lieu de Cabris , & dans le château feigneurial, où
étant, nous avons prêté le ferment pardevant M . le Lieutenant, &
ledit meflîre de Clapiers s’étant préfenté, nous avons aflifté , ainii
que ledit M c Ifnard , dofteur en médecine , aux interrogats faits
par M . le lieutenant audic meflîre de Clapiers , & aux réponfes
prêtées par ce dernier , durant lefquelles nous avons obfervé atten
tivement la contenance dudit meilîre de Clapiers , & o bfervé qu’ il
f e plaignou de douleurs, 8c après les interrogats & réponfes , nous
�Iiîfi
avons , conjointement avec ledit M c Ifnard , taté le pouls audit
mellire de Clapiers , examine fa phifionomie t Tes yeux &: fa con
tenance , & l’ayant interroge de fa maladie & ce qu’il reiTentoit , il
nous auroit répondu qu'il ¿toit travaillé de douleurs aiguës } après quoi
nous nous iomvnes retirés avec ledit M e Ifnard , 8c nous avons eû
une conférence fecrette & arbitrale fur tout ce que nous avons re
marqué en la perfonne dudit meilîre de Clapiers , ayant déterminé
de nous aifembler en cette ville pour conférer de nouveau 8c pour
dreiïer notre rapport le furlendemain , 8c en conféquence nous étant
aiTemblés avec ledit M e Ifnard le jour ailïgné chez nous Lambert ,
après une longue conférence fur l’état 8c fituation ’de l’efprit dudit
meflire de Clapiers , nous étant trouvés contrains en opinions , nous
aurions déterminé de nous aiTembler de nouveau le vingt-quatre pour
dreffer notre rapport dans un même cahier où chacun de nous en
particulier donnerait fon opinion ; 8c comme ledit M e Ifn ard , qui
refide à Tournon, ne.s’eft point rendu en cette ville ledit jour vingrquatre chez nous L am bert, comme nous l’avions arrêté , nous Lam
bert aurions écrit une lettre"audit M c Ifnard le vingt-cinq du cou
rant , pour le prier de fe rendre en cette ville à l’effet de notre rap
port , à laquelle lettre ledit M e Ifnard auroit répondu par la fienne
du même jour , laquelle lettre renferme un refus de ftt part dudi*t
M c Ifnard de fe joindre à nousdit Lambert pour la redadtion du
rapport dont s’a g it, ce qui eft caufe que nous avons dreifé notre
préfent rapport , & donnant notre avis fur l’objet de notre coinmillion , nous déclarons 8c eftimons avoir touché le pouls de meilue
Jean Paul de Clapiers , marquis de C a b r is , que nous avons trouve
exempt de fièvre, les pulfations-étant égales, fans la moindre fré
quence , les yeux du fieur Marquis nous ont paru tranquilles , 8c fi
par fois nous y avons obfervé quelques clignotemens , nous ne les
rapportons qu’à fa vue miope ; il s’eft plaint à nous qu’il c p r o u Y o i t
des douleurs dans différentes parties de fon corps qui nous ont paru
dépendre d’une fenfibilité ou irritabilité de fes nerfs , & après avoir
entendu fes reponfes par lui faites à M . le Lieutenant particulier-1
c i v i l, 8c i celles qu’il nous a faites à nous-m êm es, nous eftimons
�i<?7 ;
que ;ledit nieffire d£ Clapiers cfl: d’un tempérament m élancolique,
niais qu’ il n’y a en lui aucun égarement d’tfprit , & qu’il jouit d’une,
faine raifon, 8c auquel nous avons vaqué trois jours & d e m i, favoir , deux jours à Cabris , à la fuite de M . le Lieutenant
Sc un
jour & demi ûn cette ville pour l’adrelTe & mis au n e t , Sc renvoyé la
taxe , nos honoraires à M . le Lieutenant. Fait & achevé à GraiTe le
z 6 Novembre 1777 , Jîgne L a m b e r t , maître Chirurgien.
N°
V.
M^PAJÎE E t TH is- CHERE M E R E ,
J e fais que vous faites continuer avec chaleur l’information que
vous avez fait prendre contre moi pour prouver l’exiftence d’un fait
qui tend à caufer ma perte , je vous prie de me faire enviiager quel
eft l’avantage que vous pourrez retirer de la reuflite entiere d’un
pareil p ro jet; ce ne feroit que par l’intérêt que vous pourriez en
retirer, que vous pouvez légitimer l’éclat que fera une p.ireille de
mande ; vous ne m acculez d’aucune dillipation dans mes biens ,
Vous ne pourriez même intenter aucune a&ion valable là -d e ilu s ,
vous fondez vos raifons fur une démence prétendue de ma part ;
je vous demande quels font les griefs qui peuvent m’avoir attiré
cet outrage d ’une m e r e , car jamais vous ne pouvez être exeufée
en public , à moins que vous n’ayez des plaintes ulterieures qui
co lo ren t cette démarche , je vous fupplie , en qualité de fils , d’ar
rêter les procédures, & de me promettre même que tout ce qui a
cté fait n’aura plus de fuite , j’attends cette grâce ; vous favez que je
11e vous en ai jamais beaucoup dem ande, cela me rend bien plus
confiant ; fi vous defirez de me voir a GraiTe , & que cette e n t r e v u e
pnilïe m’être favorable., 8c que vous ayez de plus befoin d’un ex
plication avec moi } je m y rendrai , je me repofç aifez fur vos
�1(58
fentimens j poûr n’en fortir qu’avec une promeife que tout ce qui
s’eft paiTé n’aura plus de fuite.
J ’ai l’honneur d’ctre , M adame , ma très-chcre m e re ,
avec refpe£t,
.
Votre très-humble &c obéiflant ferviteuç
;
& fils,
Lundi matin.
C ab ris.
r
Je vous prie de me faire l’honneur de me répondre.
A u dos ejl écrit:
A M adam e,
M adame la M arquife de C a b ris, douairiere.'
A GraiTe.
A Cabris 4 Décembre 1777Î
M adam e ma
chere
m ere
J
V o i c i bientôt le tems où l’on doit juger l’affaire que vous m’aveS
fufeitée ; comme je ferois fâché que l’on pût m’oppofer de n’avoir
pas fait toutes les démarches indifpenfables dans une occafion pa
reille , & qui peuvent me procurer un fucccs heureux ( ce fuccès, je
ne l’attends que de vous) ; je me hâte de vous écrire , & de vous
demander de nouveau qui peut m’avoir attiré votre indignation; un
fils laiiTé maître de fa conduite , dans un âge ouvert à toutes les
paflions , peut avoir ilaiiTé échapper dans fa conduite des marques
inconfidérées, & c’efi: p eut-être à ce reiïentiment fecret que vous
aurez conclu une affaire pour qui la démence n’aura été que le pré
texte 8c le fujet apparent: n’y auroit-il pas moyen de recouvrer vos
bonnes grâces & votre amitié : fi vous exigiez de moi quelque répa-»
ration publique pour l’ombre d’une faute que j’ignore , 8c qui n’exifte
peut-être que dans la mauvaife foi des perfounes qui vous approchent;
communiquez-moi votre intention par un tie rs, & je m ’y foumettr^i
fans peine s au contraire , fi mon raccommodement dépend d’une
entrevue
�“ 179- -
entrevue fecrette , fixez-moi encore le jour où je puis vous voir; mais
au moins puis-je efpérer de vous une lettre qui fervira de rcp a nf e
à la mienne ; vous êtes la feüle qui pouvez arrêter la procédure , vos
bontés paflees me donnent encore de l’efpoir , ne fournirez pas au
Palais un aliment pour dévorer la fubftance de vos- biens & de ceux
de ma fille.
J ’ai l’honneur d’ê tre , madame ma chere mere , avec us
refpe&ueux Sc profond attachem ent,
Votre très-humble & obéiiTant ferviteur }i/ig72e C a b r ls ;
Au dos de la lettre efl écrit :
A M adam e,
Madame la M arquife de C a b ris, douairiere, en fon hôtel ,
A Graife,
M
adame
m a
t r
I s-
chere
m e r e
,
C ’e s t avec la plus v iv e vdouleur que je vois que vous continuez
i me marquer votre inimitié , rien ne m’en convainéb davantage que
votre filence perm anent, je me flattois pourtant que vous ne laiile—
riez pas davantage votre fils dans la disgrâce la plus cruelle, permettez
même que j ’ajoute injufte ; mais cette derniere expreflion ne peut
s’attribuer qu’aux perfonnes qui vous ont donné des imprelîions dcfavantageufes fur mon compte \ voici bientôt peut-être le terme de
mon procès, ne feroit-il pas poflible d’éviter d’en venir à une conclufion définitive j
fi je ne craignois que ma préfence ne vous
infpirât du trouble & de l’indignation , malgré mes infirmités & mes
douloureufes fituations, je me traînerois jufqu’à Gratte j comment
hafarder une pareille démarche , après un filence aux deux lettres que
j ’ai eu l’honneur de vous écrire , je ne défeipere rien encore , 8c
je me flatte que vous donnerez cours à.vos bontés, après me les
avoir retirées un fi long efpace de tems : je defirerois b ie a que cette
lettre ne fût qu’un acheminement pour obtenir une entrevue de
y
�\J0
votre part ; & je ferois trop heureux qu’un feul m ot que vous me
feriez dire de vive v o ix , pût vous épargner la peine de m’ccrire \
comme je fuis prefle par mes peines douloureufes, fouffrez que je
n’ajoute rien à ma lettre.
Je fuis avec un trcs-profond refpeft ,
M adame ma chere m ere,
V otre très-hum ble 2c obéiiTant ferviteur
i-
•
& fils , 7 %72e C a b r is .
E t au dos de la lettre ejl écrit ,
A M a d a m e,
M adame la M arquife de C a b ris, Douairiere , en fou hôtel y
(
A Grafle.
M A TRÈS-CHER.E MEKE
I l eft douloureux pour moi d’être inftruit que- les démarches que
vous continuez à faire pour m oter mon honneur & mon exiftence
c iv ile , fe continuent avec acharnem ent; pardonnez-moi ce m o t,
ma chere mere , j’ai eu un moment d’im patience, je l’ai é crit, &
je crains de n’avoir bleflc le refpe£t que je vous d o is: peut-être
ai-je mérité par quelque écart involontaire (m ais qui n’a point de
rapport avec l’adte que vous avez intenté contre moi ) , que vous
m Jayez retiré tous vos fentimens de mere ; Sc c’eft juftement dans
cette crainte que j’ai l’honneur de vous écrire pour obtenir votre
commifération & mériter votre pardon : je fuis ici atteint d’un prin
cipe de maux qui détruit mon corps, mon état eft a(Tez trifte , &c
p e u t, fans le fecours des fentimens de la nature , eau-fer de la pitié :
j’ai peu de forces pour marcher ; mais fi j ’étois siir que vous oublialîîez
tout en allant me jeter à vos genoux, je fortirois tel que je me
tro u ve, dès que j'aurois reçu un mot de réponfe de votre part ; je
vous la demande cette lettre que j ’arroferai de mes larmes mille
fo is , & après fa réception , je me déciderai à partir j ce n’eft pas
�17*
autant la vue du châtiment de l’interdiétion , quoiqu’on ne puiiTe pas
affe&er plus fenfiblement un citoyen , homme de condition , pere
de fa m ille , & indépendant fous ces deux titres , que la certitude
où je dois prefque être qu’il s’ofFre toujours îjioins de moyens à la
rentrée de vos grâces , fi les pourfuites fe continuent, parce que
j ’a u r o i s lieu de préfumer que vous êtes violemment prévenue contre
moi ; vous ne me refuferez pas une réponfe par le retour de la
couriere.
Je fuis , Madame ma chere m ere, avec refp eft,
V otre trcs-humble & obcilfant ferviteurK
Marquis
de
C abris.
M ercredi au foir.
Au dos de ladite lettre eji écrit,
A M adam e,
Madame la M arquife de Cabris , douairière,
A G rafle.
n
L ’an
°
y
x.
mil fept cent quatre - vingt - quatre, & le dix-huit Février,
Nous Huiflîer royal, reçu au Siege de cette ville de GraiTe , y réfident,
foulfigné , à la requête de la dame de M irabeau, dame marquife de
Cabris , avons fommé Si interpellé André Court, ancien domeftique
de M . le marquis de Cabris , de.certifier au bas du préfent, les faits
qui font de fa connoifTance depuis l’année mil fept cent feptante huit,
furies traitemens faits audit fieur marquis de C abris, & la qualité des
alimens dont on l’a nourri depuis ladite époque, & fur les foins que
l’on a çus de fa perfonne pendant le même tem s, à l’effet de quoi
lui avons baillé copie du préfent exploit parlant à fa perfonne,
trouvée cafuellement en cette ville de GraiTe.
Sur laquelle interpellation ledit André Court certifie &
attefte que
depuis l’époque que M . le marquis de Cabris a été in terd it, & que
la dame fon époufe a été feparée de lui pour relier dans un couvent j il.
Y ij
�171
a demeuré à titre de domeftique dudit feigneur marquis de Cabris J
dans fon château dudit lieu , Jufqu’au premier jour de Janvier delà
préfente année ; qu’il a vu pendant cet intervalle que ledit feigneur
marquis de Cabris étoit gouverné par le fieur A lziafy , pere , homme
d ’affaires de la damemarquife douairiere, & p ar la nommée Marianne,
fa fille de cham bre, qui commandoit tous les domeftiques ; que la
dame douairiere reftoit prefque toujours à G ra d e , & le fieur Alziary
reftoit à Cabris avec ladite Marianne , fille de chambre ; ledit Alziary
faifoir pourtant quelques abfences de quinze jours ou environ } alors
ladite Marianne étoit à Cabris pour donner les ordres &c gouverner ;
que le fieur Alziary mangeoit ordinairement à la même table de M .
le marquis , & l’un & l’autre étoient nourris des mêmes alim ens,
foit en ragoût ou rôti j que quoique madame la marquife douairiere
eût recommandé au fieur A lzia ry , de ne point donner de vin à M . le
marquis, ni du café & rarement du tabac, néanmoins il lui faifoit boire
du vin , fouvent pur , Sc lui faifoit prendre du café; il lui donnoit
aufîi du tabac j &c lorfque les domeftiques lui repréfentoient que tout
cela étoit contraire à la fan té de M . le m arquis, & aux ordres don
nées par la dame fa m ere, ledit fieur Alziary répondoit que la maladie
de M . le marquis étoit incurable , Sc que le v i n , le café & le
tabac , ne pouvoient pas lui faire plus de mal qu’il n’en a v o it, Sc le
répondant com m e les autres domeftiques s’étoi’ent apperçus que le fieur
A lzia r y , avoit toutes les complaifances pour M . le marquis , pour
le guérir de l’ averjion qu’ il avoit pour lui ; il certifie encore que pen
dant quelques années, & dans le mois d’Aoitt ledit feigneur marquis
<le Cabris, accompagné dudit fieur A lziary, & quelques autres domefti
ques , dont le répondant étoit du nom bre, a été paffer quelques jours
aux m oulins, près la riviere de Siagne , & a pris des bains dans ladite
viviere, qui lui étoient favorables pendant les cinq à fix premiers jours;
mais le fieur Alziary lui faifoit boire du vin Sc avec plus d’abondance
le fo ir , ce qui l’incom m odoit, Sc lui donnoit de fortes altérations -y
de plus-, le répondant certifie que le nommé Cavalier , donnoit à
boire de l’eau-de-vie audit feigneur m arquis, au vu & fu dudit fieur
Alziary q u i, fur les reproches que le répondant Sç les autres domef-
�17î
tiques lui fa ifo ie n t, répondoit toujourts que rien ne pouvoit augmen
ter fon mal , ni le guérir , & qu’il falloit lui donner tout ce
q u ’il
dem andoit, tant en alimens qu’en boiflon ; cependant , le répondant
rappelle que lorfque ledit feigneur marquis avoit bu une certaine
quantité de vin , ou d’eau-de-vie, & pris du café qu’on lui préparoit
fort chargé , il étoit beaucoup altéré & plus mal qu’à l’ordiuaire ;
puifque c’étoit ordinairement après ces fortes de boilfons contraires ,
que M . le marquis demandoit pendant une partie de la nuit à boire -y
le répondant certifie encore que fouvent il avoit reprcfenté auditfieur
A k ia ry , que fi madame la marquifede C abris, belle-fille, revenoit, ôc
que fon m ari, ou tout autre , lui apprît le peu d’attention qu’il avoit
dans le choix des alimens & de la boiiïon qu’on donnoit auditfeiçneur
marquis de C a b ris, elle en feroit fâchée , fur quoi ledit fieur Alziary
répondoit que cela n’arriveroit jam ais, & que fi l’on confioit la perfonne de M . le marquis à fon épo u fe, elle iroit l’enfevelir dans
quelque lieu inconnu , pour être libre de vivre à fa fantaifie ,
ayant même ajôuté bien d’autres propos, que le répondant n’ofe
expliquer i c i , & a figné à ce qu’il nous a dit. Fait p réfent, Guil
laume M aurcl, revendeur, & Jean Girard, travailleur de cette
v ille , n o s témoins fouflïgnés avec nous Huiflïer , figné A . Court,
M aurel, Girard, & Brueri , HuiJJîer ; au-deffous eft écrit,
a
G ra s s e , le
figné
J
e
C o u rt.
18
F evrier
1784 ,
reçu douze
co n trô lé
sols n eu f d e n ie rs,
/
foufligné Mathieu Pichot , ancien domejlique du château de C a
bris , certifie en faveur de la vérité , qu’il y a environ trois ou quatre
ans, & pendant le tems que je fervois en qualité de domeftique dans
Je château de Cabris, je m ’apperçus plufieurs fois qu’on faifoit prendre
du café à M . le marquis de Cabris , quoique le médecin l’eût défendu,
&c même qu’après lui avoir donné du chocolat , 011 lui faifoit encore
prendre du café un moment après ; qu’on lui donnoit fouvent du vin
à boire , & particulièrement lorfque le fieur Alziary pere , mangeoic
avec ledit feigneur marquis , à la meme tab le, & cela malgrc la
défenfe du médecin & de madame fa mere , & que j ’ai vu plufieurs
fois en ayant fait des reproches au fieur Alziary & André fon domef-
�* 7 4
tique, h certifie encore , que pendant le m êm e tems ï moniteur de
C a b ris, n’étoit point vifité par aucun médecin , n’ayant vu M . le
médecin Roflîgnol au château qu'une feule fois, Sc le fieurRaynaud,
Chirurgien , ne l’alloit voir que pour le rafer. Je certifie encore que
madame m’ayant ordonne d’accompagner moniteur fon fils aux mou
lins de Cabris , près la riviere de Siagne , où il fut pour prendre les
bains froids dans la riv ie re , accompagné encore du fieur Alziary Sc
d ’André fon domeftique 5 je vis avec fatisfaition que les bains
croient favorables à M- de Cabris , pendant les cinq ou iïx premiers
jours îk étoi.tfort tranquille, me rappelant qu’il écrivit une lettre pour
madame fa m ere, qui pour lors étoit à la ville de Graife , & dont il
me fit lire, Sc dont je me rappelle encore de quelques phrafes que voici :
ma chere mere, tranquillifez-vous fur mon fort, j e fuis fâché des peines
que je vous ai données, je me trouve beaucoup m ieux, Sc jç vousfouliaite le bon jour ; embraiTez Pauline'je vous prie , & dites lui que
je deiire la voir au plutôt.
M ais comme André &c le fieur Alziary pere, lui donnèrent à boire
du vin & fouvent, par cette raifon lui fut contraire ; une n u ir,
com m e il avoit bu une certaine quantité de vin à fon fouper, il fe
trouva fort altéré ; le (ieur Alziary Sc André le fermerent dans fa
chambre & furent fe coucher dans des appartemens éloignés de celui
de M . le marquis ; ayant demandé de l’eau Sc étant feul dans l’anti
chambre je lui en donnai une cruche , il en but plufieurs coups ;
une demi-heure après Sc vers les onze h eu res, fe trouvant encore
altéré il demanda encore de l’eau , je lui en donnai, ce qui m’en
gagea d’aller frapper à la porte du fieur Alziary , pour l’avertir de
•cc qui fe palloit & pour obliger André de fe rendre à l’antichambre
de fon maître avec moi ; le fieur Alziary ne fe remua pas du tout ;
je fus prier Sc foüiciter André avec menace d’en porter plainte à
Madame la douairiere de leurs négligences , & alors André fe rendit
avec moi , & il entra avec moi dans la chambre de fon m aître, au
quel nous donnâmes encore à boire de l’eau , Sc peu après M . le
marquis rep o faju fqu ’au lendemain vers les huit heures tranquillem en r, & pour être la vérité telle , j’ai écrit Sc figné le préfent. Signé
M , Pichot. A . Cabris. Ce 16 Février ^784.
�*75
N °.
V I I .
J e fouflîgnc Alexandre Court, Confui de la communauté de ce îieu
de C a b ris , en l'année derniere , certifie qu’après le confeil de ladite
c o m m unanté, tenu la fécondé fête de Pentecôte , & auquel j’affiitai ,
le fieur Alziary , hom me d ’affaires de madame la marquife de Cabris,
douairiere , me préfenta un certificat tout dreflé fur papier tim b ré ,
co nten an t nombre de faits que ledit fieur Alziary me follicita d ’attef-
t e r , portant entc’autres , que M . le marquis de Cabris étoit fuivi
journellement par un Chirurgien , 8c qu’un médecin de G rafle venoit
le viiïter fréquemment , qu’il mangeoit à la table de la dame fa
niere , lorfqu’elle venoit à Cabris , & que ledit fieur Alziary ne le
quittoit jam a is, & autres faits relatifs aux traitemens dudit feigneuc
marquis de Cabris. ; 8c après avoir lu ce certificat, ayant trouvé que
les faits y énoncés n’étoient pas véritables, je refufai de le figner,
malgré toutes les inftances 8c les menaces dudit fieur Alziary. Je
certifie encore que ledit feigneur marquis de Cabris , n ’avoic que
deux dcmelliques , 8c qu’il n’y en avoit jamais qu’un qui le fuivît y
ëc fouvent M . de Cabris alloic promener feul , 8c le domeftique
n ’alloit le joindre qu’un tems après, n ’ayant jamais oui-dire que
ledit feigneur marquis pendant fa maladie , ait menacé ni infulté
aucun habitant ; & enfin je certifie qu’ayant aflifté aux deux confeils
des mois de Novembre 8c Décembre d e rn ie r, dans lefquefs il fut
queftion de finir avec le fermier des moulins à huile , l’article des
dommages & intérêts auxquels il fe trouve condamné envers la
communauté , & de finir en même tems avec le feigneur de ce lieu,
l’articleconcernaiy: le-chauiïâge des chaudrons, je fus d’avis de ne finir
l e s conteftations quelorfqu’on lepourroit valablement avec M. le m ar
q u is , ou un adminiftrateur légitime , 8c parce que je fus de’ cet avis
les perfonnes qui agiiToient pour favorifer le fermier des m oulins,
&c les gens d’affaires de madame la marquife douairiere me mena-^oient de me faire enlever par la voie de retrait féodal , le bien
que j ’avois acheté du fieur Ardilfon , dans lequel il y a une récolte
�iy6
d’environ vingt-cinq moutes d’olives \ ce qu’on auroit effe&ué , à
ce que j’appris enfuite , fans la oirconftance d’une ordonnance de M M .
du Châtelet de P aris, précédé d’un arrêt du C on feil , qu’ils ont été
iignifiés
à
la communauté de ce lieu, par
lefq u e ls
l’adminiftrauon des
biens 8c revenus de M . le marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en
foi de quoi j ’ai iîgné le préfenr. Fait à Cabris le dix-fept Février mil
fept cent quatre-vingt-quatre , figné
N °.
COURT.
V I I I .
L ’ a n m il fept cent quatre-ving-trois, 8c le feize A v r i l , nous Huit,
fier royal au Siege de la ville de GraiTe, y réfident, fouffigné \ à la
requête de dame M arie-Catherine-Louife de Riquety de Mirabeau ,
cpoufe de M eilire Jean-Paul de Clapiers , feigneur , marquis de C a
bris , 8c autres lieux , a&uellement en la ville de Paris , au couvent
de bon Secours , qui a élu domicile pour le tems de d r o it, chez nous
H uiflïcr: fur la connoiiTance que ladite dame a eu que fur les juftes
réclamations qu’elle a prifes contre l'arrêt du Parlement de Provence,
du 9 A vril 1778 , & tout ce qui l’a précédé 8c fuivi on tente de mafquer les faits relatifs à l’état affligeant dans lequel, on a réduit M. le
marquis de Cabris , fon m a ri, 8c la négligence apportée fur l’éduca
tion de mademoiselle Pauline de Cabris ; que dans ces circonftances
ladite dame 11e doit avoir recours qu’à l’univerfalité des habitans de
C a b ris, qui ont tous été témoins 8c le font encore , de la maniéré
avec laquelle on a traité M. le marquis de C a b ris, leur feigneur , 8c
on a négligé l’éducation de mademoifelle Pauline de Cabris j à ces
caufes, avons fom m é, requis 8c interpellé les fieurs M aire 8c Confuls
de Cabris , de convoquer tout incontinent 8c fans délai , le Confe
général dé la communauté , pour lui faire part dé la préfente fom mation , 8c de déclarer s’il eft v ra i, i°. que depuis que M . de Cabris
eft fous l’interdit , ils-ont jamais vu qu’il ait été vifitc 8c fuivi par
des n ié jecilis . 1 o>qu’ils n’ont jamais vu à fon fervice & près de lui
que deux payfans • jo <q U’i[s l’OI1t fouvent vu promener, fuivi par ces
deux payfans, quelquefois par pun J ’eux feulement, 8c d’autrefois par
l’agent
�Vf 7
l ’agent de madame la marquife douairiaire \ 40. que pendant I’E ré ,
on l’a vu par fois aller aux moulins de Cabris , où il reftoit avec les
deux payfans Sc les agens , fans autre compagnie ni fecours j 50. qu’ils
n’ont jamais v u , lorfque M . le marquis de Cabris promenoit ou qu’il
croit aux moulins de Cabris , qu’il ait rien fait qui puîiTe donner
une marque vifible d’un état à défefpérer fur le retour de fa fanté en
lefoign an tj 6 a. que lorfque les adminiftrateurs ont vifité madame la
douairiere , ou pour affaires ou pour vifites de devoir, ils n’ont jamais
vu M . le marquis de Cabris auprès d’elle , quoiqu’on le vît promener
fuivi des payfans qui font auprès de lui ; 7 0. qu’il eft public que M . le
marquis mange à fon particulier dans une chambre du château qu’on
lui a deftinée, fervi par ces deux payfans ; 8°. que madame la douai
riere a fait la plupart du tem sfon fé|our & fa réfidence à GrafTe , 8c
qu’entr’autres elle y a refté depuis le commencement de Septembre
dernier, jufqu’au vingt-neuf du mois de M ars, qu’elle eft arrivée à
Cabris \ 90. que lorfque madame la douairiere eftàG raiTo, fon agent
y fait des voyages très-fréquens, & y féjourne quelque tems ; io°. que
, madame la douairiere a actuellement auprès d’elle au château, madem oifelle Pauline de Cabris , qui étoit ci-devant au couvent de GraiTe;
£ i°. que mademoifelle de Cabris n’a au château d’autre compagnie
que madame fa grand-mere j n " . que depuis le mois de Février
dernier, on a préfenté aux adminiftrateurs & autres habitans, un cer
tificat tout drellé à figner ; que ce certificat étoit préfenté par l’agent
de madame la douairiere j 13 °. & enfin , que. les adminiftrateurs ont
refufé de le figner, parce que l’ayant lu ils reconnurent qu’il n’étoic
pas en tout conforme à la vérité : tous lefquels faits étant vrais & de
notoriété publique, l’habitation entiere ne fauroit refufer de les attefter en faveur de leur feigneur, & de ladite marquife de Cabris fon
cp ou fe, qui ne veut qu’éclairer la Religion de Sa Majefté • & de fes
M iniftres, fur tous les objets relatifs à e lle , à M . de Cabris 5c à ma
demoifelle de C a b ris,
pour
obtenir juftice contre tout ce que les fur-
prifesleur ont faitfouffrir jufqu’à préfent, avec déclaration qu’au cas
de refus ou de filence, madame la marquife de Cabris le regarderoit
Z
�17*
ou comme une crainte, dont le feigneur auroit à fe plaindre contre
fes habicans, lorfqu’il s’agit de fa fan t é , de fon honneur, 8c de celle
de fa poftérité , par confisquent du bien des habitans , ou comme
un nouvel abus de l’autoriré qui l’occafionneroit 8c qui pourtant
n’excuferoit pas fes habitans à due communication , 8c leur avons
donné copie du préfent a<5te , en leur domicile, parlant à la perfonne de
Sc Honoré C a u v iii, M aire 8c premier Conful , tarit po\ir lui que pour
fes C ollègues, en ce lieu de C a b ris, ou de la ville de Grafle : je me
fuis porté diftant d’une lieue. Signé R i p e r t . Contrôlé à GraiTe, le i3
A v ril 1785., reçu douze fols neuf deniers >figné C o u r t .
E X T R A I T du cahier des délibérations de la Communauté
de ce lieu de Cabris, du contenu Jimplement de l'article
concernant le Seigneur de ce même lieu.
D u vingt-un Avril mil fept cent quatre-vingt-trois, a C ab ris, dans
l’H otel-de-V ille, le Confeil général de la Communauté de cedit lieu
de Cabris, a été aiïemblé par mandement du fieur Etienne Coure,
Lieutenant de Juge de cedit lieu, & à la requête de fieur Honoré Cau\ïny
M aire 8c premier Conful de ladite Communauté; 8c c’eft par la voie
& organe de François Bouge, fils de Claude, V alet de V ille de ladite
Com m unauté, attendu l’abfence de fondit père, tant en cri public
que par billets aux gens de la campagne, ainfi qu’il nous a rapporté
avoir fait ; & c’eft fous l’autorifarion 8c préfence dudit fieur Lieutenant
de J u ge , où ont été préfens fieur Honoré Cauvin, Maire & premier
Conful moderne; fieur Alexandre Court, fécond Conful moderne j
Abram Court, Eftimateur jadis; Honoré B outkr, M enager; André
Maccairy, Regardateur m oderne; Henri Maure!, Regardateur jadis;,
fieur Jeafi Daver, fécond Conful jadis; Honoré Pellegrin, Regarda
teur moderne ; Honoré Court, Confeiller moderne ; fieur Pierre Belline,
Maire jadis; PUrre Court, Confeiller jadis; Laurent Ajlavene, Eftimaicur jadis\ Honoré Rouftan, Eftimateur moderne; Pierre Bauje, Confeiller jadis, Honore’ Roujlan, Eftimateur jadis ; AnnibalDaver, C011-
�l79
feiller jadis; Jeàn-Bapûjle Üaver, Confeiller moderne; fieur Jean.
Raynaud, Auditeur jadis; Crijlol Ardijfon, Eilimateur nioderno;
Charles Court, Auditeur moderne; Antoine Court, Confeiller moderne;
Jean-Baptijle Cateaux, Confeiller moderne ; Jean-Baptijle Afiavene,
Confeiller moderne; JeanCourt, à feu Jean-Baptifte; Etienne Trabaudt
Regardateur jadis; fieur Honoré M ane, Notaire; Lazare Sauteron~y
Jean Daver, à feu autre; E/prit Çauvin, Eftimateur moderne; André
Vergatttr ; Honoré Raymond; Honoré Vergatter, fils d’André ; Honoré
Roujlan, à feu autre; 7e<j/z 7 r«e, à feu Laurent.
'En troifieme lieu, les fieurs M aire& C o n fu ls ont dit qu’il a été tenu
le feize du courant, un exploit , à la requête de madame M arieCatherine-Louife de Riqueti de M irabeau, cpoufe de Meflïre de C la
piers , M arquis, Seigneur de ce lieu. Lequel exploit a été mis fur le
bureau, pour y être délibéré ce que de raifon.
Sur la troifieme propofition, dont leéhire a été faite, ainfi que de
l’exploit y mentionné, le préfent Confeii a déclaré, i°. que depuis
l ’interdi&ion de M . de C a b ris, aucuns des Membres du Confeii
n’ont vu venir au Château de ce lieu, aucun M édecin, à l’exception
du fieur Jean Raynaud, Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu venir
q u e l q u e f o i s depuis l’cpoque de ladite interdidion ; 2.0. qu’il a vu à
fon fervice deux domeftiques ; le premier André C o u rt, travailleur;
le fécond Jacques Cavalier, garçon Cordonnier; le troifieme Jean
C o u rt, fils dudit A n d ré, aufli travailleur, & Jean-Baprifte Achard,
Régent des écoles; les trois derniers fe font fuccédés d’un à l’autre,
de maniéré qu’il n’y en a jamais eu que deux jufqu’aujourd’hui; enfuite
que ceux qui y font a&uellement, font Laurent Pellifie* travailleur,
5c ledit André C ourt qui le fuivent à fes .promenades, tantôt tous les
Jeux, tantôt qu’un feul, & quelquefois avec l’homme de confia'nce,
ajoutant qu’il y a une femme de chambre & une cuifiniere par fois;
30. que lorfque M . de Cabris va à la prom enade, il eft accompagné,
ainfi qu’il a ccé dit ci-deffus; 40. que lorfque M . de Cabris va à la
riviere de Siagne, pour y prendre les bains, il eit accompagné par
ledit homme de confiance, fuivi des deux hommes qui le fervent
Z ij
�ïE o
adiîelkm ent, 8c vilîtc quelquefois par ion Chirurgien; 50. qn’on ne
ps«; rien ftatuer fur l'état de M . de C a b ris, dans le rems qu’il étoit
aux moulins, attendu l’éloignement d’une
heure
& demie qui fe trouve
du village; <5°. aucun des Membres du Confeil étant au Chareau
n’ont vu M . de Cabris avec madame £1 m ere, à l ’exception du (leur
Jean Raynaud, fon Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu quelquefois
avec ladite mere. 7 0. Le C onfeil ne peut rien déclarer fur la fe'ptieme
réquifuion de l’exploit, parce qu’ils ne fréquentent pas l’intérieur du
Château; 8°. que madame la M arquife de C abris, douairiere, fait
fa réfidènce tantôt en ce lie u , tantôt en la ville de GraiTe; 90. que
l ’homme de confiance de madame de Cabris fait des voyages de tems
en cems à GraiTe & ailleurs; io °. que madame la douairiere a depuis
peu de jours mademoifelle Pauline de C abris, fa petite-fille, auprès
d’elle. 1 1°. Les fieurs Maire , C on fu ls, ont déclaré que véritablement
il leur fut préfenté par l’homme de cqnfiance un certificat, 8c que
lTayant lu , ils virent qu’ils ne pouvoient pas certifier tout le contenu;
8c que le fieur homme d’affaires le fit recopier en fupprimant tout ce
que nous 11e pouvions pas certifier, & nous l’ayant préfenté de nouveau
à figner, nous le priâmes de nous en difpenfer, pour 11e pas entrer
dans le débat de nos fnpérieurs.
Et de tout ce qne deiTus, les Sieurs ailemblés ont requis les fieurs
Etienne C o u r t, Lieutenant de J u g e , de leur eii concéder adte; ce
q u ’il a fait, & aligné qui a fu & voulu. Signés E. C o u r t , Lieutenant
de Juge;
Jkan
Jean
M aire; C o u r t , C onful; P e l i s s e , C o u r t , audit
T r u e ; R a y m o n d ; L. P e l l e g r i n ; M a u r e l ; H o n o r é C o u r t ;
D a v e r ; P i e r r e B o u g e ; M a r i e I s n a r d , Greffier, tous à
C au vin ,
l’original. Collationné. Signé
Isnard,
Greffier, en la minute des
préfentes.
N °.
J
X .
S u r pareil acle fa it aux nommés Jofeph & François
Raybaud y freres y le 1 y Février.
Lesdits
Raybaudyfreresy enfuite de l’interpellation ci-defïus, dé-
�i 81
d a te n t &: certifient qu’il y a environ crois ans, comme ils habiroîenc
une mai fon dont les fenêtres vifent au Château du préfent lieu, ils
virent M. le Marquis de Cabris qui promenoir au devant du Château,
& enfuite il vint promener fur la vigne, tout auprès de la glaciere;
létant là, ledit Seigneur Marquis dit au nommé Jèan G burt, fon
d o m e ft iq u e , qu’il vouloir aller promener fur l’allée de Saint J e a n ;
C ourt ne voulut pas y confentir, & comme M . le Marquis infiftoit,
C ourt le menaça de le battre, Sc alors ledit Seigneur Marquis ayant
pris la route de l’allée, ledit C o u rt lui donna plufieurscoups de poings,
ce qui obligea ledit Seigneur Marquis de courir dans le Château. Les
répondans certifient encore d ’avoir oui dire publiquement que ledit
Seigneur Marquis ctoit batu par fes domeftiques. Et nous Sergent ayant
, requis lefdits Raybaud de figner, ils ont déclaré ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont Sc Jean Pelijfc, de ce lieu, mes témoins.
Signés
F o r t o n t ,
P e l i s s e ,
C.
B o u g e .
A u-dejjous eji
écrit :
C o n t r ô l é d o u b l e a G r a s s e le d i x - h u i t F é v r i e r m î l s e p t c e n t
Q U ATRE-VIN GT-Q UATRE. R eçu
VINGT-CINQ
SOLS S I X
UENIERS.
Signé C O U R T .
N°.
P A RE I L L E
X.
fommation du même jour
a
Antoine
Raybaud.
L edit
Antoine Raybaud, en fuite de l’exploit ci-deiTusj déclare &
certifie qu’il y a environ trois ans, fe trouvant au Claux avec le nom mé
Jean C o u r t , domeftique de M. le Marquis de ce lie u , en parlant dudit
S e i g n e u r M arquis, ledit Court dit au répondant, que dans la matinée
du
même jour, à mefure qu’il chaufloic ledit Seigneur M arquis, celui-
ci
lui donna un foufflet, Sc que lu i, Jean C o u r t, avoit donne vingt
coups de bâtons fut le dos dudit Seigneur Marquis j ajoutant & répon*
dant qu’il a ouï dire publiquement que ledit Seigneur Marquis étoir
battu par fes dom |ftiques; l’ayant requis de figner, a dé c l ar é ne favoir.
�18 1
me§
Le tout fait préfent Jofeph Fortont Sc Jean peiïjfe, de ce lieu,
tém oins, fouflignés. Signes F o r t o n t , P e l i s s e , C. B o u g e . Au-dejjous
ejl écrit :
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d ix -h u it F é v r i e r m il sept c e n t q u a t r e VINGT- QUATRE.. REÇU DOUZE SOLS NEUF DENIERS.
N° .
X
I
.
Signé
C O U R T ,
.
L a nommée D aum as, interpellée de même.
Ladite
Daumas a répondu & certifié fur l’exploit ci-deflus, qu’elle
a ouï dire publiquement que M . le Marquis de Cabris étoit battu
par fes domeftiques; & un jour pendant le tems que madame de
Cabris, belle-fille, étoit exilée, elle vit venir M . le Marquis d e l à
prom enade, & il vouloit traverfer le village pour fe rendre au Château;
Jean C o u rt, fon domeftique, voulut l’obliger de paiïer dans le pré
qui eft à côté du village, & comme M . le Marquis infiftoit, le domeftique fie força, en le m en a ç a n t, de paiTer dans le pré ; fur quoi ledit
Seigneur tout affligé, dit alors à haute voix, qu’il étoit bien fâcheux
pour un hom m e de fon ctat, d’être obligé d’obéir en tout à un coquin
de domeftique ; ajoutant la répondante qu’elle a vu paiTer fouvenc
M . le Marquis de Cabris qui alloit promener to u tfe u l, & un intervalle
de tems après, un de fes domeftiques l’alloit joindre; requife de figner,
a dit ne fa voir.
Fait prefens Jofeph Fortont, Jean Peliffe, de ce lieu, mes tém oinsl
fouilignés. Signés
efl écrit :
F o r t o n t ,
Pelisse,
C.
Bouge,
Au-deffous
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d i x - h u i t F é v r i e r m i l sept * c e n t q u a t r e vingt
- q u a t r e . R eçu d o u z s sols
neuf
deniers.
Signé C O U R T .
�i83
N°
L A
X I I .
demoifelle Anne Roure , veuve Court t également
interpellée.
L adite
demoifelle Roure, veuve Court, enfuite de l’exploit ci-deiïus,
a déclaré ^-certifié qu’un Jour pendant le tetns que madame de C a b ris,
belle-fille, étoit exilée, fortant de la tribune de l’Eglife, elle entendit
que M arianne, femme de chambre de madame de C abris, douairiere,
difpuroit avec M. le Marquis de ce lie u , & que ladite Marianne lui
difoit, en criant à haute voixj vous êtes fo u , 8c vous ferez toujours
fou ; ce qu’elle répéta cinq à fix fois d’un ton menaçant.
U n autre jour elle rencontra le nommé Achart, domeftique du
Château, avec lequel elle parla d e j a maladie de M . le Marquis,
& demanda â ce domeftiqiie comme il fe trouvoit; fur quoi le domef
tique lui dit qu’il étoic tantôt bien, tantôt mal; la répondante die à
'ce domeftique que fi M. le Marquis recevoir quelque lettre de la
part de fou époufe, peut-être que cela lui feroit plaifir, 8c qu’en
lui f a i f a n t rep o n fe , cola l’occuperoit quelques momens. Sur quoi
ledit Achart, domeftique, lui répondit qu’il y avoit dans la maifon
des défenfes les plus txprefies de ne remettre audit Seigneur Marquis
aucune lettre de la part de fa fem m e, ni de tout autre, 8c de ne lui
fournir ni papier ni plum es, afin qu’il n’écrivît aucune lettre ni à fa
fem m e ni à fes amjs. Cette tonverfation ayant été rapportée au fieur
Alziary, homme d’affaires de madame la douairiere, celui-ci en prie
occafion de faire un faux rapport à madame la douairiere, à laquelle il
dit que ledit A c h a rt, dom eflique, lui avoit rapporté que la répondante
avoit dit que ladite dame étoit une vieille forciere; fur quoi madame
la douairiere fit avertir la répondante de
fe
rendre à GraiTe, où elle
reftoit prefque continuellement, 8c s y erant r e n d u e , elle eut des
reproches de la part de ladite dame fur les faux rapports, la répon
dante ayantfoutenu que c’étoït une invention, & q u ’el l e vouloir que
s
�184
le rapport lu! fur foutenu en face, ladite dame lui dit de retourner
à Gratte, 8c qu’elle y feroit aller ledit A ch art, dom eftique, pour fe
confronter en préfence dudit fieur Alziary ; 8c s’y étant rendue le iour
aflîgné, elle y trouva ledit fieur Alziary &c ledit A chart, lequel foutint en face dudit fieur A lzia ry , qu’il étoit faux que la répondante eût
dit que madame la douairiere étoit une vieille forciere, & ledit
Alziary fut honteux & n’eut pas le courage de répondre au domef
tique ; certifiant la répondante, encore qu’elle a ouï dire publique
m ent que M . le Marquis étoit battu par les nommés C ou re, fes
dom eftiqûes, l’ayant requife de figner, a dit ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont 8c Jean Pelifle, de ce lieu, mes tém oins,
foulîignés. Signés F o r t o n t , P e l i s s e , C . B o u g e .
C o n t r ô l é a G r a s s e le d i x -h u i t F é v r i e r m i l s s p t c e n t q u a t r e v i n g t -q u a t r e .
R e ç u d o u z e s o l s n e u f d e n i e r s . Signé C O U R T .
N °.
X
I
I
I
.
Je fouifigné Pierre Daver, Auditeur des Comptes de la Com m ué
nauté de ce lieu, en l’année mil fept cent quatre-vingt-deux, certifie
que m ’étant trouvé dans le Confeil de ladite communauté du mois
de Décembre dernier, dans lequel il fut propofe de finir avec les
Fermiers des m oulins, l’article des dommages & intérêts auxquels
ils fe trouvent condamnés envers la Com m unauté, 8c de finir en
même tems ayec le Seigneur du préfent lie u , fur l’article concernant
le chauffage des chaudrons, je fuis d’avis de 11e finir les conteilations
que lorfqu’on le pourroit valablement avec M . le M arquis, ou un
Adminiftrateur légitim e; 8c parce que je fus de cet avis, les perfonnes
qui agiiToient pour favorifer les Fermiers des m oulins, & les gens
d’affaires de madame la M arquife de C ab ris, douairiere, me mena
cèrent de me faire enlever par la voie du retrait féodal, des biens
que j’avois achetés, ce que l’on auroit cfFe&uç à ce que j’appris en fuite ,
fans la circonftance d ’une ordonnance de M M . du Chârelet de Paris,,
précédée d’un Arrêt du C on feil qui ont été fignifiés à U Com m u
nauté
�i
8î
Haute de ce Ireu^ par lefquels l’adminiftration des biens te revenus de
M . le Marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en foi de quoi j ’ai figné
le préfent. Fait à Cabris le dix-fept Février mil fe p t cent quatrevintquatre. S i g n e P. D a v e r .
N° .
X
I
V.
N o t e s particulières pour fervir d'injlruclion a Madame
de Cabris. .
E l l e fait comment & par qui madame la douairiere fut féduire
k préfenter fa requête en forme de plainte du 6 Novembre 1,777 >
pour faire interdire M . de Cabris.
M ais ce qu’elle ne fait peut-être p a s, c’eft que ceux qui étoient
à la tête de ce p rojet, difoient qu’on ne demandoit une fentence
d ’interdidion contre le mari , que pour avoir une léttre de cachet
Contre 1 epoufe ; que pour juilifier leur defïèin , ils montroient cer»taines lettres de madame de C abris, qui établiiloient leurs prétendus
. griefs c o n tr ’elle : entr’autres M . le Boiteux , en repréfentoit une ,
écrite par madame de Cabris au iîeur BeliiTen , qui étoit entre fes
m ains, on ne fait com m ent, dans laquelle madame de Cabris difoic *
au fieur BeliiTen qu’elle ne vouloir plus entendre palier de fon m ari,
qui étoit un monftre de nature, &c. O n montrera peut-être encore
cette lettre, & d’autres que Ton difoit avoir de madame de M irabeau,
également outrageantes , & qui annonçoient un deiTein prémédité de
nuire à M . de Cabris ; des certificats de Lyon , relativement à une
affaire prétendue arrivée dans cette ville , q u i, félon les perfécuteurs
de madame de Cabris , prouvoient fon inconduite , & la ncceffité
de l’extrémité à laquelle 011 fe portoit contre le mari , pour fairc
enfermer la femme. O n pourra encore parler de ces lettres & certi
ficats , peut-être les montrer ; madame de Cabris doit fe prémunir
contre ces calomnies , & s’attacher à les détruire.
Elle ignore peut-être aufli que pour le fîmulacre dailemblée de
A a
�i86
jjarens i convoquée après la fentence d’interdi&ion , on fît choix des
parens de M . de C a b ris, qui ne contrediroient pas le projet affreux
de hû enlever fon exiitence. O n ctoit aifuré des abfens auxquels
011 faifoit entendre tout ce qu’on vouloit ; mais on favoit bien que
ceux de Grafle , qui voyoient par eux-mêmes ce my itéré d in iquité,
ne fe prêteroient pas à un projet auiïï horrible. Voilà pourquoi des
parens de Gralfe 011 ne convoqua que les deux beaux - freres & deux
autres qui croient neveux de l’un d’eux ; mais on fe garda bien
d’aiTembler M M . de Sartoux, de Puget, de Theas, dt Gars l’a în é ,
& c. qui fe feroient oppofés à tout ce qui fut fait dans ce fimulacre
d’ail emblée de parens.
Madame de Cabris ignore fans doute auiïï qu’après cette aiTemblée le placet de famille fur lequel on furprit la religion des M i
nières du Roi , pour la faire exiler dans un co u ve n t, fut fait 8c
dreiTé à Graife par M . le Boiteux ; que ce placet fut envoyé par un
porteur exprès à tous les parens des environs , & à A i x , & que par
conféquent tous les parens qui le fignerent, n’ont ni approfondi, ni
pu approfondir aucun des faits contenus dans ce placet.
Elle ne fait point non plus que lorfqu’on l’eût fait arrêter à A ix
Comme une crim inelle, avec le plus grand é c la t, M . le Boiteux qui
•*ctoit à la tête de cette exécution , manda prendre alors madame la
doüairiere, qui fe porta en la ville d’A ix. Son voyage eut pour m o tif
de faire retirer M . le marquis de Cabris dans fon château ; elle y
parvint en l’aifurant que fon affaire en interdidtion ne feroit plus
pourfuivie; M . de Cabris qui avoit été empêché par decret de la
C our de s’abfenter pour aller joindre madame de Cabris à Sifteron,
ne pouvant préfumer que madame fa mere le tromperait en le faifant retirer -, revint dans fon château de C a b ris, efeorté par un bour
geois du village dudit lieu , qui avoit accompagné madame la douai
rière à A ix. Il étoit fort tranquille, d’après l’aiTurance que madame
fa mere lui avoit donnée, qu’on ne faifoit point de pourfuites dans
fon affaire en interdiétion ; mais quelle fut fa furprife , lorfqu’on
lui apprit qu’on ne l’avoit fait retirer dans fôn château, que pour
�i B7
abufer de fon abfence Sc le 'pourfuivre ; il y fut fi fenfible , qU(î
pendant quelques jours Tes affe&ions nerveufes 1s plongèrent dans
un ctat trifte , 3c lui faifoient dire qu’on l’avoit trompé en lui enle
vant tout à la fois fon exiftence , fa femme , & l’adminiftration de
fes biens.
Elle ignore p eu t-être également que non feulement on fe pré
valut de l’abfence de M . de Cabris , mais que pendant la plaidoirie
on fit valoir des faits non prouves , pour faire entendre aux Juges ,
que depuis fon retour à Cabris , il avoit donné des preuves vifibles
& publiques de démence ; comme fi fur l’ctat d’un citoyen il étoit
permis de fe décider d’après des allégations ou des atreftacions ,
lorfque la juftice a déjà pris fes réponfes , fur lefquelles elle doit le
juger.
Elle ne fait pas non plus que la plupart des pareils abfens de GrafTe,
dont on a furpris la fignature , ont publiquement témoigné du regret
de n’avoir pas mieux approfondi les faits qu’ils ont atteftés, & furtout depuis que le premier mémoire de madame de Cabris , qui a
produit la révocation de fa lettre de cachet, fut rendu public.
A préfent perfonne ne tient plus à la confommation de cet affreux
p ro jet, q u i paroît être réduit à fon ternie , fi on en excepte M . le
Boiteux ëc tout ce qui efl: intéreiTé à faire entretenir cet ouvrage
d ’iniquité.
O n dit que M . le Boiteux tient à A ix des propos publiquement
injurieux & outrageans contre madame de Cabris fa niece.
Q ue M . Lemaïgre, frappé de ce qu’il a trouvé dans le mémoire
concernant le fupplément de légitime qu’on s’eft fait adjuger, a fait
vn mémoire ou lettre juftificative de ce qui a été fait à M . le G arde
des fceaux , & lui demande juftice contre ce m ém oire, fur l’impu
tation calomnieufe qu’il renferme contre les légitimaires.
P u i f q u ’il fe plaint, il femble que madame de Cabris doit a j o ut e r
par réflexion à fon m ém oire, qu’un Confeiller au parlement devroit
faY oir qu’il fonne très-mal d’attendre ôu de failir un tems d ’in te r-
A a i}
�}2 S -
diYHon pour ie faire adjuger un prétendu droit cintre l’interdit ;
qu'on a fi fort abufé de la foibleffe de la curatrice qu’on avoir créée,
& de ce que l’interdit ne pouvoit parler, que non feulement on s’eit
fait adjuger un droit qu’on n’avoit ofé réclamer en juftice contre
M . de Cabris ; &r tandis que les biens de la fucceilion, fur lefquels
ou l’a pris , n’ont été eftimés qu’au taux du trois pour cent , comme
domaine noble , 011 s’eft: fait adjuger & 011 a établi dans la tranfaétion le taux de l’intérêt du principal au cinq pour c e n t} que l’on
juge de l’acceiToirefi madame de Cabris a tort de crier & de fe plaindre
fur le fonds*
L e perfonnage nul à Grade , fe donne les plus grands mouvement
pour les ailemblées qui fe tiennent chez madame la douairiere ,
prélîdées par l’homme habillé de vio let, & où toute cette vile en
geance qui l’entoure , fabrique des mémo-ires pouE noircir madame
d e.C ab ris, & envoyer ce que l’étranger de nation qui fait nombre
dans ces aiTemblées, appelle le contrepoifon du mémoire de madame
de Cabris.
C es mémoires ont été envoyés à Aix par un porteur, pour être
fournis fous l’infpeétion de M . le B oiteu x, de M . le Maigre 6c des
Avocats d’Aix pour fo llicite r, à la faveur de ces mémoires , des
motifs favorables fur les arrêts attaqués.
O n d it, madame de Cabris fe plaint que l’arrêt du 9 Avril 177S
a été rendu fans conclufions du Miniilere public , tandis que tout
le monde fait que M . l’Avocat Général de Calilfane porta les con
clufions & plaida toute une audience.
Mais quand cela fe ro it, l’arrêt du C o n fe il, qui reçoit la requête
de madame de C a b ris, préjuge que le C onfeil veut tout voir , puis
qu’on demande & les procédures & les inrerrogaroires ; &c fur ces
pièces , quels que puiifent être les motifs que l’on donnera , tout
être penfant trouvera que c’eft une néceflitc pour une famille hono
rable , d’anéantir pour toujours l’ouvrage des perfécuteurs de cette
fam ille, qui n’a déjà fait que trop de bruit dans le royaume.
�1 8 cj
O n fera rcpondi'e, dit-on , au mémoire , on traînera i Aix én
lo n g u e u r, autant que l’on pourra , pour arrêter l’envoi des procé
dures i nt e r ro g a t o i r e s & motifs des arrêts ; on traînera davantage 3
Paris , po u r avoir le tems d e faire publier le mémoire contraire ,
en gagnant du tems , mademoifeile de Cabris aura douze ans , Si
une fois qu’elle fera pubere , fi on ne la marie pas dans les circonftances , on lui fera dire ce que l’on voudra contre tout ce que
madame fa mere dit à raifon de fon éducation ; madame d e Cabris
a le baptiftaire de mademoifeile de Cabris , elle doit veiller avecle plus grand foin à avoir prompte expédition à Aix & à Paris ; il
elle ne peut parvenir à l’obtenir avant le tems de la pubertée de m ademoifelle de Cabris , elle doit aller à toutes fins , & demander
au Confeil que tout reftera en l'état jufqu’à ce que Sa Majefte aie
ftatué fur fa requête , parce qu’après tous les attentats qu’on s’ell
permis , & avec le fecours du Confeil violet qui préfide les alTemblées , on pourrroit bien fe permettre encore celui de finir par le
iacrifice que craint avec tant de raifon madame de Cabris.
O n produira peut-être des certificats pour juftifier la conduite de
l’adminiftratrice , relativement aux foins qu’elle prend de M. de
Cabris. M adam e de Cabris ne doit pas craindre d ’avancer que fi
des certificats pouvoient être de quelque poids , elle aurait celui
de tout le village de Cabris & de toute la ville de GrafTe qui font
feandalifés de la maniere dont madame la douairiere néglige les
foins qu’elle devrait donner à fon fils en le livrant à des mercénaires qui achaque inftant aggravent fes maux au lieu de 1« fecouric
& de le foigner ; qu’elle eft fi certaine de ce qu’elje avance, qu’elle
s’en rapporte volontiers á des informations publiques que l’on pouroit prendre à fon infçu , fans qu’elle craigne d’être contredite , tant
l’indignation publique eft grande contre fes calomniateurs.
O n pourra relever encore le prétendu délabrement de la fortune;
de M . de Cabris que l’on attribue à madame de Cabris ; le papier
qu’elle a reçu , la m et à portée de répondre à cette faulle impu
tation.
�190
O n dira peut-être , M . de Cabris avoir cinquante mille écus de
capitaux qu’il avoit aliénés dans un court intervalle de teins ; mais
la bâtifle de la nouvelle maifon & l’affaire malheureufe q u ’il a eCfuyée, avoient confumé ce fonds , &c l’avoient mis dans la néceilité
de faire des emprunts ; ce n’eft pas madame de Cabris qui avoit
coopéré à ces deux objets de d é p e n f e jc ’eft lorfqu’etle veut être à
la tète de fa maifon , pour y mettre un ordre , qu’on cherche à la
détruire , pour y placer une adminiltracrice qui auroit befoin d ’être
adminiftrée elle-même.
,
C ette preuve fe tirera de ce qu’elle a fait depuis fon adminiftration 6c d après les notes inferees dans le papier que madame de
Cabris a reçu.
Elle peut ajouter qu’il n’y a q u ’un cri contre les Canfeils & les
entours de madame de Cabris la douairiere, que tous les parens
trop crédules, difent à préfent qu’elle a tort de s’en rapporter au
confeil d’un perfécuteur qui a violé une promeiTe facrée fous la foi
de laquelle le mariage de madame de Cabris avoir été f a i t , & qu’ils
défirent tous que madame de Cabris foit replacée dans fa maifon
8c dans la place q u ’elle doit o c c u p er
on en excepte ceux d’entre
,fi
les parens qui feroient intéreifés à la tenir éloignée.
U n nouveau mémoire deviendra néceiTaire pour frapper fur tout
ce qui a trait à ce qui a fuivi l’interdidion , &: notamment l’adm iniftration : tout le monde dit ; c’eft une horreur que madame la
douairiere abandonne fon fils pour préfider dans fa maifon autour
d’un tapis vert à Gralîe , fous prétexte d’infirmités , & que fa né
gligence foit portée jufqu’à le livrer entre les mains de deux payfans
qui l’excedent de coups , au lieu de lui donner des foins ; c’en
eft une autre de foudoyer avec douze cent livres un véritable ivro
gne , pour préfider à cet abus d’autorité de fa part , au lieu de les
employer aux honoraires d ’un médecin qui , en fuivant M . de
Cabris de près , auroit connu par la fuite du tems le principe de
fes affe&ions nerveufes , & l’auroit g u é r i , comme le fut monfieur
fon pere ; c’en eft une bien plus grande , qu’elle laiile mademoifelle
�191
de Cabris dans un couvent où il n’y a que des perfonnes inha
biles pour lui donner une éducation telle que fa naifffance & fa
fortune l’exigent : que juftice foit faite par le Roi à madame fa
mere , pour faire ceffer tant de maux , nous ferons des feux de
joie à Cabris & à Graffe , pour lui marquer notre fatisfaction ; voilà
les cris univerfels de ces contrées ; que madame de Cabris la d if e
dans fon nouveau m ém oire, fans crainte d’être contredite par la voix
publique.
Mc DE
B E A U S É J O U R , Avocat.
;
D e l'Im p r. d e D 'H O U R Y , Imp r.-Lib. de M g r le D u c d 'O r i Î a n s & de M g r le D u c
d e C h a r t r e s , rue Hautefeuille , près celle des deux Portes»
�
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Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Beauséjour
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
consuls
intrusions dans monastère
créances
affaire des affiches (1776)
experts
régime alimentaire
dénuement vestimentaire
jardins
huile d'olive
retrait féodal
domaines agricoles
dépression nerveuse
Description
An account of the resource
Mémoire et consultation pour madame la marquise de Cabris, belle-fille, défendant l'interdiction de son mari ; Contre madame de Lombard Saint-Benoit, , marquise de Cabris, douairière, poursuivant l'interdiction du marquis de Cabris, son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie d'Houry (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
191 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0115
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0114
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53990/BCU_Factums_V0115.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affaire des affiches (1776)
assemblées de famille
bibliothèques
consuls
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
dépression nerveuse
domaines agricoles
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
huile d'olive
intrusions dans monastère
inventaires
jardins
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
retrait féodal
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui