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11edef42e51a61367d29f4fea8131f6b
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Text
Sts
CONCLUSIONS
PRISES
A
L ’AUDIENCE,
LORS D E L A P L A ID O IR IE D E L A CAUSE,
POUR
L e citoyen B R U N intimé et appelant;
C O N T R E
L e citoyen V E R N I È R E , appelant et intimé.
�TRIBUNAL
CONCLUSIONS
Prises à L'Audience lors de La plaidoirie de la cause,
POUR
L e c i t o y e n B R U N , in ti m é et a p p e l a n t ;
C O N T R E
L e citoyen V E R N I E R E , appelant et intimé.
EN ce qui touche la demande judiciairement formée
à l’au d ien ce, en nullité de l’enquête ;
Attendu que c e tte demande n ’a point été form ée,
ni mêm e la nullité proposée devant le Tribunal de
première instance;
Attendu la disposition précise de l’article 4 de loi du
4 germinal an 2 , et l’art. 7 de celle du
3 brumaire
an 2 ,
déclarer le citoyen Vernière non recevable dans cette
demande en nullité ; et dans le cas où le Tribunal y
ferait quelque difficulté , ordonner
conformément à
A
d
’
appel
DE R I O M.
�W
t
«A
l ’article
36
( ^ )
du titre 22 de l’ordonnance de 1 6 6 7 , que
les enquêtes dont il s'agit, seront refaites (a);
E t dans le cas encore où le Tribunal croirait devoir
passer au jugement du fond et subsidiairement seule
ment , le citoyen Brun conclut audit cas :
En ce qui touche le fossé qui sépare le pré B lic li,
ou Assolent., de celui du cit. Brun., venu de F a y d it,
attendu que d’après l’usage coutumier, reconnu par
les experts et avoué par les parties, ce fossé étant à
l ’aspect de nuit du pré du cil. Brun, en est une dépen
dance nécessaire ;
Attendu en second lieu que ce fossé a toujours élé
recuré de la part du cit. F a y d i t , et que le terrain en
provenant a toujours été répandu dans le pré F ayd it,
ainsi que cela est prouvé par l’élévation qui se trouve
sur le pré Faydit dans toute la longueur de ce fossé,
dans la largeur d’environ douze pieds;
Atlendu que rien ne prouve que le cil. Vernière ait
jamais eu la propriété de ce fossé, et que l’agage en
maçonnerie qu’il y a fait construire postérieurement à
1792 ou 17 9 3 , n’est qu’une entreprise de sa part sur
le pré Faydit ;
(a) L e citoyen Brun 11e demande pas q u ’elles soient refaites
aux dépens du T ribunal de première in stan ce, mais bien aux
dépens de qui il appartiendra ; parce que à l’époque où ces enqu ¡tes ont été faites, les Tribunaux étaient divisés sur la question
de savoir, si les enquêtes devaient être laites publiquement et à
l’aud ience, ou secrètement par-devant l’un des juges ; cl que par
cette raison , il paraîtrait injuste de faire supporter au T ribunal
de première instance , les frais des nouvelles enquêtes.
�(
3
)
» Attendu que dans le procès-verbal d’adjudication doB ru n , son pré est confiné, sans aucun intermédiaire,
par celui du cit. Vernière, et que le droit de prise d ’eau
par ce fossé, lui est nommément v e n d u , qu’ainsi le
iossé se trouve renfermé dans l’objet confiné, et fait
partie du pré vendu ;
Attendu que mal à propos le citoyen Vernière se fait
un moyen de ce que l’art. 7 des charges de l’adjudica
tion porte , que l’adjudicataire prendra le bien dans
l ’état où il se trouvera à l’époque de son adjudication,
sans espoir d’indemnité ni dommages-intérêts, parce
qu’il ne résulte autre chose de l à , si ce n’est que la
nation ne voulait pas garantir les dégradations qui au
raient pu exister lors de l ’adjudication, dans les biens
nationaux, et non pas comme prétend le cit. Vernière,
que les adjudicataires ne peuvent pas exercer les droits
de l’ancien propriétaire, parce que si un voisin avait
commis une usurpation, la nation n ’a pas entendu cano
niser celle usurpation, elle s’est dépouillée en faveur
de l’adjudicataire, et lui a transmis tous les droits qu’a
vait l’ancien propriétaire ;
Sans avoir égard au rapport d’experts, dire qu’il a
•été bien jugé par le jugement dont est ap p el, mal et
sans cause appelé , ordonner que ce jugement sortira
son plein et entier efïet ;
Et faisant droit sur l’appel interjeté du même juge
m e n t, par le cit. B ru n , en ce qu e les parties ont été
mises hors de procès, sur la demande en dommagesintérêts du cit. B run , résultans de ce que le citoyen
A 2
�I^ L
( 4 ) >
Vernièrea nettoyé h son préjudice le fossé dont il s’agit,
et a profité du terrain qui en est provenu, dire qu’il
a été mal jugé quant à c e , émendant, condamner le
cit. Vernière aux dommages-intérêts du citoyen B run ,
pour lui tenir lieu de restitution de jouissances depuis
son adjudication jusqu’au désistement dudit fossé.
En ce qui touche les conclusions subsidiaires que le
cit. Vernière a prises pour la première fois sur l’appel,
tendantes à être auto’ isé à prendre, exclusivement au
cit. B ru n , l’eau du fossé dont il s’agit , pour Parrosement de son pré Blich;
Attendu à c e t ég a rd que c e t l e d e m a n d e n ’a pas été
formée en cause principale, et qu’en cause d’appel il
ne peut etre prononcé que par bien ou mal j u g é , et
jamais sur de nouvelles demandes, suivant l ’art. 7 de la
loi du
3 brumaire
an 2 ;
<
Attendu d’ailleurs que l’adjudication du cit. Brun lui
donne expressément le droit de prise d’eau dans ce fossé
pour l ’arrosement de son pré ;
Déclarer le cit. Vernière non recevable dans cette
demande.
'
E n ce qui concerne le chemin réclamé par le cit.
Vernière sur le pré du cit. Brun, venu du cit. F a y d i t ,
pour l’exploitation de son pré Boudanson, marqué au
plan, lettre D ;
Attendu i.° que le cit. Vernière ne rapporte aucuns
titres en f o r m e , qui établissent l’existence ancienne d’un
chemin public entre les prés Blich et F a y d it , et qu’au
contraire il résulte des contrats de i7&4> I 7 7 2 et
�(5)
S&\
par lui rapportés, qu’il n’existait pas alors de chemin
sur le pré Fayd.it, puisque par ces contrats le pré Blich
est co n fin é , sans m o y e n s, par le pré Faydit ; que la
même chose résulte encore de 1 adjudication du citoyen
B ru n , puisque le pré Faydit y est également confiné
de n u it, par le pré Blich, sans aucun interm édiaire,
ni mention de chemin ; qu’ainsi ces actes étant en forme
authentique , et formant mêm e le titre de propriété
du cit. Vernière et du cit. Brun, méritent la préférence
sur des copies informes de prétendues reconnaissances ,
qui n ’ont peut-être jamais existé, et qui d’ailleurs ne
peuvent pas être produites en cette forme (a) ;
2.° Que jamais le citoyen Vernière ni les anciens pro
priétaires de son pré , ne se sont servis de ce chemin ;
Attendu que le passage qui a existé dans celte partie
du pré F ayd it, était à l’usage des Hospitalières seules,
pour l ’exploitation de leur pré Cliapet, que ce passage
a été détruit depuis plus de cinquante à soixante ans
et réuni au surplus du pré F a y d it, et a été donné aux
Hospitalières dans un autre endroit du pré indiqué au
plan par les lettres A . B. C.
(a) L e cit. V ern ière a fait plaider que les contrats de 175 4,
1772 el 1 7 8 3 , n ’ ont pas été passés sur les lieux contentieux, et
qu’il a pu échopper aux parties de rappeler le chem in, qu’il sup
pose avoir e xisté, entre son pré Blich et le pré F a yd it; mais il
rapporte un acte de prise de possession de son pré 33lieh, de
l’année 1754; cet acte a bien nécessairement été fait sur son pré
Blich , et cependant il 11e rappelle pas plus que les contrats le
prétendu chemin ; donc il n’existait pas.
iV.
Le cit. Faydit n’aurait pas donné un nouveau chemin de
�Attendu que ce prétendu chemin n ’aurait même pas
d’issue , qu’ainsi il deviendrait inutile au cit. Vernière;
Attendu que le cit. Vernière lui-mêm e a déclaré dans
le rapport d ’experts, qu’il exploitait son pré, lettre D ,
par le p o rta il, lettre
q u 'il n’avait aucun intérêt à
réclamer un chemin sur le pré F a y d it, n i l ’envie d ’in
quiéter ses voisins; qu’ainsi, d’après son propre a veu,
il aurait abandonné son droit, si jamais il en eût e x isté ,
et queles servitudes ne doivent exister qu’autant qu’elles
sont nécessaires;
Attendu que quoique les experts aient dit que l’ou
verture du p r é , lettre D , est suffisante p o u r l ’e xp l o i t a
tion de ce p ré, néanmoins l’inspection des lieux prouve
que ce passage est absolument insuffisant pour un char
chargé de foin ; et qu’il est gêné par le dernier arbre
qui existe dans le pré du cit. B ru n , et par celui qui
existe sur le bord du fossé du pré lettre D , âgés au
moins de cinquanle ans ; qu’ainsi depuis leur existence
il est impossible que le p ré , lettre D , ait élé exploité
par cet endroit, et qu ’en cas de difficulté le rapport
d ’experts devrait être amendé ;
Attendu en lin que le terrain sur lequel le citoyen
Vernière réclame mi-chemin, fait partie du pré Faydit,
et se trouve compris dans les coniins donnés à ce pré,
dans le procès-verbal d’adjudication faite au cit. B run ,
puisque ce pré est confiné sans moyen par celui du cit.
servilucle au milieu de son p r é , si le prem ier eût dû continuer
d ’exister sur le bord du même p ré , pour celui du cit. V e r n iè r e ,
lettre D ,
�( 7 )
7
Vernière; qu’ainsi, en supposant que cettç porlion de
terrain n ’appartînt pas anciennement au cit. F a y d it ,
elle ne ferait pas moins partie aujourd’hui de ce p ré ;
Attendu que si c ’est à titre de servitude que le cit.
Vernière réclame un passage sur le pré F a yd it, il de
vrait rapporter un titre ou une possession trentenaire,
pour établir cette servitude;
Attendu que non seulement le cit. Vernière ne rap-^
porte aucun titre à cet égard , mais encore que loin
d’avoir la moindre possession, il est certain que jamais
son p ré , lettre D , n’a été exploité par cet endroit, et
que depuis plus de soixante ans le passage que les Hospi
talières y pratiquaient Irès-anciennement, a été réuni
au pré Faydit depuis plus de trente ans avant la de
m a n d e , qu’ainsi l’action du citoyen Vernière serait
même prescrite ;
Dire qu’il a été bien jugé par le jugement dont est
a p p e l, mal et sans cause appelé , et en cas de difficulté
et très-subsidiairement seulem ent, ordonner que par
de nouveaux experts les lieux seront encore vérifiés,
à l’effet de savoir si depuis l’existence des deux arbres
dont il s’agit , il a été possible d’exploiter le pré , lettre
D j par cet endroit.
En ce qui touclie la demande du cit. V ern ière, ten
dante à l ’enlèvement du portail du cit. Brun;
Attendu que lors du rapport d ’experts, le citoyen
Vernière n’a pas osé prétendre qu e le chemin dont 011
vient de parler, dut se continuer jusqu’à ce portail,
mais qu’il a prétendu au contraire que le chemin faisait
�(8 )
suite h celui venant de Planche-paleuille, et marqué
au plan, le lire G ;
Attendu encore l'impossibilité de faire passer un char
de loin dans la saulée qui existe à l ’aspect méridional
du pré Faydit (a) ;
D ire également qu’il a été bien jugé parle jugement
donl est a p p e l, mal et sans cause appelé.
En ce qui touche le fossé qui sépare lepréG renouillet
du cit. Vernière d'avec le pré du cit. B run, venu de
D ubois;
Attendu que les experts ont décidé que ce fossé dé
pend et fait parlie du pré de Brun;
Attendu que le cit. Vernière a lu i- m ê m e demandé
l ’homologation de ce rapp ort, qu’ainsi il l’a approuvé;
Attendu d’ailleurs qu’il appartient de droit au cit.
Brun par l’aspect et d’après l ’usage coutumier, reconnu
par les experts et avoué par le cit. V ernière, dans le
rapport d’experts ;
Attendu encore que le nettoyement de ce fossé a
toujours été fait par le cit. D ubois, et que la preuve
en résulte évidemment de l’élévation qui se trouve le
long de ce fossé sur le pré Dubois, lettre O ;
Attendu enfin quelecit. Vernière n’a pas établi l’exis
tence de la borne par lui prétendue, ni une possession
trentenaire et paisible de nettoyer ce fossé, et qu’il ne
(«) Il existe à l’extrémité clc cette sa u lé e , près du portail du
cit. B run, un arbre vis-à-vis le milieu d e l à saulée, qui prouve
l ’impossibilité physique d ’y passer un c h a r , ni môme une harcelle.
rapporte
�(9)
rapporte aucun litre de propriété qui puisse détruire le
droit que l'aspect et l’usage coutumier donnent au
citoyen Brun ;
A yant égard à ce qui résulte du rapport d’experts, et
icelui homologant en cette partie, dire qu’il a été mal
jugé p a r le jugement dont est appel, bien appelé, émendant, garder et maintenir le cit. Brun dans la possession
et jouissance de son pré venu de Dubois et dudit fossé
en dépendant ; faire défense au citoyen Vernière de l’y
troubler à l’avenir, le condamner aux dommages-intérêts du cit. B r u n , résultant de ce que le cit.Vernière
a fait nettoyer ce fossé au préjudice du citoyen B r u n ,
m ê me depuis la contestation e n t a m é e ju di cia ire me nt ;
Et attendu que le Tribunal d’appel ne peut pronon
cer que par bien ou mal ju g é , et jamais sur de nouvelles
demandes, déclarer le cit. Vernière non recevable dans
sa demande, tendante à être autorisé à prendre exclu
sivement l’eau par le fossé du pré D ubois, pour l’arrosement de son p ré , lettre N ;
El en ce qui concerne l’agage construit dans ce fossé
par le cil. Vernière, au moment même du jugement
dont est appel;
Dire qu’il a été bien jugé par ledit jugem ent, mal et
sans cause appelé, condamner enfin le cit. Vernière en
tous les dépens des causes principale et d’appel.
Par conseil, G R A N E T .
V A Z E IL L E ,
avoué.
A R IOM, DE L ’IMPRIMERIE DU PA L A IS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Brun. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Granet
Vazeille
Subject
The topic of the resource
chemins vicinaux
jouissance des eaux
biens nationaux
émigrés
agage
bornage
experts
irrigation
témoins
prescription acquisitive
vie monastique
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions prises à l'audience, lors de la plaidoirie de la cause, pour le citoyen Brun, intimé et appelant ; contre le citoyen Vernière, appelant et intimé.
Table Godemel : Litige sur la propriété et possession de deux fossés et d 'un chemin qui sont intermédiaires aux héritages respectifs des deux parties
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
1783-Circa An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1422
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1421
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53236/BCU_Factums_G1422.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
agage
biens nationaux
bornage
chemins vicinaux
émigrés
experts
irrigation
Jouissance des eaux
prescription acquisitive
témoins
vie monastique
-
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16814b381089fdc3e24602b9592653ce
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MÉMOIRE
EN R É P O N S E .
�COUR
MÉMOIRE
EN
IM PÉ R IA LE
D E RIOM .
Ire. CHAMnnE.
RÉPONSE,
A u d ien ce
P O U R
du
2 ju illet 1810..
Dame J e a n n e - M a r i e D E C H A M P F L O U R ,
veuve du sieur P a u l - François d e M o n t r o z i e r sieur J e a n - B a p t i s t e D E C H A M PF L O U R ; dame M a r i e - A n n e - F é l i c i t é D E
F R E D E F O N T , et sieur J e a n - J a c q u e s D E
R O C H E T T E , son mari ; demoiselle G a b r i e l l e D U R A N D D E P E R IG N A T , et dame
M a r ie D U R A N D , relig ie u se ; tous habitans.
de la ville de Clermont-Ferrand, intimés;
C O N T R E
r
\
Dame A n n e - E m i l i e D E F E L I X , veuve de
sieur Claude-François-Léon d e S i m i a n e 5
propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix,
département des Bouches-du-Rhône, appelante;
en
p r é s e n ce
D e dame M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , veuve
du sieur J a c q u e s -F r a n ç o is de M o n ta n ie r
C l a u d e - A ntoine - J oseph D E
DON
demoiselle A n n e D E
CHAR~
CHARDON/
A <&
�C4 )
dame B e r r e t t e D E C H A R D O N , veuve du
sieur V a l l e t t e d e R o c h e v e r t ; tous proprié
taires, habitans de la ville de Riom, intimés;
ET
EN
PRÉSENCE
D e J a c q u e s - M a r i e L A V I G N E s et J e a n
P I R E L , habitans de la ville d’Ambert, aussi
intimés.
QUESTIONS.
i°. Les religieux q u i, -par Veffet rétroactif de la loi
du 5 brumaire an 2 , ont obtenu un droit successif de
la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à
rendre cette succession après le rapport de cet effet
rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés
représentés par la république, comme émigrés?
2°. L a nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas
censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point
voulu user du bénéfice des lois des gfructidor an 3 , et
3 vendémiaire an 4 ?
3°. L e sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n’a - t - ï i
Teiuiu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que
les biens qui se trouvoient dans les mains de la nation,
p a rla voie du séquestre, au moment de Vamnistie?
C e s questions sont exactement les mêmes que celles
présentées par la dame de Simiane. Il fauf y ajouter
�(5 )
qu’elle se dit créancière du sieur Hector de Sim iane,
mort émigré , et que c’est en cette qualité qu’exerçant
les droits de la république, elle veut la ire aujourd’hui
ce qu’elle prétend que la république auroit dû fa ire après
le g fructidor an 3 , c’est-à-dire, ôter aux héritiers d’une
religieuse ce qui lui a été abandonné nationalement, dont
elle a joui dix ans et jusqu’à sa mort. Cette prétention
est si bizarre, qu’il faut être surpris de la voir élever
sérieusement, après tant de lois faites pour rassurer les
possesseurs des biens transmis, à quelque titre que ce
soit, par la république.
F A I T S .
L a dame A n n e D elà i r e , épouse de JVT. de C la r y , est
décédée le 27 octobre 1 7 9 1.
Elle avoit institué pour héritiers, par un testament de
17 8 7 , M . Hector de Simlane, son cousin paternel, et
M . de Chardon, son cousin m aternel, à la charge d’ac
quitter pour 240000 francs de legs.
Hector de Siiniane, domicilié à A vign o n , étoit sorti
de France à l’époque des troubles du Comtat. Mais n’y
ayant encore aucunes lois contre les ém igrés, il paroît
que M . de Simiane se présenta pour recueillir la suc
cession de Clary ; mais en 1792 il fut inscrit sur la liste tles
émigrés, et le séquestre fut mis sur ses biens.
Jusqu’au 28 mars 179 3 , ce séquestre n’étoit qu une
occupation des biens. Mais la loi du 28 juillet ^793 Jjannit
à perpétuité les ém igrés, et les déclai’a morts civilement.
Madame de Clary avoit une sœur religieuse (Jeanne
�(6 )
D elaire) : la loi du 5 brumaire an 2 l’appela h succéder,
puisque madame de Clary étoit morte après le 14 juillet
1789. Eu conséquence, Jeanne de Clary obtint à son profit
la mainlevée du séquestre, fut déclarée héritière de sa
soeur, et envoyée en possession de tous les biens, par un
arrêté du 8 nivôse aii 2.
L a loi du 9 fructidor an 3 abolit l’effet rétroactif de
la loi du 17 nivôse. En vertu de ce changement de légis
lation, on dit que M . de Chardon reprit les biens maternels
de madame de C la ry , qui lui étoient légués par le tes
tament de 1787.
Si le sieur de Sim iane eût été régnicole ù cette é p o q u e ,
il n’est pas d o uteux q u ’il n’eût eu aussi le droit de re
prendre les biens paternels dans les mains de Jeanne
Delaire.
Mais il étoit toujours sur la liste des émigrés -,
Il étoit mort sans -postérité avant la loi du 9 fructidor,
à A sti, et en état d’émigration;
Par conséquent il ne laissoit à ses héritiers que les
biens dont il étoit propriétaire à l’époque de son décès,
c’est-à-dire, le 1 % prairial an 3.
C’est ainsi que la famille elle-même l’entendit à cetle
époque ; et une circonstance assez singulière va le prouver.
M . de Simiane mouroit sans enfans : il laissoit deux
héritiers ab intestat ; l’un étoit le sieur Vidaud de la
T o u r , et l’autre étoit Jeanne D ela ire elle-même.
L e sieur Vidaud de la T o u r avoit seul qualité pour
disputer à la religieuse Delaire la propriété des biens
C lary, et pour prétendre qu’ils étoient dans la masse de
la succession de Simiane.
�C/ 7 )
Bien loin d’en agir ainsi, M . Vidaud de la T o u r se
réunit à Jeanne Delaire pour demander au direçtoire
exécutif la radiation de M . de Simiane , et l’envoi en
possession de ses biens propres situés a A vignon.
En effet, ils obtinrent une radiation le 28 nivôse an 5.
A lors ils prirent la qualité d’héritiers bénéficiaires de
M . de Simiane; et en vertu d’un jugement du tribunal
de Vaucluse, du 24 thermidor an 5 , ils firent commettre
le sieur Chambaud, notaire à A vign on , pour faire l’in
ventaire du mobilier de la succession.
Il ne vint pas môme à la pensée du sieur Vidaud de
la T o u r (seul intéressé, on le rép ète,) de faire com
prendre dans ce mobilier de la succession Simiane
aucune portion de la succession de madame de Clary.
L ’arrete de radiation n’avoit été qu’une indulgence
éphémère due aux circonstances. T.es lois de l ’an 3 sur
les émigrés avoient fait des exceptions pour les émigrés
d’A v ig n o n , et la journée du 18 fructidor an 5 ramena
les mesures générales de 1793* Eli conséquence, une loi
du 22 nivôse an 6 ordonna que les émigrés avignonnais
qui auroient obtenu des radiations par suite de la loi
du 9 fructidor an 3 , seroient réintégrés sur la liste.
L e séquestre fut dono remis sur les biens du sieur de
Simiane, mais seulement h Vaucluse, et il ne fut levé
qu’après l’amnistie générale, du 6 floréal an 10.
A lors Jeanne Delaire se réunit encore au sieur Vidaud
de la T our, son cohéritier; ils obtinrent la radiation du
défunt, le 26 frimaire an 11.
Ils sollicitèrent l’envoi en possession tics biens; et c’est
ici le cas de remarquer encore que M* Vidaud de la T o u t
�(8 )
•n’eut pas plus qu’en l’an n la pensée de se mettre en
possession des biens d’A u vergn e, qu’il ne fit de diligences
qu’à V aucluse, et laissa la religieuse Delaire en pleine
possession des biens de sa sœur.
. Il y a plus : car la religieuse Delaire vendit seule
'tous les biens de sa sœur en l’an 10 , après le sénatusconsulte, et le sieur Vidaud de la T o u r ne s’y opposa
pas.
Dans le même temps on clierchoit à empêcher la des
tination que M . le Préfet de Vaucluse vouloit faire d’un
domaine du sieur de Simiane pour une pépinière : le
sieur Vidaud de la T o u r réclam oit contre cette occupa
tion, conjointem ent avec Jeanne Delaire; et même après
la mort de Jeanne Delaire il ne crut pas pouvoir vendre
ce domaine sans y appeler ses héritiers.
La dame Delaire, religieuse, est décédée l e n messidor
an n . Les familles de Chardon et Champilour se sont
partagé la succession comme héritières des deux lignes :
elles ont eu à défendre celte qualité dans deux procès;
mais elles ont fait juger qu’elles étoient héritières, et
elles sont toujours restées en possession.
La dame F élix de Simiane s’est elle-même adressée à
elles en cette qualité, le 8 février 1808, non pas pour
leur disputer les biens, ni former des demandes hypo
thécaires, mais seulement pour faire liquider à Avignon
ses reprises contre elles, comme héritières du sieur de
Sim iane, par représentation de la religieuse Delaire.
Ce seroit peut-être une tâche fort difficile pour la dame
de Simiane de justifier ces reprises, lorsqu’ayant vécu à
A sti jusqu’à la mort de son parent, elle s’est emparée de
tout
�( 9 )
tout son m obilier, de toutes les ressources qui les faisoient
exister l’un et l’autre hors de France. Et elle vient aujour
d’hui , comme héritière de sa fille par les lois actuelles,
réclamer la succession de son fils et l’effet d’un testament
qui a rendu ce dernier créancier, du chef de son père,
du sieur de Simiane, mort à Asti.
Quoi qu'il en soit de ce circuit de qualités, madame
de Simiane procédant comme héritière de sa fille, qui
l ’étoit de son frè re , s’est fait adjuger 296000 fr. pour des
terres vendues de l’estoc de la dame de Seveyrac, aïeule,
pour des pensions et des fermages , sans expliquer le
moins du monde comment tout cela lui est rigoureuse
ment dû.
Les héritiers Champflour, par acte du 18 février 1809,
répudièrent au greffe d’A vignon la succession du sieur
de Simiane.
Jusque-là on prévoit difficilement comment la dame
veuve de Simiane pourra enfin renverser tout cet ordre
de choses , et s’en prendre aux biens de la religieuse
Delà ire. Il paroît qu’elle-même n’auroit pas commencé
cette attaque; mais elle y fut menée par circonstance, et
elle a cru peut-être de bon augure d’être appelée à un
procès par des débiteurs de 92000 fr ., qui ne vouloieni
se libérer qu’en sa présence. V oici comment la dame de
Simiane a été appelée à ce procès, et quelle est l ’origine
de sa réclamation actuelle.
Il paroît qu’en prairial an 10, la dame de Sim iane,
il peine rayée elle-même de la liste des émigres, s’occupa
B
�C 10 )
d’actes conservatoires pour la sûreté de ses prétendues
reprises : scs agens firent en son nom des inscriptions à
A vign on , à Clermont et à A m bert, et même une saisiearrêt entre les mains des sieurs Lavigne et P ire l, qui
avoient acheté des immeubles de la religieuse Delaire.
Ces mesures n’avoient rien que de naturel, puisque
Jeanne Delaire étoit héritière du sieur de Simiane , et
par conséquent débitrice personnelle de l’adversaire tant
qu’elle ne répudieroit pas. Ainsi il ne faut pas regarder
ces actes de l’an 10 comme une prétention semblable à
celle que manifeste aujourd’hui la dame de Sim iane,
après une répudiation.
E n 1809 , les héritiers D elaire assignèrent les sieurs
L a v ig n e et P ir e l en payement de la somme de 92160 f r .,
prix de la vente à eux consentie par Jeanne D elaire,
en l’an 10 , et des intérêts depuis cette vente.
Les sieurs Lavigne et Pirel ayant en mains une saisie-*
arrêt, en excipèrent, et demandèrent la mise en cause
de la dame de Simiane : elle fut ordonnée; et la dame
de Simiane fut assignée en mainlevée de sa saisie et de
ses inscriptions.
Scs droits n’étoient pas encore liquidés, et elle se hâta
drobtenir à A vign on un jugement par défaut , le 16
mars 1809.
A lo rs m adame de Simiane se disant créancière , se
présenta au tribunal de Clermont pour demander la con
firmation de sa saisie-arrêt ; et alors elle éleva, pour la
première fo is , la prétention que les biens de madame
de Clary appartenoient à Hector de Simiane pour moitié,
et qu’ainsi ces biens étoient le gage de ses reprises.
�( 11 )
L e tribunal de Clermont n’a point accueilli cette de
mande ; il a annullé la saisie-arrêt et les inscriptions de
la dame de Simiane : son jugement du 9 août 1809 est
fondé sur des motifs très-solides et très-lumineux.
Ils se réduisent à dire que M. de Simiane ayant perdu
les biens Clary par son émigration, et étant mort émi
g r é , ses héritiers n’auroient pu les réclamer que si ces
biens s’étoient trouvés dans les mains de la nation lors
de l’amnistie •, mais que la nation ayant été désistée de
ces biens par la religieuse D elaire, et n’ayant pas eu le
droit de les lui redemander, les héritiers de l’amnistié
n’ont dû prendre ses biens dans les mains du gouverne
ment qu’en l’état où la révolution les avoit laissés (1).
L a dame de Simiane prétend n’avoir pas perdu l’es
pérance de faire réformer cette décision qu’elle trouve
cependant légale dans ses bases , m a is t r o p sévère, et
fausse dans ses conséquences.
Il semble cependant diiïicile que la Cour pût être
plus indulgente, sans blesser les droits des héritiers de
la dame D elaire, et sans porter atteinte aux lois qui Jes
ont investis de cette succession.
M O Y E N S .
Les lois qui vont être citées rappelleront des souvenirs
pénibles, et ramèneront peut-être à des idées àe pros
cription et d’injustice. Mais sans s’occuper d’une justifljugement est transcrit
de madame de Simiane.
(1) L e
litté ra le m e n t
dans le mémoire
B 2
�( Ï2 )
cation qui seroit aussi déplacée qu’une critique, il sera
bien permis du moins de demander ù la dame de Simiane
si elle croit avoir eu un titre plus sacré que Jeanne D elaire, pour lui disputer la succession de sa sœ ur, et si
les lois de 1793 ont été véritablement une spoliation
dans cette circonstance.
Madame de Clary n’avoit qu’une sœur; elle n’avoit
pas pu en mourant lui laisser sa fortune , puisque les
religieuses étoient incapables de succéder. Elle pensa alors
à des parens éloignés , et sa mort précéda l’époque de
l ’abolition absolue de la vie monastique.
E q août 1792 les religieuses furent expulsées de leurs
asiles , et les biens q u ’elles possédoient en échange de
c eu x qu’elles avoient abandonnés en renonçant au siècle,
leur furent enlevés avant qu’il fût question de dépouiller
les émigrés de leurs fortunes.
Peu de temps ap rès, les lois qui avoient rendu les
religieuses au monde leur permirent d’être successibles ;
et alors, il ne faut pas en douter, si madame de Clary
eût vécu , ses intentions eussent été d’accord avec la na
ture et la loi ; sa sœur eût été son héritière.
Eh bien! ce que madame de Clary au tombeau ne pouvoit pas r é p a r e r , l’a été par le hasard d’une révolution;
le bannissement de M . de Simiane lui a ôté ce que les
jnânes de sa bienfaitrice lui regrettoient indubitablement *
et cette sœur jadis bannie clle-môme et morte au monde,
a retrouvé tme fortune à laquelle d’autres événemens
l ’avoient rendue étrangère.
Qui donc osera dire que Jeanne Delaire m urpoit ,
lorsqu’une loi lui a donné la fortune de sa sœur ? Madame
�( 13 )
de Simiane le d it, sinon à elle, au moins à ses héritiers.
Elle va plus loin dans son injustice, car c’est contre eux
qu’elle veut rejeter tout l’effet de l’émigration , tandis
qu’elle veut, elle-même émigrée, avoir été invulnérable.
Elle vient dire aux héritiers de Clary : « Je vous sais
« bon gré de la peine que vous avez pi'ise d’obtenir des
« radiations ; mais sic vos non vobis, je m’en adjugerai
« tout le profit, si vous le trouvez bon. Jeanne Delaire
« a em pêché la nation de vendre les biens C lary, vous
cc avez empêché la vente des biens Simiane *, tout cela
« sera mon bénéfice. Je reviens de l’émigration noti
ce seulement avec la dépouille du défunt, mais encore
« avec des titres qui absorbent tout le reste, et je pour« suis des reprises que la nation française a eu la bonté
« de me réserver intactes. T out ce qui a été vendu est
« perdu pour les héritiers ré p u b lic o lc s , et tout ce qui
« reste est conservé pour moi. »
Mais ce n’est pas par des réflexions morales qu’il faut
repousser l’attaque de la dame de Simiane ; ce sont les
lois elles-mêmes qui sauront y répondre victorieusement.
La loi du 28 mars 1793 a déclaré morts civilement
tous ceux q u i , alors inscrits sur des listes d’ém igrés,
n’étoient point rentrés en France dans les délais accordés
par les lois précédentes.
Il ne s’agit pas de vérifier quelle étoit l ’ é p o q u e de l’ins
cription du sieur de Simiane, et si les émigrés d’A vignon
devoient être exceptés : car le Comtat fut r é u n i à la France
en 17 9 1, et par conséquent les lois de 1792 et 1793 ^es
atteignirent comme les autres Français.
�( m )
T out ce qu’il faut savoir, c’est que M . de Simiane
u’étoit pas rentré en France avant le 28 mars 1793 . A in s i,
aux yeux de la l o i , M . de Simiane est mort depuis cette
époque.
N ’est-ce pas assez de sa mort civile ? eh bien ! s’il
faut y ajouter l’époque de sa mort naturelle , M . de
Simiane est mort à Asti le 12 prairial an 3.
A lors il étoit encore sur la liste des émigrés : ainsi
ses biens n’ont pas pu être transmis par lui à ses héri
tiers naturels, puisque la loi les avoit déclarés acquis
irrévocablement à la nation.
Peut-être bien que si rien n’eut dérangé cet ordre, et
si la nation eût conservé jusqu’à l’an 11 les immeubles
du sieur de Simiane, ses héritiers en auroient obtenu la
remise lorsqu’ils sont parvenus à le faire rayer de la liste .
des émigrés après sa mort : cette mesure étoit une consé
quence d e l’amnistie. L e gouvernement n’a voulu retenir
que les bois, et les perceptions déjà faites : mais aussi 11c
voulant être généreux ou juste que dans son intérêt, il
a marqué fortement l’intention que nul possesseur tenant
sou titre de l’autorité publique, ne fût inquiété pour
aucune cause.
V oilà ce que la dame de Simiane paroît ne pas vouloir
comprendre ; les articles de la loi lui semblent équi
voques*, elle n’y a v u que l’ordre donné aux émigrés de
maintenir les partages faits avec la république ; et se
mettant ainsi à l’aise, elle a cru suffisant de dire que la
religieuse Delaire n’avoit fait aucun partage avec la répu
blique*, d’où elle a conclu que les héritiers de Simiane
ont très-bien eu le droit de disputer à cette religieuse
�( i 5 )
les biens qu’elle avoit obtenus par un arrêté authentique
du 8 nivôse an 2.
C’est là la seule prétention sur laquelle la dame de
Simiane insiste ; car elle reconnoit que M. Hector de
Simiane étant mort en état d’émigration et de mort
c iv ile , n’étoit pas alors propriétaire des biens qu’elle ré
clame : mais elle soutient que si ses héritiers n’étoient
pas successibles à l’heure de sa m ort, ils le sont devenus
huit ans après, c’est-à-dire, lors du certificat d’amnistie
délivré en l’an 11.
Ce point capital de la contestation reçoit deux réponses;
l’une, générale et relative aux effets de l’amnistie d’émi
gration ; l’autre, particulière, résultante de la qualité
de religieuse qu’a voit Jeanne de Clary.
r_
Pour être plus clair dans la première réponse, il faut
la faire précéder de la loi elle-même, dont il sera facile
ensuite de tirer des conséquences.
L e sénatus-consulte, du 6 floréal an 10 , porte, ar
ticle 16 : « Les individus amnistiés ne pourront, sous
« aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession,
« succession, ou autres actes et arrangemens fa its entre
« la république et les p articuliers, avant la présente
« amnistie. »
A rt. 17. « Ceux de leurs biens qui sont e n c o r e devis
« les mains de la nation (autres que les bois et forets,....
« les créances qui pouvoient leur appartenir sur le trésor
« public, et dont l’extinction s’est opérée par confusion
« au moment où la république a été saisie de leurs
�( i6 )
« biens, droits et dettes a ctiv e s), leur seront rendus
« sans restitution de fruits. »
L ’arrêté des consuls, du 9 thermidor an 10, dit « qu’il
« est conforme à l’esprit du sénatus-consulte d’étendre
« la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu
« lui-m êm e hors d’état d’en profiter. S’il eût vécu , il
« seroit rentré dans les biens dont l’art. 17 du sénatus« consulte fait remise aux amnistiés ; comment refuser
« la même grâce à ses enfans républicoles, et nés avant
« l’émigration ? »
?
Si ce que la loi accorde aux enfans de l’émigré doit
s’étendre aussi aux collatéraux, croira-t-on, d’après ce
qu’on vient de lire, que les héritiers de M . de Simiane
eussent pu demander ses biens à tout autre possesseur
qu’au gouvernement?
Les héritiers Simiane ne l’ont pas cru possible; ils ont
vu vendre par la religieuse Deiaire tous les biens qu’elle
tenoit de la république, et il n’est venu à la pensée de
personne qu’ils fussent fondés à attaquer son titre, en lui
objectant qu’après le 9 fructidor an 3 elle auroit dû rendre
à la république ce que la république lui avoit donné.
A supposer qu’on tienne pour réponse suffisante à ce
fa it, le droit qu’ils auroient eu de s’y opposer ( ce qui
lious ramène à la question), il faudra bien qu’on indique
com m ent et par quelle voie on auroit pu soi-m êm e
attaquer un actef a i t entre la république et la religieuse
JDelaire.
Sera-ce sous "prétexté du rapport de l’effet rétroactif
de la loi du 17 nivôse ? mais la loi dit que l’amnistié
ne pourra attaquer l’acte squs aucun prétexte.
Madame
�( 17 )
Madame deSimiane aura encore quelques efforts de plus
à faire pour prouver que les héritiers de l’amnistié pouvoient rechercher des biens qui rfétoient plus dajis les
mci'ns de la nation depuis l’an 2. Ce n’est pas qu’elle
n’ait bien prévu cette difficulté, dont elle fait une question
principale en tête de son mémoire ; mais elle l’a éludée,
et l’a laissée à peu près sans réponse.
Répétera-t-elle que la religieuse Delaire a dû rendre
à la nation les biens Clary aussitôt après la loi du 9 fruc
tidor an 3 ? Mais comment une aussi bonne pensée n’estelle venue qu’à madame de Simiane? et comment le fisc,
toujours si en éveil, ne s’en est-il point avisé? Quantum
mntatus ab illol faudroit-il s’écrier-, ou plutôt il faudroit
se croire fort convaincu par cette seule réflexion , que
le fisc n’etoit point autorisé à ôter à Jeanne Delaire les
biens dont elle étoit en possession, p uisqu ’il ne les de
manda pas.
Ce que la nation n’a pas fait en l’an 3 , la dame de
Simiane voudroit que les héritiers de son mari l’eussent
fait en vertu de l’amnistie, q u i, suivant elle, auroit un
effet rétroactif au temps de la mort et même de l’émigration.
Mais aucun effet rétroactif n’est donné à l’amnistie; et
c’est pour cela que le sénatus-consulte veut que l’émigré
vienne prendre dans les mains de la nation s e u l e m e n t
ce qui y reste.
On a vu à Besançon un sieur Masson, émigré* dont
les biens avoient été vendus à sa femme p e n d a n t même
qu il étoit en réclamation , venir après l’amnistie de
mander à sa femme, non pas l’évictioo du bien national,
,
e
�(
18
)
mais l’administration de la communauté. La Cour de
Besançon avoit jugé que l’amnistie avoit rétabli la puis
sance maritale, et'par conséquent la communauté comme
si elle n’eût jamais été interrompue : mais cet arrêt a été
cassé le 10 juin 1806, par le motif principal que le sieur
Masson avoit été en état de mort civile jusqu’à sa radia
tio n , et que Vamnistie riavoit pas eu d'effet rétroactif.
Sans doute il y a quelque répugnance à penser que
malgré la règle le mort saisit le v if , M . de Sim iane,
mort en l’an 3 , n’a eu d’héritiers qu’en l’an 11. Mais
on conçoit que pendant cette lacune c’est la république
q u i a été h éritière interm édiaire -, et rem arquons qu’elle
n’a pas voulu l’être à titre d’usufruit ou de fidéicommis;
elle n’a pas même voulu qu’on lui succédât par repré
sentation , de peur qu’on usât de ses droits ou de ses
omissions pour faire des procès ; elle a déclaré avoir
rempli le degré comme propriétaire, et avec le droit
utendi et àbutendi, elle n’a rappelé l’émigré que pour
reprendre rebus integris ce qui rcstoit dans ses mains ;
et sans lui donner le droit de porter ses regards en arrière
pour rechercher quel étoit le titre de possession de ceux
qui occupoient ses biens, la loi a placé pour lui un mur
d’airaiu entre le passé et l ’avenir.
V oilà., ce semble, l’idée la plus juste qu’on puisse se
former de cette législation, et c’en seroit assez peut-être
pour prouver qu’en thèse générale les héritiers Simiane
n’ont pas dû contester à Jeanne Delaire le droit de dis
poser des biens de sa sœur. Voyons cependant ce que la
circonstance que Jeanne Delaire étoit religieuse, ajoutera
de force à la précédente démonstration.
�C 19 )
Lorsque rassemblée constituante, voulant favoriser la
sortie des cloîtres, eut rendu la loi du 19 février 1790,
.qui permetto.it aux religieux des deux sexes de rentrer
dans le monde, il fut nécessaire d’expliquer s’ils deviendroient capables de successions : alors fut rendue une
seconde lo i, du 26 mars 179°? ainsi conçue :
; A rt. i er. « Les religieux qui sortiront de leurs maisons
« demeureront incapables de successions, et ne pourront
« recevoir par donations entrevifs et testameos que des
•« pensions ou rentes viagères. »
A rt. 2. « Néanmoins lorsqu’ils ne se trouveront en
« concours qu’avec le fisc, ils hériteront dans ce cas pré« Jerablem ent à lui. »
L a loi du 5 bru m aire an 2 , art. 4 , dit que « les re-« lig ie u x et religieuses sont appelés à. recu eillir les suc« cessions qui leur sont échues à com p ter du 14 juillet
a 1789. »
L ’art. 7 dit qu’audit cas de successions ils rapporteront
les dots constituées par leur profession monastique, et
que leurs rentes et pensions seront éteintes.
C ’est en vertu de cette loi que Jeanne Delaire a ré
clamé la succession de madame de C lary, sa sœur, dont
elle étoit seule héritière ab intestat. E lle en a obtenu
la propriété par arrêté du 8 nivôse an 2.
Lorsque la loi du 5 brum aire an 2 fut rapportée dans
•son effet ré tro a c tif, le 9 fructidor an 3 , J e a n n e D elaire
a u ro it pu être obligée par M. de Simiane de rendre la
m oitié des biens de sa s œ u r, si M. de Simiane eut été
viv a n t ; mais il étoit frapp é de m ort
c iv ile
: et de m em e
G s
�j/j*
( 20 )
que les émigrés ne peuvent pas recueillir les successions
ouvertes pendant leur mort civile, de même ils n’ont pas
d’action pour réclamer le bénéfice d’une lo i; cai’, suivant
la loi du 12 ventôse an 8, les émigrés ne peuvent invo~
quer le droit civil des Fronçais.
Jeanne Delaire n’avoit donc pas M . de Simiane. pour
concurrent, mais seulement le fisc en sa place pour la
moitié paternelle, et M . de Chardon pour les biens
maternels.
Celui-ci a pris sa portion, parce qu’il étoit républicole ; mais le fisc n’a pas pris la sienne, car il en étoit
empêché par l’art, a de la loi du 26 mars 1790, ci-dessus
citée.
Il est bien incontestable en effet que si M . de Simiane
ou le fisc étoient mis de côté, Jeanne Delaire se trouvoit héritière de sa sœur : ainsi elle étoit parfaitement
dans l’application de la loi qui Pappeloit à succéder.
A in s i, sans aller plus lo in , voilà déjà, la religieuse
Delaire avec un titre légal. Elle n’est pas seulement habile
à succéder, elle n’est pas détenteur provisoire et précaire ;
elle est héritière ; elle occupe les biens pro suo. Car il
n’y a pas encore d’amnistie , il n’y en aura que dans
huit ans; et le fisc lui a cédé sa place, non pas pour jouir,
Nmais pour succéder directement et personnellement.
L a loi du 9 fructidor an 3 n’a donc rien dérangé au
titre de propriété donné par la nation à Jeanne Delairo.
Cette loi a été expliquée par celle du 3 vendémiaire an 4;
et en même temps que le législateur rend à tous les héri
tiers déchus le droit d’ôter aux personnes rappelées ce
�( 2ï )
qu’elles ienoient de l’effet rétroactif, il déclare formel
lement que le fisc n’aura pas le même droit contre les
religieuses.
En effet, l’art. 5 s’exprime ainsi : « Les partages faits _
« entre la république et les personnes déchues , qui
« étoient ci-devant religieux ou religieuses ......... sont
« maintenus, sauf l’exécution de l’art. 7 de la loi du 17
« nivôse ( relatif à la confusion des pensions ). »
Rien n’étoit plus clair que cette intention de la loi (1).
Cependant madame de Simiane ne veut pas y voir ce
qui est évident : elle se contente de dire que la reli
gieuse Delaire n’a pas fait de partage avec la république,
d’où il suit que l’article ne la regarde pas.
Il suffiroit de répondre que la loi ne peut pas tout
dire, et exp rim e r tous les cas, et que scire leges non est
earum verba tencre, sed vim ac polesialem. Mais ce
n’est pas même le cas de chercher un sens , car il est
parfaitement rendu.
La loi qui doit être b riè v e , et qui doit prendre pour
exemple ce qui arrive le plus souvent, n’a pas pu sup
poser de prime abord qu’une religieuse se trouveroit
unique héritière. Il n’étoit que trop d’usage que ce
(0 Comme cet article prouve qu’en laissant les
su cce ssio n s
aux religieuses, et en retenant leurs pensions, la r é p u b l i q u e %
aussi songé à son intérêt, madame de Simiane se récrie, en
disant qu’on ne donne pas une grosse s u c c e s s i o n pour 5oo fr.
de rente. Elle oublie que dans les loteries on donne 10000 fr.
pour un écu ; ce qui 11e prouve pas pour cela une fausse spécur
lation, parce qu’ un gros lot n’est pas pour tout le monde.
�( 22 )
fussent les familles nombreuses qui peuplassent les mo
nastères, pour le plus grand avantage d’un héritier prin
cipal. Le plus souvent aussi c’est cet héritier que la
nation a représenté par confiscation , et alors elle a eu
un partage à faire avec les religieux rappelés par l’effet
rétroactif de la. loi du 5 brumaire.
Si dans le cas de ce partage la nation s’est interdit
le droit d’ôter au religieux la portion qu’il n’avoit eue
que temporairement, qu’en résulte-t-il autre chose, si
ce n’est que tous les droits de la nation ont été aban
donnés aux religieux, comme l’avoit déjà dit la loi du
2.6 mars 1790?
E t com m ent p e u t - o n demander à son imagination
qu’elle invente une différence entre le cas d’un abandon
par la voie d’un partage, ou d’un abandon par la voie
du délaissement total? N ’est-ce pas toujours la république
qui cède son droit tel quel? et qu’importe de recher
cher s’il étoit universel ou de quotité, lorsqu’il ne s’agit
ici que de savoir si on peut exciper du droit de la ré
publique ?
En un m ot, si M . de Simiane eût v écu , il est indu
bitable qu’il ne pouvoit troubler Jeanne D elaire, parce
qu’elle étoit héritière avant son amnistie , parce que le
sénatus-consulte ne lui donnoit droit de rechercher des
immeubles que dans les mains de la n a tion , parce que
la remise des biens Clary, faite à Jeanne Delaire en l’an 2,
étoit c o n s o l i d é e par l’art. 5 de la loi du 3 vendémiaire
an 4 , et enfin parce que les émigrés n’ont pas le droit
de rechercher si la république a eu tort de donner à
quelqu’un la propriété île ce qu.i etoit a eux.
�Ce que ne pouvoit pas faire M . de Sim iane, ses héri
tiers l’ont pu encore moins quand cette propriété a été
consolidée par une longue possession. Mais madame de
Simiane, qu’est-elle pour vouloir bouleverser tout ce qui
a été fait, et respecté même par le fisc? Elle est un simple
créancier réduit à exercer les droits de son débiteur.
Mais qu’elle explique comment elle veut exercer les droits
d’un émigré mort avant sa radiation, et par conséquent
exercer, du chef de cet ém igré, les droits de la répu
blique qui ne le lui permet pas.
Enfin , et pour comble d’incohérences, madame de
Simiane a débuté par une saisie-arrêt du prix des ventes
faites par Jeanne Delaire après l'amnistie ; ce qui est
une reconnoissance évidente du droit de propriété de la
venderesse, et par conséquent une p reu ve de plus que
toutes les parties intéressées croyoient également à cette
propriété, comme à la chose du monde la moins suscep
tible de contestation.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. D E V È Z E ,
A
licencié avoué.
RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison LANDRIOT —•Juin 1810
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jeanne-Marie. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-Baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Fredefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durant de Pérignat, et dame Marie Durand, religieuse ; tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre Dame Anne-Emilie de Félix, veuve de Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, appelante ; en présente de dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montanier ; Claude-Antoine-Joseph de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perette de Chardon, veuve du sieur Vallette de Rochevert ; tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, intimés ; et en présence de Jacques-Marie Lavigne, et Jean Pirel, habitans de la ville d'Ambert, aussi intimés. Questions . 1°. Les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du 5 brumaire an 2, ont obtenu un droit successif de la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à rendre cette succession après le rapport de cet effet rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés représentés par la république, comme émigrés ? 2°. La nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4 ? 3°. Le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n'a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre au moment de l'amnistie ?
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
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de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2016
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2015
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Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
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Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
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9d59509a7fbfdd842fe250799975c1fd
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MÉMOIRE
POUR
M a r i e D A Y M A R D , v e u v e L a c r o i x , et M a r i a n n e
C O U D E R C , fem m e de D U R A N D - R i e u x ,
appelantes;
C O N T R E
E m e ric, M a r i e , M a r ia n n e
G IN E S T E et a u tr e s ,
intimés.
L A
famille Gineste fait plaider les héritiers Daymard et Cou-
derc, depuis cinquante ans, pour obtenir le recouvrement d’une
créance qu’elle ne conteste pas , mais qu’elle ne veut pas payer.
Un arrêt souverain donne à ces créanciers deux gages plus que
suffisans; c’est-à-dire, la légitime d’un oncle, dont les adver
saires sont héritiers, et la succession bénéficiaire de leur aïeule.
Mais si on en croit les héritiers Gineste, ces deux gages se ré
duisent à un se u l, lequel se réduit à rien; car ils veulent que la
légitime n’existe pas , et que la succession bénéficiaire soit ab
sorbée pour leurs reprises.
x
�Ces prétentions ne devraient pas être bien longues à combattre
api'ès un arrêt; mais comme les juges de Saint-Flour se sont
permis d’ infinner cet a rrê t, sous prétexte de le commenter, il
est nécessaire de rappeler l’origine de la contestation, et quel
était son état lors de l’arrêt qu’il s’agit aujourd’hui de faire
exécuter.
F A I T S .
L e 7 juillet 1741, Marie Duvel de M u ra illa c, veuve de Gas
pard Second s de la ville de P le a u x , acheta du sieur Montesquiou de Saint-Projet , diverses rentes et censives, moyennant
6,124 fr.
Elle les revendit à Joseph Daymard et Jean Couderc, auteurs
des appelantes, le. 10 janvier 1706, moyennant 6,674 fr*
Quand les acquéreurs crurent se mettre en possession des
objets vendus , ils trouvèrent un fermier judiciaire qui leur
apprit que la terre de Saint-Projet était en saisie réelle au par
lement de Toulouse.
Ils se pourvurent pour obtenir la distraction des objets vendus,
ou une indemnité, et assignèrent leur venderesse en recours.
L ’arrêt d’adjudication ou J°rdre ne leur accorda rien, et les
laissa seulement à faire valoir leur garantie contre la veuve
Second.
*r Ils étaient en cause contr’elle , en 1761 , lorsqu’elle m o u ru t,
laissant pour héritiers Jean Second son-fils, prêtre, et les enfans
4
de Marie-Jeanne Second sa fille, mariée on 1787, au sieurEmcric
Gineste, juge à Pleaux.
Eineric Gineste, qui avait plaidé jusqu’alors avec sa bellemère et avoc son beau-frère, s’empara de tout; et néanmoins
il déclara, pour ses enfans, qu’il n’entendait se porter héritier
que sous bénéfice d ’inventaire. Il présenta une requête , fit
donner une simple assignation à son beau-frère qui habitait
Paris, et une assignation a cri public ù tous prétendans droit•
puis il lit dresser un inventaire comme il lui plut.
�C3)
. ' L e mobilier en évidence lui parut trop conséquent; et pour
en distraire la majeure partie, il produisit au juge l’inventaire
de son beau-père mort en 1781, pour prétendre que tous les objets
de même nature, inventoriés en 1781, devaient être retranchés de
la succession M uraillac; puis, ayant mis ordre à tout, il atten
dit la poursuite des Daymard et Couderc.
Ceu x-ci assignèrent en reprise, les i . er et 20 décembre 1764,
tant l’abbé Second, que le sieur Emeric Gineste père, et Pierre
Gineste, son fils aîné, majeur. ( NoLa. Marie-Jeanne Second et
Emeric Gineste avaient eu trois enfans ; Pierre, marié à Fran
çoise Delzor; Marguerite, qui a épousé un sieur Feneloux , et
Marianne).
Ils apprirent, i.° que la dame Muraillac , avant son décès,
avait déposé des effets chez la d am eD hauzers, abbesse de Brageac, et chez les ursulines d’Argentac, sous prétexte de les des
tiner à l’abbé Second , son fils, victime de la chicane de son
beau-frère; 2.° qu’elle avait vendu une maison au sieur Chantegrie-Lavigerie ; et pour en dénaturer le p rix , dont l’acte por
tait quittance, elle s’était fait consentir une obligation, dont le
sieur Gineste fils s’était emparé.
E n conséquence, ils firent des saisies-arrêts dans les mains
de tous ces débiteurs de la succession.
Nous verrons bientôt comment Pierre Gineste enleva des
titres précieux déposés chez l ’abbesse de Brageac, et qu’ il redou
tait singulièrement de laisser connaître. Pout-être chercha-t-il
à en faire autant chez les religieuses d’Argenlac; mais soit qu’il
n’y parvînt p a s , soit de concert avec elles , elles firent vendre ce
mobilier en place publique, on y appelant seulement Gineste
père et lils ; et la vente, frais déduits, produisit 96 liv. 7 sous
5
2 deniers.
Quant à la dette de Chantegrie, les Gineste se voyant décou
verts , avaient pris une autre tournure; au moyen de quelques
créances trouvées clans la succession , et auxquelles ils s’étaient
fait subroger, ils avaient ouvert un ordre, lors duquel ils
�( 4 3
se firent colloquer pour 1,742 francs, par sentence de 1765.
A in s i, par une main-mise générale, et par des manœuvres en
apparence régulières , mais qu’on ne révélait aux Daymard et
Couderc qu’à mesure qu’ils faisaient des découvertes , les
Gineste préparaient un long procès à des créanciers simples
et de bonne foi.
>
Cependant ces créanciers, convaincus de jour en jour que
toutes les démarches des sieurs Ginesle étaient une fraude diri
gée contr’e u x , conclurent, par requête du 11 mars 1 7 8 5 ,^
être reçus à prouver que postérieurement à 1770, Pierre Gineste, fils d’Emeric (décédé alors), avait fait acte d’héritier
en vendant des objets de la succession , et payant des dettes :
subsidiairement ils conclurent à ce qu’il rendît compte du
bénéfice d ’inventaire.
E n 1786, ayant appris que l’abbé Second était décédé, ils
conclurent à la reprise contre les Gineste en qualité de ses
héritiers; et on voit dans un mémoire du
juillet de la même
année, qu’ils y observent que l ’abbé Second est mort créancier
de sa légitime paternelle et maternelle, et que les Gineste doi
vent la rapporter pour faire face à la dette de la Muraillat.
On voit bien une réponse à ce mémoire de la part des G i
neste, sous la date du 29 août 1786; mais on n’y a pas remar
qué qu’ils aient trouvé une seule objection à faire contre cette
demande de la légitime paternelle de l ’abbé Second.
On a élagué de cette procédure toutes les chicanes et conclu
sions de forme des Ginesle , qui, à chaque suspension deproce
dure, commandée par plusieurs décès successifs des parties et
des procureurs, et plutôt par le besoin de surveiller leurs dé
marches , ne manquaient pas de demander des péremptions,
sur-tout lorsque le tems de la prescription fut venu; et quand
ils n’y réussissaient pas, ils demandaient leur renvoi de T o u
louse à A u i'illac, pour rendre commun aux Daymard un compte
bénéficiaire qu’ils y avaient présenté en 1 7 7 2 , à un créancier de
210 francs.
�(5 )
C ’est en cet état que fut rendu au parlement tle Toulouse , sur
productions respectives , entre les parties , et par défaut, contre
les tiers saisis, le 9 mars 1789 , lin arrêt qu’il faut mettre en son
entier sous les yeux de la co u r, puisque les difficultés princi
pales qui s’élèvent aujourd’hui, naissent de son exécution.
» Notredite Cour..........démet ( les Gineste ) des demandes
« à ce que l’instance soit déclarée périmée. . . . . ; condamne
« lesdits Delzor (ve u v ed e Pierre Gineste) , Parlange (tuteur),
« Feneloux et Marguerite Gineste mariés , en leurs qualités
« d'héritiers de Joseph S e co n d , fils de ladite Duvel de M u
te ra illat, et oncle maternel dudit Pierre Gineste , à p a ye ra u x « dits Daymard et Couderc, à concurrence de la légitim e duv dit Joseph S e co n d , la valeur des renteà vendues à leurs pères
« par ladite Duvel de Muraillat, par l’acte du xo janvier 1766,
«
k
«
«
«
«
suivant l ’estimation qui sera laite desdites rentes, de l’autorite de noire Cour, relativement à l’époque de l ’éviction, par
experts , avec les intérêts le'gitimes de ladite valeur , qui
seront fixés par lesdits experts..........et demeurant la déclaration fa ite par ledit fe u P ie r r e -J e a n G ineste devant les
ordinaires de Pleaux ; qu'il n'a accepté, en qualité de tuteur,
« la succession de ladite D u v e l son aïeule , que sous bénéfice
« (£inven taire, et recevant la répudiation de ladite succession,’
« a ordonné et ordonne q u ’à concurrence des sommes dues aux-’
« dits Daymard et Couderc, tant en capital, intérêts que dé« pens , ladite Delzor et ledit Parlange seront tenus, chacun
« comme les concerne , de rendre com pte auxdits Daymard et
« Couderc , de tous et chacun les meubles et effets mobiliers
« qu’ils ont reçus, provenans de la succession de ladite Duvel
« de Muraillat , ensemble des fr u its , intérêts et jou issa n ces
« jusqü’à cejourd’h u i, tant desdits meubles et effets que de tous
« autres biens par eux possédés, et dépendans de ladite succes« sion , suivant l’état que lesdits Daymard et Couderc en don« lieront, sauf les impugnations et exceptions de droit ; comme
« aussi ordonne que lesdits Parlange et Delzor seront tenus en
�(6 )
« leurs dites qualités de rendre compte de toutes ef chacunes les
k sommes , que lesdits Daymard et Couderc justifieront avoir
« été payées par ladite Duvel de M uraillac, à la décharge de
« l ’hérédité de Gaspard Second , et deles rembourser, le cas y
« échéant ; et déclarant les défauts pris contre lesdits Chantegrie« Lavigerie, les religieuses de Ste.-Ursule d’Argeutac, l’abbesse
« du couvent de.Brageac, et Jean Tillet tous bancaires, bien
« poursuivis et entretenus; ordonne qu’ils remettront, chacun
« en droit soi, auxdits Daymard et Couderc, les sommes en leurs
« mains bannies, à la requête de ces derniers, et ce, à concur« rence des sommes capitales, et que pour le surplus desdits
« banimens , lesdits banitaires en demeureront dépositaires
« jiiSQU d L apurement du compte d rendre,* comme aussi dans
« le cas que les sommes qui seront délivrées auxdits Daymard
« et Couderc ne seront pas suffisantes pour remplir le montant
« des condamnations prononcées en leur faveur par le présent
« arrêt ; leur permet d eJaire sa isir , d’autorité de notre C ou r,
«
«
«
«
u
a
les'im m eubles et autres o b je ts , qu’elles découvriront être1
dépendant de la succession de ladite Duvel. Sur toutes autres
demandes, fins et conclusions desdites parties, les a mises , et
met hors de cour et de procès ; condamne lesdits Delzor et
Parlange, comme procèdent, au x dépens de V in stan ce, envers lesdits Daymard et Couderc , taxés à
1 fr. i g s.
23
L a première opération, faite en exécution de cet arrêt
fut'
l ’eslimation des objets évincés. L e rapport des experts , en’
date du 22 février 1790, les évalue à 7,526 IV. 10 s. à quoi
ils ajoutent les intérêts de 1756 à 1782, fixés a 10,998 f. 17s. 9 d.
de sorte que la créance des sieurs Couderc et Daymard , à ladite
époque de 1782 , a été reglée à 18,624
7 s ..9 d.
Ce rapport a été homologué par un 2.e arrêt du o avril 1790.'
3
L e 19 janvier 1791 i après la suppression du parlement de
Toulouse, les héritiers Gineste assignèrent les héritiers Couderc
et Davmard devant le tribunal du district de Salers pour pré
senter le compte ordonné ; c’est ce compte qu’ il s’agit de dé
�(7 )
battre, et sur lequel il ne faut pas méditer lo n g -te in s , pour
s’appercevoir que de pre'tendus héritiers bénéficiaires s’efforcent
d’expolier un créancier légitim e, en ne révélant que ce qu’ils
ont cru le plus en évidence.
Avant de parler de ce co m p te, disons un mot de la position
de la dame Duvel de Muraillac , à son décès.
Mariée en 1720, elle eut pour oo fr. de bagues et jo yaux,
5
ou augment.
Elle fut héritière fiduciaire de son m ari, par testament de
1731 ; mais légataire personnelle des revenus.
Elle fut héritière fidéicommissaire de Marie-Jeanne Second,
femme d’Emeric Gineste, sa fille, par testament de 1744 , et
encore légataire personnelle des jouissances.
Elle f u t , pendant longues année?, fermière de Pleaux ; et
çlle passait pour la personne la plus aisée de l’endroit.
Elle laissait en immeubles plusieurs vignes et une terre de
deux septerées, plantée en châtaigniers.
Elle avait vendu un immeuble au sieur Lavigerie : le contrat
portait quittance ; mais il y avait une contre-lettre. ( No t a. U n
créancier en eut connaissance, força le sieur Gineste à rapporter
la somme : ce'qui donna lieu à l ’ordre dont on a déjà parlé ).
Elle avait vendu un moulin aux religieuses d’Argentac; et,
par une contre-lettre, ces religieuses s’étaient obligées de nourrir,
pendant trois ans , une demoiselle que devait envoyer la dame
de Muraillac. Cette contre-lettré était encore dans les papiers
de sa succession.
Enfin, comme on l’a déjà dit, elle avait fait, peu de tems avant
sa mort , 1111 dépôt de papiers et d ’argenlerie entre les inains
de l’abbesse de Brageac, pour remettre à l ’abbé Second son fils,
L e s r. Gineste n’avait pas eu plutôt connaissance de ce dépôl, qu’il
avait couru a l’abbaye de B ra geac, pour le réclamer. Juge de cette
abbaye , il dut persuader ou épouvanter une religieuse simple et
scrupuleuse, qui craignit d’avoirparu favoriser uulégitimaire, au
�(8 )
préjudice de l'institué. Comment d ’ailleurs s’exposer à uil procès
contre le sr. Gineste, juge, a vo cat, et qui passait sa vie à plaider?
L ’abbesse de Brageac devait faire valoir une saisie-arrêt faite
entre ses mains par les sieurs Daymard et Couderc ; mais le
sieur Gineste leva encore cette dilïiculté, en donnant une ga
rantie à l’abbesse de Brageac , et se soumettant à représenter le
dépôt aux créanciers.
Cette dernière particularité ne fut connue des sieurs Dnymard et Couderc, qu’après l ’arrêt de 1789, par une opposition
que fit l ’abbesse de Brageac, le 11 septembre 1790, à l’exécution
dudit arrêt, commencée contr’elle à leur diligence.
Cependant ils gardèrent le silence sur cette révélation, pour
savoir si les Gineste comprendraient dans leur compte ces objets
non inventoriés, ou s’ ils auraient l’infidélité de les taire.
Il ont eu cette infidélité.
L e compte rendu est divise' en trois chapitres de recette 7 èt
un chapitre de dépense.
3
L e i . er chapitre de recette n’a que articles.
I . er A rticle: 100 fr. pour le mobilier de la dame de Muraillac,
parce q ue, dit-on, il a f a l l u distraire de son inventaire, fait en
1 7 6 1 , le montant de celui du père, fait en 1781 , par la raison
q u ’elle avait retenu ce mobilier, en vertu du testament de 1731.
Article : oo fr. pour les bagues et joyaux de ladite M u
5
raillac. ( N ota. Les Gineste ont jugé à propos, après avoir fait
régler l’article à cette somme, par un jugement par défaut, de
réduire l’article à 66 liv. 12 sous 4 deniers , en disant que leur
mère n’avait droit qu’à une portion virile de ses propres reprises ).J
3 .e Article .*400 fr.
pour tous les arrérages de la ferme de
Pleaux, touchés par eux api'ès sa mort.
1
a . e Chapitre de recette, un seul article,
Composé des immeubles de la succession. Il n’est présenté
que pour mémoire.
.e Chapitre de rece tte, un seul article.
3
Des jouissances desdits immeubles depuis 1761 jusqu’à '1790«
à
�(9 )
• à 20 fr. par a n , attendu que l ’évalution dans les rôles ne porte
le produit net qu’à 11 fr. ; c’est, pour 29 ans. . .
o 1.
s*>
>Chapitre de dépense, 20 articles;
58
i . ° Reprise sur le mobilier...................................900
3
2.0 et .° L e sieur Gineste est créancier person
nel d e ................. ... ..................................................... .
<708
4.0, .®et 6.° Il est créancier, pour legs fait à
Marie-Jeanne Second, par Jeanne Muraillac , de
7 .0 Frais de maladie et enterrement.....................
546
114
8.° Frais de scellés , inventaire , requêtes,
exploits et affiches .......................................................
90
5
i
3
9.0 Pour valeur d'immeubles paternels, vendus
à M e d a l , par la Muraillac.................... ............. ... . 1,000
io.° et i i .° Payé au sieur L anglad e, ou gardes
baillistes de Saint-Projet, et frais . . . V ..............1,224
12.0 Payé à Etienne Boyer, créancier.................
3
1IO
1 .0 Pour frais faits contre ledit Boyer , pour
lui rendre compte du bénéfice d’inventaire . . . .
60
14.0 Pour impôts de iy 5g à i 7 7 i , o u pour in
térêts d’une créance Lacoste......................................
97
14
i .®Plus, au sieur Bastide, créancier d’un billet.
174
16
5
16.0 Plus , au sieur Vaissière , créancier d’un
billet . ............................................................................
144
17 .0 P lu s , à l’abbesse de Brageac, pour pro
messe du 26 mai 1761...................................................
72
18.0 Plus, au sieur Biard , créancier par sen
tence de 1742 , ............................................................
201
17
ic).° Pour les dépens auxquels Sont condamnés,
par l’arrêt de 1789...................................................... ...
23i
19
20.0 Pour les frais du présent compte.......................96
�( IO )
D ’où il suit que la dépense excède la recette de 4,191 //V:
6 den.; et les Gineste en concilient qu’ils doivent être renvoyés
de la demande (1).
5
Ce compte fut débattu par requête du novembre 1791; et
indépendamment de la critique faite aux articles ci-dessus, les
sieurs Couderc et Daymard firent un chapitre d ’omissions com
posé de
articles ;
i .° Pour la somme touchée par le sieur Gineste,
du sieur Chantegrie , acquéreur de la Muraillac . . . 1,782 .
5
1
2.0 Pour les trois ans de nourriture due par l ’ab
baye cVArgeutac , et dont Gineste avait donné ac
1,200
quit en 1 7 7 0 .................... .................................................
.° Pour valeur du dépôt retiré de l ’abbesse de
Brageac..................................................." . .......................... 10,000
4.0 Pour dix-sep t années de jouissances que lu
3
Muraillac avait eu droit de toucher des biens de
son mari, en vertu du testament de 1744, et dont
Gineste s’était emparé; la succession valant 80,000 fr. 34,000
.° Pour la quarte trébellianique qu’elle avait eu
droit de retenir sur ladite succession , d’après ledit
testament.............................................................................. 20,000
5
Par la même écriture, les sieurs Daymard et Couderc obser
vèrent que la légitime de l’abbé Second , dont les adversaires
sont héritiers , aurait dû être fixée ; et que comme il a recueilli
un sixième dans les biens de Gaspard Second , son p ère , il s’agit
de représenter ce 6.e pour faire face aux condamnations de l’arrêt
de 1789. En conséquence, ils indiquèrent les immeubles devant
servir à composer ladite légitime,
(1) E n 1772 » Gineste avait présenté un semblable compte à Etienne
B o y e r , d éno mmé aux articles 12 et i 3.
*
Al ors la dépense excédait la recette de a,304 fr. seulement.
Etienne Bo y e r n’ en a pas moins su se faire p a y e r , comme le prouvent
Icsdils
12
art.
et j3.
�•.
( 11 )
Ils conclurent, en conséquence, à ce que, sans s’arrêter au
compte frauduleux, présenté en 1790, les adversaires fussent
condamnés en leur nom.
Subsidiairement à ce que les adversaires fussent tenus de con
tester , dans la huitaine , la composition de la légitime de l’abbé
Second, sinon la déclarer suffisante, et condamner les adver
saires à en payer le montant, en exécution de l’arrêt ; sauf, en
cas de contestation , à faire estimer la succession.
Et en ce qui touche la succession bénéficiaire, et audit cas ,
à ce que les chapitres fussent réglés aux sommes ci-dessus , et
les adversaires condamnés aux dépens, sous réserve de pour
suivre les tiers-saisis , et dô faire saisir les immeubles , en con
formité de l’arrêt.
Les adversaires répondirent à ces débats par une requête du
16 mars 1792 ; et persistant dans leur compte, ils s’attachèrent
principalement à soutenir que l’arrêt de 1789 ne soumettait
au payement de la créance Daytnard et Couderc , que la le'gitimc maternelle de l’abbé Second.
Subsidiairement ils prétendirent qu’ il avait accepté la desti
nation de la légitime paternelle fixée à 1,000 fr. par le testa
ment de 17 3 1, et qu’il avait donné plusieurs quittances, soit
par des lettres missives , soit par un acte de 1752.
Quant au dépôt de Pabbesse , ils dirent, sans beaucoup de dé
tail (quoique la requête ait cent douze rôles) , qu’ils offrent com
munication de titres pris chez l’abbesse , lesquels ne signifient rien,
et que d’après l’arrêt, c’est aux Couderc et Daymard à indiquer
en quoi consistent les biens de la succession de Muraillac.
Les Ginestesenlaient bien (pie leur désir de soustraire ces deux
points principaux’ était singulièrement contrarié par l’arrêt du
parlement de Toulouse. A ussi, dans leur requête, firent-ils une
sortie vigoureuse contre ce parlement pour lui reprocher son
arrêt.
L'injustice de cet arrêt, disaient-ils, est révoltante , en ce qu’il
a jugé l’abbé Second, héritier pur et sim ple de sa mère : car
�( 12 )
Gine'fe étant héritier bénéficiaire, on ne p o u v a it, su iva n teu x ,
soutenir l’autre héritier pur et simple, suivant Dumoulin. « C ’est
« a in si, s’écriaient-ils, que des gens qyi ont acheté le droit de
« juger les hommes, remplissaient leur devoir. E t on s’est laissé
« entraîner par le torrent d’un siècle de despotisme, au point de
« regarder jusqu’à présent leurs jugemens comme des autorités
« respectables ».
Il faut croire que cet anathème, né à Salers, n’a pas au
trement nui à la réputation des magistrats de Toulouse, et que
leur arrêt n’en sera pas moins respecté.
L a cause était sur le point d’être jugée en 1793 , lors de
la suppression des droits féodaux, fort étrangère sans doute
à la contestation. Mais le tribunal de Salers , qui ne voulut
pas imiter le parlement de Toulouse, et se laisser accuser de
despotisme , ordonna qu’il en serait référé au comité de légis
lation , pour savoir s’il devait prononcer sur une vente de
rentes féodales, faite en 1756.
3
L e comité de législation répondit le 7 thermidor an
, au
tribunal de Salers , qu’il n’avait rien à juger sur la vente
féodale de 1756 , puisqu’il y avait un arrêt , et qu’il n’avait a
S’o c c u p e r que de son exécution ; qu’ainsi il devait passer outre.
Pendant c e tems-là le tribunal de Salers cessait d’exister, et
les femmes Couderc et Daymard assignèrent les héritiers Ginestc, par exploit du i . er fructidor an 4 , devant le tribunal
civil du Cantal pour voir donner acte de l'aveu , fait par les
Gineste , d’avoir retiré le dépôt de l’abbessede Brageac; en con
séquence être condamnés, en leur nom, à payer la créance ;
subsidiairement composer la légitime de
1abbe Second, d'un 6.e
des biens de Gaspard Second, et apurer le compte de la succes
sion Muraillac , de la manière exprimée en la requête du
5
novembre I7 9 1*
L e 14 pluviôse ail , les Gineste obtinrent tin jugement par
d é fa u t, lequel homologue l’entier compte présenté par les ad
5
versaires, à l ’exception de trois articles \ savoir , i.° l’intérêt des
�(
i
3
)
gains nuptiaux ; z.° des revenus de vingt-neuf ans, portés au
.e chapitre de recette ; .° de l’art. i du chapitre de dépense.
Autorise les adversaires à prélever les autres articles de dé
pense , en capital et accessoires.
Ordonne qu’ils seront tenus de se charger en recette des in
térêts de oo fr. montant des gains de survie depuis le décès de
3
3
5
5
la Muraillac.
Ordonne , avant faire droit sur l ’article des jouissances , qu’ils
seront estimés par experts, depuis et compris 1761 jusqu’à ce
jour.
Ordonne aussi, avant faire d roit, que la signature relative à
l’article i
5 du chapitre de dépense, sera vérifiée par experts.
Délaisse les Gineste à se pourvoir contre la femme Couderc ,
en remboursement de oo fr. par elle reçus pour la moitié de la
légitime, est-il d i t , de l’abbé Second , comme ladite somme ayant
été induement perçue avec l ’intérêt à compter du paiement.
( Nota. Ce dernier chef paraît être ajouté d ’oflice, sans con
clusions expresses ).
Condamne les Daymard et Couderc aux dépens.
5
Les femmes Daymard et Couderc formèrent opposition à ce
3
jugement, et les parties en vinrent à l’audience du i thermi
dor an , où les Gineste conclurent au débouté d’opposition,
et demandèrent à ne porter en recette qu’une virile dans les gains
5
5
nuptiaux de oo f r .; de leur p a r t, les Daymard et Couderc
persistèrent dans les conclusions ci-devant rapportées.
5
Par jugement du 14 thermidor an
, le tribunal du Cantal
prononça sur le tout, ainsi qu’il suit : i.° En ce qui touche la de*
inande en paiement personnel delà créance, il juge que les qualité»
des parties sont réglées par l ’arrêt de 1789 , lors duquel il fut
question du dépôt de l’abbesse de Brageac , et qu’on ne peut plus
remettre en question une chose jugée; que Picn-è Gineste avait
fait état des objets déposés et par lui retirés; qu’on en offre la
communication , et qu’il n ’est allégué aucune soustraction des
�c
1
4
5
pièces , or ou argent provenant du dépôt touché par Gineste.
z:° En ce qui louche la question de savoir si l ’arrêt parle de
la légitime paternelle de Jean Second, le tribunal juge que Jean
Second, étant réduit à une légitime de droit du chef mater
nel, et mort avant que Gineste prît la qualité d’ héritier béné
ficiaire en 1786, il n’a pu être tenu des dettes de sa mère que
sur son 6.e des biens maternels; que si 011 donnait à l’arrêt de
1789 une extension sur la légitime paternelle, ce serait prêter
aux juges qui l’ont rendu, une, ignorance des principes, invrai
semblable, et une contradiction manifeste, parce que si Jean
Second avait été assujéti sur les biens paternels, ce n’aurait pu
être que comme héritier pur et simple de la D u v e l , et alors
les mineurs Gineste, héritiers médiats de leur oncle, auraient dû
être condâmnés personnellement, tandis qu’ils ne l’ont été qu’à
rendre compte du bénéfice d’inventaire de la D u vel, et cette
dispôsition de l’arrêt ne paraît avoir été mise que pour que les
mineurs Gineste ne pussent demander la distraction du 6.e du
chef de Jean, sur la succession de la Duvel; d’où il suit que cette
condamnation ne peut porter que sur la légitime maternelle.
- Il est, ajouté que les paiemens faits parles Gineste, sur la lé
gitime paternelle de Jean Second, l’ont été par erreur et con
trainte , àxi en vertu des jugemens de Salers ; que le tout doit
êjre réparé en définitif, et que Jean Second ayant approuvé le
le legs et destination, en fournissant des quittances, acceptant
le titre, et se faisant payer les revenus en majorité, n’ayant ja
mais formé demande en supplément, les Dayniard et Couderc ,
après plùi de trente ans «le majorité, xi auraient jamais été recevables à exercer îles droits prescrits.
3.°
En ce qui touche les gains nuptiaux, il juge que d’après
les novëlles 98 et 127, la Muraillac. n’avait pu retenir qu’une
virile de s e s gains’nuptiaiix en propriété, et qu’il y a eu lieu de
changer les conclusions,
4.0 E h'ce qui touche les jouissances de la succession de Gas
pard Second, léguées à la Muraillac en 17 3 1, il juge qu’en ren-
�( i
5
)
dant le fidéicommis, elle ne s’est rien réservé; que le compte
énoncé au contrat n’est pas rapporté ; qu’elle n’a joui de la
maison, grange et jardin, qu’en vertu d’une contre-lettre non rap
portée , mais rappelée au testament de 1744, et au traité de 1747.
.° En ce qui touche les jouissances de la succession de
5
Marie-Jéanne Second, léguées à la Muraillac en 1744, il juge
que la Muraillac, ayant fait la remise de l’hérédité, sans rien
réserver, et sans faire publier la substitution , n’a pas eu droit
aux jouissances ; qu’il ne paraît pas qu’elle ait demandé judi
ciairement l’exécution de ce testament.
6.° En ce qui louche la quarte , il juge que la Muraillac ,
n’ayant fait aucun inventaire, l’avait tacitement abdiquée; que
d’ailleurs si elle avait joui, les trois quarts des fruits auraient
dû être imputés sur la quarte, et l’auraient absorbée.
7 .0 En ce qui touche l’abbaye d’A rgentac, il juge que rien
ne prouve que les Gineste en aient fait leur profit.
8.° En ce qui touche l’ indemnité demandée en l’art. 9 du
chap. de dépense, il a pensé que le testament de 1744 s’y oppo
sait, et que cette réclamation n’était pas fondée.
9.0 En ce qui touche les art. 2 , 3 ,
4 , 5,
10 et 11 du chap. de
dépense, il juge que, les premiers étant compensés par le traité
de 1747 , et même le ¡sieur Gineste étant resté débiteur de la
•Muraillac, de 678 f. 14 s., cette somme doit être portée en recette,
ou compensée avec, les 1,200 fr. de l’art. 10.
.
■
>
10.0 En ce qui touche le mobilier porté en l’inventaire de
1761 , et sur le fait de savoir s’il fallait déduire le mobilier de
17 3 1, il juge qu’il n’y a lieu de rapporter que les objets recon
nus n ’être pas les mêmes qu’en 17,31.
i i .° En ce qui touche l’art, i.er t]e dépense, relatif au mobilier
manquant, le tribunal du Cantal pose la question, et n’y donne
aucun motif de décision; mais il y a déboulé au n.° 6 ci-après.
En conséquence , ledit jugement définitif, du 14 thermidor
an , « i.° déboute les femmes Daymard et Couderc de leur de-
5
<tt mande eu condamnation personnelle, sauf à elles à prendre
�( 16 )
« communication de l ’état des pièces et actes déposés ès-mains
« de l ’abbesse de Brageac, et prendre à cet égard telles conclu«' sions qu’elles aviseront ;
« 2.0 Ordonne que la condamnation portée par l’arrêt dû par
te lement de Toulouse, du 9 mars 1789, en payement de la légi« tirne de Jean Second, n’a dû ni pu porter que sur la légitime
« maternelle, et nullement sur la légitime paternelle ; en consé« quence, ordonne que toutes les sommes payées par les Delzor
« et Gineste, à la suite des procès-verbaux et jugemens de pro*
« vision, seront portées au chapitre de dépense, ou compte de
« bénéfice d’inventaire de la succession de Marie Duvel ;
« .° Ordonne qué la somme donnée par Gaspard Second à
« la dame D u v e l, en leur contrat de mariage, sera réduite à
« i66.1iv. 1 sous 4 deniers pour le tiers faisant la portion virile,
« avec intérêts à compter du décès de la dame Duvel;
3
3
« 4.0 Déboute lesdits Daymard et Couderc de leur demande
« à fin de payement des jouissances de la succession de Marie« Jeanne Second, et distraction de la quarte trébellianique;
« 0 Les déboute de leur demande à fin de payement de la
« pension stipulée par Marie D u v e l , avec les religieuses d’Ar« gentac;
« 6.° Les déboute de la demande en rapport de 1,700 francs,
« montant de la collocation faite à Emeric Gineste, par la sen
5
te tence d’ordre de 1765 ;
« 7 .0 Déclare les Gineste non-i’ecevables a porter en dépense
5) 1,000 fr. pour dédommagement des aliénations faites par Marie
« D u v e l, de certains héritages de la succession, vente de cabanx,
« marchandises énoncées en 1 inventaire fait après le décès de
« Gaspard Second, ainsi que de la créance Faure, et legs fait à
« Jeanne-Marie Second; en conséquence, ordonne que les ar-
3
5
« ticles 1 , 2, , 4 , , 9 du chapitre de dépense seront rejetés;
« 7.0 Ordonne (pie le chapitre de recette sera augmenté de
ci 678 liv. 4 sous 4 deniers pour les causes du truité du 8 octobre
« 1747, pour être ladite somme compensée au désir dudit traité,
« avec celle de 1,200 fr. payée au fermier de Saint-Projet ;
�7
( i
)
• « 8.° Ordonne que les Gineste seront tenus de représenter les
« meubles reconnus par l’inventaire fait après le décès de Mario
« Duvel, être en sus de ceux portés en l’inventaire fait après le
« décès de Gaspard Second, pour iceux être vendus, s’ils sont
« en nature, ou en payer la valeur suivant l’estimation; décharge
« les Gineste de la délivrance du surplus des meubles;
« 9.0 Avant faire droit sur le surplus des articles du compte,
« et sur les demandes en main-levée du sursis, ordonne qu’il
« sera procédé à l’estiinalipn des fruits et jouissances des im« meubles de la succession de Marie D u v e l, depuis son décès
« jusqu’à ce jo u r , et des meubles ci-dessus, etc. dépens réservés. »
Tel est le jugement dont les héritiers üaymard et Couderc ont
interjeté appel. Ils vont, pour proposer leurs moyens avec plus
de clarté, parcourir séparément les chefs qui leur ont paru coït*
tenir des erreurs à leur préjudice, en suivant l’ordre même des
motifs dudit jugement.
r' '
1. Dépôt de L'abbesse de Brageac.
\ Des créanciers légitimes , qui disputent ce qui leur est dû
contre.¡un héritier soi-disant bénéficiaire, méritent toute la la
veur de la justice; car tout est caché pour eux dans une famille
étrangère : il faut donc que la conduite de l’ héritier bénéficiaire
soit franche et de bonne foi. Il ne doit rien retenir ou dissimuler;
et si apiôs son inventaire de nouveaux objets parviennent, soit
en ses mains, soit à sa connaissance, il est de sou devoir de les
faire (inventorier à lÜnslant :,car les créanciers doivent tout voir
•dans l’inventaire,' sans rieii chercher hors de cet acte. Tout cela
est d’équité et de principe. Voyons maintenant si le sieur Gineste
s’y est conformé.
;
t viLa, dame Mtirïitllac, veuve Second , voyant qu’elle avait plaidé
;t0ute sa vie av£Q le sieUr Emeric Gineste père, et que le sieur
¡Pierye Gineste son fils croissait avec les mêmes dispositions ,
conçut des inquiétudes au sujet de Jacques Second , prêtre ,
3
�-c
1 8 }
.
'son fils, qui déjà , pour avoir sa pension du séminaire, avait été
forcé aussi de soutenir un ou deux procès.
Elle déposa dans les mains de la dame Dhauzers, abbesse de
"Brageac, un sac de papiers, et une corbeille d’argenterie, pour
le remettre, après sa mort, à l ’abbé Second. L e sac contenait,
à ce qu’il paraît, plusieurs titres et obligations qui étaient des
créances de la veuve Second, tant contre divers particuliers,
que contre la succession de son mari. Il est notoire que sa ferme
de Pleaux était très-lucrative, et qu’elle avait un porte-feuille
considérable. Nous avons dit qu’elle mourut en 1761.
L e sieur Gineste se porta seulement héritier bénéficiaire, et
fit, en cette qualité, procéder à uu inventaire en la même année
1761.
Supposons , si on ve u t, que, lors de cet inventaire, il ne con
naissait pas ce dépôt.
Mais quand il est allé le retirer, devait-il s’abstenir de faire
ajouter ces objets à l’inventaire ?
*'
Il était avocat et juge de Pleaux; 'il ¿tait de plus juge de
l'abbaye même de Brageac. E ta it-il de bonne foi en retirant
pour lui seul, et non pour les créanciers , un objet inventorié?
Etait- il de bonne foi en induisant en erreur desTeligieuses qui
avaient pleine confiance en lui?
L es sieurs Daymard et Couderc avaient fait une saisie-arrêt
entre les mains de l’abbesse, le 22 août 1764.
Quand leurs veuves voulurent l’assigner sur leur saisie-arrêt,
en 1780, elle re'pondit, par une requête du 21 juin 1783, qu’à la
vérité la dame Second lui avait remis un sac cousu, contenant
des papiers, sans aucun état ou mémoire, et une corbeille de
jo n c , contenant o liv. à’étain travaillé, pour remettre, après
son décès , à l’abbé Second, son fils, alors a Paris; qu’elle remit
ce dépôt au sîeùr Gineste, en 1772 , et avait dû le lui remettre,
parce que la dame Second et l’abbé étaient m orts, et que Ids
sieur Daymard et Couderc s’étaient absentés; que d’ailleurs il
y avait prescription.
3
�9
( i
)
A v a n t cette signification, l’abbesse avait marqué à la veuve
Lacroix , par une lettre du 26 mai 1776, que M. Gineste, hé
ritier sous bénéfice d’inventaire, et autorisé en justice, avait
retiré ce dépôt, et l’avait porté à Aurillac, avec l’inventaire des
effets de la veuve Second.
Ainsi le sieur Gineste avait persuadé à cette dame qu’il était
autorisé de la justice pour retirer ce dépôt.
Il lui avait persuadé, pour vaincre ses scrupules sur la desti
nation du dépôt, que l’abbé Second était mort en 1772 , à Paris ;
et il n’est mort que le 21 avril 1777.
Il lui avait persuadé que les sieurs Daymard et C ou derc,
créanciers saississans en 1764, s’étaient absentés, et il savait
qu’ils étaient morts.
Il parlait de péremption à une religieuse qui devait certai
nement le croire; et cependant il savait bien qu’une saisie-arrêt
ne périme pas.
Voila donc comment agissait un héritier bénéficiaire envers
des créanciers, ou plutôt envers les veuves de deux créanciers,
pctrce qu’il lui était bien aisé de dénaturer alors tous les papiers
dont il venait de s’emparer, au risque de dire , comme il l’a fait,
qu’on 11e peut pas diviser sa déclaration.
Ilemarquons cependant les suites de cette infidélité. Il était en
procès en 1772; lorsqu’il retira ce dépôt, il garda le silence, il
ne fit rien constater ; ou du moins s’il y eut un récépissé dé
taillé , il n’a jamais voulu le produire.
, Il présenta un compte de bénéfice d’inventaire en 1772, et
ne dit pas qu’il avait des objets non compris en l ’inventaire
de 1761.
, Quand il a vu qu’on poursuivait en 1780 l ’abbesse de Brageac,
il a retardé le plus qu’il a pu les édaircissemens à cet égard.
79
Ce n’est qu’en » 1 c]u’il signifie un compte, quand il voit que
trente ans d’intervalle ont tout dénaturé, et que les créanciers
Daymard et Lacroix seront hors d’état de découvrir en quoi
consistaient les papiers, qu’il a enlevés lui-même, malgré leur
�( 20 )
85
saisie. C ’est alors, ou plutôt en i o , et après quarante ans ,
qu’il leur dit séchemçnt : Ces papiers étaient inutiles, vous ne
prouvez pas le contraire, donc ma déclaration doit prévaloir,
parce qu’elle est indivisible.
N o n , il est impossible de ne pas voir dans cette conduite le
cas d’application des lois sur la déchéance du bénéfice d’in
ventaire.
- L ’inventaire, dit M. d’Argent ré, doit être la description fidèle
de tous les biens meubles et immeubles du défunt, et son objet
est de conserver aux créanciers tout ce qu’il leur importe de
connaître : inventarium descrïptio est bonorum mobilium et
irnmobilium de/uncti , vocalis creditoribus. . . . F in is ejus , ut
res salvœ sint creditoribus. . . . . Inveniarii. materia bona sunt
tam mobilia quàm im m obilia, nam etsi im m obilia auferri non
possunt et p a te n t, et fo r is cubant, ut loquun tur, tamen possessio eorum interverti p o te s t, et seçretb in alios transferri.....
E rgo hœreditaria om n ia, bond Jide describenda puto , et in
eo creditorum interesse versatur ; est enim inventarium instmmentum commune hœredis et creditorum. (A rt. 514, gl. ).
A la vérité, d’autres auteurs, ont pensé que l’état des im
meubles n’était pas absolument nécessaire, mais ils exigent au
moins la mention des titres de propriété, par les mêmes raisons
que les créanciers doivent être mis à portée de connaître, par l'in
ventaire , tout l’actif de la succession.
3
Il faut m ême, d’après d’Argentré, un tel détail dans l ’inven
taire, qu’il 11e se contente pas de l ’état approximatif des grains,
mais il veut qu’on les mesure, dici debetfrugum mens lira, nec
sufficit cumulum d ixisse; il veut quon estime chaque.objet, ou
qu’o n l e décrive de manière a ne pas en substituer un autre,
ne ejusaem nom inis spccies pro aliâ supponi p o s sit, viliorpro
m eliorc ,* ef il déclare que tout cela est d’autant plus indispensa
ble qu’il n’a que trop vu de fraudes de ce genre , au préjudice
des créanciers, adhibitis cujusque arti/icii opificibus. Il s’élève
'.même contre ceux qui penseraient qu’il ne faut pas autant de
�( ai )
précautions. C a r , pourquoi ne pas proférer, dit-il, ce qui est
plus utile et plus sûr? Quarc quod u liliu s el cautius displicet ?
- O r , toutes les fois qu’il y a des omissions dans l’inventaire
l’héritier bénéficiaire est déchu du bénéfice , et réputé malgré lui
héritier pur et simple.
Une loi romaine à la vérité semblait ne le condamner qu’à
la peine du double, qui est inconnue parmi nous; mais elle
était contrariée par d’autres lois , et la jurisprudence française
n’a jamais admis que la déchéance du bénéfice d’inventaire pour
les recelés ou omissions, comme on le voit dans Brodeau , Leprêlre, Furgole et Pothier.
, En effet & bénéfice d’inventaire n’était accordé par la loi que
1
sous la condition de faire un bon et fidèle inventaire. Si la con
dition n’était pas remplie il n’y avait plus de bénéfice.
y a même , dit Fachinée , qui a fait une dissertation
sur cette question , plus à reprocher à celui qui.fait des omis
sions, qu’à celui qui 11e fait aucun inventaire; car on peut croire
à l’ignorance de celui-ci plutôt qu’à son dol. Mais celui qui n’in
ventorie pas tous les objets de la succession , ou qui en dissimule,
aux créanciers, n’est pas digne du bénéfice de la loi. Ig itu r s i
11
hæres non descripsit omnia bona , ea occullando , non est
dignus beneficio legis. ( L i v . 4 , ehap. 37).
Aujourd’hui le Code civil a fait de ces principes une loi pré
cise en l’art. 801. « L ’héritier, qui s’est rendu coupable de recélé,
« ou qui a omis sciemment de comprendre dans l’inventaire des
« e/fets de la succession, est déchu du bénéfice d’inventaire».
O r , comment peut-on dire que Pierre Gineste n’a pas fait
cette oir.ission sciem m ent, lui qui se cachait des créanciers pour
demander à l’abbesse de Brageac un dépôt, dont la valeur et la
consistance n’étaient pas connues.
Dira-t-on que Gineste ne connaissait pas lui-même le dépôt
en 1761 ? mais qu’il lise l’inventaire, il verra la clause de style,
par laquelle Gineste, en affirmant 11e connaître aucun autre objet
de la succession, ajoutait qu’il déclarerait ceux qui viendraient
par la suite à sa connaissance.
�( 22 y
Sans cela l’inventaire ne serait le plus souvent qu’ une ébauche
inutile ; car quand les papiers d’une succession sont chez les no
taires ou huissiers pour des recouvremens, lors de l’inventaire,
il faut bien que l’héritier bénéficiaire en fasse un second, s’il
ne veut pas expolier les créanciers.
L ’usufruit des pères était bien plus favoi-able que le bénéfice
d’inventaire. Cependant quand il y avait lieu de leur part à faire'
un inventaire, ils étaient privés de l’usufruit, si après en avoir
fait un premier, ils n’ajoutaient pas dans un second ce qui sur
venait ensuite.
La sénéchaussée d’Auvergne a prononcé deux privations d’usuiruit en ce cas; en 1775, contre James Tournilhas de V o lo r e ,
et en 1788, contre Jasseaume Dolmet.
Les premiers juges ont écarté tous ces principes, en disant
qu’il y avait chose jugée à cet égard par l’arrêt de 1789, parce
qu’alors il avait été parlé du dépôt de l’abbesse de Brageac. ■
Mais où ont-ils vu qu’il eût été question le moins du monde
de la difficulté. L ’abbesse était en cause elle-même comme tierssaisi ; il s’agissait d’obtenir contr’elle une condamnation à vider
ses mains, et c’est là ce qui a été ordonné.
L ’objet de la demande était donc une saisie-arrêt contre l’ab
besse elle-même , ainsi il n’y a pas chose jugée , puisqu’il faut,
suivant les principes , eadem res, eadem persona, eadem causa
p e te n d i, ce qui est rappelé en termes plus précis encore par l’art;
i3 5 i
du Code civil.
Les sieurs Aymnrd et Couderc n’avaient pas même intérêt
alors d’abandonner leur action directe contre l ’abbesse de Bra
geac, pour la suivre contre un héritier bénéficiaire: et si un instant
il y a eu d e s conclusions contre le sieur Gineste, en condamna
tion personnelle , elles venaient de tout autre cause, mais non
de la réception du dépôt, puisque les conclusions prises contre
l’abbesse ont toujours subsisté, ont été même adoptées par l’arrêté
Ce n’est qu’après l’arrêt, après commandement à l’abbrsse d’y
satisfaire, et même après saisie-exécution et assignation pour la
�( î3 )
■ . •. ■
vente, que l’abbesse fut forcée de révéler, par notification du r i
septembre 1790 , qu’elle avait un billet de garantie d u sr . Gineste.
Ces poursuites prouvent donc que la chose jugée, quant au dépôt,
était encore personnelle à l’abbesse; et lorsqu’on a appris, pour
la première fois, que le sieur Gineste avait tout pris sur son compte,
j)ar une garantie, alors seulement il y a eu lieu d’agir conte lui,
pour faire valoir tout le résultat de l ’infidélité par lui commise.
M ais, ont dit encore les premiers juges, les qualités des parties
sont réglées par l’a rrêt, et sont dès-lors invariables.
Erreur encore ; car il n’y a d’indélébile que la qualité d’héri
tier pur et simple : car celle d’héritier bénéficiaire peut être
changée d’un instant à l’autre, suivant les circonstances.
Un hériter bénéficiaire peut n’être pas réputé coupable d’omis
sions, lorsqu’on juge seulement sa qualité. Mais s’il en est con
vaincu ensuite, la faveur changera ; et le moindre recélé bien
justifié, comme dit Rousseau-Lacombe , le fera déchoir à l’ins
tant du bénéfice d’inventaire.
Ici on a pu croire Gineste de bonne foi dans le retirement du
'dépôt de Brageac, tant qu’il était incertain s’il voulait se l’appro
prier; et le parlement de Toulouse, en|ordonnânt un compte de
la succession, a dû croire que le sieur Ginèste ÿ ‘ porterait les
objets par lui retirés.
Point du tout ; le compte est présenté en 1791 , et on n’y trouve
ni la corbeille contenant ce qu’on à dit être de l’étain, ni le sac
de papiers , qui devait bien être de quelque valeur, puisque
c’était un don manuel destiné à un légilimaire.
A lors, sans contredit, a commencé le drbit des sieurs Day
mard et Couderc , de dire au sieur Gineste : Vous ne pouvez plus
être héritier bénéficiaire , puisque vous retenez sciemment un
objet de la succession.
■
'
Dira-t-il qu’on a conservé l’action en rapport contre l’abbesse?
Ce serait aujourd’hui une chose idéale; mais d’ailleurs il a de-
�( H )
meure seul en prise par sa garantie ; et en exerçant même les
droits de l’abbesse , l’action revient à lui.
Or quelle est cette action? Un saisi, qui ne représente p a s ,
est condamné à payer la dette lui-même, après un délai de grâce.
L e sieur Gineste, garant de l’abbesse, doit y être condamné; et
ce sera la même chose que le déclarer héritier pur et simple.
Dira-t-il encore qu’il ne peut pas être tenu à plus qu’il n’a pris?1
Ce n’est pas là la question ; car , en sa qualité d’héritier par bénéjice d’inventaire, il suffit qu’à l’instant actuel on ne voie pas
dans l ’inventaire , ni dans son compte, ce qu’il~a retenu, il est
dans le cas de l’art. 801 du Code civil.
Un créancier ne peut pas être astreint à prouver les circons
tances d’un retirement de dépôt , qui a eu lieu en 1772. Il suffit
qu’il établisse le fait matériel de ce retirement; cela lui suffit.
Comment saurait-il même ce que l’abbesse dépositaire ignorait,
et ce que le sieur Gineste eut tant d’empressement de cacher?
Cependant les précautions du sieur Gineste n’ont pas empêché
qu’une partie de la vérité ne soit venue aux oreilles des héritiers
Daymard et Couderc.. Ils ont indiqué quelques-uns des titres qui
formaient le dépôt, et notamment une obligation de 3 , 4 0 0 fi\ ,
consentie au sieur Melon , puis_dénaturée par le sieur Gineste:
ils persistent.enqore-à .offrir Ja preuve de ce fait particulier, si la
c o u r la juge nécessaire.
,
S’il restait encore quelque.doute à la cour sur cette question,
15
la plus importante de toutes, puisqu’elle,dispense de juger celles
‘ t‘
* t
1
1
*
qui suivent, y a-t il à hésiter diuis 1 alternative de faire.supporler
une dehe sacrée a u x. deisc e nclans jCt 11 débiteur, ou de (aire perd rp
•
des ¡créanciers» (é^itimeSj?. Upe, familjp opulente jouit de la: suc
cession qui est le gage de la d^lje ; et il est bien clair que tout
ce qu’elle retient n’esl pas^cojinu. Les Daymard * au contraire,
trompés par la Muraillac, plaidant depuj^(i o oiip^pour.ravoip
5
.•l’argpti I- qu*j!?(,o” 1
Qucorc. N’y eu,t-il .qpe
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•^}e,?*%l?i (lu’;'.
P'?s: twmipés
P»)jîcle^ r^j^té^.par le^ premiers jugesj,
'
il
�(
^5
)
il serait bien certain au moins qu’on a cherché à les duper en
tout. Alors comment, dans l’incertitude m ê m e , la Cour pren
drait-elle sur son compte de sacrifier le créancier légitime qui
perdrait évidemment, plutôt que l’héritier du débiteur qui ne
peut jamais tout perdre, puisqu’il lui reste la succession?
L a Cour peut d’autant moins se faire scrupule de condamner les
héritiers Gineste à-payer la dette des D aym ard, que déjà en 1772 ,
après un semblable compte , et malgré un déficit considérable,
les Gineste furent assez sages pour payer le créancier clairvoyant,
qui était plus à portée de révéler beaucoup. Ainsi ce ne sera au
jourd’hui que leur rendre la justice que déjà ils se sont rendue
eux-mêmes.
2. Légitim e de L’abbé Second.
Les Gineste ne veulent pas rapporter sa légitime paternelle
et cette résistance ne peut pas étonner : car un héritier bénéfi
ciaire a toujours pour règle exprimée ou sous entendue, qu’il ne
ne doit payer que le moins qu’il peut. Mais il est inconcevable
que les premiers juges aient adopté les sophismes ridicules qu’on
leur a présentés sur cette question.
Ils sont cependant condamnés par l’arrêt à rapporter deux
choses,
i . ° L a succession bénéficiaire de la Muraillac ;
2 .0 L a légitime de l’abbé Second.
Si la légitime était comprise dans la succession bénéficiaire; il
était inutile d’en faire un article à part, et de distinguer aussi
positivement la légitim e.
' Les Gineste , tant en leur nom
que com m e
héritiers de l ’abbé,
auraient été condamnés à rendre le compte de la succession ma
ternelle. Voilà tout.
A u contraire l’arrêt explique fort bien que la légitime est indé
pendante de la succession bénéficiaire, et les adversaires qui n’ont
4
�(•26 )
5
pas voulu l’entendre en l ’an , l ’avaient cependant fort'bien en
tendu en 1790.
Car ils avaient donné alors aux femmes Daymard un à-compte
sur cette légitime; et cet à-compte ne pouvait pas se régler sur
la succession de la mère, puisqu’ils prétendent qu’elle est obérée.
Il faut être conséquent avec soi-même, et répondre à un di
lemme bien simple : ou les quittances de 1791 sont données sur la
légitime de la mère, ou sur celle du père.
Dans le premier cas, l’inventaire est faux, et les adversaires
doivent être réputés héritiers purs et simples.
Dans le deuxième cas, la question est jugée par eux-mêmes.
Mais un bail de copie du 7 juillet 1791 , va la juger mieux
encore, et voici comment.
Par la quittance de 1790, il avait été payé
5oo fr. à Marianne
Couderc à compte de la légitime de Pabbé Second, en exécution
de l'arrêt du 9 mars 1789, sous réserve de répéter s’il y avait
d’autres quittances excédantes.
L e 7 juillet 17 9 1, on signifia à ladite Couderc cette quittance
avec une autre de 700 fr. du 2 octobre 1762, et on conclut à être
remboursé de 200 fr. payés de trop.
L a cour se rappelle que le testament de 17S1 avait fixé pour
légitime paternelle à l’abbé Second 1,000 fr.; et voilà pourquoi
Gineste, ayant payé 1,200 f., disaient avoir payé de trop 200 f.
l e s
" Ainsi le meilleur interprète de l’arret du 9 mai 1789 est le
fait personnel des adversaires, ou l’exécution même de cet arrêt.
Combien d’après cela devient mesquin et pitoyable le motif du
jugement dont est appel, qui excuse celte exécution, en disant
qu’elle a eu lieu par erreur et contrainte, ou en vertu d’un ju
gement provisoire.
Qui a pu révéler aux premiers juges qu’il y avait erreur et
contrainte, lorsque les parties n’ont pas demandé à être restituées
à cet égard? les moyens rescasoires ne peuvent pas être suppléés.
�( *1 )
Où aurait été la contrainte quand on a payé volontairement, en
exécution d’un arrêt souverain?
'L e bail de copie seu l, du 7 juillet 179 1, détruit tout cet échaffaudage d’excuses puériles.
S ’il y avait eu erreur, ce ne serait qu’une erreur de droit con
tre laquelle on n’est pas admis à revenir. Mais ce n’est pas là la
question, car il n’y a pas d’erreur, puisque un an après le paie
ment, on 11’en conteste que la quotité.
Les premiers juges accusent aussi d’ignorance le parlement
de Toulouse, s’il avait jugé que l’abbé Second devait rapporter
la légitime de son père, parce que, disent-ils, il aurait fallu l’y
condamner comme héritier pur et simple de sa mère.
Mais sans contredit c’est bien ainsi que le parlement l’a entendu;
et dû l’entendre.
Où ont trouvé les Gineste , qui paraphrasent à leur guise cette
partie obscure du jugement de St.-Flour, que l’abbé Second ne
fût pas héritier pur et simple, par la seule raison que Gineste ne
l ’était pas?
Les qualités d’héritier sont personnelles. L a règle générale est
qu’on soit héritier pur et simple; la qualité bénéficiaire n’est que
l ’exception; mais elle n’atteint que celui qui la réclame.
O r , jamais l’abbé Second n’a voulu être héritier bénéficiaire,
quand dès 1761 Gineste en prenait la qualité. L ’arrêt et la pro
cédure prouvent cette différence avec clarté. Ainsi l’abbé Se• cond , qui a vécu jusqu’en 1777» est mort héritier pur et simple
de la Muraillac sa mère.
Quelles en sont les conséquences?
C ’est qu’il a été tenu des dettes de sa mère ullrà vires. C ’est
que toute sa fortune a été responsable de ces dettes, et par con
séquent sa légitime paternelle a dû y contribuer.
L e parlement de Toulouse n’a donc fait qu’appliquer les prin
cipes les plus élémentaires, en ordonnant que la légitime de l’abbé
Second (qui était entre les mains des Gineste), serait rapportée
par eux, pour payer les dettes de la M üraillac, et qu’ev/ outre,
�( *8 )
_
,
les Gineste rendraient compte de la succession bénéficiaire qui
était aussi dans leurs mains.
M a is , disent encore les premiers ju g es, l’abbé Second avait
approuvé la destination de légitime, en donnant des quittances ,
acceptant le titre, et recevant ses revenus en majorité. IL est mort
sans demander un supplément.
Est-ce qu’une légitime serait approuvée par des quittances
données à com pte?
Il est de principe au contraire que le légitimaire n’approuve
qu’après avoir connu le testament du père, n isi cogn itis inspectisque verbis iestam enli , comme la loi le dit elle-même.
L a coutume d’Auvergne dit que le legs doit être approuvé
sciem m ent $ et ces lois sont appliquées journellement parla Cour.
Un arrêt du 19 ventôse an 11 a même admis à revenir coutre
une renonciation, faite moyennant une légitime conventionnelle,
portée par un testament dont le notaire était indiqué, mais dont
la date n’était pas rappelée. A tte n d u , a dit la C ou r, qu’on n'a
donné connaissance , n i de la fo r m e , n i des clauses , ni de la
date de l ’a c te; cet arrêt n’a fait autre chose que l’applicatiou
textuelle de la loi, nisi inspectis verbis testamenti.
L ’abbé Second, né en 1729 , émancipé en 1749, plaida aussi
tôt avec le sieur Gineste pour avoir la pension qu’il devait payer
au seminaire, et dont le père avait chargé le sieur Gineste.
L a famille délibéra le 7 novembre 1749, qu’il lui serait payé
3oo fr. par a n , à condition que s’il ne se contentait pas dè la
légitime prom ise, et réclamait (lors de sa majorité) la légitime
de d roit, il imputerait l’excedant de l ’intérêt, s’il y avait lieu, sur
le principal de cette légitime.
En 1750 , le sieur Gineste fit a Pleaux un titre clérical de 80 .
par an à l’abbé Second , qui habitait Paris.
Mineur et absent, lors de cet acte, il n’a pas fait sans doute
1
d’acceptation légitime. Aussi ne veut-on la trouver que dans les
quittances postérieures.
�( 29 )
On produit deux lettres et deux reçus de 1750 et 1751. Mais
nulle part 011 ne voit d’approbation de légitime ; tout est donné à
compte.
Les reçus de 17*10 sont à compte de la sentence qui a con
damné Gineste à payer oo fr. par an pour la pension du sémi
naire; ne voilà donc que des revenus.
Aussi on n’a excipé, lors du bail de copie de 1791, que d’une
seule quittance du 2 octobre 1752, de 700 fr. que l’abbé promet
passer à c o m p t e , sans dire même que ce soit sur sa légitime.
D e 17&2 jusqu’à son décès en 1 7 7 7 , il n’y a plus de quit
3
tances; ainsi non agnovit ju d iciu m defuncti.
L ’action en partage dure trente ans utiles. L ’abbé Second a
été majeur le 24 septembre 1754 ; par conséquent «il ne s’est
écoulé jusqu’à son décès, au a i avril 1777, que vingt-deux ans
six mois et vingUhuit jours de prescription.
Par la règle, le mort saisit le v i f , les Gineste ses héritiers
ont à l’instant été substitués à ses obligations dans toute leur
étendue; eux seuls ont dû faire face, vis-à-vis les Daymard et
Couderc, à tout l’objet de leurs demandes.
Ces demandes étaient pendantes en 1777 contre l’abbé Se
cond et contre les Gineste; il y a eu reprise, et l’arrêt de 1789 ,
en ordonnant contre les Gineste, qu’ils rapporteraient la légitime
de l’abbé Second aux créanciers exerçant ses droits, a voulu
qu’elle fût rapportée télle qu'elle était due, sans oi’donner qu’elle
serait réduite à 1,000 fr. ou à oo fr., puisque les Gineste n’en
3
avaient jamais élevé la prétention.
L ’arrêt de 17O9 , par cette disposition , et par celle du compte
de la succession Muraillac , n’a donc fait que prononcer une con
damnation générale , mais indéterminée, parce qu’il ne s’agissait
alors que de régler les points de droit; le montant de la légitime,
comme le montant du compte, devaient être également inconnus
au parlement de Toulouse , lors de son arrêt. C ’était aux Gineste
à faire face à la double condamnation prononcée contre eux, eu
l’exécutant.
�C 30 )
Jusqu’ici donc l’arrêt de Toulouse a demeuré sans exécution
en cette partie; les adversaires se sont contentés de signifier un
compte infidèle. Mais ils ne peuvent pas se dispenser d’obéir à
la chose jugée. Ils doivent, on le répète, rapporter la légitime
paternelle de l’abbé Second , et cette légitime ne peut être qu’un
6.e de la succession en meubles et immeubles, sauf la déduction
de 709 fr. sur les revenus, puisque l’abbé Second est mort sans
avoir rien approuvé.
3 . Gains n uptia ux de la veuve Second.
5
L es adversaires,après avoir offert oo f r ., veulent réduire celle
somme à« un tiers.
11 est vrai que les principes du droit écrit ont sur cette ques
tion une disposition particulière.'
Par les lois du code, les gains nuptiaux étaient propres au sur
vivant. L a novelle 2 , chap. 2, 11e lui en laissa que l’usufruit. L a
novelle 22 , chap. 20, lui en rendit la propriété, sauf le cas des
secondes noces. La novelle 98, chap. i . er , a rétabli la novelle 22,
et enfin la novelle 12 7, chap. , a laissé au survivant non re
marié une portion virile eu propriété, et l’ usufruit du surplus.
Quoi q u ’ il en soit de cette variation , et sans examiner si cette
dernière loi a d’autre but que d’empêcher le survivant de faire
entre ses enfans une disposition inégale d’ une portion des biens
3
de l’autre époux, il y avait, dans l’espèce, dérogation expresse à
la nature du gain de survie.
Car dans le contrat de mariage de 1720, il y a donation des
5oo fr. pour être propres dès à prcscnL à |,i fuiurç; elle a donc
élé saisie dès l’instant même, et propriétaire de cette somme,
t
»
Mais admettons pour un instant que les adversaires eussent
droit de réduire au tiers les oo fr. de survie, promis par Gas
pard Second a la dame Muraillac sa veuve.
S’ils ont eu ce droit, ils l’ont perdu par leurs conclusions
5
admises en jugement.
�( 3 0
•Car non-seulement les adversaires ont offert cette somme de
oo fr. dans leur compte ; mais elle est aussi dans le jugement
par défaut du 14 pluviôse an , avec des motifs très-détaillés.
.O r , comment les premiers juges ont-ils pu corriger un juge
ment par défaut, dans une partie dont l’opposant ne se plaignait
pas? C ’était se réformer soi-même, et reconnaître qu’une ques
tion de droit avait été mal jugée la première fois.
Cette prononciation de mal jugé était au-dessus du pouvoir des
premiers juges.
5
5
1
4 , 5 , 6 . Jouissances des fidéicornm is et quarte trébelU anique.
'
>«,
L a dame Muraillac avait droit de jouir comme héritière fidéicommissaire des biens de son époux jusqu’à son décès; 011 11e le
lui dispute pas.
Mais on prétend qu’elle a remis l’hérédité sans rien réserver
et que cette remise ne lui a laissé aucun droit de jouissance.
Cela serait vrai, si la remise eût été volontaire; mais la veuve
Second ne fut forcée de ne pas jouir que par l’usurpation du sieur
Gineste, avec lequel elle plaida toute sa vie. Après le testament
de son.m ari, qui la fit héritière iidéicommissaire en i j d t , elle
rémit l’hérédité à sa fille en i j S j , et cela pour elle.
Redevenue héritière en 1744, p a rle testament de sa fille, elle
voulut reprendre les biens, mais le sieur Gineste s’y opposa.
Les appelans ont excipé devant les premiers juges d’une signi
fication qu’elle fit en 1746, du testament de 1744, pour deman
der qu’il fût exécuté à son égard. O r , peut-011 se faire un titre
contr’elle de l’impossibilité où elle fut de jouir.
O11 objecte que, d’après l’article
36 de l’ordonnance des subs
titutions, elle est reputee n’avoir jamais accepté le fidéicoinmis.
Mais cet article même ne dit pas qu’il faut jouir pour accepter ;
mais qu’on est censé accepter, soit par la possession, soit par
des demandes.
�(
3a
)
On dit que la veuve Second ne fut qu’héritière fiduciaire de
sa fille. Mais la principale distinction du fiduce, d’après Peregrinus et Henrys , est quand le fidéicommis doit être remis iti
dietn certum , et quand 011 prohibe la distraction de quarte.
Tout cela n’a pas eu lieu dans le testament de 1744.
D ’ailleurs, autre chose est le fiduce , autre chose est le legs
personnel des fruits.
>
Gomment admettre, sans injustice, que le sieur Gineste, détempteur de revenus quelconques, appartenant à sa belle-mère, .
ait pu les retenir en refusant de payer ses dettes ?
Tout est rigoureux contre l’héritier qui veut séparer les pa
trimoines; et il n’est pas juste qu’il distraye la moindre chose
de l’actif qui doit faire face à la dette , pour le laisser dans le
patrimoine qui ne doit pas y conjribuer.
Quant à la quarte tre'bellianique, elle appartient de plein
droit à tout héritier testamentaire chargé de rendre , d’après
les titres du Digeste : A d sénat. Treb.
Il ne doit se prendre qu’une seule quarte sur les cinq sixièmes
de la succession de Gaspard Second, advenus à Marie-Jeanne
Second, femme Gineste; et ce, en vertu du testament de 1744,
parce qu’elle fut prohibée par celui de 1781.
On oppose qu’elle ne peut se prendre par l’héritier fiduciaire,
mais les auteurs enseignent que ce n’est qu’au cas que la charge
de rendre soit à jour certain, et non de rendre au décès.
( D espeisses. t. 2, p.
, n.° 14)-
338
Les Gineste opposent qu’elle ne se cumule pas avec les jouis
sances. Ils ont raison.
" Mais ils disent eux-mêmes que Marie Muraillac n’a joui que
d ’une maison, jardin et grange. Ainsi il est question de savoir
si ces objets excèdent le quart de la succession ; en ce cas , il est
juste qu’en lui donnant. la quarte trébellianique comme proriélé distincte, à compter du décès, on déduise la portion des
jouissances qui excéderaient celte quarte ajoutée ù sa succession.
�7- L a .pension due par Le couvent d'A rgcntac.
En achetant un pré de Marie M uraillac, les religieuses d’A rgentac donnèrent un écrit, par lequel elles s’obligèrent de nour
rir une demoiselle , présentée par elle , pendant trois ans. Cei
écrit, resté dans la succession, était une créance.
Mais le sieur Gineste , qui a gouverné la succession bénéfi
ciaire à sa guise, et anirno dom ini, a donné aux religieuses ,
en 1770, un é c rit, par lequel il reconnaît, sans autre explica
tion , et sans époque, que cette promesse est acquittée.
Cette manière d’agir avait même été une des raisons pour les
quelles on avait offert preuve d’adition en 1770. Mais dès que
le parlement n’y vit pas un acte d’héritier, il reste au moins le
droit de demander aux Gineste le paiement de cette valeur.
Si la promesse eût été acquittée avant 1 7 6 1 , les religieuses
n’auraient pas manqué de la retirer, ou de prendre quittance.
L e sieur Gineste , qui a voulu la donner, a donc pris cela sur
son compte, comme v i s - à - v is l’abbesse de Brage'ac. On voit
bien qu’il a voulu par-tout éviter les révélations; mais y auraitil de la justice, dans l ’incertitude mên^e, de le dispenser du
paiement ?
8 et 9. ArticLes de dépense.
L e tribunal de Saint-Flour a rayé les articles 1 , 2,
5, 4 , 5,
6, 9 , 10 et 11 de la dépense du compte , rendu par les adver
saires en 20 articles.
Est-ce la preuve de la fidélité de l’héritier bénéficiaire ? Et ne
faut-il pas ajouter cette remarque aux moyens de déchéance?
Il faut répéter aussi que le jîarlement de Toulouse n’a pu
juger la qualité de bénéficiaire que pour le passé, et qu’il ne
savait pas en 17S9 , si le. compte serait rendu avec sincérité eq,
Ï
791 -
�( 34)
.ï
io . M obilier de M arie M uraillac.
II a été inventorié en 1761 ; mais les premiers juges n ’ont
voulu le faire composer que de ce qui restait dans cet inven
taire, après la distraction du mobilier délaissé par Gaspard Se
cond, en 17 3 1, parce qu’ils ont ajouté foi à l’allégation des ad
versaires, que Marie Muraillac en avait demeuré nantie.
Cependant on voit dans le contrat de mariage de la dame
Gineste, du
5 novembre 17 8 7 , que Marie
Muraillac sa mère,
lui remit tous les meubles et effets de Gaspard Second, inven
toriés en 1731. Donc voilà la preuve écrite qu’elle n’en retint
pas la possession.
On oppose que lors de ce contrat, et par uqe contre-lettre,
le sieur Gineste son gendre, lui donna pouvoir de les garder,
ainsi que des immeubles; mais que celte contre-lettre ne se
trouve plus.
Comment le sieur Gineste , qui conserva tant de papiers,
laissa-t-il perdre celui-là ? ou plutôt comment avait-on eu idée
tle faire une contre-lettre nulle et parfaitement inutile, puisque
rien n’obligeait de faire , par contrat de m ariag e, une remise
de mobilier, si on voulait aussitôt la révoquer?
A u reste, c’est là un point de fait à vérifier; et les appelans
ne veulent rien qui ne soit juste.
Mais aussi ils
ne
veulent pas s’en rapporter aveuglément à ce
que le sieur Gineste a fait faire en 1761, sans les appeler.
Que la Cour veuille bien prendre la peine de comparer les deux
inventaires-; et si les articles, qu’on peut dire.ressemblant, lui
identiquement les mêmes les appelans s’en rapportent,
s e m
b
l e n
t
,
* avec confiance, à sa conviction sur ce chef néanmoins impor
tant, de la contestation.
d é p e n s
.
Les héritiers Gineste ont porté en compte de dépense ceux
qu’ils ont faits au parlement de Toulouse.
�( 35 )
Ils',réussirent à ne pas y êlre condamnés en leur nom person
nel, quoique déboutés de leurs diverses demandes en péremp
tion , et de celles en renvoi. Mais alors on ne connaissait ni la
garantie donnée à l’abbesse de Brageac, ni l ’acquit de pension
donné au couvent d’A rg e n ta c, ni la contre-lettre du sieur Chantegrie , ni les nombreux articles rayés, que le sieur Gineste avait
projet de s’adjuger; il put paraître alors, ¡sinon en bonne foi,
au moins pas assez convaincu de mauvaise foi en sa qualité d’hé
ritier bénéficiah’e.
S ’il est déchu du bénéfice, comme tout le prouve, son compte
de dépense s’évanouit tout entier. Mais s’il était possible que ta
Cour ne le jugeât pas ainsi, au moins les dépens, faits depuis
1780 jusqu’à présent, doivent-ils être supportés par les adver
saires personnellement.
Ce n’est pas tout de les réserver sous prétexte d’une estima
tion relative à un seul article. Car le compte n’en sera pas moins
fixé pour tous les autres , et n’y eût-il que la radiation de neuf
articles sur vin g t, ou plutôt sur d ix-h u it , c’en est assez pour
convaincre la C our, que les adversaires ont élevé de mauvaises
contestations ; et dès-lors faire condamner les adversaires aux
dépens , en leur nom p erso n n el, dès à présent.
L ’article de la légitime de l’abbé Second l ’exige seul. Car il
est l’objet sur lequel les adversaires ont le plus raisonné, le
plus contesté , et chicané avec le plus d’opiniâtreté. C ’était en
effet l’article le plus im portant, car il suffira pour remplir
les condamnations en garantie dues aux appelans. L ’arrêt de
1789 l’avait placé le premier en ne considérant le compte à
rendre que comme un subsidiaire. A i n s i , la Cour, en jugeant
que les adversaires ont mal à propos contesté en cette partie
l’exécution de l’arrêt, leur fera supporter sans difficulté tous les
dépens déjà faits, et même réglera ceux de l’exécution du nouvel
a rrê t, comme il se pratique en matière de partage ; tout au plus,
e st-il vraisemblable, qu’elle réservera les dépens de cette exé
cution seulement.
�( 36 3
*' L es héritiers Daymard et Lacroix se flattent de n’avoir rien
proposé qui ne soit fondé, et sur-tout qui ne soit équitable.
- L eu r position , dans ce procès , est faite pour appeler la rigueur
de la Cour contre une famille qui leur conteste depuis si longtems le paiement d’une créance , que par honneur elle eut dû
payer depuis quarante ans. Q u ’elle jouisse, si bon lui semble ,
du privilège des lois, il faut bien le souffrir; mais que la suc
cession débitrice soit dissimulée, affaiblie, dénaturée même par
trois générations successives, c’est ce que la Cour ne souffrira
«
certainement pas. Car la bonne foi est de première nécessité
.pour tout le m onde, même pour ceux qui n ’attachent pas de
prix à respecter les engagemens de leurs auteurs.
M .e D E L A P C H I E R ,
A v o c a t.
M .e D E V È Z E , L ic e n c ié -A v o u é .
A
RIOM,
D E L ’I M P R I M E R I E D U P A L A I S , C H E Z J.-C. S A L L E S .
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Daymard, Marie. An 6?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
successions
saisie
rentes
censive
vie monastique
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marie Daymard, veuve Lacroix, et Marianne Couderc, femme de Durand-Rieux, appelantes; Contre Emeric, Marie, Marianne Gineste et autres, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 6
1741-Circa An 6
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0311
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brageac (15024)
Pleaux (15153)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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censive
Créances
rentes
saisie
Successions
vie monastique
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MEMOIRE
P O U R la Dame Marquife d e
à l'interdiction de fon mari ;
C O N T R E
Douairière
la Dam e
de
de
C
a br is
, défendant
L o m b a r d , Marquife
C a b r i s 3 pourfuivant l ’interdiction
de fo n fils ypour caufe de démence.
Une
mère foible par fo n â g e , foible par fes affect ion s,
inftrument prefque impaflible d’une aff ociation i ntéreff é e ,
pourf uit depuis huit ans la honte de fa poftérité dans la
perfonne de fon fils. Elle demande q u ’il foit interdit pour
caufe de démence, parce que les traitemens indignes exercés
pendant fept ans fur la perfonne de fon fils, autorifés par
e l l e , ou du moins tolérés, ont affoibli fon e fpr it en altérant
fes organes.
Elle demande que f on fils foit in te rdi t, pour demander
l’adm iniftration de fes biens j &. elle veut adminiftrer fes
A
�1
biens ¿parce qu’c!le en a diflîpé une partie , & pour diflîper
ie reitc.
i*
U n e femme perfécutée depuis huit ans, diffamée jufqu’au
pied du T r ô n e , privée deux fois de fa liberté , parce qu’elle
d éfendoit avec courage la p erfo n n e , l’honneur , les biens de
fon m a r i , ô£ les efpéranees de fa fille unique , vient encore
protéger des intérêts il chers. Elle demande'que fon mari ne
foit pas in te r d it, parce qu’il n’eft ni prodigue ni fu r ie u x ,
parce que fa foiblelle morale , eft un effet momentané de ion
affoibliiTement phyfique , caufé lui-m êm e par les excès &
les outrages dont il fut la vi£time.
Elle demande que l’infortuné ne foit pas puni de la bar
barie avec laquelle il a été traicé , & que fes tyrans ne trou
vent plus dans l’effet même de leurs perfécutions, un m o tif
de perfécutions nouvelles.
Elle demande le libre exercice de fes droits d ’époufe-ôc de
mère , du droit inconteftable de coniacrer ies loins à la fauté
de ion é p o u x , à l’éducation de fa fille.
Elle demande que les biens de ion mari foient confiés à
une adminiftration éclairée
i a g e , ions les aulpices des
Tribunaux.
Elle ne veut enfin que la perfonne de fon mari : elle dépofe fa fortune dans les mains d e là Jufticc.
V o ilà Us deux tableaux que cette affaire préfente.
C ette affaire doit intéreller, non pas parce que le Marquis
de C abris, dont on artaque l’exiftcnce c iv ile , c il un homme
de q u a lité , 6c qu’il a 50,000 liv. de rente ; mais parce qu'il
eft père d’un entant digne d’égards , parce que 1 état d’un ci
toyen eft une chofe confidérablc , parce qu’il importe à tous
�3
que la Loi foie entendue & exécutée dans Ton fens vérita b le,
& que l’interdiction qu’elle a établie com m e une précaution
ju fte , mais déicfpérée', ne devienne pas une fervitude arbi
traire & une flétriflure inutile.
T o u s les faits d o n t on va lire le r é c i t , font déjà confignés
dans des écrits publics ; cependant il eft néceiTaire de les rap
p eler, furtout d’indiquer les p reu v es, parce qu’ils font invrailemblables.
F
A
I
T
S
.
L a D em oifelle de M ir a b e a u , fille du M arquis de M ir a - frémi* « éso^ue.
b e a u , a époufé le M arquis de Cabris en 1769 ; deux ans
ap rès, une fille encore u n iq u e , eft née de ce mariage.
Le Bailli de M irabeau , oncle de l'epoufe , avoit pro
mis une fom m e de 30,000 livres pour égaler la d ot de la
M arquife de Cabris à celle de fa foeur , la M arquife du
Saillant. ( 1 )
C e tte promeile n’étoit point exécutée. Le M arquis de
Cabris la rappelle en 17 7 4 . L e Bailli répond q u ’on a pris un
com plim ent pour des paroles (2 ), 2c lui-même il prend cette
demande pour une injure.
D ’un autre c ô t é , la difeorde agitoit déjà la maifon pater
nelle de la M arquife de Cabris. Sa mère vivoit feule dans fes
terres du
Lim ouiîn. Elle
a voit
cru
remplir
un
devoir
de piété filiale , &. , accom pagnée de fon m a r i , elle a,voit été
voir fa mère.
( 1 ) L ettre du M arq u is de M i r a b e a u , du n Février ¿ 7 6 9 , déjà im
p rim ée.
( x ) L ettre du Bailli d e M ir a b e a u , d u 15 Janvier 1 7 7 4 , déjà im
prim ée.
A i;
�A
I.cM arquis de C a b ris , affe& é de l’embarras extrême dans
lequel il avoit trouvé fa belle-m ère, n’a voit pas balancé à lui
prêter z o ,o o c liv.
C ’etoit dans le m êm e temps qu’il demandoit les 30,000 I.
promifes par l'onclc de fa femme ; au lit, en répondant qu’il
n ’avoit
rien
promis ,
l’oncle
écrivoit - il avec
autant
d ’amertume que de mauvaile f o i , qu’ un prêt de 12000
liv . pour une obligation de 60,000, ¿toit une ufure épou
vantable. L ’oncle favoit bien cependant que le prêt étoic
de zo ,o o o liv. & ‘quc l’obligation n’exiftoit pas.
D e u x ans après, la rupture éclata entre le M arquis & la
M arquife de M irabeau. L e public a été aflez inftruit de
cette tri île querelle. La M arquife de M irabeau forma fa
première demande en féparation ; cette demande fut re
jetée. En exécutant PA rret du Parlem ent qui la réunit à
Ion m a r i, en rentrant dans l'a mailon , elle trouva un ordre
m im ftériel, en vertu duquel elle fut enfermée au co u ven t de
S a in t-M ic h e l, rue des Portes.
D epuis on a oie dire & imprimer que cette demande en fé
paration avoit été infpirée par la M arquife de Cabris. O n a
ofé dire & imprimer que les 10,000 liv. prêtées librement
par fon m a ri, deux ans a u p aravan t, avoient été prêtées fur
fes inftances, & pour alimenter ce déplorable procès.
11 étoic alors bien loin de fa penfée qu’on put un jour lui
faire un crime d’avoir c o n fo lé , d’avoir aidé fa mère.
A la nouvelle de fa détention , elle accourut fur le-champ
auprès d’elle; elle ob tint la permiflion de la voir: un refus au.
roit trahi des préparatifs perfides.
P e u de jours après , le 19 Juin 1 7 7 7 * la M arquife de C a
�11
bris cft elle-m êm e , en vertu d'un ordre m ïn ifléricl, exilée A
l ’A b baye de la Déferre à Lyon.
C et ordre cft
révoqué
quatorze
jours
après ,
le
4
J u ille t , fur la réclamation perfonnelle de la M arquife de
Cabris.
£lle retourne auprès de fon mari. Son mari ne pouvoit pa£fer fous fiicnce cet attentat à Ton autorité, cette injure faite
à lui-même dans la perfonne de fon époufe.
I l s ’adreiTa au M arquis de M ir a b e a u , feul auteur de cette
e n tre p riie, 8c lui fit les plus vifs reproches (1).
Peu de temps ap rès, inftruit par la M arquife de M ir a
beau elle-même des menaces faites de la renfermer aux
V a ld c n e s de C harcnton , il envoya conjointem ent avec fa
fe m m e , des pouvoirs pour demander à la Juftice desfecours
convenables au rang 6c à la fituation de fa belle-mère.
C e tte démarche fit jurer fa perte- ÔC celle de fa femme.
L e m oyen de l’interdi&ion étoit un moyen fa m ilie r, prefq u’autant que les ordres m inijlérids. D es deux caufes or
dinaires d’in te rd ictio n , prodigalité ô démence, la dernière
étoit moins difficile à fuppofer. Si le M arquis de Cabris
n ’eût pas prêté 10,000 liv. à fa belle-mère , s’il ne fc fût pas
préfenté pour la fecourir , s’il n’eût pas trouvé mauvais qu’on
fît enfermer fa fe m m e , parce qu’elle co nfoloit fa m è r e , il fe.
roit encore fage &: libre.
C e com p lot étoit Singulièrement encouragé par la certi
tude d ’avoir des partifans dans la propre famille du M arquis
de C a b r i s , & par la connoiiïancc des embûches déjà dref( 1 ) L ettre du M arqu is de C a bris au M arqu is de M ir a b e a u , du 4 A o û c
1 7 7 7 , déjà im prim ée.
�6
fées autour de lui par l’avidité des collatéraux , toujours ac
tive & jamais raflafiée.
L e Marquis de C a b r i s , à la m ort de Ton p è re , s’étoit
trouvé , à peine forti de l’a d o lefccn c e , propriétaire de 50,000
liv. de rente.
Scs trois foeurs , mariées à trois G entilshom m es P ro v en
çaux n’avoient eu
que 45000 liv. de légitim e , avec le
droit à un fupplément de lé g itim e , fixé par le teftament du
père com m un à 8000 lir. pour chacune ; mais elles étoient
appelées à l ’univerfalité de l’h é rita g e , s’il arrivoit que leur
frère mourut fans enfans.
L e mariage de leur frère fufpcndit cette cfpérance , & la
naiflance de la D em oifelle de C abris vint l’anéantir. O n réfolut au moins de ne pas laiifer doubler cet obftacle. D e -là
les intrigues pour troubler le jeune ménage , les ca lo m
nies auprès du m a r i , les délations auprès de la femme.
O n avoit poufle la perfidie jufqu’à égarer le cœur du M a r
quis de C a b r i s , & jufqu’à faire jaillir de cet égarem ent Tou* !
rrage &. l’infultc fur fa femme.
D e -là la réparation volontaire &
m om entanée
dont
on a fait tant de bruit ; q u i , dans ce m om ent e n c o r e , cil
le feul prétexte des calomnies , &; d ont la M arquife de
C abris a repouiTé il fouvent
la honte fur fes perfécu-
teurs.
En éloignant la fe m m e , qui feule pouvoit inquiéter la
cupidité par une furveillance in co m m o d e, on obtenoit deux
avantages , celui d’arrêter toute efpérance de poilérité fur la
tête de la fille u n iq u e , Sc celui d’environner le p o u x de gens
utiles à l’exécution des projets.
Seytre , préfenté par les beaux-frères avoit été choifi &
�7
nom m é curateur à fa minorité ; 2c le premier foin de cc
curateur avoit été de r é g le r , avec les beaux - frères, le
fupplémcnt de légitime. C c fu p p lé m cn t, fixé p a r le teitam ent du père à 14000 liv. pour les trois fœ u rs , avoit été
porté à 60,000 liv. ôc le M arquis de C a b r is , autorifé par Ton
c u r a te u r , avoit payé 60,000 liv. par quittance du 16 Juin
Ï775Seytre ne fe contentoit pas d’autorifer tout avec comp la ifa n c e , il cherchoit encore les occaiions à'autorifer \ &c
A lzia jri, Procureur à G ra tte , étoit chargé de l’aider dans
fes recherches.
C ’eft ainli qu’ils ont
fait
emprunter au M arquis de
Cabris plus de cent mille livres (1). A lziari fournilToit les
moyens Sc Scytrc les pouvoirs. C e font ces dettes qu’on a
acculé la M arqu ifc de C a b ris ,a lo rs ab fen te, d’avoir fait con
tracter à ion mari.
Le com plot d’interdi& ion form é à P a ris , favorifoit donc
les complots de Provence. La vengeance s’aflocioit à l’avi
dité. L ’infortuné Marquis de Cabris étoit environné d’en
nemis dans fa propre famille. Sa m è re , dont l’âge augmentoit la foiblcflè & l’ap a th ie, devoir céder aux impuliïons
de fes p a ren s, & les parens étoient entraînés par un double
intérêt.
Les trois beaux-frères parloient encore du fupplémcnt de
lé g itim e , peu iatisfaits de l’avoir fait tripler par le complaiiant Scytrc. L ’évén e m en t a juitifié leur elpérancc. Les pre
miers momens de la m ort civile du M arquis de C a b ris, ont
«
(1) L ettre du Heur A lz ia r i au M a r q u is de C a b ris , du 8 Juin 1 7 7 6 ,
im prim ée page 73 du prem ier M é m o ir e .
�S
cté em ployés, par fa m ère, à payer à ccs beaux-frères ccfup*
plément de légitime com m e ils ont v o u l u , fansd ifcuüion ,
fans conteftation , fans formalité.
U n intérêt plus v i f les animoic encore : a p p e lé s, au
défaut d’enfans , aux fubftitutions de la maifon de C a b r is ,
la, naiiïance de la D em oilclle de Cabris . n’avoit pu leur
enlever cette efpérance fans leur en donner une autre : ils
vou lo icn tre co u vre rp a relle lcs biens qu’elle leur faifoit perdre.
C es deux diviiîons des deux familles , réunies pour le
m êm e projet par des intérêts contraires, ont paru, dans les
premiers écrits de U M arquife de C a b r i s , un roman invraifcmblable.
C ep en dan t elle ne l’écrivoit pas fans preuves : aujour
d ’hui les preuves fe font accumulées ; elles font confignées
par to u t , dans des délibérations juridiques, dans des a£tes,
dans des écrits; Sc la double confpiration eft devenue l’hiitoire de toute la famille , de toute la province , & l’on pourroit dire même de la capitale.
S iconjje Époque
T o u t étant préparé pour l’exécution , le premier N o
vembre 1 7 7 7 , on voit arriver à GralTe le Bailli de M ira
beau ; celui q u i , trois ans au p aravant, en parjurant fa f o i ,
en refufant de payer les 30,000 liv. promifes au M arquis de
C a b r is , écrivoit à fon époufeq u ’ils étoient des ufuriers épou
vantables.
11 s’établit chez la D a m e de Lom bard , Douairière de
Cabris , 8c refufe de voir fa nièce ¿5c fon neveu qui viennent
le vifiter.
C e religieux d'un Ordre illu flre, capable de 'tous les acles
m ilita ires, incapable de tous les acles c iv ils , fans pouvoir
pour
�9
pour lui m êm e, s’étoit chargé des pouvoirsdes autres. I! étoic
muni de dix procurations que l’exceflivc bienveillance du
Juge rendit inutiles.
Six jours nprès ion a rrivée, la dame de Lom bard pré
fente la Requête en interdiction du Marquis de C a b r is , fon
fils.
Les pretextes n’étoient pas n o m b re u x , p u ifq u e, dans ce
m o m e n t encore , la dame de L om b ard ne juitifie fa d é
m arche cruelle que par deux
faits q u ’elle
appelle
des
fignes certains d ’une folie in c u r a b le , &: d o n t l ’un ne pouvoic être cara&érifé ( i ) , Ôc l’autre étoit un accident m a l
heureux (i).
La vérité eft que le Marquis de C a b r is , accablé des c h a
grins d o n t on avoit environné fa jeunelfe, & d on t on vient
d ’eiquiflcr le tab leau , étoit devenu très-fenfible ;
fcnfvbilité
lui
cette
d onnoit des accès fpafmodiques , &. des
inltans de mélancolie, fur tout les inftansqui fuivoient quel
que agitation
violente. D e cet état de foibleíTe p hvfique
à l’état de f o lie , l’intervalle e f t i m m c n f e ; cet intervalle cft
toujours le m ê m e , malgré les efforts employés pour le faire
franchir au Marquis de Cabris.
Jufqu’au m om ent de la demande en in te r d i& io n , l’opi
nion de la famille iur cet état de maladie m o m e n ta n é e ,
e lt conftatée par l’aveu de la dame de L om bard elle-même.
( i ) L a dam e de L o m b a rd a im prim é dans tous fes M ém oires ce
prétendu billet fait
6
par le
M arqu is d e C a b r is au iîeur G arnier , le
Juillet 1 7 7 6 , pour lui garantir pendant d eux ans la fanté de corps
& ti’efprit.
(1) L e M arquis d e C a b ris s’étoit blcile à la cuiiTe.
B
�10
En 1 7 7 6 , elle écrivoit à fa belle fille : V o tre mari cjlrevenu
d ‘ A i x avec quelques indifpofitions cauftes par les agitations
d ’un arrangement qui a pris trois mois de temps, mais elles ont
difparu ; i l f e porte très-bien.
E t dans une
autre lettre : V ous deve\ avoir reçu tn c
lettre de votre mari ; i l f e f a i t beaucoup plus malade q u i l
n e f l \ i l y a beaucoup a efpérer pour fort parfait radbli(jem tnt.
Quelques mois a p rès, la dame de Lom bard prétend que
fon fils eft in fe n fé , furieux, fans efpoir de guérifon , 6c elle
demande qu’il foit interdit.
L a M arqu ife de Cabris étoit feule pour défendre fon mari.
L e 7 N o v e m b r e , c’e ft-à -d ire , le lendemain de la demande
en in terd iction , elle fe préiente au tribunal pour s’y oppoler :
elle n’eft point écoutée.
L e Juge ordonne la preuve des faits. O n aiTemble, on
interroge tous lesd cm eitiq u es de la D a m e de Lombard ( 1 j.
Son fils demande à faire la preuve contraire. O n accorde \
mais on révoque cet acte de juitice avant m ême qu’il (oit
exécuté (z). Il écrit fa défenie de fa propre main ,
dans
le m ême temps il fait un a & c public de prudence &
de
fagacité , il tranfige dans les falles de fon Château a vcc toute
la C om m unauté a iïc m b lé e , fur une contellation délicate ,
fubiiilantc depuis plus de cinquante ans (3}.
Il cft interrogé ,
fes réponfes attellent fa prefence
d ’cfprit. La famille n’efl: ni ailemblée ni confultéc. Le m i'
niftère public conclut qu’ i l n y a pus lieu a l'interdiction >
Çi) D e vingt-deux témoins , lept ou huit fe u l e m e n t , les d fù iés d e
la D a m e de L o m b a rd , s’efforcent de parler c o m m e elle.
(2) L e M arqu is de C a b t i s avoit déjà fait conftater l'intégrité de fa
raifon par 42 tém oins.
(3) C e t t e tranfa& ion a etc confirmée par le Parlem ent d ’A i x , u o i s
ans aptes l’in te r d id io n prononcée co m te fo u A u t e u r .
�11
& le Juge la prononce pour caufe de manie hypocondria
q u e (i) , en ordonnant au furplus que la famille fera aiTem-
bl.ee pour nommer un Curateur à l’interdit.
Le lendemain , le M arquis de Cabris interjette appel au
Parlem ent d ’ Aix.
Malgré l’a p p e l, & douze jours après, la Sentence s’exé
cute. L ’H otel du Juge reçoit un fimulacre d ’aiTemblée de
parens. L à , préfide le Bailli de M irabeau , toujours muni
de Tes dix procurations, qu’il montre & qu’il n’a jamais d é pofées ; deux beaux-frères & deux étrangers fiègent à côté
de lui. Les plus proches parens , répandus dans dix familles
à G r a t t e , ne font pas m êm e invités : on connoilToit leur
opinion.
Sur le vœu trts~una'i ‘i m i de cette aflemblée le Jup-e ordonne l’exécution provil'oire de ia
Sentence nonobftanc
l ’appel , nom me la D am e de Lom bard C uratrice à l’inter
diction , & T u tric e de fa p etite-fille, fixe une penfion à
l ’i n t e r d i t , &L des alimens à fa femme , aucorife la prétendue
C u ratrice à emprunter
toutes les fomm es qu'elle jugera
nécedaircs fur les biens de l’interdit ; i l l'autorife fur-tout
h. arrêter le compte du fieur S e y tr e , autrefois Curateur à la
minorité du M arquis de Cabris , enfuite fo n c o n fe il, a d m im f
traceur de fe s biens , fo n Procureur, fo n défenfeur ju fq u au
moment de l'interdiction , vendu alors aux intérêts de l'a jfociation combinée,
0
depuis lors la trahiJJ'ant ou la protégeant
icur a tour fu iv a n t fe s intérêts perfonnels. (i)
( i \ Sentence d u 12 Janvier 1 7 7 8 .
( 2 ) L e fieur Seyire , mécontent de la D a m e de L o m b a r d ou de
fe? lui veillans , avoit déferré fon parti. V o i c i c o m m e elle le peignoir
alors dans fa R éplique
fo m m a ir e de 68 pages en
t r c s - p e r ic carac-
B ij
T r o is iè m e £10
qu i.
�11
Enfin , la même S e n t e n c e , par une efpèce d e vertige , autorife la C uratrice à faire enlever & mettre fo u s f a main la
perfonne de l'interdit & celle de f a fille comme étant fo u s f a
p u ijfa n cc, jufques fous les yeux du Parlement , donc leur
appel avoic provoqué la juflice.
L e M arquis de Cabris défendoit donc fa p e r fo n n e ,.fo n
honneur , fa fortune devant le Parlement d ’A ix , tandis
qu’à trente lieues de-là , fa mère , devenue fa Curatrice ,
faifoit enfoncer les portes de fon Château , brifer les fer
rures des arm oires, Sc fe m ettoit en poiTcflion de tout.
11 falloir un inventaire. U n N otaire , nom m é par
Sentence
du
14
Janvier ,
hom ologative de
l’avis
la
de
parens , é toit com m is pour y procéder en préfenec de la
C u ratrice
de deux parens. La Curatrice n’y afnfte pas.
L ’inventaire eft fait avec les fubalrernes , 6c quel inventaire i O n repréfenre feulement ce qui n’a tenté la cupi
dité de perfonne ; on ne fait nulle mention d’une Biblio
thèque de 12,000 liv. ; n e u f caiflcs de mfcubles p ré cie u x ,
envoyés de Paris pour meubler une maiion n e u v e , ne fon t
pas o u ve rte s, on fe contente d’indiquer leur nombre.
Le M arquis de C abris avoit un mobilier d’environ 80000
l i v . , fur lefquelles il devoir encore 11,000 liv. , payées de
puis par la C u ratrice elle-même. Le Notaire affirme à la clô
ture de fon procès - v e r b a l, que tout ce qui efl inventorié
n 'excède pas la fom m e de 2400 liv. ( j )
tere , im prim ée en 1 7 S 4 , page 3 1. M 4 S e y t r c , n é dans la plus grande
obfcuritc
,
fa u x pa r caraclère
j
facrijïa n t tout à l ’intérêt
,
également con
nu & élevé, par f e s intrigues & celles de f a fem m e, à la charge q u i l f a i t .
Iis font aujourd’hui dans la m eilleure intelligence.
( 1 ) O u t r e les meubles conficlérables que le M arqu is de C a b ris avoit
acheté à L y o n Si à M atfeille,, il en avoit fait venir de P a n s , c o m m e o n
�13
Les A rchives du château renfermoient trois fortes de
titres ; les titres de noblefle de la famille , les charrricrs
des terres , les titres de recouvrem ent &
de décharge.
L e repréfentant de la Curatrice obferve qu’il feroit trop
lon g de décrire ces papiers. T o u t eft confondu & entafle
d.ins les armoires.
Le Notaire appofe fon fcellé fur les
ferrures, à la réquiiiticn des parties. C e fcellé cil depuis
brifé parla C u ra tric e , qui s’empare de tout fans defeription,
(ans inventaire. .Les titres d’une famille ancienne & n om breufe , font aujourd’hui difperfés ou a n éa n tis, £c cette
perte eft irréparable, (i)
Le M arquis de C abris apprit à A i x ces invaiions rui~
neufes. Il demanda que la p e r fo n n e , celics de fa fe m m e ,
de fa filîe, ÔC fes b ie n s , fiiilent mis fous la fau ve-g ard e
du Parlement. M a is le Bailli de M irabeau n ’étoit plus à
GraiTe, il étoit revenu à A ix . Sa demande ne fut pas écourée>
C ep en d a n t on inftruir fur l’appel. N o u v e l interrogatoire
devant un Confeillcr-Commiil'aire. Les réponlcs du M arquis
de Cabris font un m onum ent de fageile , non-feulem ent
vient île l’annoncer. La M a r q u ife de C a b r is produit en ce m om en t un
m ém oire du fieur B r e n e t, & une trania& ion paifée entre lui &
le iïeur
V e r o n , fondé de la procuration de la curatrice , devant M<= Bricliird <?c
fon contrère , N o ta ite a u C h â t e l e t , le 2.0 M ars 1 7 7 9 ', par lefqael* il eft
1
conftaté que le M arq u is de Cabris avois déjà paye une f o m m e d e 4 6 ,6 9 6 .
8 fols fur les m eubles com m andés 6c en v o y é s, & q u e la cu ra tric e, en
arrêtant l’envoi de ceux qui n’étoient pas en vo yé s, a p.iyc e lle -m êm e
9 898 liv. 9 fols 4 clen. pour reftant de com pte avec les founiifïcurs. L es
quittances font jointes à la tranfaétion. L a curatrice par ce paiement défi
n i t i f , a reconnu exprelfément l’exiftence de ces meubles. 11 faut q u ’elle en
rende com pte. L ’inventaire fait par elle , eft d ’une infidélité qui épouvante.
( 1 ) La M a r q u ife de Cabris a rendu plainte par-devant le C o m milfaire Ninin ,
le 15 M a i d e r n ie r , de ce bris de f c e l l é , conftaté
�«4
fur les a&ions de fa v 'c p riv ée , mais m îm e fui- des détails
relatifs à l’adminiftration de fes biens. («)
Il n’avoit e n c o re , dans cette fituation c r u e l l e , que les fe-
cours de fa
fem me. C ’étoit à la préfence de la femme
qu’on attribuoit la force de fa railon & de fon courage.
»4 ievrier 1778.
Six jours après fon in te rro g a to ire , pendant la n u i t , *
deux heures du matin , une brigade de M aréchauilee s’in
troduit jufques dans fa c h a m b r e , &C là , en vertu d’un
ordre M in iflé n e l, d o n t il demande ÔC dont on lui refuie
la com m unication ,
fon époule cil arrachée de Ion l i t ,
conduite à S iftcro n , dans la haute-Provence , ôc renfermée
R ï Q U Î T f RÉPON
D U ! le i j
F é vr ie r .
dans le couvent des Urfulines.
Le lendemain , le M arquis de Cabris rend plainte de
cet enlèvem ent ; il redemande fa femme : fa R equête eft
jointe au fond.
Il découvre la retraite de fa fe m m e , il veut la lu iv re; '
A r r ê t du 16 Fé
v rier 1 7 7 8 .
j
Mars 17VS.
P r o c è s - v e r b a l de
au m om ent où il va m onter en v o it u r e , un Huillier lui
iigniHe A r r ê t , qui lui défend de lortir de la v i l l e ; A rrêt
,
,,
,,
,
r
,
l’HuiiTier, qui arritc o b t e n u a v a n t 1 e n l è v e m e n t d e io n e p o u l e , m a i s t e n u
lebrisMarquis
de Caen vertu
de S E C H H T , & ré le r v é p* o u r la c irc o n il a n c e . L e m ê m e H uiiîicr
[•Arrêt
vncr’
du 16 ii-
un Cavalier de MaréchauiTée s'attachent à les p a s , Sc
le gardent à vue jufques dans fa chambre.
Le 7 M a rs , la D em oifelle de C a b ris, en vereu d ’un autre
A rrêc, cil enlevée à ion p è re , jouiil'ant encore de tous les
par les deux procès-vet baux fucceflîfs du m êm e N o t a i r e ,
du 16
lanvier
Te premeir
177S , ôc le fécond fait eu vertu d'un A r tê t du Par
lem ent de P a r is , au mois d 'A v r i l dernier , &
encore par le certificat
du m êm e N o t a i r e , picces jointes aux procès-verbaux faits en l’Hôtel
du L ie u te n a n t-C iv il.
( 1 ) Cet
interrogatoire eft
M a r q u ifc dé C a b r iî ;
L i t s en l'H ûtei.
im prim é
au prem ier M é m o i r e de
c'eit une des piècts jointes aux
p r o c è s -
1*
verbaux
�15
droirs , de route Ton autorité , pour être remife entre les
mains de la D am e de Lombard.
Privé de fa fem me &C de fa fille 3 l’infortune pouvoir
encore influer fur le jugem ent par fa feule préfence. O n
l’engage à retourner à Cabris , on lui promet que le ju
gem ent fera fufpendu.
Il
part dans les
premiers jours
d ’A v r i l, efeorté d ’un EmiiTaire de fa mère. Auffi-tôt après
fon départ (i ) , A rrêrq u i confirme la S en ten c ed ’interdictioiî.
Les attentats s’a c c u m u le n t, & ce qu’on va lire eft plus
affligeant encore.
La manière dont cet A rrê t a été e x é c u t é , doit révolter
l’ame la moins fenfible. T o u te s les preuves font au procès :
il n’eft pas un fait qui puifle être révoqué en doute.
L a dame de L om b ard , cu ratrice, va déformais exercer le
pouvoir le plus abfolu fur la perfonne & fur les biens de
Ton fils, &: fur la perfonne de fa petite-fille.
Son fils , le M arquis de C a b r i s , eft enfermé dans un
coin de fon château , confié à la furveillance d ’A l z i a r i ,
père du Procureur de la D a m e de L om bard.
lier
du Marquis de Cabris , le
Ce Geô
livre à deux
traveftis en dom eftiqu es, qui le l i e n t ,
payfans
l'e n c h a în e n t, le
frappent du poing &. du bâton au gré de leurs c a p ric e s ,
& l ’on connoît le caprice des valets tyrans de leurs maîtres.
A u furplus , ces tyrans à gages étoient aiïez bien gages :
A lz ia ri
avoit
1 100
livres
par
an ;
les
deux
valets
150 liv. c h a c u n , c ’e f t - à - d ir e , plus du double des gages
ordinaires en P roven ce, (x)
(0
.
.
..
9 A v r il
„
1778.
■
'^■*^1
1
_______
^
5
(1) Eft il befoin de dire q u ’ils étoient au furplus n o u r ris, loges «f
�i6
O n prodiguoit au c a p tif les alimens les plus contraires
à fa i a n t é , le c a f é , le c h o c o l a t , les liqueurs fo r te s , roue
ce qui pouvoir enflammer fon fang & irriter fes nerfs. H
efl: rd té lix années dans cet é t a t , fans l i n g e , fans vêtem ens,
(i) fans m eu b les, fans rem èdes, & fur-tout fans plaifirs ,
(ans diftraction , fans lib e rté , le meilleur , &. peut être l’u
nique remède de la maladie. (2)
Les fenêtres de fa cham bre étoient grillées ; il vouloit
écrire , il aimoit la le£ture ; on éloignoit de lui plum es, pa
pier , encre & livres ; il aim oit fa fille , il a vécu quatre ans
ians la voir ; on a poufle l’infouciance , il faut le dire ,
l'in h u m a n ité , jufqu’à le faire coucher fans draps. O n fupprime plufieurs détails qui blcli'eroient les oreilles délicates.
__ ____ •
vêtus ? A lzia ri faifoic quelquefois à fon maître l ’honneur de l’adm ettre
à fa table.
( 1 ) L a garderobe la m ieux fournie avoit été difperfée. l o r s de la
tranilarion du m alade de Provence à P a r i s , on verra q u e
l’ Ofrici<»r
chargé des ordres du R o i , a été obligé d ’attendre q u ’on eût fait le
feu l habit apporté pat le M arq u is de Cabris ; cela ne doit pas étonner;
les habics de la M a r q u ife de C a b ris e l l e - m ê m e ,
ne
fo n t - i l s
pas
devenus la proie d e i fervantes J e fa b elle-m ère ?
( z ) C e s mauvais traicemens fo n t prouvés par la déclaration d e la
C o m m u n a u t é de C a b ris , & par fept dé^Fàrations particulières. Elles font
annexées aux procès - verbaux des aflemblées de parens faites ch ez le
Magiftrat.
La M a r q u ife de Cabris d em an de depuis lo n g tems à faire
de tous ces faits odieux , une inform ation publique , fa belle-m cre s’y
o p p o f e , Oc pourquoi ? Sans doute parce q u 'e lle fuppofe cette preuve
furabondante &
inutile. N ’a - t - e l ! e pas avoué dans ,fa réplique fo m -
m aire de 68 pages , page 48 , q u ’ il étoic qu elq u efo is néceifaire de
contraindre , de gêner Us m ouvcm ais de fon fils ? Elle le com pare à
Ch a rles V I .
Sa
�»7
Sa p e t i c c - f i l l c l a dcmoifellc de C a b r i s , unique héritière
d ’un nom d iilin g u é , 6c de 50,000 livres de ren te, eit dans
un Couvcnc de G r a ile , à 200 livres de peniion, ians G o u
vernance; ion éducation fuc un M aître d ’Ecriture pendant
trois mois feulement : ion inftruclion , tous les propos qui
pouvoient cendre au mépris de Ton père , 6c ion amuf'em en t, le récit journalier de calomnies inventées concrc /a
mère. Sa mère! il lui étoic com m andé de la h a ï r , &C ia
réiiilance à cet ordre étoic la faute la plus g rave ôc la plus
févèrem ent p u n ie '( 1 ).
Les biens écoienc adminiilrés com m e les perfonnes.
S t y t r e , Procureur du M arquis de C a b r is , & qui l ’avoit
fi bien d é fe n d u , cil d ’abord récom penfé de fa perfidie. Les
beaux-frères
avoient autorifé la C u ratrice à recevoir fon
com pte : ce com pte eil rendu fans d éta ils, fans pièces jufrificacives, Sc Scytrc cil reconnu C r é a n c i e r d e 60,000
livres (2).
Les crois beaux, frères fe préfencent à leur tour. Ils'fo n t
fervj par Scytre qu’ils ont déjà fe r v i , 8c auifi-tôt paroît une
tranfaclion , qui porte à 260,173 Üv * ^ f ° l s 3 den. ce pré
tendu fupplément de légitim e , fixé par le teilam ent du père
com m un à Z4000 liv.
(1) Elle fut condam née à d em eu rer chaque jo u r , crcis heures , fou
i e matin , à genoux fur une tom be de l’E g life , pour avoir été trouvée
lifant un M é m o ir e de fa m è r e , parvenu ju fq u a elle. C e t t e b ifir re pé
nitence fu t interrom pue par un événem en t im prévu ; il faut l'entendre
d ire avec fa naïveté de qu a to rze ans : pa r bonheur j e tombal malade.
(2.) Sur cette fo m m e , Seytre a déjà touché 50,000 livres , &: dans un
m o m e n t de m é c o n t e n t e m e n t , la d am e de L o m b a r d a déclaré e lle -m ê m e
q u e cette f o m m e pouvoit Sc devoit être tefl:ituée:on a m ê m e dit au cou*
c
fe i l de la M a r q u i fe de C a b r i s , q u ’il ex'tftoit mie Confultacion des A v o -
�iS
U n bois de haute-futaye , ornem ent d e l à T e r r e , cft
coupé & vendu.
l e s baux font faits fous feing-privés, par anticipation, 8c
pour des prix inférieurs aux prix trouvés 6c retulés par le
M arquis de Cabris lui-même , parce que l’on preréroit des
pots-de-vin confidérabies.
Le m o b ilie r, de plus
de 80,000
livres, a difparu fans
laiiler de traces. Le pillage étoit H public , 6c le diferédic
fi grand , que les mandats de la C u ra n ice étoient refulés
à fa p o r te , (ur la place de Gralfc. D ’un côté les revenus
étoient exigés,d ’avance ; de l’autre, les droirs royaux 6c les
autres charges n’étoient pas acquittés. La Curatrice a porté
l’abandon jufqu’i donner des portions confidérabies de ter
res féodales, fans exiger I.s redevances accoutumées. C e s
libéralités fo lle s , faites à tous les parens de íes dom eítiques, privent en ce m om ent ia T e rre de Cabris de plus
de mille écus de rente.
Enfin, pour donner une idée de cette d évaftation, il fuffir
de dire que pendant fix années la C uratrice a touché plus
de 300,000 liv re s , 6c qu’elle-a fait pour plus de 300,000
livres de d e tte s, lans autre dépenie que la nourriture de
l’in te rd it, celle de
fa fem me
&
de ía íi 1ie ; 6i cette dé-
penfe , en l’e x a g é r a n t , peut être portée à 6,000 1. par an ( 1 \
La M arquiie de Cabris fut inftruitc de ce défordre , Sc
de la manière indigne d ont fon mari étoit abandonné par fa
jn e r e , & traité par les valets.
ilile d em a n d a, par requête du 6 Mars 1 7 7 5 > a faire
tars de Provence , provoquée par la D a m e de L o m b a rd , par laquelle il
«toit décidé'que Seytre pouvoir être pourfuivi par la v o y e extraordinaire.
(1)
C e t ce preuve r efa ite
du com pte d e la Cu ratrice , non pas tel
q u e l l e l ’a r e n d u , mais tel q u ’ il fera rétabli par la Juitice.
�>9
preuve des mauvais traitemens exercés fur la p e r f o n n e d e
ion mari , &. en conféquence la defticucion de la C u ratrice'
C e tte demande ne produiiit qu’une fcène qui feroic rire,
fi elle ne faiioit pas garnir.
Le Juge n’ordonne pas la preuve demandée : il ordon
ne Ion tranfport à Cabris , pour voir lui-même & inter
roger le malade.
T o u t étoit ehoifi , jufqu’à l’heure de fa vifite; il trouve
le Marquis de Cabris , rafé , p o u d ré, vêtu d'un ju fie aucorps g a lon n é,
& dînant avec la dame fa m è r e , le M é -
drein &. le C h iru rg ie n ; ces trois perfonnages croient ar
rivés la veille.
L e Juge
interroge gravement l’h om m e
quoique mois auparavant
qu’il a déclaré
inienfé & h y p ocon d riaq u e,
&
rellulcitant pour un in fta n tlc même hom m e d ont il avoit
écliplé l’e x iile n c e , il écrit gravement que le M arquis de
C abris a répondu «' que la dame fa mère l’a toujours beau•>■
> coup c h é r i , qu’il n’a jamais été aband onné, étant au« contraire très-bien fervi par tous fes d o m eiliq u es, v ê tu ,
» logé
nourri com m e il le defire ; q u ’il voie avec le
» plus grand plaifir le lieur A l z i a r i , h om m e de confiance
» de la dame fa m ère, qui a bien des attentions pour l u i ,
» i l avec lequel il fe promène & converfe.... ôc que iur»> tout, i l ne s ’ étoit jam ais fo u cié de la dame fo u époufe »>.
L e Juge ajoute que le M arquis de C abris ayant dem an
dé de charger ce procès-verbal de tous ces faits , s’eit retiré.
Et pourquoi n’a-t-il pas figné ? Q u ’on pardonne cette
queftion à l’empreiTcmcnt qu on lui fu ppofepour faire conftater des réponies fi affirmatives &. fi fages.
C ette comédie finie , le Juge déclare la M arquife de Ca>
C ij
�so
bris non-recevable dans fcs demandes (i). E n vérité , tant
d ’appareil étoit inutile pour le jugem ent.
A p p el au Parlem ent d’A ix ; le 27 Juin f u i v a n t , A r r ê t
qui confirme la Sentence (2).
»
O n dira ptut-êcre que la dame de L o m b a rd , fi elle a
prodigicufcm ent influé fur la Sentence de G r a d e , n’a pu
ni difpofer ni m otiver l’ A rrêt du Parlem ent d’Aix.
C e la eft vrai : la dame de Lombard étoit à G r a d e ; mais
le Bailli de M irabeau étoit à A ix ; mais le Bailli de M ir a
beau ne prenoit la peine de cacher ni Tes démarches , ni
fori influence ( 3 ). Il avoit dit qu’il feroit enfermer fa nièce
dans la plus étroite prifon , q u ’ il avoit à cet égard tous les
pouvoirs de fon père. Il s’étoit m ontré publiquem ent le
lolliciteur 8c le miniftre de l’ordre du R o i , qui la tenoit
réléguée a u C o u v c n t .d e Sifteron.
Il avoit été plus lo in : le 16 A v r il 1779 , il a voit écrit
à la Supérieure de ce C o u v e n t , q u i l avoit reçu une pro
curation du M arquis de M irabeau , fo n frère 3 laquelle lu i
donnoit tous Us pouvoirs paternels f u r la M a rqu ife
de
Cabris , q u i, n étant plu s fou s la puijjance de fo n mari >
[ 1 ] O n ne peut fiippofer avec q u elqu e raifon q u ’ un m o t i f à cette Sen
tence. Il eft dans une C o n fu ltn tio n d ’ un A v o c a t d ’ A ix , [ M c Gaflîer ]
iîgHifice c o m m e pièce du P r o c è s ; fuivant l’uiage de ce P a r le m e n t , le
Confulran t y
décide qu e la M a r q u ife de Cabris étant enferm ée pat
ord re du R o i t étoit incapable d ’agir.
[2 ]S en ten ce du 1 7 M a i 1 7 7 9 , A r rc t du 1 7 Juin , pièces jointes aux
procès-verbaux.
( j ) P arm i les parens qui avoicnr déféré la curatelle , on co m p te
deux.
guet.
C o n feillers au Parlem ent d ’A i x , ( M M . de Gras <k d u B o u r -
�1I
retom bait f o u s la p u ijfa n c c de f o n p ère. En co nfçqu cnce v
ajoutant» de Ton autorité p r iv é e , quelques anneaux à la
chaîne de fa nièce , i l d éfen d o it q u e l l e eût aucu ne com m u
n ica tio n a vec le dehors ( i ) .
Q u elqu e rems après, il fc préfenta lui-même en Juftice
pour demander la iuppreilion d’un A lém oire publié par la
M a rq u ife de C a b r i s ,
5c
dans lequel il trouvoit fon nom
compromis par l’hiftoire des 30,000 1. p ro m ifes
DÉNIÉES.
L a fuppreflion fut à l’inftant prononcée. (1)
L ’opprciîîon devoit avoir un terme. Les plaintes de la
M arqu ife de Cabris ont frappé les oreilles du M on arqu e.
U n M agistrat refpectable ( M . L enoir , C onfeiller d’E t a t )
a été chargé d eclairer les motifs de fa détention. Elle a
fait parvenir à fon Juge , un Journal com plet de routes fes
a l l i o n s , depuis fon enfance jufqu’à fa captivité. Sur cette
( 1 ) L ettre du Bailli de M ira b ea u , du 1 6 A v r i l
1 7 7 9 , déjà
im
primée.
(z) C ’eft dans cette R e q u ê te q u ’il articuloir trois faits intéreflfans j
i ° . que la conduite de la M a r q u ife de Cabris avoit nécellité la demande,
en im erdidtion de fon mari j z ‘\ que la M a r q u ife de C a bris s’étoic
procurée un tcftam em
avoient été difeutées
de fon m a r i , d on t les d ifpofitio ns, d i f o i t - i l ,
lors de
l ’Arrêe du Parlem ent de Provence ; 30. Sc
enfin que la M a r q u ife de C a b ris avoit furpris des procurations
à fon
mari. C e s trois faits, dont la faulfeté eft évidente & d ém o n trée, fe trou
vent répétés m ot-à-m ot dans le Réquiiitoire de la dam e de L o m b a r d fait
en l’hôtel du M agiftrat, avec cette différence cependant q u ’elle avoue que
le teftament de fon fils étant m y jlïq u e , Tes difpoiitions n’ont pas pu ccre
difeutées. C e t t e obfervation n ’efl: faite ici que pour m ontrer un des filsqui lient entr’eux les m em b res de raiiociation.
�22
juilification , jufqu’à préfent inouïe , (es fers ont ¿té brifés
dans le mois de M a i 17 8 1.
L ib r e , clic eft venue fe profterner elle-m êm e au pied
du T r ô n e ,
pour
y dépoier tous les
Jugemens
rendus
co n tre Ton mari.
L e 8 Février 1783 , A r r ê t du C on fe il d’E t a t , qui ordonne
Vapport de toute la p rocéd u re, 6c des motifs de l’A r r ê t d u
P arlem ent d’A ix .
A cette n o u ve lle , la cabale fr é m it , s’a g it a ,
&
vou 'u t
calom nier encore : il cft prouvé par une D é lib é ratio n de
la C o m m u n a u té de C a b ris , ( 11 A v r il 1783 ) que l’hom m e
d e c o n f i a n c e de la dame de Lom bard a préfenté deux fois
aux H abitans allêmblés , un certificat à iigner , 5t que
deux fois les Habitans o n t refufé de figner ( 1 ) , malgré
toutes les modifications employées pour les y décerminer.
L a Juftice eut cette fois un libre cours. Le 15 A o û t 1783,
A rrêt du C on feil des D é p c c h c s , Sa M a jcité y étant , d o n t
voici les propres expreilions.
T o u t confidéré : oui le rapport, le R.oi étant en fon
i> C o n f e i l , en préfcnce ôi de l'avis deldits fleurs C o m « m iflaires, a caiTé, annullé , caiTe Sc annuile la Sentence
« du x i Janvier 1 7 7 8 , êc tout ce qui a pu s’enfuivre 5c
>3
s’en eft enfuivi , notam m ent les O rdonnances rendues
>• le 14 Janvier 1 7 1 8 , &: celui du 17 Juin 1 7 8 0 ; ordonne
(1) Pièce jointe aux Procès-verbaux. Il eft prouvé par la Déclaration
particulière du C o n f u l de ce t e m s , qii’on avoic em ploy é auprès de lui
les injlances 6c les menaces , pour obtenir quelques fign.’. tures feparées.
A ttcft.u ion particulière du C o n f u l de la C o m m u n a u t é de C a b i i s , jointe
aux Procès-verbaux.
�23
« que le ficur c’c Cabris fer.i transféré , de l’ordre de Sa
’» M a j cité ( i ) , en la m aifon d u ficur M a fie , à la V iJ lcrtc,
» près P a r is , où il fera libre aux dames de Cabris , bellc’ » mère 2c belle-fille , de lui donner égalem ent leurs foins,
v La demoiielle de Cabris fera pareillement transférée, de
v Tordre de Sa M a je ité , au C o u v e n t
de Bonfecours à
» P a r i s , ou Iciditrs dames pourront égalem ent la voir. Les
>• frais néceflàircs pour leidites deux tranilations , préalav b lcm en t pris (tir les biens dudit fieur de Cabris ; ordonne
m auffi qu’à la R equête de la plus diligente des deux dames
» de Cabris
il iera c o n v o q u é , pardevant le L ieutenant-
» C iv il du C h â ie lc t de Paris, dans le m o i s , à com pter du
» jour de la fignincation du prélcnt A r r ê t , une aflcmblée
*• des parens ù amis du ficur de C a b r is , dans laquelle lef» dites dames de Cabris pourront fe trouver , 2c même
» form er telles demandes qu elles aviferont ; lors de laquelle
m aflem bléc , lefdits parens 2c amis prendront connoiflancc
» des enquêtes refpe&ives , du rapport des M éd ecins 2c
» C h iru rg ie n s , s’il cft o r d o n n é , pour donner enfuite leur
» avis au fieur Lieutenant-Civil du C h â te lct de P a r is , au»» quel Sa M ajeité a attribué , f a u f L'appel au Parlement
» de Paris y toutes C ours , Juriidi& ion 2c c o n n o iiià n c e ,
» icelle interdifant à ics autres C ou rs & Juges, 8c jufqu’au
« J ugem en t, toutes choies d’ailleurs demeurantes en état.
« Fait au C on feil d'Etat du R o i , Sa M ajefté y étant, <Uc. »
(r) C ’eft l’ex é:u tion de cet ordre fonverain que la, d am e de L o m b a r d ,
paçe 54
de fa réplique fo m m a ire de 68 p .^ e s , &
à plulïeuri autres
endroits , exprim e ainli : E lle ( la M a r q u ife de C a b r i s ) f i t enlever fort
mari avec précipitation par la AJardihauJJ'ee.
\
�24
C e t A rrê t a été fignifié le 17 Septembre f u i v a a t , à la
dame de L om b ard ; fie voici com m ent il a été exécuté.
Le Marquis de C abris a é t é - remis entre les mains de
rOiHcier chargé de l’exécution de l’ A rrêt du C onfeil s avec
un foui habit fini la veille de Ion d é p a rt, 19 c h c m ife s ,
un chapeau déchiré &C des boucles de fer. La dame de L o m
bard avoit refuie le linge & l’argenterie néceiîaires. A u
m om ent du d é p a r t , l’Oflicier demanda quel domeitique
étoit plus agréable au M arquis , vingt voix crièrent enlem ble : pretie^ L a u r e n t, i l n’ a jam ais battu M . le M arquis.
P endant la r o u te , l’Officier fut obligé de lui prêter des
bas
des mouchoirs. ( 1)
r
(1) C e s faits font prouves par le procès vetb.il de l’O f l i c i e r , & ils ne
font pas conteftcs.
V o i c i co m m e la D a m e de L o m b a r d exeufs cette petite négligence ,
page 43 de fa R é p o n fe fo m m a a e en 68 pages : après avoir f a i t publier fort
triomphe dans Us G a le tte s É trangères ; E lle ( la M arq u ife de C a b ris )
arrive en Provence : un nommé M artin , f e difant Commiffaire chargé
des ordres du R oi , efeorté de la M arichauffée , enlève à l ’improvifle ,
avec fra cas & fcandale , mon f i l s & ma p etite-fille , fans permettre que
j e les garde une fe u le nuit 3 & que je fa ffe fa ire leurs malles. ( Et par
une note au bas de la page ; ) i l refulta de cette précipitation du nomm é
M artin , que mon f i l s f u t enlevé fa n s fies habits & fo n linge. J ’ avois
cru que c ’ étoit pure étourderie. J ’ ai vu pa r le mémoire de ma belle-fille ,
qu’ il y avoit un defjein prém édité. O n n ’ a pas voulu f e donner le temps
de lui fa ire f e s m alles j & on m ’ accufe aujourd’ hui de l ’ avoir laiJJé man
quer de tout y parce qu’ on n ’ a rien voulu emporter.
V o u s obferverezj s'il vous plaît , q u e le M arq u is de C a b ris a féjourne
3 6' heures a GraiTe j q u ’il y a vu fa m ère 3 8c q u e depuis le mois de
Septem bre 178 5 , depuis plus de Jeu x a n s , ces malles
11e fo nt pas
encore faites ; que la D a m e de L o m b a r d n’a jamais rien d on né à fon
fils j qu i n a du alors fon exiftencc q u ’aux fccours de fa fem m e.
La
�*5
L a D em oifclle de Cabris ¿toit encore plus mal pourvue.
E lle eft arrivée à Paris avec quatre chcmifes , deux m ou
c h o irs, deux coëffes de nuit , & une robe d ’indienne.
O n devinera fans
peine que l’O ffic ie r ,
co n du & eu r du
M arquis de C a b r is , ne put pas obtenir un fol pour les frais
de tranilation , malgré la difpoficion de l’ A rrêt du C onfeil t
qui ord on n oit que cette dépenfe ferait préalablement prife
f u r les biens du transféré.
E t co m m en t la D a m e de Lom bard auroit-elle donné de
l ’argent ? E lle n’en avoit pas ; &L telle étoit fa fituation
journalière au milieu du pillage que fon incapacité abfoluc
rendoit inévitable ; elle n’en a voit pas au m om ent où fes
ailociés l’a r r a c h o ie n t, com m e elle le dit e lle -m ê m e , de
fes f o y e r s , pour la traîner dans cette Capitale à la pourfuite de leur vi£fcime.
L a D a m e de Lom bard s’eft d onc décidée à quitter G raffe,
pour venir à Paris demander une fécondé fois l’interdic
tion de Ion fils , devenue pour elle &c pour les agens , le
feul m oyen de voiler les iniquités com m ifes.
A v a n t de partir, elle donna la procuration la plus étendue
à Mc G a y te , A v o c a t à G r a fíe , pour régir & adminiftrer en
fon ablcnce. (i)
D a n s l’écat des chofes , cette procuration étoit fort inu
tile : au moins A lziari ne devoir pas la regarder com m e un
a & e férieux. Il avoit lui-même fervi de tém oin à la rédac
(i) Procuration de li D a m e de L o m b a r d en faveur de M e G a y t e ,
fo n A v o c a t à G-aiTe , du 18 O f t o b r e 1 7 8 5 .
à la R e q u ê te de
Elle eft jointe ( N °. 1. )
la M a r q u ife de C a b ris , répondue
le
z 1 O ûobre
1785.
D
�i6
t i o n , & cependant malgré cette procuration faite fous fes
y e u x , il recevoit des Fermiers tout
ce qu il pouvoit les
contraindre à payer , & d onnoit audacieufement quittance
en fon nom . C e s quittances font produites, (i)
D ’ un autre côté , Seytre , malgré l’A rrê t du C onfeil
qu’il c o n n o iifo it, & qui anéantiiloit la curatelle 8c tous les
a&es de la curatelle , m ettoit la main fur la portion la plus
Jiquide des re ven u s, en vertu des délégations à lui faites
par
la C uratrice , n’attendant qu’un lignai
pour
faiiîr
le r e f t e , com m e on va le voir , en vertu des engagemens
qu’il avoit lui-même fait contra& er au M arquis de Cabris.
Seytre , G a y te , A l z i a r i , T riu m virat fu n e fte , fpoliateurs
fu b a ltern es, toujours divifés par leur intérêt perfonnel ,
mais toujours unis par la ilupidité de la Curatrice , & pour
la ruine de fon fils.
D a n s ce d éfo rd re, il étoit tout iimple que la D a m e de
L om bard n’eût pas d’argent au m om ent de fon départ. Pour
en avoir , elle a exigé d’avance les revenus de fon fils ; elle
a mis en gage l’argenterie de fon fils ; elle a vendu les bou
cles d’or de fon fils, (i)
(i)
V o y e z N ° . 1. des pièces jointes à la R eq u ê te , ci devant datées.
Q uittance du premier D é c e m b r e 178 3 , par A l z i a r i , fe difant chargé
des pouvoirs de la D a m e de L om b a rd .
(1) O n l’a vu arriver à Paris avec des boucles de fer. L e fieur R a bu is,
O rfè v r e de G ra lfc , a acheté les boucles d ’or : ce fait a été avouvé p arla
D a m e de L om ba rd , en préfence du M agiftrat & des parens aiTemblés
en
1H ô t e l ,
en D é cem b re 1 7 8 3 . A
l’égard de la vaiiïelîe , elle a aiTurc
qu elle n etoit pas vend ue , mais elle a avoué q u ’elle l’avoit m ife en
gage*
�17
C ’eit ainfi qu’elle eft venue dans cette C a p it a le , pourfui-
vre 1 état &. Ja pcrfonne de fon fils , avec le prix de Tes bou
cles d’or , de fon a rg e n te rie , & les revenus de fa T erre .
Elle l’a vu à Paris. Elle a vu fon fils , elle a vu fa petitefille réduits au plus iimple néceffaire , que leur époufe &
m è r e , épuifée par les dépenfes continuelles de fafituation ,
n ’avoit pu leur fournir qu’en recevant elle-m êm e des fecours de fes parens & amis , en com prom ettant fa dot. Elle
les a vu fubfiftant à crédit dans les maifons où les ordres du
R o i les avoit placés. Elle avoit 24,000 liv. dans fon por
te-feuille, & elle ne l’a point ouvert pour offrir à fon fils ,
à fa petite-fille, la plus foible partie de cette fom m e qui leur
appartenoit.
Jufqu’ici nous avons raconté des faits déjà publics ; la
narration a été rapide , parce que ces détails écoient inutiles,
Rcfpirons un m om ent.
N o u s allons e n tr e r , avec toutes les P a r t i e s , dans le C a
b inet du Lieutenant-Civil , où l’A r r ê t du C o n fcil a fixé le
T rib u n a l. La fcènc va changer fur ce nouveau théâtre. Le
même intérêt agitera tous les efprits ; mais les A £ e u r s &
les moyens von t fe multiplier. En P roven ce , on a voulu
faire interdire le M arquis de Cabris pour le dépouiller : à
P a r i s , on voudra le faire interdire encore pour cacher les
dépouilles conquifes , Sc pour en conquérir de nouvelles.
O n alléguoit en P rovence une dém ence iim u lé e , qu’on a
tenté de rendre réelle par tous les excès qui peuvent être
com mis fur 1111 efprit f o ib le , & iur un corps débile. A Paris,
l’on voudroit juftifier la tyrannie par fes propres effets , Sc
D ij
�réalifer la démence qui n ’exiftoit pas , par celle dont on
a voulu forcer l’exiftçnce.
C haqu e com p lot fera dirigé par la m ême main 5 chaque
fil fera conduit par le m êm e reiTort ; 5c tandis que la D a m e
de L o m b a r d , aveugle Sc croyant ne fauvcr que fes fautes
perfonnclles , s'efforcera de défendre les rapines de fes fu balternes ; elle protégera auiTi, fans le favoir , le projet
des chefs de parti ; ce p r o j e t , plus im portant que tous les
a u tre s, d’un mariage qui enchaîneroit la fille & les biens
dvi M arquis de C a b r is , Ôc dont l’âge de la D e m o ife lle de
Ç a b :is com m ençe à preiler l’çxécution.
L a M arqu ife de C a b ris va prononcer un nom plus refpe& able pour elle que tous les autres , le nom de fon père.
L e Marquis de M irabeau, q u is ’eft caché jufqu’à préfent , v a
paroître malgré lui. Elle refpe&era fon père.
JufquW ce
m om en t n’a-t-elle pas exagéré le rcfpeét ? En racontant
les attentats com m is fur fa p erfonne, les calomnies débitées
contre fon honneur , toutes les perfécutions dont elle a été
l'objet , n’a-t elle pas gardé le filence fur ce qui pouvoit cq
déceler l’auteur ? M a is après avoir vu fucceifivement in
terdire la M arqu ife de VaiTan , fon a y c u lc , & le C o m te de
M ir a b e a u , fon fr è r e ; après avoir vu des ordres miniflériels
enchaîner fucceifivement fa mère , fon frère , elle-m êm e ;
lorfqu ’on attaque fous fes yeux Tcxiftence de fon m a r i ,
l’état de fa f i lle , & l’honneur de fa jpoftérité , elle d o it
parler avec courage ; heureufe encore de pouvoir témoi
gner fes égards , en ne parlant de fon père que pour m o n
trer les écrits émanés de la main de fon père.
Les 10 D é ce m b re 1783 , 1 5
5c 1 4 J an vier, 5c 5 F évrier
�19
1784 , les parens & amis furent afTcmblés en I’H ô te l du
Lieutenant C iv il. La dame de Lom bard portant en main dixhuit procurations de dix huit parens qui avoient déjà donné
leur vœu en 1 7 7 7 , pour l’interdi& ion de Ton fils 8c pour
fa c u ra te lle , dem andoit d ’abord que Ton fils fût interrogé
d e nouveau , 6c que les perfonnes 6c les biens fuilent
dépofés entre fes mains , par fuite de la curatelle qu’elle
prétendait fubfifter encore.
Les parens aiTemblés lo n t
d’avis unanime qu’il faut
accorder du repos ôc des fecours au M arquis de Cabris
pour réparer fa f a n t é , ôc fur-tout cette foiblefle a ctu elle,
luite
des mauvais traitemens exercés
fur
fa
perfonne
pendant la cu ra te lle , ou plutôt pendant fa c a p tiv ité ; que
la dame de Lom bard doit rendre com pte de fa g e f t i o n , 6c
qu’il d oit être établi fur les biens une adminiftration provifoire. Sur le refus verbal de la M arquile de C a b ris , des
parens défignent unanim em ent pour R égi fleur M c C o u r t ,
Procureur au Parlem ent d’A ix . A u fîî-tô t, & à la première
vacation du 10 D é ce m b re 1 7 8 3 , M e Eoulard eft nom m é
Séquellre par O rd o n n a n ce du J u g e , rendue fur l’avis des
parens.
L e M arquis de C abris effc interrogé deux fois. A travers
quelques é c a rts , on voit un cfprit tantôt a i g r i ,
tantôt
accablé par la contrainte & la pcrfécution. 11 eft vifîie
par les gens de l ' A r t , 6c leurs rapports donnent Pcfpo ir
d’un ré tabliflem en t, qui déformais ne peut être que l’o u '
vraee
du tems ôc des foins alfidus.
&
Sur le t o u t , intervient une Sentence en la C h a m b re du
C o n f e i l , le 6 A v r il 1 7 8 4 , qui furicoit à faire droit fur
la dem ande en in te rd ic tio n , n o m m e , de l’avis de parens,
�3<>
le (leur C o u r t , RégifTcur, à la charge de verfer les deniers
dans la caille de M e B o u la r d , déjà nom m é S éq u eflre;
ordonne que le Marquis de Cabris fera de nouveau vifité
in te rro g é ; 2c fur les offres de la dame de L o m b a r d ,
qu’elle fera tenue de rendre fon com pte devant M e Boulard
p è r e , ancien N o t a i r e , pour être com m uniqué aux parens
6c amis raiTcmblés.
L e plus difficile étoit de faire exécuter cette Sentence
en
Provence.
O n devine
co m m en t ce ju g e m e n t , qui
dép ou illot la D a m e de L om b ard de toute adminiflrration,
devoit être accueilli par ceux qui adminiftroi e n t , ou plutôt
qui pilloient en fon n om 6c à fa place. Les m oyens de
fufpendre
au moins cette
e x é c u t io n , ne laiiïoient que
l’embarras du choix. Ils étoient offerts par les circonftances,
ou plutôt par les fuites de la mauvaife adminiftration.
La C u ratrice j tout en percevant régulièrement 6c d’avance
les revenus de fon f i l s , avoit retardé depuis deux ans le
payem ent de toutes les charges , même des droits royaux,
0 des im portions de la N oblejfe de laProvince.
Les Réceveurs
avoient formé des faifics iur tous les biens du M arquis de
Cabris.
C e n’écoit point aiïcz : la main levée de ces faifies ne
tenoit qu’au payem ent de fommes peu co n fid érab les, ôc
cette main-levée donnoit une activité libre à l’adminiftration provifoire ordonnée par la Sentence du Châtelec.
V o ic i les trois beaux-frères du M arquis de C abris qui
fe p réfen ten t, & qui form ent auffi des faifies générales'^
en vertu de la tranfaclion pajfée entr eu x
0
la Curatrice,
de cette tranfaclion qui leur d onnoit fur les biens de l’in
terdit près de cc n t mille écu s, pour un prétendu, fupplément
�31
de légitime ¡ f a t par le T cfta m e n t du père commun., à 24,000
liv r e s , & doublem ent acquitté en 1 7 7 5 , par une iomme
de 60,000 liv., donnée par le M arquis de Cabris lui-même ,
fous 1’aiKoriiation de Stytre , ion curateur.
C e n’étoit point alTcz : la main-levée de cette iaifie ne
' tenoit qu’à la dém onitration de l'invalidité du titr e , ÔC ce
titre étoit anéanti avec tous les effets de la curatelle , p a r
l*Arrêt d u C o n feil du 15 Août 1783.
V o i c i Seyrre , cet ancien C u ra te u r, cet ancien C o n fc il,
cet ancien Procureur du M arquis de C a b r is , A g e n t Ôc
déferteur de la conspiration , traître aux oppreil’e urs & à
1’ o p p rim é , iuivant la circon ilance &
fon intérêt ;
voici
Seyt&c qui raflcmble toutes les créances ( 1 ) q u ’il a fait
co n trafter lu i-m ê m e au M arquis de C abris , pendant fa
m in o r it é , com m e fon curateur; qu’il lui a fait ratifier en
majorité , com m e fon C o n fc il ôc fon Procureur ; qui ,
devenu Procureur des créanciers , forme auili en leur nom
des faifies générales fur tous les biens de fon ancien pupille,
de ion ancien client.
O n a pouflë plus loin l’oubli de toutes les bie.nféanccs.
Sur des biens enchaînés par tant de faifies, la M arquife
de Cabris ne pouvoit obtenir les moyens de faire fubfifter
( j ) Parm i
les calom nies débitées contre la M arq u ife de Cabris
on l a c u if o ir , dans tous les M é m o ir e s de la d am e de L o m b a r d , d ’avoir
jeté fon inart dans une diilîpation effrayan te, &
f u r - t o u t de lui avoir
fait contracter pour 100,000 liv. de dettes. Il faut efpérer q u ’on fe
taira e n f i n , lorfque tous les titres produits prouveront que tous ces
emprunts ont été faits pendant l’abfence de la M a r q u ife de C a b ris , par
l’entrem ife & avec l’aflîftance d e Seytre, alors curateur de la m in o r it é ,
8c
enfuite c o m m e chargé de la procuration générale du M arq u is de C abris.
�3*
fou époux & fa (ïllc , qu’à force ¿'E xécu toires du C on fcii
du Roi. O n a tenté de lui enlever cette reflource facrée,
5c l’on ne peut regarder cet effort que com m e un attentat
à l’autorité royale.
Le dernier Exécutoire étoit adrefle au nom m é B o n n irt,
Ferm ier des moulins bannaux. Bonnin
refufe de payer ,
& prélcnte une Requête aux Juges de G r a d e , par laqu elle,
en expofant qu’il a payé par anticipation à la dame de
L o m b a r d , il demande que fa perfonne & fes biens foien t
mis fous la fauve-garde de la Juilicc. L a D a m e de L om bard
eft appelée en garantie ; A l z i a r i , Procureur de la D a m e de
Lom bard , eft auffi Procureur de Bonnin.
A u c u n Juge ne vouloir accueillir cette dem ande audacicu fe
p lu s
ôc folle. U n G radué monte fur le T rib u n a l , & com m e
ancien en l l abfer.ee des J u g e s , il ordonne que la per
fonne & les biens de Bonnin feront mis fous la fauve-garde
de la J u ftic e , &
fait défenfes d ’exécuter XExécutoire du
C onfeil. U n A v o c a t d ’une petite ville de P rovence , annéantit au nom de la Juftice, les Arrêts de la Juftice-Souveraine.
E t quel eft cet A v o c a t ? C ’e s t M e G a y t e , celui que la
D a m e de L o m b a rd , en partant pour P a ris , a revêtu de f e s
pouvoirs , & nom m é fon repréfentant. (i)
( i ) T o u s ces faits fo n t configncs dans une R eq u ê te préfentée par
la M arqu ife de C a b r i s , & répondue le n
O i t o b r e dernier , à laquelle
font annexées tom es les pièces juilificatives : i ° .
L es faifies faites par
les Receveurs de la capitation & des impofitions de la nobleiïe. i 9 . Les
faifies faites à la
fc
requête des b e a u x -f r è r e s d u M arq u is de C a b r i s ,
par le miniftère de Seytre
&
d ’A lzia ri. 30. Plùfieurs faifies faites
à la R e q u ê te de piuficurs créanciers du M arq u is de C a b r is , &
par
On
�33
. O n croira fans peine q u e , lié p a r 'ta n t d ’e n tra v e s, le
RégilFeur nom m é par la Sentence du C h âtelet , n ’a pu
ju fq u ’à p r é f e n t , faire entrer aucunes fommes dans la caiflc
du Scqueftre ; mais ce q u ’on ne croira pas , c ’cft que la
dam e de L om bard , fcul auteur de tous ces embarras , par
elle-même ou par fes a g e n s , s’en faiTe un moyen férieux
devant le Juge pour cenfurcr la conduite de ce R é g iflè u r,
& l’accufer d ’incapacité , de n é g lig e n c e , & peut être même
d ’infidélité.
P endant que ces chofcs fe paiToient en P r o v e n c e , la
M arqu ife dé Cabris étoit occupée d’une affaire plus im
p o r ta n te , puifqu’clle intérefloit 8c fon repos & fa tend riilc. Le mariage de fa fille, qui venoit d ’atteindre fa qua
torzièm e année , en détruifant le principal m o tif des perfe
c t i o n s , devoit en fixer le terme. L e bonheur m êm e de
-fh fille pouvoir dépendre du m om ent où s’échappant aux
mains avides qui le tendoient fur e lle , elle trouveroit dans
•fon époux le proteéleur légal de fa perfonne 8c de fa fortune.
Un
G en tilh om m e ,
eftimable autant
par fes
qua
lités que par fa naiflance , fe préfente fous d ’auguftes auf*
piccs. A v a n t d’écouter aucune propofition , le Marquis
la M arquife de C a b ris , fournis à des devoirs qu’ils on t tou
jours r e fp c & é s , exigent l ’aveu préalable de la D a m e de
L om b ard Sc du M arquis de M irabeau , leurs père 8c mère.
L ’un 6c l’autre donnent leur aveu.
le mlniftcre de Seytre &' d ’Alziari. 4 0. Et e n f i n , la R eq u ê te prefem ee,
le 1 7 M ars
178 5 , psr le miniftere d A l z i a r i , par B o n n i n , pour fe
fouftraire à l’exécution du C o n f e i l du R o i ; &
la d éfen fe du 1 1 du
m ê m e m o i s , prononcée par M c G a y te , c o m m e A v o c a t plus ancien en
l ’abfençe des Juges.
E
�34
ÀiTur^s de ce double c o n ie n t c m c n t , le M arquis
la
M arquife de Cabris en réfèrent aux M iniftrcs du R o i , qui
applaudiflent au choix d’un G en tilh om m e connu de toute
la C o u r , Si vivant pour ainii dire fous leurs yeux.
E n f in , pour donner à cet a ile important la fanction la
plus authentique 8c la plus lé g a le , pour joindre aux vœ ux
déjà d o n n é s , le vœu de la famille en tière , ils obtiennent
des Lettres- Patentes qui com m ettent M . le L ieu tenan t-C ivil
du C h â t c l e t , pour ailemblcr les parens en fon H ô te l , &£
h om o logu er leur avis fur ce mariage.
Aiais l’aveu de la D a m e de L om bard n’étoit dû qu’à fa
foibleiTe , & fa foibleiTe le récraita. C elu i du M arquis de
M irabeau n’étoit dû qu’à l’impoflibilité du refus , & il pro
fita de la foiblcfle de la D a m e de L om b ard pour tenter
encore ce p r o j e t , fi long-tem ps médité , toujours inutile ,
mais toujours caché , ôc qui le feroit encore fans un a cc i
dent qu’il éroit impoffible de prévoir.
Les Lettres-Patentes venoient d’être cnregiftrées au Parr
lem ent , lorfquc la D a m e de Lom bard forme tout-à-coup
oppoiition à l’enrcgiftremcnr ,
préfente une Requête a.u
Confeil pour demander le rapport des Lettres-Patentes. (i)
Pendant cette contcftation , ni méritée ni prévue , la
D a m e de Lombard fait entam er une négociation auprèp
( i ) La D a m e de L om ba rd a été déclarée non-recevnb!e dans fa d em an de
en rapport, par un A rrêt du C o n f e il. A u fu r p lu s , les m oyen s préfentés
jl l’appui de cette dem an de , développoient le com plot.
de
gi
L o m b a rd
inevitable ,
Conf eil
du
annonçoit
&c
15 A o û t
l’interdiétion
m co ie
toujours
1783 : elle
de
fon filsconune
exiftante ,
annonçoit
m algrc
La
Dam e
néceiTaire
l’ Arrêt
fon droit à la
du
cura
t e l l e , c o m m e inconteftable , & co m m e une fuite certaine de ce droit >
le pouvoir de marier fa petite fille , de fa propre &
unique autorité ,
�35
d e fa belle-fille , par un fieur V i a l , confident de fes pro
jets & de ceux du M arquis de M irabeau (i). Il s’adrciïa à
l ’A v o c a t , C on feil de la M a rq u ife de Cabris.
C e t A g e n t propofoic pour première condition d’exclure
le G e n tilh o m m e nom m é dans les Lettres-Patentes , & de
choifir 1 époux de la D e m o ife llc de Cabris parmi quatre perfonnes indiquées , à la tête defquel.es étoit le fils du C o m t e
de G ra ile , Lieutenant-Général d es A rm ées N avales 2).
Cetre première condition n’épouvantoit pas la M arquife
de Cabris. Sur quatre gendres offerts, on pouvoit au moins
choifir , & même on laiffoit la liberté de les refufer tous les
quatre , ÔC de faire un ch o ix abfolumenc indépendant.
M a is la fécondé étoit révoltante. O n exig eoit qu’en faveur
de ce m a ria g e , le père & la mère fiilènt le facrifîce entier
de leur fortune , qu’ils fe li v r a ie n t à la merci d’un gendre
q u ’ils ne connoilToient pas. L a négociation n ’alla pas plus
loin.
Q u elqu es jours après , le
Septem bre 178 J , la M a r
quife de Cabris étoit à M o n t r o u g c , auprès de fon mari.
Elle y reçoit la vifite de fon frère , le C hevalier de M ira
beau , qu’elle n’avoit vu que deux fois depuis 17 ans. Il
m ê m e contre le vœ u d e fa mère. L e ctoiroir-on , fi 011 11e le lifoit pas
dans un écrit im p rim é ? V o i c i fes propres expreifions : « L a Curatelle du
M arquis de Cabris appartient de droit & de f a it à la Suppliante ; ( la
D a m e de L o m b a rd ) la D em o ifelle de Cabris ejl de droit fo u s la p u iffa n ce du Curateur de fo n père ; c ’ efl au Curateur f e u l qu appartient le
droit de la marier j tant que fo n père vivra , la mère n ’ a aucune puiffance
f u r elle . elle peut être mariée f i n s le confentem ent & contre le vœu de
f a mère. R eq u ê te au R o i , i m p r im é e , page <0.
(1) L e fieur V i a l fera tout à l ’heure un perfonnage rem arquable.
(z) Le Comte de Gralfe va fe montrer aiiiïi dans un moment.
E i j
�annonce qu’il a quitté Ton R ég im en t fans congé , fa n s
l'aveu de fort pcrc , qu’il n’efl: à Paris que pour quelquesjours.
L a M arquife de Cabris ch erch oit à deviner l’objet d’un
voyage fi myftérieux £c fi précipité, lorfqu’un tiers, dont le
Chevalier s’étoit fait accom pagner , propofe de le marier
avec fa nièce , la D c m o ife llc
de C abris , pour terminer
d ifo it-il, les conteftations qui diviioient la famille depuis li
lo n g temps.
L e f o i r , la M arquife de Cabris retourne à fon C o u v e n t ;
fon frère la fuit ¿c reite à fon parloir jufqu’à n e u f heures.
L e lendemain on a trouvé dans le parloir deux papiers (i)
échappés de la poche
du C hevalier ;
l’un n’eifc com poié
que de quatre lignes ; l’autre eft une inftru£fcion de deux
pages , donnée au C hevalier fur les moyens à employer
pour parvenir au mariage projeté. Ces deux papiers font en
tièrem ent écrits de la main m ême du M arquis de M irabeau.
L a Marquife de
Cabris tient en ce m om ent la parole
qu’elle a donnée de ne faire connoîrre les intentions de
fon père que par les écrits de fon père ( i ).
Le premier n’eft qu’un rendez-vous donné au C hevalier
fon fils.
« D e u x lettres , premier A o û t 1 7 S 5
( 1 ) , font en che-
(1) Ils font joints ^ux Procès verbaux des allemblées tenues chez le
Magiftrat , à la vacation du 1 6 Septembre.
( 1 ) Elle a voulu cacher ces écrits. Son père l’a forcée de les ren
dre p u b lics.T o u s les parens ont été témoins , q u ’au m om en t où M* R o - ,
zier , reprefentant fon père , s’eft montré à l ’aiïem blée » pour y d e m a n
der ail nom de fon père q u e fa fille lui fut e n le v é e ,
elle l’a invite à
ftifpenLlre le dépôt de fes pouvoirs, S: a inftruire fon père q u ’elle poirédoic .
ces écrits, parce que cette nouvelle pourroit au moins l’en gagera la neutra
lité. M e R o zie r cil reveuu le foir m ê m e , & il
dépolé fes pouvoirs >
�~37
min pour le Chevalier ; dans la première , je çhangeois
» l’adreiTc, & défignois l’H ôtcl Sc. Michel , rue des Francs» Bourgeois , qui é to itla m aifon de M de Fourqueux , Sc
» donne par derrière au paiTage , Ichez M adam e de Failli.
» D em a in , à onze heures du matin ou environ , je paflerai
» d ’abord à l’H ô tel de T o u r a in e , ôc iî l'on n’y cft pas,
»> à celui de S c . M ich el des Francs-Bourgeois, u
Le fécond écrit eil une note inférée dans ce billet ; cette
note cft fans date.
« D e m a n d e r d’abord fi l’on a quelqu’engagcm ent pris
» pour fa fille , attendu que fin s cela , l ’on a un parti à
>5 propofer.
» D ire que fon père veut l’établir ; que fatigué des dif» ficultés extérieures > & c , il lui a propofé d’époufer uns
» de fes nièces.
» Q u e , nièce pour nièce , cela lui a fait venir l’idée de
» réunir la portion de fa famille qui peut l’ê c r c , Sc ç[’é~
poufer celle qui peut lui procurer le plus d ’avantages ;
»
qu’il fait cette idée
¡f o r t
lo in
de
son
p e r .e
, à qui
» elle a été propofée.
» Q u ’elle ne lui c o n ven o it pas non plus «à lui dans ce
» fens là , qui coniiftoir à l’avoir par avis de parens , par.
difant tout haut , q u ’il n ’avoit pas trouve le M arqu is de M irabeau , &c
q u ’il étoit obligé de rem plir fa charge , difanc tout ba s, q u ’il avoit trouve
le M arqu is de M irabeau , & qu e celui ci avoir prétendu q u e ces deux
écrits ( écrits de fa main ) , croient fa u x , q u ’il l 'a v o i r m êm e chargé de
s’enferire en fa u x .
( i ) C e t t e date eft une erreur. L e C h ev alier de M irabeau i parti de
fon R é g im e n t fans congé , n’auroit pas etc un m ois fans paroîcre chez
fa feru r , objet de fon voyage : fa vifite à M.ontroiige , le î
b r e , & fes Lettres fiibféquetues le prouvent jufqu’à l'évidence.
Septem
Qu’on n'oublie pas
que l'écrit cft en en
tier de la ma>n du
Marquis de Mira
beau.
�3»
»* force de d r o it s , 8i contradictoirem ent avec la m è r e ;
>» mais qu’il lui conviertdroit de débuter dans le m onde
« par une réunion ; que fi cela ne leu r répugne p a s , qu'ils
»» s’expliquent fur le f o n d , 8c fur l’état de l’affaire dont
»> on n cl aucune notion.
»> Si on lui demande quels font fes moyens pour conci>5 cilier tant d ’efprits difeords , dire qu’il a un a m i , à la
» famille duquel il a les plus ienfibles obligations , qui fe
»J fait fort
»»
D ’ E N T R A Î N E R . L A V I E l L L E , & : d c DISPOSER. D E SES
a le n to u rs
; qu’à l’égard de fon p è re , qui
en traîn e
» fon oncle ( i ) , il faut qu’il foit sûr des autres côtés avant
» d’en ouvrir le m o t , mais qu’alors ce fera fon a ffa ire ;
»* mais que com m e cette courfe cft
m
ab so lu m en t
ig n o rée
n’eft qu’à court d é la i, il faut qu’on s’explique du
m oui ou du non , afin de ne le pas
d éco u vrir
&
com pro-
»» M E T T R E .
» A lors , fi l’on entre dans le récit de l’é ratdes affaires ,
» leur laiffer dire tous
leurs
m en son ges
,
ne leur rien
» difputcr ; leur difanc enfuite qu’on va s’informer de la
» verfion de l’autre p a r t ; car il faut ici-bas que tout fe
» rapproche ; mais que le
principal eft de favoir fi fa
»5 propofition eft du gré de la m ère, & fi elle aime m ieu x
» lui qu’un (z)
»
var ties
é t r a n g e r
tie n n e
sa
qu i
p l a c e
,
lui
ou l a
sera
d o n n é
d ispu ter
p a r
sans
ses
f in
. »
« Selon que tournera ce d é b u t , fi l’on paroît entrer
1
( i ) L e Bailli de M aribeau , qui entraîné, s’eft m ontre en Provence ©
C h e f de la perfccution.
[z] Étrange alternative pour le M arq u is &
la M a r q u i fe de C a b ris !
donner leur fille au C h ev alier de M irabeau ,
ou la voir m arier contro
Ieuj: vœ u , & à un étranger du choix de leurs perfécutçurs. Céder f a
place au C h e v a lie r de M ir a b e a u , ou être ctcrnellcm enc perfécuté.
�39
»»■dans fes vues, on pourra délayer & fu iv re , mais donnant
» le plus court term e; ne pouvant faire ici qu’une apparition
» bien fourde > jufqu’à ce qu’on foît sur de quelque ch ofe;"
« à plus forte r a ifo n , fi l’on paroît vouloir prendre des
« c ir c u its , faut-il preilèr par un veut-on y ne veut-on p a s >
»
A N T E C E D A N T A T O U T . >v
»» Si cela tournoit b i e n , il faudroit propofer tout de
» fuite de voir la fœ u r;
la
,
afficher toute franchisé
*
« mais ardente & g a ie ; laifler tout d ir c ;[ i] e n fu it e reprendre
» fa p a rtie ; dire que s’il faut continuer à co n tcïlcr., on
*> fç retire ; qu’il faut donc fe perfuader que chacun de
>• fa part a eu tort ou raifon juiqu’i c i , ‘ com m e il arrive
» toujours ; mais que fon plan e ftd e faire oublier de toute
>» part ce qui peut a ig r i r ; que ii ce coup - d’o e il, agrée 8c
»> cft préféré à celui de continuer
bataille
, Sc voir m arier"
»> fa fille par avis de p a ren s, tout de fuite on va fe faire
» informer de l’autre p a r t , q y ’on ne croira pas un m ot
» des
faits
litigieux
, mais qu’on verra clair fur les
« affaires réelles. »
» Si l’on voit qu’on '‘ait r e m u é e
capté les pallions
m nuifiblcs j Sc qu’il faille donner fa part à l’efpric d’in« tr ig u e , il faudra ouvrir alors la totalité de fon plan de
» réunion &: de volonté de
fixer
>5 de faire ccflcr le ch oquant
»
de
p^ y e r
,
vendre
et
l ’é t a t
de
sa
M
ère
,
dym qins de ce d éiord re,
réunir
les
biens
aifurcy: fon
: { i] Q n a y p que le Çljevalier de M irabeau s ctoit d ’abord adrelîc à un
t'iex s. À je f ic h e r t o v t e ïjp .a ^ c u is e
; ce niot peint le véritable caractère
d.ç la M a r q u ife de Ç a b r i f ; fou père m êm e eft forcé de lui rendre jufticc
dans fes confidences intimes.
i
�40
» crac; que tout cela ne T t peut que par
»> d’une p a r t , l’aveu du p è re , èc peut
»
L A S I T UA T I ON
>j
»
seul
.d
Q u e lï ce l a c o n v i c u t ôc Te conf i r me EN
isso lu ble
nécessité
AMELIORER.
DES I NTERLOCUTEURS. «
DANS L A M A I N , ET F A I S A N T T R A I T E R
m
la
se t o u c h a n t
d ’a
I LL ANC E I N-
tout c^e fuite il va Te raccorder avec fon
,
» m o y e n d’autre p a r t, & de-là
descendre chez
son p è r e
,
» attendu qu’on s’eft procuré un congé pour le refte du tems
»> de fervicc ; que l à , on ne l’efpionne pas fur ce qu’il fait
» fie'les gens qu’il ,voit ; q u e b ie n tô t on lui parlera affaires
» av e c c o n f i a nc e , fie q u ’il a mè n e r a les c h o fes1fé lo n le tem s,
' ' - , i:
» mais promptement. «.
*»’ Q u e fi au contraire cela ne convient pas , il ne
» demande que
secret a b so lu
, & repart tout de fuite pour
m fa troupe, ayant voulu com m encer par le com m encem ent,
»
fie ne
s’é t a n t o u v e r t à p e r f onne. «
O n ço n n o ît maintenant les intentions du M arquis de
M irabeau. O n voit avec quelle’influence fecrète il agifToit
dans la confpiration d e .P r o v e n c e \ fous le’ nom Sc par l’or
gane de l’oncle q u 'il entraînoic ; 6c fi l’on efl forcé de con
tinuer bataille , il ne faudra pas s’étonner de le vç>ir au pre
mier rang.
L e C hevalier
cet
cependant s’eft apperçu de la perte de
écrit. Il a em p loyé ,
pour le retirer des mains de
fa fœ ù r, l’inftancc &. la menace ; elle a cru devoir le co n ferver ôc le joindre aux pièces dépofées ch ez le Magiftrat'
pour l’inftrüction de la Jufticc. L e C hevalier cft reparti
pour fon R é g im e n t , &. l’on peut croire qu’il n’a pas d é - '
çowvert cette perte à fon père j qui fe feroit abftenu , fans
d o u te,
�4*
d o u t e , du rôle cju’il va jouer dans la derniere aiTembléc de
Parens (i).
C e t te aflemblée s’eft tenue les 1 3 , 14 &
16 Septembre
dernier.
La dame de L om b ard y d em and e, conformément a fes
nouvelles conclufiotis, que Ton fils foit in terdit; qu’elle foit
nom m ée C u ratrice à l ’intcrdi&ion. ; que la perfonne de
Ton fils Sc celle de fa petite-fille, com m e dépendante de la
curatelle de ion f i ls , lui foient remifes ; q u ’elle foit reftituée en poileffion des b ien s, titres &L papiers; q u ’iT Toit
n o m m é un Curateur ad hoc pour recevoir fon com pte de
l ’adm iniftration précédente.
A v e c elle le préfentent quatre p a re n s , M . T eiifier, A u -
[ 1 ] C ’eft au refus feul de la M a r q u i fe de C a b r is q u ’on peut attribuer
la requête de la d am e de L om ba rd , fignifiée le j Septem bre y c’eft-idire j le lend em ain
m ê m e du départ du C h ev alier. L a m anière donc
o n s’explique dans cette R eq u ê te , fur le fort de la d cm o ife lle de C a
bris , aiTure q u e cette requête eft, c o m m e l’in ftru & io n écrite au C h e v a
lier , r ouvrage du M atq u is de M irabeau .
O n y fait dire i la dam e de
L o m b a r d : « D a n s la-fâcheufe circonftance o ù la d e m o iié lle de Cabris
» fe trouve , elle ne peut pas habiter avec fa m ère , parce que fi elle
» d em eu ro it avec e l l e , elle feroit privée des confeils de rous fes pn» r e n s , tant paternels q u e maternels , p u ifq u ’aucun
d ’eux ne voit
fa
» mère. V o u s l'avez, M o n f i e u r , com bien cette jeu n e p e ifo n n e a b s » foin d ’être éclairée fur fes véritables intérêts. D ’ailleu rs, en la m e t» tant dans un C o u v e n t ,
où elle pourra voir librement le M arquis de
» M irabeau , fo n aïeu l m a te r n e l, M . & M adam e de S a illa n t yf o n oncle
» & f a tante germains > enfin tous fes proches- parens, elle pourra-êtr,*
» incelïam m en t é ta b lie, & alors plus de procès entre lesdeux M a r c j u i » fes de C a b iis. »
F
�dircur
41
!a R o te d’ A vig n o n ,
de
M
Tciflier Ton f i l s ,
le
C o m te de G rafle ôc le iicur de Com m cyras.
A v e c elle fc préfente V ia l , q u ’on a vu tour-a-1 heure
autres
de
l’A v o c a t de la M arqu ife de
C abris , A g e n t
de la négociation propofée par la dame de Lom bard pour
le mariage de la dcmoifellc de Cabris avec le fils du C o m te
de G r a f l e , & q u i, fans doute., étoit auiïî cet hom m e du
M arquis
de
M ir a b e a u , 'qui fc faifoit fort d'entraîner la
v ie ille , & difpofer de f e s alentours.
V ia l
étoit
porteur des procurations de fix parons de
G r a f l c , & chargé de porter leur vœu , conform ém ent aux
intentions de la dam e de Lom bard ( i ).
La M arqu ife de Cabris , avant de permettre qu’i l prenne
place au milieu d’une aflemblée refpc£bable, dépofe fur le
Bureau : i° . un décret de prife-dc-corps , décerné en 17 6 4 ,
par le Juge de G r a f l e , en vertu duquel V ia l & fon père ,
Greffier d’un village
voifin de G rafle ,
avoient l’un ôc
l’autre teilu pendant deux ans les priions de cette v i l l e , fur
une accufation de prévarication , de f a u x , d'intercept ion de
lettres, dans les fonctions de commis de fon p è r e ; 1*.
un Jugem ent du C o n fe il Souverain de la G u a d e lo u p e , du
15. Juin 1 7 7 5 , par lequel ce fieur V i a l , échappé des pri
ions de G r a f l e , & pafle à la G u a d elou p e, eft banni de
cette Ifle com m e injiigateur de procès , & perturbateur du
repos des fa m illes : digne repréfentant de ceux qui troublent
la famille du M arquis de Cabris.
[ 1 ] C a u x q u i fe font fait repréfenter par V i a l , connoiiToient fon
c a r a & è r e , notam m ent le fieur cle G o u r d o n , qui l ’avoit vu dans les prifons
de Grafle. L e fieur de G o u r d o n , père , ctoit Lieutenant de ce S i è g e ,
qui avoir d ïcrétc V i a l , pèie Sc fils , de prife de corps.
�45
Sur la repreTentation de ces deiK pièces, V i a l , malgré
fts murmures info'ens, fut forcé de fe retirer.
A v e c la dame de L om bard fe préfentent enfin quatre au
tres particuliers chargés des procurations de vingt - deux
parens, égalem ent Provençaux , égalem ent attachés à l ’in
térêt Sc à l’opinion de la dame de Lom bard.
C es
v in g t-h u it
parens abfens ,
&
repréfentés
par
V ia l & par les a u tr e s , manifeftenc dans leur procuration
une prévoyance remarquable.
Dans
le cas
où il feroit
queition d’un mariage pour la demoifelle de C a b ris, ils
déclarent qu’ils s’en rapportent au ch oix 5c à la prudence
de la dame de L o m b a r d ,
& qu’ils donnent leur vœ u à
celui qu’elle préfentera aux aiTemblécs.
V o ilà un choix bien é c la ir é , & un avis donné en grande
connoiflance d e ca u fc !
D e s quatre parens préfens , deux feûlem cnt fe confor
m en t aux demandes de la dame de L o m b a rd , & on les
devine. Le C o m te de G ra iiê (i) Sc le iïeur de C om m eyra s
eflriment que le M arquis de Cabris doit être in te r d it, &
[ i ] L e fieur de C o m m e y r a s n’eft là que le proxénète du C o m t e de
GraiTe ; il a pouffe Ton
zèle im pru d en t ju f q u ’à faire
d u cabinet du
la Ju ge , le théâtre de fa n o b le négociation. N ’ayant eu la liberté de voir
dem oifelle de C a b ris q u ’aux affemblées de fa m ille , il a eu un jour la
h ard ieiT ed es’adreiTerà cette jeune perfonne e l l e - m ê m e , & d e.la pérorer
pendant une d e m ie -h e u r e : E p o u f a l t f i l s du Com te de G r a jfe , & n c coutc\ pas ce que votre mère vous dira , étoient
les d eux points de fo u
difeours. D ix pareils o n t entendu cette éloquente exhortation !c la réponfe noble Sc f i g e de la d e m o ife lle d e C abris. Sa mère fut enfin obligée
d e rappeler au fieur de C o m m e y r a s
le refpeiit q u ’il devoit à fa ptt:-
fe n c e , & au lieu qui les ralïeinbloit.
F ij
�44
que fa mère doit être nommée fa C u r a tr ic e , & en cette
qualité feu!c ch argée, fans c o n c u r r e n c e , fans g u id e , fans
c c n f - i l s , de l’adminiftration d e la perfonne ôc des biens.
M M . TciiTier, père &. fils, é to ie n t, par le u rca ra& ère
leur é ta t, au-deflus de l’intérêt p e r fo n n e l, & des impulfions
étrangères. Juges impafLbles, ils ne ie décidèrent qu’après
un examen approfondi des différentes prerentions fie des
différens m o y e n s ; délicats autant que ju ftes, iis furent
d ’avis d’éviter l’interdi& ion , pour l’honneur de. la fa m ille ,
&. pour la sûreté des biens & des perfonnes ; de régler
les formes d’une adm iniilration d u r a b le , fous
l’autorité
de quelques C o n icils éclairés.
La M arquife de Cabris fe préfente de fon côté avec
d ix - fe p t parens & amis préfens , q u i , fur l ’examen des
pièces
confervécs par l’A rrêc du C o n f e i l , des n o u ve a u x ,
interrogatoires fubis par le M arquis de Cabris , & des
nouveaux rapports des gens de l’A r t , décident unanime
m ent que le M arquis de C abris n’étoit point dans le cas
de l'interdiction en 1 7 7 7 ; cl uc l’altération poftérieure de
iar f a n r é , pouvant & devant être une fuite des mauvais
traitemens exercés fur fa perfonne pendant la curatelle ;
la dame de Lom bard , fa m è r e , auteur de ces procédés,
èc rcfponfable de leurs e ffe t s , étoit par une conféqucnce
inévitable , non-rccevable dans fil demande actuelle ; que
ces fins de n o n - re c e v o ir, réfultantes des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , &. jointes au p ro c è s , devoient
etre jugées préalablement; à l’état actuel du M arquis de
Cabris.
Interpellés
par le M a giftrat
de donner leur avis fur
l’etat a& u cl du Marquis de C a b r i s , ils ajoutent : » que
�45
« s 'i l pouvoit être quejiion de fla tu er f u r l ’ état -actuel du
» M arquis dt C abris, » la nature de fa m aladie, Pefpérancc
de Ton ré ta b lifllm e n t > la lituation de fa f a m i lle , coût
devoit éloigner l’idée d ’une in te r d ic t io n , Sc que dans ce
cas ce feroit une précaution légale ôc fuffifante, de nom m er
des C on feils au m alade, qui donneroit une procuration irre-;
vocable pour gouverner ics biens 2c difpofcr de fcs revenus,
de 1’avis des C on feils nommés.
Enfin , forcés de s’expliquer dans le cas m êm e de Pi in
terdiction p ro n o n cée , ils appellent dans ce cas la M arqu iie
de C abris à la curatelle h o n o ra ire , le fieur C o u rt à la
curatelle o n é ra ire , foum ettant ce curateur onérairc à l’au
torité d’un C o n fc il.
D ix - f e p t parens a b fc n s , & repréfentés par leurs fondés
de p o u vo irs, portent les mêmes vœux contre l’interdiction
qu’ils remplacent par la nom ination des C o n f e i l s , &. dans
le cas imprévu de l’interdiction , ils règlent de la m êm e
manière la curatelle &
l’adminiitration des biens.
L a Marquife de C a b r i s , en fon nom p e rfo n n e l, fc ren
ferme dans les plaintes rendues par elle devant les Juges
de P r o v e n c e , rejetées par la Sentence de G ra d e , fie par
l ’Arrêc du Parlem ent d’A i x , renvoyées au Châtelec par
P A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s ,
plaintes
portées
devant M .
le
dans fcs additions de
Lieutenant - C iv il.
Des
mauvais traitemens exercés fur la perfonne de fon m a r i,
& des abus com m is dans Padminiitration de fcs biens
fur les preuves déjà rapportées, iur celles q u e lle demande
à faire , elle fait réfultcr
une indignité , une incapacité,
une fin. de non-reccvoir invincible , qui doit écarccr toutes
les demandes de la dame de L o m b a rd contre fon fils.
A u fu rp lu s, clic a obfcrvé verbalem ent à la famille &
�4*
au M a g i f t r a t , q u e , dans le cas où il feroit queilion de
nom m er des C onfeils à Ton mari 3 il n e t o it guères poffible
d ’en trouver de plus fages'fic plus dignes de confiance que
ceux qu’il avoir demandés lu i- m ê m e par fa Requête du
m ême
R o te
jour 1 6 Septem bre: M. T ciiîie r : A u diteu r de la
d’ A v i g n o n , oncle du M arquis de Cabris , &
con
duit à l ’àflemblée de parens par la dame de L o m b a rd
e lle - m ê m e , M c de Beauféjour , ancien A v o c a t au P a r
l e m e n t , C on feil du Marquis de Cabris depuis 1 7 7 6. C e
choix futapplaudi de t o u s , fie il étoit/ait pour l’être. D e p u i s ,
le M arquis de Cabris a encore demandé concurrem m ent avec
ces C onfeils , M c d’O u t r c m o n t , déjà indiqué par la famille.
M . T e iifje r, préfent à l’a fïcm b lée, ÔC votant lui-même
contre l’in tc rd id io n , s’exeufa long-tcm s fur l’importance
fie la multiplicité de fes fo n ctio n s; mais enfin il a cédé
aux inftances du M arquis de C a b r is , fie il confent à faire
ce facrificc aux intérêts & au repos de fon neveu. (1)
A u milieu de ces deux partis oppofés, paroît M e R o z ie r ,
A v o c a t aux C o n fe ils , fie fondé de procuration du M arquis
de Mirabeau.
L e M arqu is de M ir a b e a u , en parlant du trtariage de la
dcmoifellc de C a b r i s , écrivoit à la dame de L o m b ard , au
mois de N o v e m b re 1 7 ^ 4 , qu’il ne vouloit aucunement f e
mêler de cette affaire. {2.)
1
‘ [ 1 ] La L ettre d u M arq u is de C a b r is à M . T e i f l i e r , Si la répoufe
par laquelle celui-ci veut bien accepter la qualité & la charge de C o n f e i l ,
fo n t annexées à la fécondé R eq uête prefentée par le M a r q u is de C a b ris
le z j Septem bre dôrnïar.
f i ] L ettre d u - M a r q u i s
.
.
de M irabeau , du
,
18 N o v e m b re
»7*4,
im p rim é e par la d a m e . d e L o m b a r d e l l c - m t m e , dans fa R eq u ê te i u
R o i , p. i i , aux P. J.
�V
O n vient de le voir dans riiifftruction écrite au C hevalier
Ton fils, tout en f e mêlant très-particulièrem ent de cette
affaire, vouloir ib cacher encore ,
faire dire au C h e valier
qu’ il f a i t cette idée fo r t loin de fo rt p ère, a qui elle a été
propofée.
Ainfi , jufqu’alors, le M arquis de M irabeau avoit agité
dans l'om bre les différentes machines qu’il faifoit m ouvoir;
à A ix , le B a i l l i , fon frère : * P a ris, la dame de Lom bard.
M a is e n f in ,
l’o it qivinitruit de la fatale imprudence du
C h e v a lie r , 6c de la perte de Vinjlruclion fecrette , il ait
défefpéré de fe cacher plus long-tem s ; foit que l ’inftance
du m om ent lui ait fuggéré la nécelîité de fa préfence, il
a cru devoir fe m ontrer à la dernière aiTembléc des parens,
& là , par l’organe de fon fondé de p o u vo irs, il a déclaré :
Q u ’il n’avoit pu v o t e r , ni fur l'interdiction du M arquis
» de C a b r is , ni fur Ja cu ra te lle ; mais que iï l'ïnterdiéfcion
” éroit p ro n o n cé e , fi la dame 'de Lom bard étoit nom m ée
» cu ra trice , com m e f a petite-fille étoit une dépendance de
>3 cette C u ra telle, ôc pour éviter
les contcftations qui
« pourroient s’élever entre les deux dames de C a b r is , au
» fujet de l’autorité qu’elles voudroient s’arroger égalem ent
»
fur cet e n fa n t;
îl
est
d ’a v i s
que la dem oifelle de
>3 Cabris f o i t t mife en te l Couvent q u ’ i l plaira au Juge
» d ’ indiquer, dont elle ne pourra fortiravant fo n établijfement^
» & où f a mère & fo n aïeule pourroient la voir a la grille
» feulem ent. ».
Q u ’on compare ce vœ u d’un defpotifme fa m ilie r, plutôt
que d’une fagefle impartiale, à l’inftrudtion écrite au C hevalier
de M irabeau ; qu’on le compare encore au projet configné
dans la R equête de la dame de L o m b a r d , dû 5 Septembre:
�43
en la mettant dans un Couvent ou elle pourra voir librement
le M arquis de M irabeau, fo u a ïe u l............. E lle pourra être
incejfamment établie. . . • l’identite des expreilions ôc
des
maximes , m anifeilerà la confiance du m êm e complor.
L e M arqu is de
M irab eau d iloit à
Ton f i is , d a n s fou
inftruction : L a Curatelle de l ’interdit emporte la puijj'ance
f u r f a fille . . . • U n homme a. moi entraîne la vieille & d i f
pofe de fe s
alentours. M a is , les alentours de la vieille ,
V i a l , le (ieur C o m m e y r a s , A l z i a r i , & m êm e la F em m ede-Cham bre, Marianne Flourt, pouvoient être entraînés euxmêmes par des intérêts d ifîe rc n s , 6c la
M arquis
prévoyance du
de M irabeau , allait jufqu’à fe méfier de ceux,
qu’il faii'oit fervir à fes deiTcins.
C ’eft pour cela qu’il prôpofe de iouilrairc la demoifelle
de C a b r i s , m ême à Ton a ïe u le, ôc que , par une tyrannie
b iz a r r e , dont l’habitude feule lui actcfte la lé g itim ité , il
veut que cette jeune perfonne demeure captive 6c privée
de la fociécé de fa mère ô£ de Ton a ïe u le , jufqu’à fon éta,b lifle m e n t, c’e il- l-d ir e , jufqu’au m om ent où la réuffitedu
projet charigcroit les chaînes de la dem oifelle de C a b r is ,
& de fa prifon la feroit païïer fous la puiüance de fo a aïeul
maternel.
%
C o n ç o it-o n co m m en t la. demoifelle de C abris pourroir
fc trouver fous la puiflâncc du M arquis de Mirabeau ? La
choie cil claire ; en époufant fon oncle , le C hevalier de
¿Vdirabcau.
L e M arquis cil né en
pays d e D r o it
É c rit ; tous fes
biens font fitués en pays de D r o it É c rit ; il prétend c o n ferver encore fon d om icile en pays d e D r o i t écrit. Son filfii,
quoique marié * demeure fous la p u iiîa n c e ,
avec Ion fils,
La
�49 '
la femme de fon fils, & tout ce qui eft fous h puiflance de fon
fils. La demoifelle d e C a b r is , en époufant fon oncle le C h e
v a lie r , fe trouve, avec tous les biens qui lui fônt deftinés ,
dans la main du M a rq u is , ion a ï e u l , ôc père de fon époux.
En P r o v e n c e , le M arquis de M irabeau laifloit ou faifoic
agir fes aiTbciés , dont le fccours lui afluroic ls? double avan
tage du m yilèrc âc du fu c c è s , &. qui prenoient fur eux l'évi
dence odieufe des efforts réunis pour opérer l’interdiition,
c ’e ft-à -d ire , l’anéantiiTement du Marquis de C a b r is , qu’il
’fiî l'o it an éa n tir, pour difpofer de fa fille ; fa u f enfuite, pour
l ’intérêt m êm e de la demoifelle de Cabris , à tom ber fur
fes propres alliés , pour leur faire reftiruer les rapines d ont
ils avoient eux-mêm es payé leurs iervices, l o r f q u e , p*r le
mariage p ro je té , il feroit devenu le père ôc le protecteur
légal de l’enfant dépouillé.
C ’eft dans ce conflit d’intérêts oppofés & de prétentions
co n tra ires, q u ’il faut chercher les décidons de la Juilice.
M O Y E N S .
D e u x queftions principales conduifent au Jugement.
L e M arquis
de Cabris étoit-il , en 1 7 7 7 , dans le cas
de l’interdi& ion prononcée par la Sentence
de G raile ,
& par l’A r iê t du Parlem ent d ’A ix ?
L e M arquis de Cabris eft-il aujourd’hui dans le cas de
l’intcrdi& ion demandée par la dame de L om b ard ?
T o u te s
les queftions incidentes
naîtront de ces deux
queftions principales.
C ’cft en agitant la première , qu’on examinera les difl'eG
�50
rentes caufes d 'indignité qui s’élèvent contre la dame de
L o m b a r d , & qui doivent form er autant de fins de nonreccvoir contre fa dem ande a£tuelle. Interdiction in ju fte,
curatelle infidelle, excès com m is ou foufFerts fur la petfonne de l’interdit , abus de tout genre dans l’adminiilration de Tes biens.
C ’efl: par une fuite néceflaire de cette première queftion,
qu’on exam inera de même fi les parens qui ont donné leur
vœ u en 1 7 7 7 pour faire interdire le M arquis de C a b r is , &
pour confier fa curatelle à la dame de L o m b a r d , furtout
ceux qui on t profité des infidélités de fon adminiilration ;
peuvent être admis aujourd’hui à voter pour que le M a r
quis de C abris foit encore interdit, Sc pour que fa mère
foie encore nom m ée Curatrice.
C*eft en exam inant la fécondé Q u e ftio n , celle de favoir
il le Marquis de C abris eft aujourd’hui dans le cas de l ’in
terdiction , q u ’on pourra difeuter les différens intérêts de
ceux qui confcillent & qui défirent cette interdiction. C ’eft
en fuppofant cette interdiction prononcée , qu’on établirai
les droits de la femme ôc de la fille de l’interdit.
P R E M I È R E
Le
Q U E S T I O N .
M arqu is de Cabris é to it-il, en 1 7 7 7 , dans le cas de
Uinterdiction ?
C etti q u iîtion
IST
PRÉALABUI,
rovxliuox i
C e tte queftion e ft la prem ière, & par l’ordre duraifon.r e m e n t & par l’ordre judiciaire.
L ’A r r ê t d u C o n f e i l des D é p ê c h e s , en annullant les Sen"
�71
tcnces de Gratte & les Arrêts du Parlement d’A i x , a ren
voyé
le refeifoire à juger pardevant M .
le Lieutenant*
C iv il du C h â te let de P a r i s , c ’eft-à-dire , le mérite des de
mandes fur lefquelles ces Sentences &
ces Arrêts étoient
intervenus.
L e T rib u n al de renvoi doit d o n c , avant toutes chofcs,
ftatuer fur le mérite de la d em andeTorm ée en 1777 * & il
ne peut examiner le mérite de cette d em a n d e, fans exami
ner fi à l’époque de cette d e m a n d e , en
1 7 7 7 , le M a r
quis de C abris étoit dans la nécciîiré de l’interdi& ion.
D ’ailleurs, les plaintes rendues par la M a rq u ife de C a b ris
devant les premiers Juges, des excès com m is fur la perfonne
de Ton m a r i , ayant été'rejetées par les Jugemens annullés ;
la caffation de ces jugemens laifle encore à juger la juftice
de ces plaintes , 8c il eft impoilible de ftatuer fur la juftice
de ces plaintes, fans comparer l’état du M arqu is en 1 7 7 7 ,
avec fon état a£tuel, fans examiner fi, en 1 7 7 7 , 1 e M arqu is
étoit dans la néceilité de l ’interdi&ion.
La difpofition de l’A rrê t du C o n fe il eft formelle à cet
égard. Il ordonne « qu’il fera convoqué
devant le ficur
» Lieutenant C iv il du C h âtelet de P a ris, une ailcm bîée des
» parens ôc amis du fieur de Cabris , lors de laquelle lefdits
« pareris ôc
amis prendront connoiflance
»> refpcctivcs, des rapports des M édecins
des Enquêtes
Chirurgiens ^
» des interrogatoires dudit fieur de C a b r i s , ainli que de
» celui qu’il prêtera de n o u v e a u , &C du nouveau rapport
» des Médecins &. Chirurgiens, s 'i l efi ordonné , pour don» ncr enfuite leur avis au ficur Lieutenant-Civil du C h â « telet de P a r is , auquel S. M . attribue , f a u f l’appc! au Par
is l e m e n t , toute C o u r , & c . «
C es enquêtes, ces rapports, ces interrogatoires, confcrG ij
�vés par TA rret du C o n feil des D é p ê c h e s , ne peuvent fervir qu’à éclairer l'état dans lequel écoic
alors la tête du
M arquis de Cabris , ôc par conféqucnt le mérite de la de
mande form ée alors par la dame de Lombard. L ’ Arrêc du
C o n feil des D é p êch es a donc voulu que les parens ¿kamis^
en prenant com m unication de ces enquêtes, rapports ÔC
in te rro g a to ire s , d o n n a ie n t leur a v i s , ôc que le Juge de
renvoi ftatuât d ’abord fur les conféquences de ces pièces
c o n fe rv é e s , c ’cft-à-dire, fu r ie mérite de la demande for*
n i é e , en 1 7 7 7 , par la dame de L o m b a r d , fur la juftied:
des plaintes rendues par la M arquife de Cabris , fur la’queitio n de favoir f i , e n 1 7 7 7 , le M arquis de C abris d evo it
ctre interdit.
Si le C o n fe il des D épêches n’avoit entendu attribuer au
Juge de renvoi que laconnorfTance de l’état a â u e l du M a r
quis de C a b r is , il n ’auroit pas exigé que l’avis des parens
£c amis 6c le Jugem ent du M agiftrat,fuiTent déterminés par
Jes cnquêtcs^rcfpc&ives faites en 1 7 7 7 , par les rapports
donnés en 1 7 7 7 , par les interrogatoires fubis en 1 7 7 7 ,
q u i, fans d o u te , ne peuvent fournir aucune lumière fur la
fituation phyfique ôc morale du M arquis de Cabris en 17 8 5 ,
D ’ailleu rs, dans ce cas , on procéderoit en vertu d ’un A rrê t
d''attribution > revêtu de L ettres-Patentes, & non pas en.
vertu d’un A rrê t de renvoi.
N o u s ne difons pas que l ’attribution donnée par l’A r r ê t
du C onfeil , ne frappe pas fur l’état aftuel du M arquis de
C a b ris ; mais cette queftion de favoir fi ce malade cft uujourd hui dans la néceflité de l’in terd iilion , cft néccfl’a ircmcnc
fubordonnée à la première., fubordonnée aux circonftances,,
aux raifons qui pourront déterminer le Juge t aux demandes
�53
que les deux dames de Cabris font autorifées a former par
le m ême Arrêc.
C e t A rrêc die que le M arquis de Cabris fera de nouveau
inrerrogé par le J u g e , ôc vifité par les Gens de l’A r t , s ’i l
ejl ordonné. C ’eft admettre que le M arquis de Cabris ne fera
point inrerrogé ni viiîté de nouveau , s ’ i l n e j l pas ordonné :
le C on feil des D épêches fuppofe donc un nouvel ordre de
ch ofes, une nouvelle p rocéd u re, une nouvelle demande ,
& c’eft: ce que la dame de L om bard a parfaitement entendu,
puifqu’elle a jugé elle-même fa demande en interdi& ion for*
m ée en 17 7 7 , a n é a n tie , & dans tous les cas , infuffifante
pour faire prononcer fur l’état a & u e ld e fon fils; puifqu’elie
a formé une nouvelle demande en interdi& ion devant M .
le Lieutenant-Civil.
11 faut d o n c , pour la régularité du Jugem en t à in te rv en ir,
pour l’exécution
parfaite de l’A r r ê t de renvoi , ftatuer
préalablement à t o u t , fur le mérite de la demande adoptée
par les Jugemens a n n u llés, fur la juftice des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , fur la queftion de favoir i i , en
1 7 7 7 , le M arquis de Cabris pouvoic & devoir être interdit.
Il feroit d’ailleurs impoffible de procéder a u tre m e n t, ôc le
raifonnem ent le plus fimple prouve cette impoifibiJité. Le
M agiftrat ferm erait il abfolum ent les yeux fur l ’objet princi
pal du renvoi, fur la chofe jugée par la Sentence de GraiFe
fie par l’ A rrêt du P a rle m en td ’A ix ? Croira-t-il ne devoir s’o c
cuper que de l’état a£tucl du M arquis de Cabris ? C roira t-il
n ’avoir à juger que la nouvelle demande de la D a m e de
L om b ard ? M ais avant de juger cette d e m a n d e , il faut juger
fi la D a m e de Lom bard a eu droit de la former.
La M arquife de Cabris élève aujourd’hui contre elle de»
�14
caufcs nombreufcs d*in d ig n ité, qui doivent la rendre inca
pable de former aucune demande. Il faut examiner fi ces
caufes font légitimes.
C es caufes d’indignité réfultent de la demande en inter
diction formée en 1 7 7 7 . Il faut examiner 11 le M arquis de
C abris a été juftement interdit.
C es caufes réfultent encore de fes écarts dans les fo n d io n s
de la curatelle qui lui avoit été confiée, des excès com m is
ou tolérés fur la perfonne de fon fils, des abus innom brables
aurorifés ou foufferts dans l’adm iniilration de fes biens. Elle
n ’eût pas été curatrice de fon fils , &: curatrice infidelle , li
fon fils n’eût pas été interdit. Il faut examiner fi fon fils a
été juftement interdit.
Il n’eft pas poffible de faire un pas dans cette affaire , il
l ’on veut être exaét & ré g u lier, avant d ’avoir décidé 11 le
M arquis de Cabris m éritoit, en 1 7 7 7 , l’inrerdi&ion pronon
cée par la Sentence de GraiTe , &. par l’A rrê t du Parlem ent
d ’ A ix.
Suppofons encore que le Juge s’ o ccu p e, avant t o u t , de la
nouvelle demande formée par la D a m e de Lombard ; fuppol'ons auifi que fur cette d e m a n d e , il interdife le Marquis de
Cabris ; feroit-il temps alors d’examiner fi cettedem andc étoit
re c e v a b le , U Ci la D a m e de L om bard avoit le droit de la
former ?
TD„ Marquis
Marquis de Cabris n’étoit pas en 1 7 7 7 dans le cas de
deCabris ** l 777- l’inrerdi£tion. C ette vérité , aujourd’hui d ém o n trée, cft la
tige des fins de non-rcccvoir qui repouflent la D a m e de L o m
bard , 2c avec elle cous ceux à qui d ie doit cette curatelle 11
odieufem ent exercée,
dont elle a, par récip ro cité , fervi les
p ro je ts , ou favorifé les invafions.
�n
C e n’eft pas dans les faits qui ont précédé la demande de
la D am e de L om b ard , qu’il faut chercher cette vérié ; rricn
ne peut inftruirp la Juftice , que ce qu’elle a ordonné ellem êm e pour fon inftru&ion.
D ’ailleurs , l’A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s , d éfig n e, en
les c o n fe r v a n t, les pièces qui doivent être confultées. Il veut
que les enquêtes refpeciives , les rapports des Médecins &
Chirurgiens , 6 les interrogatoires du Marquis de Cabris, foient
com m uniqués aux parens 8c amis a ile m b lé s , pour donner
leur avis.
Les parens 8c amis ailemblés ont pris com m unication de
ces pièces co n lcrvé es, 8c ils ont tous déclaré , excepté ce-,
pendant le Comte de Grajfe & le fie u r de Commeyras , que
l ’état du M arqu is de Cabris en 1 7 7 7 , ne juflifioit pas l’interdi& ion dont il avoit été flétri.
En e f f e t , fi l’on coniulte d’abord les enquêtes refpe£tives,
on voit d’un cô té vingt-deux témoins entendus à la requête
de la D a m e de L o m b a rd , dont iept à h u it, c’eft-à-dire t fes
affidés, fes v a l e t s , fa fem m e-de-cham bre, veulent donner
quelque idée de la dém ence que l ’on cherche. Les autres
atteftent le bon fens 8c la raifon du Marquis de Cabris.
O n vo it d’un autre cô té quarante-deux témoins entendus
•a la requête du M arquis de C a b r is , ( 1 ) qui tous dépofenc
( 1 ) O n a obfervé que le Ju gé avoit interrom pu cette enquête avec une':
précipitation b lâ m a b le.S a n s c e l a , au lieu de quarante-deux t é m o in s ,
le"
M arquis de Cabris préfenteroit toutes les perfonnes dont il étoit connu
& fu r-to ut les habicans de fa T e r r e », d on t il fu t toujours & le père 3c
l ’ ami.
�Si indiquent des preuves de fa préfence d’c fp ric , & même
de fa (agacité 6c de fon intelligence.
Il en donnoit lui-même ,.à cette é p o q u e , une preuve bien
remarquable dans cette tr a n fa & io n , dont fcul il difeutoit ÔC
étabüfToit les claufes avec toute la com m unauté aflemblée
dans la falle de fon C h â te a u ; tranfa& ion confirmée trois ans
a p r è s , com m e un m onum ent de fa g e ile , parle m êm e T rib u *
nal qui ven oit de déclarer Ton A u te u r infenfé & maniaque.
Si des enquêtes refpe&ives on pafle aux rapports des M é
decins Sc C h ir u r g ie n s , on trouve la même v é r it é , avec quel
ques traces de l’empire exercé par la D a m e de L om bard fur
ceux dont elle s’environnoir.
L e M édecin Ifnard diflimule , Sc craint dans l'état de por
ter un jugem ent trop précipité ; deux fia n ces n étant pas fuffifa n tes pour l ’ inflruire du véritable & confiant état de l ’ efprit
q u t l exam ine.
L e C hirurgien L a m b e r t , déiintérefle , & par conféqucnt
f ïn c è r e , détaille tous les motifs de fa décifion , tous les
réfultats de fon examen , 6c déclare affirmativement que le
M arqu is de Cabris ejl
d ’ un tempérament mélancolique ;
mais qu’i l n ’y a en lui aucun égarement d ’ efp rit, & qu’ i l jo u it
d ’une fa in e raifon.
Si l’on jette enfin les yeux fur les interrogatoires du M a r
quis de Cabris , on eft frappé de fes réponfes tranquilles
8c raifonnables. D a n s celles qu’il a prêtées devant le C o n iciller-Commifl'aire du Parlem ent d ’A i x , on remarque furtout une raifon lu c id e , 6c cet ordre d ’une bonne m ém o ire,
qui ne peut claiïer les plus petitsdétails des affaires dom eiliq u e s , que dans une tête bien organifée.
E n fin , quand on a examiné tout ce qui pouvoit éclairer
le*
�les Juges, tic Provence fur la fituation defprjc du Marquis
de Cabris , pour concevoir les jugemens qui lui on t ravi fon
exiitence civilcen le déclarant infenfé ^il faut nëceiTairement
penfer à l ’aiTociation qui s’étoit formée pour l’anéantir, aux
intérêts divers qui infpiroient chaque membre de l’aiTociation , aux démarches tumultueufcs du Bailli de Mirabeau ,
enflammé par le d é p i t , & d’ailleurs entraîné par le M a r
quis de M irabeau ; fon frè re, aux in trig u e s, aux calom
nies employées pour le lu ccès; à la M a rq u ifed e C a b r i s , ar
rachée du lit de fon m a r i, ôc confinée loin de lu i, dans
un couvent de la haute Provence ; à la D e m o ifelle de
Cabris , enlevée fous les yeux de fon Père ; au M arquis
de Cabris lui-même , prifonnier dans
la
ville d’A i x ,
gardé à vue ju fq u e s d a n s fon a p p a rte m e n t, au m om ent
où il étoit encore fon unique maître fous la protection des
L o ix ; enfin , à tout ce que l’efprit de cabale & de violence a
ralfemblé dans cette aiï'airc déplorable.
C e tte troupe intéreflee marchoit fous la bannière de la
dame de Lom bard. C ’eft en fon nom que tous les coups ont
été portés; c’elt fur fa demande que Ion fils a été injuftem ent interdit.
C e tte interdiction cil l’injure la plus cruelle que la dame
de Lom bard pouvoit faire à fon fils , aux en fans de fon fils ,
aux enfans des enfans de ion fils.
Il faut diitinguer deux fortes d ’interdi& ioa ; celle p ro
non cée pour caufe de prodigalité, ,& celle prononcée pour
c a u fe d e démence. La première n’eil point une tache de fa
m ille , elle n’eft pour celui m ême qu’elle fr a p p e , qu’un
reproche de fes égaremens pâlies, l a prodigalité d’ un père
p orte lu id ig e u c c , mais jamais la ho.nce fur fes nfaus.
�5*
L ’inrerdi&ion pour caufc de dém ence cft une flétriflurc,
& pour l'in te rd it, & pour toute ia dcfcendancc : c’eft une
plaie qui du tronc va infectcr jufqu’aux plus petits rameaux.
D e tous les p réju g és, celui-là peu t-être, cft le icul raifoi:n ab le, ou plutôt ce n’eft pas un préjugé ; c ’eft une crainte légi
tim e qui vient quelquefois empoifonner le fentiment le plus
cher dans dans les apprêts d ’une union defirée, &c qui porte
l’inquifition dans une famille jufques fur les membres les
plus éloignés.
A in f i, Iorfqu’à la face de toute fa province , la dame de
Lom bard pourfuivoit avec acharnement la Sentence &. i’A rrêt qui on t déclaré fon fils en démence, elle difoit à fa P ro
v i n c e , a to u t le R o y a u m e ,e n montrant fa petite-fille,enfant
de fix a n s, intéreflante par toutes les qualités aimables que
la nature peut prodiguer : «• Q u e cet enfant vive f e u l , Sc
meure fans poftérité ; familles pures ,
m
recevoir
dans votre
« un poifon que
fein ;
il
trem blez de le
porte dans
fes
veines
j’ai tranfmis dans les veines de m ou
» fils.
C e cri terrible, elle le répète ici avec un emportement
qui e ffr a ie , &. fa petite fille touche à fa quinzième année:
elle annonce encore , elle publie que fon fils cft fou. L e
feroit-il devenu ? N ous allons examiner tout-à-l’heure s’il
cft devenu fou ,
com m ent il auroit pu le d eve n ir; mais
enfin il ne l’étoit pas en 1 7 7 7 ; la chofc eft ailèz prou
vée ,
fa mère l’a accufé de folie pour le faire en
chaîner.
Son aveuglement eft extrême : elle veut orner de quel
que vraifcm blance ce m enfonge de folie.
N ’a-t-elle pas
imprimé à Paris que fon é p o u x , le père de fon fils , avoic
�59
tïanfm is à ion fils le germe d’une démence incurable ? L a
dame de Lombard ne fait pas ce qu’elle é c r it , ou cc qu’on
écrit pour elle. Il cil impolîible de penfer q u e lle v o u lû t ,
de fa n g -fro id , pour exterminer ion fils 8c fa p e tite -fille ,
marcher à eux fur les cendres d’un mari qu’elle a dû ch é
rir 8c qu’elle doit rcfpe£ter. Si cette idée cruelle cft un fruit
de fon im ag in a tio n 3 voilà la dém ence: c'cft elle qu’ il faut
interdire.
.En vérité , les termes ufités n’expriment pas tout
l’o
dieux de ce m enfonge. Le M arquis de Cabris a trois feeurs
mariées ,8 c connues par leur bon fens 8c leur raifon. Son
père n’a jamais donné la m oindre preuve d ’un efprit difttrait
ou a g ité ; ¿te c e r te s , toute fa Province pourroit attefter qu’il
ne devoir pas cette tranquillité aux bons procédés de la dame
de L o m b ard , com m e elle a l’ineptie de le dire. Le M arquis de
Cabris lu i-m êm e, avant la tyrannie'qui a boulverfé toute fon
cx ifte n c e , n’avoit montré qu’un efprit préfent 8c raifonnable.
A infi , ce prétendu germ e de dém ence trouvé dans le fang
de fon p è r e , eft un trait perfide, le dernier trait qui carac*
tériie le com p lot formé fur la perionne de la D em oifellc
de Cabris. C ’cft pour difpoicr d’elle fans concurrence ,
pour lui ravir l’avantage du c h o ix , pour effrayer tous fes ri
v a u x , qu’on ofe flétrir en m ême-tem ps 8c fon p è re , 8c fon
ayeul ; 8c ce dcflcin peut il être douteux , lorfqu’on voie
s’empreifer autour d ’elle le C o m te de G r a d e , le M arqu is
de M irabeau , 8c tous ceux dont nous n’avons pas eu occaiion
de p a r le r ,
qui ne
craignent pas pour leurs fil*
cc qu’ils ont comploté de faire craindre aux autres.
E n s'efforçant d’ affaiblir la honte qui fuit une interdic
tion pour caufc de démence , la dame de Lom bard n’affoiH ij
�<jO
blic pas l’injure faite à fon fils, qui n ’étoit point en demenee. Elle difoit dans fa Requête au R oi : provoquer
rin te rd i& io n d ’un fils , lorfqu’il eft dans le cas de l’êrre ,
( d ’être interdit) c ’eft faire un a & e de p i é t é , c’eft obéir
aux L oix.
M ais provoquer l’interdi&ion d ’un fils , lorfqu’il n’eft
pas dans le cas d’être in te rd it; le noter com m e f o u , l o r f
qu’il eft fage ; le luppofer en d é m e n c e , lorfqu’il a toute
fa railon , pour lui ravir fon exiftencc & tous les droits de
citoyen : c’eft une atrocité jufqu’à préfent in o u ie , c ’eft une
violation des L o ix de la nature ôc de la fociété.
Les Lacédcm oniens n’avoienc point de loix contre les
crimes inconnus, nos loix n’ont pas prévu qu’une mère
fût capable de diffamer fon fils Si toute fa p oftérité, par
une
interdi&ion injufte, fous le prétexte d ’une dém ence
fuppofée1. C e t écart nouveau n ’eft donc fournis parmi nous
à aucune peine littéralem ent exprimée, [ i] M ais la raifon,
la juftice n a tu relle, veulent que celui qui a fait le m a l,
foie au moins privé des moyens de le faire encore. U n e
mère qui dépofe tous les lentimcns m aternels, doit abdiquer
auili tous les droits maternels. U n e mère qui a traité fon
[ 1 ] L a d am e de L o m b a r d tire la N o v . 1 1 5 ,
( elle fe tro m pe : c’eft
la N o v . 1 »4) pour prouver q u ’elle auroit été indigne de fucccder à Ton
fils furieux ou i n f e n fé , fi elle l’avoit abandonné. L a N o v . ne parle que
du fu r ie u x , & non pas de l’in f e n fé , & les foins q u ’elle preferit aux père
£c mere en faveur de leur fils, 11e font pas de le faire interdire. M a is la
d am e de L om ba rd ne dit pas que la m êm e N o v . la m enace de la m ê m e
p e i n e , fi elle a fait à fon fils une injure grave. S i gravem & ir. honeftam
injuriant injecejferk.
�¿1
fils com m e -un ennemi , cft i’ennemie
de Ton fiis;
elle
n ’eit plus fa mère.
A in J î, lorfque la dame de L om b ard demande aujourd’hui
que Ton fils Toit in te r d it, il ne faut pas l’é co u te r; il ne
faut pas m ême examiner fi quelque m o t if juifcifie fa de
mande ; parce qu’elle a ofé déjà le faire interdire fans
motif. L u i • (cro it-il permis de pourfuivre fon fils jufqu’au
tom beau , & de renouveler cette action infamante , toutes
les fois qu’elle feroit infpirée par fon intérêt particulier
ou par l’intérêt des autres.
C e tte caufe d ’in d ig n it é , lancée fur la dame de L o m b a rd ,
par l’intcrd iition
fils , ell g r a v e ;
m ême q u ’elle a provoquée contre fon
&
cependant elle fera p e u t-ê tre moins
d ’impreffion que celle qui nous refte à prélenter.
Elle invoque la nature pour juifcifier fa co n d u ite : fuivant
fes maximes, c’eil pour remplir un devoir de piété maternelle
qu’elle a fait interdire fon fils : c ’elt pour veiller fur fa
vie 6c fur fes biens, q u ’elle l’a privé de fa liberté phyfique
& morale. Suppofons d on c que l’in terd i& io n fut pour le
M arquis de C abris un fccours bienfaifant ôc in évita b le,
voyons co m m e elle a rempli ce devoir.
C u ratrice de fon fils, elle a écé revêtue du pouvoir des
L o ix fur fa perfonne 6c fur fes biens.
C o m m e n t a-t elle adminiftré fa perfonne ?
L e Marquis de Cabris a é t é , par fes ord res, placé dans
nne cham bre de fon c h â t e a u , à côté du n om m é A lzia ri
ivrogne [ i j de foixance ans, père du Procureur de la dame
[ i ] Seytre écrivoit à la M a r q u ife de C a b r i s , le prem ier M a r s 178 3 :
x l état de M., de Cabris ejl toujours le rneme , i l ne changera p a s t
�6i
de Lombard , qui lui-même l’a confié à deux domeftiques,
c ’eit à-dire, à deux paylans couverts de la livrée.
Alziari fe permectoit fou vent des a b fen ces, m êm e aiTez
lo n g u e s, & alors le château de C abris étoit gouverné par
M arianne F l o u r t ,
fem m e d e-ch a m b re
de la dame de
Lom bard.
L a dame de L om bard elle-même n’y faifoit que quelques
apparitions à intervalles très-éloignés. Elle habitoit conti
nuellem ent à GraiTe.
C e qui fe faifoit auprès de fon fils, fe faifoit donc par
fes ordres : fi l’on veut la traiter avec quelque fa v e u r, o n
croira feulement q u ’elle l’autorifoit ; &c Ci l’on veut être
très-indulgent , on fera au moins obligé de croire qu’elle
le to léro it; mais foit qu’elle le foufl'rît, qu’elle le p erm ît,
ou qu’elle l’o r d o n n â t,
elle en fera toujours refp on fab le,
parce que feule elle avoit l’autorité pour faire le b ie n , ôc
pour empêcher le mal.
O n a dit que les chagrins & les contrariétés avoient
troublé la conftitution du Marquis de C a b r is , 6c altéré
fa fanté. C e trou b le, cetre altération, s’étoient manifeftés
par une grande irritabilité dans tous fes organes.
L ’hu
manité feule demandoit pour lui un régime d o u x , ca lm a n t,
propre enfin à faire iuccédcr la paix à cette agitation
momentanée.
11 cil prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u ’Alziari , failant manger le M arquis à fa t a b l e , pour le
„ tant qu’ il n’ aura pour M édecins que deux payfans & un
» qui le gardent fa n s rien f a i t e ,
» prtju d ice. »
iv ro g n e ,
qui mangerie Jes revenus à voire
�¿3
guérir de Favcrfîon qu*iî avoit pour l u i, lai fnifoit boire du
vin p u r , des liqueurs fo rte s, lui faifoit prendre du café
6c du ta b a c , ôc répendoit gaîm ent aux
repréfentations ,
que f a maladie étoit incurable , & que le v in , le café & le
taba c, nepouvoicnt pas lu i ja ir e plus de m al q u i l n en avoit.
L e (leur Sue., C hirurgien , viiicant le M arquis de Cabris
à M o n t r o u g e , dans l’état où l'ont réduit lix années de
tyrannie 5c de mauvais traitemens , a dit que parmi les
moyens de rétablir fa f a m é , il falloit qu.il eût la faculré
de voir 6c de parler à ceux qui lui feroiunt pla iiir; qu’on
eût l’attention d ’entrer dans fes idées , ne le contrariant
en rien.
L a dame de L o m b a r d , en faifant imprimer cet a v is,
a eu l’extrême limplicité d’écrire cette note à côté : c 'e fl
ce qu'on fa ifo it à Cabris , ju fq u au moment ou fo n époufe
l ’ en a arraché.
C o m m e n t le M a rq u is , à C a b ris , avoit-il la faculté de
voir ceux qui lui faifoient p laiiir, ôc co m m en t n’étoit-il
contrarié en rien ?
Il ne voyoit perfonne. D ans les iïx années qu'il a été
détenu ca p tif dans un cabinet de fon château , on n ’a
foufTert auprès de lui aucune vifue*étrangère. A in i i , s’il
ne voyoit pas ceux qu’il a im o it j au moins n ’éroit-il pas
obligé de voir ceux qu’il n’aim oit pas , excepté toutefois
A lzia ri , que fes complaifanccs criminelles ne rendoient
pas plus aimable.
M ais fa fille q u ’il a i m o i t , fa fille qu’il dem andoit dans
tous fes difeours , dans toutes fes lettres , il a pafle quatre
ans fans l'embralll-r , fans recevoir de fes nouvelles.
D a n s toutes les lettres I B ien tô t cette unique c o u fo U -
�64
tion lui fut arrachcc , de peur qu'il n’écrivît à fa fem m e.
Il cft
prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u 'il y avoit dans la maifon les défenfes les plu s exprejjes de
ne remettre audit Seigneur M arquis aucune lettre de la p a n
de f a fem m e ni de tout autre , & de ne lu i fo u rn ir ni papier
ni plumes , afin qu'il n écrivît aucune lettre ni a f a fe m m e ,
ni a fe s amis.
O n dira fans douce qu’une trop grande application pouvo it être nuifible. Il avoit d on c au moins la liberté de la
p ro m e n a d e ?O u i, il fe prom enoit quelquefois : mais toujours
accom pagné d’un,valet fatellite , & quelquefois de deux, q u i,
pour ne le contrarier en rien , lorfqu’ il vouloir marcher dans
l'alléc de Sc. Jean , le forçoient a grands coups de poings de
marcher ailleurs. C e fait eft prouvé par la déclaration de
deux témoins oculaires.
Il cft prouvé que cette brutalité infolentc des V a l e t s , fc
m êloit m ême aux détails de leur fervice. Il eft prouvé par
une déclaration particulière , que C o u r t , l’un des dom eftiques placés auprès du M a r q u is , racontoic com m e
une
p io u e i l e , q u en chauffant ledit Seigneur M arquis , celui-ci
lui avoit donné un f o u jjle t , & que lui , Jean C o u rt, avoit
donné vingt coups de bâton f u r le dos dudit Seigneur M arquis.
arianne F lo u rt elle-même , fcm m c-de-cham brc de la
D a m e de Lom bard , fe croyoit aucorifée au mépris 6c à
l’oucrage , & difputoit audacieuiement
avec le M arquis
pour ne le contrarier en rien. Il eft prouvé par la déclara
tion d’un témoin oculaire , qu’un
j o u r , en fortant de la
tribune de l’ Egliic , M arianne difoic au M arquis a hautev o ix
: vous ctes f o x ,
0
vous fe r e ^ toujours fo u ,* ce q u e lle
répéta, cinq a f i x fo is d'un ton m enaçant..
La
�¿5
L à gardcrobe du Marquis ayant été pillée &c d ifp e rfé c ,
il a vécu pendant iîx années fans habits ôc ians linge. Il
étoit toujours à Cabris en robe-de-cham bre ou en vefte :
on a vu qu’il étoit parti pour Paris avec un feul habit 8c
d ix - n e u f chcmiies , fans bas & fans m ouchoirs ;
ôc la
D a m e de L o m b a rd , qui le plaint de n’avoir pas eu le temps
de faire faire íes m a lle s , n ’a pas encore fongé^ depuis plus
d e deux a n s, à lui faire parvenir un chiffon.
Les fenêtres de fa chambre étoient grillées com m e celles
d ’un fu rieu x ; 6c depuis qu’il eft à P a r is 3 dans cet état de
çrife 8c de trouble où l’on t réduit fix années de perfécurions , il intéreûe par fa tranquillité 8c fa douceur. Les
fenêtres de fa cham bre font toujours o u v e r te s ,
il fe p ro
m ène feul , il c o n v e r f e , il joue paiiiblement ; il fe livre
enfin avec un plaiiîr afïectueufement exprimé >àtous les amu*
femens que lui procure la petite fociété d ont il eft en vi
ronné.
O n a vu, dans le récit des fa its , qu’il étoit même arrivé aux
aftidés de la C u r a t r i c e , de faire coucher fans draps le Sei
gneur de la T e rre ,
un hom m e riche de 50,000 liv. de
rente. C ’efc ce que la D cm oifelle de C abris a affirmé à la
D a m e de Lom bard , en préfcncc des M a g iftra ts , Sc de tous
les parens aiTcmblés : aufli la D a m e de Lom bard a-t-elle dit
qu’on avoit amené cet enfant ( de 14 ans £c d e m i) aux
aflèmblées , pour lui faire infulter fon ayculc.
O n a fupprimé de ce trille récit , plufieurs détails <fjui ne
pourroient pas erre entendus fans dégoût. L e M arquis de
C abris, étoit dans fon Château , allimilé à ces infortunés ,
tombés par le bouleverfcment de tous leurs organes , dans
dans la claire des b r u t e s ,
attachés à la pierre qu’ils couI
�r
66
vrent de leur corps , & qui exiftenr >pour ainfi-dirc , au m i
lieu des horreurs de i’cxiiîetîcc.
V o ilà com m e la mère du M arquis de Cabris a f.iit inter»
dire Ton flîs , pour remplir envers lui un devoir d eptete /naicrnelU , pour obéir aux L o ix , pour v a lier fu r f a fanté.
Il étoit malade. La D a m e de L om bard
nous apprend
elle-même que des troubles antérieurs avoient a frotté fou
tempérament. Q a ’on
life
fes réponfes
faites devant le
C on fcille r-C o m m iila ire du Parlem ent d’A ix , & la manière
d o n t il parle , dans une grande tranquillité d’e f p r i t , des
foufrrances qui déchiroicnt fon c o r p s , attendrira les plus
infenfibles.
En cet é t a t , fa m ère, que la nature avoit établi fa g a r
dienne ; fa mère qui devoir faire au moins par tendrellc
ce qu’une autre auroit fait par humanité , fa mère s’empare
de l u i , le dépouille t l’enferme , l’e n v ir o n n e , pour guérir f a
f a n t é , de tout ce qui pouvoir augmenter fes douleurs , le
livre à dts m ercenaires, qui l’in fu lr e n t, qui le ty r a n n if e n t,
qui le frap p en t, &c qui pour le ca lm er, lui prodiguent des
alimcns Si des boiiTbns qui confu m cnt fes entrailles. P e n
dant lix années , elle écarte de lui tout ce qui pourroit le
rafleoir , le diftraire ; elle l’abreuve de privations & de dé
goûts : on diroit qu’elle s’exerce à embrâfer tous fes reff o r t s , moins encore par le régime brûlant q u ’elle lui fait
obfervcr , que par cette perfécurion le n te , décidée, qui mè
ne au défefpoir , Si. contre laquelle l'ame , pour s’ex h a ler,
dévore tout ce qui la retient.
Q u ’elle n’allègue point que ces fautes font les fiu tes de
fes a g e n s , Sc non pas les lionnes. C e qu’elle n’a pas fait »
elle 1 a laiiTé faire ; fie nous l’avons déjà d i t , elle eft c o u
pable de cousles excèscom m is en fon nom ôepar fon pouvoir.
�¿7
A u r o it - c n conçu le projet de juilifier un jour cette in
terdiction ü injnftement p ro n o n cée , Sc r/au roi t-on fuppofé
la dém ence que pour obtenir les moyens de la réalifer ?
D e s faits fi odieux exigent des preuves. Celles que la
M arqu ife préfente ne font pas fufpe&cs ; ce font des dé
clarations de quelques habitans de Cabris , fur lcfquelson
ne la foupçonnera pas d ’avoir e u , pendant le règne de fa
belle-mère , beaucoup d'influence ; elle a voulu cependant
proportionner les preuves à la publicité des faits ; elle a
dem andé , 8c elle demande encore qu’on
fafle fonner la
trom pette dans les rues de C a b r is , qu'on affcmble la mul
titu d e , qu’on interroge & qu’on écoute. La dame de L o m
bard s’y oppofe : cette réllftance eft un aveu forn\el. C e n’eft
pas avec les certificats du
D o c te u r , de ¿’honnête Chirur
gien y du Frère L a c e , du P rédicateur> du Chapelain , c ’eft-àd ;r e , de fes complaiians ou de fes co m p lice s, qu’elle peut
fe défendre. C ’eft la voix publique qu’il faut entendre. Si
elle n’a rien à fe reprocher , fi tous ces détails révoltans
fon t des m en fo n g e s, fon honneur exige qu’elle concoure
à l’enquête générale demandée par fa belle-fille. T a n t qu’elle
s’obftinera à fermer les cent bouches de la r e n o m m é e ,
on doit croire qu’elle eft coupable , puifqu’eüc craint d ’être
accufée.
Il n’eft perfonne q u i, en lifanc cette hifloire effrayante ,
ne tende auilitôt la main pour repoufler la dame de L o m
bard du cabinet du Juge à oui elle ofe demander encore
que fon fils foie interdit. Eft-ce donc pour le tourmenter
encore?
N o n ; nous ne lui faifons pas
cette injure : le cœur
d’Lne m è r e , de quelque intérêt qu’il foie a n im é , ne peut
lîj
�68
pas être cruel. N o u s avouons m ême qne relativement aux
excès com mis fur la perfonne de Ion iils s elle eft coupa
b l e , moins par fa mauvaise v o l o n t é , que par ia foiblciîc t fon incapacité (i) , par fa com plaifance aveugle pour tous
les intérêrs qui s’agitoient autour d’elle.
M ais elle v e u t, ou plutôt on la force de vouloir que fon
fils foit interdit , parce qu’il faut qu’elle ufurpe une puiff a n c e abfolne fur fa petite-fille , pour difpofer de fa per
fonne au gré de ceux qui guident fa v o lo n té , du M arquis
du Mirabeau , ou du
qu’elle obtienne
C o m te de G ra ile ; parce qu’il faut
encore l’adminiftration des b ie n s, p o u r
voiler ou pour confacrer les rapines de fes confédérés.
A l’égard de fa petite-fille, de la demoifelle de C a b r i s ,
rrous examinerons quel feroic ion f o r t , dans le cas de
l ’interdiction ; lorfque
nous aurons examiné l’état a£tuel
de fon p è r e , & fi l'état de fon père néceilite l’inEerdi&ion.
A l'égard des biens , il faut voir co m m ent la dame de
L o m b ard les a adminiftrés pendant fix ans , pour appren
dre fi elle feroit digne d e les adminiftrer encore.
A dm inistration
INJIBLLf,
L e premier devoir
d ’un C urateur eft de fa're appofer
les fccllés, ôc de faire l’inventaire des effets du pupille ou
de l’interdit. C e tte obligation , nécciïaire d’ailleurs pour la
décharge du C u r a t e u r , eft expreflement im pofée par les loix
R o m ain es, 8c plus expreifém ent encore par les itamrs de
P r o v e n c e , tant cités par la dame de Lom bard.
[ 1 ] S eytre, dans «ne
lettre du i M ars
1 7 8 } , parloir ainii de la»
d a m e de L o m b a r d : La cabale qui f a it mouvait e n te tête jo'tb le, qui ne
ja it p a s s ’ ndminiflrer tU t-m cm e , cette tête qui au roitbtfoin d ’ un C u xa ttu f
aulieu d ’eire Curatrice.
�69
M aires & alti Curatores, die cette loi lo c a le , cap.
de
T u tc l. arr. 10. S I tempore obi tus de cujus h xrcd itau agiuir
in dicla civitate pr.tfentes fu e r in t , illâ eâdem die obitûs ,
qu<e fa c iliter trunsferri pojjunt in tuto reduci capfafquefigillari fa c e tc per manum diclœ curiœ ordinarix pxosurent, de quibufquam atiiis poterit fie r it ettam ju ris commuais dilatione
pojlpojltâ deferiptionem debitam fie ri fa c ia n t cum ejfeclu ad
fa lv u m ju s minorum hujnfmodi. Q u o d fi ita fac-ere pofipofueTint, eifdem minoribus in cemum libris coronatorum LpfofacÎQ
tencantur ; pro qu/bus fie l esecutio realiter, prout fu prà , p r e f
iptione & apellaiione rejedis.
L a dame de Lombard devoit d o n c , au m om ent de fa
nom ination à la curatelle de Ton 61s , faire appofer les fcellés fur les effets d e fon fils , faire dreil'cr de tout un in
ventaire fidèle ; Sc faute d’avoir rempli cette formalité effc n tie lie , î'î’. c cit foumife à une peine pécuniaire , par la
loi même qui régit fa perfonne 6c Tes biens.
O n fe rappelle que le M arquis de
Cabris étoit encore
à A i x , pourfuivant fur l’appel de la Sentence du Juge de
G raife qui l’avoit in te r d it, lorfque , malgré cet appel ce r
tainement fuipenlit, la dame de Lombard ,
nom m ée C u
ratrice par une nouvelle S e n te n c e , faifoit enfoncer les ar
moires &
briier les ferrures du château de C a b r is , pour
fe mettre en pofîeilion de tous les effets de fon fils.
C ’étoit une fingulière manière d ’exécuter la loi qui lui
ordonnoit de faire appofer les fcclles.
L a même Sentence exigeoit que l’inventaire de tous les
meubles de l’interdit fût fait par un N otaire defi-gné, en
préfence d e l à C u ratrice & de deux païens.
�O n a vu nvrc quelle fidélité cct inventaire avoir été fait;
£c certes, en enfonçant les armoires , en brifant les ferrure?,
or; ne promet toit pas d’être fidèle.
U n mobilier de plus de 80000 liv. dont la M arquife de
Cabris repréfente aujourd’hui les mémoires & le s q uittances,
i’e trouve réduit à 1400 livres; n euf malles remplies de m eu
bles riches s tout récem ment apportés de P a r i s , n’on t pas été
ouvertes. O n n’a pas dit un m ot d’une b ib lio th è q u e , valant
au moins 11^000 livres; pas un m ot de l’argenterie ; pas un
m ot des meubles qui garnifioient l’habitation de la D a m e de
L om bard elle m ê m e , & donr elle n ’a que la jo u id a n c e; pas
un mot des meubles tranfportés par Ton fils à A i x ; pas un
m ot de tous les effets appartenans à la M a rq u ife d e C a b r is ,
laides à A i x , lors de fon enlèvem ent n o & u r n e , & devenus
le butin des Cervantes de la D a m e de Lombard.
Il eft: même conflaté par le fécond inventaire j fait en vertu
de l’A rrê t du Parlem ent de Paris, que plufieurs des meubles
dont on avoit daigné conftater l’exiitence , ont dilparu des
lieux où ils avoient été placés , pour être convertis à l’uiagç
de la D a m e de Lombard. ( 1 )
La portion la plus précieufe du m ob ilier, les titres de N o b le d e , les terriers, les pièces de recouvrement & de d éch arge,
tous les papiers enfin ont été l’objet d’une rapine plus révol
tante encore ; tk c’cft ici que la D am e de L om bard s’elfc
rendue coupable d ’un véritah'e-délit.
O n a vu com m ent les titres de famille Sc d’adminiftratiori
avoient été confondus Sc entaiTés fans defeription dans une
[ 1 ] Les
deux
inventaires ont ¿te joints
affeniblées de parens.
aux procès-verbaux des
�71
arm oire, fur laquelle le N otaire avoit appofé les fc e llé s , à la
réquiiîtion d ’A lz ia r i, Procureur de la D a m e de L o m b a rd , £c
des deux parensen préfence deiquels il falloit procéder.
L ’événem ent a prouvé que cette appolition de fccilés fur
des papiers précieux , dont 011 auroit dû faire la deferiptioa
la plus détaillée \ étoit moins une formalité remplie pour
éviter un travail long & p é n ib le , qu’un m oyen nouveau
d ’une invafion d ’autant plus crim inelle , qu’elle éioit c o m
binée fous un appareil judiciaire.
L a D a m e de Lom bard a brifé, ou fait brifer les fcellés
appofés fur cette armoire.
Elle s’eft e m p a r é e , &: elle a
difpcrfétous les titres. Cette perte effc inappréciable.Sans par
ler des terriers, & des pièces de recouvrem ent £1 de décha:g c , les archives do Cabris croient dépofitaires de tous les
titres de nobleflc , & ce dépôt feul pouvoit fournir les preu
ves à trente familles de Provence.
Les tirresde la rerre é toien t, pour ainii d ire, plus précieux.
E11 P r o v e n c e , point de féodalité ians titres. L a perte des
titres feroit pour la rerre de Cabris une perte au moins de
36,000 livres de droits Seigneuriaux.
L e N ota ire qui avoit appoié Iis fc c llc s , com m is par i:n
A r r ê t du Parlem ent pour les le v e r , & décrire tous 1rs
objers mis lous les fc ellé s, a conilaté par fon procès verbal,
qu’il avoic rrouvé les fcellés
b rifés,
bc
dans l’armoire
ouverte , des papiers relatifs à l’adm iniilration de la C u
ratrice.
avoit
Preuve n o u v e lle , mais in u tile , que la-C u ratrice
enlevé le« papier» renfermés dans cette a r m o ir e ,
lors du bifarre inventaire fait à fa re q u ê te , & qu’elle les
avoit remplacés par des papiers relatifs à fon adminiftra-
�T o u t ic
7Z
momie fait que le bris de fccllés eil un délie
qui ne peut être pourfuivi que par la voie extraordinaire, [ i]
Sa moindre confcqu encc cft de faire préiumer q u i l n a eu
Heu que pour fpolier les efîets mis fous la main de la
Juftice. [z]
i c i la preuve du délit c il com plette. La dame de L om b ard
efl d o n c convaincue d’une ipolation Ci confid érab le, que la
valeur des effets fpoliés ne peut pas être eftimée.
D a n s l’impuiflànce de nier le d é l i t , la dame de L om b ard
a voulu lcx c u fe r dan* fa Requête préfentée à la ({dernière
affemblée des parens. Elle a prétendu que ce fcellé n’é toit
point un fcellé ju d ic ia ire , q u ’il n’avoit pas été ordonne
par le J u g e ; que le cachet appofé étoit fon propre c a c h e t,
appofé par e l l e - m ê m e , & qu’ainfi elle avoit pu le rompre
fans y être autorifée par Juftice.
Excufe pitoyable Sc faulTe!
fcellés fur les effets
D ’a b o r d , l’appofition
des
de l’i n t e r d it , étoit une formalité
expreflément ordonnée par la Loi du pays : il n ’étoit pas
néceiïairc qu’elle fût
ordonnée par le Juge.
E n fai fane
appofer les fc c llé s , la dame de Lombard s’eft conform ée
à la Loi ; mais elle devoit auifi faire faire l'inventaire.
C e tte fécondé obligation c il une dépendance im m édiate
de Ja première.
[ i ] U n A rrê t d u P arlem ent de B a rjs , du 7 M a i 1 7 3 1 , a infirmé une
Sentence pai laquelle le L ie u te n a n t-C r im in e l d u C h â te le t a v o i t, fans
décret ni in te r ro g a to ir e , renvoyé à l ’audience fur une accufation de
corruption de dom eftiques pour rom pre des fcellés. L e m cn ie A r r ê t
décréta l ’inform ation pour parvenir à connoître les perfonnes contre
lesquelles la plainte avoit été rendue , & qui n’y étoienc pas nom m ées.
[ 1 ] R a v i o t , fur la coutum e de B o u r g o g n e , queft. 1 5 0 , n°. 37.
Enfuite y
�73
E n fu ite , le Juge n’avoit polht ordonne d ’appofer les
fc e llé s , parce qu’il avoir ordonné de faire l’in ven taire, ce
qui fuffilo t
pour conftater les quantités 8c les efpèccs
confiées à ia Curatrice. La dame de Lombard a fait appofer
les lcc'l^s fur les papiers , pour n’être pas obligée de les
invcnrorier : elle a tait ce que le Juge n’ordonnoit pas ,
pour ne pas faire ce q u ’il o rd o n n o it; c ’eft à-dire, qu’elle a
rempli la moitié de ion d e v o ir , pour fe difpenfer de l ’autre
moitié.
D a n s une tête auiïi fo ib le , il n’eft pas étonnanc que les
faits fe confondent. Ce n’eft point fon cachet qui a été
appofé fur l’arm oire; c ’eft celui du N otaire lui même. Il
faut lire les deux procès-verbaux. Il déclare dans le premier
qu’il agit en vertu d ’O rd o n n a n ce du J u g e , qu’il n ’a été
fait aucun inventaire des papiers, ôc qu’// a appofé le fc e llé
de fu s armes à la réquifition c^rs parties. Il conftare dans
le itc o n d , que ce fcellé a été brifé dans Ion a b f e n c e ,
q u ’il n’a été trouvé dans l’armoire aucun titre , ni de fam ille,
ni de p rop riété, mais des pièces de la geftion de la C u ratrice,
poftérieure à la date des fcellés.
E n f in , en fuppofant deux fauflecés : que cette appofition
de fcellés ne fut ordonnée ni par la L o i , ni par le J u g e ,
ôi que le
cachet appofé fut le cachet de la dame de
L om b ard ; ce ieroit d on c une rufe employée par elle pour
ecarter la defeription des papiers, Sc s’en faiiir im puném ent ;
&c cette rufe feroit d’autant plus co u p a b le, que le nom &
l ’appareil de la J u ftice , lui donnoient un extérieur impoiant.
C.'cil fur la foi de cette feinte fo r m a lité , que les parens,
ceniés
pre/ens à l’in v en ta ire , auroient confenti que les
turcs & papiers ne fu ik n c pas inventoriés. Brifer ce fimple
K
�74
cachet en l’ abfcnce de ces p a re n s , feroit une infidélité
auifi criminelle que le bris d’ un fcellé judiciaire» puifqu elle
auroit les mêmes c o n fé q u e n c e s , puifqu elle feroiî le prétexté
ou le m oyen de la fpoliacion des titres 8c papiers Tans
inventaire.
A i n i i , dans tous les c a s , la dame de L om bard ne pourroit exeufer l’omiiTion frauduleufe d’une formalité preferite
par la L oi & par le Juge.
D a n s tous les c a s , elle ne
pourroit fe juflifier de n’avoir pas fait inventorier les titres
& papiers pour les fouitraire &
D a n s tous les c a s ,
les difperfer à fon gré.
elle feroie coupable
d ’infidélité , &C
foum ife aux peines prononcées par la L oi.
L es autres abus de Tadminiftration fon t auifi nombreux
qu’intolérables.
O n a vu les meubles diiperfés & anéantis; ces meubles,
que le M arquis de C abris a vo it achetés à Paris , Sc donc
les mémoires fon t produits ; ccs mémoires montant à près
de 70,000 li v r e s , d ont la dame de L om b ard a payé ellem êm e une partie.
O n a vu les bois de h a u te -fa ta ye coupés & v e n d u s ;
les biens affermés par des
écrits fous fe iH g s-p riv és, &
pour des prix inférieurs aux prix offerts au M arquis de
C abris lui-même ; les fermages exigés d’a v a n c e ; les charges
&. les droits royaux arriérés; les terres féodales données
fans cenfives ; enfin , 300,000 livres au moins de dettes
contra&écs , 6c 300,000 mille livres au moins reçues &
dilapidées dans iix années , fans autre dépenfe légitime
que celle du Marquis de C a b r is , la peniion de fa femme Sc
celle de fa fille , & l’on a vu ce que le M arquis de C abris
pouvoit depenfer; 5c la penfionde fa fem me a été long-tems
�75
<3e 3000 livres , & cnfuice de 4000 livres , 6c Ion
fait
que fa fille étoit au C o u v e n t à G ra d e , à 100 livres de
peniion.
O n a vu le com pte de Seytrc arrêté fans d étails, Oins
d éb ats,
fans
pièces
juftificatives ,
&
Seytrc
conftirué
créancier de 61,000 l i v r e s , d ont 50,000 livres font déjà
p a y é e s , 6c doivent être refticuécs de l'aveu même de la.
Curatrice.
O n a vu fur-tout la tranfa&ion paiTée entre la Curatrice
& fes trois gendres , beaux-frères du M arquis de Cabris ,
par laquelle la C u ratrice fixe un prétendu fupplément de
légitim e
déjà doublem ent payé en 1 7 7 5 , Par ^es
k ° ns
offices de Seytre , alors curateur du Marquis de C a b r i s ,
à une fomm e d ’environ 200,000 liv. pour laquellcelle h y p o
thèque les objets les plus clairs de la fortune de fon fils,
6c l’on ie iouvient que ce fupplément de légitim e étoit
fixé par le tcilam ent du père c o m m u n , à 8000 livres pour
chaque feeur du M arquis de C a b r i s ,
ôc pour
les trois
c n fe m b le , à 14,000 livres.
T ou tes les
mains
pilloient autour
incapable , infouciante ,
de
fatisfaite des
la C u ratrice
refpe&s
qu’eile
recevoir tranquillement dans fon fauteuil à G r a l f e , 6c de
l’empire qui flatroit fa crédule Si. puérile vanité.
Les déclarations des Fermiers , annexées aux procèsverbaux
faits en l’H ôtel
de
M.
le
L ie u te n a n t-C iv il,
énoncent pluiieurs Maridemens donnés fur eux 6c acceptés,
lans énoncer aucun motif.
Le Bilan du fieur B o n in , [1] aujourd’hui annexé aux
[ 1] C ’eft au fîeur Bonin que la dame de L o m b a r d avoit afferme
pour lOjOOO livres ,
les moulins banneaux à h u ' l c j dont on avoir
K
ij
�7<Z
mêmes p rocès-verbaux, fait mention de plusieurs m andats
ou billets acquittés par l u i , fur-tout à A l z i a r i , pour 6,906
livres 10 fols 5 d en iers, &c cette lornme paroît acquittée
depuis le mois d ’O c to b re 1 7 8 1 , juiqu’au dix M a i fuivant.
C o m m e n t dans l’efpace de fix mois , &C à quel titre,, cette
fo m * ie a-t-elle été payée à A lziari ?
Le m êm e Bilan relate au 14 Janvier 1783 , un billec
de 4800 liv. payable a la fin du mois de Novembre fû iv a n i >
à M ‘ G a y te , A vocat de la dame de Lombard, 6c a&uellemcnc
ion fondé de pouvoirs.
C o m m e n t M e G a y te ctoit-il créancier de 4,800 liv.? [1]
O u a vu la C u r a t r i c e , partant pour P a r is , donner la
procuration la plus é te n d u e , pour régir & adminiftrer en
fon a b ( e n c e , à M e G a y t e , A v o c a t ,
0
quelquefois Juge v
lo r fq u il s’ agity pour l'intérêt de celle qu'il repréfentet d ’arrêter
offerc au M arq u is d e C a b ris 14 ,0 0 0 liv.
d eux
ans
après, &
Bonin a fait banqueroute
ceux q u i o f i o i e n t 14 ,0 0 0
livres n ’ont pas fait
banqueroute.
[ t j C e t t e queftion trouve fa réponse dans une L ettre de S e v t r e ,
du 6 * Î u in 1 783 , déjà im prim ée : «■11 en coûte
100 louis à votre
» maifon ; l’adminiftratrice donna à Bonin une quittance de cette f o m m e
»> le 14 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des moulins à écheoir en N o v e m b r e
» prochain,
»» tion de
» prouvent
3c en é c h a n g e , le failli donna
la m ê m e f o m m e , payable au
que d ’abord il 1avoit paffée fur
» & puis comme : l s p a r t a g e n t &
a
fe m êm e jour fon o b lig a m êm e
terme : fes livres
le com pte du P ro c u r e u r,
caufe de la fa illite ,
oit
a trouvé
» q u i l étoit plus convenable de le palier iur le com pte de \'A voca t
o qui figure dans le Bilan. O n n ’eft plus étonné k i de ce q u e ,
de
» brouilles qu ’ils é to ie n t, ils fe fo n t étroitem ent liés : on ajoute q u e
» t'eft aux dépens de votre maifon , & parce q u ’on abufe de la croy ance
o> £' de ¿>1 foibleffe de celle qui l ’ ad m inijhc* «
�77
Iss exécutoires du C onfeil d 'Ê ta t. O n î v u , malgrc cettc
procuration , paflée en préfence d’A lz i a r i, A lziari lui-mêm e
toucher les revenus de la t e r r e , com m e fondé de pouvoir
de la Curatrice. O n ne peut pas exiger un exemple plus
frappant de la licence autorifée par le défordre.
O n a vu enfin la C uratrice , pour raiTcmbler les reffources de fon vo y a g e & de fon féjour à Paris , exiger
d ’avance les revenus de
fon fils,
mettre
en gage Ion
arg en terie, vendre fes boucles d ’o r , arriver à Paris avec
24,000 livres dans fon porte-feuille, trouver fon fils & fa
p etite-fille réduits
au fimple n é ce ila irc , & 1 obtenant à
c r é d it ; ne pas leur tendre un é c u , & garder les 24,000
liv. appartenantes à fon fils, pour les frais de la demande
en interdiction qu’elle venoit intenter contre lui.
Il faut laiiler les ames honnêtes fc pénétrer de ce trait :
le fentiment eft plus éloquent que la parole.
V o ilà les preuves d ’une bonne adm iniitration , que la
dam e de L om bard préfente à la J u llic e , pour mériter Ht
obtenir le droit d’adminiftrer encore. [1]
La raifon
&
la
Loi la repoufl'ent avec mépris. Elle
FlNS DI non
prétend à la confiance de la J u ftic c , lorfqu’elle doit redouter * 1 c Ev ° 1K-
[ 1 ] 11 feroit ridicule de parler ici du prétendu co m pte par elle
rendu devant M * Boulard , ancien N o t a ir e , conform ém ent à la Sentence
d u 6 A v r i l 1784- C e co m p te 11’a été ni v u , ni examiné , ni débattu par
les parties intéreflees. N ’e f t - i l pas étonnant que M * Boulard , nncttn
N otaire ,
fe
foit
attribué
iine
au:orité
fuffifante
pour
allouer
les articles de ce c o m p t e , en déclarant q u ’il n ’a eu pour le fo rm er
que des renfeignem ens fuperficiels ? N ’eft-il pas plus étonnant e n c o r e ,
q u e les parties intéreflees, n’a y e n t p u , ju fq u ’à p r é fe n t , obtenir la c o m
m unication des Pièces Juftifkatives de ce prétendu cu .npie ?
�7*
Tes vengeances.
T o u te s
Tutor. £ Curât. du f f ,
les
L o ix
du
titre
de fu fpecl.
ÔC du cod, s’elevcnt contre -elle.
Suivant la Loi 3 de ce t i t r e , au f£, §. 16 .’ le tuteur q u i,
par fraude ou par n é g lig e n c e , n’a pas fait inventaire des
effets du p u p ille , doit être mis en prifon : T utores, qui
repertorium non fecerunt vinculis publicis jubetur conti
nt ri , & infuper pro fu fp e d is habentur. [1]
La m êm e L o i , §. 5 , prononce la deilicution du tu teu r,
s’il a commis des infidélités dans fa tu t e lle , s’il a caufé
quelque dom m age au pupille , s’il a fouftrait fes b ie n s ,
s’il a décourné fes moyens de fubiîftance. S i fo r te gm jfutus
in tutelâ e f l, aut fordidd egit , v el perniciosè pupiLlo , v el
aliquid intercepit ex rebus p u p illa rib u s, fufpeclum poflularc
licet.
La Loi 7 du même titre , §. 1 , punit par la deftitution
de la Vuteilc , non-feulement la fraude c o m m ife , mais la
négligence g roflière, parce qu’elle efl: très-voifin e de la
fraude : S i fra u s non f it adm ijfa, J ed lata neghgcntia quia
ifla prope. fraudent accedit ; removeri hune quaji fufpeclum
oportet.
La Loi 7 , cod. de fu fp . Tut. v e l Curât, décide qu’un
tuteur ou un curateur a cc u fé , doit être privé de ics fon c
tions & de fon p ou voir, jufqu’au jugem ent de l’accufation ;
6c pendant l’in t e r v a lle ,
un
autre
doit être chargé
['-] T o u t ce que ces L oix du tir. 16 du f f ,
de
ordonnent contre les
tuteurs fufpefts t elles l’appliquent égalem en t aux curateurs du furieux
8c «.lu prodigue.
N on tantum autem adolefcentis cu ra to r, f e d etiam
fu r io f î, vel p rod ig it uc fu fpeclus removeri p otejl. L eg. 5 , ff. de fufp. tut.
v e l c u u t . §. 1.
�79
l ’adminiftration. Eum quem ut fufpeclum tutorem v e l curatorem a ccu fa s, pend.en.tt caufâ cognitionis
ahjlinere ab
admïnijlraùone rerum tuarum , donec caufâ fin ia tu r , pr.tfes
Provincia juhehit. A liu s ramen intereâ in
locum ejus in
adminifiratione rerum ordinandus eji.
Ainfi d o n c , au m om ent où la dam e de Lom bard a été
accuféc ; lorfque la M arquiié de C abris s’eft élevée contre
les abus de Ton ad m in iftra tio n , lorfqu’elle a rendu plainte
d evant les premiers Juges des excès com m is fur la perfonne de Ton m a r i , lorfqu’clle a renouvel* Tes plaintes
devant M . le L ieu tenan t-C ivil; dès ce m om ent les fo n d io n s
&
r autorité de la dame de Lom bard auroient été fufpcn-
ducs , fi d ’ailleurs l’A r r ê t du C o n fc il des D épêches ne
l’avoit pas dépouillée de la curatelle.
Les plaintes de la M arquifc de Cabris auroient fuffi
pour néccffirer la difpoiition de la Sentence du 6 A v r il
1 7 8 4 , q u i , fur l’avis des parens a iîcm b lés, a nom m é le
fieur C o u rt Régiiïcur des biens du M arquis de C a b r i s ,
jufqu’à ce qu’il fût autrement ordonné.
1
E t lorfquc la fufpenfion de fes p ou voirs, s’ils fubfiiloient
e n c o r e , feroit prononcée par la Loi m ê m e , jufqu’au ju
gem en t de l’accufation , elle propofe férieufement de lui
rendre fes pouvoirs anéantis, avant m êm e que l’accufation
foit examinée.
C e c i démontre avec plus d’évidence encore la néceifité
de juger avant tout l’objet d^s plaintes rendues par la M a r
quifc de Cabris , le mérite des fins de non-rcccvoir qu’elle
¿lève contre fa b elle-m ère.
Si les griefs copfignés dans ces p la in te s , radminilfcratiçn
�8o
cruelle de
la perfonne , l’adm iniftration
deftru&ive des
biens , n’étoient pas pour la juftice fuffifamment conftatés
par les preuves que la M arqu ife de C abris p r é fe n te , il f audroic l'admettre , malgré la réfiftance de la D a m e de L o m
bard , à la preuve publique q u e lle
follicite
; & jufqu’à
l’événem ent de cette preuve , la D a m e de L om bard
ne
pourroic être écoutée ni dans fa demande en interdiction
de fon fils , ni dans fa demande à fin d !’être nom m ée C u
ratrice.
Mais les preuves acquifes fuffifent déjà pour éclairer la
J u ftic e , & fixer fa déciiion. Q u e faut-il d avantage que des
écrits que la C u ratrice n’ofe point attaquer , ôc fes pro
pres aveux?
D e s lettres de Seytrc , des déclarations particulières, donc
la D a m e de Lom bard auroic dû pouriuivre les auteurs, s’ils
cuiîent attefté des faits calom nieux ; aifurent tous les mauvais
ttaicemens d o n t le M arqu is de C abris a été l'objet 6c la
vi£time ; & la force avec laquelle elle réiifte à ce qu’une
enquête publique foie ajoutée à ces déclarations particu
lières , eft-ellc m ême une preuve invincible.
Les abus dans l’adminiftration des b ie n s, f o n t conftatés
par des écrits placés fous les yeux du M agiftrat.
Les M ém oires des meubles achetés à Paris par le M a r
quis de C a b r i s , m ontant k près de 70,000 liv. , fur lefquelles la Curacrice elle-m êm e a payé près de » 1,000 liv. ,
&, l’étrange inventaire fait par la C u ra trice , qui porte la to
talité
des
meubles
de
fon
fils à
1400 liv. font pro
duits.
L e com pte par lequel Scytrc a été, fans titre & fans ol jet,
conftitué
�8*
conftitué créancier de 61,000 Iiv. cft p ro d u it: les q u itta n
ces des 50000 Iiv. qu’il a déjà reçues, fon t repréfentées. La
coni'ulration par laquelle il eit décidé que Scytrc peut être
pourfuivi pour la reititution , même par la voie extraordidinaire , exifte dans la main de la D a m e de Lom bard.
L a trania& ion par laquelle le prétendu iupplémcnc de
légitim e des trois fœurs du Marquis de Cabris , a été por
tée à près de cent mille écus , cft produite.
Les baux faits
par la C uratrice , fous
fcing-pr.ivé &
pour des prix inférieurs aux prix offerts fon t produits.
Les faifics faites par les Receveurs des droits du R oi &c de
la Province , pour le payem ent des fommes non acquittées
par la C uratrice , ion t produites.
Les procès-verbaux du N o t a i r e , qui prouvent & îc bris
de fc e llé s , & le défaut d’inventaire des titres
p a p ie rs ,
iont produits,
t
Les quittances données par A îzia ri , com m e fondé de
pouvoirs de la Curatrice , & la procuration de la C uratrice
donnée dans le même te m p s , &c en préfence d’ A l z i a r i , à
M e G a y te , A v o c a t de G r a f f e ,
font produites.
Enfin , la Curatrice a avoué elle-même dans les aiTemblces de fa m ille, en préfence du M agiftrat , que pour faire
la guerre à fon fils , elle a voit mis en gage la ig e u te rie de
l'on fils, SC vendu les boucles d’or de fon fils.
Q uelles preuves voudroit-on
p ro u v é
chercher encore ? Il c fl;
que la D a m e de L om b ard s’efl: rendue, c o u pa bl e
de toutes les infidélités dont une feule , aux te rm e i des
L oix qui la condam nent , fuffiroit pour fa deilitution , il
elle étoit encore Curatrice. U n e feule fuiiiroit donc auiïi
‘
L
�S»
pour la rejeter loin de l’adminiflration qu’elle veut faifir ;
s’il éroit poffile que fon fils fût i n t e r d i t , s’il étoit poilible
que l’injare faite à fon fils par l’iniquité de la première
interdiction , ne fût pas capable de le garantir de la fé
condé.
Parens
nomi-
E n écartant la C u ratrice , il faut écarter avec elle les
natf.urs
8t ceux qui o n t
fRHMlÈRE Dcura* parens qui l’avoient nom m ée C uratrice
XÏLIE.
intérêt de la n o m m e r: encore par e x e m p le , ceux qui lui
ont prêté de l’argent q u ’elle difoit deftiner aux befoins de
l’interdit ; parce que le fuffrage des uns &
des autres effc
in d ign e de confiance.
En d r o it, les nominatcurs fon t garans &: rcfponfablcs du
T u te u r qu’ils n o m m e n t , parce que le Juge en confirm ant
leur choix , cède à l’aifurance qu’ils lui d onnen t de la fuffifin c e & de la capacité du Tu teu r. A u di font-ils tenus des
m êm es in té r ê t s , & fournis aux mêmes peines que le T u
teur dont ils font garants. (i)
D a n s l’e fp è c e je s parens qui on t fait nom m er la D a m e de
L om b ard C uratrice de fon fils ,
adminiftration. Leur fuffrage
fon t refponfables de fon
feul établit ce cautionne
ment dont rien ne peut les d é liv re r, ôc dont les circonftances rendent les réfuitats effrayans. L a
D am e de L om bard
cft abfolum ent infolvable. Elle ne pofsèdc rien : elle n’a
pour fubfiilcr qu’une penfion de 500a liv. , établie fur les
[ 1 J Etiam jidejujjbrem & Ltredem fidejujforis ad ratïonem ea/ndùm itfurarum revocandos ejje confiât , ad quam &
tutor rcvocatur. L e g . 3. if.
d e fid e j. & nomïna. & h*rc tuto.
Easdem reputaciones habebunt quas tutor : L e g . 5. Ibid.
�83
biens Je Ton fils pnr le ccilamcnt de Ton mari. O n vi ont de
voir l ’immenfité des répétitions
qui
v o n t être
exercées
contre elle. Les parens nominateurs, refponfables de fa g e f tion , n’ont pas d’autre m oyen
d’éviter le fardeau de ces
répétitions , prêt à tom ber fur eux par l’iofolvabilité de la
C uratrice, que de faire interdire encore le M arquis de C a b ris,
pour remettre dans la m êm e m a in , avec les pouvoirs d ’une
n ouvelle adminiitration , les Fautes de l’ancienne.
L a Juflice rejette leur fufFragc , entraîné par un intérêt fi
vifible &. fi grand.
C e u x qui ont eu la foibleiTe de prêter de
l’argent à la
C u ratrice fous le prétexte des befoins de fon fils in te rd it,
fon t animés par le m êm e in té rê t, 6c repoufléspar le m êm e
motif. Leur débitrice eft in fo lv a b le , & le feul m oyen qui
leur relie de ne pas perdre leurs avances , eft de faire inrerdire encore le M arquis de Cabris pour rendre à fa mère ,
avec les pouvoirs d ’une nouvelle adminiilrarion , le pou
voir d'acquitter les fommes prêtées.
M ais au milieu de ces votans intércûes , il en faut diftinguer trois qui joignent à l’intérêt com m un un intérêt plus
important. Les trois beaux-frères du M arquis de C abris ,
com batten t non-feulement pour fe fouftraire aux fuires du
cautionnem ent contracté par la nom ination de la D a m e de
Lom bard à la curatelle fi mal adminiltréc ; mais pour c o n ferver, s’il eft p o fu b leja portion des biens de l’interdit que la
C uratrice leur a li v r é e , fous le prétexte du prétendu fupplément de légitime. Le ieul moyen , co m m e l’on v o i t , eft
de faire interdire encore le M arquis de Cabris , pour conf a c r c r ,p a r l’autorité d’ une fécondé adminiitration., les rapi
nes de la première.
L
ij
�84
C ette expultîon de tous les nominacei rs de 1 ancienne
curatelle ÿ va trouver place lorfque nous examinerons le
nom bre & la diverfité des avis qui protègent ou qui co m
battent la demande a£tuelle de la D a m e de L om bard en.
interdiction de Ton fils.
S E C O N D E
Q U E S T I O N .
L e M arquis de Cabris e jl- il aujourd’ hui dans la nèccjfité
de l ’ interdichon ?
A près ce qui vient d’être dit , la première vérité qui doit
frapper , eft l’inutilité de cette queftion.
Si la demande de la D a m e
de Lom bard eft rejetée ,
co m m e elle doit 1 erre , par les indignités , les incapacités ,
les infidélités qui Ce raiTemblent fur ia t ê t e , il eft ieniible que le Marquis Ton fils , f û t - i l d’ailleurs dans la nécefliré de l’inrerdi£tion , ne peut pas être interdit.
Cependanc il le M arquis de Cabris eft aujourd’hui hors
d ’état d ’adminiftrer ia perfonne &. fes b ie n s , il faut que la
J-ullice veille fur lui.
« N ou s ne fommes que les adminiftrateurs de nos b ie n s,
» & la Loi qui nous en confie le g o u v e r n e m e n t, fe réiêrvc
« toujours l’empire abfolu qui lui appartient pour étendre
« ou refferrer notre pouvoir , fuivant les vues que la iageiTe
»» lui inlpire , & qui n’ont jamais pour objet que notre vém ri table intérêt. »
C eft en écabliiTant cette vérité , que le célèbre C o c h in
détailloit les d if lé r e n s moyens employés pas la Juftice pour
aflurer les intérêts des foibles d’c f p r i t , 5c des incapables.
�« D c-là font nées , continue-t-il , ces différentes précati» tions que la Loi prend courre des m ajeurs, pour empê« cher qu’ils ne diiîipent leurs biens , lorfqu’ils paroifténe
» incapables de les conicrver ; les uns font abfolumenc
» interdits de toute diipofuion , les autres ne le font que
» par rapport à l'aliénation des fonds ;
aux autres on
m donne un iimplc ^ o n f e i l , fans l’avis duquel ils ne peum vent contracter ;
il y en a qui ne font gênés que dans
» un feul genre d’action , par exemple , à qui on défend
» d’entreprendre aucun procès fans l’avis d ’iin A v o c a t.
»» L e remède change fu iva n t les circonflances, & c e f l la
» nature de chaque affaire qui règle la manière dont on doit
« pourvoir aux befoins de ceux a qui ces fecours fo n t n é c e f
faires. »
L a Juftice , dans cette circon ilance com m e dans toutes
les autres , appliquera donc le remède fuivant le befoim
Elle fera cc qui eit fuffifant : elle ne fera point ce qui eft
inutile. ■
D e u x partis font propofés dans l’ailemblée des parens.
L e p r e m ie r , conform e aux demandes de la D am e de
Lom bard. Le fécond , conforme aux demaxuies de la M arquife de Cabris.
Suivant le p re m ie r, il cil indifpc niable d ’interdire le M a r
quis de Cabris.
Suivant le fécond , il fuffiroit d’établir des confeils à l’adminiflration de fes biens.
Par le p re m ie r, dans le cas de l’inrcrdi£tion p ro n o n cé e ,
la D a m e de Lom bard feule, fans g u i d e , (ans confeils , cil
appelée à la curatelle de f'on fils , c ’cft-à dire à l'administra
�96
tion de fapcrfonne , de Tes b ie n s , & d e laperfonnc de fa fille.
Par le fé c o n d , dans le cas de l’interdiction p r o n o n c é e ,
la M arquife de Cabris eit appelée à la curatelle honoraire ;
le ficur Court,déjà nom m é régifleur, à la Curatelle onéraire,
toujours fous Paiiiilance de C onfeils éclairés.
Ii faut balancer les avantages ôc les inconvéniens de ces
deux partis , en oubliant pour
un m om ent les fins de
non-recevoir qui écartent la D a m e
de L om b ard 6c ceux
qui la pratiquent ÔC qu’elle favoriié.
I n u t i l i t é
L a liberté fociale eft le plus grand bien : la privation
de
I .' INTERDICTION.
de cette liberté eft le plus grand mal ; fie fi ce mal eft
employé com m e re m èd e, au moins ne fa u t - il l’employer
qu’à la dernière e x tr é m it é , lorfqu’il eft indifpen fable, &;
lorfqu ’un remède plus doux ne peut pas le remplacer.
» Q u e le p r é te u r , s’écrie la Loi , fe garde d ’enchaîner
>j un citoyen des liens d ’une curatelle, légèrem ent 6c fans
» connoillance de caufe. »
Si l’interdiction en
général eft un remède extrêm e ,
l’in te rd id io n prononcée pour caufe de d é m e n c e , a de plus
le
trifte
inconvénient d’étendre la tache
que fa caufe
p r o d u i t , jufqucs fur les defeendans de l’interdit.
Lorfque le citoyen frappé de cette interdiction , a des
e n fa n s , fie fur-tout des enfans q u i , par leur naiflancc 6c
leur fortune , ont des droits aux alliances les plus difting u é e s , il faut que l’interdiCtion foit d’une grande u tilité,
pour que le bien puiiTe compenfer le m a l, 6c c’eft encore
un m otif de ne l’employer que dans la plus grande néceffité,
6c à défaut de tout autre m oyen.
O n fait que trois caufes peuvent provoquer l’interdiCtion :
fureur, d é m e n c e , prodigalité.
�*7
D a n s le premier c a s , la Loi a deux objets : la sûreté
de la perfonne & la sûreté des biens. L e furieux peut
mettre en danger fa perfonne 5c celle des autres.
D a n s les deux derniers c a s , la Loi n’a q u ’un o b j e t ,
la sûreté des biens. 11 ne faut pas craindre que i’im bécille
&
le
prodigue attentent fur leur perfonne ou fur celle
des autres.
A i n f i , dans ces deux c a s , lorfque les biens font confervés
par des moyens déjà é ta b lis , ou lorfqu’ils peuvent être
affûtés par des précautions poflibles &. fuffîfanres, il ne
faut pas fonger à l’humiliante refl'ource de Tinterdidlion.
C es raifons on t introduit com m e une vérité g é n é ra le ,
que l’intcrdi£tion feroit in ju fte , parce qu’elle feroit inutile,
contre un hom m e d ’une telle foibleiïe d ’e f p r i t , q u ’il ne
pût manifefter
ni
m in e u r, parce que
exécuter aucune volonté ; contre un
la tutelle p ro d u it, quant aux biens
qu’il s’agic de c o n fe r v e r , le m êm e effet que l’interdi& ion
&. en fin , contre un hom m e dont les biens font fubftitués,
parce que la fubftitution feule rend toute aliénation impoiTible.
e ces principes g é n é ra u x , & pour en faire l’applicntion,
paflbns à l’examen de l ’état aftuel du M arqu is de Cabris
relativem ent à fa p e r fo n n e , Si relativem ent à fes biens.
L a r a ifo n , ce don fi g r a n d , qui diilingue notre efpèce,
do n t nous lorames fi fiers, eft un don fragile. L ’orgueil
de le poiTéder cil bien humilié par la foiblellè des relion s
d on t l’afTcmblage le p r o d u it, & dont l’accord le dirige.
Un
accident i m p r é v u ,
une
joie f u b it e , un
chagrin
c u :fa n r , tout ce qui franchit l’cfpace des effets ordinaires,
peur troubler ou détruire ces rcilorts d éliés, & fufceptibles.
de toutes les impreffions.
état actuel du
Dk
�88
Q u ’on choiiîile l’être de La plus robufte co n ilicu tio n ,
qu’on l'arrache d e .fa place o rd inaire, qu’on l’enlève à fes
habitudes
jo u rn a lière s,
facultés 6c de
à f e s . plaifirs ,
à l’ufage de Tes
fes rcflourccs ; qu’on l’a (TujétilTe à une
tyrannie longue 6c flétri l i a n t e , qu’on afloibliil'e les mem-*
bres par les douleurs , 6c fou ¡une par la iervitude ; cet
h om m e b ie n tô t ne fera plus un h o m m e ,
iî la railon efl
l ’unique attribut de {’humanité.
O n efl encore indigné de tout ce que le Marquis de
C abris a foufîert fous l’empire de la curatelle exercée par
fa mère. Interdit fans m o tif lé g it im e , au printems Je ion
â g e , au m om ent où fa majorité a ccom p lie, m ettoit dans
fa main
le libre ufage d’une fortune coniidérable ; cette
chaîne honteufe 6c non m é r it é e , pouvoit feule révolter
fon arne ôc troubler fes fens : ainfi , l’interdi£Uon feule
étoit capable d’opérer la caufe de l'interdiction.
É l o i g n é d e fa f e m m e , d e fa f i l l e , d e fes a m i s , d e tous
c e u x qui
la plus
lui é t o i e n t
chcrs ÔC agr éa b l e s , r e n f e r m é
pet ite c h a m b r e
é t é lcul
au
monde t
de
p ri v é
fon
de
c h ât e au ,
toute
comme
dans
s’il eût
communication
Sc
des plus (impies a m u f e m e n s , c o u v e r t d e h a i l l o n s , t y r a nn i f é
6ç b a t tu par fes va l et s ; c o n t i n u e l l e m e n t irrité , 6C par les
ri gueurs de fa c a p t i v i t é , 6c par le
il
éroit
nourri ;
pouvoit-il
comment
réfiiler à fix
cet
a n né e s
feu des
infortuné
de
cet
al imens d o n t
j eune
homme
étrange f u p p ü c c ,
aux efforts c o m b i n é s c o n t r e fa raifon.
La conduite des Subalternes déchaînés contre'le M arquis
de Cabris , ou plutôt enchaînés avec l u i , a trop decélé
Ipur objet. C et accord confiant des deux régimes contraires
à fa tranquillité, régime de procédés, régime de nourriture,
&
�&
89
fu r - to u t le propos d ’ A lziari $ que la maladie de fo n
maître étoit incurable ; qu'on pouvoit impunément lu i pro
diguer le c a f é , le vin , les liqueurs fo r te s , fans craindre
de lu i fa ir e plus de m al qu i l ríen avoit , aflfurcnt aflez
qu’on ne vouloir pas tourmenter le M arquis gratuitem ent,
& que la brutalité étoit m otivée par le projet d’anéantir
fon exiitence morale.
Sa
m ère,
feul auteur de ces
dangereux,
procédés
parce qu’elle les a p e r m is , ou parce qu’elle ne les a pas
empêchés ; c’eil fa mère qui vient aujourd’hui exagérer
leurs effets funeftes , pour juítifier ía perfécution paflée, &C
autorifer fa nouvelle perfécution.
C e tte penfée jette un fentim ent amer au milieu du raifonnem ent le plus froid.
Il ne faut pas croire cependant qu’un entier fuccès ait
couronné ce com p lot , &
q u ’on foit parvenu à enlever
au M arquis de Cabris la dernière étincelle de fa raifon.
Si nous prenons
l’engagem ent d ’expofer
avec vérité
l ’état actuel de fon e f p r it , nous exigeons au moins quelque
confiance. Il feroit injuite de voir dans un aveu le prétexte
d ’une réticence.
- Le
entière
Marquis
liberté
de Cabris
n’cit pas
toujours
d’efprit ; les tourmens q u ’il
pendant fix a n n é e s ,
dans une
a fouiFerts
en augm entant fa feniibilité ner-
veufe , ont aíFcdté fes facultes morales.
le
fouvenir de
fes douleurs, &, rout ce qui peut lui rappeler ce fo u v e n ir,
lui donne un accès de taciturnité & de m élancolie. A i n f î ,
c ’cit ce qui devroit exciter fes refpeCts, qui agite fes fens,
&
qui trouble
fes o rg a n e s; la préfence de fa m è r e , &
l’appareil d’un interrogatoire.
O n voit dans ceux qu’il a
M
�9°
prêtas devant M . le L i e u t e n a n t - C i v i l, moins un h o m m e
égaré , qu’ un hom m e aigri par la contrainte , 8c révolté
contre la tyrannie ,
qui refufe une réponie jufte à. des
demandes dix fois ré p étée s, 6c q u i , plus fouvent e n c o r e ,
ne veut ni écouter la d e m a n d e , ni faire la réponfe.
Son efprit cft tranquille , loin de tous les objets qui
peuvent lui retracer Tes infortunes. T o u s ceux qui l’entourent
attellent fa douceur. O n lui laiile la plus entière lib e rté ,
Ôc jamais il n ’a fait craindre le danger d ’en abufer.. Il
interroge , il répond avec juftefle : tous fes m ouvem ens
fo n t pofés 8c réfléchis. Il cft reconnoiiïant 8c afl'c£lueux
avec fa femme 8c fa fille. D e s perfonnes de la plus haute
diftin£tion n’ont pas dédaigné de le voir , de l’admettre
dans leur f o c i é t é , de faire la p a r tie , 8c l’on a ch oiii le
l'e R é v e rfis .
ieu le plus c o m p liq u é , le moins fufceptible de diftra£tion * ;
.
.,
/
•
,
, .
a
.
r
„
,
c
„
,
la prelcnce d c l p n t a ete la raeme ju iq u a la fin ; 6c après
quatre heures, de repos ôc de gaîté , l’humeur n ’a percé un
feul inftant qu’au fimulacre d’un interrogatoire.
D e -là
réfultent trois vérités.
L a p r e m i è r e , que le
M arquis de Cabris n’eft pas privé de l’cfpoir d’une entière
guérifon ; 6c les rapports des M éd ecins ôc C hirurgiens la
prom ettent avec alTez d ’aiïurancc. E n droit , cet efpoir
fuffiroit pour le garantir de l'interdiction.
La
&
seconde
qu’il cft
,
que la m élancolie n’eft qu’in fta n ta n ée ,
prcfque toujours libre de fens 6c de raifon..
E n d r o it, ces longs intervalles de tranq u illité, fuffiroienc
encore pour écarter la reiTource rigoureufe d’une inter
diction.
L a t r o i s i è m e , que m ê m e , dans fes m o m e n sd e vapeurs
ÔC de m é la n c o lie , il a l’extérieur paiiible ; que Ja nature
�9 1'
de fa maladie tend au repos
8c à l’apathie ; que dans
c e t é t a t , fes mouvemens lo n t lents &c mefurés t qu’il cft
enfin dans l’impofiîbilité morale d’attenter à fa perfonne
& à celle des autres.
C e tte dernière v é r it é , fixe & détermine l’objet fournis
dans la circonitance au loin de la Juitice. Elle n’a point
à veiller fur la sûreté de la perfonne. Elle ne doit être
occupée que de la confervation des biens.
A l’égard des biens
3 ils
fon t dans un état déplorable^
O n a vu les défailres de la curatelle exercée par la dame
de Lombard. Six années de mauvaife adminirtration , o n t
jeré dans la fortune du M arquis de C a b r i s , le trouble que
iïx années de mauvais traitemens ont porté dans fa perfonne.
M a is les fautes de fa mère ne peuvent pas être un m o t if
de l'interdiCtion qu’elle
demande ,
&
d’autres moyens
peuvent rétablir l’ordre &. la balance dans l ’adm iniitratioa
des biens.
D ’ailleurs, ces biens font fubititués, & cette fu b ititu tio n ,
dont l’efpérance a dirigé les plus ardens iniligateurs de
l'interdiCtion déjà p ro n o n cé e ,
repouifer l’idée
cil juilem ent ce qui d oit
d’une interdiction
néceilaire.
Parmi les
principes éta b lis, on a vu que l'interdiCtion étoit inutile
contre un hom m e déjà enchaîné par une fubllitution , Sc
qu’elle devoit être écartée par cela feul qu’elle étoit inutile.
C es m o tifs , éclairés par les meilleures in te n tio n s , o n t
v « 01 la fa-
entraîné les iufïragcs du tribunal de fam ille; de ce premier MILL£*
tr ib u n a l, établi par l’autorité fo u v e ra in e , pour juger fur
l ’état aCtuel du M arquis de Cabris.
O n a vu que ia mère n’avoit pu réunir que deux voix
M ij
�i fa demande en in te rd ictio n , celle du C o m te de G r a f f e ,
& celle du fieur de C om m cyras. [ i]
L e fieur de C om m cyras ne mérite pas cTÆtrc compté.
Sa conduite aux aiTemblées , a clairement dém ontré qu'il
ne vouloit l’interdiction que pour créer la dame de L o m b ard
cu ra trice , Se qu’il ne vou lo it établir cette c u ra te lle , que
pour protéger l ’agiotage exercé par lui jufques dans le
cabinet du J u g e , pour le m ariage projette de la dem oifclle
de C abris avec le fils du C o m te de G raile.
D ’ailleu rs, il s’eil rendu indigne de toute co n fia n c e %
par une fauiTeté volontaire. 11 a pris place dans l’aflemblée
en qualité de parent du M arquis de C a b r i s , [ i ] &. certes
[ i ] O n ne parle pas ici des v in g t - h u it procurations par lefquelles
v in g t-h u it parens de P rovence ont cru pouvoir donner leur vœu à
]’interdi£tion d em an d ée par la d am e d e L o m b a r d .
P our ccarter ces
v in g t - h u it c o m p la ifa n s , il n ’eft pas néceiTaire de rappeler l ’intérêt qui
d éterm ine en m ê m e - r e m s ,
&
q u i rejette leur fuffrnge. Il fufïit de
dire qu e ce v œ u , apporté de deux cents lieues , eft la preuve la plus
o d ie u fe de leur a veuglem en t & de leur m auvaife volon té. Ignorent-ils
q u ’en matière d ’incerdiétion ,
les abfens ne
peuvent pas délibérer :
parce q u e , pour pron on cer fur l ’état d ’un cit o y e n , il faut avoir fous le*
y e u x les fig n e î démonftratifs de fa dém ence 3 ou de fa préfence d ’efprit.
A u fu r p lu s , de ces 28 parens q u ’on préfente c o m m e la majeure par
tie &: la plus refpefbible de la fa m ille , le M a r q u is de V a u v e r n a r g u e s eit
feu l parent p a te r n e l, & encore au cinq uièm e degré.
T o u s les autres
fo n t parens de la D a m e de L o m b a r d . A i n f i , lorfqu e dans leur procura
tion , & dans Pailèinblée de f a m ille , ils prennent la qualité de parens
p a tern els, ils attellent une erreur volontaire , qu e la M a r q u ife de C a b r is
les défie de juflifier.
[ a ] Dans fon d i r e , au procès-verbal d ’a fle m b lé e , le fieur de C o m m eyras fe qualifie coujîn au quatrièm e d egré du côté p a te rn e l, à caufe de
�93
il n’cil lié à la famille de Cabris par aucun lien de p aren té,
quelqus éloigné qu’on puide le fuppofer.
Il pouvoit fe
préfcnccr com m e ami : l’ A rrêt du C on fcil des D épêches
co n voq u e les parais & amis ; mais fon vœu manifeftoic
q u ’il étoit encore moins ami que p a re n t, & entre deux
m e n fo n g e s , il a préféré le moins ridicule.
L e C o m te de G r a d e s’avance donc feul pour conqué
rir l’interdiction du M arquis de C abris ; Si c’effc ainfi qu’il
prétend pour fon fils à la main de la demoifelle de C abris.
C e mariage auroit pu convenir. M ais n’eft il donc d ’autres
moyens pour époufer la demoifelle de C a b r is , que de faire
interdire (on père ? Pou r captiver fon c œ u r , qui doit pré
céder fa main , n’eit-il donc d’autres moyens , que de graver
fur le front de Ion père une empreinte flé trid à n te; que de
livrer fon père aux mains avides & cruelles qui on t anéanti
fon e x iftc n c e , détruit fa fan té , troublé fon repos , & dévoré
fa fortune ?
Si le C o m te de G ra d e n ’a vu que ce chem in
pour
arriver à fon b u t , qu’il fe retire : fon vœ u refte inutile
com m e fon projet.
L a Juftice ne peut pas écouter un
fu d ra ge qu’un intérêt viiible [ i] accufe de p a rtia lité ; 8c
la demoifelle de Cabris déclare , avec toute la vivacité de
M adam e de V ille n e u v e , fo n e'poufe. L a d am e de C o m m e y r a s n ’eft point
née V illeneu ve. Elle eft fille d u fieur R abies t de la petite ville Ü A n o t t
dans la haute-Provence.
[i]
A cet intérêt , le C o m t e de GraiTe en joint un a u t r e , m o in i
r e m arq u ab le, à la vérité. Il eft oncle du C o m t e de GraiTe d u B a r , & du
fieur de St. C e z a i r e , beaux-frères du M arq u is de C a b r is , cautions de la
cu ratelle, & défendant pour leur propre co m p te r'envahiifem ent d ’une
portion des biens de leur beau-frère.
�94
Ton pays 6c la franchife de Ton â g e , que les Puiflances de Ja
terre ne pourront jamais la contraindre de fe donner aux perfccuteuis de Ton p ère,
6l
aux protecteurs de la perfécution.
L e C o m te de G rad e croit ou ne croit pas ce qu’il attefte
aux ailemblécs. S’il efl perfuadé que le Marquis de Cabris cft
m aniaque, affligé d 'u ne f o lie héréditaire , la fortune efl:-elle
un m o t if aflez puilïant, pour que le fils du C o m te de G ra d e
foit uni à la fille d’un m aniaque? Si le C o m te de G ra d e n’efl:
pas perfuadé de cette démence héréditaire, la fortune eft-elle
un m o tif a iîlz puidant pour que fa bouche démente fa penfée , pour qu’il déclare tout haut cequ ’il contredit tout bas ?
C o n tre
le fudrage
d ix - n e u f parens &
unique du C o m te de G r a d e , [ i]
amis préfens ,
rademblenc d ix - n e u f
fudrages contraires. Dépouillés de tout intérêt perfonnel,
exempts de toute p ré v e n tio n , ils ont prononcé fur l’etac
actuel du M arquis de C a b r i s , après un examen impartial
des événemens paiTés & des circonflances préientes
Ils
o n t remarqué dans la foiblcd'e actuelle de leur parent &C
ami j l’effet fu nede des mauvais traitemens a u ton frs par
fa première interdiction. Us ont reconnu dans les interro
gatoires & dans les rapports des gens de l’A r t , que cette
[ i ] O n a vu le M arq u is de M ir a b e a u , déclarer à la dernière aflem b l c e , q u ’il n’avoit pu voter pour l’interdiftion j mais la fuppofer d ’ ane
m anière cruelle , & rayer le M arq u is de C a b ris d e la lifte des v iv an s,
pour courir d ’un pas rapide à ce q u ’il defire uniqu em ent. N ’eft-ce pas en
effet feindre un pere m o r t , & m ort fans avoir laillé aucune trace de fo n
pouvoir p a te rn e l, que de vo u lo ir fe faifir de fa fille pendant ia vie , d e
d em an d er ferieufement à la Juilice que cette fille foit en ferm ée dans
u n C o u v e n t , d ’où elle ne fortiroit qu e pour être m a riée, o u elle n ’auroif
la liberté de voir fa mère & fes autres parens q u à la grille fe u le m e n t,
mais où elle verroit tres-librement le M arq u is de M ir a b e a u , lui diétanc
¿ e fp o tk ju e m e a t le m o y e n 8c le m o m e n t de fa liberté?
�foibleiTe d’efprir, dépendante de la foiblefTe des organes
étoir m omentanée , fufceptible de guérifon , fur - tout tran
quille , & toujours exempte de tranfports & dc m ouveniens furieux , tels qu’üs fiflrnt craindre pour la perfonne
du malade. Us ont jeté un regard d ’intérêt fur fa fille
unique, fur la dcm oifcllc dc C a b ris , âgée de quatorze ans
& d e m i, appelée par fa naiiTance & par fa fortune à une
alliance h on orable, & digne à tous égards d ’un m énagement
qui conferve dans l ’opinion publique & dans les cems \
v e n ir , l ’honneur dc ia p erfo n n e , & celui de fa poftérité
Entraînés par des motifs fi fages , les d ix - n e u f pa r c n '
& amis ont décidé que la perfonne du malade étant en
sû reté, foit par la nature de fa m a la d ie, foie par les foins
de Ion e p o u fe , dont perfonne ne peut le priver ; il falloir
rejeter la précaution humiliante dc l’in terdiction , puiique
d autres moyens ulités, faciles & fuffifans, pouvoienc veiller
à la c o n f e c t i o n des b ie n , , feul objet à régler dans ce
m om ent.
Parm i ces m o y e n s , ils on t choifi celui dont la Juftice
ellc-mem e d onne des exemples fréquens. Ils défirent q u ’elle
entoure le M arqu is de C abris de confeils ftgcJ & éclairés
avec le pouvoir d'établir & de diriger fur fts biens une’
adminiltration durable (i).
L a Juftice peut choifïr entre ces deux partis, interdic
tion ou nomination de confeils. E lle peut fuivre la v ’
partiale & ifoléc du C o m te de GrafTe, ou les voix
réunie
de d ix -n e u f parens & amis défintérefles. M ais Ja JuÎ^cc"1**
peut choifîr que cc qui cil rigoureufem ent jufle
pouvoir même détermine fon choix.
*
( i ) L e M arq u is de C a b ris a
une Requête du mois de Septembre dernier,
~
°n
r ~ ---------
” ” S* pn
\
�L ’intcrdi& ion , fût-elle d ’ailleurs fondée & u t i le , feroic
encore une iniquité b arb a re, parce qu’elle ne ieroit motivée
que par les brutalités de ceux qui la provoquent.
M ais clie cft abfolument in u tile , relativem ent aux deux
objets qu'elle doit e m b ra fle r; inutile pour la perfonne qui
n ’eft: point en d a n g e r ; inutile pour les biens qui feront confe r v e s ,
8c
par la fubftitution qui les enchaîne ,
ôc
par
l’adminiftration légale des confeils que demande le Marquis
de C a b r i s ,
que fa fam ille demande avec lui , & fatis
l'autorité defquels il ne pourra faire ni aliénation de fonds,
ni emploi des revenus.
Q u e l mal peut-on craindre ,
ôc
quels biens ne d oit-on
pas attendre de cette adminiftration , fi l’on nom m e les
confcils demandés par le M arquis de Cabris
ôc
par fa
fa m ille? L ’un eft c h e f d’un T rib u n a l-S o u ve ra in , [i] fujet
diftingué du M onarque lui-m êm e,
ôc dont
la modeltie feule
tient lccrets en ce m om ent les tém oignages honorables
qu’il en a reçus; les deux autres font deux anciens A v o c a ts
au P a rlem en t, [ i] dont le zèle peut feul égaler les lumières.
[ i ] M . T e y f l i e r , A u d iteu r de la R o te d ’A v ig n o n . O n obfervera q u ’il
eft parent de la d am e de L o m b a rd ; q u ’il a etc amené par elle aux
a ir e m b lc e s , Sc q u ’il s’eft déclaré le prem ier contre l ’in t e r d id io n q u ’elle
p o u r f u i t , après avoir entendu les f a i t s , & balancé les différens motifs.
E n le v o y a n t , fans le connoître , Sc fans autre raifon de confiance que le
caradtère dont il eft r e v ê t u , la M a r q u ife de Cabris a voulu rem ettre
entre fes mains le ju g em en t irrévocable d t ce trifte procès. Elle a propofé
à la dame de L om ba rd de confier ég alem ent fes p o u v o ir s à ce M a g iftra t,
fon parent, fou a m i , amené par elle aux a flem b lé es, qui terniineroit dans
deux heures une co nteftatio n, l’orig in e des troubles q u i déchirent la
fa m ille ,
&
le
germ e de m ille
autres conteftations.
L a d am e de
L o m S a r d a refufé.
f i l Mes d’Outremont <
5c de Beauféjour.
A in û ,
�97
A in fi, dans la balance de la J u ilic e , rien n’autorife l’inte-rdicfcion , 5c tout la co n d a m n e ; la fituation aétuellc du
M arquis de C a b ris , qui ne demande que des foins affectueux,
Si que ces ioins pourront rappeler, à cet état de fanté & de
paix dont il jouiiibic avant fon efclavage ; la ficuation de fes
b ie n s, déjà ftables dans les liens de la fubftitution, 6c q u i,
dans cous les c a s , feront fans doute plus utilement adminiftrés
par des C onfeils inftruits, que par un curateur, q u i, en ne
lui fuppofant pas l’incapacité abfoluc de la dame de L o m
bard, peut être très-inhabile aux affaires; &c e n fin , l’honneur
de la demoifelle de C abris , qui va devenir Pcfpérance d ’une
famille égale à la fie n n e , 8c dans laquelle elle d oit porter
feulement , les dons aimables que la nature a daigné lui
prodiguer.
Il ne refte à exam iner qu’une queflion incidente à celle
que nous venons de réfoudre.
D a n s le cas impoflible à n
p r é v o i r , où le M arquis de C abris fcroit in te rd it, q uelr
autre que la Marquife de Cabris fa fem m e pourroit pré- „
tendre h la curatelle?
Si la mère du Marquis de C a b r is , fi la dame de Lom bard
ne s’étoit pas rendue indigne de la curatelle qui lui avoit
été co n fié e; fi elle n’avoit pas traité fon fils com m e un
étranger , com m e un e n n em i., com m e un efclave ; on
pourroit examiner s’il exifle une concurrence ÔC un droit
égal cnrre-ellc 6c la Marquife de Cabris.
M a is depuis que fon in fou cia n ce, fa cruelle infenfib ilité,
& fon incapacité to ta le , fc font manifeftées par des œuvres
fi funeftes ; depuis qu’elle a perdu tous fes droits fur la
perfonne de fon fils , m ême le droit de pourfuivre fon
N
�interdiction , quand même elle fero t néceflaire ; on voie
bien qu’ il n’y a plus de livaliié , & que la femme feu.e du
M r.]u's de C abris pourroic être la c u r a tr ic e , s i l étoit
qucltion d’une curatelle.
C ’cit ici l’alarme générale.
Il eft tacile de fenrir que
t jus les intérefles, ceux qui ont fait interdire le M arquis
d e Cabris , 6c ceux qui veulent le faire interdire encore ;
ceux qui ont partagé íes dépouilles , ôc ceux qui veulent difpofer de ia fille, agitent avec effroi toutes leurs m a n œ u v re s ,
pour écarter le
m om ent
où
la M arqu ife
de
Cabris ,
jo ign an t les droits de la Juftice aux droits de la n a tu re ,
p o u rro it, dans fa iollicitude m a te rn e lle , fouftraire fa tille
à toutes
les intrigues qui
m en aien t fon
bonheur ,
fie
pourfuivre des refticutions immenfes fur les déprédateurs
des biens de fon mari.
Il n’eil pas étonnant qu’on a it , dans cette réfiftance,
épuifé tous les moyens d’invention , les faux p rin cip e s,
Jes faux raifonnemens , les calomnies.
11 étoit impoffible de nier que le droit ccm m un ne permît
d ’appeler une femme à la curatelle de ion mari in te rd it;
le fentim ent des Jurifconfultes étoit u n a n im e ; la Jurifprudcncc du C h â tc lc t offroit des exemples nom breux ,
ôc
l’ A rrêt du Parlem ent du 17 A v r il 1 7 3 4 , qui défère à la
M arquife de M cnars la curatelle de fon m a r i, étoit feul
un exemple ailcz d é c iiif, aflez refpcctable.
M ais on a voulu créer une excluiion particulière.
On
a prétendu que cette Jurifprudence étoit contraire aux loix
R o m a in es, 5c Spécialement contraire aux ftatutsde Provence.
C e c i eft une fuppofition : on eft obligé de renouveler cc
reproche , toutes les fois qu’il plaît à la dame de L om b ard
de renouveler fes erreurs volontaires.
�99
Pas un mot dans les ftatuts de Provence q uip u jile faire pré*
fumer ce qu’elle veut y lire. D a n s les loix R o m ain es, pas
une
trace d’cxclufion de la femme à la curatelle de fon mari.
La Marquife de Cabris a cité un A rrê t du Parlem ent
de P roven ce, du u Juin 1 6 9 4 , rapporté par le continuateur
de Boni face, qui nom m e une fem m e curatrice à l’interdiction
de fon mari.
Pluficurs A rrêts des autres Parlem ens des Provinces régies
par les Loix R o m a in e s , prouvent qu’ils fuivent tous la mê
me Jurifprudence , ôc qu’ils adm ettent , fu iva n tle s circonfta n ces, la femme a la curatielle de fon mari. B ouvot fournit
un exemple plus étonnant encore. Il cite un A rrê t du Parle
m ent, dont il recueilloit les d é d i i o n s , qui a nom m é une fille
curatrice de fa mère.
Les loix générales qui excluent les femmes des curatelles ,
com m e charges publiques, ne font pas obfcrvées dans le
Royaum e. Les deux Arrêts cités fuffifent pour le p rou ver;
& la curatelle de l’in te rd it, co tn m : droit h o n o ra ire , doit
être donnée devant le Juge , &
dans la forme preferite par
la loi , c ’cft à-dire , fur l’avis des parcnsaflfcmblés.
Il eft abfurde de vouloir appliquer à cette queftion la loi
14. ff. de curât, fu ri. qui défend de nomm er le mari curateur
de fa femme , de crainte qu’il ne la répudie pour fe difpcnfer de lui rendre compte.
D ’abord cette crainte eit une chim ère pour nous. L e d i
vorce eft loin de nos mœurs & de nos loix. Aulli B outaric
Sc les Auteurs qui ont traité la même matière , «mettent que
cette loi n’efi: pas obfervée, & que dans tous les Pays de D ro ir
É c r i t , le mari eft journellement curateur de fa femme mi
neure com m e en Pays Coutum ier.
D ’ailleurs , refufer au mari la curatelle de fa fe m m e , ce
N ij
�100
n’eft pas refufer -4 la femme la curatelle de fon mari ; furtout lorfque cous les biens de la fem m e font dotaux , lors
qu ' e l l e ne peut acquérir que pour fon m a r i , co m m e la M a r
q u i f e d e Cabris.
D e tous les Auteurs anciens & m o d e m cs>Bourjon eft peutêtre le feul qui éloigne la femme de la curatelle de fon mari.
Ce f r o i t , dic-il , renverfer l ’ordre naturel que de mettre un
mari fous la dépendance de fa femme. Il admet cependant
une exception en faveur de la femme d’un M a rch a n d , ôc in s
truite de fon com m erce.
U n A u teur moderne a remarqué qu’en général on peut
reprocher à Bourjon de manquer de c r it iq u e ,& que fouvent
les mêmes règles lui fervent à décider pour Sc contre.
En e f f e t , il venoit d’avouer q u e , co nform ém ent aux L o ix
R o m a in e s , un fils pouvoir être curateur de fon père interdit.
Filium f i fobriè v iv a t , patris curatorem dandum magis quam
extraneum. Il ne trouvoit pas révoltant de m ettre un père
dans la dépendance de fon fils. C e p e n d a n t, il faut convenir
qu’il y a moins d’inégalité entre un mari 6c fa femme qu’en
tre un père 6c fon fils. Auiïi l’on a v u , par l’ A rrêt de la Marqui fe de M én a rs,q u e le Parlem ent n 'avo it fait aucune atten
tion au fyftême ifolé de cet Auteur.
Le fils curateur de fon père refte toujours fous la puiffànce
de fon p ère, co m m e la femme curatrice de fon mari demeure
fous la puiiTance de fon mari. C e tte puiffance du père
du
mari i n t e r d i t , n’eft plus une puiffance d’exercice ; elle eft pu
rement légale.Elle fubfifte feulement pour l’utilité de ceux qui
la pofledent.
En donnant au fils la curatelle de fon p è r e , en donnant à
la femme la curatelle de fon m a r i , ce n’eft pas une autorité
�10X.
que la loi leur donne ; c’eit un devoir qu’elle leur impofc , un
devoir qui feroic prefcric par la nature , s’ il n’ étoit pas pfefcric par la loi.
L e fils cil in(pire par le re fp cil filial ; la femme par l’amour
conjugal , par la com m unauté d’intérêts ; & , com m e die
D argen tré fur l'article 491 de l’ancienne C o u tu m e de Bre
ta g n e , propter communes liberos & dignitaitm fa m ilU .
Il faut conclure de ces p rin cip es, que la femme n’eft pas
curatrice de fon mari de droit com m un , mais qu’elle peut
l’être par une jufte exception ; 2c que le Juge ne peut pas fe
difpenfer la n o m m e r , lorfqu’elle cil: appelée à cette charge
par les circonftances 5c jj>ar le plus grand nombre des parens
ailemblés.
D a n s l’cfpèce, on a vu la famille diviféc chez M . le Lieuten a n t- C iv il, entre la D a m e de L om bard ¿c la M arquife de
Cabris ; 6c fans avoir recours aux moyens de droic 6c de raiion qui repouiTent prefquc toutes les voix favorables à la
D a m e de Lombard , la Marquife de C abris emporte encore
la balapce. T r e n te voix choifiiïènt la D a m e de L om bard ;
trente fix appellent la M arquife de Cabris.
M ais bientôt la D a m e de Lombard reile feule, fi l’on veut
feulem ent rappeler le nom de ceux qui l ’environnent.
O n a vu quel intérêt animoit le C o m t e de GraiTe. C e
m o t if, indigne de l u i , eft égalem ent indigne de la confiance
du M àgiftrat.
O n a vu quel rôle jouoit le fieur de Com m éyras. C e rôle
peut prouver le zèle ÔC l’adreile d ’un négociateur , mais non
pas l’impartialité d’un Juge.
O n a vu que dix-huit parens, repréfentés par des fondés de
' P rocuratio n , étoictlc ou complices, ou caution^ où créanciers
Vœu bi la Famille.
�■i- r! ;
.
.
..
10 1
.
.
.
.
de la première adminiitration. C o m p li c e s ,-ils veulent rercn i r ' l s dépouilles injuftcmcnc'acquifes , càm m ç le prétendu
i
luppleaicnc de légitim e arrache par les bcaux-frercs.
Cau
tions , ils craignent de porter le fardeau des négligences ou
des infidélités de la D a m e de Lom bard. Créanciers , ils pré
tendent fe créer un moyen de recouvrer les fommes im pru
dem m ent prêtées.’ C es differens intérêts ne peuvent être
aflurés qu’en remettant la fortune du Marquis de Cabris en
tre les mains de cefle qui a com mis ou fouiîert les dépréda
tions , qu’une autre fera punir &. réparer.
Les dix autres ont
figné le M ém oire calomnieux fur
lequel la M arquifé de Cabris a éré privée de fa liberté.
C e t te démarche violente a prouvé qu’ils étoient fes enne'
m i s , 8c qu’ils m é d ito ie n t, depuis fept ans , la ruine de fa
famille.
j
D ’un autre c o t é , trente-fix voix impartiales défèrent la
curatelle à la M axquife de C a b r i s , dans le cas imprévu de
l ’interdiction de fon mari. D a n s le n o m b r e , on voit deux
pareils de la dame de Lom bard , amenés par elle aux ailemb lé e s , & qui n’ont pu fe décider contre elle j que fur les
preuves rapportées &
difeutées d evant toute la famille :
on voit onze parens très-proches de la dame de L o m b ard ,
q u i , n’étant point intérclFés à la première administration,
prononcent avec une entière liberté fur celle c,u’il i ’agit
d’établir. O n voit ii;izc parens du M a r q u i s de Cabris égale
ment recom m an d ab lçs, & par leur naillance , & par leur
forrunc. Sept amis préfens viennent ajouter leur lu il rage à ce
concours rcfpcdable.
Sur
¡(Il “
un Phjct d e t cette im p o rta n c e , Iorfque dans le*
L o ix générales
dans les Lo"ix particulières, rien ne co u -
�i °3
tredit le vœu de la farçiille , & lorfque le vœu de la famille
cft lui-m êm e néceflité par* les circonftauccs , c ’cil lui qui
doit déterminer & dicter le Jugem ent.
*
. Si la L o i , com m e l’allure la dame de L o m b a r d , refu fo it impérieufemenc à la M arqu ifc de Cabris la curatelle
de fon mari , la L o i feule iuftîroit au iyftême & aux cfp éranc.es de la dame de L om bard : les autres moyens Îeroicnt
inutiles.. E n .effet., fi le Code.,, le D ig e ftc & ' les. Statuts de
Proveucp , ne veulent pas qu’une femme foie curatrice de
fon m a r i, pourquoi invectiver cette femme ? Pourquoi la
calom nier ? Pourquoi tenter d’attirer fur elle les mépris
ou les foupçons du public & de la juitice ?
O n fe rappelle ces trois faits avancés dans la R equête du
r j pons1! ao
Bailli de M irabeau , Iorfqu’il v o u l u t , au Parlem ent d’Aix , u h ° c h , ! '
faire iupprimer un M ém oire de la M arqu ife de Cabris ,
faits
menfongers
tant de fois répétés , &c tanr de fois
détruits !
La dame de Lom bard en a fait encore fa principale défenfe devant M . le L ie u t e n a n t - C i v i l , pour oppofer au
moins
le ton du reproche
aux reproches dont elle eit
accablée.
Elle reproche donc
à
la M arqu ife de C a b r i s , d’avoir
livré les biens de ion mari à la plus folle dilîipation, de
lui avoir fait contracter pour plus de i 20,000 liv. de dettes,
de lui avoir furpris deux procurations pour faire des e m
prunts encore plus confidérables, de lui avoir fait faire un
teilam ent m yjlique en fa faveur. (1)
[ 1 ] L a d a m e de L o m b a r d
ne s’en tient pas à ces reproches ; elle
renouvelle les calomnies pcrfonelles q u e l l e a colportées dans les B nreru x
C o n t r e
l
*
�io 4
Les réponfes ne font pas difficiles.
D a n s fon com pte fi fingulièrement rendu devant M e
Boulard , la darne de L om bard déclare elle-m êm e q u e lle
a pris l’adminiftration dont elle va rendre com pte , des mains
ù tS 'c y ir c , C v r a t i u r à la minorité du M arquis de Cabris
depuis le décès de fon père , 2c ion
F
o n d e
de
po uvoirs
,
depuis fa majorité jufqu’à fon interdiction. C ertainem ent la
M arqu ife de Cabris n ’a jamais pu difliper le bien-de fon
m a r i , fi elle ne l a jamais adminiftré.
La M arquife de Cabris a annexé à fa R equ ête du a i
O f t o b r c dernier , tous les actes des emprunts faits par fon
mari avant fon interdiction.
des M in iftre s , dans les T r ib u n a u x , Sc q u e fes I ¡b e lle s , imprim es par
m illiers , ont verfées dans tout le R o y a u m e . L a M a r q u ife de C a b r i s ,
dans fes premiers écrits, a oppofé à chaque fait des preuves co n traires,
& des preuves écrites. Ici un m o t doit fuffire. C e s calom nies l ’ont fait
exiler de Paris à L y o n en 1 7 7 7 . L ’ordre a etc révoqué 14 jours après fur
fa feule dem an de. En 1 7 7 8 , ces calomnies l’ont fait arracher des bras
de fon mari q u ’elle d é f e n d o i t , &
l ’ont confinée dans un C o u v e n t des
M o n ta g n e s de Provence. Seule elle a fait jug er les m otifs de cet o r d r e ,
ôc feule elle a o btenu fa révocation. C e s c a l o m n i e s étoient la plus appa
rente raifon des Ju gem en s de Provence. Elle a d em an de juftice po u r t l!e
& pour fou m a r i , au C o n f e i l des D épêches de S. M . T o u t a été examiné.
L e M iniftre m ê m e duq uel étoit émané l ’ordre contre la M arqu ife de
C a bris , étoit M e m b r e du T r ib u n a l. T o u s les Jugem ens rendus en P r o
vence contre-ellé Sc contre fon m a r i , ont été annuités. L e M arq u is, c!e
C a b r is a été délivré des mains dé fa m ère , 8c placé fo us les yeux dé fa
fe m m e . L a d em o ifelle de C a b r is a été enlevée à fon a y e u l e j & rerriife'
entre les mains de fa mère. C e t t e réponfe eft aiTez b o n n e , Sc la d am e
de L o m b a r d daignera s’en contenter.
R c c o n n o iilà n c c
�!°5
ReconnoifTance de 12,000 iiv. empruntées le
21 M ai
17 7 3 , par le M arquis de C a b r is , alors m in e u r, &, aflïfté
de Seytre , fo n curateur.]
R c co n n o illa n c e de 10,000 liv. empruntées le 19 Juin
1 7 7 3 , par le M arquis de C a b r i s , alors m i n e u r , &: afliftc
de Seytre, fo n curateur..
R en te de i.,6oo 1. fans retenue , au principal de 32,000 1.
conftituée le 2.1 N ovem bre 1 7 7 j , par le M arquis de Cabris,
encore m in e u r, ôc ailiité de Seytre >fo n curateur. (2)
R en te
de
1,400
liv. fans
r e t e n u e , au principal
de
2,S^ooo liv. conilituée le 5 Mars 1 7 7 7 , par S e y tre , fo n d é
de la procuration générale du M arquis de Cabris , alors
majeur.
R en te de 900 liv. fans retenue, au principal de 18,000 1.
conftituée le 4 Juillet 1 7 7 6 , par Scycre, fo n d é de la pro
curation générale du Marquis de Cabris, alors majeur.
C es a£tes , qui portent les emprunts faits par , ou pour
le M a r q u is , à i i o , o o o l i v . , prouvent qu’ils o n t été fa its ,
partie pendant fa m inorité fie par fon c u ra te u r, partie pen
dant fa m a jo r ité , par fon fondé de procuration g én éra le ,
pendant l’abfence de fa
L yo n ; c e t o i t
femm e.
A lo rs elle étoit à
l’époque des troubles fcmës entre-elle
ôt
ion mari. Il faut être au-deilus d’un démenti , pour accufer
la M arqu ife de
Cabris des emprunts faits pendant Ton
abfence , facilités ôc autorifés par les A g e n s publics de la
tyrannie &C des déprédations d ont elle demande vengeance.
[ 1 ] Sceytre & A lzia ri faifoienc prêter cet argent , & eux - m ê m e j
c o m m e Procureurs des créa nciers, font faifir aujourd’hui les biens du
M arqu is de Cabris.
o
�i o6
II eft très-vrai que le Marquis de Cabris j
peu de temps
avant fon. interdiction , a donné à fa femme une procuration
à l'effet d’emprunter 2.0,000 livres; mais la Marquifc de
Cabris a-t-elle emprunté zo>ooo livres? N o n , elle n’a pas
emprunté un fol en vertu de cette procuration. U n e procu
ration ne peut exiilcr que par fqn e x é c u t io n , comme le
pouvoir ne ie manifefte que par fes eff ets. Lorique la M a r
quifc de Cabris n’a pas ufè de cette procuration, quelle abiurde méchanceté de dire qu’ elle l’avoit furprije à Ion mari
pour en aimj'cr!
A u iurplus, cette procuration eft la fe u le ; c’cft encore
une p etite malice de la dame de Lomb ard , ou de
ceux
qui la dirigent , d ’en avoir annexé deux aux Procès-ver
baux d’affemblee, lc de les appliquer toutes deux à la M a r
quifc de Cabris. Il feroit difficile de dire à qui la fécondé
étoit deftinée ; mais il eft certain qu’elle ne ro it pas deftinée à
une fem m e. L e nom du Procureur eft en blanc, ôi le Procureur
eft annoncé partout fous une dénomination mafcuune : fa
date prouve quelle a été fouferite vingt-quatre heures après
celle donnée à la Marquile de Cabris. La minute a toujours
été entre les mains de la dame de Lombard. T o u t imiique
que cette fécondé procuration avoit été réellement furprife
au Marquis de Cabris, pour révoquer celle donnée la veille
à fa femme.
A l’égard du T e f t a m c n t , dont on prétendoit autrefois
que les difpofitions avoient été connues Scdilcutécs lors de
l’Arret du Parlement d’A i x , la dame de Lombard convient
a u j o u r d ’hui qu’il eft m y fliq u c, ôC par conféquent clos & se
cret ; fi l’on pouvoit reprocher au Marquis de Cabris d’a
�107
v o ir .d é p o fé Ton teilam ent dans les mains de fa femme;,
quelle difpntc pourroit s’élever fur les diipoficions ignorées
d'un hom m e vivant ?
Q u e peuvent ces reproches v a in s , pour enlèvera la Marquife de Cabris l’honneur de la curatelle de Ton m ari?
N o u s difons l'honneur,
c’ell une obfervauon qui ré
pond à tous les re p ro ch e s, & qui prévient les-plus hardis
foupçons.
T a n d is que la dame de L o m b a r d , incapable par Ton âge
autant que par fa foibleilè , accufcc & convaincue de tant
d ’infidélités, demande à haute voix que ion fils foie inter
d it, pour administrer f e u le , fans fe c o u r s , fans confeils,
fes biens qu’elle a difperfés; la M arquifc de Cabris , forte
par f i jcuneile &c par l’expérience de fes malheurs , ne de
m a n d e , dans le cas où , contre toute juftice, fo n m ari feToit in terd it, que l’honneur d’être fa C u ratrice, & e.lle de
mande cet h o n n e u r , parce que ce feroit une injure de le
lui refufer. Elle ne veut point adminiftrer les biens; elle ne
veut que veiller fur la p erfo n n e , vivre auprès de fon m a r i,
réparer le défordre de fa fan té , tandis qu’ un confeil éclairé
réparera le défordre de fes affaires, & lui faire oublier ,
s il eff poilible , par toutes les douceurs d ’une vie tranquille,
les tribulations dont il a été iî long-temps tourmenté.
C ’eft conform ém ent à la demande de la M arquife de C a
b r is , que le plus grand nombre des P a ro n s , toujours dans
le cas de l’interdiction qu’ils n’approuvenc p a s , en la nom
m ant Curatrice honoraire, nom m ent M c C o u r t , Curateur
onérairc, ôc le foum ettent à l ’autorité d ’un confeil.
M e C o u rt cft celui que la Sentence du
6
A v r il
1784 a
provisoirement c h a r g é , iur la nom ination des p a r e n s ,d e
O ij
�108
l ’adminiflration dont la dame de L om bard a été dépouillée.
C ’eft un titre pour être ca lo m n ié ; il fuffit que M e C o u rt
foie appelé par les parens à la charge tant convoitée par la
dame de L o m b a rd , pour qu’on
reproches de négligence
8c
tente de l ’exclure par des
d’infidéliré. Q uels
reproches
dans la bouche de la dame de L om b ard !
C ep endant le choix des parens mérite d’être juftifié.
M c C o u r t , Procureur au Parlem ent d’A i x , jouit d’une
bonne renom m ée , qu’il doit à fa probité autant qu’à fes
lu m ières; il administre les biens du M arquis de Cabris
depuis environ dix-huit m o is; il a renouvelé une partie des
b a u x , ÔC ceux qu’il a renouvelés ont donné une augm en
tation annuelle de 5,000 liv.
L a d ame de L om b ard lui reproche de n’avoir fait verC ontre i «
c’ fer dans la caiiTe du Séqueftre, qu’une fomme de 1300 1.
tu u .
& de n’avoir point affermé les moulins à hui'e. La modicité
R é g isse u r a
de la dernière récolte préfente l’apparencc d’un défavantage
que le parti de la dame de Lom bard relève avcc une mauvaife-foi vraiment criminelle.
C es m o u lin s , affermés par la dame de Lom bard 20,000
li v r e s , ôc qui auroient dû l’être au m oins 14,000 livres,
n ’o n t rapporté l’année dernière que 7,5 6 9 liv. 7 fols 3 d.
Q u ’un hom m e né 6c vivant à Paris , dont les terres bor
dent les remparts de Paris , ne puifïc pas calculer les ré
coltes de P r o v e n c e , cette ignorance n’éronne pas; mais
que la dame de Lom bard , qui a vécu 70 ans fous les oli
viers Prov.cnccaux, affecte d ’ignorer que les produirions
de cet arbre font alternatives ; que la bonne 6c la mauvaife
ré o ltc fc fuivent avec cette régularité dont la Nature a
marqué tous les ouvrages : que cet ordre altern atif, général
�ro9
dans tous les cantons de la P r o v e n c e , cil encore plus fCnfiblc dans les cantons voiiins des m o n ta g n e s , & plantés de
vieux oliviers; que
la dame de Lom bard alfecle furcouc
d ’ignorer que l’année dernière a été vraimenr défaflreufe,
qu’elle n’a pas rapporté la moitié d’une mauvaiie ré co lte;
& qu’cllç a iîe & e cette ignorance pour en faire un reproche
grave & le m o t if d’un foupçon in ju rie u x , cette mauvaifefoi efl intolérable.
L a M arquife de Cabris a annexé à fa dernière requête
le certificat des C onfuls de G r a t te , donné le 29 Septembre
d e r n ie r , &. le certificat des C onfu ls de Cabris , par lequel
ils attellent que dans le terroir de G ra d e &
les terroirs
voiiins , la nature a divifé les récoltes des olives par bonne
& mauvaife a n n ée ; &c que la bonne année produit HUIT
fois plus que la maavaife.
Q u e cette différence énorme ne furprenne pas ; on peuc
promettre avec affurance que ces moulins à h u ile, qui n’onc
pas rapporté 8,000 livres l’année dernière , rapporteront
cette année plus de 50,000 livres.
L a M arquifc a annexé à fa dernière requête le com pte
(1) que M c C o u rt s e ft
cmprcfie d ’envoyer à la première
nouvelle des reproches de la dame de Lombard.
Il fa it, dans le préambule de ce c o m p te , l’obfcrvation
qu’on vient de lire fur la différence des récoltes , 5c il ajoute
q u ’ il avoit fait procéder à des enchères pour affermer les
moulins à huile ; mais que ceux qui avoient dcjjein de pren-
(1) Par le r-éfultat de ce c o m p te , M<-‘ C o u r t efl: en avance de 10 9 6 Jiv.
j f o l s 9 d.'; il a reçu 5798 l i v . 1 2 fols 6 d . & i l a dépenfe 6 8 94 livres 18
fols 3 deniers.
�1tO
dre cette F er m e, furent rebutés par de fa iffe s ctaintes que
certaines perfonnes du P a y s leur infpitèrent.
La dame de Lo m b ar d reproche donc au Regiiïeur de
n ’avoir pas fait ce q u e l l e , ou fes agens l’ont empêché de
faire.
Le Régiflcur obfcrve encore qu’il eft intéreflant pour le
Ma rquis de Cabris que fes moulins ne foient pas affermes
cette année , par deux raifons : d’abord , parce que la récolte
pendante doit donner un produit cxccdant deux années
de la Ferçne ordinaire , êc enfuitc parce qu’il pourra favorr
]c véritable produit de fes mouiins , qu’on ignore depuis
environ 10 ans.
Le Régiflcur répond avec la même énergie au fécond re
proche de la dame de Lombard.
En effet., n ’cft-il pas ridicule que la dame de L om b ard
fe plaigne de ce que la caille du Séqucitrc n’a reçu encore
que 1300 liv res, elle par qui les biens du M arquis de C a
bris ont été pillés pendant fepe a n s , &
font enchaînés
aujourd’hui.
L e R égiflcur obfervc tout ce qu’on a déjà vu dans le récit
des faits : qu’elle avoit exigé d ’avance 20,000 livres fur la
Ferm e des moulins
à h u ile , ôc environ 1700
livres du
Ferm ier de la T e rre de Blézardes. Il obfcrve qu’elle avoit
laiilé arrérager les im portions de la N o b lcile , la capita
tio n , la taille
8c
les intérêts dûs aux Créanciers légitimes
de fou fils, Sc qu’elle avoit négligé des réparations cflèntiçllcs.
Il obfervc que peu de temps après la, nomination du Sé~
�111
quef l re , (i) les rentes & revenus du Marquis de Cabris ju re n t
Jai fis pour les fr a is de f a tranßadon a P aris , & par d ’ autres
f a i f e s fa ite s a la Requête des fieur de G ourdou de Gras , 6
la D am e de S. Ce\aire ( z ) du fieur M a ß e , M ‘ de P en fo n a
P a ris , & de la Dam e Prieure du Couvent de Bon-Secours.
Il
oblcrvc que' toutes ces fa ifles ont été fu iv ies de celles
fa ite s a la requête des Dem oifclles de B o n p a r, du fie u r de
T a rd ivi , & du fieu r Courmes , Créanciers du M arquis de
Cabris , ( 3 ) & enfin par une autre à l.i requête de la Dam e
M arquife douairière, (4) de forte , ajoute le Régi fleur , qu’ il
n ’ a prefquericn reçu des Fermiers, dont les mains ont été liées
par les diverfes fin fie s.
Q u e la D a m e de Lom bard trouve une réponfe , s’il c il
pofîible. C es cfForts contre la probité & la capacité de l’iiom (1) C ’eft-à dire t peu de temps après la Sentence du 6 A v r i l 17 8 4 ,
q u i a enlevé Paiiminiilration à la D a m e de L om bard.
(1) Pour l’exécution de la tranfaétion qui porte le prétendu fnpplém ent de légitim e à plus de 100,000 liv., tranfaétion annullée par l ’A rrêt
du C o n fe il.
(3) C e fo n t les créances facilitées par A lzia ri & nutorifées par S e y t r e ,
c o m m e curateur , ou c o m m e fo nd é de pouvoirs du M arqu is de C a b r is ;
&: aujou rd ’h u i , c’oft: Seytre } c’eft A lzia ri qui fe trouvent Procureurs
des créanciers, & qu , en cette qualité ; pourfuivent & font faiiir les
biens.
-
(5) N ’eft-on pas étonné ou indigné de voir la D a m e de l om bard fe
préfencer elle - m êm e c o m m e créancière de fon f i l s , lorfqu ’elle a diilïpé
plus de 100 m ille écus fur fes r e v e n u s , lorfqu’elle a grevé fes biens de
plus de 100 m ille écus de dettes ? N ’eft on pas ind ign é de la v o i r ,
comme créancière 'de fo n f i s , failli' & enchaîner dans les mains des 1e r m i e r s , les revenus de fon fils , & fe plaindre de ce que les revenus de
fun fils
ne font pas dépofes dans la caiiTe du Séqueftre ?
�1I
X
me appelé par les circcnftances 5c par la Fa mil le , a 1 adminiftration des biens , atteftent l’inutilité des calomnies hafardées contre la Marquife de Cabris , qui ne veut pas adminif*
trer ; Si dans ces reproches infeniés , on voit plutôt le défefpoir du fuccès certain de la belle-fille , que l ’cfpoir de réuilîr
elle-même.
Elle cil il loin d’efpérer , qu’on annonce autour d ’elle que
dans l’impoilibilité de la nommer curatrice , les Juges n o m
meront un curateur d’office , autre que ceux indiqués par
les parens.
C e fyftême tient du délire qui agite tous les fyflêmcs de
l ’aiTociation. 11 faut une caution à l’in terdit, co m m e au pu
pille. Les pareils nominateurs (ont cautions du curateur q u ’ils
nomment. Les Juges doivent confirmer leur choix , s’ils ne
veulent pas être eux-mêmes cautions du curateur qu’ils fubfûitueroienc au choix des parens. Leurs fonctions refpe&ables font déjà trop onéreufes, pour leuriuppofer ledefir d’en
augmenter le fardeau,
D a n s l’efpècc , il faut donc fe décider entre deux perfonnes préfentées par la famille , la mère & Tépoufe du Marquis
de Cabris.
E t c o m m en t balancer ? Sa mère cft rejetée par la loi. Elle
cft comptable d’une curatelle déjà e x e r c é e , d ’une curatelle
fouillée de tous les abus que l’incapacité, l’infouciance &c l ’indélité peuvent accumuler. Elle cft comptablcde toutes les d i
lapidations qu’elle a autorifées ou fouftertes ; elle cft compta«
ble d’ un mobilier immenfe difperfé,destitrcs fouftrairs fans in
ventaire & au mépris des fccllés bi ifés, des baux faits par an
ticipation ôt fous lignaturc privée,iignes perfides d’un prix in-r
ferieurau véritable prix
elle cft comptable des bois coupés
fans
�M3’
fans nécelîîtré-, des terres abandonnées- fans redevance
des pertes eliuyccs par le retard des 'rçpcarations urgentes.
Elle.eit comptable des dans confidérablcs faits à les gendres
fous le prétexte & Je nom de légitime , des foixante mille
livres dont elle a payé les trahiions d e S e y t r e , de toutes les
rapines exercées par les fubaiternes, par A l z i a r i , qui oioit
fe couvrir de ion n o m , ôc de ion pouvoir pour piller les reve
nus de ion fils.
Elle effc comptable des tourmens que ion fils a foufFcrts
dans fon propre C h â t e a u , des privations qu’il ép ro u vo ita u
milieu de fa f o r t u n e , au milieu de ceux qui dévailoient fa
fo r tu n e , . d e s atteintes portées à l'on exiftence., des alimens
contraires à fa fan té , des haillons dont il étoit c o u v e r t ,
des injures qu’il en te nd oi t, des coups qu’il r e c c v o i t , fous la
main même de fes valets. Elle cft comptable de tout ce qu’il
a enduré à P a r i s , dans l’humiliation &C le befoin , redevable
de fa vie au crédit d ’un Maître de Peniîon , lorfqu’clle le
v o ÿ ô i t , lorfqu’clle lui p àr loi t, toute cha-gée des revenus
de fa T e rr e , du prix de fon argenterie
6i
de fes boucles
d ’or.
T e l l e cft l’indignité de cette ancienne curatrice, qu’un
étranger,un inconnu, un habitant desplus lointaines régions,
lui feroit préférable Sc préféré.,
s’il étoit queftion d ’une
nouvelle curatelle.
L a femme de fon fils, aux droits que la Loi lui d o n n e ,
unit les droits de la nature , de ia famille, de fon é t a t ,
:dc fa tendrefle , do nt d i e a donné des preuves éclatantes.
S e u l e , . e l l e a défendu fon époux, courte tous fes parens
ennemis; & pour la v o i r défendu , elle a traîné trois années
.de fa jeuncüc lous^un joug aviliiTanr. Pleine du courage
P
�ii4
qui l’anime c n c o r c , elle n’a briie Tes fers que pour brifer
ceux de ion épo ux , pour l’arracher des mains qui s’appefantifloient fur lui , pour le placer fous la fauve-garde d ’un
Tribunal plus propice. S e u l e , elle l’a accueilli foiblc &
dépouillé; elle l’a foigné , habillé &C nourri , fans autre
créJic que fa p ar ole , fans autre fccours que ceux de fes
amis , aux rifqucs de fa dot & de fes elpérances. Dans ce
mom en t encore , elle ne détend contre
l’intrigue Sc la
c a l o m n i e , que la douceur d’être auprès de l u i , de veiller
fur fon repos &. fur le bonheur de fa fille. Elle rejette les
foins. &î les foupçons inféparablcs de toute admmiftration
pécuniaire : elle ne prétend qu a l’honneur d etre époufe
&. mère.
M a i s , pourquoi ce parallèle ? pourquoi ce combat fur
la curatelle du Marquis de Cabris ? La curatelle ne peut
exifter que par l’interdiction , & le Marquis de Cabris ferat-il interdit ?
J
N o n : l’interdiition eft impoflible, parce qu’elle eft injufte ; elle clt injulte , parce qu’elle eft inutile.
Elle ne pourroit avoir que deux objets : la fureté de la
perfonne, & la fureté des biens.
Depuis que le Marquis de Cabris n’eft plus fous le bâton
de fes valets , fa perfonne eft en fureté : fes biens feront
confervés par les précautions que laJuftice fait prendre dans
de telles circonftances , par les foins aifidus &: éclairés d’un
Confc il relpcctablc.
Qu el avantage de plus pourroit promettre l’intcrdi£tion ?
Elle feroit utile fans doute , mais feulement à ceux qui
la provoquent.
Elle feroit utile à la dame de Lom bard , pour couvrir
�ir5
d ’une impunité éternelle les abus dont elle eft coupable ;
aux parens qui l’ont protégée, pour fe fouftraire à la caution
qui les menace ; à fes A g e n s fubalternes, pour petpétuer
leurs rapines; à S e y tr e , pour conferver les 60,000 liv
fi
juftement acquifes ; aux beaux-frères, pour légitimer , s’il
étoit p offible , le prétendu fupplément de légitime ; au
C o m t e de G r a ffe , pour unir fon fils à la fille d’un homme
q u ’il veut noter de f o lie ; au Marquis de Mirabeau , pour
exercer librement l’empire qu’il fe promet fur les perfonnes
& fur les biens.
Si ce genre d'utilité étoit une raifon légitime de l 'interdiction , il faudroit fuppofer à la Juftice, à fes M i n i ftres,
le droit & la penfée d’immoler à l’affemblage bizarre de
tant d’intérêts odieux , la fortune & l’exiftence du M a r
quis de Cabris , l’honneur de fa fe m m e , & le bonheur de
fa fille.
S ig n é t
M ira b e a u
C H A M B R E
Me DU
,
D U
M ar qui fe de Cabris.
C O N S E I L .
V E Y R I E R ,
de
Avocat.
N orm an d ie,
Procureur.
D e l’ imprimerie de P . G . S I M O N & N .-H . N Y O N ,
Imprimeurs du P a r le m e n t , rue Mignon , 1 7 8 5
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Du Veyrier
De Normandie
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
créances
experts
régime alimentaire
alcool
dénuement vestimentaire
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame marquise de Cabris, défendant à l'interdiction de son mari ; Contre la dame de Lombard, marquise douairière de Cabris, poursuivant l'interdiction de son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de P. G. Simon et N.-H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
115 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0115
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53989/BCU_Factums_V0114.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
alcool
assemblées de famille
bibliothèques
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
inventaires
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53990/BCU_Factums_V0115.pdf
d266c98a4f9470ea40bba1d17ac30bb5
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Text
M
ET
P O U R
É
M
O
I R
E
CONSULTATION
M adam e la M arquife
de
C
a b r i s
,
b e lle -fille , défendant l’interdiction de fon m ari;
CONTRE
de Cabris , Douairière ,
Madame d e L o m b a r d S a i n t
B e n o i t y Marquife
pourfuivant linterdiclion du Marquis de C a b ris,
fon fils , pour caufe de démence.
V IC T IM E S
malheure ufes des com p lo ts, de cabales
combinées , le marquis & la marquife de Cabris fe font
vus l’objet de perfécutions méditées dès les premiers inftans où leurs nouveaux engagemens dans la fociété fembloient devoir leur en affurer les douceurs.
D ’ambitieux collatéraux , retenus par un pere refpectable, ne gardent plus de mefures dès qu’ il a ceffé d’être.
Ils trouvent bientôt le moyen d’introduire le défordre
A
�dans une maifon où régnoit l’union; on favorife les goûts
d’un jeune homme qui commence à jo u ir; on fe m énage
par les dépenfes où on le précipite le moyen de le perdre ,
ati moins pour prodigalité. Les gens d’afFaires font changés,
la cabale fait expulfer un homme en poiTeilion de la con
fiance du chef de la famille depuis trente ans , elle lui
fubftitue un agent de fa main , d’abord fous le nom de
curateur pendant la m in orité, devenu enfuite agent gé
néral & Confeil intime.
D e nouvelles circonftances produifent bientôt d’autres
combinaifons.
Des reproches de manque de parole faits au bailli de
Mirabeau , refufant d’acquitter un fupplément de doc
promis d’honneur à fa niece , Sc accepté par le mari.
Un prêt fait à une belle-mere dans l’indigence , fuppofé
depuis employé à la fouftraire à la tyrannie fous laquelle
elle languifloit avec la fortune la plus brillante, devinrent
des crimes irrémiiïïblcs aux yeux de ceux que ces récla
mations contrarioicnt.
En 1 7 7 6 le Marquis de Cabris envoyé fon époufe
auprès de la marquife de Mirabeau , malade à Paris, où.
elle pourfuivoit fa demande en féparation contre fon
mari ; fes foins fc bornent à ceux qu’exige l’état de la
malade..
Aufli-tot quelle eil rétablie , fa fille fc retire au co u
vent de Popincourt. La marquife de Mirabeau déboutée
de fa demande , rentre dans la maifon de fon m a r i, elle
en cil enlevée huit jours a p rè s, &
maifon de f o r c e ,
qui
conduite dans une
n’étoit faite ni pour fon é t a t , ni
pour fon âge ; fa fille follicite 6c obtient la permiifion de
�3
la v o i r , , clic en reçoit des pouvoirs, eHc.n'cn fait 4'autrc
ufage que de révoquer les plaintes rendues contre le. mar
quis de Mirabeau , & de chapger les,jÇppfcils. -Tout cil
•notifié à.celui qui-cn étojt l'o b je t, pour l’epg^gjçrà, traiter
avec plus, d ’égards la mere de douze, encans.
H uit jours après , ordre du Roi qui exile à Lyon cette
fille q u ia v o it voulu calmer les troubles domeftiques; elle
fait des repréfentations aux M in iftr e s ';, quatorze jour,s
après l’ordre eiV révoqué, elle retourne tout de,fixité au
près de Ton mari , qui , inftruic. de ce qpi sfei^ pa0e,,
adrefle fes repréfentations aux Miniftres , & fait-les re
proches les plus vifs à M . le marquis de Mirabeau qu’il
regarde comme l’auteur de cet a£bc furpris à l’autorité.
La cabale fentit alors qu’il falloir hâter, l’cxéçuxiçn du
projet combiné depuis fi long tems.
Q uand le marquis de Cabris étoit en P r o v e n c e , & fa
femme à Paris , on avoit cfpéré perdre le. mari par les
gens dont on l’avoir entouré ; dans l’opinion que fon
anéantiiïement faifoit retomber la femme f o q s ,la puiffance de fon pere, on penfoit que le même coup les frapperoit tous les deux; réunis ils paroifloient redoutables à
la cabale ; il falloir les détruire avant que la confiance
fut parfaitement rétablie par Pcxpulfion des gens d ’af
faires. Quelques accès de vapeurs qu’eut le marquis de
C a b r is , fournirent le prétexte d’une demande en inter
diction. Il ne fut queftion que d’alFcrmir la perfonne de
puis longrtems pratiquée ( i ) , de la déterminer à intenter
cette a£tion honteufe Si flétriflante pour fa poftérité.
( i ) V o ici cc que dit la dame douairière de C abris e lle -m ê m e page 1 8 , pre-
A ij
�4
La dame de Lombard , douairiere de C a b r i s , alors
âgée de foixante a n s , avoit paiTé fa vie dans une apathie
complette , uniquement occupée de Tes petits exercices
domeftiques , 6c de la confervation de fa fanté ; on l’avoic
vue dans fa jeunette abandonner un mari eftimable 8c
refpe£té de Tes égaux, aux foins de quelques amis tendres
qui lui a v o ie n t rendu la fanté qu’il ne pouvoit recouvrer
dans fa maifon. Sa femme n’avoit jamais figuré dans l’adminiftration intérieure d’une fortune parfaitement con
duite 6c beaucoup augmentée ; mais elle avoit développé
des talens pour la perfécution; de deux filles plus im m é
diatement foumifes à fa furveillance , l’une avoir été
forcée de fc faire religieuse, & l’autre avec plus d’énergie
dans la m e , réduite à fo rc e de mauvais traitemens pu
blics , à l’état malheureux où on a voulu depuis conduire
le marquis de Cabris. O n la détermine contre lui par l’appât
flatteur du co m m a n d e m e n t, on lui préfente la difpofition de cinquante mille livres de rente attachée à la curarâtelle qu’on lui p rom et, iî elle veut demander l’interdi&ion. O n lui fait voir l’anéantiflement de fa belle-fille
tom bant fous fa puiiTance comme une propriété de l’in
terdit , où rentrant fous l’autorité paternelle du marquis
de Mirabeau , on lui p ro m e t, à tout évén em en t, de l’en
débarraiTer par la voie de l'autorité.
Les cabales fe mettent en m ouvem ent; îc bailli de
Mirabeau arrive à G r a t t e , il loge chez la dame de L om
bard , le marquis de Cabris 8c fa femme fe préfenterrt
m icre lign e du mémoire : « depuis long-tem s les parens de la fam ille me peignoiinfc
» com m e in évitable la rcffourcc de l’in te rd i& iaiu
*
�5
inutilement pour le v o ir , ils font conftamment refufës ;
s’ ils écrivent à leur mere & à leur oncle , leurs lettres
refirent fans rép o n fe, le bruit fe répand à Gratte que cc
ch ef de la c a b ale a Tes poches pleines d’ordre du R o i ,
pour punir ceux qui oferont s’oppofer à fes volontés im périeufes , qu’on veut faire interdire le mari & enfermer
la femme pour le refte de fes jours.
Aufli-tôt paroît une demande en interdi£tion j des té
moins domeftiques ou gagiftes de la dame douairiere de
Cabris , des gens de la lie du peuple , qui ne vivoient
point avec le prétendu malade , font entendus dans le
fecrct , avec l'appareil d’une procédure criminelle , ils y
d é p o fe n t, fuivant le vœu de ceux qui les produifent ; le
prévenu cft interrogé, & répond trop bien pour les vues
que fe propofe la ca b a le , il écrit fa défenfe de ia m a in ,
il demande à faire preuve par témoins de fon bon fens ,
l’enquêce lui eft a c c o rd ée, le juge mieux confulté fe hâte
de retirer cette grâce , quand on voit que la preuve peut
devenir complette ; le prétendu malade aflemble à Ton
château la communauté de fes habitans de Cabris , &c
tranfige avec eux fur des conteftations fufeitées par les
agens de la cabale pour lui aliéner l’amour de fes vafTaux ;
on crie au fief immolé ; le juge eft réeufé , la récufation
jugée contre le marquis de C abris, il le déclare atteint 8c
Convaincu de démence & l’interdit.
Plus de dix familles de parens diftingués habitent la
mêm e ville , on ne demande point leur fuffrage , qu’on
eft aiTuré qu’ils n’accorderoient pas à une iniquité con
duite fous leurs yeux. T o u t fe paiTe entre le religieux
p ro fè s , votant en fon nom , deux beaux-freres 6c deux
�6
des parens de l’un de Tes beau x-frcres, qui ne l’étoient
pas du marquis de Cabris. L a cabale y a jo u te , pour faire
n o m b re , les noms de quelques parens de demeures éloi
gnées , donc la plupart ne connoiilent pas le malade ,
même de v u e , 6c qu’on fait voter par des procurations
non annexées 6C qui n’ont jamais paru.
L e marquis de C a b r is , fa femme
leur enfant fe
trouvent mis tous les trois fous la curatelle d’une'femme
incapable, qui n’avoit jamais géré d'affaires, &L qui avoit
elle-même befoin d’un curateur pour les fonctions qu’oti
lui confioit ; on l’auto rife, non à remettre à ces trois pu
pilles fa fomme arbitrée pour leur fubfiftance, mais à en
faire l’emploi pour eux.
Les votans portent toute leur attention à ménager les
intérêts du procureur qui venoit de défendre à la demande
en interdiction du marquis de Cabris , fon curateur dan?
la minorité , fon procureur fondé depu is, l’homme dépofitairc de toute fa confiance, que les beaux-freres avoient
placé auprès de lui auiîi-tot la mort de fon perc.
L a curatrice eft chargée d’acquitter ce qui eft du à ce
procureur , fans aucun titre. V oilà le premier a£tc de
générofité de la cabale , il en furvint bientôt d’autres.
Le Marquis de Cabris étoit appelant de la fentence
d ’interdi&ion ; pendant qu’il fuit fon appel k A ix , les
portes de fa maifon font enfoncées, en vertu de cc juge
ment rendu fur fon état civil; fes meubles font dilperfés,
fes domeftiques cxpulfés; la curatrice perçoit fes revenus;
le juge dépouillé par l’a p p e l, l’autorife à faire faifir les
prétendus pupilles eu x-m êm es, pour les ramener en fon
pouvoir.
�7
T o u t femble confpirer la perte de l’opprimé , il de
mande à être mis fous la fauve-garde de la Juftice , Ie
Parlement le refufe ; il veut Te faire interroger par un
Com m iflaire de la Cour , ôC n’y parvient qu a grandpeine. U n e ordonnance permet à la curatrice de faire
exécuter par provifion la fcntcnce d’appel , on n’en ex
cepte que les perfonnes. A vec, tant d’avantages on redoutoit encore la défenfe du marquis de Cabris , tant qu’il
auroit fa femme à fes côtés.
Le 1 4 F é v r ie r, au milieu de la n u i t , elle eft enlevée
du lit de fon mari par des cavaliers de m aréchauflee, 8c
conduite à vingt lieues dans un couvent de la M o n ta g n e ,
où toute communication lui eft interdite ; fon mari préfente requête au P a rlem en t, pour qu’elle lui foit rendue,
com m e néceiTaire à fa défenfe; la demande eft jointe au
fo n d : il veut l’aller v o ir , il eft arrêté lui-même par un
huiifier efeorté de maréchauflee , en vertu d'un arrêt de
ce même P arlem en t, qui lui avoit rcfufé quelques jours
auparavant de le mettre fous la fauve-garde de la Juftice.
Sa fille lui eft également enlevée 6c mife entre les mains
de la curatrice. Enfin il eft ramené dans les mêmes mains,
& la mere aiFe£te encore , après c e l a , de faire plaider la
caufe , pour avoir un arrêt confirmatif ; il eft prononcé
le 1 i Avril. Dès ce moment le m a r i, la femme & l’en
fant paiTent, avec leur fortune , fous la puiflance de la
cabale.
Ici s’ouvre la carriere de deux procédés ; la curatelle1
s’étend fur les perfonnes & fur les biens ; le marquis de
Cabris n’étoit pas fou , mais il falloir le rendre tel, pour
prévenir &. empêcher tout retour : on place auprès de lui »
�ê
à i 1 0 0 liv de gages , le nommé A lziary , homme connu
par fa vie fcandaleufe , on lui entretient une table ou
verte pour fes aiTociés , où le maître n’eft admis que
quand il leur plaît. D eu x payfans en fous-ordre , gagés
pour le fuivre dans des inftans de liberté , ont l’ordre trop
fcrupuleufemcnt exécuté , de contrarier fes volontés ; la
moindre réiiftance, le plus leger fouvenir des droits de
fa raifon , font fur le champ punis par des coups i il
pafTe fa vie lié 8c garotté , 8c ne peut obtenir de voir
lâcher fes fers , que lorfqu’il parvient à plaire à cet
Alziary.
Sa mere , trop occupée de fa propre fanté pour le
venir vifiter dans fon ch â tea u , à trois quarts de lieue de
la ville de Gratte qu’elle habite , patte des iix mois fans
le voir.
Livré à des domeiliques qui veulent épargner leurs
peines, il couche fans drap s, & pour groiïïr le bénéfice
de la curatrice , k laquelle les parens avoient déterminé
une penfion fixe , 011 le laitte fans vêtemens , point de
médecin , 6c pour tout chirurgien celui du village, quand
il vient pour le rafer.
La femme initruice du fond de fa prifon , préfente en
1 7 7 9 une requête au Juge, pour faire conftater ces indi
gnités. C e juge prévenu , ordonne fon tranfport à Cabris.
Le jour convenu avec la curatrice , il l’y trouve dînant
avec fon fils; on rettufeite l’homme dont on avoir éclipfé
l’exiftence ; fon dire eft configné dans le procès verbal ;
on met dans fa bouche l’éloge de l ’adminiftration de la
curatrice , Sc on lui fait rejeter avec mépris les fecours
généreux de fa femme.
Leur
�V
L eu r fille u n iq u e , héritiere ci’un nom diftingué & do
de j o o o o liv. de re n te , e'ft mife dans le couvent de
G r a d e , k deux cent livres de peniion par année; fon édu
cation fe borne à quelques mois d ’ un maître d ’ écriture , 8c
aux petits exercices des coilvens de province.
L a femme enlevée dans le tems du procès d’interdic
tion , efl: releguéc dans un couvent où les pendons font
de cent quatre-vingt livres. L a cabale avoit arbitrairement
fixé la ficnne à cent louis > à prendre fur les trois mille liv .
que les parens avoient réglées pour fa dépenfe perfonn elle , 6i que le Parlement a portée à quatre mille liv'.
V o ilà ce que l’on fait à l’égard des perfonnes.
Les gens d’aiFaircs il utiles à l’interdi&ion, reçoivent
bientôt des récompcnfcs proportionnées aux ferviccs qu’ils
ont rendus pour la faire prononcer.1 Ils font mis en pofíe ilion d’ un mobilier de 8 0 0 0 0 livres, ils en difpofcnt
à. leur difcrécion , ils ne font i n v e n t o r i e r que ce qu’ils ne
croyent pas mériter leur attention ; pas un feul titre in
ventorié , les archives immenfes des te rre s, tous les titres
de famille font o m is , cet inventaire cil -figné par lacuratrice 6c par deux parens dévoués qui n’y afliftent ni
les uns ni les autres.
L ts biens font affermés au-deflous de ce qu’en avoic
trouvé le Marquis de Cabris lu i - m ê m e ; on donne des
pots de vin , on paye des termes à l’avance , les baux
font livrés à des fermiers fournis par les procureurs qui
pourfuivoient 6c défendoient l’intcrdi&ion. Les prétendus
parens ayant gratuitement fuppofé qu’il cft dû à l’un
de ces procureurs (le fieur Seytrc), autorifent la curatrice
à vendre 6c à emprunter pour cela ; elle lui accorde généB
�Io
jeufement é i'oo-o Livr , fom m e déléguée aufli-tot par des
mandats acceptés des ferm iers, qui deviennent p a r-ta
débiteurs perfonnels du délégué.
O n démolit des bâtimens faits depuis peu , fous les
ordres Sc fur les devis de cet homme d’affaires.
O n en conftruit de neufs h grands frais.
O n détruit des jardins plantés par le propriétaire avec
foin
5c avec beaucoup
de dépenfe, on en fait des cham ps,
o n ^ e répare rien , on laiiîe tout périr.
L ’anéantiiïement des deux époux prévenoit les incon-?
véniens d’une plus grande lignçc , fie laifloit aux beauxfreres l’efpoir de partager les fubftitutions des biens aux
quelles leurs femmes font appelées ; mais le marquis de
Cabris avoit, ,unc fille , 6c elle pouvoir vivre.
Les beau x->frères renouvellent une prétention de légi
times de leurs fe m m e s , fixées par le reftament du pere
com m un à 8 o o o liv. de fupplémem 3 & que- le marquis
de Q ibris avoit généi-eufement acquittées beaucoup audulà par une fomme. de z o o c o liv. payées en 1 7 7 5 à
chacun d’eux.
L a curatrice fait un compromis avec fes gendres , &
par une tranfaclion elle leur affure dès à préfent une fomme
d’environ 2 0 0 0 0 0 liv . acquittée en partie par des em
prunts s le furplus délégué fur les biens de l'on fils, a,leur
choix.
A v ec 5 0 0 0 0 liv. de revenus dont on faifoit dépenfer
moins de 6 0 0 0 liv. aux propriétaires > fans autres charges
que les engagernens fuggérés par la cabale , on etoit tou
jours à 1 étroit dans l’adminiftration.
Les prix de ferme étoient délégués à l’avancc aux gens
�1I
d’affaires & aux fous-ordre:; la voie des emprunts éroit
é p u ifé e , les billets de la curatrice devenus le rebut de '
la place de GraiTe.
L ’anéantiiTement de la trarrfa£tion paffée entre le rhatquis de Cabris & fes vaiTanx Hu moment de l'interdiCtiOn *
fait efpérer à la cabale une preuve complette de
la
fuppofée démence. L a curatrice n’ofe attaquer directe
ment cet a£te confenti par celui qu’e lle repréfente : on
le fait attaquer par le fermier ; il fuccam be , & lfe Par
lement d’A ix qui avoit reçu la dénonciation doucette
tranfaction comme une preuve de l’aliénation d’efprit
du marquis de C a b r i s , confirme trois ans après ce mo
nument de fa fa g e fle , Sc condamne le fermier à de
gros dommages & intérêts envers la com m unauté; répa
ration que les gens d’affaires , îniligateurs de la démar
che , engagent la curatrice d’acquitter aux dépens du
fonds.
' •
t
T o u t étoit perdu , les deux époux, leur enfant unique
& leurs biens, fi la femme n’eût fait entendre aux pieds
du T rô n e fes gémifTcmens & fes’ cris.
Le Sou verain, dans le fecret de fa ju ilice, charge fpécialcmcnt un m iniftrc(M . Lcnoir, Confeiller d’Ètar) digne
de fa confiance d’être le protecteur du foible, de lui faire
un fidelle rapport des malheurs de la marquife de Cabris.
Elle cft admife , non pas à fe juftifier d’accufations
connues , mais on lui permet de donner le journal de fa
vie ; auili-tôt fa liberté lui eit rendue.
Elle n’en profite que pour fecourir fon mari & fa fille,
pour recouvrer avec eux leur état & leur fortune.
L e moment étoit décifif; il ne reftoit plus à la cabale,
B ij
�11
pour confommcr Tes entreprifes , que de difpofer de cette
fille unique , elle approchoit de fes douze ans ; d ’accord
fur tous les moyens de l’oppreflion , les chefs de la cabale
fe trouvoient divifés fur ce point ; chacun vouloit difpofer de cct enfant ; tous cherchoicnt à fe tromper , la
c u r a tr ic e , fans volonté à elle , recevoir toutes les imprefiions de ceux qui prenoient alternativement des avan
tages fur fes entours.
Les foins & le courage, de la nicre préviennent ce façrifice.
Ses plaintes portées aux pieds du T rô n e , Paine com~
patiflante du Souverain eft émue du récit de tant de
m a u x , fa, juftice eft éclairée par les juges refpcttablcs qui
com pofent fon Confeil ; un premier arrêt ordonne que
le Parlement d’A ix enverra, dans un mois pour tout délai,
les motifs de fes jugemens &: les procédures faites contre
le marquis & la marquife de Cabris.
A rrê t définitif du i 5 A o û t 1 7 8 3 , qui caffe & annulle tous ceux du Parlement de Provence 3 la fentence de.
GraJJe qui prononce l ’ interdiction du marquis de Cabris
notamment l'avis de parens qui nomme la curatrice } enfem ble tout ce qui a pu s'enfuivre ù s'en ejl en fu iv i, ordonne que de l'ordre exprès de Sa M a je jlé 3 le marquis de
Cabris & la demoifelle de Cabris f a fille feront amenés dans
cette ville de Paris
le pere 3 pour être mis dans une
maifon de fa n té du choix de Sa M a je jlé , & la fille 3 dans
le couvent de Bon-Secours.
Sur la demande en interdiction , originairement formée
par la mere du marquis de Cabris contre fon fils 3 les
Parties renvoyées devant M . le Lieutenant C iv il du Châ-
�15
-telet 3 f a u f Vappel au Parlement de Paris 3 ou. lefdites
deux dames de Cabrif j belle-mere ô bru 3 formeront telles
demandes qu’ elles aviferont 3 toutes les chofes demeurant
en état.
C e t a£te de la bienfaifancc & de la juftice du plus
clément des M o n a r q u e s, uniquement occupé du bon
heur de Tes fujets , n’attere pas la cabale.
L e iieur Seytre écrit le 2 7 A o û t 1 7 S 3 à celle-même
qui avoit obtenu cet a& e de jufticc :
Q u e la dame Lom bard en a reçu la nouvelle de
M . le marquis de M ir a b e a u , avant que perfonne en aie
été inftruit dans le pays x
E t qu’ i l lui mande 3 ne vous alarme\ pas 3 madame ,
fu r cet événement 3 c’ efl un arrêt rendu fu r requête fans
vous entendre 3 & une fimple oppofition de votre part en
fu fpen d l ’ exécution.
L ’officier chargé de l’exécution de l’arrêt du Confeil trouve la demoifellc de Cabris n’ayant pour tout linge
que quatre chemifes 3 fans coiffure & fans jupes , avec la
feule robe de toile qu’elle avoit fur le corps.
Les ouvriers travaillent toute la nuit pour finir le feul
habit que le marquis de Cabris ait apporté : on y joint
d ix-n eu f chem ifes, il n’avoit ni mouchoirs ni bas. L ’offi
cier ne peut obtenir pour lui Sc pour fa fille , qu’ on leur
f&urniffe le linge dè h t & de table dont ils vont avoir
befoin.
L ’arrêt du Confeil des dépêches ordonne que les frais
de tranflation feront pris fur les biens du marquis de
C a b r i s , fa fubfiftance, celle de fa fem m e & de leur fille
�14
doivent aufli leur être fournies des memes f o n d s , tous
fans exception , entre les mains de la curatrice ; l ’officier
chargé de l’exécution de l’a r r ê t , la fomme inutilement
de facisfaire à ces devoirs que la nature lui im p o fe , que
la juftice exige de ceux qui ont entre les mains les biens
des autres, ÔC que l’arrêt mis à exécution , ordonne précifémenr.
A v e c un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. paiïe entre les mains
de la cu ratrice, plus de 3 5 0 0 0 0 liv. par elle touchées
des revenus des biens pendant les fept années de fon
ufurpation , elle ne peut fournir les frais de tranflation ,
elle a difpofé du linge même trouvé dans la maifon de
fon f ils , elle ne peut pas en donner pour l’ufagc indifpenfable des propriétaires , elle refufe de quoi payer le
premier quartier de leur penfion.
Il 'faut qu’ une femme , qu’ une mere infortunée , le
jouet des perfécutions & de la tyrannie de la cabale ,
luttant depuis Jept ans contre la tyrannie ëc l’injuftice ,
épuifée à pourfuivre des fantômes oppreffeurs difparus
dès qu’elle a pu les faiiir , il faut qu’elle avife aux frais
de tranflation de fon mari & de fa fille , il faut qu’elle
feule les pourvoyc de linge de toute efpece , qu’elle les
habille , qu’elle les meuble , qu’elle les nourriiïe , ainiî
qu’elle-même , qu’elle procure au perc les fccoursde fanté
qu’exige fon é t a t , ôc à fa fille l’éducation dont fon âge
eft fufceptiblc , fur la feule relTourccf'dc íes amis ôc d ’em
prunts trop multipliés pour n’être pas onéreux.
S'il pouvoir encore refter quclqu’apparcnce de réparer
promtement les vides ! L a curatrice a reçu d ’ avance deux
années du prix des fermes , elle a enlevé du château le
�M
peu de meubles qui y reftoient, les maifons de ville
de campagne font dévaftées.
L a vaiiîelle d’argent efl mife en gage, il n’y a pas j u f
qu’aux boucles d’or de Ton fils qu'elle n’aie arrachées defes pieds la veille de fon déparc, & qu’elle a vendues pour
venir le pouriaivrc en cette ville ( i ).
Les Parties renvoyées à un nouveau T r i b u n a l, la ca
bale y reprend fes anciens erremens ; une femme feptuagénaire quitte pour la premiere fois fa retraite , à deux
cent lieues de la capitale ; y vient-elle apporter du pain
aux opprimés qu’elle en prive depuis long-tems? Non ,
elle annonce des avances dont elle demande le rembourfement par privilège fur les rentrées échappées à la vigi
lance de fes agens ; y vient-elie donner à fon fils des
fecours de fanté ? 'Elle ne le voit que pour renouveler à
fes organes la réminilccncc des mauvais traitemens exercés
contre lui , elle fe fait accompagner du iicur A lziary qui
en a été .l’i-nftrumcnt ; amené à grands frais en cette ville
pour reprendre fon c a p t i f , pour le rejeter dans les fers
que l'humanité d’un M onarque bieiifaifant a brifés.
Si l’on défefperc de cet avantage , on peut au 'moins
s ’en ménager d’autres , à la faveur de l’afcendaot qu ’une
longue c i cruelle habitude procure iur I’eiprit de ceux
q u ’on a tenus fous fa loi : on peut furpremlre au marquis
de Cabris un arrêcé de compte qui couvre les vices de
l’adminiftration ; on peut extorquer fon confcntemcnt à
la difpofition déjà projetée de fa fille unique.
( t ) C ’ cft le fieur R a b a is , o rfeyrc Je G r a llc , qui les a achetées depuis le dépare
«lu marquis de Cabris.
�TS
U n e affemblée de famille eft indiquée chez le M ag iftrat le 2 o D écem bre; des parens &. am is, illuftres par
leur naiflance , diftingués par leurs grades 6c par les
places qu’ils o c c u p e n t, démontrent l’oppreffion exercée
par la cabale : les interrogatoires du marquis de Cabris
devant les Juges de Provence, les dépofitions de témoins
refpe£tables entendus fur les lieux , les actes paifés par le
prétendu malade dans le tcms même des pourfuites, pour
le faire déclarer en d é m e n c e , font mis fous les yeux du
Juge ; on d é velo p p e, on rapporte les preuves des mau
vais traitemens exercés fur la perfonne : les actes multi
pliés des abus de l’adminiftration de la prétendue cura
trice font repréfentés, elle eft forcée d’avouer la difperfioa du m obilier, la difpofition à fon profit de la vaijjellc,
d ’ argent 3 jufqu’à la vente des boucles d ’ or de fon fils. O n
lui repréfente les quittances de ces recettes anticipées ,
toutes les voix s’élevent pour la forcer à donner des alimens aux propriétaires de ç o o o o l i v . de re n te , dont les
revenus font encore dans fes mains , tous les vœux fe
réunifient pour la priver de ce refte d’une ufurpation
anéantie par l’arrêt du Confeil des D épêches du i 5 Aoiic
précédent.
Le Magiflrrat nomme un féqueflrc pour la réception
des reven us, fon ordonnance en dirige l’application à la
fubfiftance du marquis de Cabris , de fa femme 3c de leur
enfant.
C e t a£tc de juftice ne remédie point à leurs maux , les
revenus font reçus d’avance , des faifies fur ce qu’on n’a
pu toucher, faites par les membres de la cabale entre les
mains des fermiers dont les baux font an éan tis, mais qui
continuent
�r
17
continuent k percevoir les fruits dans l’anarchie ; des
délégations fur ces mêmes baux laiiTent le féqueftre fans
fon£tion.
L a cabale qui veut rétablir le défordre , fait paroître,
fous le nom d e là curatrice , une confultation im prim ée,
répandue avec profuiion , dans laquelle on fuppofc un
conflit entre la mere & la femme du marquis de C a b ris ,
pour la préférence de fa curatelle, queilion vraiment fupp o f é e , puifque la femme combat depuis fept ans de T r i
bunal en tribunal, 8c foutient que fon mari n’a jamais
été dans le cas d’être interdit, qu’ il n’eft pas encore dans
ce c a s , malgré les mauvais traitemens exercés fur fa perfonne pour aliéner fa raifon.
Enfin la cabale voyant échapper de fes mains 8c la
curatelle que l’arrêt du Confeil a caiFée, 6c l’adm iniftration des biens qui l’occupe bien d avan tage, 6c l’cfpoir de n’avoir ni l’un ni l’a u tre , par l ’état de fanté du
marquis de Cabris , par le vœu unanime des parens ÔC
am i$, par les preuves rapportées des traitemens exercés
fur la perfonne du malheureux pendant l’ufurpation , 6c
des
abus
encore
plus énormes dans
l’adminiftration
des biens ; la cabale n’a plus connu que les mouvemens
de la rage 6c du défefpoir contre celle qui éclairoit fa
conduite pafïee , 6c qui anéantifloit fes projets pour l’a
venir. U n libelle affreux de 69 pages eft imprimé 6c d is
tribué avec profuiion ; tout ce que la malignité , le
m en fon ge, la calomnie la plus atroce peuvent enfanter
y efl: prodigué contre une femme qui arrache à la cabale
fes vi£limes.
Ses mœurs y font attaquées par les calomnies les plus
C
�i 8
.baffes. & les plus viles : les a£üons les plus innocentes de
fa-vie y font empoi-fo-nnées , >fon honneur & fa réputation
y font déchirés , les fafifications d’écrits confignés dans
des regiftres publics , les altérations d ’écrits particuliers
pour leur donner un fens tout combiné &. convenable à
la malignité des calomnies grofiieres dont le libelle cfl:
tiffii y font prodiguées. O n y joint la difcufïion du procès
d’intcrdi& ion, dont tous les actes font anéantis par l’arrêt
du Confeil des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3. C e m ém oire,
ians p ro c è s, fans con tcftation, fans P a rties, fans autre
objet que la diffam ation, cft fuivi de la confultation ré
pandue un mois auparavant fur la queftion de préférence
pour la curatelle de l’interdit entre la merc de la fem m e,
queftion qui n’eft préfentée nulle part dans ce mémoire ,
que n’ont jamais vu les Jurifconfultcs qui ont iigné la
confultation.
A près ce tableau des perfécutions qui ont détruit ma
m aifon, l ’exiftence de ma fam ille, & qui ont ruiné notre
fortune, je prends la plume pour ma défenfe pcrfonncllc,
mon mari a été privé fept ans de fa liberté civile , il s’eft
vu enfermé en chartre privée dans ia propre maifon , expofé aux plus vils traitemens, dénuée du néceffaire le plus
indifpenfable.
J ’ai été enfermée trois ans dans un cou ven t, fans cornmunication avec ma famille 8c mes amis ; notre fille ,
dans l’âge le plus tendre , a été abandonnée fans fecours
& fans foin , & quand j ’obtiens ma liberté , que je la
procure à ces deux infortunés , victimes de la cabale ,
quand je parviens à dévoiler fes noirs c o m p lo t, je vois
mon honneur , ma réputation attaqués par un m é
�i,9
moire calomnieux , où coure ma famille cû: diffamée.
Je commence pitr établir fur les preuves les moins
équivoques &: connues des auteurs mêmes de la.calom nie,
la fauil’e té des imputations. Pour mettre; de l’ordre, dans
ma déferife , pour éviter le défordre ail celé de nos. ptr.-féc uteurs, je diviferai par fàics leurs imputations abomi
nables , 6c je joindrai mes preuves fur chaque faitJe me vois forcée de nommer plu fleurs perfonnes dans
m a justification, & de donner des copies 6c des extraits
de leurs lettres;, leurs noms tcfpc£lablç.s donnent de nou
velles forces à mes m oyens, je ne les cite-que quand leur
témoignage m ’eft néceffaire, je n’emploie de leurs écrits
que ce que je ne pourrais omettre fans aff.oi.blir ma. de*f e n f e , & c’eft toujours avec les ménagemens dûs à leur
naiffance & au rang qu’ilis occupent dans le mondes
■
'
Si je jette en,fuite un. coup d’œil fur. la difcuiîion de
l'affaire , de l'interdiction anéantie par l'arrêt du
1y
A o û t dernier, ce ne fera que pour développer davantage
les complots de la cabale qui nous p crfécu te, pour dé
montrer qu’elle ne s’efl; jamais étayée que fur le menfonge
& fur les fuppoiitions les plus révoltantes.
P R E M I E R
F A I T .
« L ’ hôtel de Grajfe placé dans le plus beau local
fj
>j embelli de tout ce que M M . de Cabris avoient cru
» propre a en fa ire un féjou r agréable, ne lui parut pas
53 ajje\ vajle s i l fa llu t cùnfiruire & vetfer, fuivant l ’ ufage
>3 des A rtifies en ce genre, z o o 3o o o livres au lieu de
»
i o o , o o o liv. qu'on avoit projeté d'employer ’>.
L a maifon paternelle étoit occupée par la dame de
C ij
�£
Lom bard ,
laifle par
&
douairiere de
6
Cabris. Son mari lui avoit
teilament la jouiflance d’un ap partem en t,
elle l’occupoic prefque tout entier.
L a déférence du fils pour fa mere , rem pêchoit de
la reftreindre à ce qui lui étoit réfervé. Les influences
de la cabale naiflante fur
Pcfprit de mon
mari , le
portèrent à en faire conftruire un autre. Q uoique bien
jeune encore, je prévis l’énormité de la d é p e n fe, & je
m ’y oppofai ,
mais inutilement ; j’en écrivis à mon
pere , &C voici ce qu’il me répondit par fa lettre du
a Février 1 7 7 3 .
» A l’égard de votre bâtiment ,
on dit qu’il faut
w une fois en fa vie faire une folie , c’en eût été une
» plus tard , au lieu qu’a préfent c’cft jeter la go irme
» de la jeunette à bon marché fur un fonds , & d’une
n
maniéré bien folide ; au
refte j ’ai
apperçu qu’en
53 qualité de voifin de l’Italie , le goût de bâtir étoic
» celui du pays.,; au fond , cela me paroît tout fim ple,
»> à G ra d e , où chacun conftruit fes propres fonds ;
» Q u a n t à moi parernellement p a rla n t, j’aime mieux
« que Cabris bâtille que s’il péroroic à l’hôtel de ville
»
d’A ix »3.
Que
réfultc t-il
d e - l à ? U n e dépenfe confidérable
pour mon m a ri; pour fa m e re , la jouiflance où elle eit
encore d’une maifon où elle n’avoit droit qu’à un petit
appartement ,
àc
pour
la cabale qui
fc
formoit ,
l ’expérience de ce qu’elle pourroit ofer par la fuite.
Si j ’avois eu fur mon mari dans les commencemcns
de mon mariage , l’afccndant qu’on me fuppofe , née
& élevée à P aris, nouvellement tranfplantéc en province,
�a u r o is -je balancé un inftant entre le féjour de Graiïe
& celui de la C ap itale, où notre fortune & les attenanccs
de ma familie nie promettoient une exiftence agréable.
D E U X I E M E
F A I T ,
I l parut en 1 7 7 4 , des affiches imprimées contre des
perfonnes de la plus haute conjîdération
qui furent fuivies
d'informations, décret de prife- de-corps
& tout l ’ appareil
de la procédure criminelle. I l ejl d ity page 6 du Mémoire
que le marquis de Cabris n ’ étoit pas l ’ auteur de ces
couplets y mais qu’ i l avoit eu la foibleffe de f e prêter a
l ’ exécution du com plot, & on ajoute de fu ite a. la page 7
qu’ i l s ’ étoit laiffe entraîner par fon epoufe qui avoit cherché
a exercer f a vcngeance perfonnelle & celle de fa fociété de
Poetes.
On a tranferit pour le prouver des fragmens de lettres
qu’ on dit écrites de moi , & qu’ on refufe de repréfenter.
'
A la page 1 3 , ligne 1 4 ,0 / 2 dit 3 que j e ne craignois
pas-feulement les foupçons , mais les preuves ; à a la page
6 8 j i l ejl dit , que f i on fe reporte en 1 7 7 4 3 mon
imprudence attira fu r la tête de mon mari un orage terrible
où j e rifquai d'être compromife encore plus que lu i 3f i j e ne
parviens a étouffer les progrès de la procédure criminelle.
Je laiiTc h. M. le Marquis de V a u vcn a rg u cs, ch ef de
la maifon de mon m a ri, & à M . de G r a s , fon beaufrcrc, la réponfe à cette imputation.
V o ici ce que le premier écrivoit au M arquis de Cabris
le 1 5 M ai
1774.
» V ous aviez raifon de croire , Monfieur mon cher
�11
» cou fin , que je ferois étonné 8c fâche de votre aflaire ,
» 8c que je ne négligerois rien pour la faire finir. M . de
» C alvi m ’a dit vous avoir envoyé h i e r , par M. de
» Briançon, les lettres d’ap pel, Il la procédure cil caffée,
»
comme je l’efpere ,
les prifonniers feront élargis;
« profitez de ce premier moment fans délai , pour les
» faire paffer en Piémont ou en Italie ; ces témoins
font les feuls qui puiiTc dépofer contre vous ; il cft
» inutile que je vous dife combien cette affaire m’afflige,
»
8c combien je la trouve humiliante pour vous............
J’étois alors venue à P a r i s , pour implorer les fecours
de mon p erc, dans une affaire qui compromcttoit mon
mari.
V o ic i cc que le Marquis de Vauvcnargues m ’écrivoic
à moi-même à Paris , le i 6 M a i 1 7 7 4 .
*j Vous ne devez m ’adreffer , ma chcrc cou fine,
» aucun rem erciem ent, des foins que je puis me donner
» pour l’affaire de votre mari ; on a ici une minute de
» la procédure fur laquelle M. C a l v i , bcau-frerc d e M .
« le Procureur G énéral, a confulté les trois plus fameux
» A vocats qui unanimement ont été d’avis d ’appeler
» des décrets, 8c de tout cc qui a été fait. M . C a lvi
» a levé ces lettres d’appel 8c les a envoyées à M . votre
« m a ri, par M . de Briançon; j ’ai écrit fur cela à M .
« de Cabris , que fi la procédure eft cafféc , les prifon« niers feront fur le champ mis en liberté ; je lui écris ,
a & lui répété plufieurs fo is, que lorfque les prifonniers
m feront élargis, il ne doit épargner, ni peines, ni
» argent , ni a&ivité pour les
faire paffer en pays
» étranger ; ces prifonniers font les feuls témoins qui
�¿3
« puiiïent dépofer contre lui , s’ils difparoiiTent, tout eft
dit en notre faveur (i ).
L e Marquis de Vauvenargues lorfqu’ il
écrivit
cette
lettre , ne foupçonnoit pas que cette expreflion d’intéiêc
le rendroit un jour aux yeux de ma bcllc-mcre , tout
au
moins complice d ’un complot dont il cherchoit à
détourner l'effet de deiTus la tête de fon parent.
Il écrivoit à M . le Marquis de Cabris lui-même , le
16
Juillet « je vois avec douleur que les voies
de
m conciliation pour l'affaire des placards font épuifées.
» L ’obftination de M . de Pontevès a rendu inutiles
>3 celles même qui paroiffbienc les plus affurées. Il veut
»3 un arrêt; je prévois qu’un arrêt ne peut être que bien
» fâcheux pour vous. M .P a z e ry , A vocat le plus célébré que
» nous ayons pour la confultation., homme cftimé autant
par fa p ro b ité , que par fes lum ières, m’a d i t , M.
» le marquis de Cabris , doit mettre la main fur la confm cience , s’il cit innocent, il faut qu’il refte tranquille...
Il m ’écrivoit à moi , le 2 4 Juillet « après la lettre
que vous m’aviez fait l’honneur, ma chere cou line ,
v* de m ’écrire le 1 o de ce m o is , j’étois tranquille fur
»3 le fort de mon cou iin ; mais cet état d’affurance cil
(1) O n fem ble à la page 7 , avo ir voulu tirer des preuves d’ inculpation de ce que
clans les lettres q u 'on m e fuppofe , je parle de cette affaire en nom c o lle & if ; v o ilà
le M arquis de V a u v e n a rg u e s fe fervant des mêmes cxpreflïons ; dans la lettre que
je cite quelques lignes plus b a s , on y lit » nous fommes aiTujetis aux réglés
« de la ju ftic e , tous nos foins* toutes nos démarchés j doiven t aboutir à to u rn er
* les choies de façon que ce (oit nos parties qui fafl'ent les fa u te s , & nous four« nifTtnt des c irc o n ft a n c c s h eu reu fes , dont il faut être a tte n tif de p ro fite r , en nous
» conform ant toujours à la rcgle : voilà notre tâchc.
�*4
»> bien changé depuis la le& u re de la vorte du 2 1 , Ton
»
état m’a fflig e , &c je le crois dans le plus grand d a n g e r ,
>3
pour ne pas fuivre vos avis ôc ne pas vous don n er
«
fa confiance , qui vous cfl: aquife par des titres il
«
refpcctablcs. D a n s cette fituation des chofes , je ne
»
vois pas , m a chcrc coufine , ce qui peut vous refter
»
à faire que vous n’ayez déjà fait.
L a cabale
bcau-pere
qui s’étoit form ée dès la m ort de m on
, pour nous
défunir
8c
nous
d é p o u ille r ,
profitoit de tous les événemens.
M . le M arqu is de V au vcnargu es m ’écrit le 20 A o û t
I?74'
»3 C e n’e f t , ni votre faute , ni la m ie n n e , fi d’autres
>3 confeils ont prévalu ; il ne refte plus que des précau>3 tions à p r e n d r e .............vous en a v e z propofé , j’en ai
»
propofé aufîî ,
on veut en fuivre d ’autres. O n rend
»
fufpetb à votre mari tout ce qui vient de v o u s ..........
33 Je prends donc la liberté , m a cherc coufine , de vous
33 confciller de refter en repos, 6c de ne plus vous mêler
>» de cette affaire, parce que tel bon parti que votre mari
>3 pourra
prendre , on
le lui fera éviter s’il vient de
»3 vous ÿ fi les chofes réuiTiHent, com m e on le lui fait
3
j efpercr , tant mieux , fi au contraire elles m anqu ent y
>3
votre
mari reconnoîtra alors qu’on l’a trom pé , Sc
«
reviendra à vous avec plus de confiance que jam ais.....
»
Je vous confeillcrois moins l’ina£tion , fi je ne voyois
>3 contre vous que des gens en fous ord re; mais dès-que
>3 la fa m ilU s'en m êle, refle^ en repos , s ’ i l efi pojjible ,
>3 fà n s cela on rejetera fu r vous tous les mauvais fuccès.
M» de G r a s , C o n icillcr au Parlem ent d ’A i x , bcaufrere
�frere de mon m a r i , lui écrivoit le 3 1 M ars 1 7 7 6 .
« Je ne vous répété pas ce que je vous ai die pour
' } finir cette malheureufe affaire , qui afflige véritable”
ment toutes les perfonnes qui vous appartiennent ;
» vous croyez 6c je le crois auiîi , qu’il n’y a pas allez
« de charges dans la procédure; mais je ne voudrois pas
» pour tout au monde courir le rifque d ’être jugé dans
» une affaire de cette nature , d ’autant plus que vous
» ne pouvez pas vous diflimuler qu’il y.a des préfomp« tions fi fortes que les Juges pourroient les regarder
» comme des preuves ; j’ai vu juger pluficurs fois des
»» aff aires criminelles fur des préem ptions moins fortes;
» croyez-en une perfonne qui a trente ans de fervice,
« 6c qui vous cil attachée par des liens trop forts pour
»
»
»s
»
avoir d’autre objet que votre avantage. Réfiéchiflez
bien , mon cher frere, fur l’avis que je vous donne ,
6c croyez qu’il n’eft di£té que par le véritable intérêt
que je prends à vous. C e t intérêt eft éclairé par une
« longue expérience qui m’-a appris qu’il n’y a rien de
» sûr au Palais.
La même lettre en contient une autre du Marquis
de VauvCnargues , pour engager mon mari à la conci
liation.
A ces témoignages je peux joindre celui dc >M. le
Marquis de Mirabeau mon perc , fur la même affaire.
Par une lettre du i
Juin i 7 7 4 > ü me marque que
dans cette affaire je dois nie conduire par les confeils
des parens de mon m ari, 6c entr autres de M . de V au vcnargues : 6c il ajoute » fi quelqu’un y récalcitre , il
faut lui donner la peur , pour qu’il gagne la M o n t a g n e ,
D
�26
m & laide fa procuration ; au refte il eft certaines gens
» qui ne trouveroicnt pas bon certaines retraites ; vous
m
m'entendez.
Par une autre lettré du
1 8 A o û t fuivant , il me
marque » M . de Cabris eft trop malheureux pour qu’il
» me foit permis de le blâmer ; d’ailleurs, je ne mç
« fuis jamais guere exercé en ce genre ; plus nos devoirs
« font pénibles , plus ils font impérieux , & fi M . de
« Cabris fe refufe à ce qui eft dû à fa perfonne , vous
»» ne pouvtz remplir les vôtres envers lui qu’en faveur
■
» de fa maifon ; je ne fuis point furpris que la caraf
es trophe s’ avance , il feroit plus que tems qu'il fongeâc
m à fa perfonne. M. de Vauvenargues m ’a mandé & dit
>4 que la famille dévoie être contente de vous ; je n’ai
« en ma vie qu’une méthode pour fixer les incertitudes
« qui fe préfentent plus abondamment aux têtes vives ;
« c’eft de me dire , où donc eft le devoir ? Marchons ;
« mais v o j s n’en êtes pas encore là.
Il m’écrivoit le 4 Septembre » tout innocent qu*eft
» M- de Cabris , êc je le crois en vérité beaucoup , le
>j hafard fculpourroit alarmer tout autre moins intrépide;
»» e n fu ite , qu’un Homme puiiTe vous affirmer comment
» un aut.e jugera.
M on pere croyoit que mon mari n’étoit pas coupable ,
8c affùrément il ne l’étoit pas , fes Advcrfaires ne l’ont
jamais cru tel ; il eft de notoriété que les couplets dont il
s’agifloit dans le procès, avoient été envoyés en manufcric
à. M- l’A bbé de Pontevès , l’un des offenfés dix ans
auparavant , dans le tems où mon mari étoit au Collège
& moi au Couvent. Les offenfés ne cherchoient dans
�la vivacité de leurs pourfuites que la découverte des
véritables auteurs dont ils croyoient que mon mari p o u
voir avoir quelque connoiflance:.
Je n’ai pas befoin d’autre preuve de l’innocence de
mon mari ,
que l’accommodement fait par M M . de
Pontcvès(, quand ils ont déïefpéré de trouver les vrais
coupables.
En faut-il un autre témoignage ? M . le Marquis de
Pon^evès, homme d ’une naiflanceilluftre3 & en poiTcffion
de la confidération due à fon rang & à fon mérite perfo n n e l, efl: parent de M. de Cabris , il habite la même
v i l l e , il avoit eu contre lui le procès des couplets deux
ans auparavant : la cabale qui fe réunit pour nous perdre
en 1 7 7 7 , n ’ofa jamais invoquer fon fuffrage ; il fut fi
révolté des moyens employés pour nous détruire l’un èc
l’autre , qu’en 1 7 7 9 , il fe joignit aux parens qui firent
des repréfentations au miniftre du R oi fur les excès
dont mon mari Sc moi étions vi£bimcs ( 1 ).
Q u ’on juge à préfent les motifs des auteurs du M é
moire dans les fragmens fuppofés de mes lettres copiés
à la page 7 ; qu’on juge l’intention dans leurs afTertions
des lignes 7 & 1 9 de cette même page , où il cil d i t ,
que ces lettres prouvent de.quclle terreur j ’étois agitée
pour m o i-m ê m e , &C que je gardois encore moins le voile
dans celle écrite à la dame de Lombard , parce que je
parle de cette affaire en nom collectif , & comme par
tageant avec mon mari les fuites qu’elle pouvoit avoir.
( i ) Placct de fam ille dépofé chez M e Pizcau , N o taire à P a r is , le j o Ar r i l 177?-
D ij
�i 8
O n a eu encore l’infidélité de tronquer cette phrafe
de ma lettre , où après avoir parlé d’ une affaire qui fait
des principauxhabitans.de. Graffemes ennemis ; » j ajoute
”
je ne peux plus rien cfpérer de la coniidération qu une
» femme cire ordinairement de fon mari.
Je fuis bien éloignée d’envier à madame de Lom batd,
le mérite d’avoir terminé cette affaire malheureufe ; mais
jamais elle ne l’a connue que par les bruits p ublics;
jamais elle n’a fait aucunes démarches pour fon fils. Dans
cent lettres que j’ai des différens parens ou autres perfonnes à. qui je me fuis adrefféc alors , on ne trouvera
fon nom nulle part ; j’ai encore une lettre d’elle à fon
fils du 10 A vril 1 7 7 6 , lorfqu’il éroit à A i x pour termi
ner cette affaire ; la premierc qu’elle lui ait écrite depuis
fon départ de Graffe , où il n’en cft pas feulement
queilion.
M o n pere m’écrit le 1 o Juin 1 7 7 4 « le fait eft que ou
« vous êtes les coufeils de M . de Gourdon x Si à A ix ,
» £c dans la Province , ceux de M . de Vauvenargucs.
»3 V o ilà quelle doit être votre bouffole, 8c votre affaire
» eft d ’être le point de raliement & de réunion de leurs
» correfpondances.
C e furent en e f f e t , M . de la T o u r , premier Préfidcnt ,
èc M .
de Caftillon , Procureur .Général du
Parlement d’A ix , qui voulurent bien en être les arbitres,
mais ce ne fut point à la follicitation de la dame de
Lom bard, cômme on le dit à la page 8 du Mémoire ;
j’oppofe -à cette affertion deux témoignages qu’elle ne
reeufera certainement pas M . de Gras , fon gendre *
&
M.
de Vauvenargucs , dans leur lettre écrite fur
�1 9
l'a même feuille le 3 1 Mars 1 7 7 6 " , déj«\ c it é e ; voici
comme le premier s’en explique ; » je crois devoir vous
» inftruire , Monfieur &C très-cher frere , de ce qui s’efk
» paile depuis peu de jours , au fujet de l’affaire des
3» placards ; M. de la T o u r ôc M . de Caftillon , ont bien
» voulu d ’ office y ô fans que perfonne les en eût priés ^
agir auprès de M . de P o n te v è s , pour l ’£ngager à
« donner fon confentemenr pour finir cette a ffa ire, par
m
l’arbitrage de quelques Gentilshommes ou Magiftrats.
M . de Pontevès a conicnti enfin d’arbitrer; il a prié
>3 M . de la T o ur de vouloir bien être un des arbitres ;
» M . de la T o u r nous a ch argés, M . de Vauvenargucs
>» &
moi , de vous écrire, pour demander votre confcn-
» tement à cet arbitrage.
O
Le marquis de Vauvenargucs m ’écrit le 2 6 Juin Aiivant n j ’ai l’honneur de vous féliciter , madame ma
» chere coufine , l’affaire de M . Cabris a été finie hier,
si La procédure a été ca'flee du confencernent de toutes
» les P a rtie s , entièrement an éantie.........Ces M M . ont
»
donné hier leur d é p a rte m e n t, & tout e ft, dieu merci ,
»3 terminé.
T R O I S I E M E
«
F A I T ,
p. 9 , alineâ, Iig. 3.
M . de Villeneuve , homme d ’ une tiaiffance & d'un
>3 mérite dijlingué 3 baron de Mouans } & Sénéchal de
»3 GraJJ'e
,f e plaignit d'un affaffinat prémédité fu r f a per-
» fonne ; le Parlement d 'A ix prit connoiffance de cette
»» affaire 3 & nomma des Juges a Grajfe • la procédure
>3 fu t
inflruite , & des decrets lancés y le
�yo.
» décrété de prife-de-corps prit la fu ite ; on ménagea la
»»foiblejfe de fe s complices. Madame de Cabris & madame
» de La Tour Roumoules , qui ne furent décrétées que d'afm figné pour être ouïes , & un Jîeur Briançon 3 d ’ ajourne» nement perfonnel; le procès f u t réglé a l*extraordinaire ,
» on récola s on confronta les témoins, & les accufés préfens
m ejfuierent toute l ’ humiliation de cette injlruclion crimim nelle. Sentence le
z Octobre
i 7 7 6 , qui juge les
contumax & les coaccufés ; fentence qu’on donne en
guillemets comme copiée fur la grotte à la page
1 o du
/Mémoire (1).
Q u i ne croiroit à cet expofé que le quidam dont on
laitte le nom en blanc , décrété de prife-de-corps , 8c
ayant pris la f u i t e , eft un aflaflïn à gages , amené pour
commette le crime , 8c qui s’enfuit fans être connu »
quand il a manqué fon coup ; il eft pourtant vrai que
ce
particulcr dont le nom eft ici laitte en blanc par
affectation , eft le comte de Mirabeau mon frere aîné,
que le comte de-Mirabeau eft le feul qui ait eu querelle
& prife avec M . de Villeneuve enfuite de relations an
térieures entr’eux.
Il eft certain encore que le comte de Mirabeau a été
décrété fous fon nom de K iclor de Riqueti 3 comte de
Mirabeau 3 qu’il eft nommé pluficurs fois dans la fentence, 8c qu’il demeuroit alors avec fa femme 8c fa famille
(1) Il eft bon d'obfcrver que la prétendue connoiiTance que le Parlement d 'A iï
prit de cette a ffa ire , ne fut que de commettre un Juge de la T«rre de l’accufatcur,
parce que « u s de Gratte refuferent d'en connoître.
�31
îi M anofque , à vingt lieues de G r a iïe , où cette procédure
s’inftruifoit.
il cil éga’cment certain 6c prouvé par un certificat du
Greffier de GraiTe ( 1 ) donné le i 4 Février dernier , que
jamais la fcntence n’a été levée, ni les droits payés. La
copie qu’on a affecté d’inférer dans le Mémoire , cil
altérée de falfifiée dans les vues de fon auteur.
A v a n t de difeuter cette fen ten ce, ce les conséquences
qu’on en veut t ir e r , je vais rendre compte des faits
généralement connus dans toutes nos familles 6c dans la
Province entiere.
Le com te
de M irabeau , mon fere , éto it exilé à
M anofque , d’ordre du R oi.
A u mois d’A o û t
1 7 7 4 , il vint au Château de Tou-
rettes , voifin de Grafle de deux lieues , pour traiter
du mariage de M . de Gaffaud,gentilhomme de M anofque,
avec mademoifelle de Villeneuve Tourettes. Je ne le
vis qu’à fon retour. Il étoit intéreiïant qu’étant réfractaire aux ordres du R o i , il ne fe montrât pas à GraflTe ,
je le menai dîner à la campagne chez madame de la
T o ur ma parente.
M adam e de Villeneuve & madame de la T o ur font
feeurs, com m e héritieres de M . le baron de G r a d e , leur
pere ; elles ont partagé les terres de Mouans Sc de Sartoux cù elles demeurent toutes les deux ; leurs habitations
ne font féparées que par le grand chemin , & leurs
domaines font extrêmement rapprochés.
(1) NM. dis pi««* juiUfiiatius.
�3*
Le dîner fut fervi , attendu la chaleur de la faifon ,
ious une allée de marronniers d’un pavillon de madame
de la T o u r ; nous étions huit à table , madame de la
T o ur 6c mesdemoifclles Tes filles "au nombre de trois ,
dont la plus jeune avoit alors douze ans , M . de Briançon
neveu de madame de la T o u r ,
le comte de M irabeau;
j ’y avois ma fille avec Tes bonnes, cinq ou fix domeiKques nous fefvoient.
A
la fin du dîner, à trente pas de n o u s , parut un
homme couvert d ’un paraiol qui venoit voir travaillée
des ouvriers.
M . le comte de Mirabeau demanda qui c’étoit, quel
qu’un dit que c’étoit M . de Villeneuve ; il I’avoit vu
chez M. le marquis de V ence , 8c croyoit devoir s’ex
pliquer avec lui fur quelques objets qui leur étoient
perfonncls. Le comte de Mirabeau fe leve de table , 6c
fa ferviette à la main va joindre M . de V illen e u ve , en
préfence de dix ou douze ouvriers que ce dernier faifoit
travailler ; l’un èc l’autre étoient fans armes ; ils cauferent quelque tems cnfcmblc fous le parafol de M. de
Villeneuve en continuation de promenade; la converfation
s’échnufla , les paroles devinrent plus élevées, «5c la rixe
fut pouflec encore plus loin.
Le comte de Mirabeau revint coucher à G rade , 5c
repartit le lendemain pour Matiofque. M . de Villeneuve
crut devoir
rendre plainte de prétendus excès , il y
comprit madame de la Tour fa belle-fœur, avec laquelle
il plaide depuis vingt ans. L ’honneur que j’avois d’êrre
avec elle me valut au(lî un rôle dans cette accufation de la
part d’un gentilhomme que je ne connoidois pas , ■.&
que
�33
que je n’avois vu qu’une fois, lors de mon mariage.
J’ai la preuve de tous les faits de cette hiftorique ,
puifqu’on me force de le publier.
Preuve que le comte de Mirabeau étoit à M anofquc
d ’ordre du R o i , l’ordre lui-même.
C e t ordre connu dans la Province.
M . de Tourrettes ( du nom de Villeneuve) , m’écrit
le 24. A o û t 1 7 7 4 :
-
« O n ne peut exécuter des décrets contre M . votre
frcrc , puifqu’il cft fous la main du R o i «.
Preuves du m otif du voyage du comte de Mirabeau.
L e même M . de Villeneuve T o u re tte s , m ’écrit le 1 1
Août 1 7 7 4 .
« Quoique le voyage de M . votre frcrc fût un myftere
>3 pour tous autres que M. le comte de V en ce ( de la
>3 maifon de Villeneuve ) , madame la comtefle (de Vcn33 ce) & moi 33.
Il m ’écrit le 9 Septembre fuivant 33 , la vérité faite
33 pour tout le monde , ne peut être biaifée , ni dillimulée
» par vous , non feulement c’eft au public qu’il faut
33 dire l’objet du voyage du com te , à vos parens , mais
» même aux Juges; 6c qui peut le trouver mauvais »3 !
M . de Tourettes eft le pere de la demoifelledont le comte
de Mirabeau étoit venu traiter le mariage.
Il exifte une lettre du comte de Mirabeau , écrite de
Hollande en 1 7 7 7 , dans laquelle il rend compte de ce
voyage , & des motifs qui l’avoicnt déterminé, les mêmes
que ceux qu’on vient de voir.
Preuves que je n’étois pas même inftruite du voyage
E
�34
& que je n’ai vu le comte de Mirabeau qu’à Ton retour
de Touretres.
Le même M. deTou rettes écrit au comte de M irabeau,
le 3 i A oû t t 7 7 4 .
» Q u a n t à madame votre f œ u r , je me charge de
» déterminer fa defenfe ; clic eft iim p le , en offrant
» de prouver qu’elle ignoroit votre voyage à Tourettes
»
Sc k V e n c e , qu’elle ne vous a vu qu’au retour ; cette
» preuve va .auiïi à votre décharge ».
Le même M . de T o u rettes, m ’écrit à moi le 9 Sep
tembre 1 7 7 4 ,» nous n’avons pas befoinque M. Pazcry,
» ( célébré A v o c a t d’A ix , co n fu lré), nous dife qu’il n’y
»3 a , ni complots , ni aflaflinat de prouvé «.
Preuve que la querelle vint d ’une explication deman
dée par M . le comte de Mirabeau.
M . le marquis de M arignane, fon beau-pere , m’écrit
.
le 7 Septembre 1 7 7 4
Q u e fon gendre eft inexcufable d’avoir pouffé les
choies ii loin , furcouc étant averti que cette démarche
feroit en pure perte , & il ajoute » je ne lui pardonne
m donc p.HS d’après des avis de M . de Briunçon , d’avoir
« été
faire cette bravade ridicule , ôc furtout de ne
» s’être pas contenté des exeufes & du défaveu de M*
«
d e V i l l e n e u v e ...............J ’a j o u t e r o i s m ê m e q u e s’ il e û t
« eu à faire à tout autre , les propos dont il demandoit
M raifon n’ayant pas été tenus devant lui , &
étant
» défavoués , il ne pouvoit exiger autre chofe que le
«
renouvclcmenc de ce défaveu devant des pçrfonncs
« qui pourroient avoir entendu parler de ces propos »>•
M . de Tourettes m ’écrit le 1 1 A oût 1 7 7 4 ; » M. de
�,5
3S
Villeneuve (Pofrenfé) connaît M . votre frerc , sVranç
trouvé plufieurs fois à A ix , l ’année dernière , mêmç
,J chez lç marquis de V ence ».
Preuve que la querelle fc borna à une rixe peu com
mune entre gentilshommes.
M . du B ou rgu et, Confeiller au Parlement ( parent de
M . de Mirabeau ) , m’écrit le 3 Septembre 1 7 7 4 , qu’il
a écrit à M M . les marquis &c bailli de Mirabeau.
» J’ai d i t , ( ajoutc-t-il), à l’un &c à l’autre , que le
» comte de Mirabeau avoit
eu le malheur de donner
« à GraiTe des coups à M . de Villeneuve-M ouans, qui
» avoit pris la voie de la plainte en
v
juftice ,
que
j’allois arrêter autant qu’il dépendroit de moi , toutes
« les pourfuites jufqu’à leur réponfc ; voilà où j’en
y> étois , madame , ma chcrc confine , quand vous m ’a» vez fait l’honneur de m ’écrire ; j ’ai vu avec plaiiir
»3 que la choie s’écoit paiTée ainii que je Pavois'pré» fumé ».
D ans la lettre déjà citée de M . de Tourettes , au
çomte de Mirabeau , du 3 1 A o û t , il lui marque que ion
affaire « n’a que le titre d’effrayant , qu’on ne prouve
» qu’une rixe ordinaire , dont touc au plus il cft Pagref*
>3 feur.
Il m’écrit la même chofe dans fa lettre du 9 Sep tembre »3 je le répète , l’affaire n’eft autre chofe qu’ une
» rixe dont M . de Mirabeau cft Pagreiieur >3.
Le même M . de Tourettes , écrit au comte de M ira
beau, le 8 Septembre 1 7 7 4 ; » les Avocats ont décidé qu’il
s? falloir fin ir, ce qui me furprend & me défefpcre........
» fi la procédure c f t bonne , M . de V i l l c n c u v e - M o u a n s
E ij
�3&
» fera aux nues ; vous , ou les vôtres ne devez lui offrir
» que de l’argent. O u i , c o m t e , je dis de l’argent. Le
» payfan de votre village qui efl: étrillé 6c fait informer,
» prend de
l’argent ,
pourquoi le gentilhomme qui
»> s’ailimile à lu i, n’en prendroit-il pas? Je fa is bien que
» vous vouleréparation de, la calomnie • mais la répam ration cft contenue dans le déportem ent, 6c le dépor»
tement paroît ie donner gratuitement ».
Il lui écrit le 20 Septembre » dans Phypothefe d ’une
«
r ix e , le décret peut être arbitraire au Juge; celui de
>5 prife-de-corps contre vous bleffe tout ce qu’on vous
n doit ; mais cela ne veut pas dire qu’il puifte être cafte,
99 Sc c’eft en fin de caufe qu’on appréciera ce qu’il vau t».
Il lui marque le x 5 Janvier 1 7 7 5 , » tout ce que l’on
«
a fait contre vous jufqu’ici n’efk rien ; il n’eft pas
»
douteux que le Parlement ne foit prévenu en votre
« faveur , il doit l’être pour la caufe , £c votre p a rtie,
>j comme vous l’avez bien prévu , avoit encenfé
»s l’idole dont il avoit obtenu deux arrêts injuftes à la
» follicitation du Procureur Général Joanis , fon parent,
»3 par lequel il n’avoit pas honte de fe faire protéger.
O n laiffa fuivre à cette affaire le cours ordinaire de
la Juftice , parce que mon pere l’exigea.
V oici les ordres qu’il me donna le 10 Juin 1 7 7 5 ,
dans le plus fort de l’inftruclion.
” Je me vois obligé de vous prier , ma fille , de
» facrifier vos reflentimens ; fuppofé que vous en ayez,
» contre M. de M o u a n s , pour ne pas barrer la fin que
>j je dois defirer de cette vilaine & malheureufe affaire;
»> j ’ai chargé votre coufm du Bourguec 6c autres per-
�37
» Tonnes de nies amis , dans ce pays-la, de la finir ;
” afin de faire biffer le décret lancé contre votre frere;
» c’eff bien affez qu’ un pareil afte aie été , il ne faut:
» pas du moins en laiffcr , s’il fe p eu t, la t r a c e , &
»3 cela peut importer pour toute la vie de votre frcrc : en
*s général les réparations ne font gucrcs prifées par les
peifonncs qui n’en ont pas befoin ,
& ne réparent
>j rien d’ordinaire ; mais quelle que puiffc être votre
»3 façon de penfer à cet égard ou celle de vos confeils,
« vous aurez toujours bonne grâce de facrifier ce qui
>3 vous cil perfonncl pour foulager votre frere , des
» fuites & du fouvenir d ’une affaire dont la tournure
la plus favorable 8c le terme le plus ordinaire eût été
» à le faire condamner à vingt ans Sc jour de prifon.
>» Je vous prie donc , ma fille, de vous conformer en
” ceci à ce que M. du Bourguet vous mandera être
33 néeeffaire, 6c vous m’obligerez en faifant bien ; adieu,
J3 ma fille , j ’embraffe Pauline , 8c falue M . fon pcrc.
» Signé M i r a b ü a u .
Sans des ordres auiii pofitifs, je ne pouvois me difpcnier de fuivre la réparation qui m’etoit duc : on voit
l’opinion qu’en avoit mon perc dans cette lettre ; c’étoic
celle qu’en avoit toute la Province, Si la propre famille d e
M . de Villeneuve M ouans; on a déjà vu ce qu’en penfoie
M . de V iilcncuveTourcttes, dans les pafiages de fes lettres
ci-delfiis tranferits, & dans celle du 8 Septembre 1 7 7 4 .
11 m ’écrivoit dès le 1 5 d'A out précèdent , 33 ce n’e ff,
»3 ni avec moi , ni avec perfonne de toutes celles qui
33 ont
»9
l’honneur de vous connoître , que vous avez
à vous juftificr fur ccttc malhcureuie affaire
,
que
M.
�35
» votre pere la prenne du bon côté 5 &C elle cédera de
»3 vous affliger ,
ôC tournera à la
honte parfaite de
» l’autre «,
M . le marquis de M arignane, m’écrie dans celle du
7 Septembre , que j’ai déjà citée.
» Sa requête (de M . de Villeneuve) cil une horreur,
»5 donc je crois que peu de gens font capables ; c’cft
»5 un tiiTu d’infamies , d’abiurdités &: de calomnies, qui
» mériteroit les peines les plus capitales li cette afîairc
pouvoir fe fjivre en juitice «.
Je devois à madame de la T o u r , de lui faire part
de la lettre de mon pere: elle la communiqua à M . do
Briançon , fon n ev eu , qui en donna avis au comte de
M irabeau fon ami ; voici la réponfe de ce dernier du pre
mier Juillet 1 7 7 5 , que madame de la T o ur me renvoya.
« Je ne viens que de recevoir , mon cher ami , ca
»5
lettre du 1 7 Juin ; j’y apprends avec le plus grand
« étonnem ent, la conduite de madame de Cabris ; ii
îj fon pere elt fon pere , j’ai cru que j’écois fon frere ,
m &. depuis dix mois fous les verrous , je ne fais fi clic
« devoit déferter ma caufe , mais je crois qu’„ellc fe fait
» juitice à elle-même en ne répondant pas à quatre ou
» cinq lettres qu’elle a de moi.
jj
Q uant à t o i, mon ami , je te pardonne un moment
55 de délire , pourvu que ce ne foit qu’un m om en t: tu
*> ignores mes projets, j’ai cru qu’un cœur comme le tien
3> les devoit deviner ; j’ai juré de ne recevoir jamais un
» accommodement ; mais quand celui-ci me paroîtroic
» auiîi convenable qu’il cil ridicule ; quand on m ’auroit
» confukée , ce qu’on n’a pas daigné faire , je ne fuis
�39
» pas foupçonnable de laÜTer là mon ami ; réparation,,
»
mon cher Briançon , &: jurons-nous encore une fois
» une amitié éternelle ; jurons que l’une de nos figna» tures ne fe verra jamais dans cette affaire, qu’acccm » pagnée de l’autre: voilà ma profeilion de f o i , hâte
>3 toi de me répondre &. de me raiïùrer.
m
Je n’ai aucune nouvelle de ma famille , & je fuis
>5 depuis iîx femaines ici ; même f ans, fecours pécuniaire;
h
n’importe , quand j’y ferai trop m al, j’en faurai fortir.
» L ’acte d’amitié que tu projettes ne t’écarte pas de
»> trente lieues ; mais pour mettre à profit cette petite
» perte de tems , paile par Grenoble & Geneves , ru
» verras un pays délicieux , ôc c ’eit la route la plus
droite.
» Adieu mon éternel, Sc peut-être aujourd’hui mon
» unique ami ; je fuis trop en colere pour c’en écrirc
» aujourd’hui davantage.
^
Signe .M ir a b e a u fils»
)
C ’eft dans cet état que fut rendue la fentencc du z
O ito b re 1 .7 7 6 , non pas telle que l’ont inférée entre des
guillemets les auteurs du m ém o ire, à la page 10,;, mais
comme je vais la mettre en colonnes à côté 'de cette
copie , pour faire juger de leur exactitude , de leur fidé
l i t é , & du m otif qui les a excités à cette falfification. >
y> Sentence du 2 Octobre
Nous Juge commis par la
» 1 7 7 6 , qui juge le con-
Cour pour remplir le Tribu-
« tumax Ô£ fes coaccufes ,
n al} par Jes decrets & arrêts
n les déclare atteints & con-
du 8 Novembre 1 7 7 + i 4-
�» vaincus du délit articulé
M a i & 1 1 Septembre der
» dans la plainte ; pour ré-
nier
« paration de quoi, les con-
nommés par decrets de la.
« dam ne ¿<7^5 àparoîtredans
Cour tenant la Chambre des
« la falle du Palais royal ,
vacations les $ 0 Juillet & 1 1
Sept, derniers pour le profit
« un jour d’audiencc , & les
en avis des foujfignés
>3 plaids tenans , & enfuite
jj au lieu de Mouans , 8c
du défaut de la part des ac-
sa dans la falle des habitans
repréfentés pour fubir les der
» du lieux de Sartoux , en
niers interrogatoires lors de
33 préfence du Confeil af-
la v i f te de la procédure 3fu r
les ajjîgnations a eux don
nées 3fuivies d'un exploit de
33 femblée , & là y faire des
i3 exeufes 5c demander par33 don à M . de Villeneuve ,
>3 dcfquelles réparations pu
eufés non contumax de s ’ être
is bliques procès verbaux fe«
proclamation 3 avec affiche
le tout fa it par Lantier qui
en a drefféfon procès verbal,
J3 feront dreifés. L e ...........
en déclarant la contumax bien
n , , , ...........effc condamné
33 en i o 1. d’amende envers
33 le Roi , &c 6 o o o liv. d’a-
inftruite contre fieur V ictor
33 mende envers l’accufa-
aux objets fournis par les
33 tcur ; le Heur Briançon
trois accufés non contumax,
33 en 4 liv. envers le R o i , 8c
ni a leurs exceptions & dé-
33 6 o o liv. envers l’accufa» tcur; les dames de Cabris
fenfes 3 ayant tel égard que
de raifon a la requête de
” Sc de Roumoulcs en i liv.
plainte du fieur de Vaille-
»3 d’amende envers le R o i ,
>3 &C 300 liv. chacune d’a-
neuve 3 & h fe s fins civiles >
»3 mende envers l'accu fa -
rabeau contumax 3 le fieur
33 tcur. Ils y font tous con-
Jofferandy
de R iq u c t i, C o m te de M i
rabeau , fans nous arrêter
en déclarant Le fieur de M i
Briançon 3 la
dame
�damnés folidaircment ,
ainfi qu’aux dépens ; &
jufq u’au p a y e m e n t, les
dame de Cabris, & la dame
de Graffe la Tour atteints
& convaincus , fiv o ir , ledk
deux dames , & le fieur
fieur de Mirabeau
Briançon , fon t condam-
infulté de deffein prémédite
nés y fuivant les ufages
le fieur de Taille neuve dans
de Provence , à tenir les
un de fe s domaines enclavé
arrêts de la ville.
dans fon f i e f , d ’ en être venu,
d ’ avoir
à cette occafion , aux prifes ,
& de l ’ avoir enfuite excédé
de coups ; ledit fieur Brian
çon , la dame de Cabris & la
dame de la Tour d ’ avoir participé au dejfein où étoit ledit
fieur de Mirabeau d ’infulter ledit fieur de Villeneuve , &
d ’ avoir autorifé ledit dejfein , en réparation de quoi avons
condamné les accufés a comparoître dans la fa lle du Palais
ro y a l, un jour d ’ audience , le p la id tenant , en la préfence
du fieur de Villeneuve , f i bon lui femble , ledit fieur de
Mirabeau ayant la tête nue, & derrière le bureau, à déclarer
que follem ent 6’ témérairement i l a infulté , excédé de coups
le fieur de V illeneuve , qu’ i l s ’ en repent, & lui demande
pardon ; laquelle réparation fera réitérée aux mêmes formes
dans le lieu de Mouans & dans la fa lle où f e tient le Confeil
des habit ans de Sartoux , ledit Confeil a cet effet affemblé,
a laquelle fa lle ledit Confeil affemblé , lefdits accufés non
contumax feront des exeufes au fieur de Villeneuve ; defi
quelles réparations publiquesil fera dreffé des procès verbaux
féparés ; avons condamné en outre ledit fieur de Mirabeau
a 10 liv. d ’amende envers le Roi , a 6000 liv. d ’ a m en d e
envers ledit fieur de Villeneuve , pour lui tenir lieu des
F
�4*
dommages & intérims ; ledit fieur de Briançon a
livres
d'amende envers le R oi 3 & a 600 livres d'amende envers
h d it fieur de Villeneuve ; & les dames de Cabris & de lu
Tour en z livres d ’ amende envers le R o i , & a 300 livres
d'amende chacune envers ledit fieur de Villeneuve , pour
lui tenir lieu des réparations civiles 3 condamnant les ac
cufiés aux dépens , pour toutes lefquelles adjudications ils
feront contraints folidairement ; & a cet effet ledit fieur de
Mirabeau tiendra les prifons 3 & le fieur de Briançon les
arrêts de la ville ju fq u 'a entier paiement 3 avec inhibitions
0
défenfes a tous les querellés de récidiver 3 fous plus
grande peine. F a it a G rafie dans le Palais ô dans l&
Chambre du Ccnfeil avant midi 3 le 2 Octobre 1 7 7 6 3 ayant
remis la procédure & toutes les pieces civiles 3 enfimble
notre préfente fentence au Greffe. Signé R e v e l le cadet *
Juge commis par la Cour 3 T r a s t o u r , Affeffeur
Guerate ,
&
Affeffeur .
O n voit ici avec étonnement que dans la fcntence
copiée dans le mémoire , madame de la T o ur Roumoules
& m o i , nous fommes d’éclar'ées atteintes & convaincues y
du délit articulé dans la plainte ; (aflaifinat prémédité
fur la perfonne de M . de Villeneuve , ligne
2
5 page 9 )
que nous y fommes également condamnées, madame de
la T o u r & m o i , à paroître dans la fallc du Palais royal
de Gratte , un jour d’aud ien ce, & les plaids tenans, &
enfuire au lieu de M o u a n s, dans la falle des habirans de
S a rto u x, en préfence du Confeil affcmblé , & là y faire
\ des exeufes , O demander pardon.
Et à la ligne 2 2 ; que nous fojnmcs également coi*-
�43
née$ , madame de la T o i# &C m o i, à garderies arrêts
de la ville ju fy u ’au paiement des réparations civiles & des
dépens.
Il n’cft pas jufqu’à la note mifc au bas de cecre même
page i o , où l’on fait une grande diflertation pçur m ’actabler d’injures, fous prétexte de l’amende prononcée par
cette fentence ; fans s’épuifer çn citations d'autorités, Qfl
po uv oi t
en trouver une dans l’article 7 du tit. x 5 dç l’or-r
donnance de 1 7 7 0 qui apprend qua l>m.çndç fl’eft point
infamante quand elle n’eft: pas confirmée par arrêt, quanti
elle n’eft pas jointe à une condamnation fur qn dçlic jn-r
famant. Toutes les charges de l’informatiot} de M . d«
Villeneuve contre madame de la Tour & moi fc bprnçn^
i dire que pendant fa querelle avec lç (leur de Mirabeau
nous avions ri dans un lieu d’où nou? np pouvions cepen
dant ni les voir ni les entendre.
J
Je ne dois pas oublier içi que la cabale qui minoiç
notre m a ifo n , étoit (ï co n n u ç, que M . de T o m c tte s c>
par fa lettre du 1 1 A oû t 1 7 7 4 , me m arque: « ççttç
»
affai re eft d’autant plus défagré^ible , que vous êrcs
»> entourés de gens abominables, ô£ çapablçs de to.y.tcs
?» fortes d’ipiquités.
Q U A T R I E M E
F A I T .
L a dam? de Lombard> douairière de Cabris > prétend
que pendant mon féjour à Lyon en 1 7 7 6 j ’ avois forcé la.
police a fuivre rfies pas ; elle fa.it de Içngs détails de prér
fendus prçcès verbaux qu’elle fuppqfe fq its a cet égard
tant par la, Police de Lyon que par c$llç de Paris i clic
Fi j
�t4
copie même en guillemets 3 a la page / j
M u r on.
'
j
celui du fie tir
'
Je ne puis & ne dois répondre à cc fait que par la
plainte que j’ai rendue, Sc par la réparation authentique
que j ’en attends de M . le Lieutenant Criminel. Si je me
livre ici à quelques réflexions, cc ne fera que pour dé
montrer l’abfurdité Sc la fauflecé qui naiflent de ces écrits
mênics.
'
M'. le M arquis‘de Mirabeau fit partir le 6 Juillet 1 7 7 6 '
le' fleur Muron , lui troïfieme ^ à la pifte du comte de
Mirabeaiu fon fils , qui s’étoit échappé du château de
Jtauir. If' j>afôît par une lettre écrite à M. le marquis de
Mârignanhé le 9 Septembre fu iv a n t, imprimée dans un
inémoire de la comtcflc de Mirabeau contre fon mari ,
pages 10 Sc fuivantes , ’»j qu’ils le fiiivircrit en S a v o ie ,
»j en Dauphiné , à Lyon Sc en P ro ven ce , qu’ils revinrent à Lyon où', fur clés avis Jqu’iPgagnoit les échelles
*> de Savoie Sc les Verrières de SuifTe, les chargés d’ordré
« y coururent.
C ’étoit donc contre le com te de Mirabeau que le iieur
Muron étoit envoyé. f
Ces chargés d ’ordre n’en iivoienr point contre moi ,
& n’en pouvoient point avoir; une femme en puiiTance
d’un m a r i, qui ne fe plaint pas,'qui ne parle d’elle qu’avec
,lcs expreflions du rcfpcdt Sc de l’cftimc , une femme qui
joint à ces témoignages domeftiques ceux des deux fan lillcs, & de toutes les perfonnes dont elle cft connue ,
ne peut avoir à fes trouffes des Infpecteurs de Police.
Il cft donc abfolumcnt faux que le ficur Muron Sc fes
adjoints avent drefle procès-verbal de mes démarches.
�45
Le procès verbal dont parle le libelle , aujourd’hui
fuppofé entre les mains de mes A dverfaires, n’effc donc
qu’un être de raifon , une piccc fauiîc , fabriquée dans
l ’obfcur'ité , pour fc préparcredes armes controinnoi , &
s’ il étoit poiïible qù'cllc-fût reuêtuç d e ! lafigmiTurc d’un
officier de Police , ce ne (croit que Je fruit de la préva
rication de de la coupable-complaifanceipour celui, qui le
payoir.
. . .
-t
Je ne veux pas d-autre prouve de la non exifter.ee de
ce prétendu procès v e rb a l, que l’ordre du Roi .décerné
contre moi le i 9 Juin 1 7 7 7 , à la follicitation de mon
pcrc & à l’infçu de mon m a r i, 6c révoqué quatorze jours
jours .après:(lé 4 Juillet) , fur /na'fimplc rcpr6fcncatipn ,
avant que mon mari , alors en Provence , eût pu ctt.êtrc
inftruit.
* ■.
. r
^Si le procès verbal eût exifté, le gouvernement auroitil refté onze moits £aus fôvir contre moi,, 6c fe fçroic- il
contenté d’un exil de quatorze .jours ?
,
Si je pouvois defeendre juiqu’à me juftificr, jc..n’aurois befoin que des lettres ci-devant citées ; on y vo.it mon
pere lui même , faifant l’éloge de ma conduite, exigeant
de moi des facrifices.
L a famille de mon mari me témoignant la plus grande
confiance, 6c prenant part aux chagrins domeftiques que
j’éprouve. M . de Vauvenargucs m ’écrit dans fa lettre
déjà citée , du i ‘4 Juillet 1 7 7 4 .
» Il ne me refté qu ’à vôus dire combien je fuis atten>» dri Sc touché de votre confiance 6c dé votre lituation.
n Vous pouvez avec liberté 6c sûreté , foulagcr votre
y> cœur dans le mien ; vos peines me font auifi fenfiblcs
�4^»
» que. . . . . . C e p e n d a n t mq. chert co’uÆne , nç l’abîïR’3 donnez p a s, il feroic perdu. La crainte Jcule qu’inf« pire une .Femme refpeâfcnblp * ppjt -quelquefois' arrêter,
v un m ari ; le -votre s’éloignera de vous , tournera ,
v changera de plan ^ d ’amis , 6c! d’habitudes , comme
» un malade qui ne trouve point de bonne plaçc , cet
v état cruel..le forcera de reyenir k vous :; je le délire ,
« je Pefpere.............. Mais en tout , ma chcre coufinc ,
» ouvrez-nous à. moi fans crain te, vous je poyvp:£ aveç
v affûta ne e ; quelque 'vertueuie que foie une am«?, elle
»> ne trouve pas toujours en elle - même de quoi ic
») fuffire.
Le même marquis de Vauvenargues m ’écrivoit le i 6
JuiHet i 7 7 4 :
»» Au furplus , ma chere co u fin e, votre conduite visn
vis de votre m a r i, & relativement-à. tous fes intérêts,
m eft âdlive , éclairée & refpc&able à tous égards, mon
■
a témoignage eft inutile pour le prouver, ce font dei
»5 vérités connues que j’ai atteftées , que j’attefte 6c que
» j’attefterai tant , & à qui il vous plaira.
On a vu quelles étoient les expreflions de celles de
M . de Totirrettes & des autres perfonnes avec qui j’étois
en correfpondance pour les malheureufes affaires de ma
famille.
La dame de Lombard , douairière, m’écrivoit à Lyon,
enfuite à Paris en 1 7 7 6 & en 1 7 7 7 .
D ans ia lettre du t 7 M ai 1 7 7 6 elle $ t : y ce feroif:
» une grande faxisfaction 5c confolation pour moj d#
» vous voir jçi d.ins quelque tems , que vous y fuifie.?
�*
47tranquille & comme vous devez y être ; voilà , m a
»> chcre fille, tous mes fouhaits.
J’ai déjà imprimé une autre lettre du 2 Janvier 1 7 7 7 ,
oii elle me marque ; « que c ’cil avec le plus v if intérêt
»» qu’elle reçoit le témoignage de mon amitié ; rien
« n’égale ( ajoutc-elle ) le plaifir que j’ai de favoir que
a
vous jouiriez d’une bonne fanté dans l’endroit où vous
*5 ères , fi ce n’eft celui que vous me cauferiez étant
« avec nous. Si le Seigneur daigne exaucer mes vœux ,
» vous jouirez de la vraie félicité pour tous les te m s,
*3 Pauline dit que. vous venie%, que vous venie\.
Je ne rappelerai point ici les certificats des rclîgieufes
^c la DeiTerte à Lyon , de Popincourt à Paris , & de
Siftcron.en Provence, couvcns où j-’a l demeuré -'pendant
le tems que je n ’ai pas été avec mon mari ; j’ai déjà été
forcée de les imprimer ailleurs , & je le ferai même de
rappeler le d ern ier dans un inftant.
A -t-on ofé fe permettre l ’affrcufc aiTertion ( inférée
page 1 9 , ligne 19. da m ém oire) quo mon mari s’éroit
éloigné de moi ! a t on pu oublier que le 3 1 Mars 1 7 7 6
il m ’envoya auprès de ma mero alors malade & à la
fuite de ics aiïaires à P a ris , que le n M ai 1 7 7 7 , il
me marquoit : « ma mere avec qui vous avez eu uti
53 con)mcrco fuivii de lettres-, m ’a dit pluficurs fois que
»i - vous n’étiez pas éloignée de revenir, èc m ’a même
«
montre des lettres qui confirmoient fon difeours. Je
w deiircrois que- vous vous mainteniez toujours dans ce
i» ü n tim çn t t &C que vous exécutiez promptement vorrç
*i projet.
Q u e le 4 A o û t 1 7 7 7 il écrivoit au marquis de M*-
�. 4?
rabcau de fa propi;c main , pour (e plaindre de l’ordre qui m ’avoic exilé de Paris : » fans les égards que ma
» femme conferva pour vous, & qu’elle m ’oblige à par» tager , je vous aurois déjà dénoncé au Tribunal de
« NoiTeigncurs les Maréchaux de France , je vous y
» anrois dénoncé comme le perturbateur de mon repos
» domeftique , le calomniateur de ma femme , d’une
« femme que je refpe£te.
M on mari adrefla en même tems des repréfentations
aux M inières du Roi fur cette furprife faite à l’auto
rité , &. leur envoya copie de fa lettre à M . le marquis
de Mirabeau.
C I N Q U I E M E
F A I T .
M on e x il a Sijleroti ; lettre de la Supérieure du couvent
ou j ’ étois ; entrée de Madame la marquife de Limaye pen
dant la nuit dans ce couvent.
Les auteurs du mémoire s’oublient fur les motifs qu’ils
veulent donner à ma détention.
A la page i 5 , premier alin éa, voici ce qu’ils en difent : » tous fes parens defircrcnt fauver leur honneur Sc
« le ficn qu’elle compromettoit à A ix dans le cours de
» l’année 1 7 7 8 , ils obtinrent un ordre du R oi pour la
» faire renfermer dans le couvent des Urfulines de Sii” teron ». (J’étois alors avec mon mari qui fuivoit fou
appel de la fentcncc d'interdiction ; je ne le quittois pas -,
je fus enlevée de fon lit au milieu de la nuit). D ans la
note au bas de la page 4.0 , après avoir raconté l’hiff
toirc fabulcufe , que M . de Cabris m ’étoit échappé au
fpe£taclc
�4i>
fpe&acle , &
av o it couru de loge en l o g e , f a ifa nt des
folies , ils ajo ut en t de fuite : «
les parens
s’ém urcnc
d ’une c o ndu ite qu i les c o m p r o m e t t o i t , ils cr urent né>> ceiTHirede féparer M . de C a b r i s d ’une c o m p a g n e ( q u i
»
le d é f e n d o i t) qui d o n n o it à fes malheurs une publ icité
33
Ci affligeante , q u ’ils fc réunirent & o bt in re nt du R o i
33 un ordre de la con du ire dans le c o u v e n t de Siiteron »>.
L ’hiftoire du f p e & a c l e , je le r é p è te , eft a b fo lu m e n t fauiïè.
M o n mari y alloit f o u v e n t , il y étoic
c o m m e tous les
autres fpectateurs ; toute la ville d ’ A i x & celle de M a r fcille peuvent l’attefter ; la publicité affligeante étoic dans
les pourfuircs de la cabale' pour l’interdiCtion.
L a c o nt ra di c tio n q ue je viens de relever n’eft: pas la
feule q u ’on puiiTe reprocher fur cet étrange f a it à mes
perfécuteurs.
M . le Bailli de M i r a b e a u , qui a toujours été reconnu
p o u r a vo ir p r o v o q u é de f a it obte nir l’ordre qui m ’enlcv o i t k la défe nfe de m o n mari , éc rit le 6 N o v e m b r e
1782
à la c o m t c f le de M i r a b e a u , fon autre n i e c e , qu i
v o u l o i t être féparée de fon m ar i : 55 vous êtes fa f e m m e ,
«
nulle autorité fous le ciel ne fauroit difloudre le lien
35 qui l ’a tt a ch e à vous , de vous à lui ; le Souverain lui»5 m ê m e ne le pourroit que par un acte de tyran nie
35 inouïe.
Je m ’interdirai tou te réflexion fur cette religion de
circonitance.
E n c o pi a nt la lettre de la Supérieure du c o u v e n t de
Siiteron au M i n i f t r e , page 1 5 , les auteurs du m é m o ir e
auroient du dire que cette religieufc n’ a v o i t été a p p e l é e par
les intrigues de la c a b a l e , du f o n d du L a n g u e d o c où elle
G
�5®
îWoit fait profeffion , que pour exercer fcs persécutions
contre moi.
Ils aur oicn t dû dire q u ’après que j ’eus obt en u la révo
c at ion de l’ordre du R o i , cette Supérieure voulu t m e re
tenir du iien p a r t i c u l i e r , m a lg ré les repréfentations du
S u b d é lé g u é de l’i n t e n d a n t , porreur de cette ré vo c at io n ,
q u ’elle ne cé da q u ’à la crainte d ’un tu mu lt e o<?cafionné
par plus de cin q ce nt perfonnes raflemblées qui s’é toient
tranfportées aux portes de m o n c o u v e n t fur le bruit de
m a liberté répandu dans la ville , 6c q u ’il fallut q u ’on
m e portât aux fenêtres pour appaifer l’in d ig n a t i on du
p e u pl e , qui fa vo it que m o u r a n t t depuis trois m o i s , on m e
refufoie des bouillons £c un médecin.
J’opp polerai à cette le ttre, dictée par la cabal e m ê m e ,
une lettre écrite par la Supérieure précédente au m ê m e
M i n i i t r c , le : o D é c e m b r e 1 7 7 8 :
» M o n i c i g n c u r , je viens de recevoir une lettre de M . de
'»3 la T o u r , In t e n d a n t de cette p r o v i n c e , par laquelle il
«
m e fa it part d ’un ordre de Sa M a j c f t é , pour refufer
îj d o r é n a v a n t à m o n parloir l' a vo c a t d u R o i de ce tte
»
v i l l e , qui éto it en ufage de venir co nfé rer en m a pré-
»
fe nc c a v e c m a d a m e la ma rq u ife de C a b r i s , enfuitc
»
d ’un de cret du P a r l e m e n t , 6c d ’une lettre de vo tre
«
part à M . de la T o u r qui l’y autorifoit en a p p ro u v a n t
”
le decret : j ’ai o b é i , 6c M . l’a v o c a t du P«.oi ne verra
M plus m a d a m e de Ca br is .
” Je crois de voir à la vérité 6c aux
>3 marq uife de
55
intérêts de la
C a b r i s que j ’eftime p r o f o n d é m e n t , de
prendre fur moi d’avoir l’hon neur de vous écire
,
Mon-
>3 f e i g n e u r , pour vous certifier q u ’a y a n t toujours été pré-
�51
» fente aux co nférences de M . D e y r a u d a v e c m a d a m e la
»> mar qui fe de C a b r i s , 6c pré fi dé, c o m m e je le d e v o i s , à
” toutes leurs relations , je n’ai jama is rien vu ni c n u tendu qui ne fût dig ne des fentimens de l’un 6 c de
u l ’a u t r e, 6c qui pût porter la mo in dr e atteinte aux ordres
» de Sa M a j ef t é .
»> Je dois encore avoir l’honn eur de vous aifurer que
>» depuis dix mois que cette d a m e cft détenue dans m a
m maifon , elle s’y cil fa it g é n é r a le m e n t refpc£ter 6c
53 aimer , q u ’elle réunit toutes les qualités du c œ u r 6c
» de l ’e f p r i t , que fa p i é t é , fa do uceur 6 c fa foumiiîîon
» aux ordres de Sa M a j e f t é nous édifient tous les jours :
« ces difterens t é m o ig na g e s font con iîgné s dans pluiieurs
» de mes lettres à M . de la T o u r , 6c je ne do ut e pas
» q u ’il ne vous en ait rendu c o m p t e , c o m m e je l’en ai
» chargé.
O
»
V o t r e juftice
&
votre
»s M o n f e i g n c u r , vous feron t
»
bienfaifance fi connues ,
pardonner , j ’cfpere , la
liberté que je prends de vous adrcilcr cette le t t r e ; m a
>5 c o nf c ic nc e cft en ga g é e à vous faire parvenir un té mo i”
S naS c dû » &
peut-être cft de venu néccfïaire ,
»
puifque je fuis feule à portée de juger m a d a m e de
«
C a b r i s , 6c de c o n n o ît r c la vérité ; je fuis d ’ailleurs
»> entièrement défintérefTée dans des affaires bien étran»
geres à m o n é t a t ; m o n devoir 6c la vérité p o u v o i e n t
»
fe u ls
me forcer de m ’en occuper.
Je fuis avec un très-profond r c f p c d ,
Monfeigncur ,
V o t r e très-humble & très-obéiflante f er va nt e,
Sœu r A i l i e r , Supérieure du monafte re de Ste. Urfule.
G ij
�52
Je puis oppofe r encore une lettre écrite par la m ê m e
Supérieure à M . de la T o u r , In te n d a n t de la province ,
ch a rg é de faire e xéc ut er les ordres décernés contre moi.
U n certificat de cette m ê m e Su p éri eu re , préfente aux c o n
férences q u ’il m ’a v o i t été permis d ’avoir a v e c M . D e y raud , A v o c a t du R o i , que le P a r le m e n t a v o i t n o m m é
pour m o n C o n f e i l , un certificat de toutes les religieufes
fans ex ceptions , fur la maniéré d o n t je m e c o m p o rt o is
dans le c o u ve n t ; enfin celui de tous les gens d e - c o n d i
tion , h o m m es en place & notables de la m ê m e v il le , du
9 Fé vrie r 1 7 8 1 ,
fur la réquifition de M M . les co m te s
de G r u e l , pcrc & fils , à qui j’ai l'honneur d ’a p p a r te n ir ,
du c h e f des M i r a b e a u ( ce dernier fy n d i c de la noblcfle
du D a u p h i n é ) ; Sc d ’après l’expofé qui leur eft fait de la
lettre écrite pa-r la d a m e A u g i e r , Supérieure , d o n t ils
11’héfitent pas d ’attefter la fa u île té.
il eft néceflarrc de diftinguer la dame Aftier de là
dame Augier qui lui a fuccédé.
L e t t r e de Madame A/lier a M . l'intendant de
Provence.
i) M o n f i e u r , j ’ai reçu la lettre que vo us m ’a v e z fait:
»
l’honn eur de m ’é c r i r e , en da te du 1 5 de ce m o i s , les
”
intentions du R o i f o n t remplies , M o n fi e u r D c y r a u d
”
ne voi t plus m a d a m e la m a r q u if e de C a b r i s , je fuis
>5 bien éloignée d ’ofer réfifter à des ordres fupérieurs.
« J’ai déjà eu l’honneur de vous aiTurer, M o n f i e u r %
»
q u ’il ne s’étoit c o m m i s aucuns abus dans les relations
«
qu e m a d a m e de C a b r i s a eues ave c le iîeur D c y r a u d 3
�53
”
conformément aux in tentions du P a r l e m e n t 8c h 1%
”
première a p p r o b a t io n du M i n i f t r c ; la fam il le a b f e n t e
,J
ne peut pas connoîcrc aufli bien que moi la vérité ,
13 &
je puis feule certifier c e qu i s’eft paiTé fous mes
»
yeux ; je mé rite d ’auta nt plus de cr o ya nc e que j ’étois
»
charg ée
»
porté d ’autre i n t é r ê t dans cette a f f a i r e , que ceux de
«
m o n d ev oir &
»
M . A m c l o c Sc la fam il le que les no u v e a u x ordres feront
»
e xa c te m e n t ob fervés , c o m m e l’onc toujours été ceux
»
que vous m ’a v e z fait l’honneur de m e c o m m u n i q u e r .
»
Je fuis av e c un p r o fo n d r e f p c d ,
d ’e mp êc he r les abus , 8c que je n'ai j a m a i s
de la ju fticc ; vous
po u v e z affurcr
Monficur ;
P . S. J’ai remis à m a d a m e
Votre
très - hu m b le
5c
d e C a b r i s la lettre que vous
très - o b é i f f a n t e fervante ,
m ’a v e z adreffée pour elle; il
fœ ur de Sr. Jean R . V* S.
ne m ’appartient point de lui
A i l i e r , Supérieure,
do nn e r aucun avis fur Tes
affaires.
C e r t i F I CAT de la Dame A flie r 3 Supérieure.
» Je foufïignée, Supérieure des religieufes du m on af te re
»
de Sainte U r f u l e de cette ville de Siftcron , certifie en
»
f ave ur de la vérité , que depuis le dccrct du Parlement:
»
du 1 4 M a r s d e rn ie r, qui m ’ a été c o m m u n i q u é le pre*
»
mier A v r i l , par lequel il a été permis à m a d a m e la
»
ma rqu ife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans
�14
ce. m o n a f t e r e , de co nfé rer a v e c fon C o n f c i l fur fes
a ff a ir e s, 6c depuis le c h o i x que ladite d a m e de C a b r i s
a f a it de M . D e y r a u d ,
A v o c a t du R o i au Siège de
ce tt e v i l l e , pour fon C o n f c i l , je n ’ai jamais rien vu
ni e nt e nd u dans leurs différentes co nférences ou j’ai
affifté , f u i v a n t
l’intention
du P a r le m e n t , é no ncé e
dans le fufdit de crct , qui ne fût c o nf o rm e à la d é
ce nc e & qui pût faire fufpecker les fentimens & la pru
dence d ud it Heur D e y r a u d ; que le fujet le plus ordi
naire de ces co nférences é t o it les affaires de ladite
d a m e ; que les confeils 6t les d é ma rc he s du fieur D e y
raud o n t toujours été c o n fo r m e s a u x
ordres de Sa
M a j c f t é , 6c dirigés par le r c f p c d qui leur cil: dû ; élo i
gn és des partis violens ,
8c feu lemen t a c c o m p a g n é s
des motifs de c o nf o la t io n propres à adou ci r les peines
de ladite d a m e de C a b r i s , & q u ’enfin la c o nd ui te d u
ficur D e y r a u d , dans fes relations a v e c ladite d a m e ,
a été fi ex aéï e 6c fi p r u d e n t e , que je ne fan rois croire
q u ’il ait pu don ne r lieu à la mo in dr e plainte de la parc
de qui que ce foit ; en foi de quoi j ’ai fait le préfent
c e r t i f i c a t ; à Siftcron ce
x o A o û t 1 7 7 8 , jignè fœu r
de St. Jean , A i l i e r , Supérieure.
CERTIFICAT
de toutes les Religieufes du Couvent
de S i fier on.
« N o u s fouffignées Supérieure , Ai fiftante , & toutes
«
nos Sœurs profeffes du mona fter e de fainte U r fu l c de
»
cette ville de Sifteron , déclarons 6c certifions que
m
m a d a m e la marquife de C a b r i s , p e n d a n t fo n iéjour
�u
”
dans notre c o u v e n t , où elle eft dé tenue par lettre Je
”
c a c h e t , mène une c ond uit e exemplaire , q u ’elle pra -
”
tique les exercices de religion , des vertus morales &
”
c h r é t ie n n e s , & obferve toute la d é cen ce & la dig ni té
»
q u ’on d o it attendre d ’une f e m m e de fon rang , que fa
»
do uceur 8c fon h o n n ê te té la f o n t chérir de toute notre
>3 c o m m u n a u t é , 8 c que ce ne feroic q u ’avec le plus v i f
>3 regret qu e nous la verrions iortir de c h e z n o u s , il* clic
>» éto it transférée dans un autre co u v e n t. En foi de quoi
33 nous avons, fait 8c figné ce préfent certificat. A Sille >3 ron le 20 M a i 1 7 7 8 ^¡ignées fœur de Sa int J e a n ,
»3 A i l i e r , Supérieure ; fœu r du St. E f p r i t , H u g u e s , A f >» fiftante ; fœur du St. A m o u r , D e y r a u t , Z e l a t r i c e ,
33 fœ u r de Ste. A g n è s , Berticr ; fœ u r de St. X a v i e r , de
»3 B r e m o n t ; fœ ur St. C h a rl e s , C r u d y ; fœu r de St. A u »3 g u i l i n , B o r e l y ; fœur du S a c r é - C œ u r , C o n f o l i n ; iœ ur
»
du Sa uve ur , B o i s ; fœur de St. P i e r r e , de C h a m p c l o s ;
»
f œ u r de St. P a u l , de C h a m p c l o s ; f œ u r . d u V e f b e in -
33 c a r n é , de C h a m p c l o s ; fœur de Ste. C c c i l e , F e r a n d ;
>3 fœu r de Ste. R e i n e , M i e u l e ; fœ u r de Ste. O n g e l e ,
33 G u i b e r t ; fœ u r C l e r c , de B e r m o n d ; fœ u r de Sainte
>3 R o f a l i e , L a t i l ; fœu r de Jéfus, Ifourd ; f œ u r de Sainte
»
U r f u l e , de C k a t e a u a r n o u x ; fœu r d e St. J o f e p h , Jacob.
oi;
C E R T I F IC A T des M aires 3 Conftds & Notables de la ville
de Sifieron. ■
»
»3 M o n f i e u r le C o m t e de G ru e l du Sais , & M . le c o m t e
») Jacques de G ru e l fon fils , f y n d i c s . d e la N o b l e f l e du
»3
ha u t D a u p h i n s , oncle 8c coufin de m a d a m e la mar-
�¿6
«
quife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans le
»
c o u v e n t de Sainte - U r f u l c de cette ville d e .S i f t c r o n
33 en P r o v e n c e , a y a n t appris qu e la d a m e A u g i e r de
33 Ste. C é c i l e , religieufe profeiïe du c o u v e n t des U r f u sj lines de la ville d u P o n t St. E f p r it , en L a n g u e d o c , Sc
33 depuis un an feu le me nt fupérieure du c o u v e n t de Sif"
33 teron , a v o i t d e m a n d é au M i n i f t r e du R o i , dans le
»
mois de N o v e m b r e d e rn ie r, le c h a n g e m e n t de m a d a m e
33 la mar qui fe de C a b r i s , leur p a r e n te , fur le fo n d e m en t
a» q u ’elle m e t t o it le défordre dans la ma if on , &
trou-
33 bloit les exercices divins , en re cev ant au parloir trop
93 d e vifites , èc n o t a m m e n t tou te la m a u va i fe c o m p a 33 gnie de la v i ll e ; les M M . c o m t e s de G r u e l , do miciliés
j> à cin q licucs de cette v i l l e , nous a y a n t prié de dire ce
33 qui effc à notre c o nn o iff a nc e , nous fouiîignés M a i r e ,
33 C o n f u l a & u e l de la ville de Sifteron , &
nous Ex*-
,33 C o n f u l s & autres N o t a b l e s de lad ite v i l l e , certifions,
-•> en f ave ur de la v é r i t é , que la c o n d u it e de m a d a m e la
,33 ma rqu ife de C a b r i s , depuis fa d ét en ti o n au c o u v e n t *
»
lui a attiré l’a t t a c h e m e n t Sc le refpc£t de toute la
»
ville , q u ’elle ne voi e au parloir que ce q u ’il y a de
53 gens c o m m e il f a u t , d ’honn eur 8c de probité , que
33 toutes les^perfonnes de d i f t i n û i o n , no n f e u le m e nt de
33 ce tt e v i l l e , mais en core celles qui y o nt pafle., n’o nt
33 pas m a n q u é de l’aller v o i r , q u ’elle efk l’objet .de la
55 véné ra tio n publ ique , &C q u ’ il par oît q u ’il ne peut y
avoir eu que de vils calom niate urs qui ayent fug géré
33 c o n t r’cllc des délations fecretes ; certifions en o u t r e ,
7) q u il eft de no t o r ié t é pu bl iqu e q u e ladite d a m e m a r
quife
�57
3>. quifc de Cabris donne à la mai fou de .Sainte Urfulc
,J quinze cenc livres de penfion pour elle &C fa femme
M de c h a m b r e , &C qu’elle y cft fi m a l logée , ii mal cou« chée , fi mefquinement nourrie , & ii négligée dans
5j fes maladies , qu’il paroît , eu égard à ce que coûtent
33 les vivres dans cette ville', 8c à la penfion ordinaire
33 de cent quatre-vingt livres fixée dans ce couvent pour
3j les penfionnaircs , que la communauté gagne , fur les
« 1 5 0 0 liv. au moins les deux tiers ; en foi de quoi , 8C
3j à la requête des iieurs comte de G r u e l , avons figné
33 le préfent c ertifica t, pour fervir Sc valoir ce que de
s? raifon , fait contrefigner par notre fecrétaire, 8c ap33 pofer les fceau Sc armes de la ville : à Sifteron le 9
33 Janvier 1 7 8 1 . Ainfi fignés Bcrard de St. Denis , M .
« Conf. ; Juflert, M . Conf. ; F u q u c t , Conful ; F. S. Im33 bert , E x -C o n fu l ; R c g n is , E x - C o n f u l ; Deiraud ,
33 Confeiller 5c A vocat du Roi au Siège ; Richam La*
33 plaile, D irc& eur des dames de la Vifitation; Pellegrin,
33 C h evalier; Deroux des Com tes d e 'L a r ic , Lieutenant
33 des M aréchaux de France ; Chevalier de Caftagny ,
y* ancien Capitaine d’infanterie; T o u rn a d rc, Capitaine
33 au Corps royal du génie ; H a t c l , premier Conful en
” * 7 7 9 i G om bcrt , Ecuycr ; Bezadc de Mazicres ,
53 Confeiller du R o i ; Ricaudi , A v o c a t au Parlement
« de Paris, LaplalTe , A vocat ; le Prieur Laplafle ; Ven*
33 tavon ; R ic a u d y , Lieutenant C r im in e l; C a f t a g n y ,
y» Chevalier de l’Ordre de Saint Louis; C a f t a g n y , Prêtre;
33 R ic a u d i, Chevalier ; B a r le t, Prieur ; le Chevalier de
33 Verneuil , Capitaine d’infanterie ; Deleuze , ancien
33 Officier d’infanterie ; Deleuze , Officier d’infanterie j
H
�58
» Gantianne , Chanoine théologal de la cathedrale »
îj
Regnier , A v o c a t ; Vormerdre.
E n marge ejl écrit > contrôlé à Paris le 9 Fevrier 1 7 S 1»
reçu 1 4 fols. Signé L e z a n .
• Il cft ainfi audit certificat légalifé , certifié véri
table, figné & paraphé , & dépofé pour minute a
M c Pijcau , l’un des Notaires à Paris fouiîignés ,
par a£te de ce jourd’hui 9 Février 1 7 8 1 ; le tout
étant en la poiTeiüon dudit M e Pijcau , Notaire.
A i n f i [ignés
D eyeux
&
P ije au ,
N o ta ire s,
avec
paraphes : ù en marge eji écrit 3 contrôlé lefdits
' jour & an ,
J’avois eu la liberté de recevoir an parloir les vifites
des perfonnes qui me faifoient l’honneur d’y venir ; la
lettre de la dame Augier , Supérieure , avoit produit
l’effet que la cabale en avoit efpéré. M adam e la marquife
de Limaye , ma parente (du côté de mon pere) venoit
fouvent d’A ix me confolcr dans ma retraite : a la fin de
D écem bre 1 7 8 0 , elle pafle au château de Mirabeau fur
fa route ; M . le Bailli de Mirabeau , inftruic de fou
projet, lui apprend que le parloir m’eft interdit: elle foutient qu’il ne doit jamais l’être pour une femme comme
elle : elle arrive à cheval à cinq heures du f o i r , le 3 1
Décembre : elle fc préfente à la porte du cou ven t, on la
lui refufe : elle retourne à fon auberge, fait porter par un
payfan une échelle quelle applique au m ur, au bas d’une
fenêtre de hauteur d’homme , elle en cafle les vitres ,
le payfan , porteur de l’échelle, s’en retourne à l’auberge
avec fon laquais.
�59
M adam e la marquife de Lim aye dans les corridors du
cou vent, ne fait où inc prendre, elle frappe à routes
les portes, &: me demande p artou t, une religieufe & ma
femme de chambre la rencontrent; cette dernicre la con
duit chez moi.
M adam e de Lim aye s’étoit blèiïee à la jambe par la
chute d ’un cheval , je la fis mettre au lit ; le lendemain
dès le m a tin , j’en avertis la Supérieure , & je la priai de
faire fortir madame de Limaye fans éclat ; elle me le
promit.
D ans le même inftant qu’elle faifoit cette promeiTc ,
elle donna fa requête à M . le Lieutenant-Général de la
Sénéchauflee, pour requérir fon tran fport, ôC recevoir fa
pl ai nre.
Elle reçut dans l’intervalle la vifite de madamé de
Lim aye au parloir , qui lui fit des exeufes de ce qui s’étoic pafle y Sc à. laquelle elle promit encore de ne faire
aucun éclat.
PromeiTe artificieufe : les Juges arrivent, & la plainte
eft rendue avec tput l’éclat & tous les cara£teres qui pouvoient l’aggraver.
O n dreile le procès verbal des prétendues effra&ions
commifes dans le couvent, elles fe bornent à quelques
carreaux de vitres.
Preuve que madame la marquife de Lim aye étoit
connue dans fon fexe & dans fa qualité.
L a déclaration que la Supérieure en fait elle-même
dans le procès verbal.
H ij
�Co
■EXTRAI T des rsgifires du Greffe du Siege de Sifleron.
A
M o n sieu r
le
L ieu ten an t-G én éral.
Supplie humblement dame de Sain te-C ecilc Augicr ,
Supérieure du Monaftcrc de Sainte Urfulc de cette ville
de Sifteron :
Remontre qu’elle .eft chargée de veiller à la sûreté &
au bon ordre de fa maifon ; & s’étant apperçue que des
étrangers qui y font actuellement, s’y font introduits pen
dant la nuit, elle vous requiert d’y accéder avec les Gens
du Roi , pour lui concéder verbal dudit fait : à l’original
figné fœur de Sre. Cccile , Augicr , Supérieure.
Soit montré au Procureur du R oi à Sifteron le 3 1 D é
cembre 1 7 8 0 , Signé Iiarlet de la Cazette à l’original.
V u la requête ci-deflus & le d e c re t, nous requérons
qu’il foie accédé audit couvent en notre compagnie, ppur
dreffer procès verbal de la plainte ci-deiTus , & avons
iigné à Sifteron les fufdits jour Sc at\: fignés L a t i l , Confeille r, & P. D . R à l’original.
V u la plainte ci-deiTus, notre d e c re t, & les conclu
rions
dudit Procureur du Roi :
Nous Lieutenant particulier, en l’abfence, ordonnons
qu’il fera par nous tout prélentemcnt accédé , en com
pagnie dudit Procureur du R o i , de notre Greffier fuivi
de l’ H u i f l î c r de fcrvice au monaftere de Stc. U rfulc, pour
y procéder relativement à la plainte ci-defl'us : à
Sifteron
le 3 1 Décembre 1 7 8 0 •>figné Barlct de la Gazette à l’ori”
ginal. Collationné figné Jacob.
�61
Nous Charles-François de Burles, C h e v a lie r, C o n
seiller du R o i , Lieutenant-Général au Siège royal 6c Sc>
néchauiTée de la ville de Sifteron en P ro ven ce, certifions
à tous qu’il appartiendra , que M c Jacob qui a expédié ,
collationné 6c figné l’extrait c i- d e flu s , cft Greffier en
c h ef audit Siège 6c SénéchauiTée , aux écritures & fignatures duquel foi doit être ajoutée tant en jugement que
hors d’icelui ; en foi de quoi nous avons fait £c figné le
préfent, contrefigné par notre fecrétaire, 6c fait appofer le
fccau de nos arm es, pour fervir 6c valoir ce que de raifon.
Fait 6c donné à Sifteron dans notre hôtel le i 5 Février
1 7 8 4 . Signés de Burles 6c H ern cl, Secrétaire.
E
X
T
R
A *1
T
des Regifires du Greffe du Siege de Sijleron.
D u 31 Décembre 1 7 8 0 ,
à Sifteron , Nous Picrrc-
Jofeph Barlet de la Cazette , Confeillcr du Roi , Lieu
tenant Particulier au Siege royal 6c SénéchauiTée de la
ville de Sifteron , en abfencc, en compagnie de M e Jofeph-Gafpard Latil , Confeiller 6c Procureur du Roi ,
6c de M c Jean-François Jacob , Greffier en chef audit
Siege 6C Sénéchauilee, fuivis de l’huiilier de fcrvice , nous
étant rendus au monafterc de Sainte-U rfulc, fitué hors
les remparts de la ville : eniuite de notre ordonnance
de ce jour au bas de la requete, de plainte a nous p o r t é e
par dame de Sainte Cecile Augier , Supérieure dudic
monafterc , 6c par laquellejadite dame nous r e q u i e r t de
vouloir
accéder audit couvent ; ou étant a r r i v é s
eu
�6i
compagnie de qui dcffus , nous nous ferions fait annon
cer par Phuillïcr qui eft à notre fuite , &
feroit comparu-e la dame fupcricura
qui
a l’inftant
nous auroit
fait ouvrir les portes dudit monaftere , ôc nous auroïc
conduits dans la falle capitulaire ou nous aurions trou
vé dame Hugos , fœur du Saint - Efprit , affiftante
dame d’Eyraud , fœur du Saint - A m our , zélatrice ,
&
dame Confolin , fœur du Sacré C œ u r , économe ,
dame B orely, fœur de Saint-Auguftin , confeillere ; la
dite dame fupérieure en préfence des dames ci-dellus
nous auroit requis de vouloir recevoir juridiquement fa
plainte; à quoi adhérant , elle nous auroit expofé que
le j our de hier , environ l’heure de huit du foir , l’on
vint frapper à la porta dudit monaftere , qui vife fur le
grand chemin , que la fœur de Notre-Dame , tourriere
dudit monaftere , accourut au bruit & demanda à ceux
qui frappoicnc , ce qu’ils demandoient , &. lui ayant
écé répondu d’ouvrir les portes ; ladite fœur répliqua
qu’on ne le pouvoir pas attendu qu’il écoit cxprcflemenC
défendu d’ouvrir les portes à cette hcure-là , que ladite
fœur de N otre-D am e s’apperçue alors que l’on avoir
frappé fi rudement que l’on avoit fait fauter la fèrrrure
de la première porte de la cour ainfi qu’un areboutant ;
que ladicc dame fupérieure , avant l’heure du coucher ,
fit faire la vifite dcfditcs portes dudit monaftere, qu’elle
fie refermer tout de fuite , que ladite dame fupérieure
s’étant retirée dans fa cham bre, elle entendit quelque
bruit dans ledit monaftere . . . . que ce jourd’hui à l’heure
de neuf heures ôc demie du m a tin , madame la marquife
de Cabris auroit demandé à parler à ladite dame fup«-
�¿3
Heure en particulier , & lui auroit die qu’elle éroît fort
en peine fur cc qui venoit d’arriver, Sc fur ce qui s’étoit
paillé hier au f o i r , qire madame de L im a ye, fa coufine ,
s’étant préientéc hier au foir pour la demander 6c n’avant
pu la voir , elle s’étoit introduite dans le couvent par le
moyen des échelles qu’elle s’étoit procurées3 accompagnée
de Ton laquais , qui l’avoit aidée à s’introduire dans lcd.
m onaftere, qu’elle congédia auifi-tôt ; que ladite dame
de Limaye pour s’introduire dans le monaftere avoit
brifé les vitres, d’une fenêtre 6c enfoncé un con treven t,
que s’étant introduite par ce moyen dans ledit m onaf
tere , habillée en cavalier : elle avoit frappé à pluficurs
portes, attendu qu’elle ne favoitpas la chambre de ladirc
rnarquife de C a b r is , qu’elle fut apperçue par la
L a t il , fœur de Sainte llo fa lie , 6c par la fille de chambre
de ladite dame marquife de C a b r is , qui eurent l’une 6c
l’autre quelque frayeur de voir une perfonne ainfi déguiféc
à une pareille heure , que la dame de Lim aye fe trou
vant couchée dans fon appartement , elle prioit ladite
dame fupérieure de trouver un moyen pour la faire fortir , ce que la dame fupérieure trouvant fort difficile ,
elle a dit à ladite dame marquife de Cabris de faire
habiller ladite dame de Limaye en fem m e, 6c qu’elle
t â c h e r a i t enfuite do la faire forcir p a rla porte des exter
nes , pour donner moins de fcandalc ; que la dame fupéricurc pour cela faire 6c pour que la chofe fût moins
co n n u e , fît apporter chez elle toutes les clefs des portes
pour qu’elle pût fortir en bonne 6c duc forme , que dans
cet incervalle de tems ladite dame de Lim aye a difparu ;
qu’environ un e heure après ladite dame de Limaye a u r o i t
�64
paru au parloir ,
Si y auroit fait demander ladite da me
fupérieure, 6c que l a d . d a m c d e L i m a y c a u r o i t f a i t d e s excufes, offrant e l l e -m ê me de faire fa déclaration c o m m e quoi
elle étoit entrée
de ne
dans ledit c o u v e n t ,
point faire d ’éclat
6c q u ’elle la prioit
de cette affaire , que
ladite
da me fupérieure ne p o u v a n t ‘ tolérer une pareille voie de
fait ,
6c voulant mettre l’ordre dans le monaftere d ont
on lui a confié l’adminiftration , elle nous requiert de lui
concéder a £ t e , ainfi que de ferment q u ’elle offre de prê
ter fur la vérité d’i cel lc ,
6c a figné à l’original ^figné s c eu r
d e S a i n t e - C e c i l e A u g i e r . , Supérieure.
Ledit
fieur Procureur du R o i a d i t , q u ’il n’c m p ê c h c
q u ’il foit conc édé a£te à ladite d a m e fupérieure, de la
plainte ci-deiTus ,
requérant
fra&urcs
L a t i l ,
en
6c du ferment qu’elle offre de prêter.,
outre qu’ il
foit
dreffé procès-verbal
y m e n t i o n n é e s , 6c à figné à l ’original
des
figné
Confeiller , 6C Procureur du R oi .
E t nousdit Li e ut ena nt Particulier , en abf cncc , avons
c on c éd é a£tc. à ladite da me fupérieure , de la plainte cideffus , 6c du ferment q u ’elle a prêté fur la vérité d ’icelle,
ordonnons en outre q u’il fera procédé à la defeription des
f ra &i o ns ci-deffus mentionnées ,
notre Greffier à l’original
6c J a c o b
Et
,
,fignés
&
avons
B a r le t de l a
figné
avec
C a z e tte ,
Greffier.
procédant à la defeription
ci-deffus ,
ordonnée ,
nous nous ferions rendus dans une c hambr e dudit m o n a f
tere dont la fenêtre vife fur le jardin du c o t é du l e v a n t ,
& aurions trouvé la fenêtre de ladite chambr e c ompo fé e de
d o u z e carreaux dont fept vitres on t été brifées 6c* rem
placés
tout récemment av e c du papier bl anc , ,6c é tant
defeendus
�defcendus dans la falle capitulaire, avons demandé À ladite
dame fœur fupérieure , fi elle n’avoic plus aucune def-
3c
cription à nous faire fa ire ,
n’ayant rien trouvé de
plus à écrire , avons dreiTé le préfent procès-verbal , pour
fervir 3c valoir à ce que de raifon , & avons figné avec
ladite dame ftipérieurc , ledit ficur Procureur du R o i ,
& notre Greffier ; à l’original , Jign.és
de
, Supérieure, B a r l e t d e l a C
, Confeiller , Procureur du R o i , £c
C ecile A u g ier
L atil
Sœ ur
Greffier. Collationné.
S ain te
a z e t t e
,
Jaco b
,
Ja c o b .
N o u s Charles-François de Burlcs, Chevalier, Confcil1er du Roi , Lieutenant Général au Siege Royal de la
Sénéchauflec de la ville de Sifteron en Provence , certi
fions à tous qu’il appartiendra , que M e Jacob , qui a
e x p é d ié , collationné 3c ligné l'extraie ci - defïiis , cft
Greffier en c h e f dudit Siège 3c Sénéchauflec , aux écri
tures Sc fignatures , duquel foi doit être ajo utée, tant en
jugement que hors icelui ; en foi de quoi nous avons
fait
3c
figné ce p réfen t, contiefigné par notre Secrétaire,
& fait appofer le fccau de nos armes 3 pour fervir
&: valoir à ce que de raifon. Fait 3c donné à Sifteron ,
dans notre H ô te l, le i 5 Février 1 7 8 4 , figné d e B u r l e s ,
Si H e r n e t , Secrétaire.
D eux lettres que m ’écrit madame la marquife de Limaye , elle-même, retenue dans l’auberge de Sifteron ,
par fon accident des i er &
8 Janvier
1 7 8 1 , où elle
fe plaint amcremenc des procédés de la fupérieure , &
de fes manques de promclTe : elle y marque » l’Abbé la
» T o u r , (A u m ô n ier du c o u v e n t ) , vint hier au foie
J
�66
m’apporter mes bottes , &C me fit une longue v i f i t e ,
dans laquelle il me témoigna Tes regrets lur tout ce
qui s’étoit paiTé ; que s’il en étoit le maître , il jeteroit au feu tout ce qui s’étoit é c r i t , il me dit qu’il
fcroit fon poffible pour me ménager une entrevue
avec vous avec l’agrément de la fupérieurc ; il cfl:
revenu aujourd’hui pour m’apprendre qu’il n’avoit pu
obtenir
le confentement
de ces dames , 6t pour
m’exhorter à renoncer à vous voir ; je ne lui ai point diilîmulé que j’étois convaincue que ces dames ne fe conduifoient
que par fes confeils , 6c qu’il dépendoit
abfolument de lui quejevous viffe au parloir aux heures
permiies , 6c que je n’y paroitrois qu’ en habits de
femme ; mes follicitations ont été inutiles , je lui ai
fait fentir cependant combien j’étois fcnfiblc à fou
refus Sc à l’éclat qu’on avoit fait à mon occaiion ,
tandis qu’on
m ’avoit promis qu’on me donneroic
jufqu’à onze heures pour fortir , 6c qu’on ne porteroic
aucune plainte.
D ans celle du 8 , elle me dit » je n’ai fait aucune
a? efpece de fracture que celle des carreaux de vitre , ce
» qui ne feroit point arrivé, fi on n’avoit pas eu la dureté
« de me refufer d’ouvrir la porte à une heure qui n’étoit
» point in d u e ........... qu’on n’a pas vu d’exemple de
*> pareilles rigueurs à l’égard de perfonne , encore moins
”
à l’éçard
d’une femme comme moi.
©
V oilà la perfonne qui paiTa la nuit dans le couvent
dans mon appartement : voici ce que le M ém oire die
page 1 7 , l i g n e
14,
le lendemain i l fa llu t fortir ,
5î Vétourdi n’ avoit pas fbngé au dénouement de Vefealade*
�¿7
La lettre que je reçus de M . Barlet , Juge, qui a^oic
dreffe lui-même le Procès-verbal.
M adame,
« J e n’ai pu lire fans attendriffement la lettre que
»> vous m ’avez fait l’honneur de m ’écrire ; vos malheurs
«
6c l’intérêt générai qu’ils vous avoient acquis m ’atta-
*i choient déjà bien ilnccrement à vous: je faifois gloire
» de partager la fenfibilité de vos a m is, 6c c ’étoit un
» honneur bien vrai pour moi que d’ofer me mettre du
« nombre ; je fuis très-flatté qu’une circonftance impré« vue m’ait fourni l’occafion de vous le témoigner, mon
»> deiîr étant de faire plus *particulierement votre connoiiTance , vous devez fentir combien il m ’eft doux
>» de la faire en vous obligeant, 6c de vous obliger d’une
» maniéré auifi conforme à mon inclination qu’à mon
m devoir ; ce dernier m o tif vous difpcnfc de toute gra« titude à mon égard ; je dois, il cil v r a i , ainfi qu’on
» vous en a in fo rm é, mander à M . le Procureur Géné«
ral tout le détail de cette affaire ; je le ferai d’autanr
«
«
»
«
plus volontiers que je crois , ainfi que vous raffurez
vous-même , que les fuites ne peuvent être que trèsavantageuies pour vous 6c très-peu nuifibles à madame
de Limaye. L a place que j’occupe ne me permet dans
» aucune circonftance de diffimulcr la vérité, 6c mon
»3 eftime pour vous, eft dans celle-ci une nouvelle raifon
« pour ne pas la taire; je prends donc cette voie, comme la
»3 plus douce 5c la plus honnête,elleeftla plus conformeaux
»3 égards qui vous font dûs ; foyez perfuadée, m adam e, q«c
m
je fais apprécier votre mérite, & que fi jepouvois en être
�¿s
» moins convaincu, le criunivcrfclqui s’élève pour vous,
» ôc qui réclame en faveur de votre vertu ôc de votre
33 innocence , feroit lui feul un titre aiTez refpe&able
33 pour vous mériter les fuffrages 8c les applaudiifemens
« de toute âme honnête 6c fenfiblc.
Je fuis avec refpc£t,
M adam e,
votre très-humble ôc trèsobéiiTant
B arlet
Sifleron ,
4. Janvier
ferviceur ,
de
l a
G a ze tte .
1784.
Celle de M . l’Evêque de Siitcron , du 3 Jan vier, ou
il me m a rq u e ,, l’év enem ent, m a d a m e, qui s’eft pafle
33 ces jours derniers au couvent de Sifteron , ne p e u t,
33 ni ne doit vous être attribué en aucune manière ,
55 j’ ai été fort aife de ne vous y voir autrement compro33 mife que comme l’objet d’un attachement qui n’a
33 point connu les bornes de la prudence.
C e lle d e M . le Procureur Général du Parlement d’A ix ,
du 1 8 Janvier , qui m ’écrit « j’ai vu M . l’Evêque de
3* Sifteron , vous ne paierez , ni réparations étrangères,
« ni nouvelle conftru&ion , mais feulement les répara5î . tions rendues néceflaircs par le dommage que'madame
53 de Limaye a caufé; vous faites noblement ôc fagement
« d y ajouter les frais de juftice.
M . le Procureur Général me fait l’honneur de mvécrire
encore le 8 F é v r i e r „ j’ai vu madame de Limaye , votre
33 coufine } toujours remplie de zele ôc d’intérêt pour
�*9
V vous ; je ne puis douter qu’on ne demande votre tranfl
« lation dans un lieu dont vous n’auriez pas le choix , 6c
» qu’on n’envenime ia vifitc nodturne de madame de
»
Limaye , jufqu’à lui imputer un projet d’enlevcmcnc
ji de concert avec vous , vous êtes en pays ennemi ;
•» qu’il ne faut cependant quitter que pour être en lieu
jj de liberté. Je me hâte de vous marquer ces choies ,
qui me font dictées par le fcul motif de votre intérêt
s?
de celui que je prends à la rigueur de votre fort.
Q u ’on juge à préfent quels motifs animoient les auteurs
du mémoire dans la defeription maligne & indécente qu’ifs
fe permettent ( pages 1 7
&
1 8 du mémoire ) de cet
événement dont ils avoient la plus exadte connoifiance.
O n dit page 1 8 du mémoire , qu’en 1 7 7 7 , j’étois
détenue d’ordre du R oi au couvent de Popincourt ; ccffc
Une fauiTcté dont je ne vois pas l’intérêt.
«
S I X I E M E
Prêt de 1 0 , 0 0 0 liv. fa it en
F A I T .
1773
3 a madame la
marquife de M irabeau, diffipation & dilapidation qui me
fon t imputées des biens de mon mari ; procurations q u 'il
m 'a données teflament q u 'il m'a dépofé.
M on mari alla en 1 7 7 3 , voir la marquife de M ira
b e au , Ta belle-mcre ,*qui ne le connoifloit pas, & qui ne
l’avoit jamais vu ; il l’a trouva dans l’indig#nce, man
quant du fimple néccflaire, il lui prêta z 0,0 00 1. je n’eus
d’autre part à ce prêt que d’être fenfiblc à cet acte de
générofité exercé en faveur de ma mere , mon mari
n’exigea aucune reconnoiilancc ; quel titre pouvoit don
ner une femme en puiiTancc de fon mari ?
�70
La marquife de M irab eau, n’a formé fa demande en
féparation qu’en 1 7 7 5 , plus de deux ans après.
En 1 7 7 6 , mon mari m ’écrivit dans une lettre que
j ’ai déjà citée » vous me ferez le plus grand plaifir d’al53
1er joindre madame votre mere le plutôt qu’il vous
33 fera poiîible , vous pourriez m ’être de la plus grande.
« utilité pour mes affaires......... vous pourriez auiïï être
33 de
quelques fecours dans les affaires qui affligent
33 madame votre m e r e , & cette lettre vous mettroit cl
3> l'abri des reproches injufies qu'on pourroit vous fa ire..
Je ne me fuis jamais mêlée des affaires de ma mere ,
que pour en procurer la conciliation : elle me donna fa
procuration le 4 Juin 1 7 7 7 , datée du couvent deSaintM ichcl , où elle étoit enfermée ; je n’en fis d’autre ufage
que de révoquer les plaintes quelle avoir rendues contre
fon mari , 6c de changer les gens d’affaires qu’on pouvoit
fufpe&cr d’avoir m is'la divifion entr’eux. Cetre révoca
tion qui devoit affurer le repos de M . le marquis de M i
rabeau % lui fut fignifiée le 6 Juin. C e t a£tc de refpe£t
filial m’attira l’ordre du R oi du 19 Juin 1 7 7 7 , qui
m ’exiloit à Lyon , ôc révoqué le quatre Juillet fuivant.
A u furplus , un arrêt du Parlement de P a r is , a pro
noncé la féparation des deux époux ; c’efl: aux Parties à
s’en plaindre, 6c non à ma bclle-mcre, qui n’eft encore
ici que l’inftrumcnt d’une vengeance particulière.
O n prétend ( dans la note des pages 18 6c 19 du
mémoire ) } que mon mari a emprunté depuis 1 7 7 3 ,
ju lq u cn 177-7 » une fomme de i i z , o o o liv. 6c qu’il a
aliéné pour 1 3 5 ,6 7 6 liv. de fes capitaux.
J’obferverai d’abord fur ce tableau qu’on a eu la pru
�7f
dente précaution de ne donner , ni le nom des acquéreurs
des fonds prétendus aliénés, ni le nom des Notaires qui
ont reçu les contrats , ni leurs dates ; on a craint avec
raifon , que dans une vérification que j ’en aurois faite ,
je ne prouvafle , ou que ces aliénations avoient été faites
pour acquitter les charges anciennes des b ie n s , ou pen
dant mon abfcncc ; ou qu’enfin , elles étoient l’ouvrage
de la curatrice, &. par confëqucnt de ceux qui la mettent
en avant.
O n donne bien des dates vraies ou fauffes des préten
dus emprunts , mais 011 fe garde d’y nommer les prê
teurs, ni les Notaires qui ont reçu les a£tes , on craint
toujours ma vérification.
Si on peut ajouter la moindre foi à ces a£bes, il cil
évident que les emprunts des 3 1 0 0 0 liv. des t 9 M ai 8c
20 Juin 1 7 7 3 , ont été faits dans la minorité de mon
m a r i, fous J’autorifation du fieur Scytrc , fon curateur,
placé dans fa confiance par la c a b a le , à l’exclufion d’un
ancien Procureur, qui avoit géré les affaires de mon beaupere pendant trente ans.
Le prétendu emprunt de 3 2 0 0 0 liv. du 1 6 Novem
bre 1 7 7 5 , cil fait fans que j ’en aie eu même connoiflance.; c’étoit dans Je fort des pourfuites de l’affaire
des affiches. Je prouverai l’influence de la cabale fur ces
emprunts.
Q u ’on fe rappelle que M . de Cabris me cachoit cette
a ffa ire, que je fus obligée d’abandonner à fes gens d’af
faires Sc à la cabale qui me pourfuivoit moi-même ; j ’ai
ci-devant tranfcrit.une lettre de M . de Vauvenargues; que
je ne puis m’empêcher de répéter i c i , » on a i n t é r ê t de
�7»
j> cabaler contre vous , je prends donc la liberté de vous
>3 prier de refter en repos , & de ne plus vous mêler de
î> cette affaire ; je vous confeillerois moins l’inaction ,
5j fi je ne voyois contre vous que des gens en fous-ordre;
3) mais dès que la fam ille s'en m êle, reftez en repos, s’il
33 eft poilible 33.
Le curateur de M . de Cabris , devenu Ton homme de
confiance & Ton fondé de pouvoir depuis fa m a jo rité,
lui nécefiitoit des emprunts pour de prétendues dépenfes
fecrettes. C e Procureur faifoit les emprunts , les reccv o i t , en faifoit l’emploi , Sc ils en comptoient enfuite
enfemble comme ils l’cntcndoient.
Les autres emprunts qu’on date des 4 & 1 o Juillet
1 7 7 6 , 5 Mars 1 7 7 7 , montans enfemble à 5 8 0 0 0 1.
ont été faits dans mon abfence : la dame de Lombard
& la cabale, ne nieront pas qu’à ces époques j’étois à Lyon
êc à Paris : je demande à toute la Province qui efl - ce
qui difpofoic de mon mari dans ces momens? C ’étoit la
cabale qui lui faifoit contracter des engagemens, lorfque
j ’étois à deux cens lieues de l u i , 6c l’on ofe aujour
d’hui m ’en rendre refponfablc.
Lors de l’arrangement
de l’affaire
des affiches en
1 7 7 6 , mon mari fe rendit à A ix avec le ficu'r Scytre,
fon fondé de pouvoir, fouvent cité par les deux Par
ties dans cette a ffa ire, 6c dont je vais parler plus ample
ment dans un inftant.
Le fieur A lziari , Procureur de GrafTe , collègue du
fieur Scytre -, devenu Procureur de la dame douairière
de Cabris , dans la demande en interdiction de fon fils,
qui a toujours occupé depuis pour elle dans fa qualité de
curatrice ,
�73
Curatrice,& qui occupé encore pour elle, écrivoic à mon mari
le 8 Juin i 77<j> dans un moment où Ion attendoit l'ar
rangement de Pafïaire des affiches 33,enfiniffant ce procès,
33 je préfume que vous aurez befoin de fonds ; il y a
33 peu de jours, Alavéne Ce trouvant chez m o i, un parti3j culier
vint me demander fix mille livres à lui faire
33 prêter ?*Lorfqii’il fut p a r t i, Alavéne me prit à part ,
33 8c me dit que vous pourriez en avoir befoin , & que
» je pouvois vous en écrire, du depuis 6c pas plus loin que
33 de ce matin , j’ai arrêté quelqu’un qui cherchoit du
»» papier pour mander dehors dix-neuf mille livres ,
3) qu’on lui faifoit placer au cinq pour cent ; comme je
33 ne compte pas beaucoup fur Alavéne , 8c dans la
s» crainte d’ailleurs de vous fâcher , -j’ai détourné la
33 perfonne du placement , en lui faifant envifager un
33 manque de sûreté ; fi ces dix-neuf mille livres peuvent
3j vous être agréables, ayez la bonté de m ’adreffer par
33 le retour du courier , 8c fans retard , une procuration
originale pour emprunter cette fomme de qui j e trou33 verai a propos en conftitution
de rente au denier
3J v i n g t , les intérêts payables à G r a ffe ,
avec
pouvoir
33 d ’obliger à raifon de cet emprunt , vos biens à toute
3> Cour. Le prêteur eft un honnête citoyen , avec lequel
33 vous ne ferez pas fâché d ’avoir affaire; fi par hazard
33
cette fomme étoic placée d’ici au retour du porteur ,
33
je pourrai la trouver d’ailleurs. M es clercs ligneront
33 l’a&e fans favoir rien de rien , 6c la chofe n’ébruitera
33 p a s , fi vous êtes bien aife de remplir la procuratioa
x> du nom d ’ A lavhie , c’eifc égal , &
fi vous voulez
» qu’il ignore ceci vous pouvez la remplir de mon nom ,
K
�74
53 Sc me marquer comment
je
dois difpofcr de cet
jj argent ; mais fur le tout j’attends votre réponfe par
îj le retour du courrier , crainte de manquer le prêt, ou
jj de conftituer le prêteur en perte de fruit de fon argent.
V o ilà qui indique aflfez les prêts des 4 8c 10 Juillet
1 7 7 5 , dont je viens de parler ôc de quelle maniéré les
agens de la cabale conduifoicnt mon mari k faire des
e mpr unt s.
Je défie que depuis mon retour auprès de lui à la fin
d t Juillet 1 7 7 7 , jufqu’au 2 4 Février , jour de m onenlevcment , on cite un feul emprunt , 8c cependant alors ,
nous'foutcnions l’afFairc la plus grave qu’il eût eu de fa
vie.
Q u a n t à la dette de 6 1 , 0 0 0 liv. du fieur S e y tre , je
ne lui ai jamais connu de titre ; on ne m ’en préfente
aucun ; je ne trouve d’autre indication de cette créance ,
dont je n’ai jamais entendu parler , que l’avis de parens
du 2 4 Février 1 7 7 8 .
M c Seytre avoit été le curateur de mon mari , par le
choix de fes beaux-frercs ; il avoit géré en cette qualité ;
la même faveur lui procura des pouvoirs à la majorité
de mon mari ; il a adminiftré toute notre fortune juf
qu’au moment de l’interdi&ion.
En fa qualité de Procureur au Siège , il
étoit le
défenfeur de mon m ari, fur la demande de fa mere , 8c
contre les pourfuites des parens qui lui avoient afluré
cette adminiffcration.
Par la délibération des mêmes parens, douze jours après
la fentence d’iruerdi&ion dont il y avoit appel f u i v i , il
cft d it , art. p > que madame la douairiere requiert qu’ i t
�lui fo it donné pouvoir de régler ô arrêter les comptes avec
les gens d'affaires dudit fieur de Cabris
,
(Ton fils )
notam
ment avec M e Seytre fon Procureur général y emprunter
en capital de penfion ( rente conftituée) ou autrement avec
,
intérêts pour payer les avances quipeuvent avoir été fa ites
& les autres dettes urgentes que le fieur de Cabris peut avoir
contractées
& obliger a cet effet les biens & revenus dudit
fieur de Cabris 3 ou d ’y pourvoir autrement par indications
fu r les fermiers , f i la dame de Lombard en trouve le moyen.
Les parens , à leur tête le Bailli de Mirabeau , reli
gieux profès , votent tous ces pouvoirs , & le Juge les
copie dans fa fentencc dans les mêmes termes :
Les baux faits par la curatrice annoncent la déléga
tion de cette dette pour i i o o o 1.
Y
a-t-il eu un compte entre le prétendu créancier &c
là curatrice ? C ’eft ce qui fe développera par celui qu’elle
doit rendre elle-même. Je vois par les regiitres du contrôle
de GraiTc , une ailignation donnée en i 7 8 3 , à la requête
de la dame douairiere de C a b r i s , au (leur Seytre , en
revifion du compte de Padminiftration que ce Procureur
avoit eue des biens de mon mari ; ailignation procurée
par une brouillerie furvenuc entre le fieur .Alziary , les
autres confcils de la curatrice & le fieur Seytre , Sc reftéc fans fuite , lorfque l’admilîion de ma requête au
Confeil fut connue.
J’ai déjà fait voir que le fieur A lzia ry, Procureur de ma
bclle-merc , celui qui a obtenu en cette q u a lité, la fentenccd’interdiilion , étoit en coçrefpondance avec M. de
C abris, qu’il lui propofoit des emprunts: voici la p re u v e
qu’il lui rendoit d’autres fervi.ces dans l’adminiAracion
K ij
�7<>
de Tes affaires. Le 1 1 Juin i 7 7 6 , il lui écrivit: » j’ai
33 l’honneur de vous joindre ici pour 1 1 5 o 1. de papiers
»
que M , Ricord , c a d e t , m ’a fourni fur Marfeille ,
53 payable au premier .Tuilier ; j ’y ai mis des endoÎTe» mens en blanc ; vous voudrez bien m’accufer la récep« tion de cette fomme ; M . Girard l’aîné , n’a pu fe
5} charger de vos mandats, 8c il m’a fallu faire l’im » poilible pour les placer ; ils étoient à trop long jours
îî pour lin n é g o c ia n t, puifcjue l’un étoit pour tout F é vricr, & l’autre à la Pâques.
Les (leurs Seytre & A lziary , Procureurs au Siege de
G rade , pourfuivant &
défendant l’interdi£tion de mon
m a r i , étoient tous les deux à la fois fes agens.
Je trouye au poflcripium de cette lettre , 33 je déca3j chetre ma lettre pour avoir l’honneur de vous obfer33 ver , que puifque vous êtes à A i x , vous devez con33
fulter à l’effet d’obtenir une réduQion fur les épices
33 de votre procès contre la communauté de Cabris. L a
33 levée de la fentcnce vous coûta près de 1 0 0 louis; les
33 épices du Siege z j o o liv. celles de M . de M artigny
»
1 2 5 0 liv. & le furplus , pour les droits royaux. D ès
33 que ce procès doit être arbitré , ou quand même il
33
devroit refter là , il doit y avoir une voie pour faire
>3 reftituer les épices prifes en fus de la taxe ordinaire , bc
cette reftitution ira au moins à 2 4 0 0 liv. ; je fens
3> bien que vous ne retirerez pas les petites portions qui
peuvent compéter à M . Floris & Car...; mais vous n’en
33 ferez pas grâce à M . d’Andon , & à M . de M artigny,
33
33
qui vous ont rendu des bons fcrviccs dans l’occa-
33
fion. Veuillez j moniïcur, pour votre intérêt Sc plus
�77 '
Jî encore pour votre fatisfa&ion , ne pas négliger ccc
» article; les perfonnes qui font fans crédit obtiennent
« ôc vos plaintes teilcroicnt-elles fans fuccès.
M c Floris a prononcé Pinterdi&ion de mon mari ,
après avoir fait juger en fa faveur , qu’il n’y avoit lieu à
la réeufation propofée contre lui.
Les i o o o o o liv. rappellécs dans le mémoire de dettes
criardes aux m archands, ouvriers &C fourniiTeurs , me
paroît un être de raifon.
'D epu is mon m ariage, je n’ai jamais fait & jamais
connu de ces fortes de dettes dans la maifon.
Il ne s’en eft contracté aucune depuis mon retour au
mois de Juillet i 7 7 7 , M . de Cabris auroit-il fait pour
1 0 0 0 0 0 liv. de dettes, de fourniiTeurs dans les quinze
mois de mon abfence ?
C es fourniiTeurs qui voyoient fous leurs yenx attaquer
l ’état de M . de Cabris, auroient-ils gardé le filcncedans
les huit mois écoulés depuis mon retour jufqu’à mon
enlcvcment ?
Il y a des négocians fore riches à G r a il e , mais ils
font leur commerce dehors ; les fourniiTeurs comme par
tout ailleurs, y font avec de fort petits fonds j ne peu
vent comme ceux, des petites villes , faire que des avan
ces journalières.
Les ouvriers n’y ont que leurs bras pour leur fubfiftance.
Le fieur B re n e t, fculpteur de Paris , avoit fourni des
bronzes
des meubles par commiiîion à M . de C a b r i s ,
je favois que le compte n’en étoit pas foldé ; ces mêmes
�7*
effets doivent être encore dans notre maifon ; cet objet
quand la curatrice auroit'acquitté quelque chofe là-dcffus , ne peut pas être une dillipation ; on auroit bien de
la peine à en trouver dans les aliénations , dans les
emprunts & dans les dettes annoncées dans le m ém oire,
quand on en pourroit fuppofer l ’exiftence.
Ces aliénations montent , comme on
Uy.
l’a vu , à ............... ........................................ .•
135000
Les emprunts à .........................................
112000
Q u ’on joigne à cela les fuppofés cent
mille liv. de dettes criardes, c i ...............
100000
Les foixante - un mille livres dues à,
M c S c y trc , encore plus incertaines, ci • ■
pm
m
'
O n ne trouvera q u e ................................
iiooo
1
418000
Sur cela je trouve un emploi dans les
propres fonds de mon mari , que mon
pere ne défapprouvoit pas :
L a conitru£tton de la maifon neuve ,
portée dans le mémoire à ...........................
200000
Pour quatre-vingt mille livres de meu
bles qui y ont été portées, ci U n e bibliothèque d e .................... ...
U n jardin conilruit à Cabris , qui a
coûté plus de
„ D es mouUns à. h u ile , conffcruits à neuf,
Cil addition aux anciens, 6c qui pour une
80000
11000
jjoqo
1
�dépenfe de vingt mille livres, augmentent
/¿Vt
le revenu de la terre de dix mille liv. ri • •
20000
L e prêt fait en 1 7 7 5 à madame la
marquife de M ira b ea u ................................
20000
T o ta l de l’e m p lo i................................
347000
Il
s’enfuivroit toujours que mon mari ayant augmente
par des améliorations fa terre de i o o o o l i v . de revenu
n’auroit diminué fes capitaux que de 7 1 000 liv. Il jouiffoit de cinquante mille liv. de ren te; il habitoit fa terre,
où il n’en dépenfoit pas dix.
Q u ’on joigne à cela le cout énorme de l’affaire des
affiches , que fon malheur ou fon imprudence lui avoicnc
attirée, les dépenfes fecretcs que les gens d’aifaires impof o i e n t , & dont perfonne autre qu’eux n ’avoit connoiffancc, l’argent qu’il fallut verfer partout, comme le difent
mes adverfaircs eu x-m êm es, page 8 , ligne 5 :
O n trouvera encore que le pillage énorme des fousordres fe prenoit fur les économies.
Loin que les revenus euffent été touchés d ’avance ,
comme on ofe l’annoncer à la même note , ceux qui
étoient échus à Noël de 1 7 7 7 , furent faifis par un créan
cier ap ofté, par a& c recordé de Lautior, huiiTier, du 2 4
Décem bre 1 7 7 7 ; & le même A lz ia r y , procureur de la
dame douairicre de C a b r i s , y cil conftitué procureur du
fa ifiifa n t, c’eft elle à qui on a aiTuré les revenus échus
avant l’interdi&ion.
J’ai déjà obfervé que le ficur Seytre avoit adminiftré
�8q
pour mon mari jufqu’au moment de l’interdi&ion * s’il y
avoit eu des revenus touchés par anticipation, ils l’auroient été par le fieur S e y tre , qui en a compté à la dame
de L o m b a r d , douairière de Cabris , fuivant l’avis de
parens.
*
Q uan t à moi perfonnellement, je n’ai r e ç u , pendant
les quinze mois que j’ai paiTés à Lyon & à Paris en 1 7 7 6
1 777»
5 4 ° ° ^ v* 011
mon m ari, ou par Tes ordres,
& je défie qu’on me cite une feule dette ; je n’ai
touçhé , dans les fept mois qui ont fuivi mon
retour
jufqu’à mon enlèvem ent, que 6 1 6 8 Hv. des mains du
fieur Seytre, fur cette rente j ’ai tenu la maifon fans aucun
mémoire de fourni fle u r , & j ’ai foutenu le procès d’interdi&ion.
M . de C a b ris, à cette ép o que, vouloit bien me laifler
faire toute la rece tte, èc je pourrois bien répondre qu’il
ne lui a pas été délivré un fol.
Je défie encore que depuis mon mariage jufqu’à l’époque
de mon enlevcment , on me cite une feule dette que j’aye
contra&éc ni en P ro v e n c e , ni à L y o n , ni à Paris, à l’ex
ception de cinquante louis que j’ai empruntés en mon
nom & fur mon engagement du fieur B on in, négociant de
G r a d e , au moment où mon mari &c moi nous partions
pour A ix , pour y fuivre l’appel de la fentence d’interd i& i o n , & que la| cabale avoit fait faifir tous nos re
venus pour nous empêcher d’aller nous défendre au
Parlement. C ’eft là ,la feule reponfe que je daigne oppofer
à tous les reproches de diflipation qu’on me fait dans le
mémoire , & f ur lefquels je porte le défi le plus formel à
■mes adverfaires.
Je
�8i
Je n’ai jamais eu de procuration de mon m a r i, dans
tout le terris que j’ai été avec l ui , fes biens ont toujours
été adminiftrés par le Heur Seytre, comme je l’ai déjà dit.
L e 3 O & o b re 1 7 7 7 mon mari me donna une procu
ration pour l’adminiftration de Tes biens , avec pouvoir
d’aliéner ou emprunter jufqu’à concurrence de 1 0 0 0 0 1.;
je n’en ai jamais fait ufage ; je ne l’ai pas même fait
fignifier au ficur Scy tre, qui a continué de gérer, comme
auparavant, jufqu’au moment de l’interdi&ion.
Q u o i , M. de Cabris qui donr.oic au fieur A lziary ,
procureur de ma bellc-merc, des procurations pour fairei
des emprunts effe&ifs , qui en donnoit au fieur Scytre Sc
à tant d’autres que je ne connois p a s , cft-il devenu cou
pable, pour en avoir donné une à fa fem m e, & fa femme
a-t-elle fait un crime de l’avoir reçue !
Q u ’on me repréfente toutes les aliénations faites par
mon mari , tous les emprunts qu’on a datés à la page
29 du m ém oire, fans vouloir donner le nom ni des n o
taires, ni des Parties, je ferai voir que tous ces a&es ,
s’ils ex ifte n t, ont été pafles en vertu de procurations de
M . de Cabris , contenant des pouvoirs bien plus étendus
que ceux de la procuration qu’on me reproche t a n t , êc
de laquelle je n’ai jamais fait uiage. O n ne craignoic
donc dans ce témoiçnaiïc
P & du retour de la confiance du
mari à fa femme , que de lui voir cxpulfer les gens d’af
faires placés par la c a b a le , on craignoic de voir s’établir
l’ordre dans une maifon où l’on avoit introduit le défordre;
on ne redoutoit donc que de voir perdre à ces gens d ’af fa ir es
l’afeendant procuré par la cabale.
La procuration qu’on date du 4 O & o b r e , l e n d e m a i n
L
�de cellc dont je viens de parler, copiée à la page 1 9
du m ém oire, donnant p ou vo ir, entr’autres choies, d’em
prunter ou vendre des fonds jufqulà concurrence de cent
mille livres , nommer & deilituer tous Officiers de juitice,
avec révocation de toute autre procuration ; cette procu
ration cil une de ces fuppofitions monilrueufcs que la
cabale s’cit fouvent permifes dans cette affaire ; en voici
les. preuves.
i°. Rien ne juitifie que cette procuration ait jamais
cxifté dans mes main» ni dans celles de mon mari ; dans
i’hiilorique qu’en ont fait les adverfaircs , en l’annonçant
au Parlement d’ A ix dans le procès d'interdiction , ils ont
dit qu’elle s’étoit trouvée dans l’appartement de M . de
Cabris , loriqu’on enfonça les portes du chateau fous
prétexte d’en faire l’inventaire , en vertu de la fcntcnce
de GraiTe, dans le tems que nous fuivions fur l’appel
k Aix.
20. Cette procuration fignee, dit-on , d’un Notaire de
de deux témoins , n’a jamais été contrôlée ; on fuppofe
que le Notaire fignataire y déclare au bas que M . de
Cabris s’eil chargé de faire remplir cette formalité de con
trôle, prévarication puniflable de l’Officier qui ne pouvoir
pas ignorer qu’il en étoit feul tenu. La vraie procuration
que j’ai reçue le 3 O & o b r c , cil portée au contrôle par le
Notaire le 1 4 , & on veut qu’il n’y porte pas celle du 4 ,
^u’il a dans fon porte-feuille, qu’il fait légalifer à GraiTc
le même jour.
3 °* Le N o ta ir e , prétendu fignataire, entendu dans
1 enquete faite le 1 1 Novembre fur l’intcrdiction,y détaillé
tous les actes qu’il a reçus pour mon m ari, jufqu’à la pro-
�83
curation du 3 O&obre. Il ne parle point de celle fnppofée
faite le 4 , ÔC donc ce Notaire n’auroit pu perdre le fôuvcnir,
fi elle avoit exifté; les témoins qu’on veut qui l’ayent foufcrite, entendus dans la même enquête, n’en font aucune
mention.
4 0. Cette procuration , datée en tête du premier O c
tobre , & du 4 par un renvoi à la fin de l’a c te , fuppofe un procureur général & fp é c ia l, dont le nom eft
laide en blanc. Le commettant y dit dans le corps de
l’acte, qu’il approuve tout ce qui fera fait par fondit pro
cureur conftitué ; dans la procuration de la veille je fuis
nommée par mon nom , indiquée en qualité de procuratrice ; tout ce qui annonce ma geftion, eft défigné fous
une dénomination fém inine: il y eft d it , que le commet*
tant approuve tout ce qui fera par ladite dame fa it & géré.
Pourquoi m ’applique-t-on cette procuration fuppofée,
plutôt qu’à M c Seytrc , donc les pouvoirs fe trouvoient
nominativement révoqués par celle de la veille 3 O c to
bre, que j’avois en mes m a in s, plutôt que tous ceux qui
en avoient reçu de M . de Cabris.
50. Cette prétendue procuration du 4 révoquoit celle
du 3 ; je reitois fans pouvoirs, dès qu’elle étoit hors de
mes mains ; je m’en ferois donc nantie , comme j ’avois
fait de celle où j’étois nommée, ou pour recevoir, ou pour
ne pas voir contrarier les opératiçns dont on mc fuppofe le
p ro je t, par ceux à qui cette révocation pouvoit être rcm if e , ou qui pourroient la trouver.
Enfin , ce qui eft encore plus étonn ant, cette procu
ration paifée le 4 , Ce. trouve lcgalifés par le L i c u r c n a n r
Particulier de G rade le 1 4 , dans le délai m ê m e d o n n é
L ij
�s 4.
pour le contrôle: la légalifation fuppofc qu’on avoit befoin
de l’envoyer dehors ; mon mari fuppofé com m ettan t, moi
fuppoféc procuratrice fo n d é e , étions tous deux fur les
lieux ; c’ étoit là où l’adminiftration devoit être faite :
cette procuration fe trouve trois mois après dans le ca
binet de mon mari , le nom du procureur en blanc ,
elle n’eft pas contrôlée , 8c elle eft nantie d’une légali
fation.
Q u e conclure de tout ceci ? Des horreurs dont je fuis
forcée de détourner les yeux ; il me fuffit de répeter que
je n’ai jamais reçu de pouvoir que ceux de la procuration
du 3 Octobre , 8c que je n’en ai jamais fait ufage.
Quand je retournai à Gratte au mois de Juillet 1 7 7 7 ,
mon mari me fit l’aveu que dans mon abfence on l’avoic
induit à faire un teftament trop favorable aux auteurs de
la fuggeftion
humiliant pour m o i , 6i nuifiblc aux inté
rêts de notre enfant ; il me témoigna fes delîrs de le
révoquer.
Si je fuis coupable d’avoir applaudi à ce deflein ,
j ’avoue ma fa u te; il fie un teftament m vftiquc, d’ufage
en P ro v e n c e , il m ’en rendit dépofitaire; ce dépôt cft
encore dans mes mains , nanti de tous les cachets.
Dans une requête préfenréc contre moi par le Bailli
de Mirabeau au Parlement d’A ix le 4 M ai 1 7 7 9 ; il dit
pofitivement qu’ i l y a beaucoup a dire fu r ce teftament t
dont les difpoftions ont été difeutées lors de l'arrêt de la
Cour ( fur l'interdiction) ; comment difeute-on les difpoiitions d ’ u n teftament myftique tant qu’il eft cacheté ?
Q u i a pu mettre fous les yeux du Parlement d’Aÿc ce
dépôt qui neft jamais forci de mes mains? L ’a-t-on en-
�«5
core trouvé dans. le cabinet de mon mari ? Je dois m ’interdire toure réflexion à cet égard.
M ais fi on fuppofe que j ’ai furpris un teftament à mon
mari , que ce teftament contient des difpofitions en ma
fa v e u r, comment allier ces prétendues captations avec
la réfiftancc que j’ai toujours oppoféc à fon interdiction,
qui m ’en aiTuroit l’irrévocabilité ? A v e c quels avantages
je rétorquerois les objections de mes ennem is, fi je rapprochois toutes les pieccs qu’ils fc procuroient depuis trois
ans , pour parvenir à l’interdiction de mon mari?
P R E U V E S
Que le marquis de Cabris } mon mari ¡ n ' a jamais été dans
le cas de l ’ interdiclion prononcée contre lui.
Q u e le s m a uva is traite mens exercés f u r f a p erfon n e 3 p a r les
agens de la cabale 3 ont eu p o u r objet d ya lién e r f a ra ifon .
D iJJîp a tion des biens p en d a n t la cu ra telle s leurs p a rta g es
entre les auteurs du com plot.
J’ai déjà annoncé que je ne me livrois à cette difcuffion
pafïagcrc d’une procédure anéantie par l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3 , que pour développer^
les moyens mis en ufage pour nous anéantir, à quels mal
heurs mon m ari, ma fille 6c moi avons été en but t e, fie
com m ent, après s’êcre emparés de toute notre fortune, en
avoir reçu les revenus par anticipation jufqu’cn 1 78 5-, on
nous 1ai île ici tous les trois, depuis il x. mois fri ns alunons.
La dame de Lombard établit dans fon mémoire que
la démence du marquis de Cabris cft une m a l a d i e héré
ditaire , 6v pour détourner les regards fixés fur elle à ces
�Si
KTOts ( i ) , elle va remuer les cendres d’un époux refpectable, toujours cher à Ton pays , où il jouifloit de la plus
grande coniidération , utile à fa province , où il avoic
occupé des places oonfidérables , ducs également h f;i
naiflance & à fa conduite ; un mari dont les iages difpofitions lui ont ailuré cinq mille livres de rente fur les
biens de fon fils , au lieu des mille liv. de revenus qu’elle
trouvoic dans fa propre dot.
Elle cite l’exemple d’une de fes filles, témoignage dou
teu x, Si donc tout le dérangement de fanté provient des
mauvais traitemens de fa mere , de fon attention à pré
venir tous les foulagemcns qui pouvoient adoucir ou éloi
gner ce m a l, à la refTcrrer quand je la faifois vivre avec fon
frere & moi dans le château de Cabris, loin des yeux de
l’auteur de fes perfécutions devenu l’objet de fa haîne.
La dame de Lombard a trois autres filles, qui toutes
ont des enfans ( mcfdames de Gourdon > de Gras & de
Sts. Ce^aire ) : le mariage les a enlevées de bonne heure
à la domination de leur mere ; ces dames ni leurs enfans
n’ont jamais donné de fignes de folie ; elles ne verroient
sûrement pas avec indifférence cette accufation de leur
m e re , d’une démence héréditaire dans leur ra ce, fi leurs
maris n’étoient pas les ennemis publics du Marquis de
Cabris.
( 0 Le fieur Seytre m'écrit le premier Mars 1785 , en parlant de la dame de
Lombard : M ia cab alc q Ui fait mouvoir cette tctc f o i b l e , qui ne fait pas s’ad» miniftrer c llc -t n c m e ; & dans une autre lettre du 15 du même m o is , qu’on
M abufe de la foiblcflc d'une tête qui auroit befoin d'un curateur, au lieu d'être
» curatrice.
�8?
Après cette preuve de démence que la dame de Lom
bard prétend que mon mari a apportée du fein de fa
m e r e , elle veut en trouver des preuves dans un confcntement fouferit de lui & du Jicur Seytre ¡fo u curateur eux
caufcs , du i y A v r il 1 7 7 >pour que fon époufe obtienne
du M inifire du R oi un ordre qui l'e x ile a Brie en Limofin ,
oit cet ordre lui fera fignifié.
On fc rappelle par la date de cet é c r i t , que c’étoit
l ’époque de l ’ affaire des affiches; mon mari étoit menacé
des pourfuites les plus rigoureufes , il en étoit averti par
fa famille , par les gens fages qui avoient la procédure
fous les yeux ; j’en ai rapporté les preuves.
O n fc rappelle qu’il m ’envoya à Paris pour intérefler
mon pere : fes Confeils , fes amis penioient qu’un exil
fort éloigné pouvoir arrêter tout ; c’cfl: ce que m ’ccrivoit
le’ marquis de Vauvenargucs à Pari», où j’étois a lo rs;
■
>3 c’c ftma derniere reflource , dit-il, dans ia lettre, ou
>3 un coup d ’autorité qu’on ne peut guercs fc flatter d’eb»3 tenir; M. le marquis de Mirabeau pourroit cependant
»3 faire quelque tentative pour cela»'. M on mari m ’avoic
en effet rem is, à mon d ép art, l ’ écrit copié page 2 6 du
mémoire de la dame de Lombard 3 écrit médité dans deS
afTemblés de C o n fe ils, de parens & de gens d’affaires j
fouferit du curateur , homme qui a joué un rôle fi impor
tant dans toutes les affaires de mon mari , & qui î’a autorifé , ou qui a conrracté pour l u i , comme mandataire,
dans prcfqtic tous les engagemens exécutés par la cura
trice. Si cet écrit eût été une preuve de démence , 1e
fleur Seytrc, Confcil du marquis de C a b ris, fon curateur
donné par la fa m ille , homme confommé dans le* at-
�8S
fa irc s, auroit donc été plus fou'pçonnable de démence
que le mineur qu’il autorifoit ? C ’efl le même homme
dont les parens ont foin de ilipulcr le fort au moment
de l’interdiction, & que la curatrice elle-même a traité
plus favorablement encore.
C e t écrit remis dans mes mains par mon mari , fut
depofé par moi dans celles de mon père dont je venois
implorer les fccours.
O n fe rappelcra encore de la lettre de mon pere, du z
Juin 1 7 7 4 ,
où il me marque :
réunifiez ces deux
» hommes-là , ma fille (M . le marquis de Vauvcnargues
>3 & M . de Gourdon ) , ne vous conduifcz que par leurs
m a v is, 5c fi quelqu'un y récalcitre 3 i l fa u t lui donner la
» peur 3 pour qu’ i l gagne la Montagne & laiffe f a procum ration. A u refle , il cil certaines gens qui ne trouve»
roient pas bonnes certaines retraites ; j’efpere que vous
m m’ entende
Je demande s’il efl poilible que mon pere eut pu parler
comme c e la , s’il n’avoit pas eu entre fes mains cet écrit
de mon mari ; 5c comment cet écrit que j’ai réclamé de
mon pere par une.lettre du z 6 Novembre 1 7 8 z reliée
fans réj)onfc, lettre que j’ai rendue publique dans un mé
moire imprimé de 1 7 8 3 ; comment cet écrit enfin f e
trouve aujourd’ hui tout a la fo is dépofé ( page 1 6 , pre
mier alinéa ) dans les regifires de la Police 3 & comment ma
belle - me/c , qui ne pénétré pas dans ce depqt 3 peut en
avoir une copie !
L ’autre écrit du 6 Juillet 1 7 7 ^ , ne paroîtra à toute
perfonne fenfée qu’un forfait entre un malade peut-être
trop
�trop riffc&é de Ton niai , Sc un homme qui promectoic
de le guérir, ou ce billet, s 'i l e x ifle , ne prouve que l’ar
tifice d ’un cfpion qui a profité d’un accès de vapeurs du
malade qu’on lui avoit. confié , c ’cft: le iîcur Garnier , fecrétaire de M . de Gras , l’un des beaux-freres du marquis
de Cabris , qui a reçu cct écrit des mains de mon mari.
Il en réfulte qu’on avoit depuis lo n g -t c m s le projet
de le détruire, que dès 1 7 7 6 on cherchoit à s’en aiTurer
les moyens ; que M. de Gras , qui a reçu cet écrit des
mains de Ton fecrétairc qui en a laifle faire ufage deux
ans après, étoit l’ennemi caché de mon ma r i , dans le
cems qu’il paroifloit le fecourir dans fes infirmités.
La date de ce billet prouve qu’il a été donné dans le
moment oh mon mari venoit de finir l’affaire des affiches,
que la dame de Lombard dit elle-même (page 8 ligne 3)
avoir f a i ll i a coûter la vie a fort fils par les chagrins dont
elle le pénétra.
A u mois de Septembre 1 7 7 7 mon mari fe bleiïapar
hafard à la cuiiTe, avec un couteau; je crus en devoir
donner avis à la dame de Lom bard fa merc , pour la
prier de m ’envoyer de la ville des gens de l’art.
Le malade jugea l’accident fi peu im portant, qu’il ne
voulut pas même leur lailTer panfer la plaie qui fe guérit
d’elle-même comme une égratignure.
La dame de Lombard prétend que le médecin dans
fa dépofition , dans l’enquête qu’elle fit en Décembre
1777,
évalue le fang
répandu
de cct
accident h
cinq livres. Je ne voudrois pas d’autres preuves contre
toutes les dépofitions de cette enquête , à peu près de
même portée , &c je demande à un h o m m e de l’art ii
M
�90
■ une bleflurc par laquelle un malade perd en peu de tems
cinq livres de f a n g , fc guérie aufîi aifément fans panfement & fans retour d ’accidens , fi le bleiïe qui vient de
perdre cinq livres de fang , peut être dans cet état de
vivacité &C de force cù ce témoin nous peint le malade.
Je puis au moins inftruirc le public fur les moyens
qu’on employoit pour avoir des témoins dans cette en
quête. Il exifte une lettre que m’écrivit le fieur Cruvc ,
aubergifte de Frejus , chez lequel logeoit^jM. de Cabris ,
du i 6 Juitv 1 7 7 9 ,
où il d i t : » au mois d’Oiitobrc
» 1 7 7 7 , M.
Commandeur de Mirabeau &c M . de
» Clapiers , le Chevalier de St. L o u is , vinrent coucher
» à F reju s, à mon auberge. Le foir le domeftique me
« dit qu’on vouloir me faire entendre en tém oin, comme
>3 M . de Cabris étoic fou lorfqu’il pafTa à mon auberge
>5 (avec Garnier le 6 Juillet 1 7 7 6 ) , àc étant monté à
« l’appartement de ces meilleurs , M . de Clapiers m ’in« teirogca beaucoup là-deflus ,
me demanda H cela
« n’étoit pas vrai , &c qu’ils favoient qu’il avoit fait des
m folies à fouper , à quoi je répondis que cela n’étoit
» p a s, que M . le Marquis fc faifoit fervir fcul dans fa
» chambre ordinairem ent, qu’au contraire ce jour-ià il
» mangea à la table d’hôte , quoiqu’il ne parût pas aufîi
”
gai qu’à l’ordinaire, &c qu’il parût même occupé de
”
”
quelque chofe , ce qui me fît demander à fon compagnon de voyage (ce même ficur Garnier) qui me ré-
n pondit que l’on n’étoit pas content quand l’on avoit
53 perdu Ton procès.
La dame de Lombard ne croit pas que les vapeurs
foient faites pour les campagnes qu’elle h a b ite, elle les
�91
renvoyé aux habitans des villes (page 1 7 , ligne 1 5) du
niémoire : voici ce que m ’écrit lé ficur Scytre le 3 o A v ril
1 7 8 3 : « la maladie de madame la douairière fa/ors à
»> Cabris) n’écoit que des vapeurs , & les vifites que le
« médecin lui a faites , pailent p o u rjc compte de M . le
» marquis qui n’en a certainement pas profité.
Le iieur G aytc , avocat de la dame de Lombard ,
m ’ecrit a Lyon le 27 Juillet 1 7 7 6 ( 1 1 jours après Je
billet fuppofé fait à Garnicr) : >3 il cft vrai que M . de
» Cabris revint d ’A ix avec des vapeurs , mais elles fc
n f o n t d ijfip ées , & quelques jours après il en f u t d é >5 liv ré.
Je ne puis omettre ici une contradiéHon échappée k
mes perfécutcurs ;
à
la page 27 du mémoire il cft dit :
» que pendant quinze mois mon mari avoit été en état
» de démence & de fureur depuis le billet de 1 7 7 6 ,
» (dont on vient de parler) jufqu’à la fcène de Septembre
>» 1 7 7 7 (expreflions du mémoire).
A la page 2 4 voici comme on s’explique : » de retour
m auprès de lui
quand la fr ê n e n'a pu l'attirer ju fqu 'a
» elle tout confpira a f a perte 3 & des organes faciles a
>» fuccomber 3 ne purent tenir contre cette accumulation
jj d'infortunes le. délire s'empara de lui.
Et dans la requête en demande d’interdi£bion du 6
Novembre 1 7 7 7 il eft dit : »j que mon mari n’ efi fo u que
» depuis mon retour auprès de lui ( en Juillet 1 7 7 7 ) ».
Dans une lettre du 8 O & o brc 1 7 7 7 , écricc au Bailli
de Mirabeau par la dame de L o m b a rd , pour l’inviter à
venir confommer le projet d’interdi&ion , elle lui dit :
>» jjion fils eft dans un état qui ne fauroit être dépeint,
Mij
�91
» il cil fort malheureux pour madame votre nîece qu il
» ne foie tel que depuis fon retour ». Il refultc de
ces contradictions , que mon mari n’étoit fou ni en
1774,
ni en 1 7 7 6 , ni en 1 7 7 7 ; qu’on l’avoit fait
déclarer tel à força d’artifices ; qu’on- a voulu enfuite
le rendre tel à force de cruautés ; qu’il a été victime de
la plus
effrayante
pcrfécution.
L a dame de Lombard n’eft pas plus heureufe en raifonnemens ; elle prétend établir page 1 3 , qu’une en
quête qui-a ^our objet de prouver qu’un individu jouit
de fa rai fon , eft une preuve négative 8c inadmiiTible e»
juftice ; c’eft fur ces principes fans doute que les Juges
ont rejeté les déportions de quelques témoins honnêtes
de fon enquête, joints aux autres pour y donner du poids ,,
& qui atteftent unanimement du bon fens 8c de la raifon
de mon mari.
D e ce que dans une requête aux Juges de G rade *
pour demander à être autorifée à la pourfuitc de mes
droits , je dis que mon mari dans les liens de l’interdic
tion , je ne puis plus plaider fous fa puiffancc, la dame deLom bard tire encore cette conféqucnce vi& oricufe; m a is
enfin toujours e f t - i l v ra i q u ’ e lle é to it réd u ite a a vouer l a
D É M E N C E 3 q u o iq u ’ e lle l ’ eû t n iée auparavant 3 com m e e lle
l ’ a fia it encore d ep u is 3 tant i l e ft v r a i que l ’ o p in iâ tre té a
fo u te n ir le m enfonge 3 fia it tom ber en con tra d iction p e r p é
tu e lle . ( C ’cft la merc de mon mari qu’on fait parler ainil
de fon fils 8c de la femme de ce fils.)
La darne de Lombard obferve (page 3 5 , deuxième
alinéa) que j’avois amené à A ix mon mari &. ma fille 5.
clic dit ( page 40 , premier alinéa ) que je le menois.
�i
e
i? 3
comme un enfant docile, dans le public à A ix & même
au fpe&acle , &c en même tems elle allure ( page 3 9 ) ,
parlant de l’interrogatoire qu’il avoit fubi à A ix le 1 8
F é v r ie r , qu’elle ne peut pas s’empêcher de trouver raifonnable: cette amélioration de fon état étoit le fr u it de mes
Joins j ou de la nature que j ’ avois fç u feconder ( 1 ). Q uand
elle parle (page 27) des bains froids que je faifois prendre
à mon m a r i, voici fes termes : madame de Cabris fa ifo ity
difent-ils, cet ejj'ai , & pour l 'y encourager s s ’y précipitoit avec lui , ainji parlent les héroïnes de romans ; quels
font les témoins? N u l autre qu’ elle. La dame de Lom bard
en a fans doute de meilleurs des foins qu’elle donnoit à
fon fils quand il étoit avec m o i, quand elle ne le voyoit
pas } quand elle perfiiloit à lui faire refufer la porte.
E ft - c e une contradiction aflez cara<ftérifée , de faire
interdire fon fils comme fou , & enfuite de le faire com T
paroître dans un procès verbal devant un juge trop pré
venu , de lui faire déclarer qu’il a à fon feul fervice la
nommée M a ria n n e , femme de chambre de la dame fa
mere , qui n’a jamais>quitté le fervice de madame la
douairiere, & qui eft encore avec elle i c i ; de lui faire
compter le nombre de fes dom eftiques, de le rendre le
conducteur de ce Juge dans les appartemens du château*
pour les lui m ontrer, Sc les difFérens lits où les habitans
de ce château couchoient, de faire configner de fa bouche
dans le procès v e rb a l, des éloges infinis du cœur de fx
m ere, de la fagefle de fon adm iniftration, & des injures
(1 ) Depuis la demande d’interdiftion jufqu’après mon enlevement d’auprês d*
mon m a r i , la dame de Lombard n’a pas .même apperçu fon fils.
�94
contre fa fem m e, & de lui faire requérir enfin que le touc
foit configné dans le procès verbal !
Je quitte toutes ces abfurdités dont le détail me me*
neroit trop loin pour me réduire à un fcul point de fait.
Je fouriens que mon mari n’étoit point en démence lors
de Patraque de fa merc pour le faire interdire comme tel
en i 7 7 7 ; &; j e l e p r o u v e , par fes interrogatoires devant
le Juge de Graflc ( 1 ) , & aii Parlement d’A ix : ces inter
rogatoires ont déjà reçu l’approbation de mes adverfaires;
comme on vient de le voir (2).
• Par les rapports de médecins & chirurgiens (3).
Par fon enquête de quarante-deux témoins s gens graves,
par ceux dont l’état peut infpircr quelque confiance, en
tendus dans l’enquête de la dame de L o m b a rd , & dont
les dépolirions font conformes.
Je l e
p ro u v e
enfin par quatre lettres de fa main ,
écrites à fa mere (4) dans le cours de cette honteufe infta n c e , pour la démouvoir d ’une a&ion odieufe pour elle
èc flétriiTante pour tous les deux ; par la tranfa&ion qu’il
pafTa à la veille de fon interdi&ion , avec fa communauté
de Cabris affembléc dans les falles de fon château , dont
des témoins de l’enquête déclarent qu’il
d i c t a des claufes.
d is c u ta
&
I^a dame de Lombard foutient que fon fils étoit fou à
catte époque.
(1 ) V o y c i Picccs juftificatives, n°
( i ) V oye\ P. juftif. n” . 3.
Î 3)
Voyel
Cf) V°yel
p*
n°. 4.
n°' 5'
�95
Quel les font Tes preuves ? L a fcntence de G r af l e qui
l ’a déclaré tel.
Les' arrêts du Parl ement d ’A i x qui confirment cette
fcntence.
Tout
cela eit caile 6c anéanti par l’arrêt du C o n f e i l
des D é p ê c h e s du i 5 A o û t 1 7 8 3 .
II
ne lui refte tout au plus q u’ une enquête c om po fé e
de fes domeftiques , gagiftes ou affidés, des gens de la lie
du peuple qui ont dépofé à fa vol ont é , à qui on a voulu
aiTocier quelques gens h onnê te s, d ont les dépofitions dét r u i f e n t , c o m m e on l’a vu , fes prétentions ; prétentions
encore anéanties p a r l e t émoig na ge des q u a r a n t e - d e u x
t émoins entendus à la requête de m o n m a r i , qui tous
dépof enc'de ion bon fens.
Elle veut infinucr , page 3 5 , que cette cafîation 6c
l ’anéanti fl ement de
ces
titres cft la fuite
d ’un
défaut
de forme dont l’oppofition perpétuelle avec le f ond , a
renouvelé le procès.
Je n’ ai befoin que d’ un m ot q u’elle a eu grand foin de
di fl imul er, pour faire difparoître ces plaintes 8c ces ré
flexions politiques.
L ’arrêt du 1 5 A o û t 1 7 8 3
cft émané du C ô n f e i l des
D é p ê c h e s , où Sa M a j e i t é aflifte en perf onne,
Sc qui ne
conno ît des affaires de particuliers que quand il y a in
fraction au droit des citoyens.
C e t arrêt cafic non feulement les arrêts du Pa r le me nt
de P r o v e n c e , mais la
fcntence de Greffe qui prononçoit
l* interdiction 3 NOTAMMENT L*AVIS DE PARENS qui
déféroit la c ur a t e l l e , cette curatelle m ê m e 8c t o u t
ce
q u i s’£N e s t e n s u i v i , & par c onf équent ces aliénations
�multipliées de la curatrice, ces ailes d’emprunts fans fin,
ces baux frauduleux , toutes ces reconnoiflances données
aux fous-ordres dans le partage de la dépouille de 1 op
prim é, ce procès verbal du Juge de GraiTe pour conilarer
la maniéré dont le marquis de Cabris étoic tenu par ia
m ere, copié ii complaifamment à la page 43 du mémoire.
C e t arrêt ordonne que mon mari Si fa fille feront
conduits ici de l’ordre de Sa Majefté , & fous les yeux
de fes Miiiiilres ( 1 ).
Je laide au public à juger les motifs de la caiïation pro
noncée dans le confeil d’Etat du R oi , de jugemens de
Juges inférieurs , d’avis de parens rédigés dans l'intérieur
d’une fam ille, d’ une curatelle qui pouvoit être réformée
par un Juge fupérieur, fx elle avoit été dans le cas d’être
prononcée , de tous les actes faits par la curatrice , dont
le fort dévoie fuivre celui du jugement qui lui avoit donné
fes pouvoirs ; enfin des motifs de cette prévoyance pour
les perfonnes prouvées dans l’oppreffion.
Je dois quelques réflexions fur ces parens qui ont voté
dans cet avis du 1 4 Janvier 1 7 7 8 , fur le vœu de cette
prétendue famille entiere dont la dame de Lombard fait
tant d’étalage dans plufieurs endroits de fon mémoire.
( i ) Les ordres de Sa Majefté ont été exécutés avec une attention particulière»
& une décence extrême. M o i - m ê m e j'ai pouiTé l’attention fi loin , qu'allant audevant de mon mari Si de ma fille , je m’ arrêtai à i j lieues de Cabris : !e peuple
¿coic foulevé d’indignation contre la dame de Lombard & fes gens d’affaires 3 ma
préfcncc pouvçic fervir de prétexte à des excès concr'eux, j ’attendis.
Il eft faux que l’Officicr ait refufé à la dame de Lombard de voir ma fille.
L ’hôtel que madame de Lombard appelle mon h ô te l, dans lequel elle prétenj
«ju’on a refufé de lo ger Ton f i l s , appartient à mon mari.
J’y
�91
J’ y trouve dix -n e u f noms ; à la tête , M. le Bailli de
Mirabeau , Religieux profès de POrdre de Saint Jean de
Jérufalem, homme que les loix déclarent more.civilement,
ôç par conféquent incapable de voter dans une pareille
aflcmbléc.
M . Lombard de Gourdon Sc M . Creps de St C czaire ,
tous deux beaux-freres , dont l’intérêt a déjà été aflez
démontré , 6c le premier d ’autant moins excuiable à
voter dans une aflcmbléc aufli irrégulière , que vingt an
nées d’expériences paflecs fous fon pere , Lieutenant au
Siège de G rade 6c Subdélégué de M . l’intendant de P ro
vence , avoient dû Pinftruire des formes ( i ).
M . de Clapiers Colongucs , complaifant connu du
Bailli de M ir a b e a u , promoteur de Pa&ion.
M . G eoffroy D u ro u re t, à qui ceux qui coftnoiflcne la.
noblefle de P ro v e n c e , favent que mon mari ni moi n’a
vons l’honneur d’appartenir.
To us les autres y font employés parce qu’il a plu aux
comparans de les y nommer , parce qu’il leur a plu de
dire qu’ils avoient leurs pouvoirs, fans qu’ils en ayenc
juftlfié ni au Juge , ni au public par l’annexe de leur
procuration , la plupart même des perfonnes nommées
n’ayant jamais-vu M. de Cabris.
J’ai déjà obfcrvé qu’il y a voit dans la même ville,
ou aux environs , douze familles de parens rcfpectables ,
avec lcfquels le marquis de Çabris vivoit habituellement,
qu’on s’cil bien donné de garde d’appeler.
____________ ■
^.
»
. '
.
«
( i ) C e M. Lombard de Gourdon n’eft pas de la même roaifon que la dame
&
Lojnbard St. Benoît, douairière de Cabris..
. .
N
�C e t avis de parens préfente un contraile bien frap
pant ; M . le Bailli de Mirabeau , que fa mort civile mec
hors d’état de voter, paroît à la tê te , 8c M . le marquis de
Mirabeau , fon ainé, n’y paroît pas même par procureur.
O n voit en tout que ce font quatre perfonnes , deux
bcaux-frercs , dont les intérêts ont déjà été démontrés ,
un étranger 8c un homme entièrement dévoué à M . le
Bailli de M irabeau qui privent le marquis de Cabris de
fon état c iv il, qui anéantiiTent notre fam ille, qui difpo*
fent de nos b ie n s, 8c qui mettent la perfonne de mon
m a r i, de ma fille , 8c toute notre fortune dans des mains
qu’ils connoiiToient incapables d’en prendre foin.
Je crois avoir prouvé que mon mari n’étoit pas fou
lors de la demande en inrerdiCtion , 8C que cette inter
diction' n’a été prononcée que par les intrigues de la
cabale; j’aurois pu borner ma preuve à l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A o û t 1 7 S 3 , qui caiTe cette inter
diction même rendue par un juge inférieur , & tout ce
qui s xen eft enfuivi & pu s ’ enfuivre.
Si je fuis entrée dans quelques détails des faits qui ont
décidé la juftice du Souverain , c’eft pour démontrer plus
fenfiblcmcnt la conduite de nos adverfaires , 8c ne rien:
laiifcr à defirer fur les motifs d’une interdiction qu’ils n’ont
pas eu honte d’annoncer dans leur mémoire comme néce flaire.
Je rapporte les interrogatoires devant le premier Juge
Sc au Parlement d ’ A ix , les enquêtes qui dépofent de fes
difeours avec les perfonnes habituellement en fa fociété ,,
fes lettres à fa m è r e , fes autres écrits , les a£tcs qu’il a
pafles , oiï l’on trouve de quelle maniéré il traitoit 8c
�99
conduifoît Tes affaires ; quelles autres preuves devois-jc
rapporter ?
Je vais prouver actuellement ce qu’a fait la cabale, par
le m o y e n de la dame de Lombard 5c de Tes agçns , pour
rendre Ton fils fou , du moment qu’il a été en leur puiffaneç.
M a u v a is t r a it e m e n s exer cés sur les per so n n es:
La dame de Lombard n’oppole aux faits en grand
nombre , déjà articulés à cet égard , que des déclamations
pathétiques.
Elle invoque en fa faveur le témoignage de tout le
pays que je vais faire dépofer contr’elle , de fes domeitiques qui ont oublié leur rôle dès qu’elle a ccfle de les
payer.
Elle me force de montrer mon mari tombant fous les
coups de fes valets , à ne plus diflimulcr que ces indi
gnités étoient l’ouvrage de la cabale qui les ordon noit, Si
de la meie de mon mari qui les autorifoit.
M on filcnce me rendroit complice de la dame de L om
bard , je contribuerois , en le gardant , aux foupçons
qu’elle ofe donner fur fa famille , d’une démence héré
ditaire ; je participerais à la flétriiTurc qu’elle cherche à
imprimer fur notre poftérité.
C e t objet de ma défenfc fera divifé en deux parties ,
l a premierc traitera de la nourriture , du lo g e m e n t, des
vetemens & foins de fanté. Dans la fécondé, jc r a p p o r
terai les preuves de mauvais traitemens e ffe c tifs , e x e rc é s
N ij
�1 00
par les Satellites qui entourerait mon mari à l’inftant de
rinterdidtion.
La dame de Lom bard, dont tous le domeftique fe bornoit à une cuifinicre Sc une femme de cham bre, prit, auflitôt l’interdi&ion, un état de m aifon; elle eut un cuiflnier,
un laquais ¡k. même une fécondé femme de chambre ; cc
font ces gens qui la fuivoient dans ia maifon à G ra fle, où
elle paiToic de fuite quelquefois plus de fix m o is , &: tou
jours la plus grande partie de l’année, qu’elle amene avec
elle à Cabris pour figurer dans le procès verbal du Juge de
Grafle , où l’on fait déclarer au marquis de Cabris qu’ils
lui appartiennent perfonncllement.
Dans l’abfence de fa mere du ch â tea u , il n’avoit pour
toute cuifinicre qu’une fervante païfanne à 3 6 liv. de gages
par année.
Quand la dame de Lombard étoit au château , fon fils
ne mangeoit pas avec elle , on lui envoyoit de deflus la
table dans fa chambre la portion du dîner de fa mere
qu’on jugeoit h propos.
Ces faits font atteftés par le témoignage de ma fille ,
elle les a rappelés à fa grand’mcre dans Paflemblée de
parens en l’hôtel de M . le Lieutenant civil ; elle lui a
renouvelé les repréfentations qu’elle avoit pris la liberté
de lui faire fur la rigueur de ce traitement fait à fou pere
fous fes yeux ; quand la dame de Lombard écoic abfcntc,
& j’ai obfervé qu’elle l’étoit la plus grande partie de l’an
née , mon mari mangeoit feul, ou avec le fieur A lzia ry.
V o ic i le régime qu’on lui faifoit obferver.
A ndré Court 3 l’ un des païfans qui le fervo ien t, atteftt
<
�6c de l’huiificr , qui l’cn
requéroit LÊ i S FÉVRIER iyS^-^x).
en préfence de deux témoins
fa i-
» Q u e le fieur A l z i a r y lui (au marquis de Cabris)
>j
foiL boire du vin fouvent PUR 3 lui fa ifo it prendre du
CAFÉ & lui donnoit auffi du tabac ; lorfque les domef-
»
tiques lui repréfentoient que tout cela étoit contraire a la
»
fan té de M . le Marquis & aux ordres donnés par ma-
>j
dame f a mere 3 ledit fieur Afyiary' répondoit que la ma-
»5
ladie de M . le Marquis étoit incurable 3 ù que le vin 3
»
le café & le tabac ne pouvoient pas lui fa ire plus de mal
53
qu’ i l n ’ en avoit; que pendant quelques années 3 & dans
»
le mois d ’ Août 3 l edit feigneur marquis de C a b r i s ,
»
accompagné
»
domeftiques,
»
quelques jours aux M o u l i n s près la rivicre de S i a g n e ,
»
& pris des bains qui lui étoient favorables pendant les
m
cinq ou fix premiers jours ; mais le fieur A l z i a r y lui
»
f a i f o i t boire du vi n , 6c avec plus d ’a bo nda nc e , le
ù
f o i r , ce qui l ’i n c o m m o d o i t
6c lui do nno it de fortes
»
altérations : que le n o m m é
Cavalier do n no it à boire
»
de l’e au -d e- vi e audit feigneur M a r q u i s , au vu
»
du fieur A l z i a r y , q u i , fur les reproches que le répon-
»
da nt
>3
que rien ne pouvoir augmenter fon m a l , ni le guérir ,
»
qu’il falloit lui donner t out ce q u ’il demanderoit
«
en aliment que
boiiïon : que lorfque ledit
»
M ar q u i s
bu une certaine quanti té
»
d ’eau-de vie ,
>5
(x)
du fieur A l z i a r y &
de quelques
autres
d ont étoit le r é p o n d a n t , a été paiTer
6c fit
6c les autres domeftiques lui f ai fo ie nt , répondoit
Voye\
avoit
tant
feigneur
de vin ou
6c pris du c a f e , q u o n lui préparoit fo rt
P ie ccsju ftifkativcs, n V »
�I 32
» chargé, il ¿toit beaucoup altdré 6c plus mal qu’à l’or» clinaire ; que c’étoit ordinairement après ces fortes de
» boiiTons contraires , qu’il demandoit pendant
«
une
partie de la nuit à boire , que fouvent le répondant
» avoit repréfenté au iïcur A lzia ry que fi madame la
» marquiie de C a b ris, belle fille , rev en o it, & que M . le
» marquis ou tout antre, lui apprît le peu d’attention
» qu’il avoit dans le choix des alimens ù de la boiJJ'on
« qu’on donnoit à M . le Marquis , elle en feroit fâchée;
» fur quoi Alziary répondoit que cela n’arriveroit jamais.
A quoi ce fieur A lzia ry ajoutoit d’autres propos indéccns , que ce fous-ordre ie permettoit contre moi.
m Le nommé Matthieu Pichot , autre domeftique ,
« dépofedes mêmes faits; ( i ) qu’il y a trois ou quatre ans,
« & pendant qu’il fervoic en qualité de domeftique dans
>3 le château de C abris, il s’apperçut qu’on faifoit pren
ds dre du café à M . le marquis de C a b ris , quoique le
r> médecin l’eût d éfendu , 6c même qu’après lui avoir
donné du chocolat , on lui faifoit encore prendre du
»5 café un moment après; qu’on lui donnoit fouvent du
»> vin
à
boire , 6c
particulièrement lorfque le ficur
>3 A lz ia ry , pere, mangeoit avec ledit feigneur marquis
>j à la merne table , 6c malgré la défenfc du médecin
»
6c de madame fa mere, ce qu’il a vu plu fieu rs fois;
”
en ayant fait des reproches au fieur A lzia ry 6c à André
”
Court fon dmneftique ; il certifie encore que pendant
» le même tems M . de Cabris n’étoit point vifité par
»
aucun m édecin, n’ayant point vu le médecin Roffignoli
( l ) V o y e z p ic c c s j u fti f ic a ti v c s , N * .
6.
�i o3
*■
« au château qu’une feule fois , 8c le fieur Raynaud ,
» chirurgien ne l’alloit voir que pour le rafer » ; il parle
enfuite des bains pris à la riviere de Siagne , où il accom pagnoic mon mari avec le fieur A lziary Sc André C o u r t,
fon autre domeftique; le répondant continue» qu’il vit
» avec fatisfa&ion que les bains étoient favorables à M . de
«
C a br is
, pendant les cinq ou fix premiers jours il étoit
>3 fort tranquille; mais comme A ndré & le fieur A lziary
»3 perc , lui donnoient à boire du vin , & fo u v e n t, par
33 cette raifon lui fut contraire ; une nuit , comme il
>s avo'it bu une certaine quantité de vin à fon fouper,
33 il fe trouva fort altéré ; le fieur A lziary & André le
33 fermèrent dans fa chambre ôc furent fe coucher dans
>3 des appartenions éloignés de celui de M . le marquis,
>3 ayant demandé de l’eau, &c étant feul dans Panticham33 bre il lui en donna une cruche , en but plufieurs
« coups ; une demi-heure après & vers les onze heures
>3 fc trouvant encore altéré , il demanda encore de l’eau ,
>3 le domeftique lui en donna , ce qui l’engagea d’aller
33 frapper à la porte du iïcur A lzia ry , pour Pavertir
s» do ce qui fe p a flo it, 8c pour obliger A ndré de fc
33 rendre à l’antichambre de fon maître ; le fieur A lzia ry
33 nefe remua pas du tout ; le répondant fut prier 8c folli-
» c i t e r André avec menace d’en porter plainte à m adam e
33 la douairière , de leurs négligences, & alors A ndré fe ‘
rendit avec lui dans la chambre de ion m aître, auquel
33 ils donnèrent encore à boire de Peau.
V oilà ce qui regarde la nourriture ; quant aux vêtemens
je n’ai pas befoin d’autre témoignage que le faic
certain que mon mari n’a apporté qu’ un habit. JL’officier
�i 04
chargé de 1’cxécution de l’arrêt du C o n f e i l , a dû attefler
que cet habit fait dans la nuit du départ, ne lui fut livré
que pour le voyage ; tous ceux qui ont vu le marquis
de Cabris , avant ce tems , attelleront qu’il n’étoit couvert que de haillons. Il cil arrivé à Paris avec les bas ,
& fe fervant des mouchoirs que fon conducteur a voit été
obligé de lui prêter pour l’ufage de la route.
Sa mere ne lui remit que dix-neuf chemifes ; il eft
dit> page 48 de fon m ém oire, qu’ elle demandoit le loifir
de fa ire préparer promptement le linge & les habits de fon.
fils. Que ne les lui a-t-elle envoyés depuis fix mois? Elle efl:
venue dans cette ville , elle y eft depuis quatre mois ;
elle a vu fon fils avec d’autres habits que je lui ai achetés
fans lui avoir parlé des ficns,ni lui en avoir rendu aucun.
D ans le fa it, quand je fus enlevée d’auprès de mon
ïïia r i, il avoit toute la garderobe d ’un jeune homme dç
fon état &
de fon opulence , qui aime la parure ; un
linge de corps immenfe &C du plus beau ; la dame de
Lom bard en a-t-elle difpofé comme de tant d’autres
objets? O ù a-t-elle la dureté de l’en priver volontairement,
dans un moment où elle fait qu’il 11e peut pas fe procu
rer le néceflaire fur fon propre bien?
^
Il paroîtra moins étonnant, qu’elle ait refufé de re
mettre du linge de l i t , Si de table pour l’ufage de fon fils ’y
puifque ma fille atteile, Sc elle l’a foutenu à fagrand’mcre,
dans l’aiïcniblée de parens à l’hôtel du M a g iilra t,d e va n t
Ton perc & moi , en préfence de M. le Lieutenant C iv il,
qu elle le faifoit coucher fans draps dans fa propre maiions fournie abondamment de tout ce qui étoit néceiïairc
à une famille opulente.
Oa
�1 05
O11 a déjà vu que loin de procurer k mon mari des
foins de ianté , on en détournoit l'effet par des nour
ritures 8c des boiflons contraires.
Les domeftiques 8c autres perfonnes du village de
Cabris , attellent que mon mari n’avoit point de mé
decin , 8c que le chirurgien du village ne le voyoit que
pour le rafer.
Alexandre C o u r t, Conful de la communauté , attefte
par fa déclaration du 1 7 Février dernier ( 1 ).
Q ue lors de Pailemblé© de la communauté , tenue
la fécondé fête de la Pentecôte de l’année dernierc ,
le iieur A lziary lui préfenta un certificat tout dre de fur
papier timbré , contenant nombre de faits » qu’on folli«
citoic le dépofant d’a ttefler, entr’autres, que M . le
m marquis de Cabris étoit fuivi journellement par un
« chirurgien , qu’un médecin de G rade venoie le viiîter
» fréquem m ent, qu’il mangeoit à la table de la dame
»3 f i m crc, Iorfqu’elle venoit à Cabris , 8c que ledit ficur
» A lziary ne le quittoit jamais , 8c autres faits relatifs
» aux traitemens dudit feigneur marquis de Cabris, qu’a» près avoir lu ce certificat , ayant trouvé que les.
»3 faits y énoncés n’ étoient pas véritables , le dépo
li fant refufa de figner malgré les injlances & les
>5 menaces du ficur Alziary ; il certifie encore que le
marquis de Cabris n’avoic que deux domeftiques , qu’ il
« *h’y en avoit qu’un - qui le fuivît , 8c fouvent M . de
» Cabris alloit promener fe u t, & le domelliquc n’ alloit
,3 le joindre qu’un tems après.
( j ) V o y e z p ie ccs j u f t i f i c a t i v c s , N \ 7 ,
o
�ï o6
L e fieur Seytre
m ’écrit lo i er Mars 1 7 8 3 , » l’état
» de M . de Cabris eft toujours le m êm e, il ne changera
»
pas , tant cju’il n’aura pour médecin que deux payfans
»
ôc un ivrogne, qui le gardent fans lien faire , ôc
» qui mangent tous fes revenus à votre préjudice.
Il me marque par fa lettre du 1 6 A v r il, que la com»5 munauté de Cabris attefte que M . de Cabris cil tou»j jours dans une efpecc d’abandon ; « c’eft en effet ce
qu’attefte la communauté par fa déclaration du 2. 1 A vril
1 78 3 , en fuite de la requifition judiciaire que je lui avois
fait faire ( 1 ).
L e fieur Seytre ajoute dans la même lettre « M . de
Cabris , eft toujours réduit au même état d’abandon;
«
»
depuis quelques jours il paroît plus tranquille; il feroit
portable fi en bonne juftice on vous autorife à lui
« procurer les fecours dont il.a le plus de befoin.
D ans celle du 10 M ai 1 7 8 3 , il m ’écrit » l ’exploit
•m que j’ai fait fignifîcr à la com m unauté, ôc la déli» bération qui a été prife , ont opéré quelques vifites
jj
de médecin à M . de Cabris; mais on s’en eft tenu là ;
« il ne s’eft point agi de remèdes , ôc des vifites ne
» guériffent pas : M . de Cabris ne recouvrera jamais la
« fanté pour être vifité , il eft toujours dans le même
» état , furveillé par deux payfans , p rom enant, fuivi
45 d’eux ôc de ce perfonnage qu’on nomme l’homme de
” confiance, ôc que le fieur Court appelle fort à propos
» la pefte du pays.
Il m ’écrit le 1 6 M ai fuivant, » les vifites de médecin
( 1) V o y e z pièces j u i l i f î c a t i v c s , N ° . -8,
�io7
w ont ceile depuis quelque jours ; la Tancé de M . do
» Cabris n’a rien gagné pour avoir été vifîcé , ¡k. dans
« fa lettre du 7 Juin , M . de Cabris jouit toujours de
» la fanté que Ton état pcût comporter de plus fa«vo« rable.
» M. de Clapiers ( 1 ) ne s’expofe pas à le v o i r , fo a
3) occupation au château confilte à raiTurci' madame fa
35 couiîne contre votre demande.
Il m ’écrit le i Juiîlet 33 au lieu ds tenir M . de C ia 33 piers au T i g n e t , on a trouvé plus commode de tenir
}>• M . de Cabris enfermé tout comme on en avoit ufé ci33 devant. M . de Clapiers prétend que l’état de M . de
35 Cabris l’afflige; mais on dirolt plus vrai, fi on difoit
33 qu’il le craint ; 011 ne diilimule pas la fenfation que
33 fa préfence fait à M . de Cabris , & on le punit de ce
» qu’ i l eft encore ajfci bien pour ne pas oublier à qui i l
33 eft redevable du trifte fort où on l ’ a réduit.
M on mari écoic donc enfermé en chartrc privée ; on
lui donnoit des alimens & des boiflons nuifibles dont
on avoit calculé l’effet ; il couchoit fans d ra p s , il étoic
fans vêtemens.
O n ne s’en tenoit pas là-, on le b a tto it, en voici la
preuve :
Jofeph 6c François Raybaud , habitans de Cabris ,
attellent dans le procès-verbal recordé de l’huilîier qui les
en avoit requis le 1 7 Février dernier ( z ) , qu’il y a envi« ron trois ans, ils habitoicnt une maifon du v illa g e ,
33 donc les rues donnent fur le château , qu’ils ont vu
( 1 ) Le même qui a voté dans l’avis des P a ï e n s , du 1 4 Janvier 1 7 7 * .
( t ) V o y e z pi'eccs juftificatives, N " . y.
O ij
�io8
» M . le marquis de C a b r i s , qui promenoit au-devant
33 du château ; enfuite il vint promener fur la vigne ,
si éranc là le marquis de Cabris dit au même Jean Court
33 fon domeftique , qu’il vouloir aller promener fur l’al>s lée de Saint-Jean ; Court ne voulut pas y confentir ,
j> & comme M . de Cabris infiftoit ; Court le menaça de
33 le battre s & alors M . le marquis ayant pris la route de
53 l’allée, ledit Court lui donnaplufieurs coups depoingt, ce
33 qui obligea M . le marquis de courir dans le château ; les
s) répondans certifient encore avoir ouï-dire publique33 ment que ledit feigneur marquis étoit battu par Tes
33 domcftiqiics.
Antoine R aybaud, dans fa dépofition dans îa même
forme 6c dti même jour , déclare ( i ) , que s’étant trouvé
» il y a rrois ans , au clos avec le nommé Jean C ourt ,
33
domeftique de M. le marquis de Cabris , en parlant
33
dudit feigneur, ledit Court dit an rép o n d an t, que
3 î dans la matinée du même jour , «\ mefure qu’il chauf33 foit ledit feigneur marquis , celui ci lui donna un
33 foufflet , & que lui Jean Court avoit donné vingt
33 coups de bâtons fu r le dos dudit feigneur marquis , ajoute
3> le rép o n dan t, qu’il a ouï-dire publiquement que ledit
33
feigneur marquis étoit battu par fes domeftiques.
La nommée d ’Aumas , femme C a u v in , aitefte dans la
même forme lem êm e jo u r(i ) , qu’elle a ouï dire publiquc” ment , que M . le marquis de Cabris étoit battu par fes
33 domefliques\ un jour elle vit venir M. le marquis de la
33 promenade, 8c il vouloit traverfer le village pour fe
( i ) V o y e z picccs juftif. N ° . i o .
(i
)
V o y e z pie ces j u l l i f i c a t i v c s , N ° . u .
�53
ÏC<)
rendre su château ; Jean C o u r t, Ion domeftique vûulut l’obliger de paflcr dans le pré qui cft à côté du
village, Sc comme M. le marquis infiftoit , le domeftique le força en le menaçant de paflcr dans le pré,
fur quoi ledit feigneur tout affligé, dit alors a haute
îj
voix , q u 'il éioit bien fâcheux pour lin homme de fon
»
«
«
33
» état s d ’ être obligé d'obéir en tout à un coquin de
j) domefiique 3 ajoutant la répondante, qu’elle a vu paf» fer fouvent M . le marquis de Cabris qui alloit prow mener tout feul , &c un intervalle de tems après un
33
de fes domeftique Palloit joindre.
Le même jour,lademoifclle Anne Roure, veuve Conrr,at-
33 tefte ( i ) qu’un jour forçant de la tribune d el’ëglife, elle
»> entendit que Marianne , femme de chambre de ma35 dame de Cabris, douairiere, difputoit avec, A/, le marquis ,
33 que ladite Marianne lui difoic en criant a haute voix >
J3 vous êtes f o u , vous fere\ toujours fou^ ce qu’elle répéta
>3 cinq ou fix fois, d'un ton menaçant ; un autre jour ,
jî
elle rencontra
le nommé
Acharc , domeftique du
33 c h â te a u , avec lequel elle parla de la maladie.de
33 M . le marquis , Sc demanda à ce domeftiq.uc comme
33 il fe trouvoic , fur quoi le domeftique lui di e, qu’il
» étoic tantôt b ie n , tantôt mal; la répondante dit à
33 ce domeftique que fi M . le marquis recevoir quelque
33 lettres de la paît de fon époufe , peut-êrre que cela
33 lui feroit plaiiir , ôc qu’en lui faifant réponfe cela
»
l’occuperoit quelques momens ; fur quoi ledit Achart
33 domeftique , lui répondit qu’il yavo it dans la mai ion
m**""'
(i)
1
V o y e z pieccs j u i l i f . , N ° . i z ,
"
‘ 1' ' m
�i ©9
î) les défenfes les plus expie îles de ne remettre audit
feigneur marquis aucune lettre de la part de fa fem m e3
j> ni de tout autre , de ne lui fournir
»
ni papier , ni plume,
afin qu’ il n’ écrivît aucune lettre > ni a fa fem m e} ni d
w fe s amis ( I ).
Dans un récit de cette dépofïtion , la répondante
dit , îî que la dame de Lombard réfidoit prefque conjj tinuellement à Grade ; elle certifie encore qu’elle a
35 ouï-dire publiquement, que M . le marquis étoit battu
J3 par le nommé C o u r t, Ton domeftique.
Je puis joindre ôc je joindrai bientôt à ces témoignages
ceux de tout le village de C abris, de la ville de G r a d e ,
&. de la contrée entière ; je n’attends pour cela que d’y
être autoriféc en Juftice. Je pourrois rapporter cent lettres
qui m ’annoncent un cri général 6c d ’ i n d i g n a t i o n contre
les manœuvres de la cabale qui a anéanti notre maifon
& détruit nos perfonnes.
M a fille n’éprouvoit pas un fort plus doux.
J’ai déjà dit qu’elle étoit au couvent de G rade à deux
cens livres depenfion , qu’elle n’avoit eu d’autre éducation
qu’un maître d’écriture pendant quelques mois ; il étoit
défendu de lui laifTcr voir les perfonnes qu’on foupçonnoit pouvoir avoir des relations avec moi , on ne lui
laifToit pafler aucune de mes lettres; il lui étoit expreflement défendu de m’en écrire ; elle fut mife en pénitence
publique
l’ordre exprès de fa grand’mcre , pendant
( i ) Loriqu'on voulue lui rendre la faculté d'écrire on ne le put p lu s ; le ficur
Scytrc me dit dans lu lettre du 30 Avril 178} :
n O11 ciTayoit a C a b r i s , de faire écrire M . de C a b r is , mais on m’ aflure q u o o
a> n'eft veuu à bout de rien tirer de lui ».
�ï Io
l’office fur une tombe de l’églife au milieu du c h œ u r ,
trois heures !c matin , &: trois heures le f o i r , pour s’être
procuré par le moyen d'urte mirrc pep.iionnaire, & avoir
lu un de mes mémoires , 6c ce traitement ne ce il a que
parce qu’elle en tomba malade.
L e fieur Scytre m’écrit le
2 1
Décembre
1 7 g 2 , >3
je
» dois vous entretenir, i°. de madcmoifellc de C a b ris,
53
depuis que je vous ai envoyé fa lettre elle a eu du
3)
défagrém ent, elle a eu la foiblcflc de le dire , où cela
a tranfpiré ; depuis ce tems on l’a fait fo u iller, pour
» favoir fi elle n’a pas reçu quelques lettres de votre
93
part, vous favez que madame la douairiere eft méfiante,
33
malgré toutes leurs précautions à vouloir priver made-
5J moifclle de Cabris de vos nouvelles , je lui ai remis
>s votre lettre 3 j’ai fu qu’elle l’a lue trois fois les larmes
» aux yeux ; d i e l’a laiile entre les mains de fon a m ie ,
33 & c h a q u e jour elle vient la lire.
Le premier M ai fu iv a n t, « on nous a fait à moi 6c à
« ma femme une hiftoire bien extraordinaire fur ce que
» nous
voyons madcmoifellc Pauline , par le moyen
» d’une Religieufe q u e , dit-o n , nous avons gagnée
&
que je ne connois pas par parenthefe ; on ajoute que
33 pour prévenir toutes chofes on va la faire fortir du
3> couvent , des mauvais plaifans y ajoutent à leur tour ;
» elle fera mieux fous les yeux d’un Italien ( A lziary)
33
53
qui a toujours vécu , même a C a b iis , d une manière
fcandaleufe.
Dans fa lettre du ï 5 Mars 1 78 3 , « il nie dit : ma-
53 demoifelle
33
de Cabris eft très refTcrréc dans le cou-
vent , il y a chaque jour de nouveaux tourmens
�I I z
« qui commencent à être à charge h La fupericiire; elle fis
5) plaint de tous les tripots que l’on fait fur fon compte au
55
iujet des prétendues libertés qu’elle donne à mademoi-
5} Telle de Cabris de venir au parloir ;
il
cft bien mal-
55 heureux que cette demoifelle reiTente
innocem m ent:
55 les jierfécutions que vos calomniateurs vous font
55 éprouver ; tout a un terme , Sc je fuis fur que nous
» approchons du tems où nous allons voir finir tant de
55 maux.
Il m’écrit le i G A vril fu iv a n t,
55 mademoifelle de
» Cabris ( alors à Cabris ) eût gardée à vue par cette
55 Alarianne que vous connoiflez fi bien ; il m’écrit
55 le
18 A vril , madame la douairiere efl m a la d e ;
55
55
55
mademoifelle de Cabris la fo ig n e& lui fait compagnie,
elle fort peu du château , & toujours fuivie par M arianne qui ne la quitte pas.
O n aiTembloit les principaux habitans de Cabris dans
les (allés du château ; on y lifoit publiquement les mé
moires calomnieux envoyés fecrétement contre moi ,
dans le tems que je pourfuivois l’année derniere mon
ail-aire au Confeil , la dame de Lombard forçoit ma fille
d ’en entendre la lecture. Le ficur Seytrc m’écrit le 1 o M ai
1 7 8 3 , 55 elle craint beaucoup fa grand’mere, &
n’ofe
53 dire mot devant elle ; mais lorfqu’elle peut la perdre
î3 de vu e, elle dit , que ne me laiiToit-elle au couvent,
”
55
plutôt que venir m ’emprifonner ici ; il parle enfuite
des
horreurs qu’on lui débitoit fur mon compte.
Dans fa lettre du 1 6 du même mois, il me marque : midemoifelle de Cabris continue de s’ennuyer au château ,
;5 & d y perdre un tems utile , mais n’importe on a
des
�11 3
« des craintes, Sc on l’y gardera , &c encore on la fait
33 toujours fuivre , parce que l’on craint à Cabris qu’on
»» ne lui porte des lettres de votre part ; tout le monde
55 crie contre cette conduite & plus que jamais , on
5j defirç de voir cefler une autorité qui dégénéré eu
33 dcfpotifme affreux.
Dans celle du i 8 Juin fuivant , il dit ce mademoifelle
53 de Cabris a eu une fcène avec Marianne & A l z i a r y ,
33 pere , ( qui lui parloient indécemment de moi , ainfi.
33 que ma fille me l’a répété ) ; elle dit à la premiere ,
33 qu’elle n’étoit qu’une fouillon méprifable ; & au
33 fécond, que ii elle commandoit jamais, fur le champ
33 il feroit mis à la porte : il femble que cet enfant
si devine la conduite de ces deux individus , ÔC tout le
33 mal qu’ils lui font.
Il me marque dans celle du z Juillet , « mademoi33 rdle de C a b r is ‘ fc plaint de ce qu’on la détient à
>3 Cabris; madame la douairicre feroit, dit-on , le facri53 fice de l’envoyer au couvent, iï elle ne craignoit, à ce
33 qu’elle d i t , ou mes vifites , ou les lettres que je pour33 rois lui faire parvenir.
V o ilà la maniéré dont mon enfant étoit traité ; quant
à fa garde-robe, jîai dit qu’elle n’avoit que quatre chemifes,
fans coiffures ni jupons, ni bas, & la feule robe de toile
qu’elle avoit fur le corps ; la dame de Lombard ne lui
en a pas envoyé -depuis , ne lui en a même pas apporté,
lorfqu’clle cft venue la voir dans cette ville.
Preuve qu’on a voulu profiter des malheurs de mon
mari & des m ion s, pour difpofèr delà perfonne de notre
«nfant.
P
�” 4
Le fîear Seytre m’écrit le
11
Décem bre 1 7 8 2 ,
3J quand j ’ai l’honneur de vous dire qu’il eft urgent de
»> porter remcde à tant de maux , c’eft que je fais que
» madcmoifelle de Cabris fera bientôt pubère , &
il
» tfous importe' &C à elle aufli , de mettre obftacle à
» toutes vues d’établiflement projeté.
L e m êm e dit dans fa lettre da 1 er Mars 1 7 8 3 ,
33 que dès qu’on fut informé à G rade par M . le Bailli
»5 de M ir a b e a u , alors à A ix , que le Parlement alloic
>3 donner les motifs de fon arrêt , il y eut plufieurs
» conciliabules de la cabale , tenus chez la dame de
» Lom bard , dont le fieur A lziary , fon P rocureur,
35 référoit les avis de difïérens membres de ces conci« liabulcs , entre lcfqucls il y avoit fciilion , & que ce
« Procureur agiiToit en conféquence fous' le nom de la
»» dame de Lombard
qui > comme vous fave\^ ajoute-
»3 t-il 3 ne fa it que figner.
*
O n mettoit alors en avant comme moyen de réuilîr
un projet de mariage de ma fille.
Je m ’interdis toute autre explication fur des chofes
qui intérefTent des noms refpe£bables & chers à la pro
vince , & des perfonnes dont les recherches dans une
occafion moins critique auroient été honorables pour n u
fille.
Le fieur Seytre m ’écrit le 2 3 Avril
1 7 8 3 , « il faut
w aller au cinq M a i , pour pouvoir craindre le mariage
” de madcmoifelle de Cabris ; on ne parle plus de fon,
» établi(J'ement prochain 3 o n .d it au contraire , que
« madcmoifelle de Cabrià-ne veut pas fe marier ; mais
33 de plus, je fais de bonne part que ceux qui avoient
�r t
5
5) des projets de mariage fur mademoifelle de Cabris ‘
»» manquent de ton à caufe des circonftances , ainiî
” ma crainte eft moindre de ce côté.
Le 3 o A vril il m ’écrit » quant à mademoifelle de Ca~
31 bris il ne s’agit plus maintenant de Ton établiffement; ce
3v qui occupoit iingulierement les efprits ; k préfent on
s> dit de toutes parts, il faut attendre Pévenement, Sc
>» il faut l’attendre avec d’autant plus de raifon que nous
« aurions befoin pour cela des parens, & dans les cir)) conftances , aucun ne voudroit fe montrer.
Il dit dans celle du i o M a i « qu’on ne parle pas plus
» de cet établiffementy que s’il n’en avoir jamais été quef3» tion , &
il ajoute , j’aime à me perfuader qu’il ne
y s’en agit plus abfolument avec qui que ce fo it.
Il répété encore dans fa lettre du i i du même m ois,
33 qu’il n’en eft plus queftion , & il ajoute , il doit être
33 toujours queftion pour vous, de la délivrer au plutôt de
» cet état de fervitude dans lequel on la fait vivre.
D ans celle du i 8 Juin , il m’écrit 33 on m’a dit aufli
l î que par fois on parloit de mariage à mademoifelle
3j de C a b r i s , que madame fa grand’merc lui difoit il
»3 elle vouloir fon couiin de Clapiers : elle répondit
» que non tout uniment : madame fa grand’mere lui
33 d i f o i t , que voulez-vous donc , M. de Lombard ? Elle
33 rép o n d it, il eft trop v i e u x ; M. de C . . . Il cft trop
»
g r a n d
& trop maigre:
M .
de G. M. de S. encore moins :
33 mais qui Vpulcz-vous donc ? Je fuis ma maîtrefle , lui
» dit-elle,
on ne peut pas commander mon g o iitp our
y> prendre un mari.
P ij
�n 6
(O n trouve ces noms dans l’avis de parcns cnfuitc de
l’interdi£tion de mon mari ).
A
d m i n i s t r a t i o n
d e s
b i e n s
.
L a da me de L o m b a r d s’eft fort étendue fur c c t o b j s t ,
je l’aurois réfutée en peu de mots , fi jo ne me fuffe cra
obl igée de joindre fur chaque fait la preuve des
fitions q u ’elle s’eft permifes.
f u ppo -
'
J’ai déjà dit de quelle maniéré l’inventaire a été f a i t ,
q u ’on n’y a compris que les meubles dédaignés par les
fous-ordres : pas un m ot d’ une bibliothèque de plus de
iiooo
liv.
que
mon
mari
avoit
raffemblée : pas un
fcul pa picr inventorié , les titres de l’a£tif , les archives
des terres , les titres de famille ramaifés
grand foin par mon beau-pere ,
&
&c confervés avec
devenu
la reflource
des différens membres de fa branche , lorfqu’ ils faifoient
des p r e u v e s , font livrés au premier oc cu pant : il ne refte
à mon
m a r i , ni à ma fille aucun titre pour répéter.
J ’attefte 6c j ’offre la preuve que j’ avois trouvé avapc
m o n départ pour A i x , dans le tems de l’intcrdittion ,
Z4.000 hv. de ferme des moulins à huile de C a b r i s ,
des ficurs R a n c , 6c du m ê m e
d a m e de L o m b a r d les a affermés
fieur Boni n , à qui
la
20000 hv. trois mois
après. Il eft de fait 6c j ’offre encore de prouver que l ors
qu'elle a
fai t ce bail , elle
a trouvé
de gens folvables
fort au-deflus du prix pour lequel elle l’a donné ,
n ’ y ,a pas deux moi s
depuis la caffatlon de T i n t e r -
di£tion , j ai reçu pour m o n mari des offres à
j ’ai deja
p r é c éd emme nt
8c il
z S 0 0 0 /.
dé vel oppé les motifs de ce
�117
au rabais , livré par les gens ¿ ’affaires auxquels la dame
de Lombard donnoit au même inftanc des mándemeos
particuliers fur le prix de ce bail, ôc moyennant un paie
ment anticipé dç, vingt-quatre mille livres , entre les mains
de la curatrice ; ces faits font prouvés par les réponfes
juridiques faites par les fermiers lors des lignifications à
ma requête , de l’arrêt du C o n fe il, annexées aux procèsverbaux faits à l’hôtel de M . le Lieutenant Civil.
Dans tous les autres baux , on a reçu de pareils paiemens ; ils font tous faits de gré à gré , ou plutôt fous la
c h e m i n é e , entre les-fermiers & les gens d’affaires; fans
affiches , fans publications, fans mandement de Juge , Ci
indifpenfable en pays de droit écrit pour les biens des
mineurs Sc des interdits; j’ai expoféci-devant que plufieurs
de ces moulins ont été conftruits à neuf par mon mari ,•
démolis dans Pinterdi&ion, reconftruits à grands frais fans
nécefiité prouvée, fans procès verbaux, fans mandement
de Juge.
J'ai déjà dit qu’un jardin de quinze arpens, conftruit
à grands frais, avoit été détruit; ce jardin avoit cinq
terraffes dans route fa largeur, chacune au moins de vingt
pieds de haut ; il étoit orné de réfervoirs en citernes, cëuverrs en voûté par le deffus , où l’eau étoit conduite des
parties extérieures par des tuyaux de plomb , avec des
ajuftages & des robinets en cuivre; ce jardin a été détruit
Sc réduit en champ ; un beau bouquet de futaie , orne
ment du château , a ete coupe au pied & vendu par la
curatrice, & les fouchcs détruites.
O n fe rappelle que j’ai ci-devant expofé que mon mari
avoit paffé avec la communauté de C a b r is , une tranfa&ion pour les eaux bourbeufes produites du marc des
�il 3
olives paflecs au moulin. Le fermier placé par la cura
trice contrevient à cet a£te &: fait un procès à la com
munauté pour ccs mêmes droits. Etoit-ce de fon chef
à ce fermier? O n fent combien il étoit peu fondé : avoiti l , comme cela eil probable , une indemnité de la cura
trice partie au procès comme appelée à la garantie du
fermier? Leurs conventions font demeurées fecrettes , èc
q ’ont pu venir à ma connoiffance ; je vois feulement
dans le bilan de ce fermier , depuis en fa illite , remis au
greffe de G rade en 1 7 8 3 , qu’il porte à la charge de
la dame de Lombard & à fon d é b it , tous les frais aux
quels il avoir été lui-même condamné pcrfonnellemcnt
en fuccombant contre la com m unauté; objet qui lui étoit
purement pcrfonncl , & dont il ne pouvoit avoir de ré
pétition contre la curatrice que par fuite d’un traité.
Il cil vrai que pas le crédit du même compte , il porte
le même objet au profit de la dame de Lombard & comme
dû par lui qui y étoit condamné ; mais un marchand ne
porte pas fes propres dettes à la charge d'un étranger,
pour en créditer cet étranger après.
Q ue pourroit-on conclure de cette fauiTe opération ,
dans
les livres
d’un marchand
pourfuivi au Parle
ment d’A ix en banqueroute frauduleafe , ' iinon que le
débit & lé Crédit de cet Article n’ont pas été faits en
même tems; le iïeur Seytre m ’écrit à ce fujetle 1 6 A vril
”
1 7 8 3 , on publie que vous ne parviendrez jamaiis
» à obtenu- ce que vous dem andez, & on a l’infolence
»> d’ajouter q U’à tout événem ent, madame la douairière.
» a encore n o o o liv. en un ca p ita l; qu’ un beau jour
>3
il paroîtra une quittance en faveur de ceux qui la fer-
» vent , &C la confeillent il bien ; jugez de là fi on. la
�r 19
** fert autrement que pour fon argent, &: £ avec de tels
» fcntimens ils ne font pas intéredes à entretenir M . de
« Cabris dans le trifle état oà on l ’ a réduit.
J’ai avancé qu’on avoic voulu rédimer ce ferm ier, des
dommages & intérêts auxquels il étoit condamné envers
Ja commnauté , aux dépens de la propriété de mon mari.
Le marc des olives , après qu’on en a extrait l'huile ,
connu fous le nom de grignons appartient au feigneur, qui
en tire encore une huile groffierc nommée rccence ; cet
objet à Cabris cil d’un revenu très-confidérable.
La communauté cil obligée de couper , exploiter &c
voiturer les bois fournis par le feigneur , pour le chauf
fage des chaudrons.
Les gens d’affaires de la curatrice imaginent de propofer une transaction, par laquelle la communauté en ré*duifant à 20 0 0 1, , les 2 o o o o 1. de dommages
intérêts
qui lui font adjugés par l’ârrêc contre le fermier, demeuroit
déchargée de l’exploitation & tranfport des bois néceiTaircs
au chauffage des chaudrons; de le feigneur de fa part
étoit tenu de les chauffer de ces mêmes grignons ; enforte
que le Seigneur perdoit par ce traité le produit de fes
grignons pour la confervation d’un bois dont il ne tire
rien , &. le fermier fe trouvoit rédimé par ce facrif ïc e , de dix-huit mille livres fur les 2 0 0 0 0 liv. de dom
mages & intérêts ; cet arrangement tient il fort a cœur
aux gens d’affaires, que depuis la iignification de l'arrêt
du C o n f e il, qui caffe la curatelle , depuis que la dame
de Lombard eft dans cette ville, fes confcils & fes fondés
de pouvoirs, font routes les tentatives imaginaires pour
terminer cette affaire ; le fieur Scytrc m ’écrit le 2 5 No-
�vcmbre dernier; » j’ai appris feulement depuis quelques
« jours, que madame la douairiere a laide en partant fa
« procuration à fon A v o c a t en cette ville, & qu’avec cette
» procuration & fous pretexte du tout en é t a t , par l’arrêt du
» C o n feil, on travaille à terminer une conteflation dont
55 l’objet porte eiTentiellcment fur les droits de M deCabris,
>5 que'Pon veut foumettre à faire brûler des grignons pour
>5 chauffer les chaudrons de fes moulins à huile, tandis que
» de tout tems on les a chauffés avec du bois; cette obli»5 gation exclufïve de brûler des grignons lui fera très-pré-
« judiciable dans un bail à ferme de fes moulins à huile
» parce que celui à recence ne peut produire à un fermier
>5 qu’autant qu’il a des grignons; vous ferez bien aife de
»s favoir que tandis que tout cc qui a été fait contre M . de
m C abris, a été anéanti, on cherche encore pourtant a nuire
» aux droits defaTerre ,en aggravant fes obligations envers
fes vaffaux ; cette innovation auroit déjà porté à effet, fi
>s la tranfa&ion à paffer n’avoit été liée avec d’autres objets
>5 qui regardent bien plus le ferm ier des moulins 3 que M . de
Cabris , & que l’on a eu en vue de réduire autant qu’il cil
a pofîible, en facrifiant les droits fonciers ; mais heureufe» ment le fécond conful a tenu ferme contre un parti qui
m s’étoit formé & que l’on avoit fait adopter par une délibé*
»> ration; s’il n’efl pas rompu, il eft renvoyé &C fubordonné
** à des vérifications dont le réfultat pourra bien aboutir à.
M la révocation de la délibération qui avoit été prife , mais
»s toujours vous voyez qu’il y a péril, ¡k. qu’ i l devient urgent
» de remettre toutes chofes dans leur ordre naturel, le plutôt
»» poffible.
^
e
Alexandre C o u r t , conful de la com m unauté, attefle
k
�•I I I
le 1 7 Février dernier « qu’ayant affilié aux deux confeils
53 des mois de Novembre &c Décem bre dernier , dans
« lefquels il fut queftion de finir avec le fermier des
moulins à huile , l'article des dommages 6c intérêts
j> auxquels il fe trouve condamné , & dé finir e« même
»j tems avec le feigneur de ce lieù , l’arci^le concernant
» le chauffage des chaudrons ;.l’i\tçeftan£ fut d’avis de ne
»s finir les conteftations que lorfqu’o n . 1q pourroit vala
is blement avec M . , le Marquis
où un adminiftrateur
« légitime., Sc q u e , parce qu’il fut de cet a v i s , les
» perfonnes qui agiiToicnt pour favorifer le fermier des
sj moulins , ôc les gens d’affaires de madame la mar»
quife douairière le menacerent de lui faire enlever par
» la voie du retrait fé o d a l, le bien qu’il avoit acheté
»>
»
»
n
du fieur ArdiflTon,
viron vingt - cinq
effectué , à ce qu’il
de la fignification
dans lequel il y a une récolte d’enmautes d ’olives , ce qu’on auroit
a appris enfuitc fans la circonftancc
faite à la communauté , de l’arrêt
» du Confeil , & de {’. ordonnance de' M . le Lieutenant
» C ivil , qui ôte l’adminiij:ration des revenus des biens
» de M. le Marquis , à la dame fa mere.
Pierre D aver , Auditeur des Comptes de la commu
nauté , attefte les mêmes, chofes par fa déclaration ,
donnée le même jour 1 7 Février dernier ( 1 ) il parle auifi.
de menaces qui lui furent fa ites par les perfonnes qui favorifoient les fermiers & les gens d'affaires de madame la
marquife douairière, de retrait féo d a l des biens qu’il avoit
a c q u i s ; menaces reftées fans effet par les mêmes m o tif s .
(1) Voyez picccs juftifiçativcs, N°- 15,
Q
t
�111
J’ai ci-devant expofé comment les gens d ’affaires fe
partageoient les dépouilles de mon mari ; on en a eu des
preuves dans la déclaration des fermiers à la lignifica
tion de l’arrêt du C o n f e i l , annexée aux procès-verbaux
faits en l’hôtel de M . le Lieutenant C i v i l , où ils énon
cent les mandemens donnés fur eux, & acceptés ; dans
le bilan du Heur Bonin , je trouve en débit a le ileur
A lzia ry ( Procureur de la dame de Lombard) pour une
fom m e de 6 p o 6 liv. i o fi. j d. pour raifon de plufieurs
mandats ou billets du ferm ier, à lui A lziary, acquittés ou
remis à différens termes depuis le mois d ’O & o b re 1 7 8 1 ,
derniere échéance du p r ix du bail^ jufqu’au 1 o M a i, épo
que de la faillite ; débit qui eft: balancé par un crédit des
mêmes fommes acquittées.
Je trouve dans ce même bilan un avoir du
Janvier
,payable par mon billet fin de Novembre prochain ,
de quatre mille huit cent livres au fieur G a y te , Avocat de
j 78 3
la dame de Lombard 3 & actuellement fon fondé de pou
voirs pour régir les biens de mon m a ri, même après que
les fo n d io n s de la curatrice ont ceffé.
Au-deffous de cet avoir eft mis en titre , cc
b ila n de
e x tr a it
Ronin j concernant madame de Cabris
»
du
3)
douairiere 3 & enfiuite a la ligne y
dam e de C a b r i
5
_,
33 d o u a i r i e r e , l a q u i t t a n c e d u 1 4 J a n v i e r
1783;
M pour autant que je lui ai payé par a n t i c i p a t i o n fur
33 la paye a échoir en Novembre prochain de la rente cou■55 riante des m o u l i n s a h u i i . e d e C a b r i s .
Il eft évident parcette balance que la dame de Lombard,
d o n n e une quittance au fermier des 4 8 0 0 liv. , & que
ce fermier donne à l’A vo ca t un billet du même mon-
�I z3
t â n t , payable au terme de l’échéance du prix de ferme.
L e fieur S e y t r e m ’écrit le 6 Juin 1 7 8 3 , « il en.
5î coûte
DEUX
CENS l o u i s
A v o tre
maifon ; l’adminif-
» tratrice donna à Bonin une quittance de cette fomme,
jj le 1 4 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des m ou lin s, à
33
écheoir en Novembre prochain , &C en échange , le
5î fieur Failli donna le même jour j fon obligation de
53
même iomme , payable au même terme ; Tes livres?
prouvent que d ’abord il l’avoit paiTée f u r i e compte
33
du Procureur , & puis
33
à caufc de la faillite , on a trouvé qu’il étoic plus
33
co n v en a b le
33
com m e
ils
p a rta g en t
de le pafler fur le compte de
, fie
l ’A v o c a t
33 qui figure dans le bilan ; on n’efl: plus étonné ici de
33 ce que , de brouillés qu’ils éto ie n t, ils fc font étroite33 ment lié s; on aioute que c’cft aux dépens de votre
33 maifon , & parce qu'on abufe de la c r o y a n c e e t d e
33 L A F O I B L E S S E D E C E L L E Q U I L ’ A D M I N I S T R E ; CH n ’ y
•33 met point de doute , en rapprochant la date de la
33 quittance.
Il cil de fait qu’à l’inftant de l’interdi&ion de mon
mari , il jouifToit de 5 0 0 0 0 liv. de rente. La dame de
Lom bard vient de me faire fignifier cxtrajudiciaircmcnt
un état de fes revenus qu’elle fait monter à 4.2.020 liv.
mais elle n’y porte qu’à 2 0 0 0 0 liv. la ferme des m ou
lins à l’h u ile, dont mon mari refufoit au monlent des
pourfuites de fon interdiction 24.00.0 liv. du fieur Bonin,
le même à qui la dame de Lombard 1 a louee 2 0 0 0 0 h v.
8c encore du fieur Rancé, autre négociant de G rade crèsfolvable ; elle omet dans cet état l’article des menus
fervices de z o o o liv. de revenus; elle ne parle pas du
Q îj
�- î ¿4
produit ' du jardin converti en champ ; de celui du bois
coupé âu pied auprès du château, qu’on peut louer plus
de i o o o 1.; de la vigne toujours réfervée par le feigneur ;
elle omet plulicurs autres objets qui feront relevés lorfqu’elle aura préfenté fon c o m p t e , ôc elle en emploie
beaucoup d’autres, non feulement au-deflous du prix qu’on
lui en avoit offert; mais au-delTous même de celui auquel
•elle a livré , à la preuve de quoi je me foumets ; elle a
fait difparoîtrc un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. que fa qualité
l'obligeoit d’employer utilement. Le prix des bois de futaie
que je crois prxfer bas de les mettre à 1 0 0 0 0 liv. ; elle
a touché par conféqueut pendant l’adminiftration plus de
. 5 0 0 ,0 0 0 livres.
Les charges confiiloient en 7 4 * 0 liv. de rentes, la iffées par mon beau-pere; favoir:
7 0 0 0 liv. en viager 3 pour les penfions de la dame de
Lombard , 8c de l’une de fes filles.
1 8 0 liv. de rentes par lui léguées à. l’hôpital de GraiTe.
Et Z40 liv. au principal de 8000 liv. dues à M . de
Tourettes.
Les charges foncières font de 1 0 0 0 liv. d ’impofitions
de la noblciTe.
Et ce feroit porter haut les réparations que de les m et
tre à 60 0 livres.
M o n mari enferme dans fon château n’a v o it , comme
j e l’ai déjà obfcrvé , qu’une
servan te
paysanne,
à
3 6 liv. de gages ; les deux payfans qui Pefcortoient ,
gagés dans le pays à 60 liv. , 011 n’achctoit pour ce mé
nage que îc pahi & la viande de boucherie ; le furplus ,
devoit fe prendre dans la Terre, où il y a un jardin pota
�I25
ger , baffe-cour, colombiers, chaÎTe &c pêche ; je crois
porter au plus haut taux les frais de ce ménagé en
les mettant à 1 2 0 0 liv. ; l’entretien a été nul , mon
mari n’a point eu d’h a b it , on lui a même pris ceux qu’il
a v o i t : je mets en fait , parce que j ’en ai la preuve en
main , que pendant les fept années, il n’y a pas eu pour
j o liv- de viiîte de médecin.
M a fille étoit au couvent à 200 liv. de penfion; ce
feroit forcer fon entretien 6c les frais de quelques mois
de fon maître d’écritures de les porter à pareille fomme.
Je n’ai reçu pendant les trois années que j ’ai été enfer
mée au couvent de Siitcron^ que 7 0 5 0 liv. 8c depuis
les trois ans que j’en fuis fortic, 1 0 0 0 0 liv. fuivant mes
quittances.
Toutes ces fommes accumulées montent dans les
fept années à 9 1 3 9 0 liv. quand on fuppoferoit exiilant
les 1 2 2 0 00 liv. d ’emprunts faits par mon mari , annon
cées par la dame de Lombard, fans le prouver à la page 2 9
du mémoire , & dont je fuis bien éloignée de convenir;
cesemprunts n’auroient pu produire, impofitions déduites,
que 5 4 1 8 liv. de revenus annuels, & dans les fept années
3 7 9 2 6 liv. , la dame de Lombard doit donc avoir entre
les mains plus de 3 6 0 ,0 0 0 livres.
J’ai déjà, annoncé le foin de l’avis de parens * du 2 4
Janvier 1 7 7 8 , enfuite de l’interdi£tion , pour procurer
au fieur Seytre, qui défendoit pour mon m a r i , à cette
interdiction , le paiement d’une créance que rien ne
juitifie.
Le règlement que prétendoit en avoir fait la dame
de Lombard ,
à 6 1 ,0 0 0 liv. Sc l’aifignation donnée
�I 26
enfuite à fa requête au créancier , en revifion du même
compte , demande reilée fur pourfuite , quand le ficur
Seytre s’étoit reconcilié avec Tes entours, au bruit de
quelques fuccès fur mes demandes ; je ne penfe pas que
Ja dame de Lombard perfifte à mettre cette créance dans
les charges ; j’en développerai dans un inilant l’origine
&C le progrès.
ans l’érac qu’elle vient de me faire iîgnifier, elle
emploie dans les charges de la maifon ,
2 9 0 0 liv. de
r e n t é , au principal de 5 8,000 liv. d’emprunts par elle
faits les 2 4 Décembre 1 7 7 9 , &
1 6 Ma i
1782,
de
M M . de Theas , frères , Saint Cefaire & Ricord , par
a£tes reçus par A d i f l o n , Notaire à Gratte.
Elle avoit reçu lors du bail des moulins à huile , du
30 M ai 1 7 7 8 , une fomme de 2.0000 liv. d’avance fur
cet objet : elle en avoit également touché de tous les
autres fermiers ; malgré c e l a , on voit toujours la gêne
dans Padminiilration ; toujours les fermiers font en
avance , je l’ai juilifié par leur déclaration , enfuite des
fignifications qui leur ont été faites de Parrêt du Confeil,
annexées aux procès-verbaux , devant M . le Lieutenant
C ivil ; il cil public que les mandats de la curatrice couroient fur la place de GraiTe , & qu’on ne pouvoit trou
ver à les placer; le bilan de Bonin, fermier dés m ou
lins , conftatc dans le compte particulier de la curatrice
qu’en 1 <7 8 2 , il étoit en avance particulière avec elle de
8 4 3 üv. , &
dans les mandats qu’il avoit
acceptés
pour les ficurs G ayte & A l z i a r y , A v o c a t & Procureur
de la dame de Lom bard, de 4 8 0 0 liv.; j’ai rapporté Sc
fait joindre aux procès-verbaux faits devant M . le Lieu-
�i z7
tenant C ivil ,
les quittances données par la dame de
Lom bard , en fa qualité de curatrice , dans le courant
de l’année i 7 8 3 , de la plus grande partie des revenus
jufqu’au terme de Pâques ou de Saint-Michel 1 7 8 5.
J’ai joint auili des quittances données depuis Ton
départ de G rade & depuis la cadation de fa curatelle ,
par les iieurs G ayte
&
d ’eux féparément chargé
A lzia ry ,
des
fe
difant
chacun
pouvoirs de la ci devant
curatricer, de ce qu’ils ont pu en recouvrer ; je viens
d ’en recevoir une autre du même Heur G a y t e , du 18
Décem bre dernier ,
donnée
au
fermier
du
Caftelet
( T e r r e de mon m ari) de 300 livres avec une remife
gratuite au fermier de
227
livres fur le prix de fa
ferme ^ échu en Septembre dernier ; depuis l’arrêt du
Confeil , qui cade la curatelle, la dame de Lombard
déclare qu’elle n’a pas d’argent pour payer les frais de
tranflation ordonnés par le R o i , de mon mari &c de ma
fille ; elle nous laide tous les trois fans alimens , fans
lin g e, fans h ab its, manquant du plus ftrid nécedairc ,
& elle touche fans qualité nos revenus ; elle les aban
donne au premier occupan t; la moindre attenancc avec
elle, devient un titre pour s’en emparer. T o u t le monde
retient 8c le propriétaire n’a de rcdourccs que dans fes
emprunts.
Je paÏÏe à la tranfa&ion avec les
beaux-freres de
mon mari ; je commence par obferver , que cet a& c
eft annullé par l’arrêt du Confeil des dépêches du 1 5
A o û t dernier , avec tous ceux de l’adminiftration de 1a
curatrice.
La dame de Lombard
en a fait trois pages de fa
&*L
�I28
défenfe dans le méa^pirc ; c’eft en effet l’a ile le plus meur
trier de Ton adminiftration , celui qui a concouru à tout
ce qui a été fait ; j’ai befoin pour l’expliquer de quelque
développement.
M o n beau - pere avoit réglé le fupplément de légitime
de fes filles à 8 o o o liv. Le fieur Seytre alors curateur de
mon mari , le mené à A ix au mois de Juin 1 7 7 5 , fous
prétexte de terminer l’affaire des affiches; il lui fait payer
fous fon autorifation 20,000 liv. de pur fuppl^gent de
légitime à chacun des beaux-freres , & on infere , diton , dans la quittance les réferves de la porter encore plus
loin.
Pour peu qu’on veuille rapprocher ici quelques circonftanccs , on trouvera aifément le fil de cette n égo
ciation. Le iîcur Seytre avoit été placé dans la maifon
par les beaux-frcrcs de mon m ari, qui enavoient éloigné
un homme en poffeffion de la confiance depuis trente
ans.
C ’étoient ces beaux-freres qui avoient engagé mon
mari dans la batiffe de la m aifon; c’étoit le fieur Seytre
qui l’avoit conduit dans l’affaire des affiches , qui procuroit &
faifoit les emprunts , qui étoit chargé des
dépenfes fecrettes. La lettre de M , le marquis de Vauvenargues , du 20 A o û t 1 7 7 4 , copiée ci d eva n t, page
2 4 , prouve qu’on rendoit fufpect à mon m a r i , tout ce
~
'
qui venoit de moi , & qu’il y avoit plus que des fousordres dans cette manœuvre dès que la f a m i lle s 'e n m êle 3
r e jle ^
en
repos. La
dame de Lombard convient elle-
m ê m e , ( page 1 0 , lig. i cre de fon m ém oire); que lo n g
te n u aya n t 1 7 7 7 > les p a ren s d e la f a m i l l e lu i p e ig n o iç n t
com m e
�il
9
comme inévitable la reffource de Vinterdiction de fo n fils .
Le ficur Garnier que la dame de Lombard appelle ,
page 26 dé Ton m ém o ire, un bourgeois honnête de la
ville d’ A ix , & qui foutira de mon mari en venant le
conduire h G r a d e , l’écrit du 6 Juillet 1 7 7 6 , copié à l«a
même page, eft le fecrécaire de M . de G r a s , l’un de ces
bcaux-frcrcs.
Le ficur Scyrre , curateur, Procureur fo n d é , défen
dant à l’interdi£tion comme Procureur ad lites , jufqu’au
moment qu’elle a été prononcée , cfl: Je premier dont les
intérêts font ménagés & la créancè aduréc par la déli
bération des parens , votant fur l’interdi&ion. C ’eft la
dame de Lombard contre
laquelle il venoit d’occuper
dans une affaire fam eu fe, qui
le
r e q u ie r t ;
ce font
les beaux-freres qui l’avoient mis dans'la maifon, qui
le
; ils autorifent la curatrice de leur choix , &C
d ’accord avec eux à emprunter à conftitution ou autre
m ent, à donner des mandemens furies fermiers fi la cura
v o t e n t
trice le juge à propos; pour l’acquit d’une dette dont il ne
paroît aucun titre, à un homme contre lequel ils dévoient
avoir au moins de l’aigreur , & que Padminidration univcifellc des affaires de la maifon depuis fix ans, devoit
faire réputer débiteur.
Cette créance fi foigneufement déléguée , eil acquit
tée pour 6 10 0 0 liv. en com p tant, ou en délégation ac~
ccptées des fermiers.
Dans le même requifitoire , la curatrice demande à
être autorifée a puffer des compromis, ù tranfiger fu r tou
tes les contefilations mues ô a mouvoir que peut avoir fon
R
�I}0
fils. Les mêmes parens le votent , 51 le juge l’ordonne.
Après que la dette du fieur Seytre eft parfaitement
aflfurée , « paroît la demande des b e a u x - freres, en fupm
plément
de
légitime ; auffi-tot
le compromis eft
« pafle.
Si les Satuts de Provence exigent cette forme de finir
les conteftations entre proches , les loix fupérieures à
ces ufages locaux , les interdifoient à la curatrice.
L e fieur Scytre va à A ix , inftruit les Arbitres , &C
leur porte les pieces. O n fait eftimer les terres de mon mari ;
les deux Expçrts f o n t , l'un le beau-frcrc de ce même
fieur Seytre; l’autre, le vaflal d’un des bcaux-freres.
L a fixation des droits , l’évaluation des fo n d s , tout
eft à volonté ; on ne daigne pas même diftraire les
fubftitutions ; e n fin , u n e t r a n f a & i o n aiTure 1 0 0 ,0 0 0 1.
aux beaux-freres , qui en avoient déjà reçu 60,000 liv.
& que le pjerecommun croyoit aiTez bien payés de z 40001.
C ’eft fous les yeux du fieur Seytre encore, que Pacte
eft rédigé.
Il ne faut pas je crois de longs commentaires pour
prouver de quel tems & avec q u i , tout avoit été mé
dité.
Q u ’on joigne à cela, l’écrit donné par mon mari le 6
Juillet 1 7 7 6 , au fecrétaire de fon beau-frere , Confeiller au Parlement. Celui que m ’avoit donné mon mari fur
l’autorifation de fon curateur , le 1 9 A vril 1 7 7 4 ,
pour obtenir un ordre du R o i qui l’exilât à Brie , dans
le tems que nous craignions les fuites de PaiFaire des
afficJaes (copié, page 1 6 du mémoire de nos A dveriaircs,}
�n 1
•
f qu’on fe rappelle l’ufâgc que j’avois fait de cet é c r i t , 8c
en quelles mains je l'avois dépofé , &C on verra com
ment l’exécution du projet a été am enée, on connoîtra
tous ceux qui ont concouru à nous détruire.
C ’effc du fieur Seytre lui - même , que je tiens le
témoignage que je vais invoquer; mes adverfaircs favent
s’il étoit inftruit de ce qui fe paflfoit dans l’intérieur de
leur délibération ; un écrit qu’il m ’a fait paiTer dans lû
moment, oit divifé d’avee eux , il fe voyoit pourfuivi
en recours de cette même créance dont les beaux-freres
lui avoient il généreufement aiTuré le paiement par leur
délibération , développe parfaitement toutes les marches
qu’ils ont tenues ( i ).
Quoique je faffe imprimer cet écrit en entier dans
les picces juftifîcatives , je crois devoir rapporter ici Ces
énonciations fur cette tranfa£bion ; « on dit que M . le
»» M a ig re , ( M. de Gras , beau-frere, ) frappé de ce qu’il
» a trouvé dans le mémoire concernant le fupplément
» de légitime qu’on s’eit fait adjuger , a fait un mémoire
» ou lettre juftificative de ce qui a été faità M. le Garde
î) des Sceaux , Sc lui demande juftice fur l’imputation
»> calomnieufe qu’il renferme contre les légitimâmes ;
»> puifqu’il fe plaine , il femble que madame de C a b r is ’
« doit ajouter par réflexion à fon mémoire, qu’un Con^
»3 fciller au Parlement devoit favoir qu’ils font très» mal d’attendre ou de faifir un tems d ’interdi&ion
«
pour fe faire adjuger un prétendu droit contfe l'interdit.,
( i ) V o y e z pieces juftificatiycs, N ° . 14.
Rij
�•
i 3î
53 qu’on â fi fort abufé de la foiblcjje de la. curatrîte qu’ on
» avoit créée, 8c de ce que l’interdit ne pouvoit parler;
» que non-feulement on s’eft: fait adjuger un droit qu’on
>• n’avoic ofé réclamer en juiKce contre M . de C abris,
» tandis que les biens de la fuccefîion , fur lcfqucls on
3* l’a p ris,
n’ont été cftimés qu’au taux de trois pour
» c e n t , comme domaines nobles
on s’effc fait adjuja ger , 6c on a établi dans la rranfa&ion , le taux de
53 l’intérêt du paiement à cinq pour cent ; qu’on juge de
>3 l’accciToire , fi madame de Cabris a tort de c r ie r , 6c
53 de fe plaindre.
A cç premier témoignage fe joint celui d’un homme
de qualité de la P ro v in c e , dont la religion avoit été
furprife.
M . le comte de Grafie du Bar m ’écrit le i z A vril
1783 :
53 Je n’ai point entendu , madame la m arquife, don53 ncr lieu à des ordres fevères de Sa M ajcflé , contre
>3 vous , lorlquc je fignai après trente de vos plus pro33 ches pauens de Provence , enfuite des lettres de m a 55 dame votre belle-mcrc , 8c de M.. le bailli de M ira>3 beau , un mémoire allez vague qui me fut préfenté à
'53 A ix. Je iuis charmé que ces ordres foient révoqués ,
33 mais juftifiée auprès de Sa M ajcfté, la vengeance n’cil”
elle pas au-deflous d’une ame comme la vôtre.
33 M adam e votre belle-mcre m ’a fait l’honneur do
35 m’écrirê- au iiijct de votre demande au Confeil des
» dépêches ; je lui ai témoigné mes regrets de voir
33 perpétuer les differens dans fa famille ; je lui ai offert
�i 33
» mes fervices dans ce pays-ci , mais feulement pour
3î tout ce qui auroit trait à une conciliation , &: ca
» r e n v o y a n t à M M . fes gendres tout ce qui auroit l’ap>3 pprcncc de procès.
J’ajouterai ici une dernière réflexion fur les manœu
vres de la cabale.
C e font les beaux-frères qui ont médité & fait pro
noncer l’interdiction de mon mari , Si cc font eux qui
ont nommé la dame de Lom bard curatrice; c’eft la
dame de Lom bard qui leur livre par tranfaction une
partie des biens de l’interdit. Leurs titres refpectifs font
leur ouvrage réciproque ; ils fé font donné les uns aux
autres les moyens de nous dépouiller , de nous enlever
notre exiilence , de s’emparer de notre fortune : nous
fommes depuis fix mois fans ali mens , fans linges, fans
habits , fins rcflourcc tout eft pris ou engagé .d'avance ,
tout eft faiiî- La dame de Lombard a reçu nos revenus
jufqu’cn 1 7 8 5 , les beaux-freres ont
saisi
les échéances
futures , & leurs titres refpectifs anéantis par l’arrêt du
Confeil , font mis aujourd’ hui à une exécution rigoureufe;
la violence fuccedc aux artifices employées originairement
pour nous perdre.
V oilà les perfonnes qui fe font crues obligées de venir
au fccours d ’un membre de leur famille , pour mettre a
couvert fa perfonne & fe s biens ; qui ont fa it, tout ce qui
¿toit compatible avec l'honneur pour le conferver a la de moif i l l e de Cabris avec fon pere & fon patrimoine , & voila
{comme) les mains de fa mere cherchent a lui ravir tous fes
*biens.
�1 3 4
D e toutes ces perfonnes, aucune ne vient lui donner
des alimens ; toutes abandonnent les perfonnes pour fe
faiiir du refte des biens.
L a dame de Lombard implore continuellement le
témoignage du public , les dépofitions de la Province ,
des perfonnes qui ont été témoins de fon adminiftration
je ’ lui oppofe des faits , j’offre d’y joindre le cri p u b lic ,
foulcvé contre elle, l’indignation contre les excès de la
cabale.
Quand j’articulai par ma requête du 6 Mars 1 7 7 9 ,
devant l e ‘Juge de Graflfe, l’abandon où é toit mon m ari,
les mauvais traitemens auxquels il étoit expofé , quand
je demandai à en faire preuve par témoins , que répondit
la dame Lombard ? C e qu’elle dit à la page 4 1 du mé
moire.
Elle déclara qu’il étoit inutile d’entamer fur cet objet
une longue procédure d’enquête ; elle m ’y foutint nonrecevablc Sc la fit prononcer par un Juge prévenu; à cette
preuve teilimoniale que je demandois , elle fubftitua la
defeente de ce même Juge au château de C a b ris, pour y
voir le fils 8c la mere bien préparés , &. dînant cnfcmblc;
les certificats de Ces gagiftes , ou de fes parafites , les
mêmes quelle ofe faite imprimer aujourd’hui.
Je vais prouver l’inutilité de ces démarches pour s’en
procurer d’autres; je lui oppoferai les déclarations de ceux
que ces agens ont voulu féduire ; je développerai la diffé
rence des moyens que j’employe pour faire connoître la
v é rité , Sc de ceux quelle met en ufage pour l’étoufFer.
�J31
Je donnerai des preuves du cri public , auquel je join
drai bientôt des informations juridiques.
D ans l’inftânt que je follicitois mon affaire au C o n fe il,
j ’appris que la cabale vouloic extorquer des certificats
¡contre moi.
Le i 6 A vril je fis fommer la communauté de Cabris
de s’aflembler 6c de déclarer s’il n’étoit pas vrai que
mon mari étoit maltraité ; s’il n’éroit pas vrai qu’on
avoit préfenté à la communauté des certificats touC
dreifés contre moi , qu’on l’avoit follicitée de figner.
Le i l ,
la communauté s’aifemble; elle répond que
mon mari n’eft pas Îoigné; qu’il n’efl: pas fervi; qu’il cil
abandonné ; que fa mere ne le voie pas ; qu’elle paifc la
plus grande partie de l’année à Graife & loin de lui.
Pour les certificats, la communauté répond que le fieur
A lzia ry, l’homme de confiance de la dame de Lom bard,
a propofé aux Habitans de figner des certificats tout dreffés, qu’ils l’ont refufé; que fes certificats leur ont été
repréfentés fous d’autres formes, & qu’ils l’ont encore
refufé. •
L e fieur Seytre m 'écrit, le 9 A vril 1 7 8 3 , « le certi» ficat contre vous, qui a été préfenté tout dreifé, a été
» figné par les Prêtres d e l à Paroiife, ôc par quelques
jj autres qu’on n’a pas pu me nommer, mais avec des
« explications Sc reftri£üons qui font préfumer qu’on ne
« les produira point ».
A peine ma fommation avoit-elle été connue des Agens
de la dame de Lom bard, qu’ils firent tous leurs efforts
pour empêcher l ’aifemblée de la communauté.' Le fieur
�13^
Scycrc m’écric le i G A vril 1 7 8 3 : « o n fait à Cabris
» toutes chofcs au monde pour que le Confcil n ait pas
» lieu, tk. je crains que malgré le Confcil deá Confuís
» & les Confuís eux-mêmes „ on n’y parvienne. Le pre» micr Confuí me répond que non,
que vous aurez
« une preuve de la bonne volonté de vos Habirans à faire
» quelque chofe qui put concourir à manifefler le defîr
« qu’ ils ont de voir rétablir leur feigneur & vous dans
» l’état ou vous devez être ».
N e pouvant pas empêcher l’afïemblée, les A gcns de la
dame de Lombard voulurent, au m oins, atténuer les faits,
que devoit attcfler la communauté. Le même fieurScytre
m ’écrit le 2. 3 Avril : t< A lziary ( le Procureur ) parut à.
« Cabris l ’avant-vcillc du C o n fc il, pour faire le thème
»> au C o n fu í, ôc malheureufcmcnt, il ne l’a que trop bien
»5 étudié » ................... O n voit, en comparant l’cxploic,
à la délibération, que l’on a cédé aux follicitations; que la
crainte a préiidé dans ce qui a été dir. « T o u t ce qui cil
m gens du peuple éto it, dit-on, furieux au Confcil. Ils
» crioient, dites que nous voulons M adam e la jeune, 8c
» qu’il n’y a que trop long-tems que nous fommes com »
mandés p¿r des domeitiques. Mais tout ce que ccs gens-
» là. difent, on ne l’écrit pas. Le thème étant fa it, on ne
» s’en eil pas écarté «.
Le Heur Alexandre C o u r t, Coniul de la même année,
atteile le 1 7 Février 1 7 8 4 : « q u ’après le Confcil de la
» communauté tenu la dcuxicme fête de la Pentecôte,
» le S r A l z i a r y , homme d ’affaires de madame la douairière,
» lui préfenta un certificat tout drefle fur papier tim bré,
>3 contenant
�ï.3 7
*» contenant nombre de faits; que ledit fieur A lzia ry le
»> follicita d’areiter, p ortan t, entr’autres, que M . Ic
>» Marquis écoit fuivi journellement par un chirurgien;
w qu’un médecin de Graile venoit le .vifiter fréquem>» m ent; qu’il mangeoic à la table de la dame fa merc
» Iorfqu’ellc venoit à Cabris; que le fieur A lziary ne le
*j quittoit ja m a is, &. autres faits relatifs au traitement
m
de M. le Marquis de Cabris. Après avoir lu ce certifi-
» car, ayant trouvé que les faits y énoncés n’étoient pas
» véritables, il refufa de le figner malgré toutes les infm
tances & les menaces dudit fieur A lziary »».
L e fieur Seytre m ’écrit le premier Mars 1 7 8 3 : « il
»» n’y a plus qu’un cri contre toutes les manœuvres de la
» dame de Lombard &C vous ne devez plus craindre de
>• le dire ».
D ans celle du 1 o M ai fuivant, il me d it: « M . le Bailli
»> de Mirabeau mande que vous ne réuflîrez pas; le public
u defirc fi fort que juftice vous foit rendue, qu’il n’en
« croit rien; il eft même très-impatient fur l’événem ent,
» Sc défire avec le plus v if cmprciTement d’apprendre que
» vous avez eu le fuccès le plus favorable; vos habirans
» de C abris, entr’autres ceux qui font de bonne fo i,
»> difent qu’il y a trop long-tem s qu’ils font gouvernés
i} par des mercenaires; ils efperent bien que D ieu leur
»
r e n d r a l eur m a î t r e » .
Il me dit dans celle du 1 6 Mai : « ce fera le plus grand
w a£tc de juftice qu’on pourra faire de tout anéantir d’un
»
feul coup................ Le public defirc avec le plus g r a n d
v» em prcifcm ent le dénoûment de cette affaire, qui ocS
�13^
» ' cup'e tous les gens de bien qui y prennent le pîus viF
» intérêt pour vous., 8c pour le bien-être de M . 8c de
» mademoifelle de Cabris >3. Et dans celle du 2 4 du même
mois : ci il eft tems que tant de maux foient réparés, 8c
» q a’ une fituation véritablement à plaindre, trouve enfin
» un terme.......................... Je ne fuis pas fâché d’être
» brouillé avec quelqu’ un qui ne refpc&e rien, qui no
» veut voir que fon in té rê t, 8c qui trouve mal tout ce
» qui eft: jufte. M a rupture lui fait peu d ’honneur............
« A v e c deux feules paroles, je donnai la goutte à mon
» financier.pour trois femaines».
U n homme de la premicrc qualité de la province
auquel mon mari a l’honneur d’appartenir, m’écrivit le 2 7
A o û t 1 7 8 3 , pour me féliciter fur le fuccès que je venois
d ’obtenir. « Lorfque j’ai fait l’ouverture de vôtre lettre,
» toutes les perfonnes qui étoient aiTemblécs chez m o i>
»5 ont paru partager mes fentîmens, & applaudir à un
» jugement qui h’a été que trop long-tcms attendu ».
Les iieurs Bonitt 8c Bauge, tous deux bourgeois de
C a b ris , m ’écrivent dans le mois d’A o û t 1 7 8 3 , « que la
» nouvelle du gain de mon affaire a caufé une joie géné» raie, non-feulement parmi les vaflaux de C abris, mais
» dans tous les environs; les nouvelles du 1 y , ajoutent» i l s , apportoient la palme aux deftructeurs de votre'
» mari, de votre fam ille, de vos réputations 8c de vos
”
biens. Celui du 2 3 apporte votre juftification 8c rend’
« vos adverfaires honteux........................ V en ez recevoir
w les hommages de vos vaffaux dont "vous êtes la mère
«
ôC la bienfaitrice, 8c qui par un attachement partica-
�*39
lier, n’ont jamais tant rien defiré que de voir la main
de Dieu s’appefantir fur les opprçffeurs de la maifon
»
» de Cabris................ . Nous touchons au moment de
»> voir notre mere &c. libératrice tendre une main fccou>j rableà un époux malheureux, infortuné, recevoir ^ avec
« des larmes de joie, fa tendre 6c çhere fille depuis long» tems vi&im e de l’implacable avarice » .............
Q u ’on daigne comparer ces témoignages de la yérité
avec les atteftations que produit la dame de.Lom bard,
D ’ un côré ce font des certificats donnés en 1 7 7 9 , dans
le tems même qu’elle, fe refuioit & faifoit rejeter par les
Juges les enquêtes que je demandois; ces certificats font
le fruit de la fugeftion, ou de la complaifance.
C e n’eft qu’avcc des menaces ¡k. par des voies obliques,
que
fes . A g e n s tentent d’extorquer des atteftations des
malheureux que la dame de Lombard foumet à leur def»
potifrne. Elle rient d’une main la verge de fer le v é e , &C
de l’autre le certificat qu’elle v e u t qu’on foufenvê.
J e f ui s a b f e n t e d u p a y s
M e s m a l h e u r s m ’e n o n t i n t e r -
ccDté
o u i fo l é les r e la ti on s . Je r é c l a m e c o n t r e de s O
gens
à
qui y ont des attenances, q»ji l’habitent, qui y ont le pou
voir en main. M rs perquifitions font publiques, mes de
mandes exemptes .de toutes captations; je fais fommer
juridiquement les communautés de s’aflembler, les parti-'
culicrs de déclarer la vérité. Je ne demande à tous que ce
qu’ils fi vent, que ce qu’ils ont vu; je ne les intimide point
pour empêcher qu’ils ne rendent a mcsr;AHvériaires toute;
la juftice qu'ils.en peuvent attendre; & voilà le jugement
du public entre la dame de Lom bard ô£ moi.
S ij
�14 0
Je crois avoir développé l’origine des cabales qui nous
pourfuivent; leur form ation, leur réunion, leur progrès,
&. l’exécution de leurs projets.
C ette attention à m ’éloigner de la confiance de mon
m ari, à le livrer à des mains perfides & Subordonnées, a
eu tout l’efFet qu’on pouvoit attendre des circonftanccs
malheureufes qui avoient réuni de plus grandes forces, à
celles des ennemis domeftiques acharnés depuis long-tcms
à fa perte.
C ’eft dans nos propres famille?, c’eft dans nos proches
que nous avons trouvé les deftru&eurs de nos perfonnes
de nos biens.
Les uns, avides de nos dépouilles, ont ofé attenter à
notre cxiftencc avec les armes meurtrieres, des autres
égarés par l’emportement ôc par la fo if de vengeances par
ticulières.
Com binés dans remploi des moyens & réunis dans
l’exécution, ils ne peuvent être divifés que fur la difpoiition d’un enfant échappé au nauffrage dans lequel ils ont
fait périr fes parens. Heureufe défunion ! qui nous a fauyé
le dernier opprobre réfervé à terminer nos malheurs.
Les coups fous lefquels on nous a fait fu cco m b cr,
étoient d’autant plus redoutables, que ceux qui nous les
portoient s’étoient ailurés de l’impunité en gardant l’ap
parence du voile. Les feuls qui fe m ontrent, font d’un
cô té , M . le Bailli de M irabeau, Religieux profès, m ort
civilement; de l’autre, une femme fans fortune que fon
incapacité même avoit fait appeler à la curatelle.
C ’eil fous le nom de cette m ere, de cette curatrice,
�I4 I
tout à la fois infolvable & hors d’état de ientir l’aviliffement du rôle qu’on lui faic jouer, qu’on nous pourfuic
encore ici.
C ’efl: par elle qu’on a fait dévafter nos m aifons; c’cft
par clic qu’on a faic recevoir & déléguer nos revenus
d ’avance; c’efl: par elle qü’on a rempli les mains de nos
ennemis de titres q u i, quoique anéantis par l’A rrêt du
C o n fe il, fervent encore de prétexte à des faiiies mifes en
ufage pour reculer notre jouiiTance & nous priver d’alimens. C ’efl: elle qui , pour venir nous pourfuivre, a mis en
gage notre vaijjelle d*argent s & vendu ju fq u ’ aux boucles
d ’ or de fon fils.
C ’efl: fous ion n o m , enfin, qu’on vient de publier un
libelle, ouvrage de tous les membres de la cabale : où la
calom nie, la faufleté 8c la malignité ont diftilé leur venin,
à l ’appui de pieces fal/ifiées, créées $c fuppofées par Ces
auteurs.
D es premiers attentats en néccflïrcnt toujours d’autres.
•Si nos perfécuteurs n’euflent voulu qu’arrêter les diiîipations qu’ils me fuppofent des biens de mon m ari, leur
pourfuitc devoit cefler dès que je fus enfermée; l’interdi&ion devenue inutile n’étoit donc plus qu’une flécriflure
gratuite, qu’un moyen de s’emparer des biens 8c de la
perfonne, pour s’aflurer le parcage des uns, 8c Ce prémunir
contre le retour de l’autre.
L a cabale demande encore aujourd’hui que mon mari
foit déclaré fou , parce qu’elle l’a fait juger t e l; parce
qu’elle a employé les derniers moyens pour le rendre rcî '■
>
actuellement même fa rnere ne le voit que pour l’effrayer 3
dans l’efpérance de le rendre tel.
�v
14*
C ’eft à n o s J u g e s , c ’e f t a u p u b l i c h d é c i d e r
encre
m a d a m e d e L o m b a r d 8c m o i .
E l l e a d é t r u i t l ’ h o n n e u r , l ’e x i f t e n c e & l a f o r t u n e d e f o n
fils.
;
Je n’ai jamais fait faire un fcul emprunt
je l’ai reiïufciré, je le défends.
k mon
Signé M i r a b e a u ,
mari;
M ar qui fc
de C a b r is .
M e D E B E A U S E J O U R , A vocat.
�C
L E
O
N
S
U
L
T
A
T
I
O
N
.
C O N S E I L foufîîgné fur la réponfc de madame la
Marquifc de C a b r is , b e lle -fille , au mémoire répandu
contr’elle fous le nom de la dame de Lombard de SaintBenoîc, Marquife douairière de Cabris :
E s t i m e ,
que cette réponfe 8c les pieccs authentiques
qui y font jointes, détruifent fuffifamment les calomnies
par lefquellcs on a tenté de noircir madame la mar
quifc de Cabris belle-fille, dans ce mémoire; il n’étoit
gueres poilible de prendre le change fur le- but que
fe propofoient les auteurs ; un pareil ouvrage ne doic
avoir pour objet que l’ctabliiTemcnt des droits de celui
pour lequel il eft fait, ou fa défenfe contte ceux qui
attaquent ces droits. La dame de Lombard ôc la M a r
quifc de Cabris ne plaident depuis fept ans que fur un
feul point; fur la feule queftion de favoir fi le Marquis
de Cabris eft, ou n’eft pas, dans le cas d’être interdit
pour démence. La dame de Lombard paroît ne réclamer
fon titre de mère, que pour faire déclarer fon fils fou :
la Marquifc de Cabris foutient qu’il ne l ’a jamais été 6c
qu’il ne l’eft pas. L ’une s’oubliant elle-m êm e, pourfuit, au
mépris de la nature Si du fang, la flétriiTurc de ia race
entiero Sc de fa propre poftériré; l’autre, épou'fe attachée
Sc fenfible, mere tendre, veut détourner de deiTus la tête
de fon mari ôc de leur fille unique, cette tache qu’on
�*44
t e n t e d e l e u r i m p r i m e r . U n e p ar e i l l e c o n t e f t a t i o n n e c o n f ifte q u ’e n f a i t s ; c ’eft l ' é t a t d u M a r q u i s d e C a b r i s q u ’il
s ’a g i t d e j u g e r : t o u t c e q u i n ’ef t pas r e l a t i f à c e t
état
a & u e l , eft a b f o l u m e n t étra ng er à la q u eftio n fo u m ife aux
Tribunaux.
C e t t e q u e f t i o n u n i q u e d a n s la c o n t e f t a t i o n , l ’é t a t d u
M arquis
de
C a b r i s , la d a m e de L o m b a r d la
fuppofe
é c l a i r c i e , c l i c l a m e t en f a i t r e c o n n u ôc d é m o n t r é ; e ll e
f u p p o f e i o n fils r e c o n n u
e n d é m e n c e p a r l a f a m i l l e ôC
p a r les J u g e s , & q u ’ il n ’ef t plus q u e f t i o n q u e d e lui n o m
mer
u n c u r a t e u r ; e ll e f u p p o f e
une concu rrence
ôc
uri
c o m b a t , d a n s le T r i b u n a l p r ê t à p r o n o n c e r l’ i n t e r d i c t i o n ,
e n t r e la M a r q u i f e d e C a b r i s ôc e ll e p o u r c e t t e c u r a t e l l e ;
ôc p o u r e n écar.tei l’a d v e r f a i r e q u e la d a m e d e L o m b a r d
s ’ y d o n n e f a n s q u ’ il e n a i t j a m a i s é t é q u e f t i o n d a n s les
T r i b u n a u x , e l l e a t t a q u e d e l a m a n i è r e la plus a f f r e u f e l es
m œ u r s ôc la c o n d u i t e d e l a M a r q u i f e d e C a b r i s f a b r u ; e ll e
l ’a p r é f e n t e c o m m e u n e f e m m e
coupable &
convaincue
d e s plus g r a n d s c r i m e s , f l ét ri e p a r de s j u g e m e n s h u m i l i a n s ;
c o m m e u n e f e m m e d o n t l a c o n d u i t e a a t t i r é les p e r q u i f i ï i o n s ôc les r a p p o r t s d e la P o l i c e ; u n e f e m m e q u i n ’a p u
fe
c o n t e n i r d a n s le C o u v e n t
o ù f a f a m i l l e l ’a v o i t f a i t
e n f e r m e r , p o u r p u n i r fes d é r é g l c m e n s .
Il
cft é v id e n t qu e ce
m é m o i r e fans o b j e t ,
puifque
les c o n t e f t a t i o n s q u i lui f e r v e n t d e b a f c , n ’e x i f t c n t p a s , n ’a
eu pour m o t i f qu e la d iffa m a t io n d o n t nous avons d éjà
çonfeillé
à m a d a m e la
M arquife
de
C a b r i s de rendre
plain te.
O n n e p e u t v o i r , f a ns é t o n n e m e n t , q u e l a d a m e d e
J - o m b a r d } p o u r f e r v i r des v e n g e a n c e s p a r t i c u l i è r e s , n ’ aie
pas
�M-J
pas craint de flétrir l'honneur de Ton m ari, d ’une de fes
filles, Sc qu’elle cherche encore à imprimer une tache fur
fa propre poftérité. Q ue pour décrier celle qu’elle fuppofe
fa concurrente dans la curatelle de fon fils, & qui n’eft
véritablement fon adverfaire que pour détourner la flétriflure qu’elle vçut imprimer fur fa famille ; qu’une
femme de qualité, âgée de foixante-dix ans, qui exige
les égards dûs à fon fexe,*à fon âge & à fa dignité, fc
permette d’expofer contre une femme de qualité, fa bru,
des faits qui, quand on pourroit les fuppofer véritables,
devoient allarmcr la pudeur de celle qui en faifoit le
tableau.
M adam e la
Marquife de Cabris démontre de la
manière la plus convaincante la calomnie acharnée à la
pourfuivre; elle prouve les falfifications & les altérations
qu’on s’eftpermifes dans la copie tranferitedans le mémoire
de la Sentence rendue dans l'affaire de M . de Villeneuve;
elle a démontré la faufleté du prétendu procès-verbal de
POificier de P o lic e , fuppofé attaché à fes pas. Nous ajou
terons à fes preuves, une feule réflexion fur ce fait. Si la
Police eût détaché quelqu’un pour éclairer la conduite de
madame la Marquife de C a b r is , les rapports qui en
auroient été fa its, pieccs fccrettcs du Gouvernement,
n’auroient pu iortir de fes dépôts. Quand on pourroit
fuppofer l’exiilence de ces procès - verbaux ; quand ils
pourroient être venus entre les mains de particuliers,
jamais de pareilles pieces ne peuvent être employées en
juftice, 8c il cft bien étonnant qu’on fe foie permis de
les tranferire avec des guillemets, dans un ouvrage que
l’on prétend defliné à une défenfe judiciaire.
T
�146
S’il pouvoic être queftion de la curatelle du Marquis
de Cabris, de la préférence entre la merc de l’interdit &C
fa fem m e, la M arquiic de Cabris démontreroit par le
texre même des loix romaines, qu’on lui oppofe, qu’elles
ne prononcent pas en ce cas l’cxclufion de la fem me;
qu’elles l’appellent au contraire de préférence à tout autre,
elle invoqueroit l’ufage du Parlement de Provence, où les
femmes font nommées curatrices du mari interdir, à l’c »
clufion de tous les parens; elle écartcroit d’un feul mot la
prétention de la dame de L om bard , que les mauvais traitemens exercés fur fon fils pefidant l’ufurpation d’une
curatelle anéantie, & les abus dans Padminiftration des
biens en rendent indigne. M ais cette queftion fur laquelle
la Marquife de Cabris réunit le vœu des Juriiconfultes,
cft abfolument fuperflue ici; elle foutient que le Marquis
de Cabris, fon m ari, n’eft pas dans le cas d’interdiclioa
pour démence; elle a , en fa faveur, le vœu d’une famille
refpe&able, compofée de ce qu’il y a de plus diftingué par
la naiffanee àc par les emplois. L ’avis des médecins & des
gens de l’art fait pour fixer l’opinion des Juges, & aux
quels on n’oppofe rien de contraire de la part de la dame
de Lombard.
Délibéré a Paris le dix neuf Mars mil fept cent quatrevingt-quatre. Signé d e B e a u s e j o u r .
�PIECES JUSTICATirES.
N". I.
ous G
reffier
en ch ef de la Sénéchauiiée de G ratte, certifions
que la fentence rendue par M e R e v e l, Juge commis par la Cour le
deuxième jour d’Odtobre 1 7 7 6 , en faveur de Meflire Louis de V ille
neuve , Seigneur de Mouans 8c de Sartous, contre les fieurs de R iqu eti,
comte de Mirabeau , de Briançon , & les dames marquifes de Cabris
& de la T o u r, n’a jamais cté levée au G reffe, les droits royaux n’ayant
jamais été payés, ayant néanmoins joint un extrait de ladite fentence
à la groiTe de la procédure par noüs remife rieres le greffe criminel
de la Cour du Parlem ent, enfuite de l'injon&ion qui nous en avoit
été fa ite , enfuite de l’appel de la même fentence", en foi de quoi ,
nous avons délivré le préfent pour fervir & valoir ce que de raifon. A
GiaiTe le 14 Février 17 8 4 ,fig n é A
ubin.
N°. II.
Copie des Interrogats, & Réponfes du fîeur Marquis de
Cabris des 10 2c z i N ovem bre 1777.
D u 10 Novembre 1777 , dans le château ftigneurial de Cabris, &c.
nous nous ferions prèfentés à la dame mafquife de Cabris , belle-fille ^
que nous aurions trouvée au - devant du château , laquelle nous auroit
introduit dans une chambre au fécond étage , dont les fenêtres vifent au
nord, & lui ayant fait Javoir le fujet de notre commiffion, elle nous auroit ■
dit que le jieur marquis de Cabris , fon mari, étoit parti ce jourd'huigrand
matin pour la campagne , pour y paffer la journée , & d ou il ne reviens
droit que ce fo ir , étant fdchee que ledit fieur de Clapiers fon mari, ne fe
fo it pas trouvé dans fon château ; quelle efl perfuadée que s ’il favoit
qu’on venait dans la vue de l’ interroger, il ne fe feroit pas abfenté,
T ij
�troyant que notre accedit navoit pour objet que l*audition %es témoins
par lui requife par fon comparant du jour d’ hier ; & ayant interpellé la
dite dame de Cabris, belle-fille, de figner, elle nous auroit répondu quelle
croyait que fa fignature etoit inutile, & n’ a voulu figner > de ce requife.
Me Al^iary, intervenant, Sec. a dit que le fieur marquis de Çabris de-
*
vant fe trouver dans ce moment à la campagne, ainjî que la dame matquife de Cabris ,fo n époufe, vient de le déclarer, ledit Me Al^iari audit
■
nom requiert être ordonné que ladite dame de Cabris , belle - fille , fera
tenue de nous déclarer
m oyennant serm ent,
ou
le
sieur
de C a
b r i s , SON M A R I , A ÉTÉ CE M A T I N , & LE N O M DE LA C A M P A G N E OU
I L L E P R E T E N D Q u ’lL A É t É , &
FA UT E P A R L A D I T E D A M E DE C a -
BR1S , BELLE- FI LLE , DE F A I R E T O U T P R É S E N T E M E N T L ADI TE D E C L A
RATION j
ledit Me Al^iary fe réferve de requérir ce qu’ il avifera ,, & a
fig né'
V u la réquifition ci-deiTus faite par ledit M e Alziary , ouï le Procu
reur du Roi n’empcçhant, avons ordonné que ladite dame de C ab ris,
belle-fille , déclarera tout préfentem ent, moyennant ferm ent, où le
dit fieur de Cabris , fon m ari, a été ce m a t i n & le nom de la cam
pagne où il a c t é , & ordonné que la préfente ordonnance fera-tout
préfentement lue à ladite dame pac notre Greffier. A Cabris lefdit»
jour & an que deiTus >figné F l o r i s .
Laquelle ordonnance ayant été publiée par notre Greffier à ladite dame
de Cabris, belle-fille , elle nous auroit répondu, moyennant le ferment
qu elle a tout préfentement prêté, que le fieur de Clapiers , fon mari >
étoit parti ce matin avec un domeflique de confiance, & quelle ne fa it
pas abjclument ou il a été , ignorant s’ il a été à la ckaffe, à la cam
pagne , ou partout ailleurs , où fe s affaires ou fon plaifir auront pu l’ ap
peler, &
l’a y a n t
interpellée
de figner, elle nous auroit répondu ,
qu’elle croyoit que fa fignature n’etoit pas néceifaire, & a refufé de
figner , de ce enquife , ajoutant ladite dame de Cabris yque f i elle avait
fu où fo n marl Je trouvait, elle n auroit pas eu befoin de réquifition , &
rauroit envoyé avertir fu r le champ ; requife de figner,
veau
a
de
nou
REFUSÉ.
Me Al\iary a du que la déclaration que la dame de Cabris *
�14?
belle-fille, vient cîe faire fur la publication de l’ordonnance ci-deiïus,
eft en oppofition avec ce qu’elle nous a dit à l’ouverture de notre
verb a l, où ladite dame a parle d’une maniéré affirmative qui indiquoit qu’elle ne devoit pas ignorer où le fieur de C abris, fon m ari,
peut fe trouver dans ce moment ; il n’eft pas douteux que dans l ’ctat
affligeant où le fieur marquis de Cabris fe trouve aujourd’h u i, il ne
foie entièrement livré à la garde & aux foins de la dame fon époufe ,
qui devroit conféquemment nous déclarer où le fieur de Cabris fe
tro u ve, afin qu’il pût ctre procédé à fon interrogatoire, en confor
mité de ce qui a été par nous ordonné ; en l’ état il cjl fehfiblc que le
Jieur marquis de Cabris doit f e trouver dans fon château, ou q u ’i l a été
caché à quelque part par la dame fon époufe , dans la vue d‘ éviter l'inter
rogatoire ordonné, aufii ledit M e A lziary, intervenant comme deffiis,
nous prie & requiert d’ordonner que par les huifliers à notre fuite il
S E R A F A I T P E R Q U I S I T I O N DANS LES A P P A R T E M E N S DU P R E S E N T C H A
TEAU
, que ladite dame de C abris, belle-fille, fera tenue
de
F A I R E O U V R I R , P O U R S A V O I R SI 1 E D I T SI E UR M A R Q U I S DE
s ’y
trouve
enferm é
,
C
leur
ABRI S
ledit M e Alziary fe réfervant, ladite perqui-
iition faite , de requérir ce qu’il avifera , &
figné.
JEt attendu qu’il eft ùne heure après m id i, on renvoya à trois heures
après midi.
Et à trois heures de relevée, nousdit Lieutenant, nous ferions de
nouveau portés au château en com pagnie, & c. , où nous aurions
trouvé Joachim G u erin , cuifinier du fieur de C a b ris, auquel nous
aurions demandé de nous dire fi le fieur ou dame de Cabris font
dans le château, de nous indiquer l’appartement où il fe trouvent, il
nous auroit répondu ne favoir où a été le fieur de Clapiers , & qu’à
l’égard de la dame de C a b ris, fon-époufe, elle eft fortie depuis peu
de tems du château , qu’il croyoit qu’elle ne tarderoit pas de venir ,
& qu’il alloit lui envoyer un exprès pour tâcher de la trouver , afin
de l’avertir de notre arrivée audit château, 6c ayant attendu jufqu a
quatre heures & demie , fans que la dame de Cabris qui avoit les clefs
de tous les appartemens, foit revenue, nous aurions renvoyé à de-r
main de ftatuer fur la rcquifition ci-deilus faitç par ledit M e Alziary.
�1s°
Etattendu l’heure’tarde, nous aurions renvoyé, & c ., ayant chargé
ledit fieur Joachim G uerin, cuiiînier, d’avertir ledit heur de Clapiers
de la dame Ton époufe du renvoi de notre préfent verbal à demain ,
& c . , & avant que de figner, ledit M c Alziary , audit nom , nous
pries & requis d’ordonner qu’il lui fera tout préfentement délivré par
notre greffier extrait de notre ordonnance de renvoi à demain pour
la continuation de notre verbal, afin qu’ il puiffe agir ainjî que Vintir et
de la dame de Lombard l ’ exigera , & a figné.
' Et nousdit L ieutenant, vu le dire ci-deilus , & ouï le Procureur
du Roi n’em pêchant, avons ordonné que par notre greffier il fera
tout prefenrement délivré audit M c Alziary extrait de l’ordonnance
de renvoi à demain pour la continuation de notre .prefent verbal aux
fins requifes. A Cabris lefdits jour & an que defTus, fignés F l o r i s ,
M a r t i g n y , I s n a r d , médecin
A l z i a r y , L a m b e r t , chirurgien,
R i p e r t & L a u t i e r , huiiîier , Si A u b i n , greffier.
Et advenu ledit jour 11 dudit m ois, nousdit Lieutenant aurions de
nouveau accédé au château , & c ., où nous aurions trouvé ladite dame
m irjuift de Cabris , belle-fille , qui nous a dit que le fieur de Clapiers ,
fon mari, Je trouve dans fon appartement, & qu’ il va defeendre dans le
moment ; & ledit fieur de Clapiers étant entré dans ledit apparte
ment , M e Alziary s’eft délifté de la derniere réquifition par lui faite
le jour d’hier , & nous a priés & requis de procéder tout préfen
tement à l’inteirogatoire ordonné , après néanmoins qu’il aura été par
nous ordonné, a inf que ledit Me Afyary le requiert, que la dame marquife de Cabris, belle-fille , & Me Seytre, procureur du fieur marquis de
Cabris , auront vidé le prefent appartement, <S a figné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit qu’il ne s'agit pas ici
d ’un aceufé , mais des réponfes à prêter en matiere civile , qu’elle
ni M c Seytre , procureur du fieur marquis de Cabris 11’entendent pas
prêter des réponfes pour lu i, mais qu’il y auroit de la dureté de les
obliger à vider ledit appartement j qu’en bonne règle s’agiflànt de
conftater 1 état permanent d’un citoyen , fon interrogatoire pourroit
Sc devroit être public : telles font les réglés ; 8c ç’eit ainfi qu’on l’a
décidé à la dame marquife de Cabris , qui requiert le déboiitement
�i <;i
delà rcquifition faite par M e A lziary, à quoi elle a conclu, M c Seytre
ayant figné, Indice dame ayant déclaré ne vouloir figner , de ce enquife.
Me Alziary a dit qu’ il ne faut rien de plus que les efforts de la dame
de Cabris 6• de Me Seytre , pour nous convaincre que leur prefence à
l ’ interrogatoire dont il s ’agit, ne pourroit qu’être nuif i l l e , s ’ilja u t en
fu s confulter les réglés , au lieu qu elles foient telles que la dame de
Cabris les expofe , chacun fait que lorfqu’il n ejl même quefiion que des
réponfes cathégoriques à prêter auffi en matière toute civile, celui qui
ejl interrogé ejl toujours fe u l à les prêter, il y auroit même d’inconvé
nient qu’ il put y avoir des confeils qui puffent influer en quelque maniéré
aux réponfes à prêter. A u jurplus Me Alziary oljcrve qu’ il defremit
fo rt que les réglés & les devoirs defon état ne lui impofajjent la ncccfjué
de perffler a la réquifltion par lui ci-devant fa ite, & <1 laquelle il requiert
qu’ il fo itfa it droit , & afigné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit que fi elle perfide de
refter dans ledit appartement , ce n’eit ni pour répondre , ni pour
inlinuer des réponfes à fon m ari; il n’a befoin ni de fon fecours ni
de celui d ’un confeil pour les prêter ; mais ayant été hier à la cam
pagne & étant fatigue, nous voyons qu’il foufFre des douleurs , & il
peut a vo ir befoin à tout inftant de fes foins , requérant de nouveau le
déboutement de la rcquifition de M e Alziary , M e Seytre a figné , la
dite dame ne voulant figner , de ce requife.
M e de M artigny , Procureur du R o i , n’empêche qu’il foit enjoint
aux procureurs refpeûifs des Parties de vider l’appartement, & ne
trouvant nul inconvénient que la dame marquife de Cabris y refte,
pour erre plus à portée de faire exécuter les ordres de fon mari ; il
eftime qu’elle peut y demeurer , délibéré , Scc.
V u la rcquifition & dire ci-deiTus, tk les conclufions du Procu
reur du R o i , nousdit Lieutenant avons ordonné que la dame de
Cabris , de même que les procureurs des Parties relieront dans ledit
appartement , ôc q u il fera par nous tout prefentement proccde a
l ’iirerrogatoire dont il s’agit. Fait à Cabris dans le château feigneurial
led it jour i i Novembre 1 7 7 7 , f i gné F l o i u s .
�is*
Enfuite de quoi nous aurions fait prêter le ferment à M c Antoine
Ifnard , Dodteur en médecine , 8c ail fieur Louis-Elzear L am b ert,
Maître en chirurgie , 3 e bien & fidellement gérer au fait de leur coin“
miilion , &c aurions procédé à l’interrogatoire dudit fieur de Clapiers
en leur préfence & en' celle du procureur du R o i , 8c conftitue le
dit , & c. Interrogé fur le contenu, &c.
Interrogé de fon nom , fur nom, âge , qualité & demeure :
A répondu qu’il s’appelle Jean-Paul de Clapiers de Cabris , âgé
de vingt-fept ans , rcfidant ordinairement à fon prcfent château ; ¿5C
par intervalle à Grafle.
Interrogé s’ il a été malade , & s’ il l ’ejî encore :
Ledit, iieur de Cabris nous auroit obfervé qu’avant de répondre,
il étoit bien aife de nous dire qu’il étoit fâché de fe préfenter à nous
en robe de cham bre, mais que fon état de maladie où il fe trouve,
ne lui avoit pas permis de s’habiller, attendu qu’il eft attaqué d’une
maladie de nerfs qui lui fait fouiFrir des douleurs aiguës , ajoutanc
que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, ne produit en lui que
des effets phyfiques, 8c répondant à l’interrogat que nous lui avons
f a i t , a dit que la folution de la demande précédente fe trouve dans
la réponfe ci-deifus a jo u ta n t que la maladie des nerfs dont il a été,
&: eft encore affe£té , n’attaque que fon corps , 8c n’a aucune correfpondance à fon cfp rit, 8c par conféquent ne peur le léfer fur
l’affaire qu’on lui a intentée , 8c dont il eft inftruit, & pour laquelle
nous avons accédé.
'
Interrogé pourquoi depuis environ trois mois il efl par intervalle plongé
dans la. trifiefje :
A répondu que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, & qui re
double dans ce moment des impreiTions vives 8c douloureufes fur
fon corps , ne lui permettent pas de répondre en détail à toutes les de
mandes que nous pourrons lui fa ire , 8c que la juftice eft en droit
de lui faire . ma;s qu’il peut dire généralement qu’inftruit que fa
niere abufte par ¿ QS efprits qui fans doute ont altéré les fentimens
maternels qu’elle lui avoit toujours tém oignés, 8c qu’elle lui a intenté
une procédure en dém ence, qui n’a Çc ne peut ¿voir aucun m o t i f
légitime
�*5?
légitime } mais qu’il eft bien aifurc , foit dans fo:i. domeftique , foie
!ci dans ion village, où la liberté de la campagne permet de fe tenir
d’une manière moins décente qu’à la v ille , foie à G raife, où il fe
trouve de tems à autre aux promenades publiques , dans les converfations privées avec fes parens, fes amis , &c fes gens d’affaires, qu’il n’a
proféré, ni dit aucun mot qui puiiTe donner-fujet à des interprétations
fauiTes , contraires à la raifon & au bon fens , & encore moins laiiTc
échapper des lignes vifibles de démence, ni fait aucune ad^ion dire£te
ou indirecte qui pourroit venir à l’appui de ces figues, y mettre le fçeau
par un ufage continuel & journalier.
E t tomme nous allions faire un troijîeme inerrognt, l e r é p o n d a n t
n o u s a u r o i t d i t que dans le moment fa maladie dont iL n o u s a
parlé ci-deiTus , lui fait fouffrir les douleurs les plus aiguës Sc les plus
doulourenfes qui ne lui permettent pas de répondre davantage aux
interrogats que nous pourrions lui faire ; & comme en tout état de
caufe un accufé cft lib re , même en matiere criminelle , ce qui eft
d’une confcquence encore plus elTentielle, que dan« une affaire civile
de fe laiiTec faire fon procès comme fourd & muet volontaire, à plus
forte raifon qu’il peut requérir le Juge de prononcer fon jugem ent,
d ’après une ou plufieurs réponfes limitées pour un citoyen prévenu
en ju ftice, fur-tout quand ce même citoyen eft sûr d’avoir énoncé
tout ce qu’il croit néceiTaire pour fa 'juftification authentique & com plette.
Nous lui aurions repréfenté que nous ne procédons au préfent interro
gatoire que pour conjlater l'état de fon èfprit, nous ne pouvions nous
difpenfer de faire encore d’autres interrogats , qu’attendu l’ état ou il
f e trouve, nous ayant obfervé qu’ il foujfroit beaucoup, nous aurions
renvoyé la. continuation du prefent interrogatoire à trois heures de re
levée.
Le£ture fa ite , & c.
Et advenue ladite heure , & c.
Interrogé pourquoi à la fin du mois de Septembre dernier étant nta-^
lade , il a reftépendant trois jours fans prendre de nourriture :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
. Y
�154
Interrogé pourquoi il refufoit tous les alimens qu'on lui préfentoit , &
qui auraient pu le foulager dans fa maladie :
A répondu qu’il fe rcfere à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi le 23 Septembre dernier, étant detenu malade, dans
fon l i t , il refufi de prendre un bouillon , quelques inflances quon lui
f 'U '
,
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi, quand on le preffoit de prendre de la nourriture , il
la refufoit en difant & répétant, mon D ie u , anéaniijj'c^ moi :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes-réponfes.
Interroge pourquoi environ depuis trois mois il s'emporte quelquefois
contre les perfonnes qui s’ approchent de lui :
A té p o n d u qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé s’ il n'efl pas vrai que vers la fin du mois de Septembre der
nier il fe feroit je té par la fenêtre , f l on ne l’ avoic retenu :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréferué que fon refus de répondre précifîment aux
interrogats que nous lui faifons , pourroit ctre regardé comme un aveu ,
nous l’ interpellons de répondre plus précifément.
A encore répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi il dit , ayant de me jeter par la jenctre , je veux
tuer mon époufe :
A répondu que l’interrogat que nous venons de lui faire eft faux.
Interrogé pourquoi le même foir il vouloit lancer un fauteuil contre la
dame de Cabris , fon époufe, f i on ne le lui eût ôté:
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi il en lança tout de fuite un fécond contre tous ceux
qui étoient préfens :
A répondu qu’il fe rcfere a fes- précédentes réponfes :
Interrogé pourquoi il vouloit fe renfermer dans la prifon :
'*
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi avant de s ’y renfermer, .cl demandoit que l ’on y
ùrulut de l'encens :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
�JÎ5
Interrogé s’ il efl vrai que dans le commencement du mois de Septembre
dernier il a maltraitéfa fille :
A répondu que cela efl: faux.
Interrogé pourquoi deux jours après , fe chauffant à la cuifine, comme
fa fille entroit, il lui donna un coup de pied :
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi le fo ir du i l Septembre dernier, il fe donna un
coup de coâieau :
A répondu que cela eft faux.
Interpellé de nous dire f i la ble(fure étoit confidérable ;
A répondu fe réferer à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréfenté qu’ il devoit avoir une: p laie, & que celte
plaie devoit être profonde, puifqu’ il en découla environ quatre livres defang.
A dit qu’il n’a rien à répondre à cet interrogat, non plus qu a ceux
que nous pourrions encore lui faire , & que s’il a répondu jufqu’à
prefenr , ce n’a été que pour montrer une plus grande déférence à la
ju ftice, Sc qu’il demande la permiifion d’aller fe coucher.
Interrogé pourquoi le 1 8 Octobre dernier il fe donna encore deux coups
de couteau fur les fauffes cotes :
N ’a voulu répondre.
Interrogé s’ il y a environ trois mois , & dans dijférens tems , il
a.
je té par la fenêtre une dame - jeanne de vin , de l ’ argent, une montre ,
& un chien :
N ’a voulu répondre.
Interroge s’ il ejl vrai que dans le courant de l ’ été dernier il brûla quan
tité de livres excellens , & des papiers précieux ;
N ’a rien répondu.
Interrogé s’il croit être guéri des coups de couteau qu’il s ’ étoit donnés ;
N ’a rien répondu.
interrogé f i dans ce moment il foujfre beaucoup :
N ’a rien répondu :
Interrogé s'il ne feroit pas bien aife que
Lambert, chirurgien, lui tâtajfent le poulx :
A répondu que non.
Ifnard , médecin , <5*
Vi)
�E t attendu qu'il ne nous auroit pas répondu , nous aurions abrégé &
fin i nos interrogats , & plus n’ a été interrogé.
Lecture , & c . , ôc a figné ledit Jieur de Cabris avec M . le Lieutenant
& toute fa fuite.
N °.
I n t e r r o g a t o ir e s
I
I
I.
faits d’office au Marquis de Cabris par
M . le Confeiller de Saint - M a r c , à la réquifition du
Marquis de C a b ris, dans une feule féance d’environ
'
deux heures & demie.
S A V O I R F A t SO
n s
nous Philippe de Meyronnet, Chevalier, Sei
gneur du Prignon , Confeiller du Roi en la Çour de Parlement de ce
pays de Provence fia n t à A ix , Commijfaire en cette partie député, que
ce jourd’hui 18 Février 1778 , à dix heures du matin, & dans le Pa
lais , fcroit comparu M e Jean-Louis Court le jeune , procureur en ladite
Cour , intervenant pour Meffire Jean-Paul de Clapiers de GraJJ'e, Sei
gneur , Marquis du lieu de Cabris & autres lieu x, qui nous a dit que
par decret de la Cour du neuf du courant, nous aurions été commis pour
interroger ledit ficur de Clapiers fu r tels faits & articles que nous trou
verons bons ; qu’enfuite de ce dire il en ejl intervenu un. fécond le qua
torze du courant , portant qu’ il fera par noui accédé , préfent M . le
•Procureur Général du R o i , dans Îappartement que ledit fleur de Cla
piers de Cabris occupe en cette ville , en la rue du St. Ffprit , pour
l ’interroger & prendre fe s réponfes ordonnées par ledit decret du neuf
'du courant, & que le jour d’ hier, au bas d’ un comparant à nous prefenté par ledit M e Court le jeune , nous avons rendu une ordonnance
par laquelle nous avons affigné à ce jourd’hui à dix heures du matin ,
l ' accédit ordonné par le decret du quatorze du courant ; & d’ autant auc
T heure de l’ affignation par nous donnée fe trouve txpirce , ledit M c Cburt
le jeune audit nom nous prie & requiert d ’accéder tout préfenterrient
dans ¡ ’appartement que ledit fleur de Clapiers occupe dans la maifon du
�»57
fitur Theyenin, à la rue du St. E/prit, en conformité des fufd-its decrets,
&
à
ce il a conclu & a fig n é ; figné C o u r t le jeune à l’original.
A laquelle réquijition adhérant, nousdit Confeiller & Commiffaire
aurions tout de fuite , en compagnie de M c Jean-François Dcymard de
Mans , Avocat Général, M c Jean-JoJ'eph Aymard ,• Greffier commis au
Greffe de la Cour, précédés de M c Antoine Gmjfan , Huiffter, aecédé
à ladite maifon du ficur Thevenin , fituée à la rue du St. E fp rit, où
étant, ferions montés au premier étage de ladite maifon , & entrés dans
les apparlemens occupés par ledit fieur de Clapierr fur le devant de la
dite maifon , où nous aurions trouvé ce dernier s lequel, moyennant
ferment :
Interrogé de fon nom , furnom , âge, qualité & demetire ;
A répondu s’appeler Jean-Paûl de Clapiers de C a b ris, gentil
homme âgé de v in g t-fep t ans , rélîdant tantôt dans fon château de
C a b ris, tantôt dans la ville de Gratte , qui n’eft diilante du lieu de
Cabris que d’une heure de Chem in.
Interrogé s’ il fa it pourquoi & à la requête de qui nous avons accède
dans la maifon qu’ il occupe acluellement ;
A répondu que c'eft au fujet d’nne affaire qui lui a été intentée
par la d am e de Cabris fa mere , au fujet d’une prétendue démence
dont elle l’accufe , ce qui a donné lieu à ce qu’il eft venu en cette
ville pour faire cefTer la procédure prife à ce fu je t , & enftiire de
la demande que le répondant a fa ite , & qu’il lui a été accordé que
nous accéderions dans la niaifon qu’il habite préfentement , pour y
recevoir fes réponfes , attendu fes incommodités-, & nous a déclaré
que la requête fur laquelle eft: intervenu ledit decrer, a été préfemée
en fon nom.
Interrogé s’ il fouffre acluellement de grandes douleurs de nerfs ;
N
A répondu que ou i, mais qu’elles ne font pas affez e'xceifives pour
l’empccher de répondre aux demandes que nous lui ferons.
Interrogé depuis quand a commencé la maladie' dont il eft atteint ;
A répondu que fa maladie eft une maladie de nerfs qui ne peut
Être relative, ni lui porter coup fur 1affaire prefente , Sc quelle a
commencé depuis environ fix ou huit mois.
�M?
(
Interroge s’il n a pas éprouvé quelque grand chagrin qui puijje avoir
occasionnéf i maladie ;
A répondu qu’il n’a jamais eiïuyé d’autres chagrins que ceux aux
quels le commun des hommes eit expofé , & qui ayent été aflez
violens pour le jeter dans l’état de démence qu’on lui reproche, &
qu’il déiavoue.
Interrogé f i depuis l ’ époque qu’ il vient de donner au commencement de
fa maladie , i l a toujours j o u i de la liberté d’efpnt néceQuire pour vaquer
par lui-mcme au régime de fes affaires ÿ
A répondu que oui.
Interrogé s’il n’a pas fa it une procuration le deux Septembre dernier ,
pour prépojer quelqu’ un à la conduite de fes affaires ;
A répondu qu’il Te rappelle d’avoir fait une procuration de cette
nature , mais qu’il ne fauroit fe rappeler précifément le tems qu’il
l’a faite.
Interrogé s’ il f i rappelle quelle ejl la perfonne en faveur de laquelle
il a fait cette procuration,
A répondu que c’eft en faveur de M e Seytre, procureur au Siège
de GraiTe.
Interrogé s ’ il fe fouvient d’avoir fait d’autres procurations , & à
quelles époques ;
A répondu qu’il fe rappelle d’avoir fait une autre procuration auflî
générale que la précédente , en faveur de la dame de Cabris , fon
époufe , & ' fur laquelle elle devoit fe concerter à l’amiable avec
U d itM e Seytre , à cette fin que la dernière eût l ’effet d’annuller celle
laite en faveur de M c Seytre.
Interrogé s’ il fe rappelle quels étaient les pouvoirs qu’ il donnoit aux
perfonnes à qui il confioit leflites procurations ;
A répondu que fe trouvant en cette v ille , & étant dans l’intention
d aller voyager dans les pays étrangers, il y fie une procuration en
faveur dudit M c Seytre , qui lui donnoit pouvoir d ’adminiftrer les
biens du répondant pendant fon abfen ce, d’affermer les terres en
cas d’expiration des précédens baux, d’emprunter pour faire face aux
dépenfes courantes 8c néceiTaires pour l’exploitation de fes b ien s,
�159
& les autres pouvoirs qu’une procuration aiTez ¿rendue peut con
tenir.
Interrogé .quels étoicnt les pouvoirs contenus dans la procuration faite
en faveur de la dame de Cabris , fon époufe ;
A répondu que c’étoient les mêmes pouvoirs contenns dans la pro
curation faite au iïeur Seytre.
Interrogé f i , lorfquil étoit dans le defftin d’aller voyager dans les
pays étrangers , il comptait de faire fe s voyages avec la dame de Cabris ,
fo n époufe ;
A répondu que non , la dame de Cabris fe trouvant alors i Paris.
Interrogéf i , lo rf qu’ il fit fa procuration en faveur Je la dame de Cabris
il avoit encore le dejfein de voyager dans les pays étrangers , & f i ladite
dame étoit alors de retour en Provence ;
A répondu que ladite dame fon époufe étoit en effet revenue en
Provence à cette époque , & qu’il étoit encore alors dans le dciTem
de voyager dans les pays étrangers, projet que des affaires qui lui font
iurvemies , ont empêché d’exécuter.
Interrogé quelles font les affaires qui l ’ont empêché d’exécuter fon
projet de voyage ;
A répondu que ce font des réparations qu’il avoit à faire à Cabris ,
8c l’affaire aétuelle qui lui eft furvenus.
Interrogé s ’ il ne poffede pas une belle maifon à Graffe ;
A répondu 8c accordé , difant qu’il l’a fait bâtir à neuf.
Interrogé f i cette maifon efi richement meublée ;
A répondu & accordé , difant qu’il a tâché d ’aiTortir les meublçs à
la maifon qu’il a fait construire.
I
Interrogé s 'il a dépenfé des Jommes confidérables tant pour la conftruclien de fa maifon que pour fon ameublement •
A répondu qu’en effet il y a fait des dçpenfes confidérables, & plus
fortes qu’il fe 1 etoit d abord propofe , qu il avoit d’abord voulu bâtir
une maifon plus petite & dans un autre lieu que celui où il bâtit de
puis , mais que des perfonnes lui ayant confeillé de bâtir fa m a i f o n
dans un terrein plus étendu, cela l’engagea à conftruite une plus grande
m aifon, & ayec plus de dépenfe que n’en font les gens ordinaires.
�1IjO
Interrogé f i les ameublement qu'il fit à fa maifion, s ’y trouvent ac
tuellement ;
A répondu que o u i, à l’exception de quelques-uns que madamo
fon époufe a fait porter au château de Cabris.
Interrogé f i le château de Çabris n’ ejl pas auffi bien meublé ;
A répondu & accordé, difant qu’il ne fait pas pourquoi la dame
fon époufe y a fait rranfporcer les fufdits meubles, qu’il préfume pour
tant que ç’a été pour les placer dans fon appartement.
Interrogé s’ il a beaucoup de vaiffèlle d’ argent ;
A répondu qu’il n’a que des cuilliers & .fourchettes.
Interrogé s ’ il n’ a pas pojfédé beaucoup plus de la vaiffèlle , & notam
ment de la vaiffèlle plate :
A répondu & accordé, difant qu’il a été obligé de la vendre pour
des affaires qui lui étoient furvenues.
Interrogé s’ il fe rappelle qu elles étoient les affaires qui Vobligèrent
à vendre f a vaiffèlle.
A repondu qu’il croit fe rappeler que c’étoit pour acquitter des
comptes à des marchand.
Interrogé s 'il n’ a pas dans fon château de Cabris une bille bibliothèque
& un recueil d’ ejlampes conjîdérable ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a une collection de livres 8c une
cinquantaine d’eftampes, qu’on ne peut pas appeler fa colledtion de
livres une bibliothèque , puifqu’elle ne lui a coûté qu’une douzaine
de mille francs, y compris le prix des eftampes.
Interrogé s’ il ne lui ejl pas arrivé de mutiler des livres , & à3en dé~
chirer beaucoup de feuillets ;
A répondu Sc dénié.
Interrogé s’ il n a pas également déchiré des eflampes ;
A répondu & dénié.
L ’ avons interpellé de tâcher de rappeler q u i l a en effet déchiré des
livres & des eflampes , s’il n'a pas été porté à ce fa it par quelque ferupulc de confidence & par une ferveur de dévotion ;
A répondu qu’il ne fe rappelle de rien de pareil.
!
Interrogé f i fia maladie & les douleurs quelle lui caufie, ne l’ ont pas
je té
�rtfi
Jeté quelquefois dans un état de tri/lefje & de profonde mélancolie ;
A répondu qu’il eft vrai que Ton naturel eft trifte & mélancolique,
mais que la ma l a d i e de nerfs dont il eft atteint, ne l’a jamais jeté
dans des états pareils à ceux fur lefquels nous venons de l’interroger.
Interrogé f i les fouffrances ne lui ont jamais infpiré du dégoût pour,
la vie ;
A répondu 8c dénié.
Interrogé f i dans ces momtns de foujfrance il ne lui efi pas arrivé de
fe porter à des extrémités fur fa perfonne , & de fe faire des bleffures ;
A répondu & dénié.
Interrogé f i dans cet état - là i t n’ a pas refufé des fecours quon a
voulu lui donner, & notamment la dame fa mere , qui avoit été appelée
au château de Cabris à cette occafîon
A répondu & dénié.
Interrogéft dans de pareils momens il nt s'efi pas porté aufji à de*
extrémités contre la dame fon zpoufe j
A répondu 8c dénié.
Interrogéfi la même chofe ne lui efi pas arrivée vis-à-vis la demoifellc
f a fille ;
A répondu & nié.
Interrogé s ’ il n’ a pas je té fa montre d’or & fon argent par la fe-t
nétre ;
A répondu : non jamais.
Interrogé s ’ il craint beaucoup le chaud ;
A répondu, beaucoup plus que le froid.
Interrogéf i , pour fe garantir du chaud, il tu. s efi pas promene quel»
quefois en chemife dans la campagne ;
A répondu qu’il prend la liberté, quand il fe trouve à la campagne,
de s’y promener en robe de chambre , pour avoir moins de ch aud,
mais qu’il ne s’y eft jamais promené en chemife.
Interrogé quelles fon t fes occupations & fe s amufemens, foit à la
ville , fo it à la campagne ;
A répondu que c’eft principalement la le&ure qui l’occupe , &
qui l’amufe,
�\6l
' interrogéfi, lorfqu’il eft à Grajfe, il ne fréquente pas les compagnies;
A répondu 8c accordé.
Interroge s 'il n a pas fa it des emprunts confidérables ;
A répondu qu’il a deux dettes principales de dix mille écus chacune
envers deux particuliers de Gratte.
Interrogé s’ il n’ a pas aliéné de biens fonds & des capitaux ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a aliéné des-capitaux pour fournir
i la dépenfe de la conftruârion de fa maifon , mais qu’il n’a point
aliéné des fonds.
Interrogé f i les douleurs q u i l fouffre augmentent ou diminuent en
tertaines périodes ;
A répondu que fes douleurs font fi grandes , qu’elles ne fauroient
augmenter davantage, qu’elles font continues depuis quelque teins ,
& n’augmentent ni diminuent en certaines périodes.
' Interrogé f i dans le mois de Septembre dernier il n’ a pas eu des
attaques de douleurs plus violentes que celles qu’ il avoit foujfertes fc it
avant, jo it après ladite époque ;
A répondu qu’il nous a déjà dit que fa maladie a commencé de
puis iîx ou huit mois , que les douleurs qu’il éprouve n’ont jamais
difeontinué & ont toujours été plus violen tes, & qu’il ne croit pas
qu’il pût v iv re , fi elles augmenroient encore.
Interrogé f i depuis qu’ il eft atteint de la maladie dont il fe plaint ,
il n’ a pas fa it un teftament;
A répondu qu’il l ’a fait précédemment à fa maladie ,
L ’ avons interpellé de nous déclarer à quelle époque il afa itfon teftament;
A répondu qu’il ne s’en rappelle pas.
Lecture à lui faite des préfens interrogats & réponfes , il y a perfifté
& afigné: fignes C
a bris
, M
e y r o n n e t de
Saint M
arc
,
Si H ïm a r b ,
■Greffier, à l ’original.
Par extrait collationné fur l ’ original étant dans le fac de la procé
dure
criminelle
qui fe trouve riere le Greffe
criminel
de la
c °ur, expédié enfuite du decret mis au bas de la requête à elle
prefentée par
Jleur Jeun-Puul de Cabris du i 9 Février 1 7 7 S.
Signé M
a u r cj «’
�N °. 1 V .
C o p ie
du Rapport du Médecin & du Chirurgien p refais
l'interrogatoire.
a
N ous A n t o i n e I s n a r p , doéteur en médecine de la Faculté royale
de médecine de Montpellier , de cette ville de Gratte, en fuite de
l’aflignation à nous donnée par exploit du dix-neuf du préfent mois ,
fait par Laurier , huiflier ^oyal , en vertu du decret rendu par M . le
Lieutenant particulier-civil ail Siège de cette ville , à la requête de
dame Elifabeth L om bard, douairiere , marquife de C a b ris, de nous
porter le lendemain vingt du m ois, à huit heures du matin, audit lieu
de C a b ris, & dans le château de Meflire Jean-Paul de C lap iers,
marquis de C a b ris, & d la fuite dudit M . le Lieutenant, pour affifter à l’interrogatoire dudit marquis de C la p iers, & de fuite pro_
céder au rapport de l’état & fituati'on de fon e fp rit, le tout en con
formité du fufdit d é cre t, nous ferions partis de cette ville ledit
jour vingt Novem bre à huit heures ciu matin , & nous étant mis a
la fuite de M . le L ieutenant, nous nous fommes portés audit lieu
de C a b ris, où arrivés comme ledit meflire de Clapiers s’ efl trouvé
dans une campagne , & que M . le Lieutenant 11’a pu procéder à fon
interrogatoire , nous aurions paiTé route la journée audit lieu de
C a b ris , pour attendre ledit meflire de Clapiers , & fur le renvoi au
lendem ain, ordonné par M . le Lieutenant, nous étant mis de nou
veau à fa fuite le vingt-un dudit mois , à huit heures du matin , nous
nous fommes de nouveau portés audit lieu de Cabris , ôc dans le
château feignetirial, où étant ledit mef l i r e de Clapiers , s’étant préfenté , & après avoir prêté ferment pardevant M . le Lieutenant , nous
aurions aiTiftc aux interrogatoires par lui fairs audit meflire de C la
piers , & de fuite nous aurions procédé au fait de notre commiifion .
Sc en conféquence , après avoir de nouveau prêté pardevant M* le
L ieutenant, nous déclarons avoir trouvé ledit meflire de C l a p i e r s ,
aiiifi qu’à lajcance du matin & de l’après-dîner, en robe de chambre,
X ij
�-ï <Î4
avCc une barbe aiTe;î longue & en bonnet de n u it, d’une contenance
timide & jorcie , ayant l’ air trijîe, occupé, mcditatij, les yeux (om
bres '■
) ion poulx que nous avons tâté , quoiqu’il eût déjà refufé de
le laiiïer tarer, 6c bien examiné , nous a paru lent , petit & inter
mittent-, enfuitc nous lui aurions fait diverfes demandes fur les diverfes fondions de fon corps & de fon e fp rit, auxquelles il n’auroïc
pas voulu répondre, 8c nous auroit quittés pour aller s’aiTeoir à l’autre
extrémité de l'appartement, où nous étant avancés , & lui ayant de
nouveau réitéré nos queftions , & en diverfes fo is , tout ce que nous
aurions pu favoir auroit confifté en ce qu’il nous auroit dit avoir
des douleurs dans différentes parties de fon co rp s, n avoir qu un fom~
meïl déj'agrèable & interrompu par des fonges affreux, ce qu’il nous
auroit dit après bien des demandes. Nous aurions de plus obfervé
lors de l’interrogatoire du matin , des tremblemens aux extrémités
inférieures \ du refte , le tempérament de melfire de Clapiers nous
a paru être mélancolique , & fes affeétions hypocondriaques , 8c
pour ce qui eft de l’état &: iituation de fon efprit , après avoir
€or.fidcré d’un côté les divers fymptômes dont a été attaqué ledit
meilîre de C la p iers, & dont nous avons eu connoiiTance lors des
interrogats faits par M . le L ieutenant, & de l’autre fes réponfes
tant à M . le Lieutenant qu’à nous , fon état aftuel ôc fon tempé
rament particulier , nous craindrions dans l’état d’en porter un juge
ment trop précipitéy les deux fcances faites auprès de meilîre de C la
piers } n’étant pas fuffifantes pour nous initruire du véritable Ôc conf
iant état de l'on.efprit, pouvant être fufceptible de bien des im preflïons , déclarant avoir vaqué quatre jours , fa vo ir, deux jours à
la fuite de M . le L ieuten an t, & deux jours ou à conférer avec le
fieur Lambert , chirurgien , qui a été d’un avis différent , ou à
ta rédaétion du préfent rapport que nous avons fait 8c figne à
GrafTe le ¿8 Novembre 17 7 7 . Signé I s n a r d , m édecin, à l’ori
ginal.
�x'tfj
C o p ie
S avoir
faison s,
du Rapport du Chirurgien.
nous Louis - Elzear Lam bert, m ante en chi
rurgie de cette ville de G rafle , Chevalier de l’ordre de l’Eperon d ’or,
C om te Palatin , qu’enfiiite de l’aflignation à nous donnée par exploit
du 19 du préfent mois , fait par Lamier , huiilier ro y a l, en vertu du
decret rendu par M . le Lieutenant particulier-civil au Siege do la
ville de G rafle , à la requête de dame Elizabeth de Lombard , douai
rière , marquife der C ab ris, de nous porter le lendemain vingt dudic
mois , à huit heures du matin audit lieu de C a b ris, & dans le châ
teau de meflîre Jean-Paul de C lap iers, marquis du même lieu , Sc
à la fuite de M . le Lieutenant, pour aflîfter à l’interrogatoire dudit
meflîre de Clapiers , & ‘ de fuite procéder an rapport de lctat Sc
iituation de fon .efprit, le tout en conformité du fufdic decret, nous
ferions partis de cette ville ledit jour vingt N ovem bre, à huit heures
du matin , en compagnie de M e Antoine Ifnard , docteur en mé
decine de cette v iile , qui nous a,,dit avoir été,.pareillement ailignc
pour le même fujec , & nous étant mis à la fuite de M . le lieu
tenant , nous nous fournies portés audit lieu de Cabris , où arrivés ,
comme lec^jt meflîre de Clapiers s’eit trouvé dans ur.e campagne ,
& que M . le Lieutenant n’a pu procéder à fon interrogatoire , nous
aurions paflc toute la journée audit lieu de Cabris pour attendre ledit
mellire 4^ Clapiers , & fur le renvoi au lendem ain, ordonné par
M . le Lieutenant , nous étant mis de nouveau à fa fuite le vingtun dudit m ois, à huit heures du matin , nous nous femmes de nouycaii portés audic lieu de Cabris , & dans le château feigneurial, où
étant, nous avons prêté le ferment pardevant M . le Lieutenant, &
ledit meflîre de Clapiers s’étant préfenté, nous avons aflifté , ainii
que ledit M c Ifnard , dofteur en médecine , aux interrogats faits
par M . le lieutenant audic meflîre de Clapiers , & aux réponfes
prêtées par ce dernier , durant lefquelles nous avons obfervé atten
tivement la contenance dudit meilîre de Clapiers , & o bfervé qu’ il
f e plaignou de douleurs, 8c après les interrogats & réponfes , nous
�Iiîfi
avons , conjointement avec ledit M c Ifnard , taté le pouls audit
mellire de Clapiers , examine fa phifionomie t Tes yeux &: fa con
tenance , & l’ayant interroge de fa maladie & ce qu’il reiTentoit , il
nous auroit répondu qu'il ¿toit travaillé de douleurs aiguës } après quoi
nous nous iomvnes retirés avec ledit M e Ifnard , 8c nous avons eû
une conférence fecrette & arbitrale fur tout ce que nous avons re
marqué en la perfonne dudit meilîre de Clapiers , ayant déterminé
de nous aifembler en cette ville pour conférer de nouveau 8c pour
dreiïer notre rapport le furlendemain , 8c en conféquence nous étant
aiTemblés avec ledit M e Ifnard le jour ailïgné chez nous Lambert ,
après une longue conférence fur l’état 8c fituation ’de l’efprit dudit
meflire de Clapiers , nous étant trouvés contrains en opinions , nous
aurions déterminé de nous aiTembler de nouveau le vingt-quatre pour
dreffer notre rapport dans un même cahier où chacun de nous en
particulier donnerait fon opinion ; 8c comme ledit M e Ifn ard , qui
refide à Tournon, ne.s’eft point rendu en cette ville ledit jour vingrquatre chez nous L am bert, comme nous l’avions arrêté , nous Lam
bert aurions écrit une lettre"audit M c Ifnard le vingt-cinq du cou
rant , pour le prier de fe rendre en cette ville à l’effet de notre rap
port , à laquelle lettre ledit M e Ifnard auroit répondu par la fienne
du même jour , laquelle lettre renferme un refus de ftt part dudi*t
M c Ifnard de fe joindre à nousdit Lambert pour la redadtion du
rapport dont s’a g it, ce qui eft caufe que nous avons dreifé notre
préfent rapport , & donnant notre avis fur l’objet de notre coinmillion , nous déclarons 8c eftimons avoir touché le pouls de meilue
Jean Paul de Clapiers , marquis de C a b r is , que nous avons trouve
exempt de fièvre, les pulfations-étant égales, fans la moindre fré
quence , les yeux du fieur Marquis nous ont paru tranquilles , 8c fi
par fois nous y avons obfervé quelques clignotemens , nous ne les
rapportons qu’à fa vue miope ; il s’eft plaint à nous qu’il c p r o u Y o i t
des douleurs dans différentes parties de fon corps qui nous ont paru
dépendre d’une fenfibilité ou irritabilité de fes nerfs , & après avoir
entendu fes reponfes par lui faites à M . le Lieutenant particulier-1
c i v i l, 8c i celles qu’il nous a faites à nous-m êm es, nous eftimons
�i<?7 ;
que ;ledit nieffire d£ Clapiers cfl: d’un tempérament m élancolique,
niais qu’ il n’y a en lui aucun égarement d’tfprit , & qu’il jouit d’une,
faine raifon, 8c auquel nous avons vaqué trois jours & d e m i, favoir , deux jours à Cabris , à la fuite de M . le Lieutenant
Sc un
jour & demi ûn cette ville pour l’adrelTe & mis au n e t , Sc renvoyé la
taxe , nos honoraires à M . le Lieutenant. Fait & achevé à GraiTe le
z 6 Novembre 1777 , Jîgne L a m b e r t , maître Chirurgien.
N°
V.
M^PAJÎE E t TH is- CHERE M E R E ,
J e fais que vous faites continuer avec chaleur l’information que
vous avez fait prendre contre moi pour prouver l’exiftence d’un fait
qui tend à caufer ma perte , je vous prie de me faire enviiager quel
eft l’avantage que vous pourrez retirer de la reuflite entiere d’un
pareil p ro jet; ce ne feroit que par l’intérêt que vous pourriez en
retirer, que vous pouvez légitimer l’éclat que fera une p.ireille de
mande ; vous ne m acculez d’aucune dillipation dans mes biens ,
Vous ne pourriez même intenter aucune a&ion valable là -d e ilu s ,
vous fondez vos raifons fur une démence prétendue de ma part ;
je vous demande quels font les griefs qui peuvent m’avoir attiré
cet outrage d ’une m e r e , car jamais vous ne pouvez être exeufée
en public , à moins que vous n’ayez des plaintes ulterieures qui
co lo ren t cette démarche , je vous fupplie , en qualité de fils , d’ar
rêter les procédures, & de me promettre même que tout ce qui a
cté fait n’aura plus de fuite , j’attends cette grâce ; vous favez que je
11e vous en ai jamais beaucoup dem ande, cela me rend bien plus
confiant ; fi vous defirez de me voir a GraiTe , & que cette e n t r e v u e
pnilïe m’être favorable., 8c que vous ayez de plus befoin d’un ex
plication avec moi } je m y rendrai , je me repofç aifez fur vos
�1(58
fentimens j poûr n’en fortir qu’avec une promeife que tout ce qui
s’eft paiTé n’aura plus de fuite.
J ’ai l’honneur d’ctre , M adame , ma très-chcre m e re ,
avec refpe£t,
.
Votre très-humble &c obéiflant ferviteuç
;
& fils,
Lundi matin.
C ab ris.
r
Je vous prie de me faire l’honneur de me répondre.
A u dos ejl écrit:
A M adam e,
M adame la M arquife de C a b ris, douairiere.'
A GraiTe.
A Cabris 4 Décembre 1777Î
M adam e ma
chere
m ere
J
V o i c i bientôt le tems où l’on doit juger l’affaire que vous m’aveS
fufeitée ; comme je ferois fâché que l’on pût m’oppofer de n’avoir
pas fait toutes les démarches indifpenfables dans une occafion pa
reille , & qui peuvent me procurer un fucccs heureux ( ce fuccès, je
ne l’attends que de vous) ; je me hâte de vous écrire , & de vous
demander de nouveau qui peut m’avoir attiré votre indignation; un
fils laiiTé maître de fa conduite , dans un âge ouvert à toutes les
paflions , peut avoir ilaiiTé échapper dans fa conduite des marques
inconfidérées, & c’efi: p eut-être à ce reiïentiment fecret que vous
aurez conclu une affaire pour qui la démence n’aura été que le pré
texte 8c le fujet apparent: n’y auroit-il pas moyen de recouvrer vos
bonnes grâces & votre amitié : fi vous exigiez de moi quelque répa-»
ration publique pour l’ombre d’une faute que j’ignore , 8c qui n’exifte
peut-être que dans la mauvaife foi des perfounes qui vous approchent;
communiquez-moi votre intention par un tie rs, & je m ’y foumettr^i
fans peine s au contraire , fi mon raccommodement dépend d’une
entrevue
�“ 179- -
entrevue fecrette , fixez-moi encore le jour où je puis vous voir; mais
au moins puis-je efpérer de vous une lettre qui fervira de rcp a nf e
à la mienne ; vous êtes la feüle qui pouvez arrêter la procédure , vos
bontés paflees me donnent encore de l’efpoir , ne fournirez pas au
Palais un aliment pour dévorer la fubftance de vos- biens & de ceux
de ma fille.
J ’ai l’honneur d’ê tre , madame ma chere mere , avec us
refpe&ueux Sc profond attachem ent,
Votre très-humble & obéiiTant ferviteur }i/ig72e C a b r ls ;
Au dos de la lettre efl écrit :
A M adam e,
Madame la M arquife de C a b ris, douairiere, en fon hôtel ,
A Graife,
M
adame
m a
t r
I s-
chere
m e r e
,
C ’e s t avec la plus v iv e vdouleur que je vois que vous continuez
i me marquer votre inimitié , rien ne m’en convainéb davantage que
votre filence perm anent, je me flattois pourtant que vous ne laiile—
riez pas davantage votre fils dans la disgrâce la plus cruelle, permettez
même que j ’ajoute injufte ; mais cette derniere expreflion ne peut
s’attribuer qu’aux perfonnes qui vous ont donné des imprelîions dcfavantageufes fur mon compte \ voici bientôt peut-être le terme de
mon procès, ne feroit-il pas poflible d’éviter d’en venir à une conclufion définitive j
fi je ne craignois que ma préfence ne vous
infpirât du trouble & de l’indignation , malgré mes infirmités & mes
douloureufes fituations, je me traînerois jufqu’à Gratte j comment
hafarder une pareille démarche , après un filence aux deux lettres que
j ’ai eu l’honneur de vous écrire , je ne défeipere rien encore , 8c
je me flatte que vous donnerez cours à.vos bontés, après me les
avoir retirées un fi long efpace de tems : je defirerois b ie a que cette
lettre ne fût qu’un acheminement pour obtenir une entrevue de
y
�\J0
votre part ; & je ferois trop heureux qu’un feul m ot que vous me
feriez dire de vive v o ix , pût vous épargner la peine de m’ccrire \
comme je fuis prefle par mes peines douloureufes, fouffrez que je
n’ajoute rien à ma lettre.
Je fuis avec un trcs-profond refpeft ,
M adame ma chere m ere,
V otre très-hum ble 2c obéiiTant ferviteur
i-
•
& fils , 7 %72e C a b r is .
E t au dos de la lettre ejl écrit ,
A M a d a m e,
M adame la M arquife de C a b ris, Douairiere , en fou hôtel y
(
A Grafle.
M A TRÈS-CHER.E MEKE
I l eft douloureux pour moi d’être inftruit que- les démarches que
vous continuez à faire pour m oter mon honneur & mon exiftence
c iv ile , fe continuent avec acharnem ent; pardonnez-moi ce m o t,
ma chere mere , j’ai eu un moment d’im patience, je l’ai é crit, &
je crains de n’avoir bleflc le refpe£t que je vous d o is: peut-être
ai-je mérité par quelque écart involontaire (m ais qui n’a point de
rapport avec l’adte que vous avez intenté contre moi ) , que vous
m Jayez retiré tous vos fentimens de mere ; Sc c’eft juftement dans
cette crainte que j’ai l’honneur de vous écrire pour obtenir votre
commifération & mériter votre pardon : je fuis ici atteint d’un prin
cipe de maux qui détruit mon corps, mon état eft a(Tez trifte , &c
p e u t, fans le fecours des fentimens de la nature , eau-fer de la pitié :
j’ai peu de forces pour marcher ; mais fi j ’étois siir que vous oublialîîez
tout en allant me jeter à vos genoux, je fortirois tel que je me
tro u ve, dès que j'aurois reçu un mot de réponfe de votre part ; je
vous la demande cette lettre que j ’arroferai de mes larmes mille
fo is , & après fa réception , je me déciderai à partir j ce n’eft pas
�17*
autant la vue du châtiment de l’interdiétion , quoiqu’on ne puiiTe pas
affe&er plus fenfiblement un citoyen , homme de condition , pere
de fa m ille , & indépendant fous ces deux titres , que la certitude
où je dois prefque être qu’il s’ofFre toujours îjioins de moyens à la
rentrée de vos grâces , fi les pourfuites fe continuent, parce que
j ’a u r o i s lieu de préfumer que vous êtes violemment prévenue contre
moi ; vous ne me refuferez pas une réponfe par le retour de la
couriere.
Je fuis , Madame ma chere m ere, avec refp eft,
V otre trcs-humble & obcilfant ferviteurK
Marquis
de
C abris.
M ercredi au foir.
Au dos de ladite lettre eji écrit,
A M adam e,
Madame la M arquife de Cabris , douairière,
A G rafle.
n
L ’an
°
y
x.
mil fept cent quatre - vingt - quatre, & le dix-huit Février,
Nous Huiflîer royal, reçu au Siege de cette ville de GraiTe , y réfident,
foulfigné , à la requête de la dame de M irabeau, dame marquife de
Cabris , avons fommé Si interpellé André Court, ancien domeftique
de M . le marquis de Cabris , de.certifier au bas du préfent, les faits
qui font de fa connoifTance depuis l’année mil fept cent feptante huit,
furies traitemens faits audit fieur marquis de C abris, & la qualité des
alimens dont on l’a nourri depuis ladite époque, & fur les foins que
l’on a çus de fa perfonne pendant le même tem s, à l’effet de quoi
lui avons baillé copie du préfent exploit parlant à fa perfonne,
trouvée cafuellement en cette ville de GraiTe.
Sur laquelle interpellation ledit André Court certifie &
attefte que
depuis l’époque que M . le marquis de Cabris a été in terd it, & que
la dame fon époufe a été feparée de lui pour relier dans un couvent j il.
Y ij
�171
a demeuré à titre de domeftique dudit feigneur marquis de Cabris J
dans fon château dudit lieu , Jufqu’au premier jour de Janvier delà
préfente année ; qu’il a vu pendant cet intervalle que ledit feigneur
marquis de Cabris étoit gouverné par le fieur A lziafy , pere , homme
d ’affaires de la damemarquife douairiere, & p ar la nommée Marianne,
fa fille de cham bre, qui commandoit tous les domeftiques ; que la
dame douairiere reftoit prefque toujours à G ra d e , & le fieur Alziary
reftoit à Cabris avec ladite Marianne , fille de chambre ; ledit Alziary
faifoir pourtant quelques abfences de quinze jours ou environ } alors
ladite Marianne étoit à Cabris pour donner les ordres &c gouverner ;
que le fieur Alziary mangeoit ordinairement à la même table de M .
le marquis , & l’un & l’autre étoient nourris des mêmes alim ens,
foit en ragoût ou rôti j que quoique madame la marquife douairiere
eût recommandé au fieur A lzia ry , de ne point donner de vin à M . le
marquis, ni du café & rarement du tabac, néanmoins il lui faifoit boire
du vin , fouvent pur , Sc lui faifoit prendre du café; il lui donnoit
aufîi du tabac j &c lorfque les domeftiques lui repréfentoient que tout
cela étoit contraire à la fan té de M . le m arquis, & aux ordres don
nées par la dame fa m ere, ledit fieur Alziary répondoit que la maladie
de M . le marquis étoit incurable , Sc que le v i n , le café & le
tabac , ne pouvoient pas lui faire plus de mal qu’il n’en a v o it, Sc le
répondant com m e les autres domeftiques s’étoi’ent apperçus que le fieur
A lzia r y , avoit toutes les complaifances pour M . le marquis , pour
le guérir de l’ averjion qu’ il avoit pour lui ; il certifie encore que pen
dant quelques années, & dans le mois d’Aoitt ledit feigneur marquis
<le Cabris, accompagné dudit fieur A lziary, & quelques autres domefti
ques , dont le répondant étoit du nom bre, a été paffer quelques jours
aux m oulins, près la riviere de Siagne , & a pris des bains dans ladite
viviere, qui lui étoient favorables pendant les cinq à fix premiers jours;
mais le fieur Alziary lui faifoit boire du vin Sc avec plus d’abondance
le fo ir , ce qui l’incom m odoit, Sc lui donnoit de fortes altérations -y
de plus-, le répondant certifie que le nommé Cavalier , donnoit à
boire de l’eau-de-vie audit feigneur m arquis, au vu & fu dudit fieur
Alziary q u i, fur les reproches que le répondant Sç les autres domef-
�17î
tiques lui fa ifo ie n t, répondoit toujourts que rien ne pouvoit augmen
ter fon mal , ni le guérir , & qu’il falloit lui donner tout ce
q u ’il
dem andoit, tant en alimens qu’en boiflon ; cependant , le répondant
rappelle que lorfque ledit feigneur marquis avoit bu une certaine
quantité de vin , ou d’eau-de-vie, & pris du café qu’on lui préparoit
fort chargé , il étoit beaucoup altéré & plus mal qu’à l’ordiuaire ;
puifque c’étoit ordinairement après ces fortes de boilfons contraires ,
que M . le marquis demandoit pendant une partie de la nuit à boire -y
le répondant certifie encore que fouvent il avoit reprcfenté auditfieur
A k ia ry , que fi madame la marquifede C abris, belle-fille, revenoit, ôc
que fon m ari, ou tout autre , lui apprît le peu d’attention qu’il avoit
dans le choix des alimens & de la boiiïon qu’on donnoit auditfeiçneur
marquis de C a b ris, elle en feroit fâchée , fur quoi ledit fieur Alziary
répondoit que cela n’arriveroit jam ais, & que fi l’on confioit la perfonne de M . le marquis à fon épo u fe, elle iroit l’enfevelir dans
quelque lieu inconnu , pour être libre de vivre à fa fantaifie ,
ayant même ajôuté bien d’autres propos, que le répondant n’ofe
expliquer i c i , & a figné à ce qu’il nous a dit. Fait p réfent, Guil
laume M aurcl, revendeur, & Jean Girard, travailleur de cette
v ille , n o s témoins fouflïgnés avec nous Huiflïer , figné A . Court,
M aurel, Girard, & Brueri , HuiJJîer ; au-deffous eft écrit,
a
G ra s s e , le
figné
J
e
C o u rt.
18
F evrier
1784 ,
reçu douze
co n trô lé
sols n eu f d e n ie rs,
/
foufligné Mathieu Pichot , ancien domejlique du château de C a
bris , certifie en faveur de la vérité , qu’il y a environ trois ou quatre
ans, & pendant le tems que je fervois en qualité de domeftique dans
Je château de Cabris, je m ’apperçus plufieurs fois qu’on faifoit prendre
du café à M . le marquis de Cabris , quoique le médecin l’eût défendu,
&c même qu’après lui avoir donné du chocolat , 011 lui faifoit encore
prendre du café un moment après ; qu’on lui donnoit fouvent du vin
à boire , & particulièrement lorfque le fieur Alziary pere , mangeoic
avec ledit feigneur marquis , à la meme tab le, & cela malgrc la
défenfe du médecin & de madame fa mere , & que j ’ai vu plufieurs
fois en ayant fait des reproches au fieur Alziary & André fon domef-
�* 7 4
tique, h certifie encore , que pendant le m êm e tems ï moniteur de
C a b ris, n’étoit point vifité par aucun médecin , n’ayant vu M . le
médecin Roflîgnol au château qu'une feule fois, Sc le fieurRaynaud,
Chirurgien , ne l’alloit voir que pour le rafer. Je certifie encore que
madame m’ayant ordonne d’accompagner moniteur fon fils aux mou
lins de Cabris , près la riviere de Siagne , où il fut pour prendre les
bains froids dans la riv ie re , accompagné encore du fieur Alziary Sc
d ’André fon domeftique 5 je vis avec fatisfaition que les bains
croient favorables à M- de Cabris , pendant les cinq ou iïx premiers
jours îk étoi.tfort tranquille, me rappelant qu’il écrivit une lettre pour
madame fa m ere, qui pour lors étoit à la ville de Graife , & dont il
me fit lire, Sc dont je me rappelle encore de quelques phrafes que voici :
ma chere mere, tranquillifez-vous fur mon fort, j e fuis fâché des peines
que je vous ai données, je me trouve beaucoup m ieux, Sc jç vousfouliaite le bon jour ; embraiTez Pauline'je vous prie , & dites lui que
je deiire la voir au plutôt.
M ais comme André &c le fieur Alziary pere, lui donnèrent à boire
du vin & fouvent, par cette raifon lui fut contraire ; une n u ir,
com m e il avoit bu une certaine quantité de vin à fon fouper, il fe
trouva fort altéré ; le (ieur Alziary Sc André le fermerent dans fa
chambre & furent fe coucher dans des appartemens éloignés de celui
de M . le marquis ; ayant demandé de l’eau Sc étant feul dans l’anti
chambre je lui en donnai une cruche , il en but plufieurs coups ;
une demi-heure après Sc vers les onze h eu res, fe trouvant encore
altéré il demanda encore de l’eau , je lui en donnai, ce qui m’en
gagea d’aller frapper à la porte du fieur Alziary , pour l’avertir de
•cc qui fe palloit & pour obliger André de fe rendre à l’antichambre
de fon maître avec moi ; le fieur Alziary ne fe remua pas du tout ;
je fus prier Sc foüiciter André avec menace d’en porter plainte à
Madame la douairiere de leurs négligences , & alors André fe rendit
avec moi , & il entra avec moi dans la chambre de fon m aître, au
quel nous donnâmes encore à boire de l’eau , Sc peu après M . le
marquis rep o faju fqu ’au lendemain vers les huit heures tranquillem en r, & pour être la vérité telle , j’ai écrit Sc figné le préfent. Signé
M , Pichot. A . Cabris. Ce 16 Février ^784.
�*75
N °.
V I I .
J e fouflîgnc Alexandre Court, Confui de la communauté de ce îieu
de C a b ris , en l'année derniere , certifie qu’après le confeil de ladite
c o m m unanté, tenu la fécondé fête de Pentecôte , & auquel j’affiitai ,
le fieur Alziary , hom me d ’affaires de madame la marquife de Cabris,
douairiere , me préfenta un certificat tout dreflé fur papier tim b ré ,
co nten an t nombre de faits que ledit fieur Alziary me follicita d ’attef-
t e r , portant entc’autres , que M . le marquis de Cabris étoit fuivi
journellement par un Chirurgien , 8c qu’un médecin de G rafle venoit
le viiïter fréquemment , qu’il mangeoit à la table de la dame fa
niere , lorfqu’elle venoit à Cabris , & que ledit fieur Alziary ne le
quittoit jam a is, & autres faits relatifs aux traitemens dudit feigneuc
marquis de Cabris. ; 8c après avoir lu ce certificat, ayant trouvé que
les faits y énoncés n’étoient pas véritables, je refufai de le figner,
malgré toutes les inftances 8c les menaces dudit fieur Alziary. Je
certifie encore que ledit feigneur marquis de Cabris , n ’avoic que
deux dcmelliques , 8c qu’il n’y en avoit jamais qu’un qui le fuivît y
ëc fouvent M . de Cabris alloic promener feul , 8c le domeftique
n ’alloit le joindre qu’un tems après, n ’ayant jamais oui-dire que
ledit feigneur marquis pendant fa maladie , ait menacé ni infulté
aucun habitant ; & enfin je certifie qu’ayant aflifté aux deux confeils
des mois de Novembre 8c Décembre d e rn ie r, dans lefquefs il fut
queftion de finir avec le fermier des moulins à huile , l’article des
dommages & intérêts auxquels il fe trouve condamné envers la
communauté , & de finir en même tems avec le feigneur de ce lieu,
l’articleconcernaiy: le-chauiïâge des chaudrons, je fus d’avis de ne finir
l e s conteftations quelorfqu’on lepourroit valablement avec M. le m ar
q u is , ou un adminiftrateur légitime , 8c parce que je fus de’ cet avis
les perfonnes qui agiiToient pour favorifer le fermier des m oulins,
&c les gens d’affaires de madame la marquife douairiere me mena-^oient de me faire enlever par la voie de retrait féodal , le bien
que j ’avois acheté du fieur Ardilfon , dans lequel il y a une récolte
�iy6
d’environ vingt-cinq moutes d’olives \ ce qu’on auroit effe&ué , à
ce que j’appris enfuite , fans la oirconftance d’une ordonnance de M M .
du Châtelet de P aris, précédé d’un arrêt du C on feil , qu’ils ont été
iignifiés
à
la communauté de ce lieu, par
lefq u e ls
l’adminiftrauon des
biens 8c revenus de M . le marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en
foi de quoi j ’ai iîgné le préfenr. Fait à Cabris le dix-fept Février mil
fept cent quatre-vingt-quatre , figné
N °.
COURT.
V I I I .
L ’ a n m il fept cent quatre-ving-trois, 8c le feize A v r i l , nous Huit,
fier royal au Siege de la ville de GraiTe, y réfident, fouffigné \ à la
requête de dame M arie-Catherine-Louife de Riquety de Mirabeau ,
cpoufe de M eilire Jean-Paul de Clapiers , feigneur , marquis de C a
bris , 8c autres lieux , a&uellement en la ville de Paris , au couvent
de bon Secours , qui a élu domicile pour le tems de d r o it, chez nous
H uiflïcr: fur la connoiiTance que ladite dame a eu que fur les juftes
réclamations qu’elle a prifes contre l'arrêt du Parlement de Provence,
du 9 A vril 1778 , & tout ce qui l’a précédé 8c fuivi on tente de mafquer les faits relatifs à l’état affligeant dans lequel, on a réduit M. le
marquis de Cabris , fon m a ri, 8c la négligence apportée fur l’éduca
tion de mademoiselle Pauline de Cabris ; que dans ces circonftances
ladite dame 11e doit avoir recours qu’à l’univerfalité des habitans de
C a b ris, qui ont tous été témoins 8c le font encore , de la maniéré
avec laquelle on a traité M. le marquis de C a b ris, leur feigneur , 8c
on a négligé l’éducation de mademoifelle Pauline de Cabris j à ces
caufes, avons fom m é, requis 8c interpellé les fieurs M aire 8c Confuls
de Cabris , de convoquer tout incontinent 8c fans délai , le Confe
général dé la communauté , pour lui faire part dé la préfente fom mation , 8c de déclarer s’il eft v ra i, i°. que depuis que M . de Cabris
eft fous l’interdit , ils-ont jamais vu qu’il ait été vifitc 8c fuivi par
des n ié jecilis . 1 o>qu’ils n’ont jamais vu à fon fervice & près de lui
que deux payfans • jo <q U’i[s l’OI1t fouvent vu promener, fuivi par ces
deux payfans, quelquefois par pun J ’eux feulement, 8c d’autrefois par
l’agent
�Vf 7
l ’agent de madame la marquife douairiaire \ 40. que pendant I’E ré ,
on l’a vu par fois aller aux moulins de Cabris , où il reftoit avec les
deux payfans Sc les agens , fans autre compagnie ni fecours j 50. qu’ils
n’ont jamais v u , lorfque M . le marquis de Cabris promenoit ou qu’il
croit aux moulins de Cabris , qu’il ait rien fait qui puîiTe donner
une marque vifible d’un état à défefpérer fur le retour de fa fanté en
lefoign an tj 6 a. que lorfque les adminiftrateurs ont vifité madame la
douairiere , ou pour affaires ou pour vifites de devoir, ils n’ont jamais
vu M . le marquis de Cabris auprès d’elle , quoiqu’on le vît promener
fuivi des payfans qui font auprès de lui ; 7 0. qu’il eft public que M . le
marquis mange à fon particulier dans une chambre du château qu’on
lui a deftinée, fervi par ces deux payfans ; 8°. que madame la douai
riere a fait la plupart du tem sfon fé|our & fa réfidence à GrafTe , 8c
qu’entr’autres elle y a refté depuis le commencement de Septembre
dernier, jufqu’au vingt-neuf du mois de M ars, qu’elle eft arrivée à
Cabris \ 90. que lorfque madame la douairiere eftàG raiTo, fon agent
y fait des voyages très-fréquens, & y féjourne quelque tems ; io°. que
, madame la douairiere a actuellement auprès d’elle au château, madem oifelle Pauline de Cabris , qui étoit ci-devant au couvent de GraiTe;
£ i°. que mademoifelle de Cabris n’a au château d’autre compagnie
que madame fa grand-mere j n " . que depuis le mois de Février
dernier, on a préfenté aux adminiftrateurs & autres habitans, un cer
tificat tout drellé à figner ; que ce certificat étoit préfenté par l’agent
de madame la douairiere j 13 °. & enfin , que. les adminiftrateurs ont
refufé de le figner, parce que l’ayant lu ils reconnurent qu’il n’étoic
pas en tout conforme à la vérité : tous lefquels faits étant vrais & de
notoriété publique, l’habitation entiere ne fauroit refufer de les attefter en faveur de leur feigneur, & de ladite marquife de Cabris fon
cp ou fe, qui ne veut qu’éclairer la Religion de Sa Majefté • & de fes
M iniftres, fur tous les objets relatifs à e lle , à M . de Cabris 5c à ma
demoifelle de C a b ris,
pour
obtenir juftice contre tout ce que les fur-
prifesleur ont faitfouffrir jufqu’à préfent, avec déclaration qu’au cas
de refus ou de filence, madame la marquife de Cabris le regarderoit
Z
�17*
ou comme une crainte, dont le feigneur auroit à fe plaindre contre
fes habicans, lorfqu’il s’agit de fa fan t é , de fon honneur, 8c de celle
de fa poftérité , par confisquent du bien des habitans , ou comme
un nouvel abus de l’autoriré qui l’occafionneroit 8c qui pourtant
n’excuferoit pas fes habitans à due communication , 8c leur avons
donné copie du préfent a<5te , en leur domicile, parlant à la perfonne de
Sc Honoré C a u v iii, M aire 8c premier Conful , tarit po\ir lui que pour
fes C ollègues, en ce lieu de C a b ris, ou de la ville de Grafle : je me
fuis porté diftant d’une lieue. Signé R i p e r t . Contrôlé à GraiTe, le i3
A v ril 1785., reçu douze fols neuf deniers >figné C o u r t .
E X T R A I T du cahier des délibérations de la Communauté
de ce lieu de Cabris, du contenu Jimplement de l'article
concernant le Seigneur de ce même lieu.
D u vingt-un Avril mil fept cent quatre-vingt-trois, a C ab ris, dans
l’H otel-de-V ille, le Confeil général de la Communauté de cedit lieu
de Cabris, a été aiïemblé par mandement du fieur Etienne Coure,
Lieutenant de Juge de cedit lieu, & à la requête de fieur Honoré Cau\ïny
M aire 8c premier Conful de ladite Communauté; 8c c’eft par la voie
& organe de François Bouge, fils de Claude, V alet de V ille de ladite
Com m unauté, attendu l’abfence de fondit père, tant en cri public
que par billets aux gens de la campagne, ainfi qu’il nous a rapporté
avoir fait ; & c’eft fous l’autorifarion 8c préfence dudit fieur Lieutenant
de J u ge , où ont été préfens fieur Honoré Cauvin, Maire & premier
Conful moderne; fieur Alexandre Court, fécond Conful moderne j
Abram Court, Eftimateur jadis; Honoré B outkr, M enager; André
Maccairy, Regardateur m oderne; Henri Maure!, Regardateur jadis;,
fieur Jeafi Daver, fécond Conful jadis; Honoré Pellegrin, Regarda
teur moderne ; Honoré Court, Confeiller moderne ; fieur Pierre Belline,
Maire jadis; PUrre Court, Confeiller jadis; Laurent Ajlavene, Eftimaicur jadis\ Honoré Rouftan, Eftimateur moderne; Pierre Bauje, Confeiller jadis, Honore’ Roujlan, Eftimateur jadis ; AnnibalDaver, C011-
�l79
feiller jadis; Jeàn-Bapûjle Üaver, Confeiller moderne; fieur Jean.
Raynaud, Auditeur jadis; Crijlol Ardijfon, Eilimateur nioderno;
Charles Court, Auditeur moderne; Antoine Court, Confeiller moderne;
Jean-Baptijle Cateaux, Confeiller moderne ; Jean-Baptijle Afiavene,
Confeiller moderne; JeanCourt, à feu Jean-Baptifte; Etienne Trabaudt
Regardateur jadis; fieur Honoré M ane, Notaire; Lazare Sauteron~y
Jean Daver, à feu autre; E/prit Çauvin, Eftimateur moderne; André
Vergatttr ; Honoré Raymond; Honoré Vergatter, fils d’André ; Honoré
Roujlan, à feu autre; 7e<j/z 7 r«e, à feu Laurent.
'En troifieme lieu, les fieurs M aire& C o n fu ls ont dit qu’il a été tenu
le feize du courant, un exploit , à la requête de madame M arieCatherine-Louife de Riqueti de M irabeau, cpoufe de Meflïre de C la
piers , M arquis, Seigneur de ce lieu. Lequel exploit a été mis fur le
bureau, pour y être délibéré ce que de raifon.
Sur la troifieme propofition, dont leéhire a été faite, ainfi que de
l’exploit y mentionné, le préfent Confeii a déclaré, i°. que depuis
l ’interdi&ion de M . de C a b ris, aucuns des Membres du Confeii
n’ont vu venir au Château de ce lieu, aucun M édecin, à l’exception
du fieur Jean Raynaud, Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu venir
q u e l q u e f o i s depuis l’cpoque de ladite interdidion ; 2.0. qu’il a vu à
fon fervice deux domeftiques ; le premier André C o u rt, travailleur;
le fécond Jacques Cavalier, garçon Cordonnier; le troifieme Jean
C o u rt, fils dudit A n d ré, aufli travailleur, & Jean-Baprifte Achard,
Régent des écoles; les trois derniers fe font fuccédés d’un à l’autre,
de maniéré qu’il n’y en a jamais eu que deux jufqu’aujourd’hui; enfuite
que ceux qui y font a&uellement, font Laurent Pellifie* travailleur,
5c ledit André C ourt qui le fuivent à fes .promenades, tantôt tous les
Jeux, tantôt qu’un feul, & quelquefois avec l’homme de confia'nce,
ajoutant qu’il y a une femme de chambre & une cuifiniere par fois;
30. que lorfque M . de Cabris va à la prom enade, il eft accompagné,
ainfi qu’il a ccé dit ci-deffus; 40. que lorfque M . de Cabris va à la
riviere de Siagne, pour y prendre les bains, il eit accompagné par
ledit homme de confiance, fuivi des deux hommes qui le fervent
Z ij
�ïE o
adiîelkm ent, 8c vilîtc quelquefois par ion Chirurgien; 50. qn’on ne
ps«; rien ftatuer fur l'état de M . de C a b ris, dans le rems qu’il étoit
aux moulins, attendu l’éloignement d’une
heure
& demie qui fe trouve
du village; <5°. aucun des Membres du Confeil étant au Chareau
n’ont vu M . de Cabris avec madame £1 m ere, à l ’exception du (leur
Jean Raynaud, fon Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu quelquefois
avec ladite mere. 7 0. Le C onfeil ne peut rien déclarer fur la fe'ptieme
réquifuion de l’exploit, parce qu’ils ne fréquentent pas l’intérieur du
Château; 8°. que madame la M arquife de C abris, douairiere, fait
fa réfidènce tantôt en ce lie u , tantôt en la ville de GraiTe; 90. que
l ’homme de confiance de madame de Cabris fait des voyages de tems
en cems à GraiTe & ailleurs; io °. que madame la douairiere a depuis
peu de jours mademoifelle Pauline de C abris, fa petite-fille, auprès
d’elle. 1 1°. Les fieurs Maire , C on fu ls, ont déclaré que véritablement
il leur fut préfenté par l’homme de cqnfiance un certificat, 8c que
lTayant lu , ils virent qu’ils ne pouvoient pas certifier tout le contenu;
8c que le fieur homme d’affaires le fit recopier en fupprimant tout ce
que nous 11e pouvions pas certifier, & nous l’ayant préfenté de nouveau
à figner, nous le priâmes de nous en difpenfer, pour 11e pas entrer
dans le débat de nos fnpérieurs.
Et de tout ce qne deiTus, les Sieurs ailemblés ont requis les fieurs
Etienne C o u r t, Lieutenant de J u g e , de leur eii concéder adte; ce
q u ’il a fait, & aligné qui a fu & voulu. Signés E. C o u r t , Lieutenant
de Juge;
Jkan
Jean
M aire; C o u r t , C onful; P e l i s s e , C o u r t , audit
T r u e ; R a y m o n d ; L. P e l l e g r i n ; M a u r e l ; H o n o r é C o u r t ;
D a v e r ; P i e r r e B o u g e ; M a r i e I s n a r d , Greffier, tous à
C au vin ,
l’original. Collationné. Signé
Isnard,
Greffier, en la minute des
préfentes.
N °.
J
X .
S u r pareil acle fa it aux nommés Jofeph & François
Raybaud y freres y le 1 y Février.
Lesdits
Raybaudyfreresy enfuite de l’interpellation ci-defïus, dé-
�i 81
d a te n t &: certifient qu’il y a environ crois ans, comme ils habiroîenc
une mai fon dont les fenêtres vifent au Château du préfent lieu, ils
virent M. le Marquis de Cabris qui promenoir au devant du Château,
& enfuite il vint promener fur la vigne, tout auprès de la glaciere;
létant là, ledit Seigneur Marquis dit au nommé Jèan G burt, fon
d o m e ft iq u e , qu’il vouloir aller promener fur l’allée de Saint J e a n ;
C ourt ne voulut pas y confentir, & comme M . le Marquis infiftoit,
C ourt le menaça de le battre, Sc alors ledit Seigneur Marquis ayant
pris la route de l’allée, ledit C o u rt lui donna plufieurscoups de poings,
ce qui obligea ledit Seigneur Marquis de courir dans le Château. Les
répondans certifient encore d ’avoir oui dire publiquement que ledit
Seigneur Marquis ctoit batu par fes domeftiques. Et nous Sergent ayant
, requis lefdits Raybaud de figner, ils ont déclaré ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont Sc Jean Pelijfc, de ce lieu, mes témoins.
Signés
F o r t o n t ,
P e l i s s e ,
C.
B o u g e .
A u-dejjous eji
écrit :
C o n t r ô l é d o u b l e a G r a s s e le d i x - h u i t F é v r i e r m î l s e p t c e n t
Q U ATRE-VIN GT-Q UATRE. R eçu
VINGT-CINQ
SOLS S I X
UENIERS.
Signé C O U R T .
N°.
P A RE I L L E
X.
fommation du même jour
a
Antoine
Raybaud.
L edit
Antoine Raybaud, en fuite de l’exploit ci-deiTusj déclare &
certifie qu’il y a environ trois ans, fe trouvant au Claux avec le nom mé
Jean C o u r t , domeftique de M. le Marquis de ce lie u , en parlant dudit
S e i g n e u r M arquis, ledit Court dit au répondant, que dans la matinée
du
même jour, à mefure qu’il chaufloic ledit Seigneur M arquis, celui-
ci
lui donna un foufflet, Sc que lu i, Jean C o u r t, avoit donne vingt
coups de bâtons fut le dos dudit Seigneur Marquis j ajoutant & répon*
dant qu’il a ouï dire publiquement que ledit Seigneur Marquis étoir
battu par fes dom |ftiques; l’ayant requis de figner, a dé c l ar é ne favoir.
�18 1
me§
Le tout fait préfent Jofeph Fortont Sc Jean peiïjfe, de ce lieu,
tém oins, fouflignés. Signes F o r t o n t , P e l i s s e , C. B o u g e . Au-dejjous
ejl écrit :
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d ix -h u it F é v r i e r m il sept c e n t q u a t r e VINGT- QUATRE.. REÇU DOUZE SOLS NEUF DENIERS.
N° .
X
I
.
Signé
C O U R T ,
.
L a nommée D aum as, interpellée de même.
Ladite
Daumas a répondu & certifié fur l’exploit ci-deflus, qu’elle
a ouï dire publiquement que M . le Marquis de Cabris étoit battu
par fes domeftiques; & un jour pendant le tems que madame de
Cabris, belle-fille, étoit exilée, elle vit venir M . le Marquis d e l à
prom enade, & il vouloit traverfer le village pour fe rendre au Château;
Jean C o u rt, fon domeftique, voulut l’obliger de paiïer dans le pré
qui eft à côté du village, & comme M . le Marquis infiftoit, le domeftique fie força, en le m en a ç a n t, de paiTer dans le pré ; fur quoi ledit
Seigneur tout affligé, dit alors à haute voix, qu’il étoit bien fâcheux
pour un hom m e de fon ctat, d’être obligé d’obéir en tout à un coquin
de domeftique ; ajoutant la répondante qu’elle a vu paiTer fouvenc
M . le Marquis de Cabris qui alloit promener to u tfe u l, & un intervalle
de tems après, un de fes domeftiques l’alloit joindre; requife de figner,
a dit ne fa voir.
Fait prefens Jofeph Fortont, Jean Peliffe, de ce lieu, mes tém oinsl
fouilignés. Signés
efl écrit :
F o r t o n t ,
Pelisse,
C.
Bouge,
Au-deffous
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d i x - h u i t F é v r i e r m i l sept * c e n t q u a t r e vingt
- q u a t r e . R eçu d o u z s sols
neuf
deniers.
Signé C O U R T .
�i83
N°
L A
X I I .
demoifelle Anne Roure , veuve Court t également
interpellée.
L adite
demoifelle Roure, veuve Court, enfuite de l’exploit ci-deiïus,
a déclaré ^-certifié qu’un Jour pendant le tetns que madame de C a b ris,
belle-fille, étoit exilée, fortant de la tribune de l’Eglife, elle entendit
que M arianne, femme de chambre de madame de C abris, douairiere,
difpuroit avec M. le Marquis de ce lie u , & que ladite Marianne lui
difoit, en criant à haute voixj vous êtes fo u , 8c vous ferez toujours
fou ; ce qu’elle répéta cinq à fix fois d’un ton menaçant.
U n autre jour elle rencontra le nommé Achart, domeftique du
Château, avec lequel elle parla d e j a maladie de M . le Marquis,
& demanda â ce domeftiqiie comme il fe trouvoit; fur quoi le domef
tique lui dit qu’il étoic tantôt bien, tantôt mal; la répondante die à
'ce domeftique que fi M. le Marquis recevoir quelque lettre de la
part de fou époufe, peut-être que cela lui feroit plaifir, 8c qu’en
lui f a i f a n t rep o n fe , cola l’occuperoit quelques momens. Sur quoi
ledit Achart, domeftique, lui répondit qu’il y avoit dans la maifon
des défenfes les plus txprefies de ne remettre audit Seigneur Marquis
aucune lettre de la part de fa fem m e, ni de tout autre, 8c de ne lui
fournir ni papier ni plum es, afin qu’il n’écrivît aucune lettre ni à fa
fem m e ni à fes amjs. Cette tonverfation ayant été rapportée au fieur
Alziary, homme d’affaires de madame la douairiere, celui-ci en prie
occafion de faire un faux rapport à madame la douairiere, à laquelle il
dit que ledit A c h a rt, dom eflique, lui avoit rapporté que la répondante
avoit dit que ladite dame étoit une vieille forciere; fur quoi madame
la douairiere fit avertir la répondante de
fe
rendre à GraiTe, où elle
reftoit prefque continuellement, 8c s y erant r e n d u e , elle eut des
reproches de la part de ladite dame fur les faux rapports, la répon
dante ayantfoutenu que c’étoït une invention, & q u ’el l e vouloir que
s
�184
le rapport lu! fur foutenu en face, ladite dame lui dit de retourner
à Gratte, 8c qu’elle y feroit aller ledit A ch art, dom eftique, pour fe
confronter en préfence dudit fieur Alziary ; 8c s’y étant rendue le iour
aflîgné, elle y trouva ledit fieur Alziary &c ledit A chart, lequel foutint en face dudit fieur A lzia ry , qu’il étoit faux que la répondante eût
dit que madame la douairiere étoit une vieille forciere, & ledit
Alziary fut honteux & n’eut pas le courage de répondre au domef
tique ; certifiant la répondante, encore qu’elle a ouï dire publique
m ent que M . le Marquis étoit battu par les nommés C ou re, fes
dom eftiqûes, l’ayant requife de figner, a dit ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont 8c Jean Pelifle, de ce lieu, mes tém oins,
foulîignés. Signés F o r t o n t , P e l i s s e , C . B o u g e .
C o n t r ô l é a G r a s s e le d i x -h u i t F é v r i e r m i l s s p t c e n t q u a t r e v i n g t -q u a t r e .
R e ç u d o u z e s o l s n e u f d e n i e r s . Signé C O U R T .
N °.
X
I
I
I
.
Je fouifigné Pierre Daver, Auditeur des Comptes de la Com m ué
nauté de ce lieu, en l’année mil fept cent quatre-vingt-deux, certifie
que m ’étant trouvé dans le Confeil de ladite communauté du mois
de Décembre dernier, dans lequel il fut propofe de finir avec les
Fermiers des m oulins, l’article des dommages & intérêts auxquels
ils fe trouvent condamnés envers la Com m unauté, 8c de finir en
même tems ayec le Seigneur du préfent lie u , fur l’article concernant
le chauffage des chaudrons, je fuis d’avis de 11e finir les conteilations
que lorfqu’on le pourroit valablement avec M . le M arquis, ou un
Adminiftrateur légitim e; 8c parce que je fus de cet avis, les perfonnes
qui agiiToient pour favorifer les Fermiers des m oulins, & les gens
d’affaires de madame la M arquife de C ab ris, douairiere, me mena
cèrent de me faire enlever par la voie du retrait féodal, des biens
que j’avois achetés, ce que l’on auroit cfFe&uç à ce que j’appris en fuite ,
fans la circonftance d ’une ordonnance de M M . du Chârelet de Paris,,
précédée d’un Arrêt du C on feil qui ont été fignifiés à U Com m u
nauté
�i
8î
Haute de ce Ireu^ par lefquels l’adminiftration des biens te revenus de
M . le Marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en foi de quoi j ’ai figné
le préfent. Fait à Cabris le dix-fept Février mil fe p t cent quatrevintquatre. S i g n e P. D a v e r .
N° .
X
I
V.
N o t e s particulières pour fervir d'injlruclion a Madame
de Cabris. .
E l l e fait comment & par qui madame la douairiere fut féduire
k préfenter fa requête en forme de plainte du 6 Novembre 1,777 >
pour faire interdire M . de Cabris.
M ais ce qu’elle ne fait peut-être p a s, c’eft que ceux qui étoient
à la tête de ce p rojet, difoient qu’on ne demandoit une fentence
d ’interdidion contre le mari , que pour avoir une léttre de cachet
Contre 1 epoufe ; que pour juilifier leur defïèin , ils montroient cer»taines lettres de madame de C abris, qui établiiloient leurs prétendus
. griefs c o n tr ’elle : entr’autres M . le Boiteux , en repréfentoit une ,
écrite par madame de Cabris au iîeur BeliiTen , qui étoit entre fes
m ains, on ne fait com m ent, dans laquelle madame de Cabris difoic *
au fieur BeliiTen qu’elle ne vouloir plus entendre palier de fon m ari,
qui étoit un monftre de nature, &c. O n montrera peut-être encore
cette lettre, & d’autres que Ton difoit avoir de madame de M irabeau,
également outrageantes , & qui annonçoient un deiTein prémédité de
nuire à M . de Cabris ; des certificats de Lyon , relativement à une
affaire prétendue arrivée dans cette ville , q u i, félon les perfécuteurs
de madame de Cabris , prouvoient fon inconduite , & la ncceffité
de l’extrémité à laquelle 011 fe portoit contre le mari , pour fairc
enfermer la femme. O n pourra encore parler de ces lettres & certi
ficats , peut-être les montrer ; madame de Cabris doit fe prémunir
contre ces calomnies , & s’attacher à les détruire.
Elle ignore peut-être aufli que pour le fîmulacre dailemblée de
A a
�i86
jjarens i convoquée après la fentence d’interdi&ion , on fît choix des
parens de M . de C a b ris, qui ne contrediroient pas le projet affreux
de hû enlever fon exiitence. O n ctoit aifuré des abfens auxquels
011 faifoit entendre tout ce qu’on vouloit ; mais on favoit bien que
ceux de Grafle , qui voyoient par eux-mêmes ce my itéré d in iquité,
ne fe prêteroient pas à un projet auiïï horrible. Voilà pourquoi des
parens de Gralfe 011 ne convoqua que les deux beaux - freres & deux
autres qui croient neveux de l’un d’eux ; mais on fe garda bien
d’aiTembler M M . de Sartoux, de Puget, de Theas, dt Gars l’a în é ,
& c. qui fe feroient oppofés à tout ce qui fut fait dans ce fimulacre
d’ail emblée de parens.
Madame de Cabris ignore fans doute auiïï qu’après cette aiTemblée le placet de famille fur lequel on furprit la religion des M i
nières du Roi , pour la faire exiler dans un co u ve n t, fut fait 8c
dreiTé à Graife par M . le Boiteux ; que ce placet fut envoyé par un
porteur exprès à tous les parens des environs , & à A i x , & que par
conféquent tous les parens qui le fignerent, n’ont ni approfondi, ni
pu approfondir aucun des faits contenus dans ce placet.
Elle ne fait point non plus que lorfqu’on l’eût fait arrêter à A ix
Comme une crim inelle, avec le plus grand é c la t, M . le Boiteux qui
•*ctoit à la tête de cette exécution , manda prendre alors madame la
doüairiere, qui fe porta en la ville d’A ix. Son voyage eut pour m o tif
de faire retirer M . le marquis de Cabris dans fon château ; elle y
parvint en l’aifurant que fon affaire en interdidtion ne feroit plus
pourfuivie; M . de Cabris qui avoit été empêché par decret de la
C our de s’abfenter pour aller joindre madame de Cabris à Sifteron,
ne pouvant préfumer que madame fa mere le tromperait en le faifant retirer -, revint dans fon château de C a b ris, efeorté par un bour
geois du village dudit lieu , qui avoit accompagné madame la douai
rière à A ix. Il étoit fort tranquille, d’après l’aiTurance que madame
fa mere lui avoit donnée, qu’on ne faifoit point de pourfuites dans
fon affaire en interdiétion ; mais quelle fut fa furprife , lorfqu’on
lui apprit qu’on ne l’avoit fait retirer dans fôn château, que pour
�i B7
abufer de fon abfence Sc le 'pourfuivre ; il y fut fi fenfible , qU(î
pendant quelques jours Tes affe&ions nerveufes 1s plongèrent dans
un ctat trifte , 3c lui faifoient dire qu’on l’avoit trompé en lui enle
vant tout à la fois fon exiftence , fa femme , & l’adminiftration de
fes biens.
Elle ignore p eu t-être également que non feulement on fe pré
valut de l’abfence de M . de Cabris , mais que pendant la plaidoirie
on fit valoir des faits non prouves , pour faire entendre aux Juges ,
que depuis fon retour à Cabris , il avoit donné des preuves vifibles
& publiques de démence ; comme fi fur l’ctat d’un citoyen il étoit
permis de fe décider d’après des allégations ou des atreftacions ,
lorfque la juftice a déjà pris fes réponfes , fur lefquelles elle doit le
juger.
Elle ne fait pas non plus que la plupart des pareils abfens de GrafTe,
dont on a furpris la fignature , ont publiquement témoigné du regret
de n’avoir pas mieux approfondi les faits qu’ils ont atteftés, & furtout depuis que le premier mémoire de madame de Cabris , qui a
produit la révocation de fa lettre de cachet, fut rendu public.
A préfent perfonne ne tient plus à la confommation de cet affreux
p ro jet, q u i paroît être réduit à fon ternie , fi on en excepte M . le
Boiteux ëc tout ce qui efl: intéreiTé à faire entretenir cet ouvrage
d ’iniquité.
O n dit que M . le Boiteux tient à A ix des propos publiquement
injurieux & outrageans contre madame de Cabris fa niece.
Q ue M . Lemaïgre, frappé de ce qu’il a trouvé dans le mémoire
concernant le fupplément de légitime qu’on s’eft fait adjuger, a fait
vn mémoire ou lettre juftificative de ce qui a été fait à M . le G arde
des fceaux , & lui demande juftice contre ce m ém oire, fur l’impu
tation calomnieufe qu’il renferme contre les légitimaires.
P u i f q u ’il fe plaint, il femble que madame de Cabris doit a j o ut e r
par réflexion à fon m ém oire, qu’un Confeiller au parlement devroit
faY oir qu’il fonne très-mal d’attendre ôu de failir un tems d ’in te r-
A a i}
�}2 S -
diYHon pour ie faire adjuger un prétendu droit cintre l’interdit ;
qu'on a fi fort abufé de la foibleffe de la curatrice qu’on avoir créée,
& de ce que l’interdit ne pouvoit parler, que non feulement on s’eit
fait adjuger un droit qu’on n’avoit ofé réclamer en juftice contre
M . de Cabris ; &r tandis que les biens de la fucceilion, fur lefquels
ou l’a pris , n’ont été eftimés qu’au taux du trois pour cent , comme
domaine noble , 011 s’eft: fait adjuger & 011 a établi dans la tranfaétion le taux de l’intérêt du principal au cinq pour c e n t} que l’on
juge de l’acceiToirefi madame de Cabris a tort de crier & de fe plaindre
fur le fonds*
L e perfonnage nul à Grade , fe donne les plus grands mouvement
pour les ailemblées qui fe tiennent chez madame la douairiere ,
prélîdées par l’homme habillé de vio let, & où toute cette vile en
geance qui l’entoure , fabrique des mémo-ires pouE noircir madame
d e.C ab ris, & envoyer ce que l’étranger de nation qui fait nombre
dans ces aiTemblées, appelle le contrepoifon du mémoire de madame
de Cabris.
C es mémoires ont été envoyés à Aix par un porteur, pour être
fournis fous l’infpeétion de M . le B oiteu x, de M . le Maigre 6c des
Avocats d’Aix pour fo llicite r, à la faveur de ces mémoires , des
motifs favorables fur les arrêts attaqués.
O n d it, madame de Cabris fe plaint que l’arrêt du 9 Avril 177S
a été rendu fans conclufions du Miniilere public , tandis que tout
le monde fait que M . l’Avocat Général de Calilfane porta les con
clufions & plaida toute une audience.
Mais quand cela fe ro it, l’arrêt du C o n fe il, qui reçoit la requête
de madame de C a b ris, préjuge que le C onfeil veut tout voir , puis
qu’on demande & les procédures & les inrerrogaroires ; &c fur ces
pièces , quels que puiifent être les motifs que l’on donnera , tout
être penfant trouvera que c’eft une néceflitc pour une famille hono
rable , d’anéantir pour toujours l’ouvrage des perfécuteurs de cette
fam ille, qui n’a déjà fait que trop de bruit dans le royaume.
�1 8 cj
O n fera rcpondi'e, dit-on , au mémoire , on traînera i Aix én
lo n g u e u r, autant que l’on pourra , pour arrêter l’envoi des procé
dures i nt e r ro g a t o i r e s & motifs des arrêts ; on traînera davantage 3
Paris , po u r avoir le tems d e faire publier le mémoire contraire ,
en gagnant du tems , mademoifeile de Cabris aura douze ans , Si
une fois qu’elle fera pubere , fi on ne la marie pas dans les circonftances , on lui fera dire ce que l’on voudra contre tout ce que
madame fa mere dit à raifon de fon éducation ; madame d e Cabris
a le baptiftaire de mademoifeile de Cabris , elle doit veiller avecle plus grand foin à avoir prompte expédition à Aix & à Paris ; il
elle ne peut parvenir à l’obtenir avant le tems de la pubertée de m ademoifelle de Cabris , elle doit aller à toutes fins , & demander
au Confeil que tout reftera en l'état jufqu’à ce que Sa Majefte aie
ftatué fur fa requête , parce qu’après tous les attentats qu’on s’ell
permis , & avec le fecours du Confeil violet qui préfide les alTemblées , on pourrroit bien fe permettre encore celui de finir par le
iacrifice que craint avec tant de raifon madame de Cabris.
O n produira peut-être des certificats pour juftifier la conduite de
l’adminiftratrice , relativement aux foins qu’elle prend de M. de
Cabris. M adam e de Cabris ne doit pas craindre d ’avancer que fi
des certificats pouvoient être de quelque poids , elle aurait celui
de tout le village de Cabris & de toute la ville de GrafTe qui font
feandalifés de la maniere dont madame la douairiere néglige les
foins qu’elle devrait donner à fon fils en le livrant à des mercénaires qui achaque inftant aggravent fes maux au lieu de 1« fecouric
& de le foigner ; qu’elle eft fi certaine de ce qu’elje avance, qu’elle
s’en rapporte volontiers á des informations publiques que l’on pouroit prendre à fon infçu , fans qu’elle craigne d’être contredite , tant
l’indignation publique eft grande contre fes calomniateurs.
O n pourra relever encore le prétendu délabrement de la fortune;
de M . de Cabris que l’on attribue à madame de Cabris ; le papier
qu’elle a reçu , la m et à portée de répondre à cette faulle impu
tation.
�190
O n dira peut-être , M . de Cabris avoir cinquante mille écus de
capitaux qu’il avoit aliénés dans un court intervalle de teins ; mais
la bâtifle de la nouvelle maifon & l’affaire malheureufe q u ’il a eCfuyée, avoient confumé ce fonds , &c l’avoient mis dans la néceilité
de faire des emprunts ; ce n’eft pas madame de Cabris qui avoit
coopéré à ces deux objets de d é p e n f e jc ’eft lorfqu’etle veut être à
la tète de fa maifon , pour y mettre un ordre , qu’on cherche à la
détruire , pour y placer une adminiltracrice qui auroit befoin d ’être
adminiftrée elle-même.
,
C ette preuve fe tirera de ce qu’elle a fait depuis fon adminiftration 6c d après les notes inferees dans le papier que madame de
Cabris a reçu.
Elle peut ajouter qu’il n’y a q u ’un cri contre les Canfeils & les
entours de madame de Cabris la douairiere, que tous les parens
trop crédules, difent à préfent qu’elle a tort de s’en rapporter au
confeil d’un perfécuteur qui a violé une promeiTe facrée fous la foi
de laquelle le mariage de madame de Cabris avoir été f a i t , & qu’ils
défirent tous que madame de Cabris foit replacée dans fa maifon
8c dans la place q u ’elle doit o c c u p er
on en excepte ceux d’entre
,fi
les parens qui feroient intéreifés à la tenir éloignée.
U n nouveau mémoire deviendra néceiTaire pour frapper fur tout
ce qui a trait à ce qui a fuivi l’interdidion , &: notamment l’adm iniftration : tout le monde dit ; c’eft une horreur que madame la
douairiere abandonne fon fils pour préfider dans fa maifon autour
d’un tapis vert à Gralîe , fous prétexte d’infirmités , & que fa né
gligence foit portée jufqu’à le livrer entre les mains de deux payfans
qui l’excedent de coups , au lieu de lui donner des foins ; c’en
eft une autre de foudoyer avec douze cent livres un véritable ivro
gne , pour préfider à cet abus d’autorité de fa part , au lieu de les
employer aux honoraires d ’un médecin qui , en fuivant M . de
Cabris de près , auroit connu par la fuite du tems le principe de
fes affe&ions nerveufes , & l’auroit g u é r i , comme le fut monfieur
fon pere ; c’en eft une bien plus grande , qu’elle laiile mademoifelle
�191
de Cabris dans un couvent où il n’y a que des perfonnes inha
biles pour lui donner une éducation telle que fa naifffance & fa
fortune l’exigent : que juftice foit faite par le Roi à madame fa
mere , pour faire ceffer tant de maux , nous ferons des feux de
joie à Cabris & à Graffe , pour lui marquer notre fatisfaction ; voilà
les cris univerfels de ces contrées ; que madame de Cabris la d if e
dans fon nouveau m ém oire, fans crainte d’être contredite par la voix
publique.
Mc DE
B E A U S É J O U R , Avocat.
;
D e l'Im p r. d e D 'H O U R Y , Imp r.-Lib. de M g r le D u c d 'O r i Î a n s & de M g r le D u c
d e C h a r t r e s , rue Hautefeuille , près celle des deux Portes»
�
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Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Beauséjour
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
consuls
intrusions dans monastère
créances
affaire des affiches (1776)
experts
régime alimentaire
dénuement vestimentaire
jardins
huile d'olive
retrait féodal
domaines agricoles
dépression nerveuse
Description
An account of the resource
Mémoire et consultation pour madame la marquise de Cabris, belle-fille, défendant l'interdiction de son mari ; Contre madame de Lombard Saint-Benoit, , marquise de Cabris, douairière, poursuivant l'interdiction du marquis de Cabris, son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie d'Houry (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
191 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0115
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0114
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53990/BCU_Factums_V0115.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affaire des affiches (1776)
assemblées de famille
bibliothèques
consuls
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
dépression nerveuse
domaines agricoles
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
huile d'olive
intrusions dans monastère
inventaires
jardins
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
retrait féodal
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53326/BCU_Factums_G1723.pdf
53cbdbebcacd0362499facc3df8df587
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MÉMOIRE
Pour
R ené
E SM E L IN
G ilb e r t
A I G U E S , C la u d e- A m able
d e l e in e
E S M E L IN
E S M E L IN
L A P E L I N , et M a r i e - M a g -
, son épouse ,
G A R D E -D E L A V IL E N N E
son épouse ; M a r i e - A
-D E U X -
d é l a ïd e
J e a n - F r a n ç o is L A -
, et T h é r è s e
E S M E L IN ,
E S M E L IN
, veuve D e -
b ard , intimés
Contre G
e n e v iè v e
E S M E L I N , veuve r/Amable D
e c iia m p s ,
ex-religieuse, appelante $
E n présence de
P rocule
E S M E X il N , ejc-religieuse y
E l encore en présence de J a c q u e s - M
a r ie - P ie r r e
L O ISE L -
G U I L L O I S , tuteur de ses enf ans , héritiers d 'Agnès
E s m e l i n , leur aïeule m aternelle, aussi intimés.
L
A. dame Dechamps dénonce aux tribunaux un traité de fa
mille , rédigé sous ses yeux par d ’anciens jurisconsultes de son
c hoix ( * ) , qu ’elle a signé, exécuté, qu’elle approuve et exécute
journellement.
(*) MM. Bergier et Boirot.
A
�5«v
v ,> .
( O
C e traité de famille a été dicté par la nécessité.
Il a été dicté par la sagesse.
E n ce qui la concerne, il a été dicté,par la générosité.
Il lui assure un patrimoine d ’environ
Elle se dit lésée.
5oooo f r . , dettes payées.
.
E t il ne lui revenoit pas une obole.
Etienne Esmelin a contracté mariage avec M a rie -A n n e -B a rth é lem y G ib o n , le 29 février iy ô ô .
Ils se sont unis sous le régime de la co m m u n a u té, avec clause
expresse que « pour y acquérir d r o i t , chacune des parties y con» fondroit 600 f r .; et le surplus de leurs biens, avec ce qui leur
h
éclierroit par succession, donation , sortiroit nature de propre-
» fonds. »
Ils n ’avoient q u ’une fortune m édiocre; elle s'est grossie par de
nombreuses successions qui se sont accumulées sur leurs tê t e s ,
spécialement du c h e f de la dam e Esmelin.
L a première qui est échue de cet estoc , a été celle du sieur
Jean-Baptiste île Lachaussée, son o n cle , décédé à Moulins en 17 6 4 .
L a seconde, celle de G ilbert de L a c h a u ss é e , aussi son o n cle ,
négociant à M o u lin s , décédé en 1 7 66.
L a troisième, celle de Jacques de L achaussée, frère des précé
dons, administrateur de l’ H ôtel-D ieu de P a ris, décédé en 1787.
Il avoit fait un testament suivi de codicille , par lequel il avoit
no m m é pour ses légataires universels, M arie F a r jo n n e l, sa m è r e ;
An toin ette de Lachaussée , veuve Lafeuillant ; Elisabeth de
L a c h a u s s é e , fem m e Laplanche ; Catherine de L a c h a u ss é e , fille
majeure ;
E t les en fans et desccndans de M a rie de Lachaussée, décédée
fem m e Gibon.
L ’inventaire de cette succession enportoit l’a ctif à deux millions
soixante mille livres.
Il fut fait un premier partage provisionnel d ’une som m e de
�(
3 )
1179500 fr. d ’effels r o y a u x , devant L a ro clio , notaire au châtelet
de. P a ris , le 29 avril 17 8 8 , qui constate que le sieur Esmelin
toucha pour sa fem m e un premier à-compte sur cette succession ,
de i 685oo fr.
M a rie F a rjo n n e l, aïeule de la dame Esmelin , qui avoit touché
un pareil à-compte de i 685oo fr. par ce partage pro visionn el,
m ourut peu de temps après.
L a dame Esmelin mourut ensuite au mois de novembre 1789.
L e sieur G ibon , son frère , directeur des aides à ChâteauT h i e r r y , mourut au mois de juillet 1790.
11 laissa encore une succession très-opulente, qui étoit divisible
en trois portions égales, entre les en fans E sm e lin , le sieur G i b o n ,
de M o ulin s, leur o n c le , et le sieur G ib on -M ontgon , leur cousin
germain.
L e sieur G ilbert G ib o n , père de la dame E sm elin , mourut en 1792.
Enfin Elisabeth E sm e lin -D u c lu so r, l ’une des filles des sieur et
dam e Esmelin , m ourut aussi sans postérité dans le courant de la
m êm e année.
Etienne Esmelin père resta en possession de toutes ces successions.
Il avoit marié q u e lq u e s-u n s de ses enfans avant la mort de
M arie-A nne-Barthélem y Gibon , son épouse.
Il en a marié d'autres d epuis, et il avoit fait aux uns et aux
autres des avancemens d ’hoirie.
D e u x de scs filles , Procule et Geneviève E sm e lin , avoient pris
le parti du cloitre, et avoient fait profession avant la mort de leur
mère.
M ais les lois des
5 brumaire et 17 nivôse an 2 ayant aboli leurs
v œ u x , elles furent rappelées à toutes ces successions.
Bientôt le refus de Procule Esmelin de prêter s e r m e n t, attira
sur elle des persécutions que chaque jour pouvoit rendre plus graves.
L e sieur Esmelin crut devoir prendre la précaution de se faire
céder ses droits, dans toutes ces successions , pour se m e t t r e , à
toutes fins , ainsi que ses enfans, à l’abri des recherches nationales. ;
Geneviève Esmelin avoit pris un parti tout opposé ; non-sculeA 2
�ment elle avoit prêté se r m e n t, mais elle ne dissitnuloit pas l ’in
tention où elle étoit de se m arier; et le sieur Esmelin crut encore
prudent de se faire céder ses droits m atern els, pour garantir sa
fam ille des recherches futures de ce gendre inconnu dont il étoit
menacé.
L e rapport de l ’effet rétroactif des lois des
5 brumaire et 17
nivôse ne tarda pas à rendre ces précautions inutiles.
M ais , dans le même t e m p s , le sieur Esmelin père étoit forcé
d ’en prendre de semblables avec d ’autres de ses en fans.
L e sieur D ebard étoit inscrit sur la liste des ém igrés, et A d é
laïde E s m e lin , son épouse, étoit en réclusion ; elle étoit menacée
du séquestre sur tous ses biens. Il fallut encore avoir recours à la
cession de ses droits maternels. Elle consentit cette cession à son
p è r e , le 1 " germinal an 2. Mais com m e elle n ’étoit que simulée,
il lui en donna une contre-lettre.
L ’inscription du sieur E s m e lin -D e u x -A ig u ë s,su r la liste fatale,
força encore le sieur Esmelin père de faire avec lui des actes simulés,
pour se soustraire, com m e ascendant d ’é m ig ré , aux persécutions
des agens du fisc.
T o u s ces actes ont disparu avec les causes qui les avoient fait
naître; et la darne D echam ps, qui en abuse aujourd’h ui, sait m ieux
que personne q u ’ils n ’ont jamais eu de réalité.
Les orages révolutionnaires s’étant c a lm é s , plusieurs des enfans
E.smelin, la dame Lapelin , le sieur E sm e lin -D e u x -A ig u e s, et les
mineurs L o is e l, ont cru devoir rechercher leurs droits maternels.
L e sieur Esmelin a terminé avec la dame Lap elin, en lui donnant
un à-compte sur
11 succession de R e n é Gibon ;
Avec le sieur Esm elin-Deux-Aigues , en s’en référant à l'arbi
trage de M. L u c a s , président du tribunal de G a n n a t, leur parent,
q u ia dicté la transaction passée cntr\nix au moisdeger111in.il an i5 .
Q uan t aux mineurs L o ise l, la contestation est restée indécise.
Ces actions éloient justes en elles-mêmes; et le sieur Esmelin se
soroit sans doute empressé de les prévenir , s’il n ’avoil pas été
arrêté p,ir les difficultés insurmontables q u ’il IrouYoit u distinguer
aa fortune personnelle de celle de ses enfans.
�( 5 3
M ais la dame D ech a m p s, subjuguée par un conseil pervers, qui
avoit voué au sieur Esmelin une haine implacable en échange des
services signalés qu ’il en avoit reçus, a dirigé contre lui des actions
d ’un autre genre, qui tendoient à compromettre sa délicatesse et
qui l’ont abreuvé d ’amertume.
Bientôt la perspective effrayante du mauvais état de ses affaires
est venue m ettre le comble aux chagrins dont il étoit dévoré.
Il avoit fait imprudemment une affaire de finance avec la dame
L e b lo n d , A m é r ica in e , qui , privée de ses revenus des île s, dont
la rentrée étoit suspendue par la guerre maritime avec l’A n g le
terre, avoit obtenu de sa facilité des avances én o rm e s, au point
qu ’il se trouvoit son créancier de plus de 160000 fr. sans la plus
légère sûreté, et à peu près sans espoir de les recouvrer.
L e sieur Esmelin n ’avoit pu faire d ’aussi grosses avances qu ’en
puisant dans les caisses des banquiers de Moulins et de C lerm ont.
Chaque jour ses dettes alloient en cro issa n t, par le taux élevé
des intérêts qui s’accumuloient.
D éjà son crédit étoit épuisé chez les banquiers de C le rm o n t, qui
ne consentoient à renouveler ses effets qu ’avec l’endossement du
sieur R ené Esm elin, son fils aîné (*), et il ne pouvoit se dissimuler
qu'il couroit à grands pas à sa r u in e .
L ’âme flétrie par les outrages de la dame Dccliamps , et ne pou
vant supporter l’idée du renversement de sa fo rtu n e , il est tombé
malade dans les premiers jours de décembre i 8o 5 , et il e*st mort
le 19 du même mois.
L es scellés ont été apposés de suite par le juge de paix des lieux.
Quelque temps après, il a été procédé à un inventaire en form e,
en présence de tous lçs intéressés, et spécialement de la dame
D ech am p s, qui a assisté à toutes les séances.
Indépendamment de l’a ctif bon qui fut porté dans cet inven-
(*) Le sieur Esmelin aîné avoit <léj?i cautionné pour 60000 fr. d’eiïets do son
père à son décès; il est porteur de ses lettres , par lesquelles il le prioit do lui
donner sa signature.
�i <•/
. ( G )
tairo, il fut fait un état particulier des créances mauvaises ou dou
teuses , montant à 267600 f r . , qui fut signé par tous les héritiers,
et spécialement par la clame Dechamps.
L a dam e Decham ps dit dans son mém oire , page
4 , que pen
dant cet inventaire ses frères furent p o lis, caressons. Ces expres
sions sont trop foibles ; elle auroit dû dire qu ’ils la comblèrent de
témoignages de tendresse, q u ’ils ne négligèrent rien pour gagner
sa confiance, et pour la soustraire à la maligne influence du per
fide conseil qui l ’éloignoit de sa fa m ille , et la conduisoit à sa perte;
Que leur ayant paru avoir des besoins, ils lui remirent la somme
de 1000 fr. qui étoit provenue des premières ventes des denrées
de la succession ;
Q u ’elle prit différens effets mobiliers qui étoient à sa conve
n a n c e, sur la prisée de l’inventaire ;
Que dans le partage qui fut fait en nature d ’une partie du m o
b i li e r , ils l ’admirent pour un h u itiè m e , quoiqu’il ne lui en tevînt
q u ’un seizième ;
Qu'enfin ils ne cessèrent de lui prodiguer les égarTls et les bons
procédés.
Instruite par elle-même de l ’état des affaires de son père ; de
plus de iSo oo o fr. de dettes de banque sur lettres de change qui
venoient chaque jour à échéance, dont plusieurs étoient déjà pro
testées, et dont les porteurs pouvoient consom m er en frais tous les
biens de la succession ;
D é p l u s de Go,000 liv. d ’autres dettes par b ille ts, ob ligations,
rentes viagères 011 constituées ;
T é m o in de l ’état de dégradation et de désordre absolu, dans
lequel se trouvoient tous les biens co m m u n s, au point que sur 24
ou a 5 do m aines, il n ’y en avoit pas un seul dont les bûtimens ne
fussent en ru in e , les granges écroulées , et hors d ’état de contenir
la. récolte prochaine.
Plus pressée d ’ailleurs de jouir de son lot q u ’aucun de s?s co
h éritiers, ù raison de sa position, clic a été la première à désirer
le partage.
�*
i i
3
( '7 )
O n est convenu de faire estimer préalablement tous les Liens
qui devoient en être l’objet.
O n a nom m é pour experts les sieurs Pienaudet et F e rrier, connus
trop avantageusement dans l ’opinion publique pour ne pas réunir
les suffrages de tous les cohéritiers; et ils ont été si agréables à la
dame D echam ps , qu'ils ont vécu et logé chez elle pendant tout le
temps q u ’ils ont travaillé à l ’estimation de la terre du B ouis, qui
joint son habitation.
Cette opération term in ée, tous les copartageans sont unanim e
ment convenus de s’en référer, sur le règlement de leurs droits res
pectifs, à la décision de deux anciens jurisconsultes de C le r m o n t ,
dont l ’un éloit grand oncle maternel à la mode de Bretagne des
mineurs Loisel.
Ils se sont tous rendus à Clerm ont avec les deux e xperts, R e naudet et F e r rie r , dans les derniers jours de mars 1806, et tous
y ont séjourné sans interruption jusqu’au 21 avril suivant.
Chaque jour ils se sont réunis chez les arbitres.
L à , chacun des intéressés a fait valoir ses droits ou ses préten
tions.
T o u t a été v u , exam iné, discuté en leur présence par les arbii
très.
M ais com m e de tous les frères et sœurs Esrnclin, six seulement
avoient des droits dans les biens maternels , à raison de la m ort
civile de Procule et de G eneviève; que tous au contraire éloient
copartageans dans les biens paternels; le premier pas & faire élo it,
de distinguer les biens paternels et maternels, pour en form er deux
masses séparées.
L es arbitres ont tenté ce travail; mais ils n ’ont pu y réussir.
11 étoit impossible de retrouver les élémens de la plupart des
successions échues aux sieur et daine Esinelin, à défaut d ’inven
taires et de partages.
Il existoit à la vérité des inventaires des deux principales, celles
de Jacques de Lachaussée et de R e n é -B a rth é lém y G ib o n ; m a i s
les héritiers Esmelin ne les avoient pas en leur possession ;
n ’ùtoicnt pas en état de les représenter.
et ils
�( 8 )
Ils n’ avoient pas des notions exactes de la nature et de la consis
tance des effets dont ces successions étoient composées.
Us ignoroient ce qui en avoit été touché par leur père , en nu
méraire ou en papier-monnoie , et les différentes époques aux
quelles ces sommes avoient été versées dans ses mains.
L e s arbitres avoient d ’ailleurs sous les yeu x une expédition fa u
tive du contrat de mariage des sieur et dam e Esmelin , qui contenoit la stipulation pure et simple de la com m unauté , sans la
clause subséquente qui portoit que «pour y acquérir droit, chacune
» des parties y confondroit 600 fr. ; et le surplus de leurs b ie n s ,
» avec ce qui leur écherroit par succession , do nation, sortiroit
» nature de propre-fonds (*). »
D e sorte que les sieur et dame Esmelin paroissoient n’avoir con
tracté q u ’une com m unauté légale et conform e à l’article 276 de
la coutum e de B ourbonnais; d ’où il sembloit résulter que tout
ce qui étoit de nature mobilière dans les successions échues aux
deux époux , avoit été confondu dans la co m m u n a u té, et appartenoit par moitié à chacun d ’eux ; ce qui frappoit spécialement sur la
succession de Jacques de Lachaussée, presque toute composée d ’ac
tions de la compagnie des Indes, ou autres effets royaux payables
au porteur.
L e s arbitres, au milieu de cette o b scu rité, crurent apercevoir
une lueur de justice dans le plan simple de diviser la masse entière
des biens et des dettes en deux portions égales, dont l’une seroit
censée m a tern elle, et l’autre censée paternelle; ce qui donnoit aux
deux religieuses un seizième chacune de la masse réelle des biens,
et les chargeoit d ’un seizième des dettes (**).
(*) Cette expédition inexacte a été représentée par Proculc Esmelin , qui
l ’avoit trouvéo dans les papiers de la succession.
Elle paroissoit mériter d’autunt plus do confiance, quelle étoit écrite en entier
do la main de Barthélém y, notairo, dépositaire de la minute.
(**) La masse totalo do l’actif bon étoit de 5f)85<)5 fr.
Les créances actives mauvaises ou douteuses, do 2G7Ü30 fr.
Les dettes passives connues lors du partage, étoient du so 5y 5G fr.
Celles découvertes depuis s’élèvent à environ 20000 fr.
Les
�(o)
L es arbitres ne se dissimulèrent p as, et ne dissimulèrent pas à
tous les cohéritiers que ce plan éloit trop favorable à Procule et
Geneviève Esmelin , même sous le point de vue de la com m unauté
légale des père et mère communs , com m e elle paroissoit l’tHre
d ’après l’expédition fautive de leur contrat de mariage.
- M a i s , d ’une p a r t , il étoit urgent de prendre un parti pour satis
faire les créanciers , dont les poursuites pouvoient à chaque ins
tant porter partout l’incendie et la dévastation.
D ’autre p a r t , il falloit par-dessus tout éviter , pour l’intérêt de
tou s, d ’en venir à des discussions juridiques, qui présenloient un
abîme sans fond et sans rives, prêt a engloutir toute la fortune
des copartageans.
On ne considérait d ’ailleurs la portion que devoit recueillir P ro
cule E sm elin , que comme un dépôt confié à la vertu, qui devoit un
jour revenir à la famille.
E t à l’égard de la dame Decham ps , tous ses cohéritiers regardoient l’avantage q u ’elle pou voit retirer de ce mode de partage,
comme un sacrifice fait à sa position et à sa qualité de mère de
famille.
Q uant aux mineurs L o i s e l , indépendamment que l’acquiesce
m ent de leur père à cette mesure étoit suffisamment justifié par
l ’exemple de tous ses copartageans majeurs , grands oncles et
grand’ tantes de ses mineurs , qui avoient le même intérêt qu'eux ,
on eut soin de les dédommager amplement de la perte que ce plan
pouvoit leur occasionner, comme on le verra dans la suite.
C e mode de partage une fois adopté par tous les cohéritiers, on
vit bientôt disparoitre la majeure partie des difficultés qui divisoient
la famille Esmelin.
11 en restoit cependant encore, qui donnèrent lieu à quelques
débats entre les cohéritiers.
L a principale étoit relative au sieur Esm elin-Deux-Aigues.
A p rès sa radiation de la liste des émigrés , il avoit traduit son
père en justice, pour obtenir de lui le règlement de ses droits ma
ternels.
�<<<
( 10 )
L e sieur E sm clin , qui connoissoit m ieux que personne les inconvéniens et les dangers de soumettre celte discussion aux tribunaux,
consentit de s’en référer à l’arbitrage de M . L u c a s , président du
tribunal de G a n n a t , leur parent.
M . L u c a s , après avoir entendu les sieurs E s m c lin , père et fils,
pendant plusieurs séa n ces, et avoir examiné leurs mémoires res
pectifs, crut devoir fixer le débet du père envers son fils, pour tous
ses droits'maternels directs et collatéraux, à
5 y j 5 o f r a n c s , dont
42760 francs pour les cap itaux, et i 5 ooo francs pour les intérêts
ou jouissances; et ce fut d ’après cet aperçu que les parties traitè
r e n t , sous sa dictée, devant H u e , notaire à G a n n a t, le 17 ger
m inal an i 5 (*).
T o u s les cohéritiers du sieur Esm elin-Deux-Aigues connoissoient
parfaitement la sincérité de ce traité; et la médiation de M . L u c a s ,
prouvée par sa sig n a tu re , ne permettoit pas d ’élever le plus léger
doute à cet égard. M ais co m m e il sembloit en résulter quelque
avantage en sa fa v e u r , ils prétendoient q u ’il devoit s’en départir
pour se mettre à leur niveau.
L e sieur Esm elin-D eux-A igues insistoit sur l’exécution de cet
a c te , com m e étant un traité à f o r f a it , convenu de bonne f o i, sur
des droits successifs dont la quotité étoit absolum ent incertaine.
11 ajoutoit que l’avantage q u ’on prétendoit résulter de ce tra ité ,
n ’étoit rien moins que réel; q u ’il étoit plus que co m p en sé, par la
circonstance q u e , dans le plan du partage proposé, il n ’avoit à pré
tendre q u ’un seizième dans les créances actives paternelles, dont il
lui seroit revenu un huitièm e, si on n ’en avoit pas confondu la
moitié dans la masse maternelle, dont il étoit exclu au moyen de
l ’exécution de ce traité.
Il ajoutoit encore q u ’en supposant que ce traité produisit quelqn’avantage en sa faveur, cet avantage ne pouvoit être c r itiq u é ,
parce q u ’il étoit bien loin d ’absorber les réserves disponibles que
(*) I.a transaction fait mention expresso qu’ollo a clé pasjéo en prdscnco et
par la médiation de INI. L u ca s, <jui l’a signéo.
�/ / /
( "
)
s’étoit faites le père com m un par les différens contrats de ma
riage de ses en fans (*).
D ’après ces considérations , il fut arrêté que le sieur E sm clinD eux-A igu ës prélèveroit, avant tout partage, le montant de ce traité.
M ais le mode de ce prélèvement n ’étoit pas sans difficultés.
D ’une p a r t , le capital des droits successifs du sieur Esm elin.
Deux-tVigues devoit être prélevé sur la masse maternelle.
D ’autre p a r t, les jouissances, et le prétendu avantage qui pouvoit résulter de ce traité en sa f a v e u r , devoient être prélevés sur la
masse paternelle.
O n prit le parti d ’en faire le prélèvement sur la masse entière,
et ce parti étoit d ’autant plus raisonnable , que la masse paternelle
étant avantagée par le plan du partage, en faisant frapper ce pré
lèvement par égalité sur les deux masses , on se rapprochoit de
plus en plus du point de justice auquel les arbitres et les parties
se proposoient de parvenir.
C e t obstacle a p p la n i, il en restoit encore quelques autres, mais
qui éprouvèrent moins de difficultés.
L e sieur R e n é Esmelin aîné avoit des prétentions de plus d ’un
genre
La
de la
avant
contre la succession de son père.
principale résultoit de la donation que lui avoit faite son père
terre de B o u is, par acte du 2 mars 1 7 9 3 , immédiatement
les lois de l’égalité ; donation qui prenoit sa source dans la
réserve que s’éloit faite le sieur Esmelin , par les différens contrats
de mariage de ses enfans, de disposer de celte terre au profit de tel
d ’entr’eux qu’ il jugeroil à propos.
C ette circonstance formoit exception aux dispositions prohibi
tives de la Cou tu m e de Bourbonnais, qui interdisoit les avantages
entre enfans, autrement que par contrat de mariage.
(*) Les parties raisonnoient d’après l’expédition inexacte du contrat de ma
riage de 17 5 6 , qui rendoit communes aux doux époux toutes les successions
mobilières.
E11 raisonnant d’après la clause insérée dans ce contraído mariage, qui les ren
doit propres à chaque estoc, le sieur Esmelin-Deux-Aigues étoit évidemment lésé.
lia
�V I
( i*
)
L e sieur Esmelin père n ’étant d ’ailleurs décédé que sous l ’empire
du nouveau C o d e , tous les avantages antérieurs pouvoient être
considérés com m e légitimes , jusqu’à concurrence de la portion
disponible.
M ais le sieur René Esmelin n ’altendit pas q u ’on lui en dem andât
le sacrifice; il fut le premier à l’offrir à ses frères et sœurs; il n ’y
mit q u ’une seule condition, celle de l’union et de la c o n c o r d e , et
que tout se terminât à l ’amiable.
L a dame D e b a r d , de son c ô t é , élevoit des réclamations d'un
intérêt m a je u r , qui prenoient leur source dans une donation entre
vifs qui lui avoit été faite par les dames Delagoutte et G u d e ve rt,
le
5 mai 1 7 7 6 , de certains biens dont le sieur Esmelin étoit m ort
en possession , q u ’elle prétendoit avoir droit de prélever en nature
sur sa succession, indépendamment d ’un grand nombre d ’années
de jouissances de ces mêm es b i e n s , q u ’elle réclamoit à litre de
créancière.
L a dame D eb ard en fit généreusement le sacrifice, sans autre
indemnité q u ’une somme de 1200 francs à prendre sur les créances
douteuses , et sans y mettre d ’autres conditions que celles q u ’y
avoit mises son frè re , l ’union et la concorde, et que tout se ter
minât à l’amiable.
Enfin, le sieur D elav ilen n e , stipulant pour sa f e m m e , dont il
étoit fondé de p o u v o ir , fit aussi le sacrifice d ’une somme de 1000 fr.
qui formoit l’objet d ’une donation q u ’il prétendoit avoir été mal à
propos confondue dans la dot qui lui avoit été constituée par sou
conlr.it de mariage.
T o u s ces obstacles applanis ,
il fut question de procéder au
partage.
On fit un premier traité pour en fixer les bases.
C ’est dans ce premier traité que se trouvent tout le moral de l’opéra lio ti , les motifs qui l ’ont déterminée, les circonstances impérieuses
qui la rendoient nécessaire, les sacrifices généreux faits par plu
sieurs des cohéritiers pour assurer la paix et l’union dans la famille.
On en lit un second pour y traiter quelques objets particuliers,
�que tous les cohéritiers croyoient devoir être renfermés dans le sein
de la famille.
E t enfin un troisième, qui contenoit le partage.
Il étoit impossible d ’employer dans ce partage la voie du sort.
L e s rapports étoient tous in é g a u x , et varioient depuis
jusqu’à
5oo fr.
35ooo fr.
L e tirage au sort n ’eût pu sc faire sans être répété jusqu’à sept
à huit fois.
Les morcellemens qui en seroient résulté eussent été tels, que
chaque dom ain e, chaque arpent de terre eût été divisé en plus de
cent poriions , contre le texte de la loi et le Yceu de la raison.
On prit donc le seul parti proposable, celui de faire des lots do
convenance.
Mais les frères et sœurs de la dame Decham ps, toujours fidèles
à leur plan de la combler d ’égards et de bons procédés, eurent l’at
tention de lui laisser le choix de celui qui lui seroit le plus agréable.
Elle choisit des biens de la terre du B o u i s , qui étoient situés
dans la même commune que ceux de scs m ineurs, qui les joignoicnt
de toutes parts, et dont l’estimation lui étoit d ’autant moins sus
pecte, qu’elle avoit été faite-sous ses y e u x , et par des experts logés
et nourris chez elle pendant loul le temps de leur opération.
On usa avec elle des mêmes procédés pour le seizième des dettes
dont son lot d e v o it ‘être ch a rg é; on lui laissa le choix de celles
dont les intérêts étoient le moins o n é r e u x , et des créanciers sur la
complaisance desquels 011 pouvoit le plus compter.
Ces différentes opérations term inées, tous les héritiers Esmelin
retournèrent dans leurs fo y e r s , en bénissant leurs arbitres, et en
se félicitant de l’union et de la concorde qu'ils regardoient com m e
rétablies e n tre u x d ’une manière inaltérable.
M ais le bonheur de la famille Esmelin 11c fut pas de longue durée.
L a dame D e c h a m p s , rentrée dans ses foyers , y retrouva le
démon de la discorde, le misérable qui avoit conduit son père au
tom beau, et qui m é d i l o i t la ruine de sa famille.
D ès ce premier m o m e n t , il fut arrêté entr’eux de tenter, par
�t 'U .
( 4
)
toutes sortes de vo ies, l’anéantissement de tous les arrangemens
faits à C lerm o n t.
A v a n t de rien entreprendre, elle eut soin de s'installer dans
son l o t , de l’ai ferm er pour plusieurs a n n é e s, de se faire payer
d ’avance du prix du b a il, et surtout de laisser à ses frères et sœurs
toutes les charges de la succession dont jusqu’ici elle n ’a pas payé
une o b o le , et qu ’ils acquittent journellement pour elle.
A près avoir ainsi pris ses p récau tion s, et le 18 juin 1 8 0 6 , la
dam e Decham ps a fait citer tous ses cohéritiers en conciliation ,
pour venir à division et partage de tous les biens meubles et im
meubles délaissés par le père c o m m u n , sans avoir égard à tous
projets de partage , qui seroient regardés com m e non avenus.
C e tte citation a été suivie d ’un procès verbal de non concilia
tion , en date du g juillet.
Le
25 du m êm e m o is , la dame Decham ps a présenté requête au
tribunal d ’arrondissement de G a n n a t, tendante au fond à ce q u ’il
lui fu t permis d ’assigner ses cohéritiers , sur la dem ande en par
ta g e , dans les délais ordinaires , et à la première au d ien ce, sur sa
demande provisoire, tendante à ce qu ’ il fût sursis à la coupe et
exploitation des difierens bois de haute f u t a i e , et tous autres dépendans de la succession du père com m un.
E lle d e m a n d o it en m êm e temps q u ’il lui fu t permis de faire pro
céder à la visite et état de tous ces bois par e x p e r t s , à l’e ffe t de
constater tous ceux qui avoient été coupés et tous ceux qui étoient
sur pied, et d ’en fixer le nom bre et la v a le u r , p o u r , après ce rap
p o r t, être pris par elle telles conclusions qu'elle aviseroit.
C e lte demande provisoire cachoit une insigne perfidie. L a dam e
D echam ps savoil q u ’il existoit, au décès du père com m u n , plus de
i 5oooo fr. de lettres de ch a n g e, toutes éch u es, proteslées 011 re
nouvelées par ses frères et sœ u rs, non compris plus de 60000 fr.
de dettes ordinaires, dont les créanciers n ’éloient pas moins im
patiens.
Elle savoit que chacun de ses cohéritiers n ’avoit d ’autres res
sources, pour luire honneur aux cngagenicns les plus u rg en s, que
�3 ( j\
dans le prix de ces b o i s , qu’ils se hàtoient de vendre et d ’exploiter.
Son projet étoit de rendre leur libération impossible, de voir leur
liberté compromise, et tous les biens livrés à l’expropriation forcée.
C e p ro je t, d ir a -t-o n , étoit insensé; elle ne pouvoit elle-même
manquer d ’en devenir victime : cela est vrai ; mais fa u t-il nier
l’évidence, parce qu’elle passe les bornes ordinaires de la vraisem
blance et de la perversité humaine ? A - t- o n oublié le vœu de
Cornélie dans les Horaces i
Quoi q u ’il en so it, le tribunal de G annat a repoussé, avec indi
gnation, cette action provisoire, par son jugement du i 5 décembre
1806, rendu d'après les conclusions motivées de M . le commissaire
impérial.
Pendant que la dame Decham ps vexoit ainsi ses frères et soeurs,
et tentoit d ’arrêter par toutes sortes de moyens l’exécution des
arrangemens faits entr’eux, ses cohéritiers cherchoient à les conso
lider et à les régulariser à l’égard des mineurs Loisel.
L e sieur Loisel avoit été assigné depuis le
5 juin , en sa qualité
de père, tuteur et légitime administrateur de ses enfans, pour en
voir ordonner l’exécution ; mais il avoit cru devoir suspendre toutes
espèces de démarches jusqu’à la décision de l ’incident élevé par
la dame Dechamps.
C e t incident term iné, le sieur Loisel a convoqué un conseil de
famille le 24 décembre 1806.
C e conseil, composé du grand-père maternel des m in eurs, de
plusieurs de leurs oncles et de leurs plus proches p a re n s, après
avoir pris communication de la transaction du i 5 a v r i l, l’a ap
prouvée dans tout son contenu , et a autorisé le sieur Loisel à se
retirer auprès de M . le commissaire impérial, qui seroit invité à
désigner trois jurisconsultes pour examiner ce traité, et en dire
leur a v is, conformément à l’article 4G7 du C od e civil.
Le
5 i décem bre, sur la requête qui lui a été présentée par le
su u r L o is e l, M . le commissaire impérial a désigné trois anciens
jurisconsultes près la cour d ’appel, également recommandables par
leur expérience et leurs lumières, M M . A n d r a u d , B o ry e et PagesVerny.
:çà (
�K *.
( iG )
. Sur l’avis de ces trois jurisconsultes, les héritiers Esmelin , à l ’e:oception de la dam e D e c h a m p s , ont demandé l ’homologation de la
transaction du i 5 avril.
L a dame D e c h a m p s,fid è le à son plan de c o n t r a d ic t io n ,n ’a pas
m anqué de s ’y opposer.
M ais sans avoir égard à son opposition , dont elle a été déboutée
avec dépens, la transaction a été hom ologuée, sur les conclusions
de M . le commissaire im périal, par jugement du 21 février 1806.
L e 21 mars, nouvelle assemblée du conseil de fam ille des mineurs
Loisel ;
Approbation du partage fait sur les bases de la transaction ho
mologuée ;
Requête du sieur Loisel à M . le commissaire im p érial, pour l ’in
viter à désigner trois jurisconsultes auxquels seroit soumis l’examen
du partage ;
Désignation de M M . A n d r a u d , B o ry e et P a g è s - V e r n y ;
A v is de ces trois jurisconsultes pour l’approbation et la pleine
et entière exécution du partage.
L a dame D echam ps en a au contraire dem andé la n u llité, fo n
dée sur le ^défaut d ’observation des formes voulues par la l o i , et
subsidiairetnent la réformation pour cause de lésion;
E t par jugem ent contradictoire du 2 mai d ern ier, rendu sur les
conclusions de M . le commissaire im p érial, elle a été déboutée de
toutes ses d e m a n d e s, et le tribunal a ordonné que le partage seroit
exécuté selon sa ¿orm e et teneur.
Appel de la dame D echam ps des trois jugemons des i 3 décembre
18 0 6 , a i février et 2 mai 1807.
Scs moyens en cause d ’appel sont les mêmes qu'en cause prin
cip a le; nullité tic la transaction et du partage, lésion résultante do
l’une et de l ’autre.
L a réponse des intimés sc divise en trois paragraphes.
Ils établiront, dans le p rem ier, que la dame D echam ps n ’est ni
rccovable, ni fondée à opposer les prétendues nullités dont clic
cx.cipc.
D an s
�D an s le second, que loin d’être lésée par les bases adoptées dans
la transaction du i 5 avril, et par le partage fait d ’après ces bases,
elle y est avantagée du tout au tout.
D ans le troisièm e, que si les intérêts des mineurs Loisel paroissent avoir été lésés par le traité du i 5 avril , en ce qu’on y a gra
tifié la dame Dechamps et Procule Esmelin au préjudice de la suc
cession m atern elle, ils en ont été amplement dédommagés.
SI".
L a dame Dechamps n’ est ni recevable , ni fondée h opposer les
prétendues nullités dont elle excipe.
T o u te s les nullités qu’invoque la dame Decliamps , contre le
traité et le partage des i 5 et 20 a vril, ont leur source dans de pré
tendus vices de formes.
O r la loi ne connoit point de vices de forme pour les majeurs ,
ils peuvent traiter de leurs intérêts à leur g r é , et leur signature
suffit pour rendre leurs engagemens irréfragables.
Ici, la dame Dechamps a signé les actes des i 5 et 20 avril.
A la vérité elle dit les avoir signés aveuglément, page 4 de son
m ém oire, sans en avoir entendu la lecture , page 14.
Mais elle a signé si peu aveuglém en t, et elle en a si bien entendu
la lecture, qu’elle nous dit elle-m êm e, page i 5 , que de retour dans
ses foyers elle a voulu se mettre en possession des articles attri
bués à son lot.
E t de f a i t , elle s’en est de suite mise en possession, en les affer
m ant par un bail qui est enregistré.
Elle n'a cessé d ’en jouir depuis , sans avoir été troublée par per
sonne ; et dans ce moment elle vient de quitter son ancienne habi
tation , qui appartenoit à ses m ineurs, pour venir habiter dans sa
propre m a ison , qui fait partie de son lot.
A i n s i , non seulement la dame Dechamps a approuvé ce partage
dans les premiers instans; mais elle n ’a cessé de l’approuver de
puis, et de l’exécuter pendant le procès.
C
�E t le fait d ’approbation le plus caractérisé, c’est ce changement
d ’h ab itation , cette translation clans sa propre m a iso n , dans le
m om ent où elle remplit l ’air de ses cris contre ce partage , q u ’elle
dit avoir signé aveuglément, et sans en prendre lecture.
L a circonstance qu ’il y a des mineurs intéressés dans ce par
t a g e , ne change rien à celte première fin de non*recevoir.
L a loi a prescrit des formes pour garantir les mineurs de la
f r a u d e , d e l à facilité ou de l ’insouciance de leurs tuteurs, et de
leur propre inexpérience lorsqu’ils sont émancipés.
M ais ils ont seuls le droi* de se plaindre de la violation de tes
fo r m e s, et il n ’est pas permis aux majeurs d ’en exciper.
C ’est ainsi que le décide l ’article i i 25 du C od e c iv il, qui porte
que u les personnes capables de s’engager , ne peuvent opposer
Vincapacité du mineur , de l’interdit ou de la fem m e m ariée, avec
lesquelles elles ont contracté.
Cette loi doit s ’appliquer avec d ’autant plus de rigueur à l’espèce,
que les parties ont prévu le cas , et en ont fait une clause expresse
de leurs conventions, en stipulant críele partage sera irrévocable
en ce qui concerne chacun des majeurs.
L a loi seroit m uette, que la convention seroit une loi écrite dont
il ne seroit pas permis de s’écarter.
C ’est en .vain que la dame Decham ps prétend excepter de cette
règle générale les partages faits avec des mineurs.
Q uand il seroit dans le texte ou dans l’esprit de la loi d ’excepter
du principe général les partages faits avec des m ineurs, la conven
tion particulière, que le partage dont il s’agit seroit irrévocable,
rn ce'qu i concerne chacun des majeurs, feroit cesser cette excep
tion , parce que la disposition de l ’hom m e fait cesser celle de la
lo i, et que celte convention n ’a rien d ’illicite et de contraire a u x '
bonnes mœurs.
M a is, d ’une par’, ce texte est clair, précis, d ’un n égatif absolu, ne
peuvent, ce qui écarte toute espèce d ’interprétation et d ’exception.
D ’aulre p art, celte loi n ’a fait que consacrer les anciens princi
pes, qui nous sont attestés par L e b r u u , dans son T r a i t é des Suc-
�( '9 )
cessions, liv. 4 , chap. i " , n°2 4 , où, parlan t du partage p rovisionnel,
il dit que le m in e u r a le droit d e s ’y tenir s ’il lui est a v a n t a g e u x ,
ou d ’y reno ncer s ’il n ’y trouve pas son co m p te ; et q ue pour rendre
cette fa c u lté r é c ip r o q u e , il fa u t qualifier le partage de sim ple pro
v i s i o n n e l , et stipuler, p ar u n e clause précise , q u ’il sera p e r m is , tant
a u x m ajeurs q u ’aux m in e u r s , de d e m a n d e r un partage d éfin itif •
« a u tr e m e n t, le m in e u r pourra se tenir au partage , si le bien q ui
» lui a été don né est plus c o m m o d e , et la faculté ne sera pas re-
» ciproque pour les majeurs.
L e m ê m e principe est rappelé par R ousseau de L a c o m b e , au
m o t P a r t a g e , sect.
3 , n* g.
Q u ’auroient donc dit ces auteurs, s i,c o m m e dans l’espèce, ilavoit
été question d ’un partage, non pas simplement provisionnel, mais
définitif; et si , au lieu du silence sur la réciprocité de la faculté
de revenir contre ce partage, il y eût été form ellem ent expliqué
q u ’il seroit irrévocable en ce qui concerne chacun des majeurs ?
M a is dans tout ce q u ’on vien t de d i r e , on a sup p osé, avec la
d a m e D e c h a m p s , que les actes q u ’elle attaqu e sont infectés de tous
les vices q u ’elle le u r sup p ose, résultans d e la violation d e to u le s
les fo rm e s voulues par la l o i , p o u r les transactions et les partages
da n s lesquels des m in e u rs s o n t intéressés ; et 011 a vu que dans c< tte
h yp oth èse elle n ’a pas le droit de les c e n s u r e r , soit parce q u e la loi
lui en interdit la f a c u l t é , soit parce q u ’elle se l ’est interdite ellem ê m e , par une convention fo rm e lle fa ite e n t r ’elle et tous ses c o
héritiers m ajeurs.
M a is cette hyp oth èse est p u r e m e n t gratuite , et toutes les f o r
m es prescrites par les lois pour la garantie des m in e u r s , o n t été
s cru p u leu se m en t observées dans l ’espèce.
O11 ne peut nier que l ’acte d u i 5 avril ne f û t une transaction
telle que la définit l’article 2044 du C o d e civil , « un co n tra t par
» lequel les parties te rm in e n t u n e co n te sta tio n n é e , ou prévien»
nent une contestation à naître. «
11 s’ agissoit déré g le r les d roitsles plus c o m p liq u e s, entre une m u l
titu de d ’héritiers , su r quatorze successions , qui présentoient de&
C
2
�♦x'i<
( 20 )
questions sans n o m b re , qui pouvoient donner lieu à des discussions
interminables.
Q u ’cxigeoit la loi pour rendre valable un pareil acte ? L 'au tori
sation du conseil de fam ille, l ’avis de trois jurisconsultes désignés
par le commissaire du G ou v e rn e m e n t, et l’homologalion du tri
b u n a l, après avoir entendu le commissaire impérial.
O r , on a vu dans le récit des faits, que toutes ces formalités ont
été exactement observées.
A la vérité, la transaction étoit rédigée avant l ’autorisation du
conseil de fa m ille , et la dam e D ecbam ps croit pouvoir y trouver
un prétexte de chicane.
Mais- ce traité, qui pour les majeurs éteit irrévocable en ce
qui conCernoit chacun d ’e u x , n'étoit qu ’un projet pour les m i
neurs , jusqu'à ce qu ’il eût été autorisé par le conseil de fa m ille ,
et par l ’avis des trois jurisconsultes, désignés par le commissaire
du G ou v e rn e m e n t; ce qui étoit prévu par l’acte m ê m e , dans le
quel on lit q u ’il ne sera passe en form e authentique, que lorsque
le sieur Loisel aura rempli pour ses mineurs les formalités pres
crites par la loi , pour en assurer la validité.
N ’est-il pas évident, d ’ailleurs, que le meilleur m o yen d ’éclairer
le conseil de famille et les jurisconsultes qui devoient donner leur
avis, étoit de leur présenter le traité tel qu'il avoit été co n ve n u ,
et q u ’il devoit être exécuté entre toutes les parties, s’il leur paroissoit dans l ’intérêt des mineurs ?
V ainem en t le tuteur auroit rendu compte à la famille assemblée
des projets d ’arrangeinens qui étoient proposés entre tous les cohé
ritiers Esm elin; vainement on auroit fait part d e ce s mêmes projets
aux trois jurisconsultes désignés par le commissaire du G ouverne
m ent pour donner leur avis; rien n ’étoit plus propre à diriger
leur opinion que le traité m ê m e , qui n ’étoil pas encore obligatoire
pour 1rs m in e u r s, et (pii ne pouvoit le devenir que par l'assentiment
de la famille assemblée , et l’avis des jurisconsultes désignés.
C ette circonstance de la préexistence du traité du i 5 a v r il, à
l’assemblée du conseil de famille c l ù l ’avis des jurisconsultes.
�n ’est donc qu’ un m oyen de plus en faveur de ce traité, parce
q u ’il en résulte que, soit l’approbation de la fam ille, soit celle des
jurisconsultes, ont été données en bien plus grande connoissance
de cause que si elles avoient précédé la rédaction de ce traité.
C ’est encore une pointillerie bien m isérable, que la critique que
fait la dame Dechamps des qualités de ce traité, dans lesquelles on
suppose les formalités remplies par le tuteur avec les dates en blanc.
O n l’a déjà d i t , pour les mineurs ce traité n ’étoit qu ’un pro
je t, qui ne devoit être passé en forme authentique et avoir d ’exé
cution qu'autant que le tuteur auroit rempli les formalités néces
saires pour le rendre valable.
Il étoit donc tout simple que les dates des actes qui devoient
constater l’observation des formes prescrites par la loi fussent en
b la n c ; les qualités étoient telles qu’elles devoient être dans l ’acte
authentique; et en passant cet acte authentique, on devoit remplir
les dates du conseil de famille et de l’avis des jurisconsultes.
Q uant au traité secondaire du m êm e jour i 5 avril, il étoit en
tièrement dans l ’intérêt des mineurs L oisel, puisque c ’est ce traité
qui leur assure la succession de René G ib o n , dont ils étoient exclus
par la loi.
Il ne peut donc y avoir ni m o tifs, ni prétexte de le censurer.
. L e partage du 20 avril, qui n’étoit que la conséquence et l’exécu
tion de la transaction, n ’étoit encore qu ’un projet pour les m ineurs,
jusqu’à ce qu’ il devînt obligatoire à leur égard, comme à l'égard
des majeurs, par l’observation des formes.
Elles ont été observées com m e pour la transaction: le conseil de
fam ille, assemblé pour la seconde f o is , l’a autorisé ; les trois ju
risconsultes désignés par le commissaire impérial , consultés de
rechef, l’ont approuvé; le tribunal l’a homologué.
A in s i, indépendamment que la dame Dechamps n ’est pas recevable à critiquer sous le point de vue de l’inobservation des for
m e s, soit ce partage, soit le traité qui l’a précédé, on voit que
sa critique seroit sans fondement, et que le sieur Loisel n’a m an
qué pour ses mineurs à aucune des précautions qu’exigeoit la loi
�«'t • *
C 22 )
pour les garantir de toute surprise , et s’assurer que leurs intérêt«
étoient ménagés jusqu’au scrupule.
§ II.
L a dame D echam ps, loin d ’étre lésée par les bases adoptées
dans la transaction du 1 5 avril, et par le partage fa it d’ après
ces bases, y est avantagée du tout au tout.
Cette proposition pouvoit paroître incertaine à l’époque du traité
du i 5 avril; aujourd’h u i, elle est démontrée mathématiquement.
O n étoit alors dans la confiance que toutes les successions échues
de l ’estoc maternel avant le décès de la dame Esmelin étoient con
fondues dans la communauté.
C e tte confiance étoit fondée sur l’expédition du contrat de m a
riage de 1 7 ^ 6 , dans laquelle on avoit omis d ’ insérer la clause que
chacun des futurs confondroit la somme de 600 liv. pour avoir
droit dans la com m unauté , et que le surplus des biens des fu tu rs,
ainsi que ceux qui leur écherroient par succession ou d o n a tio n ,
leur sortiroienl nature de propre.
C e tte erreur se trouvant rectifiée par une expédition plus exacte,
il est évident que toutes ces successions doivent être prélevées au
profit des héritiers maternels.
Il faut cependant distinguer dans ces successions celles qui sont
échues avant le décès de la darne Esmelin , de celles qui sont échues
depuis.
T o u t ce qui a été touché sur les premières de ces successions par
le sieur Esmelin , doit être prélevé sur la co m m u n auté, qu ’ il faut
considérer com m e interrompue au décès de la dame E sm elin , ar
rivé au mois do novem bre 1 7 8 9 , d'après la faculté q u ’en ont les
intimés et les mineurs Loisel par l’article 370 de la C ou tu m e de
Bourbonnais.
L e s successions échues depuis le décès de la dame E s m e lin , et
tout cc qui a été touché pur le sieur Esmelin sur les .successions
�(
S fo
23 )
antérieures depuis la même époque, doivent être prélevés sur sa
succession et sur ses biens personnels.
A in s i, on doit prélever sur la co m m u n a u té, i° ce que le sieur
Esmelin a louché sur la succession de Jean-Baptistc de
décédé à M oulins en 1764;
Lachaussée,
20 C e qu’il a touché de la succession de Gilbert de L ach aussée,
aussi décédé à Moulins en 1766;
5° L a somme de i 68 , 5o o liv. qu ’il a touchée à compte sur la suc
cession de Jacques de Lachaussée, par le partage provisionnel passé
devant L aro ch e, notaire à P aris, le 29 avril 1788 ;
4° C e qu ’il a dû toucher de la succession de M arie Ç a r jo n n e l,
jjisaïeule des enfans Esmelin , décédée en 1 7 8 8 , l’une des léga
taires universelles de Jacques de Lachaussée, qui avoit aussi touché
1 6 8 ,5oo liv. par le partage provisionnel de 1788.
E t 011 doit prélever sur la masse de sa succession, composée
soit de sa portion de la co m m u n a u té , déduction faite des prélcvemens, soit de ses biens personnels,
i° L a somme de i 88 , 55o liv. 16 s. qu ’il a reçue de la succes
sion du sieur René-B arthélem y Gibon , soit en 1790, soit pendant
les premières années des assignats, ce qui est établi par un état
écrit de sa main , que les intimés rapportent.
2°. C e q u ’il a dû toucher, pour le compte do scs enfans, de la
somme d ’environ 900,000 livres, restée indivise, de la succession
de Jacques de Lachaussée, après ce partage provisionnel ;
5°. C e qu ’il a dû loucher de cette même s o m m e , soit com m e
représentant Elizabeth de Lachaussée , fem m e Laplanche , soit
c o m m e représentant Catherine de Lachaussée, dont il avoit acquis
somme
les droils, qui étoient d ’un cinquième chacune de cette
de 900,000 liv. ; ce q u ’il n ’avoit pu faire que pour le compte de
ses enfans , à raison de l’indivision de ces droits avec eux ;
4“. C e qu ’il a dû toucher de la succession de G ilberl-B arlhélem y
G ibon , aïeul de ses enfans, soit directement, soit par l ’effet dea
cessions de droils de leurs cohéritiers dans cette succession.
On trouvera déjà une masse énorme qui suffiroit pour
la succession du sieur Esmelin.
absorber
�Mais que sera-ce, si on y joint les jouissances ou les intérêts
des capitaux, à com pter du m om ent du décès de la dam e E sm elin,
attendu q u ’aux termes de l’article 174 de la C o u tu m e de Bour
b o n n a is , l’usufruit des pères cesse de plein d ro it, à 14 ans pour
les filles, et à 18 ans pour les m i le s ?
. Si on y joint pour
5o
mille francs de ventes de bois de la com
m u n a u té , faites par le sieur Esm elin, après le décès de sa fe m m e ,
toutes établies par preuves écrites?
Pou r pareille som m e, au m o in s, de dégradations commises dans
les biens d e là co m m u n auté, depuis la mêm e épo que?
Q ue sera-ce e n fin , si on y joint plus de 225,000 l i v . d e d e tte s ,
connues lors du p artage, ou découvertes depuis, que les intimés
ont payées , ou payent journellement pour leur compte et pour
celui de la dam e D e ch a m p s?
N on compris les prétentions de la dame de B a r d , qui ont été
éteintes par le traité du i 5 avril.
N on compris encore les réclamations qui s’élèvent de toutes
parts contre cette succession, qui sont connues de la dam e D e cliamps , et qu ’on se dispensera de relever, dans la crainte de les
accréditer.
Il résulte évidemm ent de ce tableau, q u e , la succession du sieur
Esmelin fût-elle d'un million ( et elle est à peine du tie rs) , elle
seroit insuffisante pour faire face au passif dont elle est grevée.
E t il ne faut pas perdre de vue, d ’une p a rt, que la presque uni
versalité des acquisitions est antérieure au décès de la dame
Esmelin ; ce qui donne aux héritiers maternels droit
h
la moitié
de tous ces biens acquis, sans autres charges que celle de la m oitié
des reprises qui existoient alors.
D ’autre p a r t , q u e sur les 225,000 livres de dettes passives, il
y
en a pour environ 200,000 livres , qui sont du fait seul du sieur
E sm elin , et n ’ont été contractées que depuis le décès de la daine
Esm elin; ce qui les f.iit uniquement frapper sur sa succession.
D ’autre part enfin, que les 267,550 livres de dettes actives dou
teuses, qui forment un des principaux objets de cettle succession,
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ne doivent être comptées que pour le cinq uièm e, au plus, de leur
valeur numérique ; les intimés en offrant l ’abandon à 80 pour
100 de perte.
C ’est vainement que la dame Decham ps croit pouvoir affoiblir ce tableau, en cherchant à tirer avantage du testament de la
darne Esmelin , qui contient, d it-e lle , legs du quart de tous ses
biens, au profit de son mari.
C e testament n ’est pas rapporté, et il y a lieu de croire q u ’il ne
le sera jamais ;
Il est olograph e, et il n ’est pas écrit en entier de la main de la
dame Esmelin ;
C e n ’est pas sans de bonnes raisons qu ’on n’en a parlé que vague
m ent dans le traité du i 5 avril;
C e testament n’est pas d ’ailleurs tel que le suppose la dame
Decham ps ;
Il porte legs de l'u s u f r u i t , ou du quart en propriété, au choix
du sieur Esmelin;
E t le sieur Esmelin seroit censé, par le f a i t , avoir opté l’usu
fruit , puisqu’il n’ a cessé de jouir des biens de ses en fans, jusqu'à
sa m ort. Encore faudroit-il distraire de cette jouissance la succes
sion de René G i b o n , qui n ’est échue à ses enfans qu'après le décès
de leur m ère, et à la qu elle, par co nséqu en t, ce testament ne peut
avoir d ’application.
Il est évident, d ’après ce qu ’on vient de dire, que si par l’effet
de l’anéantissement de la transaction du i 5 a v r i l , que la dame
Dechamps a l’imprudence de solliciter, chacun des cohéritiers
rentre dans son premier état , l’a ctif de la succession du sieur
Esmelin étant plus q u ’absorbé par le p assif, la daine Dechamps
ne p eut, en sa qualité d ’héritière, espérer d ’en retirer une o b o le ?
Il importe peu, d ’après cela, d ’examiner s’il y a , ou non , lésion
dans l ’estimation proportionnelle des biens dont le partage est
composé, comme le prétend la dame Dechamps.
T o u t e f o i s , pour ne rien laisser à désirer sur cette prétendue
lésion secondaire, les intimés rappelleront à la daine D echam ps,
D
�( aG )
que les b ie n s -fo n d s qui composent son lot ont été choisis par
elle ;
Q u ’ils sont pour la plupart mêlés avec ceux de ses m in e u rs, et
par conséquent parfaitement h sa convenance;
Q u ’ils ont été estimés par des experts nommés par e lle , logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
Ils lui diront enfin q u e, malgré la baisse des biens-fonds, sur
venue depuis le partage, ils offrent de prendre pour leur compte
tous ceux qui se trouvent dans son lot, pour le sixième en sus de
l'estimation et du prix pour lequel ils sont entrés dans ce partage.
C ’en est assez, ou plutôt c ’en est trop, sur cette prétendue lésion;
car les intimés n ’ont que trop bien prouvé q u e , loin que la dam e
Decham ps soit lésée et dans les bases et dans les résultats du par
tage du 20 a v r i l , elle a été traitée par ses cohéritiers avec une gé
nérosité sans exemple ; que tout ce q u ’elle t i e n t , tout ce q u ’elle
possède de la succession de son p è r e , elle ne le tient que de leur
libéralité, elle ne le possède que p arle u rs bienfaits.
O n dit que ce fait est trop bien p ro u vé , parce que cette géné
rosité excessive semble nuire aux intérêts des mineurs Loisel.
Cependant on verra bientôt q u ’on leur a rendu toute la justice
q u ’ils pouvoient désirer.
§ III,
R ela tif aux mineurs L oisel.
O n ne peut se dissimuler que plus on a gratifié la dam e D echam ps
et Procule E s m c lin , plus les héritiers maternels ont dû faire de
sacrifices.
Ces sacrifices seroient faciles à justifier pour les mineurs Loisel.
O n pourroil dire que des mineurs ne sont jamais lésés quand ils
marchent sur les traces de leurs cohéritiers m a je u rs, qui ont le
m êm e intérêt q u ’e u x , surtout quand de six cohéritiers cinq sont
m ajeurs, et reconnus pour être parfaitement capables de stipuler
leurs droits et de veiller ù leurs intérêts.
O n pourroil dire enco re, com m e l ’ont fait les trois anciens ju ris
�( »7 )
consultes désignés par M . le commissaire im périal, pour donner
leur avis, que « tous les héritiers avoient le plus grand intérêt
» à ce que le partage n ’éprouvàt pas de retard. T o u s les bâtimens
>> des domaines étoient en ruine. 11 étoit dû des sommes considé» rables , qui exposoient les cohéritiers à des poursuites ruineuses,
» et qui pouvoient absorber une grande partie des biens.
« La minorité des enfans Loisel rendoit ces poursuites pres» qu'inévitables, et chacun des cohéritiers pouvoit se voir expro» prier de ses biens propres, par la circonstance q u ’il se trouvoit
» des mineurs parmi les cohéritiers.
» Il s’élevoit des contestations sur la composition des masses, et
m
la division entre les lignes paternelle et m aternelle........................
» sur les réclamations de plusieurs des héritiers , et il'cto it impos» sible de prévoir la fin de ces discussions, et les suites funestes
» qu ’elles pourroient avoir.
» L a transaction qui termine toutes ces contestations sans fr a is ,
» et dans l’espace de quelques jours qui avoient été employés à la
» préparer, o ffr o it à toutes les parties des avantages qu’on ne sau» roit trop apprécier. »
Mais ce qui tranche toute difficulté , c ’est l ’indemnité que tous
les cohéritiers majeurs ont assurée aux mineurs L o ise l, pour les
désintéresser et consolider leur ouvrage.
Il existoit dans la famille une succession dont les religieuses
étoient exclues par leurs v œ u x , et la mère des mineurs L o is e l,
parce q u ’elle étoit hors des termes de représentation.
C ’éloit celle de René G ib o n , décédé au mois de juillet 1790.
Il a été convenu par les art. 8 et 9 du traité particulier , du i 5
avril 1806, que les mineurs Loisel seroient associés pour un sixième
dans cette succession, et qu’ils commenceroiejit par prélever 5280 fr.
Us ont à partager, entr’autres objets, près de 3ooo francs de rentes
inscrites sur le grand livre, connues sous le nom de tiers consolidé ,
dont la liquidation est terminée depuis le mois de décembre der
nier, et dont la valeur, au cours, approche dans ce m om ent du ni
veau de leur capital.
D 2
�fc..\ <
(
*3 )
Ils onl, par suite de cette association, une portion dans le domaine
de L a r o c h e , provenu de cette m êm e succession.
11 a été en outre arrêté que le sieur Loisel préleveroit sur les pre
miers recouvremens 2000 f r . , pour les frais de l’instance intentée
au nom de ses mineurs au sieur Esmelin ; frais qui eussent été
compensés et perdus pour ses m in e u rs, sans cette convention par
ticulière.
D e sorte que l ’indemnité accordée aux mineurs Loisel, par leurs
cohéritiers m a je u r s , pour les dédommager des sacrifices q u ’ils pou
rvoient faire au bien de la p a ix , par leur acquiescement au traité
du
i 5 a v r il, peut être évaluée à environ
14 à i 5o o o f r . ; tandis
q u e , dans le calcul le plus rigoureux, et en regardant com m e un
bienfait absolu de la part des héritiers maternels les deux lots de
Procule et de G eneviève Esmelin , ce sacrifice ne pouvoit jamais
excéder 10000 f r . , form ant le sixième de Goooo fr.
Q u an t à la prétendue lésion résultante du défaut de proportion
dans l’estimation des biens qui composent leur l o t , comparée aux
lots de leurs cohéritiers, c ’est une inculpation gratuite faite aux
experts , dénuée de vérité com m e de vraisemblance , et qui ne
prouve a u tr e chose , si ce n ’est l’habitude où est la dam e Dechamps
de tout hasarder.
C e seroit une tâche trop pénible et trop dégoûtante, que celle de
relever tous les faits faux et calom nieux dont le mém oire île la dam e
D echam ps est rem p li; il faudroit écrire des volum es, et surcharger
une contestation qui l’est déjà trop par elle-même.
Il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui ont une liaison
immédiate avec les objets en litig e , pour se faire une idée de sa
vé ra cité , de sa bonne J’oi sur tous.
P a r e x em p le, 011 l i t, page i 5, que lorsqu’elle a voulu se mettre
011 possession des objets attribués à son lo t, « ù peine le foin du pré
>♦.lu domaine de Cliirat a-t-il été c o u p é , que René Esmelin l’aîné
* <l D e u x -A igu es sont venus avec une troupe de bouviers s’en einj> parer à force o u verte, en l ’accablant d ’injures et de menaces. »
�( 29 )
Oublions cette prétendue force ouverte employée contre une
femme , ces injures, ces menaces dont elle orne sa narration, pour
en venir au fait.
L e pré dont il s’agit faisoit partie de la réserve de B o u is , qui est
entrée dans le lot du sieur René Esmelin.
C e pré est nom m ém ent compris dans ce lo t, q u i , com m e tous
les autres, a été formé par les experts.
C ’est un fait prouvé par leur rapport, qui sera mis sous les y e u x
de la cour , et qui est de la parfaite connoissance de la dame
Dechamps :
A b uno disce omnes.
« Ses cohéritiers se sont emparés du bois C h a b r o l, q u ’ils font
M exploiter journellement par le sieur Gillot. »
C e bois Chabrol fait partie du lot de la dame Dechamps ; il y
est porté pour i 320 fr.
Mais c’est uniquement le fonds qui lui appartient.
L e s arbres en étoient vendus au sieur G illot, par le sieur E sm elin ,
depuis plus de trois ans avant sa m o r t , à raison de 7 fr. le pied;
ce qui portoit la vente de ce bois Chabrol à 16000 fr.
Pourra-t-on se persuader que ce soit sérieusement que la dame
D e ch a m p s, à qui 011 a donné le bois Chabrol pour i 520 fr. , en
réclame tout à la lois le fonds , qui vaut au moins 2 4 °°
et Ie
bra n lan t, qui avoit été vendu 1G000 i r . , et dont la majeure partie
étoit déjà exploitée lors du partage.
A b uno disce omnes.
« Ils ont poussé l’injustice jusqu’à usurper un autre bois contigu,
» qui appartient particulièrement à ses m ineurs, du chef de M . De» champs , leur père, et que le sieur Gillot exploite aussi. » M êm e
page i 3.
Mais la dame D echam ps nous apprend e l l e - m ê m e q u ’il y a
procès pour les limites de ce bois : il n ’y a donc , jusqu’à la dé
cision , ni injustice , ni usurpation. Sub jitdice lis est.
« (j. Il y a lésion , en ce que Renc E sm e lin , fils a în é , n ’a point
,
�t
(3 ° )
)> rapporté à la masse les terres du B e y r a t , de la Presle, la Sou-
» b r a u t, L a ro c h e , le L o g is , etc. valant plus de 200000 fra n cs, et
» qui ont été achetés et payés sous le nom de ce fils, indûm ent
» avantagé par le sieur Esmelin père. » Page 62.
L e sieur Esmelin a acheté par acte authentique, le 12 février
1792 , étant encore avec son père, un domaine appelé la Soub rau t,
une maison , des vignes, pour la s o m m e , réduite à l’éch elle, de
i 25oo fr.
L a vérité est qup celte som m e a été payée par le sieur Esm elin
père. L e sieur R ené Esmelin en a fait le rapport à la masse lors
tlu partage.
'• .
Si le père avo'it-voulu avantager son fils, d ’une manière indirecte,
de.cette acquisition, rien n ’eût été plus fa c ile ; il suffisoit de lui
donner quittance de ces i 25oo fr. qu ’il avoit payés pour^ui.
Ces fraudes ne sont pas r a r e s , et les tribunaux peuvent diffici
lement les atteindre.
L e sieur René Esmelin s ’est m a r ié , et a quitté la maison pater
nelle le 8 frim aire an
3.
Sa fem m e lui a porté le revenu d ’une dot de
a conservé l'usufruit après son décès.
45 ooo f r . , donl il
II a acquis en l’an g le bien de la P r e s le , par acte au th e n tiq u e ,
au prix de 2 {000 fr. dont 10000 fr. exigibles, et 14000 fr. en rente
viagère, à raison de 1400 fr. par a n ;
il 11’a déboursé pour cet
objet que 10000 f r . , c i .............................................................
10000 fr.
11 a a cq u is, le 2 germ inal an 1 1 , toujours par acte
authentique, le bien du Beyrat, 60000 f r . , dont Soooofr,
en délégations de co n tra ts, et
5oooo fr . en délégations
e x ig ib les, c i ..................................................................................
Soooo
L e 28 prairial an 1 2 , il a acquis e n c o r e , par acte
authentique , la locaterie du L u t ou des Chaises Gooo fr.
e i ........................................................................................................
T o t a l ......................................................
Gooo
/,G o o o fr.
�(
3i
f t ^
)
11 a revendu , par acle authentique, une portion de la locaterie
du L u t au sieur Louis Lurzat 2900 f r . , c i ........................
2900 fr.
Par acte du 21 messidor an i 3 , il a vendu au sieur
Claude Esmelin la maison et le logis situés à B ellen ave,
10000 f r . , c i ................... .......................................................... 10000
11 a revendu en détail le bien de la Presle, par différens actes authentiques, 24000 f r . , c i ............................... 24000
Il a vendu au sieur Gillot le bois delà Soubraut 3o o o f r .,
c i .....................................................................................................
Il a reçu de son père, à compte sur la succession du
3ooo
sieur René G i b o n , 2600 f r . , dont il lui a fourni quit
tance, c i ........................................................................................
T o t a l « . .................................................
A in si la différence est de
2600
42000 fr.
35oo fr.
C e n ’est pas qu’il ne reste au sieur Rend Esmelin quelque for
tune personnelle ; m ais, outre que cette fortune est grevée de
rentes viagères ou constituées, il la doit à l’heureuse circonstance
d ’avoir acheté bon m a r c h é , et d ’avoir revendu cher ;
A l’extinction de quelques viagers;
A une bonne administration ; à de grandes améliorations; à son
industrie.
L oin q u ’il ait puisé pour ces acquisitions dans la bourse de son
p ère, qui é to it, comme on l’a v u , dans un tel état de gêne que
sa liberté étoit compromise à chaque instant par l'échéance des
lettres de changes, le sieur Esmelin p ère , dans un pressant be
soin , avoit to u c h é , peu de temps avant sa m o r t,
6553 liv. prix
d ’une vente de bois qui appartenoit à son fils.
C o m m e ce fait étoit notoire dans la fam ille, il n ’est venu en
idée à aucun de ses cohéritiers de lui contester celle somme de
6553 liv. qui fait partie des dettes passives de la succession.
Il n ’y a pas un fait avancé par la dame D ech am ps, auquel il ne
fû t facile de faire une réponse aussi satisfaisante, si le temps et
la patience pcrmettoicnt de les relever tous.
�II rosie à dire un mot de deux objets dont se plaint la dame
D ech anips, et sur lesquels les intimés sont prêts à lui rendre justice.
L 'u n est rela tif à ses créances contre la succession du père co m
m un , qui dérivent de sa dot moniale et d ’arrérages de pension
q u ’elle prétend ne pas avoir été liquidées exactement.
L es intimés rapportent cette liquidation faite par M . Bergier,
et écrite de sa m a in ; ils sont convaincus que cette liquidation est
exacte. A u surplus , ils offrent de revenir à com pte avec elle sur
cet o b je t, ou devant tel commissaire q u ’il plaira à la C o u r de nom
m e r, ou devant les premiers juges.
L e second est relatif à la somme de
d d i s son lot.
4 i i 5 Iiv. de mobilier porté
E lle prétend que son lot est trop chargé de cette nature de
b ie n s , et en ce la , ses plaintes sont évidemm ent indiscrètes; car il
y a , y compris les rapports, au moins i 5 o,ooo liv. de mobilier
dans la succession , et sa quotité proportionnelle seroit d ’environ
ioo oo liv.
Elle se plaint aussi de n ’avoir pas reçu cette som m e ;
Elle n ’e u 'a reçu en effet q u ’une partie.
U n e autre partie a été payée en son acquit pour dépenses com
munes.
U n e autre partie est encore en n a tu re, n o ta m m e n t les bois de
sciage.
E nfin, il y a un déficit dans le m obilier, à raison des distrac
tions qui en ont été faites en nature ou en deniers, auquel il
doit être pourvu de la manière convenue par le traité particulier
du i 5 avril.
T o u t cela exigeoit des rapprocliemens entre la dam e Decliam ps
et le sieur Uené Esmelin a în é, que les contestations pendantes
entr’rux ont rendus impraticables.
Mais le sieur René Esmelin est toujours prêt à lui rendre justice
sur ce point , qui dépend d'un compte q u ’il offre encore de iaire
(levant tel commissaire qu'il plaira à la cour de n o m m e r , ou de
vant les premiers juges.
E n c o ïc
�S n
i
( 33 )
Encore un m ot :
L e sort de la dame Dechamps est dans l es mains des intimés.
S ’ils acquiescent à ses dem andes, elle est perdue.
S ’ils lui résistent, c ’est par pitié pour e lle , c ’est pour l’arrêter,
la malheureuse, au bord du précipice qu ’elle creuse sous ses pas.
Quant aux mineurs L o i s e l , leurs intérêts sont à couvert.
Ils sont amplement dédommagés dans la succession de René
G ib o n , des sacrifices qu’ ils font au bien de la paix.
D ’ailleurs, les traités et le partage des 1 5 et 20 avril ont eu
l ’assentiment de leur p ère, de leur aïeul m aternel, leur subrogé
tuteu r, de leur famille deux fois assemblée pour en prendre connoissance, des anciens jurisconsultes deux fois désignés par le com
missaire im périal, du commissaire impérial lui-m êm e, enfin des
juges du tribunal d e G a n n a t, q u i , parfaitement instruits des f a it s ,
des circonstances et des localités , se sont empressés de les h om o
loguer et d ’en ordonner l ’exécution.
T a n t d ’autorités réunies n e permettent pas de douter de l'uti
lité, de la sagesse, de la nécessité de ces traités pour les mineurs
com m e pour les m a jeu rs, et les intimés espèrent que la C o u r voudra
bien , en les consacrant par son a r r ê t , m ettre la dam e Decham ps
dans l’impuissance de se nuire à e lle-m ê m e , et de nuire désormais
à sa famille.
Signé
René Esmelin,
G ilbert
Esmelin - D e u x - A i g u es ,
C l a u d e - A m a b l e L a p e l i n , M a r i e - M a g d e l e i n e E s
m e l i n - L a pe l i n , J e a n - F r a n ç o i s L a g a r d e - D e l a v i Qn
L
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len n e , T h e r è s e Esmelin-Lavilenne , M a r ie-Ade-
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veuve D ebar,
B O I R O T , ancien jurisconsulte.
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E sm elin,
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H U G U E T , avoué.
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A C L E R M O N T , de l’imprimerie de L andriot, imprimeur de la Préfecture.
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N . . . Delachaussée.
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Gabriel Delachaussée. *j*
Marie Farjonel,
morte en 1788.
Ont eu n eu f cnüms.
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JNT.
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J. Bapt. Delachaussée,
drapier à M oulins,
mort en 1768.
N . ..
"t
Jacques Delachaussée,
administrateur de
l ’Hôtel-Dieu de Paris,
m ort en 1787.
Gilbert Delachaussée,
négociant à Moulins/
m ort en 1760.
«J*
Louis Esmelin. + +
Thérèse L u cat, *J*
morte après 1756.
Ont eu trois enfans.
Gilbert G ibon, -p
mort en 1792
M arie-Catherine Delachaussée.
§SiH
Réné G ib o n ,
directeur des aides
à ChAteau-Tlnerry,
mort en 1790.
f
a s
j® r
ISS'jï
Marie-Magdeleine Esmelin.
Gilbert Gibon.
M arie-Anne G ib o n ,
morte en 1789.
Etienne Esmelin, *J»
mort en i 8o 5.
Ont eu n e u f enfans.
.VF3
K_►
'X'Xî'«4‘. H
Françoise Esm elin ,
morte en 1
Còme G ibon, vivant.
\
Agnès Esmelin.
N . . . Barathon.
1
Elizabeth Esmelin-Ducluzort,*J*
m orte en 1792.
___________ /V____________
Réné Esmelin.
Gilbert Esmelin-Deux-Aigues.
Thérèse Esmelin.
J. F. Lagarde-Lavilenne,
Marie-Adelaïde Esmelin.
Hugues Debar.
v
—
—
Marie-Magdeleine Esmelin.
Claude-Antoine Lapelin.
>-------
Intimés réunis.
Agnès-Gilberte Barathon.
Jacques-Marie-Pierre LoiseL
j
Procule Esmelin,
religieuse.
Geneviève Esmelin.
Amable Dechamps.
Intimée.
Appelante.
P
'
'
g ra sg b
K o l a . i ° . L e s ig n e -f-{- in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e rte s a v a n t le m a ria g e d ’E tie n n e E s m e l i n , p è re d e s p a r t ie s , e n 17 6 6 .
w
S ° . L e s ig n e •}• in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e r t e s ap rè s c e m a ria g e .
w i] Etienne-Eugène,
Agnès-Gilberte,
------- —
------ ------------------------ h
mineurs représentés par leur père.
S
3 ° . P r o c u le e t G e n e v i è v e E s m e l i n , m o r te s c i v i l e m e n t , e t ra p p e lé e s p a r l a lo i d u
5
b r u m a ir e a n 2 , n ’o n t p art q u ’à l a s u cc e ssio n d ’E t ie n n e E s m e l i n , le u r p è r e ; m a is e lle s o n t p a r t , d e so n c h e f ,
s u r s u c c e s s io n s o u v e r t e s à so n p r o fit.
K
&
^
ÉffiRËI
Intimés.
r ra rp x x cræ rŒ a
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W Ê m I
A R I O M,
\ D e l'im p r im e r ie d e T i i i b
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a n d r i o t
,
im p r im e u r d e la C o u r d ’a p p e l.
rn o cm o m ao y
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Esmelin, René. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Huguet
Subject
The topic of the resource
successions
traités de familles
coutume du Bourbonnais
vie monastique
religieuses
rétroactivité de la loi
émigrés
minorité
négoce avec les Amériques
banques
experts
arbitrages
donations
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour René Esmelin, Gilbert Esmelin-Deux-Aigues, Claude-Amable Lapelin, et Marie-Magdeleine Esmelin, son épouse ; Jean-François Lagarde-Delavilenne, et Thérèse Esmelin, son épouse ; Marie-Adelaïde Esmelin, veuve Debard, intimé ; contre Geneviève Esmelin, veuve d'Amable Dechamps, ex-religieuse, appelante ; en présence de Procule Esmelin, ex-religieuse ; et encore en présence de Jacques-Marie-Pierre Loisel-Guillois, tuteur de ses enfants, héritiers d'Agnès Esmelin, leur aïeule maternelle aussi intimés.
Particularités : notation manuscrite : « 28 mars 1808, 1ére section, adopte les motifs du jugement du 13 octobre 1806, 21 février et 2 mai 1807, confirmé. »
Table Godemel : Transaction : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1764-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
33 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1723
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Clermont-Ferrand (63113)
Chirat-l'Eglise (3077)
Bouis (terre du)
Chirat (domaine de)
Bellenaves (03022)
Beyrat (terre du)
La Presel (terre de)
La Soubraut (terre de)
Laroche (terre de)
Le Logis (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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arbitrages
banques
coutume du Bourbonnais
donations
émigrés
experts
généalogie
minorité
négoce avec les Amériques
religieuses
rétroactivité de la loi
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traités de familles
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53385/BCU_Factums_G2015.pdf
8aef37c30d916dc063ce723739530f8f
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
D ame A nne-É milie D E F É L IX , veuve de Claude-FrançoisLéon d e Simiane, demanderesse en maintenue de saisiearrêt ; appelante;
CONTRE
D
M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , et autres, dem an
deurs en p arta ge et en nullité de saisie-a rrêt, in tim és;
ame
Et contre Sieur J e a N-BAPTISTE D E C H A M P F L O U R ,
et autres, défendeurs au partage intimés ;
,
Et encore contre J a CQUES-MARIE L A V I G N E et JEAN
,
P I R E L , habitans de la ville d’Am bert défendeurs et
intimés.
i
�C O U R D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
de
R I O M.
POUR
AN
D ame A nne - É m il ie D E F É L I X , veuve de Sieur Claude-François
L é on de S im ia n e,
l8 lO .
propriétaire à Collongues, arrondissement
d ’A ix , département des B o u c h e s -d u -R h ô n e , demanderesse en
maintenue de saisie a r r ê t , et appelante
y.
CONTRE
D
am e
M
a r g u e r it e
'
D E CH A R D 0 N , veuve d u S ie u r Jacques-F rançois
de M on ta g n ier , ancien m a g istra t ; C l a u d e - A
D O N ; D em oiselle A
nne
DE
n t o in e - J o s e p h
C H A R D O N , D am e P
D E CHAR
e r r ette
DE
CH A R D O N , veuve d u S ieur V a llette de R o c h e v e rt, tous propriétaires ,
h a b ita n s de la ville de R iom. , se q u a lifia n t héritiers sous bénéfice d ’inventaire
de d êfu n t e D a m e M a rie—Jea nne D e l a i r e . , ancienne relitgieuse , p o u r la ligne
m aternelle , dem andeurs en p a rta g e et en n u llité de saisie-arrêt , in tim és ;
E t contre Dame J e a n n e M a r i e D E CH A M P F L O U R , veuve du Sieur P aulFrançois de Montrozier ; Sieur J e a n - B a p t is t e D E CH A M P F L 0 U R ;
Dame M a r i e -A n n e -Fé l ic it e D E F R Ê D E F O N T , et Sieur Jean-Jacques
de Rochelle, son m ari; Demoiselle G a b r î e l l e D U R A N D - D E - P É R I G N A T , fille majeure; et Dame M a r i e D U R A N D , ancienne religieuse, tous
propriétaires , habitans de la ville de Clermont-Ferrand se qualifiant héritiers
bénéficiaires de ladite Dame religieuse D ELAIRE , pour la ligne paternelle ,
défendeurs au partage , et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés;
E t encore contre Sieur J acq u es -M a r i e L A V I G N E , notaire impérial, et
Sieur J e a n P I R E L , m archand, habitans de la ville d A m ber t , tiers
sa isis, appelés en cause défendeurs et intimés.
,
,
QUESTIONS.
L
e s
lois du
R eligieu x cl R elig ieuses qui par l'effet
5
é tr o a c tif d e s
r
brumaire et du 17 n ivôse un 2 , ont repris les succes-
v
�sions de leurs parcns , qui avaient déjà été appréhendées p a r
des héritiers p lu s éloig n és, ont-ils été soutnis à la restitution ,
après Vabolition de cet effet rétroactif , lorsque les héritiers réta
blis se sont trouvés représentés p a r la n a tio n , comme inscrits
sur la liste des émigrés ?
II. L a nation , dans ce cas p a rticu lier , n ’ est-elle, p a s censée
avoir renoncé à toute recherche , n’avoir point voulu user dubéné fic c des lois du y fru ctid or an 5 et du 5 vendémiaire an 4
enfin avoir consenti tacitement à une compensation dont le
résultat était de laisser aux religieux et religieuses les succes
sions dont on vient de p a r le r , en échange et pour se rédimer
des pensions que la nation s’ élait obligée de leur p a y er ?
III. L e sénatus-consulte du G flo r é a l un 10 , n 'a - t -il rendu
aux émigrés am nistiés ou ci leurs h éritiers , que les biens qui
se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre >
au moment de V a m nistie , et non les biens q u ’ elle n'aurait p as
séquestrés , à cause de la compensation ci-dessus présumée ?
Ces questions se sont élevées à l’occasion d’une saisie-arrêt faite à
la requête de la Dame veuve de S im ia n e , crcaucièle considérable
d ’IIector de Simiane
son cousin , dons les mains des Sieurs Pirel et
L a v ig n e , acquéreurs de maisons et domaines situés à Ambert cl aux
environ s, lesquels Hector de Simiane , depuis mort en élat d’émi
gration, avait valablement recueillis dans la succession de Daine A n ne
Delaire , épouse du Sieur de Clary , décédée lo a8 octobre i y y i }
comme son héritier paternel.
L e Tribunal civil de Clermont-Ï’errand, par jugement c o n t r a d i c
toire du 9 août 180g , a décidé la négative do la première question
et l’atlirmative des deux a u t r e s , et n déclaré nulle lu s a is ie - a r r ê t
de la Dame veuve de S im iane, (pii, convaincue de» erieurs pal
pables que renferme ce ju g e m e n t, et dont ello est v ic t im e , n’a
point hesite û soumettre ces questions a 1 autorité de lu (Tour por
la voie d ’un appel régulier.
�( 5 )
F A I T S .
F ran çois*L ouis-IIector de Simiane , né à Clerm ont-Ferrand le
i . ' r décembre 1 7 1 7 , a quitté son domicile d’origine le 524 août 1787
pour aller demeurer à Avignon , d’où il est sorti le 1 2 janviei 1 7g 1 , à
l ’âge de plus de 75 ans > effrayé des mouvemens impétueux qui
ont agité le ci-devant Comtat avant sa réunion a la p ra n c e , pro
noncée le i 4 septembre de la même année.
C e vie illa rd , après avoir vainement cherché le repos d ’abord à
M enton , dans la ci-devant principauté de M o n aco, fut terminer sa
carrière le 12 prairial an 3 à A s t i , dans la ci-devant principauté
de Montferrat.
Dans l’intervale qui s’est écoulé depuis sa sortie d ’Avignon jus
qu’ à son d é cè s , il importe de remarquer ce qui s’est passé à son
sujet.
L e 28 o c to b re 1 7 9 1 , D a in e A n ne D e la ir e , épouse du Sieur
Charles de Clary , p résid en t en la cour des aides do C le r in o n t ,
décédée sans postérité, avait une s œ u r religieuse qui ne pouvait
dès-lors lui succéder , en sorte que ses héritiers naturels et légi
times étaient le Sieur H ector de Simiane, son co u sin , de l’estoc
paternel , et le Sieur de Chardon , son cousin , de l’estoc maternel,
qu’elle avait de plus institués ses héritiers universels , chacun dans
leur lig n e , par un testament olographe du 20 juin 1 7 8 7 , et un
codicile de la veille de sa m o r t , à la charge d’acquitter 24 o,ooo liv.
de legs, savoir; g 5 ,ooo
H y.
aux hôpitaux d e C le r m o n t e t d’Am bert,
20,000 liv. aux Sieurs de Féligonde et liellègue-Eujens, ses exé
cuteurs testamentaires., et le surplus à divers pareils , ù plusieurs
ecclésiastiques , à ses amis et à diverses c o m m u n a u t é s religieuses.
I.c Sieur Hector de Simiane ayant oppris le décès de la Dame
de C l a r y , appréhenda, lu portion paternelle de sa succession, et en
acquitter les droits , les 18 et ü5 aviil 17»)a , “ ux bureaux do
Clerniont et d’A m b e r t , lieux do la situation des Liens.
A la fin d(. cette même année, le S ieur H e c t o r de Simiane fut
inscrit sur la liste des émigrés duns le département de Vaucluse t
et le iéquebtre national fut apposé sur ses biens d ’Avignofi et sur
�( 6
)
ceux qu’il avait recueillis de la Dame de C lary et qui sont situés
dans le district d ’A m b e r t, département du P uy-de-D ôm e.
L e s choses étaient en cet é t a t , lorsque parut la loi du 5 brumaire
an 2 , dont l’art. 4 appelle les ci-devant religieux et religieuses à
recueillir les successions qui leur sont échues à compter du i 4
juillet 1789. De ce moment et par l’efFet rétroactif de cette l o i ,
la Dame religieuse Delaire se trouva investie de l ’universalité de
la succession de la Dame de Clary sa s œ u r , comme si elle lui eût
succédé immédiatement au 28 octobre 1791 , époque de son décès,
comme plus proche héritière excluant nécessairement ses cousins
de Simiane et de Chardon.
Il n ’y avait plus qu’à faire le ve r le séquestre apposé surles biens
paternels situés dans Je district d’A m b e r t , puisque la loi les avait
fait changer de maître, et c’est aussi ce qui eut lieu, sur la simple
pétition de la religieuse D e la ir e , et sans la moindre difficulté.
V oici l’arrêté de main-levée pure et simple de ce séquestre :
V u le mémoire et les pièces y annexées , le procureur-syndic
entendu, les administrateurs du district d’ Ambert réunis en surveil
lance permanente et tenant séance p ublique, « considérant que le
» séquestre n ’avait été mis sur les biens délaissés par le décès
v d ’Anne Delaire , femme
» S im ia n e , son c o u s in ,
C la r y , que parce que
qui s'en
disait h é r i t ie r ,
le
nommé
est suspecté
» d ’émigration ;
» Considérant que celte An ne Delaire n ’est morte que le 27
>* octobre
1791 , et que par l ’art.
4 du décret du 5 brumairo
» d e r n ie r , les ci-devan t religieux et religieuses sont appelés à
)) recueillir les sucocsMons qui leur sont échues à compter du i 4
» juillet 1789;
)j C o n sid é ran t qu’aux termes de celte l o i , Jeanne D elaire, ci-
)> devant ursuline do Montferrand , est habile à hériter d’Anno
» Delaire , sa
soeur ,
préférablement à Simiane , parent plus
}> éloigné ;
)> Considérant q u e , par les difFercns actes joints au m ém oire, il
» est
établi
que
Jeanne Delaire est
«(rur
germaine
d’Anno
» D elaire, femme C l a r y , et qu’elle a accepté sa succession, »
Accordent à Joanno Delaire la innin-levéc du séquestre mi# suc
�(7)
les biens délaissés par la m ort d’Anne D e laire , sa sœur , dont elle
est héritière , à la charge par elle de payer tous les frais auxquels
le séquestre a donné lie u , suivant le règlement qui en sera lait par
l ’administration. Fait le 8 nivôse , l’an 2 de la république une et
indivisible. Signé P e r r e t , Cisterne , D u rif, Rigodon , Crosmarie.
L a loi du 17 nivôse an 2 vint encoretco n firm er, par ses articles
1 et 5 , les dispositions de la loi du 5 brumaire précédent.
Il paraît q u e , p e n d a n t l’investiture donnee par ces lois à la reli
gieuse Delaire des biens de la Dame de C la r y , sa s œ u r , elle n’a
aliéné qu’une maison sise place du T errail a Clermont. Cette mai
son qui appartenait à l’eitoc paternel, fut vendue par elle-même le
a 5 pluviôse an 5 .
A celte é p o q u e , le Sieur de Shniane était occupé à adresser ses
réclam ations , tant au gouvernement qu’aux autorités locales , sur
l ’injustice qu’on lui avait faite en portant son nom sur la liste des
é m ig ré s, étant sorti d’Avignon avant sa réunion à la F r a n ce , et se
trouvant dans les cas d'exception énoncés aux articles 5 et 8 du litre
prem ier de la loi du a 5 brumaire an 5 , portant révision des lois
précédentes sur les émigrés. Il obtint en effet le 8 ventôse an 5 un
arrêté du comité de législation de la Convention
qui lui accordait
un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation de son nom de
la liste des émigrés
Cependant
et se procurer les pièces nécessaires.
le séquestre
existait toujours sur ses
propriétés
d’Avignon , et il n’avait été levé sur ses propriétés d ’A m b e r t , comme
on l ’a vu , qu’à cause du changement de mains que ces propriétés
avaient éprouve par le rappel de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Danio de C l a r y , sa s œ u r , rappel qui n ’était dû qu’à
l'effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse. C et effet r é t r o a c t i f
avait excité des plaintes universelles, qui furent e n f i n e n t e n d u e s par
la Convention nationale.
Le 5 floréal an 3 , parut la loi qui suspendit toute action intentée
°u procédure commencée à l’occasion de reflet rétroactif de la loi de
nivose; cette loi fit préjuger facilement que cet effet rétroactif 110
tarderait pas à disparaître.
Néanmoins , tel fut le sort d’ H e c to r d e Simianc , qu’il mourut le
l u prairial an S a u r uno terre étrangère , comme il a été déjà d i t ,
�( 8 )
sans avoir pu connaître le résultat de ses réclamations touchant l ’ins
cription de son nom sur la liste des é m ig ré s , ni voir l’abolition
formelle de 1’eflet rétroactif des lois de brumaire et nivôse.
Ses héritiers naturels et légitimes étaient la religieuse D e laire , du
côté m a te rn el, et la famille de la Tour-\ idaud de G r e n o b 'e , du côté
paternel.
A près avoir fait remarquer ce qui s’est passé à l’égard d’IIector de
S im ia n e, depuis s a s o r t i e d’Avignon jusqu’à son d écès, il n’est pas
moins essentiel de remarquer tout ce qui s’est passé depuis sa mort ,
parce que tous ces faits ont un rapport direct à la décision do cette
cause.
Le
fructidor an 5 , la Convention décréta que les lois des 5 bru
maire et 17 nivôse an 2 , concernant les divers mode&de transmission
des biens dans les familles, n ’auraien t d ’eflet q u ’à c o m p te r des
époques de leur p rom u lgatio n .
Cette loi ne fit-elle pas évanouir à l ’instant mêm e le titre que la
loi du 5 brumaire an 2 , par son effet rétroactif
avait conféré à la
religieuse Delaire d ’héritière de la D a m ed e C lary } sa sœ u r, morte
le 28 octobre 17(1! ?
L e s héritiers légitimes delà Dame de Clary , au tems de sa m o r t ,
ne reprirent-ils pas à l’instant mémo leurs titres et leurs droits dont
ils avaient été déchus ? c ’est ce quo nous mirons bientôt à oxaminer.
Duus ce mémo mois de fru ctid o r, les administrations du district
d’Avignon et du département de Y a u clu so ,
reconnaissant que le
Sieur de Simiane était dans les cas d’oxeeptiou portes aux articles
3 et & du titre premier de la loi du a/> bçiimniro an 5 sur les ¿-migré«.,
ordonnèrent que son nom serait rayé' do la lis-ta des uniigrés. Ces
arrêtés de radiation des îa et *j5 fructidor furent sou mis. à la sanction
du gouvernement. Dans l’intervalo , parut la loi du .>veiuluminiro an
4
contenant le m o d e d’exécution de la loi du 9 fruclidor an 3 ,
ubolilive de lcffet rétroactif des lyis de brumaire et nivôse.
l/article premier maintient les ventes et los hypothèques acquises
de bonne foi sur les biens compris dan» Je* dispositions rapportées
par la loi du q fruclidor nn 5 , pourvu qu’elles aient uno date ceiïtuiiic poslénuurt» à lu promulgation.des lois, de beunmiro <?t< nivôso
un i , mujfc uiitérieurc ù lu publication'do la loi. dit 5 lloiiéaliaii .1 , sauf
�( 9 )
le recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues ; mais
toutes aliénations , hypothèques et dispositions desdils biens à titre
onéreux ou g r a tu it, postérieures à la promulgation de ladite loi du
5 floréal dernier , sont nulles.
L ’article 2 ne permet pas aux héritiers rétablis de réclamer les
fruits et intérêts perçus avant In publication de la loi du 5 floréal.
L ’article 5 veut que les héritiers rétablis reçoivent les biens en
l ’état où ils se tro u ve n t, s a u f l’action pour abatis de bois futaie.
L ’article 4 ordonne à ceux qui sont obligés de re stitu er, de tenir
com pte du p rix qu’ils auront retiré de leurs aliénations ou de leur
va le u r, au teins où ils les ont recueillis , s’ils sont autrement sortis
de leurs m a in s, et autorise les personnes rétablies à exercer toutes
actions nécessaires qui appartenaient à ceux qui ont aliéné à titie
onéreux ou gratuit.
L ’article 5 maintient les partages entre la République et les per
sonnes déchues qui étaient ci-devant religieux ou religieuses.
A pres la publication de celte loi , la religieuse Delaire pouvait^
elle se dispenser de restituer tous les biens composant la succession
de la Dame de Clary , sa s œ u r , aux héritiers rétablis ?
A l ’égard du Sieur de Chardon , héritier m a t e r n e l, elle n’a fait
aucune difficulté de lui rendre tous les biens maternels; m ais, à
l ’égard des biens paternels , comme lallation garda le silence , elle
continua sa jouissance.
Cependant , comme le nom du Sieur H ector de Simiane était
toujours sur la liste des é m ig rés, et que le gouvernement n ’avait pas
encore statué sur les arrêtés des 12 e t a 5 fructidor an 5 des adminis
trations de Vnuclusc , qui ordonnaient sa radiation , 011 demunde m ,
d ’après cette loi du 5 vendémiaire an '» , la religieuse Delaire aurait
pu se re fu se ra la restitution d e s biens paternels , si la n o t i o n les eut
réclamés , et eût voulu y apposer le séquestre , com m e représentant
H ector de S im ia n e , encore réputé émigré
, e t q u i était évidemment
1 h é r i t i e r paternel rétabli «le la Dame do Clary.
C ’est oticoro ce qu’il faudra’ examiner.
L e qH nivôse an 5 , lu Directoire e x e cu tif) sur la réclamation du
Sieur I <nlour-Yidatid et de la religieuse Delaire , cohéritiers d’IIector
de S im ia n e, statuant sur les arrêtés du district d’Avignou et du
À
�( 10
)
département de Vniicluse des 12 et i 5 fructidor an 3 , relatifs â
a
radiation du nom d ’IIector de Simiane de la liste des émigrés ,
prit l'arrêté suivant :
« Considérant que Fran çois-L ou is-H eclor de Sim iane, ci-devant
domicilié à A v ig n o n , est parti de cette commune le 12 janvier
» 1791 , époque antérieure à la réunion du ci-devant Comtat à la
» F ran ce , pour aller voyager en pays étranger; que rien 11e cons» taie qu’il ait formé , a v a n t cette é p o q u e , un établissement en
» pays étranger , et qu’il est par conséquent dans l’ exception
v portée par les art. 5 et 8 du titre 1 . " de la loi du 25 brumaire
)> an 3 , après avoir entendu le rapport du ministre de la police
)) générale,
A r r ê t e : i.° que le nom de F ran ço is-L o u is-IIe c to r de Simiane
sera défin itivem en t r a y é de toutes listes des ém igrés où il aurait
p u être inscrit} 2.0 qu ’il sera sursis à toutes ventes de ses biens qui
resteraient sous la main de la nation ; que le séquestre établi sur
ses biens meubles et im m eubles, sera maintenu jusqu’à la paix ,
conformément aux art. 5 et 8 de la loi du 25 brumaire
an 3 ;
5 .® qu’il lui est défendu de rentrer en Franco tdnt que durera
la guerre , ù peine d’être détenu par mesure de sûreté générale
jusqu’à la p a i x , conformément à l’art. 5 de la loi du s 5 brumaire
an 3 .
C et arrêté n ’a - t - i l pas fait cesser la mort
civile d’IIcctor do
Simiane ?
L e séquestre de confiscation qui subsistait encore sur scs biens
d ’Avignon , n ’u-t-il pns été changé en fchnpio séquestre de sûreté
et de conservation ?
Si H ector do Simiano eût encore vécu à celle époque , la reli
gieuse Delaire qui détenait toujours les biens paternels do la Dame
de C la r y , sa s œ u r , dont il était l’héritier r é ta b li, aurait-elle pu
raisonnablement lui en refuser la restitution, sauf à la nation à y
poser le séqueslto do surete et de conservation?
La mort civile d ’Ilecto r do Simiane étant effacée par l’arrêté
du Directoiro o x é cu tif, et sa mort naturelle étant connue et cer
taine» « la date du iu prairial an 3 , ses héritiers personnels, ail
tenu do ta m ort, n ’étaient*!!» pfli censé» avoir recueilli scs bierrs
�(
I I )
d’Avignon et d ’A m b e r t , suivant le mode de succession de la loi
de n ivô se , c ’e s t - à - d i r e , moitié pour la religieuse Delaire , h éri
tière pour la ligne m atern elle, et moitié pour la maison Latour\ i d a u d , héritière pour la ligne paternelle ?
T o u t e s ces questions seront exam inées dans la discussion.
Reprenons le cours des faits.
E n e x é c u tio n de l ’arrêté du D ire c to ir e e x é c u t i f , et le
m id o r an
rent
24 t h e r
5 , la religieuse D elaire et le S ieu r L a l o u r - V i d a u d se f i -
7
O
admettre héritiers
bénéficiaires d’IIector de Simiane
jugement du tribunal civil de Vaucluse
par
séant à Carpentras , à la
charge par eux et suivant leurs offres de faire procéder à l’ inven
taire général des biens meubles et im m e u b le s, titres et papiers ,
et documens dépendans de la succession d’IIector de Simiane de
vant SI.* Chainbaud , notaire à A vign on, commis à cet effet; comme
aussi de faire procéder de suite à la vente des meubles et effets
mobiliers devant le même notaire pour être délivrés aux plus of
frants et derniers enchérisseurs , et le p rix en provenant être retiré
par lesdils h éritiers p o u r Faire fonds dans la masse.
A peine la religieuse Delaire et le Sieur L a to u r-V id a u d avaientils eu le tems de rechercher toutes les pièces relatives à la suc
cession d’Iïe cto r de Simiane , qu’ils furent arrêtés par la publica
tion d ’une loi rendue en haine des émigrés d’Avignon et parti
culière à ce pays.
Cette loi du 22 nivôse an G , porte , nrt. 5 , que les liabitans des
ci-devant comté Venaissin et comtat d ’A v ig n o n , dont la radiation
provisoire ou définitive a eu lieu par l’application de la loi du q
iructidor an 5 ( concernant les émigrés d’Avignon ) , ou des articles
<>.» 7 et 8 de la loi du 25 brumaire an 5 , seront réintégrés sur la
lÎ6te générale des émigrés.
l'iii vertu de cette loi , lo d ir e c te u r des dom aines nationaux do
\ üucluse continua le
séquestre
sur les
p ropriétés d ’ M cctor
de
Simiano à Avignon. A lo rs la religieuse D elaire et l e Sieur L a t o u r -
Viduud p rése n tè re n t à l'adm inistration c e n t r a l e une pétition ten
ant
à
ob tenir la levée do ce nouveau séquestre. Ils d o n n èren t
p o u r motifs q u ’ IIe c to r do Sim iane , étant sorti
Comtat avant leu r réunion à la l'r u n c c ,
d Avignon et du
11e p o u v ait
plus ¿tro
�( 12 )
considéré comme véritable émigré, et que d’ailleurs étant décédé même
avant sa radiation défin itive, la loi du 22 nivôse an 6 ne pouvait
lui être applicable.
Cette pétition resta sans réponse.
A cette même é p o q u e , les légataires d e là D am e de C l a r y , q u i ,
depuis le 28 octobre 1791 , avaient pris p atien ce , se déterminè
rent à demander la délivrance de leurs legs , et s’adressèrent à la
Dam e religieuse Delaire et au Sieur de Chardon , détenteurs des
biens de la Dame de Clary.
L e u r citation est du 29 ventôse an 6 , et elle a été suivie d’ un
procès-verbal de n o n - conciliation , où l’on voit que le Sieur de
C hardon et la religieuse Delaire répondent que , d’après l ’article
4 i du chapitre 12 de la coutume d’A u v e r g n e , la Dame de Clary
n ’avait p u disposer par testam en t que du q u a rt de ses biens de
coutume ; q u ’ e n co n sé q u e n ce ils offraient le quart desdits b ie n s ,
plus la totalité de ceux de droit é c r i t , sous la réserve de la quarte
falcidie. On convint d ’experts pour estimer tous les biens com po
sant la succession de la Dam e de Clary.
L e 1 . " germinal an 7 , les experts affirmèrent leur rapport. L e s
biens paternels de la Dame de C lary y sont estimés 280,000 liv. ,
et les biens maternels 108,700 liv.
L e 6 floréal an 1 0 , vint enfin le sénatus-consulte qui amnistie
les émigrés. L ’article 16 porte que les amnistiés ne p o u rro n t, en
aucun cas , et
sous aucun prétexte , attaquer les
portages de
présucccssions , successions , ou autres arrungemens et actes entre
la République et les particuliers , avant lu présente amnistie.
L ’a rticle 17 rend a u x ém igres leurs biens non vendus.
C e sénntus-consullo n’u point empêché la religieuse Delaire do
v e n d re , le 17 ‘lu même mois, une maison sise à A m b e r t , trois
domaines et un pré de réserve dans les environs do celte v ille ,
aux Sieurs l ’irel et Lavigne , moyennant 93,1(10 liv. , quoique ces
immeubles «lissent
été estimé» par les experts ivq, 100 liv. Sur
quoi il c»L « propos d ’observer que les conseils de la religieuse
Delaire , incertains sur scs droits , et ge
méfiant de l ’a v e n ir ,
�( i 3 )
eurent la prévoyance de reculer de dix ans l’époque du paiement.
L e Sieur L atour-Vidaud et la Dame religieuse Delaire , cohéritiers
bénéficiaires de feu H ector de Sim iane, v o ja n t qu’on n’avait fait
aucune réponse à leur pétition touchant la fausse application que
le directeur des domaines nationaux avait faite de la loi du 522
nivôse an 6 , s’empressèrent de présenter à M. le préfet de V au cluse une autre p é titio n , pour être admis aux déclarations p re s
crites par le sénatus-consulte , et par l’arrelé que ce mêm e préfet
avait pris le i 4 du même mois de floréal ; et ils ne doutaient pas
q u ’on ne l e u r rendît su r-le -ch a m p le petit domaine d e l a ^ r i a d e j
puisqu’il n ’avait pas été vendu.
Mais quel fut leur étonnement , lorsqu’ils apprirent que M . le
préfet se proposait de déclarer cet immeuble définitivement natio
nal , pour l ’afTecter à l’établissement
d ’une pépinière nationale ,
et que ce projet était porté à la décision du conseil général du
département !
Aussitôt le Sieur L alour-V idaud et la religieuse Delaire don
nèrent leurs pouvoirs à M*. l'e rra n d , avoué à G r e n o b l e , pour
réclamer auprès du conseil général ; et le 10 prairial an 1 0 , celuici distribua à chaque membre du conseil une nouvelle pétition
imprimée , tendant à faire rejeter le pio jet qui lui était soumis.
Il e x p o s a , au nom des cohéritiers bénéficiaires de feu H ector de
Simiane , qu’il avait été vendu pour plus de onze cent mille francs
de ses biens ; que c’était par une interprétation erronnée de la loi du
22 nivôse an 6 , que le séquestre avait été maintenu sur son domaine
de la T ria d e ; q u e , considérant même feu I lector de Simiane comme
a m n istié, le sénatus-consulte restituait aux amnistiés leurs biens
non vendus et non ufleclés au service p u b lic , qu’ainsi 011 ne pouvait
les priver de ce polit domaine»
Pendant qu’on attendait le résultat de cette n o u v e lle pétition, la
Dame de F é l i x , veuve du Sieur L éon «le Simiane , qui avait été aussi
inscrite su r in liste des é m ig ré s , m a i s q u i en avait rté éliminée pur
arretù «lu ministre «le la police générale du s messidor an y , prit le
25 prairial an 1 0 , tant au bureau des hypothèques d’A m b c rt qu ’au
�i f H -
'( H )
burenu de C le r m o n t , une inscription pour ¡220,000 liv. sur les biens
de feu H ector de Simiane , son cousin; et le 29 messidor su iva n t,
elle fit une saisie-arrêt entre les mains des Sieurs Lavigne et Pirel ,
débiteurs du p rix de leur acquisition.
L e 9 thermidor s u iv a n t , le conseil d'état donna un avis portant
que les prévenus d ’émigration , non rayés définitivement, dont le
décès avait précédé la publication de l’amnistie , pouvaient être
amnistiés; et qu e, comme l’amnistie avait été accordée principa
lement en faveur des familles des é m ig ré s,
il était conforme
a.
l'e sp rit du sénatus-consulte d ’étendre la grâce aux h é r itie r s, quand
la mort a mis le prévenu hors d ’état d ’en profiter. Cet avis fut
approuvé par le prem ier consul.
De ce m o m e n t r, la religieuse
Delaire et le Sieur L atour-V idaud
D
s ’o c c u p è r e n t d ’ob te n ir un b r e v e t d ’am nistie p o u r feu H e c t o r de
S im ian e , et ils l ’ob tin re n t en effet le 2G frim aire an 11 du G r a n d Juge , m in istre de la justice.
L e 4 germinal suivant, le conseiller d ’état ayant le département
des domaines nationaux , écrivit au Préfet de Vaucluse pour l’inviter
à donner les ordres nécessaires pour que les héritiers d ’IIector de
Simiane rentrent dans la jouissance de ses biens.
L e 29 germinal an 1 1 , M. le Préfet de Vaucluse prit un arrêté
en faveur desdits héritiers bénéficiaires, portant m a i n - le v é e du
séquestre.
L e 11 messidor s u iv a n t , la Dame religieuse Delaire est dccedee ,
laissant pour héritiers paternels la fumille de Champflour , et p our
héritiers maternels la famille de Chardon.
L lle avait alors fait disparaître tons les biens dont. H ector do
Simiane avait hérité d e là Dame d e C l a r y , so ilen vendant les uns ,
soit en cédant les autres aux hospices et aux autres légataires de sa
soeur.
L e 3 floréal nn 12 , le Sieur L a t o u r - V i d a u d , en sa qualité
d'héritier paternel sous bénéfice d ’inventaire d ’IIector de Simiane,
l it procéder à la vente du petit domaine de la Triade prés A v i
gnon , au plus offrant et dernier enchérisseur , d ’autorité de jus
tice et devant
lo
notaire c o m m i s
par le jugement du tribunal
civil do Vaucluse du 3* thermidor an 5 , «prés y avoir uppelô
�( i5 )
les créanciers, ainsi que la Dame religieuse Delaire ou ses repré
sentons / e t ce petit
domaine fut adjugé à la D am e veuve
de
S im iane, moyennant 40,000 liv. , quoiqu'il 11 eut été estimé par la
régie de l’enregistrement l’année précédente que 06,000 livL e 8 février 1808 , Jn Dame veuve de Simiane fit assigner devant
le
tribunal civil
d ’Avignon tous
les héritiers de la religieuse
Delaire , cohéritière bénéficiaire dTIector de Simiane , pour voir
liquider ses créances , et êtfe condamnés à les lui payer.
L e 27 décembre de la même annee , la famille de C h a r d o n ,
héritière maternelle de la religieuse Delaire fit assigner devant le
tribunal civil de Clermont la famille de C lia m p flo u r, héritière
p a te rn e lle , pour venir partager sa succession.
L e 18 janvier
1809 , la famille
de Chardon
fit assigner les
Sieurs Lavigne et Pirel d ’A m bert , devant le tribunal civil de
C le r m o n t , en rapport au partage de la succession de la religieuse
Delaire des sommes par eux dues en capital et intérêts du p rix
de la vente qu’elle leur nvait consentie le 17 floréal an 10.]
L e 8 février suivant, le tribunal de C le r m o n t , sur la déclara
tion des Sieurs Lavigne et Pirel qu’ils étaient prêts à se libérer,
en le faisant dire , avec la Dame veuve
de Simiane , ordonna
qu’elle serait mise en cause à la requête de la partie la plus diligente.
L e 18 du même mois , tous les héritiers de la religieuse Delaire ,
à l’exception du Sieur Gérard de Cliampflour o n c le , passèrent au
greffe d’ Avignon leur répudiation à la succession du Sieur de Sim iane, dont cette religieuse était héritière maternelle bénéficiaire,
mais ils se réservèrent la succession de celte religieuse.
L e 8 mars su iv a n t, le jugement de Clermont qui appelait en causo
la D am e veuve de Simiane , lui fut signifié , à la r e q u ê t e des h éri
tiers maternels de la religieuse Uelairo, avec a s s i g n a t i o n pour voir
«nnuller sa saisie-arrêt.
L e iQ du m ém o m o i s , la D a m e veuve do Simiane
tribunal civil d ’A v ig n o n un ju g em en t
obtint
au
contre le S ie u r ( jç r a r d du
ChumpHour oncle , la dame de S t.-D id ie r , mitre cohéi itie re , qui les
condam na à lui p a y e r
7 francs
55 c e n t i m e s , m on ta n t du ses
créances liquidées , au r a p p o r t de M . Don } j u g c - c o n u n i s s a i r e , c l
�-AW( i6 )
sur les conclusions du ministère public , et qui ordonna plus ample
justification des autres créances réclamées par la Dam e veuve do
Simiane.
Enfin , c ’est d ’après l’apperçu de tous ces faits et la jonction do
toutes les demandes , que le tribunal de C le rm o n t, par jugement du
9 août 1 8 0 9 , a statué sur le mérite de la saisie-arrêt de la Dame
veuve de Sim iane, qui était incidente au partage entre les h éri
tiers de la Dame religieuse Delaire.
V oici le texte du jugement dont est appel :
P o in t de droit. — L es biens situés à A m b e r t , dépendant de la
succession de la Dame de C l a r y , vendus aux Sieurs Lavigne et Pirel
p ar Marie-Jeanne Delaire, ont-ils fait partie, de
ceux remis aux
héritiers du Sieur de Simiane , en conséquence de l’arrêté d’amnistie
du 26 frimaire an 1 1 , ou b ie n avaient-ils appartenu définitivement
à ladite M a rie -J e a n n e D e laire ?
L a Dam e de Simiane peut-elle se prévaloir des lois des g fruc
tidor an 5 et 5 vendémiaire an 4 , relatives au rapport de l’efTet
rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 , pour pré
tendre que lesdits biens étaient de droit restitués par la nation
à la succession dudit de S im ia n e, ou ré su lte -t-il de l’art. 5 de la
loi du 5 vendémiaire et du principe posé en l'art. 2 de celle du
20 mars 1 79 0 , que Jeaune-AÎarie Delaire n’avait jamais perdu la
propriété desdits biens qui lui avaient été délaissés par l ’arrêté
administratif du 8 nivôse an 2 ?
Résulte-t-il des exceptions portées par lesdits deux articles, et
de l’ensemble d’autres lois législatives , quo les ci-devant religieux
et religieuses étaient préférés au fisc ?
Ouïs
les avocats des parties et le procureur impériul en ses
conclusions;
a A t t e n d u , i*n qu H ector de S im ia n e, par son émigration en
y» 1792 et J7<j<ï> avait perdu la propriété des biens qu’il avait
)) recueillis de la succession do la Dame Delaire de Clary , décédée
» en octubro 1791 ;
» Attendu , 2.* qu'en conséquence, lorsque 1’efïct rétroactif delà
» loi du 5 brumaire an a , appela la religieuse Delaire à recueillir
» ces b ien s, qui lui furent remis par arrêté administratif du 8 nivôso
�( 17 ) . .
w an 2 , ce ne fut pas le Sieur de Simiane qui en fut dépouillé,
» puisqu’il l’était d é jà , mais seulement la république qui avait pris
» sa place ;
» A t t e n d u , 5 .“ que le Sieur de Simiane était mort en émigra» tion le 12 prairial an 5 , avant le rapport de 1 effet rétroactif
)) des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2 ; que sa succession
)> était encore celle d’ un émigre , lors de 1 effet rétroactif de ces
» lois par celle du 9 fructidor an 3 et celle du 3 vendémiaire an
)) 4 ; d’où il suit que tous les droits qui en dépendaient, app a rte» naient à la république par droit de confiscation ; que la nation
» ne voulut p a s user de l ’ eJJ'et rétroactif des lois de bruinait c
« et nivôse an 2 à son p r o fit , lorsqu’ il s’ agissait de dépouiller
)) les religieux et religieuses envers lesquels elle s*était redunee
» de la pension q u elle leur f a i s a it , p a r la compensation des
» pensions avec l e s revenus des successions p a r eux recueillies ;
» en conséquence, la nation renonça a la recherche p a r l art.
j
» de la lai du 5 vendémiaire an 4 ;
)) A tte n d u , 4 .° que l’e x -re lig ie u s e D éfaire a conservé en c o n s é )) quence pendant toute sa vie , la libre jouissance, administration
)) et disposition des biens dont il s’agit, et q u ’elle l ’avait spécialement
)) de f a it et de droit , soit lors du sénatus-consulte d ’amnistie du
)> G floréal an 10 , soit lorsque l ’amnistie fut appliquée audit Sieur
» de Sim ia n e en l’an 11 , huit ans après sa m o r t , au profit de ses
» héritiers ;
)> Attendu , 5.° et e n f i n , que dans cet état de c h o s e s , l ’article
» 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés amnistiés que
« ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains de la nation ,
)) il est conséquent que les biens dont il s’agit 11e fussent pointrendu*
)> aux héritiers dudit Sieur Simiane , et qu’il résulte que la saisiel> arrêt, faite par ladite Dam e de Simiane entre
l e s
mains des acqué
» reurs des biens provenus «le la succession de fa Dame de C la r y ,
>’ »itués n A m bert , comme des bipns Sim iane, son débiteur , le 25
» messidor an 10 , est nulle et de nul effet, et q» ainsi les inscriptions
» par clic prises portent à faux ; »
I-c T r i b u n a l déclare l a s a i s i e - a r r e t , faite entre les mains dcsSieurs
P ire l et Lavigno le u5
m e ssid o r
an 10 , ù la requête de la veuve du
&
�( i8 )
S im ia n e , exerçant les droits de la succession d’H ector de Simiane ,
nulle et de nul effet , en fait pleine et entière main-levée aux h éri
tiers bénéficiaires de la religieuse Delaire ; ordonne q u e , sans s’y
a r r ê t e r , P irel et Lavigne videront leurs mains en
celles desdits
h é r itie r s , des sommes dont ils sont débiteurs en capitaux et intérêts j
à quoi f a i r e , ils seront contraints par les voies de contraintes, par
lesquelles ils sont obligés; ce faisant, ils en seront bien et vala
blem ent déchargés ; fait pareillement main-levée auxdits héritiers
des inscriptions prises par la veuve de Sim iane, soit en son n o m ,
soit en exerçant les droits de la succession du Sieur de Simiane au
bureau de la conservation d ’Am bert sur les biens provenus de la
succession de la Daine de C l a r y , qui ont été aliénés par l’ex-religieuse
D e l a i r e , ou qui pourraient exister encore , ordonne qu'elles seront
rayées de tous registres ; fait défenses à la veuve de Simiane d ’eu
requérir de pareilles s et la condamne aux dépens envers toutes le3
parties.
L a Dam e veuve de Simiane a interjete appel de ce jugement en la
C o u r , où elle espère en obtenir l ’entière réforraation.
M O Y E N S .
L ’œ uvre de la justice ne consiste qu’en deux ch oses, la rech er
che de la v é r ité , et la manifestation de la vérité.
L a Dame veuve de Simiane n ’a rien négligé pour faire connaître
à ses juges la vérité. Elle a rassemblé elle-même les faits et le»
pieces qui devaient les écluircr. Loin de se montrer avide du bien
d ’autrui , cllo a eu la générosité do ftiire voir aux magistrats
q u ’elle ne demandait pas , à beaucoup près , tout ce qu’elle avait
droit do demander ; q u ’elle voulait respecter tout ce qui avait
été donné par la religieuse Delaire aux hospices de Clermont et
d ’A m b e r t ,
quoique ces
d o n s - 1« fussent faits à
ses d é p e n s ;
qu’elle ne voulait pas même troubler les acquéreurs , quoique les
aliénations de la religieuse aient été fuites dans un tems où elle
n ’en uvait pas le droit , et quo le prix apparent des ventes soit
t rè s-m é d io c r e , qu’elle voulait bien tenir pour libérés les acqué
reur* qui avaient payé ; qu’enfin elle 110 réclamait , comme cr'¿an-
�( T9 )
cier considérable (PHector de Simiane , son cousin , que le p rix
encore dû des biens qui lui ont appartenu
p rix dont on ne
pouvait la priver , sans une double in ju stic e , puisque non-seule
ment c’est le gage de ses créances , mais encore qu’il faudrait
en déclarer propriétaires , et par suite en enrichir des familles
fort r i c h e s , qui n ’y ont aucun droit.
E n se présentant aussi favorablement, la D am e veuve de Simiane
devait-elle s’attendre que ses juges , au lieu de manifester par
leur jugement
la vérité qui se montrait à eux d ’une
manière
éclatante , chercheraient à l’obscurcir par des raisonnemens
n ’ont pas même le mérite d’être spécieux
qui
et par des systèmes
que les lois réprouvent évidemment ? n o n , sans doute. E t si sa
surprise a été grande , en
se vo yant condamnée en
première
instance , sa conGance en la justice de 6a cause l’accompagnera
toujours devant ses juges su p é rie u rs, car l ’erreur n ’a qu’un te m s ,
tandis que la vérité est immuable.
E x a m in o n s d ’ab ord scru p u le u sem en t les m otifs qui on t d é te r
m in é les p re m ie rs ju g e s à c o n d a m n e r les p réten tion s de la D a m e
ve u v e de Sim iane , et distinguons-y soign eusem en t ce qui y est vrai
d ’avec ce qu ’il y a d 'e r r e u r .
T ouch an t le prem ier m o tif , nous sommes d ’accord de cette
v é r ité , qu’IIector de Sim iane, après avoir recueilli en octobre 1791
les biens paternels de la succession de la Dam e de C l a r y , en perdit
la propriété , par la force de l’art. 1 . " de la loi du 38 mars 1795
qui frappe de mort civile les émigrés et déclare leurs biens con
fisqués ; o r , pour être réputé é m ig ré , il suffisait d ’être inscrit sur
la liste des ém igrés, comme l’a été en eiTet H ector de Simiane.
C e p e n d a n t, dans la ré a lité , quiconque était inscrit sur la liste des
émigrés n’était qu’un prévenu d ’émigration , puisque » il réclamait
en teins utile et parvenait à se fairo rayer , ses propiiélés n avaient
été perdues pour lui que tem p o rairem en t, puisqu il le» recouvrait
alors avec tous nee droit» civils.
T ouchant le second m o tif , nous sommes également d ’accord de
c ette v é r i t é , que lorsque la religieuse D elaire fut appelée û la succes
sion de lu Dame de C l a r y , sa soeur , morte lo 38 octobre 1 7 9 1 , p a r
�( 20 )
reflet rétroactif de la loi du
5 brumaire an a , et lo r s q u e , le 8
nivôse suivant , l’administration (lu district d ’Am bert accorda à
celte religieuse la levée du séquestre qui avait été mis sur les pro
priétés d ’A m b e r t , à cause d’Hector de Simiane qui les possédait
au moment de son inscription sur la liste des émigrés , ce ne fut
pas H ector de Simiane qui en fut dépouillé , mais bien la répu
blique qui avait pris sa place. Cependant on ne peut pas se dis
simuler q u e, tout en dépossédant la ré p u b liq u e , comme'représen*
tant alors H ector de S im ia n e , c ’était bien lui-m ême qui se serait
trouvé dépossédé par le rappel d’ une héritière q u i , quoique plus
proche successible de la défunte que l u i , n ’avait pourtant pas le
droit de succéder en 1 7 9 1.
Jusqu’i c i, nous ne sommes point en opposition d’ opinions ; mais
il n ’en est pas de m ê m e to u ch a n t le troisième m o tif du jugement
dont est a p p e l , qui renferme des principes qui nous paraissent
insoutenables.
O n y dit d ’abord q u ’H ector de Simiane étant mort le 12 prairial
an 5 , avant les lois du 9 fructidor an 3 et 5 vendémiaire an 4 , qui
détruisent l ’eflet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse
an 2 , sa succession était encore celle d ’un émigré , qu’ainsi tous
les droits qui en dépendaient , appartenaient à la république par
droit de confiscation.
Ce n ’est pas là-dessus que nous nous récrierons , car il est encore
vrai que , quoique le comité de législation de la Convention natio
nale eût accordé à Hector de S im ia n e , par son arrêté du 8 ven
tôse an 5 , un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation
de son nom de la liste des
émigrés , et se procurer les pièces
nccessair39, il n ’en mourut pas moins le 12 prairial an 3 , sans
avoir pu encore faire accueillir ses réclamations , et q u ’ainsi la
république Ie représentait encore et pouvait exercer tous ses droits.
.Mais lorsque Ie9 premiers juges ajoutent que la nation ne voulut
p a s user <le l ’f j f ' t rétroactij des lois de brumaire eL nivô.ie an 3 a
son projit , l orsi/u 'il .l'ofjissait
dépouiller les religieux et r e li-
fiicuies envers h-si/uel* elle s'éta it redimée île la pétition <¡11’elle
leur Jais ait , par la compensation des pensions avec les rede
vance* j l c s successions p a r eux recueil lies , et q u ’en conséquence
�( 21 )
la nation renonça « la recherche p a r l ’ article 5 de la loi du o
vendémiaire an 4 ; voilà une doctrine que
nous
tenons pour
fausse.
E n e ffe t , où pourra-t-on trouver dans lés lois un seul mot qui
indique cette prétendue volonté de la Republique de ne point user
de l’effet ré tro actif des lois de brumaire et nivôse an 2 à son profit ,
lorsqu’il s’agissait de reprendre des mains des religieux et religieuses,
les biens qu’ils n ’ avaient recueillis qu’à la faveur de
cet effet
rétroactif?
Dans quelle loi encore trouvera-t-on que la nation ait pensé à faire
des compensations et à se rédimer des pensions qu'elle faisait aux
religieux et religieuses, en leur laissant les successions qu’ils auraient
recueillies par l ’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse ?
E n f i n , par quelle disposition législative la nation a-t-elle renoncé
à toute recherche ?
L ’article 2 de la loi du 20 m ars 1 7 9 0 , in voq u é p a r les p rem iers
. j u g e s , dit que « lorsque les re lig ie u x ne se tro u v ero n t en concours
» qu avec le fisc , ils h é r ile r o n t dans ce cas p ré fc rab le in e n t à lui. u
Quel rapport cet article a -t il avec notre cause ? J 1 ne s’agit pas
ici d’ une succession ouverte depuis le 20 mars 1790 en faveur de la
religieuse Delaire en concours avec le fisc, puisqu’au 28 octobre
1791 , jour du décès de la Dame de C l a r y , sa sœur , H ector de
Simiane et le Sieur de Chardon étaient tout-à-la-fois ses héritiers
naturels et testamentaires.
Il n’y a donc aucune induction ù tirer de celte loi pour appuyer
le système que nous combattons ; c a r , à l ’époque où l ’effet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse a été abrogé par les lois des 9 fructidor
an 5 et 3 vendémiaire an 4 , la religieuse Delaire n’aurait pu se
refuser à restituer ù la nation les biens advenus à Hector de Simiane
cn 17 9 1 > sous le prétexte de la loi du 20 mars 1 790 , et *c regardant
alors en concours avec le fisc; car 011 lui aurait répondu avec avantage
‘ l»’il no n’ngi.iftuit pas d ’une succession ouverte à son profit au mo
ment do l'abolition de l'effet rétroactif et «ù 1®
aurait éle 6cul
en concours avec e l l e , mais qu’il s’agissait au contraire do resti
tuer au fu c un bien confisqué sur Ilc c to r de Sim iane qui l ’avait
recueilli sans difficulté lo 28 octobre 1 7 9 1 , à titre d ’héritier paternel
tout-à-la-fois légitime et testamentaire de la D am e de C l a r y , qu\iin»i
�( 22 )
la Dame religieuse Delaire ne s’étant point trouvée en concours
avec le fisc, l o r s de l’ouverture do la succession de sa s œ u r , ne
pouvait argumenter en aucune manière de l’art. 2 de la loi du 20
mars 179 0 , dont nos prem iers juges ont très - mal à-propos tiré
l ’induction que la religieuse Delaire était devenue propriétaire dos
biens paternels de la Dam e de C lary , sa sœur.
L ’art. 5 de la loi du 5 vendémiaire an 4 , ne contient aucune
renonciation de la part de la nation à la recherche des biens passés
dans les mains des religieux et religieuses à la faveur de l’eflbt
rétroactif des lois de brumaire et nivôse j et c ’est encore très-mal
à-propos que les premiers juges l ’ont ainsi prétendu : cet article
porte que « les partages entre la république
)) déchues qui étaient ci - devant
religieux
et les personnes
ou religieuses, sont
» maintenus. »
L ’esprit de cet article est le même que celui que l’ on retrouve
dans toutes les dispositions de cette loi du 3 vendémiaire an 4 , qu i,
en ordonnant les restitutions au profit des héritiers rétablis, veut
faire respecter tout ce qui a été fait de bonne foi pendant le cours
de l’efTet rétroactif des lois do brumaire et nivôse. Aussi nous ne
ferons point de difficulté de reconnaître et d ’avouer que si la répu
blique avait été en position de faire un partage aveo la religieuse
D e l a i r e , et que ce partage eût été consommé, il serait inattaquable.
Mais est-il vrai qu’il y ait eu partage entre la religieuse Delaire et
la république ? ......... no n ; car la république ni la religieuse Delaire
n ’ont jamais été dans la position de faire un partage.
Si l ’administration eut demandé à la religieuse Delaire la resti
tution des biens passés dans ses mains à la fuvour do l’effet rétroactif
des lois de brumaire et n iv ô s e , cette religieuse aurait été obligée
de los rendre tou s, à 1 exception de ceux aliénés par date certaine
et antérieure à la loi du 5 lloréal an 5 , comme le porte l’art. 1 do
la loi du 5 vendémiaire an 4 , desquels biens aliénés la religieuse
aurait encore c o m p t é le p r i x , aux tonnes de l’art. 4 do cette loi.
Il no pouvait donc y avoir lieu à aucun partage entre la r é p u
blique qui pouvait tout r e p r e n d r e , ot la religieuse Delaire qui no
pouvait rien retenir ; ot de f a it , il n y en a jamais eu aucun
ce qui
démontre quu l’article 5 de la loi du 3 vendémiaire an 4 est sans
application dans la cause.
�( 23 )
Q ue s’il faut dire le véritable m o tif qui a em pêché l ’adminis
tration de faire restituer à la religieuse Delaire les biens donl il
s’agit , en vertu des lois des 9 fructidor an 5 et 5 vendémiaire
an 4 ; c’est qu’ alors on craignait que ces biens , une fois rentrés
dans les mains de la nation, ne fussent ven d u s, au gr/md préju
dice des hospices de Clermont et d ’A m b e r t , auxquels la Daine
de C lary avait fait des legs considérables. L ’intérêt des pauvres fit
garder le silence aux administrations , qui laissèrent la religieuse
Delaire jouir paisiblement , malgré la révocation absolue de son
titre -d’héritière de sa s œ u r , opéree par l’abolition de l ’efTet rétro
a ctif des lois de brumaire et nivôse. M a i s , si le silence des admi
nistrations n ’a rien ôté à cette r e lig ie u se , il n e lui a non plus
rien donné , en sorte que sa jouissance , devenue précaire , ne
pouvait exister que jusqu’à ce qu’on retire de ses mains les biens
dont elle n ’était plus que dépositaire.
Quant aux compensations et rachat des pensions que les p re
miers juges supposent avoir élé consentis entre la nation et les
religieux y c est encore la une idcc cliiinericjuc. Jsnisis la nation
n ’a pensé à se rédimer des pensions qu’elle faisait aux religieux
en leur abandonnant , à titre de compensations , des propriétés
quelconques.
L a nation avait si peu pensé à ce singulier systèm e de com pen
sations , que par l’art. 4 de la loi du 17 nivôse an 2 , elle voulut
que les pensions attribuées aux religieux et religieuses, diminuent
en proportion des revenus qui leur
écherraient par succession ;
et l’art. 5 exige même qu’ils in scrive n t, dans leurs quittances de
pensions, la valeur des successions qu’ils auront recueillies.
Ces dispositions législatives nous font voir que n o n - s e u l e m e n t
la nation 11’a jamais entendu donner aux religieux et religieuses
des propriétés en compensation de leurs p e n s i o n s , m a i s qu elle
voulu même qu’à
proportion
qno les r e l i g i e u x e t religieuses
auraient des revenus par les successions qui leur écherraient posté
rieurement u u x lois des 5 b r u m a i r e e t >7 1,' vo9°
2 , leurs
pensions fussent diminuées d ’autant. Ainsi , jamais on ne nous
lera croire que la nation ait voulu donner cent mille écus de proprié
tés à la religieuse Delaire, en compensation d ’une pension de 700 lir.
�( H )
payable en l ’an 4 avec des assignais ou mandats presque sans valeur.
Il
est donc évident que le troisième m o tif du jugement dont est
a p p e l, repose sur des opinions insoutenables.
A l’égard du quatrième m o tif, comme il n'est que la conséquence
du p ré c é d e n t, il n ’est pas surprenant qu’un faux principe ait donné
lieu à un faux résultat. A u s s i , lorsque les premiers juges ont dit que
l'ex-religieuse D elaire avait conservé toute sa vie la libre dispo
sition des biens dont il s’agit, et qu'elle Vavait spécialement de
f a i t et de d ro it , soit lors du sénatus-consulte d'amnistie du 6 Horéal
an 10 , soit lorsque l’amnistie fut appliquée au Sieur de Simiane après
sa m o r t , au profit de ses h éritie rs, ils ont eux-mêmes déclaré que
c ’était la conséquence du principe posé auparavant, que la nation
n ’avait pas voulu user de l’effet rétroactif des lois de brumaire et
nivôse an 2 à son profit ; or nous croyons avoir d ém on tré suffisam
m ent combien cette idée était chim érique; et dès-lors s'est trouvée
démontrée d ’ avance l’illusion de la conséquence tirée en faveur de la
religieuse Delaire.
C elte conséquence est tellement f a u s s e , qu’en y substituant le
véritable principe puisé
naturellement dans la législation, et sui
vant à chaque pas ses effets, on sera forcé de reconnaître que la
religieuse Delaire n ’a conservé la libre disposition des biens d e là
Dam e de C l a r y , sa soeu r, que depuis son rappel à sa succession
en vertu de l’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôsejusqu’à
la loi du 5 ilorédl an 5 , puisque l’art. i . ' r de la loi du 4 vendé
miaire an 4 , ne maintient que les ventes fuites avec date certaine
antérieurement ù cette loi du 5 tloréal an .1 , et encore sauf le
recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues.
A i n s i , il faut convenir que dès le 5 floréal on 5 , la religieuse
Delaire fut privée du droit de disposer des biens de su sœur ; q u e lle
ne conserva plus que -défait et précairement la jouissance et l'ad
ministration des biens de la Dame de Clary , sa sœ u r; que le droit
do reprendre et do disposer de ces mêmes b ie n s , pour la portion
du Sieur de Sim iane, repasse dans les mains de la nation par l’effet
de la loi du <) fructidor an»), portant abolition de reflet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse an a , tout de nicme que la portion
du Sieur de Chardon retourna en «ou pouvoir ; quo lors de l’urrêté
�( * 5 )
du Directoire e x é cu tif du 28 nivôse an 5 , qui ordonnait la radiation
du Sieur de Simiane de la liste des émigrés , faisait cesser sa mort
civile et se bornait à un séquestre de conservation, le cours ordi
naire et naturel des successions se trouva r é ta b li, de manière à
reconnaître les héritiers légitimes d ’IIector de Simiane , au tems
de sa m o r t , lesquels héritiers étaient la religieuse Delaire , pour
la ligne maternelle, et le Sieur L ato u r-V id a u d , pour la ligne pater
n e lle , qui se firent adm ettre au bénéfice d ’inventaire par ju ge
m ent du 25 therm idor an 5 j que la loi du 22 nivôse an 6 ayant
réintégré H ector de Simiane sur la liste des é m ig ré s, la nation a
encore repris les mêmes droits qu’elle avait avant l’arrêté du D irec
to ire , et que ces droits ont subsisté jusqu’à l’application du séna
tus-consulte d’amnistie en faveur d’IIector de Simiane ou de ses
h é r it ie r s , par arrêté du Grand-Juge du 26 frimaire an 1 1 , qui a
enfin rendu à la religieuse Delaire et au Sieur L a to u r -V id a u d les
droits attachés à leurs qualités d ’héritiers bénéficiaires.
V o ilà vé ritab lem en t les effets q u ’ont p r o d u its to u ch a n t les biens
q u ’I I e c t o r de S im iane avait recueillis de la D a m e de C la r y , soit
les lois con cern a n t
les successions , soit Jes lois
c o n c e r n a n t les
é m igrés , et nous tenons p o u r fa u x tout s y s tè m e co n tra ire.
Quant au 5 .* m otif du jugement dont est a p p e l, où l’on prétend
que l’art. 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés am
nistiés que ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains
do la nation, il est conséquent que ceux dont s’agit ne furent point
rendus à ses h éritiers, et q u ’il en résulte que la saisie-arrêt de la
Daine veuve de Simiane est n u lle , et que ses inscriptions portent à
f a u x , il n'est encore que le résultat du faux principe posé dans le
n io t ii, où les premiers juges ont supposé gratuitement une com
pensation qu’aurait faite la république avec les religieux et reli
gieuses pour se rédim er do leurs pensions , en leur laissant les biens
qu ils auraient recueillis à la faveur do l'effet rétroactif des lois de
brumaire et nivôse an 2 : o r , c o m m o ce principe est insoutenable ,
la consé(ji|t»|,co actuelle tombe avec lui. Il faut ait co,itruire tenir
pour certain que jamais la république n ’a pensé ù faire do pareils
marché*» j qu’elle n ’a jamais renoncé à la recherche des biens que
les religieux et religieuses devaient restituer en vertu do la loi du
3 vendémiaire un <i j que l’art. 5 do ccttu loi qui maintient le*
�4 $ o.
( 2G )
partages entre la république et les religieux et religieuses d é ch u s,
est tout entier dans
l’intérêt de la n a tio n , et ne reçoit aucune
application dans l’espcce , puisqu’ il n ’y a jamais eu matière à partage
entre la république et la religieuse Delaire ; que la levée du séquestre
p ar arrêté de l’administration du district d’ Ambert en date du S nivôse
an 2 , a été nécessitée par le rap p e l de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Dame de C la r y , s a sœur j par l’ellet rétroactif de la loi de
brum aire; que le silence des administrations après l’abolition de cet
effet rétroactif, ne peut en aucune manière être assimilé à une donation
oïl autre arrangem ent présumé fait entre la nation et cette reli
gieuse, qui a bien pu par ce moyen continuer sa jouissance de fa it,
mais non de d ro it , puisque son titre d ’héritière était révoqué ,
que les véritables héritiers étaient rétablis par la loi du 9 fruc
tidor an 3 , q u ' i l e c t o r de S im ia n e était re p ré s e n té par la nation
qui était saisie de tous ses droits , et qu’il en résulte que la Dame
veuve de Simiane a pu prendre inscription sur ses biens d’A m b e rt,
saisir valablement
les deniers provenans des aliénations de ces
b ien s, comme la prem ière et la plus considérable de ses créan
ciers , et que ce n’est que par un système contraire ù la vérité
qu’on lui a fait l ’injustice dont elle se plaint en la Cour.
Cette injustice est d ’autant plus pénible pour l ’appelante , qu’elle
s ’est présentée devant les premiers juges avec des sentimens hono
rables , et qu’ ils n ’ont pas daigné faire attention à plusieurs circons
tances et considérations qui militaient également en sa laveur.
Ne devait-on pas remarquer l’époque de la vente consentie par la
religion* e Delaire aux Sieurs Lavigneet l ’ i r e l , l’éloigncment iiu lermo
du paiement et le long silence des héritiers de cette religieuse ,
qui n ’ont pas même osé toucher les intérêts des acquéreurs ?
C ’est le 17 floréal an l o q u e c.-tte religieuse a fait cette v e n t e ,
c’e s t - à - d ir e , dix jours opiès la date du séiiutus-consulte d’umnistio
des émigrés.
lilla avait évidemment attendu jusqu’à ce m o m e n t, dans la crainte
q u ’en lo faisant plutôt , cela ne donnât l’éveil aux agens de la répu
bliques , et qu’ ils no rétablissent le séquestre et n ’exercent contre
elle les recherches qu’ils avaient le droit do faire depuis la loi du 9
fructidor an 3 , qui avait aboli l’cfTct rétroactif des lois de biun iaiie
et nivôse.
�( 27 )
L e sénatus-consulfe d ’amnistie lui parut d ’un présage favorable.
E lle se hasarda à vendre ; mais n ’étant pas encore bien fixée sur les
effets que ce sénatus-consulte pourrait produire à l’égard des émigrés
décédés , les acquéreurs pensèrent q u e , pour leur sûreté , il fallait
reculer de dix ans le p a ie m e n t, d’autant qu’ils savaient bien que si
l ’amnistie profitait aux héritiers des émigrés décédés , les créanciers
de ceux-ci pouvaient
dem ander
à ces héritiers le paiement de leurs
créances , et attaquer les a c q u é r e u r s qui auraient payé imprudem
m e n t , surtout
d a n s
la circonstance où la religieuse Delaire étant co
héritière bénéficiaire d’Ilecto r de Simiane avec le Sieur L a to u r—
,Vidaud , elle exposait sa vente à être querellée par son cohéritier
p our l’avoir seule consentie.
Cette précaution de la religieuse Delaire et de ses acquéreurs,
annonce qu’ils ont prévu non seulement ce qui arrive aujourd’hui ,
mais encore ce qui pouvait arriver de pluS fort.
Pourquoi d ’ailleurs les héritiers de la religieuse Delaire ont-ils
gardé un si long silence sur la saisie-arrct de la Dame veuve de
Simiane ?
Devait-on regarder indifféremment la circonstance singulière qui
se rencontre i c i , de voir aujourd’hui le Sieur de Chardon soutenir
que les biens d’H ector de Simiane situés à A m b e r t , ont formé le
patrimoine particulier de la religieuse Delaire depuis qu’elle a été
rappelée à la succession de la Dame de C l a r y , sa sœur , par l’effet
rétroactif de la loi de brumaire ; qu’elle en a toujours conservé do
f a i t et de d r o i t } la libre disposition ; qu’enfin , ils font partie do
sa propre succession et non de celle d ’IIector de Simiane , lui Sieur de
Chardon q u i , dans trois occasions solennelles, a prouvé qu ’il pensait
tout le contraire ?
D ’abord après l ’abolition de l’effet rétroactif des lois de brumairo
et nivôse, le Sieur de Chardon s’est fuit restituer par la religieuse
Delaire les biens de l’cstoc maternel de la Daine de Clary , sa s œ u r ,
dont il était héritier en 1791. O r pourquoi 11c veut-il pas reconnaître
que cette religieuse etuit de même soumise ù 1° restitution des biens
de l’estoc paternel, recueillis uussi en «7‘J 1 l>ar H ector de S im iane,
héritier de cette ligne ? c’est parce qu'il voudrait recueillir , c o m m e
héritier de cette religieuse , la portion paternelle des biens do la
jja m e de Clary ; mais comme les moyens qu’il a fait udopter p u ile *
�(
28
)
premiers juges sont illu soires, ses espérances à cet égard se dissi
p ero nt en la Cour.
Com ment encore v i e n t - i l actuellement soutenir que les biens
d ’ Am bert no font pas partie de la succession d H ector do Simiane ,
lorsqu’il a reconnu dans le Sieur L a to u r-V id u u d , héritier benéfi-»
ciairo dudit de Simiane , qualité pour défendre t conjointement avec
lu i, la totalité des biens délaissés par lu Daino de C lu r y , contre les
prétentions d ’une femme romanesque , qui a voulu tout-ù-la-fois
usurper le nom et la fortune du président do Clury et de son epouso ?
11 est ù propos de diro ici un mot do cette affaire , qui est aussi peu»
dante eu lu Cour.
L n l’nn 3 , la femme do Louis M a r l o t , coutelier ù C l c r m o n t ,
attaqua la religieuse Doluiro , alors rappuléo ù la succession de la
Duiuo do Clary , sa tic u r , pour lui dplivrer lo liers do cottc succès**
sion , en conformité do furticle >3 do lu loi du 12 brumaire au 2 , so
prétendant fille adultérine do la Dame de Clary.
Un jugement arbitral du 4 messidor suivant lui permit de prouver
sa possession d ’é t a t , conform ém ent à l’article 8 de la loi précitée.
J)es enquêtes respectives eurent lieu.
L a loi du a 5 nivôse an 3 renroya devant les tribunaux toutes les
questions d ’état.
L a femme Marlct garda lo silence pendant dix ans.
L es 6 et a i messidor an 1 2 , elle assigna en reprise d ’instance lo
Sieur do Chnrdon et le Sieur I«atour* Vidaud.
C c u x - ii n'eurent pas do peine à repousser sa demande.
Lll 18o(> , un jugement contradictoire «lu tribunal civil «le C lerjnont déclara vteiole ctabulic toute la procédure d e là femme M arlet,
com m e faite en exécution de r*-lTet rétroactif de U loi du ia
brumaire an a , touchant une aucc^Mon ouverte en 1 7 9 1 , et cela
d ’après l a i t i c l c
|3 d® 1* loi du .*> vendémiaire an », et la r li c l t
1 . " do U loi du i S l h c r m i d o r su iv a n t, n la condamna aux dt jKçn*.
l ’eu de teint apuft , b femme MarSet fit •**»gu?r U .Sieur de
Clary de Mural , frere de feu le p r o i'l c n t de î. î*»ty , Irt Sieurs
dr ( furdou et I-stour-V i d ¿ u d , lu-ritier* de U I'jimc de C l a r y ,
|*««u *uir «lira «(u'cilo n$îí rcv.mnu» filíe Irgiurac tic* hitar
et
lJ-tuiQ
Irui »
-c
C U r y , c l sn ;«u>ctjuëiuc ïb v o v cc eu
t»
�T
- ,
29 ^
i .e qo août 1808 j mitre jugement contradictoire, q u i , attendu
que la
femme
M arlet
n ’a
ni
titre
ni
possession d ’état
do
lille légitime des Sieur et Dam e de G a r y , décédés ; qu ’elle n ’a
non plus ni commencement de preuvo pnr é c r i t , ni présom ptions,
ni même d ’indices propres à déterminer lu preuve pur témoins
de sa prétenduo filiation, l ’a déclarée non rccevablo duns ses de
mandes , lui fait défense d ’usurper les noms des Sieur et Damo
do C lu r y , et l’u condumnéo aux dépens.
A p p el et assignation donnée en la Cour , n la requêto des mariés
Marlet , tunt au Sieur de Chardon qu’au Sieur L atour-Vidaud.
C e lu i-c i a depuis renoncé à la succession d’ Ilcctor do S im ia n o ;
et comme les héritiers de la religieuse Delnirc , sa
cohéritière
bénéficiaire , ont aussi renoncé', le tribunal civil d’Avignon a nommé
un curateur à cette succession vacante; et le Sieur Latour-Yidnud
lui a dénoncé sa copie d ’acto d ’appel , pour défendre à sa place ;
et n i effet , co curateur l’n substitué.
C e n est pas pour toucher le fouit do 1« cause «le la femme M a rlet,
que nous venons rappeler ce» faits , cnr cette uilàire n’est pas do
nature à donner de l’inqu iétude, et ne mérite pas qu’on s’en occupo
avant l’audience ; mais c ’est ufin de rappeler au Sieur de Chardon
qu'il a reconnu d a m tout le cours des procédures que le Sieur
L utour-V idaud avait été justement appelé par la femme M a r le t ,
pour défendre les bien» de l’estoc paternel de la Dame de C l a r y ,
comme lui Sieur de Chardon avait été aussi appelé pour défendra
les biens de l’estoc maternel.
Que
si le Sieur de C hardon eut p en sé d a m ce toms*lù, com m e
»1 • l ’air d e le faire aujourd'hui , il n ’eùt pas m anqué de repré
senter à la justice que le Sieur Latour* Yidaud n'étant qu héritier
bénéficiaire
d ’H rctor
de S im ia n e ,
n'avait aucune quahté pour
dcTendre le» bien» de la Dam e de Clary »iluc« •« An»b*rt ; qur ces
bien» étant devenu» propriétés de la relifieu *' Dc--*lirtl cr* vertu
•!*
loi du 5 brumaire an 3 , et du «¡Urne* ' l t ' administration»
• p r ç * l'a bolition
i ! c l ’e f f e t r é t r o a ' ù f d e
! c * • 1 * l a i t « u x »eul«
h c n l i f f i ¡II» c r i te r e l i g i c u t e à r e p o w * * * * I** ^ t t j - j u r * d i n ^ r r » c o n t r e
es» tr.ct?* p r o v e n a n t d e >4
■îi- C h a n l u n
ivatrmf®
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en
tfrt-tu lu id
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que !c
q u e «1 l r S » c u r
rt
»
I^itour-
�( 3o )
V idaud se réunisse à lui p our
fe m m e
combattre les prétentions de la
Mariet , qui voulait usurper tout-à la-fois le nom et la
fortune de la Dam e de C l a r y , n ’a -t-il pas bien reconnu lui-même
que cet héritier d ’H ector de Simiane avait qualité et intérêt de
conserver les biens qu’H ector de Simiane avait recueillis à A m b e r t ,
dans la succession de la Dam e de Clary ?
Com ment donc après une reconnaissance si solennelle faite devant
la justice en 1806 et 18 0 8 , le Sieur de Chardon a -t-il pu tenir un
langage si opposé en 1 8 0 9 ? .............. c’est que pour repousser la
femme M a r l e t , le Sieur Latour-Vidaud aide le Sieur de Chardon
à conserver la portion qui lui est advenue dans les biens de la
D am e de C l a r y , tandis que quand il s’agit de laisser au repré
sentant de son c o h é ritie r l’a u tr e p ortio n , il ch an ge vite de sys
tème pour tâcher de l’écarter et la prendre à sa place dans la
succession d e là religieuse Delaire dont il est encore héritier , en
sorte que , par cette subtilité , le Sieur de Chardon arrive à son but,
qui est d’avoir toute la succession de la Dame de Clary.
Cependant il est si vrai que les biens d 'A m b e rt ont toujours
été
considérés publiquement et notoirement
d’IIector de Simiane depuis les lois
comme propriétés
des 9 fructidor an S , et 5
vendémiaire an 4 , que la femme M arlet n’a pas hésité à faire
assigner le
S ieur
L atou r-V idaud et non les héritiers de la religieuse
Delaire , pour les lui contester.
Certainement , la femme M arlet ne demandait rien des biens
p r o p r e s d’JIector de Simiane. E lle ne s’adressait au Sieur L ato u rV id a u d
b i e n s
, héritier du Sieur de Simiane , que pour lui
enlever les
s i t u é s à A m b e r t , qu’IIector de Simiane avait recueillis comme
héritier paternel de la Dame de C la r y , comme elle s’adressait au
S ’ eur de Chardon pour lui abandonner les biens qu’il avait aussi
recueillis c o m m e son héritier maternel. Quoi de plus évident pour
convaincre la C our que le Sieur de Chardon change de principes
et de manière de voir au gré de son intérêt ?
L ’appelante
est
bien
éloignée de ne parler et de n■’agir que sui
vant son intérêt personnel.
E lle consulte avec scrupule les lois ,
pour ne demander à la justice que ce que les lois lui accordent ;
encore est-il fucile de démontrer combien ses demandes sont audessous de ses droits.
�<C
J*'
3i )
P rem ièrem ent , la Dam e veuve de Simianc exerçant les droits
d ’IIector de S im ia n e, son
débiteur, et voulant rigoureusement
ramasser les débri3 de la fortune de celu i-ci, pour se faire p a y e r
ensuite des 4oo,ooo liv. environ qu’il lui doit , pouvait dem a n d e r
aux Sieurs de Féligonde et Bellègue-Bujeas , exécuteurs testamen
taires de la Dame de G a r y , un compte de leur administration depuis
le 28 octobre 1791 jusqu’au mois de décembre 1795 que le séquestre
a été mis sur les biens d’Amberf.
Inutilement le testament de la Dame de C la ry les dispensait de
rendre compte. L a Coutume d’Auvergne ne lui laissait le droit do
disposer que du quart des biens de coutume : donc ils étaient au
moins comptables des trois quarts des biens de l’estoc paternel ; or
les trois quarts de 5280,000 liv. font 225,000 liv. , dont le produit
n ’est point à d é d a ig n e r, puisque dans le courant de plus de deux
ans de jouissance , ils ont dû recevoir environ 20,000 liv. ; cepen
dant la Dame veuve de Simiane n ’a point demandé ce compte.
2.
L a Dam e de Clary ayant légué 24 o,ooo liv. , il y avait lieu à
la réduction de ses legs qui ne pouvaient enlever que les maisons de
C le r m o n t , pays de droil é c r i t , et le quart des biens de coutume ,
ce qui n ’aurait point excédé i 5 o,ooo l i v . , c’e s t - à - d ir e , que la
réduction aurait produit 90,000 liv. en viron , dont 60,000 profite
raient à H ector de Simiane et par conséquent à sa créancière. Cepen
dant la Dame veuve de Simiane n’a point demandé cette réduction ,
et 11’entend jamais retirer des mains des pauvres et des infortunés les
largesses qu’il a plu à la Dame de C lary de leur fa ir e , et à la religieuse
Delaire d’acquitter. Heureuse de s’associer par ses sacrifices à ces
actes de bienfaisance , elle s'en félicite, au lieu de les regretter.
5 .° T ou te la portion des biens de l'estoc paternel de la D am e de
C la r y , advenus au Sieur H ector de Simiane , excédait de 40,000 liv.
tous ses legs. Com m ent la Daine religieuse Delaire les »-t-elle tous
distribués , moins les 9 2,160 liv. encore dues par les Sieurs l i i e l et
Lavigne d’Am bert ? Com ment le Sieur de Chardon qui devait sup
p orter le tiers «le ces legs , puisque sa portion «le 1 estoc maternel est
du tiers <Ie la succession, n ’a-t-il pas c o n t r i b u é en proportion ? Si
les biens d’Iie cto r de Simiane ont tout payé , la Dauie veuve de
Simiane peut donc réclamer de lui cette portion contributive ; cepen
dant elle ne l ’a pas fait. L u i conviçnt'il de vouloir encore souslrtiiro
*
�à la Dam e veuve de Simiane une somme aussi inférieure à ses créances,
que l’est celle due p a r les Sieurs L av ig n e et Pirel d’A m b e r t , pour se
l ’approprier à la faveur d’ un systèm e qui n ’a de fondement que dans
son imagination.
4 .° L a Dame religieuse Delaire ayant vendu le 2 5 pluviôse an 3 ,
une maison sise place du T e rra il à C le r mo n t , laquelle faisait partie
des biens paternels d e la Dame de Clary , sa s œ u r , échus à H e c t o r
de S im ia n e, cette religieuse en devait restituer le p rix , aux termes
de l ’art. 4 de la loi du 3 vendémiaire an 4 : cependant la Dam e de
S i m i a n e n ’a point inquiété les héritiers de cette religieuse à ce s u je t,
quoiqu’ils n ’aient point fait d’inventaire depuis son d é cè s, et qu’on
p û t les convaincre d’avoir fait des actes d ’héritiers purs et simples.
5 .° L a religieuse Delaire n ’ayant eu q u ’une jouissance précaire
des biens d ’H e c t o r de Sim iane depuis la loi du 5 floréal an 3 , elle
était comptable des jouissances, et ses aliénations postérieures étaient
nulles, suivant l’art. 1.er de la loi du 3 vendémiaire an 4. C e p e n
dant non seulement la D a me de Simiane n ’a point inquiété ses
h é r it ie r s , mais n ’a pas mêm e voulu évincer les acquéreurs ni les
donataires , quoiqu’il soit évident que les Sieurs Lavigne et P irel
aient acheté le 17 floréal an 1 0 , m oyenn an t 92,160 liv. des p ro
priétés estimées 129,100 liv.
C e r te s , lorsque la Dam e veuve de Simiane s’est montrée avec
des procédés si généreux et si d élicats, elle devait compter sur
une justice bienveillante, au moins sur une justice exacte. M a is,
puisque le sort en a décidé autrement en prem ière instance, elle
se flatte qu’en la Cour la vérité qu’elle a cherchée de bonne foi sera
manifestée avec assez d’éclat pour la consoler de l ’injustice passagère
qu’elle a éprouvée.
Signé à l ’original sur papier timbré ,
M .e C. L . R O U S S E A U , ancien avocat.
M .e G A R O N , avoué.
A
C L E R M O N T -F E R R A N D
,
Chez J. VEYSSET , Imprimeur-Libraire d u l y c é e , rue de la Treille.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Félix, Anne-Emilie de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rousseau
Garron
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Anne-Emilie de Félix, veuve de sieur Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collonges, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, demanderesse en maintenue de saisie arrêt, et appelante ; contre Dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montagnier, ancien magistrat ; Claude-Antoine-Jospeh de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perrette de Chardon, veuve du sieur vallette de Rochevert, tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, se qualifiant héritiers sous bénéfice d'inventaire de défunte dame Marie-Jeanne Delaire, ancienne religieuse, pour la ligne maternelle, demandeurs en partage et en nuliité de saisie-arrêt, intimés ; et contre dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Frédefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durand-de-Pérignat, fille majeure ; et dame Marie Durand, ancienne religieuse, tous propriétaires, habitans de la ville de Clermont-Ferrand, se qualifiant héritiers bénéficiaires de ladite dame religieuse Delaire, pour la ligne paternelle, défendeurs au partage, et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés ; et encore contre sieur Jacques-Marie Lavigne, notaire impérial, et sieur Jean Pirel, marchand, habitans de la ville d'Ambert, tiers saisis, appelés en cause, défendeurs et intimés.
note manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 300. »
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2015
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2016
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53385/BCU_Factums_G2015.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53350/BCU_Factums_G1823.pdf
da3cf590f9213fb2af3c6fedc6eaabb9
PDF Text
Text
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G E N E ST E et consorts, intim és;
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E
M a r i e D 'A Y M A R D , v e u v e L a c r o i x , e t M ar i a n n e C O U D E R T f e m m e d e Durand
R ie u x , a p p ela n tes.
_
• t
,
* •
LES appelantes sont créancières de la succession, de
M a r i e D u v e l d e M u raillac; mais peuvent-e lles contraindre
les intimés au payem ent de leur créance? T e lle est la question sur laquelle la cour a à prononcer..
F
A
I
T
S
M a rie D u v e l de M uraillac s’est .mariée avec G aspard
Segond. P ar le contrat de m a ria g e, qui remonte a u 5
A
�octobre 1 7 2 0 , elle se constitue tous ses biens. Gaspard
Scgfîûd lui d o nne^ pou r bagues et joyaux une somm e
de 5ôo francs q u i lu i dem eure p ro p re , est—il d i t , dès à
présent.,,-*
D e ce m ariage sont issus deux enfans, M a rie - Jeanne
S e g o n d , et J e a n -J o s e p h .
Gaspard Segond est. décédé en 1 7 3 1 , apx-ès avo ir fait
son testament le 1 1 abût de la m ênie année.
P a r ce testament, il lègu e à ses deu x en fa n s, M a rieJeanne et J ea n -J o sep h , p o u r toute part et portion h é r é
d itaire, s a v o ir, à M a r ie -J e a n n e , i 5oo francs, et à JeanJ o s e p h j iô o ô fraçnçs, .payables à m ariage ou m a jo rité , et
jusque - là la d e m e u r e , nourriture et entretien dans la
maison. Il est ajouté :’ i< E t'b ù led it J ea n -Jo sep h vo u d ro it
p a rv e n ir aux ordres de p rê tris e , le testateur entend qu ’il
soit fourni au x frais d’étude et a u tre s, et q u ’il lui soit
fait un titre clérical suivant les statuts; et au surplus de
ses biens , il nom m e et institue ladite D u v e l de M u ra illa c ,
son é p o u s e , à la charge de rendre l’hérédité à M a rieJeann e S e g o n d , et à son défau t, à Jea n -J o sep h S e g o n d ,
la dispensant de toute confection d’in v e n ta ire , reddition
de c o m p te , voulant que son héritière restituée se contente
de ce qui lui sera remis par l’héritière instituée, sans par
celle-ci, h cette c o n d itio n , p o u v o ir retenir aucune quarte. »
A p r è s son d é c è s , il a été p r o c é d é , nonobstant lu
dispense de confection d’in v e n ta ire , à l’apposition des
scellés et à l’inventairfc.
M a rie -J e a n n e Segond s’est m ariée avec Em eric-Ignace
Geiiestc». Jeiin-Joseph Segond s’est destiné à l ’état ecclé
siastique.
•
) c o
■
'
�(3 )
P a r le contrat de m ariage de M arie-Jd?n ne Second ,
du 5 n o vem bre 1 7 3 7 , M arie D ïiv ç l de M yrp illac lui a
remis d’hérédité de Gaspard Segond ,.^on. p è r e , et l’a
instituée héritière de son ch ef en tous ses . t i e n s , à la
charge dé la légitim e de droit de Jean-Joseph , son frère.
L e s futu rs, par le m êm e con trat, recojîooissent que laditç
M u r a illa c ie u r ai.rem is'tous ^les) oieubles portés en l’in
ventaire fait après le décès' du ;père4 mais par une contrelettré dii même jour i l fut dît jqu’ellfl continueroit de d e
m eu rer en possession dés meubles-, ebjoüiroit de la maison,
grange et jardin:, dépendans de la.jsudiesjion , jusqu’à,
son décès. - 'i. v
¿ri/. ..ùm ¿-¡ü.
/, ayjîüb k‘:>nv 1. -s.>
M a rie -J e a rin e S e g o n d est décédée ïiv.ivrit la in è r e , lais
sant de son m ariage trois enfans dans/le' plus-bas â g e >
M a r g u e r it e , .M arianne, et P ierre *J e à n Genéste. '
E lle a fait aussi un testament. P a r ce testam ent, du
9 février 1 7 4 4 , elle fixe une lég itim e à chacun de ses
enfans, et institue sa m£re son h é r itiè re , à la charge de
rendre l ’hérodité it un de scs enfans, voulant q u ’cllë ne
puisse être recherchée p o u r ra ison dc'Ja gestion e t a d m i
n istra tio n q u 'e lle J è r o it de ses biens. E lle la décharge
également de toute reddition de com pte p o u r raison de
la g e stib n e t a d m in istra tion qu’elle avoitdiiïtç de ses biens
depuis la m o r t ’de Gaspard Segond jusqu’à son m a ria ge,
ratifiant, eu tant que de besoin, >Ia-quittance q u i lu i en
a vo it été faite dans son contrat de m a ria ge, ensemble de
la jouissance q u ’elle avoit faite de la maison j gran ge et
ja rd in , et autres .héritages; a p p ro u v a n t,)e n talit que de
b esoin, le billet par leq u el son m a ri i ù i ç n i a voit laissé la
jouissance.
j
)jj
A 2
�C ' 4 ; )) _
• M a r ie D u v e l de M u ra illa c avoit ach eté, p ar acte dû 7
juillet 1741^ du sieur iM ontesquiou ; de ?Saint - P r o j e t ,•
différentes'rentesr et censives, m oyennant la sommé de
6 12 4 -francs.
‘ E
li
'-I r o
' 0 ‘r: ■'i
1 7 5 6 , elle rev e n d it ces m êm es’ fentes à Joseph
d’A y m a rd et Jean C o t id e r t , auteurs des parties adverses,
m oyennant la>somme‘de 6674 francs, surlaquèlle'som m e
te s ie u r d’A y m a r d so retin t 1celle de 3 2 7 4 l i w e s i ô s o u s ,
d ’une part, et célle;ddIï"iooifraùcs,lü’autrepart,- à lui due
p a r la dame M u ra illa c ; et quant à là somme de 1 7 4 4 livres
18 s. restante, elle fu t!d é lé g u é e presqueræntière à payer
de menues dettes à. divers créanciers; s a v o ir ,
- A - u n B orelle’,* 554^fràncs pmontantodfa.nè. pi’orfiësse
suivie de sentence consulaire ; «r **.’ '‘-««¡'rniiî f •;:> f:
?.
A un sieur Lajunie-, 200 francs^ poui* promesse éga
lement* suivie de sentence;
■!
'
A ' J e a n L a f o n , dom estique, i o a f r a n s ; A Jean L e s c u r e , domestique , i 5o francs ;
1
-t
A ? J o sep h 1 R o u c h i , c o u v r e u r , \ i 5ô fraricsV 1 ''**! ‘
A un n o m m é L a m o u r o u x 200 francs ;
A u n o m m é G r i f u e lh e , 1 5o francs ;
A
;
-j\ '
un m archand de P le a u x , 5o francs;
E n 1 7 6 8 , elle ven dit au sieur C haniegril de la V ig e r ie ,
une maison et jardjm situés à A r g e n t a i , lesquels lui provenoient de la succession de Françoise M u ra illa c , sa tante,
icelle héritière d’autre, Jeanne M uraillac. Cette vente fut
faite m oyennant .la; somme d e ’2800 francs, q u ’elle reçut
c o m p ta n t, ct.qu?elle p ro m it em ployer t\ payer ses dettes
les plus privilégiées;; pi-omessc q u ’efïc n’effectua’point.
O n peut juger par là de sa position, et si elle avo it, com m e
�(5 )
les appelantes le supposent, un portefeuille considérable.
D ’A y m a r d et Coudert ont joui des rentes à eu x vendues,
jusqu’en 1760 (1). O n voit cependant, dans la liquidation
de leur créance à raison de l’ éviction qu ’ils ont ép ro u vée
depuis , q u ’ils ont p orté l ’intérêt du p r ix de la vente
à com pter du jo u r m êm e de la vente.
E n 1 7 6 0 , les biens du sieur M ontesquiou furent saisis
réellem ent au parlem ent de T o u lo u s e ; les rentes furent
comprises dans la saisie réelle.
L e s acquéreurs ainsi évincés exercèrent leurs recours
contre la dame de M u ra illa c , au parlement de T o u lo u s e ,
où la saisie réelle étoit pendante.
. Celle-ci demanda la distraction, mais elle fut d ébou tée
de sa demande.
E lle est décédée le 22 juin 1761 : Jean-Joseph S e g o n d ,
p rêtre , son fils, et les trois enfansde M arie-Jeann e Segond,
lui ont survécu.
D e ces trois enfan s, M a rgu erite Geneste l ’aînée, s’est
mariée avec le sieur F e n o u lh o u x .
M a r ia n n e , avec le sieur Naudet.
Pierre-Jean G eneste, avec Françoise D elzort.
A p rè s le décès de la dame D u v e l de M u ra illa c , E m ericIgnace G e n e ste , tuteur naturel de Pierre-Jean Geneste,
son fils, encore m in e u r , fit ce que sa qualité lui imposoit
de faire.
I l présenta requête au juge des l i e u x , par laquelle il
demanda acte de la,déclaration q u ’ il faisoit p ou r son fils ,
(1) Aveu des parties adverses, consigné dans leur écriture au
parlement de Toulouse, du 25 juillet *786.
•J- Un nctc notarié, du 2 5 juin 1789» tout récemment d écouvert, l ’établit
tncôrc d’ une manière bien plu* positive : il résulte de cet nctc qu’ en l’année
1762, Marie Duvel déposa ès-inains de la communauté des religieuses d’A r
gentai , m eubles, linge et bijoux , pour sûreté d’une somme de aoo liv.
que ladite communauté lui prêta à cette même époque
;
lequel m ob ilier,
hormis les b ijo u x , fu t vendu judiciairement en 1 7 8 a , et le prix en pro
venant partagé entre les créanciers saisissans, au nombre desquels figurent
�'.'v;
( 6 )
q u ’il n’entendoit accepter la succession que sous bénéfice
d ’inven taire; requit le transport du juge et du procu reu r
d ’office, p o u r apposer les scellés et procéder de suite ¿\
l ’inventaire des meubles en é v id e n c e , et demanda , lors
de l ’inventaire qui fut fait, distraction des meubles com pris
en celui fait après le décès de Gaspard S e g o n d , dont la
v e u v e étoit dem eurée en possession, et ne dépendant point
de la succession.
>
L e s scellés ayant été apposés, Emeric.-Ignace Geneste
en p rovoq u a la ré m o tio n , à laquelle il eut soin d’appeler
les prétendant d ro it, Jean-Joseph S e g o n d , fils légitim aire
de la dame D u v e l de M u r a illa c , par exp lo it p articulier,
e t les prétendant droit inconnus, par affiches publiques.
A u c u n des prétendant droit n’ayant c o m p a ru , il fut
d o n n é défaut contre eux. Il fut p rocédé à la rém otion des
scellés et à l’in v e n ta ire ; et de suite à la vérification et
confrontation du p rem ier inventaire.
"Vérification faite, il fu t reconnu que les m archandises
portées en V inventaire f a i t après le d écès de G a sp a rd
Segond m a n q u o ien t, de m êm e qu e les h a b its et nippes du
d é fu n t, les vach es, ju m e n s, p o u lin , et la s e lle , a in s i q u e
les f o i n s et pailles.
O u il se trou vait dans le se co n d in ven ta ire q u a ra n tetro is livres d?étain ,* ta n d is q u e dans le p rem ier i l n ÿ
en a voit qu e q u in z e ,* d eu x s c e a u x de c u iv r e , un c h a u
d r o n , une m arm ite , une b a s s in o ir e , q u a tre draps de
l i t , et q u elq u e linge de table de p lu s ; ce q u i ne p ou vo it
évidem m en t compenser le déficit.
Q u a n t a u x a u tres m eubles e x t a n s , q u ils étoùrnt les
m êm es q u e c e u x portés a u p r em ie r in ven ta ire.
�(7 )
D ’A y m a r d et C oudert no perdirent point de v u e le u r
demande en g a r a n tie .,.
Ils firent assigner en reprise d’instance au parlem ent de
T o u lo u s e , en 1 7 6 4 , tant E ineric - Ignace Geneste p è r e ,
que P ierre -J ea n Geneste son fils, ensemble Jean -Josep h
Segond ; ce dernier com m e héritier également en partie
de la dame D u v e l de M u raillac. Ils firent en mêm e temps
assigner au p arlem ent, en vertu de commission obtenue à
cet effet, les divers particuliers entre les mains desquels ils
avoient fait des saisies arrêts, notamment le sieur C hanteg ril de la V i g e r i e , les dames ursulines d ’A r g e n t a i , la
dame D au zers, abbesse de B r a g e a c , p o u r se v o ir condam
ner à payer et vid e r leurs mains de ce q u ’ils p ou vo ien t
d e v o ir à la succession : par exprès l ’abbesse de Brageac
p o u r remettre le dépôt q u i lui avoit été confié par la dame
D u v e l de M uraillac.
E n m êm e tem ps, le sieur Geneste est p ou rsu ivi à A u rilIac, à P le a u x , p a r le s autres créanciers d e l à succession.
A A uriliac., ù P l e a u x , il oppose la qualité d’héritier
bénéficiaii’e.
U n e sentence d ’A u r i l l a c , du 3 fé v rie r 17 7 0 , ordonne
q u ’ il rendra le, com pte de bénéfice d’ inventaire.
L e com pte est rendu et affirmé.
A u t r e instance à A rgen ta i. L a dame Fonm artin et autres
créanciers hypothécaires font saisir entre les mains du sieur
Chantegril de la V i g e r i e , le p r ix de la maison q u ’il
avoit acquise de la dame de M u ra illa c , com m e n ’ayant
p u payer au préjudice de leu r hypothèque.
E m e r ic - I g n a c e G e n e s te , créancier de la succession,,
tant en son nom q u e com m e tuteur de P ierre -J ea n G e-
�( 8 ) ....................................................
n e ste , son fils, qui par sa qualité d’héritier bénéficiaire
n ’avoit point confondu ses d ro its,-fit aussi saisir.
D ’A y m a r d et Coudert tro u ven t mauvais q u ’il 11’ait
p oint négligé ses droits et ceu x de son pupille.
Il est colloqu é utilement dans la distribution des deniers
p o u r .la som m e de 1 7 4 2 francs.
J e a n -J o se p h S e g o n d , est décédé en 1 7 7 7 .
E n 1 7 7 9 , d ’A y m a rd et C oudert reprennent l ’instance
pendante au parlem ent de T o ulo use.
• R equête de Geneste, du i 5 avril 1780, par laquelle il
déclare q u i l n entend être h é ritie r de so n aïeule.
- E n 1780, nouvelle procédure. Les demoiselles d ’A y m a r d
et C oud ert devenues héritières de leu r p è r e , oubliant
l ’assignation qui avoit été donnée au parlem ent de T o u
lo u s e , à l’pbbesse de B ra g ea c, en remise des pâpîers et
effets qu i lui avoient été confiés p ar la dame D u v e l
de M u r a illa c , la fon t assigner au bailliage d’A u r i lla c
a u x mêmes fins. E lles c o n c lu en t, à défaut de rem ise, à
une somm e de 10000 francs.
L a dame abbesse de Brageac se présente sur cette assigna
t io n ; elle fa it, ou p o u r m ie u x d ir e , on lui fait faire sa
déclaration , par requête du 21 juin 1783. ( E l l e étoit d é
cédée le 1 6 .) O n lu i fait déclarer que la dam e D u v e l de
M u r a illa c lu i f i t rem ettre un -petit sa c cou su de tro is
la c e t s , contenaTit des p a p ie rs, sa n s a u cu n éta t n i m é
m o ir e , et une corbeille de j o n c s , dans laquelle i l y a voit
en viron trente livres cCétain tra v a illé, p o u r les rem ettre
après son décès à J e a n -J o s e p h Segond, so?i fils , q u i étoit
a lo rs à P a r is j qu e la dam e IJ u v el de M u r a illa c , et J e a n J o se p h Sego7îd} so?i J i l s , éta n t décédés, in struite p a r le
b ru it
�'( 9-)
b ru it p u b lic q u 'o n n"’a voit au cu n es nouvelles de cCA y jjia rd et C ou d ert depuis leur, départ j elle a rem is le
dépôt ci E /n eric-lg n a ce G eneste en 177 2 ;• q u ’au surplusla dem ande que d 'A y m a r d et C ou d ert avaient fo r m é e
con tre elle^étoit périm ée. .
' : ¡;r 1
-Ü »
T e lle est sa déclaration.
E n 178 6 , les héritières d ’A ym ard,et Coudert reprennent
leurs poursuites au parlem ent de T o u lo u s e , f y j :;. ? '/l "
Elles demandent exp re ssém e n t, par .requête , à être
admises à p r o u v e r , tant par actes que p ar.téçnoin s, 'que
postérieurement à 1770 P i e r r e - J e a n Geneste ia v o it fait
acte d ’héritier de la damé D u v e l de M u ra illa c , soit
en' possédant des biens de l ’h é r é d it é , soit 'en faisant
des, q u ittances, soit en! vendant-j-partie de ces mêmes
b ien s, soit en faisant des ¡quittances p o u r obligations
concernant ladite hérédité.
’ ..
L e sieur Geneste décède , laissant de son mariage avec
Françoise D e l z o r t , plusieurs enfans> mineurs. Françoise
D e lz o r t est n o m m ée tutrice; R o b e r t Xiablanche et P a r lange sont nom m és successivement subrogés tuteurs.
L es héritières d’A y m a r d et C o u d ert, obstinées à suivre
leur demande , reprennent leurs poursuites tant contre
les enfans de P ierre -Jea n G e n e s t e , en la personne de
leu r tutrice et de leurs subrogés tuteurs , que conti'e
M a rg u erite G e n e s te , fem me F en elh o u x , et son m a ri,
tant com m e héritiers de la dame D u v e l de M u ra illa c ,
que com m e héritiers de l’abbé S e g o n d , icelui héritier
aussi en partie de la dame M uraillac.
Elles con clu en t, par requête du 24 juillet. 1 7 8 6 , « à
« ce q u e , sans s’arrêter à la sentence du bailliage d’A u B
�v*V
( IC> )
« v illn c , du 3 septembre 1770 ( qui avoit déclaré P ie rre « Jean Geneste héritier p urem ent bénéficiaire ) , ni à
« de qui avoit Süiyi j sans s’arrêter également à la requête
« de Pierre-Jean Geneste ( d u i 5 avril 1 7 8 0 ) , les enfans
« G en este, ensemble la dame G eneste, fem m e F e n e lh o u x ,
« et son m a r i, fussent condam nés, com m e héritiers de
« la dame D u v e l et de- J ea n -J o sep h S e g o n d , cohéritier
« de ladite D u v e l , à jpaÿei* leur* entière créance.
E t où la tu trice et'su brog és tu te u ts desdits 1en fan s
« G e n e s te , è t ‘ lesdits F e n e lh o u x ?n a rié s'se r o ien t rece« vables à répu d ier les s u c c e s s io n s , ta n t de ladite D u v e l
« de M u r a illa c , q u e de J e a n - J o s e p h S e g o n d , leu r
a oncle^ J i à
et ^cohéritier de la d ite D u v e t , e t q u ’ils
« les répudient effectiv em en t, ils fussent tenus,* chacun
« en ce q u i les c o n c e r n e ,'ju s q u ’à concurrence de leu r
« c réa n ce, de rendre com pte des meubles et effets de
« la succession, et des sommes q u e ladite D u v e l de
« M u r a illa c
avo it payées en
l’acquit de la succession
« de Gaspard Segond. »
I-
Elles concluent aussi contre la dame de Brageac et
« contre les autres tiers saisis, « à ce q u ’ils soient con
te damnés ;\ remettre tous les objets saisis en leurs mains. »
L a tutrice et subrogé tuteur des enfans Geneste con
clu en t, de leu r c ô t é , à ce q u e , « demeurant les répu« d ia tio n s et déclarations faites par Eineric-Ignace G e « neste, tant devant les juges ordinaires de P l e a u x , au
« présidial d’A u r i l l a c , q u ’en la c o u r, q u ’il 11’avoit accepté
« en qualité de tuteur de son fils, la succession de ladite
« D u v e l de M u raillac que sous bénéfice d ’inventaire, ils
« fusscut
relaxés des fins et conclusions
conlr’cu x prises. »
�( ifï
( II )
E n cet é t a t , arrêt est in te rv e n u , le 3 mars 1 7 8 9 ,
q u ’il est im portant de ra p p o rte r, q u o iq u ’il >le soit dans
le m ém oire des parties adverses.
(;
. ;;
« N otre dite c o u r ..........démet.les Geneste desrdemanr
« des à ce que l’instance soit périm ée. Condam ne ladite
cc D e lz o r t , tutrice, e tP a rla n g e , subrogé tuteur, F en elh o u x
« et M argu erite Geneste m a rié s , eu leur qualité d’h é « ritiers t de J osep h S e g o n d , fils dç laxlîtç D u v e l de
« M û raillac , et oncle maternel dudit P ierre Geneste >
« à payer auxdits d ’A y m a r d et C o u d e rt, à con curren ce
k de la légitim e d u d it J o se p h Segond^ la valeu r des
« rentes vendues à leurs pyres par ladite D u y e l de M il*
« r a illa c , p ar l’acte du 10 janvier. 1 7 5 6 , suivant l ’egti« mation qui sera faitç desdites rentes, de l’autorité de
ce notre c o u r , relativem ent à l’ép oque de l ’év ictio n , par
« e x p e r t s , avec les intérêts légitim es de ladite v a l e u r ,
« q u i seront fixés par les ex p e rts , san s p réju d ice a u x d its
«
cc
«
«
h éritiers de leu r excep tio n de f a i t èt, de d r o it; et
d em eu ra n t la d éclaration f a i t e p a r led it f e u P ie r r e J e a n G eneste , devant les ju g es ord in a ires de P le a u x
q u i l n'a accepté en q u a lité de t u t e u r , la su ccession
« de ladite D u v e l, son aïeule , qu e sou s bénéfice d ’inveii« ta ire ; et recevant la répudiation de ladite s u c c e s sio n ,
« a ordonné et ordonne q u ’à concurrence des sommes
« dues auxdits d’A y m a r d et C o u d e r t , tant en .p rin c ip a l,
.« intérêts que dépens, ladite D e lz o r t ,e t P a rla p g e , seront
.« te n u s, chacun com m e les con cp rp p , de rendre çpnipte
.« auxdits d’ À yin a rd et C oud ert de toug et mj chacun
« les meubles et eilets m obiliers q u ’ils put -reçus ^ pro« venans de la
succession
de ¡ laditç ( P u ^ e l de M u 13 2
�\ «\\V •
( Ï2 )
m
« raillac7,' enseriible des "fruits , intérêts et jouissances
jusqu’à cejotird’h u i t a r i t desdits meubles et effets,
que des autres biens* p a ï - é u x possédés, et dépendant
d e1ladité’sûcce^sion , suîvfint l’état qiië lesdits d’A y m a r d
et C o u d ett en d o n n e r o n t , sauf les impugnations' et
excèptiona!d e 'd ro it';(comriie aussi ordonne qiie lesdits
Pur langé et D élzô rt seront’t e i i ü s e n leurs ditc 3 qualités,
Jdé rünÜrë cofnpte ;de WufésTei: chàcuries les sommes
qtië lesdits d*Aÿm ard ¡61’Coûdertf justifieront1a v o ir'é té
payées par ladite D iiv e l de M u r a illa c , à la décharge
de la succession de Gaspard- S e g o n d , et de les rem boürsei*', -le ca's récliédnt 5-Jét.r déclarant les défauts pris
Contre lesdits GhâritegriT dé la :V i g è r i é , les religieuses
de Saintei-Ursule d’A r g ë n t â l, l’abbesse d u .co u ve n t de
B ra g ea c, et Jean T i l l e t , tous bannitaires', bien' p o u r
suivis et en tretenus, ordonne qu ’ils rem ettront, chacun
en droit soi, nitxdits' d ’ A y m a r d et C o u d e r t , les sommes
eu leurs mains bannies
la requôtc de ces derniers ,
et ce à concurrence des sommes capitales, et que p o u r
le surplus desdits bannissemens ,>lesdits bannitaires en
dem eureront dépositaires jusqu’à l’apurement du com pte
à ren d re ; com m e aussi, dans le cas-que les sommes
qui seront délivrées aüxdits. d ’A y m a r d et C oüd ert ne
seroient pas suffisantes p o u r rem p lir le m ontant des
condamnations pronon'cées'en leur faveur par le présent
a r r ê t , leur perm et de faire saisir, d ’autorité de notre
c o u r , les immeubles et autres -objétÿ q u ’elles d écou
vriro n t Cire dépèiidflris de la succession de lk lite Dtivel.
Su r toutes autres démandes, fins t't conclusions desdites
« parties, lés a irtiÿéÿ'et m et hors de cou r et d e 'p ro c è s.
�( %
( 13 )
« Condam ne lesdils D elzo rt et P a rla n g e , com m e ils p r o « cèd en t, aux dépens de l’instance envers lesdits d’A y m a rd
« et C o u d e r t, taxés à 231 livres 19 sous. »
L ’arrêt condamnoit les héritiers Geneste à rendre
com pte des objets de la succession. Ils satisfont m celte
disposition.
L es parlemens ayant été su pp rim és, ils »présentent
requête au tribunal du district de S a lers, l é ’ 19 janvier
'179 1 , par laquelle: ils demandent; permission de faire
assigner les héritiers d’A y m a r d et C o u d e r t, p o u r v o ir
donner acte de la réitération de leurs offres de rendre le
c o m p te , et cependant q u ’il fût sursis à toutes poursuites
jusqu’après l’apurement.
.
. O rdonnan ce q u i sursoit, i uL m:
. "r
L es héritiers Geneste ont ensuite présenté le compte.
C e com pte est divisé en trois chapitres de l’ecette et
un de dépense.
. Jfi
L e prem ier des trois chapitres de recette est composé
lu i-m ê m e de trois articles.
L e seco n d , com prenant les im m eubles de la succession,
est porté p o u r m ém oire.
L e tro isièm e, p o u r les jouissances des immeubles de
la succession de ladite D u v e l de M u ra illa c , depuis. 1761
jusqu’en 1790 , est com posé d’tin 'feeu'l article'.
L e chapitre u nique de dépense e6t ■'Composé de v in g t
articles.
^
L a recette m onte ù ..............................
i 58 o 1. » s. » d.
L a dépense à ............................ .'-577111. » . 6
Ce qui présente un excédant de lan
'dépense sur la recette d e .
H;. . . .
~~
4 I 9* 1- 57' 9* 6 d.
�( i4 )
L es parties adverses débattent le com pte ; elles fout
sig n ifie r, le 5 n o vem b re 179 1 , une lon gue req u ête ,
contenant les débats du com p te, et tout le plan de leur
défense actuelle.
T
E lles prétendent que' l’article prem ier du chapitre de
recette, p o u r le m o bilier de la dame D u v e l de M u raillac,
d o it être p o r té à 8000 francs au lieu de 100 frâncs ;
Q u e l?article second, p o u r bagues et jo y a u x , doit être
p o rté à 1857 fra n cs, au lieu de 5 oo francs^ à raison de
l ’intérêt ;
Q u e Uarticle trois, p o u r arrérages de ferm e à elle dû s,
* perçus après sa m o r t , doit être p orté à 3000 fra n cs, au
lieu de 400 fra n cs;
.
.!
Q u e l ’article unique du troisième chapitre de recette,
p o u r les jouissances des im m eubles de la succession de
ladite D u v e l depuis 1761 jusqu’en 1 7 9 0 , .doit être p orté
à 9000 fra n c s, au lieu de 530 francs.
* :».
M ais que de plus lu recette doit être augm entée de cinq
articles.
’
.
10. P o u r la somm e touchée p ar le sieur C hantegril de
la V i g e r i e , en vertu de la sentence de p référence d ’A r g e n t a l , 1782 francs.
2 °. P o u r les trois ans de nourriture dûs par l ’abbaye
d*A r g e n t a i , et dont le sieur Geneste avoit donné q u it
tance , 1200 francs.
3°. P o u r la va leu r du dépô t retiré de l’abbessc de Brag e a e , 10000 francs........................
4 0. P o u r d ix-sep t années dç jouissances que ladite
M u raillac avoit eu droit de toucher des biens de sojo m a r i ,
en vertu du testament de M a rie-J ea n n e S e g o u d , de 1 7 4 4 ,
�( 15 \
'
et dont le sieur Geneste s’ étoit e m p a ré , 34000 francs.
5 °. P o u r la quarte trébellianique q u ’elle avoit eu droit
de retenir sur ladite succession, d ’après ledit testament,
50000 francs.
E lles critiquent presque tous les articles de la dépense.
R ap p elant les dispositions de l ’arrêt qui condamne les
sieurs Geneste à payer le m ontant de la créa n ce, ju s q u 'à
con cu rren ce de la légitim e de F a bbé S eg o n d , elles de
mandent que les sieurs Geneste soient tenus de faire
Compte de la légitim e paternelle de l ’abbé Segond ; elles
fixent cette légitim e, p o u r le sixièm e qui lui revenoit dans
les biens tant meubles q u ’im meubles du p ère; à 1333 3K V .
6 sous 8 deniers; à qu oi elles disent qu ’il faut ajouter les
intérêts, à com pter au m oins dépuis le m ariage du sieur
r -
Geneste, du 5 n o vem bre 1 7 3 7 , m ontant à 30000 francs.
T o t a l , 43333 liv . 6 sous 8 deniers.
1 Si m ie u x on n’a im e , à dire d’experts.
‘
E t com m e cette légitim e excède de beaucoup leur
créance , elles dem andent qu e sans entrer dans les débats
du c o m p t e , les sieurs Geneste soient condam nés person
nellem ent et indéfiniment à p ayer leur créance.
E lles soutiennent q u ’ils doivent encore être condamnés
personnellem ent et indéfinim ent, com m e E m eric-Ignace
G eneste, leu r a ie u l, des faits duquel ils sont tenus, ayant
r e t i r é , sans com pte ni m esu re, le dépôt fait entre les
mains de l’abbesse de B rageac, quoique plus haut elles ne
p orten t la va leu r du dépôt q u ’à 10000 francs.
T e l est le système q u ’elles ont élevé par cette re q u ê te ,
et qu ’elles soutiennent aujourd’hui.
R eq u ête des sieurs G en este, en réponse, du 16 mars
1792.
�(i 6 )
A u t r e requête de M a rie d ’A y ra a rd et M a ria n n e C o u d e rt,
par laquelle elles demandent q u ’attendu que les héritiers
Geneste n ’ont pas contesté la fixation de la légitim e pa
ternelle de l ’abbé S e g o n d , par elle faites, ladite .fixation
demeure défin itive; et attendu que la légitim e ainsi fixée
excède de beaucoup leur créance, attendu d’ailleurs l’aveu
fait par les héritiers G eneste, dans leu r requpte du 1 6 mars
1 792, dont elles demandent acte, qu’Emeric-Ignace Geneste
a r e tiré , sans com pte ni m esure, le dépôt fait entre les
inains de l ’abbesse'de B ra g e a c , ils.fussent condamnés à
payer indéfiniment leur entière créan ce; subsidiairement
q u ’il fût p rocédé par experts à la fixation de la lég itim e,
et fait droit sur les)déjjats,du compte.
■
.
-
,x ,
Su rvient la suppression des tribunaux de district.; L ’ins
tance est portée au tribunal ci^il de S a in t -F lo u r , ù la d il^
gence des demoiselles d’A y m a r d et Coudert.
Les Geneste étoientloin de v o u lo ir retarder le jugem ent
do la contestation; ils obtiennent e u x -m ê m e s , le 14 p lu -
viôse an 5 , un jugem ent par défaut.,
1
L e s demoiselles d ’A y m a r d et C o ud ert y form ent o pp o
sition.
E n fin , le 13 therm idor de la m êm e an née, intervient
jugem ent sur délibéré , qui reçoit lesdites d’A y m a r d et
C oud ert opposantes à l ’exécution du jugem ent par défaut.
« Faisant droit sur l ’opposition, déclare ledit jugem ent
« n u l et de n u l effet ; au p r in c ip a l, déclare lesdites d’A y « m ard et C oudert non recevables dans leur demande
« h ce que les D elzo rt et P a rla n g e, tuteurs des mineurs
« G eneste, N audct et sa fem m e , fussent condamnés per« soimelleinent au payement de leu r créance, sauf aux
« d ’A y m a rd
�¿¿£3
( 17 )
« d’A y m a rd et Coudert à prendre com m unication de l’état
« des pièces et actes déposés par M a rie D u v e l ès-mains
« de l’abbesse de B rageac, et prendre à cet égard telles
« conclusions qu’ils aviseront. O rdonne que la condam« nation p rononcée par l ’arrêt du ci-devan t parlement
« de T o u lo u s e , du 9 mars 1 7 8 9 , contre lesdits D e lz o rt
« et ParJange, auxdits noms de tuteurs, en payement de
«
«
«
«
«
la légitim e de Jean-Josepli S e g o n d , n’a dû ni pu porter
que sur la légitim e m aternelle, et nullem ent sur la
légitim e patern elle; en co n séq u en ce, ordonne que
toutes les sommes payées par lesdits D elzort et Parlange,
auxdits d ’A y m a r d et C o u d e r t , à la suite des com m an-
« demens et procès v e r b a u x , en ve rtu des jugemens de
« p r o v is io n , seront portées par lesdits tuteurs au cha« pitre de dépense ou com pte du bénéfice d ’inventaire
« de la succession de ladite M a rie D u v e l.
« O rd o n n e que la somme donnée par Gaspard Segond
« à ladite D u v e l , en leu r contrat de m ariage, sera et
« demeurera réduite à la somm e de 166 livres 13 sous
« 4 deniers, p o u r le tiers faisant la portion virile, avec
« intérêts à com pter du décès de ladite M a rie D u v e l.
« D ébo u té lesdits d ’A y m a r d et Coudert de leur de« mande en payem ent des jouissances des biens de lu suc« cession de Jean nc-M arie Seg on d , et distraction de la
.« quarte trébellianique.
•
« D é b o u te pareillem ent lesdits, d’ A ym ard. et Coudert
« de leur demande ù fia de payem ent de la pension sti« p u lé c par:1M a ric tü u v e l , des religieuses d’A rg en ta l.
« D é b o u te lesdits d’A y m a r d et Coudert .de la dea .î^arçdc en rapport de la somme de 1700 IV., montant
C
�de la collocation faite à E m eric-Ignace G en este, par
la sentence d’ordre de la justice d’A r g e n t a l, du 26 fé
vrier 1765.
« D éclare lesdits D e lz o r t , P a rla n g e, èsdits nom s,
Naudet et sa fe m m e , non recevables ét mal fondés à
p orter en dépense une somme de 1000 francs p o u r
dédom m agem ent des aliénations faites par M a r ie D u v e l
de certains héritages de la succesion, vente de C a b a u x ,
marchandises énoncées en l’inventaire fait après le
décès de Gaspard S e g o n d , ainsi que de la créance de
F a u r e , et du legs fait à Jeanne-M arie Segond; en consé
quence , ordonne que les articles 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 9
du chapitre de dépense, seront et dem eureront rejetés.
« O rd o n n e que le chapitre de recette sera augm enté
de la somme de 778 livres 1 4 sous 4 d en iers, p o u r les
causes du traité du 18 octobre 1 7 4 7 , p roduit par lesdits
tu te u rs, p o u r icelle être c o m p e n s é e , au désir dudit
tra ité , avec celle de 1200 fra n c s, payée par ISrncric-
Ignace Geneste au ferm ier judiciaire de la terre de
Saint-Projet.
- T i‘
« O rd o n n e pareillement que lesdits D e lz o r t , Parlange,
N audet et sa fe m m e , seront tenus de représenter les
m eubles reco n n u s, par l’ inventaire fait'ap rès le décès
de ladite M a rie D u v e l , être 'en sus de ceux portés en
l ’ inventaire fait après le décès de Gaspard S e g o n d , p ou r
iceux être ve n d u s, s’ ils sont en n atu re, ou’ en payer la
v a leu r, suivant l'estimation qui en sera faite par experts.
D é c h a rg e les tuteurs de lu d élivran ce du surplus des
meubles.
! ‘
”
1
(
« A v a n t faire droit définitivement sur l e 1surplus des
�( *9 )
« articles du com pte , ainsi que sur la demande desdites
« d ’A ym a rd et Coudert en m ain-levée du sursis (accordé
« par l’ordonnance du président du tribunal de district
« de Salers , mise au bas de la requête présentée par lés
cc héritiers G en este, le 19 janvier 179*3 à fin de p ercc mission d ’a s s ig n e r ), ordonne que par experts dont les
cc parties c o n v ie n d ro n t,
ou q u i seront pris et nommés
d ’office , il sera p rocéd é à l ’estimation des fruits, et
« jouissances des im m eubles de la succession de ladite
cc M a rie D u v e l de M u ra i l l a c , depuis le décès d ’icelle
cc jusqu’à ce jo u r , déduction faite des charges annuelles,
cc labours et semences, ensemble des meubles reconnus
« être en sus de ceu x portés en l ’inventaire fait après
ce le décès de Gaspard Segond ; p o u r , lesdites opérations
cc faites et r a p p o rté e s , être
pris par les parties telles
cc conclusions q u ’il appartiendi-a : dépens réservé s, sur
« lesquels il sera fait droit en définitif. »
lies demoiselles d’À y m a rd et C o u d ert ont interjeté
appel de cc jugem ent en toutes les dispositions qu i ne
leur sont pas favorables.
ü n va suivre ces différons chefs d ’appel dans le mém o
ordre.
D ep ot de l abbesse de Brageac.
Les appelantes insistent à ce q u e les intimés soient con
damnés personnellem ent et in d éfin im en t, com m e É m ericIgnace G e n e ste , leur a ie u l, s’étant em paré , sans com pte
ni m esure, du dépôt fait entre les maius de l’abbesse de
Brageac.
,
A v a n t-d e savoir s’ ils d o iv en t être condamnés personC a
�C 2° )
nellement et in d éfin im en t, s’ils do iven t m êm e être con
damnés à restituer s e u le m e n t la v a le u r , il est une p r e
m iè re question.
L e dépôt appartenoit-il à la succession de la ve u v e
M u ra illa c ?
A entendre les appelantes, ce dépôt contenoit des obli
gations q u ’elle a vo it payées en l ’ acquit de la succession
de son m a r i , et q u ’elle a vo it retirées en les acquittant;
contenoit des titres dë^créances sur d’autres particuliers.
O n peut déjà ap précier 'Cette dernière assertion.
E m eric-Ig n a ce Geneste a con ven u que l’abbessede B rageac lui avoit remis quelques papiers qu i lui avoient été
confiés par la dame D u v e l de M u ra illa c ; que ces papiers
concernoient la succession de Gaspard Se g o n d ; que ces
papiers sont ceux^qu’il représente, cottés par prem ier
et dernier ; q u ’il a toujours o ffe r t , et q u ’il offre encore
de les com m uniquer.
P e u t - o n diviser sa déclaration ?
L es appelantes n ’ont offert aucune p reu ve en prem ière
instance.
C ’est m êm e un des motifs du jugement.
« A tte n d u que lesdites d’A y m a r d et Coudert n’ont arti« culé précisém ent aucune soustraction de p iè c e s , or
« ou arg en t, provenons du dépôt to u c h é , soit par P ierre
« G eneste, ou les tuteurs de ses enfans m in eu rs, ni offert
v aucune p re u v e de faits positifs. »
Sur l’appel elles ont été moins réservées.
D an s la x'cquête contenant les causes et moyens d ’ap pel,
elles offrent la p reu ve que de ce dépôt fa ¡soient p a rtie ,
i ° . une obligation de 1200 fra n cs, consentie par Gaspard
�cIx r
( 21 )
S e g o in l, en faveur d ’un n om m é M e l o n , de T u lle s ;
2°. autre obligation de pareille som m e, consentie par le
m êm e à la M e r l i , d’A rg e n ta i ; 3 0. les quittances d’une
légitim e due p ar le m êm e à la J u n ie , de Granousse/
D ans le m ém oire im p rim é j^'page 2 4 , elles n ’offrent
plus que la p reu ve de l ’obligation du sieur M e lo n ; et
cette obligation n’est plus seulement de 1200 francs-, elle
é t o i t , s’il faut les en c r o i r e , 'de 3400 francs. C ’est ainsi
qu e dans l a dem an d e'form ée à ’A u r i l l a c , en 1 78 0 /co n trë
l ’abbesse d e B r a g e a c , dans la requête d u
5 n o v e iîib r e ijg i','
portent la valeur du dépôt à 10000 francs, et dans
les causes et m o y en s’d’a p p e l, à iô o o o francs, j
e lle s
L a epur adm ettra-t-elle une p reu ve si t a r d iv e , et sur
laquelle- les appelantes sont si contradictoires avec ellesm êm es?
:
• ' r'(r'' '<
i ■
>' - q
Il ne suffiroit pas de p r o u v e r qu ’il y avoit une obliga
tion , il faudroit encore p ro u v e r qu ’elle étoit quittancée
au bas ou au dos par le c ré a n c ie r, com m e des detiiet's'de la
veuve JMuraiünc ; autrement on diroit q u ’elle l’a tro u vée
dans les papiers de la succession de Gaspard S e g o n d , à elle
fidéicommise par le testament dudit Gaspard.
A v a n t m êm e de chercher à établir la consistance du
d é p ô t, il faudroit en p ro u v e r la rem ise. L es appellantes
n’ont pas m êm e la p reu ve légale que le dépôt ait été rem is.
O n dit une p reu ve légale : la déclaration de l ’nbbèsse
de Brageac a bien pu lier l’abbesse de B rageac, donner lieu
î\
une action contre elle ; mais ne peut judiciairement êtve
un t it r e , form er une p reu ve contre le sieur G en este, de la.
remise du dépôt. - 'i
; r- .. /'
l
Il en est d e 'm ê m e de l ’acte extrajudicraire d u '1 4 's e p -
�( 22 )
tembre 1 7 9 0 , où il est fait mention d’une missive pnr la
quelle le sipur,jjrencste accuse la réception du d é p ô t , e t
pro^nef. d/en gar^qt^r l ’abbesse de Brageac. Il faut d ’abord
c\pliqnev-..qii?l'.Qÿt cet ¡acte.' ¿, .H ■
[ -J -j,;,. ...j ;
lia dx-ime l^anzers étoitj décédée ]c 16 juin 17^83 avant sa
déclaration ;--et, long-temps avant, les d’ /\ymard et C oud crt
se pcrsuqdè?-gnt qu ’ellesjpouxroient ram eper i ’arrùt'^ e.xpCMtipajcpoti'e la nouvelle abbesse et Jes^çligicuses, com m e
s’ i j s ’iél/jiè^i d’une dettçd e'co p im u p au fé.i^ lles leu y firent
ijlVjeonipipndement à ce q u ’elles euçsent}à représenter le
d é p ô t , 011 à payer le montant de leur.jçréance. L a no uvelle
abbesse et lçSjEeligieuses; formèrent^opposition àf ce com
m andem ent ) par Cfctap/^ du -11 Bep^Cftibrc i 7 9 0 5 o ù elles
fonJt m ention çlejçettp pii6$ive q u i rça:paroît p oint..."
_
_
»
,
P o u rq u o i ne paroît-elle p o i n t ? D ira -t-o n q u ’elle, s’est
perdue avec les autres pqpierp.des religieuses ?
L es appelantes auroient à (ç’im puter leur négligence.
Pouvquo-i 11’en out-elles pas .aussit/if; requis c o p i e , p o u r
s’en faire u ne'arm e cop ive le'sieur G e n e ste ? ou plutôt ne
doit-on pas craire;.qu’eU<?s
cette c o p ie , et leu r raison,
aussi p ou r np pas la p ro d u ir a , parce quo le sieur Geneste
y aura déclaré en m ôm e temps que ces papiers ne concernoient point la succession de M arie D u v e l ? E t alors de quel
avantage sero it-elle-?
Cette missive ne paroît point ; et ne paroissant point e’est
com m e si elle 11’existoit pas • la ¡mention, qui e u est faite
dans cet acte de 1790* acte étranger au si«ur G e n e s te , ne
p eu t en suppléer la représentation.
Il n’y a donc que la déclaration du sieur Geneste ;
et s’il n ’y a que sa d é claratio n , p eu l-o n la diviser ?
�( z3 )
Q uand le dépôt auroit appartenu à la succession de
dame D u v e l , les appelantes pquiToient-elles.^revenir
sur l’autorité de la cliosc jugée ? pourroient-elles,rem ettre
en question ce qui a été jugé irrévocablem ent avec elles.,
après la plus am ple contradiction?
O n a v u les efforts q u ’elles ont faits au parlem ent
d e T o u lo u s e , p o u r faire déclarer les intimés héritiers purs
et simples, p o u r les faire condam ner in d éfin im en t, soit
com m e héritiers de M arie D u v e l , soit com m e héritiers de
l ’abbé S e g o n d , coh éritier lui-m êm e de ladite D u v e l.
O n a v u q u ’elles ont c o n clu , par requête précise du
i i mars 1 7 8 5 , à être admises à p r o u v e r , tant p ar actes
-que par tém o in s, que le sieur G e n e s te , depuis 1 7 7 0 ,
avoit fait plusieurs actes d’h é r itie r , soit en se mettant
en' possession des objçts de la succession, soit en les
ven dan t, soit en donnant des quittances. L e pai’lem ent
ne s’est point arrêté à cette preuve.
Q u ’elles ne disent pas que c’est ici u n fait n o u v e a u ,
un fait q u ’elles ig n o ro ie n t, et sur lequel l ’arrêt ne p ou vo it
porter. L a déclaration de l'abbessc de B rageac, faite judi
ciairement à A ü r illa c à leur p o u rsu ite, est de 178 3 . O u i
ne sait d’ailleurs que l’on ne peut revenir sur l ’autorité
de la chose jugée , m êm e sous prétexte de p ièces n ou
vellement» re c o u v ré e s, à moins q u ’elles n’aient été rete
nues par le fait de celui qui a obtenu l ’a r r ê t , et q u ’il
n’y ait p reu ve de la découverte ? Q u i ne sait que p ar
un dernier article l’ordonnance a abrogé toute proposi
tion d ’e rre u r?
,•
L ’arrêt ne p o u v o it , d it - o n , p orter sur ce fait, puisque
les d’A y m a r d et C oud ert p ou rsu ivaient en m êm e temps
�( 24 )
au parlem ent de T o u lo u s e l ’abbesse de Brageac! Cette cir
constance ne signifie rien. Elles pou vo ien t v o u lo ir rendre
l ’abbesse garante du d é p ô t , et ne pas moins chercher
à obtenir contre les héritiers une condamnation person
nelle.
L a qualité d’héritier bénéficiaire, objecte-t-on en co re,
n ’est pas indélébile ; il n ’en est pas com m e de la qualité
d ’héritier p u r et simple! on peut faire déchoir l ’héritier
du bénéfice d ’inventaire! Sans doute on peut le faire
d é ch o ir de la qualité d’héritier b é n éficia ire, tant q u ’il
n ’y a pas eu de ju g em en t; mais quand il est in tervenu
un jugem ent sur la qualité m ê m e , et un jugem ent en
dernier ressort, le jugem ent est indélébile ; il n ’y a que
l a requête civile ou la cassation.
L ’arrêt n’a pas eu seulement égard à la déclaration
faite par Pierre-Jean G en este , ou son tu te u r, q u ’il n’entendoit accepter la succession que sous bénéfice d ’inven
ta ire ; i l l ’ a a d m i s à r é p u d i e r , c o n s é q u e m m c n t à la j u r i s
prudence du parlem ent de T o u lo u s e , conform e en cela
à la jurisprudence ancienne du parlem ent de Paris. O r ,
est-il possible de déclarer héritier celui qui , par un
arrêt inattaquable, et n on a tta q u é , a été déclaré ne l ’être
p as?
Il falloit bien faire un portrait odieux du sieur Geneste :
on le représente com m e ayant ch erché à frustrer les
créanciers.
*'
O n lui fait un crime de n’a vo ir pas com pris ce dépôt
dans l’inveutairc fait après le décès de la ve u v e M u ra illa c ,
en 1 7 6 1.
«4‘ .
i
O u lui fait un crim e de ne l’a vo ir pas au m oins ajouté
. h
�¿S/
• (
2
5
)
à'l'in ven taire en 1772-, après l’a vo ir retiré-des mains de
l’alibesse- dé^Birageacî • •"/'.•b.; t
vu i j ^
; « O s t livi-qùi' si persuadé' à; l ’abbe<ise<de i B n g e a c 'q u ’ il
étoit autorisé de la justice pour-ïetirer <?e dtëpôt>t;ujdis q u e
la ¡lettre "de l’dbbéSse de Bragedo, 'dti. 26 niai 1776:, ne parle
et ne 'pé-ut s’entendre que de l ’autorisation'générale que
sa ;'x p iiilit ^ l ü i î ' d ô n j i o i t ' ! ^
t jio v
i.O
*i ¿ v j î'.'ii-
■j C ’est ltli£qilî 3 peVsüadé que l ’abbo Segond étort m o r t,
q u o iq u ’il n^yoit-rti'flrt^qu’en 1 7 7 7 ; qui a persuadé ;que
les d’ Àyrtiàr{l ét^Go^idert-S’étoient absentés et n’avoient
donné aucune de leurs nouvelles'! ir>
' yc
TC ’est,lui qüi a- donné ¡l’idée de la pérem ption de la
saisie a rrêt! üil fùii;/;': t;o
v:-jiq î'jl
Rem arquons que toutes ces imputations gratuites portent
sur Emeric^Ignace G;enestè‘'à rq u i'l e d é p ô t s été rem is,
et non sur Pierre-Jéan Geneste; Quand tous ces faits seroient
v ra is, entraîneroieiit-ils contre P ierre-J ean Geneste ( c a r
E m eric-Ignaee est étranger à la succession ) la déchéance
d u bénéfice 'd ’inventaire ? •■ ■ '■
r
D ira-t-on que Pierre-Jean Geneste est héritier d’E m ericXgnace? Mais com m e h é r itie r, il ne peut être tenu q u ’à
la même condamnation q u ’Em eric-Ignace. O r , E m ericIgnace ne p ou rroit etre tenu que de la restitution de la
valeu r des objets par lui retirés.
L a demande des appelantes en condamnation in d é
finie , est donc dériso ire, quand m êm e on feroit abs
traction de l’autorité de la chose jugée.
D ans leur ^évaluation e x a g é r é e , elles ont porté la
valeur du d é p ô t , en premièitè instance, à 10000 francs,
et sur l’a p p e l, p o u r ne pas se préjudiciel*, à iô o o o francs;
D
�( *6 )
et elles veulerlt rétendre la condamnation a u - p a y epient
de leu r entière c r é a n c e , s’ élevant aujourd’hui si on y
ajoute les intérêts depuis n79<> Ss ^ P^U6 de 26000 francs;
ce q u i p ro u v e leuir, justice.- :x ;»'v : ij
• ••:*';(>•
,:
S uivan t elles, le <dép^ .contenait les reprises de- ladite
D u v e l sur la succession d e son mari. Q uelles p o u vp ie n t
être ces rep rises? O n v o i t , et le^ appelante? liront pas
m a n q u é de relever: ôeitÇe icineongtaRçeÿiquTelie ^îvpit. été
lo n g - t e m p s uen instance-favee Enperiq-Ig«aee ( S i e s t e ,
sur répétitions ¡respectives
que
les piirtipp ;prétendaient
a vo ir droit de form er l ’u n e contre l ’autre. Cette instance
a été terminée par Un traité du 19 -octobre 1 7 4 7 , qui
est dans les pièces.
D ans
ce t r a it é ,
E m ç r ic - Igüaee
G en este
débiteur envers sa b e lle - m è r e de
i sé ¡neeonnoît
11
diverses sommes , notainment de plusieurs,som m és par
elle payées en l'acquit ,de la succession d e son m a r i, des
quelles il est fait compensation à due concurrence av-ec
celles dont la belle-m ère se reponuoît de son côté d éb i
trice. L a ¡présomption est bien .que lors de ce traité elle
a fait valo ir toutes ses reprises : et depuis, on ne pensera
pas qu ’elle ait pris plaisir d e payer d ’autres dettes p o u r
en réclam er le rem boursem ent contre -celui de qui elle
avoit déjà é p ro u v é tant de difficultés, que les appelantes
représentent com m e extrêm em ent processif.
A jo u to n s le silence q u ’elle a g a rd é jusqu’à son décès.
A jo u to n s l’impossibilité où elle étoit de p;iyer p ou r
a u t r u i, puisqu’elle a été obligée de vendre une maison
à A r g e n t a i, de vendre les rentes de S a in t-P ro je t, p our
payer scs dettes, personnelles.
C ’est ainsi que les appelantes ajoutent que le d ép ô t
�( *1 )
contenait des obligations considérables consenties en sa
faveur par plusieiirs particuliers* L e s exagérations ne
coulent rien.
i '
9UP
^
P o u r appuyer .leur d em an d e, les appelantes font un
dernier raisonnement. L ’arrêt a condamné l’abbesse de
Brnigeac à représenter les objets:déposéSjjfà//te- de ce-, ¿t
■paye?' là to ta lité de la créaiice : 'par
m i s s i v e l e sieur
Genestè's’est obligé; à garantir l ’abbesse dé Brageac ; les
a p p e l a n t , com m e exerçant l ’actiofl en garantie de l ’ab
besse, peu vent sans doute exercer contre les intimés les
mêmes poursuites que l’abbesse, et les contraindre, com m e
c e lle - c i* le p o u r r o it , au payem ent de l ’intégralité de la
som m e.(: '
îîo:j-.
na-jü# ••
n
• D e u x réponses. O n demandera d’abord où est cette
obligation de garantie, cette m issive?
<
O ù est la p reu ve m êm e de la remise du d é p ô t ? E lle
n’est que dans l ’aveu du sieur Geneste ; - aveu q u ’on ne
peut diviser.
- ‘
'
;
Ensuite ce raisonnement porte sur une erreur. I , ’arrêt
condamne bien l’abbesse de Brageac à représenter les objets
d é p o sé s , mais ne condamne p a s , à défaut de représen
tatio n , à payer toute la s o m m e ; et une pareille con
damnation ne se supplée pas. T o u t ce qui pou voit résulter
contre la dame D a u z e r s , de la disposition de l’arrêt qui
la' condamnoit à représenter les objets saisis, étoit d’en
payer la v a le u r telle q u ’elle auroit été fixée.
.
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■.. r - !
•• V ; ;;
Légitim e de l ’àbbé Se gond*
''
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i
:
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,
.1
■
;
L ’arrêt a condam né les in tim és, com m e héritiers de
D 2
�C * 1
l ’abbé S e g o n d , à: p.aÿer -à concurrence dé'la légitiinei.duidife:
Segond : ce sont leslterm ès dc il’ui'i'ct. D e ces .termes ,il[
résulte que l’arrêt n’a pas entendu condamner indéfini
m e n t , mais seulement à tea n cu tren cé. •»«)•/•
:c-;
D ’ Aym alkl et C oud ert avoient.attaqué les intimés,, non seulement comme.Xn5i.»^tifer§;çle;la d afrieD u vel deiMuraillac,1'
mais- encore .comniej héritiers jde, l’abbé Segond^ icelui
cohéritier., dè ladite'D,ùvfcl-i;,c’est ¿a('qualité qu’ils lui ¡ont
donnée, dans leurs; requjêtêsjfvisées-.en^rprrc.t.^Il étoit
effectivement ’coh éritier,, non cohéritier par-,égale, p o r tio,n,.;>parce qufifiMarie] J )u y e l aycv^t fait Une institution
contractuelle en'fayeu.r; de(.M arie-Jeanne S e g g p d ,. nifiis
coh éritier p our sa portion lé g itiin a ire , n’y ayant -point
de la p a rt' de rla datne D ü v e l de destination particulière.
O n se rappelle q u ’en instituant M a rie-J ea n n e S e g o n d ,
elle l ’a instituée à-la-jcliarge de la légitim e de d roit de
Jean -Josep h . Segond. ' • -j
; ■• .
;>
L ’arrêt a jugé que l’abljo S e g o n d , com m e çohéritici'jde
la dame D u v e l' de M n ra illa c , étoit ten u , p ou r}la part
p o u r laquelle il étoit h é r it ie r , de contribuer aux dettes
d e là succession; mais il a jugé eu m êm e temps q u ’ il ne
p o u vo it en être tenu ultrà v ir e s ; q u ’il ne p o ftv ç itje n
être tenu qu ’à concurrence d es (forces (le la suqçession^-f,
■¡Ou ne peut concevoir autrement l’arrêt,
f
j; i
.
,
l i e parlement a considéré l’abbé Segoud com m e cobé-j
ritier de la dame. D u vel. Sans cela.ou n’auroit pu l’assujétir en aucune manière aux dettes.
O n ne l’a point considéré'Coininc liéritier p u r e t simple;
car alors on l’a u r o it ’ Condamné indistinctement sur tous
ses biens, nou-seuleoieut sur ceux q u ’il auroit recueillis
�Û
3. J
( *9 )
dans Ui succession-du-père et.de la m è re , mais encore sur
c e y x q u ’ il eût ;pu avqir.jacquis^,d’ailleurs; et alors l’arrêt
n ’auroit pas,dit à concurrença. .
.
. ASi on ne l’a pas considéré comme h éritier p u r et sim ple,
on ne peut entendre ces m o t s ,« con curren ce de la légi
tim e , de la légitim e paternelle ; car le prem ier p riv ilè g e
du bénéfice-d’inventaire est de séparer le patrimoine de
l ’héritier de celui du défunt : le prem ier eiïet de ce bén é
fice est que .^’héritier ne puisse être tenu sur ses propres
biens, q u ’il ne fasse point confusion de ses droits, q u ’il
ne puisse être tenu des dettes de la succession que sur
les biens de la succession, à concurrence de ce q u ’il trouve
d an s'la, succession. •
;
•
,,Chacune de ces trois propositions est évidente. V o y o n s
- •
> « .
•
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*
.
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1
• : »
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.
J
ce qu ’opposent les appelantes.
Si ces m ots, ci con curren ce de la lég itim e, ne d o iv e n t,
disen t-elles, s’entendre que de la légitim e m a te rn e lle ,
l ’arrêt n’auroit cond am n é,à r ie n ; car la succession étoit
•
'
i
)
•
¿■puisée p a r le s dette§ , et il n’y a de lé gitim e que dédu c
tion faite des dettes.
...
'
'
Réponse. L o rsq u e le parlem ent a ajouté ces m ots, a
de
ce
,’est
exp liqué ainsi p o u r juger la quèstion qui .¿\toita ju g e r ,
et ne laisser aucun doute.
Q u ’on .^e rappelle,, .lps^j conclusions des d’ A ym a rd et
Coudert jjC^lesidemandoieç^-^ue les Géiieste fussent qçnd a n m éa .’jtaut .comme héritiers de la dame P u v e l de M u r
,
’
’
•’
11
'
l•
i.i.
*
raillac, que com m e héritiers de l ’abbé S e g o n d , co h é-
i
�\ '
( 30 )
ritier lui-m êm e de la dame D u v e l , à p a yer la valeur
des rentes vendues, en capital et in té rêts, c’e s t - à - d i r é ,
l ’entière créance ; et c’est ce que l ’arrêt n’a pas v o u l u ,
ce q u ’il a e x p liq u é , en bornant la condamnation ü Con
currence de la légitime.
Mais de là m êm e q u ’il a b o rn é la condamnation , il
est évident que l ’arrêt n’a pas entendu parler' de la 'l'é g P
time paternelle.
’ '
Si l’arrêt avoit considéré l ’abbé Segond com m e h é r i
tier p u r et s i m p l e , il n’y avoit pas à distinguer la légi
tim e paternelle et la légitim e m aternelle, des autres biens;
tous les biens de l ’héx'itier, ses biens personnéls, com m e
ceux de la succesion, auroient rép o n du d e là dette: l ’arrêt
auroit condam né indistinctem ent, personnellem ent p o u r
sa p a r t , et hypothécairem ent p o u r le tout.
’
L e s termes dans un arrêt, com m e dans un c o n t r a t ,
d o iv en t avo ir leu r effet. Si le parlem ent avoit c o n s i d é r é
l ’abbé Se go n d c o m m e héritier p u r et sim p le, ces m o ts,
à con cu rren ce de la lé g itim e , auroient été ajoutés vai
nement , et m êm e ridiculem ent.
E t s’ il ne l’a condam né que com m e héritier bénéfi
c ia i r e , la conséquence est év id e n te; en cette qualité il
n’a pu être condam né que sur les biens- de la succession ;
et lorsque l ’arrêt a d i t , à con cu rren ce d é la 'lé g itim e ,
ce ne peut être que de la légitim e maternelle.
L ’a r r ê t , en disant à con cu rren ce de la lé g itim e , n ’a
pas entendu adjuger une légitim e à l’abbé ‘S e g o n d ,'s i ,
dettes p a y é e s , il 11e rcstoit rien. L ’arrêt a jugé que Î’abbé
Segond ne p o u v o it prétendre de légitim é
qne
dettes
p a yée s, et en m êm e temps q u ’il ne p o u v o it être sujet
�c Ç sr
( 3 T. )
aux dettes q u ’à concurrence de cette lég itim e, et non sur
ses autres biens.,
: >. , i
:
L e s qualités, d’héritiers, disent .encore les appelantes,
sont personnelles : la qualité d’héritier bénéficiaire n’est
qu ’une exception ; elle n ’atteint que celui qu i la réclame :
l ’abbé Segond n’a jamais déclaré qu’il ait vo u lu être
héritier bénéficiaire.
Il ne s’agit pas de savoir ce q u ’il a déclaré ou n’a
pas déclaré il s’agit de savoir ce qui a été jugé.
< L ’abbé Segond n’a pas déclaré qu ’il v o u lû t être h é
ritier b én éficia ire, mais il n’a pas déclaré qu’ il v o u lû t
être héritier p u r et simple ; il n’a fait aucun acte d’h é x i t i e r , et tant qu’ il ne s’est point im m is cé , n’étoit-il pas à
temps de s’exp liquer su r la qualité qu’il entendoit p ren
dre ? Ses héritiers n’ont-ils pas eu la m êm e faculté ?
n’ont-ils pas pu déclarer q u ’ils n’acceptoient également la
succession de son c h e f que sons bénéfice d’inventaire.
L es appelantes se font un m oyen des quittances de 1790
et 1791 , du bail de copie du 7 juillet 1791 ; elles en in
fèrent que les intimés ont tellement reconnu que l’arrêt
les condamnoit à faire raison de la légitim e paternelle,
que les quittances de 1790 et 179 1 portent sur cette m êm e
légitim e paternelle.
I l faut encore rép on dre à ce qu ’elles disent à cet égard.
L a quittance de 1790 ( d e ' 5oo francs ) porte effective
m ent, à com pte de la légitim e de Cabbé S eg o n d , et c o n fo r
m ém ent 11 ia r r ê t. Cette quittance est donnée par M arianne
C o u d ert à la ve u v e Genoste, Frauçoise U e lz o r t , com m e
tutrice, laquelle ¡t'a pu p réju d icifir à ses enfans.
,
Dans l’acte de bail de cop ie, du 7 juillet 1791? à la requête
�( 32 )
tant de Françoise D e lz o rt que de M arianne G eneste, on
donne copie de cette q u itta n c e , et d’ une auti’e quittance
de l’abbé S e g o n d , d e‘ 1752 , de 700 francs.'-Au m oyen de
ces deux quittances on soutient ne rien devoir de là desti
nation de légitim e faite à l’abbé Segond par le testament
de Gaspard S e g o n d , et même avoir surpayé de 200 francs
dont on requiert le remboursement. Les appelantes vfculeht-elles argum enter de cet acte de bail de copie ? q u e lle s
le prennent donc en en tier, tel q u ’il est! Les intimés ont
reco n n u , si l ’on v e u t, que l’arrêt les rendoit comptables de
la légitim e paternelle de l’abbé S egon d ; mais ils font en
m êm e temps l ’application des quittances,¡et soutiennent
a vo ir surpayé de 200 francs ; et alors il n’y a pas de discus
sion : les appelantes se trouveroient m êm e débitrices.
j
L e s quittances de 1 7 9 1 , l ’ une par la femme Coudert',
l ’autre par la femme d’A y m a r d , portent expressément sur
la provision accordée par jugement du tribunal du district
de Salers.
L e s appelantes fon t un singulier raisonnement.
*
O u ces quittances de 1 7 9 1 , d isen t-e lles, sont données
sur la légitim e de la m ère , ou sur celle du père. Dans le
prem ier cas, l’inventaire est fa u x , et les intimés doivent
être réputés héritiers purs et simples ; dans le deuxièm e
cas, la question est jugée par eux-mêmes.
N i l’ un ni l’autre. L a provision accordée par le jugem ent
de Salers a été accordée s u r le c o m p te } et en attendant que
le com pte fût apuré.
Ces quittances, quelles qu ’elles so ien t, o n t-e lle s pu
donner une extension à l’a rrê t, changer l’arrêt ?
L es parties n ’ont pas entendu y déroger ; elles n’ont pas
entendu
�c 33 y
^
entendu changer l’arrêt p elles ont entendd l’éxécu ter, en
con fo rm ité,,est-il d it ; des dispositions,de l ’arret: II*faut
donc se ¡reporter à l ’arrêt, Ce n’est point aux\parties,»c’est
gux magistrats.qui l ’ont p rq n on cé^ o u à ceux qu i les rem^
p la c e n t,ii rin terp réter : si les parties s’en sont écartées^ il
faut les vamener à sa pleine et!entière exécution* noyo?> »
. / C ’est qç qud Icà Ijuges r.de r:Sâint>*Flour ¡ohfsënicnt xiam
leurs motifs q u ’ori((va niettrecsoüs Ies;yeux:idè. làbcm m
_j;a,vAtleud:n.(i sur-la demande.en. rapport de)lad'égitime
k' paternelle )iqu'e dans le contrat d e m a ria g e dé M arier
« Jeanne Segorid, M a rie rD u v el;l?in stitu a so n - hénitikie
« universelle, sauf la légitim e d e - d r o it dè Jeab-Hl^idph
« S egon dr, son autre ¡fils; jqu’iiu d é c c i 'd e .M a r i e à D u v c l "
« sa [succession d é vo lu e aiix!]ehfons:-de)'Jeanne*M>àtie
« S e g o r td .fu t acceptée sbus bénéfice 'd’inverttaifd -p a r
cc E m eric-Ign acé G eneste, leu r ipero e t tuteur!; d’oif il
« suit que J e a n -J o s e p h . Seg.ond : étoit Idès-lotsiifédait à
« u n e 'lé g itim e dé droit/¡'et que toutes les actions'actiyds
« et passives héréditaires résidoient en là personne <ïeS
« enfans de J c a n n e -M a r ie S e g o n d , hcritièro universelle
« A tte n d u que J e a n - J o s e p h . Segohd'fétüit) ¡absent ù
‘ a l ’époque -du décèsi de iM arie) B u v d l ; r rs a n in è v d iq n ’ il
?ii n’a voit jamais form é demande'en puyem ea tcîc la légitim e
« m atern elle; qu ’il étoit m êm e décédé-avant la'rdd°clafra« tion faite par P ierre Geneste, insérée dans sa' requête
« du i i mars 17 8 6 ; que dès-lors Jean-Joscph'-Segond
« ne p ou vo it en aucun cas être considéré coiiimé h éritier
«niiuiversel, mais seulement' com m e U to p ie ' légitirnhire,
« et pur conséquent t e n u ' dès' dettes d e ü a d ito !D u v e l ,
u sa m ere,' seulem ent et jusqu’il concurrence du sixièm e
E
�( 34 -)
«• qu ’il ravoit' droit 'de demander sur ¡ces biens, p o u r sa
« légitim e dè droit /¡ suivant l’axiom e de droit / N o n
w M i'çitû rib q n u m ÿ n ifi deducto æ re alieno \ et jamais sür
« ses biens ,patern’e ls3ou‘ acquêts y fni par conséquent les
te mineurs Genestë.,
qni
représentoient J e a n - J o s e p h
« Segondtj lôur grand-ônclè; qiieldonner à l ’arrêt du 9
«rimars 01789-u n e cextension 'su r la 'lég itim e paternelle
«¡.duditi Jean-Joseph S e g o n d J 'c e seroit prêter aux juges
« qui T a n t >rendu;cuner; ignorance d e 'p rin c ip e s in v ra ia sexhblable, et une contradiction manifeste 'des disposi
ez tidnsique cet arrêt ren ferm e , puisque si ce Jean-Josepli
i^qSegônditaVoib été .assujétiy sur le 9 b ie n s ' p a tern els, à
«F I9 créôhjcdi'de^ d’A ÿim ard e t ' C o u d e r t , ( iU n ’àtiroit pu
«iTôtro que Tcomm eiihéritier p u r et'"simple de ladite
« D u v e l ; • et::'dès-lors les mineurs
G en este, héritiers
t< riiédiataide ce grandroncle,1auroient dû être, condamnés
fi indéfiniment» ïet personnellement; au payem ent de éfctte
« ci’éonce tandis q u e -le u r abdication à lu succession de
« la d ite D u v e l est »acceptée^ et q ù ’ifé ne sont-condamnés
« 'qu ’ù rendre 'compte du bénéfice d ’inventaire; et cette
« disposition’de l’arrêt ne p aroît a vo ir été mise que p o u r
« que les mineursiGoriaste'ne pussent demander la di$trâc« t io n d u s ix iè m e d u c h e fd e Jean-Josepli'Isùr'ln succession
« de ladite D u v e l / d ’où il suit que cette cohdnmrialion
« ne peut porter que sur la légitim e maternelle et non
a [paternelle.
‘
‘
<
- 1
« A t te n d u que les pnyemens faits p ar les tuteurs des
u mineurs G eneste, sur la légitim e'p atern elle de Jean« Joseph S e g o n d , out été faitsipnr erreur et'con trairlte,
« ou eu vertu de jugemens provisoires du ci-dcyan t tribu-
�< (? A I
( 35)
« nal de Salers ; que tout peut et doit être rép aré en déii« n itif; que m êm e , en aucun cas , J ean-Josep h Segond
« ayant a p p ro u v é le legs et destination à<lui'fait'e par son« p è r e , en fournissant quittance des sommes.par lui toü« c h ée s, acceptant le titre et se faisant payer les revenus
« en m a jo r it é , n’ayant jamais.de son v iv a n t form é de de« mande en supplém ent , les d’ A y m a r d et Coutlert^après-.
« plus de trente ans de m a j o r i t é , n ’àuroient jamais été
« recevables à exercer des droits prescrits, » ' i
;
Elles ne les ont pas exercés. Jamais au parlem ent de
T o u lo u s e il n’a été question de la succession de Gaspard
S e g o n d ; jamais-elles n’ont d e m an d é,'com m e exerçant les
droits de l’abbé Segond', que les intimés fussent-tenus de
leur faire raison d e là légitim e q u ’il amendoit dans les biens
du père : nouvelle raison p o u r n’entendre l’arrêt que de la
légitim e m aternelle; autrement l’arrêt auroit jugé ultra
petita .
-jî- '
'
M ais quand la cour penseroit que la lé g itim e paternelle,
doit être rapp o rtée, les intimés seroient-ils astreints à la
rapporter en coi'ps héréditaire ? Y auroit-il lieu à adjuger
encore aux appelantes leurs conclusions à cet égard ?
’ L es appelantes ne peuvent pas a vo ir plus (le droit que
l ’abbé-Segond. O r , l’abbé Segond ayant a p p ro u v é la desti
n a tio n , seroit-il i-ecevable à élever cette prétention ? i1"
O n 'co n vien t que p ou r être exclu de la demande en par
tage \ il n e 1suffit pas que le légitiinaire ait reçu partie de ladestiddtion, ou m êm e 'l’entière destination^'il fimt'encore
qu ’ il, ait,eu connoissiince du testament'*’
irispectisqua
tabulis. . ,
<- > •vyi’ti s’iuov) i.iMK1'. -t'i- • ■
>»;> ’•
E 2
L
�L ’a b b é Segond a - t - i l eu celte connoissauce ? a - t - i l
accepté la destination, et l ’a-t-il acceptée avec la connoissance, de cause que désire la lo i ?
Il ne peut y a v o ir à; cet égai'd de douté. O n rapporte la
p ro cé d u re q u ’il a tenue lui-même; à l'effet de faire condam
ner l’héritière instituée ù fou rn ir aux frais nécessaires
p o u r p arven ir à l’état de pietrise.
V o i c i .gom m ent;il‘ s’exp lique dans une requête du 1 6
'se p te m b re 174 9 :
Q u e demande le sieur S e g o n d ? u n e
a pension alimentaire et suffisante p o u r continuer ses
« études. E n vertu de q u el titre la d e m a n d e - t - i l ? en
« vertu du testamentfde défunt son p è r e , qui chargea son
« h éritière de fou rn ir à la dépense nécessaire p o u r sa
« n o urriture et Son éducation y s’il veut p a rven ir à l ’état
« de prêtrise. »
D ans u n e autre é c r it u r e y du 6 octobre su iv a n t, il ne
s’exp liq u e pas d ’ une m anière moins précise; il ne sei>oi-no
pas à rappeler le testam ent, il en donne c o p ie , ainsi que
du contrat de m ariage de M a rie -J ea n n e S e g o n d , conte
nant rem ise, en sa fav eu r, de l’hérédité du père. V o i c i
ses expressions : « Il suffit au dem andeur que ledit Jean« Gaspard S e g o n d , son p è r e , par son testament, dont i l
« a été d on n é copie avec ces p résen tes, ait expressém ent
« chargé son héritière de fou rn ir à la dépense nécessaire
« au d e m a n d e u r, .dyus le cas où il prît l’état ecclésias« tique ; etj q u e la;daine D ùvel r sa m è re , héritière fid a
ci ciuire,.ait t'emis 3011 hérédité en entier à défunte M tirie«, J e a n n e S e g o u d , cjuns le contrat de m a ria ge, d o n t i l a
cc été a u ssi d on n é copie a\>ec ces présentes, »
'
.*
�< j4 ï
( 37 )
L e testament est également r a p p e lé , visé et daté, avec
le nom du notaire , la date du con trôle, dans l’acte cons
titutif du titre c lé ric a l, du 29 septembre
i j
5o .
Il étoit alors m in e u r! on en co n v ie n t; mais que résul
te-t-il de là ? Q u ’il auroit pu obtenir des lettres de res
cision, et se faire restituer; mais il ne l ’a point fait. N o n seulement il ne s’est pas p o u rv u dans les d ix a n s, mais
•1 OÛ"
,
L
1
,
il a a p p ro u v e de n o u v e a u , en m a jorité, le jugem ent du
p è re , par le payem ent des arrérages de ce m êm e titre
clérical q u ’il a reç u s, p a r le s quittances q u ’il a données
de diverses som m es, d’abord sur les intérêts, et ensuite
su r.le cap ital, par ses lettres.
L es appelantes seroient-elles fondées du moins à p r é
tendre un supplém ent ? M ais cette a ctio a en supplém ent
est prescrite.
f
D ira -t-o n que l ’abbé Segond n’a été m ajeur qu’en 1 7 5 4 ;
que jusqu’à son d é c è s , a rrivé en 177 7 , il ne s’est écoulé
que vingt-trois ans utiles p o u r la p r e s c rip tio n , et que
depuis son décès, la, prescription a été suspendue p ar la
réunion sur la tête des intim és, scs h éritie rs,.d e la doub le
qualité de créanciers et de débiteurs. M ais ce seroit une
erreur. Si les appelantes vo u lo ie n t exercer ses droits, elles
devo'ient les faire valo ir en temps utile. Si „ par une fic
tion d e .la lo i, elles étoient au lieu et place dé l’abbé
S e g o n d . par une suite de là m ê m e fiction., rien ne s’op posoit à ce q u e lle s agissent; et faute d’avoir, a g i, la presiM '
lOJi
’1
u
*,
• j:
,
'il
c n p tio n a continué de courir.
*
I-<’arrêt m êm e de 1789 ,* quT les auroit autorisées à se
ve n g er sur la légitim e de l’abbé S e g o n d , 11’auroit pas
conservé l’actiou eu supplém ent. L ’actiou cil supplém ent
�( 3 8 ) ............................................
est une action extraordinaire, qui doit être form ée parliculièrcraant. Ind iget p etitione p a rticu la ri.
M ais tout ceci n’est que subsidiaire.
Gains nuptiaux.
\
P a r l ’article deux du chapitre premier de recette, les in
timés s’étoient chargés en recette de la somme de 5oo fr.
p o u r les gains nuptiaux prom is à M arie D u v e l , par son
contrat de mariage avec Gaspard Segond. L e jugement
dont est appel les a admis a rétracter cet a rtic le , et à
ne se charger en recette que du tiers de cette so m m e,
conform ém ent à la N o v e lle 1 2 7 , cliap. 3 , qu i ne laisse
au conjoint su rv iv a n t, non r e m a r ié , q u ’une v irile en
p r o p r i é t é , et l ’ usufruit seulement du surplus.
O n convient de la disposition de la N o v e lle ; on convient
aussi qu’elle a été adoptée en France p o u r les pays de droit
écrit: mais les appelantes se x-etranclici.it d’abord, dans la
clause du contrat de m a r ia g e , rp o u r dem eurer propre à
la f u t u r e , dès à p résen ù M ais cette clause ne signifie autre
chose, si ce n’est que la somme demeure acquise à la futu re,
soit qu ’elle survive ou non ; q u ’elle demeure acquise dès
l ’instant, indépendam m ent de l’événem ent de survie. O n
ne peut pas lui donner un autre sens raisonnable.
Elles se retranchent ensuite ^ur les offres des intim és, et
sur le "prétendu contrat judiciaire, résu lta it cïii jugement
;'M îv.à '
: : r-i*
••>•. >*>L
,) v j
-V o k o c »
par d éfa u t, du 14 pluviôse an 5 , qui a h o m o lo g u e pux
,
, ,
.1
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0
'iilIUj-i• j.
- w i i , ' /• )
renient et simplement le. compte.
L e s offres n’avoient pas 'été acceptées; et.tant q u ’elles
n’étoient point acceptées ; les intimés ont pu les rétracter,
■
Il AJ.
*• -
.
‘ : ..'llM.jl ;; tl'J
|
�( 39 )
L e jugem ent par défaut a été attaqué par la voie de
l ’opposition. O n sait quel
est l ’efïetj d e ; l ’opposition ;
c’est d’anéantir le jugement ; c’est de remettre les parties
au-m êm e état que s’il n’existoit p a s, à la différence de
l ’appel qui ne fait q u ’en suspendre l ’exécution. L e juge
m ent étant an éa n ti, les juges ont p rononcé et dû p r o
noncer de nouveau.
'i
Jouissances et quarte trébellianique.
•
* Il ne s’agit pas des jouissances que M a rie D u v e l p o u v o it
a vo ir droit de p ercevoir en vertu du testament de G aspard
S e g o n d ; elle a remis l ’h érédité à J ea n n e-M a rie Segond/
dans son contrat de mariage ,• sans aucune réserve. T o u t
r •
• |*
t•
est consom m é à cet égard.
• !i n |i
'j '
•
E n 1 7 4 4 , J ean n e-M arie Segond l ’a de nouveau ins
tituée h é r it iè r e , à la -c h a rg e de reqdre à ses en fan s.'Il
s’ agit des jouissances que cette seconde institution p o u v o it
lu i donner droit d d ‘ percevoir.
"
!*
Cette institution doit-elle être considérée com m e une
simple f id u c ie , ou com m e une substitution ikléicom m issaire?
(
int. îuhj
>; 1,
' jS i elle doit être considérée ’c'otamè une simple fiducie ,
la prétention dés-appelantes àeroit sans fo n d e m e n t , soit
que M a rie D u v e l ait j o u i , soit q u ’e ll é 'n ’àit point joui.
Si elle a j o u i , on ne peut évidem m ent rendre les intimés
comptables de jouissances qu ’ ils n’ont pas p erçu es; on
ne peut en faire profiter M a rie D u v e l d é u x fois1.' :Si‘
elle n’a point j o u i , la fiducie lu i donnoit bien d ro it
de p ercevoir les f r u i t s , mais 11e lui doun croit p a s , e t
�\ v
'
( 4° )
encore moins à ses créan ciers, le droit de rechercher
les h é r it ie r s . p o u r raison de ceux q u ’ede auroit laissé
percevoir.
. •
: ^ 'j
, L a fiducie est un d ép ô t de l ’hérédité. L ’héritier', fiduçiaii-e fait les fruits siens, à la différence'des autres d é p o sjtaires; mais le testateur ne lui laisse les fruits q u e parce
q u ’il espère que sa succession sera indemnisée^ par les
soins q u ’il donnera à la gestion et administration des
Liens.
__ •
‘
,.
~
L ’héritier fiduciaire a droit de p ercev o ir les fruits ;
mais c’est un droit p e rs o n n e l, un droit qu i est une suite
de la confiance qu e le testateur a m arquée en sa g e s t io n ,
qu i n e'passe p oint à ses h éritie rs, et encore m oins à
des tie r s , à des ¡créanciers.
"j.r-'
o
L ’h éritier fiduciaire a les fruits p o u r l ’indem niser des
soins et peines de la gestion e t adm inistration, et autant
seulement q u ’il g ère e t administre. ■
»■
’ r_
' ■
?<.'
Il faut que les appelantes s’exp liqu ent ; il faut q u ’elles
d is e n t , ou que M a r ie D u v e l. a-joui, Jusq u ’à son décès.,'
ou q u ’elle a jo u ifu n t e m p s ,.o u q u ’elle n ’a jamais' joui.
Si elle a joui jusqu’à son-décès, on n’a rien ù réclam er.
Si elle a joui pendant un t e m p s , 011 ne p eu t rien
r é c la m e r , d ’abord p o u r le temps q u ’elle a j o u i , ni môme
p o u r le temps o ù elle a .cessé de jo u i r ; car alors le$
intimés n ’a u ro ie n t'jo u i que par reflet d ’ une restitution
vo lon taire de sa p a rt, et alors il n y auroit lieu ni à
red d ilio n jd e com pte des jouissances, ni a distraction de
quarte. L a restitution ayant été snns ré s û rv e , elle seroit
cen sée a v o ir v o u lu exécuter plus pleinem ent la vo lo n té
de la défunte.
' •'
Si
t
�( 4* )
Si elle n’a jamais j o u i , c’est une p reu ve qu ’elle n’a .
pas v o u lu accepter la gestion et administration qui lui
ctoit déférée.
'
■
'
^) '
E lle n’ignoroit pas le testament'; i l Jest rappelé dans
un traité d e’ 1 7 4 7 , passé entre elle et Ê m ëric-Ignace
Geneste.
v V_-_
*
' ■ •■
’ ‘
,
•*
•
D a n s 'c e t r a it é , sur les divers objets dé répétitions
et de compensation qu e les-parties avoient respective
m ent à s’o p p o ser, et p o u r raison desquels elles étoient
en instance, il est d i t , relativem ent à une somme de
5oo francs que la dame D u v e l réclam oit com m e à elle
lég u ée par le testament de Gaspard Segond ( en q u oi
il paroît q u ’il y a erreur dans d é n o n c ia tio n , le testa
m ent de Gaspard Segond ne contenant p oin t de legs de
cette sommé ) j q u ’ i l est su rsis à cet a rticle ju s q u ’ après
la décision de la v a lid ité ou in v a lid ité du testam ent.
Il se peut que le sieur Geneste entendît opposer la nu llité
du testament ; mais ni avant ni après ce t r a i t é , M a rie
D u v e l n ’en a réclamé l’exécution. 11 paroît q u e , depuis
le tra ité , la belle-m ère et le gendre ont v é cu d’accord ;
que M a rie D u v e l s’est contentée de la jouissance de la
, m aison, grange et jardin, et a laissé jouir le sieur Geneste
du su rp lu s, com m e tuteur de scs enfans.
E lle 11’ignoroit pas, encore une fo is, le testament. Si
elle avoit entendu accepter l’in stitu tio n , n ’en auroit-ellc
pas réclam é l’eifet? A u refus du sieur Geneste d ’exécuter
volontairem ent le testament, n’auroit-elle pas agi judi
ciairem ent? O n vo it au contraire q u ’elle a gardé le silence
jusqu’il sou décès.
F
s-
�(
43
)
L es appelantes prétendent que ce n’est point'une 'fiducie,
parce .que la charge de rendre n ’esjt pçis à jo u r certain ;
que M arie D u v e l n’a été chargée de rendre qu?à spn
décès : elles invjçqiijenf Pérégrio-ijis. çt Hexnys.
O n ne peut s’éto n n er ,a$sep q u elles ci tept P é r é g r ip u s ,
qui précisém ent regarde cette circonstance coram eindjjïé^
r jiite , q u i veut
s’arrête, d ’une part; à Ja p rp x im ité
de la p ersonne ¿i^ tijjjé e, ep, d ’a,i,ilT« p a r t, va u bas ¿igq
de ceux à q u H a 5.u,epes^ipnIdoit ^tre réalise. M st a y tem
J id u c ia r iu s hcpt'fis qyp n o n q u i co n te m p la tio n ç, • spcl
a lle riu s g ratùî in p iiU d u s , eid çm rg stifu a re lncpreditatçm^
p ost die ni eprtarn v ç l in certain r p g a fy j praponitm \
H e m y s traite celte qupstipn en plusieurs pndrpjts, ami
liv r e 3 , chapitre 3 , questiop 2 2 , et liv re 5 , jçfoapitre
3 , question 14. 11 est cependant o b lig é de con ven ir
que l ’arrêt ne s’arrêta pps au défaut de cette circonstance ,
et jugea que l ’institutipn laite par le pêne ù la m è ro ,
à la charge çle remettre l’hoirie à cçlui de leurs enfans
communs q u ’elle ch o isiro it, q u o iq u ’il n ’y put point de
terme certain apposé à la rerpise, n ’ptpit q u ’ une institu
tion fiduciaire. Il est vrai que la m ère s’ ptoit rem ariée:
ce q u i fait douter Jlenrys du véritable rnatif de l’arrêt.
O11 dira peut-être que si M arie-Jeann e Segond n ’avpit
vo u lu que pourvoii* à l’administration de ses e n fa n s ,
elle n’avoit pas besoin d’ instituer l’aïpule h é r it iè r e , lç
p ère survivant étaut le tuteur lé g a l, et toujours p résu m é
prendre le m eilleur parti p o u r ses enfans; et c’est peut»
être par cette raispn que la m ère préféran t que les enfans
fussent sous la tutelle de l’aieule, a déguisé lji tutelle squs
�¿¡4 0 )
( 43 )
la form e d’ une institution; et c’est précisém ent l’espèce du
paragraphe P o llid iu s , loi 3 , au digôste D e u su r is , qui en
donne cette raison élégante : Q itod lu b rico tutelœ j i d e i c o m m issi're m e d iu m m a ter p rœ tu lera t, craignant sans
^
^ ^
doute que le p ère se remariât*, et ne portât son affection V
sur les enfans d’ uri" autre lit. i r
.
,
Si ori l'égarde maintenant l ’institution com m e une
substitution iîdéicom m issaire, il n ’ÿ a u ro it pas plus de
lu,1
raison.
i ° . Parce que M a rie D u v e l seroit censée a vo ir fait
i-emise et abandon tacite du fidéicommis; remise et abandon
. î‘ ' ’ * •
X
que les d’ A y m a r d et Coudërt*, qu i n’ont traité avec elle
q u ’en 1 7 5 6 , ne pourroient" quereller et p rétend re a vo ir
été faits en fraude.
2 °. Parce q u ’elle ne s’est pas conform ée ù ^ordonnance
ren o u velée par plusieurs déclarations', et notam m ent par
celle du 18 janvier 1 7 1 2 . O n ne parle pas de l ’ordonnance
des substitutions, de 1747/, parce q u ’elle est postérieure.
L ’article 57.de l ’ordonnance de M o u lin s porte que « toutes
« d isp osition s en tre-v ifs ou de d ern ière volonté , conte*
« n a n t su b s titu tio n s , seront publiées et enregistrées dans
« les six mois u com pter du jour de l’acte, p o u r lfcs actes
« e n t ie - v if s , et quant au x substitutions testam entaires,
« dû jour du décès : au trem en t seron t n ulles et ji' a u ro n t
cc effet. »
'
O h ne peut rien ajouter à cet égard aux motifs du ju
gement.
« A t te n d u , portent ces m o tifs, que soit a v a n t, soit
« après l’ordonnance de 1 7 4 7 , Tonregistrem ent et publiF 2
->
^ —
i
�V «'y
(, 44 )
« cation du fidéicommis étoit req uise, d’après l ’ordon « nance de H en ri I I , donnée à S a in t-G e rm a in -e n -L a ye,
« du mois de mai i 5 5 3 ; celle de M o u lin s , en i 56 6 ,
« art. 5 7 ; la déclaration du 18 janvier 1712 .
« A tte n d u q u ’il résulte du traité de 1 7 4 7 , que M arie
« D u v e l n’a vo it fait à cette époque aucune diligence p o u r
« faire enregistrer et p ublier le testament de Jean n e« M a rie S e g o n d ; que la validité de ce testament étoit
ce m êm e contestée; q u ’il ne paroît pas que M a rie D u v e l
« ait de son v iv a n t dem andé l ’exécution de ce testament
« par vo ie judiciaire; d ’où il suit q u ’elle avoit p référé la
« jouissance des objets à elle délaissés par E m eric-Ign ace
« G e n e ste , son g e n d r e , au x embarras d ’ une succession
« sur laquelle les enfaus auraient p u dem ander la dis« traction d’une partie p o u r leur lé g i t i m e , et q u ’elle
« avoit a b an d o n n é, du moins tacitem ent, cette h é r é d it é ,
« et que pai* suite les d’A y m a r d et C o ud crt 11e sont pas
« recevables à demander com pte desdites jouissances.
« A tten d u que M a r ie D u v e l avoit tacitement abdiqué
« la succession de J ea n n e-M a rie Segond ; qu ’elle n’avoit
« fait p rocéd er à aucun in v en ta ire ; q u ’elle auroit été
« o bligée d’ im puter sur la quarte trébellianique les fruits
« des trois quarts de l ’h é r é d i t é , e u t-e lle été en r è g l e ;
« que ces trois quarts auroient im m anquablem ent absorbé
« la q u a rte , au cas qu ’elle jouît des fruits des héritages
« et legs à elle assurés par le testament de ladite .Tean u c« M a rie Segond ; d ’où il suit que ni M arie D u v e l n’auroit
« pu demander une pareille distraction, n i , après e lle ,
k
lesdites d’A y m a r d et Coudcrt. »
�iÇ s /
i
( 45) .
.
D ans tous les c a s , il faudroit distraire du com pte des
jouissances le tiers p o u r la légitim e des^enfans , et les
jouissances de la m aison, grange ci-jardin dont elle a joui
.
t
r
"
_____ $
jusqu’au décès.
I l faudroit également im puter sur la quarte les jouis-
|
fj'
sances des autres trois quarts : on en convient.
,jjj
i
P e n s i o n d u e a u c o u v e n t d ’A r g e n t a i.
j!'i
;j.;
«
•i
E n achetant en 174 1 un héritage de M a rie de M u r a illa c , les religieuses d’A r g e n t a i f ir e n t , par form e de
-
c o n tr e -le ttr e , et en augm entation de p r i x , un écrit p a r
le q u e l elles s’obligèrent de recevo ir une demoiselle p ré -
:T
¡j
"•
sentée par elle pendant trois ans : ce billet est du 19 a v ril
1 7 4 1 , m êm e jo u r de la vente.
ii
I;
'i
A u bas , le sieur Geneste a é c r i t , le 13 mai 1770 :
i:
« J e déclare que le contenu ci-dessus a été acquitté p a r
« les religieuses, » sans dire à quelle époque.
;■
L e s (l’A y n ia r d et Couclert se fon t un m o yen de cette
déclaration , p o u r forcer les intimés à rapporter le m o n -
tant de cette pension ; et cette p en sion , p o u r les trois a n s,
elles la portent à 1200 francs.
O n va juger encore de l’esprit de justice qui les anime.
A u dos de ce billet on tro uve écrit : « B ille t des reli« gieuses de Sainte-U rsule d’A r g e n t a l , en faveu r de de« moiselle Se'gond, de P le a u x , p o u r pension. E lle étoit
« alors à 100 francs par année. D em oiselle M a rg u e rite
« Geneste fut adm ise, audit temps de la v e n t e , p o u r
« p en sio n n a ire, et puis sa sœur. »
r
\
■
�( 46)
Ce qui p ro u v e que cet objet a été acquitté du vivan t
de M a rie D u v e l , décédée en 17 6 1.
« A t t e n d u , porte lë m o tif du jugem ent sur cet article,
« que soit que M a rie D u v e l ait consom m é la somme
« destinée p o u r la pension, ou qu’elle- l ’ait touchée clle« m ôm e , lesdites d’A y m a rd ' et Coudert n’établissant pas
« q u ’ E m eric ou P ie rre G eneste, o u ï e s tuteurs , aient
« touché cette so m m e , elles ne peu vent la^ répéter sur
0 les mineurs
Geneste , M a rie D u v e l ayant été m aî-
« tresse, de son v iv a n t, d ’en disposer à' ses plaisirs. »
Articles de dépense.
L e trib u n a l'd e S a in t-F lo u r a- rayé les articles 1 , 2 , 3 ,
4 , 5 , 6 , 9 , 10 et 11 de la-dépen se; preuve* dé l’infidé
lité de l ’h éritier bénéficiaire !
I l y a infidélité de la part* de l ’Iléritier bénéficiaire,
qu and il y a des o m issions, quand il omet de porter en
c o m ic e ce qu i doit y être co m p ris; mais non q u a n d 'il
portera en d é p e n s e ce que la jùstice'ne croira pas d e v o ir
allouer.
M obilier de M a rie D uvel.
11
n ’est besoin que de supplier la co u r de. se mettre
sous les y e u x le m o tif des premiers juges.
Dépens.
O n peut j u g e r , d ’après ce q u ’o n vien t d e rép ondre
�é ïo
( 47 )
aux divers griefs des appelantes, laquelle des parties doit
supporter la peine de la tém éraire contestation.
M e. P A G È S - M E I M A C ,
avocat.
M e. M A N D E T je u n e , avoué licencié.
tjU b r t X .* ,
**/-*■■
.
,
« j r -------- €~ \ f f
A R I O M , de l’imprimerie de T i i i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Janvier 1808.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gineste, Emeric. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
créances
inventaires
Ursulines
vie monastique
bagues et joyaux
experts
gains nuptiaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Émeric Geneste et consorts, intimés ; contre Marie d'Aymard, veuve Lacroix, et Marianne Coudert, femme de Durand Rieux, appelantes.
Particularités : Notation manuscrite : 8 juillet 1808, 2éme section. Déterminée par les motifs exprimés au jugement du 13 thermidor an 8, confirme.
Table Godemel : Inventaire : 2. Quels caractères doivent avoir les omissions faites dans un inventaire, par l’héritier bénéficiaire, pour entraîner contre lui la déchéance de cette qualité et le faire considérer comme héritier pur et simple ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1720-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1823
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1824
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53350/BCU_Factums_G1823.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pleaux (15153)
Aurillac (15014)
Brageac (15024)
Bourg-Argental (42023)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bagues et joyaux
Créances
experts
gains nuptiaux
inventaires
Successions
Ursulines
vie monastique
-
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d7c6df2d6f45adb0cb5e522e1025528b
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4 ^
RÉCLAMATION
D’ É T A T .
U n pere voulant ravir à fa fille unique & légitime
la fucceffion de fa mère lui conteft efa légitimité :
il lui f uppofe une fauffe mère dans une famille
étrangère : il lui refufe les alimens qu elle demande
en attendant la décifion de fon état
,
.
N ecare videtur non tantum is qui partum perfocat ; fed & is qui abjicit
& qui alim onia denegat.......... Leg. I V , Lib. x x v , f f. de agnofeendis , &
alendis liberis.
U ' tj f k.
A
P A R I S
M.
-
D C C.
<&■— — — =—■
'¿oeo'Zy
,
D e l'imprimerie de P. G . S i m o n , & N. H. N
Imprimeurs du Parlement, rue Mignon .
i
J
■—
L X X X I V.
y o n
=^ï-
,
�4
B
DE MANDE
E
'
n
m aintenue p ro vif oire en la poffe ffîon d 'é t a t ,
& provif ion alimentaire.
P O U R C a t h e r i n e - V i c t o i r e G r o m e a u , fille mineure ,
procédant fous l’affiftance &: autorité de M e C arlier, fon
Curateur ad hoc , & pour ledit M e C a r l i e r audit nom ;
C O N T R E N ic o la s - J e a n - B a p t is t e G r o m e a u , intéreffé
dans les affaires du R o i, fon pere.
Q u e l fort que celui d'une fille unique & légitime, qui
après avoir reçu de fon pere l’éducation la plus diftinguée,
& toutes les marques de l’amour paternel, fe voit tout-àcoup l’objet de fa fureur & de fa haine, repouff ee de fon
fein , & releguée dans la claffe de ces enfans défavoués
& malheureux, qui femblent ne refpirer que pour déplorer
le moment fatal de leur naiffance
Le fieur Grom eau, pour éluder le compte qu’à fa ma
jorité prochaine il devra à fa fille , prétend lui enlever
l’honneur de la légitimité dont elle a joui depuis fon ber
ceau , & qui lui eft affuré par les titres les plus authen
tiques & les plus refpectables. Il lui refufe les alimens dans
un Monaftere où elle a été obligée de fe retirer pour fe
A
j
Ch a t e l e t t
ARC CiriL'
rapport de m.
D uval , Coït-
fcillcF
�1
dérober à fa colere, à fes traitemens affreux. Quel eit fon
prétexte, fur le refus des alimens ? c’eil encore la bâtardife , comme fi un pere naturel ne devoit rien à fes enfans l
ainfi il foule à fes pieds la premiere de toutes les lo ix , celle
de la nature.
Que d’avides collatéraux viennent fouiller la mémoire
d’un parent & difputer la légitimité à fes enfans pour enva
hir fa fucceffion , c’eil un trait aiTez ordinaire dans les fartes
de l’humanité. Mais qu’un pere , loin de rougir d’avoir créé
dans le crime , proclame fans néceiïïté fa propre honte, fe
vante même d’un fcandale qu’il n’a pas commis, deshonore
une fille unique qu’il a reconnu légitime fur les fonds de
baptême , & aux pieds des Autels où il a été prêt de la con
duire dans deux mariages projettés ; qu’il refuie à cet enfant
des alimens dans une retraite religieufe, quand il vit dans
l’aifance & félon fes goûts j qu’il la diffame, la calomnie,
vomifle mille outrages j enfin qu’il lui fuppofe une fauffe
m ere, par le plus coupable attentat à l’honneur d’une fa
mille étragere, c’eil un exemple rare de la perverfité du cœur
humain. Il étoit réfervé à notre fiecle , à notre Capitale, où
la licence des mœurs s’affiche impunément fur nos Théâtres,
de voir un citoyen & un pere" porter cette même licence
jufques dans le faniluaire de la Juilice , y braver l’honnêteté
publique, & s’imputer des crimes pour ôter à fa fille unique
l’honneur de fa naiffance légitime , dont il femble ne faire
pour fon compte aucun cas j ce mépris public des mœurs ,
cette fouillure du Temple des Loix annonce le dernier degré
de corruption & de calamité.
Les Minières de la Juftice ne tarderont pas fans doute à
rçpoufler de leur Sanéluaire un fcandale auifi effrayant ; &
en confacrantpar provifion une poiTe/fion d’état appuyée fur
�3
les titres les plus facrés , ils apprendront à ce pere indifcret
à refpe&er les mœurs, la tranquillité des familles, l’honneur
de fa fille ; & à fe refpe&er lui-même.
Viftoire-Catherine Gromeau naquit à Paris rue B etizy, ^
le 3 Août 1 7 6 0 , du légitime mariage de Jean - Baptifte
Gromeau , alors Employé aux affaires du R o i , & de Ca
therine Calon , fon époufe. Elle fut baptifée en l’églife de
S. Germain-l’Auxerrois , fon pere préfent. L ’afte de baptême
eft iigné de lui ( 1 ) . C ’eft lui-même , qui loin de rougir de
la naiiTance d’un enfant qui feroit le fruit de fa débauche, le
reconnoît au contraire à la face de l’E g life , comme le gage
précieux de fon union , & vient dépofer fon état dans les
regiftres publics deftinés à fixer l’état des hommes.
Cet enfant perdit fa mere dans un âge trop tendre pour
avoir pu la connoître. Elle fut élevée depuis le berceau
dans la maifon paternelle. A l’âge de fept ans fon pere la
mit à Ruelle au Couvent des Dames de la Croix. Il la rappella au bout de deux ans.
Elle entroit dans fa onzieme année lorfque fon pere tra
vailla à perfectionner fon éducation chrétienne. Il lui donna
des maîtres dans les talens agréables. Le fieur Lejeune lui
enfeignoit le Deflin & la Peinture.
( 1 ) E x t r a i t d e s r e g iflr e s d e l ’ E g l i f e R o y a l e & P a r o if f i a le d e S a ïn t - G c r m a i n - V A u x e r r o i s i
L e 3 A o û t 1 7 6 0 , fu t b a p t ifé e V ïE lo ir e - C a t h e n n e , f i l l e d e N i c o l a s - J e a n - B a p t i f l e G r o m e a u ,
E m p l o y é a u x a ffa ir e s d u R o i t £ d e C a th e r in e Ç a lo n f o n é p o u f e , ru e B é t i ^ y ; le P a r r e i n ,
L o u i s B o n a r d , B o u r g e o is d e P a r i s ; l a M a r r e i n e , P ie r r e t t e N i c o t , f i m m t d e A r d r i - L a u *
re n t C h a l o i t B o u r g e o is d e P a r t s . L ’ e n fa n t t j l n è a u jo u r d ’h u i , & o n t f i g n e à l a m in u te .
S i S n e s ’ B ° n a rd y N i c o t , G r o m e a u . C o lla t io n n c à l ’ o r i g in a l p a r m o i f o n jp g n ê C u t i d e l a
P a r o i j f e , A P a r i s t « p J a n v i e r 1 7 8 4 » S ig n é , R i s G A R D .
A ij
�Elle viiitoit fouvent une tante, fœur de fon pere j elle
en étoit traitée avec des égards, des foins & une amitié
que des parens collatéraux ne prodiguent guère à un
enfant né de la débauche & du libertinage. Cette tante,
que la demoifelle Gromeau a encore eu le malheui
de perdre , étoit fouvent fa médiatrice auprès de fon
p e re , foit pour calmer fa févérité ,, foit pour obtenir de
fa tendreiîe paternelle ces légeres fatisfa&ions de la parure,
qui plaifent tant à la jeuneflc , & qui étoient le prix mérité
de fon application tk. de fon avancement.
Son goût pour la Peinture étoit déclaré j il devenoit même
une paiTion. Le fieur Gromeau qui s’en apperçut remercia
fon maître , & dit à fa fille que n’ayant pas befoin.de ce
talent pour v iv r e , il ne voùloit pas qu’elle le portât trop
loin.
Elle entroit alors dans cet âge où les femmes font
capables des foins de la maifon , & d’y procurer la féli
cité domeftique. Elle en fit fa principale occupation, &
fon unique gloire ; elle s’acquittoit par mille tendres
foins, envers celui qui avoit foulagé avec bonté les incom
modités de fon enfance importune , qui avoit guidé fa jeunefîe, & qui lui avoit fourni les talens , & les moyens
néceflaires pour fe dérober à l’ennui , & aux vices dont
on voit tant de vi£times dans un fexe foible & inoccu
pé. L a demoifelle Gromeau reconnoiiTante , méprifant les
charmes d’une figure qui pouvoit la rendre vaine , s’honora
d’être la premiere domeitique de fon pere , dans une infirmité
qui le menaçoit de perdre la vue. On la vit fubitement
paiTer de la vivacité de l’enfance & de la jeuneife, à un cara&ere folide , & devenir la compagne de fon pere, & fon
�4 ^
■
S
unique confolation. Elle avoit atteint l’âge de 1 9 ans }
n’ayant jamais cefle de jouir au milieu de la fociété de ion
état légitime.
A cette époque remarquable, le fieur A * * * * , ami de
Ton p ere, la demanda en mariage. Ce jeune homme pourvu
d’un état honnête & lu cratif, fe contentoit d’une modique
dot de 6 0 0 0 liv. On vit un moment où le fieur Gromeau
étoit prêt de confentir -, puis changeant tout-à-coup de fentiment il renvoya avec humeur ce prétendant qui s’étoit
montré avec le plus noble déiintéreiTement, & comporté
avec la plus grande décence.
La jeune perfonne ne murmura point contre cette con
duite de fon pere : cependant il la tint renfermée pen
dant trois m ois, à l’expiration defquels il la fit partir pour
Chartres nuitamment & à l’improvifte , & la mit au
Couvent de l’Union , comme ii elle eût été coupable. Il
foupçonnoit que fon cœur étoit bleiïe, & vouloit, difoit-il,
y ramener lô calme de l’indifférence. Falloit-il pour cela fe
porter à une démarche aufli inconfidérée, qui tenoit plus
de la diffamation & de la tyrannie , que de la follicitude &
tendre prévoyance d’un pere ?
Le 4 Mars 1 7 8 3 , la demoifelle Gromeau fut rappellée
dans la maifon paternelle, où le malheur l’attendoit. Elle n’y
trouva plus un pere ", les fentimens du iieur Gromeau avoient
été aliénés en fon abfence par une affeftion étrangère
dont les fuites ne furent que trop publiques. L ’objet de cette
affeftion ofoit publier qu’il étoit pere naturel & non légi
time de- fa fille. La diffamation étoit d’autant plus langlante
qu elle partoitde la bouche d’une commenfale de la maifon,
qui avoit pris un empire redoutable fur l’efprit du fieur
Gromeau. Les mauvais traitemens étoient toute la fatisfaç*
�1 .* •
6
tion qu’il donnoit à fa fille fur ces difcours infolens , aux
quels il n’ajoutoit, difoit-il, aucune foi ; & la protégée nioit
le cas.
Cette calomnie parut refter affoupie pendant un certain
tems : elle fe réveilla dans une circonftance bien cruelle ,
mais bien intéreflante pour la caufe.
Vers la fin de Juillet 1 7 B 3 , le fieur Gromeau fit appeller le fieur M .. . . , Profefleur d’Anatomie , en qui il
avoit confiance , pour la guérifon de fes yeux. Ce jeune
Praticien devint bientôt l’ami de la maifon : il plut au fieur
Gromeau, au point qu’ayant conçu de l’inclination pour fa
fille , elle lui fut accordée.
L a favorite voulant mettre obftacle à cette union , fit
parvenir au jeune Médecin les propos qu’elle avoit ofé en
fanter. Celui-ci alla trouver le fieur Gromeau chez le fieur
M auduit, un jour qu’il s’y faifoit éle&rifer. Il lui fit part
des difcours qui lui étoient parvenus fur l’état de fa fille.
V oici la lettre que le lendemain il lui écrivit^ à ce fujet.
•C’étoît l’ex;
„ y ous trouverez ci-joint * , Monfieur , la réponfe à la
trait de b a p '
7
7
•
u
%jr
tême
de fa >» converfation que vous m’avez tenue hier matin chez M .
rn
1
e‘
» M auduit} vous pouvez même en faire part aux gens de
» la ville , & même à ceux de la campagne qui ont part
»aux propos infâmes tenus fur ma fille. Je fuis même en
» état dç donner d’autres preuves authentiques de la validité
»de mon mariage, lorfque les circonftances& les honnêtes
» gens l’exigeront. Vous n’avez pas beaucoup différé à
» réalifer. ce que vous m’avez dit il y a quelques jours que
» l’on cherchoit à noircir la réputation de ma fille : mais jç
»vous préviens que j’attends de pied ferme les canailles
»>qui oferont dire quelque chofe , parce que je fuis fon dét»fenfeur. Je fu is, & c .
G ro m eau ,
�4ÿ
i
7
» P . S . Vous voudrez bien me renvoyer cet extrait
» quand vous en aurez pris copie , & même fait la vérifi» cation. ».
Cette lettre du fieur Gromeau , rapportée en original,
parce que le iieur M ** * * a bien voulu la communiquer ,
porte une déclaration que les Loix ne permettent pas à un
pere de retra&er. Jointe à Faéte de baptême , émanée de
fa main à la fuite de la poiTeflion publique d’enfant légitime
pendant plus de vingt ans , c’eft le complément de tout ce
qui peut aiTurer l’état de la demoifelle Gromeau dans la
fociété civile.
Cependant des troubles d’un autre genre vinrent affliger
cette fille infortunée. Le cœur de fon pere fe, changea tout—à
coup ÿ il ne voulut plus confentir à aucun mariage, ni que fa
fille le quittât d’un feul inftant. Etoit-ce excès de tendreffe,
ou une véritable haine ? C ’étoit l’un & l’autre enfemble. Les
foins empreifés de cette fille auprès de fon pere menacé
de perdre la v u e , étoient fouvent reçus par des traitemens
ignobles, mêlés de difcours étranges. Elle fe retiroit dans
fa chambre en verfant des larmes ; elle y étôit pourfuivie
avec fureur.
Vingt fois elle fupplia fon pere de la reléguer dans un
C ouvent, puifque fa piété filiale & fes fervices domeftiques
ne lui étoient point agréables. Elle follicita même une dot
dans un Monaftere , pour y paifer toute fa vie. Il répondit
à cette priere en lui reprochant fon ingratitude. Vous
voule^ donc , difoit - il 9 m'abandonner dans mon infirmité à
des foins étrangers ?' Cette infirmité eft une vue obfcurcie.
Le fieur Gromeau, dans un âge peu avancé , jouit d’ailleurs
dune fante parfaite : les couleurs de la jeuneiTe nuancent
encore fon vifage •, aucunes rides ne couvrent fon front.
�8
'
Un jour qu’elle infifta pour la retraite , forcée par fes
tiraitemens extraordinaires , il entra en fureur , & lui dit
qu’il ne lui devoit rien , qu’il n’gvoit jamais rien reçu de
fa mere. — Eh 1 n’êtes-vous pas mon pere ? — N on j je ne
te connois pas : tu n’es qu’une ingrate , indigne de ma
tendreiTe & de mes bienfaits.
Bientôt les mauvais traitemens devinrent plus violens ;
les injures & les menaces étoient à leur comble : cette
malheureufe fille étoit même le jouet d’une domeftique audacieufe , qui avoit acquis ' cet empire par de viles complaifances.
L a demoifelle Gromeau ne put réfifter à tant d’outrages ;
elle fentit bientôt les atteintes d’une maladie mortelle. Elle
pria le Médecin de fon pere de lui procurer un afyle , en
attendant qu’elle pût fe rendre dans un Couvent. Elle y fut
reçue malade , & fut prefqu’auffitôt attaquée d’une fluxion
de poitrine , qui fit long-tems craindre pour fes jours.
Dans cet état de maladie & d’abandon , enyain fit-elle
folliciter fon pere de la fecourir ; les inftances furent in
utiles. Les fecours les plus preilans furent refufés , fous le
prétexte que la malade n’étoit qu’un.e bâtarde , à laquelle
fon pere naturel avoit donné un talent pour fubfifter ;
qu’après l’avoir nourrie & élevée jufqu’à l’âge de 24 ans, il
ne lui devoit plus rien.
Après fa convalefcence, la demoifelle Gromeau fit en?
core prier le fieur fon pere de lui indiquer un Couvent.
Il promit de faire réponfe , & garda le filence lé plus froid.
On fut obligé d’intérefler la religion & la charité des ames
honnêtes pour procurer à fa fille un Couvent.
Pans cette extrémité , elle fe vit forcée d’implorer le
fecours
�9
fecours des Loix. Elle forma fa demande au Chàtelet ,
en proviiion , d’une fomme de 1 2 0 0 0 liv. , en attendant
qu’il pût être ftatué fur fes droits légitimes & fur fon état c iv il,
& que par proviiion les termes injurieux de bâtardife fuiTent
fupprimés. Au fond, elle demanda que le fieur fon pere fût
condamné à lui communiquer l’inventaire qui a dû être fait
après le décès de Catherine Calon , fa mere , & les pieces
inventoriées , & de rendre le compte de la communauté
qui a dû exifter entre lui & ladite défunte dame fon époufe ;
finon , à lui payer la fomme de 6 0 ,0 0 0 liv.
Le fieur Gromeau crut oppofer une défenfe légitime à
cette demande en difant » que fa fille étoit bâtarde, qu’il ne
»lui devoit rien, & qu’elle devoit fe contenter d’avoir reçu
» chez lui des foins & une éducation que le vice de fa naif» fance ne la mettoit pas en droit d’attendre ni d’exiger. »
N ’efi: - ce pas infulter à un être malheureux que de lui
reprocher même fon éducation ? Nous ferions tentés de
penfer que quand la naiffance eft fouillée par l’incontinence
d’un pere , par fon mépris pour la Religion & pour les
Loix , les foins & l’éducation qu’il doit au fruit de fon
crime femblent mériter de fa part plus d’attentions & de
foins, afin d’expier fa faute ,• & d’effacer , s’il lui eft poffible , une tache dont un enfant innocent n’eit pas coupable ,
en procurant à cet enfant au moins la confidération &
l’eftime que les gens de bien accordent toujours au mérite
perfonnel.
Le fieur Gromeau ajouta » que la demande formée contre
»lui avoit tous les caraéteres de l’a&ion qu’intente une fille
» naturelle contre fon pere ; que fe prétendant légitime ,
»»elle devoit convoquer fa famille en l’hôtel du M agiftrat,
» s y faire nommer un tuteur pour s’aiTurer le fuffrage de
B
�» cette famille dans laquelle elle avoit deiTein de fe faire
» admettre : que pour établir fon état, elle devoit rapporter
» l’a&e de célébration de mariage de fes pere & mere ;
» qu’il n’y a qu’un pareil a£le qui puiiTe aiTurer l’état d’un
» enfant légitime. »
Il prétendit enfin que la mere de fa fille étoit encore exiftante, fe nommoit Marie-Catherine Calon; & quelle époufa à
Saint Euftache, le 19 Novembre 1 7 6 4 , le fieur Lacroix.
Il donne 'en effet la copie de fon extrait de mariage.
Mais ce n’eft-Ià qu’une affertion hardie ; car l’extrait de
baptême de la demoifelle Gromeau porte qu’elle effc fille de
Catherine Calon, époufe de Nicolas-Jean-Baptifte Gromeau.
O r , Catherine Calon & _Marie- Catherine Calon font évi
demment deux individus très - diftinéls par la défignation
des noms de baptême. Et quand Catherine & Marie-Catherine
Calon feroient un feul & même individu, le mariage que
Marie-Catherine auroit contra&é en 1 7 6 4 feroit-il abfolument la preuve qu’elle n’en auroit pas contraélé un premier
avec le fieur Gromeau ? Ce font de ces évencmens trop peu
rares pour en nier la poiïibilité. Mais fans éclaircir ce myftere , il fera aifé de démontrer qu’à la faveur de cet a£le
de mariage controuvé, le fieur Gromeau ne peut enlever à
fa fille l’honneur de la légitimité.
Cette queftion de légitimité ne peut être jugée défini
tivement en ce moment. Il ne s’agit aujourd’hui que de la
maintenue provifoire en la pofleifion d’é ta t, & d’une provifion alimentaire. Comme cette provifion doit être d’autant
plus confidérable fi elle eft adjugée à une fille que la Juftice
préjuge légitime, il eft neccfiaire d’établir la légitimité de la
demoifelle Gromeau. On ne l’établiroit pas , qu’il n’y auroit
encore aucun doute que fon pere fût condamné à lui
�payer également une. provifion alimentaire ; fk. en définitif,
une dot quelconque pour fon établiffement , félon le rang
dans lequel il l’auroit élevée.
Les principes fur cette matiere ne font plus chancelaos.
L ’illuftre d’Agueffeau & le célébré Cochin les ont fixés
dans leurs Plaidoyers immortels, & la Cour les a confacrés
par fes Arrêts. La légitimité des enfans , d’après ces deux
grands Orateurs , peut s’établir par la feule poffeilion d’état,
ne fût-elle accompagnée d’aucuns titres. C ’étoit autrefois la
feule marque, la feule régie qui diftinguoit les hommes & les
citoyens entr’eux. Les enfans étoient élevés dans la maifon
cles peres & m eres, comme les fruits précieux de l’union
conjugale. Les rapports des différens membres d’une famille
fe confirmoient , fe reiTerroient de jour en jour par la
notoriété publique. C ’étoit enfin la poileffion feule qui fixoit
l’état des hommes -, c’étoit l’unique efpece de preuve qui fût
connue j & quiconque auroit voulu troubler cette pofleiïion,
auroit troublé toute l’harmonie du genre humain.
Quoique nos Légiflateurs aient ajouté un nouveau genre
de preuves à la pofleffion d’état, elle n’en eft pas moins encore
feule fuffifante pour fixer parmi nous l’état d’un citoyen.
Nos Ordonnances ont introduit l’ufage des regiftres publics *
ce genre de preuves n’ajoute qu’un degré de force à l’état
qui doit être établi dans la fuite par la poiTeffion. L ’auto
rité que forme le concours de ces peuves eft inébranlable j
quand celle de la pofleifion & celle des regiftres publics
fe prêtent un mutuel fecours, tous les doutes difparoiflent.
Le genre d’éducation, dans nos mœurs, eft encore une
preuve , ou au moins un indice violent de l’état légitimé
d un enfant. L a voix de la nature & celle du feutiment
B ij
�s’expliquent par leS circonftances de l’éducation j c’eft une
fécondé naiffance : la premiere eft la naturelle ; celle-ci eft
pour ainii dire une naiffance civile & fociale.
Que iî la négligence d’un pere refufe à fes enfans cette
preuve de leur légitimité , la loi ne les abandonne pas pour
cela ; la moindre déclaration, émanée de lu i, opere une
parfaite conviftion contre lui jufqu’à ce qu’il montre manifeftement qu’il a été trompé. Développons tous ces prin
cipes.
§. Ier.
Pojfejjlon d’état fondée fu r le titre primordial de la
légitimité.
Il n’y a point de peuple fur la terre chez lequel l’homme
foit affuré de fon origine, & de fa qualité de fils légi
time.-En vain les nations les plus civilifées ont-elles cher
ché une maniéré certaine de juger du véritable état des
citoyens ; c’eft un fujet qui n’admet que des conje£hires >
des préfomptions & des probabilités. Les Légiilateurs R o
mains ont pofé pour réglé que celui qui nait hors du
légitime mariage s’attache à la m ere, félon la loi de la
nature ( i ) ; de-là, ils ont préfumé que celui qui a été élevé
par fon pere eft légitime. C ’eft fur ce fondement conje&ural
que la poffeffion d’état s’eft établie.
Cette pqffeilion ainfi acquife, l’Empereur Titus voulut
quelle eût l’effet de re&ifier même les titres de la naiffance
quand ils étoient défeftueux, afin, que l’état des enfans n’en
—i
(1)
1
"■■■ 1
—
—
Lex naturœ hac ejl, ut qui nafcitur Jint légitima matrimtnio, matrtm fequaturi
Leg. 24, de ihtu hom, ff. Q.
tit. 5.
�13
pût être blefîe, y fuiTent-ils déiîgnés fous le titre d’efclaves ou de bâtards ( i ) .
La difpoiition teftamentaire de Lucitis Tititts , citoyen
Romain , fournit un exemple remarquable de la poiTeffion
d’état chez les anciens. Son teftament étoit conçu en ces ter
mes : « Si Aurelius prouve au Juge qu’il eftmon fils, qu’il foit
» mon héritier » . La queftion débattue par les Jurifconfultes,
le Juge difpenfa de la preuve ; Aurelius fut déclaré fils lé
gitime , & fuccéda au teilateur (2). Tel étoit l’effet de la
iimple poiTeffion d’état chez ces Légiilateurs.
C ’efi: auffi l’efprit de nos Loix & de notre Jurifprudence.
Chez une nation foumife aux loix de l’Evangile la fociété
n’eft pas intéreffée à nourrir des bâtards dans fon fein ,
elle l’eft beaucoup au contraire à n’y rencontrer, & à n’y
reconnoître que des enfans légitimes , pour l’exemple des
mœurs. Un pere q u i, de fon vivant proclame bâtarde fa
fille unique , fe couvre parmi nous de' honte & d’infamie ;
& fa déclaration n’eil d’aucun poids. La poiTeffion d’état
fuffit à fa fille , fans juitifier même de fon extrait de bap
tême , ni de l’a&e de célébration de mariage de fes pere
& mere.
« D e toutes les preuves qui affurent l’état des hommes
»>dit le célébré C ochin, il n’y en a point de plus folides,
»de plus puiffantes que celles de la poiTeffion publique.
» L ’état n’eil autre chofe que le rang & la place que cha» cun tient dans la fociété générale des hommes ; & quelle
» preuve plus décifiye pour fixer cette place que la poffef( 1 ) Imperator Titus Antoninus rtfcripjit non lotiï ftatum liberorum ob tenorem
injlrurncnti'malèconcepti, ff. deftat.hom. tit 5. i. 8. Godeftoy, fur cette lo i, ajoûte;
Ut fi fervi , fpv.nl apptllaù fint.
(2) Loi 83 , ff, dt eçnvic, €•' dtmonft.
�V ^ V14
» iion publique où l’on eft d’en occuper une depuis que l’on
» eit au monde ?
» Celui qui l’a en fa faveur n’eft point obligé de remon
t e r à d’autres preuves: elle tient lieu de tous les titres
» que les Ordonnances deiirent ; elle fupplée aux aftes de
» célébration de mariage , aux extraits baptiftaires, & à
h tous les ailes qui font ordinairement employés pour fixer
» l’état des hommes.
» Mais il ce principe eft ii néceflaire en lui-même, ajoute
» ce célébré Jurifconfulte , il devient encore plus facré quand
» on oppofe aux enfans qu’ils ne rapportent pas l’a&e de
» célébration de mariage de leurs pere & mere. La raifon
» décilîve eft que ce titre n’eft point perfonnel aux enfans.
» Les titres qui leur font propres font leurs extraits bap» tiftaires. Ils font obligés d’en juftifier , ou de fuppléer à
» ces titres eifentiels par d’autres aétes , ou papiers domef» tiques. Et ii tout cela leur manque, la poffeifion publique
» de l’état vient à leur fecours j mais il n’y a jamais eu ni
» Loi ni Ordonnance qui ait exigé qu’ils portent la preuve
»jufqu’à établir que la qualité de mari & femme prife par
» leurs pere & m ere, leur a appartenu légitimement. Elle
» feroit réduire très-fouvent les enfans à l’impoffible. Com» bien y en a-t-il qui élevés tranquillement fous les yeux de
» leurs parens, n’ont jamais penfé à demander où leur pere
» avoit été m arié, & qui interrogés fur ce point après la
» mort de leur pere , feroient abfolument hors d’état d’y ré» pondre ? Combien y en a-t-il qui ne favent pas même où
» leur pere demeuroit dans le tems de fon mariage ?
»Jam ais, s écrie plus loin. l’Orateur, on a porté l’inqui» fition à de tels exces ; on s’eft toujours repofé fur la foi
vpublique, dans toutes les circonftances où la légitimité eil;
�*>néceiTaire : jamais elle ne s’établit que par l’extrait baptif» taire de celui qui fe préfente. S’agit-il de recevoir un Ma» giftrat, d’ordonner un Prêtre ? Son extrait baptiftaire fuffit,
» & jamais on n’a demandé Pà&e de mariage des pere &
»mere. Pourquoi cela ? C ’eit que l’enfant dont l’etat eft
>>aiTuré parles titres qui lui font perfonnels , ne peut
» être obligé de rapporter les titres de fes auteurs ; c’eft que
» l’autorité des titres perfonnels de l’enfant & de leur exé»>cution , prouve par elle-même Pexiftcnce des titres de fes
» auteurs, quoiqu’ils ne foient pas rapportés ; ôc pour tout
» dire , en un m ot, c’eit que la pofleilion publique fuffit par
» elle-même «.
Ces principes ont été adoptés par une foule d’Arrêts. Le
premier eil celui d’André Dohin, que Cochin rapporte. Par
fon contrat de mariage avec Colette Raquelot, il lui avoit
fait une donation univerfelle de tous fes biens. A fon décès ,
fes collatéraux contefterent la donation ,' fur le• fondement
qu’il n’y avoit point eu de mariage. La veuve déclara le
jour où elle avoit été mariée en la paroifle Saint - Jacques
de la Boucherie.On confulta les regiftres qui fe trouvèrent en
bonne forme, & l’afte de célébration de mariage ne s’y trouva
point: cependant par Arrêt du 7 Juin 1 6 7 6 , fur la foi de
la poiTeiîion publique de femme légitime où elle avoit longtems vécu , fon état fut maintenu, & la donation confirmée.
On trouve au Journal des Audiences, tom. 5 , un fécond
Arrêt du 1 7 Janvier 16 9 2 , qui a jugé que l’enfant n’étoit
point obligé de rapporter l’a&e de célébration de mariage
de fes pere & mere, & que la preuve de la p o fle ilio n d’état
lui fuffifoit.
En 1 7 1 1 , le fieur Miotte , accufé de bâtardife , fut
déclaré fils légitim é, quoiqu’on ne pût rapporter l’aile de
célébration de mariage de fes pere & mere j mais il avoit
�t')l
*
Ï<V
vécu dans la poiTeffion de la qualité d’enfant légitime.
En 1 7 2 5 , Marie-Anne Porchet fut déclarée légitime par
Arrêt de la C o u r, nonobftant la Déclaration de 1 6 8 o , qui
déclaroit nuls les mariages des Proteftans avec les Catho
liques. Louis Porchet fon pere étoit dans le cas ; & l’on ne
rapportoit pas l’extrait de fon mariage , qui devoit avoir été
contra&é depuis la prohibition de la Loi. On le préfuma
antérieur, & l’état de l’enfant fut confirmé.
Qui ne connoît PArrêt deBourgelat, plaidant M e Cochin?
Bourgelat étoit fils d’un premier lit. Sa veuve demandoit à
partager la fuccefïion de fon beau-pere, avec les enfans du
Îecond lit. Ceux-ci foutinrent qu’il étoit bâtard ; on ne rapportoit point en effet d’extrait de mariage : cependant l’on
jugea que fans remonter aux titres primordiaux, la poiTeffion
publique de l’état du fils fuffifoit pour le déclarer légitime.
Appliquons ces principes. Un enfant vient de naître au
fieur Gromeau ; il s’empreffe de le faire infcrire fur les monumens facrés qui affurent en même tems fon entrée dans
le fein de l’E g life, & fa-place dans la Société civile. C ’eil
un pere qui s’applaudit, & reçoit cet enfant^ comme un gage
précieux de la fidélité conjugale.
Catherine -Vi&oire n’a d’autre afyle que la maifon où
elle eit née. Le fein maternel eil la fource pure où elle
puife la vie fous les yeux d’un pere qui s attendrit à ce
fpe&acle. L ’époufe s’occupe des foins de fon enfance : elle
d^cede ; fon époux la remplace, & fa fille ne ceffe d’être
l'objet de fes foins & de fes complaifances, comme le feul
gage qui pût adoucir la douleur que lui caufe la perte d’une
époufe chérie.
Le pnoment de l’éducation morale arrive. Le Sr Gromeau
conduit
�JO I
17
conduit fa fille unique dans une Maifon Religieufe, où elle
fe prépare à Te rendre digne de s’unir à ion Créateur par
la nourriture myftérieufe qui purifie l’ame 'des vrais Chré
tiens. Eniuite il s’occupe à embellir Tes qualités naturelles
par des talens agréables. Le deffin & la peinture n’cft,
dit-il, qu’un métier qu’il a voulu lui donner pour gagner
fa vie ; mais le fait dément cette aiTertion. La demoifelle
Gromeau a z 4 ans, & jamais elle n’a fait la moindre dé
marche pour faire connoître au Public fon talent dans ces
arts libéraux. Il y a même plufieurs années que fon pere lui
fit abandonner fes travaux fur cet o b jet, afin de porter
toute fon application aux foins de fa m aifon, dont il lui
donna le gouvernement.
Enfin il a voulu deux fois la m arier, comme fa fille lé
gitime -, & cette inculpation atroce de fille naturelle n’eil
que le fruit de l’imagination d’une intriguante qui eit venue
à bout de pervertir le cœur d’un pere. Faites un pas dans
le crime , vous êtes entraîné dans un autre. Infenfiblement
le fieur Gromeau s’eft laiiTé fubjuguer au point que l’intérêt
le plus vil l’a porté enfin à nier l’état de fa fille pour lui
ravir fes droits & fa légitime. Tel eft lVffet des pafiions
malheureufes qui fouvent dénaturent les cœurs foibles.
Mais avant que le fieur Gromeau eût reçu ces impreflions
funeiles, avec quelle force ne s’élevoit-il pas contre les
ferpens de l’en vie, qui jettoient leur venin fur fa fille unique ?
J ’attends 3 diioit-il, les canailles qui ofent fe pei mettre ces
propos infâmes. J e f uis en ¿tat de donner des preuves authen
tiques de la validité de mon mariage, lorfque les circonflances
£ les honnêtes gens Vexigeront. Donnez-les donc, malheu
reux pere 1 Ces preuves authentiques qui d o iv e n t rétablir
votre honneur & celui de votre enfant ! Les circonflances
C
�/
i8
l’exigent ! la Juftice vous en fait un devoir ! & ii vous êtes
fenfible à l’eftime des honnêtes gens & à votre propre gloire,
vous ne tarderez pas à défavouer votre impofture. Si vous
y perfiftez , vous ne recueillerez de votre crime que la
honte & le défefpoir j car les Loix vous condamnent. Ecou
tez le langage d’un grand Magiftrat.
« Quand un pere feroit coupable, dit M. d’AgueiTeau ,
» quand il auroit l’indifcrétion de s’accufer lui-même, il
» n’eft point l’arbitre de l’état & de la deftinée de fon fils.
» La Loi rejette fon témoignage, & les Arrêts n’ont jamais
» eu d’égard à ces vaines déclarations fuggerées par la co» lere ou l’intérêt, infpirées par la haine, toujours fufpeftes ,
» foit de la part de celui qui les fait, foit de la patt de
» ceux qui les écoutent & qui en rendent témoignage «.
Le témoignage du iieur Gromeau eft fu fp eft, puifqu’il
ne doit le jour qu’au befoin de fe défendre contre l’aftion
en reddition de compte de fa fille : il eft fau x, puifqu’il eft
démenti par fa lettre datée du i Septembre i 7 8 3. Voilà donc
l’époque du premier trouble que fa fille a éprouvé dans la
poiTeifion de fon é tat, fi toutefois l’on peut appeller trouble
des difcours étrangers émanés de gens que fon pere appelle
des canailles. Elle a donc vingt-trois années de poifeiïïon
publique de fille légitime dans la maifon paternelle, confir
mée par ld déclaration du fieur Gromeau lui-même, qui
l’avoit reconnue en 1 7 6 0 fur les fonts de baptême. O r, elle
ne peut être dépouillée de cet état par provifion ; & au
contraire, par provifion , elle y doit être gardée & main
tenue : fpoliatus ante çmnia rejlituendus ejl. Autrement, un
enfant élevé dans la maifon de fes pere & m ere, comme
le fruit légitime de leur mariage, courroit tous les jours
le rifque d’être dégradé.
�19
En matiere provisoire, l’examen des titres qui femblent
combattre la pofleffion publique, fe renvoie lors de la difcuffion du fond de la queflion. Ainii la demoifelle Gromeau
pourroit fe renfermer dans fa feule pofleffion d’état certifiée
par fon pere. Elle lui fuffiroit pour obtenir des Magiftrats
la provifion alimentaire, & la radiation des termes de bâtardife^ comme injurieux & diffamatoires. Mais des intérêts
aufïi précieux exigent que nous traitions la matiere dans
toute fon étendue, comme s’il étoit queftion d’une décifion
définitive fur l’état de la réclamante. Nous ne faurions trop
difîiper les nuages & éclairer la religion des Magiflrats : il
n’eft pas moins important de porter la lumiere dansTefprit..
du fieur Gromeau, afin de le faire-rentrer en lui-même.
Détruifons fa confiance aveugle ; arrachons-lui fans vio
lence , &; par la feule voie de la perfuafion, les armes qu’il
s’eft forgées, & qu’il regarde comme capables d’afTurer le
triomphe du crime contre les efforts de l’innocence.
§.
I I.
Que le titre de la naijfance de la demoifelle Gromeau n e jl
détruit par aucun titre produit, &-ne peut letre par aucun
témoignage.
Si la pofleffion d’état d’un citoyen étoit équivoque, le
titre primordial en répareroit les vices. Il viendroit au
fecours d’une infortunée qui feroit privée des avantages
d’une reconnoiflance folemnelle. Mais la demoifelle Gro
meau a non feulement la pofleffion publique & non équi
voque de fon état ; elle a encore le titre qu’exigent les
5
C ij
/
�Loix civiles ( i ) & nos Ordonnances pour affurer la légi
timité des enfans. Son extrait de baptême, du 3 Août 1 7 6 0 ,
porte que Catherine Calon fa mere , eft l’époufe du iieur
Gromeau : il étoit préfent à la réda&ion de cet a ft e , & il
l’a figné. Voilà donc une preuve folemnelle, authentique
& invincible de fa naiifance légitime.
Cette reconnoiiTance du fieur Gromeau lors du baptême y
fait naître une préfomption de fon m ariage, telle qu’on ne
peut recevoir de preuve du contraire. C ’eft une Jurifprudence établie par les Décrétales : prœfumptum matrimonium
videtur. Contra pmfumptionem hujufmodi non ejl probado'
admittenda (2 ).
. Nous avons vu plus haut que les enfans ne font point
aiTujettis à rapporter l’afte de célébration de mariage de
leurs peres & meres. Il n’y a donc plus rien à deiirer d’après
l’a&e de baptême de la réclamante.
« Il ne peut jam ais, dit C ochin , fe former une queflion
» férieufe fur l’état d’un citoyen , quand le titre & la pof» feffion font d’accord à fon égard.. . . En vain articuleroit» on alors des faits, & demanderoit-on la permiffion d’en
» faire preuve , on feroit néceifairement accablé par le poids ’
» de ces deux preuves réunies.'.. . . L ’autorité que forme le
» concours de ces preuves eft: inébranlable. La p r e u v e tef» timoniale n’efl: pas d’un poids & d’un caraftere qui puiife
» leur être oppofé : autrement, il n’y auroit perfonne qui
» pût être affuré un feul inftant de fon état, n’ayant pour
» garant de fon fort que les regiftres publics & la poifef*
» iîon <♦.
( 1) Voyez la Loi 2 , cod. de tijlibus, & la Loi 2 4 , ff. de probat.
( i ) Cap. j ç , extrà de fponfalibut & matri 71,
�/ ô /
1
Si l’on a quelquefois emprunté le fecours de la preuve ■
teftimoniale dans les queftions d’état, c’eft lorfqu’il y avoit
une contradi£Uon palpable entre la poiTeffion & les regiftres
1
publics ; parce que la vérité n’étant pas marquée à ces caraéleres dont les Loix exigent le concours, il faut fe prêter
à tous les éclairciiTemens qui peuvent la développer. Mais
quand le titre de la naiffance paroît, aucune preuve néga
tive n’eft admiffible. En cas de perte de regiftres publics }
les Ordonnances du Royaume ont voulu qu’on eût recours
aux regiftres & papiers domeftiques des pere & m ere, pour
ne pas faire dépendre l’état de citoyen de preuves équivoques
& dangereufes, telle que la preuve teftimoniale, dont l’in
certitude a toujours effrayé les Légiilateurs.
Les pere & mere eux-mêmes ne peuvent oppofer leurs
propres témoignages contre l’a&e de baptême de leurs
enfans. Envain diroit-on de la part du iieur Gromeau, que
l’on doit regarder la déclaration d’un pere comme un ju
gement domeftique, toujours également décifif, foit qu’il
foit contraire ou favorable aux enfans ; que les noms facrés
& de pere & de m ere, & la tendrefTe que la nature leur
infpire pour leur propre fang , ne femblent pas pouvoir
permettre que l’on doute de la vérité de leur fuffrage*. Que
ce fut par ces raifons que les Romains accordèrent aux
pères la puiffance de vie & de mort fur leurs enfans, Sc
les ont affranchis de la peine des parricides „ ne préfumant
pas que jamais un pere put abufer de fon autorité , &
rien faire contre l’honneur & l’avantage de fes enfans.
Ce fyftême étoit à la vérité celui d’une ancienne nation
de la Grece j la déclaration de la mere faifoit la loi fouveraine de l’état des enfans, & quoique l’autorité du perene fut pa,s fi grande, néanmoins l’on y déféroit.
"À
�Mais il eil faux que ces maximes aient été accueillies
par les Légiflateurs Rom ains, quoiqu’en dife Bodin dans'
fa république. On a vu des peres condamner à mort leurs
enfans pour le foutien de la difcipline militaire : mais aucun
pere n’a été le Juge Souverain de la naiifance & de la
légitimité de fes enfans. Nous voyons dans leurs L o ix, que
quelque déclaration qu’une mere ait faite contre l’état de
fes enfans, la vérité confervoit toujours fes droits ; on la
cherchoit par toutes fortes de v o y e s, même après le ferment
de la mere.
Voici en effet ce que porte la Loi 29 , ff. de probat. &
præfumpt. « Les preuves de l’état des enfans ne coniiilent
» pas dans la feule affirmation des témoins ; & même les
» lettres .qui feroient émanées des meres ne pourroient
» avoir aucune force de preuve contre leur état ( 1 ) » . r
La même Loi propofe cette queilion. « Une mere en» ceinte eil répudiée par fon mari ; accouchant en fon ab» fence , elle déclare fon enfant batard adultérin dans un
»âéle particulier j elle décédé enfuite ab intejlat. L ’on de» mande il fon enfant tombe dans la puiffance du pere, fi,
»de fon ordre, il peut réclamer la fucceffion de fa m ere,
» & ii la déclaration de la défunte, faite dans un mou» vement de fa colere, peut nuire à fon état. Le Jurifconfulte
»>Scœvola répond que non; & que la vérité a confervé tout
» fes droits ( 2 ) » .
[ed
( 1 ) Probatìones qua de filìis dantur, non in fola ajfìrmaiione ttflium confijlunt,
& epiJìoUs qua uxonbus mijfx allegarentut , f i de fide eatum confluii ,
nonnullam v ic m
inftrumtntorum obtinere decretum eft. Leg. 29 ff. de prob. S i
prajfumpt.
( i ) M ulìtr gravida repudiata . filiurn enixa abfente marito , ut fpurium in ailit
pròf i f a
e/l, Quafiium efl : an is in proteflate patris f i t , 0 maire inteflatà mortud.ì
�Jo ï
2y
' Non-feulement les pere & mere ne peuvent ôter l’état cle
leurs enfans ; mais même ceux-ci ne peuvent s’en tenir à
leur déclaration & abandonner leur état légitime dont ils
doivent compte à la fociété. Deux Princes d’Italie furent
blâmés d’ignorance & regardés comme des lâches pour avoir
abdiqué leurs Etats, par une déférence fotement fcrupuleufe,
pour la déclaration de leur m ere, qui en mourant avoit ‘
aiTuré qu’ils n’étoient pas enfans de fon mari. Qu’une mere,
au lit de la mort, expie dans le fein de la Religion , par
de triftes aveux, l’adultere qu’elle a commis; le repentir eil
légitime: mais qu’elle décide que le complice de fon crime
foit le pere de fes enfans plutôt que fon mari ; c’eft vouloir
pénétrer aveuglement le myftere impénétrable de la nature ;
c’eft juger fans néceifité & fans droit contre l’autorité des
Loix ( 1 ) ; c’eft bleifer les droits d’autrui, qu’il n’eft permis à
perfonne de compromettre. Et des hommes qui adoptent un tel
jugement d’une mere expirante font dans l’ordre civil ce que
des fuicides font dans l’ordre naturel. La demoifelle Gromeau
fe doit donc à elle-même, & elle doit à la mémoire de celle
qui l’a portée dans fon fein , & qui l’a nourrie de fon la it,
de foutenir le titre honorable de fa légitimité. Combattre
fon pere en pareil c a s, c’eft le refpe&er, le forcer à fe
refpefter, & non lui faire injure.
La Jurifprudence Romaine fur les déclarations des peres
& meres contre leurs enfans, nous a fervie de modele.
«Q u i ignore, dit l’Orateur françois ( 2 ) , que les parens
jujfu '¡u s f hcreditatem matris adîri pajjlt ; ntc otßt yrofcjjio à maire irrita ß S Jre/pondu : veritati locum' fuperfore.
(1)
Pater 6- quem nujpùm démontrant.
( a ) C ochin. Plaidoyer de B o u rg ela t, canoniit par un A rrêt notable^
�24
» ne peuvent détruire l’état de leurs enfans quand il eft une
» fois établi ? C ’eft un préfent de la nature, ou plutôt de
» la Providence dont ils ne peuvent difpofer; il eft vrai
» qu’ils en font les premiers témoins : mais quand une fois
» ils ont rendu ( comme a fait le iieur Gromeau ) un témoi» gnage éclatant à une vérité ii précieufe, quand ils l’ont
» confirmé par une longue fuite d’aftes, & par le fait public
» de l’éducation, il ne leur eft plus permis de varier : il n’eft
» plus tems, lorfqu’un fils eft parvenu jufqu’à l’âge de trente
» ans avec tous les honneur d’une naiflance pure , de vouloir
» le faire paffer pour le fruit de la débauche & de la cor» ruption. L ’état eft form é, la poÎfeiTion eft acquife, rien
» ne p e u t l’ébranler » .
« C ’eft un principe général, dit M. d’AgueiTeau, auffi
» convenable à l’équité naturelle qu’à l’utilité de la fociété
»civile: qu’un pere & une mere peuvent bien aiïurer par
» leur fufïrage l’état de leurs enfans, mais qu’ils ne peuvent
»jamais le détruire».
Ce principe a été confacré par une foule d’Arrêts ; nous
n’en citerons que deux, rendus fur les conclufions de ce
M agiftrat, les i 5 Juin 1 6 9 3 & 16 Juillet 1 6 9 5 . Dans
l’efpece du premier Arrêt, la mere étoit accufée d’adultere;
elle avoit avoué en Ju ftice, dans fon interrogatoire , que
fon fils ne devoit la vie qu’à fon crime * & néanmoins après
une déclaration fi authentique, on déclara l’enfant légitime;
èc pourquoi ? Parce que le mari n’avoit été abfent que trois
m ois, enforte que l’adultere de la femme n’empêchoit pas
qu’on ne pût penfer qu’il fût pere ; & parce qu’encore ,
comme nous 1 avons obfervé, la nature dans fes produétions
eft impénétrable aux etres meme dont elle employé les or
ganes fecrçts, comme des inftrumens dont elle fe fert pour
opérer
�25
.
^
opérer fes prodiges. Il ne fuffit pas même , dit le favant
Magiftrat , de prouver l’infidélité de la mere pour en
conclure que le fils eft illégitime. La Loi s’oppofe à cette
conféquence injufte ; & elle fe déclare en faveur du fils
par ces paroles fameufes fi fouvent citées dans ces ma
tières : non crimen adulterii quod mulieri objicitur, infanri
prœjudicat ; cum p o jjit & ilia adultéra ejfe, & impubes defunctum patrem habuijfe. ( L o i i i . §. 9. ff. ad leg. Juliam de
adulteriis. )
Dans l’efpece du fécond Arrêt, Firmin-Alexandre Delatre,
méconnu par fon pere, étoit né trois mois après le mariage.
Le pere prétendoit qu’il n’y avoit pas eu de confommation,
& qu’il étoit impuiffant. La mere étoit accouchée fecrétement
à l’infçu de tout le Public, & même de toute fa Maifon. La
Sage-Femme fit baptifer l’enfant, & le confia à une blanchiifeufe qui fut dépofitaire de fa deftinée. Aucun témoin,
ni parent, ni étranger n’avoit aififté au baptême ; il étoit fait
mention dans le regiftre que le pere étoit abfent; l’enfant
n’avoit aucune pofleflion d’état ; fa naiiîance feu le, trois
mois après le mariage du fieur Delatre avec fa mere, étoit
certaine. L ’on préfuma qu’il étoit le fruit de la fréquentation
du fieur Delatre avant fon mariage; on le jugea légitimé
par ce fubféquent mariage , malgré le defaveu du mari &&
fon impuiifance dont il offroit la preuve.
Y a - t - il la moindre préfomption favorable à l’état d’un
enfant? les Loix la faififfent. Eft-il poflible qu’il foit né légi
time ? Elles le déclarent tel j elles veulent que ce qui n’eft:
que poifible foit réel & pafle pour confiant. Chœf-d’oeuvrc
admirable de légiflation, ce principe établi par la fageife Sc
1 expérience humaine, eft le fondement le plus folide de la
tranquillité
du repos des familles. Il faut être bien aveuglé
D
�iio
I \ »,
.
16
par Ta vanité pour ofer prétendre renverfer un principe
auili précieux
la fociété civile.
Majs quand l’homme eft aiTez méchant & corrompu poui
s’élever au-deffus des mœurs , des bienféances & des lo ix ,
dans quels excès ne tombe-t-il pas ? Qu’on en juge par ce
trait de la défenfe de notre Adverfaire.
Il oppofe contre l’aéle de baptême de fa fille , l’afte de
mariage d’une Marie-Catherine Calon, q u i, le i 9 Novembre
1 7 6 4 , époufa le fieur Lacroix en l’Eglife Saint-Euftache.
« Voilà votre m ere, dit-il à fa fille : vous l’avez crue dans
» le tombeau dès votre plus tendre enfance ; elle couloit
» fes jours dans les bras d’un époux légitime dont elle a
» aujourd’hui plufieurs enfans. Si votre naiffance eût été le
» fruit d’une union contrariée aux pieds des autels, & non
» pas celui de ma fédu&ion & de mon libertinage, Marie» Catherine Calon , mon époufe, n’eût pas pu fe marier de
w mon vivant. Elle l’a fait ; donc vous êtes bâtarde ; donc
» votre afte de baptême eft fau x, & j’étois alors moi-même un
» vil fauffaire fur vos fonts de baptême, me jouant de tout
» ce que les loix & la religion ont de plus facré » .
» Qui vous a indiqué , ou communiqué cet extrait de
mariage de ma prétendue mere, répond la demoifelle Groîneau à fon pere ? Eft-ce cette époufe légitime du fieur La
croix que je n’ai jamais vue dans votre maifon, que vous
ne m’avez jamais fait connoître , & dont j’ai ignoré toute
ma vie le nom que vous n’avez jamais prononcé ? Quelle
relation avez-vous pu conferver avec une femme dont vous
dites avoir féduit & trompé la jeuneflc ? Après un laps de
tetns de vingt-quatre années , vous avez donc.été vous préfenter chez cette époufe légitimé d’un citoyen , & vous lui
avez propofé de reconnoitre fa prétendue foiblcfle, de cer-
�î?
tifier l'illégitimité de ma naiffance , & de vous donner une
arme contre moi ? Mais eft - il dans l’ordre des vraifemblances, que il véritablement cette femme étoit ma mere ,
elle eût eu pour ion fédu&eur une ii lâche complailance ;
qu’elle fe fût expofée à découvrir fa honte à fon époux ,
au public , & fur-tout à fes enfans ? L ’avez-vous trompé fur
l’ufage que vous vouliez faire de fon' afte de célébration de
mariage ? Eft-il dans fon intention de produire cet afte pour
prouver qu’elle n’a jamais été votre époufe légitime ? J ’ad
mettrai cette conféquence ; mais prétend-elle que je fuis fa
fille ? Non. Son a £ e de mariage , loin d’établir ce fait , le
dément. Elle y eft nommée Marie-Catherine Calon, ck mon
a&e de baptême porte que je fuis née de Catherine Calon,
rotre époufe. L ’identité des noms vous manque par un effet
de la Providence , qui démafque le crime. Vous rapporte
riez la déclaration de la dame Lacroix qu’elle me reconnoît
pour fa fille naturelle, les M agiftrats, dépoiitaires de mon
honneur & de mon état , ne pourroient l’en croire. Le
doux nom de mere feroit fans doute fait pour m’attendrir ôc
me faire voler dans les bras de celle qui prendroit ce pré
cieux titre : mais pourrois-jereconnoître pour mere une femme
que je n’ai jamais connue, qui n’a pris aucun foin de mon
enfance &■ de mon éducation, & qui ne m’a jamais donné
le moindre figne de maternité ? Pourrois-je traiter en mere
celle qui viendroit prêter fon nom à un pere qui me refufe
des alimens qu’elle ne m’offre pas? Celle qui ne fe feroil;
connoître que pour m’ôter l’honneur , l’exiftence civile &
la vie même? Ainii,malheureux enfant, je ne trouverois donc
dans les deux auteurs de mes jours que des tigres qui fe
preteroient un mutuel fecours pour me déchirer le fein &
me couvrir de honte & d’opprobre ! O douleur ! O défefD ij
�;t{
18
poir ! Ah ! je ne puis retenir mes larmes.."».. O vo u s, mes
défenfeurs & mes Juges ! Ayez pitiez de mon fo r t, fauvezmoi de ma propre foibleiTe.... Armée contre un pere qui
me fuppofe une mere , je tombe évanouie à ce nom refpe&able. Je pouffe des cris & des fanglots , je ne puis plus
me défendre.....»
Soutenez votre courage , fille infortunée 1la fenfibilité de
votre ame pourroit vous tromper & abufer la nature : l’il—
luiîon nous arrache des larmes tout ainii que la vérité. Cette
fauffe mere ne vous reclame pas. Attendez donc qu’elle parle
pour confulter votre cœur. Il n’eft pas tems encore de vous
abandonner aux mouvemens de la tendreffe filiale >de verfer
ces larmes délicieufes capables de vous confoler un moment
d’une naiffance illégitime: non, il n’eft pas tems de décider
cette grande queftion d’état & de maternité.
Si cette mere de famille vient vous réclamer & vous appeller au nombre de fes enfans, vous demanderez à la voir},
vous chercherez à reconnoître dans fes traks fi les vôtres n >
font pas confondus ; & fi la nature parle, vous entendrez,
fon langage , & vous obéirez à fa voix. Par un mouvement
fubit & réciproque , vous ne formerez plus alors qu’un
feul être par vos embraffemens ; car la nature ne fauroit
tromper. Ce témoignage de l’ame , ces mouvemens prcffés,
ne font pas de ces accens que fait entendre l’impoiture, ni
de ces preftiges que l’erreur enfante ; c eft la force de la
nature qui les produit : c’eft fa loi fuprême qui commande
& fe lait obéir. Ainfi vous feule pouvez diiïiper les ténebres
dont on voudroit obfcurcir votre naiffance; & vos Juges *
m uets, ne prononceront que quand la voix de la nature fe
fera fait entendre.
Que fi elle garde un profond filence, la loi civile ne
�f (3
29
pourra vous forcer à rendre hommage à celle que vous
n’aurez pu reconnoître. Les circonilances de votre état font
telles , que l’éclat de la vérité ne peut briller que dans votre
ame , & ne peut fortir que de votre propre conieffion.
Prenez bien garde que les loix rendent le titre de votre
naiiTance inébranlable ^ indeftru&ible, & qu’il doit provi
soirement & définitivement triompher d’un a£te de mariage
q ui , rapproché de votre a£te de baptême , n’annonce pas
que l’époufe du iîeur Lacroix foit l’individu de qui vous
tenez la naiiTance.
L ’Ordonnance de 1 6 6 7 , art. 7 , tit. 2 0 , a é t a b l i que les
baptêmes, mariages &fépultures feroient fixés par des regis
tres en bonne forme qui feront fo i & preuve en Jujlice. Chaque
a&e fait donc foi & preuve de fon contenu. Que prouve l’ex
trait de baptême de la demoifelle Gromeau ? Qu’elle eft née
de Nicolas-Jean-Baptifle Gromeau & de Catherine Calon fon
époufe. Eit-ce Catherine Calon q u i, le i 9 Novembre 1 7 6 4 ,
a époufé le fieur Lacroix ? Si le fait étoit v r a i , il ne détruiroit pas encore la poifibilité d’un premier mariage avec
le Sr Gromeau : & non feulement ce premier mariage feroit
dans l’ordre des poffibles ; mais il feroit réel & conilaté par
l’extrait de baptême de l’enfant ; les loix canoniques & ci
viles le fuppoferoint ; elles n’obligeroient pas l’enfant d’en
rapporter d’autre preuve ; les Arrêts l’ont décidé. Donc fi
. c’étoit Catherine Calon , mere de la demoifelle Grom eau,
.qui eût époufé le fieur Lacroix, ce dernier mariage ferot
.nul; les enfans Lacroix feroient des bâtards adultérins , &
la réclamante feroit le feul 'enfant légitime de Catherine
Calon , époufe du Jieur Gromeau , par la force de fon a&e
de baptême, auquel la foi feroit due, & qui feroit preuve
complette aux termes de la loi.
�Mais il eil démontré fa u x , par l’a&e môme de mariage
que Catherine Calon ait époufé le iîeur Lacroix : c’eil un autre
individu, qui porte à la vérité le même nom de famille Calon,
mais non pas le même nom de baptême. Marie-Catherine
n’eil pas le même nom que Catherine. La différence eil pe
tite à la vérité : mais qui ne fait que ce font ces petites &
imperceptibles différences qui diilinguent les perfonnes dans
la fociété civ ile, les peres d’avec leurs enfans mâles les
freres d’avec les freres, les fœurs d’avec les fœurs, les tantes
d’avec les nieces , & même les êtres étrangers qui portent
fouvent le même nom de famille. On connoit à Paris Jean
Lefebvre ,Je a n -B aptiße Lefebvre , Nicolas-Alex andre Lefebvre ,
8c Nicolas Lefebvre-. ces quatre perfonnages font abfoluinent
étrangers entre eux.
Pourquoi les Ordonnances du Royaume ont-elles prefcrit
l’établiiTement des regiilres dans les ParoifTes, & ont-elles
voulu que les noms des citoyens recevant le baptême & la
fépulture* & contraélant m ariag e ,y fuifent infcrits avec la
plus grande exaétitude ? c’eil pour aifurer fans confufion
l’état des hommes. Le nom de famille eil celui qui appar
tient à toute la ra c e , qui fe continue de pere en fils, &
pafle à toutes les branches. Le nom de baptême eil celui
qui eil infcrit pour différencier ceux qui font de la même
famille, & qui doivent fo r m e r différentes branches de l’arbre
généalogique. Si vous ne diilinguez pas Jean de Jean-Baptiile , Catherine de M arie-C ath erin e , les individus ne pour
ront plus être diilingués que par les figures & la poifeifion
d’état; & les regiilres publics fi néceilaires, fi fagement éta
blis , auxquels les Loix & les Magiilrats veillent avec un fi
grand fcrupule , loin d’être d’aucun fecours, ne feront plus
�31
s u
que des monumeus inutiles, incertains , d’où fortiront les
ténébres les plus épaiffes, qui répandront au loin Terreur ,
le trouble & la confuiion.
Nous pourrions rapporter ici une foule d’autorités &
d’exemples j mais la matiere nous meneroit trop loin dans
une caufe où il ne s’agit que de ftatuer fur la maintenue
provifoire en la polTeiTion d’é ta t, & fur une provifion ali
mentaire. Nous finirons cette partie'de notre difcuifion par.
une réflexion fimple qui va faire fentir que Fa&e de
mariage des fieur & dame Lacroix , produit par le fieur
Gromeau , ne peut être d’aucune influence , • fur-tout au
provifoire.
Il eil de principe que nul ne peut nuire à un tie rs, ni fe
mêler du droit d’un tiers. Or le fieur Gromeau ne peut pas
attribuer à la dame Lacroix un enfant qu’elle ne reclame
ni ne reconnoît. En vain lui attribue-t-il cet enfant ; fa feule
déclaration ne fuffit pas. Il faut favoir fi la dame Lacroix
reconnoîtra cette propriété, & la maternité criminelle dont
on l’honore. Eh 1qui fait fi cette femme calomniée ne rendra
pas plainte contre le fieur Gromeau en diffamation de fa perfonne ; & fi fon mari & fes enfans ne reclameront pas dans les
Tribunaux l’honneur d’une époufe & d’une mere , & la
vengeance qui leur eft dûe contre leur détra&eur. E h ! de
quel droit le fieur Gromeau va-t-il lever dans les dépôts
publics l’extrait de mariage du fieur Lacroix , pour venir
flétrir la réputation de fa femme & l’honneur de fes
enfans ?
Le fieur Gromeau eft non-recevable à argumenter d’un
titre qui ne lui eft point perfonnel, & d’où il ne peut faire
refulter que la honte 6c l’opprobre d’une famille étrangère-
�3*
La dame Lacroix n’ayant fait aucune déclaration , aucun
a v e u , & n’étant pas dans la caufe , on doit ignorer qui elle
eft. En attendant quelle s’explique ou qu’elle paroifTe, la
proviiîon eft due au titre de la demoifelle Gromeau ; elle
doit être maintenue en la poffeffion de fon état, & obtenir
fa proviiîon alimentaire.
Quand il fera queilion du fond de la caufe, on pourra
y appeller la dame Lacroix, pour déclarer fi elle reconnoît
Vi&oire-Catherine pour fa fille naturelle : alors nous établi
rons avec plus de force & d’étendue les grands principes
fur la différence des noms de baptême : alors nous décou
vrirons le complot, & alors s’élevera cette grande queilion
de la fauffe mere que Salomon décida fi ingénieufement.
Mais il y a lieu de penfer dès-à-préfent que le fieur Gro
meau fera défavoué, & ne recueillera de fa témérité que
le blâme des Magistrats, & l’indignation publique.
§.
I I I.
Que la provijion alimentaire ejl due , quel que foit l’état de
la réclamante.
Dans toutes les caufes d’E ta t, jufqu’à ce qu’elles foient
terminées , le pere eft obligé de fournir des aliméns à celle
qui fe dit fa fille , ne le fût-elle pas , pourvu cependant
qu’elle foit en pofleiîion de fa filiation. C ’eft un principe
confacré par une foule d’A rrêts, tous fondés fur cette ma
xime : qu’il vaut mieux que celui qui peut être un enfant
fuppofé , foit alimenté ; que celui qui peut être véritable,
meure de faim. Satins eft eum qui forte filius non eft, ali ,
quam eum qui forte filius eft , famé necari,
Au
�Au mépris de notre Jurifprudence , qui eft confiante fur
ce point, le iieur Gromeau foutient fa fille non-recevable
dans fa demande en provifion alimentaire fur ces trois mo
tifs: i ° . que fa fille eft bâtarde ; z°. qu’ayant été élevée
dans fa maifon jufqu’à l’âge de 2 4 ans , & lui ayant procuré
le talent de la peinture, il ne lui doit plus rien; 3 0. quelle
peut revenir dans fa maifon, prendre foin de fa perfonne
infirme , & qu’elle y trouvera la v i e , l’entretien & l’hon
neur.
Il eft d’abord faux que la reclamante foit bâtarde. Mais
fuppofons qu’en caufe définitive elle puiffe être déclarée
telle , ce que perfonne n’imaginera ; du moins quant à préfent elle a titré & poffeiTion de légitimité , que l’on ne peut
lui ôter par provifion. Or il s’agit uniquement de cette même
provifion : ainfi l’allégation de bâtardife ne peut pas mettre
d’obftacle à la demande des alimens provifoires.
Allons plus loin : la demoifelle Gromeau n’auroit ni titre
ni pofleflion de légitimité, elle feroit bâtarde , Si fon pere
un concubinaire, où feroit encore le doute fur les alimens ?
il eft de jurifprudence confiante au Châtelet , & dans les
autres Tribunaux du Royaume , confacrée par les Arrêts de
toutes les Cours Souveraines, que non-feulement les peres
naturels doivent des alimens à leurs enfans, & une dot pour
leur établiffement félon leur éducation primitive , mais
même^que les héritiers de ceux-là en font tenus, modo
emolumenti.
Dans la foule des Arrêts nous ne citerons que celui de la
Grand’Chambre du Parlement de Paris, du 1 7 Juillet 1 7 5 2 »
qui , en confirmant une Sentence du même Tribunal où la
deBioifelle Groîneau attend fon fo rt, a adjugé une penfion
�34'
alimentaire de $ 0 0 livres à la demoifelle Bonnièr , fille na
turelle du fieur Bonnier de la MoiiTon. Elle avoit été oubliée
dans le teftament de fon pere. Les héritiers ont été condamnés
à lui payer une fomme de 2 0 , 0 0 0 livres, payable lors de
fon établiffement.
2 0. Ce traitement, dit-on, n’efl: point dû à la demoifelle
Gromeau. Son pere lui a donné un talent dont elle peut vivre
honorablement.
Jamais le fieur Gromeau n’a été dans l’intention que fa
fille vécut du Deifin & de Ja Peinture qu’il lui a fait apprendre.
C ’eit au feul'titre d’éducation qu’il lui a donné des Maîtres
dans ces Arts agréables ; il l’a avoué lui-même dans fa propre
défenfe. « Je lui ai donné , dit-il , des foins & une éducation
» que le vice de fa naiffance ne la mettoit pas en droit d’exi» ger de moi » . Ce n’étoit donc pas dans la vue de lui pro
curer les moyens de fubfifter que vous lui donniez cette
éducation , fi peu faite , dites-vous , pour quadrer avec
le vice de fa naiffance. Si au contraire votre intention
étoit que cette éducation la mît en état de gagner fa v i e ,
comme une fille qui n’a ni parens , ni patrimoine , cette
même naiffance1 vicieufe exigeoit donc de vous cette utile
éducation ?
Quel efi le traitement ordinaire des enfans, dont la nai£
fance illégitime fait rougir leurs auteurs ? ce n’eil point dans
la maifon du pere qu’ils font élevés * ils fuivent l’état & la
condition de leur mere j c’eft à celle-ci que leur éducation eft
déférée. Le pere ne doit qu’une penfion alimentaire à l’en
fant , & quelquefois une indemnité confidérable à la mere,
ou des dommages-intérêts, félon les circonihnces. Elle éleve
alors fon enfant félon fa condition ; elle lui fait apprendre
un métier, ou lui donne un talent honnête, félon fes moyens.
�*»*—
t
3t
Que fi la mere meurt, ou l’abandonne , le pere alors en cil
chargé : mais ce n’eft point dans fa maiton qu’ordinairement
il éleve ion enfant naturel : il le met dans une peniion ; bientôt
par l’éducation vulgaire qu’il lui donne, il lui fait ientir le
vice de fa naiiTance, & l’éleve de maniéré à lui apprendre,
que quand il fera parvenu à un certain âge , il doit gagner fa
v i e , puifque nos Loix veulent que les bâtards n’aient ni
parens ni patrimoine.
Un enfant naturel ainfi élevé , pourvu d’un métier ou
d’un talent dont il efl en plein exercice, à l’âge de z 5 ou
3 o ans , pourroit bien n’obtenir qu’une légere faveur en
Juftice fur une demande en alimens, fauf pourtant la dot ,
qu’en cas de mariage & d’établiffement, un pere naturel d’un
état ordinaire doit à fon enfant.
Mais une fille , prétendue naturelle , élevée chez fon
pere: depuis fon berceau , comme une fille unique & légi
time , traitée avec toutes les attentions, les foins & le s égards
dûs à ces deux titres précieux , une fille à laquelle fon pere
a donné des talens agréables , fans jamais lui faire fentir
qu’elle en dût, un jour fubfifter ; qui a partagé les avan
tages de fon rang & de fa fortune ; qui avoit été accordée en
mariage à deux citoyens honnêtes que le feul caprice du S r Gromeau a éloignés ; une fille qui a tous ces cara&eres n'aura
aucun droit 1 c’eft un enfant de cette claife particulière qu’un
pere prétendra obliger de fe faire un état & une profeifion
publique des foibles talens qui ont fait partie de fon éduca
tion ! un art que la réclamante n’a pas pu perfe&ionner, par
foumiiTion à la volonté de fon pere , il faudra aujourd’hui
qu elle en vive 1fi le fieur Gromeau vouloit que fa filie profefsat le Deflin & la Peinture , il ne falloit donc pas, il y a
quatre ans , la priver de fes Maîtres 7 & l’employer au fervice
E ij
�36
continuel de fa maifon ( i ) . S’il prétend aujourd’hui qu’elle
reprenne les crayons , la palette & le pinceau , dont elle
ne rougiroit pas fans doute , qu’il lui donne donc les meubles
& effets qui étoient à fon ufage dans fa maifon, les moyens
de vivre , la provifion qu’elle lui demande , en attendant
que fes talens fe faffent connoître, & puiffent lui procurer
une fubfiilance honorable. Veut-il que fa fille aille implorer
des fecours étrangers , & proftitue fa perfonne dans un fiecle
corrompu ? « On tue fon enfant, dit la L o i , non-feulement
» lorfqu’on l’étouffe, mais encore lorfqu’on l’abandonne ;
» lorfqu’on lui refufe la nourriture, & lorfqu’on l’expofe dans
» un lieu public, afin qu’il trouve dans les autres une com» paffion , dont on n’a point été touché foi-même envers lui » .
Necare videtur non tantum is qui partum perfocat : fed & is
qui abjicit ; & qui alimonia denegat ; & is qui publicis locis
mifericordiæ caufa exponit, quam ipfe non habet. ( Leg. 4.
lib. 2 5. tit. 3 , ff. de agnofcendis & alendis liberis ).
3 °. Que ma fille revienne chez mo i , s’écrie le fieur Gromeau en fureur 5 elle y trouvera la vie, l’entretien, & l’honneur.
L ’honneur ! Eh ! déjà vous le lui avez ravi ! ou du
moins tous vos efforts y tendent. Une fille légitime ne peut être
contrainte à rentrer dans une maifon où l’on répand fur fa
naiffance des doutes honteux , & où l’infolence des valets
fe joint au mépris du maître.
D ’ailleurs , la reclamante ayant des droits à exercer
contre fon pere , ne peut être contrainte à aller vivre dans
( 1 ) Il avoit une cuifm iere, & un la q u a is ; il renvoya fa cuifiniere lorfque fa fille
eut vingt ans. Il ne vouloit voir fur fa table que ce qui ¿toit apprêté par les mains de
fa fille ; il en avoit le d r o it, car les enfans font les premiers ferviteurs du pere de
fam ille. L es domeftiques ne font que des aides qu’il veut bien leur d o n n e r, foit
pour alléger leur p e in e , foit pour les occuper de chofes plus importantes,
�’ 37
fa maifon. Jamais en pareille conjon&ure les Jugemens n’ont
forcé les enfans à aller recevoir les alimens chez leurs
parens. L ’incompatibilité *d’humeurs , par exemple , n’eft
point un motif légitime de' refufer d’aller vivre avec fon
pere ; cela eft jugé par un Arrêt du 2 7 Juillet 1 6 0 9 :
mais le choc des a&ions juridiques fur l’état & les intérêts
civils répugne à l’afyle commun.
Il eft encore d’autres motifs de féparation que nous
enfeigne le Jurifconfulte de la Normandie , cet oracle dont
les fages maximes retendirent tous les jours dans nos Tri
bunaux } & même aux pieds du Trône. »Les enfans , dit
» le célébré Houard , en recevant de leur pere même les
w alimens , ( nom fous lequel il faut toujours comprendre
» toute efpece de befoins, en fanté comme en maladie , )
» peuvent être contraints à réfider chez e u x , fi ce n’eft dans
>»le cas o ù , par exemple , les moeurs d’une fille ne feroient
»pas en fûreté avec une belle-mere débauchée , ou dans
» celui qui expoferoit un fils tendre & honnête à des violences
» de la part d’un pere barbare & injujle. »
Ce ne font pas feulement les injures atroces & la néceiTité d’exercer fes droits qui ont forcé la Réclamante de
quitter la maifon paternelle. Des traitemens ignominieux &
déteftables lui en ont fait un devoir j s’il eft v r a i , comme
on n’en peut douter, que tout être foit obligé de veiller à
fa fûreté & à ia confervation. Ces mauvais traitemens ont
été dépofés dans le fein des Miniftres du Roi & de l’Eglife.
La Juftice ne forcera pas fans doute une fille trop malheureufe à s’en plaindre ; elle les a oubliés. Le refus des ali-*
mens • n’a donc ici d’autre caufe que le plaifir inhumain
d affliger'l’innocence. ’
Réfumons , en peu de mots , les objets fur lefquels les
�3*
Magiftrats doivent prononcer dans cette caufe importante."
L a demoifelie Gromeau s’occupoit de fon émancipation
& de FaiTemblée de fes parens & amis , qu’elle vouloit
provoquer en l’hôtel de M. le Lieutenant C ivil , pour s’y
.faire, ¿nommer un tuteur à fes aâions immobiliaires , lorfque
la maladie qui fuivit les mauvais traitemens de fon pere
l’arrêta dans cette opération.
Si l’humanité foigna fes jours,, la charité chrétienne lui
fit ouvrir les portes d’un Monaftere pour faire ceiTer les
_difcours injurieux de fon pere, qui, loin de la couvrir de
fon manteau , lança contr’elle les premiers traits de la ca
lomnie. Il fe garda bien de fe rendre à nos inftances de
mettre lui-même fa fille au Couvent ; il fe feroit ôté le doux
plaifir de la diffamer & de fe venger. Mais on y a pourvu
fans fon fecours.
Elle s’eft vue dans la néceifité de former une demande en
proviiîon alimentaire. Le fieur Gromeau y a défendu par
l’atroce inculpation de bâtardife \ ce qui a donné lieu à la
demande incidente en la poffeifion d’état , par proviiîon.
Ainfi , maintenue provifoire en la qualité de fille légitime j
provifion alimentaire d’une fotnme de i 2 , 0 0 0 l i v . , ou de
telle autre qu’il plaira à la Juftice de fixer , félon l’état &
la fortune du iieur Gromeau , laquelle fomme doit être
employée non rfeulement aux alimens de la Réclamante ,
mais encore aux frais de pourfuite de fes a&ions juridiques ;
enfin , fuppreifion de termes injurieux , avec dépens. Tels
font les objets fur lefquels la Juftice doit ftatuer.
Il
ne s’agit point de juger définitivement la queftion
d’état. La caufe au fond n’eft point encore portée au
dégré d’évidence dont elle eft fufceptible ; car l’extrait de
fnariage de la dame Lacroix femble y répandre quelques
|£nçbres, qui nç tarderont pas ¿1 fe diiHper entièrement
�X ?3
à la tueur des inftruâions que le terns pourra procurer.
Quelle eft donc en ce moment la lîtuation critique &
touchante de la demoifelle Gromeau ? Que fes Juges dai
gnent la confidérer d’après le tableau qu’elle a trace ellemême à nos yeux attendris, dans fes initruéUons fur les faits.
Contrainte de combattre un pere qu’elle voudroit
défendre , d’expofer au blâme celui qu’elle voudroit ho
norer, fon cœur eft déchiré par les mouvemens- divers de'
la tendrefle filiale, 8c de la jufte colere qui vient troubler un'
ii beau fentiment, fans y porter pourtant aucune altération1
réelle. Le feu de l’indignation1 nuancé fon vifage.... furieufe
un inftant.... mais bientôt vingt années de foins ,-de bontés
& d’affe&ions vraiment paternels viennent tout - à - coup
émouvoir fes entrailles, & exciter f a v i v e reconnoiiTance.
Elle voit comme encore préfentes à fes yeux , ces
mains dHm* pere toujours pleines de ce qui pouvoif
flatter les goûts dé fon'enfance &T de fa jeuneiTe ; elle’
fe rappelle avec attendriffement1• cette générofité fansbornes , ces riens fi précieux qui font le charme
des coeurs vraiment uni s , & fur-tout cette aimable égalité
où un pere femble laifler flotter les rênes de fon autorité ,
& à1travers laquelle une fille fage TaiiTe entrevoir fon refpeft
& fa foumiflion.... Hélas ! qu’êtes- vous devenus, ô doux
inftians-de l’amour paternel ! ô précieufes années- de paix
& de félicité l
Fille fenfiblë'! cœur fublime & reconnoiflant ! vous
vous attendriffez encore : je vois-! vos yeux mouillés de
larmes vous brûlez d’aller vous abandonner à la pitié d’un
pere
de vous jetter dans fon fein!.... Allez ,. fi vous
.croyez trouver un pere 5. volez dans» fes; bras ; la Juftice
va fufpendre fes oracles..,. M ais, hélas î vous vous flattez
�40
envain : il eft un âge &: des fituations où l’homme eft im
placable ; fes fibres endurcies ne portent plus à l’ame ces
fublimes impreffions qui ne font faites que pour la tendre
jeuneffe , ou pour des coeurs privilégiés de la nature. Vous
ferez repouffée , malheureux enfant !
Ah ! dites plutôt avec le Roi Prophète : » Un lion raviff eur
& rugiffant s’eft jetté fur moi : le confeil des méchans m’a
» affiégée ; il ont déjà partagé mes vêtemens. Je vous implore , ,o mes Juges ! vous êtes mes défenfeurs dès le
» ventre de ma mere : ne m’abandonnez pas , car la tribu» lation eft très-prochaine. » E h ! ne fentons nous pas qu’elle
vous accable en ce moment même ? Le devoir , l’am our,
la nature & la loi font violés en votre perfonne ; les moeurs,
l’honnêteté publique , l’honneur perfonnel, ce bien le plus
précieux du citoyen , ce frein des gens de bi en, tout eft
bravé , tout eft facrifié pour vous perdre. L ’audace de vos
ennemis va même jufqu’à. porter la défolation dans une famille
étrangère, au fein de laquelle ils vous fuppofent une fauff e
mere ; s’ils la couvrent d’opprobre , c’eft afin qu’il rejalliff e
fur vous. Mais votre état eft confervé dans les monumens
publics : vous êtes fous la garde des Loix & des Magiftrats ,
& bientôt vos Juges apprendront à ces perturbateurs du repos
des familles, qu’ils ne peuvent fe jouer impunément ni de la
foibleffe des pupilles, ni de la majefté des Tribunaux.
S ig n é , C a t h e r i n e - V ic t q ir e
G ro m eau &
C a r lie r ,
curateur.
Monf i eur D U V A L , Rapporteur.
M e H U B E R T , Avocat,
C A R L I E R , Procureur,
À PARIS, chez P. G, SiMOM, & N. H. Nyon , lmp. duParl., rue Mignon, 1784
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gromeau, Catherine-Victoire. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duval
Hubert
Carlier
Subject
The topic of the resource
successions
légitime
enfants naturels
refus d'aliment
abus de faiblesse
diffamation
maltraitance
faux
vie monastique
Description
An account of the resource
Titre complet : Demande en maintenue provisoire en la possession d'état, et provision alimentaire. Pour Catherine-Victoire Gromeau, fille mineure, procédent sous l'assistance et autorité de Maître Carlier, son curateur ad hoc, et pour ledit Maître Carlier au dit nom ; Contre Nicolas Jean-Baptiste Gromeau, intéressé dans les affaires du Roi, son père.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez P. G. Simon et N. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1783-1784
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0809
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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abus de faiblesse
diffamation
enfants naturels
Faux
légitime
maltraitance
refus d'aliment
Successions
vie monastique
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3cc913939898e535470c89cc939b24f3
PDF Text
Text
M
E M
O
I R E .
�* 'A
G É N É A L O GIE
DES
PARTIES.
Claude D ancette Ier-
A nne,
A n d ré ,
à
à
Claude Faugier.
M arie Robin. *
[
t
i
2
3
2
3
C la u d e ,
C la u d e ,
Jean-Jacques,
M arguerite,
F ran ço ise,
A n d ré ,
décédé sans
religieu x
religieuse,
à
prêtre.
postérité.
bénédictin,
Jacques
M arguerite
novice le so
M assardier,
F avier.
mars 17^ 1,
profès le 23
demandeurs
et défendeurs.
à
mars 176 3,
a réclam é
A n dré-M arie,
mort le 5
e n 179 0 .
complémentaire
an 5 .
N .... Robin.
N .... Robin.
* M arie R obin.
i
a
Barthélém y.
J. Barthélém y.
Jean Barthélém y.
�MEMOIRE
■
POUR
M ASSARD IER
FAUGIER sa fe m m e , tant
Jacques
com m e étant aux droits d'A
et
F R A N ÇOISE
en leur nom que
ndré
FAUGIER
leur frère et b e a u - f r è r e , et com m e héritiers
d’ANDRÉ - M a r i e
FAUGIER
leur n eveu ,
D ’A P P E L
défendeurs et demandeurs en tierce opposition;
CONTRE
,
D 'A N C E T T E prêtre, ex-reli
gieux bénédictin , habitant de la commune de
Bauzat, département de la Haute-Loire, de
mandeur et défendeur en tierce opposition ;
Jean -Jacques
E t encore c o n t r e J e a n - B a r t h é l é m y
R O B I N y cultivateur, habitant du lieu deMontillon, défendeur et demandeur.
L
es
TRIBUNAL
questions soumises au tribunal d’appel sont de la
plus haute importance. Il s’agit de statuer sur le mérite de
trois tierces oppositions : l’une formée par Barthélémy
R ob in, à un arrêt du parlement de Toulouse, du 13 août
A 2
séan tario m
.
�( 4 )
1789 ; la seconde formée par Jean-Jacques Dancette , reli
gieux bénédictin„ au même arrêt; et la troisième formée
p a r Jacques Massardier et Françoise Faugier, sa femme , à
un arrêt du parlement de Paris, du 6 octobre 1790, conJîrrnatif d’une sentence de l’ofiicialité de M a ço n , du 26
juillet de la même année, qui renvoie au siècle et à l’état
de prêtre séculier Jean-Jacques Dancette, religieux béné
dictin , après trente-huit ans de profession sans aucune
réclamation de sa part.
Cette dernière tierce opposition est devenue la question
principale ; elle demande surtout un examen particulier
et approfondi. S’il est en effet établi que Jean-Jacques
Dancette n’a pu être renvoyé au siècle, qu’il étoit non recevable c\ réclamer contre ses vœ u x , il est sans qualité dans
sa tierce opposition à l’arrêt de Toulouse ; la prétention de
Barthélémy Robin n’est plus qu’une chimère ; Massardier
et son épouse restent propriétaires incommutables de tous
les biens qui donnent lieu au procès.
Il est surtout intéressant de rendre un compte exact des
faits de la cause, de la généalogie des parties, et des règlemens qui ont eu lieu dans Ja famille.
Claude Dancette, premier du n o m , a laissé deux enfans :
A n d ré et Anne.
A n dré épousa Marie R o b in , et de ce mariage sont pro
venus trois enfans : C laude, décédé sans postérité avant ses
père et m è re ; J e a n -J a cq u e s, religieux bénédictin de
l’ordre de C lu n y , novice le 20 mars 176 2 , à l’agc requis
par les lois, profès le 23 mars 1753;
Marguerite Dancette, religieuse, et dont il n’est pas
question au procès.
�( 5 )
Anne D ancette, sœur d’A n d r é , a épousé Claude Faug*er, et a eu trois enfans: A n d ré , prêtre ; Françoise ,
mariée à Jacques Massardier ; et Claude, marié à Margue
rite F avier, d’où est provenu A n dré-M arie Faugier, mort
sans postérité le 5 complémentaire an 5.
A n d r é , prêtre, a cédé ses droits à Françoise sa sœur,
et à Jacques Massardier son mari.
A n dré Dancette avoit institué Claude, son fils, héritier
universel; mais le prédécès de son fils ayant rendu l’insti
tution caduque, ses autres enfans, qui avoient embrassé
l’état religieux, étoient morts civilement.
Il fit alors son testament le 29 décembre 1768. Il lègue
-à Jean-Jacques, son fils, religieux profès de l’étroite
observance de C lu n y , la somme annuelle de 260 francs,
pour être par lui employée en bonnes œuvres; plus, une
pension annuelle de i 5 o francs, pour servir à ses besoins.
Il lègue encore à Marguerite Dorotliée sa fille, religieuse
ursulinc, une pension annuelle et viagèr&de 300 francs; et
enfin il institue Marie R o b in , son épouse, son héritière
générale et universelle de tous ses biens, à la charge par
elle d’acquitter les legs et ses frais funéraires.
Ce tcstament.est fait au lieu de la D ourlière, paroisse
de Bauzat, dans le château du testateur. Dans le nombre
des témoins nécessaires pour la validité des testamens en
1
t
pays de droit écrit, deux seuls sont signataires; les quatre
Quires déclarent ne savoir signer.
Marie R ob in, héritière testamentaire, fit à son tour
1111 testament, le 21 mars 1780; et, parmi les legs par
ticuliers que contient ce testament, elle lègue, à titre
^ institution particulière, à Jcan-Jacques D a n c e t t e so n fils,
�c 6 }.
religieux nouvellement sécularisé, est-il dit, pour cause
d’infir mités, les fruits et revenus de ses entiers biens,
pendant sa v ie , à la charge des réparations locatives, et
de payer h sa sœur religieuse la pension de 300 francs
qui lui avoit été faite. Elle institue ensuite pour son
héritier général et universel Barthélémy R obin l’aîné ,
son neveu, père de Jean Barthélémy Robin qui figure
aujourd’hui.
Aussitôt après le décès de Marie Robin , les enfans
d’A n n e ' D an cette, femme Faugier et sœur d’A n dré
D an cette, formèrent la demande en nullité du testament
d’A n d ré Dancette, du 29 décembre 1768, et conclurent
au désistement de l’universalité des biens délaissés par
feu A n dré Dancette leur oncle.
Cette demande en nullité étoit fondée sur ce qu’il n’y
avoit que deux témoins signataires dans le testament,
quoiqu’il eût été fait dans une ville fermée; attendu que
le lieu de la D ourliè re , domicile du testateur, étoit
situé dans le faubourg de la ville de Bauzat. Dès lors ,
d ’après l’article X L V de l’ordonnance de 1 7 3 5 , ce tes
tament se trouvoit irrégulier et nul.
Cette demande, portée en la sénéchaussée du P n y ,
donna lieu à un procès considérable. Il fut rendu un
premier jugement interlocutoire, le 31 mai 178 3, qui
ordonna une expertise à l’effet de vérifier la ville de
Bauzat et lieux circonvoisins qui y étoient attcnans. Les
experts devoient examiner si le lieu de Bauzat etoit en
touré de murs ; quel étoit le nombre de feux qu il y
•avait dans ce lieu , ou dans les environs en dépendant :
ils étoient également chargés de mesurer la distance du
�(
7
)
lieu ou château de la Dourlière au lieu de Bauzat; vérifier
s’il y avoit des maisons intermédiaires, et quel en éloît
le nombre : ils devoient également lever et remettre un
plan figuré des lieux et distances.
Les parties nommèrent leurs experts en exécution de
ce jugement ; mais Barthélémy Robin voulut encore
ajouter à l’expertise une précaution essentielle : il demanda
et obtint la descente du juge-mage du P u y sur les lieux,
pour faire procéder les experts en sa présence5 ce qui
fut exécuté.
Barthélémy Robin alla plus loin : il obtint un co m pulsoire pour se faire remettre, soit des notaires, soit
des contrôleurs , les testamens qui pouvoient avoir été
reçus dans la commune de Bauzat et lieux circonvoisins.
M ais, malgré tous ses soins, il fut rendu une sentence,
le 30 août 178 7, q u i, sans s’arrêter aux demandes ni aux
certificats de Barthélémy R o b in , ayant égard au procès
verbal de descente du juge-mage , ainsi qu’au rapport
des experts, et au plan figuré des lieu x, casse et annulle
le testament de défunt A ndré Dancette , du 29 décembre
176 8 , pour cause de contravention à l'ordonnance de
I 73 5 ; prononce, en faveur des enfans d’Anne Dancette,
la restitution du mobilier et le désistement des immeubles
composant la succession d’A n dré Dancette.
Barthélémy Robin interjeta appel de cette sentence au
parlement de Toulouse , 011 il intervint le 1 3 .août 1789
un arrêt sur productions respectives, qui mit l’appellation
néant, et ordonna que la sentence du sénéchal du P u y
seroit exécutée suivant sa forme et teneur.
£*’cst ici le cas d’observer que Jean-Bar thélemy R ob in,
�( 8 )
fils de l’héritier testamentaire, avoit épousé Marie-Ursule
F é ra rd , le 2 juin 1787 , postérieurement à la demande en
nullité du testament. Par son contrat de mariage, Barthé
lémy Robin son père lui avoit fait donation de tous ses
Liens présens et ¿1 venir , à la charge par lui de payer
toutes ses dettes obligées ou non obligées, et sans qu’il pût
se dispenser du payement, en répudiant les biens ù venir.
L e père se réserve le droit de fixer la légitime de ses
autres çnfans en argent, l’époque des payemens, le droit
de vendre ses immeubles jusqu’à concurrence du montant
de ces légitimes.
Il se réserve encore la faculté de pouvoir disposer, à son
plaisir et volonté, de tous les biens, effets, q u 'il avoit dans
la pa?'oisse de B a u z a t et R etournât. ( Ce sont les biens
Dancette.)
E n cas d’éviction de ces mêmes b ie n s, il se réserve la
disposition de la somme de 7,000 fr. sur les biens donnés;
enfin il stipule que , dans le cas où il viendroit à d écéd er,
avant que le procès qu’il a à raison de la succession de la
dame Dancette s a l a n t e , ne fut term iné, il veut que son
fils donataire soit tenu de fournir aux frais et avances do
ce procès, jusqu’à l’arrêt définitif, sans espoir de répétition ,
si ce n’est la quote part qu’en devront supporter les légitimaires, comme étant une dette de la succession, en cas
de mauvais événement,
O n voit que cette donation n’est autre chose qu’une
institution, et ne doit prendre effet qu’à la mort du dis
posant. Gela est d’autant plus évident, que le fils donataire
ne peut pas répudier les biens à v en ir, pour se dispenser
ch* payement des dettes j et enfin, les biens de Bauzat et
Retournât
�(
9
)
Retournât, qui sont précisément les objets litigieux, sont
réservés par le p è r e , de sorte que Jean-Barthélemy Robin
n étoit aucunement saisi de cet objet.
C ’est cependant en vertu de cette donation, que JeanBarthélemy Robin a prétendu qu’il devoit être appelé en
cause, lors de la demande en nullité du testament d’A ndré
Dancette ? et c’est sur cette prétendue omission que JeanBarthélemy Robin a fondé sa tierce opposition à l’arrêtdu parlement de Toulouse, du 13 août 1789. Cette obser
vation aura son application dans la suite.
Les héritiers d’Anne Dancette obtinrent exécutoire du
coût de l’arrêt et de la sentence; ils le firent signifier, tant
à Barthélémy R obin qu’à Jean-Barthélemy Robin , de
mandeurs, avec commandement de payer le montant de
1exécutoire; et Jean-Barthélemy R o b in , demandeur en
opposition, paya le tout, lors du commandement qui en
contient quittance.
Massardier et sa femme demandèrent permission de faire
dresser procès verbal de l’état des batimens, fonds et héri
tages qui dépendoient de la succession d’A ndré Dancette;
il fut nommé des experts, à la vérité d’office pour Robin;
ces experts ont fait leur opération/elle fut terminée le 16
janvier 1790.
C ’est alors que Barthélémy Robin p è re, le 29 janvier
*790, imûgina de former opposition à l’ordonnance por' ^ n t nomination de Sabot, notaire, pour dresser procès
verbal, et des experts pour opérer. D e son côté, JeanBarthélemy Robin fils forma tierce opposition à l’arrêt
parlement de Toulouse. Cette tierce opposition ne
^ut d’abord formée que par un simple acte, en date du
B
•
�( IO )
i i janvier 1790; m£ùs
20 février suivant il la renou
vela par requête.
L ’opposition formée par le père fut bientôt vidée: il
en fut débouté par sentence du sénéchal du Puy.
Jean-Barthélemy Robin ne poursuivit pas vivement
]a tierce opposition qu’il avoit formée ; mais bientôt JeanJacques D ancette, religieux bénédictin , paroît sur la
scène. On se rappelle q u e , novice le 20 mars 1 7 6 2 , il
avoit fait profession le 23 mars i y 5 ^. Depuis cette époque
jusqu’en 179 0 , il avoit conservé l’esprit de son état;
pendant trentc-liuit ans il avoit vécu dans le cloître sans
aucune réclamation : mais le 4 mars 179 0 , il présenta
requête ¿\ l’oilicialité de M â co n , pour demander à être
relevé de ses v œ u x ; et, par exploits des 12 mars et 3
juillet de la même an n ée, il fit assigner les prieur et
religieux de l’abbaye de G lu n y , sBarthélemy et JeanBarthélemy R o b in , frères, et A n d ré F a u g ie r, prêtre,
pour voir déclarer nuls et de nul effet ses actes de vêlure et
de profession, des 20 mars 1 7 5 2 , et 23 mars 1 7 5 3 ; voir
d ir e , en conséquence, qu’il seroit renvoyé au siècle/en
état de prêtre séculier, pour y jouir de tous les droits
dh o m m e et de citoyen q u’il fût fait défenses au prieur
de Cluny, et à tous autres, de le troubler , aux peines de
droit j et p o u r v o ir condamner tous les contredisans aux
dépens.
lie moment étoit assez bien choisi pour une semblable
réclamation. Déjà une première l o i , du 28 octobre 1789 ,
nvoit ajourné la question sur les vœux monastiques, et
décrété, par provision , que l’émission des vœ ux seroit
suspendue dans tous les monastères de l’un et de l’autre
sexe.
�( II )
D eu x décrets postérieurs, des 13 février et 20 mars
1 7 9 ° , avoient prononcé la nullité de tous les vœ u x ,
permettaient aux religieux de sortir de leurs cloîtres ;
mais néanmoins avec cette restriction : « qu’ils demeu» reroient incapables de succéder, et ne pourroient rece» voir par donations entre-vifs ou testamentaires, que
» des pensions ou rentes viagères.
Ce n’étoit donc pas pour la validité de ses vœ u x , que
craignoit Jean-Jacques Dancette; mais il n’adoptoit pas
la restriction de la loi, et vouloit succéder. Cette circons
tance devenoit indifférente aux religieux bénédictins:
aussi on voit que sur la demande de Jean-Jacques D a n
cette , ils s en rapportent à la prudence de Vofficial et
a u x conclusions du prom oteur.
L a sentence n’apprend pas quelles furent les conclu
sions des Robin et de F augier; mais, sans aucun motif,
elle déclare les actes de vêture et de profession de JeanJacques D an cette, dans l’ordre et la maison de C lu n y ,
nuls et de nul effet, le renvoie au siècle en état de prêtre
séculier, fail défenses aux religieux de Cluny et à tous
autres de le troubler, et compense les dépens.
Il est remarquable que cette sentence, en date du 28
juillet 1790, ne fait mention, dans les qualités, d’A n dré
F a u g ie r, qu’en son nom seulement; mais sur l’appel
comme d’abus, qui fut interjeté par les Robin au par
em en t de Paris, on voit figurer dans les qualités de
l’arrôt A n d ré F a u g ie r , tant en son nom , que comme
tuteur d’A n d ré -M aric F augier, fils de Claude.
l i ’arrôt rendu en la chambre des vacations, le 6 octobre
1 79° j dit qu’il n’y a abus; en conséquence, ordonne que
B a
�( 12 )
la sentence de l’oiïicial sera exécutée suivant sa forme et
teneur.
Claude F a u gie r, père d’A n d ré-M a rie, avoit fait son
testament le 19 avril 178 2, par lequel il instituoit son fils
son héritier universel ; m ais, dans le cas où son fils viendroit à décéder avant sa vingt-cin quièm e année, il lui
substituoit, tant pupillairement que vulgairement, demoi
selle Françoise
Faugier
sa sœur ', femme Massardier.
j
O
P a r ce même testament, il nomme pour tuteur à son
fils A n d ré Faugier son frère, prêtre.
Mais aussitôt que J e a n -J a cq u e s Dancette fut rendu
au siècle, le repos de la famille fut troublé. 11 se fait
nom m er curateur d’A ndré-M arie Faugier son cousin , et
fait signifier un acte au tuteur, par lequel ce jeune homme
déclare, qu’ayant atteint l’âge de quatorze ans, il se choisit
Jean-Jacques Dancette pour curateur; révoque A n dré
son oncle; le remercie de ses soins, et lui fait défenses de
s’immiscer dans l’administration de ses biens en qualité de
tuteur. Ce jeune h o m m e , en effet, se retira â la com
pagnie de Jean-Jacques Dancette, où il a demeuré jus
q u ’au jour de son décès.
Jcnn-Jacques Dancette a su profiter de la foiblesse de
son cousin. Il lui fait faire deux actes , l’un par lequel
il dispose d’ une portion de ses biens, au profit de JeanJacques Dancette, et l’autre , par lequel il déclare que se
trouvant indisposé, il donne à titre de ferme à Marguerite
Dancette, religieuse, sa cousine, son domaine d e llio u x
et ses dépendances, exception faite de la portion dont il
a disposé au profit de son cousin. Ce bail de ferme est
consenti pour trente années, moyennant la somme annuelle
�(
)
de ioo fr. payable moitié aux pauvres de Ste. Sigolêne,
et moitié aux pauvres de Beauzat.
Il veut , dans le cas où sa cousine décédât avant les
trente ans, que le bail passe au profit des pauvres, sous
l’administration de la municipalité de Ste. Sigolône, qui
rendra compte de la moitié du produit à celle de Beauzat.
L e bailleur se réserve cependant la faculté de résilier ce
bail à volon té, mais sans que ses héritiers puissent user de
cette faculté , s’il venoit à décéder.
La prohibition des nouvelles lois ne permettoit pas à
André-Marie Faugier de donner à son cousin une por
tion bien considérable. La quotité disponible étoit res
treinte au sixième : mais sans doute que ce moine am bi
tieux espéroit une plus grande latitude dans la suite; car
il se fait donner, par son cousin, tout ce que la loi lui
permet maintenant, et tout ce q u elle -pourrait lu i pe?'~
mettre à Pavenir. Un voit ensuite qu’il est assez ingénieux
pour éluder la prohibition , au moyen du bail à ferme
qu’il fait consentir à vil p r ix , à sa sœur religieuse, pen
dant trente années.
Antérieurem ent au décès d’André-M arie F a u gier, il
existoit une demande» en partage, formée contre lui par
Massardier et son épouse, de tous les biens composant la
succession d’André Dancetteleur oncle. Une sentence par
défaut leur avoit adjugé leurs conclusions; mais A n d ré Marie Faugier y forma opposition, et mourut avant un
jugement définitif.
Jean-Jacques Dancette, craignant sans doute quelque
Mesure rigoureuse contre les prêtres, avoit vendu, à Bar
thélémy et à Jean Barthélémy llo bin , les domaines de
�( l4 )
Confolent et de la D o u rlière, dépendans de la succession
d’A n d ré Dancette; il avoit aussi vendu à sa sœur la re
ligieuse les domaines du Charabon et des Reluses. Ces
ventes sont antérieures au décès d’André-M arie Faugier.
Massardier et sa femme voulurent faire apposer les scellés
sur les effets d’André-M arie Faugier ; Jean-Jacques D an
cette et sa sœur religieuse s’y opposèrent formellement.
Jacques Massardier et sa femme se pourvurent sur cette
opposition au tribunal civil de la H aute-Loire;et le 22 ven
démiaire an 6 , il fut rendu un jugement contradictoire
en vacations, q u i, sans s’arrêter à l’opposition de JeanJacques Dancette et de sa sœur, ordonna qu’il seroit pro
cédé à l'apposition de scellés par le juge de paix, qu’en
suite il seroit fait inventaire du mobilier par le premier
notaire que le juge de paix est autorisé à commettre.
Sur le surplus des demandes, les parties furent renvoyées
h l’audience d’après les vacations.
C ’est alors que Jacques Massardier et Françoise Faugier
■sa f e m m e , tant en leur nom que comme étant aux droits
d’A ndré Faugier, prêtre, leur frère et beau-frère, citèrent
Jean-Jacques Dancette et sa sœur, et Barthélémy Robin
et Jean Barthélémy R o b in , se disant tiers acquéreurs des
domaines de la Dourlière et Confolent , au bureau de
paix du canton de M onistrol, pour se concilier sur la
demande tendante à ce que Massardier et sa femme fussent
envoyés en possession de l’entière succession d’A n d réMarie Faugier leur neveu, comme étant les seuls habiles
à lui succéder ; et en même temps de celle de définit A ndré
Dancette; celte dernière succession consistant dans les
domaines de la D ourlière, Confolent, Chambon , leR io u x
�( i5 )
et les Reluses; avec défenses de les y troubler, aux peines
de droit. Ils conclurent en même temps à la restitution
du m obilier, suivant l’inventaire ; des fruits et récoltes,
suivant l'estimation.
Il s’éleva plusieurs discussions au bureau de paix. Robin
prétendit q u e , d’après la loi du 17 nivôse, il avoit part
à la succession d’A ndré-M arie Faugier : faisant pour JeanJacques Dancelte, il argumenta du legs du sixième porté
par le testament d’A n d r é - M a r ie Faugier; il entra dans
d'autres discussions auxquelles Marguerite Dancette se
référa ; de sorte que les voies conciliatoires ayant été
épuisées sans succès, les demandeurs firent citer toutes
les parties au tribunal civil de la I ia u te -L o ire , et depuis
le nouvel ordre, au tribunal d’Issengcaux.
E n défense à cette demande, il fut justifié premièrement
de la requête en tierce opposition à l’arrêt du parlement
de Toulouse , présenté par Jean - Barthélémy Robin ,
le 20 février 1790 ; 2°. d’un acte de dépôt fait par Jeanr
Barthélémy et François R o b in , frères, faisant, est-il dit,
pour Jean-Jacques Dancette, comme étant à ses droits,
de la sentence rendue à l’oflicialité de Mâcon le 20 mars
1790, de l’arrêt coniirmatif de eette sentence rendu au
parlement de Paris le 6 octobre de la même année, d’un
exploit de signification de celte sentence et arrêt en date
du 16 nivôse an 6. Les Robin se contentent ensuite de
déclarer qu’ils n’entreprendront pas de contester au fond
la demande de Jacques Massardier et de sa femme; qu’ils
laissent ce soin à Jean-Jacques Dancette, qui leur doit une
garantie, comme leur ayant vendu les domaines de Con
solent et de la D ourlière, par acte du 19 fructidor an 5.
�(
)
Ils ajoutent que l’arrêt du parlement de Toulouse ne peut
servir de titre à Massardier et à sa femme; que lui JeanBarthélem y Robin y a formé tierce opposition, et qu’il
faut absolument attendre l’événement de cette tierce op
position. Par ces défenses, en date du i 5 ventôse an 9 ,
ils prétendent que le tribunal d’appel de Riom est saisi de
cette tierce opposition , quoiqu’il ne l’ait été que par ex
ploit du 26 floréal suivant. A u surplus, ils soutiennent
que Jean-Jacques Dancette étoit vrai propriétaire des
domaines qu’il leur a vendus, comme de tous les autres
biens d’A ndré Dancette son père ; qu’il s’étoit fait relever
de ses vœ u x ; et que la sentence de l’oilicialité, ainsi que
l’arrêt d u .parlement de Paris, ctoient une barrière in
surmontable à la demande de Massardier et sa femme,
tant qu’ils 11e les auront point attaqués. Ils finirent par
demander q u’il fût sursis à tout jugement, jusqu’à ce
qu'il auroit été statué, sur la tierce opposition par eux
formée.
Jacques Massardier et Françoise F a u gie r, d’après ces
défenses, sentirent la nécessité d’attaquer la sentence de
l’oilicialité et l’arrêt du parlement de Paris. Comme la
tierce opposition de Jean-Barthélemy Robin étoit pen
dante en ce tribunal, ils présentèrent requête le 19 ther
midor an 9 , par laquelle ils conclurent à la-nullité de
cette sentence ainsi que de l’a r r ê t , et subsidiairement
demandèrent à être reçus tiers opposans à la sentence de
l’oiïicialité et à l’arrêt confirmatif. Un jugement du 13 ven
tôse an 10, en donnant acte de celte tierce opposition, a
appointé et joint cette demande incidente à la demande
priueipalc, pour être statué sur le tout par un seul et
même
�*
( 17 ) "
même jugement : mais ils se déterminèrent en même
temps, pour éviter toute difficulté, à renouveler cette
tierce opposition vis-à-vis de Jean-Jacques Dancette, qui
lui-même à son tour s’est rendu tiers opposant à l’arrêt
du parlement de Toulouse, confirmatif de la sentence de
la sénéchaussée du Puy.
>
Voilà donc trois tierces oppositions à juger. Celle for
mée par Massardier et sa femme à l’arrêt du parlement
de Paris, présente le plus grand intérêt; e t, quoiqu’elle
soit purement incidente au,procès, on commencera par
la discuter : les deux autres ne sont que secondaires et
deviennent un accessoire de la question principale.
Tierce opposition de M assardier et sa fem m e et la
sentence de ïojficia lité et à ïa rrêt conjirniaicf du
parlement de P a ris.
# .
D e grandes raisonsvpolitiques, et qu’il ne nous est pas
permis d’examiner, ont déterminé l’assemblée nationale
à ne plus reconnoître les vœ ux solennels religieux. JeanJacques Dancette a pu profiter de la loi, et rentrer dans
le siècle : mais pouvoit-ii porter le trouble dans sa famille;
et reprendre des biens qui lui avoient échappé par sa
mort civile, après trente-sept années de profession?
Il est des règles invariables en cette matière, qu'il ne
lui a pas été permis d’enfreindre. D ’après la disposition
du concile de T r e n te , session 25 , de régularibus, cap. i g }
tout religieux ou religieuse qui.croyoit 'avoir des motifs
pour réclamer contre ses vœ ux,devoit proposer sesiiioyens’
do nullité dans les 5 ans à compter1du jour de sa pvofüs-i
C
�( IS )
slon. Q uicw m jue rcgularis pretendatseper vint et metum
ingression esse religionem , aut etiam dicat ante œ ialem dtbitam p r o fe ssu m fu isse , aut aliquid sitnile, velitque habitum dim ittere quacum que de c a u sa , aut etiam
cum habitu discedere sine licentia superiorum , non
a u d ia tu r, n isiin tr a quinquenium tantum à die professio n is , et tune non aliter n isi causas quas pretenderit
deduxerunt coram superiore suo et ordinario. Q uàd s i
anteà habitum sponte dim iserit , nuUatenùs ad ailegandurn quam eum que causam a d m itta tu r, sed ad m o7iasterium redire co g a tu r, et tanquam apostata p u
n i a tu r.
D ’Iiéricourt, lois ecclésiastiques, enseigne, norab. n ,
page 96 , que la réclamation dans les cinq ans est indis
pensable , et que passé ce terme le religieux est censé
avoir ratifié tacitement la profession qu’ il n’auroit laite
même que par violence.
F évre t, dans son traité de l’abus, livre 5 , chapitre 3,
nomb. 23 et 20, dit également, d’après le concile qu’ori
vient de citer , que si le religieux réclame après les cinq
ans, il est non recevable. L ’usage de France, d it-il, est
conforme en ce point à la disposition du concile de Trente,
et celle règle s’observe rigoureusement, encore qu'il se
rencontre quelque défaut en la profession, soit pour avoir
été faile avant l’âge, soit pour avoir élé forcée; car si le
religieux, nonobstant ces manquemens, persévère clans
le monastère, et y fait toutes les fonctions de religieux
pendant les cinq nus et plus, les vices et défauts qui se
vencontroient en sa profession , sont couverts par cette
persévérance, et anéantis par un si long silence. S ie n in i
�( *9 )
proclan) are p o ta it, cu r tam diù ta cu ît? Il cite plusieurs
arrêts qui se sont conformés à cette règle : l’un du 21 mai
i ^47 j dans la cause de soeur Gabrielle Saint-Bliri; l’autre
du 7 mai i 658 , dans la cause de frère Jean de Villeneuve ;
un troisième du parlem entdeParis, du dernier mars 1726,
rendu contre une religieuse nommée de Pienne, qui avoit
fait profession à 12 ans six mois, et contre son gré, selon
qu’il en apparoissoit suivant les informations. Elle avoit
gardé le silence pendant plus de 5 ans ; e t , malgré qu’elle
exlt obtenu un rescrit en cour de Rom e , elle fut dé
boutée de toutes ses demandes : deux autres arrêts du par
lement de Dijon , des 11 août 1640 et 23 mars 16 5 7 , ont
également adopté la fin de non recevoir des 5 ans. Rousseau-Lacom be, dans son dictionnaire canonique, apprend
aussi que la réclamation doit être faite dans les 5 premières
années, à compter du jour de la profession, et il est im
possible de révoquer en doute une règle confirmée par
l’autorité des arrêts et les maximes canoniques.
Les mêmes auteurs que l’on vient de citer examinent
encore s’il est des cas où un religieux puisse être écouté
dans sa réclamation , lorsque les 5 ans sont écoulés. D ’H éricourt n’admet qu’une seule hypothèse; c’est lorsque l'em
pêchement quia rendu la profession nulle vient de ce que
la personne, étant déjà liée, ne pouvoit s’engager dans
l’état religieux tant que cet empêchement subsisteroit.
Ainsi, par exemple, un homme marié doit toujours re
tourner avec sa femme, quoiqu’il y ait 10 et 20 ans ou
Plus qu’il se soit engagé dans l’état religieux. F évrel répète
cc qu’a dit d’Héricourt j et R ic h e r , dans son tiaité de la
mort civile, page 8 7 7 , demande si le décret du concile de
G 2
�( 20 )
T re n te doit être observé avec une telle rigueu r, qu’il ne
soit pas possible d’être écouté dans une réclamation ,
lorsque les cinq ans sont écoulés. Il distingue sur cette
question deux sortes d’empêchemens : les.uns perpétuels,
qui ne cessent jamais de former obstacle à la profession;
' les autres qui ne sont que passagers, et cessent au bout
d ’un certain temps.Les empêchemens perpétuels sont, une
infirmité incurable ou une santé délicate qui ne permet
la pratique d’aucune règle ; les autres s o n t, le défaut
d’a g e, la force et la contrainte. Il arrive quelquefois que
ces empêchemens ne cessent qu’après les cinq ans écoulés
depuis la profession. Des parens, par exem ple, ont forcé
un jeune homme à s’engager dans un ordre religieux;
et les supérieurs du c o u v e n t, de connivence avec ces
parens injustes, l’empêchent de faire, en temps et lieu ,
les protestations nécessaires. Ricber dit alors que le con
cile ne regarde pas ceux qui ont des empêchemens per
pétuels ou des empêchemens passagers qui subsistent
encore après les cinq ans écoulés; ils peuvent alors ré
clamer par la voie ordinaire. A in si, par exem ple, un
homme marié et qui est entré en religion contre le gré
de sa femme , et après avoir consommé le mariage, peut,
en quelque temps que ce soit, réclamer contre sa pro
fession, du vivant de sa fem me; parce que n’ayant pu
disposer de sa personne, il ne peut rester engagé par
des vœux qu’il 11e pouvoit pas faire: mais si lors de sa
réclamation, cinq ans s’étoient écoulés depuis la mort de
si femme, il est-constant qu’il ne seroit pas rccevable.
Un religieux, continue-t-il, q u i, après cinq ans, lia
pas encore acquis l’âge proscrit par les canons et par les
�( 21 )
ordonnances, a la liberté de réclamer contre ses v œ u x ,
par la voie ordinaire. U n enfant que scs parens conti
nuent à tenir, contre son g r é , dans un monastère, même
après l’espace de cinq années , doit être admis «\ réclamer
contre sa profession. Mais ces circonstances particulières
ne lui paroissent point détruire le principe établi, que la
réclamation doit être faite dans les cinq ans, du iour de
la profession, ou du jour que l’empêchement qui sert de
base à cette réclamation a cessé. Un religieux qui prétend
que ses vœux sont nuls, n’a-t-il pas le temps, pendant les
cinq ans qui lui sont accordés, de s’essayer sur sa voca
tion ; et, si Ton adinettoit la réclamation dans quelque
temps que ce lû t, quel trouble une pareille tolérance ne
porteroit-elle pas dans les familles! On verroit tous les
jours des religieux réclamer , au bout de plusieurs années,
et redemander des biens qui auroient passé en diverses
mains, par divers arrangemens; ce qui seroit une source
intarissable de procès, de troubles et de divisions.
Il n’y a donc que ces cmpêchemens perpétuels ou pas
sagers, tels qu’ils sont limités et décrits par les a u t e u r s
canoniques, qui puissent autoriser Je religieux à réclamer
contre ses vœux.
Il est vrai que l’ordonnance de 1^67 a e x ig é , (if. X X ,
art. X V et X V I , qu’il fût tenu des registres dans chaque
communauté religieuse, ou seroient inscrits les actes de
vèture et profession de chaque religieux. Cette disposi
tion de l’ordonnance est fondée sur ce qu’en France on
ne rceonnoissoit point de prolession tacite , qu elle devoit
être expresse et par écrit. Plusieurs communautés avoient
n<%ligé de se conformer à la disposition de l’ordonnance,
�I
C
22
)
et quelques religieux avoient essayé de profiter de la né
gligence ou de l’inobservation de cette loi, pour réclamer
contre leurs vœux. Mais Rousseau - Lacombe nous ap
prend, au mot réclam ation, que le défaut de registre en
la forme de l’ordonnance, n’est pas toujours un moyen
suffisant. Il cite plusieurs arrêts conformes ¿\ son opinion :
en voici quelques exemples. Frère Louis-Guillaume Langelost entra en 1702 chez les augustins de Bourges, et
fit profession en 1703. En 1719, il réclame contre ses vœux,
et les religieux, qui étoient mécontens de l u i , donnèrent
les mains à sa demande. Première sentence de l’officialité,
contradictoire avec les religieux , et par défaut , contre
la sœur du réclamant , qui le releva de ses vœux. Sur
l’opposition de la sœ ur, seconde sentence qui déboute
frère Langelost de sa demande. Appel comme d’abus.
Frère Langelost se défendoit sur le défaut de registre en
forme pour prouver sa prise d’ habit et sa profession. Sa
prise d’habit ne se trouvoit inscrite que sur un petit journal
tenu par le sous-prieur du couvent de Bourges, maître
des novices; ce registre étoit sans aucun blanc, et contenoit exactement le jour de la prise d’habit et de la pro
fession des religieux qui avoient été reçus et avoient fait
profession, pendant qu’il avoit été maître des novices. A l’é
gard de la profession, elle n’étoit constatée que par deux
expéditions d’un acte passé devant un notaire et trois
témoins. Mais, malgré le défaut de registre, arrêt du 19
décembre 1727 , qui dit qu’il y a abus , seulement fai
sant droit sur le réquisitoire du procureur général, il fut
enjoint aux augustins de Bourges d’exécuter l'ordon
nance du 1667, et d’avoir à l’avenir des registres conformes
�( ^3 )
pour inscrire les actes de vêlure et de profession de leurs
religieux. Cet arrêt fut fondé sur la fin de non recevoir des
cinq années expirées sans réclamation. Autre arrêt du 7
mars 1701 qui n’eut aucun égard à la demande d’un reli
gieux feuillant, dont le moyen étoit la contravention à
1 ordonnance de 1667. Il fut v é rifié , lors de cet arrêt, que
les articles X V et X V I du titr e X X de l’ordonnance ne pro
noncent pas la peine de nullité. Troisième arrêt de 1706
contre un religieux augustin qui n’avoit point signé son
acte de profession. Il avoit resté plus de dix années en
possession de son état, il fut déclaré non recevable. Qua
trième arrêt du 7 février 1707 contre sœur Elizabeth
L e r o u x , dont l’acte de profession 11’avoit été signé ni
par elle, ni par les religieuses, ni par aucun témoin :
sa profession n’en fut pas moins confirmée, et il lui fut
enjoint de se retirer dans huitaine dans une communauté
religieuse, sinon permis à M. le procureur général de
l y faire conduire. A insi, ajoute Rousseau de L a co m b c,
il faut tenir pour m axim e, que toutes les fois que des
actes de vêture ou de profession se trouvent ne pas avoir
été signés par le religieux qui a pris l’habit et qui a fait
profession , lorsque son engagement a été constant et
public, lorsqu’on ne peut pas répandre d’équivoque et
de soupçon de fraude sur sa profession , comme il arrive
lorsqu’elle a été suivie d’ une possession qui assure l’état
¿u religieux, on ne doit point l’admettre à réclamer sous
vain prétexte contre son état, et h se dégager contre
foi de sou engagement. S’il en étoit autrement, les
Monastères et les religieux seroient les maîtres de porter
trouble dans les familles, quand bon leur sembleroit.
�.
ÎM )
r Ces maximes une fois établies, quel sort doit avoir la
réclamation inconvenante de Jean-Jacques. D ancette?
C ’est après trente-liuit ans de profession et de silence,
qu’il s’avise de se pourvoir contre ses vœ u x, et dans un
temps où les idées exagérées lui laissoient la certitude de
rentrer dans le. siècle , mais sans espoir de reprendre les
biens de sa famille.
Ce n’est donc que par am bition, et pour porter le
trouble, qu’il a voulu faire annuller ses vœux 5 il n’a jjoint
argumenté d’empêchemens perpétuels ou passagers; il n’a
point parlé de contrainte ou de mauvais traitemens. Lors
du décès de son père n’étoit-il pas en pleine possession
de son état? L e père lui-même ne l’a-t-il pas considéré*
comme religieux, et retenu par des liens indissolubles ?
Aussi frère Jacques Dancette n’a-t-il proposé que des
moyens de nullité contre ses actes de vèlure et de pro
fession. Il ne rapporte point ces actes; et dès-lors tout ce
qu’il pourroit dire n’est qu’allégation et mensonge. Cepen
dant on trouve dans les pièces des instructions sur ce fait3
011 voit, dans une ancienne consultation du 18 juillet 1790,
en réponse à la demande de Jean-Jacques Dancette, qifil
prétendoit n’avoir pas signé son acte de vêture; que cet
acte 11e faisoit pas mention du domicile de ses père et
m ère, ni du lieu de sa naissance. On lui dit, en réponse,
que le défaut de signature, dans ce premier acte, ne.peut
être d’aucune considération; que fa i’te de vêlure prépare,
mais ne consomme pas le sacrifice. Ou ajoute que d’après
la communication prise de cet acte, on y lit qu’il est fils,
légitime, de M. A ndré Dancette et de demoiselle Marie
i ^ b i n , de la paroisse de Beauzat, diocèse du P u y , lieu
qui
�C*5 )
qui <5toît celui du domicile de scs père et mère et de sa
naissance. O n soutient que le registre est coté et paraphé
ensuite d’un acte capltulaire qui y a été inscrit; et on y
trouve aussi sa signature.
Quant à son acte de profession, on lui oppose égale
ment qu’il est régulier; qu’en vain voudroit-il prétendre
que cet acte de profession a été inscrit en latin ; qu’il fait
confusion des vœ ux avec la profession elle-même; que la
profession est écrite en français; qu’il y est désigné par
ses nom et p ré n o m , comme fils légitime d’A n dré D ancette et de Marie Robin ; que le lieu du domicile des
père et m ère, ainsi que le lieu de sa naissance, y sont
également exprim és; qu’enfin cet acte de profession est
signé par lui et par deux amis, témoins : de sorte qu'il
est aussi régulier qu’il peut l’être.
Quel seroit donc le m otif qui auroit pu déterminer la
sentence de l’oilicialité? Il seroit difficile de le comprendre,
puisque la sentence n’en exprime pas. Y eût-il quelques
omissions dans l’acte de profession ; l'engagement a été
constant et public pendant trente-huit ans ; et il faut dire
avec Rousseau de Lacom be, q u e , dans tous les cas, le
défaut de registi’es, dans la forme de l'ordonnance de
1667, ne seroit point un motif d’admission; ce ne seroit
qu’un vain prétexte qui ne peut nuire h une famille dont
.le sort étoit fixé sur la foi publique , et sur les règles
constantes et invariables du droit canon comme des lois
civiles.
Il est d o n c d é m o n t r é q u e J e a n - J a c q u e s D a n c c t t e é to it
n o n r e c e v a b le d e toutes les m a n iè re s à r é c l a m e r c o n t r e
scs v œ u x ; d è s-lo rs la tie rc e o p p o s itio n d e M a s s a r d ie r et
D
�t ^6 )
sa femme ne paroît pas devoir '¿prouver de difficultés.
Je;tn-Jacques Dancctte en est lui-même convaincu; il
se rejette assez maladroitement sur des vices de form e, et
sa défense à cet égard est de la plus grande foiblesse.
Q u ’e s t-c e qu’une tierce opposition? C ’est une action
qui tend à faire changer les dispositions préjudiciables
d un jugement. P o u r former une tierce opposition, il
suffit d’avoir eu , lors de l’arrêt, une qualité qui ait obligé
de nous y appeler.
O r , on ne contestera pas sans doute que Massardier et
sa femme n’ont pas été parties lors de la sentence de l’ofiicialité, ainsi que dans l’arrêt du pai’lement de Paris.
Il est encore évident qu’ils avoient qualité pour y être
appelés; ils étoient les cousins germains et les plus près
parens de Jean-Jacques Dancette.
Ils étoient principalement intéressés, puisqu’ils amendoient de leur chef un tiers des biens d’A n d ré Dancctte
leur oncle. Ils étoient principalement connus de JeanJacques Dancctte, puisqu’ils avoient provoqué et obtenu
la nullité du testament d’A n dré Dancette son père ; qu’ils
s’étoient fait adjuger les biens par la sentence de la séné
chaussée du Puy et l’arrêt du parlement de Toulouse.
Comment se fait-il alors que Jean-Jacques Dancctte ait
oublié de les mettre en cause ? Il répond assez légèrement
qu’il rx’étoit pas tenu de connoître toute sa parenté : s’il
lui paroît'utile d’appeler, dans ce cas, ses plus près
parens, il ne croit pas que cette formalité soit absolument
nécessaire.
Mais une demande qui doit bouleverser l’ancien état des
choses, une demande qui tend à blesser les intérêts d’une
�07 )
famille entière, peut-elle être formée sans y appeler pré
cisément ceux qui sont héritiers de droit, et qui sont in
vestis des biens convoités par le religieux réclamant ? On
a vu qu’il ne pouvoit méconnoître Massardier et sa femme;
et quand on remarque qu’il n’a pas négligé d y appeler les
Robin , avec lesquels sans doute il étoit d’accord, on de
meure convaincu qu’il a senti Ut nécessité d y appeler ses
héritiers de droit.
A u surplus, qu’on ouvre tous les recueils, tous les
auteurs canoniques qui ont traité la matière, on y verra
que dans toutes les demandes de cette nature,les parensy
ont toujours été appelés, que cela est d’une nécessité in
dispensable ; et s’il en étoit autrement, il faudroit dire
avec Rousseau-Lacombe, qu’il dépendroit des religieux
de porter le trouble dans les familles quand bon leur
sembleront. Q u ’importe aux autres religieux qu’un des
leurs réclame contre ses vœux ? O n remarque même dans
l’ancien o rd re , et dans des temps plus calmes, que presque
toujours les autres religieux n’élevoient aucune contradic
tion ; qu’en général ils se félicitoient d’être débarrassés
d’un confrère mécontent de son sort, et qui avoit perdu
l’esprit deson état, ^/opposition venoit toujours des parons;
et la sûreté et le repos des familles exigeoïent, de la part
des supérieurs ecclésiastiques, comme des magistrats, la
plus grande sévérité pour le maintien du bon ordre , pour
mettre un frein h l’inconstance ou à la cupidité.
Jcan-Jacques Dancette va plus loin : en convenant que
Massardier et sa femme n’ont point été appelés lors de la
sentence de l’oilicialité, il dit qu André F a u g icr, prêtre,
D 2
�('2 8 )
y a été partie et y a figu ré, tant en son nom que comme
tuteur d’A ndré-M arie Faugier son neveu.
Jea n-Jac qu es Dancette eu tire la conséquence, qu’au
moins, respectivement à A n d ré Faugier et au neveu, et
pour la portion qu’ils amendent, Massardier et son épouse
teroient non recevables dans leur tierce opposition.
Il
se présente deux réponses péremptoires a cette ob
jection.
D ’abord il est établi par les qualités de la sentence de
Foificialité, qu’A n d ré Faugier n’y a figuré qu’en son nom
personnel; il n’y est point question d’André-Marie Faugier
ni de la qualité de tuteur qu’avoit A ndré Faugier; ce n’est
que lors de l’arrêt qu’on a mis dans les qualités A n dré
Faugier tant en son nom que comme tuteur d’A n d ré Marie Faugier son neveu.
Mais A n dré Faugier n’a point été assigné en cette
qualité de tuteur, il n y a point eu d’intervention de sa
part en cette qualité; on n’a pu lui donner, lors de l’arrêt,
que les mêmes qu’il avoit lors de la sentence: l’ordre ju
diciaire s’opposoit ù ce changement.
D ’un autre côté, lors de l’arrêt, André-M arie Faugier
avoit atteint sa puberté; les parties sont domiciliées en pays
de droit écrit, où la tutelle finissoit par la puberté, ainsi
que l’atteste Coquille dans scs instituts au droit français,
chapitre de l’état des personnes.
Les titres X X V I et X X V I I d u digeste, le titre X X V I I I ,
livre V du code, et les instituts, livre premier, depuis le
titre X III jusqu’à la fin , ne parlent que des tutelles et
de ceux A qui il peut être nommé des tuteurs. La loi 13
au
§ II, fait cesser la tutelle au moment de la puberté.
�( 29 )
Sed si puella duodecim annos im pîeçerit, tutor des 'm it
esse. La loi 3 , an codo de legitima tu tela , dit encorc
qu’on ne peut donner de tuteurs qu’aux impubères. S i
pupillarem œtatern ex ce sserit, tutela tamen vestra ad
earn non pertinet.
O r A n d r é - M arie Faugier étoit né le 26 mars 1776;
1arrêt où A n d ré Faugier se trouve pour la première fois
en qualité de tuteur de son n eveu , est du 6 octobre 1790;
et André-M arie Faugier avoit alors atteint quatorze ans
six mois et quelques jours. Il avoit également atteint plus
de quatorze ans à l ’époque de la sentence de l’ofïicialité,
qui est du 28 juillet précédent. C ’est donc mal à propos
q u’on a donné à A n dré Faugier une qualité qu’il ne pouvoit plus a v o ir , qui cessoit de plein droit p a rla puberté
du neveu ; et dès lors la tierce opposition de Massardier,
du chef d’A n d ré - Marie Faugier son n eveu , est bien
fondée.
Elle l’est également du chef d’A n d ré Faugier dont il
est cédataire; il s’agit ici d’une action indivisible: JeanJacques Dancette étoit mort civilement; la mort civile
est une fiction qui doit imiter la nature, et qui a les mêmes
effets que la mort naturelle. O r il répugne que le même
individu soit tout à la fois mort et vivant; et si, comme
on l’a démontré , Massardier et sa femme ont prouvé que
Jean-JacquesDancette étoit mort civilement, par rapport
ù e u x , s’ils doivent faire rétracter l’arrêt en ce qui les
concerne, il est impossible qu’il puisse subsister par rapport
à A ndré Faugier.
C ’est inutilement que Jean-Jacques Dancette voudroit
encore écarter la tierce opposition, sur le fondement que
�( 30 )
c’est une action principale, et que Massardicr et sa femme
n’ont point passé à lu conciliation avant de la former.
D ’abord faction en tierce opposition n’est qu’incidcnle
au procès; elle a été précédée d’une demande en désis
tement contre les Robin; et ce n’est que sur la justifi
cation de la sentence de l’officialité et de l’arrêt du par
lement de P aris, ainsi que de la tierce opposition de
Robin à l’arrêt du parlement de T o u lou se, que Ma<;sardicr et sa femme ont demandé incidemment et subiidiairernent à être reçus tiers opposans. O r , les voies conciliatoires ne sont de rigueur que pour les demandes
principales. Mais ce qui tranche toute difficulté, c’est que
Jean-Jacques Dancette lui-même, par cédule du 11 ther
midor an i o , a fait citer au bureau de paix-Massardicr
et su fem m e, à l'effet de se concilier sur la tierce oppo
sition qu'ils avoient.formée à la sentence et arrêt du par
lement de Paris; dès-lors les voies conciliatoircs ont été
épirsées sur cette demande, et l’objection disparoît.
Jean-Jacques Dancette oppose une fin do non recevoir
pliis extraordinaire; il prétend que Massardicr et sa femme
out acquiescé à l’arrêt du parlement de Paris, en le laissant
jouir des biens d’A n dré Dancette son p è re , et en ne
réclamant point contre le séquestre que l’administration
de Monislrol nvoit mis sur tous les biens, comme apparleuans i\ Jean-Jacques Dancette, réputé émigré en l’an 2,
ni contre la vente d’une partie du m obilier, ni contre
l’adjudication des fermages, du 12 venlcVc an 3.
i°. L e fait n’est pas exact. Massardicr et sa femme so
sont opposés ¿1 ces mesures révolutionnaires autant q u ’ il
¿toit en leur pouvoir ¿1 cette époque; ils out fuit cu rj-
�(3 0
gistrer l’arrêt du parlement de Toulouse au district, pour
établir qu’ils étoient propriétaires de ces mêmes biens.
On ne sera point étonné que leurs efforts aient été impuissans dans ces momens de troubles et d’orages : on sait
qu’alors les oppositions des tiers n’étoient nullement con
sidérées , et que les administrations alloient toujours en
avant.
Q u ’auroient pu faire d’ailleurs Massardier et sa femme?
Les biens étoient indivis avec leurs cohéritiers; il n’y avoit
point de partage. Françoise Faugier et son mari n’amendoient qu’un tiers de ces biens. Jean-Jacques Dancette
avoit auprès de lui André-M arie Faugier, et abusoit de
son inexpérience : A n d ré Faugier, prêtre, n’étoit pas plus
rassuré sur son sort. Il étoit donc impossible aux deman
deurs de s’opposer valablement ou avec succès, soit à la
jouissance de Jean-Jacques Dancette, soit aux mesures
qui furent prises par l’administration. M ais, dans aucun
cas, il ne peut y avoir d’acquiescement qu'autant que les
demandeurs se seroient départis de l’arrêt qu’ils avoient
obtenu; et, loin d’avoir celte intention, ils en ont tou
jours réclamé l’exécution, non contre Jean -Ja cq u es
Dancette qu’ils ne reconnoissoient pas comme propriétaire,
mais contre les Robin qui en jouissoient en vertu du
testament de leur tante.
A u surplus, Jean-Jacques Dancette sc regardoit luimêuie si peu comme propriétaire, que pençjant tout le
temps qu’André-Marie Faugier a cohabité avec lu i, c’étoit
A n d r é - ¡Ylarie Faugier qui consentoit les baux de ferme
de ces mêmes biens, qui administroit et formoit les de
mandes en justice. L a preuve en résulte d’une cédulc d u
�c
C 32 )
13 floréal an 4 , où on voit qu’A n dré - Marie Faugiér
demande à un citoyen Dancette, d itB a rillo t, des arré
rages d’une rente due sur une locaterie perpétuelle qui
dépendoit des biens de feu A n dré Dancette.
Ce n’est donc pas Jean-Jacques Dancette qui étoit en
possession, comme il a voulu le prétendre : il n'y a , de la
part de Massardier et sa fem m e, ni acquiescement, ni
approbation dans aucun acte; leurs poursuites ont été
continuelles, et par conséquent leur action est entière.
T ierce opposition de J ea n -J a cq u e s D a n c e tte , à Varrêt
du parlem ent de T oulou se.
On ne conçoit pas trop par quel motif Jean-Jacques
Dancette s’est rendu tiers opposant à cet a r r ê t, et quel
bénéfice il pourroit en résulter en sa faveur. Cet arrêt
déclare nul la testament d’A ndré Dancette son p è re, au
profit de Marie Robin son épouse.
Si Jean-Jacques Dancette parvenoit h faire rétracter
cet arrêt, le testament du père seroit confirmé, et, dans
ce cas , Jean-Jacques Dancette seroit tout au plus réduit à
une légitime, puisqu'il n’a pas été omis dans ce testament,
et qu’il y a obtenu une pension à. titre d’institution parti
culière. Sa liercc opposition est donc contraire à ses intérêls;
mais on sent que l’événement est subordonné au sort que
doit avoir la tierce opposition de Massardier et sa femme,
à l’arrêt du parlement de Paris.
S i, on effet, il est jugé que Jean,-Jacques Dancette a
mal. à propos réclamé contre ses vœ u x ; qu il etoit non
recevable
�C 33 )
recevable après 38 ans de silence, il <5toit mort civilement
lors de la demande en nullité du testament : on ne devoit
point le compter au nombre des citoyens; il n’avoil aucune
qualité pour être appelé lors de la sentence et de l’arrêt du
parlement de Toulouse , et dès lors il est non recevable
dans sa tierce opposition. Cette demande ne mérite pas
une discussion plus étendue.
T ierce opposition de J e a n - Barthélém y R o b in , au
même arrêt du parlem ent de Toulouse.
\
Jean-Bartliélemy R obin ne paroît pas très-rassuré sur
sa tierce opposition. Il a prétendu qu’il étoit donataire uni
versel de son p è re ; que cette donation étoit antérieure à
la sentence de la sénéchaussée du P u y , et à l’arrêt du par
lement de Toulouse; et il soutient, qu’étant investi de la
propriété des biens de son p è re, il avoit qualité pour être
appelé lors de la sentence et de l’arrêt.
On a déjà dém ontré, dans le récit des faits, la foiblesse
de ses moyens.
O n a vu d’abord que son contrat de mariage, du 2 juin
1 7 8 7 , est postérieur à la demande en nullité qui avoit été
formée par les héritiers Faugier.
On se rappelle encore que la donation, portée en ce con
trat de mariage, est une donation de biens présens et à
ven ir; qu’il est tenu de payer toutes les dettes qui se trou
veront au décès du père, qu’elles soient obligées ou non
obligées, et sans qu’il puisse répudier les biens à ven ir,
pour se dispenser du payement de ces mêmes dettes.
Cette clause remarquable change la nature de la donaE
�C 34 )
tion ; le père ne se dessaisit en aucune manière; il n’investit
son fils que d’un espoir successif; ce n’est ici qu’une simple
institution d’héritier dont l’eifet n’est ouvert qu’à la mort
de l’instituant, avec d’autant plus de raison, qu’il ne peut
pas diviser la donation pour s’en tenir aux biens présens.
Jean-Barthélemy Robin n’avoit donc aucune qualité pour
être appelé dans la cause; et ce qui tranche toute difficulté,
c’est qu’il ne faut pas perdre de vue que les biens litigieux
ne font pas partie de la donation ; que non-seulement le
père s’est réservé la faculté de vendre ses biens, mais qu’il
s’est encore expressément réservé tous ceux qu’il avoit dans
les paroisses de Beauzat et Retournât, pour en disposer ù
son plaisir et volonté. O r , ces biens et effets, dont il a la
libre disposition, sont précisément ceux qui provenoient
d’A n d ré Dancette, et qui donnoieut lieu au litige, sur les
quels Jean-Barthélemy R obin n’avoit rien à prétendre.
Comment do n c, et par quel m otif, auroit-il dû être appelé
dans une instance où il ne s’agissoit que du désistement de
ces mêmes biens, auxquels il utoil é tra nger? Sa présence
eût été inutile, et auroit vicié la procédure; il auroit été
follement assigné ou intimé. O r , comme il ne suffit pas,
pour être reçu tiers opposant, d’avoir intérêt de détruire
le jugement qu’on attaque ; qu’il faut avoir une qualité qui
ait obligé expressément de vous y appeler, il en résulte
que la prétention de Jean-Barthélemy Robin est chimé
rique , et ne doit pas occuper plus long-temps.
T e l est le résultat d’une discussion dont on a élagué les
détails inutiles. La décision tient essentiellement à la tierce
opposilion formée à la sentence de l’officialité; et ù. l’arrêt
du parlement de Paris.
�( 3 * )'
Jean-Jacques Dancette a-t-il pu se faire relever de ses
vœux après trente-huit ans de profession? quel moment
a-t-il choisi pour faire entendre sa v o ix ? les vœux solen
nels étoient alors annullés. Il n’a eu d’autre objet que de
recueillir une succession qui avoit passé en d’autres mains;
un m otif aussi ambitieux trouble le repos des familles, et
doit être sévèrement réprimé.
L e pi'emier devoir des magistrats est de prévenir ou de
repousser toute demande de ces religieux inconstans qui >
au mépris d’un engagement contracté avec D ieu m êm e, à
la face de ses autels, en présence de la société tout entière,
et après une ratification tacite, ont osé saisir les plus légers
prétextes pour rompre des liens indissolubles; on en trouve
un grand exemple dans l’arrêt du mois d’avril i 655 ,
recueilli par Catalan, et que Jean-Jacques Dancette a eu
Tindiscrétion de citer.
Cet arrêt obligea la dame de Castellane à retourner dans
son monastère, à y reprendre l’habit de religieuse et en
observer la règ le , quoiqu’elle eût obtenu une sentence
qui la relevoit de ses vœ ux ; que depuis elle se fût mariée
et avoit eu des enfans. Mais sa réclamation étoit tardive;
elle avoit laissé passer plus de cinq ans sans se plaindre.
Pourroit-on être arrêté par des jugemens rendus dans
lin moment d’eifervescence et d’exaltation, où il eût été
dangereux de montrer un trop grand attachement aux
règles canoniques ; dans un moment où on avoit eu le soin
¿ ’écarter du sanctuaire de la justice les magistrats les plus
r ecommandables par leur savoir, leur p ié té , et leur respect
pour cette religion sublime, sans laquelle il n’est point de
véritable vertu ;
�( 3 6 } .
Dans un moment où des juges isolés dans une chambre
de vacations, avoient le chagrin amer de voir méconnoître leur autorité, dont les décisions étoient souvent
l’effet de la crainte ou de la violence, suites funestes des
grandes révolutions qui affligent et bouleversent les em
pires.
Ces grands maux sont heureusement réparés; un génie
bienfaisant a ramené parmi nous le bonheur; restaurateur
de la religion de nos pères, il nous rappelle à ces principes
immuables sur lesquels repose le bon ordre et la tranquil
lité des familles.
L e cit. M A R C H E I X , rapporteur.
P a r conseil, P A G E S , ( deR iom ) , ancien j u risc.
r
A M A T , avoué.
A R IO M , de l'imprimerie d e L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel.— An 11.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Massardier, Jacques. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Pagès
Amat
Subject
The topic of the resource
successions
généalogie
testaments
conflit de lois
vie monastique
jurisprudence
nullité des vœux monastiques
droit écrit
droit canonique
droit civil
mort civile
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Massardier et Françoise Faugier sa femme, tant en leur nom que comme étant aux droits d'André Faugier leur frère et beau-frère, et comme héritiers d'André-Marie Faugier leur neveu, défendeurs et demandeurs en tierce opposition ; contre Jean-Jacques Dancette, prêtre, ex-religieux bénédictin, habitant de la commune de Bauzat, département de la Haute-Loire, demandeur et défendeur en tierce opposition ; et encore contre Jean-Barthélémy Robin, cultivateur, habitant du lieu de Montillon, défendeur et demandeur.
Arbre généalogique.
tribunal d'appel de Riom.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1768-An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0725
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0223
BCU_Factums_G0545
BCU_Factums_M0726
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Beauzac (43025)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
droit canonique
droit civil
droit écrit
généalogie
jurisprudence
mort civile
nullité des vœux monastiques
Successions
testaments
vie monastique
-
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2f280337304ecd53a82e0a549a80092a
PDF Text
Text
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COUR
D’APPEL
DE RIOM.
M e. P i e r r e - C l a u d e P A P O N , de R i o u x , ancien
a v o c a t , habi t ant du li eu de V i c q , i n t i m é ;
C O N T R E
L e s ie u r J e a n - J a c q u e s P A P O N - B E A U R E P A I R E, a n cie n of f i c i e r d e c a v a le r ie , a p pela n t d e
deu x ju g e m e n s ren d u s a u trib u n a l de Gan n a t , les
29 th e r m id o r et 5 fr u c t i d o r a n 1 3.
vingt ans que le père commun est décédé, Me. Papon
n’a pu jouir d’un instant de repos : tous les jours de nouvelles
discussions lui ont été suscitées par ses frères et sœurs. Les
sacrifices ne lui ont rien coûté ; il a fait tous ses efforts pour
D
e p u is
entretenir la paix dans sa famille.
Son frère , appelant, associé avec lui aux libéralités des auteurs
com m uns, après avoir partagé tous les débats qui s’étoient élevés
dans la fam ille, l’a abandonné ayec perfidie ; et bientôt Mc. Papon
A
:
ii
«
«
�ΠO
n ’a eu que son associé à combattre. Mais c e lu i- c i, fertile en
in cid en s, a su les m ultiplier ; il a employé des ressources que
la loyauté et la bonne foi ne connurent jamais. Les volumes de
procédures sont devenus effrayans ; et les faits se trouvent tel
lement enveloppés par une foule d’actes frauduleux, qu’il de
vient indispensable de donner une grande publicité à ces débats
scandaleux.
Ce n’est qu’avec effroi que M e. Papon pénètre dans ce laby
rinthe. Mais sou frère est toujours si fastidieux dans ses détails,
tellement obscur dans ses dém arches, et toujours si loin de la
v é rité , qu’il faut bien aborder ce m ystère d’in iq u ité, et le dé
voiler à la justice.
3M°. Papon s’attachera surtout à être sincère et vrai ; il ne
dira rien qui ne soit prouvé par des écrits ; il ne laissera pas
enfin l’ombre d ’un doute dans sa défense.
S ’il est cruel de divulguer les affaires de fa m ille , on ne fera
pas le reproche à Me. Papon de s’étre légèrement déterminé
dans sa dém arche ; et son frère au moins lui saura gré de sa
modération et de sa véracité.
F A I T S .
D u mariage de M. Pierre Papon avec Louise B ertran d, sont
issus n euf enfans; savoir, Pierrc-Claude, in tim é; Louis-Bonnet;
Jea n - Jacq u es , appelant; G ilb e rt, Ja c q u e s , Lou is-A m able ,
M a rie , Françoise et Marguerite.
Gilbert a fait ses vœ ux dans l’ordre de M alte; Marguerite a
également fait profession religieuse au couvent Notre-Dame de
Gannat.
L e t2 décembre 17 8 4 , M r. P ap o n , intim é, a épousé dame
Pétronille I\ollat. Ses père et mère l’instituèrent leur héritier
imiversel de tous les biens meubles et immeubles dont ils
mourroient vêtus et sa isis, à la charge par lui , comme con
dition exp resse, d'associer à cette institution le sieur Jean -
�H 2
( 3 )
Jacques Papon-Beaurepaire, appelant, et pour une portion égale.
Il fut dit que cette association auroit lieu sur l’indication et
attribution qui seroient faites avec connoissance de cause et
détails des biens faisant alors partie de l’institution, et encore
à la charge par l'héritier et l'associé de payer à chacun de leurs
frères et sœurs non engagés la somme de 6000 fr. , pour leur
tenir lieu de leur portion héréditaire dans les successions pa
ternelle et maternelle. Il est stipulé des termes pour le paye
ment de ces légitimes.
Bonnet P ap o n , alors clerc to n su ré, est réduit à une
pension viagère et annuelle de 3 oo francs.
L o u is
L e religieux maltais doit avoir une pension de 5oo fr. jusqu’à
ce qu’il ait obtenu une commanderie , bénéfice, 011 pension
qui en tienne lieu.
L a fille religieuse doit recevoir une pension de 2,5 fr. , et les
héritiers sont tenus de payer une somme de 125 fr. de rente
annuelle aux religieuses de G a n n a t, jusqu’au remboursement
de la dot moniale de dame Marguerite Papon.
Les père et mère s'occupent ensuite , pour éviter la plus
légère discussion entre les deux h éritiers, de diviser les biens
qui leur appartiennent. Ils attribuent à l’aîné la maison pater
nelle d’ancienneté , avec toutes ses aisances et attributs, telle
qu’elle se trouvera garnie de meubles et am eublem ent, et ils
promettent de porter leur attention à ce que les logemens des
deux institués soient meublée et ornés dans la même valeur.
L a moitié de l’argenterie, vaisselle, arm es, chevaux, harnois,
vo itu res, vaisseaux vin aires, et meubles qui sont h Gannat ;
les denrées que les père et mère laisseront à leur décès ; toute
la bibliothèque , les jardins et parterres, les prés vergers , enclos
qui entourent la maison , un pré de réserve appelé L a d o u x ,
le lieu et domaine de R ioux , autrement Servières , avec les
jonctions et améliorations qui y ont été faites , les dîmes et
autres droits qui en dépendent, les bestiaux qui le garnissent,
sont attribués à l’ainé.
A 2
�( 4 )
On lui donne ¿gaiem ent le lieu et domaine des M orissards,
nvec tous les droits qui en dépendent, les bestiaux qui le gar
nissent, sans aucune réserve. On y ajoute la charge d’élu à
G an n at, dont l’intimé étoit alors p ou rvu , mais sans aucun re
tour pour frais de provision, réception, que les père et more
pouvoient avoir fournis.
Ces objets et biens ne lui sont délaissés qu’à la charge par lui
de payer en corps héréd itaire, à dire d’e x p e r t, ou en argen t,
à son c h o ix, les sommes fixées pour les légitimes des dames
Marie et Françoise Papon , ses sœ urs, la pension de LouisBonnet , et les deux tiers des légitim es de Jacques et LouisAmable P apo n ; p lu s, la rente de i s 5 fr. aux dames religieuses
de G an n at, la pension viagère de 25 francs à dame Marguerite
P a p o n , religieuse ; celle de 533 fr. par an n ée, sur la pension
viagère attribuée au religieux maltais ; et enfin d’une rente de
îs o fr. aux dames religieuses de Charroux.
L es père et mère attribuent ensuite au sieur Je a n -Ja c q u e s
Papon , associé à l ’institution , le lieu et château de Beaurep a ire , avec ses aisances et dépendances, les meubles qui s’ y
trouveront, la moitié de la vaisselle et meubles qui ont été cidessus d é crits; le domaine dépendant du lieu de Beaurepaire,
nvec tous ses attributs et les bestiaux qui le garnissent; et pour
éviter toute d iffic u lté , on fait une ligne de démarcation rela
tivement aux vignes qui doivent séparer les propriétés. On lui
donne encore le pré de réserve appelé P ré-G a ra u d , et on le
charge de payer une somme de 4000 fr. pour le tiers des légi
tim es des deux fils précédemment nommés. I l est également
tenu d’acquitter la somme de 167 fr. par an n ée, pour le tiers
de la pension attribuée au sieur Gilbert P a p o n , religieux m al
tais. Enfin l’héritier et l’associé doivent contribuer par égalité h
form er le trousseau de leurs s a u r s , qui ne pouira être moindre
<le 400 fr. pour chacune. Ils doivent donner un ameublement
ü leurs frères, de 200 fr. pour ch acu n , comme aussi ils sont
chargés de p a y e r p a r m oitié les dettes des auteurs com m uns,
�w
( 5 )
et e t , sans aucune exceptio n , soit les dettes existan tes, soit
celles qui pourroient avoir lieu à l’avenir.
Les père et mère poussent la sollicitude jusqu’au scrupule,
et exigent même qu’après leur décès l’institué et l’associé se
lassent réciproquement raison, si le cas y éch et, de la moitié
du montant de la valeur de ce dont les biens auroient pu être
diminués , de toute altération qui surviendroit par le fait du
père ou de la m ère, et de celle que les biens pourroient souffrir
par toute autre cause.
L es père et mère prévoient encore qu’une habitation commune
pourroit ne pas convenir ; et pour donner à leurs enfans une
preuve d’amitié et de tendresse im partiale, ils délaissent dès à
présent à leur fils aîné la jouissance des biens qui lui sont at
tribués , à la charge par lui de payer les pensions de ses frères
et sœ u rs,'d e faciliter tous arrangem ens, même d’avancer les
payem ens de légitim es, s’ils venoient à s’établir.
Ce pacte de fam ille, fait avec tant de soin, et lors duquel
les père et mère ont manifesté leur intention d’arrêter dans
leurs sources les incidens et les p rocès, méritoit d’être respecté,
surtout de l’héritier a sso cié , qui recevoit tant de preuves de
tendresse et d’affection.
Mais tel est le sort de tout ce qui est l’ouvrage des hommes :
les actes les plus sages ne sauroient être un frein , ni pour l’in
térêt , ni pour les passions.
.C e monument de bienfaisance et de paix a été le signal d’une
guerre intestine qui afflige M°. Papon depuis que ses père et
m ère ont cessé de vivre; et malgré ses efforts et ses sacrifices,
il a été continuellement le jo u et, soit des légitim âm es, soit de
l’associé. Il est nécessaire d’entrer dans le détail de toutes ces
iniquités.
M. Pierre Papon, père com m un, est décédé le 5 janvier 178 5; le
22 février suivant, Louis-Bonnet, Françoise et Marie Papon , tous
trois légitim aires, cédèrent leurs droits successifs à Me. Pierre-
�C 6 )
Claude Papon , moyennant la somme fixée par son contrat de
mariage pour leur légitime conventionnelle.
Mais deux ans a p rès, c ’est-à-dire, en 17 8 7 , Marie et Fran
çoise Papon form èrent , nonobstant leur tra ité , une demande
en partage des biens délaissés par le père comnn;n.
Cette demande fut portée en la sénéchaussée de Moulins ,
après qu’elles eurent obtenu des lettres de rescision.
Dans la su ite, et par deux transactions, l’une du 26 janvier
et l’autre du 22 février 178 9 , Marie et Françoise Papon se dé
partirent de leur demande en partage, ainsi que de l’effet des
lettres de rescision qu’elles avoient obtenues. Ce département
est fait en présence de Jean-Jacqu es Papon , associé à l’insti
tution ; il est consenti moyennant la somme de 6200 fr. .pour
chacune. Bientôt cet exemple est suivi par Louis-Bonnet Papon,
q u i, par acte du 27 juillet su iva n t, cède également ses droits à
Me. Papon ; il abandonne même ceu x qui pouvoient lui revenir
dans la succession future de la dame sa m ère , du consentement
de cette dernière , et reçoit de M e. Papon , son frère , la somme
pour laquelle ce dernier devoit contribuer au payem ent de sa
légitim e; c ’est-à-dire, que M e. Papon paye à Louis-Bonnet une
légitim e semblable aux autres , quoique , dans son contrat de
m ariage, il ne dût lui payer qu’ une pension viagère de 3 oo fr.
L e 10 février 1 7 9 1 , Jacq u es Papon, autre légitim aire, reçut
encore de M°. Papon la portion de légitime que celui-ci di.voit
payer conformément à son contrat de mariage. Jacques Papon,
par cet a c t e , déclare accepter la légitim e paternelle et mater
nelle ; il se contente de sa constitution, et c è d e , en tant que
de besoin , ses droits à son frère a în é , moyennant une aug
mentation de 2000 fr. , augmentation qui fut accordée par un
acte séparé du mémo jour.
Il n’est pas inutile d’njouter encore que Louis-Am able Papon ,
autre légitim aire, qui depuis est mort sans postérité, avoit aussi
cédé ses droits à M c. Papon, son frè re , par acte du 27 juillet
�H l
(7 )
17 8 9 , qui contient quittance de sa légitime paternelle et ma- ^
tern elle, en présence et du consentement de sa m ère, en ce
qui concerne M \ Papon ainé.
L e 4 août 17 9 2 , la dame Bertrand, mère commune, a cessé
de vivre. Ce décès réveilla l’activité et l’ambition des légiti
mâmes , qui se prétendirent lésés par les arrangemens qu’ils
avoient faits avec leur frère ainé. Louis-Bonnet, Marie et Fran
çoise Papon se pourvurent devant un tribunal de fam ille; mais
M arie Papon ne voulut pas aller plus a v a n t, et lit une nou
velle cession à son frère. Cet acte est du 27 août 179 3 : le
tribunal de fam ille avoit été composé le 2 du même mois.
L e 28 octobre su ivan t, mourut Louis-Ainable P ap o n , sans
postérité.
Les tribunaux de famille ayant été supprimés , survint un
nouvel ordre de choses. L a dame Papon , mère commune ,
n ’étoit décédée que le 4 août 17 9 2 ; son institution par consé
quent se trouvoit annullée par les effets rétroactifs de la loi
du 17 nivôse; en conséquence, tous les légitimaires se réu
nissent avec G ilb e rt, religieux maltais , et ¡M arguerite, reli
gieuse , et tous citent les deux héritiers en conciliation, pour
form er la demande en partage par égalité de la succession m a
ternelle. Les légitimaires forment aussi la demande en partage
de la succession du père ; et ces prétentions respectives firent
l ’objet d’une instance qui fut portée au tribunal civil de l’AUier.
L e 17 thermidor an 5 , intervint un jugement par lequel il
fu t ordonné, en ce qui concernoit Louis-Bonnet Papon, et de
son consentem ent, que la cession par lui faite seroit exécutée ;
mais il lui fut accordé , sans autre examen , un supplément
de légitime. Quant à Françoise Papon , il est ordonné que les
traités des 2a février 1786 et 25 janvier 178 9 , seront exécu tés:
seulement les héritiers sont tenus de lui payer ce qui lui reste
dû de sa légitime ; mais elle est autorisée à la prendre en
corps héréditaire, conformément à la loi du 18 pluviôse an f>.
Jacques Papon obtient sa légitime de d roit; Gilbert Papon,
�s*l
(S )
religieux maltais., est réduit à la pension viagère qui avoit été
fixée par ses père et m ère, et qu’on ne lui contestoir pas. Il
est tenu de restituer les sommes qu’il avoit reçues d’après l’é
chelle de dépréciation.
Il est donné acte à Marie Papon, l ’une des légitim âm es, de
ce qu’elle se départ de sa demande.
L a religieuse avoit abandonné ses prétentions avant le juge
ment. Enfin le partage de Louis Am able Papon, décédé sans
postérité , est ordonné avec tous les héritiers. Ce jugement
fait aussi une provision à Fran çoise, Louis B o n n et, Marie et
Jacques , chacun dans la proportion de son amendement.
I.es deux héritiers interjetèrent appel de ce jugement. Il
étoit en effet fort singulier qu’on eût adjugé un supplém ent
à Louis-Bonnet, sans antre exam en , et avant d’ordonner une
estimation préalable. Il étoit encore plus extraordinaire qu’on
n ’eût assujetti des légitim ants qu’à un simple rapport des sommes
qu’ils avoient reçues , tandis qu’ils devoient les restituer aux
héritiers qui les avoient payées de leurs deniers.
Cet appel fut porté au tribunal civil de la C reuze, où il fut
rendu un jugem ent, le 14 prairial an 6 , qui ordonna, avant
faire droit sur la demande en supplém ent, une estimation
préalable ; condamna Jacqu es Papon à restituer les sommes
qu’il avoit reçu es, suivant sa quittance; ordonna que les hé
ritiers institués seroient tenus de payer la pension du m altais,
à la charge par lui de tenir à compte les sommes qu’il avoit
reçues ou rccevroit ensuite de la république. Au résidu, il
fut ordonné que le jugement de Moulins sortiroit son effet.
L es parties exécutèrent respectivem ent le jugement de la
Creuze ; elles nommèrent des experts pour y parvenir. L e sieur
Bechonnet fut choisi par les légitim aires, et le sieur Chambroty par les héritiers institués.
Mais il étoit difficile de faire concorder la disposition des
doux jugenieiis ; e t, pour ne pas prolonger les discussions, les
parties se léuniient et passèrent un compromis le »4 messidor
au
�it o ) ■
( ? )
an 7 , par lequel ils nommèrent trois arbitres qui furent chargés
d ’interpréter les deux jugemens dans les chefs qui auraient be
soin d’étre exp liq u és, de régler les comptes que les parties se
devoient respectivem ent, ainsi que de terminer tout différent
qui pourroit s’élever sur l’exécution de ces mêmes jugemens.
Les 8 et g frimaire an 8 , jugem ent arbitral q u i, entr’ autres
dispositions, déclare la somme de 4000 fr. que Jacques Papon.
devoit restituer, réductible suivant l’échelle de dépréciation ,
à partir du 10 février 179 1» date de la quittance, à la charge
par Jacques Papon d’affirm er qu’il 11’a reçu aucun à-compte
avant la date de sa quittance; d’un autre cô té, les légitimâmes
qui doivent prendre leurs légitimes en corps héréditaire , sont
tenus de rembourser à P ierre- Claude Papon leurs parts et por
tions des impenses et améliorations nécessaires et utiles, faites
par ce dernier dans les biens communs.
L e i er. ventôse an 8 , Me. Papon a fait signifier un acte par
lequel il déclare qu’il est prêt à délivrer des biens héréditaires
jusqu’à concurrence de ce qui pouvoit être dû sur la légitime
conventionnelle que quelques-uns avoient approuvée; il donne
au ssi, par le même acte , un état détaillé et circonstancié de
tout le mobilier des successions com m unes, ainsi que de toutes
les dettes passives et actives.
Le 18 du même mois de ventôse, traité définitif avec LouisBonnet P a p o n , qui termine tous différens avec lui.
Marie et Françoise sont également mises hors d’intérêt pour
les successions des père et mère ; elles ne figurent plus au
procès que pour la succession de Louis-Am able , frère commun.
Reste donc Jacques Papon , qui devoit prendre sa portion légitimaire dans les successions des père et m è r e , et qui amendoit aussi sa portion dans celle de Louis-Amable.
Les experts se mettent alors en devoir d’opérer, et leur opé
ration devenoit facile. Ils font la description et l’état du m o
bilier : tout est conforme à l’état qu’avoit fourni Me. Papon.
On estime le mobilier attribué à l’aîné, à la somme de 3 aoo f r . ,
D
�( 10 )
et celui attribué à Jean -Jacq u es Papon , ap p elan t, à 2200 fr.
L es experts sont parfaitem ent d’accord sur ce point : mais ils
interrom pent leur opération relativem ent aux immeubles ; en
e ffe t, elle étoit plus longue et plus difficile. Dans l’in tervalle,
Jacqu es Papon , celui avec lequel le partage devoit être fa it,
céda , par acte du 19 floréal an g , à Gilbert Papon, son frère,
religieux m altais, tous ses droits successifs paternels et mater
nels , ainsi que ceu x qu’il amendoit dans la succession de sou
frère : cet acte est reçu devant C o lin , notaire à Gannat. Mais
Gilbert Papon garde son s e c r e t, et veut le laisser ignorer à
son frère aîné. Il prend alors une procuration de la part du
c é d a n t, il en prend m êm e une de ses sœurs , e t , en cette
qualité de fondé de p o u vo irs, il écrit le 22 floréal an 9 à son
f r è r e , pour lui proposer des arrangemens ; il dissimule sa ces
sion, il se propose seulem ent comme médiateur.
M e. Papon lui fait réponse qu’il seroit besoin d’en venir à
quelques exp lication s, et l’engage à se rendre chez lui ; mais
cette invitation n’est pas acceptée.
Gilbert Papon se fait encore céder les droits de ses deux sœurs,
qui ne figuroient plus au procès que pour la succession de LouisAm able. Ces dernières cessions ne sont faites que sous seing
privé ; elles sont sous la date du 26 nivôse an 10.
Gilbert Papon se lassa bientôt de son titre de cédataire ; il
craignit de ne pouvoir pas toujours cacher ces a ctes; il savoit
que n’étant pas successible il pouvoit être écarté par la subro
gation d’action.
Il prend alors le parti de rétrocéder les droits qu’il avoit a c
quis , à Jean -Jacq u es Papon , appelant, et associé à l’institution.
D eu x actes du inèm e jour 14 germinal an 1 0 , faits sous seing
privé , contiennent, le prem ier , la rétrocession des droits de
Ja c q u e s, et le d euxièm e, celle de M arie et Françoise.
Je a n -Ja c q u e s P a p o n , rétrocédataii e , prend toutes ses pré
cautions pour que son frère aîné ignore l’existence de ces a c te s ,
et fait agir ses frères et soeurs com m e s’ils u’avoient pas vendu
leurs droits.,
�C1 1 )
C ’est sous leurs noms que le 18 floréal an lo Jean-Jacques se
signifie à lu i-m ém e, et fait signifier à son frère et aux exp erts,
une sommation de procéder dans vingt jours au partage des
immeubles des successions dont il s’agit.
M e. Papon , qui désiroit surtout de term iner, répond à cette
sommation par un acte du i er. prairial an 10 ; il déclare qu’ il
a des observations importantes à faire aux experts , et demande
qu’avant de faire leurs rapports sur la formation des lots , ils
soient tenus de recevoir les dires respectifs des parties ; il ob
serve que c ’est le seul moyen d’éviter toutes difficultés et toute
suspension dans les rapports.
Jean-Jacqu es Papon , toujours sous les noms de ses frères et
sœurs dont il avoit les d roits, fait une sommation à son fr è r e ,
aux experts et à lui-m ém e, de se trouver en la maison d’un
sieur Bontem s, demeurant à G an n at, à l’effet par les experts
de recevoir et dresser procès verbal des dires que chacune des
parties jugera à propos d’insérer.
Cette réquisition avoit quelque chose d’inusité : ce n’étoit pas
chez un tiers inconnu des parties qu’elles devoient se rendre.
U n rapport contenant partage devoit être fait sur les lieux :
c ’étoit là que les parties devoient s’expliquer ; et Me. Papon
crut devoir l’observer à ses frères et sœ u rs, par un acte du
29 prairial an 1 0 , notifié avant la réunion.
Malgré cette rem ontrance, les experts ne dressèrent pas
moins leur procès verbal. On passe, pour ab rég er, sur les incidens qui s’élevèrent à ce sujet. Les experts reçurent enfin les
dires de Me. Papon ; mais bientôt ils furent divisés sur l’esti
mation des im m eubles, et se séparèrent pour dresser chacun
leur rapport.
Celui de l’expert Bechonnet a été déposé le 18 nivôse an 1 1 ;
il est assez volum ineux;, puisqu’il contient deux cent trente-huit
rôles de grosse. Cependant l’expert Bechonnet n’a fait que deux
lots d’attribution, quoique les lots .dussent être tirés au so rt,
d’après les jugemens précédons.
�fi
\
( 12 )
Bechonnet ne fait pas m ême mention des dires de M*. P apon;
il a cru inutile de les y insérer ; et il est notoire , dans le pays ,
que son rapport est l ’ouvrage de Gilbert Papon, religieu x, q u i,
de concert avec Jean-Jacques , son fr è r e , a rédigé et écrit luimém e le p ro jet, et s’est fa it, d it-o n , payer 600 fr. pour ses
peines. La suite prouvera la vérité de cette assertion.
L e sieur C h am b ro ty, de son côté , a rem is son rapport le
22 nivôse an 1 1 . S ’il s’agissoit de l’analiser ic i , on prouveroit
aisément qu’il est fait avec autant d’ordre que de c la rté , et
qu’il règle avec im partialité les intérêts de chacun.
Q u o iq u ’il en soit, les deux experts sont divisés; et l’ordre de
la procédure exigeoit la nomination d’un tiers e x p e rt, pour dé
partager les deux premiers.
On s’empresse de faire signifier ces rapports sous le nom des
légitim aires ; on y fait m êm e figurer Louis-Bonnet Papou , ijui
depuis long-temps étoit hors d’intérêt; on conclut à ce qu’il soit
nommé un tiers exp ert; et la cause est portée, sur cet in cident,
à l’audience du tribunal de G a n n a t, le 2 floréal an 1 1 . M e. J u g e ,
avoué, est entendu pour les légitim aires; et Jean-Jacques P ap o n ,
par l’organe de M e. B assin , son a v o u é , déclare ¿1 l’audience q u 'il
e n ten d exécu ter dans tout son contenu le rapport de B ech o n n et,
e x p ert ; i l conclut à l'hom ologation d e ce ra p p o rt, et demande
acte de ce q u ’i l n ’en ten d p lu s f a ir e cause com m une avec
A I 0. P a p o n , n i e n t r e r a i aucune m a n ière dans les fr a is d ’une
tierce e x p é rie n c e , ni autres qui pourroient se faire dans la
suite.
M e. Ju g e bien vite demande acte pour ses p a rtie s, de ce
qu elles acceptaient les offres fa it e s p a r Je a n -Ja c q u e s P a p o n ,
d ’exécuter le rapport de B ech o n n et, et de ce qu’ellea consentent
à l’homologation.
Comment expliquer une conduite aussi étrange ! Jean-Jacques
Papon, cédataire de tous les droits des légitim aires, par acte
du 14 germinal an 1 0 , étoit tout à la fois agent et patient, de
mandeur et défendeur ; c’est lui qui est le m oteur de toutes
�( ï3 )
ces m anœuvres; et il étoit difficile que M e. Papon ne fût pas
étonné d’une déclaration aussi singulière ; il prend le parti de
demander préalablement la nullité du rapport de Bechonnet.
L e tribunal se contente d’ordonner, par son jugem ent, que
les parties continueront de procéder devant lui en la manière
ordinaire.
L e 10 du même m ois, signification des légitimaires à PierreCîaude et à Jean-Jacques Papon , avec requête et assignation
à comparoître le 16 floréal, n e u f heures du m atin , en l ’hôtel
du président, pour être présens à la nomination du tiers expert.
On observe que dans cette assignation comme dans les actes
précédens, on n’énonce que le jugement du tribunal d’A llie r,
du 17 thermidor an 6 , et qu’on ne fait aucune mention * ni
du jugem ent du tribunal de la Creuze , ni du jugement a rb itra l,
qui tous les deux réformoient celui de l’A llier dans plusieurs
chefs.
L e jour capté , les parties com parassent avec leurs avoués.
Me. Papon, intim é, y déclare de nouveau qu’il persiste en sa
demande de nullité du rapport de B ech on n et, et que jusque-là
il ne doit pas être procédé à la nomination d’un tiers expert.
Jean -Jacqu es Papon , par l’organe de Bassin , son avoué , y
expose que d’après une signification qu’il a fait fa ire , et qu’il
date du 28 germinal an 1 1 , quoique cet acte soit inconnu de
M e. P ap o n , il ne doit plus se trouver en cause avec les légitimaires. Les propositions qu’il a faites ont été, dit-il, acceptées
par eux : la tierce expérience ne doit plus le co n cern er, et ne
regarde que Pierre-Claude Papon. Il réitère sa déclaration qu’il
n’entend plus faire cause commune avec l’h éritier, ni entrer
dans aucuns frais ; il demande de nouveau qu’il lui soit donné
acte de ce qu’il consent à exécuter dans tout son contenu le
rapport de Bechonnet.
Après plusieurs dires des p arties, qu’il est inutile de rappeler,
le président du tribunal, surpris d’un langage aussi exiraordi-
�<; i
( 14 }
ra ire et dont il ignoroit la véritable cause, croit devoir renvoyer
les parties à l’audience.
Les légitim ants font expédier et signifier ce procès verbal.
Jean -Jacq u es P a p o n , par une requête, renouvelle ses offres et
sa déclaration; il prend m êm e des conclusions tendantes à ce
que le rapport de Cham broty soit écarté, et à ce que celui de
Bechonnet soit homologué. Ori ne peut considérer sans effroi ce
volume de procédure, qui est encore compendieusement expliqué
par une seconde é critu re , puis par une troisième signifiée aux
légitimaires , par laquelle Jean -Jacqu es Papon leur réitère en
core son consentement. E t enfin, le 28 prairial an 1 1 , intervint
au tribunal de Gannat un jugement par lequel, sans s’arrêter ni
avoir égard aux demandes de Jean -Jacqu es Papon , ni à son con
sentement donné d’exécuter envers les légitimaires le rapport
de B ech o n n et, ni à l’acceptation de ce consentement par les
légitim aires, il est ordonné qu’il sera p ro cé d é , en la manière
ordinaire , à la nomination d’un tiers expert, pour être procédé
aux opérations ordonnées : les dépens sont réservés en définitif.
L e 19 messidor an 1 1 , signification de ce jugem ent par les
légitim aires ; et cette signification est accompagnée d’une longue
requête tendante à être autorisés à faire assigner les deux hé
ritiers pour être présens à la nomination d’un tiers expert.
L e 2G messidor an 1 1 , ordonnance qui nomme le sieur M aignol,
d’A rto n n e, pour tiers expert.
Cette ordonnance , qui sembloit mettre fin h tous débats ,
n’em pêche pas que le 27 brumaire an 1 2 , on ne fasse signifier
encore une longue écriture , dans laquelle on répète pour la
cinquièm e fois tous les faits qui donnent lieu à la contestation ;
et on soutient que le rapport de Bechonnet doit être homologué.
Ecriture en réponse, de Jean -Jacq ues P apo n , pour convenir
que les légitimaires ont raison, et que le rapport de Bechozinet
doit seul être suivi.
C ’est alors que le h a sa rd , ou la mauvaise fortune de l’in
�W
( i5 )
tim é , amène au pays un sieur Guillaum e Bertrand de FontV io le n t, directeur de la poste aux lettres de la ville du P u y ,
et parent commun des parties.
Ce sieur Bertrand est bientôt instruit des contestations qui
divisent la famille : on l’excite à se rendre médiateur de tous
les différens ; et celui-ci sollicite M e. Papon de passer un com
promis. M e. Papon , toujours disposé à terminer amiablement
un procès devenu si long et si c o û te u x , se laisse gagner , et
souscrit un compromis avec ses frères et sœ urs, par lequel ce
sieur Bertrand est nommé seul arbitre, avec pouvoir de décider
en dernier ressort toutes les contestations ci-après expliquées.
i°. Il est d it , en ce qui concerne l’instance pendante au tri
bunal de Gannat, relative à la transaction du 1 1 pluviôse an 1 0 ,
passée entre Pierre-Claude et Jean-Jacques Papon, que Jean Jacques Papon se départ de l’appel par lui interjeté d’une sen
tence rendue le 24 thermidor an 1 1 ; il consent à ce que cette
sentence soit pleinement exécutée, tant pour son contenu que
pour les réserves y mentionnées ; il consent à payer tous les
frais faits jusqu’à ce jour ; et le sieur Bertrand a le pouvoir
de décider et term in er, par jugement irrévocable, toutes les
contestations qui pourroient s’élever au sujet des réserves énon
cées en ce jugement.
20. L ’arbitre est chargé de décider les contestations qui pour
roient s’élever au sujet de l’estimation ordonnée par la transaçtio n , des biens que Jean-Jacques et Pierre-Claude ont acquis
de la nation, comme provenans de leur belle-mère commune.
5 °. En ce qui regarde le partage ordonné entre les légitimaires et les héritiers institués , il est dit que l’arbitre détermi
nera définitivement ce point de discussion, conformément au
jugement de G u éret, du 14 prairial an 6 , au jugement aibitral du 25 frimaire an 8 , interprétatif de ceux de Guéret et
M oulins, du 17 thermidor an 5.
4°. L e même arbitre prononcera, ainsi qu’auroit pu le faire
les tribunaux, sur toutes contestations relatives aux partages
M'
�(i6)
des successions des père et m ère , qüi n’auroient pas été ter
minées par les jugemens su sd atés, ou qui pourroient s’élever
entre les parties.
5°. L ’arbitre est autorisé à fixer le partage des successions,
les rapports et prélèvemens déterminés par contrats de mariage
ou autres a c te s , et généralement les rapports et prélèvem ens
tels que de droit, suivant l’amendement d’un ch acu n ; comme
aussi de fixer et liquider toutes charges, dettes ou créan ces,
généralement quelconques, ainsi que toutes contestations qui
pourroient s’élever, si toutefois elles n’ont pas été terminées
par jugemens ou transactions.
G0. L ’arbitre est aussi autorisé à diviser entre les parties le
lot revenant à la succession de Louis-Amable P apon; et c e , à
raison de l’amendement de chacun. Il est aussi chargé de li
quider et fixer irrévocablem ent entre les parties , toutes les
sommes qui pourroient être dues , et qui proviendroient des
père et mère.
L ’arbitre est le maître de prononcer sur to u t, par un ou
plusieurs jugem ens, ainsi qu’il avisera. Les parties s’obligent
à rem ettre entre ses mains , et dans l’espace de deux m ois, tous
titres et documens : elles consentent que le compromis tienne
pendant dix mois , sans pouvoir être révoqué ; et dans le cas
où après la décision définitive il surviendroit quelques diffi
cultés sur l’exécution du jugement arbitral , on donne encore
pouvoir au sieur Bertrand de prononcer sur ces in cid en s, à
l’effet de quoi on p roroge, dans ce c a s , le délai fixé à huit
mois de p lu s, à compter du jugem ent définitif.
A près ce com prom is, dans lequel L o u is-B o n n et Papon n’a
pas fig u ré , quoiqu’il fut en qualité dans toutes les procédures
qui ont eu lieu sur les rapports , procédures qu’il ignoioit
com plètem ent, le sieur Bertrand partit pour la ville du P u y ,
et ne revint que huit mois après.
A son re to u r, M 1’. Papon lui remit des observations sur le
partage qui devoit être fait entre les légitim âm es; il lui rem it
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( T7 )
des mémoires en réponse à ceux de Jean - Jacques Papon ,
qui se plaignoit des omissions qui avoient été laites dans la
transaction du 1 1 pluviôse an 10. II remit aussi à l’arbitre
ses quittances et ses pièces , en offrant de lui fournir tous
éclaircissemens qui pourrôient lui être nécessaires dans ses
opérations.
Il étoit aisé de pressentir que cet arbitre pourroit être em
barrassé sur plusieurs questions. Toutes les parties en consé
quence l’autorisèrent, mais verbalement et exclu sivem en t, à
avoir recours aux lumières et à l’avis d’un magistrat de la cour,
en qui elles avoient confiance.
Ce m agistrat, effrayé du volume de toutes les procédures
qu’on lui rapportoit, refusa de s’occuper du jugem ent; il désiroit que les parties pussent se réunir pour faire un arrange
ment à l’amiable et à forfait. Dans le cas où elles ne pourroient
se ré u n ir, il conseilla de s’adresser à un homme in stru it, qui
fût calculateur, qui connût la valeur des fonds et leur produit,
et qui eût en m êm e temps le lo isir, la patience et les talens
n écessaires, pour prononcer sur toutes les questions ; et si on
ne vouloit pas prendre cc p a r ti, il n ’y avoit d’autre ressource
que de recourir aux tribunaux.
L ’arbitre Bertrand, d’après la réponse de ce m agistrat, refusoit
de prononcer sur des questions qui étoient au-dessus de ses
fo rces; et lorsqu’il eut manifesté son intention, M°. Papon lui
demanda la remise de tous les papiers qu’il lui aroit confiés.
L e sieur Bertrand lui répondit que ces papiers étoient entre
les mains d’un sieur Hua , directeur de la poste aux lettres
à G annat, qui les rem ettrait à la première réquisition.
Bertrand repartit bientôt pour la ville du Puy.
Me. Papon étant allé à Gannat, chez le sieur H u a , réclamer
ses titres , celui-ci répondit qu’il ne lui en avoit jamais été re
mis aucuns. M®. P apon, in qu iet, en écrit au sieur Bertrand,
le 6 vendémiaire an i 3 , et le prie de lui m arquer, poste par
p o ste, où il pourroit trouver ses papiers. Ne recevant aucune
C
.
:
Il
�V V* ■
C ^a)
réponse, il fait dem ander ses pièces au magistrat auquel on
s’étoit ad ressé, lequel répond qu’il a laissé tous les papiers à
l ’arbitre Bertrand, attendu qu’il a refusé de s’en charger.
,
L e 5o vendém iaire an i 3 , M e. Papon reçoit une lettre du
sieur Bertrand , par laquelle il lui m arque qu’il a laissé ses
papiers et ceu x de son frère dans les mains du magistrat au
quel les parties avoient confiance. Comment concilier cette
lettre avec c e qu’avoit dit l’arb itre, qu’il avoit déposé ces pa
piers chez le sieur Hua , et encore avec ce qu’avoit dit ce
magistrat , qu’il n avoit aucuns papiers , Bertrand ne lui en
ayant laissé aucun? M e. P apo n , plus inquiet que jamais sur
le sort de ses titre s, reçoit enfin une lettre du magistrat auquel
on s’étoit adressé; elle est datée du 5 brumaire an i 3 . E lle çst
concue
» en ces termes :
oc J ’ai su que vous avez ressenti quelques inquiétudes sur le
» sort des pièces de votre procès avec vos frères et sœurs ; je
» m’empresse de les ca lm er, parce que je le peux aujourd’hui.
>,> J e sais où sont vos p iè c e s , elles sont aussi en sûreté que
» si elles étoient entre m es m ain s, et je les ai quand je veux.
» Assurez-vous que la justice ni vos intérêts ne seront blessés.
» Cette assurance qu’il me fut impossible de donner le jour
» que je pariai à M. Cham broty, je vous la donne m aintenant,
et vous pouvez y compter. J e su is, etc. >»
Q uelle que soit la confiance de M e. Papon dans l’intégrité et
les lum ières de ce magistrat , il convient que sa le ttre , au
lieu de calm er ses inquiétudes , ne fit que les augmenter. Il
prit son parti sur le champ : il part le lendemain pour la ville
du P u y ,. où il arriva le 8 b ru m aire, chez le sieur Bertrand.
L ’nrbitre fut embarrassé de sa présence; et Me. Papon demeura
quatre jours en la ville du P u y , sans avoir obtenu aucun éclair
cissement ni do renseignement certain sur le sort de ses pa
piers. Il part de la ville du P u y le 12 brum aire, et à son re
tour dans son domicile , il y trouve une lettre de ce m êm e
B ertrand, datée du G brum aire, conçue en ces te rm e s:
�( 19 )
« J e viens de sig n e r, mon cher Papon , les jugemens quî
« doivent, j’esp ère, fixer dans vos familles la paix et le bonheur.
« Il est possible que vous ne soyiez pas content, mais je n’ai
« rien à me reprocher. J ’ai pu commettre quelques erreurs ,
« mais elles seront moins funestes que celles des tribunaux ,
« qui portent toujours d’ une m anière terrible, et sur la fortune ,
« et sur la réputation ; vous ne perdrez rien au moins sous ce
« rapport, et les salles n’auront point retenti de vos divisions.
« Al. H u a, mon confrère de Gannat, est chargé de vous faire
fc connoitre nos décisions, etc. «
Quelle fut la surprise de Me. P apon, en apprenant une sem
blable nouvelle ! Le sieur Bertrand ne lui avoit pas dit un m ot.
de ce jugem ent, lorsqu’il l’avoit vu en la ville du P u y : la lettre
qu’il avoit reçue le 5 brum aire, dont on a parlé précédem m ent,
sembloit lui annoncer qu’il n ’y avoit encore aucun jugement de
re n d u , et ce m ystère lui faisoit présager quelque chose de fu
neste. Il apprit bientôt que ce jugement n’étoit l’ouvrage , ni du
magistrat à qui 011 s’étoit adressé, ni de Bertrand , arbitre choisi ;
il fut même instruit que Bertrand avoit seulement donné sa
signature en blanc. Indigné de ces m anœ uvres, il écrit une
lettre de reproches à Bertrand qui l ’avoit trompé. Enfin il est
résigné h attendre qu’on lui donne connoissance de ce prétendu
jugem ent, lorsque le i 5 frim aire an i 3 le sieur Gilbert Papon,
avec lequel il n’avoit depuis long-temps aucuns rapports , lui
é c rit, sous la date du jeudi 6 décembre 1804, qu’il a quelque
chose de très-pressé à lui dire, et qui l’intéresse essentiellement;
il l’exhorte à venir de suite, en ajoutant que si ce jour ou le
lendemain sans faute il n’est pas ren d u , il sera peut-être trop
tard le sam edi, et la lettre étoit du jeu d i; il lûi recommande
expressément de lui rapporter la présente. M e. Papon se rend
sur le ch am p , et son frère lui raconte qu’il a vu le jugement
arbitral ; il lui annonce qu’il a été sacrifié sans ressource ; que
cependant lui Gilbert avoit un moyen sûr de le sortir de cet
em barras, mais que ce moyen n’étoit connu que de lu i, et il
C a
�H>O0 ;V *, *'
( 20 )
ne veut pas le lui apprendre gratuitement ; il exige un sacrifice,
M e. P ap o n , trop curieux et trop in q u iet, cède : on est d’aCcord.
Alors Gilbert Papon lui apprend que Ja c q u e s, son frè re , lui
avoit cédé tous ses droits , par acte reçu C o lin , notaire à Gannat,
du 19 iloréal an 9 ; que M*. Papon pouvoit se subroger à cette
cession , dès que lui Gilbert étoit religieux et non successible;
que par ce moyen il évitoit tout l’effet du jugem ent a rb itra l,
dont G ilbert Papon étoit révolté. En con séquence, et d’après
cette déclaration, Gilbert Papon fait lui-méme le projet de cédule en conciliation sur cette demande en subrogation d’action ;
M e. Papou la cop ia, et la fit signer, le 17 frim aire an i 3 , par
le juge de paix de Gannat. Dans le même tem ps, M e. Papon
souscrivit une prom esse de 1200 fr. au profit de G ilb e rt, son
fr è r e , sous la condition néanmoins que cette somme ne seroit
exigible qu’autant qu’il réussiroit dans sa demande ; e t , en cas
de su c c è s, il s’oblige de la payer dans un a n , et en deux term es,
après le jugem ent du procès : mais quoique la promesse ait été
souscrite le même jo u r , elle a cependant été mise sous une
date postérieure.
C ’est ce même jour 17 frim aire, que Jean -Jacq u es Papon se
trouvant à G annat, inform é des démarches de son frère ainé,
qu’il avoit même obtenu une c é d u le , s’empressa d’aller déposer
chez B eauvais, notaire à G annat, les rétrocessions que Gilbert
Papon lui avoit faites sous seing p r iv é , tant de la cession de
Ja c q u e s , consentie par acte p u b lic , que des cessions de M arie
et F ran ço ise, qui n’avoient été faites que sous seing privé.
L ’acte de dépôt est dressé ; et Jean-Jacques Papon fait encore
comparoltre chez le notaire, Ja c q u e s, M arie et Françoise Papon,
qui rati(ien t, en tant que de besoin , les cessions , rétrocessions
et transports, et consentent à l’exécution de ces actes comme
s’ils avoient cédé directem ent leurs droits à Jean-Jacqu es ; ils
consentent même à ce que ce dernier se mette en possession
des lots qui leur étoient adjugés par le jugem ent arbitral de
iiertran d , en date du (5 brumaire.
�H>o\ cte#
( 21 )
Il ne fut pas difficile alors à M e. Papon d’expliquer pourquoi
Jean-Jacques demandoit avec tant d'empressement l'homologa
tion du rapport de Bechonnet; il ne put pas douter de la véra
cité du récit de Gilbert Papon. Il étoit aisé de voir que ses in
térêts avoient été sacrifiés; et les manœuvres perfides de JeanJacques Papon étoient à découvert.
Quoi ! le sieur Jean-Jacqu es Papon étoit depuis long-temps
xnaltre des droits de ses cohéritiers légitimaires ! ceux-ci étoient
hors d’intérêt ! Jean-Jacques P ap o n , en demandant à son frère
ainé fe remboursement des sommes qu’il avoit payées aux lé
gitim aires, terminoit toutes ces discussions intestines, devenues
si coûteuses. Tout étoit consommé entre les parties ; il n’y avoit
plus rien â exam iner; il n ’étoit nullement besoin d’arbitres : et
cependant, en laissant ignorer à Me. Papon tout ce qui s’étoit
passé dans la fam ille, on lui propose frauduleusement un ar
bitrage , lorsqu’il n’y avoit point de questions à juger. Partout
Me. Papon est dupe de son honnêteté et de sa confiance.
M c. Papon ignoroit encore l’acte de dépôt du 17 frim aire, et
n’avoit aucune connoissance du jugem ent arbitral. Il devoit coinparoitre le 29 frimaire au bureau de p a ix , sur la demande en
conciliation tendante à subrogation, qu’il avoit formée contre
G ilbert, son frè re , re lig ieu x ; Jean-Jacques Papon le p révient,
et lui fait signifier, le 28 du même m ois, le jugement arbitral,
avec déclaration qu’il est aux droits de ses frères et sœurs lé
gitim aires, au moyen de la rétrocession qui lui étoit faite par
Gilbert Papon , mais sans lui notifier cette rétrocession ; et
Gilbert P ap o n , averti de cette signification, se voit obligé de
d é clarer, le lendemain 29 frim aire , au bureau de paix , que
la demande en subrogation devient sans objet, dès que sa ré
trocession est connue : en conséquence , il est dressé un procès
verbal de non-conciliation.
L e même jour 29 frimaire , M c. Papon fit faire une saisie entre
les mains de B eauvais, notaire, pour l’empécher de se dessaisir,
en faveur de qui que ce s o it, des actes sous seing privé dont
�( 2 2 ).
le dépôt avoît été Tait entre ses mains le 17 du même mois.
L e 5 nivôse an i 5 , Me. Papon, par deux actes séparés, fait
d’abord signifier une déclaration à son frère , par laquelle il
révo q u e, en tant que de besoin , le compromis portant nom i
nation du sieur Bertrand pour arbitre; et en m êm e temps il le
fait citer en conciliation sur la demande qu'il entend form er en
communication du bénéfice de la rétrocession litigieuse que
s’étoit fait consentir Jean -Jacq u es Papon.
Cette cédule n’empécha pas Jean -Jacq u es Papon de faire pro
céder , deux jours après , par saisie exécution sur toutes les
denrées de son frè re , en vertu du jugem ent arbitral rendu par
le sieur Bertrand le 6 brum aire , et rendu exécutoire le 12.
Dans cet a c te , Jean-Jacques Papon déclare y procéder tant en
son nom que comme étant aux droits de Gilbert Papon , son
frère , qui étoit lui-m êm e aux droits de Jac q u e s, Marie et Fran
çoise
»
7, frère et sœurs communs.
Me. Papon répond , par même a c t e , qu’il a.lieu d’être surpris
de ce procédé, d’après la cédule qu’il a fait donner dès le 5 du
m êm e m ois; il s’oppose en conséquence à toute saisie-exécution,
com me de ses biens ; et on observe que par cet acte recordé
il n’est nullement fait mention de la vacation des témoins.
L e 12 nivôse il fut rédigé un procès verbal de non-concilia
tion. Jean-Jacqu es Papon , lors de ce procès verbal, veut excuser
ses procédés dont il est honteux; il dit que ce 11’est qu’à défaut
par Me. Papon d’avojr voulu prendre des arrangem ens avec les
frères légitim aires, que lui Jean - Jacqu es s’est déterminé à se
faire rétrocéder leurs droits; mais que son frère n’est pas recevable à vouloir profiter de ce bénéfice, et qu’ il entend seul le
conserver. Il se présonteroit fans doute «le grandes réflexions
sur une réponse aussi inconvenante, mais il faut ménager l’e x
pression.
Jean-Jacques Papon n’en poursuit pas moins son frère. L e 14
du même mois de niv6se, il fait itérative sommation de paye
m ent, et somme le gardien volontaire do représenter les objets
�( 23 )
saisis, pour être vendus le 27 nivôse; il fait aussi notifier un
congé à deux métayers de P ierre-C laud e Papon , pour qu’ils
aient à abandonner la culture des immeubles attribués aux lots
des légitiinaires.
L e 26 nivôse, M e. Papon fait notifier le procès verbal de nonconciliation , du 1 2 , avec assignation à son frère au tribunal
de G annat, pour être condamné à lui communiquer le béné
fice des rétrocessions ; il fait a u ssi, par un acte séparé, notifier,
soit à son frè re , soit au gardien, une opposition à la continua
tion des poursuites. Mais dans cette journée il devoit y avoir
beaucoup d’actes judiciaires ; c a r, dans la soirée, Jean Jacques
Papon fit faire une nouvelle som m ation, tant à son frère qu’au
gardien , et cette sommation fut suivie d’un nouveau procès
verbal de saisie-exécution , dans lequel il constitue pour son
avoué Me. Ju g e , qui occupoit d’abord pour les légitimâmes; il
déclare en même temps qu’il n’entend donner aucune suite à
la première saisie-exécution du 26 nivôse : mais ce n’est pas
pour faire grâce à son frère ; c a r , lors du premier procès verb al,
l ’huissier a voit eu au moins l’attention de ne pas comprendre
dans sa saisie les denrées et le vin nécessaires à la consomma
tion de Me. Papon et de sa famille , au lieu que dans cette
dernière il ne fait grâce de rien ; il y comprend tout ce qu’il
tro u ve , nomme le même gardien , et lui fait sommation de
représenter les objets saisis pour le 18 pluviôse. On remarque
encore que dans ce procès verbal l’huissier ne donne d ’autres
vacations à ses recors, que celles de propriétaires.
L e 16 pluviôse, opposition de la part de Me. Papon à cette
saisie-exécution; citation au bureau de paix, à Jean -Jacqu es,
sur la demande en nullité de toute cette p rocéd u re, ainsi que
des rapports des e x p e rts, du com prom is, et du jugement ar
bitral.
Mais le 18 pluviôse il est dressé contre le gardien un procès
v e rb a l, faute par lui d’avoir représenté les objets saisis, quoi
que le gardien eût exhibé de l’opposition foim ée entre ses mains.
�( 24 )
L e 19 , ce procès verbal est signifié au domicile du gardien,
qui est en m êm e temps cité au bureau de conciliation sur la
demande tendante à ce qu’il soit tenu par corps de représenter
les objets saisis. L e 24 p lu viôse, deux procès verbaux de nonconciliation sont dressés , l’un contre le gardien , et l’autre entre
M e. Papon et son fr è r e , sur la demande en nullité que le pre
m ier avoit formée.
L e 3 o pluviôse, Jean -Jacqu es Papon est assigné à la requête
de son frère , au tribunal de G a n n a t, sur cette demande en
nullité. L e 3 ventôse an i 5 , longue écriture de Je a n -Ja c q u e s
Papon , pour prouver que le jugem ent arbitral du 6 brumaire
est e x é c u to ire , et n’est pas susceptible d’opposition.
L e a germ inal, jugem ent par défaut contre M°. P ap o n , au
tribunal de G an n at, mais contradictoire avec le gardien ; et JeanJacqu es Papon est déclaré non recevable dans sa demande formée
contre le gardien ; il est condamné aux dépens envers lui.
Appel de Jean -Jacq u es Papon de ce jugem en t, vis-à-vis du
gardien ; mais il n’a donné aucune suite à cet appel : il paroit
m êm e qu’il a satisfait aux condamnations prononcées contre lui.
Opposition de M*. Papon à ce jugem ent qui avoit été rendu
par défaut contre lui. Jugem ent du 23 germ inal, qui le reçoit
opposant, et renvoie les parties au principal. Longue écriture
de Je a n -Ja c q u e s Papon , dans laq uelle, se jouant «le tous les
procédés, il compare agréablement son frère à un malade à
l’agonie , qui use de tous les remèdes contraires à la médecine.
Ce n’est que le 17 floréal qu’il donne enfin connoissance à son
frère des rétrocessions qui lui avoient été consenties; et il a c
com pagne cette notification d’ une autre écriture, dans laquelle ,
opiès avoir rendu pour la dixièm e fois compte des fa its, il ap
prend que son but est de s’opposer à la jonction des différentes
demandes pendantes entre son frère et lui.
U11 succès éplit'tnère semble IVncouniger à grossir encore ce
volume. Un jugement du 19 prairial an i 3 rujela la jonction
demandée par M r. Papou : mais le ü9 thermidor nu i 3 , un
autre
�( 25 )
autre jugement contradictoire , et certes très-équitable , annulla
tous les com m andem ens, saisies-exécu tion s, et autres pour
suites de Je a n -Ja c q u e s Papon , et fît pleine et entière main
levée au frère aîné de toutes ces saisies vexatoires. Ce jugement
en m êm e tem ps, en exprimant le regret des premiers juges de
n ’avoir pas ordonné la jonction précédemment , renvoie les
parties à plaider sur le principal, c ’est-à-dire, sur la demande
en nullité du compromis et du jugem ent arbitral, ainsi que sur
la demande en communication du bénéfice des rétrocessions,
à l’audience du 5 fructidor lors prochain.
Mais Je a n -Ja c q u e s P a p o n , craignant que le moment de la
justice ne fût arrivé , ne daigna pas comparoitre au jour capté;
çn conséquence, il fut rendu deux jugemens par défaut, l’un
qui adjuge la com m unication du bénéfice des rétrocessions,
l’autre qui annulle le compromis et le jugem ent arbitral.
Jean-Jacques Papon s’est rendu appelant, et par deux actes
séparés , tant du jugem ent contradictoire qui fait main-levée des
saisies-exécutions, que des deux jugem ens, dont l’un ordonne
la communication du bénéfice des rétrocessions , et l’autre pro
nonce la nullité du compromis et du jugement arbitral de Bertrand.
Mais il est à remarquer que la cour n’est pas saisie de la connoissiince du jugement qui ordonne la communication du bénéfice ;
Jean Jacques Papon n’ayant interjeté appel que par un simple
acte de ce dernier jugem ent, n'est point encore anticipé. Il ne
s’agira donc que d’examiner la validité ou nullité des saisiesexécutions , ainsi que les questions qui s’élèvent sur le com
promis et le jugement arbitral. On observera, au surplus, que
la cour a déjà eu connoissance de cette discussion; car le pre
m ier incident qui s’est élevé entre les parties a été de savoir si
la cour devoit joindre les deux appels dont elle est saisie ; et
la cause portée sur cet in cid en t, le 1 1 janvier est intervenu
arrêt contradictoire qui a joint les deux instances d’appel , et
renvoyé les parties à une audience captée, pour être fait droit
sur le tout par un seul et même arrêt.
D
�_ ( *6 )
C'est en cet état qu*il s’agit de prononcer ; mais il est bon ,
avant to u t, de rappeler qu’à l’audience de la co u r, Jean-Jacqnes
Papon voulut insinuer que le jugem ent arbitral étoit l’ouvrage
du m agistrat, en qui les parties avoient témoigné une si juste
confiance. MaisM*. Papon est autorisé à désavouer publiquement
que ce magistrat en soit le ré d a cte u r, et la déclaration indis
crète de son frère n’est qu’une suite de sa perfidie.
Maintenant qu’on a analisé , avec l’exactitude la plus scru
puleuse , une procédure m onstrueuse, et qu’on n’a dépouillée
qu’avec dégoût, on va discuter les moyens de Me. Papon contre
toutes les demandes , com prom is, ju g em en s,q u i depuis vingt
ans ont empoisonné sa vie et altéré sa fortune.
Il divisera sa défense en trois propositions ; dans la p rem ière,
il établira que le compromis est absolument n u l, qu’il n’est que
la suite de l’e rr e u r, puisqu’il a été passé avec des personnes
sans qualité comme sans intérêt ; dans la deuxièm e , il prou
vera que le jugem ent arbitral n’est pas même conform e au com
prom is, qu’il y a e xcè s de p o u v o ir, des erreurs grossières , et
qu’enfin il n’est pas l’ouvrage de l’arbitre que les parties avoient
choisi ; dans la troisième et dernière , il démontrera que les
saisies-exécutions faites à la requête de Jean -Jacq u es Papon ne
peuvent subsister , qu’elles sont tout à la fois nulles , irrégu
lières et vexatoires , qu’ainsi il en a dû obtenir la main-levée
pleine et entière.
I er.
L e com prom is est évidem m ent nul.
Un compromis ne peut subsister qu’autant que toutes les par
ties qui l’ont souscrit seroient également obligées ; il est nul lors
qu’il est l’effet de l’erreu r, qu’il n’a pas été nécessaire , ou qu’il
n’nuroit pas eu d’o b je t, si l’une des parties avoit connu les actes
qu’on lui a cachés.
�fo r
( 27 )
Ces principes sans doute n e seront pas contestés ; ils sont
consignés dans le titre des lois , au ff. D e recept. arbitr.
L ’article 110 9 du Code civil porte également qu’il n’y a point
de consentement valable, si le consentement n’a été donné que
par erreu r; et l’article 1 1 1 0 dit que l’erreur est une cause de
nullité de la convention , lorsqu’elle tombe sur la substance
même de la chose qui en est l’objet.
En appliquant ces principes à l’espèce , on v o it, i°. que lors
du compromis toutes les parties n’étoient pas également obli
gées. En e ff e t , les trois légitimaires qui y sont portés étoient
hors d’intérét ; ils avoient cédé leurs droits à un frère non successible ; et celui c i , dans la crainte d’étre écarté par la subro
gation d’a c tio n , avoit rétrocédé ces mêmes droits à l’héritier
associé. Dès-lors ces légitimaires n’étoient pas de bonne foi >
lorsqu’ils se sont mis en qualité ; ils ne contractoient aucune
obligation, puisqu’ils n’avoient rien à gagner ni à p erd re, et que
l ’événement du partage leur étoit indifférent.
Lors de leur cession, les légitimaires avoient vendu sans ga
rantie ; ils ne s’étoient point soumis à rester en cause ; ils n’a
voient donné aucune procuration pour autoris r à plaider en
leur nom. Ils étoient donc absolument hors d’intérét; ils n’é
toient plus parties : leur cédataire devoit seul figurer.
Ils étoient'cependant la cause unique et exclusive du com
promis ; ce n’étoit que contr’eux et pour eux que Me. Papon
se soumettoit à la juridiction d’un arbitre ; il n’auroit pas com
prom is, s’il< avoit su que les légitimaires n’avoient plus rien à
dém êler ni à;prétendre dans les successions. En e ffe t, cédalaire lui-même des droits de plusieurs de ces légitimaires , il
n’avoit pas réclamé de son associé ni le partage , ni leurs por
tions en corps héréditaire ; et s’il avoit été informé que son
associé fût aux droits des trois autres , il auroit espéré de lui
la même faveur , ou il l’auroit c o n t r a i n t à la communication du
bénéfice , ou au moins il auroit exigé les mêmes droits pour les
cessions qui lui étoient personnelles. Tout se, seroit naturelle-
D 2
/
�( *8 )
ment compensé entre l’héritier et l’associé , sans qu’il fût besoin
de porter atteinte au partage fait par les auteurs communs ,• et
qui fut l’ouvrage de leur impartiale tendresse pour les deux
héritiers.
Il est donc évident que toutes les parties n’étoient pas égale
ment obligées ; il est également démontré que le compromis est
le résultat de l’erreu r, puisque M°. Papon ignoroit les cessions
et rétrocessions des légitimaires. Il étoit dans cet état d’igno
rance par le f a it , soit des légitimaires , soit de son associé : tous
s’étoient réunis pour le tromper et l’abuser. Cet état d’ignorance
détruit la volonté , fa c it om nino involuntarium , comme le dit le
savant Dum oulin ; et il n’est pas de moyens dont la loi soit plus
to u ch ée, que cet état d’erreur ou d’ignorance invincible dans
lequel se trouvoit Me. Papon par le fait ou la mauvaise foi de
ceu x avec lesquels il a contracté.
Il est encore certain que l’erreur de M e. Papon tombe sur la
6ubstance de la chose qui étoit l’objet du com prom is, puisqu’il
s’agissoit de régler un partage , des rapports et des prélèvem ens
en faveur des légitim aires qui étoient alors sans intérêt , et qui
n ’avoient plus de partage à demander. C ’est depuis le 14 ger
m inal an 10 que Jea n - Jacq u es Papon avoit les droits de ses
frères et sœurs légitim aires, par des actes sous seing privé ; et ce
n’est que le 14 nivôse an 12 que ces légitimaires ont eux-m êm es
com prom is, com m e s’ils étoient encore dans tous leurs droits.
Il y a plus qu’ erreur dans l’espèce ; il y a évidem m ent dol dans
le procédé , puisque les légitimaires ne contractoient aucuns
engageinens. C ’est une machination perfide pour tromper , dé
pouiller l’un des héritiers au profit de l’autre , son associé , qui
jusqu ’alors avoit pris part h toutes les discussions , et avoit con
fondu ses intérêts avec ceu x de l’héritier.
L a justice ne peut envisager qu’avec indignation un acte qui
a été le fruit du d o l, de l’erreur et de la surprise ; et le com
promis une fois é c a r té , le prétendu jugement arbitral ne porte
sur aucune base.
�'•
t
-
( 29 )
§. I I .
L e prétendu ju g e m e n t a rb itra l n 'e st p o in t conforme au com
prom is ; i l y a excès de p o u v o ir; i l n ’est p a s l ’ouvrage d e
l'a rb itre que les p arties avaient choisi.
Quelle confiance pourroit-on avoir dans un arbitre qui s’avoue
incapable de prononcer su r des contestations qu’on lui a sou
mises , n’en prend aucune connoissance, et livre tous les intérêts
d’une famille à une inain obscure et mercenaire , à qui les par
ties , et surtout M e. Papon , n’auroient jamais accordé aucune
confiance ; d’un arbitre qui ne prend d’autre peine que de donner
sa signature, et encore de la laisser en blanc , et qui n’a vu a i
lu le jugement au bas duquel se trouve son nom?
Si les moyens de M e. Papon contre ce jugement pouvoient ne
pas paroitre suffisans , la voie du faux incident lui est ouverte ,
et il se la réserve expressément.
M e. Papon convient que l’arbitre étoit autorisé verbalement
à s’entourer des lumières d’un magistrat éclairé , choisi respecti
vement par les parties : mais il met en fa it, i°. que l’arbitre quitta
le pays dans les derniers jours de fructidor an 1 2 , et qu’alors
il ne s’étoit nullement occupé de l’objet de sa mission ;
2 Que cet arbitre , lors de son départ, montra à M c. Papon
une note du magistrat auquel il s’étoit adressé , et que par cette
note ce magistrat expliquoit très-disertement son refus de connoître et de prononcer sur les contestations de cette famille ;
5 °. Que l’arbitre avoit lui-même déclaré qu’il n’étoit plus dans
l’intention de juger les parties, et qu’il avoit déposé tous les pa
piers de M*'. Papon chez le sieur H u a , directeur de la poste aux
lettres à G an n at, où il pourroit les prendre quand il voudroit, et
que Me. Papon étant allé chez Hua pour retirer ses papiers, ce
dernier lui déclara qu’il ne les avoit jamais vus;
4°. Que AT'. Papon ayant prié le sieur Bertrand , arbitre , de
�k
4 W
Ç A ï'ç
C 3° )
lui donner quelques détails sur une pension de la ville du P u y ,•
où il vouloit placer son fils , cet arbitre lui écrit le i rr. vendé
miaire an i 3 , pour lui donner ces détails, mais ne lui parle
nullement des affaires de fam ille dont la décision lui avoit été
soumise. Me. P ap o n , dans sa réponse , lui repioclie son sile n ce ,
se plaint surtout de ce qu’il est parti sans lui remettre ses pa
p iers, et de ce qu’il l’a trompé en lui disant qu’il les trouveroit
chez le sieur H u a , qui ne les avoit jam ais vus ;
5°. Que M°. Papon ne recevant point de réponse de Bertrand ,
et inquiet surtout de ses papiers , pria le sieur Cham broty de
s’inform er auprès <lu magistrat désigné par les parties s’ il savoit
où pouvoient être ses papiers ; que le 20 vendém iaire an i 3 le
sieur Cham broty écrivit à M e. P a p o n , et lui marqua que ce
magistrat lui avoit dit que les longs mémoires l’avoient enir
péché de prendre connoissance de l ’a ffa ir e , mais qu’il n’avoit
aucuns papiers , et les avoit laissés à l’arbitre ;
6°. Que le 3 o vendém iaire an j 3 , M e. Papon a reçu une lettre
de Bertrand , par laquelle il lui marquoit qu’il avoit laissé ses
papiers dans les mains de ce m êm e magistrat ;
7°. Que Me. P a p o u , dans cet état de p erp lexité, reçoit une
lettre de ce m agistrat, en date du 5 brumaire an i 3 , par la
quelle il lui marque qu’il peut actuellem ent lui donner des nou
velles de ses papiers, qu’il sait où ils sont, qu’ils.sont aussi en
sûreté que s’ils étoient entre ses m a in s, qu’il les a quand il
v e u t , et lui assure que ni la justice ni ses intérêts ne seront
blessés ;
8°. Que M r. Papon , plus inquiet que jam a is, parce que cettq
lettre lui faisoit craindre qu’ un étranger qu’il ne conrioissoit pas
voulût s’ingérer dans la connoissance de ses affaires , partit pour
la ville du Puy le 5 b ru m aire, où il arriva le 8 ; qu’il y resta
jusqu'au 1 2 , et qu’ il ne put tirer autre chose du sieur Bertrand
sur le sort de ses papiers, sinon qu’il les avoit remis
un des
amis du m agistrat, en qui les paities avoient confiance , et quu
les papiers lui seroient remis à son a rriv é e ;
�t 3' )
9°i Qu’éthnt arrivé du P u y , il trouva à son domicile une lettre
de Bertrand , en date du 6 brumaire an i 3 , par laquelle il lui
annonce qu’il a signé ce même jour 6 brumaire les jugem cns
( il n’y en a qu’un , et cet arbitre ne Jui en avoit rien d it, quoi
qu’il ne l’eût quitté que le 12 b ru m a ire ); et qu’il n'a rien à
se rep roch er, etc. : cependant le 5o vendémiaire an i 3 , six
jours aup aravan t, ce ménie arbitre écrivoit qu’il avoit laissé
dans les mains du magistrat désigné tous les papiers de RJe. Papon,
ainsi que ceux de ses frères ; trois jours a p rè s, ce même ma
gistrat écrivoit qu’il n’avoit pas ses p ap iers, mais qu’il savoit où
ils étoient, etc.
i°. E t enfin Me. Papon met encore en fait que l’arbitre n’a
jam ais eu connoissance de ce jugem ent, qu’il ne l ’a vu ni lu ;
que cet arbitre fut suivi jusqu’à Glermont par l’un des frères
P ap o n , lors de son départ dans les derniers jours de fructidor
an 12 , et que là on obtint de la facilité de cet arbitre sa signa
ture en blanc ; que la preuve de cette circonstance résulte de
ce que la minute de ce jugem ent, contenant près de cent cin
quante pages , est entièrement écrite de la main du fils de Ju g e ,
avoué de Jean -Jacq u es Papon, à l’exception néanmoins des der
nières pages , qui sont écrites de la main de M e. Juge lui-inèine ;
que ces dernières pages sont resserrées, et que ce resserrement
n’a eu lieu que pour faire cadrer la clôture du jugement avec
la signature de l’arbitre ; que sans cette circonstance le resser
rem ent eût été inutile , puisque la signature de l’arbitre se
trouve placée aux deux tiers de la première page du dernier
rô le , et par conséquent il restoit encore un dem i-rôle et le
tiers d’un demi-rôle de papier blanc à remplir : donc ce res
serrement n’a eu lieu que parce que la signature étoit posée.
Cette signature d’ailleurs se trouve au bas de la décision sans
aucune approbation, et cet arbitre n’a paraphé aucuns des
feuillets de ce jugem ent, qui comprend plus de cent cinquante
pages en plusieurs petits cahiers.
C ’est ce dont on pourra se con vain cre, si la cour juge à
�( 32 )
propos de faire rapporter la minute. M é. Papon mot également
en fait que la minute de ce jugement a resté long temps entre
les mains de Jean -Jacqu es P ap o n , avant le dépôt qui en a été
fait au greffe ; et ce qui achève de prouver que cette décision
n ’est pas l’ouvrage de l’arbitre, c ’est qu’indépendamment de ce
que le tout a été écrit de la main du fils de l’avoué ou de l’avoué
lu i - même , on remarque à la clôture les mots qui suivent :
« F a it, arbitré et délibéré successivem ent à Y ic q , à Clerm ont;
cc et après avis en conseil , définitivement arrêté et jugé an
« P u y , chef-lieu du d épa rtem en t de la H au te-L o ire , le G b/u~
« m a ire an i 3. Seront au surplus les présens partages et juger
« mens déposés au greffe du tribunal de Gannat, pour y rece« voir la forme e xé cu to ire , et en être délivré expédition à qui
« de droit. »
Que de m aladresse et de sottises qui dévoilent la fraude et
le dol qu’on a si grossièm ent employés ! M e. Papon offre la
preuve de tous les faits qu’il vient de mettre en avan t, si la
cour ne se croyoit pas suffisamment éclairée par les lettres et
les écrits qu’il vient d’én on cer, et qui ont été notifiés à JeanJacques Papon dans le cours de l’instance.
Comment cette œuvre de ténèbres, qu’on ose qualifier du
nom de ju gem en t, pourroit-elle soutenir les regards de la jus
tice? Vainem ent voudroit-on prétendre qu’ un jugem ent arbitral
ne peut être attaqué par aucune voie , pas même d’appel ou
du cassation , lorsque les parties ne se sont ¡»as expressém ent
rtservé ce d ro it; ce seroit une erreur de l'appelant, dont le
systèm e ne porte que sur cette fausse base. La voie de la
nullité est toujours ouverte contre un jugement arbitral, toutes
les fois que les arbitres ont ju g é , ou sur un compromis n u l,
on sur toute autre chose que ce qui étoit soumis à leur dé
cision. y on c.rgù qu od liüet statucrc a rb iter p o te r it , ncc in
tjuà re lib et n i si de fpui rc com prom ission est et tptatenùs com
prom ission est. L. 5 2 , §. 1 5 , au ff. D e rccept. arbit.
La cour d'J cassation s’est conform ée aux dispositions d<-‘
eu lie
�( 33 )
cette lo i, et a souvent décidé que les jugemens d’arbitres pouvoient être attaqués par la voie de nullité. Un arrêt du 12 prai
rial an 10 l’a disertement jugé dans la cause de la dame Bény.
D euxièm e arrêt du 23 nivôse an 10. Troisièm e arrêt du 2 1 mes
sidor an 12. On pourroit même invoquer plusieurs préjugés de
la cour d’appel sur ce point, puisqu’elle a annullé un jngement
arbitral rendu contre des mineurs , quoique le tuteur fût obligé
en son nom.
O r, si on veut aborder cette oeuvre de ténèbres , et sans
qu’il soit besoin de faire un volume pour analiser un procès
verbal fastid ieu x, on y remarque d’abord que le premier objet
du compromis étoit une transaction du 1 1 pluviôse an 10 ,
passée entre l’héritier et l’associé. Il s’étoit élevé quelques incidens sur ce traité; et un jugement du tribunal de Gannat,
en date du 28 thermidor an 1 1 , en avoit ordonné l’exécution.
Mais Jean-Jacques Papon , suivant son habitude, avoit inter
jeté appel de ce jugem ent; et par le premier article du com
promis , Jean-Jacques Papon se départ de l’appel par lui inter
jeté , il consent à payer les frais ; mais on donne pouvoir à
l ’arbitre de statuer sur l ’ejfet des réserves respectivement fa it e s
par les parties lors de ce traité , ainsi que sur les contestations
qui pourroient s’élever au sujet de l’estimation des biens qui
provenoient d e là belle-mère commune des deux héritiers, et
dont ils s’étoient rendus adjudicataires de la nation, qui avoit
lait m ainm ise sur ces mêmes biens.
Les réserves énoncées dans le jugem ent de Cannat, du 24
thermidor an î x , au sujet de cette transaction, étoient ainsi
conçues : « Sauf h Je a n -Ja c q u e s Papon à se p om vo ir, ainsi
» qu’il avisera, pour obtenir la réparation des erreurs de cal» cid , faux emplois de sommes et omissions par lui soutenues
« exister dans la transaction du 10 pluviôse an 10. A cet effet
» lui donne acte des réserves qu’il s’est faites relativement
» ¡celles ; et donne pareillement acte à Pierre-C laude Papou
w de toutes réserves û ce contraires. »
E
�( 3 4 )
L es pouvoirs de 1arbitre étoient donc bornés à ce seul objer,
de v é r ifie r les erreurs (h c a lc u l, les omissiotis ou le f a u x em
p lo i. Mais sans doute que le sieur Bertrand étoit trop pressé
pour faire cette vérification ; il a trouvé plus commode d ’or
donner un nouveau compte entre les parties, c ’e s t - à - d ir e ,
d ’anéantir une transaction homologuée par ju g em e n t, et que
Jean -Jacq u es Papon ainsi que son frère avoient déclaré sim ul
tanément vouloir exécuter. L ’arbitre a remis en question la
chose ju g ée, l’exam en de tous les articles de cette transaction,
lorsqu’il ne pouvoit exam iner que les erreurs de calcul ou les
omissions qui pouvoient s’étre glissées dans cet acte.
V oilà donc un objet sur lequel les parties n'avoient pas com
promis , et qui caractérise un prem ier excès de pouvoir de
l ’arbitre.
2°. Les parties avoient déclaré par le com prom is vouloir e xé
cuter la sentence arbitrale du 9 frim aire an 8 ; et par cette
sentence il étoit expressém ent ordonné que les légitiinaires qui
voudroient prendre leur légitim e de d r o it, seroient tenus de
rem bourser à M e. Papon , dans la proportion de leur am en
dement , les impenses et améliorations nécessaires et u tile s ,
que'M ®. Papon avoit faites dans les biens communs.
Il sembloit que l’arbitre auroit dû ordonner préalablem ent
une estimation de ces objets. Mais il croit pouvoir éluder la
qu estion , et l ’obligation précise qui lui étoit imposée de faire
estimer ces objets, en disant qu’il attribue aux légitimaires des
im m eubles sur lesquels il n’y a pas eu de réparations ou am é
liorations.
Cependant , dans ces mêmes héritages attribués aux légiti
in aires, M e. Papon y a fait des plantations considérables qui
sont aujourd’ hui en ra p p o rt, et en augmentent sensiblement la
valeur. Il a fait abattre dans les vignes des rochers énorm es, en
a fait extraire plus de trois mille toises de cailloux , et a fait
planter des ceps de la plus belle venue , dans un terrain qui
naguères ne présentoit qu’une surface aride et desséchée ; il a
�( 35)
fait combler et dessécher à grands frais des parties de terrain,
où l’eau étoit en stagnation ; il y a construit un pont pour la
facilité de l’exploitation. Pourquoi donc l’arbitre a-t-il jugé à
propos de se dispenser de l’exécution des jngemens précédens,
ou en éluder les dispositions , lorsqu’il ne p o u vo it, d’après le
compromis , statuer sur cet objet qu’après une estimation préa
lable , conformément au jugem ent en dernier ressort de G uéret,
du 14 prairial an 6 , et au jugem ent arbitral du 25 friam ire
an 8? C ’est donc un nouvel excès de pouvoir commis par le
sieur Bertrand.
L ’arbitre devoit également ordonner l ’estimation des biens
sujets à partage. L e jugement de G u é re t, et la sentence arbi
trale , avoient ordonné que cette estimation des jouissances seroit
faite par e xp erts, et qu’en cas de discordance les parties 110111-.
meroient un tiers expert : c ’étoit un point arrété et jugé ; e t ,
d’après le com prom is, l’arbitre ne pouvoit s’écarter de ce qui
étoit définitivement jugé. Au lieu de nommer un tiers e x p e rt,
ou de s’en rapporter à celui qui avoit été nommé , il s’avise , sans
aucune connoissance locale , et sans aucune expérience, de faire
lui-m ém e cette opération; de là des injustices et des inconsé
quences révoltantes. L ’objet n’étoit pas de sa compétence ; le
compromis ne lui en donnoit pas le pouvoir ; il 11’a pu juger
d'après la lo i, n i s i de qud rc compromissum e s t , et çuatcnùs
compromissum est.
Ce méine arbitre ne devoit encore s’occuper que des biens
délaissés par les père et mère communs , et cependant il a com
pris , dans la masse à diviser , une propriété particulière de
JVle. Papou , que celui-ci avoit acquise depuis plus de dix ans ,
et il a bien voulu la délaisser à Me. Papon , pour le rem plir eu
partie de ce qu’il amendoit dans la succession de Louis-Am able,
son frère ; ce qui constitue un autre excès de pouvoir.
Cet arbitre s’est encore permis d’examiner le partage qui avoit
été fait par les père et mère. Cet acte sans doute devoit être
E 2
�( 3^ )
re sp ecté , et n’avoit donné lieu à aucune controverse entre les
parties ; on se rappelle inéme du soin rpi’ avoient mis les auteurs
comm uns «à rendre les deux lots parfaitement égaux : l’arbitre
en a pensé tout autrement. Quoiqu’il ne dût pas l ’exam iner par
le compromis , il a cru devoir attribuer un retour de lot à Jean Jacques P a p o n , d’ une somme de 2 2 1 fr. C ’est bien sans doute
un nouvel excès de pouvoir.
P a r la sentence arbitrale du g frim aire an 8 , Jacqu es P a p o n ,
légitim aire , ne pouvoit venir au partage qu’en restituant préa
lablem ent à M®. Papon une somme de 4000 fr. par lui reçue ,
et dont Jacqu es Papon avoit donné quittance le 10 février 17 9 1.
L a date de cette quittance autorisoit Jacq u es Papon à de
m ander la réduction à l’échelle ; mais M®. Papon avoit soutenu
qu’il n 'y avoit pas lieu à réduire , parce que cette somme , du
moins en très-grande partie , avoit été reçue long-temps avant
la quittance.
L es arbitres avoient cependant admis la réduction à l’échelle ,
m ais à la charge par Jacq u es Papon d’afiirm er qu’il n’avoit reçu
cette somme qu'au moment de la quittance. L ’arbitre Bertrand
ne pouvoit pas s’écarter de cette disposition ; il a cru néan
moins pouvoir ordonner cette réduction purem ent et simple
ment , et dispenser Jacq u es de son affirmation ; ce qui est encore
un excès de pouvoir.
L e contrat de mariage de M e. Papon fixe le mode et la por
tion des légitim es conventionnelles que chaque héritier doit
p ayer , en les réglant à Gooo fr. pour chacun. Il est dit en su ite,
par une clause subséquente , que toutes les dettes seront p ayées
p a r m oitié entre les d e u x héritiers. C ’est une charge de l’ins
titution dont Jean Jacqu es Pnpon ne pouvoit s ’écarter ; et dèslors il étoit tenu de payer la moitié des supplémens de légitim e
qu’avoient obtenus certains des légitim aires. Il n’ y avoit pas le
plus léger doute , d’après les dispositions du contrat de mariage.
I.arb itre ne pouyoît en exam in er, encore moins en éluder les
�h t
( 37 )
clauses. Me. Papon avoit formé la demande devant l u i , contre
Juan Ja c q u e s , son fr è r e , à ce qu’il fût tenu de payer cette
moitié des supplémens , que Me. Papon avoit lui-méme payée
à ses frères. L ’arbitre a jugé à propos de mettre les parties bois
de cour sur ce point ; de sorte qu’il en résulte que Jean Jacq u es
Papon profite de toutes les cessions qui ont été faites à son
frère ; il en a tout le bénéfice ; et au moyen des rétrocessions
qu’il s’est fait consentir par les autres légitim aires, il en a
aussi toute la portion qui diminue d’autant le lot de son frère
ainé sans toucher au sien. Il faut convenir que c’est là -une
injustice révoltante , une contradiction qui choque ; c ’est un
excès de p o u vo ir, d’ignorance ou de partialité.
L ’arbitre devoit aussi faire estimer les dégradations commises
dans les biens. Jean-Jacques Papon avoit fait un abattis d’arbres
de toute espèce ; ce qui diminuoit singulièrement la valeur des
immeubles : l’arbitre n’a pas daigné seulement s’en occuper.
Il est bien extraordinaire encore que dans les prétendus lots
d’attribution que l’arbitre a faits aux légitim aires, il n’y ait mis
aucuns bâtimens , q u ’i l a it môme p articu larisé les jouissances
p o u r les lots d'attribu tion , sans ordonner une estimation géné
rale. Cette manière d’opérer blesse évidemment les intérêts de
l ’héritier : la jouissance des maisons , bâtim ens, cours , etc.
sont souvent à charge aux propriétaires, tandis que les fonds
rapportent toutes les années. Il en résulte que les légitim aires,
qui n’ont que des im m eubles, ne supportent aucunes charges,
reçoivent le produit net de leurs lots, tandis que les bâtimens
deviennent plus onéreux à mesure que l’exploitation diminue.
jVr. Papon avoit aussi demandé q u e , dans le cas où il seroit fait
un partage par attribution pour les légitimaires , il fût aussi fait
trois lots pour M arie, Françoise et Louis-Bonnet, dontM®. Papon
est cédataire. L ’aibitre répond qu’à l’égard de Marie et Fran
ç o is e , Me. Papon ayant traité avec elles pour leurs légitimes
conventionnelles et supplémens d’icelles , n’a fait que remplir
�........................................C 3 8 )
les obligations qui lui étoient imposées par son contrat de m a
riage ; et en ce qui concerne Louis-Bonnet, l’arbitre trouve ridi
cule que M e. Papon prenne une-légitim e en corps héréditaire
sur lu i-m ém e, et en conséquence il le déclare non recevable.
Ce raisonnement est vicieux , et l’arbitre n’est pas conséquent
avec lui-méme. E n e f f e t , M e. Papon , cédataire des droits de
ses sœ urs, peut faire tout ce qu’elles avoient le droit de faire
elles-mêmes ; et c e r te s , si les sœurs étoient encore créancières
de leurs légitimes ou du supplém ent, elles auroient la facu lté,
d’après l’article 16 de la loi du 18 pluviôse an 5 , de l’exiger
en biens héréditaires. Pourquoi donc M \ Papon n’auroit-il pas
la m êm e faculté? pourquoi également ne pourroit-il pas d e
m ander la portion de Louis-Bonnet? Si les biens qu’il possède
étoient seuls sujets à la légitim e, le m otif de l’arbitre pourroit
avoir quelque fondement. Mais les biens de Jean -Jacqu es Papou
sont également affectés aux légitimes ; et dès-lors ce ne seroit
pas sur lui-m ém e que M e. Papon la prendroit.
Mais si la demande de M e. Papon est si ridicule , pourquoi
celle de Jean -Jacq u es est-elle m ieux fondée? car l’arbitre a
bien accordé à Jean -Jacq u es Papon , cédataire com m e son frère ,
le droit de prendre des biens pour la portion de ceux qu’il re
présente. Il y avoit cependant parité de raison : il devoit donc
y avoir semblable jugement.
On n’a relevé cette circonstance que pour donner un échan
tillon des motifs et îles injustices qu’on rem arque dans ce fas
tidieux procès v e rb a l, si improprement qualifié de jugement.
Ou feroit des volum es, si on vouloit entrer dans le détail de
toutes les inconséquences , ainsi que des erreurs grossières qu’ü
renferm e. O11 ne poussera pas plus loin les recherches , parce
que si cetto absurde décision n’étoit qu’injuste , et s’il n’ y avoit
pas d'autres vices , il ne seroit peut-être pas permis de l’exa
miner. La fâche de IV1". Papou doit se borner à en démontrer
la nullité , parce que la voie de nullité est ouverte contre un
�c 39 y
jugem ent arbitral. O r, M B. Papon croit avoir démontré que celte
.m onstrueuse production est absolument vicieuse et n u lle, soit
parce qu’elle part d’un compromis qui est infecté du même v ic e ,
et qui n’a été que le fruit du dol et de l ’erreur , soit par les excès
de pouvoir qui y fourm illent; et dés-lors Jea n Jacques Papon
n ’a plus aucun titre à opposer à son frère. L e jugement de
Gannat a bien jugé en mettant au néant cette masse in form e,
e t dont les conséquences seroient si funestes.
On passe maintenant à l’exam en des saisies-exécutions aux
quelles Jean-Jacques Papon s’est permis de faire procéder sur
les biens de son frère aîné.
$. 111.
L e s saisies-exécutions sont n u lle s, tortionnaires et injurieuses.
L e jugement du tribunal de Gannat, du 29 thermidor an i 5 ,
a fait justice de ces poursuites vexatoires ; il a annullé les commandemens et saisies mobilières , en a fait pleine et entière
m ain-levée à M e. P a p o n , et a ordonné que le gardien seroit
tenu de restituer les objets saisis. Les dispositions de ce juge
ment sont principalement motivées , i°. sur ce que Jean-Jacques
Papon ne s'étoit pas conform é à l’article 1690 du Code c iv il,
et avoit fait saisir et exécuter à sa req u ête, avant d’avoir no
tifié à son frère le transport fait à son-profit par les légitimâmes ;
2 0. sur ce que l’huissier, ministre de la saisie-exécution , n’avoit
donné à ses recors aucune vacation, si ce n’est la qualité de
p ro p rié ta ire s ; qualification insuffisante, d’après l’article 2 du
titre 2 de l’ordonnance de 1667 : et l’article de l’ordonnance
a paru d’autant plus applicable, qu’il est reconnu par l’une des
parties que l’un des recors étoit garde champêtre de la com
mune où réside l’huissier.
�1M .Û
.
( 4° )
Ces motifs sont p érem ptoires, surtout dans une matière de
rigueur. E n e f f e t , ce n’est que le 17 floréal an i 3 que Jean Jacqu es Papon a fait notifier les rétrocessions qui lui avoient
été consenties par Gilbert ; et depuis le 28 frim aire précédent
il s’étoit permis de faire un commandement à M e. P a p o n , ten
dant au payement des sommes adjugées par le jugement arbitral
du 6 brumaire an i 5 , ainsi que de celle de 221 fr. 88 cent, qui
étoit adjugée à Jean -Jacq u e?, pour retour de lot du partage fait
par les père et m ère communs.
Les deux saisies-exécutions sont également antérieures à la
notification du transport.
O r, l’article 1690 du Code civil porte expressém ent que le
cessionnaire n ’est saisi à l’égard des tiers que par la significa
tion du transport faite au débiteur. En e ff e t , ce débiteur 11e
peut faire cesser les poursuites qu’autant qu’il est instruit qu’j.1
a changé de créan cier; jusque-là il ne connoit ni ne peut connoitre le cédataire , et celui-ci à son tour ne peut exercer aucune
poursuite en son nom. L e commandement et les saisies étoient
donc faits à la requête d’un homme sans qu alité, et c ’est sans
contredit le plus grand vice qu’on puisse opposer.
M a is, en la fo rm e , il est cu rieu x de voir qualifier des recors
du titre de propriétaire. L ’article 2 du titre 2 de l’ordonnance
de 1GO7, veut que les huissiers et sergens déclarent, par leurs
exploits , les juridictions où ils sont immatriculés , leur domi
cile , ainsi que celui de leurs recors , avec leurs //oms , sur
noms et va ca tio n s : 011 ne peut entendre , sous le nom de
vacation, que le métier de celui qui assiste l’huissier. La qua
lification de propriétaire est dénégative de toute espèce de pro
fession : on ne désigne a in s i, dans la société ou dans les a c te s,
que les hommes marquans par leur fortune, par des propriétés
considér*iMes 1 el encore n’emploie-t-on cette qualification que
dans des actes indifiérens : c a r , en matière de rigueur, comme
dans une expropriation fo rc é e , on ne manque pas d ’ajo u ter,
lo i:.q u ü
�( 4 I, ]
lorsque le poursuivant n’a pas d é ta t, qu’il est sans profession,
•quoiqu’on lui donne égalem ent la qualité de propriétaire.
Un recors seroit-il suffisamment désigné par cette qualifica
tion générale? Il existe une foule de p réju gés, notamment de
la cour d’a p p e l, qui ont annullé plusieurs procès verbaux de
saisies , sur le seul m otif que l’huissier s’étoit contenté de dé
signer ses recors sous le titre de citoyens. Cependant ce titre
a quelque chose de plus apparent que le terme générique de
propriétaire : ce mot n’amène à sa suite aucune idée ; il est
dénégatif de toute vacation , de toute profession. Un proprié
taire proprement dit est celui qui vit de ses revenus , et n’a
aucun^état dans la société ; £t il faut convenir que ce seroit
bien dégrader c'efte qualification f si on pouvojt la.ilpnneKá des
• -re ^ rs jfe J.e but de l’ordonnance ne seroit pas rempli ^ ce seroit
• yn abus iju i entrafneroît les plus^grav-ee- iuçonvéjiiens.* »•
if do«£ nullité ¿ ’çrdonnance dans les saisies-exécutions.
JYJai$ on doit observer encore que’ Jean-iacqués T apón*n*avoit
à répéter au& íW ^l^ancní-liquide donlrô
Papón * son frère :
fttant tl’e n ’« venir.»aç^a ypie {le la saisie, il ,s’a£issoit de faire
un compte des rapports et prélèvemens que pouvoient devoir
les légitimaires. Quant à Jean-Jn ôifrt^1Î*ap<Jrif quoique ce ju
gement lui adjugeât personnellement une somme de 221 fr.
pour retour de lo t , ce jugement ordonnoit aussi un nouveau
compte entre les parties, sur la transaction de pluviôse an 10.
Jean-Jacques étoit par là comptable de son frère , puisqu’il
étoit son mandataire, et par cela même étoit réputé débiteur
jusqu’à l’apurement du compte.
P ar quel étrange procédé a-t-il donc osé se permettre d’en
Venir à des voies aussi rigoureuses avec son fvere aîné , son
associé , avec lequel il avoit été jusque-là d’accord , avec le
quel il étoit réuni pour repousser les demandes des légitimaires?
Cette conduite est odieuse et révoltante; on 11e pourroit l’ex
cuser dans l'homme le plus indifférent : mais elle excite l’inF
�( 42 )
dignation, lorsqu’elle part d’ un fr è r e , d’un associé, si étroite
ment uni par les liens du s a n g , les mêmes espérances et les
mêm es bienfaits. F ra tres e x eodem p â t r e , et eadem m atre
u a t i, consortes ejusdem f i d e i , e t spei cohœredes.
•
Signé P. Cl. P A P O N , de Rioux.
M c. P A G E S ( d e Riom ) , a n cien avocat.
»
M e. T A R D I F , avoué licen cié.
%%
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A R IO M , de l'im primer ie de L
andriot,
seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Février 1806.
«*-4 **? 1
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Papon, Pierre-Claude. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
arbitrages
successions
dot
religieuses
Ordre de Malte
pensions viagères
légitime
rétroactivité de la loi
experts
partage
saisie exécution
compromis
vie monastique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Pierre-Claude Papon, de Rioux, ancien avocat, habitant du lieu de Vicq, intimé ; contre le sieur Jean-Jacques Papon-Beaupaire, ancien officier de cavalerie, appelant de deux jugemens rendus au tribunal de Gannat, les 29 thermidor et 5 fructidor an 13.
Annotation manuscrite: « 22 février 1806, 2éme section, jugement contradictoire qui, en appréciant , par des motifs approfondis, tous les actes des auteurs communs et du cohéritier associé, ainsi que des légitimaires, prononce la nullité du compromis, et, par suite de la sentence arbitrale et des saisies exécutions. »
Table Godemel : Compromis : passé, par erreur, avec ses personnes sans qualité comme sans intérêt, puisqu’elles avaient cédé leurs droits à l’insu du compromettant à une des parties en cause, qui, dans le procès avait un intérêt identique avec ce dernier, son associé, en combattant les prétentions des cédants ; et figurait, néanmoins, dans le compromis sans faire connaître sa nouvelle qualité, est-il nul, comme étant le résultat du dol ? Cette nullité frappe-t-elle, par voie de conséquence, la sentence arbitrale rendue en vertu du compromis, ainsi que les saisies exécutoires qui ont suivi ?
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De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1784-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1533
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Beaurepaire (château de)
Vicq (03311)
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arbitrages
compromis
dot
experts
légitime
ordre de Malte
partage
pensions viagères
religieuses
rétroactivité de la loi
saisie exécution
Successions
vie monastique
-
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c15c16d429917747a6f586ad14462f86
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TRIBUNAL D’APPEL
D E
M
E
M
O
I
R
E
POUR
L
e
C i t o y e n
V E R N I È R E , appelant et in tim é;
CO N T R E
Le
L
Citoyen
B R U N , intimé et appelant.
’ o b j e t de la contestation est. la propriété de deux
fossés , la destruction de deux agages et d ’une b o n d e ,
et le rétablissement d ’ un chem in vicinal.
L e cit. V ern ière est propriétaire d ’ un pré à Planchepaleuille: il l’a acquis en 178 3 , des citoyens Assolent.
C e pré provenait du sieur Blich , et il en porte le nom.
E n touré de fossés à tous les aspects, il était arrosé prin
cipalem ent par une prise d ’eau du ruisseau de Ponturin ,
que les fermiers conduisaient par les fossés environnans,
dans toutes les parties du pré.
L e cito ye n Brun
est propriétaire d ’un pré appelé
clos M e r c ie r, à l ’aspect de jour du pré Blich. L e pré
M ercie r provient du sieur F aidit père.
E n tre ces deux prés était un chem in vicin a l, bordé
de saules, servant à l ’exp loitation, tant d ’un autre pré
du cit. V ern ière , appelé Boudanson, que d ’un pré des
religieuses de N o tr e -D a m e , joui à présent par le cit.
A u b ert. C ette double destination est tellem ent évidente,
que le fossé séparatif de ces deux prés vient se diriger
A
R I O M .
�( 3 )
en ligne perpendiculaire , sur le milieu du chem in vi
cin a l, et lui présente ainsi deu x aboulissans égaux et
parallèles.
D epuis long-tem s ce chem in vicinal était devenu à
peu,près inutile au cito yen Vern ière , q u i, acquéreur
des prés Boudanson , a réuni une suite de proprié
t é s , pour lesquelles il s’est fait deux sorties, et q u ’il
lui est plus com m ode d’exploiter l ’une par l’autre ;
mais il n ’en a pas moins toujours surveillé la m aintenue
de ce' ch em in ; ce q u ’il prouve par des diligences, et
un traité de 1788.
X-orsque le cit.V ern ière acquit le pré B licli, en 178 3,
il trouva dans le fossé qui longe ce chem in v icin a l, 1111
établissement d ’agage en pieux et branchages, et il le
rem plaça par un agage en maçonerie. l . e sieur F a id it,
alors propriétaire du pré M e r c i e r , ne crut avoir ni
droit , ni intérêt de s’y opposer. L es reconnaissances
respectives annonçaient un chem in entre deux , et de
plus la prise d ’eau lui était inutile , car le sol de son pré
est beaucoup plus haut que celui du cit. Vernière. lies
deu x voisins ont donc vécu en très-bonne intelligence,
tant que M .r Faidit a été propriétaire; il n’est m ort
q u ’en 1794.
D e u x de ses fils étaient sur la liste des é m ig r é s , et
le pré M ercier a été ven d u , co m m e bien n a tio n a l, au
cit. B r u n , le 4 thermidor an 2.
C e nouveau possesseur n’a pas eu assez du b énéfice
de-son acquisition , il a voulu l’accroître en s u r fa c e ;
deux rangs de saules marquaient trop l’existence d ’ un
chem in ; il en a fait supprim er u n , et a réuni le ch em in
à son pré.
�(
3
)
S’étant donné alors pour b o rn e le fossé oriental du
pré Blich , il a convoité encore ce fossé , non pas pour
l ’arroseraent de son p r é , car cela est physiquem ent
impossible , mais pour l’ôter au citoyen V e r n iè r e , dont
cependant il avait vu l’agage en m a ç o n e rie , lorsqu’il
était d evenu adjudicataire, en l ’an 2.
I l fit assigner le cit. V e r n iè r e , le 2 5 nivôse an 6 , pour
vo ir dire q u ’il serait m aintenu au droit et possession do
ce fossé.
L e cit. Brun a a c h e t é , en l ’an 6 f un autre pré du
cit. D u b o is, et pour celui-là e n c o r e , il est borné à l’oc
cid e n t, par les prés Boudanson du cit. V e r n iè r e , et au
nord/-par un pré appelé G r e n o u ille t, que le cit. V e r nière avait acquis du cil; iBJelferie, en 1789.
C e pré Grenouillet avait été acquis par le citoyen
Bletterie , du dom aine du R o i , et la propriété du fossé
séparatif du pré D ubois était m arqu ée alors par deux
bornes à quatre fa ces, saillantes, portant une inscrip
tio n , et placées aux deux extrém ités du fossé du côté
du pré Dubois. 11 y avait eu m ô m e , en 1 7 7 5 , une dif
ficulté entre les fermiers du dom aine et les sous-fer
miers, pour le net toiem ent de ces f -s é s ; et par transac
tion du 4 fé v r ie r , 1<J sous-ferm ier du pré Grenouillet
p aya des dom m ages-in térôts, co m m e n ’ayant pas fait
ce n etto iem en t, dont il était chargé par son bail du
27 décem bre 1764.
L e cit. Bletterie étant devenu acquéreur, avait fait
assigner Dubois p è re , en 1 7 8 3 , pour la propriété du
fossé a u j o u r d ’ h u i c o n t e n tie u x , et le rétablissement
d ’ une borne qui venait d’être arrachée ; mais com m e
A 2
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; <r-«
.
( 4V ,
on ne lui disputa pas la propriété du fossé, il ne 1int
pas au replacem ent de la b o rn e , et ne fit plus de pour
suites.
~
D ubois fils avait bien te n té, en l ’an 4 , de faire citer
le cit. V e r n iè r e , q u’il crut n ’être pas inform é de l ’an
cien état des choses; niais au bureau de paix il se con
vainquit de la nullité de son droit, et ne donna aucune
assignation.
L e cit. Brun deven u p ro p riéta ire, osa davantage:
il assigna le cit. V ern ière , le 21 frim aire an 8, et conclut
èi la maintenue- du droit et possession de ce fossé.
D e son côté , le cil. Vernière fit assigner le cit. B ru n ,
le 9 nivôse an 8 , pour rétablir le chem in vicinal men
tionné ci-dessus, et q u ’il avait supprimé en coupant l ’un
des rangs de s a u le s , pour s’em parer du local.
V o ilà donc trois chefs de d em a n d es, dans lesquels
le citoyen Brun est dem andeur pour la propriété de
deux fossés, et le cit. V ern ière est dem andeur pour le
rétablissement d ’un chem in.
L e tribunal civil du P u y - d e - D ô m e rendit un juge
m ent interlocutoire, le 9 nivôse an 8 ; il ordonna que
les contestations s é r i e n t soumises à une expertise;
Que les experts diraient, quant aux fossés, s'il existe
quelque indice, agage, 011 au Ire œ uvre de main d 'hom m e,
•tendant à attribuer la propriété desdits fossés à l ’une ou
à l'autre des parties ;
Q u ’ils diraient, quant au ch em in , s’il avait été autre
fois chem in pu b lic, s'il subsiste en c o ie des traces de sou
existence a n cie n n e , et de 1’usurpatiou.
C e lle expertise con ven ait à toutes les parties, et eut
�lieu sans la m oindre réclamai ion. L es experts donnèrenl leur ra p p o r t, le 23 prairial an 8.
I l leur avait été produit des copies de reconnaissances,
qui donnaient au pré Blicli un chem in pour confin
d ’ orient ; ce qui prouvait loul à la fois pour le chem in
et pour le fossé qui était en deçà. Mais quant au fossé,
les experts les trouvèrent m êm e surabondantes.
Ils pensen t, i.° relativem ent au fossé du pré B l i c l i,
que d’après l ’inspection des lie u x , les ponts, l ’agage re
construit par le citoyen V e r n iè re , et qui ne peut servir
q u ’à l’irrigation de son p r é , ledit fossé, indépendam
m ent des reconnaissances, appartient au cit. Vernière.
2,° Quant au ch e m in , q u ’il a existé dans le pré du
cit. Brun , q u ’il avait douze pieds, q u ’à la vérité ils n ’ont
pas trouvé de titres prouvant q u ’il fût destiné à l ’e x
ploitation du premier pré Boudanson, mais que cepen
dant sa direction et l ’ouverture étaient suffisantes pour
c e lle ex p lo ita tio n , d’autant mieux que la reconnais
sance de Colas M o r e l, qui s’y a p p liq u e, réclam e pour
confin de jo u r, un chem in commun.
3 .° Quant au fossé du pré G renouillet, les experts
disent que d’après l ’ usage de donner le fossé aux prés
de m id i, il appartiendrait au citoyen B r u n , mais que
n ’aya n t trouvé ni indices ni titres, et n’étant pas au
torisés a e n q u êter, ils s’en réfèrent au tribunal.
C e tribunal n'était plus celui qui avait rendu le ju g e
m ent in leilo cu to ire; le tribunal d ’arrondissement était '
en activité , et il ne crut pas devoir hom ologuer un
rapport fait en exécution d ’un jugem ent q u ’il n ’avait
pas rendu.
�I
t
•
(6 )
L e cit. B r u n , quoique nouveau possesseur, offrit de
faire les preuves les plus difficiles. L ’agage établi sur le
pré B l i c l i , exigeait celle d ’ une possession de près de
5 o ans; le traité du 4 février 1 7 7 5 , rappelant encore
un bail de 1 7 6 4 , demandait pour le pré Grenouillet un©
p reuve de possession, à peu près im m ém oriale. L e cit.
B run ne fut rebuté par rien : il ofïrit tout ce q u ’on v o u
lut ; et le tribunal d’arrondissement rendit un n ouveau
jugem ent in terlocu toire, le 6 fructidor an 8.
C e jugem ent ordonna que le cit. Brun ferai! p r e u v e ,
i.° que lui ou ses prédécesseurs, propriétaires du pré
F a id it, avaient possédé exclusivem ent le fossé con ten
t i e u x , l'avaient recuré et profité seuls de la jetée p e n
dant 3 o ans utiles avant Cexistence de t a gage.
2,0
Q u ’il prouverait aussi une possession exclusive du
terrain , sur lequel élait le chem in longeant lesdils fos
sés , sans que le citoyen Verniere ij eût ja m a is passe.
3 .° Q u ’il prouverait enfin la jouissance exclusive du
fossé du pré Grenouillet pendant 3 o ans utiles avant Le
'
traité d u 4 février 1 7 7 5 .
E n exécution de ce ju g e m e n t, les parties ont fait
respectivem ent des enquêtes;
11 ne faut pas dissimuler que la m ajeure partie des
tém oins, amenés par le cil. B r u n , oui déposé Irèsfavorablcm enl pour lui.
Presque tous ont fait ou vu faire le nettoiem ent du
iossé du pré Blich pour le cit. F a id it, depuis 17 ans',
2 5 an s, 29 ans, 3 o a n s, 32 ans , 36 a n s, 4 0 ans, et l’un
d ’eux va m êm e jusqu'il 5 o an?. Mais il fallait (ixer l ’é
poque de l’agag e, cl quelques-uns des témoins le disent
�J G ï
( 7 )
fait depuis 12 à i 3 ans. U n autre plus indulgent pour
le cit. Brun , ne le fait pas rem onter au-delà de 7 à 8
ans. Cependant ils conviennent q u’avant cet agage en
m a ç o n e rie , il y avait une digue faile en pieux et en
b ran ch ages, pour faire ¿Hier l’eau dans le pré Blich.
-Ainsi le disent les témoins C arto n , Versepuy et Q u in ty ,
lérnoins du cit. Brun ; les deux derniers ont vu celte
digue de bois exister il y a ¿5 ans.
L e s témoins du cit. V.ernière disent avoir fait aussi le
nettoiem ent du m êm e fossé depuis 8 ans, depuis 12
ans, depuis 14 ou i 5 ans.
Quant à l'existence du ch e m in , les témoins de Brun
l ’ont bien tous vu ; ils l’ont v u m arqué par deux rangs
d ’arb res; les uns en font un se n tie r, et les autres un
chem in à chars. M ais ils prétendent n ’y avo ir vu passer
person n e, et sur-tout le cit. V e r n iè re ; ils disent presque
tous que ce chem in n’était que pour l ’usage des reli
gieuses de N o t ie - D a m e , propriétaires du pré joui ù
présent par le cit. A u b ert ; mais que depuis long-tems,
M . r Faidit s’étant arrangé avec e lle s , ce chem in ne
subsiste plus. U n témoin dit c e p e n d a n t, que ce chem in
était à l’ usage des religieuses et du nom m é Bachot.
L e s témoins du cil. Vernière onl vu ce ch em in pra
tiq u é; l ’un d ’eux l ’a vu il y a 3 o ans, et il lui paraissait
un chem in d ’exploilalion ; un autre y a gardé les cochons
dans le m êm e lem s; un aulre y a conduit des fumier9
po u r les jardiniers v o is in -, il y a 34 ou 35 ans , et il
distingue bien que c ’était un chem in d ’en viron cent
toises, entre les prés Faidit et Assolent.
A l ’égard du ibtsé du pré G re n o u ille t, les témoins
j
�.'/
'
< ( 8 )
du cit. Brun disent q u’il a été n etto yé par D u b o is , son
prédécesseur, depuis 2 4 , 28, 3 2 , 3 4 , 4 0 , et m êm e l’un
d ’e u x , 55 ans. A u c u n d ’eu x n ’y a v u de bornes, mais
seulement des pierres de taille pour arrêter l ’eau. L ’ une
de ces pierres étant à la vérité plus g ran d e, mais ne
paraissant, dit un tém oin , q u ’ une pierre de croisée.
D ans l’enquête du cit. V e rn iè re , les témoins disent,
que ce fossé avait été n e tt o y é , et le jet répandu sur le
pré G ren ouillet, il y a i 5 , 17 , ¿ 5 , 3 o et 40 ans. L ’ un
d ’e u x , ferm ier il y a 42 an s, dit l ’avoir fait ainsi p e n
dant tout Le tems de son bail. L e cit. Jusseraud dit avoir
été ferm ier depuis 1 7 7 2 , et avoir toujours fait faire ce
recurem ent.
L ’ancienne existen ce, au moins d ’ une b o r n e , paraît
assez constatée dans cette enquête. C e u x qui en parlent
expliquent que c ’était une pierre taillée à quatre faces,
sans feliure, en saillie, paraissant bien une b o rn e , et
donnant le fossé au pré Grenouillet. U n tém oin y a
m êm e vu
deux bornes au lieu d ’u n e , un autre y a
rem arq ué com m e de récriture.
Enfin le tribunal d ’arrondissement a prononcé en
défin itif, sur les trois chefs contentieux , le 11 fructidor
a n g.
A tte n d u sur le prem ier c h e f, que le cit. Brun a prouvé
une possession du fossé du pré B lic b , pendant 3 o ans
avant l’existence de l’agage établi p a r le cit. V e r n iè r e ,
et que cette possession lui sert de titre;
A tte n d u sur le second c h e f, que le cit. Brun est en
possession du chem in depuis 3 o ans avant la d em a n d e;
que ce chem in ne servait que pour l ’usage des religieuses
do
�C 9)
de N o t r e - D a m e , représentées par A u b e r t , et q u’il leur
en a été donné un autre en rem p la cem en t; que le cit.
V e rn iè re n’y a plus dé droit de tems im m é m o ria l, et
que les servitudes se prescrivent par 3 o ans ;
A tte n d u sur le troisième c h e f, q u ’aucune des parties
n e rapporte de titres qui lui donnent la propriété du
fossé du pré G r e n o u ille t, q u ’il n ’y a ni bornes ni jets
de part ni d ’au tre , et q u’il résulte des enquêtes que les
d eu x parties ont fait des actes de propriété à diverses
époques.
Sans s’arrêter au rapport d ’experts, le cit. B ru n est
gardé au droit et possession du fossé Blich. I l est o r
don n é la démolition de l ’agage établi sur ce fossé par
le cit. Vernière. Il est ordonné encore la destruction
d ’une bonde placée au bout du m êm e fossé.
L e cit. V ern ière est débouté de sa dem ande en réta
blissement du chem in.
L e fossé du pré G renouillet est déclaré com m un au x
p a rties, et il est dit q u’elles s’en partageront le jet. L a
destruction de l’a ga ge , établi sur çe fossé par le cito y e n
V e r n iè r e , est de m ê m e ordonnée.
L es deux parties ont interjeté appel de ce jugement.
M O Y E N S .
L e but de ce M é m o ir e a été plutôt de rendre com pte
de la cause que de la discuter. M algré la sécheresse de
son o b je t , le d éveloppem ent de plusieurs demandes et
le débat d’ une expertise et d’ une e n q u ê te , com porte
raient un ordre et une étendue de discussion p lu s fa liB
�gan te que nécessaire ; mais ce n ’était ici q u’ une cause
d ’exp ertise, car tout ce qui tient au b o rn a g e, peut-il
bien être fo u rn is à des e n q u êtes? qui ne sait que des
fermiers s’enIre-dispute n t , pied à p ie d , les limites, les
engrais, et les prises d ’e a u ; et sans doute l ’historique
de leurs débals ne doit être q u ’ une voie d ’éclaircissemens très-secondaire.
; :
*
L e tribunal civil l’avait' pensé ainsi; et certes s’il eût
cru q u ’ une enquête fût le seul m ode préparatoire de
sa décision , il n’eût pas fait passer les parties par un
prélim inaire dispendieux, et cependant inutile. Mais il
avait cru , avec raison , que des experis habitués à l’exa
m en des lo c a lité s, distingueraient aisément la vraie
dém arcation des héritages des parties , laquelle fixée
dans le tirs plans, resterait im m uable , et les mettrait pour
toujours à l’abri des procès.
T e l était aussi le vœu des citoyens Brun et V e r n iè r e ,
tous deux présens à l’expertise, el al tendant de ce tra
vail la fin de leurs conleslalions. Elles devaient donc
en effet ne pas être soumises à d ’au 1res épreuves , au
m oins pour les chefs de demandes que les experts ré
glaient positivem ent.
lis avaient re n v o y é au tribunal civil pour le fossé
du pré G renouille!', parce q u ’en effet ils 11’avaienl pas
tro u vé de bornes ni
reconnaissances; mais le tri
bunal avait assez a un exploit de 1 7 8 3 , et d ’un traité
de 1 7 7 5 , qui rappelait nu acte de 1 7 6 4 , et dès-lors la
p reu ve de possession était faite contre un dem andeur
qui de sa part ne rapportait aucuns titres ni docum ens.
L e pis aller au reste p o u va it être d ’o rd o n n er
uno
�( 11 )
p reu ve pour le c h e f se u le m e n t, et déjà*il est difficile
de ne pas trouver le jugem ent dont est ap p el v ic ie u x ,
par cela seul q u’il a refusé d ’hom ologuer le rapport
sage e t lum in eux ordonné par le tribunal civil, contre
leq uel m êm e il est très-rem arquable que le cito ye n
B run n’â proposé aucuns m o y e n s, soit de n u llité, soit
d ’erreu rs, soit d ’am endem ent.
_ L e cito yen V ern ière doit donc croire que le rapport
sera hom ologué sur l ’app el; néam oins et fallût-il entrer
dans lé m érite des enquêtes , et dans le fond de la
cau se, il doit croire encore que leur résultat serait tout
contraire au x inductions q u ’en a tirées le tribunal de
prem ière instance.
■
. C et exam en subsidiaire com porte que les. trois chefs
de dem andeisoient distingués, en com m ençant ce p en
dant par celui du ch em in v ic in a l, dont l’existence
im porte au fossé auquel il est adjacent.
' i .
'
'
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I.-■: T
. : r- r o '
•
§. I.er
L ’existence et La prescription d u chem in vicinal.
- C e ch em in a-t-il e x is té ? C e lte question n’est plus
contentieuse. L e s e x p e r t s , les témoins , le ju g em en t
dont est a p p e l, le cito ye n B run lui-m êm e en convien
nent. L e ch em in a existé.
o M ais q u ’était ce c h e m in ? et quand a-t-il é lé réu n i
w la propriété. ; d u 'c ito y e n Brun ?
: Ici diversité d ’opinions.
- ¡Les témoins Brun veulent qu’il ne fût destiné qu’à
i
«a. --i; 1 î
iv . -i:'
'
’
B 2
�♦JF
V
( 12 )
l ’exploitation du pré des religieuses de N o t r e - D a m e ,
joui aujourd'hui par le cito yen A u b e r t , sau f un tém o in
qui le m eltait aussi à l ’ usage du citoyen Bachot. Us
disent q u ’il avait cessé depuis lo n g -te m s d’être un
c h e m in , par un arran gem en t que fit le sieur Faidit.
L e s exp erts, qui en ont vu la trace et la destination,
disent que c ’était un chem in d ’ex p lo ita tio n , et ils rap
porten t à l ’appui de leur opinion d eu x copies de recon n jissan ces, qui bornent le pré B run par un chem in
entre d e u x , de n u it; et une copie d’autre reconnaissance
qui borne le pré V ern ière par un chem in com m un 3
de jour.
L e s tém oins V e rn iè re avaient passé dans ce ch em in
il y avait trente ans : il n’ était donc pas réuni alors
par le sieur Faidit. Si ce chem in co m m u n était pres
criptible , la prescription n ’était donc pas acquise en
l ’an 8.
A insi il y avait pour le cito yen V e r n i è r e , titre s,
lo ca lité, expertise et en q u ête; le citoyen Brun n ’avait
q u ’une p reuve négative à opposer. N e faut-il
pas
s’étonner q u ’il ail eu la p référen ce de voir , sur-tout
dans le jugem ent dont est a p p e l , que ce chem in ne
servant q u ’aux religieuses, a été rem placé ancienne
ment par un a u t r e , et que depuis ce t e m s - là , le cit.*
Brun ou ses auteurs ont possédé exclusivem ent le terrain
dudit chem in pendant tren te ans avant la demande.
P o u r juger a in s i, le tribunal de prem ière instance
s’est fondé sur les e n q u ê te s ; mais il était un tém oin
plus fort et moins suspect que tous le s a u tre s ,q u i n’avait
pas fait rem on ter à 3 o ans la destruction du c h e m in ,
et ce té m o in , c ’est le cito ye n B run lu i-m êm e!
�( i3 )
^
Il a dit p a r é c r it , au p r o c è s , que c ’est lui ( B r u n )
qui a arraché les arbres qui bordaient le c h e m in 'd e
son côlé ; que c ’est lui ( B ru n ) qui a d étru it le c h e m in ,
mais q u ’ il ne devait q u’ un passage au cito yen A u b e r f;
que c ’est lui ( B r u n ) qui a chan gé cette servitude d u
consentement d u citoyen A u b ert , en lui ouvrant un
autre chemin.
Il est donc indubitable que le chem in contentieux
n ’a pas été d étruit, et le terrain possédé exclusivem ent
par les citoyens Faidit et B run pendant trente ans
avant la demande. Il est donc bien certain que ce n ’est
pas le cito ye n Faidit qui changea anciennem ent cette
servitude pour s’em parer du terrain , puisque c ’est le
citoyen Brun lui-m êm e qui l ’a changée d u consentement
du citoyen A u b er t ; et le citoyen B run n ’est acquéreur
que depuis 1794L e chem in n’était donc pas détruit en 1794. Il n ’y
avait pas de changem ent alors, et sa bordure d ’arbres
n ’était pas arrachée. lia question de propriété est donc
toute nue : ce n’est plus une prescription im aginaire qui
en disposera.
Q u e le cito ye n V e rn iè re ait ou non passé sur ce
c h e m in , ce fait est indifférent ; car le genre de ce lle
possession ne laisse aucunes traces.
C ’est d ’ailleurs un droit de pure faculté , et la pres
cription dès-lors n ’a p u
courir suivant les principes
que a die cotitradiclionis. ( V. D en i% a rt, C oquille
Henri/s ).
L e chem in n ’a été d étru it, d ’après le cito yen B r u n ,
q u ’en 1 7 9 4 .1 1 étail libre au cito ye n V ern ière d ’y passer
�. ( r4 )
ou de n ’y pas passer ; car rien ne pro u ve q u ’on l ’en
ail jamais em pêché. Il préférait ¿ ’exploiter 'ses prés l’un
par l ’a u lr e ; mais il avait toujours intérêt à la conservalion du chem in. Il a su que le cito yen B run l ’avait
d é t r u it, et il s’est pou rvu en rétablissement dans les
six années de la destruction.
>
Si la p reu ve négative que le citoyen V e rn iè re n ’a
pas usé du ch em in était une voie de prescription contre
lui > il relèverait cette prescription par un fait consigné
dans les enquêtes m ê m e ; car 011 y voit q u e ce ch em in
est d evenu depuis long-tem s im praticable par une m arre
d ’eau qui en occupe encore une partie.
O r , il est encore de principe q u ’on ne perd pas la
possession d ’ un héritage ou d ’un chem in qui se tro u ve
obstrué, par des eaux , 'demersœ rei, ou autrem ent im
praticable , et que le droit de passer n ’est perdu en ce
cas par aucun laps de lem s, quanw is id tempus prœterier it, ut servit us itineris am ittatur. ( L. i 3 . cod.> deaq. '
poss. L 7. et làf. JJ'. quem ad. servit, a m itt.). L e cito yen V ern ière d ’ailleurs, co m m e propriétaire
riverain d ’un chem in d ég ra d é, se fût dû lu i- m ê m e un
chem in sur son héritage jusqu’à une réparation ; il n ’a
donc dans aucun cas ¿perdu le droit d ’en user à son
loisir.
•
1-
.:
L e cito yen Brun cite son adjudication dé l ?an>2 ,
qui 11e confine pas un chem in. Il faudrait lui dem ander
au contraire s’ il a bien acquis le droit de fa ire détruim
un agnge qui était bâti sous les y e u x du propriétaire
et sans contradiction. .Au reste', la nalion s?cm paran t
des biens d’ém igrés à litre de con q uête ou de déshér1
�rence , .a -t- e lle pu m eltre un grand soin h rechercher
les litres vicin a u x ; elle savait si bien que ses agens agi
raient avec précipitation , q u ’elle ne garantissait pas la
co n te n u e ; mais celte objection du citoyen Brun m èn e
à une découverte de plus. L e cito yen C orn udet, son
voisin , a acquis un pré confinant le pré Blich au m êm e
asp ect, provenant des H o s p ita liè re s.O r, l ’adjudication
qui est du 2 venlôse an 2 , porle pour confin un chem in
de service entre d e u x d u pré verger du citoyen Vernière.
O r , les prés Brun et C ornudet étant sur la m êm e lign er
peut-il y avoir 1111. chem in de service po u r l ’ un sans
q u ’il soit pour l ’autre.
A ce tilre s’en joint un a u lre du 27 janvier 1 7 8 8 ,
par lequel 011 voil que les nom m és Bachot ayant voulu
em piéter ce chem in , le cito yen V ern ière les força à
le laisser libre.
M a is , dit-on , cette servitude n’est pas nécessaire,
et la faveur de l’agriculture ne veut pas q u ’on en laisse
subsister d'inutiles.
Il 11’y a dans ce lte objection à répondre q u ’à un m o t,
c ’est à celui de servitude ; car ce n ’en est pas une que
réclam e le cito yen V e r n iè re , ce 11’esl pas sur le pré du
citoyen B run q u ’il veut passer, c ’est dans un chem in
com m un qui est entre les deux p r é s , et qui ne fait partie
ni de l ’ un , ni de l’autre.
C ’esl ainsi que les experts ont reconnu ce c h e m in ;
c ’est ainsi q u ’il était tracé entre deux rangs de v ie u x
saules jusqu’après 17 9 4 ; c ’est ainsi encore que l ’ont
désigné les témoins en l e ■
disant, un chem in à chars.
Ce 11’est donc pas une simple servitude sur le fonds
�( 16 )
d ’a u tru i; ce n ’est pas non plus un sentier iter\ ce n ’est
pas m êm e actus , c ’est bien distinctement ce que les
lois appellent v ia , un vrai ch em in vicinal destiné a u x
hom m es, aux bêtes et au x voitures. J u s agencli, vehendi
et am bulandi. ( 1. i . er^
de Serv. prœd. rust. )
L e citoyen V ern ière n ’a-l-il pas intérêt d ’ailleurs de
n e pas laisser perdre un ch em in qui lui deviendra trèsutile dans plusieurs hypolhèses. Il peut ven dre le petit
pré Boudanson qui est au m ilieu des autres; ce pré
peut faire partie du lot d ’ un de ses enfans ; il peut
l ’affermer particulièrem ent lu i-m ê m e : il a donc eu
raison de d em ander le rétablissement de ce chem in.
L e cito yen Brun ne l ?a détruit q u ’après 17 9 4 ; il ne
l ’a donc pas acquis par la prescription. S’il n ’est pas
acquis par le cito yen Brun , il n’est pas perdu pour le
c ito y e n V e r n iè re ; ainsi sa dem ande doit être accueillie.
§•2,
'
*
L a propriété d u fo s s é oriental d u pré B h ch .
Si le précédent paragraphe p ro u ve l ’existence d ’ un
chem in entre les deux prés des parties, com m ent sera-t-il
con cevab le que le citoyen Brun puisse le traverser, pour
se trouver propriétaire d ’ un fossé au-delà du chem in.
R em arq uon s d ’abord à cet égard la différence des
motifs qui ont d éterm in é le tribunal dont est appel.
Q u a n d , relativem en t au ch e m in , il a cru plutôt les
tém oins que le cito yen Brun lui-m êm e , il a dit que la
destruction du ch em in était faite auciennêinent p a r l e
c ito ye n
�( 17 ) t
cito ye n Faidit ; mais com m e d ’autres témoins disaient
y avoir passé il a trente a n s 3 il a bien expliqué qu’il
ne trouvait la preuve faite que d ’une possession de trente
ans avant L’exp lo it cle demande.
R ela tivem en t au fossé Blich , il a déclaré q u ’il y
avait preuve de possession dé ce fossé pendant trente
ans avant Cexistence de L’a gage fait par le cito yen
Vernière.
O r , il est constant que l ’agage a été bâti depuis quinze
ans au moins.
,
!
! J,
•>') " ir.
M ainten an t l’inconséquencélest paljpablé.Leitribundl
de prem ière instance a jugé qu’ il y. avait possession du
fossé pendant quarante-cinq ans, et possession du chem in
pend ant tren te ans.
~>i .!).■. ■
■
■
's w«?,
I l a donc jugé q u ’un propriétaire '3 en >nettqyariii un
fossé au-delà d ’ un c h e m in , peut>fairé acte de possession
utile , et prescrire le fossé par celte possession.
L a raison y résiste, et la loi dit que les propriétaires
d ’héritages séparés, par un chem in , n ’ont jaimais do
bornes à régler entre eu x j ,si' via 'p u b lica intervenit,
fin iu m regundorum a g i non polest. ( 1. 4* -iïi.fin. reg. ).
V eut-on dire que le tribunal n ’a pas entendu juger
( üne cliosç aussi extraordinaire
niiais »alors il faudra
4 dire que le sieur ^Faidit n ’a pu faire- des açtds dè p ro
priétaire sur le fossé , qu’après en-avoir fa it sur le ch e
min. Or,,, il est impossible; d’établir que le chem in soit
. détruit et possédé depuis quarante-rcinq ans. Il est donc
tout aussi impossible d ’établir la possession du fossé pour
le citoyen, B ru n ; car elle cloit avoiu.éfé-acquiselors'de la
construction de l ’agage,.sinon il n’^ a -p a s prescription.
C
�C e p en d a n t.vo yo n s encore si la possession du cito yen
B r u n , telle q u ’elle e s t, aurait été , in dépend am m en t
de cet interm édiaire , suffisante pour lui acquérir la
prescription.
N on seulem ent il faut que les trente ans nécessaires
pou r prescrire soient utiles et co n tin u s; mais il faut
en core q u ’ils se soient passés sans le m oindre trouble
et sansle m oindre acte de promiscuité qui portât atteinte
à une possession exclusive,*
'
C a r sur ce point la loi est bien claire. E lle exige
l ’im m obilité la plus p a r fa ite , le silence le plus absolu de
la part de ce u x qui ont.un intérêt contraire. Possessio
lég itim a e s t , cum omnium, adversanorum silentio et
tacU urrutaleJirm atur. (1. 10 de aquir possèss.)
O r , pou vons-n ous trouver cette abstention entière
v o u lu e par'la loi dans ce qui s’est passé , m êm e d ’après
les témoignages.
N e cherchons m ê m e que dans l ’enquête du cito yen
Brun. Gailori , f e r m ie r 'e n : 178 4 , dit que l ’agage du
^citoyen Vernière^fut fait pendant sa fe rm e , et q u 'a u p a r a fa n t'il y avait une digue en mottes pour mener
■/’eau 'au pré B lic h .
. V e r s e p u y o t Q u in ty déposent tous deux de 25 a n s ,
- e t ;disent \qu alors>\üs> fermiers du pré Blicli faisaient
-nhp- digue avec des'm ot les-pour prendre l ’eau.
V o ilà donc tout le contraire de silen tio , taciturnitate.
V o ilà au contraire des actes très-interruptifs de pos
session. !
:j!)
1
A Pons m ê m e jusqu’au témoin du cito ye n Brun , qui
idépose do 5 o an s, et disons que s’il y a eu des inter»-
�ruplions.qui rem ontent à s 5 a n s, il n ’en restera pas 3 o
utiles. 1 :.
L e cito ye n B run s’était cependant chargé de prou ver
u n e possession paisible et e x clu siv e , il ne l ’a pas faite.
I l était donc m al fondé de vouloir priver le cito yen
Vern ière:d u fossé, et sur-tout de conclure incidem m ent
ii- l a destruction de l ’agage.
.
Car cet agage ne lui nuit pas. O utre q u’il n ’est pas*
bâti ch ez l u i , il lui serait physiquem en t impossible de
profiter de l ’e a u , co m m e l ’ont, dit les experts. Sa de
m an d e est donc m é ch a n te , car elle n ’a pas d in térêt réel,
f L e cito ye n B ra n , au m om en t de l ’audience définitive,
a m ê m e 'fo rm é e x abrupto une dem an de en destruction
d ’une bonde q u ’i l a prétendu être sur le fossé du pré
B licli, et il a oblenu ce q u ’il dem andait sansile m oindre
exam en .
... I i
.
i:
.: >
S’il en eût été question lors de l ’e x p e rtis e , le plan
dém ontrerait que celte b o n d e , placée pour form er un
amas d ’eau entre le pré.B lich et le petit pré Boudanson,
est e n tiè r e m e n t , de m êm e que ce ré s e rv o ir, hors la
ligne angulaire du pré du cito yen Brun. Il était donc
encore mal fondé dans cet incident.
!
L e cito yen Y ern ière n’y insiste pas davantage, parce
que son drgit1évident à la propriélé du fossé Blich rendra
cet autre exam en inutile. C ette propriété n ’avait pas
.besoin {Fénquêtes ; car le citoyen Brun avouait n’avoir
•détruit lc.ch em in interm édiaire que depuis 1 7 9 4 } et
<ce chemin' était sans, contredit un\obstacle ins.unuon-r
vtnble pnur q u ’i l p û t Ê tre'allé posséder animQ dom ini
•mnifosséi situai au-delà.1' M
<y<o;."r'r
C a
�( 20 )
Y eû(-il ëu du doute* il .fallait, 'co m m e le dit D o m a t , *
se décider en faveur de celui qui avait le titre le plus
apparent. (/. 3 . de La Possess. )
N ’é lait-ce donc pas le cit. V e r n iè r e , déjà proprié
taire sans contradiction de tous les autres fossés de son
p r é , dont la propriété était entourée d ’eau et d ’ou
vrages de m a ç o n erie, et auquel seul la prise d ’eau po u
va it être utile.
Il a en sa faveur des reconnaissances. A la vérité elles
n e sont pas copiées d ’une m anière auth e n tiq u e; mais la
loi du 17 juillet 179 3 a disposé des originaux! Ces c o
pies anciennes ne p euven t pas être dites faites pour la
cau se, et de telles pièces fugitives sont devenues trop
précieuses au x propriétés, pour q u ’on doive les rebuter
sans de grandes raisons.
x '
'
En fin le cit. V ern ière a en sa faveur Ta vis très-positif
des experts , et certes cela seul devait décider de la con
te sta tio n ; car si on prescrit un ch am p e n t i e r , on n e
prescrit pas un bornage , et il est de principe ¡que toutes
lés questions de cet le nature doivent être soumiseâ.à un©
vérification.
1
Il n’y a lieu à exa m in er la possession, q u e si l’ une de9
parties prétend avoir celle de 1 héritage q u ’il faut borner.
S i super iocis prior detuLcrit q iierim on ia n t.\i.' 3 . c .J i n .
R ég i )
»:
<
•
M ais s’il n’ est question que du bornage en lu i-m ê m e ,
le juge doit re n v o y e r à des experts d e fin ib u s cogriosccndis pcrtinet a d mensores nüttercy e i il ne .doit p a s ,
co m m e le tribunal do prem ière instance y répudier leur
ra p p o rt, sans des causes d ’am endem ent^iniais a iic o n -
�( 21 )
J
traire ju g er par leur avis. E t per eos dirimere ipsam
fin iu m quœstiotiem. (/. 8. eod. tit. )
§. 3 .
L a propriété d u fo s s é d u pré Grenouillet.
C
e
q u ’à jugé à cet égard le tribunal dont est ap p el,
n ’est point du tout ce que les deux parties demandaient.
L e cit. Brun avait form é une dem ande pétitoire , et le
cit. V ern ière avait conclu à ce q u ’il en fût débouté. L e
tribunal n’a ni adjugé la d e m a n d e , ni débouté de la
dem ande.
I l a ordonné une prom iscuité, à laquelle personne
n ’avait conclu , pas m êm e subsidiairement.
E t com m e personne n’est obligé de v iv re dans l ’in
division, c ’est avoir ordonné im plicitem ent un partage
de terrain; mais un partage ne s’ordonne pas d ’office.
A in si, contravention au principe que sententia debet
ésselibel/o con /orm is, contravention à l’ordonnance qui
adm et à req uête civile, quand il a été jugé autre chose
que ce qui était demandé.
Peut-être bien est-il fondé en raison que le juge qui
n e voit pas clairem ent à qui appartient une propriété,
ordonne que les conlendans en feront le partage. C ’est
le jugem ent de Salomon ; mais le jugem ent de Salomon
n e serait pas autorisé par l'ordonnance de 1667.
A u fait q u ’y avait-il a ju g er? la dem ande pétitoire
du cit. B run q u ’il s’ était soumis a a p p u yer d ’une p reuve
de possession exclusive de 3 o ans utiles avant le 4 février
>
�.
( 22 )
i 7 7 5 , kc ’e s tr à -d îr e , de plus de 55 a n s ,.t a n t p a r tifres
que par témoins.
........... , .
L e cit. B run n ’a rien pro u vé par titres, et certes il
n e peut pas dire non plus ayoir rien p ro u vé par témoins.
I l était d em an d eu r, il n’établissait pas sa dem ande ,
il devait donc être débouté.
S i , ne pouvant obtenir le fossé en tier, il cro yait pou
voir prétendre à une m oitié, c ’était à lui à la demander.
Jusques là le cit. V ern ière n ’avait à défendre q u’à ladem ande de la propriété du fossé, et pour établir q u’e l l e .
n ’était pas fo n d é e , il a peu djefforts à faire ; car le jugery
m ent m êm e dont est a p p e l, constate dans ses motifs,}
q u ’il résulte des enquêtes que les deux parties ont f a i t
des actes de propriété à diverses époques.
L e cit. Brun n ’a donc pas fait la p re u v e à laquelle,Ü.
s’était soumis d’une possession exclusive.de 3 o ans utiles
avant 1 7 7 5 , et peu im portait que le cit. V ern ière eût
p ro u vé de sa part une possession e x c lu siv e ; il ne s’y
était pas o b lig é, et il était défendeur.
.
U n autre vice du ju gem en t dont est ap p el, est d ’avoin
Ordonné la destruction de l ’agyge établi sur ce fossé,
qui n’avail été d em an dée aussi q u ’en fin de cause.
;
S ’il en eût été question avant le jugem ent définitif,
Je cit. V ern ière aurait fuit constater qu^ 'cet agage ne
î u À tp a s a u cit. B r u n , q u ’il ne Umcbe pas m ê m e .a u terx u i ii .d e 'sou pré , et que l’eau ne peilt pas rem o n ter
au niveau dé ce pré. Ainsi encore il a été statué sur
une chose inconnue.
Y/r.
1
M ais fallûtril discuter sur le droit à la prom iscu itéd u
iüssé, il est de la plus grande évidèndo/que le cit.; B n in
n’ en a aucun.
�’
( 23 )
Q u e le cÎt.D u b o îs, précédent propriétaire de son pré,
ail fait n etto yer le fossé par échappée, m êm e à plusieurs
rep rises, cela s’exp liq u e; le pré Grenouillet était au
dom aine du R o i , il avait été déguerpi pendant lo n g te m s , co m m e les titres l’in d iq u e n t, et c ’en était assez
p o u r autoriser les voisins à ne pas respecter infiniment
cette propriété.
M ais tout prouve q u e depuis que le cit. Jusseraud
fu t ferm ier du dom aine , et encore plus quand le pré
Grenouille! fut ven d u au citoyen Bletterie, l’ un et l’autre
surveillèrent davantage , el alors le cit. D ubois ne net
toya plus le fossé.
11 est rem arquable q u ’aucun des lém oins du cil.B ru n
n e parle d ’un seul n e llo y em en l pendant les vingt dernièresannées, et encore on sait com bien le tems s’abrège
quand il faut se rappeler du passé. U n seul m ê m e , et
très-suspect, parle de 20 ans. Mais fallût-il se fixer à
cette é p o q u e , qui croira q u e , si le cit. D ubois était pro
p riétaire, il cessa tout d ’un coup sa prétendue posses
sion, quand le pré Grenouillet n ’était plus domanial et
déguerpi. Ou plutôt qui ne croira pas que jusqu’à la
v e n te du pré G re n o u ille t, il usurpait fu rtivem en t, et
n e possédait pas.
L e s conjonctures sont fortes , et cependant les titres
produits les rendent surabond antes, ou au moins les
fortifient.
L o rsq u ’on voit par un traité de 1 7 7 $ , qui est basé sur
un bail de 1 7 6 4 , un sous-lerm ier du pré Grenouillet
p a y e r un dédom m agem ent pour le fossé q u’il n ’a pas
fa it; lorsque le cit. B le tte r ie , assigne le cit. D u b o is, en
�rétablissement d ’ une born e qui lui donnait le fossé 5 ar
rachée depuis quelques jours; q u ’un tém o in explique
que le résultat de cette discussion fut que le cit. Bletterie
n etto ya le fossé, il est aussi clair q u’il puisse l ’être en sem
blable m atière, que la propriété était au cit. Bletterie.
L e tribunal de prem ière instance a adopté le traité
de 1 7 7 5 , co m m e un titre en faveur du cit. V e r n iè re ,
puisqu’il a exigé une p reuve de 3 o
ans a n térieu rs;
cependant ce titre était basé sur un autre de 1764. Alors
par une conséquence nécessaire, il fallait partir de cette
prem ière é p o q u e , et le cito ye n V ern iè re avait 36 ans
en sa faveur.
E u un m ot le cito yen V ern ière a pour lui titres et
possession; mais sur-tout le dernier état bien exclusi
v e m e n t établi. L e citoyen B run 11’a pas le m oindre
titre , et il n ’a établi que quelques anciens actes de
possession é p a r s , q u ’encore rien ne p ro u ve avoir été
anim a dom iai.
L e cilo yen V ern ière a établi de plus une ancienne
existence de bornes qui lui donnaient le fossé en lier :
c e lle preu ve 110 peut êlre détruite p a rle s tém oignages
négalifs q u ’il n’y en avait pas. L ’exploit donné en 1783
par le cito yen B lelterie , a ch ève la dém onstration; car
il parle d ’ une borne arrachée depuis quelques j o u r s .
Si ce n’est pas là une preuve co m p lè te , les déposilions
qui y sont relatives achèvent de la rendre suffisante.
L e cito yen Brun a certainem ent senti la force de ces
preuves ; mais pour faire bonne contenance , il a cru
q u ’il so rendrait plus intéressant en se p la ig n a n t,lu im ê m e de n ’avoir pas assez o b t e n u , et il a aussi inter
jeté appel.
11
�Jg&
( 25 )
I l est lésé d i t - i l , 1 .° pour n ’avoir pas obtenu de
do m m a ges-in térêts relativem ent au fossé Blich . S’il avait
p rou vé que ce fossé est à lu i, on lui rappellerait q u ’il
n ’a détruit le chem in q u’après 1 7 9 4 , et q u’ainsi jusques
là , si le citoyen V ern ière a eu droit d’après les experts
et les tit r e s , il a été en bonne foi depuis cette époque ;
2.0 P o u r n ’en avoir pas obtenu pour le fossé G renouillet ; mais il serait singulier de lui en avoir a c c o rd é ,
lorsqu’il n ’était pas établi propriétaire;
. 3 .° Parce que ce fossé a été déclaré com m un. L e cit.
V ern ière ne s’occupera pas de ce ch ef d’appel, les m oyens
précédens y rép o n d en t;
4 .0 Enfin parce q u ’ un tiers des dépens a été com pensé;
mais c ’était une conséquence du jugem ent q u i, sur trois
ch efs en faisait gagner deux au cito yen Brun.
Si
le citoyen V ernière avait besoin de m oyen s de
considération, c ’en serait un bien grand sans doute que
l ’exagération ridicule des prétentions toujours croissantes
du cito yen Brun. A v e c son voisinage sont arrivés l ’agi
tat ion et les procès; mais le cito ye n V ern ière se félicite
de ce que le jugem ent qui va se rendre en sera le t e r m e ,
et réprim era l ’avidité usurpatrice d ’un voisin aussi tracassier.
/ «
/V ~ A * :
P ar conseil, DE L A P C H IE R.
VERNIÈRE,
av o u é
A RIO M DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
\
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vernière. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernière
Subject
The topic of the resource
chemins vicinaux
jouissance des eaux
biens nationaux
émigrés
agage
bornage
experts
irrigation
témoins
prescription acquisitive
vie monastique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le Citoyen Vernière, appelant et intimé ; contre le Citoyen Brun, intimé et appelant.
Notation manuscrite : « 18 thermidor an 10, 1ére section. Jugement : annule les enquêtes respectives faites en 1ére instance et sans s'arrêter au jugement du 1er juge, homologue le rapport d'experts et fixe les droits de chaque partie ».
Table Godemel : Litige sur la propriété et possession de deux fossés et d 'un chemin qui sont intermédiaires aux héritages respectifs des deux parties
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
1783-Circa An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1421
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1422
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53235/BCU_Factums_G1421.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
agage
biens nationaux
bornage
chemins vicinaux
émigrés
experts
irrigation
Jouissance des eaux
prescription acquisitive
témoins
vie monastique