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M E M OIRE
P O U R
fieur A n t o
B A R T H E L E M Y ,
- F rançoïs
B o u r g e o i s , habitant
i n e
de la V i l le de R i o m , Intim é.
C O N T R E fieur H u g u e s D E L A V I L L E ;
Marchand Drapier- demoifelle T h e r e s e G i l b e r t e D E L A V I L L E , f i lle majeure
habitante de la même V ille de R iom ; &
T h e r e s e D E L A V I L L E époufe de M e.
Jean-Baptift e-Antoine Sauvat, Confeiller d u R oi
Notaire à , Clermont-Ferrand, de lui autorif ee,
Appellants de Sentence de la Sénéchauf fée
d ’Auvergne r du 4 Septembre dernier„
ît.e n
ea
L
s p p e lla n ts o n t exercé un retrait fu r
eportion
n
u
de d o m a in e , ven d u au fieur
B arth élém y par un de leurs parents, tant
f o n
n o m
co m m e prétendu fon d é
de procuration de fa fœur.. L e premier pas de leur
tentative a été vicieux; leur exploit ne contient pas.
À
�le domicile des Parties : leurs offres n*ont en outre
pas pleinement indemnifé l'acquéreur de fes en
gagements , c’efl: en conféquence qu’ils ont échoué
en la Sénéchauiïee de Riom.
L ’on verra par le développement de ces deux
moyens que chacun d’eux étoit feul fuflifant pour
opérer la déchéance d’une a£tion de rigueur auiîi
mal entamée qu’irréguliérement fuivie.
F A I T .
Les iieur & demoifelle Chevalier, parvenus l’un
& l ’autre à leur majorité , voulurent enfin liqui
der la fucceffion de leur pere qui étoit demeurée
fort chargée d’affaires. La demoifelle Chevalier, qu i
eft établie à Paris, inftruite que fon frere devoit
fe rendre à R i o m , fut charmée d ’éviter les frais
& les embarras d’un voyage,* elle lui envoya pour
cela une procuration, les termes en font eiîentiels:
la demoifelle Chevalier y donne pouvoir à fon
frere de liquider en leur nom commun toutes les
affaires de la fuccejjion de leur pere , former à ce
j'ujet toutes demandes. . . . reprendre toutes inflances pendantes pour raifon de Laditefuccejjion...........
traiter, tranjiger, compofer^fur les droits de la
conjlituante, vendre & tranfporter les biens fonds
& revenus qui lui écherront pour le partage , rece
voir lés prix des ventes & tranjports, & J i les ac
quéreurs ne pouvoient payer comptant, prendre avec
eux les arrangements les plus convenables, &c.
�3
*u.&
Le ficur Chevalier, muni de cette procuration,
fe rendit à R io m , fon premier foin fut de récla
mer le partage d’un petit domaine fuué au lieu de
T ern iat, qui étoit jufqu’alors refté indivis entre
la dame S a u v a t, la demoifelle Chevalier fa fœur
& lui : ce partage ordonne & exécuté judiciaire
ment , le fieui Chevalier, qui n’avoir entre fa fœur
& lui qu’un tiers du domaine, fentit qu’une fi
petite propriété i?e pouvoit que tres-mal convenir
à l’un ôt à l’autre ; il propofa plufieurs fois à la
dame Sauvat de s’ en accommoder; la bieniéance, le
prix que le fieur Chevalier demandoit, bien moin
dre que celui q u il a enfuite exigé du fieur Bar
thélém y, les facilités qu’on lui offroit pour l’acquifition , tout fembloit engager la dame Sauvat
à s’arranger avec le fieur Chevalier ; mais quelques
follicitations que l’on ait pu em ployer, il ne fut
pas poiïible de l’y déterminer.
A fon refus, le fieur Barthélémy fe rendit aux
propofitions, aux inilances même, on peut le dire,
q^ii lui furent faites par une perfonne de la famille
du fieur Chevalier. Cette partie de domaine lui convenoitàraifon du bien qu’il avoit déjà à Terniat: le
prix convenu, laventeenfutconfentiele 14 A v r il
1 7 7 0 par le nom m éG igau, à qui le fieur Chevalier,
obligé départir au mois deMarsprécédent pour fe
rendre à fon Régiment, avoit laiileune procuration
femblable à celle qu’il avoit reçue de fa fœur, le fub(tituant en outre à celle-ci. Le prix de cette vente
f n t , i°. une fomme de 14.4.7 ^vres? qui fut payée
A z
�comptant.
Une rente de 83 livres 6 fols 8 den.
au principal de 1666 livres 13 fols 4 den. payable
annuellement par le fieur Barthélémy auxditsJieur
& demoifelle Chevalier,ians retenue d e d ix ie m e &
vingtième. 30. A la charge encore de rembourfer à
M e. Bergougnoux, Procureur, tous les frais & débourfés que lui devoient les fieur & demoifelle Che
valier pour avoir occupé pour eux dans leur inilance en partage avec la dame Sauvat.
L e iieur Barthélémy prit pofïèiïïon des objets
de fon acquifition le même jo u r que le contrat lui
en fut paifé ; il ne croyoit (ans doute pas avoir à
redouter un a&ion en retrait de la part des Appeilants. Il favoitque ce nétoit qu’àleur refus, qu’il
avoit acheté, que lesfieur & dame Sauvat étoient
même dans l’intention de fe défaire de leur portion
s du Domaine ; cependant foit pour fatiguer le fieur
Barthélémy, foit dans l’idée que l’on rireroit meil
leur parti du Domaine dans fon entier, qu’ainiï
morcelé, les Appellants fe déterminerent à ufer du
droit que leur donnoit leur qualité de lignager/:
mais ils n’ignoroient pas que le fieur Barthé
lémy ne s’étoit pas entièrement libéré , qu’il avoit
conlenti une rente ; il falloit donc l’agrément des
fieur & demoifelle Chevalier, fans lequel l’on ne
pouvoir les faire changer de débiteur, ni diiîoudre
les engagements du fieur Barthélémy; la circonftanceétoitdélicate : il y avoit lieu depcnlerquelcs fieur
& demoifelle Chevalier n’avoient pas ii-tôt oublié
les chicanes fans nombre que les Appellants leur
�<»
*
avoient fait eiTuyer fur le partajgey qu ainfi‘ils ic
réfoudroient difficilement à avoir 'de nouveau
à faire avec eux ^cependant comptant fur læbon-:
té de leur cœur, que l’on cherche àt* émouvoir
par la lettre la plus analogue fàüx conjÆlures , l’oifi
eiTaye, l’on tente.
. >>• ¡, ¡11
L a deraoifelle Chevalier, plus fenfible, oü moins
généreuiVque fon frerc, eft inéxorablë ; ce repentir
apparent, fruit du befoin-j la touche''peu.^Elle*
eit, dit-elle, trop heureufe de n?avoir plus rien à1
démêler avec de tels perfonnages, pour s’y engager de nouveau. Q ue faire? l’on fe rappelle la pro
curation qu’à eu le fieur Chevalier de la fœur , l’on*
efpére qu ’elle pourra fuffire ; il n’y a que cette feule.
reiTource.1L ’on écrit de nouveau au iieiff Cheya-1
l i e r , qui auiïi bon parent que bravé Militaïré,;
oublie to u t, ôc envoie de N î m e s , tant en fon
nom que comme prétendu fondé de procuration
de fa fœur, im a&e.par lequel il;déçlâie que pour
favorifer le retrait que lés Àppellafits fe propoient
d’exercer, il décharge le fieur Barthélémy de la
rente par lui conftituée.
’ C ’eil avec le fecours de ceta£ e infuffrfarit que
les Appcllants exercerent l e , i " -M ai 1770 leur
demande en retrait lignager ; ils demandèrent aniÎt
par leur exploit le paiement de nombre des^'pré*
tendues dégradations commifes , dirent ils , depuis*
l’acquifition. Le fieur Barthélémy fit fa déclara
tion le lendemain 1 M a i , il y expliqua les objets
de rembouriement qu’il écoit en droit de prétèn-
�6
dr;e, Ti le retrait avoir lieu ; il'protefta que le bien
c ro it,a u , même état qne loriqu’il l’avoir acheté.;
& . au. furplus. il le réferva, tous Tes moyens.
La. cqnlignation faite,, le fieur Barthélémy fongea à déïçi]<![Ve.au fond du retrait ; il prouva démonilrativement que la demande en étoit nulle,
parcenque j ’exploit qui la contient ne déiigne ni
le domicile des Demandeurs ni celui dei Défendeti*f-? iljfjt.en fécond lietu voir fenfiblement l’infuf:fifance dé la décharge du iieur Chevalier ; cepen
dant les prëmiçrs Juges , voulant éclaircir davan
tage leur religion,crurent par leur Sentence du 17
Juillet fuivaiit devoir appointer les parties en droit.
j^.L’aifaire.prête à. être ju g é e , après la plus ample
inftruâion & l a mieux,fuivie^, les Appellants furent
enfin convaincus de l’infuffifance de la décharge du
iieur Chevalier; ç’eft fans doute ce qui les engagea,
k produire comme derniere reiiource une préten
dre dccl^argjc jdgj la jdemoifelle ‘ Chevalier , qu’ils
av.oient,èn main depuip. près 4? ¡deux ans; mais
dont'mieux cqnfuhés , ils; n’avoient pas ofé faire
ufage par les conféquenfes foudroyantes qui en
réinltoient nécçiïàirement : c ’eft en cet état que fut
rendue ler4 Septembre dernier en la S^néchauffée
de Riom ^fur proçjn^iopsrçfpeâives, la Sentence
définitivedont eft appel., ,qui à débquté les A ppel
lants de leur demande en retrait, avec dépens.
1,1 çft f^ieilç d’établir çiyla C our le bien jugé de
cctje Sentence ; deux moyens, également victorieux
e n ;la forme & au1fond , fe préiçntcnt pour en ailu-
�rer la confirmation : après les avoir, difcutés le plus
fuccin&ement qu’il fera poffible , l’ on- écartera»
avec avantage les obje&ions qui ont été préfentées
de la part des Appellants dans leur Mémoire. P er
rapport à la demande relative aux prétendues* dé
tériorations & dégradations, dès-que l’on aura
prouvé lumineufement que le retrait ne iàuroit
être accueilli, il paroîtra inutile de s’en occuper :
l’on en dira cependant un mot en f i ni f ï i r i t qui
en démontrera rillufion. r*
>
M O Y E N S 1 DE
F O R M E .
L e retrait dont il s'agit ejln u l dans fo n principe y
parce que le domicile des parties n e jl point
exprimé dans Vexploit de demande. '
\
Pour convaincre la Cour de-la vérité-,de; cette
prepofition, il faut commencer par expofer la forr
me de l’a&e, comme le principe d’où.doit dériver
le moyen ; la. voici : l'a n , &c.! à la requête dç M e.
Hugues D elaville , Marchand Drapier-'de cette
V ille , y réjidant , de-j demoifelfe Thçrcje Delcir
yille\ fille majeure} habitante de cettçdit^V'ille -, &c.
- - O r quelle , eft donc cette. V ille j.dont le fieur
Laville & la . fille fe font dits habitants,? quelle
eft cette dite V ille dont l’on ne, voit aucune défigriation antérieure. L ’Ordonnance <ro.jtitre des
ajournements, article %, exige cependant; fous pei
ne de nullité, que le domicile de la Partie loic
expreifémdnt déclaré dans l’exploit : l’on voit bien
que le .fieur Laville' étoit. Marchand , que la de-
�8
mòifelle'Laville éroit filic i majeure ; mais où réfidentiils? cq ^l. cti cette\ V ille , c’eft-à-dire , fi-tot a
Perpignan r ou dansitoute autre V ille du Royaume
qu’à .R io m .' . v
........ ...
IL.efl vrai que l’ HuiiIìeiì a dit plus bas qu’il
étoit réfidancià R io m ; mais cette énonciation ne
iauroi.trfe. rapporter qu’à lui , ielle n’a aucune rela
tion avec les Parties pour lefquelles il occupoit ;
elle ne fauroit conféquemment corriger l’omiiTion
faite plus haut, par rapport aux Parties. L ’O r
donnance veut d’ailleursnon feulement que P H u if
fier déclare fon domicile , mais qii’il déclare au il!
celui des' Parties Y il ne fuffit pas de le faire implici
tement, il faut(qu il foit déclaré nomminàtivement.
Eh! comment dans l’eipece , rapporter le domicile
des fiéiir & derrioifelfô L a v ille , qui font d’abord
nommés dafts ^exploit, à'celui de l’H iiiifier, qui
ne-parle dré lui que bien après.
• L e s mots cette V ille , cettedite V i lle , employés
pou r défigner le d om icile des Parties ( m o t s q u e
THniiTier n’a1 pas m êm e répété pour l u i , ce q u i
écarté' t i e n to u t rapport ) lignifient ou la V i l l e
q u e 1l’on m o n tre , ou celle d o n t ’ ajdéja p arlé ; or
il n’en a v o iré n e o re été défigné ni nom m é aucune r
'l’bxprefiion V a g u e ;cette V ille lie préfentoit don c
aûcltn fefis" déterminé qui pût refliplir le vœu de la
l o i . ; M ais line preuve bien irréfiftible, que cefi:
indnbitableftienr uneo'm iifiôn Vicieufe, c’eil qu’en
parlant d u dom icilè de la demoifelle L a v i l l e , o n
la:dit habitante dé cettedite V ille , donc l’on re-
�9
,
.
gardoit chùiKd<idBtt,comme néceiTaire la dénomina
tion du lieu quel’on croyoit avoir déjà exprime.
Le pronom cette fuppofe que l’on a déjà parlé
du lieu , qu’il eft connu , il ne dit autrement pas
plus que la ; or pourroit-on prétendre qu’un ex
ploit q u i , pour indiquer le domicile d’une par
tie , ne porteroit que cette expreifion habitant de
la v ille , fut bon ? c’eft ce que l’on ne fauroit raifonnablement foutenir ; l’on n’eft donc pas mieux
fondé dans la circonftance dont il s’agit ici.
Les pronoms feuls ne font rien, ils n’ont par
eux-mêmes aucune fignification , ils font unique
ment faits pour lier ce que l’on dit avec ce qui à'
précédé, ou ce qui doit immédiatement fuivre ;
n’y ayant rien dans l’exploit dont il s’agit.qui put in
diquer quel étoit le lieu dont l’on entendoït parler
par ces m ots, cette V i l l e , cettedite V ille ; il eit évi
dent que c’eft: une expreftion vain e, qui n’a pas pu
fatisfaire au vœu des règlements fur la défignaUori1’
du domicile : dès que la V ille de R iom n’avoir p'as^.
été précifément dénommée plus h a u t, il falloir n e-:
ceilàirement, pour donner quelque fens limitatif
aux mots cette Ville^ y ajouter celui de Riom.
Cette déclaration précife du Jdomrcile eft quel-,
que chofe de fr effentiel, que l’on voit au procès
verbal de l’Ordonnauce que M . lé premier Préfident difoit au fujet de la n.éceflité.de déclarer le
domicile de la partie, qu’il falloit m êm e, pour le
conftater davantage, coter la maifon & la paroif
fe : M . le Préfiderit de N o v io n répondeit que la
�' défignation du domicile faifoit
, à
quoi M . le premier Préiident répartit que le mot
domicile ne faifoit rien à cet égard, s’il n’étoit par
ticulièrement défigné ; il cita à cette occafion l’efpece d’un retrait qui àvoit été attaqué de nullité,
iur ce que le retrayant s’étoit contenté de dire en
général que fon domicile étoit en la V ille de R e n
nes , fans déiigner fa maifon & fa paroiife, ce qui
avoit occafionné un très-grand procès ; M . le Préiident Defmaifons ne put qu’approuver cette circonfpe&ion p ou yks exploits en retrait lignager.
O r fi ces grands hommes, fi ces illuftres Commiflàires prépofés. à la revifion de l’Ordonnanc e , ont penlé que dans les exploits en retrait
on devoit porter la rigueur juiqu a défigner non
feulement le lieu r du domicile, mais encore la
maifon & la paroiiîe, à combien plus forte raifon ne doit-on pas indiquer au moins par ion
nom le lieu du domicile du retrayant.
M . Joujilè, nouveau Commentateur de PO rdonnance, n’a ^ r u a cet égard, pouvoir rien dire
de mieux que de renvoyer au procès verbal de
l’Ordonnancc , dont on vient de rapporter le
contenu fur cet article ; ,il .cite çnfuite un A r r ê t
du 6 A oût 1,^8.,, par lequel un exploit d’aifigr;
nation donné au Parlement de Bourdeaux , &
les procédures faites en conféquence ont été caifées, faute de déclaration de domicile ; il ne s’agiiîoit. cependant que d’une matiere,ordinaire,
au lieu qu’ici tout cil de la plus grande rigueur.
�L ’on fait qu’il n’y a pas de faute légère en matiere de retrait, la plus petite formalité eit de la
plus grande importance, la moindre omiifion eft
luffiJante pour en opérer la déchéance. Eh ! pouvoit-on mieux l’exprimer que p<fw- cet axiome
ii connu , qui cadit à fÿllabd, cadit à toto ; il
eft donc en premier lieu bien confiant que le dé
faut d’expreiïion du lieu du domicile des Parties,
vicie eilentiellement le retrait dont il s’agit.
C e m oyen, qui eil décifif dans la matiere, à été
annoncé de la part des Appellants , dans l’exorde
de leur M ém oire, comme abandonné ; l’on n’a ce
pendant rien apperçu dans tout le cours de la
procédure qui ait pu donner lieu à cette induc
tion ; l’on y voit au contraire ce moyen débattu
& foutenu jufqu’au jugement, avec toute la cha
leur & la force qu’il préfente;il n’a pas non plus
été négligé en la Cour. L ’on ne fauroit donc im
puter cette réticence, cet écart déplacé qu’à l’em
barras de la réponfe. Les Appellants en ont ce
pendant enfuite dit un mot dans le cours; de leurs
moyens ; ils ont prétendu que Vexploit fait à Riom
conflate que les Parties demeuroient en cette V i lle ,
que le Jieur Barthélémy a J i peu ignoré à qui il
avoit à fai te, q u i l a le lendemain fa it fa déclara
tion , & r a faite parvenir aux Appellants. .
La réponfe à cette obje&ion, qui eft la feule que
les Appellants fe foient permis fur ce moyen, eil
faicle. D ’abord qui eft-ce qui établit que l’ex
ploit aie été fait à R iom ? le nom de cette V ille
B a
�n’cil employé que pour la matricule de l’ Huiffier : or ne peut-il pas fe faire qu’un Huiifier im
matriculé au Siege de Riom poie un exploit dans
toute autre V ille du reiïort? il y avoit même dans
l’efpece d’autanfrplus lieu de le penfèr que l’HuiiÎier, après a v o ir , pour le domicile de fes Parties,
employé l’exprefüon d'habitants de cette V ille ,
ne s’ en fert pas lui - même lorfqu’il en efl: à la
mention de ia matricule, il n’uiè alors plus du
pron om , il dit tout fimplement la V ille de R io m ,
d’où l’on dévoie conclure que n’y ayant pas iden
tité dans les expreiîions défignatives du lie u ,
il étoit fans doute différent.
Mais eut-il été confiant que l’a 3:e a été fait à
R i o m , que le fieur Barthélémy a parfaitement
connu les confondants, les Appellants n’en pourroient rien induire en leur faveur,parce qu’il faut
bien diftinguer la forme judiciaire d’avec la feience perfonnelie des Parties : le fait peut être trèsconnu de la Partie , fans qu’il doive l ’être du
Juge , qui ne peut l’apprendre que de l’énoncé en
l’afte : l’expreiîion du domicile étant fcrupuleufement preferite, il ne s’agit pas de favoir fi i’afiigné
l’a connu par un pronom relatif, mais fi ce pro
nom a pu remplir le vœu de l’Ordonnance ; or a
quoi bon fubtilifer, fur-tout en matiere de rigueur,
quand la Loi eil claire ; elle veut que le domicile
loit déclaré, les Appellants peuvent-ils donc fe
flatter d’y avoir fàtisrait? quant au lieu de décla
rer leur domicile, au lieu de l’exprimer par fon
�Î3
- ftt
nom comme ils le devoient,ils n’ont fait queîe fousentendre , le donnera imaginer par des rapports.
D e l’adoption de ce fyilême fuivreit l’abolition ab- folue des form es, car il n’y a pas de cas où fe
trouvant en défaut, l’on ne dit, ou que la forma
lité a été implicitement remplie, ou que fon o m if
fion n’a fait aucun tort à la partie, qui a été iufiifamment inftruite: c’eft ainfi que les formes feroient bientôt méprifées , & dans peu inconnues.
Il n’en faudroit donc pas davantage pour faire
prononcer la nullité au retrait dont il s’agit :
mais la procédure des Appellants fut-elle réguliere,
l’on va faire voir que riniuffiiânce de leurs offres
fournit encore contr’euxun moyen infurmontable.
M O Y E N
DU
FOND.
L a décharge du Jîeur Chevalier e/l injhffifante, &
ne renvoie conféquemment pas le jieu r Barthé
lémy pleinement indamne.
L ’on fe rappelle que le fieur Barthélémy s’étoic
engagé par fon contrat d’acquifition à payer an
nuellement aux fieur & demoifclle Chevalier une
rente de 83 liv. 6 fols 8 deniers ; le fieur Barthé
lémy , ainii obligé vis-à-vis tous d e u x , il ne falioit
rien moins que le concours de l’un ôc de l’autre
pour diffoudre fon engagement : le changement
de débiteur que devoit opérer le retrait, ne pouvoit fe faire du confentement fcul du fieur C hc-
W
�H
vàlier, il falloir encore l’agrément de (à fœiir,
pour fubftituer tout autre à la place du fieur Bar
thélémy , & mettre ainli ce dernierhors d’intércr.
Les Appcllants rendent hommage au principe ,
mais ils prétendent que la décharge fournie par le
fieur Chevalier, tant pour lui que pour fa lœ u r,
comme fon prétendu fondé de procuration , a
fatisfait à t o u t , qu’elle a dégagé le fieur Barthé
lémy de tous les liens qu’il avoit contra&é : le fieur
Barthélémy foutient au contraire que cette déchar
ge n’a pas pu le mettre hors d’intérêt, parce que
la procuration du iieur Chevalier ne s’étendoit
pas jufques-là , & que fes pouvoirs étoient remplis.
Voilà l’objet à difeuter , fur lequel l’on ne craint
pas de promettre la démonilration la plus com
plexe.
Pour partir d’un point plus aiîuré, il eft: àproios de rappeller quelques principes généraux fur
es mandats. L ’application que l’on en fera enfuiteà
l’efpece, conduira à laconcluiion forcée que le fieur
Chevalier a voulu faire plus qu’il ne pouvoit.
Î
Principes généraux
Il eft inconteftable que le pouvoir du Procureur
conftitué iè borne à l’objet commis à fes foins, s’il
pailè ces limites , il n’eft plus qu’un fimple parti
culier ordinaire iàns droit ni qualité, tout ce qu’il
fait au-delà ne iauroit être d’aucun mérite par le
défaut de pouvoir , qui cft le vice le plus coniidé-
�rable que l’on puiiîè connoître. D iligem er fines
mandati cuflodiendi f u n t , dit la loi 5 , if. niand.
La raifon qu’en donne la loieft feniible; eÎleeit que
celui qui outre-pafïè ia commiiïïon fait toute autre
chofe que ce à quoi il avoit été commis. Nam qui
cxcejjït, aliudfacere videtur. De maniéré qu’il n’eft
par rapport a cet aliud qu’un homme ordinaire ,
qui n’avoit reçu aucune miilion. C ujace, liv. 1 2 ,
chap. 34., traite amplement cette matiere, il fou*
tient avec fo rce , non feulement qu’on ne peut pas
étendre l’objet du m andat, mais que l’on ne peut
même y changer la moindre chofe , nihïl mutan-dum de datis mandati jinibus.
Le pouvoir du mandataire fe termine ainfi par
l’arrangement ou la fin de l’affaire dont il s’étoit
chargé ; l’affaire une fois finie, le procureur confc
titué n’a plus aucun pouvoir, fa miifion eil rem
plie ; l’a&e qui termine l’affaire une fois paifé ,
l’objet de la procuration ceiîe , il n’y a plus de
pouvoir ; le conilituant, pour qui la chofe eit
faite, comme fi elle l’eut été par lui'même , refte
feul maître de fon exécution ÔC de fes fuites ; ft
de nouvelles circonftances donnent lieu à des chan
gements, l’ancien Procureur conilitué ne peut pas
détruire ce qu’il a fa it, le changer, ni le dénatu*
rér fans une nouvelle procuration, quelque gé
nérale qu’ait pu être la premiere qu’il avoit reçu,
parce qu’elle ne lui a été donnée que pour faire 6c
non pas pour détruire. Q u i vero générale mandatum de univcrjis negotiis gereiulis alleget, non de-
�bet auiiiri. Ces circonftances nouvelles doivent
être fubordonnées à la volonté du commettant,
c’eil à lu i'fe u la en apprécier le mérite, pour le
déterminer à varier, ou à s’en tenir à ce qui a
été fait : ce changement ne fauroit dépendre du
caprice ou de la fantaifie du Procureur coniKtué ;
n’ayant reçu fa procuration que pour faire ce qu’il
a f a it , ( puifque ii le commettant n’eut pas vou
lu que ce qui a été fait le f u t , il n’auroit pas don
né de procuration ) il s’enfuit que fi ce même
commettant veut enfuite que ce qui a été fait foit
anéanti, comme c ’eft l’a&e d’une nouvelle volon
t é , il faut aufîi une nouvelle procuration. Eh!
s’il en étoit autrement, le fort de ceux qui ne
peuvent faire leurs affaires par eux-mêmes feroit
bien triile ; ils ne pourroient jamais fe flatter de
rien de fiable, puifque leurs mandataires pour
roient fans nouvelle miifion revenir fur leurs pas
après l’afïàire confommée, & anéantir à leur gré
tout ce qu’ils auroient fait pour traiter d ’une
autre maniéré. Les principes de la matiere ainfi
développés, l’application en eft facile.
Application des principes à tejpece.
P our juger fainement de l’étendue du pouvoir
du fieur Chevalier , il faut commencer par exa
miner la procuration qui doit en former les bor
nes : en voici l’analyfe la plus exa&e.
L ’objet général de cette procuration eft de li
quider
�ïz
quider les affaires de la fucceiïion du pere com
mun', Ton entre en fuite dans des détails, mais
qui ont tous cette liquidation pour bafe. La fucceifion à régler eft toujours le principe, c’eft à
cette fin feule que fe rapportent les pouvoirs,
c’eft là le cercle circonfcric, la réglé, le terme,
le nec plus ultra.
G’eft en conféquence, & à cette feule fin de
liquider la iucceifion paternelle que la demoifelle
Chevalier autorife fo n frere à former toutes demandes, reprendre toutes injlances , mais unique
ment pour raifon de ladite JiicceJfion j elle lui don
ne pouvoir de traiter à compofer de f i s droits,
vendre & tra.ifporter a q u i, è moyennant les con
ditions les plus avantageufes, les biens qui lui f e
ront échus par le partage de ladite fucceffïon.
La demoifelle Chevalier permet eniuite à ion
frere de recevoir le prix des ventes & tranjports,
d ’en donner quittance, J i les Acquéreurs payent
comptant, ou s'ils ne payent pas, de prendre avec
eux les arrangements les plus convenables ; elle le
charge de pourjiiivre les débiteurs & détempteurs
des biens de ladite fucceffion, de les retirer d’e u x ,
de recevoir le montant de leur dû , leur en don
ner quittance ou décharge, & leur remettre leurs
billets y titres, pieces & procédures.
L ’on ne voit dans cette procuration rien que
de relatif aux affaires de la fiiccelïion ; pouvoir
de la liquider, de la partager, de vendre les
biens, d’en recevoir le prix , d’en donner quit-
c
�tance, ou decompofer avec les Acquéreurs ; voilà
en peu de mots tout l’objet du mandat; voilà à
quoi étoient bornes les, pouvoirs du fieur C h e
valier.
L e fieur Chevalier pouvoir donc vendre & re
cevoir le prix, mais il ne pouvoit pas difpofer
de ce p rix , il ne pouvoit pas en faire l’em ploi,
Tes pouvoirs n’alloient pas jufques-rlà ; il pouvoit
vendre à terme ou fous condition, comme fous
une rente perpétuelle ou rachetable ; mais la ven
te une fois faite, il n’étoit plus en Ion pouvoir
d’y rien changer, parce que la demoifelle Che
valier n’avoit donne pouvoir à ion frere que d’a
gir pour l’arrangement des affaires, de la reprélenterainfi dans l’exécution de fes volontés,
non
pas de les changer après : la vente faite, il ne pou
voit pas la réfilier, ni même en changer les claufes;
fi la vente contenoit une rente non rachetable , il
ne pouvoit pas enfuite en permettre l’amortifïèment; fi la rente étoit ftipulée rachetable , il ne
pouvoit pas après coup accepter un autre débiteur
à laplace de l’acquéreur ;il ne pouvoit, en un m ot,
rien changer à la vente , eh! pourquoi cela ? parce
qu’il n’étoit autorifé par fa procuration qu’à ven
dre & à recevoir le prix, ou à traiter avec les ac
quéreurs ; il pouvoit,en vendant, prendre avec
eux les arrangements les plus convenables ; mais
ces arrangements une fois pris, la vente faite, l’ob
jet de la procuration étoit fini, le pouvoir étoit,
confommc: la demoifelle Chevalier, pour qui l’on
�19
u9
avoir a g i , avoir repris la place dès Imitant qui
avoit vu terminer les affaires ; elle étoit dès-lors
feule reftée maîtreiîè jufqu’à une nouvelle procu
ration de l’ exécution 6c des fuites des arrangements
pris.
Après avoir ainfi vu ce que le fieur Chevalier
pouvoir & ce qu’il ne pouvoir pas , il efl: facile de
juger s’il a pu ce qu’il a fait. En exécution de la
>rocuration de fa fœur il avoit rendu le Sr. Bartheemy débiteur d’une rente envers elle ; il a voulu
enfuite en décharger le fieur Barthélémy pour en
charger d ’autres ; il a ain fi, fans le confentement
delà créanciere, voulu fubftituer des nouveaux dé
biteurs au premier: or peut-on douter qu’il n’ait
par cette décharge excédé fes pouvoirs ; il n’avoit
par fa procuration, comme on l’a vu, que le droit
de vendre & de prendre des arrangements conve
nables avec les acquéreurs ; le fieur Barthélémy
avoit acheté, les arrangements étoient pris, tout
étoit donc confommé pour le procureur confHtué*
il ne lui reiloit plus rien à faire, fa tâche étoit rem
plie, la vente avoit terminé fes pouvoirs; la demoiièlle Chevalier étoit dès cet inftant redevenue feule
maitreiïè de fes droits, il n’y avoit qu’elle qui put
changer ce qui avoit été fait, elle étoit la maîtreiTe
d accepter, ii elle le jugeoit à propos, les Appellants
pour débiteurs à la place du fieur Barthélémy 9
mais perlonne ne pouvoit le faire pour elle, parce
quelle n’en avoit donné le droit à perfonne.
Il eft donc plus clair que le jour que le fieur
C 2
f
’ ’
�2-0
Chevalier ne pouvoir pas dégager le Heur Barthélé
my des engagements qu’il avoit contrôlés vis-àvis la demoiielle Chevalier, que conféquemment
le fieur Barthélémy n’étant pcis libéré à cet égard,
les offres & la confïgnation ont été infuffifantes,
qu’ainfi l’acquéreur n’étoit pas renvoyé indamne.
Pour mieux faire fentir la légitimité de cette
derniere conféquence, fuppofons que le fieur Bar
thélémy, fatisfait de la fimple décharge du fieur
Chevalier, eut tendu le giron, que les rétraÿants
euifent enfuite vendu le fonds, continuant de de
meurer chargés de la rente, que l’acquéreur eut
obtenu des lettres de ratification au bureau des hypo
théqués fans oppofnion de la part de la de,lc. Cheva
lier, qui auroit ignoré l’affiche de la vente, la demoifelle Chevalier auroit alors perdu fon hypothé
qué : fuppofons encore, en pourfuivant, que dans
la fuite le retrayant fut devenu infolvable, la demoifelle Chevalier n’ayant plus de refîourcequefur
le fieur Barthélém y, elle n’auroit pas manqué de
lui dire que fon frere n’avoit aucun pouvoir de le
décharger pour elle , que fa miiïlon avoit été confomméc par la vente & la création de la rente,
que tant pis pour le fieur Barthélémy s’il avoit été
trop crédule , qu’elle ne l’a pas libéré, qii’il faut
qu’il paye ; elle lui auroit en un mot oppofé avec
raifon tout ce que le fieur Barthélémy cil dans le
cas de faire valoir aujourd’hui fi juflement. Cette
hypothefe n’a rien que de très-poiïible; c’efî: ainfi que le fieur Barthélémy ou les fiens auroient pu
�t3
11
être un jour expofés àfervir la rente, après avoir été
dépouillés du fonds fur lequel elle a été confentie.
Les Appellants ont eux-mêmes fi bien femi
que le fieur Barthélémy n’étoit pas à l’abri des re
cherches de la demoifelle Chevalier , qu ’ils ont été
contraints de faire l’aveu de l’mfuffiiànce de leurs
offres, en produifant à la veille du jugement une
prétendue décharge de la part de la demoifelle Che
valier ; l’on dit prétendue, parce que cet a&e ne for
me ni une quittance ni un contrat, ce n’eft qu’un
a&e de fimple volonté q u i, fufcéptible d’être ré
voqué quand il plaira à la demoifelle Chevalier,
ne préfenteroit pas au fieur Barthélémy fon débi
teur, une affurance fuffiifante : mais fans entrer dans
cette difcuflion furabondante, l’on fait que cette
décharge, au moins tardive, en la fuppofant régu
lière , n’a pas pu rectifier l’infufîifance des offres ôo
de la confignation, défaut irréparable en maticre
de retrait.
Les Appellants ne pouvant fe refufer à l ’hom
mage dû à ce principe, ont gardé cette piece enfevelie près de deux ans , ce n’eft que lorfque prefc
lés par la force ik l’évidence des moyens de leur
adverfaire,, ils fe.font enfin déterminés à uier de
ceta&eméprifé comme cVuneclerniererciÎource, ils
l’ont produit comme l’on emploie les poifons dans
une maladie défefpérée ; mais la feule conféquence
qui en réiulte, c’eft qu’ils fe font jugés eux-mêmes,,
en reconnoiiîant par-là bien formellement l’infutficance de la décharge du fieur Chevalier.
,
/
�: ' Vainement les Appellants diiènr-ils dans leur
Mémoire que les réferves qu’ils fe font faites
lors de la production de cette piece, répondent à
tout : ces réferves, qu’il étoit de l’art de ne pas
négliger, pour tenter d’affoiblir les conféquences,
viennent échouer contre ce dilemme ; 011 cette nou
velle décharge de la demoifelle Chevalier étoit néceiîàire,ou elle ne l’étoit pas ?fi elle étoit nécefîair e , point de doute fur Finfufiiiance des offres,
ce qui e?rporte néceiîàirement la déchéance du re
trait; ii elle ne l’étoit pas, pourquoi l ’ont-ils de
mandée? pourquoi,en ont-ils fait les frais , & l’ontils enfin produite après deux ans de myflere ? voilà
qui ne fouffre pas répliqué.
•:>, L ’on fe croit difpenfé de répondre à ce que les
Appellants difent enfuite à cet égard » que s’il y
» avoit quelque conféquence à tirer de cette pro»> du£tion, la plus naturelle feroit de penfer que
» les offres ayant été faites fauf à parfaire ou re» couvrcr, cette nouvelle décharge ne pourroit
» être regardée que comme une fuite de la faculté
» de parfaire , & non pas comme des nouvelles
j» offres. » Il faut, pour raifonner ainfi, n’avoir pas
les premieres notions du retrait; il n’eit perfonne
qui puifîe ignorer qu’après la déclaration de l’ac
quéreur, les offres & la confignation faite en con
féquence , il ne peut plus être queition de fuppléer
ni de parfaire.
. Si laiilànt ainfi de côté ces nouvelles offres, l’on»
revient à la décharge du fieur C hevalier, l’on
�trouve les obje&ions propofées à cet égard , pour
en foutenir la iiiffiiance, abfolument pitoyables.
Les Appellants, pour écarter ce qu’on leur a
jtiftement oppoie,quele fieur Chevalier ayant reçu
pour prix de la Vente un contrat de conftitution ,
ion pouvoir a été conlom mé, répondent en effet
que » recevoir pour prix d’un objet vendu un con» trat de conftitution , ce n’eft autre choie que
» donner û l’acquéreur tout le temps qu’il deiire
» pour le rembourfement qu’il peut faire à chaque
» inftant, c’eft une promeilè dè payer quand il
n voudra ; or , dit-on , le fieur C h evalier avoit
» pouvoir de donner du temps & de recevoir a
»♦l’expiration du terme: file fieur Barthélémy e u t5
» voulu rembourfer, le terme eut expiré\ le'Tieur';
» Chevalier eut pu recevoir & dohner quittance y :
« donc il avoit également le ppuvoir de donner
»’ décharge.»
’ ....nv *
C ’eft fans doute infulter aux lumieres d e ‘la juftice que d’ofer lui préfentèr p'areil raifonnement
tm feul mot le détruit ; c’eft que dàns( le contrat
de conftitution il y a aliénation du principal”, ce
qui eft bien différent que de donner fimplement
du temps a l’acquéreur pour fe libérer ^ce contrat1
de conftitution formé, tout eft'Confd.mmé,au lieu
que n’ayant que donné du temps , il rcfte'par une':
iuite de la mifîion a recevoir le prix à l’échéance
convenue : le fieur Chevalier avoit ainfi pouvoir
de- donner du temps & de recevoir à Vexpiration
du terme ; mais ayant vendu fous une rente conf-
�14. tituéc , iî.eft évident que tout a été fini, l’objet de
fon pouvoir a été totalement rempli : le rembour
sement du capital n’étoit ni la fuite de la procura
tion , ni néceiïàire à l’exécution de la vente ; fi le
fieur Barthélémy eut voulu changer fes engage
ments ou ie : libérer, le iieur Chevalier n’eut rien
pu faire pour fa iœ ur; iàns cela, le contrat de
conftitution pouvant durer toujours, il feroit.vrai
de dire que les pouvoirs du fieur Chevalier n’auroient pas de fin, ce qui eft ridicule; il s’enfuivroit plus, c’eft que fi les pouvoirs du fieur Che
valier duroient encore, Gigan , que le iieur Che
valier a fubftitué à ià procuration dans les mêmes
termes, auroit le même pouvoir que lui, puifqu’il
n’eft pas révoqué; de maniéré que le fieur Barthé
lémy pourroit lui payer le revenu de la rente, lui
en rembourier même le principal ; il pourroit aufîi
lui faire révoquer la décharge donnée par le fieur
Chevalier, puifqu’elle eft révocable tant que le
retrait n’eft pas adjugé; or fi le heur Barthélémy;
ne rapportoit à la demoiièlle Chevalier que des
quittances de G ig a n , en feroit-elle fatisfaite ? le
fieur Chevalier lui-même, en fubftituant Gigan à
fa procuration, a-t-il eu intention de lui conférer
le pouvoir de toucher annuellement la rente, mê
me d’en recevoir le principal ? c’eft fans doute ce
que le fieur Chevalier n’oleroit dire; que les A p
pellants conviennent donc que la demoiièlle Chevalier n’apas plus donné cette liberté à fon frere,
que fon frere l’a lui-même donnée à Gigan.
�,
a5
Les Appellants ajoutent que » le fieur Cheva» lie r, fondé de la procuration la plus générale pour
}>vendre, recevoir le prix , donner quittance , &
» enfin pour tranfporter les rentes , avoit pu trani» porter la rente due par le fieur Barthélém y, 6c
» conféquemment en donner décharge.,,
D ’abord, par rapport à la prétendue généralité
de la procuration, i’on voit qu’il n’y a pas moins
de différence de la procuration dont il s’agit à une
- procuration générale, que de la partie au tout, puifc
cjue celle du fieur Chevalier étoit limitée à une
feule efpece d’affaire, pendant que le pouvoir
général comprend toutes celles du commettant.
Mais quand cette procuration eut été générale
dans le fens que les Appellants l’entendent, c’ eft
mal ^ propos qu’ils difent qu’elle porte pouvoir
de tranfporter les rentes : l’on n’y voit pas un mot
de cela, c’eft une faufle ailèrtion de la part des
Appellants; mais encore fut-elle exa&e, il ne s’enluivroit pas que le fieur Chevalier eut été libre de
changer la perfonne du débiteur, parce que la
liquidation de la fuccefîion ( objet de la procura
t io n ) eut pu exiger letranfport de la rente , pen
dant que rien dans la fin du mandat ne pouvoit
autorifer' le fieur Chevalier à changer les débiteurs
une fois conftitués.
Les Appellants ont fuppofé k cet égard, dans
leur Mémoire , qu’on leur avoit accordé que le
fieur Chevalier eut pouvoir de vendre la rente
dont il s’a g i t , d o n ils infèrent qu’il feroit iinguD
�2.6
lier qu’il n’eut pas eu auili celui de donner dé
charge.
Cette fuppofition efl un équivoque déplacé. L ’on
a d it, comme on vient de le répéter, que quand
le fieur Chevalier auroit pu tranfporter la rente
en queftion pour acquitter quelque créancier de
la fucceiïion , il ne s’enfuivroit pas qu’il e û t, après
la liquidation faite, pu changer à fon gré le débi
teur obligé ; mais l’on a été bien éloigné d’accor
der jamais que le fieur Chevalier ait eu,après les
affaires arrangées, pouvoir de vendre la rente qui
a voit été la nn, le réfultat de l’opération confiée
à les foins. Il efi évident que l’objet de la procura
tion étant limité à la liquidation de la fucceiïion.
& à la vente des biens qui écherroientà la demoifelle Chevalier ; cette fucceffion liquidée , les biens
vendus pour une rente conftituée, repréfentative
de partie du prix , les pouvoirsfe font terminés l à ,
& le fieur Chevalier a dû remettre dès^ce moment
à fa foeur le contrat de rente, comme., il-en eut
remis le prix, s’il en eût été payé; fa mifïiona donc
ainfi été confommée fans retour.
Pour prouver mieux combien peu il eft permis
d’en douter ;fuppofons qu’au lieu de créer une renr
t e , le fieur Barthélémy eut payé comptant; point de
doute que le fieur Chevalier n’eût été obligé de
verier dans les mains de fa feeur la portion qui
lui revenoit ; iln ’auroit certainement pas pu , fans
un nouveau pouvoir, faire l’emploi de ces de
niers , cette vérité ne fauroit être c o n t e f t é e or
�2 ,7
changer de débiteur, ou faire l’em ploi, c’eft vifiblement la même chofe , puifque c’eft toucher de
l’un, lui donner quittance, pour acquérir fur l ’au
tre la même rente : & en effet, les Appellants ne
foutiennent la validité de la décharge du fieur Chelier qu’en la préfentant comme une quittance
que le fieur Chevalier avoit droit de donner ; cette
quittance fi&ive ayant donc le même effet qu’un
paiementréel, letranfport de la rente fur un au
tre débiteur eft proprement une nouvelle créan
ce , un véritable em ploi, qui excédoit fenfiblement
les pouvoirs du fieur Chevalier.
Les Appellants font une derniere obje&ion.
Ils prétendent que » le fieur Barthélémy a été fi
»> convaincu que le fieur Chevalier avoit pouvoir
» de recevoir le rembourfèment de la rente , que
n c’eft a lui qu’il en a chaque année payé le
» montant. „
L ’argument des Appellants fe rétorque contre
eux d’une maniéré bien fatisfaifante ; car l’on peut
leur dire que la demoifelle Chevalier a fi bien re
connu que le pouvoir qu’elle avoit donné à fon
frere n’étoit pas fufïifant, non feulement pour tou
cher le rembourfement, mais même pour rece
voir les rentes de chaque année qu e, quoique fon
frere fut alors à R i o m , elle a envoyé au fieur
Mioche une nouvelle procuration pour toucher •
c’eft en conféquencc lui qui reçoit pour elle. Ces
faits font établis par les deux quittances du 10
Mars dernier, produites au procès.
D x
�Mais dans le v r a i, le iieur Barthélémy n’a ja
mais payé au fieur Chevalier la partie de rente
due à fa fœur ; c’eft le fieur du Jouanel qui l’a
toujours reçue jufqu’à l’année derniere, fe char
geant de lui en faire paiïèr le montant ; & quant
au furplus l’on fuppoferoit que le fieur Barthélé
my eût payé au fieur C hevalier, que s’enfuivroitil? que le iieur Barthélémy a bien voulu fuivrc la
foi du fieur Chevalier; que le connoiflànt pour
homme d’honneur, il n’a pas craint que le fieur
Chevalier mit fa fœur dans le cas de demander une
fécondé fois ce qu’il auroit payé une premiere;
mais cette confiance, cette imprudence m êm e, fi
l’on le veut, qui vis-a-vis tout autre auroit expofé
le fieur Barthélémy à payer deux fois, n’auroit
jamais pu conférer au fieur Chevalier un pouvoir'
qu’il n’avoit pas.
Les obje&ions des Appellants ainfi vi&orieufement écartées , il doit demeurer pour confiant
que le retrait dont il s’agit ne préfente au fond
pas moins d’infuffifance dans les offres que d’irré
gularité dans fa forme ; l’on pourrait donc d’après
cela fe difpenfcr de parler des prétendues dégrada
tions imputées au fieur Barthélémy , puifqu’il eft
bien inutile d’examiner commentle retrait doit être
exécuté, dès qu’il eft démontré qu’il ne fauroit
avoir lieu ; cependant pour ne rien laiffer à defirer
aux Adverfaires, l’on va leur faire voir, en peu de
mots, le ridicule de leur demande à cet égard.
Les Appellants conviennent en effet que ces
�prétendues dégradations ont été faites avant/le
A v r i l , époque du contrat d e !vente ; maisils ont
im aginé,pour les imputer à l’a c q u é r e u r d e dire'
qu’il y avoit. une vente antérieure fous iignatnre
privée ; or il eft facile de faire voir l’abfurdité d’une
pareille prétention , elle n’a-ni-fondement,.ni prin
cipe, ni raifon. i°. Elle cil .ians fondement, p u if
que les Appellants ne.produifent d’autre preuve de
leur chimérique allégation que l’allégation même. :
i°. Elle e l f contraire au principe yi car fi l’on:
demande aux Appellants quel eft le titre en vertu
duquel ils exercent leur retrait, ¡'ils::répondront
que ceft en vertu de la /vente du 14 A vril 177 0 ;
c’eft cette vente qui peut ieule avoir donné, ou
vertu re^ leur action , commeiilinagers ; -or cette
vente eft pure 6c fimple, elle n’en rappelle aucuneautre antérieure ; il faut donc que les Appellants
s’en tiennent-là, il n’eft pas poflible de lier cette
vente avec aucun autre a£fce précédent ÿi ni delà;
divifer, parce que les a&es doivent: être pris dans
tout leur contexte; il ne refteroitdoncqu’à.lafupprim e r, ce qui feroit éclipfer le retrait. C om m en t,
en un mot, concevoir que les Appellants ne puiffent retraire qu’en conféquence de la vente , 6c
qu’ils puiifent -exciper pour l’exécution du retrait
d’un autre a&e prétendu; c’eft ce qui ne peut fe
concilier.
30. Enfin la prétention des Appellants révolte
la raifon , ces prétendues dégradations font en effet
d’apres eux antérieures au contrat’de vente; or n’eft-'
�il pas’inconteftable que tout cé qui -eft fait avant la
fen te’eft cenfé être du fait du vendeur, & ne'peut
être imputé à l’acquéreur, 1qui n’a pris les chofesque dans l’état où elles étoient alors. Suppofons,
par,exemple*, que dans une coupe de bois on eut
contrevenu aux règlements, foit en nelaiilant pas
les.balivaux'néceiiàires, foit autrement la M aîtrife auroit-elle bonne, grâce d’a&ionntr pour le
paiement de l’amende celui qui auroit acquis poftérieûrement 1^. terre d’où dépendoient ces bois ; il eft
évident queicet acquéreur répondroit avec raifon
qu’il n’a acheté qu’après les bois coupés, qu’ainfi mal
à propos vient-on l’inquietter ; à plus forte raifon les
détériorations prétendues étant antérieures à la
vente; elles*ne^iaùroient tomber dans l’exécution
du retrait.Mais c’eil trop long-temps s’occuper d’une chimcre qui ne méritoit pas d’être combattue. L ’on
a fait voir que tout concourt pour faire rejetter
le retrait dont il s’agit: en la'form e l’exploit eft
n u l, parce que le* domicile des Parties n’y eft: pas
exprimé: au fond la décharge du fieur Chevalier
étoit infuffifante,les Appellants l’ont eux-mêmes re
connu par leurs nouvelles offres; c’eft donc avec raiion que la Sénéchauftee de R iom aproicrit un re
trait aufli défe&ueux : la Cour ne pourra fans
doute qu’applaudiràun jugement fifage. Le retrait
eft une faveur qui n’a été accordée par la loi aux
linagers, qu’à la charge par eux de remplir les
formalités prefcrites : la loi, en dérogeant ainii ail
�31
droit naturel , par les entraves & la gêne que met
ce privilege au commerce des chofes, y a impofé
cette condition ; l’héritage retrait e ft, fi l’on peut
s’exprimer ainfi, la terre promife, ou il falloit être
fans tache pour entrer : les Appellants peuvent-ils
d’après cela être aff e z aveuglés fur leur compte
pour ofer fe plaindre d’en avoir été exclus.
Monf i eur D E S F A R G E S
Rapporteur.
D U
M A S ,
Me. G A U L T IE R , Avocat.
G aultier,
A
Procureur.
CLERMONT-FERRAND,
D e l ’ Im prim erie de P I E R R E V I A L L A N E S , Im prim eur des D o m a in e s
du R o i , R u e S . G en è s , près l'ancien M arché au B le d . 1 7 7 3 .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Barthélémy, Antoine-François. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Des Farges du Mas
Gaultier
Subject
The topic of the resource
successions
procuration
retrait lignager
vices de forme
domiciliation
ventes de rentes
huissiers
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Antoine-François Barthélémy, bourgeois, habitant de la ville de Riom, intimé. Contre sieur Hugues Delaville, marchand drapier ; demoiselle Therese Gilberte Delaville, fille majeure, habitante de la même ville de Riom ; et Therese Delaville, épouse de Maître Jean-Baptiste-Antoine Sauvat, conseiller du Roi notaire à Clermont-Ferrand, de lui autorisée, appellants de sentence de la sénéchaussée d'Auvergne, du 4 septembre dernier.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1770-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0504
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0505
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52982/BCU_Factums_G0504.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Tarniac (domaine de)
Saint-Beauzire (63322)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
domiciliation
huissiers
procuration
retrait lignager
Successions
ventes de rentes
vices de forme
-
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d023e28ee6c0db85b1fd48fd9e788346
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Text
*43
x
SI G N I F I E E S
P O U R
fieur- H u g ue s
D E L A V I L L E ,
M arch an d Drapier , & autres , Appellants.
C O N T R E f i eur A
nt
oi n e - F r
B A R T H E L E M Y
a n c o is
, Intimé.
C n’ eft pas feulement de la rhétorique
E
|
dont on eft obligé de faire grâce à la,
Partie adverfe , c 'eft de tout en génér a l , & particulièrement de ce qu’elle
s’ oublie, en parlant avec une efpece de mépris des
Appellants , que la naiffance , & particulièrement
la probité mettront toujours au deffus d’elle.
L a conteftation fournit la preuve de leurs droi
tures ; c e n’eft pas avec des écrits clandeftins qu’ ils
défendent leurs droits & qu’ils réclament une
propriété que la loi leur affu re; ce n’ eft pas par
A
/
�lv '.
1
des vifites fréquentes & réitérées qu’ ils cherchent
à. s’attirer le fuffrage des M em bres de TAréopa
ge ; ce .n’ efl: pas par des plaintes forcées & - d e s
épithetes calomnieufes qu’ils’ cherchent à les atten
d r i r &: à les é m o u v o ir ,,c é it a v e c le fecours de la
; l o i , c’efl: d’elle feule qu’ils attendent le fuccès d’une
affaire que le fieur Barthélém y a déjà, fait durer,,
trois ans, &c qu’il vo u lo it encore reculer.
C ette affaire, auiïi évidente qu’elle eft '{impie.,
; fe réduit au point de favoir il la procuration du
iieur Chevalier lui.donnoit pouvoir de confentir
.décharge au profit des Appellanrs de la rente de
,83 livres , ou G elle^ne le luidon noit p a s;la force
,d e .ce tte vérité eft .enfin échappée, à la Partie ad■
v e rfe , à la fin d e là page 14. de fes réponfes a fup-plément, &c du deuxième feuillet verfo de fou
•mémoire clandeftin. C.’efl: donc fous ce feul point
,de vue que cette affaire doit être traitée : l’énon¿dation du domicile des P a rtie s, & toutes les ré
gies de la fÿntaxe feront rejettées dans cet cuvra■
ge com me'étrangères à 'la con teftation , & plus
^dignes d’un Ecolier que du Barreau.
Une.décharge de rente en matière de retrait.,
:n ’efl: autre choie , & ne peut être confiderée que
comme U quittance d’ un rembourfement fictif; que
•l’on confidére le mot en lu i-m ê m e , que l’on en
.examine l’effet & les fuites , il ne prélente pas
«d’autres fens: celui qui a décharge de la rente a la
.quittance de cette rente, & vicc yeffi. , celui qui a
.la quittance du-rem bourfem ent a également d^o¿charge .de .la.rente.
�„ .
3
.
H i
D e ce point cle fait inconteftable dérivent les
coniéquences les plus fortes : le fieur Chevalier
avoit les pouvoirs les plus amples de liqu id er,
traiter , tranjiger , com poferfur le tout ou partie
des droits de f a fœ ur
de donner du temps & dè
recevoir à T'expiration du terme • * * il avoit donc
pouvoir de liquider, tra ite r, tranfiger & com po
fer lur cette rente ; il avoit donc pouvoir d’en re
cevoir le rem bouriem ent, d’en donner quittance,
& par conféquent celui de.donner décharge.
C e t argument eft fans répliqué ; quelle" voie
prend donc le fieur Barthélém y pour le détruire?
il n’a pas de moyens , il a recours aux abiurdités :
la rente, dit-il, neprovenoitpasdelafuccejjïon? * * * '
& dans la même phrafe il eft obligé de convenir
que cette rente a été créée pour partie du p rix de la'
fucceffion , comment cela peut-il être \
E n ramenant les faits au vrai point de vue fur
lequel ils fe préfentent, il n’ eft pas permis de d ou
ter que la rente dont il s’agit p roven oitde laiiicceiïion , qu’elle faifoit partie des droits de la denioifelle Chevalier dans cette même fucccifion ,
qu’elle fera partie de la maiïè de cette fucceiïion lo rs
du partage qui fe fera entr’ elle & fon frere , <îk par
conféquent il n’ eft plus permis de douter que le iieur
Chevalier avoit pouvoir de dônner la décharge
piiifqu’ il avoit tout pouvoir fur les biens 6c lur les
* Page 17 du M ém o ire im prim é. •
** P a g e 23 , idem.
***
P age 10 des réponfes au Supplément.
A
X'
*
�\\A
.*
droits que pouvoit avoir Îa fœur dans cette même
fucceiïion.
11 y a de la fubtilité & de la mauvaife foi à pré
tendre que cette procuration a été coniom m éepar
la vente feule du bien de T argn ac,; il fuiîit de
lire la procuration pour être convaincu du con
traire; elle efl: copiée à la fin de la réponfe du fieur
Barthélém y ; le partage entre les héritiers n’eft pas
même fait aujourd’hui,, toutes les affaires de cette
fucceiïion ne font pas liquidées, celles fujettes à
cette conteftation ne font pas jugées, & on a l ’im
pudence de foutenir que la vente feule qu’a fait le
fieur Chevalier a terminé fes pouvoirs.
L e fieur Barthélém y a eu la mauvaife foi de
-foutenir que là demoiièlle Chevalier avoit recon
n u , au moyen d’une nouvelle procuration qu’elle
a donné en 1 7 7 3 au fieur M io c h e , que celle
de fon frere étoit finie dès le moment de la ven
te du bien de Targnat. M ais convaincue du con
traire par la révocation que contient cette nou
velle procuration de celle qu’elle avoit donné
précédemment à fon fre re , elle n’a pas la bonne
i o i d’avouer fon t o r t , & elle iè contente de gar
d er le filence à cet égard ; ce filence doit être
•regardé comme un a v e u , il faut donc dire'que
‘la procuration donnée en 1768 au .fieur Cheva
lier fubiîftoit en 1 7 7 0 , puifqu’elle fubfiftoit en
* 7 7 3 , & qu’à cette derniere époque il a fallu
•une révocation pour l’anéantir.
»Ces moyens iont déciüfs, le fieur Chevalier
�avoît pouvoir de donner la d éch arge, Tes fo u *
voirs n’ont été finis qu’en 1 7 7 3 par la procura
tion de re v o c a tio n , il a donc pu donner la dé
charge qui donne lieu à la conteilation.
Enfin la décharge de la demoifelle Chevalier
levé tous les doutes ; le fieur Barthélém y n’eit-il
pas renvoyé indemne, il a la quittance , ou fi l’on
v e u t, la décharge d e là rente du fieur C h e v a lie r,
qui avoir pouvoir fufïifant pour la d o n n e r , ôc
la ratification de cette décharge de la demoifelle
Chevalier.
L a queftion Tefolue , le fieur B arth élém y doit
-payer 6c rembourfer les détériorations qu’il a
commis dans le bien retrait ; c’eft contre vérité
qu il a prétendu n’avoir acheté ce bien qu’au 14,
A v r i l 1 7 7 0 , 6c en l’état on il étoit alors, fon con
trat d’acquiiition prouve le contraire, puiiqu’il l’a
•acheté en l'état où i l ¿toit lors du partage ; il vient
de convenir dans le commencement de fes répon
ses au Supplément qu’il étoit propriétaire depuis
le partage, que c-eft en vertu du fous-ieing privé,
d on t il a nié l’cxiftenee ju fq u a ce moment que
les Appellants ont retrait ; cette vérité réfulte de
ce qu’il prétend que les lettres q u ’il a fùppoie
■avoir été écrites-de R io m h. Paris, pour demander
■décharge , & celle écrite de R io m à N îm e s , l’ont
•été avant le 14. A v r i l ; ce qui ne pouvoit pas ê tr e ,
s’ il n’y avoit pas eu une vente antcriëiïréYcàr ôn
ne peut pas demander -la décharge d’une-rente q u i
n’exifte pas.
�C e t aveu n’étoit pas néceffaire il eft plus clair
que le jour que c 'eft le fieur Barthélém y q u i a
d étério ré, il ne le nie pas ; cependant il doit ren
dre les lieux en l’état qu’il les a pris ; il ne peut pas
fruftrer les retrayan ts, ni rendre l’objet retrait
de moindre valeur. C ’eft une fraude a la l o i , pour
empêcher le retrait ,qu i mérite toute l'indignation
de la C o u r ainfi que. la déclaration enflée qu’il,
a faite r rélativement à laquelle les A p p e llants ré
clament l’exécution de la Coutum e., qui prononce
la condamnation de la reftitution des fommes en
flées, avec les intérêts à - fept pour cent ; ainfi il,
d oit être, condamné aux dommages & . intérêts.;
réfultants de fes détériorations
M. D E S F A R G E S D U M A S , Rapporteur..
M e. D A U G E R O L L E S , A vocat
D ugas
A
P rocureur.
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
D e l ’Im prim erie de P i e r r e V I A L L A N E S , Im prim eur des D om aines
du R o i, R ue S, G enès , près l’ancien M arché au Bled. 1773.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delaville, Hugues. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Des Farges du Mas
Daugerolles
Dugas
Subject
The topic of the resource
successions
procuration
retrait lignager
vices de forme
domiciliation
ventes de rentes
coutume d'Auvergne
huissiers
Description
An account of the resource
Titre complet : Salvations signifiées pour sieur Hugues Delaville, marchand Drapier, et autres, appelants. Contre sieur Antoine-François Barthélémy, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1768-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
6 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0505
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0504
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52983/BCU_Factums_G0505.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Tarniac (domaine de)
Saint-Beauzire (63322)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
coutume d'Auvergne
domiciliation
huissiers
procuration
retrait lignager
Successions
ventes de rentes
vices de forme
-
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c26a0212a45f5f61b5fcd81f1001bd24
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I
P O U R
fieur
A
n t o i n e
-Fr
B A R T H E L E M Y ,
C O N T R E
fie u r
&
H u g u e s
a n ç o ï s
Intimé,
r
D E L A V I L L E ,
a u tr e s , A p p e lla n t s
rv>rZK>E30E3'üi L
Es A d v e r faires peu d’accords a ve c euxfil ++++++++++ A
«I
y memes, commencent par fe récrier fur
S
B l'im poffibilité qu’il y a d’avoir écrit
gji t m m s le 1 4. a P a r is , en avoir reçu réponfe ,
avoir en conféquence écrit à N îm e s ,
& que la lettre y foit arrivée allez-tôt pour , des
le 17 , avoir eu le temps de confentir la déchar
ge dont il s’agit; oubliant enfuite cette chiméri
que impoffib ilité , qui n’a cependant d’autre vice
que de partir d’ un faux point pour le c a lc u l, ils
veulent bien fournir eux-mêmes l’explication de
A
�leur cnigme , en difant à la page 13 , que du 14
le fieur Chevalier riauroit pas pu avoir reçu le
à N îm es, jou r auquel i l confentit la décharge, la
lettre qui lui auroit été écrite de R iom pour la
demander.
Il réfui te de cet aveu que les Appellants avoient
donc écrit avant le 14. au fieur Chevalier; mais s’ils
avoient écrit avant le 14 au fieur C hevalier, n’ontils pas pu écrire également avant à la demoiielle
Chevalier , qu’ils ont trouvé dans ces premiers
temps peu difpoféeen leur faveur. V o ilà donc cette
impoilibilité phyfique bien facilement réiolue par
les Adverfaires eux-mêmes.
L ’on n’eft pas plus embarraiîc de concilier le re
fus de la demoiielle Chevalier de fc prêter aux
vues des Appellants, avec les offres que leur avoit
fait fon frere de leur vendre la partie de domaine
en queftion ; il ne faut pas avoir la conception bien
vive pour fentir qu’il peut tres-bien le faire que le
fieur Chevalier , foit pour fe décharger des embar
ras d’ un p artage, foit pour mettre fin aux conteilations multipliées que chaque jour vo yo it éclo
re de la part des ficurs L a v ille , eut defiré, pour
tout term in er, qu’ils euil'ent voulu s’accommoder
de cette portion de domaine , & qu’ enfuite, toute
difficulté enfin levée, le partage fa it, la demoifelle Chevalier infimité de ce qui s’étoit paffé ,
n’ait plus voulu , comme on l’a dit dans le M é m o i
re , avoir rien à démêler avec de tels perionnages :
loin qu’il y ait dans tout cela rien de contradic-
�*3
3
toire , tout autre que les Appellants n’y trouvera
ians doute que du tres-conléquent.
Les Adveriaires fe plaignent eniuite de ce qu’on
a cru voir dans leur M ém oire qu’ils avoient pré
tendu que le iieur Barthélémy avoit abandonné l'on
moyen de forme , & avoit accordé que le fieur
Chevalier avoit pouvoir de vendre la rente conitituée pour le reftant du prix de la partie de do
maine vendu ; ils foutiennent avoir ieulement die
que le moyen de forme s’é van o u iiîo it,
qu’au
fond le fieur Chevalier avoit pouvoir de vendre
cette rente.
D ’abord par rapport à l’imputation faite fans
le moindre m o tif de l’abandon du moyen d é fo r
mé ; ou notre langue en rend plus le iens qu’elle
a préfenté jufqu’à préient, ou cette imputation efc
exa& e, * quoi qu’il en fo it , que les À dveriaiies
conviennent de leur t o r t , ou qu’ils aient une m a
niéré de s’exprimer différente de celle du commun
des hom m es, peu importe à l’affaire ; pouriuivons.
Pou r fe convaincre encore que c’ eit avec raifon
que le fieur Barthélémy a été alarmé de ce qu’on
avoit iuppofc un aveu de fa p a r t , qu’ il n’a jamais
»
»
»
»
«
«
»
*
P ag e z du M é m o i r e des A p p c l i a n t s . » Ce rt e quef ti on n’ ei l
pas la f eul e que l ’i n t i m é ait é l e v é , il a auilî p r ét endu en caule pr in ci pa le q ue le retrait éroit nul en la f o r m e , mais vérifica tio n f a i t e , on a t r o u v é q u ’il étoi t dit dans .cet e x p l o i t faic
à R i o m que les Parties d e m e u r o i e n t en cette V i l l e ; ce moyen
s'ejld on c év a n o u i; i l ne reite à l’i n t i m é d e refl'ourcë q ue dans
la p re mi èr e q ue l t i o n q ui c onf tfte dans la fuf fi fancc ou i n fuiHfance des offres.
A 2
*
�H*
, *
eu garde de fa ir e , il n’eiï befoin que de jetter les
yeux fur la fin de la page 13 du M ém oire des
A p p e lla n tsj cette aifertion y eit confignée de la
maniéré la moins équivoque , au moins pour ceux
qui entendent le Français ; * mais c’eft trop s’ar
rêter fur des faits indifférents, dont l’on le feroit
épargné la difcuiïion , fi on n’eut été jaloux d’é
difier la C o u r fur l’exa&itude de tout ce qu’on a
avancé : hâtonsrnous donc depaiïèr aux moyens.
.L a cenfure des Adverfaires fe porte d’abord
fur les expreiïions énonciatives du moyen de
f o r m e , qui font que le retrait eft nul dans fon
p rin cip e, parce que le domicile des Parties n’efl:
pas exprimé dans l’exploit de demande , comme J i 9
difent-ils, le principe d ’un retrait pouvoit confijlcr
dans le domicile des Parues.
L ’on a dit plus haut que les Appellants ont
apparemment une maniéré de s’exprimer peu o r
dinaire ; on doit leur ajouter ici qu’il eft malheu
reux pour le iieur Barthélém y qu’ils ayen t le
même goût de fmgularité dans la conftru&ion ;
s’ ils l’euiîènt faite comme tout le m onde, fuivant
les régies con n u es, ils auroient vu fa n s Rudim ent
.que‘le mot principe ne fe rapporte pas en bonne
fyntaxe au domicile des parties , mais bien à
l’ exploit de demande .; en forte que de la propo-
*
Pa^e 1 3 , » c o m m e n t en effet p e u t - o n p r é t e n d r e , fans être
j) r é d u i t aux e x p é d i e n t s , qu!un f o n d é de p r oc u r a t i o n a p o u » v o i r de v e n d r e , d e r e c e v o i r le p r i x , d ’e n d o n n e r q ui tta nc e*
j> & (ju’ il n ’a pas celui d e d o n n e r d é c h a r g e ?
�fition du fieur Barthélém y l’on ne peut pas en
induire q u e -le principe du retrait conjifle dans le
domicile des parties, mais feulement dans Ta8:e
primordial par lequel il a été commencé. Les
A dverfaires, conftruifants à contre-fens , & ne
concluant fouvent pas m ie u x , pouvoient donc
s épargner de prêter à l’expreilion du fieur B a r
thélémy un ridicule qui ne retombe évidem
ment que fur eux. Il eft fâcheux que l’on ioic
obligé de defeendre devant des M agiftrats Souve
rains à ces premieres notions grammaticales que
l’on devroit avoir avant de fonger à écrire, puifq u avan t de répondre, au moins faut-il enten
dre l’o b je â io n ?
Les Appellants pailènt des termes de la propo
rtion à la critique du moyen qu’elle prefente ;
ils difent qu’il eft indifférent que la V ille .foie
dénommée plus haut ou plus bas, dès qu’elle l’eft
dans le même aile , que les Parties ne pouvoient
pas être iuppoiées demeurer ailleurs qu’à R iom .
Les Adverfaires auroient quelquapparence de
ra ifo n , fi la dénomination qui eft faite plus bas de
la V d ie de R iom étoit relative aux Parties; mais
cette dénomination n’ayant de rapport qu’à la ma
tricule de PHuiiTier , elle e ft, par rapport aux
*Parties, comme s’il n’y en avoit aucune; c’eft ref*
pe£livement aux retrayants & l’a jo u rn é , comme
s’ il n’y avoit pas la moindre expreilïon de la
V ille , puifqu’cllc n’y eft pas pour e u x , mais ièulement p o u rl’H u iifier, Ôc que (co m m e on l’a jufte-
�6
ment obfervé clans le M ém oire , fans qu’ on ait
oie rien répondre à cet égard ) il peut tres-bien ie
faire qu’ un H uiilier immatriculé au Siege de
R io m pofe un exploit dans toute autre V ille du
reiïbrt, eniorre que quoique l’ Huiffier fe foit die
immatriculé à R iom , il n’ étoit pas d’une coniéquence forcée que les Parties pour lefquelles il
ihilrumentoit fuilent habitantes de R io m . l’on
fem cependant qu’outre que tout cft de la plus
grande rigueur en matière de retrait, c’cft qu’en
core, abftra&ion faite de la défaveur de cette action,
fon genre peut comporter différents ailes à domi
cile , qu’ il eft conféquemment plus effentiel qu’en
aucune autre mariere de ne pas laiiîcr incertain.
Sans demander donc .à un H uijjïer la R hétori
q u e dont on eft obligé défaire grâce à tant d’au
tres , l’on n’efb pas moins en droit d’exiger que cet
H uilfier remplilfe les formalités qui font preferites par l’ O rdonnance; ce deiir ne préfente ce iemble rien d ’original, quoiqu’en diiènt les A d verfaire s,o u qu’ils nous apprennent avant pourquoi
donc a été faite l’ Ordonnance ? fi ce font de beaux
principes de droit public , qui n’ont été rédigés &,
promulgues que pour la fpéculation. Quand les
Appellants nous auront fatisfait à cet égard , il
fera facile à notre tour de les ramener à l’efprit de .
l’Ordonnance , lorfqu’clle a enjoint aux Huiflicrs
de la v o ir, non pas Jèulem ent, comme le difent les
Parties ad vcrics, mais au moins écrire.
Par rapport aux autorités que le fieur Bar-
�7
5
thelemy a employé pour faire voir que le d o
micile des Parties doit être particulièrement déligné fous peine de nullité, que conféquemment
l ’exploit en rétrait des Appellants ne contenant
pas cette déiignation , ils ne peuvent qu’ être dé
clarés déchus de leur a£ti.on j les Adveriaires fe
contentent de dire que toutes ces autorités font
évidemment mal appliquées , fans vouloir nous
faire part de leurs lumières à cet égard; on ne peut
donc leurs fàireJ modeftement d ’autre réponfe,
fi ce n’eft que la C o u r en jugera.
Les Appellants font une nouvelle o b je & io n ,
ils prétendent que le ficur Barthélém y auroit cou
vert ion moyen de forme par fa déclaration , que
cette déclaration ne peut être coniidérée que com
me des défenfes; or, difent-ils, les défenfes au fond
couvrent les nullités d’Ordonnance , qui ne peu
vent être oppofées que par forme d ’exception.
C e feroit fans doute bien ici le cas de repéter
aux Adverfaires ce que la forcé de la vérïté. .a
arraché de la plume du fieur Barthélém y dans fon
M é m o ir e , q u il fau t, pour faire pareille obje& ion ,
n’avoir pas les premieres notions du retrait, p u if
'qu’il n’eil pas permis d’ignorer qu’en fait d èt re
trait il n’en eft pas comme da^ns les matieres ord i
naires , ou les défauts de forme doivent être oppôfés à limine h tis , & fc couvrent par la conteilation
en caufe * ; que dans ce genred’a&ion particulière,
------------- _---- ;_______ - • »' ■' '..
; .i: . .i • -!1.
. ;
* r o r l i i e r , traité des r e t r a i t s , p. 14 9 , n. 1 7 8 8 .
.
.. I
�les défauts de forme étant des défauts qui tou
chent au fond , en faifant déchoir de fon droit le
demandeur en retrait qui ne les a pas obiervées,
ils peuvent être oppofés non feulement jufqu’à la
Sentence définitive, mais même fur l’ap p el, fi on
avoit négligé d’en faire ufage en caufe principale. *
M ais, ajoutent les Appellants, l’exploit attaque
de nullité ne contient pas la demande en retrait
proprement d i t , c’eft une demande de pure facul
t é , indépendante du retrait, elle peut conféquem'ment être n u lle , fans entraîner la déchéance du
retrait.
C e nouveau fubterfuge ne fert qu’à prouver l’em
barras des Parties adverfes; l’on ne voit pas en effet
où ils peuvent avoir puifé le principe qu’ils pofent,
“que P exp loit ne contient pas la demande en retrait;
qu’ils nous faflènt donc le plaiiir de nous dire ce
qui la contient? car jufqu’à préfent l’on a toujours
cru que c’efl; delà que le retrayant part pour l’ad
judication de fon a& io n , comme du premier a&e
’p ar lequel il Ta exercée. * * L a coutume indique
au lignager deux routes pour le retrait ; mais la
quelle des deux qu’il prenne, le premier exploit n’eft
pas moins le commencement du retrait: li,com m e
le prétendent les Adverfaires , ce premier a&e
*
A u d i I’ A r r ê t du i z Mai 1 7 0 7 , cird par les A p p e l l a n t s , n ’a
'¿té r e nd u q ue dans une e f p e c c o r d i na i re & n o n en mat i ère
d e retrait.
** P o t h i e r , chap. 8 , n. 2 6 0 , le retrait s’e x e r c e par un e x
p l o i t que le l i g n a g e r r e tr a y a n t d o i t d o n n e r c o n t r e l ’acheteur.
étoit
�9
.
¿toit étranger & indépendant du retrait, il fe-r
roit conféquemment inutile &. fupeiflu ; 01* à
quoi bon la loi 1’auroit-elle donc ordonné? V o ilà
qui démontre mieux que tout ce que l’on pourroit
dire le ridicule de cette nouvelle Do&rine.
Les Adverfaires paffent delà au moyen du
fond contre le retrait ; ils dîient- q u ilja i it écar
ter les principes que le fie u r Barthélémy a pojès -,
ainjvque Vapplication q u i l enf a it à lejpece , q u 'il
n'en ejlpas quejîionici. Seroit'il permis de leur de
mander ce dont il peut donc s’ agir? cardans quel
que affaire que c e i o i t , cefon tles principes & leur
application,.qui peut feule en former le jugem ent:
fi les principes font v ra is, mais étrangers, c’ eft
alors l ’application que l’ on en contefte ; mais c’eft
toujours l’un ou l’autre , ou tous d eu x, fi l’on v e u t ,
qui font Pobjet de la difcnffion ; fi l’on parvient à
prouver que le principe eft fondé , que l’applica
tion en eft jufte, la conféquence devient dès-lors
forcée. Q u o i qu’il en f o i t , rapportant tout à bien,
prenant ce que les Adverfaires ont voulu dire
pour ce qu’ ils ont dit : pourfuivons.
Les A ppellants, après avoir rapporté les termes
de la procuration par lefquels lademoifellc Cheva
lier donne pouvoir à fon frere de traiter & compofer defes droits , vendre & tranjporter à q u i, &c.
font une exclamation fur la clarté de ces expreffions. L a rente provenoit, difent-tils , d e la jiic e f
jio n . A rrêtez ici Parties adverfes? vous allez fur
cette faulfe bafe élever un édifice ruineux : non !
■•V
V
�la rente ne provenoit pas de la fu cceffio n , elle
faifoit fi peu partie de Tes droits , comme vous le
fuppofez, qu’elle n’exiftoit même pas lors de la
procuration donnée par la demoifelle Chevalier k
ion frere ; ce n’eft q u ’en vertu des pouvoirs por
tés par cette procuration que la vente a été çonièntie , & que la rente a été en conféquence créée pour
partie du prix.
L a procuration ne portant d o n c , de l ’aveu des
Appellants, que fur les effets qui compofoient alors
la liicceffion ; & la rente dont il s’agit n’étant
que le réfultat, la fin de la million , c’eft aller évi
demment contre la raifon que de vouloir éten
dre encore cette procuration fur l’objetpar lequel
elle a été remplie. L a demoifelle Chevalier avoit
donné tout pouvoir à ion frere pour liquider la
fucceffion (q u e l’on life & relife la procuration,
on ne peut y voir que cet o b je t ) la fucceffion
étant donc liquidée , la conftirution de la rente
a été le terme des pouvoirs.
L ’on ne tire, quoiqu’ en difentles A d verfaires,
aucun fens forcé des termes de la procuration ;
o u i , le fieur Chevalier avoit pouvoir de liquider
traiter, tranfiger, compofer fu r le tout oit partie
d e s droits de f a fœ u r ; c’cft-à-dire, de tout faire
pour leur liquidation ; mais cette liquidation fai
te , les pouvoirs ont été confommés.
L o r fq u e l’on a dit que le fieur Chevalier auroit
bien pu recevoir le p r i x , fi le fieur Barthélémy
eu t tout payé comptant 3 mais qu’il n’auroit pas
�XI
pu en faire l’emploi ; on s’étoit fufïiiàmmenr ex*
piiqué pour ne pas mettre les Appellants dans le
cas de prendre le change: non ! le fieur Cheva
lier n’auroit pas pu en faire l’ emploi après la
fucceifion liquidée , parce que fes pouvoirs n’é.toient que pour la liquidation, il avoir carte
blanche en cette partie , il pouvoit tout ; mais ta
liquidation fa ite , il ne pouvoit plus rien.
M ais obje&ent les Parties adverfes , qu’impor
te que le fieur Chevalier eut pouvoir de faire l’em
ploi de cette fo m m e , le fieur Barthélémy n’a d’in
térêt que dans fa quittance. Q uelle ridiculité ! le
fieur Barthélémy n ’a d’intérêt que dans fa quittan
c e ; eh! oui fans d o u te , c’ eft là fon objet; mais
pour prouver que cette quittance eft iniufliiànte
& ne le libéré pas , ne lui eft il pas permis de faire
vo ir qu’après la liquidation, le fieur Chevalier ne
jpouvoit pas employer les fommes qui revenoient
a là fœ u r , puifque ce point une fois confiant, l’infuffifance de la décharge en eft une coniéquence
forcée; car il eft évident que fi le fieur Chevalier
n’avoit aucun pouvoir fur la fomme revenante à
fa fœur , dans le cas où il eut été payé com ptant,
il ne fauroit en avoir aftuellement davantage fur
la partie de rente repréfentative de ce prix.
. L e fieur Barthélémy , pour prouver que fà li
bération n’eft pas entierc , avoit fait une h y p o thefe démonftrative : les A p p p ellan ts,h o rs d’état
d ’y rien répondre de fo lid e , le font jettes dans des
perfonnalités que le iieur Barthélémy méprife trop
�I l
pour les relever : il Îait ce qu’il fe doit a lui-mê
me & à la juftice, Ton intention n’a jamais été
d’offenier -, fi les Àdverfaires fe fuiïènt moins li
vrés au premier m ouvem ent, ils auroientfenti que
les hypothel'es n’ont jamais rien d’injurieux pour
perfonne , que conféquemment ce Teroit mal à pro
pos qu’ils s’en fatigueroienr. En fait d ’hypothefe,
ce n’eft: pas répondre que de dire que cela n’ar
rivera pas., que l’on ne fera pas telle chofe ; il
fiiffit pour la jufteilè.de l’argument que l’on puiiîë
'la faire. Il ne s’agit pas de {avoir fi les Appellants
auroient mis la demoifelle Chevalier dans le cas de
perdre Ton hypothéqué & de recourir au Sr. Barth eletn y, mais feulementii le cas pouvoit arriver. Si
l e fait eit dans l’ordre des poiïibles (ce qui ne fauroit
être n ié ) c’en eft ailèz pour le heur B arth élém y,
il lui iuffit qu’il y çut lin cas où il pouvoit être
inquiété par 4a demoifelle C h e v a lie r , pour qu’il
n’ait pas dû donner les mains au re tra it, parce
/que le premier principe en matiere de re tra it, eft
.que l’acquéreur ioit renvoyé parfaitement in
demne. *
Les A d v e rfa ire s, s’obftinant dans leur erreur,
perirftent àfoutenir que la décharge de la demoifçllc C h evalier, nouvellement produite , doit être
regardée comme une fuite de la faculté de parfaire.
O n leur avoit répondu ,c e qui eft bien confiant
en cettq matiere , qu’après la déclaration de l’ac* P o t h i e r , traité dus retraits^ c h a p i t r e 9.
�‘t juéreur , les offres &: la consignation , il ne peut
plus être queilion de parfaire, il femble que les
-Appellants devoient fe rendre à quelque chofe de fi inconteftable ; ils infiftent cependant & d e
mandent la preuve du principe, ils prétendent qu’il
feroit contraire au vœux de la C o u tu m e , qui exige
-que les offres & la confignation foient toujours
faites fous proteftation de fuppléer & recouvrer.
Il eft facile de donner aux Apppellants, l’expli
cation qu’ils défirent. L a Coutum e d’A u vergn e
ouvre aux lignagers deux routes pour le retrait,
Tune -eft indiquée par l’article 4., & l’autre par
l’article 9 ; par l’article 4 , le lignager qui veut
retraire , p e u t ,s ’il fe croit aiîèz aifurédu prix de
la v e n te , l’offrir avec quelque fomme pour les
loyaux coùtem ents, fous proteftation de iuppléer
ou recouvrer. V o ilà le cas 011 les proxeftations de
fuppléer & recouvrer ont lieu, par rapport aux
loyaux coûtements feulement ; mais ii le lignager
prend la voie de l’arricle 9 , c’eft-à d ire , que pour
lavoir au vrai le prix du contrat, il aifigne l’acqué
reur pour le déclarer; alors fi l’acquéreur fait
fa déclaration, il ne peut jamais etre queûion de
•iuppléer , il faut offrir ce que l’acquéreur demande ,
ia u f à recouvrer, fans cela ne voulant pas s’en
rapporter à la déclaration, s’il fe trouve que l’on
n’ait pas aiTcz o ffe r t, il n ’y a plus à revenir ; la
loi n’accorde pas la faculté de parfaire, parce que
le lignager ne peut pas imputer à ignorance
i ’infuffifance de fes offres ; il ne peut s’en prendre
�'
z4
qu’à lui-même , cíe ce qu’ étant inftruit par la dé
claration , il n’a pas voulu renvoyer l’acquéreur
indemne ; il eíl aufïi vrai par la raifon contraire,
que ii l’acquéreur n’a pas voulu faire fa déclaration,
le lignager peut alors, fuivant l’article 1 0 , offrir
& configner telle fomme que bon lui fem b le, pour
le prix principal & les loyaux coütemens, fous proteftations de fuppléer.
V o ilà quels lbnt les principes ; les Appellants
peuvent donc être tranquilles iur l’inutilité dont ils
prétendent que feroient ces mots de la l o i , fo u s
proteftation de fuppléer ou recouvrer ; non ! ils
ne font pas inutiles : l’on vient de voir quels font
les cas pour lefquels ils font faits, quelles font les
circonftances auxquelles la iageiîe du Légiflateur
les a rendu applicables ; mais l’on n’a jamais con
certé juiqu’à ce j o u r , que quand il y a une déclatation de l’acquéreur, les offres & la confignation
ne doivent être intégrales, fans qu’il puiife jamais
être queftion de fuppléer. Les Auteurs * penfent
même qu’il eft fi indifpenfable que les offres (oient
entieres, qu’ils difent que la confignation de la
fom m e totale ne rétabliroit pas le défaut des offres.
Réduifant donc en cette partie la conteftation
à fon véritable point de vue , c’eft-à dire , aux pre
mieres offres & à la confignation, d’oïi il faut partir
pour juger du mérite du retrait dont cft queftion;
il eft: impoffible de ne pas voir que la décharge du
fieur Chevalier étoit infuliifantc, parce qu’il
* P o t h i e r , traité de s r et rai ts, chap. 9 , n. 379 & 380.
�n’avoit pins aucun pouvoir de fa lœur : il rie faut
qu’un m o t , en fe ré fu m an t, pour en porter la démonftration au dernier degré d’évidence.
L a demoifelle Chevalier , ne pouvant fe rendre
à R io m , donne tout pouvoir à ion frere pour li
quider la fucceifion commune ; celui-ci agit en
conféquence , fait la liquidation, vend une partie
de D o m ain e , l’ acquéreur ne payant pas tout
c o m p ta n t, conient une rente du furplus du prix ,
payable à l'un & à Vautre ;. n’eit-ce pas fe refufer
à la lumiere que de ne pas vouloir convenir que
dès ce moment les pouvoirs du mandataire ont
été confommés? l’unique fin du mandat étoit
la liquidation, cette liquidation a été faite, la
demoifelle Chevalier eft au réfultat devenue pro
priétaire d’une rente fur le fieur B a r th é lé m y ,
elle en a été faifie dès ce m o m e n t, & en eft deve
nue maîtréiïc incommutable ;r fous quel prétexte
fcroit il donc poiïible d’étendre les pouvoirs de ce
Procureur conftitué, fur le fort de cette rente? quel
rapport peut-il y avoir avec la liquidation de lafucceiïion, qui, comme on ne fauroit trop le répéter,
eft le feul objet de la procuration.
L ’on peut dire que c’eft i c i , comme fi un par
ticulier envoyoit un pouvoir à quelqu’un de rece
voir pour lui un contrat de conftitution , ne feroit- •
il pas ridicule que ce mandataire prétendit enfuite
avoir la dilpoiition de ce contrat ? qu’il fbutint
'p o u v o ir charger le débiteur, donner-quittance ?
c e ft cependant exa&ement lefpece. L e lieur. C h e
�16
valier avoit reçu tout pouvoir pour liquider la
fucceffion ; cette liquidation l’a mis dans le cas de
recevoir un contrat de conftitution pour fa fœ u r;
& l’on veut qu’après la liquidation faite , après
la miffion ainfi confbmmée , le fieur Chevalier
ait eu infpe&ion fur ce c o n tr a t, qu’il ait pu en
décharger le d éb ite u r;il eft plus clair que le jour
qu’il n’en avoit pas le d ro it; mais s’il ne l’avoit
p a s , l’engagement du fieur Barthélémy , vis-à-vis
a demoifelle Chevalier r fubfiftoit donc toujours,
il n’ étoit pas libéré : il efl donc inconteftable que
le fieur Barthélémy n’a pas été renvoyé indemne
ce qui eft la premiere loi du retrait..
M . D E S F A R G E S . D U M A S , Rapporteur...
M e . G A U L T I E R , A v o ca t.
G a u l t i e r , Procureur.
a
c
l
e
r
m
o
n
t
-
f
e
r
r
a
n
d
,
De l ’Imprimerie de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur des Domaines
du R o i, Rue S. G enès, près l’ancien Marché au Bled. 1773.
�*7
A r d e v a n t les C o n s e ille r s d u Roi
N otaires au Châtelet de P a r is , fouffignés, furent
préiènts fieur Richard-Jacques Philipes, maître de
peniion , & demoifelle A m a b le Chevalier , fa fem
me, qu’ il autorife, demeurants grande rue du Fauxbourg faint A n to in e , paroiiTe fainte M a rg u e rite ,
icelle héritiere par bénéfice d’inventaire de défunt
A m a b le C h e v a lie r, fon pere , fermier du C o m té
d’Ennezaten A u vergn e, lefquels ont fait & conlHtué pourleur Procureur général & fpécial le fieur
C hevalier, Capitaine, A id e -M a jo r du R égim en t de
Beauvoifis, auquel ils donnentpouvoir de pour eux
en leurs noms liquider toutes les affaires de la
fuccejjion dudit défunt fieur A m ab le Chevalier ,
former à ce fujet toutes dem andes, obtenir tou
tes lettres de refcifion contre les engagements que
la tutrice de ladite femme Philipes auroit pu contra&er au nom de fa p u pille, reprendre toutes inftances pendantes pour raifon de ladite fucceflion,
en pourfuivre le jugement jufqu’à A rrêt définitif,
les faire exécuter ou s’en défifter, traiter, tranfi'e r, compofer fur le tout ou partie des droits de
adite conftituante , vendre & tranfporter avec
toute garantie, à q u i, moyennant les p rix , char
ge s, claufes & conditions les plus avantageufes, les
biens fonds & rentes qui feront échues à ladite fem
me Philipes par le partage des biens del à fucceflion
de fondit pere , recevoir le prix deidites ventes &
C
Î
�*9
tranfports, en donner quittance : dans le cas o u les
acquéreurs ne feroient pas en pouvoir de payer
comptant le prix de leur dite acquifition, prendre
avec eux les arrangements les plus convenables,
remettre tous titres & pieces, confentir m en tio n ,
accorder fubrogation fans garan tie, pourfuivre les
débiteurs & détempteurs des biens de la fucceffion dudit A m a b le Chevalier jufqu’à jugement &
A r r ê t définitifs , form er con tr’eux toutes deman
des , les faire condamner en tous dépens , d om
mages & intérêts, recevoir le montant de leur d û ,
e n donner quittance, retirer de leurs mains les
biens qu’ ils ont dépendants de la fucceffion dudit
Chevalier , leur en donner d éch a rg e , remettre
tous billets , titres, pieces & procédures fur-tout
c e que deffu s , p laid er, oppofer, a p p eller, élire
d o m ic ile , conftituer, revoquer , fubftituer tout
Procureur & A v o c a t en caufe, & généralement
faire ce qu’il conviendra , prom ettant, & c. a v o i r ,
' & c . o b ligean t, & c . Fait & paiffé à Paris en la de
meure des C on ftitu an ts, le vingt-deux Décem bre
mil fept cent foixante h u it, & ont lignés ces préfèntes, & fignés R . J. P h i l i p e s ; C h e v a l i e r ;
A rnaux &
L e j a y , N o t a i r e s , duement fcellé ledit jour ; en marge y a , je fouffigne cer
tifie la Procuration véritable. A R io m le cinq
M ars mil fept cent foixante-neuf.
Signé C H E V A L I E R .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Barthélémy, Antoine-François. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Des Farges du Mas
Gaultier
Gaultier
Subject
The topic of the resource
successions
procuration
retrait lignager
vices de forme
domiciliation
ventes de rentes
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponses au supplement pour sieur Antoine-François Barthélémy, intimé. Contre sieur Hugues Delaville, et autres, appellants.
Retranscription de la procuration de la fille du défunt au bénéfice de son frère, sous le contrôle de son mari, pour la liquidation de la succession.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1768-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0506
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52984/BCU_Factums_G0506.jpg
domiciliation
procuration
retrait lignager
Successions
ventes de rentes
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53050/BCU_Factums_G0801.pdf
b0b30545d194e9b39181c8836fbee9dd
PDF Text
Text
M E M O I R E
A CONSULTER
ET CONSULTATION
S u r la
validité d’un Mariage contracté en Francc
fuivant les ufages des Proteftans,
�ME MOI RE
A C O N S U L T E R,
P O U R Dame M a r t h e Ca m p , Vicomtef f e de
B O M B E L L E S ...
Q
U’ UNE femme confiante foit trahie ,
q u ’u n
h o m m e d e-
v e nu heureux foit perfide, la corruption de nos mœurs a
rendu ces fortes d’événemens fi communs & prefque fi natu
rels , qu’on n’a plus le droit, d’en être
étonné. Mais qu’un
gentilhomme décoré d’un ordre- eccléftaftique & militaire,
après avoir feint- d’abjurer fa religion pour féduire une jeune,
perfonne , défavoue , pour la déshonorer, des actes fignés de
fa main ;. qu'un mari fe rende lui-même l’inftrument de la.dégradation de fon épouf e , & un pere celui de l’ignominie de
fa fille ; qu’il faff e de fa perfonne un trafic infame ; qu’il •
vende par avarice,d es droits qui ne font plus à lui, puif-.
qu’il, les a déjà donnés à l’amour ; qu’enfin, joignant l'infulte
. - A ij
�4'
au menfonge , & la plus étonnante audace à la plus coupable !
impoiture , il provoque
il néceflite lui-même un éclairciÎTe—
m en t, dont fa honte & peut-être fa punition doivent être le
fruit ; un éclairciiTement qui nele,dévoue pas moins à la févé-rité dè la Juftice qu’à^ l’indignation de tous les honnêtes gens : :
c ’eft une de ces fcen.es étranges, qui fe jouent rarement fur le
grand théâtre du m onde., & .c ’e.ft pourtant celle que M . de
Bombelles a voulu abfolument donner.. A qu elle. alternatives
il me réduit ! Il ne m’a point laiiïe <de milieu entre fon op
probre & le.mien. Com ptable envers mon enfant, du rangque
j!ai cru lui affurer avec la vie , je ne puis lui reftituer l’houneur qu’en l’ôtant à cefui de qui elle tient le jour. Jamais peutêtre une. femme n’a eu. à remplir des devoirs iLrigoureux &
des obligations Ci cruelles.
J'ë fuis néé à M ôntauban d’iine famille diilinguée , quoique
fans illuftration, & où depuis long-tems la vertu tient lieu d e .
titres : mes parens y vivent dans une aifance acquife par le com
merce. J’ai reçu-d’.eux une.croyance tranfmife.par. nos ancê^
très ., & . j’ai v u , par leur exemple , que l’honneur , la probité
ctoient de toutes les R eligion s, comme de .tous les Etats. Ja
vivois paifible , je puis même dire refpeûée dans ma Patrie ,
quand ma mauvaife deftinée y am ena.leVicom tede Bombelles.*
J’avois alors vingt-trois ans. lim e vit. Il fut frappé de quelques«
attraits foutenus par. la jeunefle, & . que les larmes n’avoient
pas encore.flétris. Il pauit fe.fixer auprès de moi. O utre ioiis
uniforme ,..il portoit encore la marque attachée au bonheur
d’avoir reçu l’éducation de l’Eçole Militaire ; il étoit décoréde la. C roix de.S. Lazare. A vec ces cautions extérieures de fz^
déliciitefle? aurois-je pu le foupçonner;d’en manquer?..
�y
,
O u i , fans doute : les premieres preuves de ion amour fu
ient une trahifon. Inilruit du culte dans lequel j’étois élevée ,
il affe£h de publier devant toutes mes connoiffances, que
c’étoit celui de fa famille ( i ) : des raifons d’in térêt, difoit-il,
l’obligeoient à diiïïmuler :■
c’étoit avec la plus grande répugnance
qu’il ornoit ia poitrine d’un cordon ennemi des .dogmes gravés
dans fon cœur. C e procédé fedl auroit fuffi pour motiver ma
défiance.
N ’aurois-je pas dû penfer qu’un homme capable de
déguiferfa-F oi, pourroit l’être un jour de renier fa femme ?
Mais il étoit v if, emprefle ; il avoit auffi de fon côté les
agrémens de la jeuneiTe ; il me perfuada ; je l’aidai à fubjuguer
mon p ere, que la difproportion de l’alliance effrayoit plus
qu’elle ne le flattoit ; enfin le jour fatal arriva où notre union
fut réfolue & confommée.
IÎ fut queftion entre nous du genre de formalités que l’on
émploieroit pour rendre indiiTolubles les liens que j’allois contratVer. D es exemples n o m b r e u x & une efpece d’ufage reçu
nous autorifoient à emprunter celles d'une Eglife étrangère.
Mais d’une part M. de Bombelles exigeoit qu’on fe
c o n te n tâ t
de la bénédiftion de notre Pafteur. Il alléguoit, pour juftifier
la nécefiité de cacher notre m ariage, les mêmes raifons qui
l’obligeoient à montrer fa Croix. D ’un autre côtéj la droiture
de mon pere 1 eloignoit d’une démarche que les circonilances
auraient juftifiée , mais à laquelle on ne pouvoit ôter l’appa
rence de faufleté qui la rendoit utile. T elle eft la triile fituation
d’une partie des Chrétiens dans ce Royaum e. Réduits à choiiir
entre le remords ou l’imprudence 3 placés entre leur coniciencc
& la loi,craignant toujours de bleffer l’une par l’hommage forcé
( i ) O n offre la preuve juridique de ce fait, V in g t témoins dignes de &*•
en dépoferont.
�6
qu’ils rendent à l’autre , ils ne peuvent faire un pas qui ne
compromette leur repos.
Après avoir bien balancé leurs fcrupules & le foin de ma
sûreté , nies parens donnèrent la préférence au'x premiers. Ils
étoient excufables. Ils ne lifoient point dans le cœur de M . de
Bombelles. Il eiï fans exemple qu’on ait jamais réclamé dans
nos Eglifes contre ces fortes d’engagemens. Unis par le mal
heur , nous en fommes plus exaâs , plus rigides obfervateurs
de nos promeiTes. Des devoirs qu’on fe fait à foi-même font
ordinairement mieux remplis que ceux qui font impofés parla
force. M . de Bombelles ne s’eil pas conduit par ces principes.
Il n’étoit pas digne de les cônnoître.
Sur fes inllances, on fe borna donc au contrat de mariage
paiTé pardevant Notaires le 29 Janvier 1 7 6 6 ( 1 ) , & à la béné
diction nuptiale d’un de nos Pafteurs, le 11 Mars fuivant (?.).
N ous eûmes pour témoins de nos ferm ens, ce Miniilre , nos
amis , nos parens & Dieu.
M on mari parut enivré d’amour & de rec<jnnoiflance. H é
las ! fe peut-il que des tranfports fi vifs aient ét^füints ! Il eft
donc vrai que le menfonge donne quelquefois une ardeur
que n’a point la vérité ! Le m yilere fembloit augmenter fon at
tachement. N otre mariage reiloitfecret, & fon union n’en paroiiToit que plus fin cere..
Il avoit d’autres devoirs à remplir. Il fut obligé de me quitter
au bout de quiihze jours pour fe rendre à fon R égim ent, comme
il la Providence avoit voulu me préparer de bonne heure ù
des féparations.
Son abfence n’eut rien de remarquable qu’un incident qui
( 1 ) V o y e z Pieccs Juftificativcs , N ° . I.
(2 ) L ’a ile qui la conftatc , fera produit.
�7
commença à me dévoiler l’impétuofité de fon cara&ere & ta
défordre de la conduite. Il m’écrivit deux mois après fon dé
part , pour me prier d’engager mon pere à lui prêter 1500 liv.
Je ne réuiTis point ; alors il s’adrefla à mon pere lui-même pour
lui demander mille é c u s , dont il a v o it , difoit-il, un extrême
befoin. N ’ayant pas été plus heureux par cette voie , il m’an
nonça par lettre , qu 'il étoit ■
\iu défefpoir , qu’zZ ri avoit
plus de rejfource } qu’z/ alloit quitter fon Régim ent, paffer en
Allem agne, &c. Si quelque chofe paroiffoit adoucir ces ter
ribles exprelîions, c’eft qu’en finiflant il m’aiïuroit que de fa.
vie i l i i oublieroit la plus vertueufe & la plus aimable
ÉPO U SE
qui f û t jamais.
Q u ’on fe peigne quelle révolution produiiît en moi un em
portement auffi furieux. Je me voyois à la veille d’être aban
donnée par mon époux, livrée fans reffource à la malignité
publique. Il n’y a point de fecret impénétrable dans les petites
V ille s , 6c même dans les grandes. N otre mariage n’étoit pas
connu , mais nosliaifons l’étoient. Les m édians, qui ne devi
nent jamais le b ie n , leur donnoient un objet
déshonorant
pour moi. Dans cette fituation, quelque révoltée que je fuffe
des menaces de M . de Bombelles , & de la froideur qu’elles
annonçoient, je facrifiai tout pour le ramener. Je prodiguai
les lettres les plus tendres, les expreifions d’une ame fenfible
& épouvantée. M. de Bombelles parut encore entendre ce
langage. Il arriva à M ontauban au mois d’O ftobre fuivant. Il
follicita fon p ard o n , & il l’obtint.
J em ’apperçus bientôt que j’étois enceinte. Alors il ne me
^ut plus poffible de me prêter au déguifement pour lequel M .
de Bombelles iniiftoit encore. U ne de fes principales raifons
etoit la crainte d’une vieille tante nommée Madame H . . .
-
�8
femme envîeufe par tempérament j & méchante pour le
plaifir de l’être ; femme d’ailleurs excluiîvement attachée à l’in
térêt ; femme qui n’ayant jamais fu calculer les douceurs d’une
fociété aifortie , ne connoiffoit que deux agrémens dans la
vie , fon bien propre, & le mal d’autrui. Cependant l’impofiibjlit.é de cacher mon état , mes inftances, un mouvement
d’honnêteté peut-être, auquel l’ame de M . de Bombelles Ce
trouva acceffible en ce m om en t, l’emporterent fur fes appréhenfions. Il fe décida à publier le mariages il m’avoua hau
tement pour fa femme. Nous fûmes en conféquence préfentés enfemble chez toutes les perfonnes diftinguées de Mon-*tauban , qui m’honoroient de leur eilime & de leur amitié. Je
-vis les fçeurs de M . de B om belles, qui me reçurent comme
lep o u fe de leur frere. Il vint loger avec moi chez mon pere*
S’il avoit un c œ u r, il ne pourroit pas dire que cet effort de
fa part ait été gratuit. Par .q.uel redoublement de tpndreffe .&
¿ ’amour il fut payé de la mienne 1
Il fallut une fécondé fois s’arracher à ces délices : fon Régi
ment le rappelloit, Il me quitta le 10 A vril 1 7 6 7 , époque fu^
nefte de la deitru&ion de mon bonheur & des égaremens dç
m on mari. Il parut encore à la vér.ité confprver .quelque tems
les apparences. Ses lettres ji’avoient rien qui pût m’alarmer.
A u contraire, elles étpient affeftueufes, vives. L ’amour le plus
fincere n’a jamais employé d’expreifions plus énergique?.. C e
qu’il y a de remarquable., c’eil qu’elles font toutes adreffées à
Mad<zme
Bombelles. D.ans to u tes, M . de Bombelles me
nomme fa chere éponfe. Il ne fongeoit pas alors qu’il auroit ua
jour la hardieffe de fouterür que c cil le calomnier qup de
jn’appeller fa femme.
.Cependant mji grofleife avançoit.: j’accouchai à terme d’une
•
'
fille.
�9
fille. J’ignore fi elle fera plus heurëufe que fa mere ; mais je
voulus du moins la garantir à fa naiffance d’une épreuve à
laquelle font trop Couvent fournis des enfans plus fortunés. Je
ne la confiai point à des femmes mercenaires : je la nourris moimême. J’éprouvai qu’il y a un prix réel attaché à l’accompliffement d’un devoir. Sans cette confolation, j’aurois fuccombé
peut-être aux maux qui m’ont ^ccablée depuis.
M . de Bombelles m’avoit remercié dans les termes les plus
touchans de l’avoir rendu pere ; m ais, afin que fa conduite
fît toujours un contraire avec fon langage, il fembla n ’avoir
attendu que cet inftant pour fe livrer à des défordres dont il
pût nous faire partager la honte. Lui falloit-il donc deux vic
times ? O u , vouloit*il, avant que d’ôter fon nom à fa femme
fa fille, le rendre ii odieux, ii vil, qu’elles puffent fe féliciter
de l’avoir perdu ?
Il étoit en garnifon à Flile en Flandres. J’en reçus des nou
velles & des détails qui me mirent au défefpoir ; & ce n’étoit
point par mon mari que je me trouvois inftruite, mais par les
réclamations d’une foule de créanciers trompés , dont les me
naces auroient pu paiTer pour des outrages, il malheureufement elles n’avoient été fondées. .
T an tôt c’étoiei;t des camarades qui demandoient le paie
ment d’une dette d’honneur ; tantôt c’étoient des artifans de la
condition la plus baffe, qui revendiquoient des avances confidérables ; tantôt des femmes qui me dénonçoient de fauffes
lettres de change foufcrites par mon m ari, & les pourfuites
qui en devoient être l’effet. T o u s ne fachant où trouver M . de
B om belles, s’adreffoient à fon époufe pour être payés ( i) .
( i ) fo u t e s les lettres ex ifte n t, & feront p r o f i t e s ,
B
�10
' ‘ Il 11 etoit pas poiïible que de fi étranges nouvelles rie fiiïent
de l’éclat dans une Ville^ telle que Montauban. Par leur na
ture & p arleu r multiplicité, elles devoient fixer l’attenrion du
public. T o u s les honnêtes gens me plaignoient. La feuîe M a
dame H . . . . parut fe plaire à mettre le comble à mes dou
leurs. O n voit dans certains con tes, s’il m’eil permis de faire
~cette comparaifon , des Fées dont la malignité aigrie par l’âgen’a point d’autre occupation, d’autre plaifir que de défaire le
bien produit par leurs compagnes plus jeunes & plus fecou rables. M adam e H . . . . rempliffoit trop lc ru p u le u fe m e n tà
m on égard, l’office de ces Génies perfécuteurs. Il na me reftoit de reifource 6c d’efpérance que dans un prompt retour
de m on mari. Lui-m ême me Favoit annoncé. Toutes les per•fonnes à qui m on fort paroiffoit digne de p itié , s’efforçoient de m’entretenir dans cette illuiîon. La finiitre M adam e
H . . . . s’opiniâtra feulé à foutenir qu’il ne reviendroit point,;
que je ne le reverrois jamais*
La Fée malfaifante avoit mieux vu que les Fées proteilricesv
Peut-être fon art avoit-il forcé les événemens que fa bouche
prédifoit avec tant de confiance. M . de Bombelles , perdu
de dettes, traînant dans la débauche & la honte une vie
pénible & fcandaleufe, oublia dans Paris, ce qu’iL devoit à
l’honneur, à l’am ou r, à la nature. J’appris bientôt que fés excès,
l’avoient conduit au Fort-FEvêque. L e M iniftere, fatigué des
plaintes de fes créanciers, & des défordres qui les occafionn o ien t, n’avoit pas trouvé d’autre m oyen d’en interrompre '
le cours.
Je me crus alors parvenue au dernier degré de l’infortune. Je
ne voyois pas que je netois qu’au commencement de mes maux..
M.
de Bombelles ne m ’avoit pas annoncé fa détention*
�Apr^s un an de captivité , en A oû t 1770 , il m’inftruifit de
fa délivrance. Mais on ne devineroit jamais quelle efcorte il
donnoit à cette nouvelle , de peur quelle n’adoucît l'amer
tume-de ma fituation. Il me déclaroit qu’il avoit pris le parti
de quitter la France & moi. P our me rendre,encore plus affreufe cette réfolution défefpérée , il avoit la barbarie de m’acçufer de l’avoir néceffitée. Je vais , me difoit-il, courir une nou*
yelle carriéré dans un Pays où j e veux être ignoré de L’ Uni
vers. . . . .
D ans peu j e ferai fu r terroir libre. M es aUions n!y
feront mefurées par perfonne , & j e difpoferai de moi à ma
volonté. Voilà a quoi m'ont réduit vos lettres s vos menaces ,
vos inquiétudes mal fondées , ainji que vos clameurs. Il ajou*
toit pourtant à ces terribles imputations : f i je. ja is fortune t
vousferej lapremiere à vous en rejfentir. Cette.lettre effrayante
eft du 9 Septembre 1770.
Je crus, fans balancer, qu’il avoit pris férieufement le parti
de fuir un monde qui le fuyoit depuis ii long tems. J’ima?
ginai qu’il avoit fen ti, qu’après avoir perdu fes mœurs & fa
réputation , il ne lui reftoit en effet de refuge qu’un autre hér
mifphere. Je me perfuadai q u e , n’ofant s’expofer à^de trop
juftes reproches, il alloit en expier la caufe dans quelque ré*
gionéloignée, & qu’il n’en reviendroit qu’après avoir retrouvé
des riclieffes & des vertus.
Si cette idée ofTroit quelquç fecours à ma raifon , il n’en
«xiftoit point pour mon amour. Je pleurois fur une réparation
devenue néceflaire*Je pleurois fur un coupable que j’adorok
e n co re , & que je croyois fidele. Son efprit a pu l’égarer ,
îii
ecriois-je quelquefois avec un fai(ifTement involontaire ! Mais
fQn coeur eft innocent envers moi. Il ^’oubliera point ce tenSage de fon affeftion. Il reviendra , chajigé , recueilli1, *
B ii
�12
dans les embraffemens de fa fam ille, le prix de fes efforts p o u f
s’écarter du vice.
Crédule que j’étois ! tandis que mes larmes couloient ainii
pour lui, le perfide m’oublioit dans les bras d’une autre. C e
n’étoit pas une domination étrangère qu’il avoit été chercher;
c’étoient fes propres fermens qu’il avoit voulu brifer ; fes d ouloureufes menaces n’étoient qu’un voile impofteur , deftiné à
m ’empêcher de veiller fur fa conduite. Il avoit compté que les
pleurs quiobfcurciroient mes yeux ,le déroberoient à mes re
gards , &
faciliteroient la réuflite du complot criminel qu’il
méditoit. J’appris deux mois après, par la voix publique, qu’il
venoit d’époufer une fécondé femme avec les cérémonies de
l’Eglife Romaine,
\
- J’eilaierois en vain de rendre les mouvemens qui m’agiterent. Je n’avois à regretter ni le rang ni l’opulence. Je favois
trop que la femme de M . de Bombelles n’a point de diftinctions à prétendre ; & que ii elle en eit jaloufe , c’eit de fon
côté feulement qu’elle en doit efpérer. Mais l’honneur, mais
l’état de ma fille ! C ’étoit donc là ce* que j’allois perdre. La
c o n f ia n c e
de la vertu alloit être punie par la flétriiTure du vice l
Pour avoir rempli les devoirs de mon fexe , je me voyois près
d’en devenir l’opprobre! La foi du ferment étoit-elle donc une
illufion ? Ces aftes, ce con trat, cet appareil d’u i mariage
fcellé par l’intervention d’un M iniftre, ces aveux'publics & i i
long-tems foutenus, ce titre reçu avec une joie & des in
tentions fi pures , & dont tant de douleurs avoient été le prix,
tout cela n’étoit-il donc que des chimeres,des fantôm es, qu’un
fouffle pût faire évanouir ? Etoit-il poffible que des engagemens de M. de B om belles, il ne reftât que ma fille, ma honte
& fes remords ?
�13
Tandis que je cherchais à concilier ces idées avec le bruit
affreux dont je venois d’être frappée, tandis que je m’efforÇois de m’éblouir fur l’évidence de la trahifon la plus lâche
6c tout à la fois la plus audacieufe, celui qui n’avoit pas rougi
de la com m ettre, n’a pas craint d’y ajouter un dernier trait.
Sous prétexte de raffurer fa fécondé époufe , il a effayé de
confommer l’opprobre de la p^emiere. 11 a ofé diftribuer un
M em oire imprimé , où il nie d’avoir jamais contrafté aucun
engagement à Montauban. La véridique Madame H . . . y
eft evoquée pour déclarer que fon neveu peut avoir fait
des etourderies de jeune homme , avoir eu des foiülejfes , des
goûts vifs, mais paffagers ( i ) , & qui n’ont été précédés d’au
cune formalité folide. Feignant d’ignorer ce qui s’eft paffé , ce
qui cil connu de toute la V ille , elle produit, avec un air de
triom phe, les certificats du Curé , du Vicaire de la ParoiiTe
dans l’enceinte de laquelle eft iituée ma m aifon, qui atteftent
que ni mon mariage , ni le baptême de ma fille ne font inferits
fur leurs regiftres. Elle ne parle ni du Notaire qui a reçu notre
contrat, ni de la bénédiction nuptiale donnée à fon neveu
devant des témoins. Elle ne dit rien des raifons qui motivent le
filence des regiftres, & des précautions qui y fuppléent.
Fier de cette réticence honteufe, M . de Bombelles fe récrie
avec autant d’orgueil que s’il avoit démontré fon innocence. Il
fe plaint hautement qu’on le perfécute , qu’on Vopprime. Il foutient qu’il eft pourfuivi par une infâme calomnie (2) , qu’il eft
\widime de üimpoflure (3 ).Cette calomnie,c’eft mon mariage;
cette impofture, c’eft la fidélité qu’il m’a jurée. Il pouffe l’im0 ) Lettre de Madame H .......... citée page 4 du M ém oire à confulter de M. de
“ ombelles.
^
lbl<l} pag. 13.
(3) Ibid%
�14
pudencejufqu’à défier , au nom de l’h o n n eu r, Tes accufateurs
de paraître (i).
L ’honneur ! Et il ofe prononcer ce m ot facré qui le con
damne ! 11 en enfreint toutes les réglés, & il en réclame les
droits ! Eh bien ! je l’accepte pour Juge cet honneur qu’il
fouille & qu’il invoque^ Il demande le fecours des Loix qui
ont établi des peines contre les calomniateurs ; moi j’implore
celles qui flétriffent les parjures. IL n e jl point marié > dit-il, à
Montauban ; f a prétendue époufe ne j e montre pas ! Il fe fait
une arme contre elle de l’inaftion où l’a réduite le défefpoir
dans lequel il l’a plongée. Q u ’il tremble ! l’excès de la douleur
en eft quelquefois le rem ede, ou du moins le palliatif. C ’eit
de mes maux même que je tire la force d’en pourfuivre l’auteur. Q u ’il vienne aux pieds des Tribunaux nier des a£es
•qu’il a fouferits ; qu’il vienne y défavouer la fille qu’il a re
co n n u e, & abjurer le titre de pere., dont il n’a jamais eu les
fentimens; qu’il vienne y faire trophée de fes perfidies, & fe
juftifier d’un crime par un autre, J1 n’a plus que le choix des
forfaits. S’il n’efl: point mon ép o u x , il cft le plus infâme des
fédu&eurs. C ’eil fous le voile de la Religion qu’il m’a trompée;
c’eft fur la foi de D ieu même qui a reçu nos fermons, qu’il
m’a tirée des bras de mon pere, 11 a donc joint le viol au rapt,
l’apoilafie la plus vile à la plus odieufe débauche. J’ai à
pourfuivre en lui le gentilhomme d é lo y al, le pere dénaturé,
Je mari perfide, & le fuborneur facrilege.
Pour vo u s, imprudente rivale, d’autant plus malheureufe
que vous avez un nom & des vertus, pardonnez ; je vous
refpecte & je vous plains. C ’eft à regret que je vais porter
.dans votre cœ ur le poignard qui a percé le mien. Mais fi juf( i ) IbM, pag. 13.
�-* »
* \
'
qurà préfent nos droits font égau x, nos devoirs ne le font
pas. V ou s ignorez jufqu’où s’étendent l’amour & les obliga
tions d’une mere. V ous avez été abufée par un lâche indigne
de vous ; mais au moins la nature, en vous reftifant des dou
ceurs, vous a épargné des amertumes j elle n’a point voulu
que d’une union illégitime , quoique innocente de votre p a rt,
il réfultât des fruits qui auroie^t augmenté l’horreur de votre
fituation en la partageant : c’eit à moi feule qu’elle a fait ce
cher & douloureux préfent:. Si vous avez des titres contremoi , vous n’en avez point contre ma fille ; je lui ai donné
mon la it, je lui donnerois ma vie ; c’eft pour elle feule que je
vais combattre. O n fe prive d’un m ari, mais 011 ne fe paffe
point d’un pere ; & le nom du iien , tout fouillé qu’il e i l , eil
encore le feul héritage que je puiffe biffer à ma màlheureufe
enfant.
Signé 3 M
arthe
C amp
de
Bombelles.
C O N S UL T A T I O N .
I L j E Souffigné, confulté par la premiere époufe de M . d e
B om belles, & preffé de s’expliquer fur les efpérances qu’elle
peut concevoir de l’a&ion qu’elle va intenter en Juftice réglée
pour conferver l’état de fa fille , trouve la queftion aufîi déli
cate que la fituation de celle qui la propofe. Jamais peut-être'
on n a fenti plus vivement l’embarras dans lequel la confufioix
de nos L o ix , & fouvent leur contradiftion , foit entre elles,,
f *
°it avec nos mœurs & nos ufages jettent les Jurifconlültes.
>
n ait
Premier c oup-d’œ i l , il femble que M . de Bombel les
rien à redouter que de fon propre cœur* Il a feduit
�i6
une jeune p erfo n n e;il s’eit joué des cérémonies d’une Reli
gion méconnue dans le R oyau m e; il a porté dans une famille
.honnête, fous les apparences les plus propres à en im p ofer,
le trouble , la honte & le défefpoir. S’il a la trille fermeté de
s’accufer lui-même d’un libertinage auiTi outré ; s’il ne fent
point de répugnance à foutenir que fes liens ne devoient pas
avoir plus de durée que fes*caprices; s’il eil capable de voir
paifiblement fon propre fang avili fans reffource, ôz l’infamie
de la mere qu’il a trompée rejaillir fur fa fille qu’il facrifie ;
s’il peut fupporter fans émotion l’affreufe idée qu’un être, qui
doit l’exiftence à fes plaifirs maudira tous les jours de fa vie
l’inftant où lui-même eit devenu heureux par un crime; il enfin
il fe réfoud à fe prévaloir de l’erreur ou de la lettre d’une L o i,
& qu’il fe croie juitifié à fes propres yeux , parce que la Juft ic e , enchaînée par une force fupérieure, ne l’aura point puni,
on eft d’abord tenté de croire que Madame de Bombelles
auroit à craindre d’échouer dans fes réclamations;,fon féduc^
teur pourroit les éluder fans encourir d’autre peine que l’in
dignation publique./Il feroit dans le cas de ces banqueroutiers
m itigés, qui forcent la porte de leurs prifons par une ceiïion
de biens, 6c qui croient avoir toutfauvé quand ils n’ont perdu
que l’honneur.
M a is, d’un autre côté , fi l’on fait attention aux circonftances fingulieres de fon m ariage, aux aftes qui le légitiment,
au déguifement fcandaleux qui en a empêché la publication
légale ,aux approbations poftérieures & réitérées qu’il y a don
nées , à la bonne foi de la femme & de fes pareils, à la naiffance de l’enfant ; fi l’on confidere qu’il s’agit moins ici de l’état
de l’une & de l’autre que de celui d’une portion confidérable
(le nos compatriotes ; fi l’on penfc que leur dégradation , irré
vocablem ent
�17
vocablem ent confirm ée, entraîneroit peut-être la ruine d’une
infinité de familles u tiles, qui n’ont point cl autre garant de
leur repos que ces mêmes aiïurances dont Mademoifelle Cam p
s’eil contentée ; fi l’on ofe même fe permettre d’interroger la
L o i , & q u e , fans s’arrêter au texte, aifez éclairci par la con
duite du G ou vern em en t, on cherch e, fous la dureté de fes
expreflions, lefeulfens que la Vaifon , l’humanité, la politique
éclairée peuvent adopter : alors la Caufe de Madame de Bom belles deviendra plus favorable. O n verra que ce n’eft pas feu
lement à la compaffion des âmes fenfibles qu’elle a droit de pré
tendre, & qu el’efpoir ne lui eil pas plus interdit que la plainte.
O n ne fe propofe point ici de prévenir l’infiruftion juri
dique , ni d’entrer dans des détails réfervés pour une difcuffion approfondie ; on ne fe permettra que quelques obfervations préliminaires, qui peuvent motiver la confiance de la
D am e de Bombelles.
L e principal vice apparent de fon mariage , & même le feul,
c’eft l’omiffion du Curé. T o u t ce qui peut d’ailleurs rendre
valide un a&e de cette nature , s’y tro u ve': confcntement des
Parties , approbation des parens , contrat rédigé par un O ffi
cier public , ratification pofiérieure , confommation en tout
fen s, rien n’y m an que, fi ce n’eil cette préfence du témoin
réputé néceiTaire , ce concours du C h e f de la paroiffe , q u i,
fuivant la difcipline de l’Eglife fixée à T re n te , efi abfolument
indifpenfable.
Mais d’a b o rd , cette L oi qu’un Catholique ne pourrait pas
éluder, lie-t-elle irrévocablement des Proteftans ? Il faut les
plaindre fans doute de leur obftination à rejetter les principes
Concile ; mais peut-on les forcer de prendre pour réglé de
eur conduite une autorité qu’ils ont le malheur de méconC
�noitrc ? Les unions entre les Juifs font confacrées & main
tenues par notre Jurifprudence. L e célébré Arrêt rendu de
nos jours contre Borach Lévi, eftu n monument indeftruttible
du refpeft de nos Tribunaux pour des liens formés hors de
notre Eglife. Borach s’étoit marié fuivant les Loix Judaïques»
Converti depuis , & abandonné par fa femme qu’un zele
religieux éloignoit de l u i , il avoit prétendu , d’après le texte
même de M o y fe , être en droit de lui fubftituer une compagne
plus docile. Cependant nous avons vu fon fyftême rejette &
profcrit, après l’inftrutlion la plus folemnelle. Son mariage a
été déclaré valid e, quoique célébré fans l’intervention d’un
Curé. N os freres Protellans n’auront-ils pas le même privilege
que les Hébreux nos ennemis ? Sera-t-il plus nuiiible pour les
uns de ne recevoir qu’une partie de nos dogmes , que pour les
autres de les déufter tous ?
Q u ’on y prenne gard e, aux yeux de la Juftice il n’y a point
d’autre différence-entre les Confiftoires & les Synagogues du
R oyaum e. Borach L é v i , né en A lfa c e , étoit fujet du R o i ,
comme peuvent l’être les parens de la D a m e de Bombelles ,
habitans du Q uercy. Si les Ordonnances qui ont ap p u yé,
confacré la difcipline des Peres affemhlés à Trente , n’ont pas
été cenfées s’étendre à un Juif de Strasbourg, peuvent-elles
affujettir des Proteftans de Montauban ?
O n dira peut-être : mais les Juifs ont chez nous une exis
tence légale , & les Proteftans n’en ont point. Les Loix
fuppofent la réforme éteinte, & tous les François Catholiques.
C e feroits’abufer foi-même & vouloir combattre l’évidence,
que de raifonner ainfi. Il eft prouvé par le fait, que le Proteftantifme n’eft pas détruit en France ; & par le droit, les in
fortunés que réd u cation , l’habitude , le défaut de lumieres
�*9
entretiennent dans lin fchifme funeile , font autorifés à rcfpirer l’air de leur patrie.
Il y a plus : l’Edit de 1685 leur enjoint pofitivement d’y
tefter •ju fq u ’à ce qu i l ait plu à D ieu de les éclairer. L e
Prince a donc pris par-là l’engagement de les to lérer, eux &
leur incrédulité ; il eft donc cenfé avoir prévu qu’ils uferoient
de cette prérogative , & que t^nt que la Providence n’o u vriroit pas leurs y e u x , ils continueraient à vivre fuivant les
règles convenables à leur aveuglement. Dès-lors toutes les
Loix faites pour aflimiler les nouveaux Convertis au refte des
Sujets C atholiques, ne comprend que ceux qui ayant eu le
bonheur de fe convaincre de la vérité , ont abjuré les erreurs
de leurs peres.Les Conftitutions eccléfiaftiques 8c les L o ix fé c u lieres, qui n’ont fait que les confirmer, ne peuvent donc jamais
etre oppofées aux autres. En perfiftant dans une croyance &
des pratiques profcrites par l’Eglife , ils expofent leur falut , &
fe rendent dignes de la pitié des ames pieufes ; mais ils 11e
peuvent compromettre ni leur é ta t , ni celui de leurs ènfani
aux yeux des Tribunaux (1).
C e principe e ft , fans contredit, applicable à l’efpece qua
l’on examine ici. La profcription apparente de la Religion ré
formée parmi n o u s, n’eft pas une raifon pour y déroger ; la
Politique, d’accord en cela avec le Catholicifm e épuré, laifle
aux Settateurs de ce culte une liberté dont ils ne peuvent plus
abufer ; elle les ignore & les protégé.
Si un zele outré a paru de nos jours même les expofer à
des vexations éclatantes , il en faut accufer une fatalité malheu•
V o y e z à cc lujct un petit é c r it , intitulé : Lonjultation jur l<i vdlïdïtt des md-
P ari1 <
^ S *>roteftans dt France. C e t ouvrage , fignè de deux A v o ca ts célèbres du
tt' Cnt ^ A ix , eft plein d’éloquence 8c de foUdité.
C ij
�F
10
reufe, plutôt qu’un p'rojet'réfléchi. Dans le cours ordinaire des
choies , les Tribunaux le font un devoir de compatir à leur
foliation : en général, tant qu’il y a une maniere de les trou
ver innocens, ils font afllirés de n’être point coupables.
O n peut juger de l’extrême indulgence du G ouvernem ent
pour eu x , de l’efprit de pacification avec lequel les traitent
les Miniftres qu’il honore de fa confiance,
les Chefs du
Clergé qu’on a tant accufés de leur conferver une haine
irréconciliable, d’après les deux certificats donnés à la Dam e
de Bombelles par M . l’Evêque de Montauban & par le C o m miffaire départi dans la Province ( i ) .
Ces deux pieces annoncent d’une p a rt, que les Proteftans
ne font pas vus comme des Sujets dangereux; de l’autre^ que
les mœurs de Madame de Bombelles ont toujours été refpecté e s, & lui ont valu l’eftime des perfonnes les plus faites pour
ne pas la donner légèrem ent; & en troifieme lieu, que fon.
mariage n’a été ni inconnu aux Chefs de la Hiérarchie eccléfiaftique & de la Police civile, ni défapprouvé par eux. C ette
circonftance eft très-remarquable.
L ’a v e u
fur-toutdu Magiftrat
qui appelle mariage cette u n io n , que tout M ontauban favoit
avoir été bénie au défert, fuivant l’expreiîion ufitée , eft de la
plus grande force. Les Proteftans, fans faire aujourd’h u i,
comme avant la révocation de l’Edit de N antes, un Corps
particulier dans l’E ta t, y ont donc cependant des droits, des
prérogatives, dont la condefcendance du Gouvernement les
laifle jouir. Celle de pouvoir contrafter des mariages valides,
fous l’atteftation de leurs feuls Pafteurs, eft une des principa
les, & c’eft celle que la Dam e de Bombelles révendiquev.
Inutilement objederoit-on que fon mari eft C atholique, &
( i ) V o y e z Pieces Juflifîcatives, N ° . II &
III.
�li
en cette qualité fournis au Concile de Trente. D ’abord on peut
demander fi, d’après fes procédés, fa Catholicité eit affez, épu
rée pour qu’il lui foit permis de s’en prévaloir. Cette Religion,
qui n’a point mis d’obitacle à fes dél'ordres, ne viendroit-elle
donc le favorifer que pour l’empêcher de les réparer?
. Mais d’ailleurs il pa'roît évident que la Dam e de Bombclles
& fa famille étoient dans la bonne foi. Il eft clair qu’en s’alliant
à ce gendre qui embraiToit les genoux de leur fille, en fe con
tentant avec lui des précautions qui auroient fuffi pour lier
irrévocablement un homme de leur croyance, malgré les iîgnes
extérieurs qui les avertiffoient de s’en défier, il faut qu’ils aient
cru avoir des fûretés capables de les tranquillifer.Et ces fûretés y
quelles pouvoient-elles être , finon la certitude de la foi du V i
comte de Bombelles ? Sur le moindre fo u p ço n , ils pouvoient
recourir à ces fubterfuges il faciles & fi communs , d’après lefquels on feroit excufable de croire que l’Eglife n’a en effet en
France que des enfans fournis , & qu’elle y compte autant de
Catholiques fideles,que nos Rois de Sujets. Ils ne l’ont pas fait;
ils n’ont donc pas çru en avoir befoin. Ils étoient donc intime
ment convaincus de l’adhéfion de M . de Bombelles à leurs
dogmes. S’il les a trom pés, à qui cette feinte peut-elle nuire ?
N ’eil-ce pas l’auteur de la fraude fe u l, qui doit en être puni ?
. N ’eil-ce pas là le cas d’appliquer ce principe, que quiconque
a contra&é fur la foi publique, a contra&é valablement ?
M . de Bombelles paffoit pour être Proteftant. Il affectoit d’en fuivre & d’en accomplir les pratiques. En fe mariant
avec une Proteftante, il a exigé qu’on fe bornât aux formalités
requifes dans cette Com m union. N ’en eil-ce pas affez pour ne
Pas fouffrir aujourd’hui qu’il s’en fépare, quand cette fépara-
tl° a coûte l’honneur à une fam ille, & l’état ù un enfant ? II
�21
eft le maître de retourner au giron de l’E glife, pour àffurer
fon falut : mais il ne l’eft pas de détruire par ce retour l’effet des
démarches qui lui ont donné une fille & une femme.
Cette exiftence d’un fruit né fur la foi d’une légitimité cer
taine , eft une confidération d’un grand poids : il feroit bien
dur de réduire au concubinage une union formée fous la ga
rantie des formalités les plus faintes ; mais il feroit affreux de
flétrir par la bâtardifeun enfant qui n’auroit jamais vu le jo u r,
fi l’on n’avoit pas cru fon état certain. C e feroit lui donner le
droit d’abhorrer à jamais la vertu qui auroit trompé fa m ere,
& juftifier peut-être fes préjugés contre une Religion qui au
roit confacré l’inhumanité de fon pere.
Sans fe livrer à cette idée attendriffante, que les Juges ne
doivent cependant pas entièrement écarter, il fuffit d’avoir
prouvé qu’il y a en effet un mariage bien réel entre le Sieur &
la D am e de Bombelles. Si l’on rapproche maintenant de ce
que l’on vient de dire les lettres du premier, que le Confeil
a fous les yeux ( i) ; fi l’on y joint un teftament olograp h e,
dépofé chez un N o ta ire , {igné à chaque page de la main de
M . de Bombelles, & dont le Confeil a également pris com m u
nication ( i) ; fi l’on fonge que pendant trois ans fes fœ u rs, fes
parens, fes amis , fes connoiffances, fes créanciers ont fu qu’il
étoit m arié; que to u s, à M ontauban, à L ille , à Paris, ont
regardé la D em oifelleCam p comme fa femme légitime, & l’ont
honorée ou pourfuivie en conféquence : on aura peine à con
cevoir comment il a pu autorifer de fa fignature un imprimé
où il menace d ’abandonner à leurs remords ceux qui oferont
affirmer qu’il eft marié à Montauban. Les remords font conve
nables fans doute iti ; mais à qui ?
( , ) V o y . Pieces J u ftificativcs, N \ I V .
(a ) lbid. N °. V*
�23
Si la Dam e de Bombelles eft effeftivement lepoufe légitime
du mari qui veut aujourd’hui la rejetter, il n’eft pas difficile
de fixer l’idée que l’on doit avoir du nœud qu’il a formé avec
la Demoifelle de Carvoiiin ; il faut bien que ce fécond ma
riage foit nul & abufif.
lia , on l’avoue ,une formalité de plus ; mais ce n’eft qu’une
faute de plus de la part de ]\^. de Bombelles. Enchaîné par
fes 'premiers lie n s, devoit-il les déguifer, les cacher aux
yeux de la femme qui confentoit à en partager avec lui de
nouveaux ?
Il eft vrai que dans ce cas la iituation de la Demoifelle de
Carvoifin fera trifte. O n fera d’autant plus porté à la plaindre,
que , de l’aveu de la D am e de Bombelles m êm e, elle a un
nom & des vertus. M a is, i°. il paroît que fon mariage eft
ftérile ; & quand il feroit également refpeSable aux yeux de
l’E glife, il l’eft infiniment moins à ceux de la fociété.
î°* Si elle a été tr o m p é e , il eft é v id e n t qu’elle a bien voulu
l’être. C ’eft de fon plein gré quelle s’eft unie à un homme
d éjà
marié. Elle
a
confenti
à
courir les rifques
de
cette
alliance
frauduleufe, d’une part ou de l ’autre. M . de Bom belles,
dans fon Mémoire à confu lter, déclare formellement * , que
dans l'intervalle de la fignature du contrat à la célébration
la
Demoifelle de Carvoifin apprit qu il étoit marié à Montauban ,
Q conféjuemment incapable de contracter une autre union. Sui
vant le même M ém o ire, ces notions fi précifes , fi conféquentes, n’étoient point parvenues à la D em oifelle de C ar
voifin par la voix publique, organe trompeur qui fe-prête
également au menfonge comme à la v é rité , & qui n’a fou-*
Vent d’éclat qu’en faveur du premier. C ’étoit une de fes parentcs ■
>qui les lui tranfmettoit.
* V o y . pag, 5.
�Si elle avoit voulu être inftruite , Sc ne courir aucun dan
ger, elle auroit remonté à la fource de ces imputations; elle
avoit un m oyen {impie de les éclaircir, c’étoit de faire pu
blier fes bans dans la V ille même qu’on, difoit avoir été le
théâtre, ou de la diffolution, ou des fermens réguliers du jeune
homme au fort duquel elle alloit lier le iien. Elle le devoit
même en tout état de caufe; il paroît que le domicile de M .
de Bombelles n’éroit pas encore changé , il n’en avoit point
d’autre aux yeux de la L o i,q u e la paroiffe fur laquelle il avoit
vécu à M ontauban. L a Demoifelle de Carvoifin étoit donc
o b ligée, pour fa fîireté, d’y faire publier des bans ; il n’y a
perfonne au monde qui fe fût difpenfé de cette précaution, &
cependant elle l’a négligée ; le certificat produit le démon
tre ( i) .
Elle ne peut donc s’en prendre qu’à elle-même il ces a v is,
trop méprifés, fe font trouvés des vérités ; cette omiffion v o
lontaire décele de fa part des vues fecrettes & une réfolution
décidée d’avoir M . de Bombelles , en bravant tous les périls
attachés à fa pofleilion,
' Par ces raifons, & beaucoup d’autres que la Dam e de Bom bèlles pourra déduire devant les Tribunaux, quand fa Caufe
y fera p ortée, le Confeil eiiime qu’elle peut fe flatter de réuflir.
Peut-être même le Légiilateur, inilruit , par la difcuifion de
cette Caufe , des abus quenéceflite la {ituation des Proteftans,
fe décidera-t-il à révoquer enfin publiquement une Loi ter( i ) A déclaré n’avoir proclamé les bans d ’un prétendu mariage à Paris, de M efiire de Bom belles , O fficier au Régim ent de P iém on t, dans fon Eglife paroiflialc da
Saint Jacques de M ontauban, ni dans aucune de fes deux annexes, ni n’a donn$
juicun ordre de les proclamer : & a fignù. A Montauban , ce 10 Septem bre 1 7 7 1 .
S jjyjé » I I v c a f o l , Chanoine S a crifie, C ure de Montauban.
rible
�M
tiblé'que lés circbriftances excufoient peut-être ôf-qui n’au^
roit pas dû leur furvivre : L oi inutile fi ôn né l’exécute pas i
.
& cruelle il on l’exécute : L o i q u i, dans ce dernier c a s, m o
tive une infinité de facrileges que l’on n’ofe punir : L oi qui
encourage à éluder des crimes de convention par des crimes
trop réels , & met la jouiffance des droits les plus doux de la
nature au prix de la plus lâche ^poftaiie.
-
•>
Délibère à Paris ce i z Novembre i j j i .
Signé
1
L
,
-
PIECES
I N G U E T.
-
JUSTIFICATIVES.
I.
Contrat de mariage.
L
’ A N mil fept cent foixante-fix, & le vingt-neuVÎeme jour du mois
de Janvier , après m i d i , dans la maifon du fieut M e r ig n a c , Négociant, 311
fauxbourg de Villebourbon-lès-M entauban , régnant Louis X V , pardevant nous Avocat au Parlement, Notaire royal de M onclar en Q u e r c y ,
fouiîigné, Sc en préfence des témoins fufnom m és, ont cté conltitués en
perfonnes Meflire Jean-Louis-Frederic-Charles de B om belles, Ecuyer,
C hevalier de l’Ordre royal militaire de Saint L a z a r e , Officier au R é g i
ment de Piém ont, infan terie, habitant de la ville de M on tau ban , paroiile
Saint Jacques, fils de feu Meffire François-Gabriel de Bombelles, Ecuyer,
Chevalier de l’Ordre militaire de Saint L o u is , ancien Capitaine au tneme
Régiment de P iém on t, infanterie, Sc de feue D am e M adam e JeanneCatherine de Z o lle s , d ’une part ; ôc D enldifelle M arthe C a m p , fille de
Pierre C a m p , B ourgeois, & de D em oifelle Marthe M e rig n a c , ma
riés , habitans dudit fauxbourg de Villcbourbon lcs-Montauban, paroiiTe
Saint A ran s, procédant du conferttement de M. ion pôre, ici pr^ferir,
^ autre part j lefcjuelles Parties, de leur bon g r c f o u s réciproque ftipulaD
1
�i6
tion & acceptation , ont convenu qu ’entre ledit Meflîre de Bombelles &
ladite D em oifelle C a m p , il fera fait & accompli m a r i a g e .........................
en faveur duquel ledit M. Camp a donne & conftitué à la Demoifelle
Cam p fa fille, future époufe, &■celle-ci audit Meflîre de Bombelles, fon
futur é p o u x , la fomme de 8000 livres, tant de fon ch e f propre, que de
celui de ladite Demoifelle de Mcrignac fon époufe, laquelle dite fomme
de 8000 livres ledit fieur Cam p promet & s’oblige de payer audit Meflîre
de Bombelles; favo ir, 6000 livres à la célébration dudit mariage , & les
autres 1000 livres ne feront exigibles &c payables qu ’après le décès tant
dudit M. C a m p , que de laditeDemoifelle M erignac, fans intérêts, atten
du qu’il fe réferve Pufufruit & jouiflance de cette derniere fomme de
z o o o livres pendant la vie de l’un & de l’autre, avec convention que ledit
Meflîre de Bombelles reconnoîtra la fufdite conftitution à mefure qu’il la
rece vra, fur tous fes biens préfens & à v e n ir , & fur les plus clairs effets,
afin qu’en cas de prédécès de fa part fans en fans dudit m ariage, le tout
faffe retour à ladite D em oifelle fuxiire é p o u fe , avec Paugment en pro
priété , qui eft moitié moins de ladite dot : le tout conformément aux U s
& Coutumes de la préfente ville de Montauban........................ ...
Fait en préfence de M. Sidrac N oailh ac, Bourgeois, & de M. Bernard
C a u fte , N ég o cia n t, habitans de cette V i l l e , fignés avec les Parties
6c
nous , Bombelles , Marthe Cam p, Pierre C a m p , No a i l ha c ainé , B. Caufte»
C a m b o m , Notaire royal. Signés à l’original, lequel eft contrôlé & infiinûé à Monclar le 7 Février 1 7 6 6 , par la C o f t e , C o m m is , qui a reçu
en tout 170 livres 10 fols. Expédie par nous Jean-Jofeph la C o ft e , N o
taire royal de M onclar, fouilign é, fucceiTeur & détenteur des minutes
2c
Office dudit feu Me Cambon. En foi de q u o i , & c.
II.
Certificat de M . l’Evêque de Montauban.
N ous,
F r a n ç o is -V iç to r
le
T o n ellier.
de
B re te u il
, par la mi*
féricorde de D ie u & l’autorité du Saint-Siege apoftolique, Evêque & Sei
gneur de M o n ta u b a n , Confeillçr du R o i en rôus fes C o n feils, à tous
�17
ceux qui liront ces préfentes, falut & bénédiction. Nous certifions à qui
il appartiendra, d ’après les inftrudtions que Nous avons prifes fur la con
duite de D em oifelle C a m p , qu’elle a toujours j o u i , en qualité de fille 3
d ’une bonne réputation j que depuis environ 1 7 66 elle a été Reconnue pour
Vépoufe de M . de B o m b e lle s & qu’elle a mérité l ’eftime du Public. C ’eft
pourquoi Nous lui avons fait expédier le préfent certificat, pour lui fervir
de certificat par-tout où bcfoin fera. D onné à Montauban le 7 O & o b re
17 7 1 , fous notre f e in g , le fceau <e nos arm es, Sc le contre-feing de
notre Secretaire. S i g n é L. T . de B r e t e u i l , Evêque de M on tau ban ;
E t plus basj par M o n fe ig n e u r , R o u e r e ., Prêtre,
. .
•
i
■
':
III.
r
Certificat de M . l’ intendant de Montauban.
.
' " ‘ ■
' ' iJ
Alexis-François-Jofeph de G o u rgu e , Chevalier ,-Confeillet du R o i en
fes C o n fe ils , Maître des Requêtes ordinaire de f o n :H ô t e l , Intendant de
Juftice, Police & Finance en la Généralité de M on ta u b a n , certifions à
qui il appartiendra , que Dem oifelle Marthe Cam p , habitante de M o n
tauban , & connue fous le nom de D am e de Bombelles depuis, l’année
1766 , a toujours eu , avant & depuis fo n mariage une conduite irrépro
chable, qui lui a mérité l’eftime du Public. En foi de quoi nous lui avons
fait expédier le préfent certificat , pour lui fervir en cas de befoin. Fait à
Montauban le 9 O & o b re 1 7 7 1 . Signé j D e G
1 V
ourgue.
'
E xtrait des lettres de M . de Bombelles à f a femme.
A dieu, chere ¿poufe_, je t’embraiTe un million de fois. D e Limoges} du
1 4 A vril 1 7 66.
Je ne ceiïe de pleurer comme un enfant, depuis que je me vois éloigne
de ma chere êpoufe , q u e 1j ’adore. D ’ O rléans, du zo A vril 1 7 66.
W
Sois convaincue du plus tendre amour qu’a pour toi ton cher & tendre
, 4 A vril , 7 S 7 .
U1age ta fan té, je t’en fupplie, ma chere 5c tendre amie. Ne ncP»s de me circonftancier'l’ctat ou tu te trouves. T a groiIeiTc eftU ij
�¿S
elle heureufe. T e s maux d ’eft'omac ont-ils un peù'diminué; . . '. . v .
Crois moi pour la vie,avec les fentimens que tu mérites, ton tendre
oux..
D i V"tcr\ou, du 19 A vril 1767.
A d i e u , ma chere amié.-Je t’ehibraiTe un million de fo is , & fuis, avëc
ta. pKiv.rendre amitié , le plus fixielle des> ¿y o u x, petite coquine q,ue tu es..
D e L ille ,• du jcr A v r il 17 6 7 . ' '•
t
N e penfe pas qu’un garçon doive me fiuisfaire plus qu’une fille. Neyient-iî pas de toii^Voilà la feule raifonqm me le rend cher.Tranquillifetoi d,u.côté.de ma fœur ainée. Je vois d ’où part la raifon qui l’a empêchée,
de t’aller voir. Mademoifelle C
fille de M . D . . » . . ; en.ëft caufe..
C ’eft fûrement elle qui lui aura fait un fantôme de l ’humeur de Madame
Hennet ; m ais, pour calmer toutes tes appréhenfions à cet é g a r d , voici
ce que je viens de faire aujourd’hui : j ’ai écrit à ma fœur pour l ’engager
à t’aller voir. J ’ai mis dans fa lettre une à l’adreiïe de Madame de C . . . ^
& je la prie de la lui faire remettre; & je prie cette derniere d’en re
mettre une autre, qui eft dans la fienne * a M adame de L . ;
, que je
prie bien inftamment d ’adoucir M adam e Hennet., & de lui dire, la chofe
tout au long. Je ne doute pas un inftant que ce ne foit là la meilleure
façon de prévenir ma tante. M a lettre à Madame L . —
. eft des plus
touchantes,: & affurément elle ne fe refufera pas à cette grâce ; ainfi j ’efpereque tu en reiTentiras les effets dans peu. Je fuis b i en - a i fe de te prévenir
cependant, qu'au cas que ma fœur te voie , ou M adam e Hennet , de ne
leur pas dire que ton pere ne t’a donné que 8000 livres : je la connois,.
& ce feroit une raifon qui peut-être l e lo ig n e r o it , &
qui l’empêcheroic
de donner le fien en cas de mort ; ainfi il faudra grolîir de beaucoup-
1 objet , ôc ‘lui faire parade de groHes efpérances de tes parens. Puifquc
c’eft à ce prix là que nous devons avoir la tranquillité , il ne. faut point
négliger les moyens qui«y conduifent. Ne néglige pas Madame de C . . .
parce que par fon canal tu pourras devenir bonne amie de Madame de
L . . . . , & pour lors tu n’aurais pas de grands efforts à faire pour être
bien avec ma tante.
,
C . . . . , N . . . . & la C . . . .
te font les a(Turances les plus vives
tic leurs refpeéts. Peut-être fi j e n’ Jcois ton m ari, ils me c h a rg e a ie n t de
toute autre chofe. D e L ille , du z i Mai 1767-
�¿9
j- L e rems eft un bon m aître, ma chere amie. J ’augure on ne peut m ieu x
des bontés de Madame de L . . . . : elle feule eft capable de faire parler
l ’humanité. L e pathétique de fes difcoucs. donneioit une aine & un cœur
au marbre■
, &c défarmeroit un Arabe , à plus forte raifon Madame Henner,
qui m ’aime , & dont le cœur eft ouvert aux cris des malheureux j M a
dame de C . . . . , qui a bien voulu me feconder dans un projet qui pac
les fuites, j ’efpere, te donnera toute la tranquillité que je deûre.............
D e L ille 3 du 2.7 Juin 1767.. .
^
Q ue je fuis heureux, ma chere a m ie , d ’apprendre que m viens de'
donner le jour à une petite fille qui fera le bonheur de ma vie : elle te
reflemble aiïurém ent, c’eft tout ce que je defirois. M a coufine B . . . . ne
favoit trop comment me l’annoncer j elle fembloit craindre qu ’ une fillen ’eut quelque chofe d’al ar ni ant . . . . . . Ma fanté délabrée depuis longte m s , éprouve aujourd'hui que le meilleur remede eft la douce fatisfaction d’apprendre que ma tendre époufe fe porte b ie n , 8c qu’elle me donne
une fécondé elle-m êm e. Je fuis d’une gaieté inconcevable } ton état & tes
heureufes couches y ont la plus grande part. T o u s les Officiers du R é g i
ment te font mille co m p lim ens, fur-tout C . . . . , N . . . . & la C . . . . .
qui t’aiment autant que m oi. A d i e u , ma chere amie ; recommande à I».
petite detre bien f a g e , & d’avoir le cara&ere aufli doux que fa chere
2c
tendre mere. Embralïc la un million de fois de la part de celui que tu
crois être fon pere. Engage la à le bien aim e r; il ne lui fera pas difficile
de fuivre ton exemple.........................J ’ai eu la vifue de plufieurs de mes
camarades 5 dans le nombre il y en a trois qui font m a r i é s q u i ont reçu
aujourd’hui la nouvelle des couches de leurs femmes j il femble que nousnous foyions donné le m o t , car elles ont toutes fait des filles.
.
.
Je leur difpute à tous le plaific qu’ils reiTentent, parce que je crois qu’au
cun dveux ne doit aimer autant leur femme que m o i , parce que la m ienne
eft la plus aimable de toutes. J ’oubliois, de te faire part que notre ami
C . . . . veut être ton gendre, ainli garde lui bien fa petite femme. De.
"Lillej du 7 Septembre 1767.
T u me fais toujours des reproches, ma chere amie... Connois m ieu *
kntimens pour t o i,
8c
rends juftice à leur Habilité ^ crois que difïi-
ei*ient l’on fe détacheroic d ’un objet comme toi. Je n’avois pas befoi«i;
�}°
de la douce fatisfaftion d ’être pere, & de ce refpe&able titre, pour t’aimer
avec plus d ’ardeur. Mes fentimens pour toi font à l’abri des révolutions
du teins, ils ne fauroient s’altérer.........................Je vois avec chagrin que
tu foufFres beaucoup en nourriffant........................ Confidere • que tu n ’es
pas ta maitrefle en pareille circonftance, & que tes jours font égalemeut
précieux à ta chere fille comme à ton tendre époux.
.
.
. J ’ai defiré
toujours que les couches fuiTent heureufes pour ma tendre èpoufe..............
M a chere a m i e , ne doute plus de ma tendrefTe pour toi j elle eft trop
légitim e, pour que je ne defife fincérement de t’en c o n v a i n c r e ................
M a fageiTe & ma fidélité me placeront comme l ’exemple des maris. Q uand
on a une femme telle que t o i , l ’on n ’a pas grand mérite à réferver tout
pour eile. C . . . . , qui n ’eft point prelïe de rompre le célibat, attendra
que la virginité de la petite foit à maturité , ainfi il t’en rend refponfable. Fais enforte de la lui confcrver. Il fe réjouit d ’avance du plaifir
q u ’il aura de cueillir le jour des noces ce fruit fi rare dans le fiecle où
nous Tommes, & qui rarement fe croque dans le lit nuptial ; mais il efpere que la petite fuivra l ’exemple de fa m e te .D e Lille 3 du 27 Septembre
1 7 ^ 7*
L e Monfieur que vous citez comme ayant porté obftade aux nouveaux
liens que je devois former , n ’exifte que dans l ’imagination des auteurs
de cette impofture. M es démarches auprès de mes parcns, pour donner
quelqu’authenticité a cf vx que j ’ ai formés avec voiiSj dctruifent ce pré
rendu f a i t .......... Je ne dois qu’à vous, M a d a m e, pour votre tranquillité
( s ’il.eft vrai que vous puilliez l’être ) la certitude q ue , f i vous n’ avie^que
ma fim plc parole pour l’ inviolabilité de mon ferment 3 ce contrat ferait
auffi fa c ti que celui qui eft une preuve incontejlakle des droits que vous aure\ fu r moi, tant qu’ il circulera une goutte de fa n g dans mes veines. D u 3
M ars 1769.
L e voile dumyftere m ’a offert à tes yeux comme un crim inel, qui tramoit fourdement des moyens de rompre des liens qui n’ont befoin d’autre
garant que le J/tiic précieux que tu as porté dans ton fein. Rend-m oi plus
de juftice; & n ’imagine point qu ’une paillon brutale ait pu allumer le'
flambeau du tendre amour (qui embrafera toujours mon ame. Lettre du
Mars 1770.
�31
V.
Tejlament de M . de Bombe lies.
A u nom de D i e u , & c . Nous fouifignés, Meilire Jean-Louis-FrcdericCharles de Bombelles, Clievalier de l’O rdre r o y a l, & c . fils de feu Meilire
François-Gabriel de Bombelles, C hevalier de S. L o u i s , &
de D am e
Jea nne-Catherine de Z olle s, mari<^ , habicans de Monrauban , étant
en bonne fa n tc , & en tous mes bons fe n s } confidéranc la fragilité de
cette v i e , & l’incertitude de l’heure de la m o rt, ai difpofé de mes biens
par mon préfent teftament, que j ’ ai écrit moi-même en la forme fuivante.
En premier lie u , je prie D ie u de me pardonner mes péchés, &c de rece
voir mon ame en Paradis ; voulant qu’après mon d é c è s , mon corps foie
enleveli avec tels honneurs funebres qu’il plaira à mon héritier, bas nom
me ; & quant à mes biens ; je donne à Marthe Camp, ma chere époufe} la
jouiffance, pendant fa vie , de mes entiers biens & hérédité, à la charge
par elle d ’en acquitter les charges annuelles, y faire faire les réparations
neceiTaires, & de nourrir & entretenir dans fa m aifon, à fon pot au feu ,
fes enfans qui feront provenus de notre mariage, jufqu’à ce q.
■i®""
accompli leur vingt-cmquieme année, ou qu ’ils viennent à fe m arier; a,,
moyen de quoi je veux que madite époufe ne puilTe être obligée de rendre
aucun compte de fes jouiiTances ; & en cas que le compte lui en feroit de
mandé , je lui donne &
legue le reliquat, & conftitue en ce mon hcriticre
particulière, 5c en tons & chacuns mes biens meubles & im m eub les, n o m s ,
v o i e s , droits, raifons & actions préfens & à venir. Je nomme
8c
inftitue
pour mes héritiers univerfels & généraux, les pofthume & pofthumes
dont ladite D am e mon époufe pourroit être ou devenir enceinte , venant
en lumiere de notre mariage, pour par eux en jouir après mon décès &
après le dcces de mon é p o u fe, ôc en faire & difpofer à leur plaiiir £c vo
tante , en payant mes dettes : & en cas où je décéderois fans enfans ou
Püfthumes, audit cas je nomme & inftitue mon héritière univerfelle
8c.
. ncra' f > ladite D am e Marthe Camp., ma chere époufe} pour par elle en
r > f^ire & difpofer de mes biens
2c
hérédité, après mon décès, à
(lrs & volontés, en payant mes dettes. Er, en cette form e, j ’ai i-*ic
on pccffcin teftament, voulant qu’ il vaille comme teftament ou comme
�31
codicille donation , & difpofition à caufe de m o rt, & en la meilleure
forme que de droit pourra valoir ; révoquant tous les autres teftamens &
difpofitions de derniere volonté que je puis avoir fait: voulant que le prefent foit le feul valable. Et après l’avoir lu & r e lu , & trouve conforme
à ma v o lo n té , je l’ai figné à la fin d’ic e lu i, & au bas des autres pages. A,
M on tau ban, ce 5 A v r il 1766. Sig n é, B o m b e lle s .
-MF.
L
I N
G U
E T ,
Av oc at .
d E l'im prim erie de L . C E L L O T , rue D auphin e, 177 1
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum.Camp, Marthe. 1771]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marthe Camp de Bombelles
Linguet
Subject
The topic of the resource
diffusion du factum
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
protestants
vices de forme
actes de mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, pour Dame Marthe Camp, Vicomtesse de Bombelles.
Contrat de mariage
testament.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1771
1766-1771
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0803
BCU_Factums_G0804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53050/BCU_Factums_G0801.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de mariage
diffusion du factum
Protestants
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53051/BCU_Factums_G0802.pdf
2f76af161aa5e952db7b61cfad8f8451
PDF Text
Text
P L A ID O Y E R
P O U R Demoifelle A n t o i n e t t e - L o
l iq u e
-C
h a r l o t t e
fous l'autorité d'A
ad hoc.
B
d e
n t o in e
u is e
M
a u g is
,
-
n g e
procédant
,
o m b e l l e s
-A
on Tuteur
f
A*/
CONTRE
-
C h a r l e s
F r é d é r ic
Vicomte
d e
D2>
B O M B E L L E S ;
E T Demoifelle M
E n
T
Jc< -O
a r ie
-F
r a n ç o ise d e
prèfence de Demoifelle
E
M
a r t h e
C
C
a r v o is i n
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DE BOMBELLES,
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E S S I E U R S ,
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cro iro is m a n q u e r à m a C a u fe , & p lu s e n c o r e p e u t - e tre
^à vous même f i p o u r l ' é t a b l i r , j ’c m p l o y o is ici à m o in d re
a r t e l l e e f t bien f o n d é e , & v o u s ê t e s f e n f i b l e s : n o u s avo n s
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it»,.)
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Vicom-
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f o t , **»
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pour nous la Nature & les Loix. Q u ’ai-je donc k faire, fïnorc
de juitifier les prérogatives de l’une par les difpofitions des
autres , & de prouver que , quand la premierc nous appelle r
les fecondesvous invitent à nous accueillir?
Vous voyez devant vous une enfant dévouée,dès l’âge le
plus tendre, aux plus cruelles traverfes;
une enfant aban
donnée d’un père qui femble ne la reconncître que pour la
couvrir d’ignominie; une enfant qui n’a eu jufqu’k ce moment
pour reiTource que les pleurs d’une mere condamnée à parta
ger fon opprobre par l’époux qui l’a féduite.D 'une part, elle réclamé un état, fous la promeiTc duquel
elle a reçu la nailTance. D e l’autre, elle attaque un engage
ment poiléricur qui le détruit. Elle demande l’honneur pour
fa m ere, l’exiftence pour elle-m êm e, 6c le moyen du repentir
pour un pere imprudent, qui gémit fans doute de s’être ôté
le pouvoirdelafeconder,qui rougit de l’humiliation h laquelle
fon fan geil réduit, q u i, s’il conferve encore quelques fentimens de délicatcfle & d’hum anité, s’il n’eft ennemi de fa gloire
autan: que de fon bonheur, fait au fond de fon amc des vœux
peur notre fucccs.
Q ue cette façon de penfer doit être douce & facile pour
lui ! Nous avons du moins écarté, de notre part, tout ce qui
pouvoir y faire obilaclc. Vous entendre/ k quoi fe bornera f i
véritable époufe, & dans quelles fortes de conclurions elle fe
renfermera. Cruellement outragée, cxcuiable iï elle cherchoit
la vengeance plus qu’une réparation ; autorifée à pourfuivre le
châtiment d’un délit, dont elle a été l’o b jet, 6c jufqu’ici la
vi& im e, elle fe tait: c’efl dans les foiblcs mains de fa fille
qu’elle remet fa défend*. Elle oubliera tout ce qu’a fo u flcrclcp o u fe, il la mere cil une fois fatisfaitc.
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3
Le V icom te de Bom bcllcs pourroit-il Te diflimuler com
bien cft avantageux pour lui l’aipeét fous leqiiel cette Caufc
fe préfente? Les' deux Adverfaires qu’il force aujourd’hui u
l’attaquer, doivent fans doute lui être également chercs ; mais
il fentira fans doute auili quelles ne font pas également redou
tables. Il n’y a point de reproches que la femme ne fût en
droit de lui faire, & il y en a peu que fa fille ne foit obligée de
iupprimer. L ’une auroit le privilège de lui demander compte
prefque de toutes fcs penfées ; l’autre ne fe permettra d’exami
ner qu’une feule de fes a&ions : la première pourrait, fans en
courir de blâm e, devenir une ennemie inflexiblement acharnée
à fa perte, & regarder comme un triomphe, ou du moins
comme une indemnité pour elle , & l’inftruition qui porteroit
Je flambeau fur toute la vie de fon fédu&eur, & le Jugement
qui le condamnerait à une peine infamante ; la fécondé , intéreflee a la gloire de fon propre nom , cil bien loin de chercher
ù le flétrir ; elle n’attaque une fois celui à qui elle le doit, que
pour le refpeiler toujours. Elle détefteroit fa vi£toire, s'il falloit qu’elle coûtât l’honneur à l’auteur de fa vie.
V oyez donc, M e s s i e u r s , de combien de refTourccr» nous
prive ce nouveau plan de défenfe, <k quels avantages il laiiïe
au V icom te de Bombcllcs. Il ne nous obligera pas fans doute à
le changer : vos cœ urs, & le fien peut-être, nous dédomma
geront de ce facrificc. En fongeant à ce que nous n’aurons
pas dit, vous penferez à ce que nous aurions pu dire ; <5: luimême , en combinant les armes dont nous aurions eu droit
de nous fervir, avec celles dont nous allons faire ufage, fc dé
fendra difficilement de quelques retours amers fur fcs egarcmens pafles : il reconnoîtra une fille à la crainte rcfpe£tucufe
qu’elle aura de rendre fon perc méconnoiflâble.
A ij
�4
L a validité du fécond mariage contra&é par ce pere aveugle,
eil l’objet de cette Audience. Nous demandons qu’il foit dé
claré abufif. A vons - nous qualité pour hafarder cette entreprife ? Avons-nous un intérêt prenant à en pourfuivre la réuflïte ? C ’eft ce que je vais, M e s s i e u r s , examiner d’abord. C e
fera le fujet de la premiere partie de notre défenfc.
Après avoir prouvé qu’Antoinette de Bombelles réunit en'
fa faveur ces deux fortes de droits, je difeuterai ce fécond ma
riage, contre lequel nous follicitons votre rigueur"; je cher
cherai s’il peut fe foutenir devant la Loi ; ôc ii ce lien que la?
Nature a réprouvé en refufant d’y attacher la' plus, douce récompenfc , le fruit le plus précieux du mariage, la fécondité r
doit être plus ménagé par les Tribunaux..
Dans le cours de cette difcuilion , comme nous- avons ici
deux femmes qui revendiquent chacune de leur coté un titre,
ex clu fif, comme c’eit de votre A rrêt feul qu’elles peuvent au
jourd’hui tenir une dénomination qui n’admet point de par
tage , je ne donnerai ni à l’une ni à l’autre ce titre qui fait
l ’objet de leurs vœux. A fin de prévenir toute équivoque , je les
défignerai Amplement par les noms qu’elles portoient avant
cette union funefte qui les a rendues toutes deux malheureufes..
La fille au contraire n’a- point de rivale; c’e ftla feule à qui
j appliquerai, dès à préfent, le nom de fon pere.
Je dis , M
essieurs
, qu’A ntoinette de Bombelles , née le
A oû t 17 6 7 , & baptifée le 30 du même mois dans KEglifc Paroliliale de Saint Sauveur & Saint Roch de Bioulle prbs
Mon
tauban , a quilité pour interjetter appel comme d’abus du fé
cond mari-ge du Vicom te de Bombelles. Pour cela , il fuffit
�&
1
qu’elle Toit conflâmment née de l u i, & d’un mariage préexis
tant, aux d roits, à la légitim ité duquel préjudicieroit celui
qu’elle attaque. Sur le premier p o in t, il n’y a , il ne fauroit y
avoir aucune difficulté.
'
Antoinette de Bombelles eft incontefinblement fille du "Vi
comte: il l’a avoué lui-même , & depuis le commencement duProcès. Dans des conclufions fignifiées le 5 Mars de cette an
née, il déclare qu’il a toujours reconnu pour fa fille AntoinetteLou'ife - Ange leque - Charlotte , nie de la Demoifelle Marthe
Camp. Il va jufqu’à. énoncer qu’i/ entendfupplier le R o i de la
légitimer parfes Lettres. Il demande même que cette enfant
fo it enlevée à fa mere, dont elle eft Punique confolation. I l
veut qu?à l’âge de quatre ans elle foit rémife dans un Couvent Y
aux offres qu’il fait d'en payer la penfion.
Ces offres illufoires, ces concluions déplacées dans leur:
énicmble & cruelles dans leurs détails , exiftent. I l en refaite,,
fans aucune efpece d’ambiguïté , que l’enfant eft bien née de
lui & de laDem oifelIe Marthe Camp: Mais à quel titre ?
Il aiîcclc , en- la rcconnoifTant ,• de joindre au nom-honora
ble de fille , une épithete faite pour ne pas déshonorer, &
laquelle l’ufage attache cependant un fans ignom inieux, celle
de fille naturelle. Q ir entend-il par li*?-Veut-il dire que cettcs
enfant foit une de ces produirions du libertinage & de la fo ibleiFe,- auxquelles la L oi refuie un rang cîanvla fociété, &c qu’elle
punit des égaremens de leurs auteurs ? Il veut la faire légiti
mer ! La rcgardc-t-il donc comme le fruit drune cùnjonéliôn
illégitime,' &: clVcrchc-r-il, par fadoucifllm cnt qu’il pvopofé'
en faveur de la' fri le, k-diminuer l’infulte qu!il ne craint pas de
faire a la mere ?
N on , M e s s i e u r s , ce ne peut p:.s être la fun dcflliii : ce
�G
n’e il pas là le fcns dans lequel il entend le m ot de fille natu
relle : ou il a donc bien changé de langage & de fentimens. I l
a donc oublié ce contrat figné de l u i , drefîe par un Officier
public , muni des noms des témoins appellés pour certifier &c
confolider des droits qui faifoient alors Ton bonheur! I l a donc
oublié ce teftam ent écrit tout entier de fa main , dans lequel il
confirm e l’engagem ent ftipulé par le contrat, &aiTure non-feu
lem ent à cette époufe qu’il dédaigne aujourd’hui , mais aux
enfans qui naîtront d’e lle , tous les droits héréditaires qu’il pou»
vo it tranfm ettre par fa volon té! I l a donc oublié cette fou le
de lettres qui d é p o fe n t& d e la réalité des liens dont il s’étoit
chargé , & de la fatisfa&ion avec laquelle il les p o r to it, & de
la félicité qu’il attachoit à la naiiTance de cette même enfant
à qui il re fu fe , non plus des droits pécuniaires dont elle eil peu
jalo u fe, mais un nom , un titre, un é ta t, dont rien ne pourroit la dédom m ager s’il fa llo it qu’elle le perdît !
C es pieces font précieufes, M sssie t jr s ; il faut les rem ettre
fous vos yeu x: elles font un des principaux foutiens de la C aufe,
& ne feront pas le m oindre fujet d’étonnem ent des perfonnes
qui voudront comparer ces expreffions anciennes du cœur du
V ic o m te de Bom bellcs , avec les démarches a&uelles qu’un
autre intérêt lui fait hafarder en ce m om ent ( i) .
Contrat de mariage.
» L ’an mil fept cent foixante-fix >& le vingt-ncuviem c jour
)) du mois de Janvier , après m id i, dans la maifon du fieur
( i ) C es Pieces ont déjà etc imprimées à la fuite d’un M ém oire à confulter, pu
blié vers la fin de l’année derniere par la mere de l’enfant qui réclame ici fon ¿fat j
les originaux font fous les y e u x de M , l’A v o cat G énéral.
�s-) Merignac , N égocian t, au fauxbourg de Villebourbon-lfc33 Montauban , régnant Louis X V , pardevant nous A vocat au
33 Parlement, Notaire royal de Monclar en Q u e rc y , fouffigné,
33 & en préfence des témoins bafnom inés, ont été conilitués en
v pcrfonnesMeilire Tean-Louis-Frederic-Charles de Bombelles,
35 Ecuyer, Chevalier de l’Ordre R oyal & Militaire de Saint
5) L azare, d’une part ; & Dem oifelle Marthe C a m p , fille de
5J M. Pierre Camp , Bourgeois, 6c de Dem oifelle Marthe Meri-
J jg n a c, mariés, habitans dudit fauxbourg de Villcbourbon35 lès-Montauban , ParoiiTe Saint A ra n s, procédant du confen33 tement de M. fon pere , ici prefen t, d’autre part ; lefquelles
33 Parties, de leur bon gré, fous réciproque Annulation & accep-
tatio n , ont convenu qu’entre ledit Melfire de Bombelles &
33 lad. D em oifelle C a m p , il fera fait & accompli m ariage, qui
33 fera célébré fuivant les Loix & formalités du Royaum e à la
3>premiere réquifîtion des Parties , en faveur duquel ledit M.
)3 Camp a donné «Scconflitué à la D em oifelle Camp fa fille , fu33 ture époufe, & celle-ci audit Meflïre de Bom belles,fon futur
33 époux, la fomme deSooo livres, tant de fon ch ef propre que
33 de celui de ladite Dem oifelle de Merignac fon époufe. . . .
33 Fait en préfence de M. Sidrac N oailh ac, B ou rgeois, & de
J3 M. Bernard Caufte , N é g o c ia n t, habitans de cette ville ,
>3 fignés avec les Parties & nous, Bombelles , Marthe Camp ,
33 Pierre C a m p , Noailhac aîn é, B. C a u fte, Cam bon , Notaire
33 royal. Signés à l’original , lequel cil contrôlé <Sc infinué à
>3 Monclar le y Février i y 66 , par la Coftc , Com mis , qui a
»3 reçu en tout 170 liv. 10 fols. Expédié par nous Jean-Jofepli
>3 la Coite , N otaire royal de M onclar , fouffigné, fucceiTeur
& détenteur des minutes & Office dudit feu M e Cajmbon«
y>
foi de q u o i & c >3.
�jB
Teftament de M . de Bombelles.
« A u nom de D ie u , & c . Nous fouffignés, M eiïïre JeaaLouis-Frédéric-Charles de Bom belles, Chevalier de l’Ordre
>5 Royal , & c. fils de feu Meiîire François-Gabriel de Bom belp le s , Chevalier de Saint Louis, & de Dan;e Jeanne-Catherine
» de Zolles, mariés , habitan? de Monta^ban , étant en bonne
v fantéôc en tous mpsbon§ fens; confidérantl? fragilité de cette
n viej & l’incertitude de l’heure de la m ort, çi difpofé de mes
» biens par mon préfent teftam ent, que j'a i écrit moi - mirve
» en la forme fuivante. En premier lieu , je prie D ieu de me
v pardonner mes pochés , & de recevpir mon ame en Paradis ;
» voulant qu’après mon décès, mon corps foit enfçvel; avec
s) tels honneurs funebres qu’il plaira à mon héritier bas nommé ;
V & quant à mes biens, je donne à Marihe Camp, ma cherc
v époufe y la jouiiTance , pendant fa viç , de mes entiers
» biens & hérédité , à la charge par elle d’erç acquitter les
p charges annuelles , y faire faire les réparations nécefTair
3j res , & de nourrir & entretenir dans fa maifon, à fon pot au
5? fe u , fes enfans qui feront provenus de notre mariage, jufv qu’à ce q.uils aient accompli leur vingt-cinquieme année, ou
» qu’ils viennent à fe marier ; au moyen de quoi je veux que
v madite époufe ne puiiîe être obligée de rendre ^ucun compte
p de fes jouiillmçes ^& en cas que le compte lui en jferoit dcT
>7 mandé, j.e lui donne & l,egue le reliquat, & conilitue en ce
p mon héritière particulière, & e n tous & chacun mes biens
p meubles & immeubles ? noms , yoies, droits , raifons & ac^
é tio n s , préiens & à venir. Je nomme & inilituc pour mes
» héritiers univerfels & généraux, les poithumc & pofthup/jes
p dont
�41
9
*» dont ladite Dame mon époufe pourroic être ou devenir en» ceinte, venant en lumière de notre mariage , pour par eux en
y jouir après mon décès, & après le décès de mon épouje , & en
» faire & difpofer à leur plaiiîr & v o lo n té, en payant mes dettes: 6c en cas où je décéderois fans enfans ou pofthumes ,
v audit cas je nomme & inftitue mon héritiere univerfellc &
» générale, ladite Dam e Marthe Camp, ma chere époufe, pour
» par elle en jouir, faire
difpofer de mes biens & hérédité ,
*> après mon décès , à fes plaiiirs & volon tés, en payant mes .
» dettes. E t , en cette forme , j’ai fait mon préfent teftam ent,
9) voulant qu’ il vaille comme teftament ou comme codicile ,
■
»donation, & difpofition à caufe de m ort, & en la meilleure
» forme que de droit pourra valoir; révoquant tous les autres
» teftametis & difpoiltions de derniere volonté que je puis avoir
faits : voulant que le préfent foit le feul valable. Et après l’a» voir lu ôc relu, & trouvé conforme à ma volonté, je l’ai
9> iigné a la fin d’icclui , & au bas des autres pages. A Mon*
•>* tauban , ce -5 A vril 1766. Signé3 B o m b e l l e s ».
Extrait des Lettres de M . de Bombelles à fa femme.
« A d ie u , chere époufe , je t’ embraffe un million de fois. D e
» Lim oges, du 14 A vril 176 7.
» Je ne cefie de pleurer comme un en fa n t, depuis que je me
” vois éloigné de ma chere époufe , qvie j’adore. D ’Orléans,
« le 10 A vril.
» Sois convaincue du plus tendre amour qu’a pour toi ton
v cher & tendre époux. 14, A vril 1767.
» Ménage ta fanté, je t’en fupplie , ma chere & tendre amie.
» N e néglige pas de me circonftancier l’état 011 tu te trouves,
B
�4*
ID
» Ta groj/ejeeü-eïïe heureufe ? Tes maux d’eftomac ont-ils un
» peu diminué ? . . . .
Crois-moi pour la v ie , avec les fend
ît mens que tu mérites , ton tendre époux. D e Vien^on, du 19
n A vril 176 7.
» Adieu , ma chere amie. Je t’embraiTe un million de fo is ,
» & fuis avec la plus tendre am itié, le plus fidelle des époux,
» petite coquine, que tu es. D e L ille , du 30 A vril 176 7.
» N e penfc pas qu’un garçon doive me fatisfaire plus qu’une
i) fille .N e vient-il pas de toi? V oilà la feule raifon qui me le
» rend cher..............
« C ............N ........... & la C .. . . te font les aifurances les
» plus vives de leurs refpeéts. Peut-être , fi j e nétois ton m ari,
» ils me chargeroient de toute autre chofe. D e L ille , du x i
» Mai 176 7.
» Q ue je fuis heureux , ma chere amie , d’apprendre que tu
» viens de donner le jour à une petite fille qui fera le bonheur
» de ma vie! E lle te reiTemble aÎfurém ent, c’eil tout ce que
v je defirois. Ma coufine B .........ne favoit trop comment me
» l’annoncer ; elle fembloit craindre qu’une fille n’eût quelque
» chofe d’alarmant........Ma fanté délabrée depuis long-tems ,
» éprouve aujourd’hui que le meilleur remede eit la douce fa» tisfaélion d’apprendre que ma tendre époufe fe porte bien ,
» & qu’elle me donne une fcconde elle-même. Je fuis d’une
» gaieté inconcevable, ton état & tes couches heureufes y ont
v la plus grande part. Tous les Officiers du Régim ent te fon t
v mille com plim ens, fur-tout C ........., N .......... & la C . . . . qui
v t’aiment autant que moi. A d ieu , ma chere amie ; recommande
» à la petite d’être bien fa g e , & d’avoir le cara&cre auifi doux
n que celui de fa chere & tendre mere. Embraife-la unm illion
33 de fois de la part de celui que tu crois être fon pere. En-
�4
?>
IT
»gage-la k le bien aimer ; il ne lui fera pas difficile de fuivre
» ton exemple........ ' . J’ai eu la vifite de plufieurs de mes ca)> marades ; dans le nombre il y en a trois qui font mariés,
» & qui ont reçu aujourd’hui la nouvelle des couches de leurs
» femmes; il femble que nous nous fayons donné le m o t , car
» elles ont toutes fait des filles........... Je leur difpute à tous le
« plaiiir qu’ils reffentent, parce que je crois qu’aucun d’eux ne
» doit aimer autant leur f^mme que m o i, parce que la mienne
» eft la plus aimable de toutes. J ’oubliois de te faire part que
)> notre ami C ..........veut être ton gendre, ainii garde lui bien
» fa petite femme. D e L ille s du 7 Septembre 17 6 7 .
» T u me fais toujours des reproches , ma chere a m ie ..........
v Connois mieux mes fentimens pour t o i , & rends juftice à.
» leur fiabilité ; crois que difficilement l’on fe détachcroitd’un
» objet comme toi. Je n’avois pas befoin de la douce fatisfac» tion d’être pere , & de ce refpeftable titre , pour t’aimer avec
)? plus d’ardeur. Mes fentimens pour toi font à l’abri des rév volutions du tem s, ils ne fauroient s’altérer.. . . .'Je vois avec
» chagrin que tu foufFres beaucoup en nourriilant........ C011fidere que tu n’es pas ta maîtreffe en pareille circonilance ,
» & que tes jours font également précieux à. ta chere fille
»? comme à. ton tzndre époux..........J’ai defiré toujours que les
*> couches fuiïont heureufes pour ma tendre épouje...... Ma chere
» a m ie, ne doute plus de ma tendreiTe pour toi ; elle eft trop.
« légitime , pour que je ne deiire iîncéremcnt de t’en convain
c r e ........ Ma fagefTe 6c ma fidélité me placeront comme l’e» xemple des maris. Quand on a une femme telle que t o i , l’on
>5 n’a pas grand mérite à referver tout pour elle. C ........ , qui
3>n eft point preiTé de rompre le célib a t, attendra que la vir» ginité de la petite foie ¿t maturité ; ainfi il t’en rend rc/ponH ij
�4 1\
1Z
v fable. Fais enforte de la lui conferver. I l fe réjouit d’avance
» du plaiiir qu’il aura de cueillir le jour, des noces ce fruit il
» rare dans le fiecle ou nous fommes , & qui rarement fe cro» que dans le lit nuptial ; mais il efperc que la petite fuivra
» l’exemple de fa mere. JDe L ille , du 0.7 Septembre 1767.
v L e Monfieur que vous citez comme ayant porté obftacle
» aux nouveaux liens que je devois form er, n’exifle que dans
» l’imagination des auteurs de cette impoilure. Mes démarches
» auprès de mes parens., pour donner quelqu’authenticité à
jy ceux que fa ijo r m is avec vous , détruifent ce prétendu fait....
» Je ne dois qu’à vous , M adam e, pour votre tranquillité ( s’il
» eil vrai que vous puiiïiez l’être ) la certitude que,^/? vous■
v n’avie^ que ma fm v le parole pour tinviolabilité de mon fer-» m ent, ce contrat fer oit aujfifacrc que celui qui ejl une preuve» inconteflable des droits que vous aure?L fur moi A tant qu'il cir>
» culera une goutte de fa n g dans mes veines. D u 23 Mars 1769..
» L e voile du myiïcre m ’a offert à tes yeux comme un cri—
v mfnel , qui tramoit fourdement des moyens de rompre des>
v liens qui ri ont befoin d ’autre garant qui le fru it précieux.
jj que tu as porté dans ton fein . Rends-m oi plus de juftice ; &c
» n’imagine point qu’une paiïion brutale ait pu allumer 1c»flathbeaudu tendre am our,quiem braferatoujours mon amei.
y> D u 25 Mars 1770
Tels étoient alors les ientimens du V icom te de Bonibelles : telles étoient les expreflions de fon coeur enflammé'
drune paiïion honnête, & qu’il juroit de refpe&er toujours !i
Peut-il , après les avoir ainii confignées par é c rit, nier
l ’exiftence, la réalité d’un mariage entre lui & celle à qui il lcsadreiTe? Vous v^nez d’entendre le contrat qui l’annonce, le
ccftamcntqui le fuppofe, les lettres qui le ratifient. Dans quel
>
�.4/
. . .
13
cfprit peut-il, aprbs l’exhibition de tant de monumens décififs,
relier le moindre doute à cet égard?
M ais, dira-t-on, fuivant les L oix du R oyau m e, un mariage
n’eil valide qu’autant qu'il a été célébré régulièrement. Il doit
exiiler des traces de cette célébration. Rapportez-vous l’acte
qui la conilate?
V oilà fans d o u te, M e s s i e u r s y ce qu’on nous objeélera ; &
moi je ferai à notre Adveffaire a mon tour une autre queftion y
qui fervira de réponfe à la\ienne. L ’acle de célébration, l’ex
trait des regiilresqui le renferm ent, efl-il la feu le, l ’uniquepreuve de laquelle les L oix faflent dépendre l’état des perfonnes mariées & le fort de leurs enfans ? N ’ y a-t-il pas des cas où
l ’on peut être difpenfé de le repréfenter? O ui , . M e s s i e u r s , il y
en a, & plusieurs qiie les Ordonnances elles-mêmes ont prévus.Celle de* 1639 n’admettoit point d’exception L c e t égard ; i l
falloit ou être infcric fur un reg iilrc,. ou fubir la marque honteuie d’une flétriiTure ineffaçable.- La négligence d’un pafteur
ou celle du gardien de ces dépôts précieux fuffifoit pour plon-ger des familles dans le défefpoir , & pour anéantir l’état le
plus confiant, le mieux reconnu d’ailleurs.
O n ne tarda pas h fentir ce qu’avoit de dangereux l’ exceflive
févéritéde cette Loi. L ’ Ordonnance de 1667 tempéra la rigidité
de la Loi précédente. E lle admit par l’article 14 du titre x o
a faire preuve d’un mariage , tant par titres que témoins yf i lesl'egijlres font perdus, au s 'il ri y en a jamais eu.
Sommes-nous dans le cas-de cette exception favorable ? E h !’
M e s s i e u r s , qui pourroit en douter ?
Je ne craindrai point de le dire dans ce fan&uaire où l’huma-’
toté n’a pas moins de dro.ts que la L oi elle-m êm e, dans ce
templc augufte où la Juilice s’occupe à pefer les a£lions des
�*4
hommes & non pas feur culte. L a D lle Marthe Camp n’à ja
mais caché le fien. Elle a mieux aimé paroître aveuglée par une
erreiir héréditaire, que de fe biffer un inflant foupçonner d’impoflure : fidelle h la croyance de fes p eres, malheureufemenc
attachée hune difcipline qui n’eft pas la nôtre, elle n’a pas voulu
h cette infortune, dont on ne peut que la plaindre, joindre une
fauifcté qui l’auroit fait rougir : elle ne le diifimule pas ,
M es
elle eft née Proteftante ; & cette faute de la deftinée »
cette faute involontaire de fa part, en a néceffité d’autres dont
sieurs j
elle n’a pas été maîtrefTe de s’exempter.
Je ne toucherai point ici a cette queftion fi délicate, fi intéreflante, & tout îi la fois fi redoutable , h ce que l’on a cru du
moins,de l’état des Proteftans en France. La politique s’étonne de
la trouver encore indécife. La Religion éclairée ne s’oppoferoit
peut-être point h ce qu’on la décidât : la raifon , la juftice, l’hu
manité l’exig en t, & il femble qu’il ne feroit pas impoifible de
trouver des temperammens qui conciliaiTent dans cette grande
affaire la dignité du culte dom inant, le refpcct dû aux L oix qui
le rendent cxclufif, & l ’intérêt particulier, avec la paix & la
fureté co m munc.
Mais en attendant ce grand événement dont fauteur feroit
béni de toutes les générations, la néceffité a fait établir dans les
Tribunaux une Jurifprudence qui tient lieu d’une Loi précife ,
& en produit imparfaitement les avantages : elle a fait confacrer le principe de n’apprécier les mariages des Protcftans que
par la polfdfion. Quiconque a pu conftatcr que fes parens
ctoient malheureufement engagés dans la Réform e , a été dès
ce moment mis fous la fauve-garde de cette maxime auili fage
que refpe&able : il eft maintenu dans ion état, fans autre pré
caution que d’examiner s’il en a joui ; on fuppofe pour lui qu’il
�A*
n’exiftoit pas de regiftres ; '& les collatéraux qui font ordinaire
ment les affaillans dans ces fortes de combats, font déclarés nonrecevables à en exiger la repréfentation.
Cette Jurifprudencc éclairée autant qu’humaine , & faite
pour honorer le cœur des Juges, non moins que leurs lumiè
res , a produit dans tous les pays où ces efpeces font plus fré
quentes, des Arrêts qui la conftatent : le plus remarquable & le
plus moderne eft celui du ^Juillet 1 7 7 0 ,rendu a T ou lou fefu r
les concluiions de M. l’A vocat Général Cambon : il s’agiiToit
précifément de la queftion que nousexaminons. «N ous favons,
>3 difoit aux Juges cet illuftre M agiftrat, qu’il n’eft pas en votre
33 pouvoir d’établir une forme de mariage pour les Proteftans ;
» ce n’eft pas auifi ce que nous vous propofons ; nous voulons
33 feulement que lorfqu’ils o n t vécu comme de légitimes époux,
33 qu’ils ont été reconnus pour tels,foit dans leur famille, foit dans
33 le public, on ne puifTe pas troubler leurs enfans dans la pof33 feiïion de leur état en les obligeant à rapporter l’a£te de celc—
33
bration du mariage; nous voulons qu’à cet égard ils foient
33 traités comme les C ath o liqu es.il ne faut pas fe demander à
33 foi-même ii l’on eft perfuadé de l’cxiflence du mariage dont
33 on contefte la vérité ; mais il faut fc demander fi l’intérêt pu33 blic n’exige pas qu’on le préfume, & c : une expérience malhcu-
3) reufe a fait connoitre l’inutilité des moyens dont on s’eft fervi
» jufqu’à ce jour pour déraciner l’erreur ; & nous ne doutons
33 pas qu’à l’avenir on n’en emploie qui feront plus conformes
33 aux réglés de la faine politique & aux L oix de l’humanité.....
33 Vous n’avez point à juger fi un mariage qui n’a pas été con33 tr#&é en face d’Eglife eft valable ; mais fi un enfant né de
,} deux perfonnes , dont l’union a toujours été réputée lé)y gitim c, peut être obligé à faire preuve de fa légitimité par la
�4 *
16
» rcmife de l’ailé de la célébration du mariage. Cette queilion
» doit être décidée en faveur d’Etienne Salles, à caufe des cir->
» confiances ».
Le Parlement fuivit de point en point les concluiions de M ,
.l’A vocat Général. L ’enfant fut difpenfé de repréfenter l’aclç
de célébration du mariage de fes auteurs, & déclaré légitime.
E t il ne faut pas croire que cette indulgence foit une faveur
pour ceux qui ont le trifle privilège delà revendiquer, ni qu’elle
puiiïe donner lieu h des abus : ce n’eft jamais une faveur que
d’être réduit à la moitié
des droits
dont on p o u r r it efpé-
rer la totalité. O r , fuivant cette Jurifprudence, les Proteflau?
n’ont qu’une maniéré de conftater l’état de leurs enfans. Les
C atholiques, j’ai prefque dit les nationaux, parmi nous en ont
deux : même en politiquç , les premiers expient donc bien leur
erreur par ce retranchement de leurs facultés,
Enfuite, quel abus peut-on craindre d’un privilège reilreint,
d’un privilège que tant de circonllances peuvent rendre inutile,
& contre lequel le moindre foupçon peut prévaloir?Ce n’eil pas
ici le lieu de m’étendre fur cette queilion ; il me fuffit d’avoir
établi qu’il cil des cas ôù la rppréfentation des regiftres n’eit pas
néceilhire pour opérer la certitude d’un m ariage, & que les
unions dps Proteitans foijt fj.ir-t.out celles auquclics on doit ap
pliquer cette maxime.
Maintenant qu’exige-t-on de nous ? Je fomme notre adverfaire de s’expliquer fur cet article ? Contcftez-vous le mariage
de ma m ere, ou ne le cootefkz-vous pas ? Si vous ne le contcitez pas, vous le rcconnoiilez donc ; & de votre aveu, j’ai la
qualité nécciTajrc fuivre eu Juflice la demande que j’ai for
mée.
Si
�*9
17
Si vous le conteilez, il faut donc m’ admettre îi le prouver par
témoins. J’ai pour moi les préliminaires que l’Ordonnance exige.
Cette même L oi de 1667 qui , à l’article 14,
du titre t o ,
permet la preuve teilimoniale pour découvrir la réalité d un
mariage , au défaut des regiftres, exige cependant, en général,
à. l’article 3 du même titre, un commencement de preuves par
écrit. O r , de ce côté-là , qui a jamais été en é ta t, plus que m oi,
d ’accomplir laregIe?D es commencemensde preuves par écritl
Eh ! j’ena i de toutes les\fpeces : contrat qui a dû précéder la
célébration ; teftament q u i, d’après les termes dans lefquels il
ê(l co n çu , l’a néceiTairement fuivie ; lettres qui,par la force des
expreiTïons qu’elles contiennent, feroient prefque capables d’y
fuppléer. C ’eft déjà une preuve complette que je vous offre, «5c
les dépolirions des témoins ne feront que la développer. Elles
n’y ajouteront rien dont la Juitice ne doive dès à préfent être
convaincue.
Expliquez-vous donc fur cet article. Si vous vous taifez ,
votre iilence me tient lieu de preuves ; & ii vous ouvrez la
bouche pour dénier ce que j’avan ce, je demande à la faire.
Mais vous en connoiiTez trop la facilité 8c la certitude ; vous,
ne vous y expoferez pas. V ou s chercherez à l’éluder ; ce n’eft pas
l’exiftence du mariage que vous attaquerez, mais fa validité.
Vous prétendrez d’abord, je le prévois, que ma mere feule étoit
Proteftante ; vous foutiendrez que vous étiez Catholique , &
que par conféquent l’exçeption fur laquelle je m’appuie ne
peut pas avoir lieu.
Mais, que'dis-je? N o n : vous ne hafarderez point cette aiTer~
tion imprudente. V ous êtes précautionné par vous - même :
vous êtes dirigé par des Confçils éclairés : votre propre coniC
�i8
cience vous fervira de guide plus fur en core, plus inilruic que
ceux même dont vous avez fait choix. Je fuis votre fille ; je
veux l’ê tre , &c je me garderai bien de m’emporter à des mena
ces contre l’auteur de mes jours ; mais lui-même m’épargnera
le chagrin affreux de le voir confondu fur cet article : il
ne forcera point ma merc à rompre le filence qu’elle s’imp o fe ,à rappellerà fon volage époux un tems où leurs cœurs
fembloient moins unis encore par un penchant m utuel, que
leurs efprits ne l’étoient par la conformité de la croyance. I l ne
la réduira point à la trille néceifité de prouver que pour la féduire , il a feint des engàgemens bien plus férieux que ceux
de l’amour.
I l y a plus : quand le danger attaché à cette excuiè ne le
détourneroit pas de s’en fervir, le peu d’utilité qu’il en pourroit tirer la lui feroit fans doute abandonner. C e n’eil pas fur
les L o ix du Royaum e qu’il prétendroit fonder cette diftin&ion
artificieufc, & celles de l’Eglife la profcrivent avec indigna
tion. U n des Pontifes qui en a le plus honoré le trô n e, Benoît
X I V confulté fur la validité des mariages entre Réform és dans
les Pays-Bas, commence par décider qu’ils font valides d’un
Proteilant à l’autre , au point que fi tous deux faifoient abju
ration , ils n’auroient pas befoin de réhabiliter leur union de
vant un Miniftre catholique.
Qiiod attinet ad matrimonia ab hereticis inter Je celebrata
non fervatâ formaperTridenttnumprefcriptâ, quccque inpojlerum contrahentur, dummodo alïttd non objliterit Canoniciim
impedimentum ,SancIitas fua Jlatuit pro validis habenda ejfe:
adeàquc f i continuât utrumque conjugem ad Catholicœ Ecclefïce
Jlnum fe recipere
eodem „ quo antea conjugali vinculo ipfosi
�19
emnino teneri} eùâmfi mutuus confenfus coram Parodia Catholïco non renovetur (1).
Il prévoit enfuite le cas où le V icom te de Bombelles pré
tend fe trouver : & f i l'un des conjoints feulement ejl Catholi
que 3 continue le Pontife , fa Sainteté déclare que le mariage
ejl valide. L e fidele doit faire tous fes efforts pour amener l’au
tre à la connoiifance de la vérité ; mais en attendant, i l faut
toujours q u ii f e fouvienne qu'il efl lié d'un nœud indiffoluble.
'V
Çhiod vero fpeclat ad ea conjugia quœ 3 abfque forma à Tri
dentino Jîatutâ contrahentur à Catholicis cum Hœreticis } fiv è
Catholicus virHœreticam feminam in matrimonium ducat}fivè
Catholica f emina Heretico viro nubat. . . . S i hujufmodi ma
trimonium fit contracium aut in poflerùm contralti contingat>
Tridentini forma non fervatâ y declarat SanBitas fu a
alio non
concurrente impedimento 3 validum habendum effe.......... feiens
conjux Catholicus f e ifiius matrimonii rinculo perpetuò ligatum iri (z). O n n’a jamais rien dit de plus précis, de plus re
la tif à. laCaufe.
.
.
M ais, j’étois mineur, direz-vous , mes fermens n’ ont pu
me lier dans un tems où la Loi m’ôtoit le pouvoir de difpofer de
moi-même. Je rétra&e dans un âge plus mûr ces paroles que
la foibleiTe, la fédu&ion m’ont arrachées. L a D em oifelleCam p
étoit plus âgée que moi. Elle a-com m is un rapt en ma perfonne ; & loin d’avoir à craindre de jouer ici le perfonnage
d’accufe , ce feroit h moi à prendre celui d’accuiateur.
j
’
(1 ) V o y e z la Déclaration du Pape B enoît X I V , du 4 N ovem bre 1 7 4 1 , publiée
ce titre.
(0
Ibid.
c iî
�2.0
Oferez - vous
produire
i
ce moyen de juftification plus
que le précédent ? Oferez-vous affirmer devant les - Tribunau-x
ce que vous avez é c r it , par inadvertance fans doute , à des M agiilrats qui demandoient un compte fuivi de vos procédés, que
ma m ere,en vous époufant , avoit fept ans plus que vous?
Elle eft née le 'Lrj Mars 17 4 1 ; vous le 8 Février 1745. Il n’y
a donc que trois ans de différence. En 176 6 , teins du contrat,
vous étiez mineurs* tous deux : 6c l’on fait trop qu’entre des
perfonnes de cet âge , il n’y a d’autre féducteur que l’amour. •
D ’ailleurs, il j avois eu le malheur de vous perdre , au lieu (
d’éprouver celui de vous combattre ; fi j’avois ici pour ennemi
un tuteur qui réclamât vos droits , ou des collatéraux qui mer
difputaifent, non pas votre nom , feul bien dont je fais cas ôc
qui ne feroit d’aucun prix pour eux, mais une fortune que je
n’attends pas de vous, & que vous ne me laifferez jamais ; je
fens que ces Adverfaires indire&sfcroient fondés h exciper de vo
tre m inorité, à attaquer des fermens dont ils n’auroient pas été
les tém oins, à révoquer en doute des paroles dont il leur feroit
permis de fe jouer , ou à foutenir au moins que la L oi les annulle malgré la bonne foi qui les a di£tées.
Mais vous qui les avez prononcés , ces fermens ; vous qui
les avez données, ces paroles facrées ; c’eit vous qui ofez ici
les rétra&er ! E t dans quelle occafion? Quand ce retour va
coûter l’état à votre fille ; quand il jette dans le défefpoir une
époufe vertueufe qui vous a livré , fur la foi de ccs garans per
fides, ce qu’elle avoit de plus cher ; quand il plonge dans Je
défefpoir une famille qui s’eit fait un honneur de vous accueil
lir , & qui ne fera couverte d’infamie que parce qu’elle vous, a
cru un cœur honnête.
Y avez-vous bien réfléchi? Et f i , ce que je ne crois pas.
�t e
I
ai
votre cœur eft fermé à ces confidérations puiiTantes, celui eje
mes Juges le fera-t-il à l’idée du danger attaché à cette récla
mation , au moins indiferete, contre des nœuds deftinés à. être
éternels ? Que difoit le célébré d’AgueiTeau dans une Caufe
pareille, dans une Caufe où un fieur Bellet donnoit à la France
,-furprife l’exemple que je voudrois , au prix de tout mon fang,
ne vous avoir pas vu fuivre ?
L e fieur B e lle t, marié comme vous pendant fa minorité ,
excipoit, comme vous, du bénéfice de la L o i , pour fe difpenfer des devoirs contraélés au préjudice de fa jcmieiTe. Que lui
répondoit-on ? ce Q u ’il feroit d’une conféquence pernicieufe
» d’admettre une pareille demande; que tous les jours on en
» formeroit de femblables, & que le contrat le plus inviolable,
« le plus authentique, feroit expofé, comme la plus légere pon« v en tio n , à l’inconftance &c au caprice d’un m ineur, qui ne
» manqueroit jamais de prétexte pour rétra&er fon engage» ment ; que d’ailleurs il ne peut intenter cette aftion fans s’acjj eufer lui-même de d o l, de furprife, d’infidélité, fans violer
j? la foi qu’il a donnée à la face des Autels ; & que s’il a négligé
» l’obfervation de quelques form alités, il ne peut que fe l’im « puter, & chercher à réparer par une réhabilitation folem nelle
» les défauts d’une premiere célébration «.
Q u’ajoutoit ce grand homme h l’expofé de ces raifons fi
fortes, à côté defquelles il faifoit marcher celles.qui pouvoient
les combattre ? Que chacun de ces deux fentimens a l'avantage
davoir des Arrêtspour garans ; mais que les circonflances doivent
influer fur l’adoption ,que les Juges en peuvent faire plus que les
maximes de D r o it , & quen général la prétention de ceux qui
veulent rompre leur engagement fu r ce prétexte y femble peu fa
vorable. Y a-t-il jamais eu de Caufe de ce genre, où les cir-
�A
’ ai
confiances aient été plus p r e n a n t e s p l u s réunies que dans
c elle-ci, p o u r faire déclarer le mineur inconftant, indigne de la
fa v e u r des Tribunaux ?
V ou s étiez libre, vous ne dépendiez point de vos parens dont
Je fort vous avoit p rivé, & qui s’armeroient aüjourd’hui pour
m o i1, s’ils èxiftoient encore. V ous étiez gentilhomme. V ous
preniez à témoin de vos ferm ens, non pas l’Am our, cet être
fantaftique & volage qui fe r i t , dit-on, des perfidies, & qui
applaudit aux menfonges ; mais ce D ieu terrible, vengeur du
parjure, ce D ieu envers qui votre piété fembloit devenir plus
fervente en raifon du fecret avec lequel vous affe&iez de lui
rendre vos hommages ;'c e D ieu dont la vérité eil l’efience,
qui pardonne plutôt une méprife dans le culte qu’on lui
re n d , qu’une impofture capable de porter le trouble dans là
Société.
• !fi ' jJ
■'
■'
Mes parens ont été excuiables de vous croire. Ils l’ont dû.
Laifiez à des étrangers une réclamation'dont ils frémiroient
peut-être, s’ils en connoiiToient tous les détails. Mais vous,
m a ri, pere ; vous q u i, fur la foi d’un engagement facré, avez
joui d’ùn droit dont l’ufagc feul impofe des obligations indeftru&ibles ] quand il n’a point le libertinage pour ob jet, & une
indépendance fcandaleufe pour origine ; rougifîez d’employer
dés'm oyens que les Tribunaux ne fauroient admettre dans
votre'bouche ;'ren on cez à vous débattre contre des nœuds
dont la R eligion vous a chargé, & que laJufiice ne peut que
ferrer au moment où vous ofez l’appel 1er pour les rompre.
Antoinette dè'Bom bclles , M
essieurs
, a donc une qua
lité confiante dans la Caùfe. E lle eil fille du V icom te : elle cil
née d’un mariage exiftant entre fa merc & lui. C e mariage eil
avérépar toutes les fortes de certitudes quipeuvent l’dtablirj hors
�ntie dont on ne peut exiger la repréfentation : fi l ’on éleve en
core le m oindre doute h ce fu je t, nous offrons la preuve par
témoins; nous ibm m es dans le cas de l’ O rdonnance qui autorife
à y recourir.
C e n’eft donc pas htortque j’ai eu l’honneur devous dire, en
commençant, que nous avions pour nous la N ature & lesL oix.
R ien ne s’oppofe à notre réclam ation,
fi nous parvenons à
démontrer que la nouvelle alliance qui la motive nous préjudicie, fi nous rendons fenfiMe l’intérêt que nous avons à ne la
pas laifler fubfifter. O r, à cet égard encore peut-il y avoir
le moindre doute?
Ma mere eit vivante ; elle eft mariée à mon pere , & mon
pere a volé dans les bras d’une autre époufe. Il a élevé entre
lui & la prem iere, un mur de féparation qui rendroit fon retour
auiïi criminel en apparence, que l’a réellement été fa fuite. C ’eft
ce mur dont je demande la deftru&ion : & j’ai, fans doute,
l’intérêt le plus v if à le folliciter.
Je fuppofe , M
essieurs
mariage du V icom te
, que cc que je viens dire du
de Bombelles & de la D em oifelle
C a m p , laiiTe encore quelqu’ obfcurité dans les efprits. Je fup
pofe qu’on puiiTe y defirer quelques formalités de plus , & que
ce foit k cet excédent que l’on attache le*fort de fa fille : qui
ne voit que le fécond mariage lui en enleve l’ efpérance, &
meme la poffibilité ?
Com ment leVicom te de Bombelles, uni avec la D em oifelle de
Carvoifin, pourra-t-il réhabiliter fon alliance avec fa premiere ,
fa feule & véritable époufe ? L e contrat de m ariage, dont j’ai
cu 1 honneur de vous faire le â u re , porte l’engagement littéral
de le célébrer fuivant les loix & formalités du Royaume 3 à lapremière rèquijition de l'une des Parties. Je veux croire que jui^
�2-4
qu’à préfent on a retardé l’accompliftement de cette ftipulation;
mais le terme de l’échéance n’en eft pas fixé. I l eft toujours
tems d’y procéder.
C e contrat exifte. I l n’eft pas attaqué. N e l’examinons
que d’après fa nature, fon eiTence, comme un engagement
purement civil. Si les lo ix & formalités qu’il défigne font les
cérémonies fpirituelles auxquelles D ieu attache fes grâces, ma
mere n’a pas perdu le droit d’en requérir l’accompliirement ; & _
ii elle le requiert aujourd’h u i, la préfence de la Dem oifelle
Carvoifin n’y eft-elle pas un obftacle invincible ? Si cependant
notre état dépend de cet accomplilTement, fi nous n’en pou
vons jouir qu’après avoir exclu cette étrangère qui eft venue
clandeftinement ufurper notre place, ne fommes-nous pas fon
dées a la repouifçr ànotre to u r, ôc à fupplier la Juftice de nous
maintenir dans un droit que rien ne l’autorife à nous difputer?
L ’intérêt de la jeune de Bombelles n’eft donc pas moins
évident que fa qualité. V ous ne pouvez donc, M e s s i e u r s ,
refufer de l’admettre à la difcuilion de ce fécond mariage qui
compromet ii cruellement fon état : ¿ k c ’e ftd e q u o i nous al
lons nous occuper.
L e %() N ovem bre 1 7 7 0 , le V icom te dé Bombelles s’eft ma
rié à la D em oifelle de Carvoifin. V o ic i, M e s s i e u r s , l’extrait
qui en a été délivré.
Extrait des Regißres des mariages de tE g life Paroijjiale de
Saint - Sulpicc à Paris.
a L e Z9 Novem bre 177 0 , a été célébré le mariage de Haut
» ôc PuiiTant Seigneur Jean-Louis-Frédéric-Charlcs V icom te
» de Bom belles, Chevalier de l’Ordre Militaire deSaint-Lazare,
A yd c-
�J ï
M
.»A ide-M ajor d’infanterie, âgé de vingt-cinq ans & dem i, fils
» des défunts , & c. decettcparoijje depuis un mois >rue du F ou r,
c¿-devant de celle de Saint-Gervais pendant trois ans, rue de
la Mortellcrie , avec haute ôc puiffante D em oifelle Marie»Françoife de C arvoiiin, fille majeure, & c. de cette ParoiiTe,
» rue du B a c q , au Couvent des R écollettes depuis trois ans ,
» un ban publié en cette Églife & en celle de Saint» Gervais , fans oppofitic^i , difpenfe de deux, avec la per» million. de fe fiancer & marier le même jo u r , accordée
» p ar Monfeigneiir l’Archevêque le 20 de ce m ois, infinuée &
» controllce le même jo u r, fiançailles faites. Préiens & té» moins, du côté de l’époux, & c. & de l’époufe, & c. qui tous
» ont certifié le domicile comme deiTus & la liberté des Par» tics pour le préfent mariage : & ont figné.
Jï Collationné h. l’Original par moi foufligné, Prêtre , V i» cairc de ladite ParoiiTe. A Paris, ce 2.9 du mois de Novem bre
53 de Tannée 1 7 7 1 . Signé , Simon", Vicaire.
T el eft l’Extrait fidelle des Regiftres de Mariage de la ParoiiTe de Saint-Sulpice. O r il nous offre un vice radical, un
défaut eiTentiel qui fuffiroit feul pour opérer la nullité du ma
riage. Il n’a point été célébré par le propre Curé des Parties.
Il fuppofe ay V icom te de Bombelles un domicile évidemment
faux.
Vous vo yez, M
e s s i e u r s
,
qu’on fpécifie qu’il de
meure depuis un mois rue du F o u r , fur la PafpilTe dans la
quelle on le m arie, & ci-devant, depuis trois ans , rue de la
Mortellerie fur la ParoiiTe de Saint - Gervais : en initruifant le Prêtre qui l’a réd igé, on l’a trompé ; on lui a fait tranfciire dans fes regjftres un énoncé infidellc. Dans le fa it, il
cil faux que le V icom te dé Bombelles demeurât depuis trois ans
D
�26
dans la rue de la Mortellerie , ni fur la ParoiiTc de S ain t-G er-e
vais. Dans le d ro it, il eft plus faux encore qu’il eût, ni ce domi
cile , ni aucun autre, acquis dans Paris. Nous voudrions pou
voir nous impofer iilence fur la nature de la preuve que nous en .
allons produire , comme fur tout Je refte de ce que l’hiftoire
de la jeuneiTe du V icom te de Bombelles offre de peu avantageux
pour lui ; mais c’eft ici le nœud de la C au fe, & fe taire y ce feroit
fe trahir fui-même.
Difons donc, & fans aucun commentaire, qu’il a été conduit
au F ort-l’Evêque le zy^Novembre 1768 ; il n’ en eft forti que
le 10 A oû t 1770. N ous rapportons l’écrou qui conftate l’épo
que de fa détention & celle de fa liberté. O r , le Fort-l’Evêque
n’eft pas fur la Paroiffe de Saint-Gervais ; en fuppofant que fa
retraite forcée dans cetteprifoneût pu lui procurer un domicile)
il eft évident que ce ne feroit pas celui qui lui eft fuppofé dans
l ’acte.
OnafTure qu’en fortant du F o r t-l’Evêque il a été en effet
demeurer deux mois dans la rue de la Mortellerie ; mais outre
qu’il étoit probablement en chambre garnie , ce court féjour
n’eit ni celui de trois ans que l’a&e de célébration articule, ni
celui d’un an que l’Ordonnance exige pour tout homme qui
change de Diocèfe, ni même celui de fix mois que les L oix pres
crivent h tout particulier qui refte fur fa ParoiiTe.
Voilh donc dans le fait une fuppofition révoltante dans l’a&e
de célébration ; vous en avez fouvent annullé, M e s s i e u r s , de
moins coupables, de moins fujets h la cenfure. Dans le d ro it, il
eft bien moins foutenable encore.
Où éto it, où pouvoir être en Novem bre 1770 le vrai domi
cile du Vicom te de Bom belles, relativement à fon mariage?
I l eft né le 8 Février 1745 , il n’a donc été majeur que le 8
�Février 1770. Mais alors il étoit en prifon. Quand il en eft
fo rti, il avoit donc pncore le môme domicile légal avec leque^
il y étoit entré. O r ce domicile légal étoit celui de Ton Cura
teur; & Ton Curateur demeure àM ontauban. C ’eft donc dans
cette Capitale du Quercy qu’il falloit publier les bans : c’eft lk
qu’il falloit aller chercher le propre Curé du V icom te ; c’étoit
de ce Curé qu’il falloit obtenir la permiflion pour célébrer à
Paris fur la ParoiiTe de Saint-Sulpice.
A u terme de la-Loi, il faut un an révolu, pour que le domi
cile foit réputé changé d’un D iocèie à l’autre. Quand le V icom te
n’auroitpas été en prifon à fa majorité , il n’auroit pu fe marier
légitimement à Paris , fans la permiflion de fonPafteur deM ontauban, qu’après le 8 Février 1 7 7 1 . A in ii dans tous les cas poffibles, le domicile qu’il s’eft prêté dans i’a&e eft fa u x , & la bé
nédiction nuptiale furprife fur ce fondement ruineux croule, s’a
néantit avec lui.
Q ue ce défaut, M e s s i e u r s , foitpéremptoire, qu’il emporte
la nullité de l’aftedont il eft la bafe; c’e ft, je crois , ce qu’on
ne nous difputera pas. C e principe eft trop bien é ta b li, pour
qu’on puiiTe avoir feulement la moindre idée de le contefter.
Et qu’on ne nous dife pas que nous hafardons ici un reproche
que nous avons à redouter nous-mêmes. Q u ’on ne fe récrie pas
que nous n’avons pas plus que la D em oifelle de Carvoifin l’autorifation du Pafteur , fans laquelle une conjon& ion, quelque
légale qu’elle foit d’ailleurs, eft néceflairement proferite ! Quelle
différence entre fa fïtuation & la nôtre ! N os obligations nos de
voirs , nos charges, nos rifques, font-ils donc les mêmes ?
Vous avez un aile de célébration , vous le produifez. U ne
imprudence frauduleufe l’a corrompu ; mais fans ce la , il fuffiroit feul povu: affûter h jamais votre repos & celui de votre poiléD ij
�rite, il D ieu n’avoit pas refufé cette bénédi£tion à une union qu’il
réprouvoit. Nous n’ en produifons pas ; nous n’en pouvons pas
produire ; nous n’en devons pas produire. Aftreints aux Loix de
votre E g life , forcés de vous y conformer, fous des peines qui ne
peuvent vous être inconnues, par combien dedédommagemens
êtes-vous indemnifés decctte gêne falutaire?Vous parvenez à des
charges, fans les payer par des facrileges : vous pouvez préten
dre aux honneurs, fans les acheter par une trahifon : vous ne por
tez pas fur le front un fceau de réprobation , que vous ne puiflîez faire difpaïoître, qu’en vous couvrant d’ un m afque, impie *
quoiqu’il ait une forme religieufe. Les remords ne vous trou
blent point au milieu de vos fuccès.
Mais nous , réduits h ne nous livrer qu’en tremblant aux
plus douces impreiiions de la nature , perpétuellement flottans
eatre notre confcience & nos defirs, craignant de donner à nos
unions une publicité capable d’alarmer un faux zele , & de les
laiifer auifi dans une clandeftinité qui les rendroit fufpectes ,
exclus de tout par une fermeté vertueufe , rongés de remords
fi nous écoutons une ambition complaifante , fufpendus fans
ceile entre l’exiftence & le néant ; combien la politique nous
vend cher cette tolérance apparente quron peut toujours nous
contefter fans rifque, <5t nous enlever fans paroître commettre
d’injuftice! Quand on nous opprime , ce n'eft que l’humanité'
que l’on outrage , & l’on croit fouvent accomplir la Loi.
V oyez donc s’il eft poilible d’établir aucune cfpece de comparaifon entre nous : le mariage de ma mere eft revêtu de tou
tes les formalités q u i, fuivant la nature des chofes, peuvent le
rendre authentique. Ce qui y rrjanque peut facilement être fuppléé. Je fuppofe que l’on n’y ait pas obfcrvé toutes les réglés y
au moins n’y en a-t-on enfreint aucunc.On n’établit pas encore.
�qu’il ait ¿té célébré par le propre Paiteur ; je vous l’accorde ;
mais vous ne prouvez pas auffi qu’il ait été célébré par un autre:
o r, c’eft précifément ce que je vous reproche ; c’eft ce que j’arti
cule contre votre union. M a mere n’a pas acccompli la L oi ; mais
vous l’avez violée. Elle peut réparer fon omiilion , il elle eft
réelle, & votre délit cil auifi conilant qu’irréparable.
N e m’oppofez donc point une. fimilitude imaginaire. N e
me forcez point à m’appefantir fur les détails d’un acte dont
toutes les circonftances né peuvent manquer de tourner contre
Vous , & qui n’a point été altéré par la feule imprudence.
Vous y avez fuppofé à mon pere un faux domicile. E it-c e
au hafard que cette falfification a été commife ? N o n , fans*
doute. Vous faviez qu’il avoit des engagemens aM ontauban ,
il en convient lui-même dans fon Mémoire à confulter ; dansce Mémoire cruel, où ma naiiTance eil mife au rang des crimes,
& où l’on traite comme une calomnie l’équité de ceux qui
Veulent bien rappeller mon exiilence à celui qui me l’a don
née,
Je veux croire que vous ignoriez la nature & la force de ces
Engagemens : mais vous ne pouviez pas vous diflimuler de quel
genre étoient ceux que vous alliez former vous-même. Vous
deviez favoir f & vous faviez que pour les rendre facrés il falloit qu’ils fuiFent contra£lés avec un homme libre. Pour vous
mfpirer de la défiance & du doute , c’étoit aiTez- même d’un
foupçon. O r les déclarations formelles qui vous avoient été
faites d un mariage antérieur & fubfiilant,fuffifoient fans doute
pour vous obliger a des recherches , à des informations.
Si vous craigniez d’alarmer votre nouvel époux , s’il répugnoit a la délicatciTe de votre cœur de 1 i montrer ces alarmes y
t'es inquiétudes peu confolantcs en e fe t ; la publication des
�3°
bans ¿toit un moyen fur de les difliper , fans qu’il fût poffible à celui qui en étoit l’o b je t, de s’en plaindre. O r vous
n’avez pas eu recours à cette voie falutaire. V oici un certificat
qui le prouve.
'
« A déclaré n’avoirproclamé les bans d’un prétendu mariage
j? à Paris, de Meflïre de Bom belles, Officier au Régim ent de
35 Piém ont , dans fon Eglifc paroifliale de Saint Jacques de
5) Montauban , ni dans aucune de fes deux annexes , ni n’a
» donné aucun ordre de les proclamer : &c a figné. A Montau» ban , ce io Septembre 1 7 7 1 . Signé } H u c a f o l , Chanoine
» Sacrifie , Curé de Montauban 35.
C ’eil donc volontairement que vous vous êtes prêtée aux
efforts frauduleux par lcfquels on cil parvenu à éluder la L oi :
vous êtes donc au moins complice de cette trame obfcure qui
vous a donné un mari : vous n’avez pas drç>it de vous plaindre
de la Juftice qui va vous l’ôter.
C e n’eilpas fans y avoir bien réfléchi, ' M e s s i e u r s , q u el’on
a fuppofé au Vicom te un domicile de trois ans , dans un autre
quartier que celui de S. Sulpicc.Si l’on avoit informé le Curé de
cette Paroifle des circonflances, de la détention du jeune
hom m e, il auroit de lui-même fait des informations. Il auroit
fallu lui éclaircir le fait du Fortr-l’E vêque, la minorité, le domi
cile de droit à Montauban ; il auroit refufé fon miniilere,.ou exi
gé une publicité connue du mariage dans la V ille où demeuroit le Curateur du m ineur, parvenu depuis peu à fa majorité.
Alors la Dem oifelle de Carvoifin auroit perdu l’objet auquel
elle vouloit s’attacher h. quelque prix que ce fût : alors elle fenioit bien qu’unç rivale autoriféc fefcroit élevée contre fes pré
tentions. Il auroit fallu y renoncer, & elle a préféré la fatisfa&ion prompte d’un goût paffager , à une patience qui l’au-
�31
roit mife en état de contra&er une alliance plus folide & plus
durable. Q ui peut-elle accufer du trille fort auquel elle va fe
trouver réduite? Elle eft digne de pitié , fans doute, mais mé
rite-t-elle la moindre indulgence ?
Je l’ai prouvé ,
M
essieurs
, fon mariage avec le V icom te
de Bombelles eft: nul. I l porte un cara&ere évident de fuppofition & de clandeilinité. L e feul défaut de la préfencç du ,
propre Curé , l’énonciation'd’un domicile qui n’eft point le
véritable, l’affe&ation avec laquelle on a trompé & le Pafteur
& peut-être des témoins trop confians , tout vous oblige à
profcrire un a£te dont l’impoilure eft; le principe , & que la
Jurisprudence la plus confacrée réprouve. Mais eil-ce le feul
vice qui en juftifie la condamnation ? N o n ,
M
essieurs
, vous-
y en trouverez encore un autre qui n’eil pas m oindre, & qui
prenant une nouvelle force des griefs dont je viens de vous
parler, doit achever de faire perdre à la D em oifelle de Carvoifin tout ce qu’elle a. pu confcrver jufqu’ici d’efpérance.
Je fuppofe encore, comme je viens de le faire tout à l’heure,,
que le mariage de la D em oifelle Camp fût in com plet, qu’ il y
m anquât, du côté des formalités , une forte de perfe&ion dont
il étoit fufceptible ; cependant, le V icom te de Bombelles luimême ne peut pas le n ier, il exiftoit un engagement ; le con
trat pardevant Notaires feul étoit un lien.. Pour que le V i
comte fût en droit de fe croire d é g a g é, il falloit opérer fa
délivrance. E t de qui pouvoit-il l’attendre ? Etoit-ce de fa vo
lonté uniquement ? Pour fe retrouver indépendant, fuffifoit-il
qu il s allât jetter aux genoux d’une maitreiTe nouvelle ? Etoitd libre , par cela feul qu’i l . étoit ïnconftant ? E t la L oi qui
avoitratifiéfes premiersfermens,chan'geoit-elle avec fon cœ ur?
N o n y M e s s i e u r s > il ne p o u v o i t recevoir f o n affranchiiTe--
�3%
ment que des mains de celle qu’un nœud commun & réci
proque attachoic à lu i, ou de la Juftice , q u i, fans approuver
fa légéreté , avoit le droit de la rendre légitime après en avoir
pcfé les motifs : 01* il n’a employé aucune de ces deux voies.
Il n’a eu aucune efpece de confentemcnt de la Dem oifelle
Camp. Le contrat qui l’enchaînoit à elle n’a été réiilié par au-r
çun Jugement ; & cependant, au préjudice de ce titre exiftant,
il n’a pas craint de contracter un engagement nouveau. Il a
promis à une autre époufe une foi dont il ne pouvoit pas dif-r
pofer. Il
3.
confommé une efpece de fteliionat de fa perfonne,
Je dis , M e s s i e u r s , qu’il n’en faudroit pas davantage encore
pour vous décider a annuller fon fécond mariage , & ce n’eft
pas k moi que vous vous en rapporterez fur cette décifion intéreilànte. C ’eit h
M.
Je Chancelier d’A gueifeau, de l’autorité
duquel j’oferai m’apjpuyer, & qui ne laiiTera , je crois, fublifter
aucune efpcce de difficulté dans vos efprits.
I l portoit la parole en 1691 dani> une Caufe qui a trop de
rapport à notre efpece , pour ne pas en faire le rapprochement.
I l s’agiiïoit d’un iieur Pierre L efcu ier, qui avoit pouffé plus
loin
que le V icom te de Bombelles l’oubli de fes fermens i5c
de fes devoirs. Jouet d’un tempérament fougueux & d’une
imagination foible , il fe marioit prefque dans toutes les V illes
où il alloit. En 1691, il fe trouvqit trois femmes vivantes ,
toutes trois époufées en face d’Eglife ; & toutes trois récfajnoient des droitsqui ne pouvoient être adjugés qu’à une feule.
Entre le premier de ces mariages & )c n ô tre, il y avoit des
différences de toute efpece ; c’étoiçnt des Catholiques ; le mari
étoit en puiilance de parens ; la femme étoit une fervante. La
célébration avoit été faite iur de faux noms , fur de faux cer-?
tificats de publication de bans.
Rien
�33
r R ie n de tout cela n’appartient au mariage de la Dem oifellc
Camp. Mais ce qui fait un trait de reiTemblance effentiel,
c’eft que le jeune homme avoit contracté , étant mineur ,
qu’il avoit, comme le V icom te de Bom belles, paiTé dans les
bras de fes nouvelles maitreiTcs, fans avoir fait prononcer la
nullité de fon premier engagement. Il s’agiffoit de . faire un
choix entre ces trois mariages. M. d’Agueiïeau fe décida en
faveur du premier. Après a ^ ir expofé les raifons qui le déterminoient,
« N ou s n’ajouterons p lu s, continua-t-il, à toutes ces re» flexions, qu’un dernier moyen qui ne nous paroît pas moins
» décifif que ceux que nous avons eu l’honneur de vous pro» pofer.
» Quand on voudroit foutenir , qu’aprbs tout ce qui a fuivi
» ce premier mariage....., il n’étoit pas encore entièrement Iégiwtim e peut-on douter au moins que ce m ariage, tout im jî parfait qu’il e i l , ne fût .un véritable engagem ent, une obli» g a tio n queLefcuier feul ne pouvoit violer?
,
:
v Si nous rccoimoiiïbn<; que les voies de nullité n’ont point
» d e lieu en France ; qu’il' faut que l’ Autorité R oyale inter» vienne pour refqudre une fimple promeiTe ; qu’il n’y apref» que point d’obligation qu£ l’on- puiiTc annuller fans les L ct» très du Prince ; exceptera-t-on de cette réglé générale la
» plus indiiToluble de toures les obligations, & le con tratlç plus
» important de la fociétç civile? Perm ettra-t-on à un homme
V
qui'fe,croit e n g a g é , qui a perfévéré dans cet en gagem en t,
» de fc rendre Juge de la validité de fon engagement ,
» de rompre Jes JUtuds par fon autorité particulière , & de con» tracier un fécond mariage’fans avoir fait déclarer la nulhtc
Ttdu premier}
�34
» Nous n’ignorons pas cependant, continue fur le champ
v l’habile Magiftrat , que l’on a confirmé plufieurs mariages
» contractés au préjudice cTun premier engagement. M ais dans
quelle efpece a-t-on pu rendre de pareils Juge mens» ? C ’e il,
d’une p art, quand les féconds mariages n’avoient en euxmêmes aucune forte de nullité qui les rendît indignes des
regards de la Juflice , & de l’autre, quand les premiers au
contraire étoient infeétés de tels vices , de tels défauts qu’ils
fuiTent abfolument intolérables ; &
alors même il falloir
qu’on eût réclamé auffi-tôt après leur prétendue célébration
l'autorité des L o ix & la protection de la Juflice. O n avoit
du moins rendu cet hommage aux L oix d’implorer leur fecours pour parvenir à. fe dégager.
C ’cft ce que M. d’AgueiTeau remarque expreiTément: « &
» quoiqu'il f û t plus régulier, ajoute-t-il, etattendre que le pre» mier mariage fû t déclaré nul , on exeufe cependant la préciyj pitation d'un homme qui s'engage avant la fin d'un procès ,
m dont l'événement ne peut être douteux ». Il y avoit donc des
procès commencés dans ces efpeces ; il y avoit une réclama
tion confiante & immédiate. L e bigame en ce cas prévenoit
la décifion des Juges, mais il ne fe croyoit pas en droit de
s’en paifer. Il avoit d’abord m anifeftéfa foumiilion avant que
de fe livrer h fon impatience.
Eft-ce là , M e s s i e u r s , ce qu’a fait le V icom te de Bom belles? Quelles démarches a-t-il faites pour parvenir à fe débarraiTer de fes anciens nœuds? Quelles réclamations s’eft—il
permifes ? Quels efforts a-t-il hafardés pour s’y fouftraire? A u
cuns. Il les a laiile fubfifter dans toute leur force. C ’eft par une
marche oblique qu’il eft parvenu à les cacher. C ’eft en évitant
d’en donner connoiffance au Paftcur qu’il féduifoit de concert
�31
avec fa nouvelle époufe, qu’il a réufli à les dérober aux regards.
% Mais par-lk même il en conilatoit l’exiftence. C et aveu tacite
équivaut à une reconnoiflance authentique ; & n’eft-ce pas là.
le cas de s’écrier comme le faifoit encore M .d ’AgueiTeau dans
la même Caufe :
« N e doit-on pas rentrer dans le droit commun , & décider
v que ce premier mariage, défe£tueux à la vérité dans fon com « m encem ent, cil néanmoins un empêchement capable de di» rimer ceux qui l’ont fui^i ? Et ne peut-on pas dire que la fe>9 conde & la troiiieme femme font ici fans intérêt , puifqu’in» dépendamment de la validité du premier mariage il faudroit
J3 toujours prononcer la nullité des engagemens qu’elles fou» tiennent, & que dans le concours d'un mariage douteux avec
» un mariage n u l, le premier mériteroit toujours la préfe» rence » ?
C et oracle , M e s s i e u r s , eft d écifif, & acheve de trancher
toute efpece de difficulté. V ou s v o y e z quel parfait accord
regne ici entre le vœu de la Nature & la difpofition des Loix.
Q ue pourrois-je ajouter de plus en faveur de la Caufe que je
défends? Sous quelqu’afpeft qu’on l’envifage, elle eft renfermée
toute entiere dans ces mots précieux : dans le concours ctwi ma
riage douteux avec un mariage n u l, le premier mérite toujours
la préférence.
Je vous préfenterai cependant encore , M e s s i e u r s , une
autre coniidération; c’eit que ce mariage nul dans le droit cil
reile ilériledans le fait : au contraire cette union douteufe jufqu ici, je le fuppofe, mais préférable par tout le reile, a été
fuivie d une heureufe fécondité. En rendant l’un à fon néant ,
c n 1 abandonnant à fa propre invalidité, vous ne frappez que
E ij
�36
fur la coupable , qui a cherché de fang froid h vous tromper.
Elle n’a perfonnè qui réponde à Tes plaintes. Elle gémira feule
d’une imprudence qu’elle a volontairement commifc. Elle ne
pourra accufer de dureté des L oix qu’elle a bravées avec ré
flexion.
En anéantilfant l’autre que tant de motifs rendent ficrée ,
vous puniriez l’innocence : vous flétririez pour jamais cette
. enfant d’autant plus digne de p itié , q u elle ne connoît pas
encore fes malheurs, & que ia ienfibilité ne commencera que
dans le tems où celle qu’ils auront fait naître fera epuifée.
C e n’uft pas to u t, M e s s ie u r s , la dégradation d’A n toi
nette de Eombelles aurait encore des fuites bien plus fùneftes.
U n peuple entier attend votre déciiiou en tremblant. Si elle
nous étoit contraire, il la regarderait comme l’A r rôt de fa
propre condamnation. Le fort de cinq cens mille familles dans
le Royaum e , l’état d’un million de C itoyen s, il n’eit plus tems
de fe 1^ dilfimuler, dépend de notre fuccbs : jamais Caufe, avec
une apparence plus bornée , n’a eu des rapports plus étendus.
Quand la D em oifelle de Carvoifin feroit bien fondée, quand
fon mariage feroit auifi régulier qu’il eit illégitime , quand en
le contractant elle auroit obfervé toutes les Loix qu’elle a vio
lées, la Juitice auroit peine peut-être à la défendre'contre Je
grand , contre le prodigieux intérêt politique qui la combat :
niais elle n’a pas même cet avantage. Quand elle n’auroit que
nous pour Adverfaires, fa perte feroit encore inévitable. Que
fera-ce donc aujourd’hui que le bien public la nécciïite ? Cette
rivale indiferete n’a que des torts de fa part à nous oppofer.
Pourrez - vous balancer entre elle &c une ii nombreufe partie
de la nation ?
�37 .
t t i m i • \ ~ iz m u zssB jB ta y m m r r i td T n hiiv * B z w e E a x m -w , r r r . m jg ’iir a m r —
O B S E R
Du
D é f e n s e u r
V A
t a ra u ux u m
» » r ÿ t r i& a a l
T I O N S
des D a m e &
Demoifelle D E
B O M B E L L E S,
J ’ a u r o ï s voulu pouvoir me borner à ma C au fe, & n’être
pas forcé de convaincre le V icom te de Bombelles d’un mau
vais procédé de plus. Mais il a néceflité un cclairciffem ent,
pour lequel je ne produirai que des faits & des pieces.
L e V icom te de Bombelles a fait imprimer dans tous les pa
piers étrangers , avec des réflexions injurieufes, & fait courir
dans Paris , avec des apoflilles contraires à la vérité , la lettre
fuivante :
« J’ai reçu avec la plus grande reconnoiffdnce s & lu avec le
>?plus v if intérêt, le Mémoire que M . le Vicomte de B om )) belles a eu la bonté de m envoyer. C ’eil quelque chofe de
v bien iingulier en effet que la hardieiTe avec laquelle on ofe le
» compromettre par des imputations de la nature de celle dont
» il fe plaint. Peut-être eft-ce fon mariage même qui en effc
» l’origine. I l eit poflible que quelques collatéraux, du côté da
» Madame fon ép ou fe, aient conçu de l’inquiétude de cet
33 événem ent, & qu’ils aient imaginé ce lâche & mal-adroit
» moyen pour fe tranquillifer. A u r e fie , l’éclat même qu’ils
»auroient néceffité , ne peut fervir qu’il rendre leur honte pu” blique , & à. faire briller l’innocence du C lien t, ainji que les
33 talens du Defenfeur. J’ai l’ honneur d’ail’urer M . le V icom te
33 de Bombelles du refpeil avec lequel je fuis fon très-humble
33 & trbs-obéiflant ferviteur. Signé , L in g u iît.
Lucienne, ce 4 Juin i y j t „
�ïù
f
.
Dans les copies^iftribuées >
à Paris , de la main du V ico m te,
fc trouvoit Tapoftille ci-jointe de la même main :
« L ’ original de la lettre ci-deiTus a été communiqué ? en
» plein P arqu et, à M e Linguet qui nioit Ton exiftence , par le
» V icom te de Bombelles qui l’a dans Ton porte-feuille. A.
» Paris le 10 Mars 1772.. S ig n é, V icom te
de
B
ombrlles
».
L ’apoilille du 10 Mars & la date du 4 Juin, font remar
quables.
Toutes ces manœuvres avoient pour objet de me compro
mettre , en iniinuant qu’après avoir été le Confeil de M. de
B om belles, j’avois préféré de devenir celui de ia fem m e, &
que j’étois reité confondu , fans défenfe, devant mes Confrè
res, fur l’articje de la lettre. C e plan annonce , de la part de
M. de Bom belles, beaucoup d’art & de fang-froid, mais peu
de ménagemens pour la vérité.
Il eitfau x ( je fuis fâché d’être obligé de le dire à un Gen
tilhomme ) que l’original de cette lettre m’ait été communi
qué eh plein Parquet. Il cil faux que j’en aie nié l’exifl;encc.
I l eft faux que le V icom te de Bombelles m’ait jamais parlé
dans fa v ie , ni au Parquet, ni ailleurs ; au contraire, c’eit
moi-même qui ai interpellé en plein Parquet à l’occafion des
bruits femés fourdement «5c des alTertions configoé^s dans les
papiers étrangers , M e le Blanc , A vo ca t du Vicom te. Je l’ai
fommé de repréfenter cet o rigin al, dont il annonçoit qu’il
comptoit tirçr grand parti dans la Caufe. M e le Blanc ne l’a
pas voulu faire -, mais après une difcuiïion même allez v iv e , il
s’eft: retiré en difant: E h b ien , j e déclare que vous nave^ j a
mais été le Confeil de M . de Bombelles ; êtes-vous fatisj'ait ■
Cette déclaration a été faite devant M. l’A vocat Général de
Verges & cinquante Avocats que j’avois engagés à être pr^"
�//
39
fens à la conteilation , & Juges de mon procédé. O r , ce pro
cédé , le voici :
L e x Juillet 1 7 7 1 , tems où j’étois accablé de toutes parts de
lettres , de complimens, de félicitations que je ne méritois point,
fur des objets auxquels je n’ai jamais eu aucune p a rt, fur des
ouvrages que je n’ai connus qu’avec le P u b lic , le V icom te de
Bombelles m’adreiîa, par la petite p o ite, un de fes Mémoires
imprimés, avec la lettre que^voici :
« Paris , le x Juillet 1 7 7 1.
« M
o n s i e u r
,
» Défendre le Citoyen chargé des intérêts du M onarque, &
« obligé de maintenir fon autorité, a été l’emploi glorieux ,
» dont vous vous êtes ii bien acquitté dans la calomnieufe im» putation faite à M .... Il n’eil point étonnant q u ’ un h o m m e
)) en place foit en butte à de grandes révolutions & à des épreu« ves fâcheufes. Mais pourquoi un Citoyen ignoré par état &
» par caraôere , eit-il l’objet d’un acharnement odieux ? C ela
« eft, on ne peut pas p lu s, difficile à concevoir. Je me fers
» avec plaiiir de cette circonitance , pour rendre hommage à
>■
>vos talens & à votre mérite. J’ai l’honneur d’être, Monlieur,
« vo tre très-humble & très-obéilfant ferviteur.
Signé j
t
B om belles.
J’étois alors dans l’idée fauiTe qu’une politelTc devoit tou
jours être payée par une autre politeiTe, & qu’on ne fe com promettoit point par un procédé honnête. J’avois pour princ’pc de
rcP°ndre à toutes les lettres que je rccevois. L ’expérience m ’en
�4°
a corrigé, & je fuifis cettJ occafion de prévenir toutes les perronnes qui continuent à m’honorer de leurs lettres , de n’êtré
pas furprifes de mon filence. M. de Bombelles m ’a donné à ce
fujet une leçon que je n’oubjierai jamais. Je lui répondis : je le
connoiiTois ii peu, j’avois ii peu de relations avec l u i , que pour
lui faire parvenir mon rem erciem ent, que jere.gardois comme
un d evo ir, je fus forcé d’adreiTer ma lettre à M e Perrin, A v o
cat aux C o n fe ils, qui avoit figné fa Confultation. M e Perrin
certifiera ce fait.
Je n’ai é c r it, comme on peut le v o ir , à M. de Bom belles,
que de ces chofes vagues qu’indique l’envie de donner dans le
fens d’un homme de qui l’on a reçu une marque de confidération. Si je parlois des collatéraux , c’çil que ce font ordinaire
ment ces fortes de parens qui ont intérêt h attaquer des ma
riages. Je fuppofois que les prétendus ennemis de M. de B om
belles ne pouvoient être que de cette clafTe. Jevoulois lui prou
ver que j ’avois eu l’honnêteté de lire fon Imprimé ; & e n voyant
la hardiefle avec laquelle il défioit fa première époufe de fe
montrer, qui auroit jamais pu foupçonner qu’elle exiftât ?
Cependant au mois d’O ftobrc fuivant, cette époufe fe préfenta chez m o i, & implora mon iècours ; je ne balançai point
à le lui promettre. Je lui ai tenu parole , & je la feconderai
jufqu’à ce qu’un Jugement folemnel ait éclairci & fixé fes
droits.
Je n’ai certainement ni dû ni pu me croire lié envers M. de
Bom belles, par un envoi fans conféquence, par le préfent d’un
Imprimé fur lequel on ne m’a même jamais demandé d’avis. Si 1a
maxime contraire s’établiiToit, les Portiers des A vocats devicndroient donc les arbitres de leur délicateiTe. Un Plaideur qui
feroit la dépenfe d’adrciTcr à tous les Jurifconfultcs, attachés à
un
�41
lin T ribun al, un exemplaire d’un de fes Mémoires , feroit sûr
de n’y point rencontrer d^Adverfaires.'1 -0'jii-•: v u :
J
L ’induclion tirée de ma lettre eil rabfurde ; mais la date
tju’on y fuppofe éil une particularité cffreufe. Je-neToupçonne
pas M .-d e Bombelles ders’étre imaginé''que j’aurcis perdu la
fiennc du 1 Juillet. Je ne l’âccufe pas d’avoir gratté la fin de ce
îfiot fut 'la mienne , & 'd ’en avoir fait f u i n , àfin^qu’elle pût
£>aroître avoir précédé-fa Confultation , qui eft du Z) Ju in , &
«qu’il eût le droit d^nfinuer que j’avois pu voir fon Mémoire
en manuferit. Ces idées font trop violentes , pour que je m’y
arrête. Il eft poifible, après to u t, que le 4 Juillet j’aie daté
du 4 Juin. Cette méprife n’a rien,d’improbable*
Mais comment M. de Bombelles, qui doit avoir les faits préfens, & q u i n’a pas pu fe méprendre fur les époques, a-t-il ofé
non-feulement laiifer fubiifter , mais même appuyer l ’efpece de
doute qu’il'faifoit naître fur celle-là. ? I l (ait que c’eft un Impri
mé qu’il m’a fait parvenir. Sa lettre prouve aiTez qu’il ne m’avoit
jamais écrit avant le z Juillet. E lle prouve qu’il me faifoit un
envoi, & non pas qu’il attendît de moi un avis : la mienne, qui
eft une réponfe, ne dit rien autre chofe. Si j’avois été fon C on f e il, lui aurois-je parlé de ma reconnoijfance , en accufant la
réception de fo n Mémoire ? Lui aurois-je rappellé les talens de
fo n Défenfeur, ii j’avois été ce D éfcnfeur ? Jamais il n’eft
entré chez moi •, jamais il n’a eu avec moi de corrcfpondance
d aucune efpece. Com m ent ofe-t-il donc eifayer de me com
promettre ainfi & dans la Capitale & dans les pays étrangers, fur
un prétexte dans lequel il me feroit fi facile de trouver une im pofture criminelle ?
Je laiiTe au Public & à lui-mcme le foin de l’apprécier j mais
je n c vpuis m’empêcher de déplorer'le fort de q u ic o n q u e a
F
�42
le malheur de fixer un inftant les regards dans une carriere
pénible, & d’y rencontrer des Adverfaires peu délicats. I l
éprouve à chaque inftant la vérité de cet adage fi connu, fi
affreux , fi cru el, & cependant fi fen fé, en fuppofant qu’on
puiffe proftituer ce nom aux armes du crime : Calomnions
toujours nos ennemis. Qu'importe q u 'ils f e ju ftifient /
Ils
guériront la plaie , mais ils ne feront pas difparoître la cica
trice. Cette réflexion n’eft pas étrangère à. la C au fe, fi l’on en
croit d’autres bruits femés par le V icom te de Bombelles contre
fa fem m e, avec auffi peu de fondem ent, & u n e m alignité auffi
courageufe.
Monf i eur D E
V A U C R E S S O N , Avocat Général,
M e L I N G U E T , Avocat.
M e M O Y N A T , A vocat du Parlement.
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D e l’imprimerie de L . C E L L O T rue D auphine, 1 7 7 2.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum.De Bombelles, Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Linguet
Moynat
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
actes de mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Plaidoyer pour demoiselle Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, procédant sous l'autorité d'Antoine Maugis, son tuteur ad hoc. Contre Charles-Frédéric Vicomte de Bombelles ; Et demoiselle Marie-Françoise de Carvoisin. En présence de demoiselle Marthe Camp, Vicomtesse de Bombelles.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1770-1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0803
BCU_Factums_G0804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53051/BCU_Factums_G0802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de mariage
diffusion du factum
opinion publique
Protestants
suspicion de bigamie
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53052/BCU_Factums_G0803.pdf
7d06dfa04ef72c72b7f8eeba89d40036
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Text
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} Sous-A id e M ajor d’ in fa n terie,
Chevalier-N ovice de l 'O rdre R o y a l & Militaire de Saint
L azare, In tim é, D éfendeur & Demandeur.
C O N T R E
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Demoifelle Marthe C a m p , Fille majeure,
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Appelante comme d’ abus , 6' JDéfendereffe
E t contre Antoine M A U G IS , Tuteur ad hoc d ’ AntoinetteLouife-Angélique-Charlotte
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Appelant & Demandeur.
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Epoufe dudit Vicomte de Bombelles.
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Veuve de M efffire Antoine H e n n e t , Lieutenant-
Colonel d ’Infanterie , Intervenante.
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L o r fque la fcène s’ eft ouverte dernièrement pour attaquer
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fous vos yeux le V ico m te de B om belles, je n’ai pû voir fans,
étonnement que la principale A & rice qui l’avoit dénoncé
comme Bigame à toute la T e r r e , & qui avoit eu le courage
de l’accufcr de'libertinage o u tré, de féduiflion, d’apoitafie,
de trahifon, de lâcheté & de tous les forfaits im aginables,,
refuiat de com m encer 1’attaque.après l’ y avoir appelle; qu’elle
fe fut môme condamnée au filen ce, dans le feul lieu où il lui
convcnoit de parler, & qu’ elle n’y parut que pour y faire un
coup de th eltre, & immoler encore une fois le V icom te de
Bombelles à la haine publique , par l’exhibition maligne d’ un,
enfant qu’il ne ceiTe de lui redemander.
M ’ c Îl-cg pas encore un phénomene tout a fait nouveau ,
que cet enfont qui ne foupçonne pas même les diftindion^
introduites par les L oix dans l'état des perfonnes, qui ne fçait:
rien de ce qui a précédé fa naiflance , & qui n’ a connu fon
pere pour la premiere fois que par le baifer & les larmes qu’il
en a reçu s, en fe rencontrant avec lui dans ce champ de
bataille, vienne foutenir l’ état de fa m ere, elle préfente ,
tandis qu’ elle n’ ofe plus rien demander pour elle-meme.
Cependant, il faut l’avou er, après ce que la DemoifeJle
Cam p s’eft permis contre le V ico m te de Bombelles , il eût
été bien plus étrange de la v o ir , ou revenir fur £bs pas pour
revendiquer comm e m ari, un jeune homme qu’elle a couvert
d ’opprobre : ou periiiter dans l’horrible defiein de le livrer
com m e Bigame au iupplice honteux de ce ilellionnat,
& de
faire déclarer, par le même A rrê t, fon enfant fille légitime
d ’ un pere infâme !
Si l’impoilibilité d’opter entre ces deux partis Ta réduite
h la néceilïté de fe remplacer par fa fille & de lui remettre
fes intérêts , fa paiîion n’ a rien perdu h ce changement. E lle
�y trouve au-qontraîre deux avantages : le prem ier, d j fauver
par les reticences du refpect filial toutes les injures & les
..calomnies entaifées dans fon L ib e lle , & de biffer douter fi ce
*1 eft pas par pure bienféance qu’elle les a fait fupprimer dans
la Plaidoirie : le fécond, de fe rendre favorable par l’ interpo
sition d’ un être innocent, qui pour être le fruit d’ un amour
illic ite . n’en eft pas moins digne de votre pitié. Je ne trou
verai point à redire à fa dexterité.
Mais ce qui a frappé une partie de fes Auditeurs , & ce qui
m ente en effet laplusiérieufe attention, c’eilq u e perfeverantà
fedire mariée au V icom te de Bombelles, & ayant fait proviiion
d aétes de m ariage, les ayant même fucceflivem ent employés
pour l’enlever à fa véritable époufe & le faire difparoître par
des coups d’autorité, elle failè dire aujourd’hui qu’ elle n’ en a.
p o in t, qu'elle, ne .peut pas en produire , qu’ elle ne le doit pas ;
& qu au lieu d’ailes elle ait recours à de nouveaux expédiens
q u i, en donnant la facilité d’époufer les gens à leur infçu &
malgré e u x , aboutiroient non-feulement a l’ aviliilèment, mais
à l’abolition totale du mariage.
Si elle n’a point d’a&es , elle a donc étrangement trompe
le Public, & l'Europe entiere , a qui elle promettoit ci-devant
d en produire, (a) & qui ne s’ eft prévenue en fa faveur que
fur ce fondement.
^ Elle en a ,
M e s s ie u r s ,
& j’en ai les,expéditions procurées
d après les fienncs. Mais ce font des acles faux. C ’eft ainix
qu elle s’eft acquis l’état de femme , & qu’ elle a jetté le trou
ble & 1 amertume dans le mariage d’ une fille de qualité, inno
cente & vertueufe, qui n’étoit point faite pour entrer en conurrence avec elle.
.
c — __________
^oyez. ce t t e pro m e tte dans la n o t e au bas de la page 6 de I o n M é m o i r e à t o n * '
l u l t e r , c d m o n 111 4“,
A i;
�4
I l eft vrai que le V ico m te de Bombelles qui aimoit éperduement la D em oifelle C a m p , & qui conferveroit encore
pour e lle T e ftim e , il elle ¿voit confervé du refpeét pour la
v é rité , a fait les plus grands efforts pour la faire admettre
dans fa famille ; ôc la naiilànce de leur enfant eft diftinguée
des autres par ce rayon d’honnêteté. Mais il ne lui a jamais
été poiîible de l’époufer.
L e rôle d’époufe trahie & dégradée, qu’on lui fait jouer
depuis fix m ois, eft une intrigue concertée dans le tourbillon
d’ une cabale infenfée, donc je ferai connoître les Chefs. V o u s
v e rre z , M e s s i e u r s , que cette époufe trahie & dégradée n’eft
qu’une fille à qui le befoin d’une ombre de mariage pour cou
vrir les foiblefles de l’amour, a fait imaginer mille ftratagêmes
pour paroître m ariée, .& à qui le dépit de ne l’être pas a fait adopter le projet d’une vengeance inouic. E lle n’a tourné
contre le V ico m te deBombelles la prétention d’ être fa fem me,
que pour le punir de ce qu’il a , par fon mariage a ctu el, irré
vocablement ceiTé d’ être fon Amant!
D ans une affaire qui n’ eft de fa part qu’un jeu cruel de
l’ amour , je n’ai garde de vous porter contr’elle aucune plainte
des calom nies, des faux & des attentats, dont il a prefque été
la vi&ime. Quand elle en feroit l’auteur, on contrarie même
par les unions furtives une efpece d’iden tité, & l’on ne peut,
fans retenir une partie de l’ opp rob re, deshonorer ceux avec
qui l’ on a une fois mêlé fon iang.
Je ne veux que défendre de fon inimitié un jeune homme
qui n’a pû fe défendre de fa bienveillance & de fes charmes.
En repouiTant fes attaques , je me fouviendrai qu’elle lui a été
chcre ; & quoique le combat.i'oit a tro ce , je tâcherai qu’elle
cil forte fans bleifure. Je ménagerai mes forces de façon à
�1
lui faire tomber ion mafque , fans la frapper trop rudement.
-
Quand jeur ancienne liaifon ne m’impoferoit pas cette mo
dération , je m’en ferois un devoir pour l’enfant qui leur doit
fon exiftence. I l ne faut pas que cet enfant ait à rougir un
jo u r , ni de fon p e r e , ni de fa mere.
C ’eft aux auteurs de l’intrigue que doit en refter toute la
honte. Ci-devant ils fe propofoient de fupprimer la perfonne
du V ico m te de Bombeî^es.
L ’appel comme d’abus qu’ils ont fubftitué à leurs' vaines
tentatives auprès du M iniftere, & qu’ ils ont repris après avoir
pareillement échoué par deux fois au Tribunal de la NobleiTe,
a pour objet de lui enlever la D em oifelle de Carvoifin fon
epoufe, qu i, méritant le plus v if attachement par fes qualités
perfonnclles , devient encore plus intereifante pour lui par le
courage même qu’elle a eu de lui refter fidelle dans fa difgrace.
Mais d’un c ô té , le nom d’épouie que poiTede la D em oi
felle de C a rv o ifin , fe rencontre avec un titre autentique. D e
l’autre, la D em oifelle Camp n’ofe plus y prétendre, & ne '
rapporte aucun a&e de mariage ; il n’en faudroit donc pas
davantage pour réprimer fes incurfions.
I l étoit refervé à elle feule , ne pouvant établir fur fon
mariage la légitimité de fon en fan t, de prendre les chofes à
rebours, & de com m encer par foutenir que fon enfant eft
légitime , pour en conclure qu’elle eft mariée.
N ous n’avons garde de diriger nos efforts contre cet en
fant qui n’a point de v o lo n té, & dont elle règle la langue &
les mouvemens. S’il ne veut qu’ un éta t, un nom & un pere
certain, nous avons prévenu fes d é firs, il a tout ce qu’ il
demande. L e V ico m te de Bombelles a coniigné de lui-même
( il y a long-tems. ) dans les regiftres de la C o u r fa. reconnoii-
�6
fance oc ics offres de légitimation (a). P ar-là il lui donne ce
qu ’il a de plus eftim able, fes parens, avec un nom connu en
France depuis cinq cens ans. I l prie même la C ou r de lui ac
corder tout ce qu’elle pourra.
L e furplus des demandes hafardées fous Ton nom ne mé
rite aucune attention. L a légitimité originelle des enfans ne
dépend pas de la volonté des peres. I l n’ eft pas plus poffible'
au V icom te de Bombelles de faire que la fille de la D em oi-.
felle Cam p ait été légitime en fiaiiTant, que de lui donner une
autre rrjere.
I l eft d’autant plus abfurde de commettre cet enfant avec
la D am e de B om belles, que non-feulement on ne prouve
point le mariage de la D em oifelle Cam p fa m e re , mais qu’on
n’ofe produire pour elle-même fon propre extrait de Bap
tême.
Je pourrois m ’en tenir-la & conclure dès-k-préfent h ce
que la mere & l’enfant foient déclarés non-recevables dans
leurs prétentions. Mais comme ils font au pouvoir d’autres
M o teu rs, qui fçavent où l’on fabrique des a & e s, & qui en
feront paroître quand il leur p laira, il faut répondre à ces
Adverfaires fecrets.
L e V icom te de Bombelles ne fera point à la D am e fon
époufe, dont le mariage eft autorifé par les deux fam illes,
l’injure de foumettre ce mariage a l’infpe&ion d’ étrangers qui
n ’ont rien h y v o ir , & qui auroient mauvaife grâce à invo
quer des L o ix dont ils foulent aux pieds l’autorité. (b) C ’eft
à la D em oifelle Cam p d’établir fon mariage avant que d’ atta
quer celui des autres.
( d ) Arrct du 5 Mars 1 7 7 1 .
(ß) Non cß audiendus legem invocans qui contra legem facit.
�O r d’ aprcs cc qu'elle a écrit & fait plaider , s’ il y avoit de
fon côté quelque mariage, il feroit nul, & il faudroit en punir
les auteurs.
Mais il n’ y en a p o in t, ôc il faudra peut-être punir les impofrcurs qui ont abufé de fa complaifance.
Elle n’a pas même le miferable avantage d’ avoir le m oindre
reproche à faire au V ico m te de B om belles, & c eft à lui feul
qu’il iied de fe plaindre.^
P R E M I E R E
P A R T I E .
Confcqucnces du prétendu Mariage , s’ il ctoit réel.
Si dans l’état de la nature il y a peu de différence entre le
mariage & le concubinage , il y en a une très-grande dans l’ état
civil.
Tous deux commencent par la tradition m utuelle de foimême. Mais l’un fe form e par le feul concours des volontés ,
qui ne confultent que l’inftinct de lapaffion , & dont les vues
indifférentes fur la propagation de l’efpece fe terminent a la
poiTeffion refpeélive des deux individus.
L ’autre fe form e par l’intervention de l’autorité légitime ,r
qui ajoute a l’union volontaire des deux Contra&ans un lien
extrinfeque plus fort & plus durable. C ’ eft une pollicitation
publique faite entre les mains de ceux qui font prépofés pour
la recevoir , par laquelle chacun des Contra&ans fe charge
envers l’Ê trc Suprême & envers toute la fociété humaine
dès cet inftant & pour toujours,de la perfonne qu’ il s’ attache,..
& du fardeau des enfans que cette union pourra produire.
Tous les peuples du Monde y ont impoié les
c o n d itio n s
�8
les formes qu’ils ont jugé les plus convenables à la concorde
'
des époux , au bien-être de leur poftérité , au repos de leurs
familles , & à l’harmonie de toute la fociété dont les familles
font comme les premiers élémens ; & fuivant le plus ou le
moins d’importance , ils y ont appofé des peines plus ou
moins féveres.
N o s L o ix font te lle s, que la D em oifelle Camp ne gagneroit rien à être mariée comme elle le dit , & que fa famille
pourroit y perdre beaucoup. Sa religion prétendue réfor
mée , dont elle fe fait un m o y e n , ne lui donncroit aucun
privilège , & ’ne l’expoferoit qu’ à de plus grandes rigueurs.
§ . I.
N
u
l
l
i
t
é
.
I l eût p e u t-ê tre mieux valu pour le V ico m te de B om bélles qu’il y eût un mariage , & fçavoir où le prendre : il
y a long-tems qu’ il n’en feroit plus queftion. U n e fille-fans
naiiTance , fans fortune & d’une R eligion décriée n’auroit pu
refter fa femme. Sa famille quoiqu’ en ligne collatérale , in
vitée par nos L oix à venger l’ affront d’ une ii honteufe méfalliance , n’auroit pas héiité h la faire déclarer nulle.
La
D am e Hennct fa tante ne paroît ici que pour l’atteftcr.'
Lui-m êm e y feroit encore recevable. L ’impoifibilité d’en
acquérir plutôt la preuve auroit prorogé fon aftion , & il
ri’auroit pas grande peine à faire prononcer la nullité ; ou
p lu tô t, com m e la nullité eft de plein droit dans les circonftances où fe trouvent les Parties , il n’ auroit eu befoin que
d’ une fimple proteilation pour fe mettre en état de paiTcr k
il’autres nôçes.
i° .
�■M
9
i° . Incapacité de leurs perfonnes.
Ils n’ étoient ni capables d’être unis enlemble par le lien,
conjugal, ni en âge de difpofer d’eux-mêmes.
i° . C e lien , qui dépend des L o ix de l’Etat & de la R e li
gion , ne fçauroit s’adapter aux perfonnes qu’elles réprou
vent.
L ’ un des obftacles le^ plus diriments , c’ eft la difparité de
culte. D ieu lui-même defendoit k fon peuple de donner des
femmes aux In fid eles, & d’en prendre chez eux *. Dans c *m^e.1usfoçialis
le Chriftianifme , le mariage avec un Payen , ou même avec Deut. ch. 7^/3!
un Juif , feroit un crime , & non un contrat.
\
Il ne faut pas faire aux Proteftans l’ injure de les abaifler'
au même rang : ce font nos freres dans le Chriftianifme , &
nos concitoyens dans l’ Etat. S’ils font encore dans la folle
prévention , que l'Efprit-Sainc a retiré de l’ Eglife le dépôt de
la révélation pour le placer dans leurs mains , au moins ne
font-ce pas ces Fanatiques des fiécles précédens , dont toute
la religion confiftoit dans l’horreur de la n o tre , qui , peu
contens de fe confédérer , prenoient les armes pour le fuccès
de leurs opinions , & qui traitant notre Eglife de proftituée ,
nos Souverains Pontifes d’ A n te th rifts, nos Prêtres de P i
rates , & nous-mêmes d’ id o lâ tre s, profanoient ôcravageoient
par le fer , par le feu , par la luxure , temples , autels, &
tout ce que nous avons de plus facré. Mais quoiqu’ il n’ y ait
de proferit que leur do&rine , leur culte , leurs aiTemblées ,
leurs çonfiftoires , leurs temples 6c leurs Miniftres , & que
chacun d’eux,pcrfonnellement conferve fon exiftance légale
& fon aptitude a la plupart des effets civils ; l’averiion fecrette
que la plupart ont pour nous , les remords dont ils femblent
R
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jfo
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rongés quand ils fe foumettent un inflant à l’ autorité légi
time , l’empreiTement avec lequel ils fe rallient au premier
fignal & pour le plus léger in té rê t, cette tendance perpétuelle
à form er un état dans l’Etat les a fait décheoir de tout emploi,
& même de l’ honneur d’ être admis à nos alliances.
Ils nous en ont donné l’exemple dans les pays où ils domi
nent , & nous n’avons fait qu’ ufer de reprefailles.
- Ils nous ont fourni une raifon déplus dans l’ opinion même
qu’ ils ont du mariage. A u lieu qu’il eft de fon eiïèn ce, dans
notre Eglife , que les deux Contra&ans commencent par fc
remettre dans les mains de l’Ètre Suprême pour s’ accepter
mutuellem ent de fa main , comme un préfent céle ile , & que
* Quodcwjùnxit le nœud de leur union foit l’ ouvrage de D ieu même * le
^
Vlat!** N ovateur audacieux qui les a égarés à fa fuite, l’ a dégradé, en
lui ôtant tout ce qui peut lui concilier la faveur du C iel & le
refpeét de ïa T e r r e , & l’a converti en un marché profane &
fordide , qui s’accomplit com m e les autres par le fimple con
cours des volontés.
A u ili ne s’ eft-on pas contenté pour eux des L o ix de FEglife , qui défendent le mariage avec les H érétiques, fans
l’ annuller : nos L o ix , plus féveres , le déclarent nul avec
e u x , fans qu’il foit befoin de recourir aux Tribunaux pour
en faire prononcer la nullité.
» V oulons ( dit l’ Edit de
» D écem bre 1 6 80 ) qu’à l’avenir nos Sujets de la R eligion
» C atholique, A poftolique & Rom aine ne puiiTent, fous
» quelque prétexte que ce foit , contraéïer mariage, avec
yj ceux de la R eligion prétendue réformée , déclarant tels
» mariages non valablement contractés , & les enfans qui en
» proviendront, illégitimes « .
L*i Déclaration du 18 Juin 1 6 8 ^ vouloit même que les
v
�2?>
II
mariages en contravention à. cette L o i fullènt expiés par la
démolition des Tem ples où ils auroient été célébrés.
L a profcription générale de leur fede,prononcée par l’ Edit
du mois d’ Oét. i G B 5 ,a corroboré la prohibition de s’allier avec
eux. Cette profcription fubiiite toujours ; elle eft: confirmée
par la volonté du Monarque rég n a n t, coniignée dans la D é
claration du 1 4 Mai 1 7 x 4.
» D e tous les grands deiïèins
» ( y eft-il dit ) formésy par notre augufte Bifaïeul dans le
jj cours de fon R e g n e , il n’y en a point que nous ayons plus
» il cœur de fuivre , que celui d’éteindre entièrement l’hé» réiie dans ce R oyaum e. . . .
I l répugné donc que notre
» fang puiife fervir à la perpétuer a .
Q uel que foit le mépris voué par nos L o ix aux P ro teftan s,
nos mœurs en ont pourtant préfervé ceux d’entr’ eux qui ont
le courage d ’être honnêtes , & qui , après avoir apporté dans
la négociation du mariage la bonne foi requife , ne font point
difficulté pour fon accompliiTement de fubir le joug de nos
ufages. O n ferme les yeux fur leur diveriité de croyance en
confidération de leur docilité , & l’ on renverfe pour eux la
barriere qui les féparoit d’avec nous.
Mais elle eit inébranlable pour tout autre , & fur-tout
pour ceux qui n’étant arrivés au mariage que par débauche ,
par intrigue & par fraude , n’auroient pour toute excufe que
le fcrupule injurieux de fe conform er au furplus de la Nation.
L a conjugalité de pareilles gens n’ eft tolérable qu’ entr’e u x ,
& jamais ils ne pourront atteindre jufqu’h nous , tant q u ’ils
perfevéreront dans leur contumace.
L a profeilion même de leur prétendue réform e étant un
obftacle invincible au mariage de la D em oifellc Cam p avec
B ij
'
A
�Ii
le dernier d’entre les Catholiques , fon mariage feroit. nul de
plein droit par l’incapacité de fa perfonne.
Vainem ent auroit-ellc eiTayé de fe rendre capable en lui
faifant changer de religion. N o s L oix obvient à de fi miférables expédients. L ’Edit du mois de Juin 1 6 8 0 , en proro
geant encore pour quelque te m s, & a r e g r e t, la tolérance
de la R eligion prétendue réform ée , défend k tous Sujets
de quelque qualité , condition } âge & fe x e que ce fo it , faifant
profejjion de la Religion Catholique, Apoflolique & Romaine ,
de jamais pajjer de l’ une à l’ autre pour quelque caufe 3 raifon ,
prétexte , ou confidération que ce puiffe être ; & aux Miniftres
cfc les recevoir ; enjoint môme aux Procureurs Généraux d ’y
tenir la main.
L es Edits de Mars 1 6 8 3 , & Février 1 G 8 >5 , renouvel
lent la même défenfe. L e délire d’ une abjuration prohibée ,
fur-tout d’ une abjuration fecrette & démentie au dehors par
toutes les marques de Catholicité , ne feroit donc pas ceilèr
la prohibition d’ époufer ? L ’incapacité primitive de la Dem oifelle Camp n’ en fubftitueroit pas moins ; & par conféquent
fon mariage n’eut été qu’ une vaine cérémonie qui 11’ auroit pû
lier le Vicom te de Bombelles , ni l ’empêcher de difpofer
ailleurs de lui-même au premier changement de volonté ; à
peu près comme une donation faite à une perfonne incapable ,
n’ empêche pas qu’on ne puiife enfuite difpofer au profit d’ une
perfonne capable.
2°. Sa minorité
fe r o it
encore un autre moyen de nullité.
I l n’en eft pas du mariage comme des auçrcs contrats , ou
comme des autres établiUèmens. On 11e inet dans tout autre
qu’ une portion plus ou moins foibîe d’intérêt ; on m et dans
celui-ci fa perfonne toute entière. C ’eft une chaîne indiiTo-
�x3
lubie qu’ on s’impofe pour paiîèr le refte de fes jours avec
une autre perfonne dont il faudra fupporter k l’ avenir tous
les défauts , tous les caprices , toutes les infirmités , toutes
les infortunes.
I l étoit de l’équité , fur-tout dans une affaire de cette im
portance où deux perfonnes vont confondre leurs deftinées ,
de ne pas abandonner la jeuneffe , ni à fa propre imprudence ,
ni aux fuggeftions étrangères : c’eft l’âge des grandes paillons
& des plus déplorables naufrages.
I l étoit bien plus jufte encore de ne pas expofer le repos
& l’honneur des familles a fa témérité.
L e mariage eft la
conilitution d’ une nouvelle famille aux dépens de deux au
tres , dont l’honneur & les intérêts deviennent déformais
communs par cette alliance. I l leur importe d’ être bien afforties , & de reftcr Juges des alliances qui leur convien
nent.
Calvin lui-même , qui femble avoir pris h tâche d’abolir
toute autre autorité, refpe&e du moins celle-ci ; & quoiqu’ il
Semble dans, tout le refte avoir travaillé bien plus au détri
ment , qu’ à la réform e des m œ urs, au moins ne veut-il pas
Nque fa fecïe foit l’écucil de la minorité , ni qu’on y donne
fiabilité aux mariages contractés entre jeunes gens fans la par
ticipation de leurs pareils.
I l impute à l’Eglife Catholique un
ufage & des L o ix contraires , qu’ il traite de Loix très-impics
envers D ieu , & très-injufies envers les hommes ( <2). L ’ impu
tation eft calomnieufe : mais du moins il en rélulte qu’à fon
avis c’eft une injuftice, & même une impiété de maintenir de
pareils mariages.
•
fJ o n f i i ; c ; i l.r g e s fa n x e r u n t partim in D eu m îM inifeftè im picis , partim in hrm ints
2ri,-jui[]imas , qu ales f u n c , ut co m u v ia int r a d o lefien tu lo s parentum in iu fu c o n t r a d i j
Jirma raïajue montant. Inftit. lib. 4 , cap. 19 , n. } 7.
�*4
N o s L o ix y ont p ourvu, & ont voulu que les enfans de
fam ille & les mineurs ne puilcnt contrarier ni mariage , ni
engagement h. ce fujet , fans le confentement des perfonnes
dont ils dépendent. » Si ceux qui voudront fe marier ( dit
îj l’art. 40 du fameux Edit de Blois ) font enfans de fa» mille , ou en la puiilance d’ au tru i, défendons très-étroitement de paifer outre à la célébration defdits mariages ,
s? s’il n’apparoîtdu confentement des peres , m eres, Tuteurs
jj
» ou Curateurs » .
Quand donc l’ un des deux prétendus mariages d’ entre la
D em oifelle Cam p & le V ico m te de B om belles, ou que tous
les deux enfemble feroient véritables , ils ne pourroient être
valables , s’ ils n’ ont été autorifés , ni de Tuteurs , ni de la
fam ille du V icom te.
O r , quoiqu’ aux deux différentes époques de ces prétendus
mariages il fût encore loin de fa m ajorité, qu’ il n’ eût que
vingt ans à la premiere & vingt-un a la fécondé, on ne voit, de
fon cô té , ni dans l'un ni dans l’autre mariage, aucune ombre
ni de T u te u r , ni de famille. L a nullité en feroit donc inévi
table fous cet afpeét.
C e jeune homme n’ eft point de pire condition que tant
d’ autres dont le mariage a été caifé , même après la naiifance
de pluiieurs enfans, & il ne perdroit pas fon honneur pour
avoir ufé d’une reiTource que les L o ix de l’honneur même
accordent h fon âge.
Son mariage feroit encore nul fous tout autre afpeél:.
2°. Défaut de formes.
I l y a deux fortes de folemnités établies pour le mariage ;
les cérémonies religieufes, & les formalités civiles.
�11
Les unes ont pour objet d’ élevcr le mariage au plus haut
degré d’ honneur par tout ce que la R eligion a de plus augufte ; les autres , de mettre tous ceux qui peuvent y avoir
intérêt en état de s’ oppofer à ce qu’il ne fe faiîè rien k leur
préjudice.
Dans tous les fiécles & dans toutes les parties du Monde
civilifé, la R eligion de l’Etat a toujours préiidé aux mariages
des particuliers. L a nô^re , qui ne s’interpofe dans aucun
autre c o n tra t, s’eft réfervé celui-ci : E lle a voulu que la
tradition des deux époux , & le ferment de ne fe plus quitter,
fe fiilent dans fes Tem ples aux pieds de fes A utels , & que
leur union y fût fcelléepar la bénédiction facerdotale ( a ) C e font là les mœurs antiques de la Monarchie Françoife ,
conftatées pour la premiere race par les Capitulaires de la
fécondé ( b ) , & confacrées à. perpétuité dans la troiiiém e par
nos L o ix récentes , notamment par la Déclaration du i <5
Juin 1 6 9 7 , qui veut qu’on ne puiiTe fuppUer par aucun acle
à la bénédiction des Prêtres que /’ Eglife a ( dit-elle )Jî rcligieufement ohfcrvée depuis les premiers (iécles de Jon établijfement.
N os Prêtres font donc les Miniftres eifentiels de nos ma
riages.
( a ■î Aliter lagitimum non ejl csniugium , nifi [acerdotaliter, ut mot «■_/?, bÒiecintar.
vand. cp. 1 . ad Ep. Afr. a ° . p 6 . » . . Matrimonium Ecclefia conciliât, confirmât
-, (’¡¡flirtai bineàiSHô. T e m ili. ai uxor. lib. i . . . & 4. C.onc. Carth. c. 1 3.
. '■. )
7 , c. tOi,. On appelloit Capitulaires les Réplemens qui étoient
oix d Etat &. de l’Eçlife. Celui-ci eft conçu dons les munes termes que la reponfe du
“ape F.vari fie, .
f 1]"a.P cc'a,at' on
Benoît X I V . du 4 Novembre 1741 , qu’on cite pour la Dem oiC.
p
^
contraire. Mais fi elle croit le Pape infaillible, Evarifte l’ctoit
••vjnt Benoit X ( V . au moins connoiiToit-il mieux l'efprit du Fond teur de laKelirion,
ont il a ere contemporain , & fa reponfe étant confirmée par les Conciles & par les
tori'A111165 r ,X ' e^e
Prevaloîr à celle d’un M oderne, qui n’a pû de fa ièule aucotiférèr*1
^¡î^"er
Eideles de la benédiâion nuptia'e qui eft de Droit divin, ni
l’O
r ^0 ' r lrnP:,ft'‘tion iês pouvoirs aux Miniftres protfftsns qui n’ont pa» reçu
runauon canonique , ni ratifier des inipartitions illicites dans leur principe.
�iG
L a préfence
du propre C u ré c il fpécialement recom
mandée par les Conciles & par l’ Edit de Mars 1 6 9 7 , comme
une des J oit limites ejjhitielles ( y e ft-ild it) , & des plus propres
à empêcher les conjonclions malhcureufes qui troublent le repos,
& jlétnjj'ent F honneur des familles , & qui fouvent fo n t encore: plus honteufes par la corruption des mœurs , que par Vinégalité
de la naijfance. « Défendons ( ajoute-t-il ) à. tous Cürés &
» Prêtres de conjoindre en mariage autres perfonnes que
93 leurs vrais & ordinaires Paroiffiens . . . . fi ce n’eft qu’ ils
» en ayent une permiilion fpéciale & par écrit du C u ré des
33 Parties qui con tra& en t, ou de l’Evêque D iocéfain 93 .
L a nécefiité des publications préparatoires eft également
établie & par le vœu général du monde Chrétien que nous
ontf-tranfmis les Conciles , & par les Ordonnances de nos
R o is , notamment par FEdit de Blois , qui fert de fondement
à la Jurifprudence de tout le R oyaum e : L o i d’ autant plus
chereà la N a tio n , qu’elle n’eftpas une de celles qui lui ayent
été impofées par la feule volonté des R ois , mais une L o i
qu’elle a requife elle-même dans la plus nombreufe A ilem blée
de fes Etats généraux , pour fe mettre h. FuniiTon de toute la
T erre qui venoit de s’expliquer par l’organe des Peres du C o n
cile de Trente.
jj P our obvier ( di t Fart. 40 ) aux. abus & inconvéniens
33 qui aviennent des mariages clandeitins , avons ordonné
» que nos Sujets de quelque é t a t , qualité & condition qu’ils
j> loient , ne pourront valablement contracter mariages fans
33 proclamations précédentes de bans , faites par trois jours
9j de fêtes , avec intervale com pétant, dont on ne pourra
93 obtenir difpcnfc , fin on après la première proclamation
yy faite ; après lefqucls bans, feront époufés publiquement « .
La
�17
L a Déclaration du 1 6 N ovem bre 1 6 3 9 , do::née princi
palement en interprétation de cet article , veut » que la proy> clamation des bans foit faite par le C uré de chacune des
)> Parties « .
I l faut avouer néanmoins que le défaut de publications ne
fuffit pas entre majeurs pour opérer la nullité du mariage.
Mais il fuffit entre mineurs ; & toutes fois ( dit Lacom be )
que ces Caufes f<^font préfentées , les Gens du R o i , chargés
de l’ordre public oc de l’efcécution des Ordonnances , fe font
élevés avec force , & ont fait valoir ce m oyen comme vi& o rieux ( a ).
C es L o ix font générales , & n’exceptent perfonne.
A la vérité il ne faut pas aiTujettir , com m e on faifoitautrefois en certains pays ( b ) , ni même admettre aux publications
fie à la bénédiftion nuptiale ufitées entre nous les profanes
qui ne font pas initiés h nos m yfteres , tels que les Juifs &
les Payens. L eu r race avilie ne mérite pas qu’on s’embarraiîe
des folemnités avec lefquelles ils la perpétuent. Mais par-tout
où l’on veut bien admettre les Proteftans à nos cérémonies ,
foit qu’ils contra&ent avec nous , foit qü’ils contra&ent entr’eux , il f a u t , s’ils veulent participera nos avantages , qu’ils
rempliiTent les mêmes conditions : ils n’ont par-devers eux
aucune autorité qui puiile les en difpenfer.
O r il ne paroît pas que ce foit l’ intention , ni de l’ Eglife ,
ni de nos L o ix , qu’on les réduife par des refus de mariage à
un célibat licen tieu x, ou à des conjon&ions illicites. Q uel
qu’ ait été le zele du Légiflateur en aboliifant leur fe£te , il
(a) D iftio n n . de Jurifp. C a n o n , au mot Bans, ic ft. i .
#
Kb ) V . Lfg. Vifigoth. lib. x i , c. 6. En 6^0 les Juifs étoient obligés à faire bénir
leurs mariages dans nos E g life s, à peine du mort.
�18
n’a pu croire que fa parole eût l’effet de changer les cœurs.
Mais convertis ou n o n , en leur ôtant leurs Chefs & leurs A ffemblées , il les a remis dans leur état p rim itif, réunis au
furplus de la Nation , fournis aux mêmes Pafteurs ; & a
voulu , entr’autres chofes , les accoutumer infeniiblement à.
la réunion par l’ uniformité des mariages , qui eft de tous les
liens politiques le plus doux & le plus fort. » Enjoignons
v ( eft - il dit par la Déclaration du i 3 D écem bre 1 G 9 8 )
« aux Sujets réunis d’ obferver dans leurs mariages les folem » ni tés prefcrites par les Canons & par les Ordonnances a .
O n les admet en conféquence dans la plupart des D iocèfes,
& notamment dans celui de Montauban , à la bénédiction
nuptiale , lorfqu’ils s’y préfentent avec le refpeâ: convenable.
I l y en a plus de 40 0 exemples dans la feule V ille de M ontau
ban , patrie-du V ico m te de Bom belles, & de la D em oifelle
Camp.
D ’ailleurs le contrat de mariage de la D em oifelle Cam p
contient à ce fujet une claufe formelle. Elle en a impofé au
Public, quand elle a ci-devant oie dire que, malgré des exem
ples nombreux & l’ufage reçu parmi eux d’ emprunter nos
formes , la droiture de fon pere l’ avoit empêché de fe ré* V o y . M ém o’ re
à confulter, page
y-
foudre à cette fauife apparence de Catholicité *.
Elle en impofe encore à p réfen t, quand elle fc vante d’ a
voir mieux aimé paroître aveuglée par une erreur héréditaire,
* V o y . Plaid,
pag. 14.
que de fq biffer un inftant foupçonner d’ impofturc *.
V o ic i ce que porte le contrat non-feulement figné d’elle ,,
de fon pere & de fes proch es, mais difté par eux au N otaire
étranger qu’ils avoient fait venir fccretem cnt : Les Pairies ( y
eft-il dit ) fou s réciproque Jlipulatlon & ' acceptation font con
venues qu’ entre ledit Mejfire de Bombelles & ladite D anoifdU.
�Camp , il fera fa it & accompli mariage , qui fera edebre fuivant
les Loix & formalités du Royaume.
N ’ eût-il été parlé que de célébration , l’on ne pourroit
1 entendre des Proteftans , qui n’en ont point. I l n’y a rien
de ii contraire à la célébration qu’une bénédiétion au défert.
L e defert eft un lieu à l’écart , non fréquenté du P ublic , &
même dérobé à fes regards. L a célébration fuppofe au con
traire un lieu ouvert K topt le monde & fréquenté par la m ul
titude ; elle annonce de plus un a£te public ôc des Témoins
légitimes.
Mais la claufe ne s’arrête pas la ; elle ne laiile aucune am
biguité. Q jii fera célébré (dit-elie ) fuivant les Loix & forma
lités du Royaume ; c’eft-a-dire , fuivant le rit catholique ,
après publications , & clans l’ Eglife paroiiliale de l’un ou de
1 autre des Contraéhms.
O r il eft prouvé parles certificats des Pafteurs compétansr,
& avoué par la Dem oifelie Cam p , qu’il n’y a eu ni publica
tion de bans , foità Saint-Orem s de V ille-B ourbon , Paroiile
fur laquelle demeuroit fa famille , foit h. Saint-Jacques de
Montauban , ParoiiTe du V ico m te de Bombelles , ni célé
bration de mariage dans aucune des deux ParoiiTes , ni permiflion de leurs Curés ou de leur Evêque d’aller fe marier
ailleurs. Quand donc elle perfiileroit 'a fe décorer, comme
ci-devant , du mariage qu’elle plaçoit dans la ParoiiTe de S.
Simeon de Bordeaux, ce mariage étranger ne-pourroit lui
Servir de rien.
Quand elle y fubftitueroit un mariage au défert , ce ne
icroit qu’ une nullité de plus. Il n’ y a .d e Miniftres capables
c^c rccevoir le co:ifentement des Parties & de leur impartir
la bénédiction nuptiale , que ceux qui tiennent leurs pouvoirs
C ij
�20
de la PuiiTance fpirituelle & de la Puiiîance temporelle. L es
Miniftres Proteftans n’ont ni m iilion, ni cara&ere ; leur miniftere eft même réprouvé , & fujet à la peine de m ort par
les L o ix de l’Etat. I l y auroit donc de l’ abfurdité a vouloir
faire protéger leurs impartitions facrileges par un Tribunal où
l’on ne monte qu’ après avoir juré de les punir.
On fçait quelle eft la Jurifprudence des Parlemens qui
ont des Proteftans dans leur reiTort, & notamment celle du
Parlem ent de Touloufe , dans le reilort duquel eft la V ille
de Montauban , & auquel il auroit appartenu de prononcer
fur le mariage de la D em oifelle Cam p , s’il avoit exifté. Il
n’a jamais accordé le nom , le rang , les honneurs & les pré
rogatives du mariage h ces aiTortimens bizarres bénis au défert
par des P iofcrits que nos L o ix ne nous préfentent qu’ avec
l ’image funefte d’ une corde au col ; & fon A rrêt du 2 4 Mai
1 7 6 4 , contre lequel toute la Se&e s’ étoit pourvue au Conf e il, eft demeuré dans, fa force , malgré le crédit dont elle
jouiiToit alors ( a ) .
Si la difparité de culte , fi la minorité , fi le défaut de
publications . il l’aficétaition d’éviter Tuteurs , Parens & Pafteurs légitim es, font tels , que chacun de ces vices fuffit pour
opérer la nullité d’un mariage : de quoi pourroit fervir à la
D em oifelle Cam p un mariage qui les raÎTembleroit tous ?
Non-feulement fa réalité lui feroit inutile , mais il lui
importe , <Sc.à toute fa-famille
dule pour y ajouter foi.
qu’on ne foit pas aflez cré
L e Miniftere public & la C o u r ne
pourroient pas en fouffrir le fcandalc ,. ni fe difpenfer de
févir contre les auteurs.
( 1 ) Le l'aileuie.it d<; ,>ronob'c ne pfrin< t pas meme la Lo-hauitstion ,
traite
com m ? Concnl)MVi;rcs ¡Ci otftin is qui fc marient de la forte. Y o y . Arréti des i A vril
1746 , & 7 Juin 174 ?. Cod. matrim.-
�y
§.
IL
y
D
é
l
i t
.
L es L o ix ont pris foin ( dit la D éclaration du 22 N o
vem bre 1 7 3 0 ) de caraéèérifer le genre de crime qu’elles
ont appelle rapt de féduclion. C ’eft ( ajoute-t-elle ) par la cor
ruption des mœurs f l’inégalité des conditions & le défaut
d’ autorifation qu’il fe caraétérife. Mais la marque la plus demonftrative , c’eft lorfqu’entre deux familles il y a ignorance
d’un côté , & obfeifion de l’ autre,
O n connoît la févérité de nos L o ix contre ceux qui font
contra&er des mariages aux mineurs , h. l’ infçu de leurs fa
milles. 35 V ou lons (d it l’Ordonnance de Blois', art. 4.2) que
ceux qui fe trouveront avoir fuborné fils ou filles mineurs
» de 2 ^ ans , fous prétexte de mariage , fans le gré , fçu ,
» vouloir &. confentement exprès des peres & meres , ou
jj
» desTuteurs , foier.t punis de m ort, fans efpérance de grâce
» & de pardon. ; . ; & pareillement feront punis extraordi>5 nairement tous ceux qui auront participé au rapt en aucune
53 maniéré que ce foit « .
L a Déclaration du 26 N ovem bre 1 6 3 9 s’éleve fpécialement contre l’efpece de féduétion , qui trouble le repos , &
flétrit l’honneur des familles par des alliances inégales. i> Elle
îî
enjoint très expreiTément aux Procureurs Généraux 6c h.
35 leurs Subftitùts de faire toutes les pourfuites néceflaires
» contre les ravifleurs & leurs complices , nonobftant qu’il
)j 11 y eût plainte de Partie civile ; & aux Juges, de punir les
x> coupables de peine de mort , fans que cette peine puiiTe
, 53 être modérée. E t afin que chacun rt^connoiin^ajoute-t’ellc)
�22
» combien nous déteftons toutes fortes de Rapts , défendons
» très-exprefTément aux Princes de nous faire inftance pour
v accorder des Lettres , & aux Juges , d’ y avoir égard. «
» E t comme lafubornation (e ft-il dit encore dans la D é » claration de 1 7 3 o ) peut venir également de l’ un ou de
» l’autre côté , & que celle qui vient de la part du fexe le
» plus foible eft fouvent la plus dangereufb , les L o ix n’ont
» mis aucune diflindion à cet égard ent;re les fils & les filles,
jj & elles les ont également aiTujettis à la peine de m o r t ,
i) félon que les uns ou les autres feroient convaincus d’être
» les auteurs de la fubornation c< .
L e contrat de mariage qu’on a fait foufcrire au V ico m te
de Bom bdles le 2 9 Janvier 1 7 6 6 , n’ annonce que trop la
fédu&ion la plus criminelle , & le côté d’où elle procède.
L ’âge & la qualité des Parties , le lieu , le tems où il s’ eft
paiïe , la qualité du N otaire qui l’a reçu , & celles des perfonnes qui s’y font trouvées , tout eft démonftratif.
Quoique la Déclaration de 1 6 3 9 exige que les articles
de mariage entre mineurs foient arrêtés en'préfence de quatre
proches de l’une <Sc de l’autre Partie , on voit ici d’un côté ,
jufques dans le fein de fa famille & de fa patrie , un mineur
qui n’avoit pas encore alors 21 ans , tiré de defTous l’aîle de
fon T u teu r, fouftrait à une tante qui lui tenoit lieu de mere ,
h fes fœurs , à tous fes autres parer s , à tous fes amis , em
barqué toutfcul au milieu d’ une troupe de gens que fes parens
n’ ont jamais vu ; & de l’autre , une fille de 24 ans , affiftée
de fon pere , de fon oncle *, & de pluficurs amis de fa famille.
On y voit tous les Notaires de la V ille mis h l’é c a r t, & h
leur place un N otaire de campagne , venu exprès d’ une Jurifdi&ion étrangère ponr tromper mieux la vigilance du T u
teur & de la D am e Hennet.
�23
C 'e ft dans unFauxbourg , & chez l’ oncle de la Dem oifello
Camp que fe tient l’ ailemblée , & c’eft dans la débauche noc ■
turne d’un fouper que le N otaire de M ontclar en Q uercy ,
déguifé en {impie convive , fait figner aveuglément a ce jeune
homme , deilitué de con feil, la promeffe de faire entrer dans
fa famille une perfonne dont la naiifance & la fortune ne
pouvoient lui convenir , & qui , par le foin même de fe ca
cher , avoue tacitement q u elle auroit été rcfufée.
Fut-il jam.iis rien de fi. contraire aux bonnes mœurs ? efl>
ce ainii que l’ on négocie les mariages ? Q ue tout le monde
s’ interroge. E ft-il un fcul homme , foit parmi les gens de
qualité j foit dans la plus mince Bourgeoifie , qui trouvât bon
que l’on prît fes enfans dans de femblables pièges ? E ft il une
duppe qui n’eût bonne grâce h. s’en plaindre & h s’en retirer ?•
Si donc il étoit vrai que ce contrat de mariage eût été fuivî
de bénédiction nuptiale , fi l’on pouvoit ajouter foi aux
propos inconfidérés de la Dem oifello C a m p , qui vient s’ aceufer elle & ies parens d’avoir enlevé de nos ParoiiTes dans
leur defert un mineur né de parens Catholiques , pour le lie r,
à l’infçu d e T u .e u r , de parens & d’ amis , pnjr un mariage
facnlege &c clandeilin , ils n’en feroient pas quittes pour la
nullité de cette abfurde cérémonie ; il faudroit leur faire
expier l’attentat commis fur les droits de l’E g life , fur la li
berté de ce jeune homme & fur l’honneur d’une fam ille d is
tinguée , qui n’ avoit pas mérité que perfonne lui fît la m or
tification de vouloir s’y gliflèr furtivement.
Elle ne feroit point reçue à dire contre un jeune homme
aveuglé par l’am our,qu’ils ont compté fur fon honnêteté,dans
une affaire où ils bleifoient eux-mêmes de fang-froid les pre
miers principes de 1 honnêteté..
�24
I l ne ferviroit de rien d’excufer l’obmiiïïon des bienféances
& des formalités par l’apoftaile & 1’aviliifement qu’elle a
ci-devant fuppofé dans la perfonne du V ico m te de Bombelles.
C ette circonftance ne feroit qu’aggraver la féduction fouifertc
par ce jeune homme. C e feroit un rapt fait tout à la fois à fa
famille & à fa religion , & cette double féductionne rendroit
que plus irrémiifible la peine encourue par feS Sédudeurs.
Les Edits qui défendent de recevoir aucun Catholique à
la profeilion de la prétendue réforme , font tous antérieurs
à la profcription générale de la Sede. L e Calvinifm e avoic
encore alors la coniiftence que lui avoit donnée l’Edft de
Nantes. Cependant la réception d’ un Transfuge étoit dès-lors
un crime (i grave , qu’il emportoit interdidion pour jamais
de l’ exercice de cette religion & démolition de fes prêches
dans le lieu du délit, &
contre fes Miniftre amende hono
rable , banniiTement perpétuel hors du R oyau m e , & confïfcation de tous leurs biens ; ce qui a été depuis converti en
peine de m ort par la D éclaration du i 4 Mai 1 7 2 4 .
Ordonnons ( dit l ’art. 2 ) que tous les Prédicans qui
» auront fait fo n d io n s , foient punis de mort. Défendons à
» tous nos Sujets d’avoir diredem ent ou indiredem ent aucun com m erce avec eux
à peine contre les hommes de
v galcres à perpétuité ; & contre les femmes , d’ être rafées,
v & enfermées pour le refte de leurs jo u rs, & de confifcan tion des biens de? uns & des autres « . Si la plus fimple
fondion , fi le plus fimple commerce entr’ eux font punis de
la forte , comment p un iroiton des fondions & des intrigues
tendantes à féduire un Catholique ?
Loin que le mariage foit ouvert à la propagation du C a l
vinifme , la rigueur de cette L o i ne feroit au contraire que
pl u
�2<
plu3 inflexible contre quiconque , pour fignaler fes con
quêtes , choiiirôit le plus important de tous les contrats.
Cum uler encore Hi-deiTus le rapt d’ un m ineur, abufer
d’ un moment d’ yvreiTe & d’enchantement pour le précipiter,
à Finfçu d’une famille refpeétable , dans l’ignominie d’ un ma
riage impie & mal aiTorti, ne feroit-ce pas la plus abomina
ble de toutes les fédu&ions ?
*
Non-feulem ent il n’y ^uroit pour lui aucune obligation de
réhabiliter , mais toute ratification poftérieure de fon pré
tendu mariage pur lui-même , ou par les parens, feroit inutile :
la fédu£tion ne fe couvre pas. L a peine de m ort efl: prononcée par PEdit de Blôis , nonobjlant tout confcntenient que
les mineurs pourraient alléguer par après avoir donné au rapt}
lors d ’icelui, ou auparavant. L a Déclaration de 1 6 3 9 veut
que cette peine demeure encourue , nonobjlant le confenternent qui pourroit intervenir puis après de la part des peres ,
meres , Tuteurs & Curateurs *.
* Voy. dans'
L a D em oifelle Cam p ne gagneroit donc rien au mariage
&
dont elle fait tant de bruit : ce feroit au contraire s’expofer dîins ^emfart au
'
m
mot tia.pt , celui
elle-même & toute fa famille à la rigueur de nos L o ix , que du m Juili.1717.
d’infifter plus long-tems dans cette allégation.
•
O n prendroit même pour infulte à. Juftice l’ acharnement
avec lequel cette famille fe préfenteroit pour demander la
récompenfe de fon crime & la reilitution de fa proye.
Mais ils ne font point fi coupables que la D em oifelle Cam p
ou fes Confeils voudroient le faire croire. O n va démontrer
que la fédu&ion n’a point été confom m ée, & que fon mariage
n’eil qu’ une miférable impofture. Si l’ on a le défagrément
qu il faille confondre fes menfonges , au moins aura-t-on la
farisfaition de iàuver fa perfonne,
D
�160
ié
S E C O N D E
P A R T I E .
Faujfcté du mariage & gravité de Vimpojiurc.
. On nes’ efl: tant étendu fur la nullité & fu ries autres vices
du prétendu m ariage, que pour faire fentir qu’ en le fuppofant réel , il n’y auroit du côté du V icom te de Bombelles
aucun intérêt de le nier , & que de l’autre la D em oifelle
Cam p & fes Complices ne feroient pas il hardis que de le
foutenir. Ils ne
le
foutiennent, que parce qu’ une fille irritée
contre fon A m ant rifque moins à le calomnier publiquem ent
en majorité , qu’ à l’époufer clandestinement en minorité.
D ans le doute , entre la défertion d’ un mariage réel & la:
fimulation d’ un mariage qui n’exiite pas , il feroit encore
plus tolérable d’en laiiTer rompre la chaîne à ceux qui ne
la peuvent porter , que de la faire porter h. ceux qui ne fe
la font point impofée. Mais il ne peut plus y avoir de doute en
cette matiere.
,
^
L es L o ix euiTent été fort imparfaites , fi elles n’a v o ie n t.
réglé que les conditions & les formes du mariage. Il fa llo ir,
auffi en déterminer les preuves. L e bon fens ne permet pas
d’abandonner h la licence des conjeétures , ni à la foi d’ au
trui , même de Citoyens connus & d’ une réputation entiere ,
beaucoup moins h la foi de gens inconnus ou proferits , lef o r t , l’état & l’honneur de qui que ce T o it, ni par con féquent le mariage d’ou dépend 1 état & 1 honneur de plufieurs
perfonnes.
* Chapitre
4*
Juftinien nous apprend par fa novelle 7 4 , * que faute
de cette attention l’Empire fe trouva de ion^tems plein de
troubles occafionncs par des fuppofitions de mariages. I l n’ y
�17
a ( dit-il ) point de nom flateur que la folie de l’ amour ne
faiîb prodiguer à. l’ objet aimé. A v e c des Tém oins on en iaifoit
' une affaire férieufe.
Sa novelle a pour objet de remedier à cet abus. Elle in
troduit en conféquence pour les perfonnes de qualité , &
pour les Citoyens du fécond ordre , deux genres de preuves
littérales, & déclare qu’on ne regardera plus à l’avenir comme
mariage toute union qui ne fera munie de l’ une ou de l’ autre
de ces preuves.
N ous avons imité Juilinien. N ous avons même encore
plus rétréci la fphere de la preuve teftimoniale. N o s O rdon
nances la rejettent en toutes conventions de quelque im
portance , & veulent au-delà de 10 0 livres des a£tes fous
leing p riv é , ou des atteilations d’ Officiers publics qu’ elles
aient prépofés à. cet effet.
Elles portent bien plus loin la précaution pour les a&es
d ’ une auffi grande importance que le font les mariages.
» Pour pouvoir ( dit l’Edit de Blois,article 40 ) témoigner la
îj
form e qui aura été obfervée ès mariages , y ailiiieront
» quatre perfonnes dignes de foi pour le moins , d o n t1fera
» fait regiflre.
L ’ Ordonnance de 1 6 6 7 , titre z o , s’ explique avec encore
plus de précifion : » Les preuves du mariage ( dit l’ art. 7 }
» feront reçues par des regiitres en bonne forme.
» Les ades de mariage ( ajoute l’ article 1 0 ) feront écrits
» & fignés par les perfonnes m ariées, & par quatre de ceux
"»> qui y auront affilié . . • C ’ eft ainfi que fe prouve l’ étac
des perfonnes.
U faut néanmoins diilingucr entre l’ état des peres &
h
D ij
�28
meres vivans , & l’état de leurs enfans, après leur décès..
Chacun n’ eft tenu de fçavoir que ce qui eft de fon fait. U n
enfant peut ignorer en quel lieu fon pere & fa mere ont été
mariés. A lors c’eft la poifeifion d’ état qui décide ; furtout
s’ils ont été mariés dans un Pays où il n ’y ait point de re
giftres. L ’article 1 4 permet en ce cas-là de prouver d’ abord
le défaut de regiftres : » Si les regiftres font perdus ou
» qu’il n’y en ait jamais e û , la preuve en fera reçue , tant par
» titre que par Témoins.
C ette preuve faite : » Les mariages & Baptêmes pourront
» ( ajoute-t-il ) être juftifiés tant par les regiftres ou papiers
* V o r le roccs
verbal de l ’ O rd.
1667*
domeftiques des pcres & meres décédés , que par Témoins
» fau f h. la Partie de vérifier le contraire. *
W
L ’ A rrê t du Parlem ent de T o u lo u fed u 9 Juillet 1 7 7 0 ,
ne regarde non plus que les enfans de pcres & meres décé
dés , qui ont vécu comme légitimes époux , & qui ont été
reconnus pour tels , Joit dans leurs fam illes. , f o it dans le
public.
■ Mais quand il s’ agit,com m e ici,de perfonnes vivantes dont
l’une prétend avoir époufé l’ autre , nos L o ix n e connoiilent &
n’admetent que des a&es de mariage fignés des deux Parties
& datés du lieu , & du jour où s’ eft faite la célébration : tout
autre a&e eft inutile.
O n n’eft pas marié pour avoir figné un contrat de ma-
fJ ïu ïfÎ z tr b Z riaSc - * }C elui qu’on a faic f°ufcrire au V icom te de Bom niumx ft’,d ed o n a t. b elles, n’eft point une de ces déclarations par lcfquelles les
' iU
deux Contra&ans fe prennent dès-à-préfent pour mari &
femme ; ce n’eft qu’une promeife de mariage qui fera fa it
& accompli à la premiers requifition de Vune des Parties. P û telle ferieufe , elle ne prouve rien. Tous fcs jours il arrive
�t& h
qu’on change de volonté , & qu’ on fe quitte au m om ent de
conclure.
U n teftam ent, des-lettres ou d’ autres a£tes prouvent en
core. moins. O n ne s’époufe point par teftament. C elui du
V ico m te de Bombelles ne contient qu’ une qualification de
chere époufe. O r , il ne s’ agit pas de fçavoir s’il l’a traitée d’é—
poufe , mais ii elle l’a'été.
Ses lettres dont on ^ recueilli ii précieufem ent toutes
les expreflions , ne laiflent appercevoir qu’un déiir ardent
de l’époufer , & une anticipation des qualités d’ é p o u x , en
attendant l’opportunité de le devenir. Mais on n’y trouve
pas* un feul mot qui annonce raccom pliflem ent du mariage
projetté.
L a plus apparente de toutes , celle du 2 1 Mai 1 7 6 7 , où
ü fait mention de Mademoifelle de L . dont il invoquoit la
médiation , eft relative au contrat de mariage. C e contrat
paffé avec.tant d’indécence , a l ’infçu de toute la fam ille, &
emporté par un N otaire étranger , étoit un m yftere pénible
hi reveler. Je la prie bien inflament ( dit-il ) d'adoucir Madame
Hennet, & de lui dire la chofe tout au long,. E t .comme la
m odicité de la dot pouvoit nuire h. la négociation , je fuis
bienaife de te prévenir ( ajoute-t-il ) de ne pas dire que ton pere
ne t’ a donné que 8000 livres .
. . . il faudra grojfir de
beaucoup l ’ objet, & faire parade.de groffes efperances de tes
parens.
Celles des 3 0 - Avri l & 2 7 Septembre de la même an née , annoncent combien elle fe déiioit de la legereté de fon.
Am ant dont elle avoit déjà fait l’ expérience. T u as tort ( lui
écrit-il ) de me recommander que l’ abfence ne produife pas le
même ejjet que l ’ année demiere . .. : connais mieux mes f e 1*
�L\
3°
timens pour to i, & rends juftice à leurfiabilité. Ils fo n t à F abri
des révolutions du tcms. Crois que difficilement on fe détacheroit d ’ un objet comme toi.
N o n feulement on ne trouve dans tout ce qu’ elle a publié
aucun veftige de bénédi&ion nuptiale ; mais, en y voit clai
rement qu’il rapporte l’ origine & la coniiitance de fes liens
uniquement à leur contrat de mariage j & à l’ enfant qu’ ils
ont eû après leur réconciliation : f i vous rdavic^ ( dit-il par fa
lettre du 3 Mars 1 7 6 9 ) que ma Jimple parole pour Vinviola
bilité de mon ferm en t, ce contrat feroit auffi facré que celui qui
cfl une preuve incontefiable des droits que vous aure^furm oi,
& c. . . . Ces liens ( ajoute-t-il par celle du 2 ^ Mars 1 7 7 0 )
n’ ont befoin d ’ autre, garant que le fr u it précieux que tu as porté
dans ton fein.
L ’objet même de ces lettres , qui eft de la tranquilifer ,
annonce qu’ils étoient encore en
1769
&
7 0 dans les
ternies d’une ilmple expe& ative, dont elle craignoit l’ évanouiffement par 1*événement de la condition qu’ il y a perpétuelle
ment appofée de ne paiTer outre à la célébration qu’après avoir
obtenu l’ agrément de fa famille,
C ’eft apparemment pour donner plus d’importance à de
pareils a&es , qu’elle l’ accufoit ci-d evan t, d ’avoir défavoui
pour la deshonorer , des acles fg n és de fa main. C e font d’ un
feul coup deux calomnies. I l n’ a ni cherché à la déshonorer,
ni défavoué aucun des aéles ci-deiïjs. Loin de les defavouer ,
il en fera tout à l'heure ufage pour là convaincre d’impofture.
T o u t ce qu’il prétend quant h p réfen t, c’efl: qu’ ils peuvent
bien prouver une fimulation de m ariage, mais ne prouveront
jamais un mariage réel.
JEn un m o t , dans tout Payjs où l’on tient reg'ftre ces ma-.
�31
riages, & où les regiftres n’ont péri par aucun accid en t,
quiconque fe dit marié ne peut le prouver que par un extrait
de ces regiftres.
L a D em oifelle Cam p l’ a bien compris. A u d i a - 1 - elle
cherché à fe procurer cette efpece de titre. E lle a même
dans fon porte-feuille deux extraits de mariages au lieu d’ un.
L e premier dont elle a fait dépofer l’ original par le
•nommé C infraix chez R^uzan , N otaire à Bordeaux , le i 3
Mars 1 7 7 1 , eft intitulé , extrait des regijîres de l ’Eglifc Paroijjialc de Saint Simeon de Bordeaux. I l porte qu’ après trois
publications & fiançailles, entr’ elle & le V ico m te de Bom bclles , la bénédi&ion nuptiale leur a été impartie le 8 Fé
vrier i j 6 6 , en cette Eglife par le fieur Linars , C u ré de la
Paroiilè , en préfence de quatre Tém oins , appellés de Le^ement, A dingaJD orid el & Gabrouil, qui font dits avoir figné
avec les deux époux & le Curé.
I
e fécond dont elle a fait dépofer l’ original par un foi-
difant M iniftreProteftant, chez D up ré, N otaire àMontauban,.
le 1 G A o û t 1 7 7 1 , eft intitulé , extrait des regiftres des ma
riages S’ baptêmes des Eglifes Protejlantes dcMontauban de Vannte 1 7 S6. Il porte que leur mariage a été béni le x 1 M ars
de la même a nnée , par Jacques S o l - E l i o s , M iniftre du
Saint Evangile * ; il eft die figné par trois perfonnes :
» n eft ,<cn-r
fçavoir Louis Lecun, Jacques Brun & Jean-Pierre M o lle s , *Îa,"s 1aôe
,
3
1
'
3 E lu o s , mais on.
qualines de T ém o in s , fans fignature , ni de M in iftr e , ni de a fait demander
p q rr- _
0
1 arC 1CS-
comment il fep ro nonçoit ;
C eft le premier de ces deux ailes qu’elle a fait parvenir Sol'^ilos'
1 année derniere au parent de la D am e de Bombelles , C o n dufteur de l’ intrigue ; & c’eft avec cet a<5le qu’ a été livré
le premier aiTaut h l’é t a t , h l’honneur fie à la .liberté du*
c ’eft
�32
V ico m te, fous Je nom des perfonnes les plus refpe&ables qu’ on
avoit eû la hardieiïe de réduire & d’ interpofer.
C ’eft avec le fécond qu’ elle a paru depuis, elle-m êm e, fur
la fcên e, annonçant à toute l’E u ro p e, que puifquele V icom te
de Bombelles avoit l’impudence de nier qu’ il l’eût époufée à
S . Sirncon de Bordeaux, elle alloit le confondre en lui prou
vant qu’il Fa époufée au déjert.
Je pourrois dès-à-préfent prendre avantage de cette du
plicité même de mariages , pour écarter le dernier malgré
la préférence qu’elle paroît lui donner. C ar enfin fi elle étoit
mariée en l’Eglife Catholique , pourquoi fe marier encore
dans le rit Proteftant ? Si elle ne l’étoit pas , pourquoi jetter
ou entretenir le Public dans cette erreur pendant quatre an
nées entieres , fans excepter les perfonnes les plus auguftes ?
E t fi elle a pû fuppofer le premier de ces deux m ariages, pour
quoi n’ auroit-elle pas auiïi fuppofé le fécond ?
Mais i °. ces deux a&es font faux & fabriqués , avec cette
différence que la fauflèté du fécond eft bien plus marquée :
2°. l’inéxiftence d’ un mariage quelconque eft démontrée
par les précautions mêmes qu’elle a prifes pour paroître ma
riée , & par la poiTeiïion refpeétive dans laquelle font reftées
les Parties.
§. I.
F a u s s ÉTÉ DES B E U X a c t e s & abfur dite du fécond.
Quand on époufe ce que l’ on aim e, on ne refufe pas de
iigner fon engagement. L e V icom te de Bombelles
avoit
bien figné le contrat de mariage avec la D em oifelle Camp*
II auroit bien auifi figné le mariage m êm e, s’il eût franchi
Je pas.
Cependant
�Cependant il n’ exifle nulle part aucun reg iilrccc m a lic e ,
où il Te ioic inferit & ligné avec elle j & il attelle le Ciel q u 1
ne l’a jamais conduite, jamais accom pagnée, ni a B ordeaux,
ni au d éfert, ni en aucun autre endroit pour l’ épouler , &
qu’il ne connoit aucun des Perfonnages dénommes dans les
deux aéles dont elle s’eit munie.
Leurs noms mêmes font il bifarres qu’on feroit tente do
croire que ce font des ncrçns phantailiques. Quels qu’ ils foient,
la fauiTeté de ce qu’ ils attellent n’e il plus douteuie.
i °. Acte de Bordeaux.
L ’ illulion de ce mariage étoit déjà diilipée avant que le
V ico m te de Bombelles s’en mêlât. D ès l’ année derniere fur
fa* dénégation , & fur le rapport qu’ en avoit fait la perfonne
interpofée contre lui auprès de la D am e fon époufe , on avoit
provoqué à ion infçu la vérification des regiilres Se S. Simeon ,
& elle avoit été faite par le C u ré , fous les yeux & à la rcquifition du Sf . Intendant de G u yen n e, qui avoit commiflion
fpéciale à cet effet. Les regiilres ont été parcourus d’ un bout
à l’autre. L ’a&e ne s’ y trouve p a s, & le C u ré certifie n’ avoir
jamais vû ni connu le Vicomte de Bombelles ni la JDemoiJelle Camp.
Quant à l’extrait délivré fous fon nom , il convient que
fon écriture & fa iignature font imitées a s’y méprendre.
Mais il dénie en être l’ A uteur & offre de s*itifcrire en fa u x.
Il a Procureur en Caufe h cet effet. L a faufleté de cet a£te eft
même fi bien avérée, que la D em oifelle Cam p n’ ofe plus s’en
fervir, ni même en faire mention. Il ne relie plus qu’à confondre
celui de Mautauban.
E
�4)
34
x ° . -Acte de Montaubar 7
C ’eft ici la pièce avec laquelle on a donné une fi cruelîe
atteinte à l’honneur du V icom te de Bombelles.
On a fenti que la religion de ion pere qui n’a jamais été
fuipecte ; celle de fa mere qui a été l’ exemple de fa Patrie ;
celle de fes fœurs dont l’ une eit R eligicufe , & l’autre de
meure en Couvent ; celle de toute ià famille dans laquelle
il n’y a jamais eû de Proteftant ; la C ro ix de Saint Lazare
dont il eit lui-m êm e décoré , & qui ne fe donne qu’aux C a
tholiques, jetteroient de l’invraifemblance fur un mariage au
défert , fi Ton ne commençoit par ajufter fa perfonne à
cette fable.
'
On a donc com m encé, pour préparer les efprits à l’illufion,,
par lancer fur lui avec la plus grande hardiefîe un trait d’ au
tant plus empoifonné , qu’ il eft trempé dans le fanatifme. L a
D em oifelle Cam p l’a repréfenté ou fouffert qu’ on le repréfen ta t, non pas feulement comme ayant déguifé fa f o i , mais
comme ayant feint d ’ abjurer (a religion pour féduirc une jeune
perfonne, & Ta traduit tout-h-la-fois aux yeux des Catholi
ques
com m e indifférent fur la form e du mariage , & aux:
yeux des Proteftans comme ayant voulu abufer de la leur
pour fe jouer plus facilem ent de fa future. » Il ne la réduira
p as, ( dit-elle encore h préfen t, ) à la trifte néceilîté de prou
ver qu’il n’a réuifi auprès d’ elle que par le facriiice de fa ca
tholicité.
Mais fans parler du mélange abfurde & impur q u ’elle fait
ici des m yftercs de fa religion avec ceux de l’am our, fans par
ler de l’ ignorance de fon Profelyte qui n’ a jamais fçu la diffé
rence de leurs d o gm es, & auquel il n’eit pas arrivé une feule
�Fois d’ affilier à leurs aflcm blées, qu’avoit-il befoinde déguifer
fa f o i , pour époufer une fille qui ne tenoit alors h. aucune re
ligion , & qui par une claufe expreife de fon contrat de ma
riage , avoit flipulé avec toure fa famille que le mariage feroit
célébré , fiiivant les Lo'tx & formalités du Royaume.
Cette claufe a paru fi énergique k la D em oifelle Cam p & h
fes complices , qu’ils ont cru devoir la fupprimer dans l’édi
tion donnée de fon contint à la fuite de fon Libelle , & d’y
fubflituer des points. Im pofleurs mal-adroits , en la laiflant
fubfiflrer , ils en auroient été quittes pour dire qu’ on s’en étoit
écarté par de fécondés réflexions ; au lieu que par leur fuppreilion frauduleufe , ils déclarent que cette calomnie ne leur
étoit pas encore venue à l’e fp r it, & qu’ils ne connoiifoient
d’ autre ouverture à l’imputation d’ ap oilafie, ni d’ autre m oyen
d’amener un mariage proteflant, que de faire une lacune dans
le co n trat, en dérobant au Public la claufe qui leur faifoit
obftacle. Mais elle n’en exifte pas m oins, & ils ont été forcés
par nos clameurs de la rétablir. Il en réfulte que loin par le
V icom te de Bombelles , d’avoir exigé ni flipulé une bénédic
tion au défert , c’efl au contraire la D em oifelle Cam p & fon
pere qui , malgré la répugnance dont elle fait aujourd’ hui pa
rade , fe font- fournis de leur plein gré à une célébration en
Eglifc catholique.
C ’ eil même évidemment l’ infpiration & la force de cette
claufe qui a produit le faux aéle de célébration en l’ Eglife de
Saint Simeon de Bordeaux. C e t a fte , tout faux qu’ il e i l , a
du moins une date certaine. Il s’ annonce , comme délivré par
le Curé , le 28 Mai 1 jG G ; & il c il bien légalifédu lende
main 2 9 par M. de la R o fe , Confeiller au P arlem en t, &
Lieutenant Général de Bordeaux. Sa légalifation reconnue
E ij
�HP
36
par celle qu’ il a mife tout récemment au bas de la copie colladonnée , eft conftam m entdu 29 Mai 1 7 6 6 . L a D em oifelle
Cam p tenoit donc encore alors le V ico m te de Bombelles pour
Catholique , n’imaginoit pas d’ autre mariage poilible avec lui
qu’ en face de TEglife
ne croyoit pas encore l’avoir époufé
au défert le 2 1 Mars précédent.
Si rimputatïon d’apoftafie eft abfurde , l’ a&e de mariage
^ fabriqué fur ce fondement I’eft encore,davantage. C et a¿te
e prem^r^me qm > fa? la feule garantie d’un Ecrivain téméraire * , a jette
cett<TaffaheT'-t- tant
monc^e dans l’erreur , n’a vu le jour pour la premiere
tention quelle fois que le i G A o û t i 7 7 1 . C e jour-là , un homme qui s’eft
dit Jean Murât de Graillé , & qui s’eft. qualifié PaJIeur de V E glïfe réformée y & Détenteur des. rcgijlres des baptêmes S’ mariages
des Eglifes protejlantes de Montauban , eft entré ch e z D u p ré ,
N otaire R o ya l en la même V i l l e , accompagné de deux Habit ns qui ont dit le connoître, apportant l’a&e en queftion qu’il
a certifié & figné en leur préfence , & dépofé pour fervir de
minute.
Il eût été difficile de prendre confiance en un pareil acle_
L ’époque même de fon apparition le rendoit luipe& : C ’eft
après le diferedit total de celui de Bordeaux , qui avoit fervi
à faire illufion au Public pendant 4 ans.
Son origine ténebreufe augmentoit la défiance. En général
un extrait n’ eft qu’une copie tirée d’un regiftre qu’on a fous les
yeux . <Sc délivrée par un Officier public, dont la fignature fait
foi en Juftice. Ici au contraire , c’ étoit une prétendue copie
d’un regiftre que perfonne n’a v u , délivrée à un Officier pu
blic par un inconnu , fur l’unique autorité duquel portoient
f exiilence du regiftre & la foi de l’extrait , & qui amencit
pour garants , non de fa probité ni de ion regiftre , mais fim r
�fil
37
plement de fon individu & de fa dénomination de Murât ,
deux Compagnons y eux-mêmes fu fp e& s, dont l’ un eit Ber
nard C o d e , fur le théâtre duquel montoit la Dem oifelle
Camp > & l’autre un neveu du Juge-M age, dévoué au fleur
M erignac, oncle de cette fille , pour fervices pécuniaires.
C e qui mettoit le comble à. la perpléxité , c’ eft d’une parc
l ’affectationde cet incopnu , de n’ avoir déclaré ni d ép ô t, ni
domicile où l’on pût aller com pulfer& confulter fes prétendus
registres ; & de^ l’autre , îe refus opiniâtre par la D em oifelle
Cam p de déclarer , fuivant les fommations qu’ on lui en a
faites, le domicile du prétendu Jacques Sol-Ehos , qui eft dit
avoir béni fon mariage, & de ce foi-diiint Jean Murât qui eft
dit en avoir délivré <Sc dépofé l’extrait. Par-la toutes les voyes
étant fermées à la recherche de la vérité , il étoit impoflible
de fçavoir s’il y a un regiftre , fi le prétendu mariage y eft
inferir, & depuis quand exifte le regiftre ou l’infcription.
T out ce que l’on voyoit par l’extrait, c ’eft que le prétendu
afte de mariage n’eft figné ,. ni du V ico m te de Bombelles , ni
de la D em oifelle Cam p y ni de fes parens qui n’y font pas
même préfens, ni de Jacques Sol-Ehus»
Il ne porte aucune date de lieu ,. pas plus que s’il n’avoic
été fait nulle part ; il .n’indique ni V ille r ni Fauxbourg, ni
Porêt 5 ni Campagne , où l’on pût .aller à la recherche du
mariage de la D em oifelle Cam p ; il le laifie dans un défert
aufi] vague que les efpaccs imaginaires.
Il ne dit pas non plus quelle partie du Monde habitent les
trois Tém oins y dénommés. Quand donc il n’eût porté fur lefront aucun autre indice de faufTeté* encore étoit-il impoflible,
parmi taht d’incertitudes, d’y ajouter la moindre foi„
Mais la D em oifelle Cam p a elle - même diilîpé tous les:
�/
doutes. Elle avoit déjà fait im prudem m ent, à la fin de fori
M ém oire à confulter du mois de N ovem bre dernier, l’aveu
difert du fdencc des regijlres , dont elle annonçoit l’ extrait au
commencement. Elle déclare aujourd’ hui qu’il n’y a pas
même de regiftre ; l’extrait qu’ elle en a fait dépofer par
Mu r â t , & qu’ elle promettoit de montrer au P u b lic , n’eft
donc pas un ex trait, mais une pièce originale de nouvelle fa
brique.
I l n’y a pas même de Sol-Elios ifur te rre , & il n’ en paroîtra
» N om
du S o -
r e c ! " latin & Cn
pas , ce n’eft qu’ un nom en l’ air. *
com ble de l’impofture , c’eft qu’on a mal choiil le lieu
& le jour du mariage. L e 2 1 Mars 1 7 6 6 , le V icom te de
Bombelles n’étoit pas à Montauban ; il étoit a Touloufe de
-^ e
puis cinq jours , & y eft refté jufqu’ au 2 7 du même mois.
T els font les a&es qui, jufqu’ à préfent, ont fervi de baie à la
plus horrible diffamation dont il y ait mémoire. L a différence
des d e u x , c’ eft que l’extrait de Bordeaux , cite au moins un
regiftre & un C u ré qui exiften t, au lieu qu’il n’y a ni regiftre
ni Miniftre pour l’extrait de Montauban.
Mais ce qui rend cette derniere impofture encore plus reprehenfible , c’ eft le parjure qu’on y ajoutoit ci-devant pour
mieux tromper le Public. » N ous eûmes ( faiioit-on dire à la
» D em oifelle Cam p ) pour Témoins de nos fermons , ce M ir> niftre , nos amis , nos parens & D ieu . . . Jamais s’efton joué fi licencieufement de la crédulité humaine ?
Si la probité eft de toutes les religions , fes parens & fes
amis ont du frémir de fe rencontrer avec la famille du V i
com te de Bombelles , mais plus encore avec Sol-Elios , Sc
D ieu dans cette citation impie. D ieu qui voit to u t, n’ a jamais
vii ion.m ariage, & ne voit aujourd’hui que l’impudence de
�ti'b
39
ceux qui la font parler. I l n’ a reçu d’ elle aucuns fermens
il
n’ en reçoit que l’ outrage d’ être appelle en faux témoignage :
& S oI-EK qs ne peut' fervir qu’à porter fon parjure au plus>
haut'degré d’évidence.
*
'
'*
F ou r n’être plus le jouet de fa duplicité , 6c de peur qu’ il
ne lui prît fantaiiie d’imaginer un troifiéme a&e de mariage ,
le V icom te de Bombellcs lui a fait faire deux fommations *, . * }^cs 14 & 7*
■j.
,
•.
j
_
Januer 1 7 7 1.
de declafer comment il lufcplaifoit d’ être mariée , dans quel
fieu elle aîrnoit mieux placer la fcêné , à B ordeaux, ou au dé-'
fert , & auquel des deux extraits elle vouloit s’ en tenir. Elle
n’ a oie s’ expliquer. Elle eft forcée de .les abandonner tous
deüx , 5c ne pouvant dire ni dans quelle partie du M onde , ni
par qui elle a été mariée , elle a recours à fon enfant pour la,
iolution de ce problème.
^
1
C ’eft fous le nom de .cet enfant qu’elle offre aujourd’hui la
preuve p arT ém oin s, non pas d’ une bénédiction nuptiale, feul
a& epar où puiile commencer un mariage , mais d’ une pré
tendue poiTeifion d’état , com m e fi l’ on pouvoit acquérir des
maris par prefeription , ou par conje&urcs.
Suppofons pour un moment que ce foit le V ico m te de
Bom belles qui pourfuit la D em oifelle Cam p , lui qui n’ a pris
aucune précaution pour s’aiïurer d’elle , qui ne s’ eil fait re
connoitre mari , ni par teila m en t, ni par aucun autre aétey
qui loin d’avoir des ailes de mariage n’avoit pas même ci-de
vant l’expédition de leur contrat, ni ne fçavoit où répofoit la
minute emportée par leN otaire inconnu : L ’ ayant laifïee dans
tous les tems maîtreiTe de fa perfonne & de fes b ien s, de quel
œil le regarderoit-on s’il prétendoit la tirer des bras drunm ari?
avec des lettres ou d’autres témoignages de leur ancienne fa
m iliarité, & en faifant parler contr’ ellc l’ enfant qu’il en a eu. I
�40
N e fcroit-il pas infâme par l’affront même qu’il auroit voulu
lui faire ?
Q ue chacun reprenne maintenant fon rôle. E lle aura pû
d ifp o fer, & même ( pour parler comme elle ) trafiquer de fa
perfonne, fans qu’il pût l’en empêcher : & l’on fera d’autres
loix pour lui ! Il fera marié fans qu’ elle le foit ! I l deviendra
fon efclave avec des Tém oins !
,
Te ne m’arrêterai point à combatre un expédient, fi pro
pre à bouleverfer toutes les familles , & fi difertement ré
prouvé par nos Ordonnances , ni à démontrer l’impoifibilité
fpéciale , de remettre le fort de qui que ce foit à la difcretion
d’ une fille qui n’a celle , jufqu’à p réfen t, d’être livrée à des
gens affez peu délicats, pour lui fabriquer de faux aétes , ou
pour lui en altérer de véritables.
Je vais lui épargner de nouvelles intrigues , en faifant voir
que non-feulement elle n’ a ni titre , ni pofleiïion d’ un mariage
quelconque , mais que tout l’efpace d’entre fon contrat de
mariage & la rupture définitive, eil rempli par une inten
tion & par une poiTeffion , qui réfiftent invinciblement à fes
fables.
§. I L
I
n e x i s t a n c e
d
’
u n
M
a r i a g e
q u e l c o n q u e .
L a réalité ne fçauroit fe ren con trer, ni fubfifter avec la
fi&ion.
O r , tout ce que la D em oilelle Camp a fait ou fait faire
d’a&es avant & depuis le 8 Février , & le 2 1
Mars 1 jG G ,
époques prifes par fes faux extraits de mariage , ne font que
de vains fantômes deftinés uniquement à faire illufion aux
gens
�41
gens de fa force , & ils font tous démentis par la poilèflïon
refpe&ive des Parties.
i° .
t
Preuves de jîtnulation.
%
O n ne s’ avifa jamais de faire des a6tes évidemment nuls
pour des fins férieufes, ôc encore moins de faire des aétes
faux quand on en a de véritables.
Tels font néanmoins^ tous ceux qu’ elle rap porte.-C eux
qu’elle a fait confentir par le V ico m te de Bombelles , font
nuls ; ceux qu’elle a fait faire à fon infçu , font faux , ôc d’ une
fauiTeté ii averée , qu’ elle n’ ofeplus s’ enfervir.
i
°.
Son contrat de mariage attentatoire aux L o ix du
R oyaum e , qui défendent le mariage avec des Proteftans ,
6c a l’honneur d’ une famille diftinguée qui n’ en a rien fçu ,
n’eft pas feulement nul , il conduiioit à des peines capitales ,
il l’on eût paiiéà l’exécution en minorité. L e foin même que
fes parens ont pris d’ appeller unN otaire étranger, qui n’ avoit
aucun pouvoir d’inftrumentcr b. Montauban , le réduit écarté
où ils fe font cachés en faifant le co n trat, & le m yftere dans
lequel ils l’ont retenu , même après la premierc rupture du
V ico m te de Bombelles avec leur fille, annoncent clairement
que leur intention n’ étoit pas d’en faire ufage contre lui. C e
u étoit done qu’un a&e iimulé , un a£te détourné de fa fin
naturelle à quelque autre ufage , & dans lequel on n’avoit
recherché qu’une vaine apparence , fans afpirer à la réalité.
En le réunifiant aux autres aéies de même époque , furtout avec le teilainent holographe qu’on a fait dater du <5
A vril fu ivan t, il eil évident qu’il n’ a point été fait pour fe
m arier, mais pour couvrir de l’ombre d’ un mariage l’ enfant
ou les enfans dont la naiifance eil difertement annoncée par le
teiiament.
F
�6
4*
1 ° . C ’eft dans la même vue qu’a été fait ce te ila m e n t,
qui ne feroit ni o u v e rt, ni entre les mains de la D em oifelle
C a m p , s’il étoitférieux.
I l eft aifé d’y recoftnoître par le ftyie même , le Praticien
de Campagne , qui avoit rédigé le contrat de mariage. Il y
fait dire au V icom te de Bombeiles , qu’ il s’ en rapporte pour
•
Même expref- fes honneurs funebres a fon héritier bas nommé : *
fo."ratUeje aima-e
Q u’il donne a M arthe.Cam p , f a chcre époufe, l’ ufufruit de
na»efes biens , à la charge de nourrir , a fon pot-au-feu, jufqu’à.
2 5 ans , les enfans provenus de fon mariage :
Q u ’il nomme pour fes héritiers généraux le pojlhume, ou les
pojîhurnes dont elle pourroit être ou devenir enceinte , venant en
lumière de leur mariage ;
E t qu’ à défaut de poithumes , il Î’inftituc elle-même fon
héritiere générale , pour jouir & difpofer de fes biens à f e s
plaifirs & volontés.
O n eil fcandaîifé au premier afpcét de voir une prétendue
femme préfager la m ort d’ un jeune homme plein de vie & de
trois ans moins âgé qu’elle , & s’ occuper de fcs funérailles &
de fa fucceilïon. Mais il lui faut rendre jufticc : elle avoit en
core alors ailèz d’honnêteté pour ne pas expofer férieufement
des idées fi trilles , ni des défirs fi rampans.
Q uelle étoit donc fa penfée ? En Pays de D ro it écrit, tout
le monde fçait que les teilamens holografes n’ y font reçus
que du pere aux enfans , & qu’ ils font nuls à l’ égard de toute
■Voy. Maynari, autre perforne. * En même-tems qu’on fuggeroit celui-ci
r o i ’ de i/Z/t au V icom te de B om beiles , on ne lui en iaiflh point ignorer
concernant les
tfjia m e /is , art, ¡ 6 .
Ja nullité. C e ne pouvoit donc pas être pour tefler c u ’il
.
.
n
1
i
écrivoit ce teltamcnt. On ne peut pas le lui avoir diété pour
s’enrichir de fes dépouilles. L a D em oifelle Cam p ne fe i’ eit
�n r
43
évidemment procuré qu’ à dellbin de pouvoir mettre devant
elle un monument où elle fût traitée de chere epoufè, & peutêtre d’ avoir auiïï un vernis d’honnêteté tout prêt k jetter fur
les pojlhumex qui viendraient en lumière de leur trop grande fa
miliarité. C e n’eft donc qu’ une fimple précaution pour fuppléer au défaut de mariage.
3°. C ’ eft par la même précaution , & k défaut d’ autres
titres , qu’elle eft refté^ nantie de fes lettres. Jamais femme
s’avifa-t-elle de garder les lettres de fon mari en preuve de
mariage ?
4 ° . U ne autre efpece de précaution encore plus démonftrative , ce font les faux a£tes de bénédiction nuptiale qu’elle
s’eft procurés jftratagême auquel on n’a recours que quand on
n’ eft pas marié.
L ’aéte de Bordeaux qui eft daté du 8 Février 1 7 6 6 , n’a
été , comme on l’a vû , légalifé que le 29 Mai fuivant. Elle
étoit donc encore alors occupée k iim uler un mariage.
T o u t l’efpace. poftérieur eft rempli par la même iim ulation. Elle faifoit encore ufage de fon extrait de Bordeaux
en Février 1 7 7 * , lorfqu’elle l ’a fait palier à l’ Ennemi ca
pital du V ico m te de Bombelles , pour tromper les perfonnes
illuftres qui commençoient a le p roteger, & au mois de Mars
fuivant, lorfqu’ elle l’a fait dépofer par un Particulier de Montauban chez Rauzan , N otaire a Bordeaux , pour y fervir de
minute , & s’en procurer l’ expédition qu’elle a dans fon
porte-feuille.
C e n’ eft qu’au mois d’ A o û t 1 7 7 1 , qu’elle s’ eft avifée
de fe faire marier au défert le 2 1 Mars 1 7 6 6 .
Jüfques-lh,
c e f t fur l’acte de Bordeaux du 8 Février 1 7 6 6 , q u elle a
F ij
�44
afondé toutes íes prétentions. I l n’ y a donc dans l’ intervale
du 8 Février 1 7 6 6
au mois d’A o û t 1 7 7 1 ; aucune place
où l’on puiiTe faire entrer un mariage férieux.
A in ii toutes fes précautions fe tournent con ti’ elle , & les
ailes dont elle abufoit fi étrangement pour prouver un ma
riage , prouvent précifément tout le contraire par la perfeverance même de l’ ufage qu’ elle en a fait jufqu’au moment ou
elle a vu qu’ils alloient être convaincus de faux.1
Si quelque chofe en cette matiere pouvoit fuppléer au dé
faut de titre , ce feroit la poilèilion. L ’ eiïènce de la pofleffion
d’état confifte dans l’opinion publique, mais principalement
dans l’opinion de ceux qui font obligés d’ en prendre connoiffance , & qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre.
i ° . I l y a des indices dont la préfence eft équivoque ,
mais dont l’ abfence eft démonftrative. Par exemple , l’ unité
' de nom & l’unité de domicile , ne prouveroit rien pour la D emoifelle Cam p. C e t indice eft commun aux époux & aux
concubins , & par conféquent ne fçauroit fervir à. diftinguer
les uns avec les autres.
Quelques précautions que prennent deux A m a n s , pour
couvrir d’ une apparence refpe&able le vice de leur familiarité,
le Public , pour l’ordinaire , n’ eft point duppe d’un nom de
guerre que prend une fille dans fa groiTeiTe , ni des témoigna
ges d’affedion, ou d’une adreife de lettres qu’elle fe fait écrire
par fon G alant, ni même d’une réfïdencc en domicile com
mun ; il ne la rcconnoît point tant qu’il ne la voit point recon
nue par la famille , ou par l’ autorité publique.
Mais quoique l’ unité de nom & de domicile 11c prouve
�45
rien , la diverfité prouveroit beaucoup. U n e fille honnete
une fois m ariée, n’a rien de plus preiïé que d’ oublier fon riom
pour prendre celui de fon mari , avec qui elle ne doit plus •
faite qu’une même perfonne. L a D em oifelle Cam p étoit trop
jaloufe de ion honneur pour manquer à cet ufage. Cependant
elle convient * avoir continué de porter fon nom de Camp “ Pair. 7 ¿e f>n
j
• n
n i»
Mémoire a t o n pendant toute 1 année i 7 6 6 , & jufqu au moment de 1 an- iuiter.
née i 6 6 7 , où fa groifeife s’ eft déclarée. Toutes les lettres
qu’elle a reçues du V ico m te de Bombelles dans cetintervale,
quoiqu’il la traite d’époufe , font à l’adreiïe de Mademoiselle
Camp. C ’eft donc la.groiTeiîe , & non pas le mariage , qui a
été eaufe du changement de nom fur-venu depuis.
Si depuis le mois d*Avril 1 7 6 7 , il lui a écrit quelques
lettres fous le nom dont elle s’étoit décorée, c’eft par conven
tion , & parce que l’ ufage eft à Montauban d’ aller retirer foimême fes lettres au Bureau. A u reile ce menfonge officieux , .
après de longues interruptions , a pris fin au mois d’A o û t
1 7 7 0 , où recommence l’adrefle de Madcmoifclle Camp. '.
Une' des plus flétriiTantes calomnies dont elle l’ait n o irc i,
c’ eft l’imputation de l’ avoir tirée des aras de fon pere, & d’ être
enfuite venu loger che^ elle. Elle n’ o fe y infifter. I l eft en effet
de toute fauiîcté quM Tait jamais emmenée chez lui. .Elle
u auroit même pas pû décemment y conientir. I l a toujours
.lo g é en chambre garnie *. Elle n’y a fait que quelques appa-
• Cen-
ntions furtives , n’ v a accepté que quelques foupers , ôc dans fuite chez Caiil,
fpVo
„.
t
/tv que quelques
1
• n.
9 pas une Alaitre
«-s
autres
vilites
n»y a palié
înltans
, oc
qujer. perru_
feule nuit.
^Si jamais la maifon du mari doit être le domicile de la femme,
c eft fur-tout quand elle n’a plus d’ autre logem en t, & que fa
calamité la force de chercher un afyle. L a D em oifelle Camp
�4-6
s’eft trouvée dans cette crifc au mois de N ovem bre 1 y G G. La
maifon de Ton pere venoit de périr avec la majeure partie du
Fauxbourg. C ’étoit le moment de prendre gîte eliez le V icom te
de Bombeiles , s’il eût été Ton mari. Son defaftre qui l’ a
ramené auprès d’elle , n’a point empêché leurs rechûtes: c’eft
l ’époque où elle eft devenue féconde ; mais il ne l’a pour
tant point réduite à cette extrémité de loger avec l u i , elle a
été loger ailleurs.
Il
eft faux qu’ il l’ait fuivie chez fon pere pendant ia grof-
fe fle , ni qu’il y ait transféré fon domicile. Il-n’ y a p a s logé
une feule fois ; il a même eû la délicateilè de n’ y accepter en
tout qu’un feul repas , & dans la feule vue de leur prouver
qu’il ne les méprifoit pas. A in fi ils font reftés diftinéb par le
nom & par le domicile.
A - t ’il du moins fait ufage des droits que lui donnoit leur
contrat de mariage , & entr’autres chofes eft-il muni de la dot ?
L eu r contrat de mariage porte qu’il lui fera payé par le
fieür Cam p pere, lors de la célébration, laJbmnic de 6000 llv.
dont il donnera fa reconnoiiTance. A -t-il reçu cette fomme ?
E lle n’eft pas fâchée qu’ on le croie ; mais pourtant elle eft
forcée de convenir qu’il n’ en eft rien. O r tom be-t-il fous le
fens que ce jeune homme , qu’ elle fuppofe avide d’ a rg e n t,
eût négligé fa dot s’il s’étoit chargé de fa perfonne ?
E lle l’accufoit ci-devant, de lui avoir demandé au mois de
Juin ï j GG , à elle 1 5 00 ^vres » ** ion pere 3 0 0 0 liv. E lle
n’a pu juftifier ce fait , & n’ a voulu communiquer les pré
tendues lettres qu’elle citoit : mais elle lui a fait donner copie
de fa lettre écrite du Fort-l’Evêque le 3 Mars 1 7 6 9 . C e jl un
lieu très-onéreux ( lui m arque-t-il) je m’y trouve à /’ étroit }
vous nie rendrie£ Jervice d'emprunter à votre pere ou à vos
�m
47
parens cent ¿eus dont j ’ ai ajj'e^befoin. Je ferai très-fenjible à
cette marque d ’ amitic de votre part. Dans cette détreife auroitil demandé à emprunter cent écus , pouvant exiger fix mille
livrer ?
z ° . V o y o n s maintenant quelle a été l’opinion de ceux qui
étoient obligés de les connoître , & qui avoient L»céiêt de ne
pas s’y méprendre. Com m ent ont-ils été regardés l’ un par les
plus proches parens de l’autre ?
L e fleur Camp pere s’eft-il mépris jufqu’au point de re
garder le V ico m te de Bombelles comme fon gendre & de
lui payer la d o t , ou de lui prêter quoique ce Toit ? I l s’ en eft
bien gardé.
Com m ent la D em o ifelle Cam p a-t-elle été regardée a Ton
tour par tout ce qui tient au V ico m te de Bombelles dans Montauban , par la D am e H ennet, par les D em oifelles de Bom
belles ? O n peut le conjecturer par la maniéré outrageante
dont elle a traité la D am e Hennet.
A-t-elle du moins réglé quelques affaires de ménage , payé
quelques dettes , compté avec les Fermiers , reçu de quel
ques Débiteurs ? R ien de tout cela : perfonne ne l’ a reconnue
pour femme.
Il
n’ exifte pas un fcul aéte public où cette qualité lui foit
donnée ; pas même l’extrait de Baptême de Ton enfant.
C ’eft ici une obfcrvation a faire qui fera fentir un jour h.
cet enfant le prix de fa légitimation. L ’ ufage du D iocèfe ,
même pour les Froteftans , lorfqu’ un enfant doit fa nailfance
^ des perionnes m ariées, eft de le qualifier de légitime, ou de
faire mention du mariage de les pere & mere. L a D em oifelle
Camp , qUi a
b ap tise en l’ Eglifc paroilïiale de V ille —
bourbon , n’oferoit nier cet ufage. Son propre extrait de
�48
Baptême en fait foi.
Ses pere & mere y font dits mariés.
E lle a efîayé d’obtenir par furprife du Prêtre qui a baptifé
fon e n fa n t, les mêmes qualifications, & de lui faire croire
qu’elle étoit reconnue pour femme. Dans ce deiTein elle avoit
apofté , pour tenir l’enfant fur les fonts de Baptême fous
le nom de la D em oifelle de B om belles, qui depuis en a donné
fon défaveu , une certaine Antoinette Biargues , qui fe difoit
commife à cet effet par cette D em oifelle. L e Prêtre n’ a point
donné dans ce piège , il s’ eft contenté d’exprimer le nom du
pere & de la mere bien conflatés par les lettres qu’ elle rapportoit. Mais il s’eii abftenu d’exprimer q u ’ils fuiTent mariés,
ôc n’a point voulu rifquer fur l’ enfant la qualité de légi
time.
3 0. Enfin elle n’a tenu compte de l’erreur des dupes qui
croyoient à fon mariage. E lle a au contraire refpeété l’ opiniorT
la plus générale qui ne lui paroiiToit pas favorable, & elle y a
conform é fa conduite.
Q uoiqu’elle prît la qualité de femme , la vérité a prévalu
dans fin/tant périlleux de fes couches. Celles d’ une femme
légitime fe font fans m iile re , & s’annoncent avec éclat. E lle
a été cacher les fiennes en Paroifîe étrangère à quatre lieues
de Montauban.
On ne lui fera certainement point un crime d’ avoir laifTé
le V icom te de Bombelles vingt-un mois au F ort-l’ Evêque ,
fans le venir trouver & fans lui prêter aucun fecours. Mais fi
elle avoit été fa fem m e, quelle exeufe pourroit-elle alléguer
de fon indifférence ? L e mariage n’exifte-t-il donc que dans
la prdfperité? N ’embraiTe-t-il pas l’ enfemble de toute la vie?
Q u ’ y a-t-il de plus humain que de partager l’ adverfité de ceux
mêmes
�125
49
m êm es, dont on ne partage plus les plaifirs ? Juiqu’aux fem-mes les moins fid elles, ne fe font-elles pas un honneur de
voler au fecours de leurs maris , quand il leur arrive quelque
accident? (a)
Il
n’ y avoir rien dans la conduite , ni dans la détention du
V ico m te de Bombelles dont elle pût rougir ; & c ’eft faire un
cruel ufage de fa calam ité, que d’ y chercher des fujets d’ ou
trage & de le traduire en cette prifon , comme un homme
perdu de dettes, traînant dans la débauche une vie pénible 6’
fcandaleufe. Les lettres qu’ il rapporte de fes Supérieurs prou
vent la confideration qu’ils avoient pour lui. L e certificat du
Greffier & du Concierge du Fort-l’Evêque attellen t, qu’il n’ y
a été conftitué Prifonnier que par ordre du R o i } & qu’ il n’ a
point été écroué pour dettes. Elle-m êm e rapporte dans fa lettre
du 3 Mars i 7 6 9 la preuve qu’elle ne l’ignoroit pas : Pour
ne vous laijfcr ( y eil-il dit ) aucun louche fu r les raifons qui
ont déterminé Sa M ajejîé, je vous envoyé la lettre que NL. Gayot
C h ef du Bureau de la Guerre , m a écrite dans les premiers inftans de ma détention; & elle fçait k n’en pouvoir douter, qu’ il
n’ étoit que pour avoir déplu à des perfonnes en place : caufe
qui n’ ayant pas empêché des Officiers Généraux de l’ honorer
de leurs v ifite s, une fille de qualité de l’ admettre h fon al
liance , une PrinceiTe du Sang de figner leur contrat, n’ auroit
pas pû difpenfer la fille d’ un Com pagnon Teinturier de venir
folliciter fa délivrance & abroger fa captivité, s’ il eût été fon
mari. U faut donc pour fon honneur , qu’ elle avoue n’ avoir
m écon n u , dans cette longue épreuve, les fentimens & les
devoirs d’ une fem m e, que parce qu’elle n’ en avoit acquis ni
Içs droits , ni le cara&ere.
' r>a X ^ onf { ‘r ùum om n is v itee , fF. d e r i t u n u p t , I „ 1 .
ri
1 rr^ i t’uinanum quàm fo r t u it is cafibu s m u lieris m a ritu m , v tl uxorem y i n p .v
c>peut ejfc ? ü. toi, Wauim . &ç, L . 1 1 , 7.
°
�5°
O n voit, i ° . Q u'elle n’ a point d’a â e de mariage ; 2 °. Q ue
tous fes a&es font de vains iïmulacres ; 3 0. Q u ’elle n’a point
de poiTeflion ; & 40. Q u ’ il y a poiTeflîon contraire. Elle n’a
donc jamais été fem m e, & par conféquent, ni elle , ni fa fille
à qui elle ne peut avoir communiqué plus de droit qu’ elle
n’en a elle-m êm e, ne font recevables k venir troubler le ma
riage du V icom te de Bombelles & de la D am e ion époufe.
E lle n’a même que des torts & pas un.feul fujet de plainteT R O I S I E M E
P A R T I E .
Torts de la Demoifelle Camp, & demandes contr’ elle.
L a D em oifelle Camp étant convaincue de faux fur le ma
riage & la bigamie qu’ elle imputoit au V icom te deBombelles,
que refte-t-il qu’ elle puiiTe lui reprocher ? Sont-ce les fautes
antérieures au contrat de mariage & revelées par le teilament*
Eft-ce la rupture occafionnée par la fupercherie de ces a£tes ?
E ft -ce la groiTelfe poilérieure à leur réconciliation ? E il-ce la
iimulation de mariage qu’ elle a exig ée, & h. laquelle il s’eft
prêté pour fouftraire cette avanture h la malignité publique ?
C e ne font-la que des foibleiTes de fon â g e , & des excès de
com plaifance, repréhenfibles à. la vérité dans la perfonne des
Séduéleurs , mais pardonnables h un jeune homme leduit.
Q u ’elle ait commencé par feindre une groiîcilfc , pour furprendre un contrat de mariage, qu’ elle ait enfuite abufé d’une
groiTefTe ré e lle , pour fe foire donner le titre de fe m m e , il
ne s’en plaindra pas , puifqu’il y a confenti. Mais devoit elle,
pour fe confcrver une fi&ion de mariage , chercher h. fe dé
faire de ion prétendu mari ; em ployer , pour lui ôter l’hon
neur, les mêmes a&es qu’ il n’avoit foufcrits que pour lui fauver le fiçn ; avoir recours aux ilratagêmcs les plus défefperés*.
�11
pour mettre en péril la liberté & p e u t-ê tre la vie d’un
jeune homme qui n’ a point d’autre tort que d’avoir accepté
.fa
< bienveillance ?
Elle n’ e ftp a s (il e ftv ra i) l’ auteur du complot. L eV icom te
deBombelles & laD em oifelle de Carvoiiin fon époufe feroient
encore heureux & florifl'ants, fi leur mariage n’ avoit porté
ombrage, d’ un c ô té , à l’implacable avidité d'un parent comp
table , & de l’autre à la^niferable jaloufie d’un parent ambi
tieux. C e font-lù les deux paiîions qui ont recherché cette
fille ; & qui ont fait paile avec fa vengeance. Mais c’ eit
£lle qui leur a fourni d’abord le faux extrait de Bordeaux ,
pour arrêter tout à. coup le V ico m te de Bombelles dans la plus
brillante carriere, & le faire enferm er comme Bigame ; projet
qui feroit exécuté
fans la fageife & la probité du Magiftrat
chargé de la P o lic e , qui avant de fouffrir qu’ on attentât à la
liberté d’un C ito y e n , a été d’avis que l’on commençât par vé
rifier l’ aéle fur lequel on avoit obtenu l’ ordre du R o i.
Elle s’efî: prêtée depuis à toutes les autres manœuvres.
Fabrication d’ un nouvel a&e , qu’ elle a elle-m êm e, finon
com m andé, du moins apporté deM ontauban, Ôcfubftitué im
perceptiblement au premier , pour renouveller la fable de fon
m ariage, & y ajouter l’épifode d’ unefédu&ion préparée par
une feinte apoftafie.
Enquête clandeftine à cent lieues du V ico m te de B om
belles, pour le traveftiren P roteilant malgré lui ôc fans qu’il
put s’en défendre.
Inquifition fur toute fa vie pour lui trouver des crimes ;
attention de fouiller jufques dans les regiilres du Bureau do
la Guerre , pour voir s’il y eft bien ou mal noté.
AfTociation avec to u t ce qu’ elle lui con noît d ’ e n n e m i s ,
G ij
�?*
pour recueillir tous les propos ignominieux qu’ on a pû tenir
fur fon compte.
Libelle deftiné à prévenir les efprits par un tas d’horreursj
chargé d’un faux titre qui pût lui frayer une route k la publi
cation , tourné en form e de M émoire a con fu lter, <Sc fuivi
d’une Confultation encore plus iniidieufe, tendante a foulever les Proteftans , les uns par une fauiTe démonftration d’ a t
tachement k leur fc6le , les autres par la fauife annonce qu’il
s’agit Je leur état y & à faire croire à tout le monde que le ma
riage en queftion étoit hors de d o u te , en ne répondant que
fu r la validité ; toutes fuppofitions mifes par déception , fous
le cautionnement & la foi d’un minïftere propre k fubjugüer
la confiance du Public r qui fait k l’O rdre des A vocats cet
honneur bien mérité de croire qu’il n’en efl aucun qui voulût,,
au mépris de fa confcience & de fon ferm ent, écrire le con
traire de ce qu’il verroit dans les a ile s , bâtir des fyitêm es de
diffamation fur des pièces dont il connoîtroit la fauiTeté , ni
y abufer du nom deD ieu pour attefter des bénédiélions nuptiales>
impoilibles par l’inéxiilence du M in iftre, & par l’abfence des
Parties («).
Précautions de toutes efpéces pour empêcher que la vérité
ne fe fit jour par aucun endroit ; édition de fon contrat de
mariage avec fuppreilion de la claufe eifentielle ; dexterité de
ne pas laifler voir fon a&e de bénédi&ion au d é fe rt, dont
l’abfurdité frappante auroit pû revolter le P u b lic , & néan
moins de le lui annoncer d’ un ton d’ aiTurance, avec promefîe
de le produire , & réfolution de n’ en rien faire.
Machinations pour furprendre & faire inférer dans les ga
zettes étrangères des lettres & des notes outrageantes, qui
( a ) Terfonnc de ceux qui connoiflént lc E é fe rfc u r de ia D em oifellc Camp , ne
croira qu’ il ait tu connoiliance de toutes ces faulletés, à moins qu'il ne l ’allure
lui-mcrac.
�12 ï
13
annoncent au V ico m te de B om belles, qu’ i/ pourra triompher
dans les Tribunaux , mais qu’ il cjl condamne au Tribunal de
l ’ honneur, comme ii l’honneur pou voit avoir d’autres Tribu
naux que ceux où l’ on prononce avec connoiilance de cauie,
ou d’ autres organes que ceux qui ont fait vœu de la plus icriipuleuie impartialité.
Affectation de traîner partout avec elle cet enfant qu’elle
refufe à ion prétendu m ^ri, & d’abufer du fruit de leur
am o u r, pour allumer contre lui la haine dans tous les cœurs.
Déchainement général excité par Tim pollure de fes titres
& de fes déclamations,- qui ont réduit ce jeune homme h la
néceffité , ou de perdre ion honneur en ne fe montrant p a s,
ou d’expofer fa vie en fe m ontrant, com m e il a fa it, fans y
manquer un feul jour.
L e V icom te de Bombelles pourroit entreprendre les F auf, faircs, & s’il ne craignoit de rencontrer parmi eux la perfonne
qu’il veut épargner , il dénonceroit à l’inilant au M iniilere
public les deux ades faux.
Il
nom m eroit, pour parvenir à la découverte des Auteurs
du p rem ier, le M agiftrat qui en a été porteur auprès de la
D am e de Bombelles ,. le iieur Intendant de Guyenne . qui a
été chargé de la vérification r «5c le nommé C in fra ix , qui en a
fait le dépôt chez Rauzan , N otaire à Bordeaux. L eur cons
cience eft engagée à. déclarer qui leur avoit remis cette
p iè ce , & C infraix doit en répondre fur fa tête..
Il
nommeroit fur le fécon d , Bernard C o ite & M e. Jean-
Marie de Foreftier , neveu du Juge-Mage de Montauban ,
qui fe font préfentés le 1 6 A o û t i 7 7 1 avec J e a n Murât pour
en faire le dépôt ch czD u p ré N o ta ire , & ils ne pourroient fe
difpenfer de livrer l’A u te u r , s’ils ne veulent paifer pour A u
teurs eux-mêmes ou pour Complices*.
J
�/X*
u
Mais !e reiTentiment ne l’emportera point à fufciter une
attaque il propre à le venger ; il ne veut qu’ achever fa défenfe ; & laiiTant la perfonne des coupables pour fe borner à
leur ouvrage , il fe contentera quant à préfent de requerir
pour toute fatisfa&ion :
i
’
Q ue les deux expéditions foient lacérées, & que men
tion en foit faite fur les deux originaux.
2 °. Q ue l’Enquête clandestine faite au mois d’ O & obre der
nier par le Juge-M age de Montauban foit déclaré nulle.
3 0. Q ue le M ém oire à confulter & la Confultation du i 2
N ovem bre fuivant foient déclarés calomnieux.
L ’ Enquête a pour objet de prouver qu’ il a fait femblant
d’ époufer la feéle de la D em oifelle Cam p pour parvenir à.
époufer fa perfonne , c’eft-k-dire de prouver le contraire de
ce qui eft démontré par la claufe du contrat de mariage qui
avo itété frauduleufement retranchée. E lle devient par conféquent inutile à la D em oifelle Cam p depuis le rétabliifement
de cette claufe , & fa Ie&ure ne feroit que le com ble de l’infulte qu’elle a faite à fes Juges de les interpofer , moins pour
ju^er de fon mariage que pour être témoins & fpe&ateurs de
fes outrages.
Elle lui eft encore inutile par fa nullité manifefte , nonfeulement comme ayant été faite fans demande préalable 6c
Cms être ordonnée , mais comme étant prohibée form elle
ment par le titre 1 3 de l’ Ordonnance de 1 G G 7 , ayant même
été faite avec la plus infigne mauvaife f o i , fans y obferver
aucune des formalités requifes avant l’abrogation des Enquêtes
* V. le procès- d ’ examen a fu tu r , * c’eft-h-dire fans aflignation de Tém oins
pour prêter ferment , ni de Partie pour aflifter à la preftadon ; compofée d’ailleurs de Tém oins dévoués , 6c qui ont
été dépofçr d’ eux-mêmes,
�C ’ eft même une de ces inquiiitions odieufes fur la vie d'au
trui donc l’ufage n’a jamais été permis en France , 6c qu’ on a
toujours réprimé ( dit M. l’ A vocat Général Bignon ) par des
dommages-intérêts. Cette Jurifprudence eft confacrée par fon
Réquisitoire & par l’A rrê t de la C o u r intervenu en confor
mité le 1 4 D écem bre 1 6 ^ z *.
*
Quant au L ibelle qu’on a répandu avec tant de profuiiorr Aud
dans le public au mois dt^ N ovem bre dernier , fous le titre
impofant de Mémoire à confultcr, tout ce qui cara£lérife un
Libelle diffamatoire sTy rencontre. i° . D éfaut de caufe : la
D em oifelle Cam p n’avoit point k fe défendre , perfonne ne
1 attaquoit. 2°. D éfaut de droiture : il ne tend point k inftruire les Juges qui n’étoient encore faifis d’ aucune a&ion ,
niais fimplement k s'emparer de la prévention publique.
3 °. FauiTeté 6c délire: il eft rempli de faits calomnieux étran
gers k fon prétendu mariage , tels que les dettes , la fabrica
tion de faufîes lettres de change , la débauche, 6cc. 6c ceux:
même qui peuvent s’ y rapporter font tournés a d’autres ufages^
T out y refpire la vengeance & l’ exécration. I l ne feroit donc
pas jufte de laifler exifter ce monument ignominieux.
O n ne s’en prendra point k la D em oifelle Cam p. Eût-elld
etc l’ame du co m p lo t, on n’ignore pas ce que peut contre'
fon Am ant une femme en fureur, quand elle croit fon amour
nieprifé y & qu’elle fe voit obligée de rentrer dans la fphere
d ou elle étoit fortie. C ’eft un torrent qu’il eft impofTible d’arrescr , 6c auquel il faut laifTer un libre cours. A ufli jufques.
dans les outrages dont elle accable le V ico m te de Bom bclIesr
il ne fcnt que la douleur qu’elle exhale. I l ne cherchera point'
d autre vengeance que de brifer les armes dont, elle s’eft fer—
vie pour le perdre.
�S’il requiert que défenfes lui foient faites de fe dire F icomteffe de Bombelles , & qu’ on lui arrache ce nom qu’ elle a
cru pouvoir,fe féliciter de perdre, ce n’eft point pour la punir
de la témérité qu’elle a eue de l’u fu rp er, ni des efforts qu’ elle
a faits pour l’a v ilir, c’eft pour rendre hommage à la vérité, &
le fixer fur une époufe refpecta b le , qui feule a droit de le
porter.
S’il requiert que l’enfant dont elle fe fert pour l’ attaquer
foit remis en d’autres mains , avec offres d’em ployer à fa fub
f iftance le peu de fortune qui lui refte , c’eft tout-a:la-fois
pour donner à fa religion un témoignage authentique de fon
attachement inviolable , & marquer fon obéiffance aux L oix
de l’E ta t, qui veulent que les enfans dont les peres fo n t Catho
liques , & les meres de la Religion prétendue réformée , même les
enfans nés hors mariage & tous autres, foient baptifés & élevés
en l ’Eglife Catholique , & enjoignent aux Juges d ’y tenir la
» D é c l.d u iF e v .
1 6 6 9 , a rt. 39 i
du 51 J a n v . i é S i ,
Edit d’ O ftobre
i 6 8 y , a rt. 8 ,
main.
Il
ne fe propofe qu’une meilleure éducation fous les auf-
pices d’ une R eligion plus pure. D u refte il n’entend point
féparer la mere d’avec l’ enfant : elle pourra le voir tant qu’elle
voudra. I l defire même que cet enfant conferve pour elle tout
le refpect qui peut lui être dû; & qu’ il ignore (s’ il eft poffible)
ou du moins qu’ il joigne fes efforts à ceux de fon pere pour
faire oublier la faute qui lui a donné le jo u r, ainfi que l’éclat
dont elle a été fuivie.
• Monfieur D E
V A U C R E S S O N , A vocat Général.
M c. L E B L A N , A vocat.
D e l’im p r . d e C H . E s t C h e n a u l t ,
ru e de l a V i e i lle d r a p e r ie
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Bombelles, Jean-Louis-Frédéric-Charles. 1772?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Leblan
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
rapt de séduction
actes de mariage
faux
Description
An account of the resource
Titre complet : Plaidoyer pour Messire Jean-Louis-Frédéric-Charles Vicomte de Bombelles, sous-aide major d'infanterie, chevalier-novice de l'ordre royal et militaire de Saint Lazare, intimé, défendeur et demandeur. Contre demoiselle Marthe Camp, fille majeure, appelante comme d'abus, et défenderesse. Et contre Antoine Maugis, tuteur ad hoc d'Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, aussi appelant et demandeur. En présence de dame Marie-Françoise de Carvolsin, épouse dudit Vicomte de Bombelles. Et de dame Magdeleine-Claudine-Charlotte-Renée de Bombelles, veuve de messire Antoine Hennet, lieutenant-colonel d'infanterie, intervenante.
Annotations manuscrites: condamnation du mari.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Ch. Est. Chenault (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53052/BCU_Factums_G0803.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de mariage
diffusion du factum
Faux
opinion publique
Protestants
Rapt de séduction
suspicion de bigamie
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53053/BCU_Factums_G0804.pdf
7bab98375141e5b3d333b6a63ba26d8a
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REPLIQUE
POUR
Demoifelle
A n t o in e t t e -L o u ise A
n-
procé
dant fous l'autorité d’Antoine M augis, fon T u
teur ad hoc.
g e l iq u e
-C h a r l o t t e
C O N T R E
B
C
o m b e ll e s
d e
C
h a r le s
ess ie u r s
De
B om belles ,
r é d é r ic
M
a r ïe
Vicomte
-F
d e
r a n ç o is e
.
En préfence de Demoifelle
teffe d e B o m b e l l e s ,
M
- F
Demoifelle
&
a r v o is in
de
Cam p3
M a r th e
Vicom
,
tous les incidens bifarres que cette C aufe préfente, le
plus fingulier p eu t-être, le plus é to n n a n t, c ’eft que dans l e ,
;
A.
�prodigieux efpace de tems que nos Adverfaires y ont d o n n é ,
elle foit devenue beaucoup plus obfcure qu’auparavant ;
8c
qu’après fix A udiences em p loyées, s’il faut les en croire , à
nous répondre, la partie la plus eiïentielle de nos moyens foit
reilée fans rép on fe, que le véritable nœud de l’affaire, l’article
qui d ev o it, ce fem ble, mériter fu r-tou t leur a tten tio n , foit en
core à traiter de leur part.
V ou s vous le rappeliez, M e s s i e u r s , je l’avois réduite à.
deux points principaux. P e u t-o n , d oit-on préfum er qu’il y a
eu un premier m ariage? L e fécond m ariageeft-il valide? V o ilà
les deux queftions que je me fuis attaché à réfoudre dans la
«feule & unique A udience où j’ai eu l’honneur de vous entre
tenir. A llia n c e lég itim e, contra&ée par celle que je défends :
alliance a b u fiv c , contrariée par la D em oifelle de Carvoifin.
T e lle a été la divifion toute naturelle de m on prem ier P la i
doyer. J’ai prouvé que la nature & la raifon fe réuniifoient
pour confirm er les droits de l’u n e , com m e la Xuftice & les
L o ix pour proferire l’ufurpation de l’autre.
N o s Adverfaires ont affe£é d ’abord de publier q u ’ils fe c o n form eroient au m êm e plan , & il jette en effet plus de clarcc
dans la difcuffion. Mais ils l ’ont bientôt perdu de v u e , ou du
m o in s, ils ont jugé à propos de n’en rem plir qu'une partie. I l*
ont oublié qu’il s’agiffoit moins pour eux d ’attaquer, que de fe
défendre ; &
cette méprife inconcevable nous donne dès à
préfent un avantage qui ne vous eit certainem ent pas échappé.
T ou s leurs efforts fe fon t dirigés contre le premier m ariage.
I l n’y a pas un d’eux qui ait ofé prendre fur lui de juftifier le
fécond
& en le lailîant ainfi H l’éca rt, ce n’efl pas qu’ils aient
réellem ent dédaigné nos moyens d’abu s, ce n’eil pas qu’ils les
aient jugés infuffifans, ils en ont eux-m êm es fenti & reconnu
�*33
3
la force ; mais dans l’impuiiTance où ils fe trouvoient de les
détruire , ils ont mis en ufage un ilratagcmc un peu étrange ,
pour fe difpenfer même de les attaquen
* Vous avez entendu le Sieur de Bombelles & la Dame
Herinet, renvoyer a leur affociée la corvée pénible de les com
battre. On vous a hautement & pluiieurs fois annoncé que le
Défenfeur de la Demoifelle Carvoiiin briferoit, en fe jouant,
dans nos mains ces armes importunes dont on feignoit de méprifer l’éclat. Q u’en eft-il arrivé? La Demoifelle Carvoifin a
paru à. fon tour dans la lice , & ce qu’elle devoit faire, elle
a fuppofé qu'on l’avoit fait d’avance. Elle s’eft exeufée de ré
pondre aux moyens d’abus, fous le prétexte que fes prédéceffeurs ne lui avoient rien laifle à dire à ce fujet.
Cette fubtilité commode peut épargner des embarras, mais
elle n’eft pas propre à convaincre des Auditeurs éclairés. Tout
ce qu’il en réfulte, c’eil que la nullité du iecond mariage eit
démontrée & avouée même par nos Adverfaires.
Et en effet, toutes les irrégularités qui peuvent anéantir §
fuivant les L o ix , un a&e de cette nature, fe trouvent raflemblées dans celui-ci : abfence du propre Pafteur, faux domicile
prêté à l’une des Parties, mépris des formes juridiques, au
dace à enfreindre de foi-même un engagement antérieur donc
les Tribunaux feuls pouvoient prononcer la réfiliation. Il femble que le iieur de Bombelles, en cherchant h rompre les liens
qu’il avoit contra&és h. Montauban, ait fait en même tems tout
ce qui dépendoit de lui pour les affermir par la foibleife qu’il a
donnée h ceux qu’il eifayoit d’y fubilituer. Lui & fes adhérens,
par leur filence fur cet article, rendent donc un hommage forcé
aux vérités que nous vous avons préfentées.
En diminuant leur tâche, ils ont allégé la nôtre. Puifqu’ifc
A ij
�4
fe font bornés h nous oppofer des fins dé non-recevoir, nous
nous bornerons de notre côté à en établir l’illufion. Nousprouverons que la Dame & la Demoifelle de Bombelles font recevablcs à excipcr de la nullité d’un mariage qui fait tort à leurs
droits à toutes deux. Nous démontrerons qu’il y a eu un enga
gement férieux & effectif, confommé entre le Sieur de Bom
belles & la Demoifelle Camp. Nous ferons voir que la validité
& la réalité de cet engagement font juftifiées de toutes les ma
niérés qui peuvent aiTurer l’état des hommes, par lapoiTeiIion&
par les titres.
On a nié l’une, M e s s i e u r s , & l’on a feint de vouloir at
taquer les autres ; & c’eft encore ici la rufe que l’on a fubftituée
aux raifons, c’efl: l’adreiTe que l’on a mife en œuvre, au lieu de la
folidité des preuves.
D ’une part, pour rendre la pofleffion douteufe , pour don
ner lieu de croire que le mariage de la Demoifelle Camp n’avoit jamais été approuvé de la famille, ni reconnu publique
m ent, on a fait intervenir dans la Caufe une tante qui avoit
déjà joué un rôle peu honorable dans les préliminaires qui
l’ont néceiîitée. D e l’autre, pour affoiblir les titres que nous
étions en état de produire, mais dont, par des ménagemcns
particuliers, par des raifons faciles h pénétrer, nous nous étions
abftenus jufqu’ici de faire aucun ufage , on a traduit fur la fcene
un Curé de Bordeaux, de la main duquel cil émané un de ces
titres.
Ce Curé eft un corps de réferve, qui doit agir dansfon terns.
On r 'annonce avec appareil. Il doit , dit-on r s’infcrire en
faux. Il doit invoquer la rigueur des Loix contre l’abus qu’on
s’eft permis de faire de fon nom , contre le délit qui ofe imiter
fa fignature au poin t, comme il l’avoue dans fes lettres, de lui
faire illufion à lui-méme.
�I£ j
• Il y a loin , M
e ssie u r s
5
, des bords de là Garonne h ceux
de la Seine. Ce Curé pétulant pourroit bien ne pas fe croire^
obligé de tenir fervilemént la parole qu’il a donnée au fieur de
Bombelles.La chaleur qu’on luiprête ici pourroit fediffiper dans
le voyage ; & fi réellement il le f a it , s’il a la hardieiTe de paroître devant vous , il ne parlera peut-être pas plus du prétendu
faux, que laDemoifelle de Carvoiiin des moyens d’abus. Quand
il nous aura entendu, quand il aura vu briller enfin au grand
jour ces armes redoutables que nous voulions bien laiiTer dans
robfcurité , & que nos Adverfaires eux-mêmes ont eu l’impru
dence d’en faire fortir ; il n’y ajoutera pas celle d’en rendre la
vérification néceiTaire. L e cri de fa confcience l’emportera fur
la crainte qui l’anime aujourd’hui. Il tremblera de devenir , par
une dénégation trop facile à confondre, plus criminel aux yeux
de la L o i, qu’il ne peut jamais l’être par l’aveu pur & iimple de
la vérité.
Quoi qu’il en foie, à ces moyens puériles ,1e iieur de Bom belles en a joint d’autres qui n’ont pas plus de force. Il a eifayé
d’appuyer l’intervention de la Dame H ennet, & la menace de
l’infcription de faux, par des reproches fcandaleux , qui ren
d aien t l’une & l’autre moins révoltantes s’ils étoient fondés.
Vous vous rappeliez, M e s s i e u r s , de quelle maniéré il a ré
pondu aux égards , aux ménagemens que nous avons affe£tés
pour lui. En refufant un état à fa fille , il n’a ouvert la bouche
que pour en déshonorer la mere. Il ne lui efi: pas échappé un
toot qui ne foit une infultc , pas une phrafe qui ne contienne
une calomnie.
Il s'eft efforcé de dévouer à l’opprobre cette femme refpectable, dont il a fouillé lrinnocence, &c qui jouiroit e n c o r e d’une
gloire fans mélange ft elle n’avoit eu le malheur de le cro ire
*
�6
vertueux. Sédu&ions , intrigues, manœuvres de toutes les efpeces , complots coupables dans tous les genres ; il n’y a point
de délit dont il ne l’ait accufée ; point de maniéré de refroi
dir l’intérêt que fon infortune excite, qu’il n’ait mife en ufage.
Ces reproches au fond,M e s s ie u r s , ne doivent point influer
fur la Caufe, mais il eft cependant nécefiaire de les réfumer &
de les détruire. Tout ici tient à la délicatefle, à l’honneur. C ’eft
au nom de la vertu trompée, que la Demoifelle de Bombelles
demande la réhabilitation de fa mere & la iienne. Il eft donc
important pour elles, avant tout, de prouver combien cette
vertu leur a été chere. Il leur eft eifentiel de faire voir à qui
appartiennent ici les qualifications odicufes,iicruellem ent, ii
légèrement prodiguées du côté du iïeur de Bombelles.
Nous allons donc, avant to u t, difeuter les inculpations par
lefquelles il s’eft flatté de rendre fa premiere femme fufpe&c,
& de rejetter fur elle ce mépris public , cette indignation gé
nérale dont il avoue lui - même qu’il fe fent pourfuivi. Nous
écarterons enfuite l’intervention frivole de la Dame Hennet, &
nous finirons par un examen rapide des deux reifources qui
juilifient nos droits & notre efpérance, de cette polfeilion qu’on
nous difpute, de ces titres qu’on feint de vouloir nous enlever.
§1Rèponfe aux reproches faits a la Demoifelle Camp par le Sieur
de Bombelles, & c .
L e premier reproche que le fieur de Bombelles fait à la
Demoifelle Camp , c’eft d'avoir joué la comédie. Il n’ofe pas,
à la vérité , tout à fait la placer au rang de ces A&rices ambu
lantes , animées par le double attrait du gain & de l’indépen
dance f qui promenant de V ille en Ville leur art & leurs talens /
�7
en flétriflent trop fouvent l’éclat par le défordrc qui en accom
pagne le développement. Mais tout ce qu’il étoit poiîible d in -
finuer de méchant & d’infidieux , en parlant de cet amufemcnt
prétendu de la Demoifelle C am p, a été prodigué k l’Audience.
La réflexion a fait retrancher en partie cette calomnie cruelle
de l'imprimé. On y lit cependant encore, pag. 37 , en parlant
de deux perfonnes que le iieur de Bombelles n’aime pas, que
l’un cil Bernard Lacojle , fur le théâtre duquel mcntoit la D e
moifelle Camp. Qui ne p^endroit à ce mot le iieur Lacofte
pour un Dire&eur de t r o u p e & la Demoifelle Camp pour une
de fes gagiftes ?
Vous vous rappeliez , M e s s ie u r s , les détails avec lefquels
cette idée a été préfentée dans les plaidoiries. On vous a dit que
la Demoifelle Camp, chargée de jouer un rôle, avoit cru trouver
dans le iieur de Bombelles un inftituteur propre h lui donner
le goût de la déclamation ; qu’elle l’avoit prié de vouloir bien
être fon guide dans ce jeu délicat, où il eft ii facile de laiiïer
pénétrer dans le cœur les fentimens que la bouche exprime^
On vous a affirmé que cette propofition étoit le fruit d’un ar
tifice profond , & que le deifein de l’écoliere, en montrant
tant de docilité , étoit de parvenir, comme elle y a réuili,
a-t-on d it, à captiver fon maître. On a été juiqu’à vous nom
mer le drame qui avoit donné occafion à un manege fi adroit,
fi bien concerté. Qui oferoit, après des détails fi précis, fe dé
fier de la vérité du fait qu’ils confirment?
Cependant, M e s s i e u r s , il n’y a pas un mot de vrai dans
tout ce récit. N on feulement la Demoifelle Camp n’a jamais
pris de rôle dans aucune de ces fociétés, devenues fi fréquentes
aujourd’hui,peut-être au détriment des mœurs ; non-feulement
elle n 'a jamais paru dans aucune de ces repréfentations bour-
�m
\
8
gcoifcs qui font les délices de tant de jeunes gens , même dans
lçs grandes V illes, où la perfection des théâtres devroit, ce fein»ble,dégoûter de ce plaifir difpendieux «Sc pénible : mais iî n’y a
jamais eu de fociété de ce genre formée h Montauban pen
dant le féjour qu’y a fait le ficur de Bombelles. Je vais yous en.
donner la preuve.
Certificat de M . le Premier Préfident de la Cour des Aydes &
Finances de Montauban.
Amable-.Gabriel-Louis-François de Malartie , C hevalier , Com te de
M ontricoux , certifions à qui il appartiendra , que Dam e Marthç
Ç a m p , VicomteiTe de Bom belles, a toujours joui avant & depuis l’an*
née 1 7 66 , époque de Ton m ariage, d’une réputation inta& e; q u il eji
fa u x qu'elle ait jamais jo u é la comédie. En foi de q u o i, & c . Fait à Mon
tauban le 6 Juin 1 7 7 1 . S ig n é, M a l a r t i e d e M o n t r i c o u x ,
Lettre de M . de la Mothe 3 Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , à M . Linguet.
Montauban ce 7 Juin 1 7 7 1 .
Il s’eft répandu i c i , M onfieur, des bruits fi injurieux fur le compte
de Madame de Bombelles & fur les maifons qui l’ont reçue , que je ne
dois pas v o u s laifler ignorer la faufieté de tout ce qui s’en eft dit. Ces
mauvais propos ne peuvent venir que de M. de Bombelles.
Mademoifelle Camp a toujours paiTé pour une perfonne de bonnes
piœurs ÔC de très-bonne conduite ; elle n'a jamais donné dans aucun
fpcclacle yni penfc à jouer la cojnedit; elle a toujours fréquenté de fort
honnêtes gens. M. de Bombelles la v it pour la premiere fois chez Ma
dame de L efcu re, femme du Procureur du R o i au Bureau des Finances
de cette V ille , Chevalier de Saint Louis ; il la v it enfuite dans de fort
bonnes maifons de gros Com m erçans, au Fauxbourgde Villebourbon,'
qui a toujours été fon lieu d’habitation: enfin, M. de Bombelles époufe
cçîte jeune perfonne} 8i la prefenta dans toutes les maifons comme
Madame
�9
Madame de Bombelles fa femme ; & le jour qu’il l’apréfenta à Madame
de la M o th e , j’avois grande aflemblée chez moi ; il lui dit : Voilà Ma
dame deBom belles ma f e m m e ..............................
J’ai l’honneur, & c . Signé, L a M o t h e , C h evalier de l’Ordre M ili
taire de Saint Louis.
Lettre de M . de la Cofle , à M . Linguet.
Plufieurs perfonnes m’ont a ffu ré , M onfieur, que l’A v o c a t de M. de
Bombelles avo it avancé en pîeine Audience les plus grandes infamies
contre moi &c ma famille. Je n’ en ferois pas du tout affe&é ii cela s’éto it p a fle ic i; la V ille entiere auroit pris mon parti. £ïous nous connoiffons tous dans les petits endroits, & cent cinquante ans & plus
d’ une roture honorable dans le commerce en g r o s , fans interruption &c
•fans la moindre ta c h e , feroient y o ir combien cette roture eft préférable
& infiniment au-deffus d’une nobleffe qui eft affez lâche pour s’avilir
par des calomnies atroces & des m enfonges, les uns 8c les autres ii
aifés à détruire. C ’ eil être bien m a l-ad ro it, pour défendre une Caufe
tléfefpérée au Tribunal de l’honneur, que d’em ployer de fi indignes
m oyens , & qui ne peuvent pas foutenir la plus petite information.
Perm ettez cette courte réflexio n , qu’il feroit inutile d’étendre avec
v o u s , M o n f i e u r ........................• .
Je me bornerai à vou s dire que '
j’ai v u quelquefois chez moi M. de Bom belles, mais pas fréquemment ;
c’étoit chez ma mere , v e u v e très-refpe&able, âgée alors de près de
quatre-vingt ans, demeurant dans la maifon paternelle affez éloignée
de la mienne , viva n t avec fes trois filles, mes fœ u rs, qui n’étoient
plus jeunes, que fe rendoit prefque tous les jours M. de Bom belles,
& ou il v o y o it Mademoifelle Camp : la Com pagnie étoit ordinaire
ment nom breufe, &c toujours dans la Chambre de ma m ere, d’où
elle ne fortoit jamais. O n cite ma m ere, croyez-en mon affertion que
tous les habitans de cette V ille attefteroient avec plaifir ; on cite ma
mere , dis-je , comme un exemple de toutes les vertus fo c ia lc s ,& furtout de celles qui. ont trait à 1’,honneur, à la mofleftie & à la plus féyerc décence; mes fœurs en ont h é r ité ,& foutiennent ces qualités par
13
�••*•»
10
la meilleure éducation. Q u elle apparence , d’après ces vérités dont il
m’eft bien permis de m’honorer & qu’il feroit très-facile de p ro u v e r ,
j
que Mademoifelle de Camp ait pu être fubornée dans une maifon fi ref-
j
pedable ! C ’eft de ces horreurs que les honnêtes gens n’imaginent pas.
j
Je permis à mon fils & à ma fille de repréfenter chc{ moi, avec leurs amis
j
& amies, quelques pieces de théâtre des plus décentes & des plus châtiées ;
|
la premiere repréfentation ,par Andromaque ,fu t le 21 Avril 1768. Rap-
I
prochez cette date de celle du dernier départ de M . de Bombelles ,
r
v o u s verrez s’il s’eft trou vé à nos comédies de fociété. Il ne s’en cil
. !
pas joué ici ailleurs que chez m o i, depuis qu’on donna quelques repré-
|
ientàtions chez M. de la C o r é e , Intendant de cette V ille ; Madame de
Bombelles ne repréfenta pas plus che{ M. de la Corée que che{ moi. E lle
[
• n'a jamais mis les pieds fu r les planches pour y jouer aucun rôle. Elle ne
!
v in t chez m o i, comme fpeûatrice , qu’aux premieres repréfentations»
A yan t appris dans ce tems que M. de Bombelles a vo it jété mis au Fortl’E v ê q u e , elle renonça
à toutes fortes de fociétés , & o n ne la vit plus abfo'
lument autre part que che[ elle. Le jour qu’on donna Zaïre chez m o i, le
3 Décem bre 1768 , M. de G o u rg u e , Intendant de cette G énéralité, y
aifiita; c’étoit Mademoifelle R a u ly qui rempliffoit le rôle de Zaïre.
Eft-il poffible qu’aux plus infignes menfonges on ajoute encore le
Iranfport des tems & des perfonnes ? ..........
J’ai l’honneur , ôcc. Signé , B. l a C o s t e .
A
Montauban le 6 Juin \yyx.
Je ne fais point de réflexions, M
, fur ces notices
i
accablantes pour le fieur de Bombelles ; mais s’il ne peut
les démentir, je lui demande à lui-m êm e quelle idée on
doit fe former de fa ftncérité , & quelle confiance on doit à
' j
e s sie u r s
1 audace avec laquelle il rejette comme des impoilures toutes
les pieces dont il redoute l’effet.
Û n autre reproche ou il n a pas ete plus vérid iq u e, ni moins
im prud ent, c’eit celui qu’il a mis dans la b ou ch e de la D am e
|
j
�n
m
i
Hennet, & qui a dû certainement faire fur vous une certaine
impreiiion , parce que d’une part il eft grave ; que de l’autre il
tombe fur une des principales pieces que nous avons em
ployées dans notre défenfe ; & , qu’en troifieme lieu , vous ne
pouviez pas être en garde contre la hardieife avec laquelle on
a ofé le dénaturer.
*
J’avois parlé du teftament du (leur de Bombelles, dans lequel
il déiigne à chaque phrafe la Demoifelle C am p, par le nom de
fa chcre époufc. Je l’ai cité^ non pas comme une piece dont on
pût jamais faire ufage pour s’approprier la fucceflion du teftateur, mais comme une preuve de la vérité qu’il nie aujour
d’hui, comme une reconnoiffance authentique de la réalité de
ce mariage qu’il s’efforce de dégrader. J’en ai produit une ex
pédition (ignée du (leur de Bombelles. Je l’ai mife fous vos yeux
a la premiere Audience : je vous ai fait obferver quelle portoit
non-feulement fon n om , mais fon cachet & le fceau de fes
armés , imprimées avec le plus grand appareil. Il étoit préfent ;
il n’a pu méconnoître ce monument de la tendrefle qui l’animoit dans des tems plus heureux, & d’une paillon qui ne lui
infpiroit alors que des deiirs honnêtes. Il n’a pu fe tromper
fur la voie par laquelle elle nous étoit parvenue, ni oublier à
qui nous en étions redevables.
Quelle a été ma furprife, M e s s i e u r s , quand j’ai entendu
inculper avec véhémence la Demoifelle Camp à cette occafio n , & fon mari lui faire un crime de ce qu’elle avoit fon
teftament en fa poffefllon ! Q uel a été mon étonnement, quand
on l’a accufée devant vous d’avoir violé , pour fe le procurer,
le dépôt d’un Officier public, de l’en avoir fouftraitclandeftineH^nt, ou arraché avec un éclat coupable ; d’avoir ou trompé
ou corrompu l’homme intégré à qui il avoit été confié 1 &
’
B ij
�c’eft le iîeur de Bombelles qui fe permet ces indignes décîa**
mations !
Pour le confondre, il ne faut que repréfenter la piece. Nonfeulement, M e s s i e u r s , ce n’efl: point l’original, ni une ex
pédition furprife en fraude, à la vigilance d’un Officier qui fe
,foit laiffé ou tromper ou écarter des devoirs de fon miniiîere ;
non-feulement ceii’eil qu’ une copie j non-feulement cette copie
cft expédiée, délivrée delà main du iieur de Bombelles lui-même;
m ais,comme ii la Providence, prévoyant dès-lors l’excès d'au
dace auquel il fe livreroit un jour à cette occaiion, avoit voulu
ménager à fa déplorable époufe un moyen fûr pour le couvrir
de honte, elle a difpofé les choies de maniéré qu’il y a configné
lui-même la preuve qu’elle pouvoit fe trouver innocemment
hors l’Etude du Notaire. Voici ce qu’on lit au dos, écrit de fa
main : ( Copie du tejlament que j'a i dêpofé che?L M . Plancadc,
Notaire Royal à Montauban 3 le 5 A v ril iy 66 . Signé y
B
o m belles.
)
C ’efl cette copie, M e s s i e u r s , que lui-même a remife dans
le tems à la Demoifelle C am p , pour aiTurer fon état, fur la
quelle i l vient aujourd’hui feindre fi groffiérement de fe mé
prendre , fans fonger qu’une impofture confondue eft plus
nuifible encore à fon inventeur qu’à fa viftime.
Voici quelque chofe de plus férieux. Dans le Mémoire à
confulter, du 12 Novembre 1771, dans ces repréfailles que la
néceifité a arrachées à la vertu gémiffante, à l’honneur défefpéré, on rend compte avec franchife de ce qui a précédé &
même motivé, le mariage dont nous foutenons ici la validité.
O11 avance que la famille de la Demoifelle Camp a cru le fxeur
de Bombelles Proteftant ; &c que, par une confiance bien mal
placée, on a penfé devoir faire ufage pour l’enchaîner, des
�* '■'t4&
13
noeuds confacrés par cette Religion, dont il affe&oit de devenir
l’enfant adoptif.
C ’e ft, fi on l’en croit, une calomnie affreufe.Il paroît péné
tré d’horreur & d’inquiétude fur le feul foupçon de cette apoftaiie. O n le croiroit animé du zele le plus pur pour la vraie
Religion; & dans l’efpérance apparemment de prouver mieux
fpn éloignement pour un culte proferit, il s’ell permis d’en
traiter les Miniftres & les Seftateurs avec un emportement,.
une fureur capables d’indigner la vraie charité , & de fcandalifer la dévotion même la plus outrée. 11 dénonce en confé- ‘
quence la Demoifelle Camp comme une calomniatrice achar
née qui le compromet de gaieté de cœ ur, comme une femme
irritée qui fe livre aux machinations les plus odieufes pour
fatisfaire fa vengeance.
Q ue ces cris, que ces déclamations lui conviennent peu !
Q u ’il auroit été plus prudent à lui d’obferver le filence fur cet
endroit délicat du Mémoire à confulter 1 Qui fait mieux que
lui combien les faits en font exacts, & avec quel fcrupule la
vérité en a été pefée ?
O u i, M e s s i e u r s , j’ai ici la preuve dans ma main de tout
ce qui y eft avancé, & fur-tout de cette affe&ation d’apoftafie,
par laquelle le iieur de Bombelles eft parvenu à éblouir des
parens trop crédules, à féduire une fille trop confiante, à abufèr une Ville entiere, où une trifte néceflité a familiarifé les efprits avec des contrafles que nos yeux fupporteroient diffici
lement dans cette capitale, avec de certains déguifemens que
la Religion tolere, que l’honneur ne condamne p a s ,& que le
befoin exciife. Je la tire d’une information juridique où cin
quante témoins ont été entendus d'ans'toutes les réglés de lx
procédure, par le C h ef de la SénéchaufTée de Montaubaru.
�* *
i4
, que je ne m etois pas encore per
O b fervez, M e s s i e u r s
mis d’en faire ufage. Je m’étois impofé des ménagemens fans
nombre pour ce malheureux jeune homme, & fur-tout une
réticence abfolue fur cette piece redoutable. Je la lui avois
laifle entrevoir dans mon premier Plaidoyer; mais, en même
tems, je l’avois engagé , conjuré en quelque forte de ne pas
me forcer à m’en fervir. Il l’a voulu. C ’eft lui le premier qui a
ofé vous l’indiquer, & qui m’a fait par-là un funefte devoir
de la mettre fous vos yeux. Q u ’il ne s’enprenne donc qu’à
lui-même de l’effet cruel qu’elle va peut-être produire. Q u ’il
n’accufe que lui-même des plaies que vont lui faire des armes
qu’il nous a mifes à la main, quand nous la reculions, de peur
d’être forcés de les faiiîr, & d’en faire ufage.
Dcmoifellc Marthe Carrejóles :
D é p o s e , qu’il y a environ cinq ans &
demi , avant qu’il fut
queiîion du mariage du fieur de Bombelles avec la D em oifelle C am p ,
&c ledit fieur de Bombelles étant en v o y a g e avec le fieur Samuel D u
mas , la Dépofante & la Dam e fa mere , ledit Jîeur de Bombelles leur dit
vivre intérieurement dans la religion protejfante , mais qu’à caufe de f a croix,
qu'il indiqaoit avet la main , il allait à la rnejje.
Dame Sufanne Dunions , époufe du jîeur Jean Lefcure :
D é p o s e . . . . que le fieur de Bombelles a dit plufieurs fois
à elle D é-
pofa!>te, chez le fieur fon pere, qu/V vivoit intérieurement dans la religion
protejlante, que çétoit celle de fe s peres ; &c qu’il dit même un jour à la
D épofante, q u 'il yenoit D ’EXHORTER SA B o R D l E R E ( i ) , q u i yenoit de
dueder dans ladite religion,
Demoifelle Marie Dumons, fille au fieur Gérard Dumons ;
DÉPOSE , que le fieur de Bombelles lui a plufieurs fois déclaré q u ’//
vivpic dans la religion protejlante ; 6c dans une occafion , qu7/ yenoit
(0 Mitaÿçre, Fermière,
i
�M
D'EXHORTER SA BORDIERE , qui venolt de décédsr dans la religion protejlante.
D lle. Emilie Plantier, fille au fieur François Plantier, Officier Suijfe:
D é p o s e , qu’étant à la campagne de la Dam e D elon, le fieur de Bom-
belles, qui avoit dîné dans le même lieu, vint vo ir la Dame D elon, & que
ledit fieur de Bombelles dans la converfation particulière avec la D ép ofante, lui dit qu’/7 vivoit intérieurement dans la religion prétendue réformée,
qui étôit la religion de fon pere ; mais qu'à caufe de fon emploi & de la croix
dont il étoit décoré, il alloit à la rnejfe une fois l'an.
Le Jteur Daniel Dumas 3 Négociant :
D é p o s e , qu’étant avec les Dames C o rre jo lè s, mere & fille , & le
fieur de Bombelles en converfation, ledit fieur de Bombelles leur dit
qu’/Vproftffoit intérieurement la religion protejlante ; mais qu'étant Chevalier
de L'Ordre de S. Lazare, en portant la main à fa croix , il alloit quelquefois
fepréfenter aux églifes des catholiques. Q u ’un autre jour étant allé avec
ledit fieur de Bombelles v o ir le moulin du fieur Mariette qui n’étoit pas
fin i, après a vo ir examiné enfemble certaines pieces dudit m o u lin , ledit
fieur Bombelles lui répéta qu ’/7 ¿toit vraiment protejlant, quoiqu'ilf it audehors les acles de catholique romain, & c .
MeJJire François de Beaudeau , Lieutenant-Colonel d'infanterie, &c.
D é p o s e ..................de plus que le fieur de Bom belles, pour obtenir
la D em oifelle Camp en m ariage, a déclaré être protejlant ; le D épofant
l ’ayant raillé & badiné fur fon peu de religion , ledit fieur de Bombelles
a toujours paru très-embarrafle.
Françoife Gailhard, époufe de Guillaume M oulis:
D é p o s e ................. que ledit fieur de Bombelles ajjîjloit régulièrement
aux lectures qui fe faifoient de la bible 6* autres livres de piété che£ ledit fleur
Camp ; qu’il a dit à la dépofante, dans certaines occafions: où eft-ce
qu’elle alloit ? que lui répliquant qu’elle alloit à la m e fle , ledit fieur
de Bombelles lui difoit: qu’eft-ce qu’elle y alloit faire? qu’elle,lui ayant
répondu qu’elle alloit y faire ce que lui fieur de Bombelles y faifoit
lui-m em e, celui-ci lui a dit dans lefdites occafions, qu’i7«|y
PLUS.
a l l o it
Demoijllle Marthe Dumons:
D é p o s e , , , , qu’il y a enYJron fix ans, & avant k mariage dudit
�16
fieur de B om bellesavec laD em o ifelle C a m p , dans le tems de la m o i£
fon , ledit fieur d eB om bellesd it à la D épofante , & à ceux de fa maifo n , qu ’/7 étoit p r o ttfa n t, mais qu'il ne pouvoit pas le faire paroîtrt, craintc
de perdre la penjion def a croix ; qu'il pria la fam ille de la Dépofante de lui
prêter des livres protejlans ; qu'il dit même cheç la Dépofante qu’il venait
d
' EXHORTER LA FEMME du nommé Duron, Jon Bordier, qui venoit d'ex
pirer dans la religion protejlante, qu’il a vo it môme été détourné par un
catholique romain qui étoit furvenu.
M effîn de Viço^e de la Cour :
D é p o s e ................. qu’il fe rappelle encore que ledit fieur de Bom-
belleslu i confia un jour, qu'ayant mûrement étudié les deux religions catho
lique & proteflante, il étoit réellement convaincu que çette derniere étoit la
meilleure ; qu'il étoit D E C I D E A LA PROFESSER TOUTE SA V I E .
Telles font, M e s s ie u r s , les voix qui s’élevent contre le
fieur de Bombelles. Telles font les effrayantes vérités dont
nous aurions voulu lui faire grâce. Comment eft-il poffible
qu’il fe foit aveuglé au point de méconnoître nos égards, &
de nous réduire à rompre un filence fi précieux pour lui ?
Il eft vrai qu’il s’efl: flatté, en s’expofant au rifque de voir cette
enquête devenir publique, d’en affoiblir, non pas l’impreflion,
mais l’effet judiciaire, en la fuppofant contraire aux formes.
Il a prétendu qu’elle étoit défendue par la Loi. Il a cité l’arti
cle de l’Ordonnance de 16 6 7 , qui abroge les examens à fu
tu r, & s’eit efforcé de le diriger contre l’information qu’il feignoit de braver.
J’examinerai ailleurs, M
e s sie u r s
, ce fubterfuge. Je vous
ferai voir que cet. article de la Loi n’a aucune forte d’applica
tion ici. Mais quand il feroit vrai qu’en effet ces témoins en
tendus par le Juge en vertu d’une Ordonnance en réglé , ne
pourroient arracher de vous une condamnation rigoureufe »
ni
�17
‘
ni faire punir comme apoftat l’homme vil que leurs déposi
tions çlémafquent, ces déportions infufîifantes aux yeux de
la L o i, ne le feroient pas à ceux de l’honneur. Les faits qu’elles
confiaient n’en feroient pas moins des faits démontrés pour
tous les cœurs fufceptibles de quelque délicatefTc. Il n’en feroit pas moins prouvé que la foi de la Demoifelle Camp a été
furprife par une affeftation hypocrite, & que fes parens ont
ete abufés par un attachement impofteur pour un culte qu’ils
ont le malheur de regarde? comme le feul vrai. C ’en eft aifez
fans doute , foit pour exeufer leurs démarches lors du fatal
mariage, foit pour juftifier les aveux du Mémoire à confulter;
Il n’étoit queftion alors, ni même ic i, du châtiment que
peut meriter un homme capable de faire fervir une piété frauduleufe a raccompliflement de fes defirs effrénés. Il ne s’agiffo it, il ne s’agit encore, que d’examiner Ci la famille de la D e
moifelle Camp a pu croire, en la livrant à ce terrible Catho
lique , 1 unir à un homme fincere que l ’a m o u r ramenoit à une
croyance familiere dans fa maifon ; car il n’eft plus tems de le
difTimuler, M e s s i e u r s , le fieur de Bombelles pere avoit été
marié deux fois. Sa premiere femme étoit une Proteftante ,
nee & morte à Montauban. Il ne devoit donc pas fembler fi
extraordinaire que le fils imitât le procédé de fon pere; & l’ap
parence de fon abjuration, toute facrilége qu’elle auroit pu paroître à des yeux éclairés de la vraie fo i, pouvoit éblouir des
efprits malades, à qui les circonftances ne laifToient le tems ni
de 1 examen ni d elà réflexion.
Ce n’eft donc point par malignité que la Demoifelle
Camp a fait faire cette enquête. Ce n’eft point par le d e iïr de
fe conformer fervilement à fa pafTion qu’un des faits qui y font
configneS a ¿té produit dans le Mémoire à confulter : ce n’eft
C
^
�' Ai
18
point encore par ce motif odieux quelle reparoît ic i, c’eft
u n iq u e m e n t par le befoin de rendre hommage à une vérité
dont l’i m p r u d e n c e du fieur de Bombelles a rendu la m a n ife ftation indifpenfable.
Après avoir ainfi difcuté & détruit les trois principaux griefs,
que dirai-je, M e s s i e u r s , des autres qu’il a hafardés avec au
tant de hardiefle, & encore plus de légéreté ! Q ue répondrai-je,
par exemple , à ce reproche, de l’avoir calomnié fur l’article
de fes dettes, fur fa facilité à les contra&er, 8c fa négligence à
les éteindre ; d’avoir eu l’indignité de lui fuppofer de fauffes
lettres de change, & un dérangement total dans fes
d’avoir effayé par-là de lui enlever fes protégions 2c
dit ? M a réponfe fera encore bien fimple. C e fera
duire les lettres que l’on écrivoit ù la Demoifelle
affaires ;
fon cré
de pro
Cam p,
comme à l'époufe de ce Débiteur fu gitif, & les aveux
naïfs que faifoient fes parens & fes amis, du défordre où ils ie
voyoient plongé.
M
a d a m e
,
La cruelle fituation où vo u s met la conduite de M. de Bombelles ,
nie touche jufqu’au fond du cœur. Je ne faurois deviner le m o tif d’un
fi étrange filen ce, fur-tout après la promeffe qu’il m’a v o it faite , 6c
l’air pénétré dont je crus m’appercevoir en lui lifant v o tre lettre. Sans
chercher
le juftifier d’un procédé fi condam nable, je ferois tenté d’en
attribuer ,1a caufe à quelques petits dirangemens dans fes affaires , qu'il
n d peut-etre oje vous confier, dans la crainte d’augmenter v o s cha
grins , plutôt qu’à une indifférence qui ne peut fuccéder fi vîte au ten•
dre amour que vo u s lui aviez in fp iré , & à l’eftime qu’il ne fauroit
v o u s reftifer. •
•
•
•
.
Mais quand il auroit des torts aufïi réels
que vous le craign ez, vo u s devez etre affurcc de le ramener
à fespre^
�*9
miers devoirs par cette aimable douceur qxii l’avoit it bien captivé,'
£c plus encore par vo tre ve rtu qui a toujours des droits fur les coeurs
les moins acceifibles........................
J’ai l’honneur d’être , Sec. Signé, CoNSTANS,
L ille , ce 31 Mars tj6 8 .
Lille y.le 18 A vril ty S 8%
M A
d a me
;
\
V o u s ferez fans doute fort furprife de recevoir une lettre d’ un in
connu. J’ofe vous certifier que ce n’eft qu’avec le plus grand regret du
inonde que je me détermine à vous é c rire , pour vous demanderf l x louis
d ’or que j'a i prêtés il y a quatre à cinq mois à M . votre époux, lorsqu'il
tomba affeç dangereufement malade; i l Tri avait promis de me les remettre
fous quinze jours, mais vraifemblabument il m'a oublié, puifqu’il eil parti
fur un congé de fix femaines, fans me les a vo ir donnés ôc fans me rien
dire. L’incertitude oii je fuis de favoir où prendre M. vo tre m ari, 8c
le befoin urgent que j’ai de cette fom m e, m’o b lig e , malgré m o i, à
avoir recours à vous, pour vou s prier d’a vo ir la bonté de me rendre le
fervice de me la faire paffer le plutôt que vou s le p o u rre z, ôcc.
Signé, J a u v e ll e , Capitaine au Régiment de Piémont,
M
a d a m e
,
J’ai l’honneur de vous informer qu'il m'ejl dû par M. le 'Baron de
Bombelles, Officier au Régiment de Piémont , la fomme de 420 livres. M . de
Bombelles m'a donné une lettre de change de 800 livres , qu il a tirée fur
M . Gurijfon , Négociant à Bordeaux , de pareille fomme , le 12 du mois de
'Mars, payable au S d'Avril ; elle a été envoyée 6*proteflée, avec réponfe que
l'on n'avait pas de fon ds, & que l'on ne connoijfoit pas le tireur de la lettre
de change qui m'a. été renvoyée
dont ¿ai été obligé de rembourfer les
irais fur le champ. Il y a grande apparence que M . de Bombelles s'ejl
fervi de cettefubtilité pour trouver le moyen de partir troisjours après qu'il eut
c 1;
. _
�iy>
xo
fa it cette lettre de change , quoiqu’il ni avoit promis, parole d’honneur, qu'il
ne partiroit pas avant que cette lettre ne foitpayée3 d'autant que je devois lui
remettre le furplus de l'argent qu'il avoit befoin pour fon voyage. V oilà
com m e il m ’a a m u fé , & c . Signé, D e f o n t a i n e .
16 Mai 1768.
L ille , 13 Janvier 17 Î9 .
M a d a m e ,
Je prends la liberté de vous é crire , pour vo u s prier de vouloir bien me
faire tenir l'argent de la. dépenfe que M. le Baron a fait che£ moi. Je vous fais
part que pendant fon abfence j’ai pris fes intérêts , je lui ai fait gagner
500 liv re s , que Meilleurs de la V ille de Lille ont jugé en nia faveur
pour fon profit. La lettre de change de 1200 liv . n’a été rem bourfce
que ce qu’il avoit reçu , vous obligerez infiniment. Il m’a fallu mettre
en gage tout ce que jep ofled e , me réduire à la derniere mifere. Infor
m ez-vous de fon dom eilique comme j’ai agi pour Monfieur ; j’ai délivré
fon billet au Commandant de la citadelle. J’ai l’honneur, &cc. Signé,
G e r m a i n , Cuifiner à la citadelle de Lille.
M a chere Sœur,
............................................... V ous me marquez que vous ne recevez
aucune lettre de mon frere pour moi ; je n'entends plus parler de lui
comme s’il n’étoit pas au monde. Je voudrois bien favoir s’il efl toujours
enfermé ; je fu is perfuadée qu'il nefa it plus ou donner de la tête. Je le regrette
de tout mon cœ u r, je voudrois p ouvoir lui rendre fervice..................
Je fuis tcu te à v o u s , v o tre affeftionnée fœ ur S a i n t e - D o r o t h é e
B om belles.
Vous v o y e z , M e s s i e u r s , que la Demoifelle Camp n’a
rien avancé de trop, qu’elle n’a dit c[ue ce qui étoit nécciTaire
à fa Caufe, & ce qu’elle étoit malheureufement en état de juf"
tifier.
*
M a is, s’écrie encore le mari perfide qui l’outrage , & qui ,
�iSt
21
'
dans fa fureur, confond tous les objets, elle a cherché à foulever l’Europe entiere contre moi dans l’unique defïeiii de me
déshonorer fans qu’il y eût de Caufe engagée, fans que rien pût
fervir de prétexte à cette incurfion; elle a publié, pour me per
dre , un libelle affreux, fous le nom de Mémoire à confulter.
Profitant de la fermentation univerfelle qu’a produite cet écrit
empoifonné, elle s’eft liguée avec les Chefs d’une Maifon cé
lébré , où a été élevée mc^n enfance. Ceux-ci oubliant leur de
voir , la décence , les égards qu’ils devoient au Public, à mon
nom , à eux-mêmes , à la vérité, font devenus mes ennemis
irréconciliables par une funeite complaifance pour cette femme
intriguante. Une lettre a paru, qui me retranche du Corps
auquel ma conduite ne pouvoit faire qu’honneur, & qui a
porté un coup mortel à ma réputation. Elle me livre à une
forte d’excommunication publique, elle m’a rendu la fable &
l’opprobre de la Société. L ’effet de cette rufe infernale eft telle
q u e, même en gagnant ma C a u fe, je n’en ferois pas moins
perdu, & que fi je ne la gagne pas, la mifere , la honte, le
défefpoir, font mon unique partage.
Je ne chercherai point, M
e ssie u r s
, à affoiblir cette pein
ture , qui n’eft réellement que trop fidelle ; mais je demande
rai à notre Adverfaire de quel droit il fe plaint de nous ? Le
Mémoire à confulter, dit-il, a été publié fans caufe. Eh quoi !
le fien, cet Imprimé du 25 Juin 1 7 7 !, qui peut être mis au rang
des monumens d’audace les plus finguliers & les plus incroya
bles, cet ouvrage où il ne parle delà D llc Camp que comme
d’un fantôme chimérique , évoqué du néant par fes ennemis,
° ù il ne préfente fon mariage avec elle, que comme une inven
tion miférable,defl:inée uniquement à troubler fon repos & fon
bonheur; cette produ£Hon de l’impoiture, où il affe£te le lan
�gage de -la vérité fçnfible & de l’innocence outragée , ne meritoit pas une réponfe ! La Demoifelle Camp eft criminelle d’a<>
voir ouvert la bouche pour fe défendre, dans un tems où
fon exiftence même étoit rejettée comme une infâme ca.lomnie 1 Elle a dû fe taire, dans le tems où on la défioit de
parler, & où l’on annonçoit qu’on regarderoit fon iilence f
comme la conviftion du crime de fes amis }
C ’eft à ce défi formel que la Demoifelle Camp a cru devoir
répondre, en attendant que les Tribunaux pulïent s’occuper
de fa réclamation ; elle a pris ? pour fe défendre, la même
voie que l’on avoit employée pour l’attaquer. Et c’eft l’obli
gation indifpenfable de repouffer cette injure , dont le (leur de
Bombelles ofe aujourd’hui lui faire un crime ! C ’eft parce
qu’elle ne s’eft pas biffée calomnier, qu’il s’efforce de la trayeftir en une infâme calomniatrice !
Mais que devoit-elle donc faire ? Q uoi ! relier dans l’inac
tion ? Attendre, pour préfenter fes larmes à la Juftice, que la
douleur en eût tari la fource ? Patienter dans Faviliflement &
l’indifférence ? Ne devoir qu’au mépris de la pitié, des fecours
eue fon innocence avoit droit d’exiger ? N ’ofer lever vers les
Tribunaux, qu’un front chargé d’ignominie? Abandonner k
fon Adverfaire tout le triomphe de la vertu ? Prendre fur elle
toute l’humiliation du crime ? Enfin, l.aifïer dépendre du tems
& des formes de la Juftice, une réparation tardive, dont fii
contenance, peut-être, l’auroit fait juger indigne?
N o n , M e s s i e u r s , elle n’a pas eu ce courage indiferet,
elle ne devoit pas l’avoir. Quand elle en aurait été capable
pour elle-meme, l’intérêt de fa fille lui défendoit de s’y livrer»
Il étoit trop important pour cette enfant, dont les pleurs & l ç
�13
défefpoir ont afîiégé le berceau, que la vérité fût connue fans
délai. Elle a donc brillé ; & fes rayons, on l’avoue, ont percé
le fieurj de Bombelles à jour. Le fends de fa conduite, une
fois con n u, la réclamation a été univerfelle.
Il a mis fa reffource dans des Loix rigoureufes, qui ne lui
offrent, comme vous le verrez bientôt, qu’un fupport incer
tain ; mais la Demoifelle Camp a mis la fienne dans une prote&ion plus honorable & plus fûre, dans l’honnêteté, clans
leftime publique. Elle ne ^ouvoit agir autrement, fans fe man
quer à elle-même, fans trahir fa fille. Elle n’a d’ailleurs em
ployé d’autres intrigues pour fe faire des Protefteurs, que
l’excès de fon infortune. C ’efl au fleur de Bombelles lai-même
qu’elle doit fes partifans.
. x
Si la lettre écrite par le Confeil de l’École M ilitaire, doit
faire placer dans ce nombre les Chefs de cette maifon refpectable ; fi l’Arrêt de ce Tribunal, plus redoutable peut-être pour
.un homme fenfible, que ceux où la Juftice apprécie les for
mes , & non pas les procédés, fait un violent préjugé en fa
faveur : ce n’eft pas à la furprife, aux intrigues qu’elle en eft
redevable. Je le déclare ici, M
e s sie u r s
,
& j’y fuis autorifé
par le Confeil même de l’Ecole. La Demoifelle Camp ne connoiffoit encore aucun des M em bres, elle n’en avoit vu au
cun : elle n’avoit ni parlé, ni fait parler à aucun quand cette
lettre a été écrite & envoyée. Elle a été le fruit libre, volon
taire , fpontané de l’indignation commune qui a faifi toutes
ces ames généreufes, en voyant un de leurs Eleves fe dégrader
ainfi lui-même, & s’avilir par un procédé dont perfonne ne
pouvoit mieux qu’elles, apprécier la noirceur.
V o u s fa v e z , M e s s i e u r s , fur quels principes on s’attache
«
�24
former cette pépiniere cîe Héros deiVnfs à devenir lin jour la
reflource de l’Etat & le rempart de la Patrie. L ’honneur , la
délicatefle la plus pure font fur-tput les objets qu’on leur ap
prend à refpecter. T out dans leur éducation eft fubordonné à
ces grands mobiles du vrai courage Sc du feul héroïfme au
quel des hommes doivent prétendre. O n leur apprend tout à
la fois les exercices du Guerrier Si les vertus du Citoyen : mais
çelles-ci ont toujours la préférence. Des mains, des cœurs ,
fignalés par l’habitude des uns & des autres , leur en rendent
la pratique facile. Cette jeunefle, élevée à l’ombre des lauriers
dont leurs Iniïituteurs font couverts , puifent dans leurs
exemples le defird’en cueillir bientôt de pareils. Ils apprennent
d’eux à chérir la gloire, & plus encore cette paix avec foimême, ce repos de l’ame, cette tranquillité intérieure produite
par la vertu , fans laquelle ce que nous appelions un grand
homme n’eft le plus fouvent qu’un homme dangereux.
Le premier foin du iîeur de Bombelles, en arrivant à Paris,
en 1767 , avoit été de rendre Tes hommages à fes anciens
Maîtres : ion cœur , encore innocent alors, 11e rougiffoit point
des modeles refpe&ables dont cette maifon eit remplie ; il n’avoit pas à craindre d’en être repouffé par l’air de pureté qu’on
y refpire. En les informant de fa fituation a£tuelle , il s’étoit
ouvert fur fon mariage avec la Demoifelle Camp. Il l’avoit
publié hautement avec une fatisfaftion qui annonçoit encore
l’ivreffe du bonheur & la franchife de la vérité. Je fuis de même
autorife, M
e ssie u r s
, à vous le plaider; j’en fuis avoué par
le Confeil de l’Ecole. Il n’y avoit donc perfonne qui n’y fût
informe de l union contra&ée par le fieur de Bombelles ¿1
Montauban , &r perfonne qui ne l’eût félicité, en apprenant de
lui
�u s
lui les qualités de fon époufe, les agrémens de fa figure, la
douceur de fon cara&ere, les charmes de fon efprit.
Jugez, M e s s i e u r s , quelle a dû être la furpfife de ces Juges
intégrés, quand, dans un premier Imprimé, ils ont vil le fieur
de Bombelles traiter lui-même de calomnie & d’impofture ces
aveux libres que fa bouche leur avoit fi fouvent faits ; Si quand
enfuite ils ont été convaincus, par la réclamation de l ’infortunée
ainfi trahie, que le fieur de Bombelles manquoit aux fermens
les plus facrés, que ce ma)i parjure, ce pere dénaturé fe jouoit
des nœuds que tous les autres hommes refpeûenr. -Honteux
d’une telle corruption dans un cœur forti de leurs mains, ils
ont fongé du moins à empêcher quelle ne devînt contagieufe,
8c à tirer de l’efpece de honte qu’elle pouvoit faire à l’Ecole ,
un préfervatif pour les autres Eleves qui auroient pu être un
jour tentés de l’imiter.
V oilà, M e s s i e u r s , ce qui a difté cette lettre que le fieur
de Bombelles ofe vous préfenter comme le fruit d’un complot
odieux tramé pour le perdre, ce monument à jamais mémo
rable de l’impartialité du Confeil de l’Ecole Militaire, &: delà
vigilance avec laquelle les Chefs qui le dirigent s’acquittent .des
fondions que le Roi a daigné leur confier. La Demoifelle
Camp y trouvoit fon avantage, parce que fa Caufe étoit inti
mement liée à celle de l’honneur & de la vertu. Le devoir Sc
l’inclination l’ont portée à les en remercier : l’accueil.qu’ils ont
cru devoir à fa beauté , à fes malheurs , lui a fait réitérer deux
ou trois fois cette marque de fa reconnoiffance. Voilà à quoi
fe réduifent ces liaifons, cette intimité que' le fieur de Bom
belles n’a pas balancé à fuppofer, pour rendre fon époufe dé
favorable , fans faire attention qu’il compromettoit une maifon
dont le nom feul exclut tout foupçon de manège, & à laquelle
D
�»
i6
il ne devroit jamais penfer qu’avec ce mouvement de refpe&
qu’éprouvent toutes les ames honnêtes qui en font forties.
J’ai répondu , je crois, M e s s i e u r s , à tous les griefs; j’ai
écarté tous ces reproches étrangers à la Caufe dont il ne l’a
chargée que dans l’efpérance de vous faire illufion , & de dé
rober à vos regards, au milieu de tant d’objets inutiles, celui qui
feul mérite votre attention, la réalité du premier mariage. Avant
que de l’examiner à fond, j’ai encore un mot à dire fur l’inter
vention -de la Dame Hennet. J’ai à faire évanouir ce fantôme
fans confiftance, que l’artifice a produit & que la malignité a
paru animer au moins pour un inftant.
Que veut-elle ? Que demande-t-elle ? Q u ’efpere-t-elle ?
Vengeance pour moi & juftice pour mon neveu. Vous l’avez
féduit, vous m’avez outragée ; vous avez fait de moi dans
votre libelle un portrait odieux : vous m’avez rendue ridicule
& haïffable: la Juftice doit réprimer des écarts de cette nature;
une pareille licence eft plus dangereufe que les travers même
que vous me reprochez.
J’avoue, M e s s i e u r s , que le portrait de la Dame Hennet,
qui fe trouve dans le Mémoire à confulter, du 1 2 Novembre
177 î ,n’eft pas à fon avantage ; mais avant que d’accufer la main
qui l’a tracé, qu’elle fe rappelle donc le perfonnage qu’elle
joue dans l’imprimé de fon neveu, & les déclarations faits ici
même, à cette Audience.
Q u ’y a-t-clle dit r>Q ue c’eft elle, & elle feule, qui a empêch’é
le mariage de la Demoifelle Camp d!’être ratifié ; qu’elle prcnoit fur elle les fuites de l’affaire & la honte qui en couvre
l’auteur ; que le fieur de Bombelles n’avoit rien fait que par (es
coiifeils ; quelle l’avouoit de tout : & en effet c’eft de fa main
�///
17
qu’il a reçu les lettres dont il excipe. C ’eft elle qui lui a procuré
des atteftations , des certificats qui femblent un peu le raffurer.
C ’eft elle qui éloigne de la Demoifelle Camp une de Tes bellesfœ urs, & qui n’ayant pas eu le même empire fur l’autre que
le Cloître dérobe à Tes follicitations, lui a voué une haine irré
conciliable. Et c’eft d’après un femblable procédé , qu’elle fe
plaint que la Demoifelle Camp l’injurie, en fe défendant des
infultes dont elle-même l’accable !
Q uoi ! par écrit & déV vive voix à cette A udience} vous
vous déclarez ma plus cruelle perfécutrice, 8c vous prétendez
que je vous honore ? Un caprice inconféquent vous infpire
contre moi une rage opiniâtre : vous bravez, pour me nuire,
le cri public : vous étouffez celui de votre confcience : vous
facrifiez l’honneur de votre neveu : vous confentez à partager
volontairement fon opprobre : & vous exigez que je vous
refpe&e ! Vous corrompez fon cœur pour le rendre parjure:
vous me cherchez des ennemis d a n s-fa famille : vous n’aviez
voulu entendre parler de lui ni de fes fœ urs, depuis la mort
de leur pere : vous nourriifiez pour eu x, & par une raifon
dont je vais rendre compte tout à l’heure, une averfion invin
cible en apparence ; cependant vous la faites céder au plaiiir
de le voir devenu méchant, dès que fa perverilté peut affurer
mon infortune. Vous lui tendez les bras, dès qu’il eft devenu
parjure, infidele , méconnoiiTant. Mes malheurs vous recon
cilient : & vous voulez que je vante votre bienfaifance, que
j’orne le tombeau, où vous allez defcendre, des éloges dus à
la générofité ! Mais pour perfuader que je vous ai calom
niée , ceffez donc de prouver par votre conduite, que ces
calomnies font des vérités néceffaires. Ah 1 il vous étiez
bonne, indulgente , véridique , amie de la vertu , ferois - je
infortunée ?
D ij
ùi
�Si votre demande, tendante à la réparation,eil illufoire, dé
mentie par les procédés même au moyen dtfquels vous
croyez la juftifier, que faut-il penfer de cette prétendue juftice
que vous follicitez en faveur d’un neveu q u i, comme vous le
déclarez vous-même , vous doit fes funeftes égaremens 1 D e
quel droit, à quel titre intervenez-vous ici pour lui? Etesvous fa tutrice, fa curatrice ? Avez-vous , pouvez-vous avoir
quelque qualité dans la Caufe ?
Vous vous accufez de l’avoir perverti : c’eil: un aveu qui
vous expofe à partager avec lui les rigueurs de la Juftice ; mais
ce n’eft pas un titre qui vous nutorife à le défendre, ni qui
puiffe donner du poids à fes foibles allégations. La Loi vous
exclud formellement de l’a&ion que vous intentez: elle vous
repouffe à l’inftant même où vous feignez d’implorer fon
pouvoir.
Mais mon alliance, fi l’on vous en croit, avec le fieur de
Bom belles, eft difproportionnée ; elle feroit la honte de fa
famille j & c’eft un des cas où les collatéraux font admis à faire
caffer un mariage, qu’ils feroient dans toute autre circonftance forcés de refpeûer.
D e la difproportion I Et où la trouvez-vous ? M . de Bom
belles a de la nobleffe, mais j’ai de la vertu. Il flétrit fa famille j
m o i, j’honore la mienne. Cette difproportion eft-elle fi défa
vorable ? S’il y a de la honte à la franchir, ce n’eft fans doute
que pour moi : mais d’ailleurs , de combien eft-il plus noble
que fon pere ? Celui-ci n’a pas cru déroger, en époufant en
premières noces une femme du même culte que m oi, & d’une
condition inférieure. Son union en a-t-elle été moins refpectée ? A-t-il trouvé dans fa famille une Madame Hennet, prête
à la combattre & à tout facrifier pour la faire anéantir ?
�2Q
r ' 'Vous vous êtes permis d’avilir l’homme refpe&able dont je
tiens la naiffance. Vous l’avez travefti en un Compagnon T ein
turier. Si votre ame étoit fufceptible de quelques remords,
vous lui en feriez aujourd’hui une réparation plus éclatante
que ne le pourroit être celle que vous prétendez. Auriez-vous
,ofé hafarder une pareille impofture devant nos Compatriotes,
juges naturels d’une imputation de cette efpece? Perfonne ne
fait mieux que vous, que il le goût de la médiocrité lui a fait
quitter de bonne heure urç commerce honnête , où fes parens
s?étoient diilingués comme lu i, il s’en eft retiré avec la confidération publique dont il jouit encore ; fucceffion précieufe ,
aiïurée à fes héritiers, & que vous ne tranfmettrez probable
ment jamais aux vôtres.
Des iiecles d’une roture utile & fignalée par des vertus, va
lent bien fans doute, comme vous le difoit tout-à-l’heure un
de ces Négocians que vous haiflez parce qu’ils nous connoiir
fent tous deux & nous rendent juftice, valent bien quelques
années d’une noble-île dégradée par des lâchetés & des par
jures.
. Comme collatérale, vous n’avez pas à vous plaindre d’une
alliance où ma famille court plus de rifque que la vôtre. Com
me (impie tante, vous n’avez rien à dire dans les affaires où
les qualités doivent être pefées autant que les raifons. Cette
tendreffe, dont vous vous enorgueilliffez , cette affeftation
d attachement pour votre neveu peut-elle fuppléer à des titres
que vous n’avez pas, & que vous n’avez jamais pu avoir?
Vous lui tenez lieu de pere, dites-vous. A h ! combien frémiroit l’auteur de fes jours , à ce langage cruel pour lui! Com
bien il rougiroit de fe voir ainfi remplacé 1 Avez-vous donc
oublié, avez-vous perdu de vue ce monument de fes der-
�3°
nîeres volontés, cet écrit où fa main mourante a coniîgné le
dernier fentiment qui ait rempli Ton cœur ? Ne vous fouvenezvous plus que dans Ton teflament il a paru ne rien tant redou
ter pour fes enfans, que de voir vous mêler en quelque chofe
de leurs affaires ? Voici ce qu’on y lit:
Le fieur de Bombelles pere, après avoir fait Tes difpofition s, ajoute :
« Sur-tout j e recommande que mon frère & ma fœur ne Je
» mêlent en rien de tout ce qui me regarde & mes enfans »>.
Il n’en faut pas davantage , M e s s i e u r s , pour écarter la
puérile intervention de la Dame H ennet, & pour juilifier ce
qui a été dit d’elle dans le Mémoire à confulter. Cet oracle domeilique eil un arrêt foudroyant, qui la condamne au iilence.
La nature & la Loi défèrent à un pere qui fe voit arraché par
la mort des bras de fes enfans le droit de choiiir les mains à
qui il veut confier leur foibleffe ; mais s’il a la nomination, il a
fans doute auffi l’exclufion. D ’après le teflament du fieur de
Bombelles pere, la Dame Hennet n’auroit pu avoir le nom de
tutrice auprès des enfans qu’il laiffoit ; elle ne peut donc pas
aujourd’hui en exercer les fonûions. Ses vains efforts ne doi
v e n t a rrê te r ni vos regards ni les nôtres. Portons-les donc fur
de plus grands objets. Examinons en détail ce mariage intéreffant, à la deilinée duquel une partie de la Nation croit voir
la fienne attachée,
§. 11.
Preuve de la, pojfejjlon d'état de la Demoifelle Camp,
Il cil bien étrange, fans doute, que ce foit au mari de la
Demoifelle Camp qu il faille prouver qu’elle eil mariée j il eil
étonnant que ce foit lui qui fe preiente pour dénier des fermens
�que fa bouche a proférés, & des faits dont il a lui-même été
le premier mobile. Encore s’il avoit fuivi par artifice le même
plan que les égards, les ménagemens nous ont fait adopter;
fi, au lieu de fe produire lui-même fur la lice, il n’y avoit laiffé
paroître que fa prétendue fécondé époufe, comme la Demoiielle Camp n’y a expofé que fa fille, alors la querelle étant
entre deux perfonnes étrangères l’une à l’autre , chacune des
combattantes auroit p u , ^ans rougir, nier des particularités
qu’elle auroit été cenfée ne pas connoître. Toutes deux auroient pu fans honte affe£ter une ignorance entiere du paiTé,
& exiger des démonftrations rigoureufes de tous les événement
auxquels elle auroit paru n’avoir pas eu de part direfté.
Mais que ce foit le fieur de Bombeiles qui vienne en perfonne montrer cet air novice & défintérefle ; qu’il feigne ic i, â
cette Audience, d’écouter ce que nous difons, avec un air de
curiofité & de furprife, comme fi c’étoient des chofes abfolument nouvelles pour lui ; qu’il affe£te d’en prendre des notes ,
comme s’il avoit befoin du fecours de l’écriture pourfe les rappeller, & q u e ce petit artifice dût l’aider à préparer fes réponfes, c’eft encore, M e s s i e u r s , un de ces incidens bifarres
qui, comme j’ai eu déjà l’honneur de vous le dire, diftinguent
cette Caufe de toutes celles qui l’ont précédée.
Q uoi qu’il en fo it, donnons-lui la fatisfaftion qu’il foühaite*
Procurons-lui le'plaifir d’entendre prouver géométriquement*
des faits qu’il connoît au moins auffi bien que nous. Dém on
trons que fa premiere femme a en fa faveur la pofTeiilon & les
titres.
Q u eft-ce que la poiTeiTion d’état ? D e l’aveu de nos A dverfaires , page 50 de leur Imprimé , elle conjijle dans l'opinion
publique j mais principalement dans l'opinion de ceux qui f ont
�< X L \
3l
obligés d'en prendra connoijjancc, & qui ont intérêt de ne pat
s'y méprendre. Si cette définition eft jufte, qui a jamais eu une
poiTeifion d’état plus confiante, moins problématique, que la
Demoifelle Camp ?
Q ui font les perfonnes obligées de prendre çonnoiflance de
l’état des Citoyens ? Ce f.n t fans doute les Chefs de l’Adminiftration, tant eccléfiaftique que civile. O r la Demoifelle Camp
vous préfente, M e s s i e u r s , fes atteftations en form e, éma
nées de ce que chaque forte de Magistrature a de plus refpectable. M. l’Evêque de Montauban, dans un Certificat du 7
Oitobre 1 7 7 1 , déclare que,
D ’après les inftru&ions que nous avons prifes fur la conduite de la
D em oifelle C a m p , elle a toujours j o u i , en qualité de fille , d’une
bonne rép u tatio n ; que depuis environ 1766 elle a été reconnue pour
Vépoufe de M. de Bombelles, & qu’elle a mérité l’eitime du P u b lic, & c .
D onné à M ontauban, le 7 O & obre 1 7 7 1 . Signé,d e B r e t e u i l , E vêq u e
de Montauban.
M . le Premier Préildent de la Cour des Aides & Finances
de Montauban certifie que
Dam e Marthe Camp , VicomteiTe de Bombelles, a toujours j o u i ,
avant & depuis l’année 17 66 , époque de f i n mariage, d’une réputation
intatte ; que la fagefle, de fa conduite & l’auftérité de Tes moeurs lui
ont mérité l’eitime publique, & c . Fait
Signé t M a l a r t i e
de
Montauban le 6 Juin 1 7 7 1 .
M o n t r ic o u x .
M . le Commiflaire départi dans la Province, attefte que
D em oifelle Marthe C a m p , habitante de M ontauban, & connue fous
le nom de Dam e de Bombelles depuis l’annee 1766 , a toujours e u ,
avant & depuis fo n mariage, u n e conduite irréprochable, qui a mérité
l’eftime du P u b lic, & c . Fait à Montauban le 9 O & obre 1 7 7 1 . Sig n é,
de G o u r g u e .
Vous
�33
Vous le v o y e z, M
e s sie u r s
: à la certitude de l’état de la
Demoifelle C am p , ces trois pieces joignent une vérification
particulière de Tes procédés, & une atteftation précife de la
régularité de fa conduite. L ’Infpe£teur-né des mœurs, le Ven
geur de l’honnêteté publique, le Pafteur univerfel, l’Evêque,
qui a dû plus que perfonne être en garde contre un mariage
célébré par des Proteftans; le Commiflaire départi, à qui eft
confiée l’exécution des R^glemens rigoureux prononcés contre
tout exercice d’un culte profcrit ; le premier Préfident d’une
Cour fouveraine , à qui l’obfervation des Loix ne peut jamais
être indifférente, fe réunifient tous pour attefter que la Dem oi
felle Camp a été reconnue époufe du fieur de Bombelles, &
que l’année 1766 ejl L'époque de fon mariage. Si jamais il y a
eu quelque choie d’authentique, c’eft fans doute une vérité
confirmée par la réunion de trois témoignages, doxit un feul
fuffiroit pour rendre un fait inconteftable.
Si les perfonnes obligées de prendre connoiflance de l’état
des Citoyens , rendent hommage à celui de la Demoifelle
C am p, que font celles qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre ?
Ce font fans doute les parens qui forment cette fécondé clafle:
o r , dira-t-on qu’ils aient méconnu le mariage dont nous foutenons la validité? Mais vous avez entendu le fieur de Bombelles fe récrier fur une prétendue ligue formée, pour le perdre,
entre eux & fa premiere époufe : vous l’avez entendu fe plain
dre à grands cris de ce que la Demoifelle Camp a fafeiné les
yeux de fa famille, de ce qu’elle eft Finftrument dont fe fer
a ie n t des perfécuteurs dénaturés, pour compromettre fa
gloire troubler fon repos. N ’eft-ce pas là un aveu b i e n précis
E
�V A
34
de la juftice que rendent Tes parens à fa véritable époufe ?
C e qu’il appelle former une ligue contre lu i, c’eft être fufceptible de quelques fentimens d’équité : ce qui lui paroît une
perfçcution cruelle, c’eft l’attachement aux principes d’hon
neur & de délicateffe qui animent toutes les perfonnes de fa
race, excepté peut-être, puifqu’il faut le dire, la Dame Hennet,
qui s’expofe fi courageufement à partager fon opprobre. Hors
çlle, quel parent, quel allié voyez-vous paroître ici pour com
battre nos réclamations? O u plutôt, de quel parent, de quel
allié ne font-elles pas avouées ?
O n vous a cité à l’Audience les Demoifelles de Bombelles,
fœurs de notre Adverfaire, comme complices de l’interven
tion illufoire de la Dame Hennet. O n n’a cependant pu pro
duire que je ne fais quel défaveu fait au nom de l’aînée, d’un
pouvoir donné par elle, pour tenir en fon nom la jeune Char-,
lotte de Bombelles fur les fonts de Baptême. M ais, en fup-'
pofant que cette aînée q u i, d’ailleurs, refte dans le filence >
fe foit lailTée furprendre par les infinuations intéreiTées de la
Dame Hennet, ce fuffrage du moins ne feroit-il pas plus que
fuffifamment compenfé par un autre fuffrage d’un tout autre
poids, & qui nous eft affuré ? c’eft celui de la cadette, Ile—
ligieufe à Montauban.
Avant & depuis fa Profeifion, elle n’a cefle cle rcconnoître
la Demoifelle Camp pour fa belle-fœur, & la petite fille pour
fa niece, & de leur prodiguer les noms ainii que les careffes les.
plus tendres. 11 n’y a point d’année où elle n’ait donné par écrit
des preuves de fon attachement &: de la ferme perfuafion où
elle éto it, que l’engagement de fon frere avec la Demoifelle
Camp eft folide & irrévocable. Il n’y a pas une de ces lettres
O^i elle ne parle du mariage, de l’accouchement, de la petite
�* 6
' 35
nicce* Depuis même que le Procès eft commencé, le 14 Fé
vrier 1771 , voici ce qu’elle mandoità la Demoifelle Camp:
V ous avez eu t o r t , ma chere fœ u r, de me vo u lo ir du m al; vous
connoiflez l’amitié que j’ai pour vous ; je voudrois p o u v o ir vous dé
livrer de toutes vos peines, mais cela n’eft pas poilible. Q ue vo u lezvous que fafle une pauvre religieufe ? Je ne puis que vo u s exhorter
d’etre foum ife à la volonté de D ieu , de faire bon ufage de toutes les
croix que le bon D ieu vou^ envoie : fi cela dépendoi de m o i, de ce
moment ici vo u s feriez au comble de vo s .deiirs. Je conviens que vous
aveç un trijîe f o r t , fachant qu 'il ne dépendoit que de vous , A V A N T VOT RE
mariage
, de prendre un bon parti. Il faut efpérer que tout s’accom
modera d’une façon que v o u s v iv r e z heureufe......................
Ce témoignage n’eft pas moins précieux, il eft peut-être en
core plus décifif que ceux que j’ai déjà eu l’honneur de vous
citer. La fœur Dorothée avoit plus de préjugés à vaincre,.que
perfonne: Catholique,Religieufe, enchaînée ainfi doublement
en quelque forte, à l’obfervation de ces Loix que l’on oppofe
à la Demoifelle C a m p , quelle incertitude, quelle évidence
ne falloit-il pas aux droits de celle-ci, pour fubjuguer les ferupules de fa belle-fœur, & l’engager à reconnoître en elle une
alliance q ui, au premier coup-d’œ il, pouvoit paroître fufpefte
à l’Eglife ?
Si le mariage n’avoit pas été public 8c confiant, en quelle
qualité la Demoifelle Camp auroit-elle paru aux yeux de cette
pieufe reclufe ? A quel titre auroit-elle ofé lui préfenter le fruit
de fon union ? Si le mariage n’avoit pas été connu & avoué;
fi ce n’avoit été, comme l’affure fi agréablement la D am e
Hennet dans fes lettres, quun goût v i f , mais faffager ; 8c
comme le dit, avec une componûion très - édifiante le i«eur
�■
3
*
de Bombelles lui-même, quune foibleffe expiée par fa conduite
pojlérieure ; fi enfin ce n’avoit été, comme on vous l’a plaidé fi
hardiment, qu’une continuation de défordre & un concubi
nage fcandaleux, la Religieufe fe feroit-elle prêtée à y donner
la moindre approbation ? Eft-ce avec elle que l’objet de ce
commerce impur auroit cherché à vivre dans l’intimité ? Son
amitié feroit-elle devenue le prix d’une liaifon malhonnête ? Et
le premier devoir que lui auroit prefcrit la délicateffe de fa
confcience, n’auroit-il pas été de bannir à jamais d’auprès
d’elle cette ufurpatrice d’un rang & d’un nom qu’elle déshonoroit ?
'
.
.
Mais elle s’eft biffée tromper, dira-t-on ; la clôture rend les
filles ainfi ifolées, plus crédules, moins défiantes. Rien de plus
facile que de leur en impofer fur ce qui fe paffe au-delà des
murs impénétrables qui leur ôtent la vue du fxecle & de fes
vanités.
Ah, M
e s sie u r s
, fur .cet article j’en appelle à l’expérience.
Les Cloîtres font inacceffibles aux perfonnes étrangères qui
n’y doivent point entrer. Mais le font-ils de même aux nou
velles ? On s’y pique d’un mépris rigide pour le monde & fon
vain éclat ; mais a-t-on une pareille indifférence pour les incidens qui l’agitent ? N ’y cherche-t-on pas plutôt à s’affermir
dans un fage éloignement pour ce théâtre de corruption , par
la liberté avec laquelle on apprécie les fcenes qui s y jouent,
& par le defir impétueux que l’on a d’en être initruites dans le
plus grand détail? Eit-il bien vrai qu’il foit aifé, à cet égard ,
d’abufer les habitantes de ces retraites facrécs ? Quand toutes
les vertus trouvent auprès d’elles un afyle, la vérité feule en eftelle bannie ? Et n’eft-ce pas fur-tout quand les événemens ont
quelque rapport aux perfonnes de la m aifon, ou à leurs far
�37
milles, que la cùrioiifé commune devient plus a&ivé, plus
infinuante, & mieux informée ?
■
Je veux croire qu’il auroit été poffible d’en impofer à la Sœur
Dorothée fur le mariage de la Demoifelle C am p, & de métamorphofer à fes yeux un défordre criminel en une conjonftion
légitime ; mais fes compagnes auroient-elles été auffi faciles,auiïi
peu clairvoyantes? Cette prétendue belle-fœur entroit dans le
Couvent; fa figure, fa taille étoient faites pour fixer des yeux
oififs que la nouveauté futaout a droit de frapper. Si le nom de
Bombelles qu’on lui donnoit, n’avoit été qu’une impofture
les Religieufes, les Supérieures, & par conféquent la Demoi
felle de Bombelles elle-même, auroient- elles tardé à en être
averties ? Celle-ci fe feroit-elle opiniâtrée, au milieu de tant de
leçons d’innocence & de modeles de pureté, à paraître la proteftrice du fcandale & garnie du libertinage, fur-tout en faveur
d’une Proteftante, à qui rien ne l’attachoit d’ailleurs, & pour
qui la feule différence des cultes devoit lui infpirer au premier
coup-d’œ il, plus d’éloignement que d’inclination ?
Je ne crains pas de le dire, M
e s sie u r s
, jamais il n’y a eu
de preuve de poffeifion d’état, c’eit-à-dire, de la publicité de
cet état, plus forte que la reconnoiffance de la Sœur Dorothée.
C ’eff iine voix* accablante qui crie contre le fieur de Bom
belles , & qui devroit porter dans fon cœ u r, finon les re
mords, au moins la honte & l’effroi.
Q u’on y joigne maintenant cette quantité innombrable de
lettres de toute efpece, & de tous les amis du fieur de Bom
belles j informés par lui-même de fon mariage. Q u ’on y joigne
ces fuferiptions adreffies cle Lille à la Demoifelle Camp, par le
Cuifinier qui a nourri fon époux, & qui demande fon paiement;
par cette Dame indignement trompée, à qui l’on remet une
�T8
fauffe lettre de change pour l’endorm ir, & Te ménager le
moyen de s’évader fans en être obfervé;, par ce Camarade qui
réclame une dette d’honneur ; & qui tous n’ont pu être ins
truits , dans le fond de la Flandre, d’un mariage contrarié à
M ontauban, au fond du Q u ercy, que par une publicité bien
notoire. Q u ’on y joigne les aveux, les déclarations faites par
le iieur de Bombelles lui-même, ioit dans Ton teftament qui a
donné lieu de fa part à une calomnie fi audacieufe & fi im
prudente, foit dans fes propres lettres qui portent toutes, pen
dant plus de quatre ans, une fufeription feule fuffifante pour
le condamner, puifqu’elles font adreffées à Madame la Baronne
ou la Vicomteffe de Bombelles, fuivant qu’il plaifoit à fon
mari de s’intituler Vicomte ou Baron ; foit à l’Ecole Militaire,
où il s’eft fait publiquement gloire de fon alliance avec la
Demoifelle Cam p, comme j’ai eu l’honneur de vous l’obferver.
Q u ’on réuniife, M
e s sie u r s,
toutes ces efpeces de preuves,
& qu’on voie s’il y a jamais eu une pofleiTion d état mieux
déterminée, plus authentique que celle que nous annonçons
aujourd’hui. Dans quel efprit le concours de tant de témoi
gnages , fans interruption, peut-il laifler fubfifter la moindre
idée d’incertitude ?
%
Faut-il répondre aux miférables chicanes, aux impoftures
criminelles par le moyen defquelles notre Adverfaire s’eil flatté
d’affoiblir cette chaîne terrible de preuves qui l’eiFraie & l’acca
ble ? Il avoit commencé par accufer la Demoifelle Camp d’a
voir em ployé, pour furprendre à fa tendrciTe des dénomina
tions honorables, un ftraragême inSigne d’un cœur honnête.
Il a articulé en propres ternies , quelle avoit d’abord fuppofé
une groflefle, à la faveur de laquelle on l’avoit engagé, pour
�39
lui fauver l’honneur, à lui donner le nom d’époùfe. Cette im
putation développée , étendue à l’Audience , s’eft évanouie à
l’impreflion, comme celle qui regardoit le théâtre du fieur
la Coite. O n n’en retrouve plus qu’un mot échappé par mégarde à la page 50.
C ’eft la défavouer (ans doute, que de l'avoir ainfi fupprimée.
Mais quel fruit s’eft promis le fieur de Bom belles, de la hardiefîe avec laquelle il a oie la haiarder d’abord à l’Audience ?
Quel avantage efpéroit-il d(une inculpation inconféquente dont
il ne lui refte que la honte ; puifque, malgré le trifte courage
dont il n’a donné que trop de marques dans la C au fe, il fe voit
aujourd’hui forcé de l’abandonner ?
Quelle raifon a pu l’engager de même à avancer, à la page
45 de fon Imprimé, une abfurdité ridicule qui n’avoit.point
paru à l’Audience ? Ses propres lettres, pendant quatre ans,
portent conftamment une fufcription non fufpeôe & tran
chante. Elles font toutes adreflees à Madame de Bombelles.
EmbarraiTé fur ce fait, qu’il ne peut nier, puifqu’on en produit
la preuve écrite, il dit qu’il n’a employé cette dénomination y
que par convention, & parce que cefl l ’ufage à Montauban
et aller retirerfoi-même fes lettres au Bureau de la Poße.
Mais fi cette alïbrtion eft fauffe ; fi cet ufage prétendu n’eft
pas plus en ufage en Montauban qu’ailleurs ; fi dans cette Ville
commerçante il y a , comme dans toutes les autres , un Fac
teur établi exprès pour la diftribution des lettres , que réfultet-il de lexcufc frivole & menfongere que préfente le fieur de
Bombelles ? Ne donne-t-il pas par là un nouveau poids à ces
mêmes lettres , dont il eflaie d’alléger le fardeau ? N ’en conftate-t-il pas l’authenticité , par les efforts qu’il multiplie pour
1 éluder? Si elles n’ont pas été myftérieufes, fi elles ont dû par
�40
venir à Ton époufe par la voie ordinaire , il elles ont dû lui
être portées indiftin&ement comme les autres par TOfficier
chargé de ce miniftere , n’eft-il pas évident que les droits,
dont la fufcriptîon contenoit l’aveu, n’avoient rien de clandeftin & de problématique ? N ’eft-il pas clair que ion intention
étoit qu’on fût à la Pofte & par-tout où les marques de fa
tendreile pour la Demoiielle Camp pourraient être connues,
qu’il l’avouoit pour fa femme , que des nœuds indiflolubles
l’engageoient à elle, & qu’à chaque fois qu’il prenoit la plume
pour lui écrire , il çonfirmoit des fermens par lefquels il lui
avoit en i j 66 engagé fa foi-fans réferve ?
Mais ce menfonge officieux, dit-il à la même page 4 5 ,3 pris
fin au mois d’Août 17 7 0 , où recommence l’adreffe de Mademoifelle Camp ; ces deux derniers mots font imprimés en
lettres italiques : &r pour vous en prouver la juftelTe , M
sie u r s
es-
, nous produifons une lettre du 9 Septembre 17 7 0 ,
adreftee à Madame Cam p, pour remettre à Madame fa fille.
Mais a-t-elle fait dans le ménage quelqu’a&e capable d’in
diquer fa qualité ? A-t-elle payé des dettes , compté avec des
fermiers , xeçu de quelques débiteurs ? Non , M e s s i e u r s ,
elle n’a pas reçu des débiteurs, parce que le iieur de Bombelles
11’avoit que .des créanciers. Elle n’a pas payé de dettes, parce
que fa fortune n’y auroit pas fuffi , & que , il elle avoit voulu
faire face aux demandes qu’occafionnoit le dérangement de
fon mari, elle auroit ruiné fa famille fans le libérer. Enfin elle
n’a point compté avec des fermiers, parce que le fieur de Bom
belles n’avoit point de fermes.
Ilne poffedoit pour tout fonds qu une maifon de campagne,
cftimee dans fon partage 27000 livres. Il lui avoit promis
Uy’
�¡r t
41
lui en afîurer l’ufufruit ; par ion tjeftament 11 lui en donnoit
même la propriété. Cependant il l’a vendue dans fes befoins.
Elle ne s’en plaint pas ; mais on voit combien il eft difficile
qu’il fubfifte des traces d’une adminiftration ainfi raccourcie.
Mais dans l’extrait de baptême de fa fille , on ne fait pas
même mention de fon pretendu mariage. Charlotte de Bom
belles n’y eft dite ni légitime, ni iffue de pere & mere mariés.
Cela eft v ra i, M e s s i e u r s ; mais pour en tirer une induction
férieufe, il faudroit que toutes les preuves de l’état que nous
réclamons fuiTent réduites à ce titre feul. Il faudroit qu’il fût
bien conftaté que le Vicaire qui a baptifé l’enfant n’ait pas eu
désraifonsperfonnelles de haine q uil’aient dirigé dans la rédac
tion de l’a&e de baptême ; il faudroit qu’on ne pût pas le foupçonlier d’un zele amer & vindicatif, q u i, par un déplorable abus,
a influé jufques fur les fondions de fon miniftere. Il faudroit
enfin que la fimple omiifion d’un mot fût une nullité irrémé
diable , à laquelle rien nepûtfuppléer ; il faudroit qu’on n’eût
pas d’exemples, fur-tout dans les baptêmes des Proteftans, des
correftions ordonnées par les Tribunaux en pareil c a s , & que
la Demoifelle de Bombelles ne pût pas un jour demander, s’il
en étoit befoin , que le regiftre refté imparfait à fon égard par
négligence ou par malignité, fut réform é, comme tant d’autres
font parvenus à en faire rayer des qualifications injurieufes que
la malignité ou la négligence y avoient fait inférer.
Mais au m oins, dit le iieur de Bombelles , fi j’avois en
tendu contra&er un engagement férieux ,fi j’avois voulu tranfferer à la Demoifelle Camp mon nom & les droits d’épo-ufe ,
Jer* aurois auili voulu toucher le prix i je n’aurois pas
©mis den exiger la d o t; on juge bien que je ne fuis pas
�4*
hom m e à m’endorm ir fur un pareil article. C ependant vou s
a vo u ez que les 8000 livres portées par le contrat n e'm ’ont pas
é té délivrées. C e l a eft encore v r a i , M
e s sie u r s
; & com m e
cet article a quelque chofe de fp é cieu x , il mérite explication.
Au moment du mariage, les deniers étoient prêts & les efpeces comptées ; elles ont été offertes au fleur de Bombelles ;
mais foit qu’il voulût donner une plus grande idée de fa mo
dération , foit qu’il crût cet argent plus en fûreté dans les mains
de fon beau-pere que dans les fiennes, foit que la poiTefïion de
fon époufe lui fuffît alors, & qu’elle remplît exclufivement
tous fes defirs, il refufa pour le moment. Quand le féjour
de la garnifon de Lille eut changé fes mœurs , & que le défordre lui eut fait connoître le befoin ; quand après d’inutiles
efforts pour dérober fon inconduite aux yeux de fes compa
triotes , elle eut percé jufqu’à M ontauban, & qu’on l’eut vu
forcé de vendre cette maifon qui devoit fervir d’afyle & de
douaire à fon époufe; quand après avoir épuifé ces reffources,
il n’en vit plus d’autres pour lui que la d o t, & qu’il la demanda
par forme d’emprunt, le pere de la Demoifelle Camp crut de
voir fagement fe refufer à la demande d’un diffipateur que ce
foulagement paffager n’auroit pas tiré de l’abîme où il s’étoit
précipitéIl
n’avoit plus rien qui pût répondre des fonds qu'on lui
auroit confiés. C etoit l ’unique patrimoine de cette enfant, que
fon cruel pere méditoit peut-être dès-lors d’abandonner. Il
n ’étoit permis de le lui remettre que fous la condition expreffe
d’en faire un emploi ; & cet em ploi, dans fon cœ ur, étant ou
l’acquit de quelques dettes peu honnêtes, ou peut-être même
le moyen d’en contra&cr de nouvelles , il n’auroit été ni pru
dent , ni licite au fe u r de Camp pere de s’en defTaifir. Il devoit
�réferver à fa malheureufe petite-fille ée débris d’une fortune
que lui-même ne pouvoit pas augmenter, puifqu’il avoit d au
tres enfaus à qui il fe devoit également.
Vous voyez donc , M e s s i e u r s , que ce refus n avoit rien
que de fage & de légitime ; mais nous ne devons pas diffimuler non plus que c’eft là probablement l’origine de la conteftation que nous éprouvons aujourd’hui. Le fieur de Bombelles,
dans fa détreiTe, trouvant une perfonne preffée de fe marier,
qui fe préfentoit à lui ¿Vec un revenu à peu près sûr , ne
voyant plus rien à efpérer d’une famille trop prévoyante , qui
ofoit fe piquer d’économ ie, & lui préférer l’enfant à laquelle il
avoit donné le jo u r, a regardé un fécond engagement comme
une efpece de bonne fortune dont il failoit profiter.il a envifagé la crédulité & la précipitation de cette fille aveugle,
comme une reffource inattendue qu’il ne failoit pas laiifer
échapper. Quoique fa main n e lui appartînt plus , puifqu’il en
avoit déjà difpofé, comme c’étoit la feule chofe au monde
qu’il pût donner à la Demoifelle de Carvoifin en échange
des avantages quelle lui faifoit, il a étouffé le lcrupule qui
s’élevoit dans fon cœur , à la feule idée de ce ftellionat d’un
genre nouveau.
C ’eft alors qu’il a cherché les moyens de n’être plus marié ;
c’eft alors , pour la premiere fois , qu’il a trouvé douces les
Loix rigoureufes
fous lefquelles les Proteftans gémiffent.
L ’amour en avoit fait un Réformé : l’intérêt en a refait un
Catholique. Serm ens, devoir, honneur , il a tout facrifié à la
médiocre opulence de la Demoifelle de Carvoifin , prêt peutêtre à la trahir bientôt elle-même pour une rivale plus riche ;
prêt , fi [c fécond mariage eft annuité , comme fans doute il
le feia , & fi fes efforts prévaloient contre le premier, à cmF ij
�44
braffer une nouvelle religion 8c une troifieme époufe, dans le
cas oii il trouveroit un autre culte propre à favorlfer l’incons
tance , 8c une femme affez hardie pour recevoir fa foi I
M a is , a-t-il dit encore , il mon mariage avec la Demoifelle
Camp a été fi public & fi connu, pourquoi la Demoifelle
Camp a-t-elle paru elle-même s’en défier ? Pourquoi a-t-elle
affe&é de cacher fa groffeffe 8c fa délivrance? Pourquoi eft-ce
dans un village, à quatre lieues de Montauban , dans une
Paroiffe étrangère , qu’elle a été accoucher ?
Pourquoi ? Et c’efl vous qui le demandez ! vous qui infiftez
fur l’époque de ce défaflre malheureufement fi fameux, fur
ces ravages caufés par l’inondation du Tarn en 1766 \ vous
avouez que la maifon du fieur Camp pere a été du nombre
de celles que la riviere en fureur a renverfées ; vous avouez
que c’eft là où a recommencé une familiarité intime entre vous
8c l’infortunée dont vous ne détaillez ici les faveurs que pour
les faire paroître déshonorantes , après les avoir furprifes à
l’aide du voile le plus honorable 8c le plus fait pour les juftifier.
C e fyftême de réconciliation n’eft qu’une chimere. Il n’y
avoit point eu jufques-là de brouillerie entre vous 8c la vic
time de vos différentes paflions. Mais ce qui eft vrai 8c cer
tain , c’eft le renverfement de la maifon paternelle , où avoit
habité jufques-là là Demoifelle Camp. En attendant qu’elle fût
reconftruite, la famille défolée avoit été forcée de chercher
une retraite qui devoit être plus difficile à trouver en raifon de
ce qu elle etoit plus néceffaire, parce que le grand nombre des
perfonnes qui avoient befoin du même fecours, le rendoit
rare. Le fieur Camp avoit été forcé de fe loger à l’étroit 8c dans
une maifon remplie, contre la coutume de la province, d’une
�/>/. /
45
m ultitude de difFérens m énages. 11 n’eft pas étonnant q u u n e
jeune femme , dans une premiere groiTeiîe., fe foit trou vée
im portunée de ce m élange. Il n’eft pas étonnant qu’elle ait
cherché à fe procurer un C jo u r m oins d éfagréable, & qu’elle
fe foit tranfportée à la cam pagne, p our y attendre la fin d’une
incom m odité paflagere , dont le bon air & le grand exercice
fon t peut-être les plus sûrs rem ed es, ou du m oins les plus
grands adouciiTemens.
Et dans quelle campagne s’eft-elle retirée ? A Bioulle , dans
un bien qui appartient à fou pere. C ’eft là ce qu’il plait au fieur
de Bombelles d’appeller une ParoiiTe étrangère : comme s’il
étoit défendu à une femme d’aller accoucher dans un village
où fon pere a une maifon, quand celle qu’il occupoit à la ville
eft détruite par un accident; comme fi cette précaution, fage à
tous égards , étoit une preuve de honte ou un indice de la dé
fiance qu’elle-mêmc avoit fur fes droits.
Jufqu’ic i, vous le voyez , M E S S IE U R S , la poiTeifion de la
Demoifelle C a m p , fa qualité d’époufe légitim e, eft établie
par toutes les preuves qu’il eft poifible d’en donner , d’après
les deux premieres conditions qu’exigent nos Adverfaires euxmêmes ; les Magiftrats de tous les ordres la certifient ; toutes
les perfonnes qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre la pu
blient. Les parens la reconnoiffent ; le fieur de Bombelles luimême y rend un témoignage éclatant. V ous pouvez juger
dès à préfent fi le titre qu’elle réclame e f t , comme il le dit
avec tant d’agrément & de délicateffe dans fon Imprimé,
page 4 4 , un nom de guerre qu’une fille prend dans f* groffeffe , & fi les monumens qu’elle cite fo n t, comme il 1 ajoute au même endroit, des témoignages d'affection qu elle
fc foit fa it écrire par fon galant. Non , M e s s ie u r s > ils ne
�46
méritent pas cette qualification auffi honteufe que groiîîere.
C ’ert en tout le langage du cœur & de la vérité.
M a i s , pour y mettre le dernier fceau , il y manque encore
l’opinion publique ; il y manque cette voix univerfelle qui a ,
quand il s’agit de 1 état des hommes , plus de force que les
écrits ; cette voix qui fupplée aux regiftres, qui difpenfe de les
chercher quand ils font perdus, qui autorife à les réformer
quand ils font défeftueux ; enfin cette voix qui fubjugue la
Juftice elle-même & difte aux Tribunaux des Arrêts que la Loi
les force d’adopter. Avons-nous en notre faveur cette relTource ?
O u i, M
e ssie u r s
, & en voici la preuve.
Cette enquête , dont j’ai déjà eu l’honneur de vous parler,
contient la dépoiition de cinquante témoins ; il feroit facile
d’en faire entendre mille, fi l’on en avoit befoin.Tous atteftent
qu’il n’y a point eu dans Montauban d’incertitude ni d’embar
ras fur la qualité de la Demoifelle Camp ; tous déclarent qu’ils
l’ont vue préfentée dans les meilleures Maifons de la Ville par
fon mari, & ouvertement avouée comme époufe légitime; tous
publient que fa groileffe a été connue & à l’abri de toute efpece
de fufpicion.
D e ces témoins, les uns font des femmes de condition qui
l’ont reçue avec honneur, qui l’ont traitée avec les égards que
méritoient fa vertu & fon état, & qui la chériflent, la coniiderent encore dans l’humiliation où la perfidie d’un époux vo
lage 1 a réduite; les autres font ou des Magiftrats, ou d’anciens
Militaires retirés du fervice, ou des Officiers qui y font encore
engages ; Catholiques pour la plupart, & par conféquent moins
fufpe&s, (i le foupçon pou voit avoir lieu dans une occaiion
où ils ne parlent qu au nom de 1 honneur & fous la foi du fer
ment : d’autres font des perfonnes d’un état moins relevé, mais
�m
4*7
non moins croyables ; des Négocians diftingues par leur
probité, des Ouvriers aifés qui rendent gloire à la Juftice, 8c
confignent entre les mains du Magiftrat le récit naif de ce qui
s’eft paffé fous leurs yeux.
Il
n’y a point d’affertion du iieur de Bombelles, qu’ils n’aient
démentie d’avance. Il n’y a aucune de fes calomnies qu’ils
n’aient détruite. Il feroit trop long de vous rendre compte
de tous1ces détails, par lefquels ils appuient la vérité à laquelle
ils font hommage ; màis il ne m’elt pas permis non plus de
les fupprimer tous. Cette partie de laCaufe n’eft pas la moins
eiïentielle , puifqu’elle porte fur des faits, 8c que les faits font
ic i, M
e ssie u r s
, un des principaux mobiles qui doivent fer-
virà vous diriger.
Par exemple, le fieur de Bombelles , en fe débattant contre
l’évidence , en cherchant à fe fortifier lui - même contre
le jour qui lui blefloit les yeux , s’eft hafardé à foutenir qu'il
n’y avoit jamais eu aucune liaifon p a r tic u liè r e entre lui 8c la
famille de la Demoifelle Camp ; que jamais il n’en avoit fré
quenté les parens ; qu’il n’avoit point habité chez eux aVec
elle , 8c qu’au moment de la catailrophe occasionnée par le
débordement, elle n’étoit pas venue loger avec lui. Il a rendu
compte des repas qu’il a pris chez le fieur Camp pere, qui fe
réduifent, dit-il, à un feul depuis cette calamité : repas qu’il
n’a même accepté que par délicateiïe, 8c dans la feule vue de
leur prouver qu’il ne les méprifoit pas.
Qui ne croiroit voir , à ce tableau , un Gentilhomme foigneux de fe refpe&er, toujours fur (es gardes pour ne pas
commettre fa noblefle avec la roture , 8c qui veut bien condefeendre aux defirs de ces Bourgeois, de façon à honorer
leur table fans s’expofer au rifque de fe trop familiariftr • Q u*
�48
ne croiroit, à tout le refte des peintures indécentes q u ll s’ eil
permifes avec tant de profuiion & de confiance , que c’eit la
Dernoifelle Cam p qui le recherchoit avec ardeur ; qu’il ne fai•foit que fe prêter à Tes empreflemens , & que les faveurs prodiguées dans ce tendre com m erce, c’étoit lui qui vouloit bien
les accorder ?
L ’enquête, M
essieu rs
,
préfente des idées bien différentes.
O n y voit u n fieu rd e Bombelles peu reffemblant, à ld vérité,
,à celui que nous com battons, mais tel qu’il étoit alors , fou
rnis , tend re, aimant fon époufe , plein d’égards pour fa fa
m ille , révérant fon beau-pere, portant le deuil de l’aïeule ,
affiftant les enfans dans les devoirs pénibles que la coutume
impofe dans ces triftes circonftances. O n le voit agiiTant libre
ment dans la maifon , ufant des droits d époux , fe montrant
au lit fans contrainte avec la femme que fon cœ ur & les L oix
lui ont donnée : 011 le v o i t , ce qui eil effentiel après l’aiTurance avec laquelle il affirme qu’il n’a jamais habité avec elle
fous le même toît
on le voit prendre une maifon commune ,
y V ivre, y demeurer enfemble.
11 faut , M
essieu rs
,
vous en
convaincre par les propres expreffions des témoins.
Françoife Gaillard, époufe de Guillaume Moulis ;
DÉPOSE , ' q u e ......................................................................
;
vers le commencement du mois d’A v ril ou Mai 1766 , ledit fieur de
Bombelles lui dit qu’il étoit marié avec la Dernoifelle Camp, & qu’elle dev o it l’appeller Madame de Bom belles; que ladite Dernoifelle Cam p &C
fa famille ayant délogé du fauxbourg de V illebourbon à caufe de l’inon*
dation, étant venu habiter en v ille, ledit (leur de Bombelles co-habitant dans
la même maifon avec ladite Dam e ; qu’ils y vécurent comme mariés jufqu’au départ du fieur de Bom belles; que pendant cette époque la Dam e
M erignac grand’mere de la Dam e de Bombelles étant décédée, ledit Jieur
dt Bombelles prit & porta le deuil.....................
JElifabeth
�49
Elifabeth D elm as, époufe du fieur Beffon cadet :
D é p o s e , que lors de l’inondation du Tarn de 1766 , ayant été
obligée de quitter fa maifon du fauxbourgd e V illebourbonpour venir
loger en v i ll e , elle prit un appartement dans ctllc qu'habitoient le Jîcur
de Bombelles & lefieur Campfo n beau-pere ; qu’elle qui dépofe v it le iieur
de Bombelles vivre avec la Demoifelle Camp comme mari & femme , la traiter
en cette qualité , & particulièrement les avoir vus occuper une partie de l'apparlement, y coucher enfemble , & vivre en commun avec les Sieur & Dame
Campfes beau-pere & belle-mere. D ép ofe de p lu s, qu’elle a v u porter le
deuil audit fieur de Bombelles , de la mere de ladite Dame Camp fa
belle-mere.
M. Pierre S adou s , Lieutenant Général & Criminel au Sénéchal & Préfidial de Montauban :
D é p o s e ....................... :
:
:
.
. .
. .
. .
:
;
:
qu’ il a v u la Dem oifelle Cam p être annoncée dans les maifons fous le
nom de Madame de Bombelles , qu'il a vu habiter l'un & l'autre enfemble
dans une maifon qu'ils avoient louée dans la ville.
D am e Marie Vigie , époufe du fieur Baudon :
D épose , que lors de l’inondation arrivée en 1766 , le fieur Camp
& fa famille vinrent loger dans la maifon qu’habite la D é p o fa n te .. . .
qu’elle a vu quelquefois le fieur de Bombelles pafler dans la chambre
de la D em oifelle Camp avec de la lumiere ; que plufieurs fois la D é p o
fante demanda audit fieur Cam p comment fe portoit Madame fa fille:
ledit fieur Camp lui répondoit qu'elle fe portoit bien, mais n ’étoitpoint
encore levée de fon U t, q u elley étoit avec ledit fieur de Bombelles fon mari.....
& a ajouté qu’elle a v u porter le deuil audit fieur de Bom belles, à la
mort de la grand’mere de fadite époufe.
Demoifelle Madeleine A lbert, fille du fleur Alexis Albert :
D é p o s e .............. qu’elle a auiïi très-fouvent entendu que ce dernier
VM. de Bombelles) appelloit M. Camp,papa, & l’époufe de ce dernier, ma
bonne maman ; & à chaque inftant elle entendoit crier dans le degré &
d une chambre à l’autre, Madame de Bombelles, ma chere femme ; qu’un
jour la Depofantc étant à fa fen être, elle entendit que le fieur de Bom-
G
<
�5°
belles dit à fadite ép o u fe, en la tenant dans fes bras : ma chere époufe,
l’enfant que tu p o rtes, à mon retour faura bien me crier papa. D épofe
de p lu s, que lors de la mort de la Dam e M erign ac, grandVnere de la
Dam e de B om belles, la Dépofante fut y faire fa v ifite , ôc tro u va ledit
Sr dô Bombelles en d e u il, & rece vo it les vifites. D épofe de plus, qu’elle
a v u plufieurs fois le domeftique du fieur de Bombelles dans la maifon
du ficur C a m p , & que ce dernier faifoit tout ce que ladite Dam e de
Bombelles lui com m andoit, & que ledit domeftique l’appelloit iouvent
Madame de Bom belles; qu’elle qui d ép o fe, ayant quelquefois ren
contré la fervante de ladite Dame , & lui ayant demandé l’état de la
fanté de ladite Dame , ladite fervante lui répondoit qu’elle ne pouvoit
point lui rien dire à caufe quelle ¿toit dans J'on Ut avec ledit Jîeur de B om
belles J'on mari.
Les autres dépofitions, M e s s i e u r s , ne font ni moins for
tes ni moins précifes fur le fait du mariage public, fur celui de
la groiTeiTe& delà cohabitation connue, confommée fous les
yeux du p ere, de la mere & de toute la Ville. O r , je le de
mande , cil-il poifible de foupçonner, dans une liaifon de
cette efpece , la moindre apparence de clandeftinité ? Peut-il
tomber dans l’efprit qu’elle n’ait pas été précédée d’un mariage,
d’un engagement affez fort, affez facré, pour motiver la con
fiance de la famille & l’abandon de la jeune perfonne ?
L e fieur de Bombelles dit qu’il ne l’avoit pas époufée. Il
foutient que rien ne l’attachoit à elle. Mais qu’alloit-il donc
faire ii librement dans la maifon? C ’étoit de l’aveu de fes pa
reils qu’il vivoit chez eux dans, une fi exceifive familiarité. O n
ne cachoit ni la grofleiTe, ni l’auteur de cet état j-uftement
regarde comme la bénédiction la plus confolante pour une
femme légitime, & comme le dernier degré d’ignom inie, le
com ble de la dégradation pour une fille fans liens. T o u te la
Ville le connoifloit cet é ta t, & y applaudiflbit.
�/ai
51
S’il n’y avoit pas de m ariage, le pere Si. la mere proftituoient
donc eux-mêmes leur fille ? Eux & toute leur famille étoient
donc flattés de la honte qui la couvroit ? Ils fe déclaroient
donc les entremetteurs d’un commerce impur, qui les déshonoroit plus encore que l’infortunée qu’une indigne complaifance facrifioit à l’ignominie ? L a V ille entiere, témoin paifible
de leur filence & de leur crédulité , étoit donc duppe ou com
plice de cette impofture & de ce libertinage ?
Mais cette idée réHolte &: fait frémir. L e dernier excès de
la dépravation des mœurs , c’eft lorfque des parens fans pu
deur , étouffant la voix du remords & celle de la n atu re,
prennent fur eux de tracer à leurs enfans le chemin du crim e,
& que par une tolérance intéreflee , ils les encouragent à un
défordre dont ils reçoivent le prix ; mais cet horrible attentat,
ce n’eft pas au grand jour qu’ils le confom m ent; c’eft dans les
ténebres qu’ils concluent leur coupable marché ; c’eft fous la
voile d’une feinte ignorance qu’ils cachent le confentement
honteux qu’ils y donnent ; & le premier indice de l’opprobre
auquel ils fe d évo u en t, efl l’obfcurité, où ils enfeveliffent leur _
infâme trafic.
Et malgré leurs efforts, jamais la malignité publique ne laiffe
leur lâcheté impunie. Leur procès eft inftruit dans tous les
cœurs , & leur arrêt prononcé par toutes les bouches à cha
que inftant du jo u r , fur-tout dans les petites Villes , où les
ames , fans être plus pures fi l’on v e u t, font au moins plus
aifément affe&ées, où le fcandale trouve moins d’excufe &
de proteôeurs , où l’oifiveté & la jaloufie entretiennent une
cenfure plus a&ive peut-être , plus vigilante que ne le feroit
celle de la vertu. L a voix commune y fait bientôt juftice de
G ij
�l'apparence ttiême du défordre , avant que les Vengeurs des
L oix & de l’honnêteté en aient pu être inftruits*
Mais il eft fans exemple que des parens, dans ces fortes de
lieux , aient ofé fe glorifier eux-mêmes de leur lâch eté, qu’ils
aient produit leur opprobre au grand jo u r, & appellé publi
quement le corrupteur de leur fille pour l’encourager à coniommer leur déshonneur. Il eft fans exemple que des voiiins
fe foient' laides abufer fur une négociation de cette nature ,
qu’ils aient regardé un étranger comme un ép o u x, & un fédu&eur comme un mari.
Il eft encore plus fans exemple que des femmes fe foient
réunies pour admettre dans leur fociété une fille qui auroit
porté les marques viiibles de fa foibleffe , & qui n’auroit pu y
paroître fans rappeller à chaque inftant à fes compagnes qu’elle
avoit manqué au premier des devoirs de fon fexe. Q ui ignore
de quelle févérité fe pique ce tribunal privé fur des fautes de
ce genre ? Q u i ne fait combien ces cœurs , û tendres d’ail
leurs , font inflexibles 3 impitoyables pour celles qui ofent
ufurper leurs privilèges fans en avoir le d r o it, & avec quelle
rigidité les femmes mariées foutiennent entre elles les préro
gatives d’une vertu à laquelle on ne peut plus leur reprocher
de manquer?
E n fin , il eft encore fans exemple que les Chefs des deux
hiérarchies fe foient réunis pour légitim er, chacun en particu
lier , un défordre qu’il auroit été de leur miniftere d ’arrê te r &
de punir; qu’un E vêq u e, un Premier Préfident de C ou r fouverain e, un Intendant atteftent de leur fignature la réalité
d’un mariage qui n’auroit été qu’une licence fcandaleufe ; &
q u e , pour protéger une fille fans honneur , ils aient prodigué
des témoignages qui ne pouvoient être accordés par eux qu’à
�53
la vérité la plus notoire, à la délicateffe la plus preffante.
P e fe z ,
M
essieu rs
, toutes ces preu ves, raffemblez toutes
ces induftions , & jugez s’il ne nous eft pas permis de nous
appliquer ce quedifoit en fon tems
M e
Cochindans la fameuie
affaire de Bourgelat. « Toutes les voix fe réuniffent pour affu» rer la légitimité de l’enfant, & par conféquent le mariage
»'*de fes pere & mere. C e ne font point ici de ces dépoiitions
» préparées avec a rt, fou tenues ou par dévouem ent à la Par*> tie , ou' par corruption, ou par foibleffe : c’eft un langage
» uniforme d’un nombre infini de Parties différentes ; c’eft un
» concert de toutes fortes de perfonnes q u i, entraînées par
» la notoriété , fe réuniffent dans un point de vérité qui n’a
» jamais trouvé de contradi&ion ; & c’eft l à , ajoutoit cet O ra» te u r, ce qui forme la poffeffion d’état ».
Q uelle eft la demiere reffource du fieur de Bom belles, pour
éluder l’effet de cette enquête foudroyante ? C ’eft , com m e
j’ai eu l’honneur de vous le dire , d’en attaquer non pas l’au
thenticité, mais la validité. Elle n’eft pas ‘juridique, fi on l’en
croît ; c’eft le fruit d’une efpece d’émeute populaire , d’un at
troupement indécent & criminel que le Juge n’auroit pas dû
to lérer, & dont il ne nous eft pas permis d’exciper contre
lui. Eft-ce férieufement qu’il parle ainfi ?
D ’abord , la qualité du plus grand nombre des témoins en
tendus annonce affez que ce n’eft pas le peuple feul ici qui x
parle j & que leurs dépoiitions n’ont pas été produites par
une forte d’emportement aveugle , à laquelle en effet cette
cluffe de la fociété n’eft quelquefois que trop fujette. Mais
quand réellement l’obfervation du fieur de Bombelles feroit
vraie , qw en refulteroit-il contre l’enquête ? Rien dont il put
s applaudir, rien qu’il lui fut poifible de tourner en fa faveur*
�1
I
V
.
54
C e ferait la preuve d’un déchaînement univcrfel contre Ton
procédé ; & d’oii viendrait ce déchaînem ent, fi ce n’eft d’une
conviction intime de ce que ce procédé a de criminel ? Le iieur
de Bom belles, comme la Dem oifelle C am p , eft hé à M ontauban ; il y a des parens , il y a eu des amis tant qu’il a été
vertu eu x;fa famille doit naturellement y avoir plus d’influence
que celle de la Demoifelle C am p , fur-tout dans l’ordre de la
NobleiTe. Pourquoi donc tout cet O rdre s’eft-il, avec les au
tres , déclaré contre lui? Pourquoi, de tous'fesCom patriotes,
n’y en a-t-il pas un qui n e l’accufe & ne le condamne? Si l’en
quête eft en effet le fruit d’une impulfion com m u n e, c’eft
donc de celle que peut donner à des ames honnêtes un prin
cipe d’h onneur, de délicateffe &c decom paifion dirigée par la
juftice.
Eft-il vrai enfuite qu’elle ne foit pas juridique ? Mais j’ai eu
l’honneur de vous l’obferver,
M
essieu rs
,
c’eft fur une O r
donnance du Juge qu’on y a procédé. Cette Ordonnance
fubfifte , elle n’a point été attaquée par la voie de l’appel ; jufques-là, dans l’ordre même de la p rocédure, les effets en
font facrés ; il n’y auroit qu’un Jugement fupérieur qui pût les
anéantir.
M a is , dit le fieur de Bom belles, ils font profcrits de plein
droit par la Loi même ; l’article I du titre 1 3 de l’O rdonnatice de i 6 6 j abroge à perpétuité ces fortes de procé
dures , & défend aux Tribunaux de les reconnoître ou de s’y
prêter. Ic i,
M
essieu rs
,
le fieur de Bombelles fe trompe ;
après avoir hafardé, dans le refte de la C a u fe , tant de faits
fau x, il fe permet une fauffe application de la Loi. V oici ce
qu’elle porte :
« Abrogeons toutes enquêtes d’examen>ià fu tu r, &
celles
�55
» par turbes, touchant L'interprétation d'une coutume ou ufage}
» & défendons à tous Juges de les ordonner ni d’y avoir
» égard , à peine de nullité ».
M a is,
M
essieu rs
, eft-ce donc ici de l’interprétation d’une
Coutum e qu’il s’agit ? Eft-ce de la valeur d’un {impie ufage
qu ’il eft queftion ? N ’eft-ce pas d’un fa it, d’un fait important
à éclaircir, d’un fait précieux à tous égards, puifque de là dé
pend l’état de deux Citoyens ; d’un fait effentiel à la C a u fe, &
fans la connoiffance c^uquel vous ne pouvez la juger?
A vant l’Ordonnance de 1667 , avant que cette L oi eut fixé
une forme invariable pour les procédures, cette partie de la
légiflation étant dans le plus affreux défordre, n’y ayant point
de Loix générales, chacun cherchoit à expliquer en fa faveur
les petites Lôix particulières qui dirigeoient chaque canton ;
cette multiplicité infinie de Coutum es qui défigurent & défolent encore la F ra n ce, donnoit lieu à une infinité d’ufagés
ou plutôt d’abus contradictoires entre eux com m e leurs fources : les Juges inférieurs étoient cependant forcés de fe déci
der d’après ces notions faciles àfaifir ; & les Parties qui avoient
gagné, avant que de paroître devant les Juges d’appel, avoient
foin de faire conftater, par une enquête , la réalité de l’uiage
qui avoiwdéterminé le premier Tribunal en leur faveur; c’étoit
une efpece d’efcorte qu’elles avoient foin de donner aux pieces
de leur procès , Si c’eft ce qu’on appelloit examen à fu tu r ,
c ’eft-à-dire , examen fait d’avan ce, atteftations prém aturées,
deftinées cependant à juftifier la Sentence, dont le fait certifié
etoit l’origine.
L a procédure une fois devenue uniform e, il étoit fage de
Supprimer ces traces d’une barbarie honteufe qu’il eût été bien
a iouhaiter qu’on eût pu faire difparoître dans toutes fes par-
�i
56
'
ties. V oilà l’objet & le fens de l’article de l’Ordormance de
1 6 6 7; mais jamais le Légiflateùr n’a entendu fupprimer ou
annuller des recherches faites de l’autorité du Juge fur 1111
point fufceptible de la preuve teftimoniale , & dans des circonftances où les délais auroient pu nuire à cette preuve.
Q u o i qu’il en foit au refïe du vrai fens de la Loi , voulezvous qu’elle tombe en effet fur notre enquête ? voulez-vous
qu ’elle nous défende de produire ain fi, avec les formes juri
diques , une démonftration écrite de votre parjure & de la
vérité de nos droits ? Eh bien ! nous y confentons ; qu’en réfultera-t-il ? Q u e ces dépofirions ne feront plus des témoi
gnages judiciaires : nous le voulons bien : ce fera une procé
dure inutile ; mais les pieces qui lacom pofent ne feront pas pour
cela anéanties.
C e n’eft plus une information que nous préfentons à la Juftice , c’eft un afte de notoriété légalifé par un Juge, & {igné
de cinquante de nos Com patriotes, qui fe font unis pour
certifier ce qu’ils ont v u , les faits dont ils ont une parfaite
connoiffance ; ce font des atteflations perfonnelles que chacun
d’eux a données en fou particulier devant un homme public ;
ce fera un commencement de preuves par écrit, à la faveur
duquel nous demanderons d’être admis à faire la preuve complette en vertu de la même Ordonnance. Ces pieces que vous
réprouvez, mifes fous les yeux des Magiftrats , ferviront à
convaincre l’homme en eux , en attendant que les mêmes faits,
les mêmes détails, produits avec l’appareil des form alités,
puiffent fubjuguer le Juge.
Mais avons-nous en effet befoin de ce délai ? Aurons-nous
recours à ce fupplément apparent d’une preuve déjà faite ?
N on j
M
essieu rs
; ce ft tout ce que nous pourrions faire fi
nous
�m
M
nous n’avions d’autre; appui que la poiTeiîion antérieure de
l’état que nous réclamons pour l’avenir. Mais à cette pofleifion
déjà invinciblement démontrée aux yeux de l’honneur & de
la con fcien ce, nous allons joindre des titres qui ne permet
tront plus à la Juftice de balancer; nous allons faire voir que
ces titres facrés n’ont été ni fouillés par la fraude, ni enfantés
par le menfonge. Si la bouche qui les attaque étoit auiTi pure
que la main qui les préfente , il ne manqueroit rien au bon
heur des Parties.
\ /
§.
III-
Preuves de l'état de la Demoiselle Camp par titres.
R é f l e x i o n s
p r é l i m i n a i r e s .
N ous vous arrêtons i c i , vont fans doute s’écrier nos A dverfaires : vous voulez parler probablement de ces aftes de
célébration , ou furpris , ou fabriqués dans les ténebres ; vous
allez multiplier les efforts & les fophifmes pour les pallier ;
épargnez-vous cette profuiion inutile de paroles & de raifonnemens : deux obfervations feules fuffifent pour vous réduire
au illence.
D ’ab o rd , vous êtes Proteftante, vous le publiez haute
m ent; dès-là il eftim poifible que vous foyez mariée valable
ment , il eil donc impoifible aufll que vous foyez même
admife à produire les monumens d’un mariage chimérique.
. E nfuite, ces a&es dont vous croyez faire ufage , en les produifant les premiers nous les avons réduits en poudre avant
m ê m e qu’ils aient pu repaffer de nos mains dans les v ô tre s ;
nous fommes prêts à nous inferire en faux , ii vous ofez feu
lement feindre de ramaffer les débris de ces menfonges : abanH
�ïf
dbnnezrles donc volontairement!, avant; que d’y être réduits par
là force. .
"Vtoilà-, M e s s i e u r s , ^ peuprès,ce. qu’ont dit , ou du moins
ce q u ’o n t voulu dire:nos.Adiyerfaires ; ils ne m’accuferont pas
d’affoiblir leurs o b jeô io n s, mais bientôt ils me reprocheront*
encore moins d’y répondre..
V ou s prétendez donc qu’un mariage contra&é par des Proteftans ne peut être valide ÿ q u e, fans examiner là nature des
titres , ou l’authenticité des monumens qui le con fiaien t, il
faut l’annuller ; & fur quoi fondez-vous cette étrange déciiion ? L e mariage en lui-même n’eft que l’exercice du plus na
turel de tous les droits : tout être qui a reçu la vie a , par cela'
m êm e, contrafté L’o bligation de la donner;. & l’un des plusgrands adouciffemens peut-être à la néceflité de conferver ce
p réfen t, fouvent fi douloureux , ii funefte, c’eft le pouvoir de
le communiquer.
A la v é rité , des confédérations d’un autre ordre ont fait?
quelquefois déroger à cette Loi univerfelle ; une vertu plus
fublime a fan&ifié des privations qu’une vertu plus commune
redoute : le célib at, qui femble contrarier la n ature, a été
confacré par une autorité qui a droit de la maîtrifer.
M ais, outre que cet effort de l’héroïfme religieux n’eft re
commandé qu’à ceux qui s’en font crus capables, outre qu’il
n’eft méritoire Sc exigible que quand il a été volontaire *au
moins dans l’origine, les Proteftans n’en font pas fufceptibles;
leur croyance n’y attache aucun prix ; l’impuliîon de la nature
fe fait donc fentir en eux avec toute fa force ; il eil néceffaire1
qu’il produife des effets; il efi donc néceffaire auift, ou qu’il»
aient recours au mariage qui légitimera ces effets-& les rendra
utiles à la fo cié té, o u q u ’ils fe plongent dan» 1« libertinage qui'
les enrendra les fléaux,
�O r cft-il v r a i,
*9
M
essieurs
, qu’il y ait
des
Loix qui
les
réduifent à la fécondé partie de cette alternative ? Eft-il vrai
.qu’une Com m union entiere de Chrétiens éclairés par les lu-mieres de l’Evangile , foient punis d’une erreur qui leur
en
cache quelques vérités, par une dénégation abfolue de tous
les droits attachés à la qualité d’homme & de citoyen ? Eft-*il
vrai que vous foyez aftreints, par des réglem ens, à flétrir
leur race, & que le malheur feul de ne pas fuivre une croyance
affez épurée, les fouïnette , eux & toute leur poftérité, à ne
-pouvoir contracter que des liens h o n teu x , à ne connoître de
l’amour que ce que l’animal le plus méprifable peut en difputer
à l’hom m e, à ne chercher dans L’union des fexes que la fatisfa&ion d’un befoin m om entané, à devenir, dans les plus doux
momens de leur exiftence, tout à la fois vils & cruels : v ils ,
par la baffeffe qui leur ferait rechercher un .plaiiir paflager,
malgré la honte qui y feroit attachée pour eux; c ru e ls, par
ljindifférence avec laquelle ils en envifageroient les effets, par
l’infenfibilité qui ne les empêcheroit pas de donner le jo u r
à des êtres dévoués comme eux au plus ignominieux ef.clavage ?
N on,
M essieurs
, il n’exifte point de L oi pareille. Si en
effet il en exiftoit une , elle feroit l’opprobre de la légiflation.
M a is, je le répété, il n’en exifte pas. Je porte ici le défi à nos
Adverfaires d’en citer une , une feule qui préfente feulement
la moindre idéfc de cet oubli de la part du L égiflateu r, & de
cette humiliation prononcée contré les Sujets.
Ils nous renverront, je le fais, à l’Edit d’O ftobre i
<585 ,
à
la Déclaration du 14 Mai r7»4 ; ils citeront tout au long les
articles 1 de l’un & 15 de l’autre. Le premier interdit aux Ré*fofiïrés tout exercice de îeur R eligion, il prcyfcrit les
H ij
�éo
■blées qui ont le culte pour objet. Je l’avoue : mais qu’en rél’u lte-t-il ?
Si le mariage n’eft p o in t, dans cette C o m m u n io n , un aile
religieux , peut-on croire que la rigueur avec laquelle la R eli
gion a été fou droyée, a pu s’étendre jufqu’au mariage ? Si
une des méprifes des Proteilans , fi un des points de la croyance
funefte qui les entretient dans le fchifm e, c’eft le refus de
croire que D ieu ait élevé l’union des fexes au degre de facre
ment , &: qu’il ait attaché la profufion de fes grâces fpirituelles
à la promelfe par laquelle deux individus s’engagent l’un à
l’autre fur la terre, eft-il poflible d’imaginer que le Légiilate u r , en profcrivant cette cro yan ce, ait auffi.voulu profcrire
cet engagem ent ?
O r,
M
essieu rs
, vous le favez , aux yeux des Réformés
le mariage 11 eft que ce qu’il a été fi long-tems avant que le
jour qui nous”éclaire fût levé pour le genre hum ain, ce qu’il
eft encore chez tous les peuples à qui cette lumiere eft incon
nue f un pur contrat civil ; c’eft devant le Magiftrat qu’ils le
contra&ent : c’eft l’autorité laïque qui forme les noeuds dont
ils fe chargent ; s’ils affe£lent de les confacrer par la média7
tion du Minillre des autels , c’eft un hommage poftérieur &
abfolument volontaire qu’ils rendent à leur Eglife : [’interven
tion du Pafteur n’eft point néceffaire ; & fi, foit par le caprice
des contra£lans , foit par un accident imprévu , foit par quelqu’autre raifon , la célébration eccléfiaftique n’a pas lieu , l’u
nion n’cn a pas. moins la plénitude de fes effets civils, pourvu
que la puiffance politique l’ait ratifiée.
Je fais,
M
essieurs
, qu’ils font à plaindre par cette liberté
même ; je fais q u e , fous prétexte d’épurer leur culte en cette
partie, ils en ont en quelque forte dégradé les M iniftres, &
�61
qu’en croyant délivrer leurs liens d’une fujction im portune,
ils fe font privés des fecours qui peuvent le plus contribuer a
les rendre précieux pour des ames éclairées par la veritable
foi. Mais il ne s’agit point ici d’apprécier leurs principes en
th éo logien , il n’eft queftion que d’en conftater la nature en
politique ; & la voilà : c’eft: de réduire le mariage à n’être
qu’une promeffe , un contrat fournis comme les autres à l’in
fluence du M agiftrat, dépendant excluiivement pour fa vali
dité, de la puiffance ^emporelle , qui parmi nous ne s’en eft
réfervé que la police. O n ne peut donc pas dire qu’il faiTe
partie des exercices profcrits p arl’Edit de 1685. Cette L oi ter
rible qui a renverfé les Tem ples & anathématifé les C oniiftoires ; cette L oi qui a coûté à la France tant de Citoyens utiles,
& enrichi il rapidement les Nations étrangères de nos dé
pouilles , ne ftatue donc rien de contraire au mariage des P ro
ie ftan s\A l’égard de la Déclaration de 1 7 2 4 , que porte l’article 1 5 ?
Que les Particuliers nouvellement réunis à la Foi catholique
feron t, comme tous les autres Sujets, obligés à exécuter , félon
leur forme & teneur, les loix du Royaume fu r le fa it du ma
riage. V ou s vo yez l à , M e s s i e u r s , deux claffes de Citoyens
exa&ement marquées ; y eft il qu eftion , peut-on fuppofer qu’il
y foit queftion des R éform és? Sont-ils compris dans cette expreflion générique, comme tous nos autres Sujets ?
. Mais fi cela éto it, rien de plus inutile que la diftin&ionmarquée par la Loi ; fi ces enfans rebelles à l’Eglife étoient
déjà fournis aux Ordonnances politiques, même avant que
d’être rentrés dans le giron de leur M ere , quel befoin étoit-il
de faire mention de l’obéiffance à laquelle ils feroient aftreints
après leur retour ? Sans doute, en abj,urant leurs erreurs, il*
�6t
•h’auroîent pas acquis le droit de braver les L oix de leur patrie:}
to u t le changement qui fe vferôitjOpéré en e u x , c’eftque l’homïnage forcé qu’ils auroient rendu auparavant à des conilitu*tions qvùls ne reconnoiffoieilt point., feroit devenu'raifonnable , volon taire, confécju.ent, lorfqu’ils auroient adopté la
façon de penfer qui les môtive.
S i,, en qualité de Prqtéftans, ils éto’iënt déjà afïujettis aux
‘formules des C ath oliqu es, à quoi ferviroit d’annoncer qu’ils
n’en feroient pas exempts cjuand ils de.viendroient .Catholi
ques eux-mêmes? D e cela fèul que la Déclaration de 1724 les
y aflreint dans le cas de lëu'r abjuration comme les autres Su
jets , il s’enfuit que
Ces
autres Sujets ne font pas ceux de leurs
freres qui perïiiloi<?nt daiis le fcliifme
que cette nouvelle
efpece de dépendance ne leur devenoit commune ¡qu’avec le?
•Catholiques , dont ils pàrtageoiéht déformais le bonheur & les
,dogmes.
Mais , dira:t-oti, ils perdoient à cette'régénération ;;Ies fectateurs obilinés de l’erreur reiloient lib res, tandis c^ueles enfans adoptifs de la vérité devenoient efclâves ; le fort de ceuxci étoit plus rude precifétoent en raifon du droit qu’ils acqué^oient à des adouciffemens,.
N on,
M
essieu rs
, on ne nous fêra point ce raifoilrte*
ment 'blafphématoire; outre les biens que ce changement leur
afïuroit du coté du falu t, cette fervitude apparente leur valoit
autant d’avantages , que la liberté chimérique qu’ils abjuroient
produifoit d’inconvéniens ; ils rentroiént en polleffion de tous
Jes privilcges dont leurs anciens freres étoient privés.; la bar
rière élevée par une L oi inflexible entre eux & tous les états
de la v i e , s’évanouiïïoit ; ils redevenoient capables de tout#
Içs 'diftin&ions focialcs dont l’apiniàtreté des' aïitrèS le s ‘éScluOiif
�/¿)3
il falloit bien qu’en rentrant dans,le Corps de, la Nation } eii
quelque fo rte , ils en fupportaffentles ch arges; & une de
ces charges étoit l’obfervance ilrifte des L oix fur le fait des
unions conjugales.
Q uant au refte de ces efpritsy d’ailleurs fi paifibles, qu’une
déplorable prévention fixoit dans-la révolte contre les dogmes
de FEglife feulement , ils reftoient dans l’excommunication
politique &
religieufe prononcée contre eux.; tous les arts ,
toutes les profeffions^ tous les méders leur étoient interdits ;
le com m erce, feul état peut-être fur. lequel la>force n’ait point
dep rife, ni l’autorité d’empire, le-commerce étoit leur uniquereffource, comme il a été dans tous les tems & dans tous lespays celui de toutes les fettes écrafées. par une Religion dom i
nante & exclufive.
Maisda politique ,• en les mutilant' ainil de toutes parts en-'
quelque f o r ^ , en coupant tous les liens faâices qui: auroient
pu les-attacher à'la fociété., ne pouffoit pas: cependant la ri—
gueur au point de leur interdireTufage des facultés naturelles:'
dont cette même fociété, devenue fi impitoyable pour eu x , ne
' pouvoir manquer cependant de tirer avantage;.elle les p totégeoit dans leurs unions entre eux ; aucune Loi., je le répétéencore, M e s s i e u r s , & il cil important de le répéter fouv e n t, aucune Lot ne les dévouoit au plus affreux de tous les
anathêm es, à- celui de ne pouvoir perpétuer leur race- fans
honte, ou fans crainte.Il y a bien plus : le Souverain les encourageoit à remplir
ouvertement cette fon& ion’précieufe, cette deftination eflentiellede tout être vivant. D ’a b o rd ,. ce même Edit accablant1de
»-6S5 les invite à r e s t e r d a n s LE R o y a u m e , en attendant
quil-plaif-e à-D ieu de-Us iclairer, W leur promet q u ils y pour*
�64
font continuer leur commerce & jouir de leurs biens, fans être
troublés ni inquiétés fous prétexte de ladite Religion , à condi
tion s comme dit e fl, de ne point faire d’exercice} ni de s’a f
fembler fous prétexte de prieres 3 ou de cidte de ladite Religion,
C e ft là déjà un engagement tacite, à la vérité, mais bien pré
cis , de refpecler leurs mariages & leur poftérité. Sans c e la ,
les promeffes de l’Edit ne feraient qu’une vaine ironie & une
cruelle dérifxon. Les exclure de l’a&e le plus important de la
\'ie, auroit-ce été tenir la parole de les biffer jouir de leurs
biens fans' les troubler ni empêcher ? Pourrait - on regarder
comme un état paiiible la contrainte violente où paiTeroient
leurs jours, des êtres condamnés à combattre éternellement
les plus doux penchans de la nature ?
Ainfi donc le Souverain, même en refufant fa fan&iorl à
un culte que la rivalité du fien ne pouvoit plus tolérer, en
banniffant de ces exercices mécbaniques ou ingénjeux qui font
tantôt la fo rce, tantôt la gloire d’une nation, des efprits opi
niâtres qui vouloient avoir d’autres dogmes , d’autres autels
que les tiens, s’eft engagé cependant à les tolérer dans le
refte. Il a donné fa parole de leur conferver la jouiffancp de,
burs biens fans trouble; c’eft-à-dire, le droit d’en acquérir & .
de les tranfmettre, & par conféqupnt de fe faire à eux-mêmes
des héritiers capables de les recueillir. Et ce n’eft pas encore
tout : en portant le coup mortel à l’exiftence politique de l’er
reur, il a pris des mefures pour fixer la maniéré dont pour
raient fe perpétuer légitimement à l’aveiiir les infortunés dont
la Providence n’auroit pas encore diifipé l’aveuglerrjent.
C ’eft, M e s s i e u r s , une particularité prefque ignorée. C ’cft
un fait fur lequel il eft bien étonnant qu’on fe foit mépris , &
qu’on ie méprenne encore tous les jours. Non-feulement les.
mariages
�*5
mariages des Proteftans,.entre eux ne font.pas proscrits, mais
ils font autorifés. Non-feulement le Lég'.ÎÎateür n’a. pas eu dèffein de leur en interdire à jamais la faculté , mais il a eu l’in
tention de la co n ferver, de la protéger ; & cette intention
bienfaifante, il l’a exécutée au milieu des a&es rigo u reu x qu’une
perfuafion qu’il^ne nous convient point d’apprécier ic i, lui
faifoit multiplier d’ailleurs.
Précifém ent, quinze jours avant la révocation de l’Edit
de N a n tes, le 1 5 Septembre 1685 , dans le tems par conféquent où tout le plan de la nouvelle légiilation étoit fix é , où
la ruine de la liberté de confcience étoit décidée, où les m oyens
en étoient prêts , où l’Ordonnance qui devoit la confomm er
étoit dreiTée, dans ce tems , ce jour là m êm e, il paroît un
Arrêt du Confeil qui réglé la maniéré dont les Proteilans
pourront s’époufer à l’avenir. O n leur permet de célébrer
leurs mariages par l’interpoiition du Miniftre , pourvu toute
fois , dit l’A r r ê t, que ce fo it en préfencc du principal Officier de
Jujlice 3 & fous la condition exprefle quV/ n'y aura ni prêche,
ni exhortation, ni exercice religieux d'aucune efpece. Q u e
faut-il de plus,
M essieu rs
? Eft-il poilible de m éconnoître,
à un indice auifi frappant, le vœ u du Légiilateur & fa v o
lonté }
Et qu’on ne dife pas qu’il a lui-même annullé immédiate
ment après cet oracle émané de fa bouche ; que par l’Arrêt
du 15 Septembre il reftreint le droit de marier en préfencc du
Juge, à un certain nombre de Miniftres choifis & nommés par
les Intendans ; & qu’au contraire par l’E d it, il enjoint à ces
mêmes Miniilres d’abjurer ou de fortir du Royaum e. C e fer°it certainement manquer à la Majefté R oyale , que. de fupppfer 1 Adminiftration aiTez variable, aiTez inconféquente pour
I
�fe livrer , dans un fi court intervalle & fur le même o b je t, à
une contradl&ion auffi vifible. D e cela feul que l’Arrêt &
l’Edit font de la même époque & de la même main , il s’en
fuit qu’ils font concertés : & il n’efl: pas difficile en effet de les
concilier.
Dans le premier inftant d’une révolution fx facheufe pour
tous les individus qu’elle concernoit, il étoit important de pa
cifier les efprits, & deloigner des Provinces préparées peutêtre à la fermentation, des hommes que la nature de leur miniftere, l’habitude de la parole, la confiance , le refpeft
qu’infpiroient leurs malheurs, & le mérite de la perfécution fi
impofant aux yeux de la multitude, pouvoient faire paraître
propres à allumer l’incendie que l’on redoutoit. Il falloit donc
d’une part éloigner les Minières, dont l’ame trop fiere ou trop
fenfible n’auroit pu fe prêter à un changement fi rude, & de
l’autre conferver ceux qu’un cara&ere plus doux ou mûri par
l’expérience, difpofoit davantage à la foumiffion ; c’eft ce
qu’opéroient très-bien ces deux Réglemens.
Par l’E d it, tous étoient indiftinftement compris dans l’alter
native de l’exil, ou de la converfion, dont la menace devoit les
intimider. Par l’Arrêt, plufieurs étoient exceptés. O n laifToic
aux dépofitaires immédiats de l’autorité royale , le choix de
ces Pafteurs deftinés déformais à confoler en fecret leurs ouail
les , dans l’humiliation à laquelle la politique croyoit devoir les
réduire. Ils étoient chargés de veiller à écarter les Pafteurs
mutins en vertu de la Loi rigoureufe, & à conferver les do
ciles en vertu de la Loi indulgente.
C ’eft encore à peu près aujourd’hui l’état où cft cette
partie de l’Adminiftration. La Loi publique repouffe les M i
nières Proteftans : la tolérance fecrete les rappelle 'ik les
�ftiaintient ; ils font connus des Commiiïaires départis dans les
Généralités. T an t qu’ils n’abufent point de la confiance dont
on les h o n o re, ils font protégés ; ils ne font punis que quand
par un éclat dangereux >mais heureufement encore plus rare,
ils bravent des Loix qu’il faut toujours refpe&er, parce qu’en
fin ce font des L o ix , & que tant quelles exiftent, il fa u t, pour
le bien comm un , qu’elles foient au moins ménagées en ap
parence , loj^ même que la fageffe du Gouvernem ent veu t
b ie n , par des raifons perfonnelles, en fufpendre l’exécution.
E n fin , M e s s i e u r s , non-feulement le Gouvernem ent ne
profcrit point ces mariages , ou plutôt il les autorife ; mais
de fpn côté l’Eglife les approuve : la Puiflance laïque les to
lère , & la Puiflance eccléfiaftique les confacre. Rappeliezvous le B ref célébré du Pape Benoît X I V , que j’ai eu l’hon
neur de mettre fous vos yeux à la premiere Audience. C e
P o n tife , dont la mémoire fera à jamais chérie de l’univers
chrétien „ confulté fur l’opinion q u e l’on devoir avoir des
mariages contra&és par des Proteftans entre eux , ou avec des
Catholiques, décide que , dans un cas comme dans l’autre ,
l’union eft valide & indiffoluble! Dans le premier , fi les Par
ties reconnoiflent
leurs
erreurs &
qu’elles les abjurent ,
le changement que la grâce opere dans leurs cœurs n’en
apporte aucun à leur état : ils n’ont pas befoin , pour
afllfrer leurs liens, de les renouveller par l'intervention d'un
Prêtre , quoiqu’aucun Prêtre n’ait concouru à les former (1).
( i ) Quod altinet ad matrimonia ab Hareticis inter fe celebrata , non fer
rata forma per TriJentimini preferiptd , quccqiu in pofierùm contrahentur,
dumniodò aliud non obßiterit canonicum impedimentum , Sanclitas Sua ß a tuit pro valìdis habenda ejfe : adeòque f i contingat utrumque conjugem ad
liì
�68
Dans le fécond c a s , l’obftination dp la Partie infidelle ne. nuit
point à la validité des engagemens de l’autre. Qiûelle fe fouvienne quelle ejl liée éternellement ( i) ^dit le Saint Perë, Il
lui eft permis, recommandé m êm e, de faire tous les efforts
pour difliper l'aveuglement de cette malheureufe moitié 'id’elleniêm e,m ais non pai dëVen féparer. ,
Voilà d o n c / ' M e s s i e u r s
une Loi nouvelle, une Loi
précife' dans cette matière, qui achève de lever toute difficulté,;
Je ne réponds pas à la maniere plus qu’indécente dont on s’y*
eft pris pour l’éluder ¿page i j de l’imprimé du iieur de Bbmbelles. O n y cite une phrafe du Pape Evàrifte, qu’on dit con
temporain du diyin Fondateur d e ’ notre Religion, quoiqu'il
foit mort l’a n 10 8 de l’ere chrétienne. Cet anachronisme eft'
plus excufable que le badinage qui raccompagne : JÌ la D emoifelle Camp croît le Pape infaillible s dit le fieur dé Bombelles", Evarijle l ’etoit avant Benoît X I K . O r , la décifion du
premier eft contraire à celle du fécond , & par conféquent
elle doit prévaloir fur l’indifcrétion dùin moderne, qui n'apu 'l
de fa feule autorité , ni difpenfer les Fideles de la B énédicliort^
nuptiale qui ejl de droit divin , ni conférer pour Vimpartition ^
\
Catholicœ Ecckjitz Jlrium fe recipere, tockm quo antea conjugall vinculo ipfoç
omnino teneri , ctiarnfi mutuus confenfus coràm Parocko Catholico non rtnovetiir.
(2.) Quod vero fpecht ad ta conjugia qua abfqiit forma à Tridentina
fiatutd contrahentur à Catholicis cum Hxrcticis , ftve Catholicus vir Ilareticamfaminam in matrimonium ducatftve Catholicafxmina Ilœretico viro nubat. . .. Si hujufmodi matrimoniumfit contracium , aut in poflerùrn contraili
continuât , Tridentini forma noti fervatd , déclarai Sanclitas Sua , alio non
concurrente impedimento, validum habendum ejfe. . . . Sciens conjux Catho
licus fc ijlius matrimonio vincalo perpetuò ligatum iri.
�69
fes pouvoirs aux Miniftres Protejlans qui n'ont pas reçu Üordi
nation canonique , ni ratifier des impartitions illicites dans leur
principe.
Je ne prétends point , M e s s i e u r s , développer ici jufqu’où s’étend l’autorité d’un Souverain Pontife. Je me borne à
examiner ce que celui-ci a fait; & je vois que , quoiqu’il con
nût la décifion de fon prédéceiïeur, quoiqu’affurément celles
des Concita^ ne lui fuflent pas cachées , quoique fes lumiè
res fuffent égales à fes connoiffances & à fa droiture, ou plu
tôt parce qu’en lui les unes égaloient les autres , il a cru devoir
prononcer l’oracle que j’ai mis fous vos yeux : oracle infini«
ment précieux dans la Caufe: oracle dont nos Adverfaires 11e
réuifiront jamais à obfcurcir le fens ou à diminuer la fo rce ,
parce cju’il eft conforme aux vues d’une faine politique, parce
qu’il s’accorde avec la charité de la Religion bien entendue,
parce qu’enfin il émane d’une autorité infiniment refpe&able ,
d’un homme que la fupériorité feule de fon génie permettroit
de regarder comme un guide irréfragable, quand à íes autres
qualités il n’auroit pas joint celle de C h e f de l’Eglife.
Ici nos Adverfaires m’arrêteront encore. Q u ’im porte, di
ront-ils , une décifion qui 11e concerne que des Etats étran
gers ? Benoît X I V n’a eu en vue que les Proteftans de H o l
lande ou des Pays-Bas : &: dans ces contrées en effet ils ont
une exiftence légale ; mais il n’en eft pas de même en France.
Il .n’y a point de Proteftans dans notre patrie. Les Tribunaux
n’en connoiffent point. T o u s les François fontcenfés C ath o
liques fans exception : vous cherchez ici des Loix pour des
êtres chim ériques, dont il c il même défendu aux Juges de
regarder la réalité comme poifible.
L a première partie de cette objection,
M
essieu rs
, fe dé
�70
truit par la feule lefture du Bref. Quoique Sa Sainteté femble
en reftreindre l’application, parce qu’EUe ne répond qu a ceux
qui l’avoient confultée, cependant les termes qu’Elle emploie
font généraux. C e n’eft pas un ufage national, ni un point de
difeipline particulier qu’Elle fe propofe d’expliquer, c’eft la
dodrine de FEgliie entiere qu’Elle développe, fur un article
çffentiel pour tous fes enfans.
Quant à l’cxiftence des Proteftans, je ne m’arrêterai pas à
combattre longuement cette obje&ion indigne elle-même d’une
réfutation férieufe, quoiqu’elle foit tous les jours très-férieufement hafardée ; ce n’eft pas volontairement que. je m’arrête
fur ces matieres délicates , où l’intention la plus pure ne fauve
pas toujours des interprétations malignes, & où il eft quel
quefois plus dangereux d’indiquer la vérité, que d’appuyer
l’erreur en mille autres occafions. Je me contenterai de vous
ob'ferver que les Proteftans, par le fait & par le droit, ont
réellement dans le Royaume cette exiftence que je leur fuppofe ici.
•A l’égard du fa it, il ne peut pas être révoqué en doute ;•
nous fommes entourés de ces Citoyens utiles qui s’épuifent
pour expier, à force de fervices, les maux qu’a caufés le fanatifme de leurs peres , ou plutôt peut-être celui de leur iîecle.
Des Provinces entieres en font compofées ; mais auffi pacifi
ques déformais que leurs ancêtres ont été furieux, ils ne fe
diftinguent que par leur foumiifion.
O n peut fe méprendre quelquefois fur l’exiftence d’un par
ticulier. Il eft des cas où les Tribunaux peuvent, fans incon
vénient , la méconnoître ; mais il n’en eft pas de même de celle
d’un peuple nombreux, d’une nation entiere.
Quand il y auroit en effet une Loi qui fupprimeroit les R é
�'Ào i
7*
formés dans toute la F ra n ce, & qui défendrait aux Cours de les.,
fuppofer exiftans, s’il eft de notoriété publique- qu’ils exiftent»
qu’ils viven t, qu’ils contra&ent fous l’autorité duPrince, il s’enfuivroit évidemment que la L o ia f u b i une révocation tacite;
que le Souverain l’abroge dans le fait, & qu’il confentàfon inexé
cution dans ce cas-ci,com m e dans tant d’autres. M ais,
sieurs
M
es
, il n’y a point non plus de Règlem ent de cette nature.
Je réitéré ici à j^os Adverfaires le défi que je leur ai déjà porté fur
l’article du mariage. N on-feulem ent il n’y a pas d’Ordonnance
qui interdife aux Proteftans la faculté que la nature leur donne
de refpirer l’air de la France , d’y élever leurs enfans , d’y foutenir leurs droits civils ; m ais, vous l’avez v u , il y en a de pré*
cifes qui leur conferent ces prérogatives, & leut en affurent la
jouiflance.
V ou s vous rappeliez ce même Edit d’O & o b re 168 5, que
j’ai eu l’h o n n e u r d e vous c it e r ; cette Loi fanglante qui a terraffé
le fch ifm e & fait couler tant de p le u rs , d o n t la v ra ie Religioit
feule n’auroit peut - être pas exigé le facrifice. ^Eh bien , cet
Edit les autorife en termes précis à demeurer dans le Royaum e,
leur garantit l’exercice de leur commerce &: la jouiflance
de leurs biens. Jamais-cette parole authentiqe n’a été révo
qué!! En accablant le c u lte , on a donc toujours refpe&é les
perfonnes; ils ont donc une exiftence de fait & de droit dans
'le Royaum e. V ous pouvez d o n c,
M essieu rs
, vous d e v e z3
dans ce qui n’eft que purement civil, dans ce qui ne concerne
point la croyance ou les exercices religieux, & fur-tout dans
toutes les difeuflions qui portent fur leur état politique, leur
donner la même attention , la même b o n té , les mêmes fecours
qu aux autres Citoyens.
Il n y a point de L oi civile qui proferive leurs mariages;
�il ne peut pas y en avoir : il y en a u n e, au contraire , qui les
autorife : il y en a une qui en réglé la forme & qui en fixe l’ap
pareil; & l’E glife, loin de réprouver cet arrangement, le con
firme. Elle donne prefque la force & la validité du Sacrement v
à ces nœuds temporels que l’intervention feule du Magiftrac
laïc a formées. Les Proteftans font donc en droit d’en pro
duire les monumens. Ces traces écrites qui confiaient un con”
trat refpeftable, lors même qu’il eft dépouillé de la dignité fpirituelle qui le décore pour nous, font admiffibles dans les T ri
bunaux.
C ’cft ce qu’il falloit démontrer d’abord, afin d’éca rter,
d’une part, quelques fcrupules que laiffoient appercevoir des
perfonncs même bien intentionnées, fur le fond de cette
C au fe; afin tde juftifier en quelque forte le G ouvernem ent,
qui n’a pas penfé que la croyance
4 e la
Demoifelle Cam p fût
une raifonpour luirefufer l’accès des Tribunaux; & , d ’autre
part, afin de ne point laifler à nos Adverfaires ce prétexte, dont
ils auraient triomphé avec afFeâation,
J’ofe vous fupplier,
M essieu rs
, de vouloir bien ne point
perdre de vue les réponfes que je viens de faire d’avance à leurs
obje&ions. Il n’arrive que trop fouvent que dans des querelles
de la nature de c e lle -c i, dans des plaidoieries que la divifion
des audiences éloigne néceffairement les unes des autres, on
o u b lie , ou l’on s’efforce de faire oublier aux Juges ce qu’ils
avoient d’abord entendu. O n renouvelle, on rajufte les diffi
cultés: on feint d’ignorer quelles ont été détruites ; & la rapi
dité de la parole fécondant cet artifice, l’avantage du fond
femble en quelque forte refter à la Partie qui parle la derniere,
tandis qu’elle n’a vraiment que celui de la place : elle femble
avoir tout dit viâorieufem ent, précifément parce qu’elle a'
rien dit qui pût lui affurer la vittoire,
V ou s
�75
V ou s ne fouffrirez pas,
M
essieurs
, que cette rufe foit ici
mifeen ufage, ou du moins elle le fera fans fruit, fi 011 o fe l’em
ployer. V ous voudrez bien vous fouvenir que j’ai démontré la
réalité des droits civils des Proteflans ; que j’ai juftifié le privi
lege de leurs unions ; & qu’en perdant les prérogatives qui dé
pendent , dans un Etat p olicé, de la volonté mobile du Sou
verain , ils ont confervé du moins celles que donnent les loix
confiantes, immuables de la nature.
E x a m e n d e s t it r e s q u i p r o u v e n t le m a r ia g e .
Examinons maintenant ces titres, annoncés depuis fi longtem s, & com battus, au moins par des m enaces, avant même
que nous fuffions décidés fur l’emploi que nous en devions
faire. Il y en a deux,
M essieu rs
, comme on vous l’a dit, &:
tous deux font des aftes de célébration du même mariage; l’un
émané d’un Miniftre Proteftant, l’autre d’un Curé Catholique.
T o u s deux ont été dépofés chez des Notaires, afin de ménager
le m oyen d’en tirer .des expéditions exactes ; tous deux ont été
légalifés folemnellement par les Juges des lieux avant le dépôt :
il n’y a donc rien qui n’en garantiffe l’authenticité.
Cependant le fieur de Bombelles affirme qu’ils font faux.
Les v o ilà , s’écrie - 1 - i l , c’eft: moi qui les révélé ; & il vous
entendez vous en fervir, je fuis prêt aies attaquer par les voies
de droit. J’ai de plus un Affocié qui m’aidera dans ce com bat
difficile : c’efl le C uré dont vous avez ufurpé le nom ; il défavoue hautement fa fignature, comme je défavoue mon ma
nage. Unis par cette conformité d’intérêt, de fentim ens, for
tifiés par cette complicité m utuelle, nous vous offrirons des
athletes redoutables, dont vous ferez prudemment d’éviter
le choc.
�74
A h ! gardez pour vous ces infirmations de ménagement &
& de prudence ! C ’étoit dans votre Caufe qu’il en falloit faire
ufagé. Q uoi ! vous vous flattez par de vains propos d’éblouir
la Juftice fur des aftes écrits que vous-même lui préfentez? Ils
fubfiftent tant qu’ils ne font pas attaqués ; vous ne les attaquez
point, en difant que vous les attaquerez : jufqu a ce que vous
ayez formé votre infcription de faux, 8c qu’elle ait été admife,
jufqu a ce que vos moyens aient été jugés pertinens & valides,
ces a&es font la réglé dont les Tribunaux ne peuvent s’écarter.
C ’eft votre L o i, comme la nôtre & la leur: vos efforts, pour
les éluder, font puériles, & vos tentatives illufoires.
Mais feriez-vous recevable à la former, cette infcription de
faux? Quel en feroit l’objet? D e faire déclarer nulles ces pieces
qui vous importunent ; de les rejetter du procès, où vous les
redoutez ? Mais elles n’en faifoient point partie : c’eft vousmême qui les y avez incorporées. Si réellement vous les croyez
fauifes, pourquoi les tirer de l’obfcurité où nous les laiffions ?
Nous ne les avons jamais produites. Si dans le Mémoire à
confulter le certificat du Miniftre Proteftant a été d’abord an
noncé, d’autres vues, le refpeft pour des préjugés mal fondés, le
peu d’envie de s’embarraffer dans les difcuffions où vous nous,
avez forcés d’entrer, nous avoient décidés à les laifler à l'écart*
Si celui du Curé Catholique a été vu , comme vous le dites*
des Magiflrats & des principaux parens de la Demoifelle Carvoifin, c’étoit par l’ordre d’une autorité fupérieure ; mais dans
le procès, & même dans le Mémoire à confulter, il n’en a pas
été queftion. C ’efl: donc vo u s, & vous feul, qui en avez opéré
la repréfentation : or on n’efi: pas recevable à attaquer foi-même
des titres qu’on pouvoit fe difpenfer de produire. D ès que,
par le filence, on étoit en droit d’attendre le même avantage
que peut procurer l’attaque, celle-ci neit point tolérée par la
�75
Juilice, qui réprouve toutes les procédures inutiles. Votrô pré
tendue infcription de faux ne feroit donc pas admillible dans la
forme, quand même vous auriez la hardieffe de l’entreprendre.
Mais l’auriez-vous, cette hardieffe ? Au fond du cœur les
croyez-vous faux, ces ailes que vous inculpez avec tant de
légéreté ? Soutiendriez-vous jufquau bout une procédure férieufe, dont la fin ne pourroit être que de vous convaincre
vous-même ^’une impoilure iniigne , & d’ajouter encore, s’il
fe pou voit, à l’opprobre dont cette Caufe ne vous a déjà que
trop couvert ?
J’en appelle ici à vous-même : c’eil votre cœur que j’inter
roge : ofez nous en développer les replis : faites-nous voir qu’il
eft vuide de crainte, exempt de remords ; que le tems en a
effacé jufqu’au moindre fouvenir de cet engagement qui fait
aujourd’hui votre effroi, parce que vous avez perdu l’innocence
avec laquelle il a fait vos délices. Ah ! je ne veux ici d’autre
Juge que votre confcience. Trouvez moyen de mettre au jour,
d’une iganiere certaine, les fentimens qui l’agitent & peut-être
le déchirent en ce moment, & nos conteilations feront bientôt
décidées.
Ces a£les font faux ! Et comment le prouveriez-vous ? Eftce celui de Bordeaux que vous attaquerez d’abord? Le Curé
le dénie hautement ; il foutient qu’il ne l’a ni (igné ni délivré ;
mais ce Curé prudent qui prévoit les événemens, qui voudroit
tout à la fois vous fecourir & ne pas s’expofer, avoue pourtant
que la iignature reffemble ti fort à la tienne, qu’elle lui fait illu
sion à lui-même (i). Il n’y a donc pas là de moyen de faux. Les
Experts pourront-ils fe défendre d’une illufion qui trompe la
6 ) V o y e z la Lettre de ce C u r é , au fieur de Bombelles.
K .j
�76
Partie la plus intéreflee à s’en garantir ? D es étrangers démê
leront-ils l’impofture d’un écrit qui en impofe à celui même
dont on a co n trefait la main ?
V ou s offrez de prouver que vous n’étiez point à B ordeaux,
mais à T o u lo u fe , à lep oque indiquée par l’a&e. A h ! ne pouf
fez pas l ’imprudence jufques-là ; outre que la preuve contraire
feroit trop facile, nous en avons une déjà faite , qui vous difpenfera de cetté ignominieufe & pénible corvée. Dans l’année
même de votre m ariage, dans la premiere ivreffe de votre féli
cité , dans ces momens où vous ne refpiriez encore que pour
le bonheur & la vertu , vous avez avoué à vos amis le fecret
de votre mariage à Bordeaux : la Juftice leur a arraché cette
confidence, dont vous avez perdu la mémoire. V o s anciens
camarades ont dépofé de ces aveux échappés à votre franchife,
dans un teins ou elle ne pouvoit pas être fufpefte.
Le Jieur Paul-Elit Vialette c£Algnan , ancien Officier du Régiment de
Piémont :
D épose , qu’il a v é cu d’une étroite liaifon avec le fieur île Bom~
b e l l e s .......................................................... qu’étant revenus enfemble
l’h iver fuivant en cette v ille , ledit fieur de Bombelles dit au D é p o fant pendant leur route & en la ville de P a ris, qu'il ¿toit marié & avoir
époufé la Demoifelle Camp, à Bordeaux ou aux environs.
Mefjîre François de Btaudau , Lieutenant-Colonel d'Infanterie,
D épose , que M. de Bombelles , long-tems avant de partir de cette
ville (d e M ontauban) lui a déclaré & avo u é fon mariage avec la
D em oifelle C a m p , lui ajfurant avoir époufé à Bordeaux.
Et vous parlez de vous infcrire en faux contre l’afte de Bor
deaux !
Serez - t o u s plus heureux contre celui de Montauban ? Il
porte, dites-vous , une fignature idéale, parce qu’il fe trouve
�2
o
7
77
foufcrit Sol-Elios. Ce mot, par un rapport qui n’eft aiTurément
point fans exemple, iignifie le Soleil en Latin & en Grec ; en
conféquence vous vous écriez agréablement que cejl un nom
en l'air; qu’on ne trouvera point fur la terre l’individu auquel
il s’applique. Vous niez de l’avoir jamais connu : oferiez-vous
l’atteiier fur la foi du ferment? . . . .
Mais non , je vais vous
épargner la tentation d’un nouveau parjure. Ecoutez & rou-giiTez.
^
V o ici, M e s s i e u r s , une preuve non douteufe de Texiitence
de cet homme chimérique. Voici une lettre de ce fantôme que
le iieurde Bombelles méconnoît, & qu’il met au rang des vifions fantaffiques dont la Demoifelle Camp remplit l’Europe
pour troubler la paix de fon ménage. Le fieur Sol-Elios, après
avoir été douze ans Miniilre à Montauban , s’eft retiré à S&verdun, dans le Comté de Foix. Voici ce qu’il écrit le 6 de ce:
mois à un de fes Confreres :
O u i , cher a m i, c’eft mol qui prêtai mon miniftere à M. de Bom
belles, pour fe lier par les noeuds les plus facrés avec Madame de Bom
belles t ci-devant Mademoifelle Cam p. C ’eft donc mal-à-propos que c e
Gentilhom me fournit aujourd’hui des doutes à fon A v o cat fur mon»
exiftence , puifqu’il m’a vu y qu’il me co n n o ît, & qu’il devroit fe rap p eller du peu que je lui dis lorfque je lui départis la bénédiâion nup
tiale................................................................................................. ........
M . de Bombelles prétend que je fuis un fo u rb e, un im p o iïeu r, dont on
a emprunté le nom r ou qui l’a lui-m ême prêté pour donner quelquecouleur à l’impofture. Q u e ce Monfieur me connoît mal
M. de Bombelles prétend qu’il n’y a jamais eu à M ontauban, ou aux en
virons , de Pafteur défigné fous le nom de Sol dit E lios.............. Il n’eil
du tout point fondé fur cet a rticle , puifque j’ai d e fle rv i, en qu alité
de P a fteu r, ce pays là l’efpace de dix à douze ans ; que je fuis également
connu fous ce nom dans le Périgord tout comme ici. C et cchapatoir'fc'
�78
de fa part eft d’autant plus groiîiérement tr o u v é , qu’il eft aifé de.fe
convaincre de la vérité du fait par les Regiftres des baptêmes & des
mariages de l’un &C de l’autre endroit, tout comme par l’a tteftation( i) que
je vo u s e n v o ie , fignée d’un certain nombre de Bourgeois &. Habitans de
cette Ville , tout autant de perfonnes compétantes pour attefter que je
v i s , que j’exiftois il y a une quarantaine d’années , puifqu’elles m’ont
v u naître & que je laboure ma quarante-huitieme. Je fais qu’il n’eil
pont de plus méchans fourds que ceux qui ne veulent point entendre,
& que M . de Bombelles perfévérant toujours dans fon im pénitence,
Soutiendra que toutes ces fignatures , comme n’étant point munies du
fceau de la V ille , font des pures fictions : mais que ce M onfieur, ou
tout autre en qui je puiffe me co n fier, me fourniffe un fauf-conduit
de la C o u r , & je le co n vain crai, s’il le fa u t, de mon exiftence. Signé,
S o l dit E lxo s.
C e Pafteur eft donc un homme bien réel : le mariage qu’il
a béni a été folemnel.
»
M a is, ajoute-t-il, l’a&e n’eft pas figné des Tém oins; il ne
l’eft pas des Parties. Quand cela feroit , qu’en réfulte-t-il ?
N ’eft-ce pas l’ufage des lieux & la Loi des contra&ans qu’il
faut fuivre ? Vous-mêmes, M e s s i e u r s , pendant l’inftruftion
de cette Caufe , vous venez d’établir, par un Arrêt folemnel,
qu’il n’eft pas toujours néceflaire pour la validité d’un atte de
célébration, que les Témoins & les Parties l’aient figné; &
l’efpece étoit bien plus forte, il étoit queftion d’un mariage cé
lébré fuivant le rite Romain.
Le fieur Gobaut réclamoit la Loi qui lie les Catholiques
fur cet article : la Dame de Lepine produifoit la Coutume qui
les en difpenfe en Flandres & ailleurs. Dans cette matiere pro( i ) C ette atteftation fignée de dix-fept des principaux H abitans, a
été remife fous les y e u x de M , l’A v o cat Général.
�blématique, malgré les inconvéniens qui pouvoient réfulter de
cette opinion, vous avez prononcé en faveur de la Dame de
Lepine. Les Proteflans , attachés à l’ancienne difcipline, confervés par la révocation même de l’Edit de Nantes dans la
jouiflance des droits civils que cet Edit leur affuroit, ont confervé, comme les Catholiques des Pays-Bas& de l'Allemagne,
l’ufage immémorial parmi eux de ne pas exiger la fïgnature des
Témoins ni celle des Parties. En voici la preuve.
N o u s , fouifign és, Chapelains & Anciens de la chapelle de leurs
Hautes-Ptiiflances NoiTeigneurs les Etats-G énéraux des P rovinces
unies des P a ys-B as, auprès de fon Excellence M. Leitevenon de BerK e n ro o d e , leur AmbafTadeur à la C o u r de France , déclarons & cer
tifions q u e , fuivant l’ufage de nos églifes , nos regiftres des mariages
font uniquement lignés de nous C h ap elain , & de celui de nous qui fe
tro u v e en fo n & io n , & que ledit ufage ne demande ni même ne com
porte que les parties & les témoins lignent dans nofdits regiftresr Eu
foi de quoi nous appofons i c i , à côté de nos fignatures, le cachet de
notre Com pagnie. A Paris en C on iiiloire ce
Juin 177 2 . Signé, D u vO iS iN , C hapelain; F .G . d e l a B r o u e , Chapelain; L. S e r r u r i e r ,
Ancien ; F r é d é r ic D u v a l , Ancien (1 ).
D e ce c ô té , l’a&e de Montauban efl donc en réglé.
Mais il y a bien plus : ces témoins , dont la fïgnature n’a
pas été reqûife , parce quelle n’étoit pas nécefTaire, ont
rendu un nouvel hommage à l’authenticité de la cérémonie ,
que leur nom & leu r préfence ont légitimée. Ils ont été entendus
tous trois dans l’enquête dont je vous ai déjà tant de fois parlé;
& voici comme ils s’expriment.
Le Jitur Louis Ltcun, Négociant, âgé de 4 7 ans.
D épose , qu’étant dans une maifon, dans cette ville, vers le mois dier
Mars 1766 x il vit la cérémonie du mariage du Jicur de Bombelles avec la
0)
ligalifation de M. l’Arabaffadeur de Hollande eft jointe à ce certificat.
�I ..
8o
Demo'ifelle Camp ; fe rapellant ce fait très-particuliérem ent, que le Pafteur demanda, audit fleur de Bombelles, s’il vouloit pourf a légitime époufe,
la Demo'ifelle Camp , & quayant répondu avec beaucoup defécurité q u 'o u i,
ledit Pafleur, qui avoit déjà pris le conftntement de la Demo'ifelle Camp ,
bénit leur mariage, à la très-grande fatisfaâion de l’une & de l’autre des
Parties.
Les fleurs Jacques Brun & Jean-Pierre Moles dépofent la
même chofe.
Eft-ce un a£e de cette nature, eft-ce une piece ainiî juffifiée
que vous réufllrez à convaincre de faux ? L ’auteur fe préfente
& l’avoue; les témoins l’atteftent ; ce n’efl: plus un afte fuppofé,
ni un être imaginaire, comme vous l’avez avancé. Comment
éluderez-vous cette intervention, bien autrement férieufe, bien
autrement frappante que celle du Curé votre protefteur, quoi
qu’elle n’ait pas l’apparence judiciaire ?
Direz-vous que c’eflt une nouvelle impofture , qu’après
avoir appofé ce nom au bas d’ùn a£te , on n’a pas eu plus de
peine à le foufcrire à la fin d’une lettre ; que le Sol-Elios de
Saverdun n’efl: pas plus croyable que le Sol-Elios de Montauban ? N o n , vous ne le direz pas. La lettre porte un de ces
caraftçres de franchife & de probité, auxquels çn ne peut fe
méprendre. L ’atteftation des Habitans, qui y eft jointe, n’eft
pas fufpe&e. La Cour peut d’ailleurs ordonner à ce fujet des
informations qui l’éclai.rçiffent, M, l’Avacot Général peut en
prendre : nous fommes prêts à fubir tous les examens. Il n y
a pas de recherches qui nous inquietent. Avez-vous le même
çourage ? Montrez-vous la même fermeté }
Le Curé de Bordeaux nie qu’il ait rien infcrit fur fes regiflres
de l’afte dont il paroît avoir délivré l’extrait. Il en offre la vé
rification i
�8i
rification ; mais , qu’en réfulte-t-il ? O u qu’il les auroit fouftraits depuis que l’affaire a éclaté , ou qu’auparavant même ,
toujours précautionné , toujours attentif à fe prémunir contre
les événemens, il fe feroit difpenfé d’infcrire fur ces regiftres la
célébration dont il donnoit un certificat en bonne forme ;
qu’il auroit joint à la prévarication envers les Loix de fon Eglife,
une autre prévarication envers les Parties, en leur délivrant
une copie d’un a&e dont il n’exifteroit point d’original , &
qu’il en comniettroit aujourd’hui une troifieme , en niant la
vérité de cette copie même , écrite & (ignée de fa main.
Mais cette triple infidélité pourroit-elle nuire à la Patrie qui
eft innocente, & qui a rempli , autant qu’elle le pouvoit, les
devoirs que la Loi lui impofoit ?
C ’eft une fuppofition ! Mais fi l’on avoit pu recourir à cet
indigne artifice , (i l’on avoit eu befoin de cette fupercherie,
& que la famille de la Demoifelle Camp fe fût dégradée au
point de la mettre en ufage, pourquoi auroit-on choifi, par pré
férence , le nom d’un Curé d’une grande V ille , o ù , fi l’on vous
en cro it, la Demoifelle Camp n’a jamais été ? Pourquoi l’aller
chercher dans la Capitale de la Province , dans la Métropole ,
où réfidoit le Tribunal qui dans ce tems-là devoit connoître
du fa it, s’il avoit jamais excité quelque plainte ?
Q uoi ! en fuppofant que ce certificat de mariage dût exciter
des conteftations, c’étoit alors au Parlement de Bordeaux
qu’elles auroient été portées. Et c’eft un Pafteur de Bordeaux
dont on auroit pris le nom pour appuyer une femblable impofture ! Y avoit-il rien de plus redoutable , pour les fabricateurs de cette ufurpation clandeftine, qu’un pareil théâtre ?
Pouvoient-ils préfumer que le Curé de Saint Siméon ne feroit
L
�pas inftruit d’une querelle où fon nom auroit paru avec tant
d éclat ?
S’ils avoient eu en effet à contrefaire un titre, une fignature , à fe l’approprier fans la participation de la perfonne inté—
reffée, n ’auroient-ils pas choiii celle de quelques Pafteurs de
ces Paroiffes éloignées , de ces Villages perdus en quelque'
forte dans les landes impraticables dont le Q uercy & le'
Périgord font remplis ? Là ils auroient pu croire leur crime
enfevelir Us auroient pu fe flatter d’être à couvert de la récla
mation d’un homme qui n’auroit peut-être jamais entendu
parler d’eux , quelque bruit qu’eût pu occafionner leur affaire.Mais eft-il naturel qu’ils euffent choiii un Pafteur connu
dans une des Villes les plus commerçantes de la France î
Eft-il naturel que, pour dépofer la produftionde la fourberie *
ils euffent encore préféré le lieu où il a fon domicile , & où
par conféquent il étoit plus facile de la découvrir ?
Enfin cette piece eft légalifée du Lieutenant Général deGuyenne , Membre du Parlem ent, qui auroit été Juge de
l’Inftance dans la q u e lle elle auroit été produite , comme je'
viens de le dire,, avant la Loi qui attire devant vous, M e s
, tous les appels comme d’abus. N ’auroit-on pas re
douté les regards de ce témoin incorruptible , & fa jufte in
sie u r s
dignation , s’il avoit pu s’appercevoir qu’il eut été trompé £
Laiffonsdonc ces vains reproches, ces menaces encore plusvaines d’une infcription de faux : elle n’eft pas admifïible :
quand elle le feroit en apparence, elle ne pourroit réuûir dans>
le fond. Ces fortes de reffourccs femblent avoir été celles de
tous les. époux réfra£hires , q u i, fans être dans une pofition
auffi odieufe que celle du fieur de Bombelles, avoient le même
intérêt à fecouer des liens dont ils fe trouvoient furchargés».
�213 '
83
Il y a peü de Caufes de cette nature, où les a&es de célébra
tion n’aient été ou attaqués ou menacés, fans que la Juilice ait
même daigné s’arrêter à ces démonftrations illufoires.
Dans celle du Com te de la R iv i e r e c o n t r e la Demoifelle
de C o lig n y , au dernier fiecle > on s’élevoit contre l’aûe. L e
Com te de la Riviere avoit déclaré ne vouloir pas s’en iervir ;
la Dem oifelle qu’il réclamoit pour é p o u fé, & qui nioit lui
avoir jamais appartenu à aucun titre , é^cipoit hautement de
cette déclaration. Elle étoit appuyée des plus vives , des plus
preiTaiites foilicitations qui aient jamais été faites. Sa famille
intervenoit en fa fav eu r, & cette famille étoit com pofée de
ce qu’il y avoit de plus grand dans le R oyaum e , à com
mencer par la Maifon de Loraine : mais elle avoit écrit des
lettres où elle fe difoit mariée ; elle avôit eu un enfant qu’elle
avoit reconnu, & donné au Com te d elà Riviere. Ces circonftances prévalurent fur l’irré g u la rité de l’a fte, quel qu’il fût. L e
mariage fut confirmé.
Je ne finirais pas , fi je voulois citer toils les Arrêts rendus
dans les mêmes cfpeces. Je me bornerai à un fe u l, parce qu’il
eft célébré encore dans le Languedoc, où il a produit la même
fenfation que l'affaire de la Demoifelle Cam p produit i c i , &;
quêtant tout récent, il a l’avantage d’indiquer une Jurifprudence moderne. C ’eft celui qui a été rendu le 19 Avril 17 6 9 ,
au profit de la Dem oifelle Chabaud. Elle étoit Proteftante &:
ne s’en cachoit pas. Elle produifoit un aûe de célébration d’un
C uré Catholique argué de faux. Par une fingularité remar
quable, ce Curé, fugitif au moment où il étoit cenfé avoir (igné
l’a fte, avoit depuis été condamné aux Guleres. O n ne trouvo it ni chez l u i , ni au Greffe , de regiilre qui juilifiàt l’extrait.
Il y a plus : l’infcription de faux avoit été form ée; elle avoit
L ij
�§4
même été ' admife ; & il y a bien plus en co re, le faux étoit
prouvé. Entre autres indices, l’a&e portoit que la Bénédiôion
nuptiale avoit été impartie un Dim anche 11 Juin, O r , le i x
Juin de cette année n’étoit pas un Dim anche , mais un Jeudi.
L ’afte étoit donc faux & nul en lui-même.
M ille autres circonftances fortifioient encore cette preuve
indubitable. C ependant, après les plus mûres délibérations ,
après un renvoi de la Grand’Chambre à l’une des Enquêtes, ce
qui éèartoit d’autant toute idée de furprife & de précipita
tion , le mariage a été confirm é; & l’enfant qui en étoit pro
v e n u , déclaré légitime : tant eft grande aux yeux des T rib u
naux la faveur d’une union contra&ée fincérement, & fur-tout
d’une union féconde.
V o u s vo y ez d o n c ,
M
essieurs
, que dans aucun fens , la
menace du fieur de Bombelles & de fon Curé n’eft à crain
dre. Dans aucun cas leur infcription de faux n’eft admiiîible.
N os a& es, ou plutôt les leurs, font à couvert de cette efpece
d’attaque & par la forme & par le fond.
M a is , continuent-ils, pourquoi deux a&es ? Si le premier
eft bon , pourquoi avoir provoqué le fécond ; & s’il eft infuffifan t, qui aiTurera que celui-ci vaudra mieux? L ’un a-t-il pn
fuppléer à l’autre ? LJti Miniftre Proteftant a t-il quelque chofé
de commun avec un C ure C atholique? D ailleu rs, ajoute
ront-ils probablem ent, vous venez de citer un Arrêt du C o n fe il, qui enjoint aux Réformés de fe marier devant un Juge
L a ïc ; mais il n’y en a aucun qui les autorife à contrafter, foie
devant un de leurs Pafteurs , foit devant un des Miniftres de
nos autels. La Demoifelle C a m p , par cette duplicité d’a ô e s ,
ind iqu e, dune p art, la con viâion où clic eft elle-même de
lh ir infujBifance j & de l’au tre, par leur nature même , il eft
�2 \S
85
clair qu’elle a dérogé au règlement que vous produifez en fa
faveur.
Il
eft ju fte ,
M
essieu rs
, de répondre à ces deux objections.
L a premiere, fur-tout, eft celle que nos Adverfaires ont déve
loppée avec plus de complaiiance : c’eft celle fur laquelle ils ont
fondé les efpérances de leur triom phe, s’il eft vrai qu’en effet
ils fe foient flattés de triompher.
\
. Certainement l’Arrêt du Confeil du 15 Septembre 1685
étoit ce qui pouvoit arriver de plus heureux aux Proteftans
François. Dans l’horreur des défaftres qui les accabloient de
toutes parts, ils fe trouvoient à peu près par-là réduits à la con
dition des Catholiques en A n gleterre, en H o llan d e, par-tout
où domine la croyance des enfans dénaturés de l’Eglife R o
maine.
O n vous a plaidé qu’ils y gémifloient dans la plus cruelle
oppreiTion ; que c’étoit par repréfaillcs, que la main de nos
Souverains s’étoit appefantie fur ceux de nos compatriotes
qu’une Foi commune lie avec ces Nations commerçantes &
guerrieres. Rien n’eft plus faux affurément. Les Catholiques à
L o n d res, à Am fterdam , dans toute l’étendue des ProvincesU nies & de la Grande-Bretagne, ont des prérogatives plus ou
moins reftreintes ; mais nulle part leurs unions 11e font gênées,
L a feule marque de dépendance à laquelle ils font obligés en
vers le G ouvernem ent, c’eft de fe marier devant le M agiftrat,
comm e les Se&ateurs du culte autorifé. En afBmilant l’état des
^Proteftans François en France à celui des Catholiques étran
gers chez nos vo iiin s, on ne faifoit donc aux premiers aucun
tort réel.
Si la fin du dernier fiecle & le commencement de celui-ci
avoient etc plus paiiibles, fans doute ce règlement utile n’au^
�86
i'oît jamais reçu d’attéinte, je ne dis pas de l’autorité publi*
que, puifqu’elle l’a toujours refpe&é , mais du caprice des Par*
ticuliers qui devoient l’obferver. Mais ces deux époques ont
été troublées par dés guerres il cruelles ou par des révolutions
de finance fi fingulieres , qu’il a été difficile au Gouvernement
de porter/fans ceife un œil, attentif fur tous les objets qui mé*
ritoient fes regards.
Tandis qu’on enfanglantoit les deux mondes , pour donner
uil Maître à la Nation qui a découvert le nouveau, & que les
convulllons du fyilême agitoient Ci cruellement cet Etat au
quel on l’avoit préfenté comme un remede , TAdrainiflration
perdit de vue les Proteftans, que leur imperceptibilité même
rendoit cependant plus dignes que jamais d’eftime & de pro*
teftion,
D ’autres querelles non moins funefles
concouroient à
augmenter fes embarras. Des diviflons intérieures que ia fa*
geife des Magiftrats & la douceur du Prince ont à peine cal*
mées , abforboient encore l’attention que l’on auroit pu don*
ner à ce qui fe paifoit dans une Communion autrefois rebelle
& redoutée , & maintenant oubliée, méprifée , depuis quelle
nvoit ceiTé d’être puiffante ou fanguinaire.
O n abandonna donc à euxvmêmes les Proteftans, & le foin
de leur difcipline civile. L ’Adminiilration , contente de veiller
fur la profcription du culte, négligea de s’occuper de l’état
des perfonnos, qui pouvoit lui paroxtre aiTuré par l’Arrêt du
Confeil. Sans défendre leurs mariages, on ne fe mit pas en
peine de les approuver. Les Juges , qui dévoient en être les
témoins, les miniftres juridiques, refuferent de remplir fans
ordres ces fondions délicates. Peu inftruits des intentions dç
la C o u r , timides, aveuglés peut-être par des préjugés, ils crai
gnirent de touchera. 1 cncenfoir, en fe mêlant d’une cérémonie
�217
%1
<jui, parmi n o u s, tient au culte & au dogme. Enfin , les Proteilans, av ec le règlement à la main, ne trouvoient perfonne
qui voulût les marier. Us ne pouvoient fe préfenter devant des
Magiftrats de leur F o i, puifqu’ils n’en avoient pas ; ni devant
des Magiilrats Catholiques , puifqu’on les refuloit. Que faire
dans cet abandon, dans ce dénuement abfolu de reffources ?
Us imaginèrent, d’une part, de former leurs vœ ux, de pro
noncer leurs f^rmens en préfence de ceux de leurs Miniftres
que la tolérance de l’Adminiftration leur laifioit; & de l’autre ,
l ’efprit toujours rempli de l’Arrêt de 1685 , toujours attentifs
à rendre hommage à la Loi du pays , à la volonté du Prince,
voyant que parmi nous les Curés font de vrais Magiftratsdans ce qui regarde le mariage, fongeant que dans l’adminiftration de ce facrement,rAutorité laïque eft m êlée, incorpo^
•rée à la Puiflance fpirituelle; que ces deux pouvoirs font con
fondus & réunis à l’inflaiit de la célébration , dans l’individu
facré q ui, en ratifiant le confentemem prononcé parles Par
ties , y attache tout à la fois les grâces du Ciel & les effets civils
aux yeux de la L o i , ils s’aviferent de fe préfenter devant nos
Pafteurs, non pas pour y recevoir un facrement dont leur
incrédulité les rend malheureufement indignes, mais pour y
conilater juridiquement leur union, & en tirer un monument
capable de la faire valider. Le Miniftre continua d’être l’hom
me de leur confcience, & le Curé devint à leurs yeux celui
de la Loi.
Cette coutume, introduit? pa;r>la néceiïité, a donné lieu à
une Jurifprudence adoptée par •l*‘ fagefl'e des Cours , & tacite*
ment confacrée par le iilence du Gouvernement. Il n’y a peutttre pas d’années, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire à 1»
première Audience, où quelque Parlement du Royaume n’ait
à juger quelque Caufe de cette efpece : & jamais, M e s s ie u r s 7
�88
le certificat du Curé, ainfiproduit,n’afouffert de difficulté. Les
exemples en feraient innombrables ; mais vous les connoiifez
auffi bien que m o i, & la voix de la notoriété publique ne per
met pas même de révoquer en doute la vérité de ce fait.
M aintenant, que deviennent les obje&ions auxquelles j’ai à
répondre ? Non-feulement la Demoifelle Camp n’eft pas repréhenfible d’avoir en fa faveur deux certificats, mais c’eft
précifément çette innocente duplicité qui fait la fûreté de fa
Caufe. Si elle n’en avait qu’u n , fon droit pourrait paraître
douteux. C ’eft la réunion des deux qui le rend inconteftable.
Les Ordonnance«, qui enchaînent les Catholiques parmi nous
à l'obligation de ne fe marier que devant leur propre Curé ,
font précifes, O r , le Pafteur, qui marie les Proteftans, n’eft
pas leur propre Curé : il faut donc prouver que ce font des
Proteftans qui fe font préfentés devant lui ; & c’eft ce que fait
l’aûe de célébration du Miniftre. L ’un attefte aux Tribunaux,
que les Parties font étrangères à la Loi ; l’autre leur fournit le
voile favorable dont ils ont hefoin pour déguifer la difpenfe
néceflaire qu’ils accordent de çette Loi rigoureufe. D e tous les
mariages proteftans qui fe célebrcnt dans le Royaum e, il n’y
en a pas un qui ne foit fortifié de cette double formalité ; il n’y
en a pas un qu’on ne puiiTe juftifier par ce double titre qui cou?
cilié tous les intérêts, & aflure aux enfans le ta t, l’honneur, la
fucceffion de leurs peres.
A la vérité on ne le$ produit pas toujours tous deux. Il y
a des cas où l’on fe contente du premier : le fécond eft une
pièce fecrete, que l’on confie à la difcrétion du Miniftere pu
blic & à la fageiTe des Juges. Il eft rare que ces fortes de ma
riages éprouvent une attaque auffi violente, auffi finguliere
�89
ên tout f*ens que celle dont nous nous plaignons, & que les
deux titres foient expofés à une difcuffion pareille à celle à
laquelle nous avons été contraints de nous livrer. Cela n’eft
cependant pas,
M
essieu rs
,
fans exemple.
A in fi, dans cette mémorable affaire dont j’ai déjà eu Thon«
neur de vous parler, dans celle delà Dem oifelle C h a b a u d ,o n
produifoit également deux titres, deux certificats. Celui du
Miniftre étoit^figné d’un fleur Paul R a b o t, Pafteur à Nifmes ;
celui du Curé portoit le nom d’un fîeur C a n o n g e, Deffervant
de IaParoifTe de Maffanne dans le voifinage d * cette Ville. C e
lui-ci, comme je vous l’ai obfervé, étoit violemment inculpé de
faux ; la main qui l’avoit fouferit, & la piece m êm e, étoient
■également fufpeftes : l’autre emporta la balance. Les Juges,
■en voyant la preuve d’un confentem entréel, n’héfiterent point
-à confirmer le mariage.
• M a is , dira-t-on, c’eft donc un facrilege. Si cette licence eft
to lé ré e , l’adminiftration d’un de nos facremens ne fera plus
qu’un jeu ; & ce jeu affligeant pour l’E glife, cette profanation
criminelle n’aura bientôt plus de bornes.
-
Je crois d’abord,
M
essieu rs
,
que cette décifion eft un peu
rigoureufe. O bfervez , je vous fupplie, ce que j’ai déjà eu
l’honneur de vous dire. D es deux minifteres que le Curé rem
plit à l’égard des Catholiques , il n’en exerce qu’un envers les
Proteftans. C e n’eft pas un facrcment qu’il leur proftitue; c’eft
lin certificat pur & fimple qu’il leur délivre. Il n’eft pas pour
eux le miniftre des Autels & le canal de la grâce. Il 11e fait que
les fonftions d’un Magiftrat ; il eft témoin de leur union ; il
rend compte de la déclaration qu’ils lui en ont faite. Iln e paroît
pas que la piété la plus févere puifl’e s’alarmer au moins des
M
�90.
fuites de cette complaifance qui retient des Citoyens dans
l’E ta t, 6c légitime des engagemens que le refus rendroit en
core plus fcandaleux que ne peut l’être la conceifion.
E nfuite, je n’entends pas juftifier les Minières Catholiques-,
qui fe prêtent à des importunités innocentes au moins de la
part de cetix qui les follicitent, quelque jugement que l’on en
porte à l’égard de ceux qui les écoutent. L ’idée qu’on en doit
avoir, dépend peut-être de leurs motifs. Si la feule ardeur de
contribuer au bien de la Patrie les enflam m e, s’ils ne font di
rigés que par
151fenfibilité pour
des êtres malheureux que leur
fécours arrache à l’opprobre, & dont leur indulgence fixe l’état
& le f o r t , il cû plus difficile de les condamner.
S i , au contraire , c’eft un vil intérêt qui les anime ; s’ils met
tent à prix d’argent leur facilité ; fi, à la premiere faute de
paroître ouvrir les portes de leur Eglife à des enfans déshéri
tés, qui en font exclus, ils joignent celle d’en vendre l’ou
verture , ils/ont criminels & puniflables fans doute; mais alors
c’eil leur nfiotif, & non pas leur a&ion, quieft malhonnête. La
mefure du délit eft celle de l’avarice qui L’a infpiré.
Peut-être même la connoiffancc de ce délit eft-ellc matière.à N
la cenfurc des Supérieurs Eccléfiaftiques, plutôt qu’aux recher
ches des Tribunaux féculiers. D u moins , quand ces Mimllrcs
prévaricateurs, comme il eit arrivé quelquefois, ont étépourfuivis par les Officiers R o yau x, ce n a ete ni pour avoir attefté
une célébration laïque s s’il eft permis de parler ainfi, ni même
pour avoir mis un prix à cette extenfion de leurs fon&ions-;
mais, ou ils avoient eu l’infidélité de ne pas inferire fur les regifHes l’original de l’a&e dont ils délivroient des copies , ou ils
avoient fouilrait ces archives précieufes pour ôter aux Parties
intéreifées la faculté d’y recourir. C ’eft cette duplicité vile (k
baife, que les Tribunaux ont cru devoir punir de la peine des
�\
. ................■;$'
.
galeres dans le Curé de M afiane, que j’ai deja eu
1honneur
de vous citer.
A cet égard, c’eft à celui de Bordeaux à fonder fa confcience
.& fa mémoire : c’eft à lui, qui offre fi fièrement la vérification
de fes regiftres, à examiner fi en effet il a fupprimé la feuille
qui contenoit l’afte dont il s’efforce de décréditer l’extrait, ou
fi, par une malverfation encore plus criminelle en quelque
forte , il n’affij^ne que le mariage du fieur de Bombelles ne s’y
trouve pas configné , que parce qu’en effet il ne l’y a jamais infcrit. C ’eft à M. l’A vocat Général à fe procurer, à cet égard,
les éciairciiTemens, & à prendre les conclufions que fa fageiTe
lui di&era.
Mais quelle que foit la perverfité du P afteur, il eft impoflible que les Parties , qui fe font livrées à fa f o i , en fouffrent.
L ’aûe eft valide, quoiqu’émané d’une main coupable. T o u t ce
que la Juftice exige , c’eft qu’on lui préfente une preuve de ce
confentem ent, qui conftitue l’effence du mariage. C ’eft qu’elle
ne puiffe douter de l’intention qu’ont eue les Parties, de s’u
nir , & de la démarche qu’elles ont faite pour effe&uer cette
union.
O r ici cette preuve eft complètte : le contrat civil a été
formé de la maniéré la plus authentique. V ous y trouverez ,
comme dans l’affaire du Com te de la Riviere , des reconnoiffances fans nombre de la part d’un des conjoints, & un enfant.
V ous y trouverez , comme dans celle de la Demoifelle Chab a u d , deux certificats qui fervent d’appui , de juftification
l’un à l’autre. S’il y a également un Curé pervers , dont les re
giftres foient reftés imparfaits dès le tems par une prévoyance
infidieufe, ou aient été mutilés depuis par une infidélité en
core plus repréhenfible, cette parité n’eft à craindre que pour
M ij
�9*
le Minière prévaricateur. L ’extrait qu’il a*délivré eil bon , a u
tant qu’il peut l’être : il attefte, il certifie le fait qu’il étoit im
portant ici d’établir, celui d’une union conjugale entre les per..fonnes qui y font nommees.
1
U
4,
Et c’eil cependant,
M essieu rs
%
, cette liaifon confirméer
jnfiifiée d’ailleurs par tant d’autres preuves, légitimée par la
poffeifion la plus folemnelle, que l'on s’efforce de dégrader ici;,
c’eft ce mariage contrafté fur la foi de l’honneur , ratifié par
toutes les efpeces de titres qu’il étoit poifible d’y donner
pour fupport., qu’on fe propofe de réduire à un honteux con
cubinage.
C é d e z, s?écrie le fieur de Bombelles à fa véritable époufe,
cédez fuivant mon caprice votre rang 8c vos titres : vous étiez,
vertueufe , & je vous ai réduite ; vous jouiifiez d e‘toute la :
gloire atachée à la pureté de votre fexe , & je vous l’ai ravie.
J’ai eu jecours, pour vaincre votre réfiftance, aux artifices le$
plus recherchés, aux combinaifo-ns les plus hardies. Sermens,
devoirs , honneur , religion, j’ai tout employé pour parvenir
à vous pofféder : mais vos droits s’évanouiffent au moment
où j’ai lahardieffe de m’accufer moùmême de libertinage. Vous
n’êtes plus mon époufe ; vous ferez la complice & la viftime
de ma foiblefie. J’ai facrifié votre jeuneffe & vos charmes à mes
defirs. Je veux vous facrifier une fécondé fois à mon inconftance 8c au reffentiment de la Dame Hennet. Cette ennemie
implacable veut fe vanger de vous , 8c je ferai de moitié dans
fes projets, j arce que mes affaires font ruinées &: mon cœur
volage , parce que j’ai des dettes & q u e je n’ai plus d’am our,
parce que vous ne m’offrez que de la beauté & des vertus, 8c
que je n’ai plus de tendreffe ni de reffources.
Et toi j être malheureux, qui m’appellois ton pere tpi dont
�'ÀZ2?
la naiflance me càufa un plaifir ii v if, quand mon ame encore
honnête ne connoiffoit ni les befoins , ni'les remords ; toi qui
•m’as {urpris ici même des carefles dont je croyois la Source
tarie dans mon cœ u r, toi qui m’as fait Sentir encore une Sois
combien il Seroit doux d’être vertueux, renonces à TeSpérance
de me jamais fléchir. Je t’ai donné le jour , mais c’eft pour te le
•rendre odieux. T u as reçu la vie Sur la foi de l’engagement le'
‘plus facré, m^is ce n’eft que pour te dévouer à la honte &
confommer ton opprobre. Fuis : Sois anéantie comme je vou
drais l’être.-Les noms de pere, d’époux,m e font en horreur.Cruels objets dont le-Seul afpe£Vme tue , c ’eft vous qui m’avez
perdu , je vous perdrai à mon tour. Abandonné de mes amis,
méprifé de mes parens, proScrit par la Société entiere, je n’ai
plus que l’affreufe couSolation de vous faire partager mes in-fortunes.
T e l eft , M e s s i e u r s - , le terrible tableau que le fleur de?
Bombelles a préfenté lui-même à cette Audience. T el eft l e
fens des déclamations dont il a rempli ce Tribunal. Vous prête
rez-vous à ce trânfport inSenSé? La Juftice s’avilira-t-elie au
point de devenir l’inftrument de fa fureur , & condamnerezvous à- une flétriiTure éternelle deux êtres innocens , dont'
tout le crime eft d’avoir des droits trop certains à Son amour ?
Et par qui leur Sont-ils diSputés , ces droits-? Quelle eft leur
rivale en.ee moment remarquable? Quelle eft la perTécutrice
•ardente qui les pourSuit à grands cris ,<cn faifant retentir lesnoms odieux de bâtardiSe & de concubinage ? Faut-il le dire !
c’eft:une'fille imprudente, qui cédant au defir effréné d’avoir
•un mari , a foulé’ aux pieds , pour fe l’aiTurer, l'honnêteté
¡publique, les mœurs , le s L o ix , Sa- propre conSdence ; une
.¿Ule fans dolieatefie , qui s’eft ailez peu refpe&ée elle-même
$pOUr»accepter-une main qu-elle - Savoip être-déjà donnée ; une
�-94
fille fans fcrupule , qui a confenti a devenir heureufe par uti
crime ; une fille fans pudeur , q ui , dans le moment. même où.
ion prétendu mariage eft attaqué , que dis-je , attaqué , dérmontré n u l , ne rougit point d i l’avouer, d’en faire ufage ,
de vivre publiquement avec l’époux que la Juilice s’apprête à
arracher d’entre fes bras ; une fille,indifcr.ete enfin , qui ayant
été jufqu’ici traitée par nous avec des ménagemens fans exem
ple , ne les a ¿reconnus, que par des calomnies-atroces , &
un emportement fans bornes ! Et voilà celle qui invoque ici
la fainteté des Loix qu’elle a violées, contre uns femme refpeftable qui les a toutes obfervées ; contre une enfant qui n’a
pu les enfreindre , puifqu’elle ne les connoît pas!^
, ' Et quels font fes titres ? Eft-ce Timpofture de cet a£te dç
célébration furpris fur un faux expofé , où elle prête à ce mari, *
qu’elle trembloit de laiiTer échapper , un domicile qu’il n’g.
jamais eu ni pu avoir? Eft-ce l’audace qui lui a tout fait méprifer , pour fatisfaire une paifion que la raifon feule auroit dû
.combattre, & que les çirconftances rendoient coupable? Eft,ce la précipitation avec laquelle, fans atten’djre la proclama
tion des bans , fans daigner approfondir des avis trop multi
pliés & trop certains , elle s’eft hâtée de former un lien dont
elle ne pouvoit tirer que le frivole avantage d’impofer filencç
pour un inftant à fes remords, & de confommer, fous un voile
honnête, le facrifice honteux quelle méditoif de fa pudeur ? .Et c’eft vous qui prétendez rejetter fur nous l’ignominie dup
à un commerce impur ! Je fuppofe pour un inftant qu’il fui
poifible à ces Juges qui nous écoutent, d’héiîter entre vous &
nous ; .je fuppofe qu’ontrouvât de part.& d’autre la même préci
pitation , la même légèreté à s’engager, le même abus dans les
préliminaires ainfi que dans les fuites de l’engagement, l’égalité
Blême de ce prétendu defojrdrç produiroit-elle.entre nous'im e
�%2i
égalité de ' droits ? Cette enfant qui réclame un état que la
Juftice lui d o it, ne fera-t-elle comptée pour rien dans fa ba
lance ?
V ou s
la
voyez,
M
essieurs
, cette enfant déplorable, dont
la bouche ne peut encore exprimer de vœ u x , & dont la fituation n’en eft que plus touchante. Les larmes de fa mere ont
_été fon premier aliment : la honte de fon pere a flétri fes pre-,
miers regards ; faudra-t-il qu’à Imitant où elle commencera à
fe con n oître, dans ces momens où le cœ ur eSî plus fcnfible
en raifon de fon inexpérience, elle ne trouve autour d’elle
que des traces du défefpoir de l’une , & du crime de l’autre ?
La considération des enfans eft toujours ce qui vous a déter
minés dans des C au fes de la nature de celle-ci
on vous a vus'
pluiïeurs fois donner les effets civils à des mariages dont vous
biffiez la validité douteufe. Ainii le 12 Mai 1633 , par A rrêt
rapporté au Journal des A u d ien ces, fur les conclusions de
M . l’A vocat Général Bignon , fans vous e x p liq u e r fur la na
ture d’un mariage évidemment n u l v o u s avez cru devoir
déclarer les enfans légitimes* AinSi le 25 Mars 1709 , fur les.
conclusions de M . l’A vocat Général le Nain , vous avez pro
noncé de même dans un cas encore plus défavorable : il s’agiffoit d’une alliance contra£ïée par un homme condamné à
mort ; il n’avoit point purgé fa contumace ; il s’étoit marié
dans les cinq ans ; fa femme ignoroit fa condamnation ; fes
enfans fe diieient légitimes : vous les avez jugés tels, & le P u
blic éclairé a applaudi à votre décision.
Pouvez-vous craindre qu’il en foit autrement ici , Si vous
montrez en notre faveur une indulgence q u i , d’après to u t ce
qui précédé, ne fera réellement qu’une juftice? A h ! croyez-en
ce co n co u rs, ces acclamations qui ne partent ni d’une vaine
curioiite , ni d’un tranfport frivole dont nous rougirions d’être
�96
les objets. N o n ,
M essieu rs
, cet intérêt général dont le
Public honore la Caufe de la Dem oifeile Cam p & de fa fille,
a pour principe l’amour de l’honneur & de l’équité ; & cet
accord unanime, j’ofe le dire , eft une époque glorieufe pour
la Nation.
Dans la dépravation commune des m œ urs, l’innocence &
la vertu ont donc encore des .partifans; cette ardeur généreufe
qui a toujours fignalé les François, s’eft réveillée au bruit
d’un crime nouveau qui fembloit fouiller leur gloire. Si cette
ardeur eft devenue plus vive à l’afpect des perfonnes intéreffée s , fi les charmes attendriffans de la mere, fi les grâces
n aiffantes de l’enfant ont donné lieu à leurs protecteurs, c’eftà-dire à toute la France , de fe réjouir de -voir leur affection
,fi bien placée, fera-ce à vos yeux une raifon pour être en
garde contre un penchant que tant de vertu juftifie ? C e
triomphe journalier fera-t-il flétri par votre Arrêt ? Et vou
driez-vous qu’on dît un jou r, la Nation entiere follicitoit pour
elles , & le premier Tribunal de la Nation les a condamnées ?
Non , M e s s i e u r s , vous ne réfifterez point à ce concert
univerfel qui vous preffe au nom de l’honneur & de l’intérêt
commun de la Patrie. Il y a eu un premier mariage , ce fait
n’eft point douteux ; le fécond mariage eft nul, ce point eft
encore démontré, & vous voyez qu’on n’a pas même effayé
de combattre les preuves que j’en ai données. C ’eft donc au
premier mariage qu’il faut revenir , c’eft le feul qu’il vous foit
permis de confacrer.
Monfieur D E V A U C R E S S O N , Avocat Général.
Me L IN G U E T ,
...................*""
Avocat.
............................
D e L'Impr. de L. C E L L O T , rue Dauphine. 1772..
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Bombelles, Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Linguet
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
Protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
rapt de séduction
défaut d'actes de mariage
faux
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour demoiselle Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, procédant sous l'autorité d'Antoine Maugis, son tuteur ad hoc. Contre Charles-Frédéric Vicomte de Bombelles, et demoiselle Marie-Françoise de Carvoisin. En présence de demoiselle Marthe Camp, Vicomtesse de Bombelles.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
96 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0804
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53053/BCU_Factums_G0804.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
défaut d'actes de mariage
diffusion du factum
Faux
opinion publique
Protestants
Rapt de séduction
suspicion de bigamie
témoins
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53212/BCU_Factums_G1323.pdf
8707c5f164de2b1a27ca32a95834540d
PDF Text
Text
7
$ 0 2»
Cham alières, co
6 $ î* à lA IU~ a i l
*A
4
L e citoyen N O Y E R - D U B O U Y T ,
Maire
de la commune de Chamalières , arrondisse
ment communal de Clermont-Ferrand, dépar
tement du P u y-d e-D ôm e ,
A fo n e x c e lle n c e le G r a n d J u g e
M in is t r e d e la J u s t ic e .
E n
vertu de l’art. L X X X II du Sénatus-Consulte organique de la Cons
titution , vous avez le droit de surveiller et de reprendre les Tribunaux
do la République , et les membres qui la composent.
L e 1 .er n ivose an X , j’adressai à votre E xcellence une juste plainte
contre les membres et le greffier du Tribunal de première instance de
l’arrondissement communal de C lerm ont-Ferrand , département du P uyd e-D ome.
L e sujet de ma plainte é tait le refus que faisait les juges de prononcer
sur une cause pendante devant eux qui avait été mise en délibéré , la loi
du 3 brumaire an I I ,
art. X , voulant que la prononciation fut faite au
plus tard dans le mois. L e relus que faisait le greffier de m’expédier les
jugem ens rendu s, de ce que les jugemens prononcés n’étaient ni sign és,
i
�I ..
( 2)
ni parafas par celui qui p résid a it, immédiatement après l ’audience, ou
au plus tard dans le jo u r , ainsi que le prescrit l ’art. V du titre X X V I de
l’ordonnance de 1667 auquel il n’a jamais été dérogé. Je me plaignais
encore de ce que de 3 jugemens rendus et prononcés après plaidoiries con
tradictoires ne se trouvent plus au greffe; enfin de ce que les juges ee
faisaient tour-à-tour un jeu de se recuser sans motifs légitim es ou connus,
de sorte que par le fa it, la justice m ’était déniée arbitrairement.
Votre E xcellca ce m e fit l ’honnêcnr de tu jon dre aux demandes que je
lui faisais, par lettre du 29 nivose an X I , émanée de ses b ureaux, divi
sion c iv ile , n.8 5270 , B. 5 , en marge de laquelle il y a , le pétitionnaire
peut se pourvoir en déni de ju s tic e ou en pi ise à partie.
Jvcj (ytaiiè
uÿzj } Cïï l i m t h u
utiiccj ,
Au citoyen N O Y E R - D U B O U Y T , à C ham alières, département du
Puy-de-D ôm e.
Lorsqu'un Tribunal se refuse , sans m otifs lég itim es, il rendre ju s tice
î) un citoy en , celui-ci peut se pourvoir en déni de ju s tic e , ou prendre à
partie séparément ceux des ju g e s qui méconnaissent leurs devoirs ; le titre
X X V de f ordonnance de 16 6 7 , aujourd'hui en v igu eur, a prévu le cas ,
et vous pouvez l’invoqner ; l'art.
LXV
de la Constitution de l’an V III
a statué postérieurement, que dans le cas de prise à partie contre un
Tribunal entier , on se pourvoirait devant le Tribunal de cassation :
voilà le m ode, vous pouvez en fa ir e
u sa g e. Signé R h G ïs IE R .
Je pensai 11e devoir point faire usage du modo indique par votre E xcel
le n ce , croyant que les jugés et le greffier se feraient un d ev o ir, tardif à
la vérité, de remplir la tAclie q u e le Gouvernement leur avait imposée
par le choix qu’ il
fait d’e u x , c’est-à-dire qu’ils abandonneraient l’ar
bitraire , pour prononcer un jugement sans passion, et d’après les règles de la
Içi. Je fus trompé dans mon attente ; ils prononcèrent deux jugemens
contre lesquels j’ai été obligé du me pourvoir par a p p e l, où l’on voit
encore plutôt le jeu de la passion que l'im partialité ; niais enfin ils
juf;èient.
D ep u is
cette époque , ils 01U renouvelé leurs premiers actes arbitrai
re», ils refusent encore de me juger; le même jeu de récusation est encore
mis <n pratique, et la justice 111’eSt absolument déniée publiquement et
�% oS
(ÿ)
srandalenscment. I.n Com m issaire du Gouvernement s’est joint à e u x , il
m’a refusé sou ministère pour faire le» réquisitions légales. Il a plus fait ,
il a publiquement délibéré avec les juges à l ’audience; l’on a prononcé
un jugement par lequel 011 refusait de faire droit à mes demandes de pro
noncer, on n’a voulu ni laisser mettre le jugement sur le registre ou cahier
(l’audience , ni le situer , ni m’en laisser délivrer une expédition , sous
le prétexte émis par le Commissaire du G ouvernem ent, que le jugement
que je réclamais et qui avait été prononcé ne portoit point profit.
L a cause à juger était simple et non compliquée.
Je suis en instance contre le conservateur des hypothèques de l ’arron
dissement de Clerm ont q u i, par un abus inconcevable de ses fonctions et
contre la disposition textuelle de l’art. X X V de la loi du 1 1 brumaire au
V I I , s’est permis de refuser de rayer une inscription. Comme je viens de
l ’én on cer, cette cause était simple et facile à juger; néanmoins, les juges
ordonnèrent après plaidoirie contradictoire, après avoir entendu le Com
missaire du G ouvernem ent, que le*, pièces seraient déposées sur le bureau
sur-le-cham p pour eu être délibéré , et que le jugement serait prononcé
le mardi 4 vendémiaire, présente année: l’aifaire étant extrêmement urgente,
devait être jugée en vacation , ainsi que cela avait été ordonnée par le
Tribunal.
L e 4 vendémiaire , les juges refusèrent de prononcer ; et depuis cette
époque, quelques respectueuses sollicitations que j’aie faites à chaque
audience , j’ai toujours éprouvé des refus avec la même obstination.
Je me suis décidé à mettre en pratique les voies légales du déni de jus*
tice que votre Excellence m’avait indiquées par sa lettre l ’année dernière.
L e litre X X V de l’ordonnance de 1G67 me traçait la conduite que j’avais
à tenir , art II et III. J’ai rédigé , écrit et signé de ma main l ’original et
la copie de la première sommation ; je l’ai piésenlée u’abord aux huis
siers audianci<?r3 qui font le service du Tribunal ; l’un s’y est refusé sou9
prétexte d’affaires ; l’autre prit l’original et la copie , et après les avoir
gardé trois jours , me les a fait remettre par son épouse; je me suis pré
senté chez, quelques autres ,
tous m’ont refusé les uns par rapport aux
autres; et se renvoyant l’un à l’autre , aucuns n’osant déplaire aux juges,
par la crainte de perdre
leur emploi ou de mourir de faim faute d’être
occupés , car ce sont leurs propres expressions.
Je crus qu’il était de inou devoir de demander aux juges une injonc-
l a
�(4 )
tio n , ils s’y sont refusé sans vouloir donner ni dire le m otif d u ’refus \
je me suis ensuite adressé aux suppléans, même crainte , même refus.
Je voulais me pourvoir au Tribunal de cassation, comme le veut l’art.
L X V de la Constitution ; mais la forme de se pourvoir est réglée par la
lo i du 3 brumaire an 4 ; la requête à présenter au tribunal de cassation
doit être signifiée un mois avant au Tribunal contre lequel on se pourvoit ;
même refus de la part des huissiers, même o b sta cle, même difficulté.
C et état de chose , citoyen Ministre , ne’ peut exister plus lon g-tem p s,
l’abus est trop grand , trop dangereux ; je suis assuré que lorsque le m al
vous sera co n n u , les remedes seront appliquas. Un arrondissement de
149,000 justiciables dans un pays le plus fertile de la République ne res
tera pas dans un état d’anarchie , quand dans toute la R épublique ou
obéit aux lois et aux arrêtés (du Gouvernement
le
plus sage et le plus
fort du monde.
S i, pour connaître la profondeur du mal dont je ressens si cruellem ent
les effets , la voie des renseignemens^est prise , la vérité ne pourra per
cer jusqu’à v o u s, parce que tous les hommes peuvent avoir des procès ,
être propriétaires , et craindre l ’effet de la vengeance sur leurs intérêts ,
par conséquent intéressés à se taire et à cacher la vérité ou l’empêclier
d’aller jusqu’à vous. Mais comme j’avais eu l’honneur de vous le marquer
l'année dernière , vous avez la police de la République dans vos attribu
tions , vos agens secrets peuvent recueillir les faits , ils peuvent vous
éclairer sur la cap acité, l ’intégrité et la régularité de la conduite des
fonctionnaires publics de l ’ordre judiciaire , des abus et vexations com
mises , enfin
de tous le 3 m aux et désordres que souffre cette partie du
département ^Arrondissem ent do Clermont-Forrand.
Quant à mes réclam ations, dans le moment présent ne pouvant faire
faire la première sommation prescrite par l'ordonnance de 1G67 , titre
X X V , ne pouvant, par la même cause , régulariser mon pourvois auprès
du Tribunal de cassation , j’ai imaginé de déposer , cacheté } copie de lu
sommation chez un notaire, sans lui dire que c’était un acte qui co n cer
nait le Tribunal : car la même terreur dont ont été saisi les huissiers ,
se serait inoculée chez les notaires , et ils auraient refusé de recevoir le
d ép û t, attendu que le o.en Tâché , l’un des suppléait» rt n otaire, m’a
rrlubé sous les deux rapports.
Je fais passer à votre E x c e lle n te , au bas de la présente p é titio n , la
�S 07
( S ) ,
copie de la sommation non posée, ainsi que la copie de l ’acte de dépôt
chez un notaire.
Je me jette dans les bras de la ju stice , c’est dans les vôtres ; je ne de
mande pas à être la cause de la punition de si forts abus , ils peuvent ,
en se perpétuant, anéantir le droit de propriété , et p eu t-être, en se
multipliant trop , renverser l ’édifice des lois de l’é ta t, et ensuite détruire
la République. Depuis onze ans que je suis fonctionnaire p ub lic, je puis
assurer son Excellence q u e , dans les temps les plus orageux, les agens
de la République n’ont point et n’auraient point osé
tenir line pareille
conduite. Comment peuvent-ils se le permettre aujourd’h u i , que vous
êtes le chef de l’ordre judiciaire , que la police
de l’État est dans vos
m ains, et que Bonaparte, le m agn an im e , est le ch ef suprême de l’Htat ?
Je pense que pour prévenir dans la suite de pareils abus de pouvoirs
et les dénis de justice , et rassurer les citoyens sur le droit que le Gou
vernement leur maintient relativem ent à leurs propriétés et à l’adminis
tration de l^ iu stiaT v^ eft
v o ie n t être choisis parmi les citoyens
qui paient le plus u impositions foncières ; que par conséquent ils auraient
plus d’intérêt à e^ qu?" ju stice‘• b it
avec intégrité et gloire. Q u e ,
comme le d it le célèbre chancelier D a g u essea u , les ju g e s ne doivent
point être pris parmi les praticiens , mais dans la classe des hommes
qui ont fa it une étude approfondie des lois rom a h es et fr a n ç a ise s, et
qui par éta t n’ont point é té livrés à l’habitude de la controverse ; que
c’est dans la classe des citoyens lettrés et doués d*une moralité et d’une
in tégrité remarquée , mais spécialement exempts du soupçon de l ’impar
tia lité et doués de l’ amour de la vérité.
J’ai encore une idée que je soumets à vos lumières et à votre expé
rience , c’est que le Gouvernement pourrait nommer des inspecteurs qui
périodiquement feraient des tournées dans l’intérieur de la IU publique,
surveilleraient l’exécution des lois sur l’ordre judiciaire ainsi que l’exercice
d es mêmes lois par les fonctionnaires publics. Ces in sp ecteu rs seraient pri9
dans les hauts rangs de la m agistrature, mi'nie p arm i les conseillers
d’Iitat ; alors aucun abus n'échapperait sans être répiimé sur-le-champ ,
aucun magistrat ne pourrait prévariquer, les propriétés et les personne*
seraient respectées ; la magistrature judiciaire , cette grande colonne de
lT '.n t , serait eu Équilibre et soutiendrait iiA a ria b lein en t l’édifice de la
République.
•2
�(6)
Que votre Excellence me pardonne mes observations et mes importunités. L a seule grace que je vous supplie de m’accorder, c’est de jeter un
regard favorable sur les objets de ma plainte ; d’ordonner dans votre
éagesse que les huissiers du Tribunal seront tenus de faire les somma
tions nécessaires et voulues par la l o i , les juges tenus de prononcer
d ’après le 3 règles et l'intégrité de leurs devoirs.
J’ai pris la voie de l ’impression-, je ferai parv enir à chaque juge un exem
plaire de ma plainte au Tribuual d’appel et à son commissaire , et un au
commissaire du Gouvernement près le Tribunal de cassation, un au conseil
d’É tat,section de législation, et au Préfet du département. Trop h eu reu x,
î i en implorant et réclamant l’administration de la ju stice , je puis êtte
la cause de la cessation de quelques abus nuisibles à mon pays.
Je supplie votre Excellence d’agréer les sentimens du pins profond
respect et de la plus haute considération;
/ a u jo u r d ’ hui
an douze de la Répu
blique française, à la requête du citoyen Jean-Joseph-M arie Noyer-Dub o u yt, Maire de la commune de Cham alière8, Suppléant du J u g e de paix
du canton du Nord de la commune de Clerm ont-Ferrand, habitant la com
mune de Chamalières , lequel fait élection de dom icile en sa m aison, et
déclare quo lo citoyen Hugues Imbert continuera d’occuper pour l u i , jo
soussigné, me suis transporté au dom icile du citoyen Fauverteix, greffier
du Tribunal de premiere instance de l'arrondissement communal de Cler
mont Ferrand, en parlant
je lui ai dit et
rem ontré, et c e , ta n t pour lui que pour les Juges du Tribunal auquel je
lu somme «le remettre la présente, (pie le citoyen Noyer-Dubouyt m’a reqnB de faire la présente som m ation, aux peines portées par la lo i; que
�( m7 )
pour preuve de sa volon té, l ’original et la copie étaient écrits et signés
par lui.
F
A
I
T
S
.
Il existait contre le requérant au bureau de la conservation des hypo
thèques de l'arrondissement communal de Clermont-Ferrand, départe
ment du P uy-d e-D ôm e, une inscription au profit de Marguerite-Magdelaiue B ru a , son épouse, sous le n.° 24 du 8.e volume de l’exercice du ci
toyen G oyon ; elle était annoncée faite en vertu d’ un contrat de mariage
reçu Espiuasse, notaire à Clerm ont-Ferrand, sous la date du 21 novem
bre 179 0 , pour sûreté d’une prétendue créance non déterminée.
Cette
inscription était nulle , parce que d’après l’article 21 de la loi du 11 bru
m aire, paragraphe 3 , aucun bordereau d’inscription ne doit être enregis
tré , sans an n on cer la nature du droit qu'il s'a g it de conserver, et ¡’épo
que ou il a pris naissance , elle était toujours opposée au requérant par
ses.débiteurs. Enfin toute sa fortune, très-médiocre, a été totalement sé
questrée par le fait, et il est entièrement dépouillé : le Tribunal a une
connaissance positive do ce fa it, puisque c’est devant lui et en vertu de
sesjugem ens dont un est par appel pendant au Tribunal d’appel de Riom.
Le
re q u é ra n t,
pour ôter tout prétexte de refus et d’opposition
à
ses
débiteurs, a demandé à la dame Marguerite Brun la main levée et le con
sentement de radiation de cette inscription ; 11e lui étant rien dû, elle a
donné la main levée m otivée, p a ra d e reçu D utheil et son confrère, no
taires à Clerm ont-Ferrand, le 6 fructidor an 10 , duement autorisée par
son mari. Sou m otif est que tous scs biens sont en im m eubles, qu’elle n’a
eu et n’a aucune créance à répéter contre son m ari, par conséquent point
de gage ni hypothèque qui puissent grever ses biens; et que bien loin
d’être créancière, elle était débitrice du requérant comme héritier de G uil
laume B ru n , son père.
L ’article X X V de la loi du 11 brumaire an 7 ordonne que pour faire
radier uue inscription, il faut déposer au bureau île la conservation des
hypothèques l’acte authentique portant main levée et consentement de ra
diation de l’inscription. Cet article de la loi est impératif et non faculta
tif; le Goinernem ent n’y a point donné ni explication ni interprétation ,
aucun auteur ni commentateur n’eu ont changé ni l’esprit ni la lettre, les
expressions de la loi sont sans équivoque.
2 2
�(
8
)
L e requérant porteur de l’expédition de l’acte authentique de radiation
et de main levée d’iuscfiption, la déposa au bureau de la conservation ,
la remit dans la main du citoyen G o yo n , lu i-m êm e, pour la déposer au
rang de ses m inutes, pour opérer la radiation et délivrer un certificat con
forme à la loi ; le citoyen G oyon méconnaît la l o i , se refuse à l’exécuter,
il ne veut pas rayer.
L e 3 o fructidor an 1 0 , le requérant ayant éprouvé un refus, pour le
constater, se rend au bureau de la conservation des hypothèques avec
deux notaires; il fait faire sommation au conservateur de rayer et de lui
remettre le certificat authentique de radiation, aux offres qu’il fait de
payer ses salaires. Le conservateur répond par écrit dans l ’a c te , qu’ il re
fuse i .° parce que Îinscription n’était pas dans
le cas cTélre ra y ée, la
lo i ne ¿expliquant pas assez clairement sur les inscriptions de cette na
ture ; 2.0 q iiil avait é té décidé par jugem ent du Tribunal c iv il, séant à
R io m ,le 14 fru ctid o r an 9 , confirmé par jugem ent du Tribunal d’appel,
le 26 prairial art 10, qu’ une fem m e sous puissance de mari ne pouvait
donner mainlevée d'une inscription à son profit pour son hypothèque do
ta le ; que le conservateur ne peut rayer une pareille
inscription
sur le
simple consentement de la fem m e.
L e requérant présenta une requête au Tribunal; il établit que par le fait
du citoyen G o y o n , conservateur, il était dépouillé de toutes ses proprié
tés , môme de ses revenus, puisque ses débiteurs refusaient de lui payer
«es créances et intérêts, ses rentiers ses re v e n u s , toujours sous le prétexte
de cette inscription; il conclut à ce qu’il fut tenu de rayer, et condamné
à trois m ille livres de dommages-intérêts. Il aurait pu conclure à l ’amende
de 1000 livres et à la condam n ation
de la
par corps puisque
loi , mais il se borna à la voie civile.
quête ordonnance
qui permet
c’cst l’ordre
Iutervint sur cette re
d'assigner pour en venir à la première
audience des vacaticjps.
Cette requête fut signifiée au c.en
G oyon ; on en vint au bureau
de conciliation , il refusa d’être jugé par arbitre , 11c voulut point so
c o n cilie r, et qu'il ferait ses observations eu
plaidant.
La ranse a été placée an rôle des causes extraordinaires
il.'« vacations , sous le
n,o
provisoires
444 ; elle fut appelée et plaidée contradio
toireniLut le troisième jour complémentaire an
n , devant le n.t:n
D o m a t,
�C 9 )
D o m a t, p résiden t, B o y e r, juge , et Tronet , jurisconsulte ,
•en remplacement des autres juges et suppléans.
Le
c.en Iinbert prit pour
le requérant les
appelé
conclusions suivantes :
A ttendu que ¡'hypothèque est un droit réel qui saisit à
titre de
g a g e les immeubles d'un débiteur au profit de son créancier ;
A ttendu que par le
contrat de mariage du 21 novembre
Noyer-Dubouyt n’est point débiteur ni la dame
Brun
179 0 ,
créancière;
A ttendu que par l'article X X I d e la loi du 11 brumaire an 7 ,
paragraphe 3 , le bordereau
d'inscription doit annoncer^ la nature
de la créance qu’ il s’ a g it de consen’cr et l'époque ou il a pris naissance ;
A ttendu que
d’après
l’article X X V de la loi du même jo u r , le
conservateur est tenu de radier une inscription
sur la justification
et le dépôt d ’un acte authentique portant main-levée d’ inscription et
consentement d e radiation ';
1
A ttendu que l’acte du 6 fru ctid o r an 10 ,
reçu
D u lh eil et son
confrère , notaires à C 1er m o n t, est revêtu de toutes les form es voulues
par les lois pour constater f authenticité ;
A ttendu que Farticle X de la loi du 9 ventôse an 7 , rend respon
sables civilement et par corps
les conservateurs qui
entraveraient ,
refu seraient, ou qui , par le vice de leurs opérations , s’opposeraient
à l ’exécution de la loi
sur le régime hypothécaire ;
Attendu que le refus qu’a f a i t
le c.en
Goyon , est un acte arbi
traire , un abus de scs fonctions qui le rend absolument coupable
et
qui f a i t un tort considérable au c.en
est
la cause
N oyer-D ubouyt, puisqu’il
du dépouillement entier de sa fo rtu n e;
A ttendu que la dame Brun
Ordonner que , sur le vu
est appelée en assistance de cause ;
du jugem ent à rendre et intervenir , le
c.en Goyon sera tenu de radier l’inscription qui existe contre NoyerDubouyt , au profit de M argucrite-M agdelaine Brun , sous le n.o
a 4 dit 8.e volume , de l'exercice du c,en Goyon ; qu’il sera tenu de
délivrer un certificat de radiation ; le
d e dommages
intérêts,
s a u f au
condamner en trois mille livres
commissaire du
Gouvernement à
prendre pour la vindicte publitiue telles conclusions qu’il avisera; con
damner le citoyen Goyon aux intérêts et aux dépens, envers toutes les
p allies.
�a "
(
™
)
L e citoyen N oyer-D ubouyt, requérant, plaide-ensuite la cause, fît le»
développemens de ses conclusions.
Lu citoyen Bonnefoy, avoué du citoyen G oyon , prit les conclusions
suivantes : Attendu que d ’après la lo i, les moyens de nullité doivent êtreproposés avant les moyens du fo n d s ; attendu que la procédure fa ite par
Noyer-Dubouy t est irrégulière et n u lle, r.° parce que la cause n’ est pas
de nature à être ju g é e sur l'appel du rôle provisoire, mais bien du rôle
ordinaire; 2.° que Îordonnance qui a permis d!assigner pour en venir à
la première audience des cam es extraordinaires en vacation éta it
trop
ancienne ; 3 .° que dans l’acte portant main levée d’inscription T c’ est le
citoyen N oyer-D ubouy t qui a autorisé M agdelaine-A îarguerite Brun ,
en conséquence déclarer la procédure fa it e par le citoyen Noyer-D ubouyt
irrégulière et n u lle , et le condamner aux dépens ; L e citoyen Bonnefoy
p la id a , et fit le développement de ses moyens de nullité.
Le Commissaire du Gouvernement porta la parole ensuite, prit des
conclusions tendantes à faire renvoyer la cause après les vacations ,
au tour du râle d e 9 causes ordinaires, attendu qu’il pensait que tout
ce qui était relatif aux inscriptions ne pouvait jamais être provisoire. Les
juges furent aux opinions sur les moyens de nullité proposés, ils les reje
tèrent et ordonnèrent au c.en Bonnefoy de plaider au fond. Le jugement
rendu , le c.en G oyon y a acquiescé , et son défenseur a plaidé sur le
fond. Il prétendit d’abord , à raison des fonctions du c.en G oyon , en
imposer au Tribunal
et l’intimider ; il dit que la cause
était d’une
trop grande importance et trop majeure pour que les juges osassent la
juger. Noyer-Dubouyt lui rép on dit, en rapportant littéralement le texte
du code c iv i l , article IV , ainsi conçu. L e ju g e qui refusera de j u g e r ,
sous prétexte du sile n ce , de l'obscurité ou tic l ’insuffisance de la loi
pourra être poursuivi comme coupable de déni de ju stice.
I,o
1
c.en Bonnefoy dit pour second m oyen, que l’inscription faite au
profit d’une femme ne pouvait jamais être rayée , que cela avait été
jugé au Tribunal d’appel à Kiom , et il déclara persister dans ses con
clusions , et que l'inscription fut maintenue.
L e c.en Mabru , avoué «le la dame Marguerite Brun , prit les conclu
rions suivantes : Attendu que la darne A larguerite-M agdclainc Brun r
épouse de N oyer-D ubou y t, n’a jam ais é t é , c l n'est pas créancière de
�$12
( ” )
son mari ; attendu que par Pacte du G fru ctid or an X , reçu D utheil
et son confrère , notaires A C1er m ont, elle a , duement autorisée par son
m ari, donné main levée de Pinscription qui existait A son profit sous le
24 du 8.me volume , de l'exercice du c.en Goyon ; attendu que le
refus qu'a f a i t le c.en Goyon de radier , est un acte à lui •' personnel
auquel la dame Brun n’a pris aucune part ; .lui donner acte de ce
qu'elle consent A .assister dans la cause qui se plaide entre le citoyen
Goyon et son mari ; mais pour la conservation de ses droits et biens
matrimoniaux qui sont tous en immeubles , elle n’entend supporter
aucuns dépens.
Le
commissaire
du
Gouvernement ,
Picot - Lacombe , porta- la
parole ensuite. Il dit aux ju g e s , vous avez A statuer dans cette cause
si le
citoyen Goyon , conservateur des hypothèques, a pu fa ire les
fonction s de ju g e , et critiq u er, soutenir ou défendre les droits des
citoyens au profit de qui sont fa ite s les inscriptions ; s’il n’a que le
titre de conservateur , ses fonctions sont bornées et tracées par la lo i,
il les a méconnues en refusant de radier. Je conclus e l j e suis d’avis A ce
que les conclusions du c.en Noyer-Dubouyt lui soient adjugées avec dépéris.
Les juges furent aux
opinions ,
il
fut prononcé qu’il
eu serait
délibéré pour être prononcé le mardi 4 vendémiaire , et que les piè
ces seraient , sur-le-cham p, mises sur le bureau , ce qui fut exécuté
de suite. L e mardi 4 vendémiaire , les juges 11e prononcèrent point le
jugement ; le
requérant demanda au Tribunal la permission de faire
des observations 5 que si l’on 11e prononçait pas aujourd’hui le jugement,
d’après l’art. X 'd e la loi du 3 brumaire an II , il y aurait voie à cas
sation pour l’un et l’autre des parties ; qu’ il invitait les jugtfs à pronon
cer comme ils l’avaient jugé huit jours avant: les juges refusèrent, ainsi
que le commissaire du Gouvernement, Le mardi suivant 11 vendém iaire,
le requérant fit encore des supplications au Tribuual de juger, il éprouve
le inCmc refus ; le c.en Noyer , juge , qui remplissait les fonctions de
p résiden t, lui «lit qu’il se pourvoir;.« ainsi qu’il aviserait, qu’il ne vou
lait pas* juger. Le 18 vendém iaire, nouvelles prières et sollicitations de
la part «lu requérant. L e c.en Murol qui présidait, appela les juges aux
opinions ; 1<: c.en T réb u ch et, sans cause , se récusa comme il a\ait fait
le n ven dém iaire;
l'on appela un défendeur pour o p in er,
el le c.en
I.acom be , commissaire du Gouvernem ent, contre les règles de la loi ,
fut opiner avec les juges. Intervint Ir ji’i'enurit suivant : Attendu r n il
n’ya pas un mois que la cause a été mise en d élib éré} le T ribunalnji-lte
�(
12
)
la demande du c.en N oyer-D ubouyt. L e requérant supplia fes juges
d’ordonner que le greffier serait tenu de lui expédier ce jugement avec
mention que le commissaire (lu Gouvernement avait opiné avec les ju g es,
pour lui valoir et servir ce que de raison. Le commissaire du Gouverne
ment répondit que cela était in u tile , attendu que le jugement ne portait
point profit. Le requérant observa que dès l’instant qu’ un jugement était
prononcé, le jugement appartenait au public et sur-tout aux parties intéres
sées , que conséqueinment son existence devait être assurée sur lesregistres
publics ,
et qu’expédition devait en être délivrée aux parties qui pouvaient
en avoir besoin pour leurs intérêts. Le Tribunal , par l ’organe du c.en
M urol, prononça publiquement que le jugomentne serait ni mis sur le
registre, ni expédié.
L e 25 vendémiaire , le requérant s’est rendu au palais , il n’y a
point eu d’audience -, le requérant déclare au tribunal et à chaque juge
en particulier , que l’année dernière , dans le mois de nivose , il avait
dans la cause des Aim art, de G la n n es, éprouvé le même déni de justice ;
qu’il avait porté ses humbles remontrances et supplications au grand
Juge , ministre de la justice ; que chaque fois qu’il était obligé dans sea
affaires de comparaître en justice et de p la id e r, il ne cessait d’éprouver
les dénis de justice ; que tous les moyens de modération , de respect et
de
prudence avaient été mis en usage pour faire cesser de pareilles
vexations qui renaissaient à chaque instant ; et (pii lu i enlevaient toute
sa fortune.
Le
grand Juge , Ministre de la justice , fit droit à sa plainte , et lui
écrivit la lettre suivante.
Lorsqu'un tribunal se refuse , sans m o tif légitim e , à rendre la jus~
tice envers un citoyen , celui-ci peut sc pourvoir en
déni de ju s t i c e ,
c l prendre <) partie séparément ceux des ju g e s qui méconnaissent leur
devoir.
L'ordonnance de 1667 , aujourd’hui
en vigueur , a prévu le
cas , et vous pouvez Vimoqucr. L 'article f>5 de la Constitution de l ’an
£ , a statué postérieurem ent, que dans le cas de prise <} partie contre
un tribunal entier , on se pourvoirait devant le tribunal de casssation :
voiltl le m o d e ,
vous pouvez en fa ir e usage ; sig n é Régnier.
I.e requérant crut que la lenteur , la modération , la
dignité du J u g e , forcerait le
prière et la
tribunal à lui éviter une voie de vigueur
aussi jM-nible. Il paraît que les moyens les plus
moraux
n’ont pu pro
duite l ’effet qu’il avait droit d’attendre , puisque la justice
est toujours
�w
( *3 )
déniée au requérant, soit en se récusant sans
cause ni m o tif, en refu
sant d’inscrire les jugemens rendus publiquement sur les registres
du
greffe , et le tout au profit des adversaires du requérant. L e requérant
peat établir encore par é c r it, que lorsqu’on s’est présenté au tribunal
contre lui sur requête non communiquée , sans avoir été entendu , sans
avoir vérifié les pièces de la dem ande, il a été rendu des jugemens qui
suspenda'ent et anêlaieut l’exécution parée d’actes
profit ; qu’alors
authentiques à son
le citoyen Trébucliet , l ’ un des juges , ne se récusait
pas. L e requérant observe
que c’-est à regret qu’il est obligé de faire
faire la première sommation prescrite par l’ordonnance de 1667 pour
établir le déni de justice ; le mode lui a été tracé par le grand Juge ,
Ministre de la justice; mais e a môme-temps, mais malgré tout le respect,
et la modération qu’ il doit à ses juges , il réclamera néantmoins avec
courage , m a’.s légalem ent , l ’étendue dë ses droits.
E n conséqueuce, au nom dudit requérant , j’ai f a i t , conformément ï
l ’ordonnance de 1 6 6 7 , la première sommation au c.ens D o m a t, prési
dent ; M u ro l, Trébucliet et Boyer , juges ; et en leur absence , aux supp léans, en la personne du citoyen Fauverteix , greffier , de prononcer le
jugement de la cause qui a été plaidée contradictoirement le mardi 3.e
jour complémentaire an XI , entre le requérant, le c.en G oyon et la
dame Marguerite^ Brun , pour raison du refus que fait le c.en G oyon de
rayer une inscription , laquelle cause a été mise en délibéré pour être pro
noncée le mardi 4 vendémiaire an XII ; de faire inscrire sur le registre
du greffe
le jugement qui fut prononcé le 18 vendémiaire an XII
par
le c.en M urol, faisant les fonctions de président. D e faire mention de la
cause de récusation du c.en T réb u ch et, et de celle qui fit délibérer avec
les juges le c.en P icot-Lacom be, commissaire du Gouvernem ent, contie
les règles de la loi , lorsqu’il y avait trois juges , c’est-à-dire le nombre
suffisant. Avec déclaration que le requérant communiquera la pasenie
sommation au Grand Juge , Ministre de la ju stice , au conseil d’^lat du
Gouvernement français , section de Législation , au T r ib u n a l séan t à
Riom , comme ayant la surveillance et le droit de réprimer les Tribunaux
de première instauce de leur ressort ;a u commissaire du Gouvernem .'nt,
près le Tribunal d’appel , comme ayant la surveillance sur les commis
saires de son ressort. Se fait le requérant ’ toutes réserves de d ro it •, et
afin que les juges et commissaire du Gouvernement de l’arrondi, jcuieut
•
�(14 )
de C lerm ont n’ en ign o ren t, je leur ai , parlant comm e dessu s, laissé
au greffe copie de la p résen te, lesdits jour et an.
Signé N O Y E R -D U B O U Y T
A u j o u r d ' Hui douze brumaire an douze d e l a République française, de
vant nous Antoine P ellissière, notaire à la résidence de la commune de
Cham alieres, y résidant, et en présence des témoins ci-après nommés ,
soussignés, a comparu le
citoyen Jean-Joseph-Marie N oyer-D ubou yt,
Maire de la commune de C h a m a liè re s ,y habitant, lequel nous a présenté
et auxdits témoins un paquet cacheté de cinq cachets de cire v erte, à son
ch iffre, sur l’enveloppe duquel il y a écrit : ci-inclus mon testam ent, signé
N oyer-D ubouyt. Lequel paquet, ledit Noyer-Dubouyt nous a déclaré et
aux témoins ci-après nom m és, soussignés, contenir son testament en.for
me olographe, entièrement écrit et signé de lu i; lequeL testament il dépo
se ès-mains de nous notaire, pour demeurer clos et secret jusqu’à son dé
c è s , et ensuite être ouvert ainsi qu’il appartiendra; duquel dépôt il a re
quis acte qui lui a été o ctro yé , et a été fa it, clos et écrit sur une dem iefeuille du papier m arqué, laquelle sera annexée audit paquet, à C ham aliè r e s , en notre é tu d e , en présence de Léger Coh e n d y , ancien notaire ,
de Pierre Barras, m enuisier, de Charles D audin , serrurier, d’Étienne
C haritas, officier de santé, de Claude Étienne P a llié , tailleur d’h ab its, et
de Michel C h evalier, sabotier, to u s habitans de la commune de C ham aliè re s , lesquels ont tous signé avec ledit N oyer-D ubouyt. Après lecture
fa ite , et sans divertir à autre a c te , à la minute ont signé N oyer-D u b ou yt
.C o h eu d y , B arrat, D audin, P allié, C haritas, Chevalier
notaire.
et
Pellissière,.
Enregistré à Clermont le 12 brumaire an 12 , fol. 14 0 , Verso; Case 7 *
reçu f r. 1 0 c e n t., y compris le dixièm e; signé Guillem in.
E xp éd ié,sig n é P e l l i s s i è r e . '
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer-Dubouyt, Jean-Joseph-Marie. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Noyer-Dubouyt
Subject
The topic of the resource
hypothèques
vices de forme
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Le citoyen Noyer-Dubouyt, maire de la commune de Chamalières, arrondissement communal de Clermont-Ferrand du Puy-de-Dôme, A son Excellence, le Grand Juge Ministre de la Justice.
Table Godemel : Déni de justice : plainte au grand juge contre un tribunal refusant de statuer pour une instance relative à une inscription.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1760-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1323
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1324
BCU_Factums_G1319
BCU_Factums_M0236
BCU_Factums_M0237
BCU_Factums_G1320
BCU_Factums_G1321
BCU_Factums_G1322
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53212/BCU_Factums_G1323.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chamalières (63075)
Mauzun (63216)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
hypothèques
testaments
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53246/BCU_Factums_G1506.pdf
92d9ff98b9f508d7808a29e4c0bc217d
PDF Text
Text
_______________________________________________________________________
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MEMOIRE
u S
m
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w
4 à
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ET CONSULTATION
C0UR
P O U R
D ’A P P E t
G i l b e r t L A F O N T , propriétaire, aubergiste de
*****
___
la commune de N é ris-le s-B ain s, appelant de
jugement rendu au tribunal de Montluçon, le
14 nivôse an 1 ;
3
ET
ENCORE
POUR
J e a n B O U R N E T , M a r i e L A F O N T , son épouse;
J e a n F O R IC H O N , et M a r i e L A F O N T , sa
femme; appelans d’un jugement rendu au même
tribunal, le 19 ventôse an 1 1 ;
CONTRE
C a th e r in e
-
-
LAFONT,
veuve et commune de
Gilbert-Marie L a f o n t , habitante de la même
commune de N é r is -le s -B a in s , intimée..
Q U E S T IO N
M É D IC O -L É G A L E . '
A quels signes peut-on reconnoître qu’un enfant est né
vivant ?
L e 14 brumaire an 10, Catherine L afon t, intimée, a
épousé Gilbert Lafont. L e père de Catherine l’institua
A
�I#
( o
son héritière universelle, et lui abandonna, dès l’instant
m êm e, les biens qu’il possédoit dans la commune de
Néris.
Il fut stipulé entre les époux une communauté con
jugale. L e mari devoit habiter dans la maison de son
épouse, et confondre une somme de 300 fr. pour prendre
part à la communauté; le reste de ses biens devoit sortir
nature de propres.
Les époux se donnent réciproquement l’usufruit de
tous leurs biens, en cas de non enfans survivans, et
pendant la viduité.
Ce mariage n’a duré que jusqu’au 27 fructidor an 10,
époque du décès de Gilbert-M arie L a fo n t, âgé de vingttrois ans.
L e 21 frimaire an 1 1 , Catherine Lafont a accouché
d’un posthume-, ses couches furent laborieuses et pénibles.
L ’enfant est sorti mort du sein de la mère : c’étoit une
fille. L e même jour on a dressé deux actes civils, c’est< à-dire, l’acte de naissance et celui du décès. Ces actes
sont ainsi conçus :
« A cte de naissance d’un enfant né en ce b o u rg, à
« trois heures et demie après m id i, du légitime mariage
« du défunt G ilbert-M arie Lafont et de Catherine La« font : le sexe de l ’enfant a été déclaré être un enfant
« femme. Prem ier tém oin, François C orre, tisserand,
« voisin à l’enfant-, deuxième tém oin, Marguerite Roclie« fo rt, accoucheuse, domiciliée audit bourg. L e premier
« témoin a signé ; le second a déclaré ne le savoir. Fran« çois C o rre, âgé de quarante ans; le deuxièm e, de
« soixante-six ans.
�« Sur la réquisition à nous faite par Louis L afon t,
« propriétaire, aubergiste, grand-père de l’enfant, aussi
« domicilié audit b o u rg, qui a signé avec le premier
« témoin. Constaté par moi adjoint au maire de la com« mune de N éris, faisant les fonctions d’officier public,
« le maire absent. Signé R eynaud, adjoint. »
O n remarque deux choses importantes à la lecture de
cet acte; i ° . que l’enfant n’a pas été présenté à l’officier
public, conformément à la lo i; 2°. qu’on ne lui a donné
aucun prénom.
Suit l’acte du décès, ainsi conçu :
« A cte de décès d’un enfant fem m e, né du légitime
« mariage de défunt Gilbert-M arie Lafont et de Catlie« rine L afo n t, décédé ledit jour en ce bourg, à quatre
« heiu’es après m idi; né audit lieu le même jour, h trois
« heures et demie de l’api’ès-m idi. Sur la déclaration
« faite par le citoyer/Louis Lafont, propriétaire, auber« giste, grand-père de l’enfant, âgé de cinquante ans,
« et de François C orre, tisserand, âgé de quarante ans,
« tous les deux domiciliés audit b o u rg, qui ont signé.« Constaté par moi Pierre R eynaud, adjoint du maire
« de la commune de N éris, le maire absent, »
Ce sieur Reynaud étoit tout à la fois curé de Néris
et adjoint de la commune ; il avoit été mandé , en sa
première qualité, au moment des couches de Catherine
L afo n t; on lui avoit présenté l’enfant, auquel il avoit
trouvé un reste de chaleur , et il l’avoit baptisé sous
condition.
La sage-femme elle-m ôm e, qui avoit remarqué que
1 enfant étoit en danger lorsqu’il étoit dans le sein de sa
A 2
�4
. • .
C )
m ère, avoit pris la précaution de l’ondoyer avant que
l’enfant fût so rti, et lorsqu’il présentait les pieds.
L a notoriété publique avoit appris que cet enfant étoit
né mort : les parentes et voisines qui assistoient à l’accoucliement l’avoient ainsi déclaré ; elles n’avoient aperçu
aucun signe de vie à l’enfant. La mère elle-m êm e, au
milieu de ses douleurs, téraoignoit la plus grande inquié
tude ; elle croyoit avoir accouché d’un enfant mort : mais
l ’accoucheuse, pour rassurer son esprit dans ce moment
critique et douloureux, lui avoit dit que son enfant étoit
vivant. T e l est toujours l’usage dans ce ras. Catherine
Lafont a persisté à vouloir s’en rapporter à ces paroles
de consolation, et à en tirer parti : elle est accouchée
dans un temps où la loi du 17 nivôse étoit en vigueur,
et où dès-lors elle devoit succéder à son enfant, s’il étoit
né viable. E lle a annoncé sa prétention aux héritiers dé
son mari : mais ceux-ci, qui étoient parfaitement instruits
de la v érité , et qui savoient que l’enfant étoit né m ort,
ont cherché à faire valoir leurs droits \ ils ont d’abord
pris la précaution de faire saisir entre leurs mains et eü
celles des tiers tout ce qui pouvoit être dû à la succession
de G ilbert-M arie L a fo n t, leur frère et beau-frère.
Bientôt s’est engagée une lutte considérable entre les
parties. Catherine Lafont a fait citer au bureau de p aix,
le 12 ventôse an 1 1 , en m ain-levée de la saisie-arrêt,
avec dommages - intérêts ; elle a soutenu qu’elle étoit
seule héritière de son enfant, et que tout devoit lui ap
partenir.
Les voies conciliatoires ayant été sans succès, elle a
présenté requête au tribunal de M ontluçon, le 12 ven-
�5
(
)•
^
tôse an n , pour voir dire, par provision, qu’elle auroit
pleine et entière main-levée des saisies-arrêts, sous toute
réserve de ses autres actions. A l’appui de cette requête
elle a justifié de son contrat de mariage , de l’acte de
décès de son m ari, et des actes de naissance et de décès
de son enfant.
L e 19 ventôse an 11 elle a obtenu un jugement par
d éfaut, qui lui adjuge ses conclusions.
Mais ce premier jugement n’étoit qu’un prélim inaire;
et Catherine Lafont avoit sa principale confiance dans
les deux actes de naissance et de décès de son enfant, qui,
suivant e lle , établissoient que cet enfant avoit vécu une
demi-heure; elle les opposoit aux héritiers de son mari.,
comme un obstacle invincible à leurs prétentions, et
comme un moyen certain de s’approprier la succession
de son enfant.
Gilbert Lafont crut d evoir, dans cette circonstance,
s’inscrire en faux incident contre ces deux actes; il con
signa l’amende, conformément aux articles 8, 9 et 10 de
l’ordonnance de 1737; e t, muni de'Sa quittance, il pré
senta requête au tribunal de M on tluçon , tendante à ce,
qu’il lui fût permis de s’inscrire en faux incident contre
les deux actes dont il s’agit, avec sommation à Catherine
Lafont de déclarer si elle entendoit se servir de ces deux
pièces. La requête fut présentée et signifiée les 1 , 2 et
3 germinal an 11. L e 7 du même mois, Catherine Lafont
fit sa déclaration qu’elle entendoit se servir de ces mêmes
pièces, et le même jour elle en fit le dépôt au greiï'e; il
en fut dressé procès verbal le 10 ; et le sieur Lafont pré
senta ses faits et moyens de faux -ainsi qu’il suit.
�(6)
IL expose que plusieurs personnes étaient présentes à
l’accouchement de Catherine L a fo n t, veuve de G ilbert;
que l’une d’elles, en soutenant la mère , aperçut les
pieds de 1,’enfant sortir les premiers ; toutes les personnes,
s’écrièrent : V o ilà un enfant mort. L a sage-femme de
mande et prend de l’eau bénite, et s’empresse d’ondoyer
l’enfant dans le sein de la mère ; elle emploie cinq à six
minutes pour achever la délivrance; elle prend cet enfant,
qu’elle met dans les bras de M arie Gusse, épouse de Fran
çois Corre. Immédiatement après la sage-femme demande
de l’eau-de-vie, elle en frotte la tempe de l’enfant et autres
parties de son corps ; elle ouvre avec un de ses doigts la
bouche de l’enfant, la bouche se referme de suite : la
pâleur étoit sur son visage, ses yeux étoient fermés; en
uii m ot, l’enfant étoit vraiment mort né.
François C orre, l’un des témoins dénommés aux actes
de naissance et de m ort, sur la déclaration duquel les actes
ont été rédigés par l'adjoint, n’étoit pas présent à l’accou
chement de Catherine Lafont; il n’arriva dans l’apparte
ment de l’accouchée que dans l’instant où la sage-femme
ensevelissoitl’enfant pour le faire inhumer.
L a femme de Corre, en palpant l’enfant, dit à son époux :
V a s avec L o u is L a fo n t (aïeul maternel de l’en fan t),
Ju ire fa ir e ces actes de naissance et de décès. C’est dans
le môme instant que les actes de naissance et de décès ont
été rédigés sous la date du 21 frimaire an u ,
G ilbert Lafont expose encore que l’enfant n’a pas, aux
termes de l’article 6, titre 3 de la loi du ao septembre Ï792,
été porté à la maison commune de Néris : qu’il n’a pas
été présente a l’adjoint. Il n’a point ute fait rnême de ré-*
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'( V O
tjuisition à l’adjoint de se transporter à la maison où étoit
l’enfant; il n’a par conséquent remarqué aucuns signes de
vie de sa part. Il n’a rédigé les deux actes que sur la décla
ration des deux témoins, du nombre desquels étoit l’aïeul
maternel, partie intéressée, et François Corre, qui avoit
seulement vu ensevelir l’enfant.
Il n’a été donné aucun prénom à l’enfant, ou du
moins l’acte de naissance n’én contient aucun ; ce qui
est contraire à l’art. 7 du même titre de la loi citée.
Les professions des père et mère de l’enfant ne sont
pas énoncées dans l’acte de naissance. L e mcme acte
de naissance est muet sur les professions et domiciles des
tém oins, contre le vœu du même article.
Par tous ces m otifs, Gilbert Lafont conclut ù ce que
les deux actes de naissance et de décès soient déclarés
faux, et rejetés de l’instance.
L e jugement intervenu sur cette requête, en date du
3 floréal an 1 1 , ayant égard au premier moyen de faux
énoncé par Gilbert Lafont contre les deux actes dont il
s’agit, déclare ce premier fait pertinent et admissible, en
ce qu’il tend à prouver que l’enfant femelle étoit mort
avant de naître; ordonne qu’il sera informé de ce fait,
tant par titres que par tém oins; et à l’égard des sept
autres moyens de faux présentés par le sieur L a fo n t, il
est ordonné qu’ils demeureront joints à l’incident de faux,
pour en jugement y avoir tel égard que de raison.
Il a été informé en exécution de ce jugement. L e
ptemier tém oin, qui est Pierre Reynaud, desservant de
la succursale de N éris, et adjoint de la com mune, dé
d a le que le a i frim aire, un peu açant quatre heures
¿¿4
�(8)
île t après-midi, il fut appelé par Marie Bournet, épouse
de Gilbert Lafont, dit Chamblant, pour aller administrer le baptême à un enfant né du légitime mariage de
déiunt G ilbert-M arie Lafont et Catherine Lafont. On
lui dit que cet enfant étoit en danger de mort ; il y
courut, et chercha à s’assurer de son existence : il le
toucha, et lui sentant u n 1reste de chaleur, il crut, dans
le doute, pouvoir risquer le sacrement de baptême, qu’il
lui administra à telle fin que de raison. Cette cérémonie
religieuse fin ie, il inteiTogea , comme officier public,
M arguerite R ocliefort, accoucheuse, qui lui attesta que
• l ’enfant étoit né vivant. Après être sorti de -la m aison,
François C o rre, tisserand, voisin de l’accoucliée, et Louis
L a fo n t, gran d -p ère maternel de l’enfant, vinrent lui
déclarer que Catherine L afont, veuve de G ilbert-M arie,
avoit mis au monde un enfant fem elle, à trois heures et
demie de 'l’après-midi; que l’enfant étoit mort à quatre
heures du même jour. Sur leur déclaration relative à
la vie de cet en fan t, il rédigea son acte de naissance;
et sur leur déclaration relative à son décès, ainsi que
sur ce qu’il avoit vu lui-m êm e, il rédigea son acte de
m ort,
«
L e second témoin est François C orre; il.déclare-que
le jour que Catherine Lafont est accouchée , la femme
'du nommé Pignot vint le chercher dans la vigne où il
étoit; elle lui annonça que le curé étoit venu à la maison
de Catherine Lafont pour baptiser son »enfant, et lui dit
que le curé, comme adjoint et officier public, le trou
verait bon pour signer Pacte, Sans expliquer s’il s’agissoit
' d’acte de naissance ou de décès. Il se rendit en elle t en
la
�u »
( 9 ) .
. '
la maison de Catherine Lafont. Il vit l’enfant sur les
genoux de sa fem m e, et ne se st nullement assuré par
lu i -m êm e s'il étoit mort ou vivant lorsqiüil est venu
au monde. L e même soir il alla avec Louis L a lo n t,
grand-père de l’enfant, pour faire faire les actes de
naissance et de décès, chez le sieur Reynaud, oilicier
public. Celui-ci leur dit que les actes n’étoient pas encore
rédigés, et les renvoya au lendemain pour les signer :
effectivement il s’est rendu le lendemain chez le sieur
R eynaud, et a signé les deux actes.
L e troisième témoin est Marie L a fo n t, femme à Jean
T rim ouille, dit Pignot. Elle a déclaré être cousine ger
maine de Gilbert L afon t, et par conséquent alliée au
même degré de Catherine I^afont. Quoique l’ordonnance
défende d’entendre des témoins à ce degré de parenté,
comme il y en a plusieurs autres dans le même cas, tant
dans l’information que dans l’enquête de l’intim ée, l’ap
pelant n’a pas cm devoir proposer aucuns reproches dans
les circonstances extraordinaires où se trouvent les parties.
Les parens sont des témoins nécessaires ; et si on peut
soupçonner de la prévention ou de la partialité dans la
déclaration de ces mêmes parens, la cour d’appel appré
ciera quel degré de conliance ils peuvent inspirer. L ’ap
pelant s’en rapporte à cet égard à la prudence de la cour.
Ce tém oin, au surplus, déclare que comme parente,
amie et voisine de Catherine L afon t, elle s’est rendue
chez cette dernière au moment où elle sentoit les douleurs
de l’enfantement; elle la trouva debout, et soutenue des
sous les bras par la femme de Gilbert Lafont et Marie
Bournct. A van t que l’enfant parût, elle, déclarante, a
E
�( 10 )
vu tomber de ses excrémens; aussitôt elle a dit à Marie
Bournet: V en fa n t est m ort, parce qu’elle l’avoit déjà vu
arriver ainsi. Elle a ouï dire que les enfans qui lâchoient
ainsi leurs excrémens étoient morts avant de naître.
L ’enfant a paru les pieds premiers : l’accoucheuse le lui
fit voir sorti jusqu’aux reins, et lui fit signe que l’enfant
étoit mort. Elle lui demanda de l’eau bénite, qui fut
apportée aussitôt : l’accoucheuse l’a ondoyé sur la partie
du corps qui étoit visible. L ’enfant a resté plus d’une
demi-heure ù venir entièrement au inonde. L ’accoucheuse,
lui dit : E n tre la main du côté du cœ ur, et tu le lui sen
tiras encore battre ; elle lui a répondu : Je ne m’y connois
pas. Mais dès l’instant qu’elle a vu la partie du corps qui
sortoit ainsi, l’enfant lui a paru m ort, ainsi qu’après qu’il
a été venu au monde. Lorsqu’il fut entièrement sorti du
sein de sa m ère, l’accoucheuse lui demanda de l’eau-devie pour le frotter; elle lui en mit au visage, lui a mis
les doigts dans la bouche et y a souillé : l’enfant n’a donné
aucuns signes de vie. La femme Corre le prit sur ses
genoux ; m ais, émue de l’idée que cet enfant pouvoit
être mort, les genoux lui tremblèrent, et ce tremblement
se communiquoit i\ l’enfant. La femme Corre disoit que
cet enfant portoit signe de v ie , et qu’il falloit le porter
à l’église pour le faire baptiser; elle, déclarante, répondit :
Nous serons mal reçues, si nous portons à. M . le curé un
enfant mort. La m ère, qui n’étoit pas encore entièrement
délivrée, dit alors : Mon enfant est peut-être m ort; pour
la tranquilliser, on lui répondit que non. M . le curé
arriva, toucha l’enfant à divers endroits, prit de l’eau
bénite, le baptisa et se retira. L e nommé Corre, qu’ou
�fa i
oil
( n )
avolt envoyé chercher,'arriva aussi, et sa femme lui dit :
T u iras faire faire l’acte de cet enfant; ne manque pas de
dire que tu Vas du vivant, parce q u il Vétoit. Cependant
dans ce temps-là 011 se mettoit en devoir d’ensevelir l’en
fant; et le nommé Corre et Louis Lafont se rendirent
chez M . le curé. D epuis, Catherine Lafont est venue
chez elle, déclarante, et lui a dit : Vous disiez autrefois
que mon enfant étoit venu au monde vivant, et actuel
lement vous dites qu’il étoit mort ; elle lui répondit :
Nous te disions cela dans les temps pour ne pas t’inquiéter
dans l’état où tu étois : je te conseille de t’accorder avec
tes beaux-frères, parce que si je suis appelée en justice
je ne pourrai m’cmpêclier de dire la vérité ; mais elle
répliqua : Ils auront tout, ou je l’aurai. L e témoin ajoute
de plus que Louis Lafont, père de Catherine, lui avoit
fait beaucoup de menaces sur ce qu’elle étoit disposée à
dire la vérilé.
L e quatrième témoin est M arie B ournet, femme de
Gilbert Lafont ; elle est également cousine germaine des
appelans et de l’intimée. Elle dépose que pendant que
Catherine Lafont étoit au mal d’en fan t, elle la tenoit
avec une autre femme nommée Catherine Lafont ; que
l’enfant parut long-temps avant que la mère fût délivrée.
La sage-fem m e demanda de l’eau bén ile, et, en l’on
doyant, dit : J e crois le baptiser en cas dé vie. Elle dit
aussi ù la femme Pignot : T ouch ez, commë son cœur bat.
Cette femme répondit : Vous connoissez votre m étier,
pour moi je ne m’y connois pas. Après tous ces propos,
1 enfant resta près d’ une demi-heure à venir au monde.
L o isq u ’H parut, elle, déclarante, détournant les yeu x,
B 2
J
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(et
( ** )
ne l’a nullement regardé ; elle ne s’est occupée qu’à mettre
la mère au lit. Pendant qu’elle y travailloit, elle a en
tendu dire dans la maison : L ’énfant a encore de la vie.
E lle, toujours sans le regarder, a dit de le porter à l’église :
l’accoucheuse s’y est opposée. L a déclarante alors a été
bien aise de trouver un prétexte pour sortir de la maison,
et est allé chercher M . le c u ré , qui y est venu. Ce n’est
que long-temps après que M . le curé est arrivé, qu’elle
est rentrée dans la maison, et alors l’enfant étoit sans vie.
M argueviteLafont, veuve Bonnefoi, cinquième témoin,
encore cousine germaine des parties, déclare s’être trouvée
dans la maison lorsque Catherine Lafont est accouchée.
Lorsque l’enfant a commencé à paroître, la sngc-femme
a témoigné de l’inquiétude sur son compte, et a demandé
de l’eau bénite pour l’ondoyer : cependant elle a dit plu
sieurs fois qu’il avoit de la vie. Catherine Lafont a été
à peu près une demi-heure sans se délivrer : lorsqu’elle
l’a é té , la sage-femme s’est emparée de l’enfant, et a de
mandé de l’eau-de-vie. E lle, déclarante, étoit auprès de
la sage-femm e et de l ’enfant; et lorsque la sage-femme
lui a frotté le visage avec de l’eau-de-vie, elle a remarqué
que l’enfant a fait un léger soupir, ce qu’elle a regardé
comme signe do vie : mais depuis elle ne lui en a vu
donner aucun autre.
Telle est l’analise exacte de l’information faite sur une
demande en faux incident, qui étoit aussi indifférente
.qu’inutile dans la cause. On ne voit pas, en effet, quelles
inductions Catherine Lafont pouvoit tirer d’un acte de
naissance qui ne donne aucunes lumières sur le fait im
portant qu’il s’agissoit de vérifier. Cependant Catherine
�*3
U *
(
)
Lafont, effrayée de cette démarche, crut devoir demander
permission de faire une preuve contraire •, et en vertu
d’un jugement du tribunal de M ontluçon, du 7 nivôse
an 12, qui l'y autorise, elle a fait procéder à une enquête
dont on va également dépouiller les déclarations.
L e premier témoin est Marguerite R ocliéfort, veuve
de Gilbert Lafont : c’est la sage-femme qui a accouché
Catherine Lafon t; elle est âgée aujourd’hui de soixantedouze ans; elle est tante par alliance de toutes les parties.
E lle déclare que lors des couches de Catherine Lafont,
elle fut appelée pour lui porter les secours de son art.
Lorsqu’elle fut auprès d’e lle , et qu’elle voulut toucher
la malade, elle trouva que les pieds de l’enfant se présen
taient les premiers; elle sentit que ces pieds remuoient
dans sa main : à mesure que le corps de l’enfant avançoit
de sortir, elle s’apercevoit toujours de son mouvement;
lorsqu’elle fut à même de porter la main sur le cœur
de l’enfant, elle en sentit les pulsations; elle proposa
à la femme P ign ot, qui étoit auprès d’elle, d’y toucher;
ce qu’elle ne voulut faire. I/enfant fut à peu près 1111
quart d’heure à sortir du sein de la mère ; dès l’ins
tant qu’il fut sorti, elle ne lu i sentit plus de mouve
ment : elle demanda sur le champ du vin pour l’en
frotter, ainsi qu’il est d’usage. A u lieu de v in , on lui
porta de l’eau-de-vie ; elle en prit dans la main et en
passa sur le visage de l’enfant : dans ce moment l’enfant
a fait un gros soupir, qu’elle a regardé comme un signe
de vie; mais elle ne lui en a pas distingué d’autre. Aussitôt
elle a remis l’enfant à la femme C o rre, pour s’occuper
de la mère. L e curé de la commune, qu’oji avoit envoyé
�U 1
( 14 )
chercher, est ven u, et a baptisé l’enfant. L a déclarante
le prévint qu’elle avoit pris la précaution de l’ondoyer
avant qu’il fût sorti entièrement du sein de la mère.
François D urin , second témoin, non parent des parties,
a dit avoir soupé chez le sieur Etienne Forichon , officier
de santé, le jour des couches de Catherine Lafont : le sieur
R eynaud, c u ré , étoit à ce souper. Pendant qu’on étoit
à table, le déclarant dit que la veuve Lafont étoit accou
chée : le curé répondit o u i, et dit qu’il avoit été appelé
chez elle, comme officier public. J ’ai touché, d i t - i l ,
l ’enfant sur l’estomac, je lui ai senti de la chaleur ; j’ai
cru lui remarquer de la vie, et j’ai rempli les fonctions
de curé en lui donnant le petit baptême,
L e troisième témoin est M arie B ourn et, femme de
Gilbert L afon t, cousine germaine des parties : c’est la
même qui a été entendue dans l’information faite à la
requête de l’appelant; et comme la déclaration qu’elle a
réitérée est absolument la même que celle précédemment
faite, il est inutile de s’en occuper,
Claire G ilet, femme de François Corre, quatrième té
m oin, non parente, dépose qu’elle étoit chez Catherine
Lafont lorsqu’elle est accouchée. A près que l’enfant a
été entièrement sorti du sein de sa m ère, la sage-femme
a demandé du vin; on lui a donné de l’eau-de-vie. Après
que la sage-femme a eu essuyé un peu cet enfant, elle l’a
porté sur-les genoux d’elle déclarante, et lui a dit de le
laver avec du v in , qu’elle alloit prendre soin de la mère.
E lle a pris l’en fant, l’a lavé avec du vin qu’on lui a
porté dans un plat, lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a^ vu égalemont battre le cçeur, et lui a
�( 15 )
distingué des mouvemens dans le visage lorsqu'on lui
passoit du vin sur cette partie : elle a remarqué qu’il soupiroit; mais l’enfant est resté mort sur ses genoux, et il
a été impossible de distinguer le moment où il a cessé
entièrement de vivre. ■
Gilbert-Jérôm e Guillem in, cinquième tém oin-, déclare
que quelque temps après les couches de Catherine Lafont,
et dons un temps où l’on disoit que les héritiers Lafont
vouloient s’inscrire en faux incident, il a.;soupe avec le
curé de N éris, qui lui dit qu’au moment où Catherine
Lafont avoit accouché il avoit été appelé chez elle comme
officier public; qu’il s’y étoit rendu, et avoit aussi exercé
les fonctions de curé en baptisant son enfant; ce qu’il
n’auroit fait s’il n’eût cru s’être assuré de son existence;
que quelque temps après la sage-femme qui avoit accou
ché Catherine Lafont lui avoit dit chez lui que l’enfant
étoit venu au monde vivant, et qu’elle l’avoit ainsi dé
claré à son confesseur.
L e sixième témoin , Georges Forichon , officier de
santé, déclare que quelque temps après l’accouchement
de Catherine L afon t, et au moment où l’on disoit que
les héritiers Lafont se pourvoyoient en faux incident, il
s’éloit trouvé chez Mari en Forichon avec le sieur R ey
naud , curé de la commune. L e sieur Reynaud dit en sa
présence que le nommé' Corre étoit venu-chez, lui lui
déclarer qu’il avoit vu l’enfant de Catherine Lafont en
V iei que s’il venoit à se rétracter il le dénonceroit au
commissaire du gouvernement. Il ajouta qu’au moment
des couches de Catherine Lafont, il avoit été appelé chez
elle; qu’il avoit senti de la chaleur à son enfant, et lui avoit
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( 1« )
administré le baptême en cas de vie, sans pouvoir assurer
qu’il fût vivant. Il a aussi ouï dire à plusieurs femmes
que la nommée P ig n o t, femme Trim ouille, leur avoit
déclaré que l’enfant de Catherine Lafont étoit né vivant,
qu’elle lui avoit vu porter plusieurs fois son bras à la
tête, et lui avoit remarqué plusieurs autres signes de vie.
A la suite de ces enquêtes, Catherine Lafont, qui ne
comptoit pas infiniment sur la déclaration des témoins,
s’est bornée à soutenir qu’elle n’avoit besoin d’autres
preuves de viabilité que l’extrait de naissance qui constatoit que son enfant avoit eu vie ; et quoique cet acte
de naissance constatât que l’enfant n’avoit pas été présenté
' ù l’officier public, un moyen aussi futile a fait impression
sur les premiers juges. L e 14 nivôse an 13, la cause portée
à l’audience, après plusieurs séances, est intervenu juge-^
ment contradictoire qui déboute Grilbert Lafont de sa
demande en inscription de faux incident, le condamne
à l’amende de 60 fr. par lui consignée, conformément
cjux articles 4 et
du titre 2 de l’ordonnance de 17 3 7 ,
et en tous les dépens.
A van t de rendre compte des motifs qui ont déterminé
les premiers ju ges, il est à propos de rappeler que le
procureur im périal, dans ses conclusions, observa qu’il
né suffisoit pas pour qu’un enfant puisse succéder et trans
mettre , qu’il eût donné des signes de vie dans le sein
de sa mère; qu’il falloit qu’il fût né vivant; Il remarqua
que de l’ensemble des dépositions des témoins, présentées
respectivem ent, il résultoit seulement que l’enfant de
Catherine Lafont avoit fait un soupir après être sorti tout
4 fait du sein de sa mère; que quelques-uns de ses membres
a voient
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5
�U1
*7
(
)
avoient palpité. M ais, ajouta-t-il, les auteurs ne sont pas
d’accord sur la question de savoir si ces signes sont carac
téristiques de vitalité. Plusieurs veulent que l’enfant ait
jeté des cris ; d’autres se contentent d’un souille, d’un
soupir; mais aucun n’a régardé la palpitation des membres
comme un signe évident et certain. Il observe avec jus
tesse que le Code civil ne s’explique pas sur les caractères
qui peuvent prouver que l’enfant a eu v ie , ni sur la ma
nière de le prouver. Il conclut en conséquence à ce que
avant de faire droit il soit ordonné qu’un docteur en rnéidecine et un docieur en chirurgie, nommés par le tribunal,
donneront leur avis sur la question de savoir si les sou
p irs, restes de chaleur et de palpitation, dont ¡Varient
quelques-uns des témoins, sont des signes certains de vita
lité; ou si, malgré ces signes, l’enfant doit être réputé
mort né.
Mais le tribunal, peu touché de cette opinion marquée
au coin de la sagesse et de la prudence, en a pensé autre
ment. Il donne pour motif d’une décision précipitée, pour
ne rien dire de plus, i° . que tous les acte^ de l’état civil
font foi jusqu’à inscription'de faux ; 2°. qu’il est établi
par l’acte de naissance que l’enfant de Catherine Lafont
est né à trois heures et demie le 21 frimaire au 11 ; 30. qu’il
est établi par l’acte de décès que, le merne jour, le même
enfant est décédé à quatre heures après m idi, c’est-à-dire,
demi-heure après sa naissance ; qu’ainsi il est prouvé par
acte authentique que l’enfant est né vivant.
Les premiers juges ajoutent que Gilbert Lafont a pris
la voie de l’inscription en faux incident contre ces deux
actes; que par là il s’est imposé la luehc de prouver que
C
,
�(
1 8
5
cet enfant étoit mort avant de naître : mais il n*a pas
rempli cette tâche. L e premier témoin a senti un reste
de chaleur à l’enfant, et lui a administré le baptême à
telle fin que de raison. 11 a ensuite interrogé, comme offi
cier public, l’accoucheuse, qui lui a attesté que l’enfant
étoit né vivant. L e second témoin ne s’est pas assuré par
lui-même de l’existence de l’enfant. L e troisième a tou
jours regardé l’enfant comme mort avant de naître; il l’a
jugé ainsi aux excréjpens qu’il a vu tom ber, aux signes
que la sage-femme a faits,: cependantila même sage-femme
lui a dit. que le cœur de l’enfant battoit encore, lui a
proposé d’y porter la m ain , ce qu’elle n’a voulu faire.
Lorsque l’enfant a été sorti du sein de la mère, le témoin
ne lui a remarqué aucun signe de v ie , quoique la sagefçimne.. l’ait frotté a v e c de l’e a u - d e -v ie , lui ait mis.les
doigts dans la bouche et y ait souillé. L e quatrième témoin
ne s’est pas assuré par lui-même si l’enfant avoit vécu après
sa naissance; mais il a entendu dire dans la maison que
renfant^existoit encore. L e cinquième lui a vu faire un
léger .soupir^qu’il. a,.:rçgai;dp çon^me un signe de vie.
Mais de ces cinq témoins , ¡Je troisième est le seul qui
soutient que cet enfant étoit mort; il pensoit ainsi, d’après
la chute des excrémens et les signes de l’accoucheuse.
Cependant cette même accoucheuse a dit que le, cœur de
l’enfant battoit, a proposé au térrçoin d’y porter la main,
ce qu’il n’a voulu faire , parce qu’il ne s’y connoissoit pas.
L e tribunal, considérant que le prçmicr témoin ,a senti
de la chaleur à l’enfant; qu’il a interrogé l’accoucheuse;
qu’elle lui a attesté que l’enfant etoit né vivant; qu’elle
l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée en témoignage ;
�!9
Ias
(
)
que le quatrième témoin avoit ouï dire dans la maison,
après la naissance de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie;
que le cinquième témoin lui a vu faire un soupir qu’il
a pris pour un signe de vie.
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces décla
rations que l’enfant a plutôt vécu après sa naissance qu’il
n’étoit mort avant de naître; que Gilbert Lafont n’a pas
détruit les deux actes de naissance et de décès, ainsi qu’il
se l’étoit proposé; qu’on en est d’autant plus convaincu,
quand on considère que le quatrième témoin ouï à la
requête de Catherine Lafont, à qui l’accoucheuse a remis
l’enfant pour donner des soins à la m ère, confirme la
déclax’ation de la sage-femme, lui a vu battre le cœ ur,
lui a distingué des njouvemens au visage, et a remarqué
qu’il soupiroit; que d’ailleurs il paroît constant que cet
enfant étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
n'avoit apporté au monde aucuns vices de conformation,
ni aucuns vices de putréfaction.
Les premiers juges concluent que ces dernières circons
tances , jointes aux actes civils et aux déclarations des
témoins, doivent suffire pour constater la vie de l’enfant,
ou au moins le faire présumer vivant.
Ils considèrent encore que Catherine L a fo n t, qui a
été m ère, qui en a couru les dangers, qui a perdu son
enfant, doit obtenir la consolation que la loi lui accorde;
et dans leur sagesse ils en-trouvent assez pour débouter
Gilbert Lafont de sa demande , pour attribuer à une
éti'angère tous les biens d’ une fam ille, et enrichir un
second m ari, qui la consolera mieux encore.
Quel état d’incertitude et d’anxiété pour les parens du
C a
�mari ! Il semble qu’une'* question de ce genre méritoit
peut-être plus d’examen et de maturité; elle tient à l’ordre
public, elle intéresse la société toute entière. L e procureur
impérial sembloit avoir tracé la seule marche que les pre
miers juges avoient à suivre; et les héritiers Lafont, usant
des moyens que la loi leur accorde, bien convaincus de
l’impartialité de la cour d’appel, dont les arrêts sont de
grands exem ples, se sont pourvus contre ce jugement.
Mais avant que la cour prononce, ils désireroient réunir
une plus grande masse de lum ières, en s’adressant aux
jurisconsultes et aux docteurs , pour leur demander une
splution sur le point de savoir si l’enfant femelle dont
Gilherine Lafont est accouchée, a été capable de recueillir
et transmettre la succession de son père.
JLiES a n c i e n s a v o c a t s e t l e s d o c t e u r s
E N M É D E C IN E R É U N IS , qui ont pris lecture des
pièces et mémoires de la cause d’entre Catherine Lafont
et Gilbert Lafont, et notamment de l’information du 13
prairial an 1 1 , de l ’enquête du 10 messidor an 12 , du
jugement définitif dont est appel, du 14 nivôse an 13 ;
ensemble des mémoires à consulter;
que l’enfant femelle dont est accouchée.
Catherine Lafont n’a pas donné des signes de vie assez
évidens pour qu’il ait été capable de recueillir et de
transmettre une succession.
E u examinant cette question en point de d ro it, on peut
E
stim ent
�K J
( 21 )
décider, d’après la loi et les jurisconsultes-, que les signes
de vie que semble donner l’enfant, lorsqu’il est encore dans
le sein de sa m ère, sont absolument indifférons. On ne
considère l’enfant que du moment qu’il a vu le jour, qu’il
est hors du sein de la m ère, ou entre les bi*as de la sagefemme. L a loi pénultième, au code D e posth. hœredib.
inst. en a une décision précise. S i vivus perfectè natu*
est, lit e t, illico postquàm in terram cecidit, vel in manibus obstetricis decesserit, nihilom inùs testamentum
rumpit. Ces expressions, perfectè natus e s t, annoncent
assez qu’on ne doit s’attacher à l’enfant, et remarquer les
signes de vie, qu’autant qu’il est entièrement sorti ex utero
matris. Toutes les expressions de la loi présupposent né
cessairement que l’enfant a entièrement vu le jou r, qu’il
est débarrassé de toutes les entraves : jusque-là il n’est
réputé qu’une portion des entrailles de la mbvc}pars viscerum matris.
11 est certain, nous dit Henrys, tom. 4, p. 202, 5e. plaid.
n °. 2, qu’un enfant ne peut être censé vivant, ni capable
de succession, s’il n’est hors le ventre de la m ère, et s’ il
ne touche la terre, ou du moins ne se trouve entre les
bras de la sage-femme. Quelques signes de vie qu’il ait
pu donner, ils ne sont pas plus considérables que les
actions vitales qu’il a pu faire dans le ventre de la mère.
Comme ce 11’est pas assez qu’il ait eu vie dans le sein ma
ternel, s’il ne vient à naître, il ne sufïit pas aussi que,
venant h sortir, il paroisse vivant, et en donne quelques
signes, s’il ne sort entièrement et ne quitte la matrice.
Il faut qu’il s’en détache, autrement- il est plutôt censé
une portion de la mère qu’une personne vivante : il ne
«ci
�( 22 )
vit que par elle, et n’a pas d’autre subsistance; et par
conséquent ne peut établir un degré dans les successions.
M . Domat, Lois c iv ile s, tit. 2 , n°. 6 , enseigne que
les enfans qui sont encore dans le sein de leur mère n’ont
pas leur état réglé, et qu’il ne doit l’être que par la nais
sance. Jusque-là, dit-il, ils ne peuvent être comptés pour
des enfans, non pas même pour acquérir à leur père les
droits que donne le nombre des enfans. P a rtu s antequàni
edaturym uîierisportio est, velviscerum , L . ï, §. 1, ff. D e
inspect. vent. P a rtu s nondiim ed itu s, homo non rectc
f u is s e dicitur. L . 9, in jin . ff. A d leg.Jalc. Henrys s’appuie
également sur l’avis de Bartliole, d’A lc ia t, de Tiraqueau,
dans son commentaire sur la loi S i unquiim , au code D e
revocand. donat., ouvrage très-estimé; et enfin de T e rtu llien , qui s’exprime ainsi : M entior s i non statïm injfan s utvitam vagitus satura v it, hoc ipsum se testatur
sensisse ? atque intellexisse quod natus est : omnes sirnul
dedicans sensus , et luce v isu m , et sono auditum , et
lannore gustum , et aere odoratum, et terra tactum.
Il résulte de ces autorités que, pour réputer un enfant
viable, il ne suffit pas qu’il ait paru vivant au passage,
il faut qu’il ait donné des signes de vie après être entiè
rement sorti du sein de la m ère, aux termes de la loi 3
ci-dessus citée : S i vivus perfectè natus est,
Ilen rys, t. 3 , liv. 6 , cliap. , question 21 , examine
encore à quels signes on peut reconnoître si l’enfant est
vivant après qu’il est sorti du sein de la m ère, et si l’éjec
tion des excrémens notamment est un signe suffisant de
vitalité. H paroît qu’Hemys a voit cherché la solution dans
¿os pères de la médecine, dans Ilippocrate, Galion et
5
�ia
6
C 2 3 )'
Avicène \ il décide, d’après l’autorité de ces grands
hommes, quel’éjectiondes excrémens n’est pas une preuve
de vie. D ’après Hippocrate, liv. 4 , aphorisme 23, et l’ex
plication que donne Galien de cet aphorisme , cette éjec
tion arrive souvent dans un cadavre, pai’ce que les excré
mens s’épanchent et tombent d’eux-mêmes. Si la chaleur
vitale en est la cause commune, il ne s’ensuit pas qu’elle
soit absolument nécessaire ; c’est aussi souvent une preuve
de dissolution qu’une preuve de vie : dès-lors on ne peut
en tirer aucune preuve de vitalité.
• Bretonnier appuie l’opinion d’Henrys; il se fonde sur
le sentiment de Ménocliius , de Paul Zachias, dans ses
Questions médico-légales, liv. 1 , tit. 2 . quest. 6 , n°. 8,
qui décide que l'enfant ne doit être réputé viable qu’au
tant qu’il rem ue, crie , éternue, et épanche son urine :
S i voce/n e miser i t , s i spiraperit, s i membra distenderitj'velse m overit, s i sternulaverit, et urinam reddat,
Bretonnier cite encore Acaranza , médecin espagnol,
en son traité D e partit, nos. 32 et 3 4 , qui exige des
signes évidens et certains, et qui apprend qu’en Espagne
il y a une loi qui définit qu’aucun enfant n’est censé
parfait et viable, s’il ne survit pendant vingt-quatre heures
après sa naissance, et s’il n’a reçu le baptême. Jure verb
nostro regio , lege taiiri nullus est partus m aturus, et
vitalis qui viginti quatuor horas ab editione non superv ix e r it, et sitnulJ'uerit baptizatus.
Bretonnier ne peut s’empêcher de remarquer que cette
lo i est Irès-judicieuse, et qu’elle devroit être adoptée parmi
nous pour éviter toute difficulté. En eil’e t , nous sommes
encore dans un état d’incertitude sur ce point : il eût été
�(H )
à désirer que le Code civil contînt un règlement à cet
égard; niais on n’y trouve qu’une seule disposition qui
puisse s’y appliquer ; c’est celle exprimée en l’art. 725
qui porte que l’enfant qui n’est pas né viable est incapable
de succéder.
Il faut donc en revenir aux anciens principes ; et on'
ne peut trouver de meilleur guide que R icard , dans son'
Traité des dispositions conditionnelles, chap. ,sect. ,
n°. 503 etsuivans, où il soutient qu’il faut dés signes de>
vie évidens et certains,parce que la mort étant certaine,
c’est à celui qui veut tirer avantage de la vie de véx*iGer
sa prétention par des témoignages convaincans.
O n pourroit encore invoquer l’opinion de L e B ru n ,
dans son Traité des successions , et une foule d’autres
auteurs qui n’ont fait que copier les précédens. En appli
quant ces autorités à l’espèce particulière, on remarque,'
i°. que l’enfant ne doit être considéré que lorsqu’il est*
sorti du sein de la mère. Tous les mouvemens qu’on a
pu apercevoir dans l’instant de la délivrance, avant que
l’enfant ait touché la terre, ou qu’il soit sur les genoux de *
la sage-femme , sont insignifians,
•
2°. Lorsqu’il est sorti du sein de la m ère, il faut des
signes de vie évidens et certains, des mouvemens n o n ’
équivoques, et qui ne soient pas un reste de palpitation
ou de chaleur. Il 11es’agit donc que d’analiser les enquêtes,'
et d’examiner si on y trouve des présomptions assez fortes,
ou des preuves que l’enfant de Catherine Lafont est né
vivant.
'
On commencera par celle faite à la requête de Cathe
rine L afd u tj.ct ce n?est pas intervertir l’ordre, quoique
celte
5
5
�*5
(
)
cette enquête soit postérieure à l'inform ation, parce‘que
la mère devoit prouver que l’enfant avoit eu vie , tandis
que l’objet de l’appelant étoit d’établir que l’enfant étoit
mort. né.
■
L a sage-femme, premier témoin , et cousine germaine
des parties , a remarqué d’abord que les pieds de l’enfant
se présentoient les premiers ; elle sentit les pieds de cet
enfant remuer dans sa main ; à mesure que le corps de
cet enfant avançoit de sortir , elle s’apercevoit toujours
de son mouvement: elle porta la main sur le cœ ur, elle
en sentit les pulsations; elle proposa à la femme Pignot
d’y tou ch er, ce qu’elle ne voulut faire.
<
Ces premiers signes aperçus par la sage-femme ne peu
vent donner aucunes lumières. L ’enfant n’étoit pas encore
né ; il étoit toujours dans le. sein de la m ère, et ces moiir
vemens appartenoient à la mère. U n corps inanimé , sus
pendu , se meut par son propre poids ; mais ce m ouve
ment ne peut être regardé comme un signe de vitalité,
»Les pulsations du cœur remarquées toujoursr dans le
sein de la m ère, ne seroient pas plus convaincantes; mais
dès qu’il ne faut considérer l’enfant que lorsqu’il a touché
la terre, on ne doit pas s’arrêter à des signes aussi équi
voques.
La sage-femme ajoute que l’enfant fut à peu près un
quart d’heure à sortir entièrement; e t , dès l’instant qu’ il
fut sorti, elle ne lu i a plus senti de mouvement : circons
tance remarquable, qui prouve que l’enfant n’a jamais
pu être compté au nombre des êtres vivans. Lorsqu’elle
u passé de l’eau-,de-vie sur le visage de l’en fan t, il a fait
uu gros soupir qu’elle a regardé coiu.me un signe (Je vie;
^
.D
�(26)
mais elle ne lui en pas distingué d'autres. E li quoi ! un
seul soupir, qui peut n’être qu’ un mouvement expiratoire,
remarqué dans un instant de trouble, seroit-il donc suffisant
pour faire présumer la vitalité ? L a sage-femme a remis
l’enfant à la voisine pour s’occuper de la mère : le curé
est v e n u , et a baptisé l’enfant -, mais elle a prévenu le
curé qu’elle avoit pris la précaution de l’ondoyer avant
qu’il fût sorti du sein de la mère.
Cette sage-femme , qui ne s’appesantit pas davantage
sur les détails de son opération, déclare ensuite ne savoir
n i lire n i écrire. Comment une femme illitérée pourroitelle inspirer quelque confiance dans une matière aussi
importante? Peut-elle avoir assez de connoissances dansson
art, pour raisonner et tirer des conséquences sur des signes
aussi incertains que ceux dont elle rend compte ? Sa décla
ration ne pourroit être de quelque poids, qu’autant qu’elle
seroit appuyée oii corroborée par l’opinion d’un homme
de l’art. Il est assez étrange q ue, dans un moment aussi
critique, on n’ait pas appelé un médecin ou un chirur
gien : l’état de la mère et de l’enfant sembloit exiger cette
précaution ; l’intérêt de toutes les parties le commandoit
impérieusement ; et c’est à la mère , ou au grand-père
présent, qu’on doit faire le reproche de n’avoir pas cons
taté les faits d’une manière certaine , puisque , pour se
servir des termes de R icard , elle devoit tirer parti de la
vie de son enfant; et c’étoit à elle à l’établir.
L e second témoin est un marchand cafetier qui soupoit
en villeavec lecuré,le jour des couchesde Catherine Lafont,
et qui ne répète que ce qu’il a oui dire au curé , qui
étoit un des convives. Sa déclaration est donc absolument
insignifiante.
�( 27 )
Vient ensuite la femme Bournet^ cousine germains
des parties , qui n’apprend autre chose, sinon que l’enfant
a été ondoyé avant qu’il fût sorti. Elle a entendu la sagefemme proposer à la femme Pignot de le loucher , pour
sentir comme son cœur battoit ; cette femme a refusé de
le faire : pour elle , elle n’a jamais porté les yeux sur l’en
fant. D e la manière dont elle s’exprim e, il paroît qu’elle
le croyoit m o r t, et qu’elle avoit quelque répugnance à
le considérer. Cependant elle a entendu dire qu’il avoit
de la vie ; elle a recommandé , dans ce cas, de le porter
à l’église : mais on a répondu qu’il ne falloit pas aller à
l’église , et seulement envoyer chercher le curé. Elle étoit
charmée de trouver un prétexte pour sortir de la maison ,
parce qu’elle étoit elle-même fatiguée ; elle s’est empressée
d’aller chez le curé; elle n’est rentrée que lorsque celui-ci
sortait, et pour lors elle a vu que l’enfant étoit décidé
ment mort.
On ne voit pas quelles inductions on pourroit tirer de
cette déclaration. Y a -t-il, dans tout ce qu’a dit le témoin,
quelques signes de vie évidens ? Cette femme n’a pas osé
jeter les yeux sur l’enfant dans les premiers momens ;
cependant elle soutenoit la mère ; elle a été témoin des
alarmes de la sage-femme : enfin elle 11’a vu l’enfant que
lorsqu’il étoit décidément mort.
Claire Gilet étoit chez Catherine Lafont lorsqu’elle est
accouchée. Après que l’enfant a été entièrement sorti du
sein de la m ère, la sage-femme l’a essuyé un peu avec de
1 eau-de-vie ; elle l’a ensuite porté sur les genoux d’elle
G ile t, lui a recommandé de le laver avec du vin , ce
qu elle a iait ; elle lui a vu remuer les bi'as trois ou quatre
D a
�y*
n*i
( 28
fois, lui a vu battre le cœ ur, lui a distingué des mouvemens dans le visage lorsqu’on lui passoit du- vin , a re
marqué qu’il soupiroit ; mais l’enfant est resté m ort sur.
ses genoux : il' lui a été impossible de distinguer le moment
où il a entièrement cessé de vivre.
•
Cette’ Claire Gilet est la femme de François Corre.
Peut-pn compter sur ce qu’elle dit avoir aperçu ? O11
verra bientôt- qu’elle trembloit elle-m êm e de tous sesi
membres;¿et ce qu’elle a cru sentir ou apercevoir peut
être l’effet de■
l'imagination effrayée: car, dans L’état où.
il paroît qu’étoient tous les assistans ; il ne seroit pas.
étonnant que le dépôt d’un cadavre sur ses genoux lui
eût inspiré de l’effroi. M^ais s’il est vrai qu’il n’y a qu’un»
point entre la vie et la m ort, et que ce point étoit im-r
perceptible pour le témoin lui-même , puisque Penfant»
est resté mort sur ses genoux sans qu’elle ait pu distinguer
le moment où il a cessé de v iv r e , de quel poids peut être
une déclaration aussi incertaine?
X^es cinquième et sixième témoins n’étoientpoint présens
à l’accouchement ; ils ne parlent que sur la relation qui
leur a été faite par le curé et quelques femmes, plusieurs
jours après les couches de Catherine Lafont. L eu r dépo
sition n’est donc d’aucune importance pour le fait dont
il s’agit ; et c’est à quoi se réduit l’enquête de Catherinel
Lafont.
L ’information faite à la requête- de l’appelant laisse
encore moins de doutes sur la mort de l’enfant. L e curé,
qui est le premier témoin , fut appelé un peu avant quatre
heures par M arie Bournet (. troisième témoin de l’en
quête ) , pour aller administrer le baptême à l’enfant,
�9
'
( * .)
q u i, lui dit-on, étoit cd danger de mort. Il‘ y. courut f
chercha.à s’assurer de son existence, le toucha; et,'.lui,
sentant un reste de chaleur, il crut dansjle doute, pouvoir
risquer lé sacrement de baptêm e, qu’il lui administra, à,
telle lin que de raison.
• .
.
.
Ce langage, annonce assez que le curé avait des doutes;
il s’exprime-.plutôt en homme religieux, qu’en, homme
instruit. Ce-reste de chaleur, avoit été contracté dans le;
sein de la m ère, et n’étoit point un signe de'.vie y il n e
couroit aucun.danger en administrant,le baptême, et remplissoit un devoir, en ne le donnant q u à tellefin que derai
son, Si la sage-femme lui a dit que l’enfant étoit né vivant;:s’il a rédigé ensuite les actes de .naissance et -do décès>
comme officier p u b lic, il ne l’a fait que sur la déclara
tion de François Corre et de l’aïeul maternel ; mais il n?en
étoit pas mieux, éclairé -, on.ne lui a pas même représenté»
ïenfantv - ;>•
-,
Il
résulte de la déposition de François C o rre , qu’it
n’étoit pas. présent à l’accouchement; qu’on l’est vemij
chercher dans sa vigne. On lui a annoncé que le curé,
étoit allé u la maison.de Catherine Lafont pour baptiser,
son enfant; ou lui a dit q,ue le cu ré , comme adjoint .et
officier public , le trouverait bon pour signer Pacte, sans,
expliquer s’il s’agissoit d’acte de naissance ou de décès.,
Il se rendit en effet en la maison de Catherine L afon t;
il vit l’enfant sur les genoux de sa femme. Il ne s’est nul
lement assuré par lui-même s’il étoit mort ou vivant; sa.
femme lui a dit qu’ il étoit vivant lorsqu’il est venu au.
m onde, et le même !soir il-est allé le déclarer ainsi à
1 officier public,. Quelle confiance doit-on avoir en. ces
�MX
M
3
•
( ° )
actes de naissance et de décès, dès que l’un des témoins
déclare qu’il ne savoit pas lui-même si l’enfant avoit eu
v i e , et lorsque celui qui l’accompagne est l’aïeul maternel
de l’enfant ? On ne conçoit pas même comment l’appelant
a pu avoir besoin de s’inscrire en faux contre ces deux
actes. Loin de chercher à les détruire il faut les conserver,
puisque ces deux actes ne sont faits que sur la relation
d’un témoin qui n’a rien v u , et d’un autre qui est inté
ressé k la chose. L ’enfant n’a pas été représenté ; l’oifiçicr
public ne sait rien et n’atteste rien par lui-même. Les
deux actes de naissance et de décès sont faits dans le même
instant ; et loin d’être avantageux à Catherine L afo n t, ils
tendent au contraire à prouver que l’enfant n’a pas eu un
moment d’existence.
L e troisième témoin de l’information est M arie Lafont y
femme Pignot; c’est elle qui a vu tomber les excrémens
avant que l’enfant parût : elle a regardé cette circonstance
comme un signe de dissolution. E lle a dit que l’enfant étoit
m o rt, parce qu’ellél’avoit déjà vu arriver ainsi, et qu’elle
avoit ouï dire que les enfans qui lâchoient ainsi leurs excrémens étoient morts avant de naître. L ’enfant a paru les
pieds premiers ; l’accoucheuse le lui a montré sorti jus
qu’aux reins ; elle lui fit signe qu’ il étoit mort ; elle lui
demanda de l’eau bén ite, et l’ondoya sur la partie du corps
qui étoit visible. L ’enfant a resté encore plus d’une demiheure à venir entièrement au monde. L ’accouchcuse lui
a dit : Entre la main du côté du cœur , et tu le lui sentiras
encore battre ; elle a répondu qu’elle ne s’y connoissoit
pas. Mais dès l’instant qu’elle a vu la partie du corps qui
jsortoit ainsi , lenfant lui a paru moi-t , ainsi qu’après
�11*•
( 31 )
qu’il a été venu au monde. Lorsqu’il a été entièrement
sorti, l’accoucheuse l’a frotté au visage avec de l’eau-devie , lui a mis les doigts dans la bouche, y a soufflé ; l’en
fant n’a donné aucuns signes de vie : la femme Corre l’a
pris sur ses genoux. Emue de l’idée que cet enfant pouVoit être m o rt, les genoux lui trembloient ; ce tremble
ment se communiquoit à l’enfant. La femme Corre disoit.
qu’il portoit signe de vie, et qu’il falloit l’envoyer à l’église
pour le faire baptisei\ Marie Lafont répondit qu’on seroit
mal re çu , si on portoit à M . le curé un enfant mort. La
mère n’étoit pas encore entièrement délivrée; elle s’écria :
M on enfant est peu t-rôtre .mort ! Pour la tranquilliser, on,
lui dit que non. L e cu ré, qu’on étoit allé chercher , est
ven u , a touché l’enfant à divers endroits, a pris de l’eau
bénite, l’a baptisé, et s’est retiré. L e nommé C orre,
qu’on a voit envoyé chercher, Ust aussi venu. Sa femme
lui a dit : Tu iras fa ir e fa ir e Pacte de cet enfant; ne man
que pas de dire que tu Tas vu vivant, parce qiCil üétoit.
Dans ce temps-là cependant on se mettoit en devoir de
l’ensevelir. D epuis, Catherine Lafont est venue la voir,,
et lui reprochoit qu’autrefois elle disoit que son enfant
étoit venu au monde vivant, et qu’actuellement elle disoit
qu’il étoit mort. Elle lui répondit : Nous te disions cela dans
le temps pour ne pas t’inquiéter dans l’état où tu étois.
On s’est appesanti sur cette déposition , parce qu’elle
est plus détaillée et plus circonstanciée que les autres. L e
témoin a mieux observé : plus rapproché de l’accou
cheuse , il a été à portée de tout v o ir , de tout remar
quer; et scs observations, ainsi que son récit, prouvent
a n en pas douter, qxie l’enfant n’a eu aucun instant de vie.^
�WK
^ * |4
3
( *)
'
L ’autre témoin est M arie Bournet, qui a été aussi enfendùe dans l’enquête, et qui ne fait que répéter sa décla
ration.
Il
n’en reste plus qu’un , qui est Marguerite L a fo n t,
veuve Bonncfoi; elle s’est trouvée dans la maison deCatlierine Lafont au moment de ses couches ; elle est cousine
germaine ; elle a rem arqué, lorsque l’enfant a commencé
a paroître, que la sage-femme témoignoit de l’inquiétude;
qu’elle a demandé de l’eau bénite pour l’ondoyer.Cependant
cette sage-femme a dit plusieurs fois qu’il avoit .de la vie.
Catherine Lafont a été à peu près une demi-heure sans
se délivrer. Lorsqu’elle l’a été , la sage-femme a frotté
. le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie ; e t, pendant
cette opération , la déclarante a remarqué que l’enfant a
fait un léger soupir. Elle l’a bien regardé comme signe
de v ie ; mais depuis elle ne lui en a vu donner aucun
autre,
.
Ce sont là les seuls éclaircissemens qu’on a obtenus sur
le fait important qui gissoit^en preuves. 11 faut en con
venir'; si de légers signes aussi équivoques pouvoient être
déterminans sur une question d’un si grand intérêt, la
fortune des citoyens seroit sans cesse flottante et incer
taine! encore les témoins ne sont-ils pas d’accord sur ces
signes si légers et si douteux. A la lecture des enquêtes,
on voit que le moment des couches de Catherine Lafont
fut un moment de terreur et d’effroi pour tous les assis
tons. Des femmes parentes et officieuses , ordinairement
si touchantes dans ces tendres soins , n’éprouvent que de
la répugnance et de la crainte; l’une refuse de toucher
l’enfant; l’autre éprouve un tremblement universel lors
qu’on
�14*
33
(
)
qu’on le dépose un instant sur ses genoux , et s’aperçoit
bientôt qu’elle ne tient qu’un cadavre. On ne s’occupe
que de la mère , on cherche à la rassurer par des paroles
de consolation : mais on a la conviction de la mort de
l’enfant. Dans les heureuses couches, l’instant de la déli
vrance est un moment de joie ; on n’éprouve que le plaisir
de voir naître son semblable ; et l’heureuse délivrance
d’une jeune mère de famille comble tous les vœux : on
l’environne, on la félicite ; elle est accablée de caresses.
La naissance de l’enfant est annoncée avec sensibilité :
c’est un jour de fête. I c i , au contraire , les assistans sont
consterne^ ;la mère est inquiète, un silence funeste l’épou
vante: elle s’écrie, M on enfant est m ort! On veut la ras
surer suivant l’usage ; on craint une révolution dans l’état
critique qui précède la délivrance : mais il est impossible
de feindre ; et les témoins, en rendant compte des détails,
ne présentent qu’un tableau de deuil et de douleur.
L ’enfant est né sans vie! voilà la seule induction qui
puisse résulter des enquêtes. Les circonlocutions, les hési
tations des témoins ne permettent pas de douter. On
plaint la m ère; mais on est convaincu que son enfant
est mort avant de naître.
- La succession de cet enfant pourroit-elle consoler une
m ère? A h ! que l’intérêt approche peu de ce sentiment
que la nature a gravé dans son cœ ur! et ce n’est qu’avec
l’œil du mépris qu’on doit envisager ce m otif du juge
ment dont est a p p el, portant « que Catliçrine L a fo n t,
* qui a été m ère, qui on a couru les dangers,doit être
« -consolée par la succession. » L e cœur n’a pas dicté ce
E
�’ ( 34 )
m otif absurde ; et dans les tribunaux , lorsque l’esprit
n’est pas convaincu, là finit le ministère du juge.
Loin de nous ces motifs de considéi-ation, qui nous
' jetteroient dans un arbitraire dangereux, et qui sont mar
ques au coin de la dépravation et de l’insensibilité.
Si on les envisage même sous le rapport politique, est-il
bien intéressant que les biens d’un individu passent dans
une famille étrangère, qu’ils aillent enrichir un second
époux aux dépens des héritiers légitimes (* ) : on ne voit
pas ce qu’y gagneroit la société ; on ne trouve pas de motifs
assez puissans pour faire fléchir la sévérité des lois , in
tervertir l’ordre des successions.
Les premiers juges se sont encore déterminés par la
circonstance que l’acte de naissance devoit faire foi. Mais
cct acte de naissance, que prouve-t-il ? L ’officier public, le
seul qui puisse donner par son caractère quelque authen
ticité à sa déclaration , n’atteste i’ien par lui-mêm e; il ne
'rédige que sur la relation d’autrui, sur le rapport d’un
aïeul intéressé qui n’a rien vu , rien entendu ; sur la dé
claration d’un homme qui a avoué n’avoir pas vu l’enfant
vivant.
Les information et enquête détruisent la déclaration
de François Corre , seul témoin à l’acte de naissance. L ’officier public, qui a encore la qualité de curé , n’est pas
même en état d’attester le fait ; il est dans l’incertitude ,
lorsqu’il remplit les devoirs de la religion dont il est le
ministre.
L o rsq u e le m ém oire étoit à l ’im pression, on a été instruit que
C ath erin e L a fo n t \enoit de contracter un second m ariage.
�35
(
)
II aperçoit, il sent un reste de chaleur ; il risque, dans,
le doute, le sacrement de baptême , à telle fin que de
raison. L ’acte de naissance rédigé par lui ne fait donc
aucune preuve, et ne devoit pas influer sur la décision
des premiers juges.
Jusqu’ici les jurisconsultes ont seuls raisonné d’après
les principes du droit et les assertions des auteurs les
plus accrédités \ ils croient avoir rempli leur tâche ; ils
se flattent d’avoir démontré que l’enfant de Catherine
Lafont n’étoit pas viab le, et n’a pu transmettre une suc
cession qu’il étoit incapable de recueillir. Les docteurs à
leur to u r , après avoir mûrement examiné l’information
et l’enquête, pensent que ces deux pièces ne donnent pas
Une solution satisfaisante.
Elles ont besoin d’une explication et d’un développe
ment puise dans les principes de la physique médicale,
afin d’atteindre ce degré de probabilités médico-légales
qui doit édifier les magistrats.
Pour répondre affirmativement ou négativement sur
la vie ou la mort de Venfant Lafon t au moment de sa
naissance, il est nécessaire d’exposer que la vie est un
mouvement continuel, successif et réciproque des solides
et des fluides de tout corps animé, formant l’ensemble des
fonctions qui résistent à la mort,
I^a vie se divise en animale et en organique.
La vie organique se compose d’une succession habi
tuelle de contractions, d’oscillations,’ d’assimilations, d’ex-
�( >u
C 3 6 )
crétions , qui fait rèjeter ou retenir les molécules des
corps qui peuvent servir ou nuire à son accroissement;
elle est indépendante de la perception ; elle est commune
aux animaux et aux végétaux (*).
La vie animale consiste dans la perception des sensa
tions nuisibles ou utiles, agréables ou douloureuses ; la
faculté d’exprim er par la vo ix articulée ou inarticulée,
ses désirs et ses craintes, ses peines et ses plaisirs.
Cette vie est le partage exclusif de tous les animaux ,
et constitue essentiellement leur existence.
P our déterminer si l’enfant Lafont a joui de l’une et
de l’autre v ie , les docteurs entreront dans l’analise de
l’information et de l’enquête, en s’attachant seulement
aux déclarations des témoins de visu.
L ’un a senti des restes de chaleur ; un autre a dit avoir
vu rendre des excre'mens avant la naissance complète ;
un autre propose de toucher le cœur , q u i l dit battre
encore ,* un autre dit avoir vu rendre un seul et dernier
soupir ; un autre dit avoir senti les pieds de l’enfant
remuer entre ses mains , ainsi que le mouvement du cœ ur,
lui avoir fait des frictions sur le visage avec de l’eau-dcv ie , lui avoir mis le doigt dans la bouche , y avoir soufflé,
et vu rendre un dernier soupir ; un autre dit avoir mis
l’enfant sur ses genoux , lui avoir lavé le visage avec de
l’e a u - d e - v ie , avoir vu remuer te bras et soupirer *
un autre enfin déclare- que les genoux de la femme sur
{*) Bichat, Rrcclicrches physiolog. sur la vie et la mort.
�MO)
37
(
)
lesquels étoit placé l’enfant lui trembloient de pour, et que
ce tremblement s’eloit communiqué à l’enfant.
Ge tremblement de genoux ainsi communiqué à l’ènfant, ne peut-il pas en avoir imposé pour un mouvement
qui lui fut personnel ?
Quelles inductions tirer de ces déclarations? Les signes
de vitalité qui en résultent n’indiquent autre chose qu’un
reste de contractilité et d’irritabilité, attributs, de .la vie
organique, mais indices de la cessation encore récente de
la vie animale.
Parmi les signes les plus saillans de cette contractilité
organique , il faut compter les déjections dés matières
fécales dont il est parlé, dans les dépositions , long-temps
avant la sortie de l’enfant du sein dç sa m ère, annoncées
par l’un des témoins comme symptôme de mort.
Les signes non équivoques de la vie animale consistent,
comme on l’a d it, dans la perception des sensations nui
sibles ou utiles, etc. Si l’enfant Lafont eût épx*ouvé le
contact de l’air atmosphérique sur la surface du corps ;
si ses poumons eussent eu la force de supporter le volume
d ’air nécessaire pour la respiration , première fonction de
la vie animale, il l’auroit exprimé par les cris toujours
naturels aux nouveaux nés ; aucunes déclarations ne font
«îention de ces cris; quelques-unes seulement parlent
d un dernier soupir, d'un léger soupir : mais ce dernier
mouvement expiratoirc, atonique et passif, n’est point la
respiration.
La respiration se compose du double mouvement actif
�133
(
)
de l’inspiration, et passif de l’expiration : un dernier
soupir , un léger soupir, doivent donc être considérés
comme le dernier mouvement expiratoire passif, propre
ment dit expiration dernière, ou la m ort, et peut-être
encore comme l’effet de l’insuflation..........
Tous les signes de vitalité qu’on peut recueillir de l’in
formation et de l’enquête , ne sont que des indices de
contractilité et d’irritabilité, attributs de la vie organique,
tels qu’on les observe sur les cœurs nouvellement arrachés
du sein des animaux , sur les têtes récemment séparées
de leurs troncs , sur les chairs encore palpitantes des ani
maux pendus à la boucherie, sur les trachées-artères ou
l’arynx des oies, que les enfans insufflent dans les rues
pour en tirer un bruit semblable aux cris de l’oie ; tels
enfin qu’on les excite, par les nouveaux procédés galva
niques , sur tout ou partie des animaux morts depuis
peu.
Si la distinction que les docteurs viennent d’établir
étoit arguée de subtilité métaphysique, ils répondront
qu’elle est reconnue par tous les physiologistes modernes;
q u e, puisée dans la nature, elle doit être consacrée par
la loi ; et qu’au commencement du siècle dernier cette
grande vérité fut pressentie par Paul Zacliins, dans son
fameux Traité sur les questions médico-légales. Cet auteur
s’exprime en ces termes: P r o mortuo habetur, qui vi-r
çere non potest.
Par tous ces motifs , le conseil estime que si l’enfant
Lafont a porté en naissant quelques restes de vie orga
nique, il n’a pas joui dçs conditions qui çonsituenl la vio
�IM
39
C )
toute entière ; e t , pour s’expliquer plus nettement, qu’il
est mort avant d’être né.
D
é l i b é r é
8 5
à R io m , le 24 novembre 1 o .
P A G E S (de R io m ), B A R T H E L E M I ,
ancien avocat.
doct. en méd.
ANDRAUD,
anc. av .
D E VAL,
anc. av.
GRANCHIER,
anc. av.
C H O S S IE R ,
doct. en méd.
G E R ZA T,
doct. en méd.
M e. V E R N I È R E , avoué licencié.
A R I O M , de l’im prim erie de L
andriot,
seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — F rim aire an 14.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Gilbert. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Bartelemi
Andraud
Granchier
Chossier
Deval
Gerzat
Vernière
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation pour Gilbert Lafont, propriétaire, aubergiste de la commune de Néris-les-Bains, appelant de jugement rendu au tribunal de Montluçon, le 14 nivôse an 13 ; Et encore pour Jean Bournet, Marie Lafont, sa femme ; appelans d'un jugement rendu au même tribunal, le 19 ventôse an II ; Contre Catherine Lafont, veuve et commune de Gilbert-Marie Lafont, habitante de la même commune de Néris-les-Bains, intimée.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1506
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_G1508
BCU_Factums_G1507
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53246/BCU_Factums_G1506.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53247/BCU_Factums_G1507.pdf
41c22927303d1dd7adfe05ab3aa1ad73
PDF Text
Text
CONSULTATIONS
MÉDICALES
d
'appei
D E RIOM
POUR
G ilbert
L A FO NT,
appelant ;
CONTRE
Catherine
L A F O N T , et L
P E T A U T O N , son mari
L
e
ouis- A u guste
,
intimés.
CONS EI L S O U S S I G N É , consulté su r les
signes qui constatent évidemment qu’un enfant est né
vivant,
E
s t i me
COUR
qu’il ne faut s’arrêter qu’à ceux qu’on
aperçoit sur l’enfant entièrement sorti du ventre de la
A
�mère : tout ce qui se passe pendant ¡’accouchement
n’étant pas mouvement propre de l’enfant, il ne regarde
pas la clialeur du corps de l’enfant comme un signe
notoire qu’il est sorti vivant : le cadavre la conserve
long-temps. Il faut donc pour constater Lien sûrement,
bien légitimement la vie du nouveau n é , qu’on aperçoive
le jeu du poumon, le mouvement alternatif d’inspiration
et d’expii’ation ; que la circulation du sang soit soute
nue ; qu’il y ait dilatation et contraction alternative du
cœur et des artères : ce qui n’est pas assuré par unrseul
battement de cœur qui peut s’apercevoir, même dans
un cœur détaché de la poitrine.
L e conseil pense donc que quand la certitude que
l’enfant a respiré , que le sang a circulé, n’est pas consta
tée par un homme de l’art, le signe univoque et seul in
contestablement sûr de la vie du nouveau n é , est le cri,
le vagitits si désiré par les m ères, et si bien entendu
par elles, que par ce cri la plupart connoissent le sexe
du nouveau né.
DÉLIBÉRÉ
à,C lerm o n t-F erran d , ce 14 frimaire
an 14.
M O N E S T I E R , D . iV. M .
D U L A C , V . M. M.
�us
(3)
J
e
SO U SS IG N É , docteur en chirurgie, après avoir
lu attentivement le mémoire de Gilbert L afon t, tendant
à prouver que l’enfant en question n’est pas né vivant,
P
ense
q u ’il ne p e u t y a v o ir de doute à cet é g a r d ,
et q u ’il p a r o ît, d’après les faits m ê m e , que cet enfant
a p éri dans le travail de l ’accoucliement.
L ’absence des m ouvemens, celle des cris qu’il jette
ordinairement; l’absence de la ligature du cordon om
bilical , absence qui peut être présum ée, puisque la
sage-femme n’en parle pas : ligature qu’elle n’auroit
pas manqué de faire , si elle eût cru l’enfant vivant ,
sont une masse de présomptions en faveur de sa mort.
Quant à la chaleur de son corps , seul^ m otif qui a
déterminé le prêtre à lui administrer le baptême , il
n’est personne qui ne sache que la chaleur n’est pas
la vie , et qu’elle se conserve encoi’e plus ou moins
long-tem ps, suivant l’individu et le genre de mort.
Personne ne parle de l’avoir vu respirer , d’avoir
senti les battemens du cœur ou des artères •, et certes,
si ces signes avoient existé, il en auroit paru d’autres
plus décisifs en core, tels que les mouvemens des pau
pières , de la bouch e, des m em bres, l’éternument et
les cris. Que n’a - t-o n pas fait pour le rappeler à la
v i e ? Les frictions avec l’e a u -d e -v ie étoient un bon
A z
“t
�(4)
m oyen, mais on pouvoit en ajouter d’autres; et si on
les a négligés, c’est parce qu’on les a jugés inutiles.
Les battemens du cœur qu’on a sentis dans le mo
ment de Paccoucliement, ne peuvent prouver que l’en
fant a vécu après sa naissance , mais seulement qu’il
vivoit un moment aupai'avant, avant d’etre débarrassé
des liens qui l’unissoient à sa mère ; et que la demiheure qui s’est écoulée depuis l’instant où la sagefemme a senti les battemens du c œ u r , jusqu’à celui
de la naissance , a été plus que suffisante pour qu’il
pérît : et on en sera d’autant plus convaincu, si l’on
jette un coup d’œil sur la manière dont s’opère l’ac
couchement par les p ied s, qui est le cas de l’enfant
dont il s’agit.
Cet accouchement s’opcx-e par les seules forces de la
nature, 011 par l’art. Dans le premier cas, l’enfant est
chassé jusqu’au-dessous des bras; mais alors le volum e »
de la tete et des bras oppose une plus grande résis
tance , et le cordon ombilical qui se trouve placé sur
les parties latérales de la tete de l’enfant, souifre une
compression qui intercepte la circulation de la mère
à l’enfant, qui est le seul moyen d’existence de ce der
nier. O r , on conçoit que s’il tarde quelque temps à
sortir, cette compression le fait périr nécessairement.
Si l’art vient au secours de la mère et de l’enfant, i l
�/ ■
JP
( 5 )
clierclie à rendre sa sortie plus prom pte, en tacliant
d’abord de dégager' les bras l’un après l’autre : reste
ensuite la tête, qui remplit alors exactement la cavité
du petit bassin , et exerce toujours sur le cordon une
compression funeste, pour peu qu’elle dure. 11 faut
donc
que l’accoucheur emploie une force suffisante
pour la sortir le plutôt possible ; et il ne peut pai'venir à ce but, qu’en tirant sur le corps de l’enfant;
mais il faut que ces efforts se fassent en ligne directe,
et soient calculés sur le degré de force des ligamens et
des muscles qui unissent la tête de l’enfant à son tronc,
sans quoi on court le plus grand risque, ou de le dé
coller, ou de luxer la première vertèbre sur la seconde:
de là , rupture de la moelle de l’épine, et mort subite.
Si ces accidens arrivent quelquefois entre les mains
de gens habiles, à plus forte raison combien ne doiton pas les craindre, lorsque l’accouchement est livré
aux mains d’une femme dont l’ignorance ne peut être
révoquée en doute, puisqu’elle ne sait ni lire ni écrire.
E t qui peut répondre que la mort de l’enfant n’ait
été occasionnée ou par les mauvaises manœuvres de la
sage-femme, ou par la compression qu’a éprouvée le
cordon ombilical en restant comprimé pendant demiheure que la tête a resté engagée dans le bassin. L ’ac
couchement a dû encore être d’autant plus pénible, que
�(6)
c’étoit le prem ier, et que les parties ont dû offrir plus
de résistance.
J ’espère que
ces réflexions sont du plus grand
poids, et méritent d’etre prises en considération.
Peut-on regarder comme un signe de vie cet unique
et léger soupir que l’on croit avoir entendu faire à
l’enfant, dans le temps qu’on lui administroit des fric
tions sur la figure? N ’est-il pas plus naturel de penser
que ce n’étoit qu’un mouvement mécanique imprimé
par le frottement sur des parties jouissant encore de toute
leur élasticité, et par lu compression que l’on a pu
faire sur la poitrine de l’enfant, en lui administrant
ces secours. J ’en dis autant du mouvement du bras»
qu’on a cru apercevoir : une position sur un plan non
horizontal, comme les genoux, suffit pour en rendre
raison , sans avoir recours à line action vitale qui
n’existe pas. On ne peut donc de ces diiférens mouvemens en conclure que l’enfant étoit vivant.
Pour me résumer, je pense qu’un enfant ne peut être
censé vivant, tant qu’il est encore dans le ventre de sa
m ère; que les seuls signes positifs qui annoncent la vie ,
lorsqu’il est né, sont les mouveinens bien distincts et répé
tés des membres , des paupières, de la bouche, l’étcrnument, la respiration, les battemens du cœur et des
artères, et les cris. L ’enfant dont il s’agit n’a donné
�( 7 )
aucun de ces signes Lien évidens ; en conséquence il
me paroît prouvé qu’il a péri dans le travail de l’accou
chement ; et on ne peut pas dire qu’il est né vivant ,
puisqu’il est mort avant de naître : la naissance ne datant
que du moment où l’on respire, et où l’on commence
à sentir les influences de l’air atmosphérique.
D
é lib é r é
à Clerm ont-Ferrand, le 8 janvier 1806.
C I I O M E T , D . Ch. P .
D u même avis , par les mêmes motifs.
A Clermont-Ferrand , le 8 janvier 1806.
DULAC,
;D. M . M .
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r io t , seul imprimeur de la
Cour d ’a p p e l.— Janvier 1806.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Lafon, Gilbert. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Monestier
Dulac
Chomet
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations médicales pour Gilbert Lafont, appelant ; contre Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, intimés.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1801-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
7 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1507
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1506
BCU_Factums_G1508
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53247/BCU_Factums_G1507.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
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bbdb16b80d8877ae69743f114aa845cb
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
D ’A P P E L
EN
R É P O N S E ,
POUR
C a th erin e
LAFONT,
et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C O N TR E
LA FO N T, J e a n -B a p tis te B O U R N E T , J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
G ilb e r t
L A F O N T leursfemmes habitant aussi
à Néris, appelans.
M a r ie
Ce n' etoit pas une assez grande douleur pour une m ère
d avoir perd u, en quelques mois d’intervalle , son époux
et son enfant; il a fallu q u e pour satisfaire l’avidité de
A
deriom.
�• ■\
* >'
'
( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus m inutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pou r elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hom m es, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne com pte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être q u’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’ imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. P o u r arguer de faux un acte de naissance , les
appelans s’étoient soumis à p rou ver que l’enfant de Ca
therine L afon t étoit né m o rt; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa p art, au con traire, l’intimée/a établi clairem ent la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titr e , et q u i,
pour faire pleine C-i entière fo i, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanm oins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l ’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�¡¿y
(3)
faits insignifians, à 'présumer que l’enfant pouvoit elre
venu au m onde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrem ent réglée par les lois
civ ile s, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont ép o u sa,le 14 brum aire an 10, GilbertM arie L a fo n t, son cousin.
Seule h éritière de son p è re, qui lui abandonnoit dèslors tous ses b ie n s, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lu i, il avoit vendu
tous ses droits successifs à G ilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme m odique de 10000 fr.
Les ép oux stipulèrent un gain m utuel d’ usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et dem i; et le 27 fruc
tidor de la même an née, la f o n t est m ort à vingt-trois
a n s, laissant sa jeune veu ve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle app ela, outre une sagefem m e, des pareutes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la fam ille de son mari : c a r , depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A
2
�( 4 )
Ses couches furent extrêm em ent 'laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incom m odité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
m it au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
a voit cruellem ent souffert de ces efforts. Ses m ouvem ens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la m ême fatigue qui accabloit la mèi*e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand x*epos pour échapper à la mort.
M ais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. O n tourm ente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces ¡prétendus soulagemens.
O n suivit donc pour l’enfant de Catherine L afont la
•m éthode ordinaire. L e cordon om bilical co u p é, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u - d e - v ie , et on ne l’em ploya
pas moins au m êm e usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’a voit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les b ras; mais ce n’étoit
là qu’ un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut m andé; et quoiqu’ il n’arrivât que lon g-tem p s
après l'accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de v ie , car il lui administra le baptêm e,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà 011doyée par précaution.
«
�(
5 )
A p rès le baptêm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il ch o isit, avant de p a r tir , ses deux témoins.
Ces témoins, en effet allèrent à la m airie , et on les
renvoya au lendemain. Comm e alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’a u tre , le
>21 frim aire an n .
Catherine L afont étoit h éritière de son enfant par la
loi du 17 n iv ô se , ce qui avoit dû p eu t-être exciter la
jalousie des adversaires.
11 est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même;. et tout ce qui s’étoit passé devoit
leu r être con n u , puisque Catherine L afon t, comme elle
vient de le d ire, avoit été entourée de la fam ille de son
m a ri, c’est-à-dire, de la fam ille des adversaires : la sngefemme elle-m êm e étoit leur tante. N éanm oins, et dans
cet instant m alheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement in d iiféren t, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le m oindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite com m une, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
T ro is mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce tem ps, ils jugèrent con
venable de com m encer sourdement les hostilités.
Comm e G ilb ert L afon t avoit acheté les droits de son
déiunt frè re , dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits céd és, il se fit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-lrères Bournet et F o ric h o n , dans la vue d’embar-
�(6 )
rassct* Catherine L a fo n t, et n’osant pas lui-m êm e com
m encer le procès.
G ilbert L a fo n t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur S o u lie r, n o ta ire , débiteur
de la succession.
L e prem ier sentiment de la veuve L afon t fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
m én a ger, et poursuivit ses adversaires en payement et
m ain-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lo rs G ilb ert L afon t fut forcé de s’ex p liq u er, et il crut
l’intim ider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine L afont lui fit signifier sur le cham p la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et G ilb ert L afont fut obligé de donner suite à sa
procédure. G ilbert L afont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o r t- n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V o ilà un enfant m o rt;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’en fa n t, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
E n vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , G ilbert
L afon t fit entendre cinq témoins.
est essentiel de re
m arquer qu’il alfecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lum ières, la sage-femme. Quant à ceux
11
entendus à sa req u ête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e prem ier témoin est le c u ré -a d jo in t, qui a adinU
�tér
(?)
nistre le baptêm e et fait l’acte civil; A v an t le bapteme
il a touché l’enfant et lui a, senti de la chaleur.
L e second tém oin , F ra n ço is C o r r e , ne sait pas si
l’enfant étoit vivan t ou m ort.
L e troisièm e, M a rie L a fo n t , fe m m e P ig7tot, la plus
proche parente des adversaires, sait tou t, et a connu que
l ’enfant étoit m ort à l’éjection de ses excrém ens. L a sagefemme lui fit signe qu’il étoit m o rt; elle lui dit aussi de
toucher le coeur de l’enfant pour sentir qu’il b a ttoit, mais
le tém oin répondit qu’il ne s’y com ioissoit pas. L a sagefemme lava l ’enfant, et lui m it les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme C orre le
p rit sur ses genoux , et ses genoux trem blèrent par la
crainte qu’elle avoit de la m ort de l’en fan t, et ce trem
blem ent se com m uniquoit à l’enfant. L e curé v i n t , le
toucha h divers en d ro its, et le baptisa
puis la femme
Corre dit à son m ari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas m anquer de dire au curé ( q u i venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. A p rès cela elle avoue
qu’elle a dit e lle -m ê m e à la m ère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pou r la tranquilliser; et que lors
qu’elle a vo u lu dire autrem ent, L ou is L afont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrièm e tém o in , M a rie B o u r n e t, ne sait rien
par elle-m êm e ; elle confirm e la proposition faite par la
sage-femme à la P ign o t de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquièm e tém oin , M arguerite L a f o n t , veuve
�*iU
v " - 1
(8)
I
H o n n e fo i, a vu la sage-femme in q uiète, lorsqu’elle de
manda de l ’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
rem arqué qu’il a fait tin léger so u p ir , ce qu'elle a re
gardé comme un signe de v ie ,• elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement in u tile; et en effet il n’y avoit rien de
moins p rou vé que le faux m atériel de la naissance de
l ’enfant. Q uatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort ; un seul attestoit la m ort par ses p aroles, et ce
qu’il a indiqué pou r la prouver donne plutôt à présum er
!
pour la vie. Les faits du baptêm e et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
N éanm oins, et par surabondance, Catherine L afon t
vo u lu t aussi faire une enquête; et il ne faut que la parcourir pou r être convaincu de la vie de l’enfant,
j
L e prem ier témoin est la sage-fem m e ; elle sentit les
'
mouvem ens de l ’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du cœ u r, et proposa à la femme P ign o t d’y
toucher. Quand l ’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
m ouvem ent, c’est pourquoi elle demanda du vin. O n lui
porta de l’e a u - d e - v i e , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. A lo rs ayant à s’occu
per de la m è re , elle a remis l’enfant à la femme C orre
(quatrièm e témoin ci-après). E lle avoit ondoyé l’en faut;
Je curé est venu et l’a baptisé.
L e second tém oin, F ra n çois D u r i n , a soupe avec lo
!
curé le soir des couchas. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
f
i
�avoir touclié son estom ac, senti de la ch a leu r, cru re
marquer de la v ie, et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est M a rie B o u r n e t, déjà entendue.
L e quatrièm e tém oin, la fem m e C o rre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-m êm e lavé
l ’enfant avec du v in , lu i a v u rem uer les bras trois ou
quatre fo is, lu i a senti battre le cœ u r , a distingué des
rnouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
m arqué que l’enfant soupiroit ; mais il est m ort sur ses
g e n o u x , sans q u’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrem ent de vivre.
L e cinquièm e tém oin, Q u illem in , a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiüïl n 'a u roit pas
f a i t , s ilii eût cru s être assuré de son existence. La sagefemme a dit encore au tém oin que l’enfant étoit venu
au monde v iv a n t, et qu’elle l ’a voit ainsi déclaré à son
confesseur.
L e sixièm e té m o in , Georges F o riclio n , a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’en fan t, et admi
nistré le b ap têm e, sans p o u voir assurer qu’ il fût vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (c e lle
qui a dit l’enfant m ort ) avoit dit qu’ il étoit né vivant ;
et qu’elle-m êm e, femme P ig n o t, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit rem arqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 niyôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
u 1 enqucle d irecte, et m ême les enquêtes entr’elles. 11
B
�est vrai que le procureur im périal vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en ch iru rgie,
mais le tribunal de M ontluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas u n e; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l ’état civil font
« foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de N éris, que
« l’enfant de Catherine L afont est né à trois lieures et
« dem ie, le 21 frim aire de l’an 11 ; qu’ il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi«
«
a
«
«
heure après sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
authentiques que l’enfant est né vivan t; que pour détruire ces deux actes, G ilbert L afon t a pris la voie
de l’inscription en faux incident; que par conséquent
il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« m ort avant que de n aître; et il s’agit d’exam iner s’il
« l’a rem plie ; que le prem ier tém oin par lui produit
«
se
«
«
«
«
«
a senti un reste de chaleur à l’en fan t, et lui a admi
nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
in terro g é, comme oilicier p u b lic, l ’accoucheuse qui
lui a attesté que l’enfant étoit né v iv a n t; que le secon d , quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
ne s’être pas assuré par lu i-m ê m e de l'existence de
l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme m ort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi"
« aux exçréinens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�tu
( II )
« femme lu i a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
(< lui a proposé d’y porter la m ain , ce qu’il n’a voulu
« fa ire; qu’après qu’il fut entièrem ent sorti du ventre
« de la m ère, il ne lu i a rem arqué aucun signe de v ie ,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lu i ait mis les doigts dans la b ou clie, et y ait soufflé;
« que le quatrièm e ne s’est pas assuré par lui-m êm e si
« l ’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a en« tendu dire dans la maison qu’il étoit encore v iv a n t;
« que le cinquièm e lui a v u faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de v ie ;
« Q ue de ces cinq témoins , le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o r t, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette m ême acçou« clieuse a dit ensuite que le cœur de l ’enfant battoit,
« a proposé au tém oin d’y porter la m a in , ce qu’il n’a
« vo u lu fa ire , disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant. que le prem ier tém oin a senti de la
<c chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que l ’enfant étoit né viva n t; que cette m êm e
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en tém oignage par Catherine Lafont; que le quatrièm e
« témoin a ouï dire dans la m aison, après la naissance
v de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie ; que le cinct
“
«
«
«
quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de v ie ; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi G ilbert
L afon t n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�111.
,y
k
«
«
«
«
( 12 )
de d écès, ainsi qu’il se l ’étoit ptoposé ; qu’on en est
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième tém oin ouï à la requête de Catherine L a fé h t,
à qui l’accoucheuse rem it l’en fan t, pour donner des
soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage-
« fem m e, lui a v u battre le cœ u r, lui a distingué des
« mouvem ens dans le visage, et a rem arqué qu’il sou«
«
«
«
p iro it; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; q u ’il
n’a apporté au monde aucun vice de conform ation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-
« constances, jointes aux actes de l’état c iv il, aux décla« rations des tém oins, doivent suffire pou r constater là
« vie de l ’enfant, ou au moins le faire présum er vivan t;
« de m anière que Catherine L a fo n t, qui a été m è r e ,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute G ilbert L afont de sa demande
« en inscription de fa u x , le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conform ém ent à l’ordonnance de
« 173 ?) et aux dépens. Fait et jugé à M on tlu çon , le 14
« nivôse an 1 3 , etc. »
A p rès ce jugem ent, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse su ivan t, lequel prononce la m ain
levée des saisies-arrêts, et condamne G ilbert L afont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et B ournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la main - levée de
leur saisie-arrêt \ niais ils avoient gardé le silence en
�/■ *»
3
( i )
attendant l ’événement de l ’inscription de faux que G ilbert
L a fo n t, débiteur, avoit seul osé hasarder. G ilbert L afont
a interjeté appel du jugem ent du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse^
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en prem ière
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
L a jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leu r appel. O n con cevroit cette jonction, si G ilbert L afon t avoit interjete
appel du jugement du 23 ventôse an 1 3 , pai'ce que ce
jugem ent et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
m ent sur des saisies-arrêts. M ais le jugem ent du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Boufnet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comm ent se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugem ent qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en prem ière instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. L e u r appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance', et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à exam iner
les moyens proposés sur l’appel de G ilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i° . que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance ; 20.' que les signes de vio
�( H )
rem arqués par les'tém oins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
,
. -»-r'
'Ce sont ces deux prétentions qu’il faut exam iner, pour
en dém ontrer l ’erreur. ’
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e s enquêtes prouvent-elles le f a u x de Tacte de n ais
sance ?
- A u cu n acte ne m érite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l’enseignent,
et la raison nous dit qu’il im porte au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
m atériel.
- C a r , comme le dit M . C o ch in , les registres de nais
sance sont des monumens publics a u x q u els la lo i veut
q u ’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la lo i; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du tém oignage
du père s’il est viva n t, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est m ort ou absent ; car l’accou
cheur a lui-mêm e un caractère p u b lic, et seul il fait foi
de la naissance. ( L o i du 20 septembre 179 2 , tit. 3 , art 2.
Code c iv il, art.
.) Il faut en outre deux tém oins, mais
56
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfunt soit porté à l'officier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sep-
�fis
tem bre, tit. 3 , art.
( ' 15 )
) V o ilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’ un acte’ de l’état civ il feroit fo i, eL
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous,
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de fo rm e, si les trib u n au x, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si 011 présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne dcvroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux ; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de dém entir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tom ber l’acte ; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la co u r, n e'
tendent point à éluder l’examen des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’ un seul mot à d ire , c’est qu’au lieu
d'y vo ir la preuve de m ort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul tém oin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver G ilbert L afon t? et qu’a-t-il p ro u vé?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumetloit
à établir, io. q ue plusieurs personnes étoient présentes
lo is des couches, et que toutes ces personnes s'écrièrent :
V o ilà un enfant m ort j
�(i6)
2°. Q ue la sage-fem m e ayant frotté l’enfant avec de
Teau-de-vie, elle ou vrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
et avoit les yeux fermés ;
3°. Q ue François C orre n’arriva dans l’appartement
que dans l ’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Q ue la femme Corre dit à son époux d’aller avec
L ouis L afon t faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
°. Q u’il n’a été fait aucune réquisition à l ’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
5
par conséquent rem arqué aucuns signes de v i e , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que. sur la déclaration de deux
tém oins, dont l’un étoit l’aïeu l, partie ipféressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e prem ier fait n’est attesté en partie que par un tém oin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s’écrièrent : V o ilà un enfant
m ort; c’est la femme P ign ot qui prétend seule l’avoir dit à
M arie B ou rn et, parce qu’elle a vu tom ber des excrém ens;
mais M arie Bournet ne le confirme pas,
Cette P ign ot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des m enteurs; elle se contredit elle-m ême
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
etoit m o rt, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœ ur; elle refusa de s’assure?: si l’enfant étoit
v iv a n t, parce quV/fe ne s y con noissoit pas : cependant
d ie avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
1
Ces contradictions s’accordent parfaitement avec « dé
position
�( 17 )
position du tém oin F o riclio n , qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette m ême P ign o t leur avait attesté que
l’enfant étoit v iv a n t, et qu’elle lu i avoit rem arqué p lu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage -, et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V o ilà
un enfant m o rt; puisque tous les autres témoins présens
ont rem arqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxièm e fait n’est p rou vé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la m êm e
P ig n o t, que la sage-femme ou vrit la bouche de l’enfant :
fait is o lé , faux et inutile. M ais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l ’enfant eût, en nais
sant, ni de la p â le u r, ni les yeu x fermés.
L e troisièm e fait n’est encore déclaré par aucun té
m oin. C orre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir v u sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas m êm e de l u i , com m e
tém oin , qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-fem m e; et il étoit tém oin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, com m e tém oin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit $as admis
à se rétracter.
Jg
L e quatrièm e fait étoit aussi insignifiant que le précé
d en t, et n’est pas déclaré de la m ême m anière par ld
V ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidem m ent
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à rem arquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à riulium ation , et cependant
C
�(i8)
Corre dît que c’est elle qui vint le chercher à sa vign e;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquièm e fait est dém ontré faux par tous les té
m oin s; car bien loin que le sieur R e yn au d , adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o i r , il dit lui-m êm e y être venu et
•l’avoir vu. T o u s les témoins parlent de ce fait, et la P ignot
elle-m ême déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A in si rien de ce que G ilbert JLafont avoit offert de
p ro u ver ne l ’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Q uand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres tém oins, il ne resteroit que des
doutes sur la m ort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encoi’e ne sont com m uniqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant com m uniquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est m éfiée ellem êm e; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrém ens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait m êm e, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être 1111 semblable tém oignage? C ’est là cependant
la seule preuve de la m ort qu’elle d on n e, ou plutôt la
seule preuve qu e fournit l ’enquête.
�( 19 )
I-e curé auroit été un tém oin im portant s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et q u o iq u e , dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que d im in u er,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été m ort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l ’enfant fût m o rt, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
v iv a n t, et après un prem ier baptême. O r , suivant les
règles, ce prem ier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ d icun t sufficere quod aliquod mernbrum b a p tizetu r, ut sit infans christianus.
A in si ce second baptême fait par un prêtre est une
présom ption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à celte présom ption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le m êm e témoin. A in s i,
quand il m arquerait les conjectures de m ort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic , qui parleroit plus haut que sa déposition.
O n vo it d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner m algré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoinsD u rin et G u ille m in , à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’ avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
vSi à cela on ajoute les dépositions de la sage-fem m e,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o r r e , il n’y aura
plus à douter; çar les mouvernens de l’enfant dans la main
C 2
�Vt o
(( 20 y
de la sage-fem m e, les batteme?is du Cœur, leâ soup irs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction desmuscles du visa g e, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le tém oignage de ceux qui l’ont vu
vivant. L es apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
L e s sigjies de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t- ils
sitjjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, etla jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’ il étoit com pté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
'é to it n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’ il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet
illico
decesserit. L . 2 , cod..
l ) e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v i e , ’ lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit auuuüé par la naissance d’un posthume. Les
�»
( 2*. ) ^
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir v é c u , eût c r ié , ciamorem ew iserit. M ais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent em pêcher les cris de-l’enfant, quoique visi
blem ent il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Ç u o d diù certa tu m , et d it, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rom pu si l’enfant étoit
né v iv a n t , quand m êm e il seroit m ort im m édiatem ent
après sa naissance, et m êm e dans les m ains de la sagefemme.
S a b in ia n i existim a ba nt s i viçus natus esset e t s j
v o c e m n o n j e m i s i t rum pi testamentuin : eoruni etiam
nos laudarnus sen ten iia m , et sa n cim u s, si pei'fectè na
tus e s t , licet i l l i c o postquarn in terrain cecidit veî
s o b s t e t r i c i s d ecessit, rum pi testam entum. L o i Ç u o d d m , code D e posth. lib.
in
m a n ib u
Cette supposition d’une m ort aussi prom pte, pour ainsi
d ire , que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés , puisque le son
de la vo ix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11
y a p lu s, car la loi encore a p révu le cas où un
accouchement auroit été tellem ent forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la p or
tion qui a v u le m onde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la v ie ; et la
loi en ce cas se contente du m oindre souille.
S i non integrum a n im a l cditurn s i t , cum s p i r i t u
tarnen, adeo testam entuin rum pit. L . 1 2 , il’. D e lib e n s
et post/l.
�m
( 1 2 )f
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
L ebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la v o ix de l’enfant ;
« comme si, d it-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pou voit pas, dans un petit espace de temps, v iv re
« et m ourir sans se plaindre : au contraire l’on peut d ire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« m énage ses forces pour prolonger sa v i e , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » ( L iv r e i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D o m a t, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l ’usage on n’ait jamais regardé com m e viable un
enfant né avant le septième m ois, M . D om at distingue
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succes
sion. Dans la prem ière espèce, c’est-à-dire, curn agitur
de statu e t j i t quœ stio sta tû s, M . D om at pense que l’en
fan t, avant sept m ois, n’est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s?agit que de transmettre la succession à ses
h éritiers, cîtm agitur de transrnissione hœ redita tis, les
raisons 11c sont plus les m êm es, et il n’im porlc plus que
l’enfant ait pu v iv re , il suilit qu’il ait vécu; et M . Dom at
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans do
quatre et cinq m ois, nés même par l’opération césarienne.
( L i v . 1 , sect. 1 , n°. 5 , p. 2 .)
Rem arquons qu’ici il s’agit d ’un enfant venu à tonne
après neuf m o is, et dès-lors légalement viable,•
�- 23 ^
H enrys, cité encore par les adversaires, 11e leur est pas
plus favorable que D om nt; il parle d’une cause où il s’agissoit d’ un enfant q u i, loin d’êlre regardé comme mort
pour avoir i*ejeté des excrém en s, 11’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V o ic i littéralement
le fait rapporté par M . H enrys lui-m êm e, ce U ne m ère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit ren d u s, cela fit douter
« s’il avoit survécu la m ère ou non. C eux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivan t que m o rt, ne man« quèrènt pas d’user de précaution , et de faire ouir par
ce devant le juge la sage-femme et un médecin. I,e p ré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l ’en terrem en t,
« et sur le refus que le curé p ou voit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siè g e , nous
« fûmes ouïs pour le procureur du r o i.. . . La sage-femme
«
«
«
et
«
ne s’étant arrêtée qu’à l ’éjection des excrém ens, et en
cela n’ayant pu parler que par l’organe du m éd ecin ...
le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’ en ordonner
un second__ que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe se u l, les médecins en p o u « voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent su iv ies, et un
K nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au pai*“ ^emen t, la cour a cru que le prem ier rapport devoit
c< suffi1'e ; en un m o t, que su r le d o u te, et dans les cir« constances du f a i t , il,fa llo it plutôt ju g er que f enfant
« avoit eu vie , que d'être m ort-né. » ( Quest. 2 1 , liv. 6. )
Enfin A caranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�( H )
rapport de B reton n ier, dans son traité D e p à rtu , ch. 16 ,
n°. 3 2 , que le m oindre signe de vie suffit s’il est certain, *
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pii'blic et légalem ent attesté, que de simples indices ne peu
vent d étru ire, les réflexions des docteurs consultés p a i
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lum ières;
car ces docteurs n’ont pu se déterm iner que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système;
M ais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l ’incertitude n’amena la conviction.
'
.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à cecn
L a c h a le u r, les m ouvem ens de l ’en fan t, ses soupirs et le
battement de son cœ ur, peuvent avoir trom pé les tém oins,
parce que les genoux trem bloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses g e n o u x , et ce trem blem ent, com m uniqué A
l’enfant, a pu en im poser pou r un m ouvem ent qui lui fût
personnel. L e seu l soupir entendu étant un dernier sorjpir,
n’a été q u’un m ouvem ent exp iratoire, sans inspiration,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volum e d’air nécessaire à la respiration. Les sigues de
vitalité rem arqués ne sont qu’ un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lem ent coupées, sur le larynx des oies, et nu galvanisme;
T o u t cela n’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
>
L a base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le inotive n’est pas exact, cl par conséquent
lu système s’évanouit tout cutier.
Le
�I
25
(
)
L e tremblement des gen o u x, im puté à la.fem m e C orre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition devoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreu r; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
q u i parloient de v is u , ils ont dû rem arquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e - v ie ,
entendit un gros soupir j puis elle le rem it à la fem m e
C orre pour s’occuper de la m ère. O r , à son tou r, la fem me
C orre lava l’enfant avec du v i n , et alors remarqua que
l ’enfant so u p ir o it, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
Je coeur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-fem m e quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seu l et der
n ier soupir.
A lo r s , et sans exam iner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa m ère rende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais asp iré, il est au moins certain que le
prem ier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
•deux, n’est pas un dernier m ouvem ent expiratoire passif.
A p rès cette exanim ation, il seroit impossible de conce
vo ir qu’un second soupir eût pu succéder au prem ier. C ’est
bien assez d’admettre un prem ier soupir dans un nou
veau n,é, si scs poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volum e d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité rem arqués aux têtes fraîchement
poupées ne semblent devoir rien prouver h l’égard d’un
pjifunt qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�r.
" '
. . .
r
, •
coupée, la vie surprise, p o u r ainsi d ire, pendant sa fo rce ,
s’arrête encore dans une partie'restée saine. Les muscles,
irrités ordinairem ent par la m oindre blessure , le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion com m unique à tout ce qui en dépend un jeu m é
canique qui n’est pas la v i e , mais qui en est l ’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi^"lité ou dissolution ', ce m ouvem ent des muscles rie peut
ii
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la fo ire
de supporter une seule aspiration, toute contractilité et
irritabilité, semble une chose entièrem ent impossible.
*
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y com m unique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de m é
ta u x , produire sur des chairs inanimées une com m otion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir lu
cause : m ais, quelle qu’elle so it, elle est le produit d’un
appareil q u elco n q u e; et jamais un corps n’a répété les
inouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
Rem arquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité môme
qu’ ils présum oient dans l ’enfant, étoit l’indice de la ces
sation en cart récente de la vie animale.
V o ilà donc une présomption de m ort attachée A la con
viction que l’enfant vivo it encore un instant auparavant.
O r , cet instant, où est-il? qui peut le saisir aujourd’h u i,
quand les assistans ne Font pu recon n oître? Com m ent,
dans une m atière aussi conjecturale que les signes de la
�H1
( 2?' V
m o rt, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, venu à terme en l’an n , soit m ort avant,
ou pendant l’extractio n , ou une minute après sa nais
sance, avan t, ou pendant son b ap têm e, ou in rnanibus
o bslciricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l ’a gardé quelque tem ps; après elle, la
femme, C orre l’a gardé-; puis le c u r é , mandé pour le
baptiser, est v e n u ; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa m ort.
, ,■ r .
.
- ,
t
'
Quand il n’y auroit pas de signes de vie l’econnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la m o rt, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r , comme le dit M» W in s lo w , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des* parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des m ouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une m ort certaine....
c< 11 est incontestable que le corps est quelquefois telle« ment privé de toute fonction v ita le , et que le souille
« de la vie y est tellement cach é, qu’il ne paroît aucune
« différence, de la vie et de la mort. » ( Dissertation.sur
l’incertitude des. signes de la m o r t, page 84. )
E t c’est parce que les signes de la m ort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
h’ gale se contentent des moindres indices pour présum er
la vie de reniant.
S i sp ira v en t, dit Zuchias ,• s i mem hra d isten d en t, s i
se m o v en t, .si sternutaverit, s i urinant red^at. •( Quest,
xuédico-leg. liv .
tit. , n°, 123.) Cependant la plupart
5
D 2
�WV
\>\
• . ... (
3
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples m ouvem ens de vitalité musculaire.
Foderé m arque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit m ort dans le ventre de sa m è re , et celui'
où il ne m eurt que pendant sa naissance. A u prem ier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la m ère ne laisse
pas de doute; au deuxièm e cas, il indique comme signe
de m ort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ccs signes mêmes ont trom pé les praticiens. ( M édeciue
c iv ile , tom. i , n ° . 288.)
M ahon ne pense nullem ent que la pulsation des artères
soit un sim ple indice de vitalité et de contractilité. « L a
«
cc
«
«
«
continuation du battement du cœur et de la circulation
du sang en gén éral, dit-il, est un indice bien plus sûr dé
la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
de toutes celles qui tom bent sous les sens, la plus im portante de la vie animale. » ( M édecine lé g a le , tom. 2 ,
pag- 393- 3
Si donc nous ignorons quand est m ort l ’enfant de Ca
therine L afon t, au moins ne l’étoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la v ie , au
m oins tous les raisonnemens de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
C ar il faut pour les adversaires des signes évidens de
m o rt, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
E h ! où en serions-nous, si h chaque m ort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudcs?
Les hommes sont convenus de regarder comme i’ins-
�( 29 ) ^
#
tant fixe de la m ort celui de la cessation totale de la cir
culation du san g, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance.
On: sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette rè g le , et que des personnes ont v é c u , après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort,
c M ais on ne vo it pas pou r cela que ces phénom ènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homm e sans pouls et sans fle x ib ilité de
m em bres, parce qu’il en auroit v u v iv re d’autres ayant
les mêmes symptômes de m ort.
Com m ent donc est-il possible de décider qu’ un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent , etoit cependant m o r t,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise*
d’ une m ort reconnue récente ,* et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des h ypoth èses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus im m édiate et plus
naturelle?
'
.
• .,
L es couches de; Catherine L afon t ont été laborieuses;
I
7
voilà un fait connu.
, ‘
L ’enfant a dû être très-acçablé, et avoir besoin du plu9
grand calm e; si on l ’a tourm enté on n’a pu que lui nuire :
Voilà la prem ière présom ption certaine.
Mais au lieu de lu i laisser du x*epos on lui a coupé le
cordon om bilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
P ou rqu oi donc ne pas croire que ces opérations ont
�$ e *
('3 0 '
achevé d’éteindre une vie encore ré cen te, plutôt que
d é s ig n e r une époque antérieure, sans aucune certitude, ;
mais pnr sim ple soupçon.
^ ' *ni >{
Ici au moins nous présentons :un système qiii "anime *
hase, et cette base est assise^sur une grande autorité.)
« Lorsque l’enfant, dit H ipp ocrate, est »sorti du>!gein:'
« de sa m ère avec effort, com m e il est fo ib le , il ne fautj
« p a s lui c o u p e r 'l’om bilic q u’il n’ait crié et'uriné/*»
( 'H ippocr, de sùperf. ch,
)
yb
'i
' - I ■
r-i
E t qu’ori n’objecte pas que ce sont là des principes d’an-<
cîenne th éorie; A lphonse L e r o i, qui les rap pelle, ajoute ;
5.’
-*I
ru
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
cc nous tâchons chaque jour de rétabjir. » ( A lp h . L e r o i,
pratique des accouclicm ens. )
: 1
)
L a section du cordon om bilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib le ; des frictionâ d’e a u -d e -y ie sur’ son
visage ont dû m ême lui causer une l’évolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce m om ent q u eu es
soupirs ont annoncé le dernier effortfde la n ature; e t’
quand le spasme a arrêté le battemenÉidé son; cœ u r, il
a résulté de cette siïsperl^ion rtiêmé^que Jc’est alors seu
lement qu’il a cessé de vivre.
* f
Si ce n’est là qu’une présdm ption ,>-'cl1é> a p o u r elle les
dépositions des témoins qui ont vu des m ouvem eus ’jus-r
q u’aptès la friction d’eau-cte-vite : mnis,d,aÎllle ui‘s, daiisî lo
dctotb m êm e, la réligion , laph ysiq u e ét les lois-puésument
que l’enfant a vécu.
1 ' '•
„1
,
>
i ih) 'i i-. ii»!
1
r ‘ 'ReniarqiiorÀ’ co nVbîeri'eii^oVé^ ti
jiorï do dn. <vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois voiiiainrs. J ,;ï
il sVigissoit'(ilLM‘6tTrprLJ'ni1i
4
efrPj <
*.•¿tpuru; pei' Iu
�1p o u r,Ie :^ s th u m £ ,':sMr^^
, in m anïbus ohs~
tetricîs; ic i, au contraire, iï s’agit < e présum er la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a suivi
son cours oi’din aire, en faisant naître vivan t un enfant
q u i,'v e n u -à term e, étoit légalem ent viable.
’
^
'A Cj
\
3
O n a articulé contre l’acte de. naissance des vices de
form e, mais ils sont im aginaires, et n’em porteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent serait de
‘ n’avoir pas porté l’enfant à là maison com m une ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté à l ’officier p u b lic,
Jet l’officier public l’a vu.
u. ' ‘r
O n se fait un moyen de ce que Catherine L afon t a
contracté récem ment un second mariage. M ais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
' depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d ’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long term e-au désir qu’ il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. M ais au reste, quelle influence cet événem ent peut-il
avoir pour la cause, et surtout pôur infirm er un juge
ment antérieur ?
•
■
Ce n’est pas moins une m ère qui réclame la succès«
*
»
.
sion de son enfant, luctuosam hœ reditcitem , suivant le
langage de la lo i. O n a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit co u ru 'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce m otif, bien
loin d être aussi absurde qu’on le p réten d , est entière
ment puise dans la nature et dans la m orille, comme il
1 est dans l’opinion des plus sa vans auteur^, et notamment
�C 32 )
-de D o m at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la m ère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, com m e les prem iers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la m ère en sem
blable circonstance, B e nignius est credere ordinem nar
turœ servasse f o rtu n a m , ut in dubio m a tr i fa v e a m u s ,
-quœ in luctu est magno , propter am issum f ilium et
m a r itu m , q uam agnatis. ( C uja c, ad leg. 26, D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroîent plus recommandables
d es collatérau x, qui ne voyant dans les dangers d’une
m ère q u’une exp ectative, et dans ses m alheurs qu’ une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p r o ie , e t , irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent ro u vrir les tom beaux de leur fam ille,
p o u r chercher une heure in certain e, et recueillir pour
ainsi d ire la vérité dans le néant ? L a cour ne verra en
eux q ue des profanateurs av ides, qui d’ailleurs, dans leurs
m oyens im puissant, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
v enir à renverser un acte d’ordre p u b lic , par le m otif
u nique de leur intérêt particulier.
»
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M° . T A R D I F , licen cié a v o u é x
A RI
O M , de l'imprimerie de L a n d rio t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Nivôse an 1 4
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_G1506
BCU_Factums_G1507
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53248/BCU_Factums_G1508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
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10688ffc65801875bbe2e6b7c36fa6ff
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Text
MÉMOIRE
A
C O N S U L T E R
ET
CONSULTATION
Sur le Pourvoi formé p a r les Sieur et Dame
L A N G L O I S ,
C
o n t r e
un Arrêt rendu, par la Cour d'Appel
de Caen, le 25 Juin 1806 7 en faveur du Sieur
DURAND.
�.■:.t r,o
I
",'r-/o"' T sb
. '
'
, v.-?' ;>r' . r-'l i g M a
- o h
•.
: ......... 5 J 9
«
M E M O IR E
A
C O N S U L T E R .
P a r acte public du 2 brumaire an 14 » Guillaume - Olivier
D urand a déclaré ses dispositions de dernière volonté. Il a
donné tous ses biens à Pierre D urand son frère , à la charge
de legs particuliers assez considérables, au profit de Je a n
Durand son neveu et de M arie - M adeleine D u ra n d , sa
nièce.
Son Testam ent est ainsi concu :
L ’an 14 de la République française , le deuxième jour de
brum aire, au lieu L a m b e r t............. où Jean-François M a r tin t
notaire public............. a été mandé................. assisté d e ............
» appelés po u r tém o in s au présent a c te , et aussi soussignés.
A comparu devant ledit Martin , notaire, et les témoins
sus-nommés , à environ deux heures d’après-midi , le sieur
Guillaume-Olivier Durand, propriétaire , né à V alsem ey , âgé
de trente-neuf ans................ malade de corps , et néanmoins
sain d’e sp rit, mémoire, entendement et jugement, ainsi qu’il
est apparu audit notaire et au x quatre témoins............
x Lequeldit sieur D u ra n d , voulant disposer de la quotité
de biens dont la loi lui permet le libre exercice, et considérant qu’il n’a ni ascendans ni descendans, a requis ledit
n
»
»
»
»
»
«
A
�2
» M artin , notaire ; de recevoir en ce moment son Testam ent
» et Ordonnance de dernière volonté ; en conséquence de quoi
» il lui a d ic t é ainsi qu’il s u it, e t e n p r é s e n c e d e s d it s
m t é m o in s
:
» J e donne et lègue à Pierre D u ra n d , mon fr è r e , ete. »
a L e présent Testam ent ainsi dicté par le testateur , au no» taire soussigné, et ayant été par celui-ci écrit de sa main ;
» l e s d it s t é m o in s t r é s e n s , le même notaire en a ensuite fait
a la lecture à haute et intelligible voix : laquelle lecture ledit
m testateur a déclaré bien entendre, et y persister, comme
» étant entièrement conforme à ses volontés; en conséquence
» de q u o i, il l’a , avec lesdits témoins et le susdit notaire,
î) signé sur la minute de la présente, après lecture derechef
» faite. A la Chapelle -H a in fr e y , dans la salle sus-désignée,
» lesdits jour et an. »
Guillaum e-O livier D urand étant décédé, Marie-Madeleine
D urand sa nièce, et le sieur L an glo is, mari de cette dernière,
ont soutenu que son testament était nul ; ils ont prétendu
qu’il n’y était pas fait mention expresse , conformément à
l’article 972, que la lecture en eût été donnée au testateur
en présence d es , tcjnoins.
Cet étrange système a été accueilli par le tribunal de première
instance de Pont-FEvèque.
. Dans. les m otif?'de sa décision, ce T rib u n al, après avoir
énoncé les termes du testament et ceux de l’article 972 du Code
Civil, continue ainsi:
>1 Considérant q u ’ il y
a bien lieu ,dg présumer que le tes-
n tament a été dicté par le testateur, écrit par le notaire, et lu
» en présence des té m o in s, puisque, au commencement roimne
» à la fui du
l i g a m e n t , il e#t .question de témoins
on peut
n mi'ine pencher à croire que ce notaire en a voulu faire
n mention. M a is a-t-il fait mention oxpresse, aux termes de
�t
»» la loi, de la lecture du testament donnée au testateur
» en présence des témoins? c’est ce qu’ on ne 'voit p a s, quelque
> >> facile que fût la chose à exprimer.
» Considérant, en e ffe t, que dans la strophe du testament
» .ci-dessus copiée, il est évident que ces mots lesdits témoins
» présens , se rapportent nécessairement à ceux-ci qui précèdent :
» L e présent testament ainsi dicté par le testateur au N otaire
» soussigné, et ayant été par celui-ci écrit de sa main; qu’ici
» le sens de la phrase paraît suspendu d’après la manière
» dont le notaire reprend la suite , en disant: Lie même notaire
» en a ensuite fa it lecture à haute et intelligible voix ; laquelle
» lecture le testateur a déclaré bien entendre et y persister
» comme étant entièrement conforme à ses 'volontés.
» Considérant que ce. qui suit dans le testam ent, savo ir,
» les mots : E n conséquence de quoi il a , avec lesdits témoins
» et le susdit notaire , signé sur la minute de la présente ,
» après lecture d e r e c h e jfa it e , indique;, à ne 'pouvoir s’y
» trom per, que le notaire lui-mème regarda n ’avoir.pas satisfait
» à la loi par la première mention qu’il avait/aiie de la pré» âcnce des» témoins, et que cette mention ne pouvait altester
*> leur présence à la lecture de l’acte. H é b ie n ! il ne fait pas
** plus mention expresse de la préseuce de ces témoins à la lecture
» qu’il dit avoir fait de rechef. li a , sân^jdoute, eu intentjonde
» faire cetteim ention; mais il nQ,résultc point, de la tournure
»•d e sa phrase, qui nç dit p a ^ p lu s^ à j^ e n d ç p it qu’à l ’aiitre,
» queues témoins fussent presens aux.lectures dpnuées au'tesù» teur.
•i
»..Çonsidéranl ;\raÂmejpt qu’i ^ n ’e^t p a s , prJsuma^lc que les
.témoins::atenh vfë'
absens
, quand
lflt testament
;a .été lu au ^
•
t
** i
i ,,J ■>< )
>• tesutour }./n^is.\au moins,
fne;.peqt"méconnaître,', que la'
»x chose est possible,; que ç e la ^ u fiit pour que le testament
» soit inficié de nullité,,(parce que la Ip i, claire daps ses
» e x p r e s s e s , ne veut point d’équivoques dans les actes pour
�»
»
»
»
»
»
lesquels elle établit des formes particulières: o r, le notaire
n'ayant pas dit expressément que les témoins étaient présens,
soit à la première, soit à la seconde lecture du testament
du a bru m aire, cet acte est nul : la jurisprudence du T r ibunal de Cassation et l’avis du Conseil d’E tat, du 3 i janvier
dernier, sont conformés aux principes;
» L e T rib u n a l, par ces motifs , jugeant en premier ressort,
» déclare le testament du 2 brumaire dernier, reçu par M artin,
« notaire à Bonnesbosq, nul et de nul effet. »
Mais ce jugement a été infirmé par arrêt de la Cour d’Appel
de Caen , du 25 juin 1806.
Cet arrêt, comme le jugement de première instance, énonce
d’abord les expressions du testament,
il est ensuite ajouté :
« L e premier T rib un al a décidé que les expressions ci-dessus
» ne renferment point la mention expresse, exigée par la lo i,
33 sous peine de nullité, que ce testament a été lu en présence
» de témoins. . . . .
L a question est donc do savoir si le testament dont il s’agit
» doit être déclaré n u l, sous le prétexte qu’il ne contient
» point ladite mention expresse.
» Sur quoi , considérant que cette question est purement
» d é f a i t , puisqu’il s'agit uniquement de savoir si le testament
» en question contient ou ne contient pas la mention expresse,
» qu’il a été lu au testateur, en présence des témoins appelés
j» à ^a confection j
w Considérant qu’en prenant la phrase ci - dessus copiée,
» telle que la présentent Langlois e t son épouse, c’est-à-dire
» e n plaçant l’ablatif absolu1, lesdits témoins présens, entre
» deux virgules, on ne peut paé le faire rapporter exclusive» ment*à ce qui le précède, pas plus qu’on ne pourrait le
« f a i r e rapporter exclusivement h ce qui le su it; mais il se rap~
�46 °
s
» porte évidemment à ce qui le précède comme h ce qui le
» su it, c’est-à-dire qu’il se rapporte à la phrase entière : d’où
n il faut conclure que, si le notaire a dit que le testament a été
» dicté et écrit de sa main en présence des tém oins, il a dit
» aussi que la lecture qu’il en a faite ensuite, a eu lieu égale« ment en présence des témoins. Le notaire a donc rempli le vœu
» de l’art. 972 du Code,
*> P ar ces motifs ;
» Parties ouies ensem ble, le procureur-général-impérial en
» ses conclusions, et conformément à icelles ,
1 ;■
, » L a C our a dit q u e , par le T rib u n al dont est a p p e l, ¡]
» a été m al ju g é , bien appelé ; corrigeant......... ordonne que
r> le testament dont il s’agit sera exécuté selon sa forme et
» teneur. »
.. .
1
L e sieur et la dame Langlois se sont pourvus en cassation
contre cet arrêt.
i .
-
Leur pourvoi est-il fondé?
■ !
•
, ‘
.
�6
CONSULTATION.
JL/E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a pris lecture , i ° . du
testament de Guillaume-Olivier D ui’and , du 2 brumaire an 1 4 ;
2 0. du jugement du T rib u n al de première Instance de Pontl'Evêque , du 4 mars 1806 -, 3°. de l’arrêt de la Cour d ’Appel
de Caen , du 25 juin de la même année ; 4°* enfin d’un mémoire
à consulter j
ii.
E S T D ’A V IS qu’il y a lieu de penser, sous deux rap p o rts,,
que le pourvoi en cassation form é contre l'arrêt de la Cour
d’Appel de C a e n , sera infailliblement rejeté.,
, ..
D ’abord , l’arrêt n’a pas décidé une question de droit , mais
bien une simple question de f a it , ou si l’on v e u t, une question
grammaticale ;
E n su ite , sa décision renferme une explication aussi juste que
raisonnable des termes du testament , dont l’annullation était
demandée.
§
Ier-
Il ne s’agissait pas de savoir , en thèse générale , s’il faut
pour -la validité d’ un testament par acte public , qu’il contienne
la mention expresse que la locture en a été faite au testateur
en présence des témoins.
On reconnaissait le principe.
11 s’agissait uniquement d’ex.uniner, en point de fa it, si cette
�7
règle avait été o b serv ée , ou non , dans l’acte de
dernière
vo
lonté de Guillaum e-Olivier D u r a n d .
L e s mots nécessaires pour form er la mention expresse de la
lecture de cet acte ,
en présence des témoins , étaient écrits en
toutes lettres. On y lisait :
« L e présent testament ainsi dicté
» par le testateur au notaire soussigné , et ayant été par celui-ci
n écrit de sa main j l e s o i t s tém oins présens , le m êm e n o * taire en a ensuite f a i t la lecture , h haute et intelligible voix. »
M a is il a été prétendu que ces expressions ,
lesdits témoins
prJsens , ne prouvaient pas q u ’ils eussent assisté à la lecture d u
testament ; q u ’elles avaient p ou r'objet de constater qu'ils furent
p ré s e n s , lorsque le testateur dicta ses dernières volontés , et lors
que le notaire les mit par écrit.
»
l Jour justifier ce système , on avait dit que ces mots les té
moins présens se rapportaient exclusivement à ceu x-ci : Leprésent
testament ainsi dicté par le testateur au notaire soussigné , et
ayant été par celui-ci écrit de sa main.
Il avait été répondu que ces mêmes expressions d evaient, au
contraire, se rapporter à celles-ci:
le même notaire en a ensuite
fa it la lecture.
L a mention de la présence des témoins se référait-elle donc
aux premières formalités prescrites par l’art. 972 du Code Civil
ou à la dernière ?
»•
• -• ;
.
Indubitablement les mots qui
forment celte mention ,' a p
partenaient au m em bre de phrase , où elle était nécessaire pour
la validité du testament , s’ils étaient séparés de l’ autre ou p ar
un point , ou par un point et une virgule.
On voulait bien avouer qu'ils en étaient, au moins , séparés
par une virgule.
m,
, •; •'
•'
-!
M a is cette virgule était-elle surmontée d ’un p o in t?
'
E t en supposant la négative , ces mêmes expressions se rap
portaient-elles
exclusivement à celles qui les p r é c è d e n t,
ou
�plutôt à celles' qui les suivent y ou bien tout à la Fois, aux
unes et aux autres ?
T elles étaient les difficultés à résoudre.'
' On voit 1 combien elles étaient vétilleuses, et s’il pourrait
ê tre -p e rm is'd e les discuter de n ouveau , devant! la Cour
suprême : '
:
L e testament élait valable, s’il y avait un p oin t, ou simple
ment un point et une virgule avant ces mots : lesdits témoins
présens .
'•
'
■
L e testament était également v a la b le , encore même que
ces mots eussent été simplement placés entre deux virgules ,
s’ils appartenaient, malgré cette circonstance , au deuxième
membre de la phrase , plutôt qu’au premier.
E n fin , le testament était encore valable, ‘ s’ils se rappor
taient en même temps à ceux qui les précèdent et à ceux qui
les su iven t , comme l’a décidé la Cour d’Appel.
Ce tableau de la discussion à laquelle a donné lieu le testa
ment du 2 brum aire an 14 , prouve incontestablement qu’elle
ne présentait à juger aucune question de droit.
Comme on l’a annoncé , comme l’ont d it , d’ailleurs , les
juges de la Cour d’Appel dans leur a rrê t, ils n ’avaient à déci
der qu’un point de f a i t , celui de savoir si le testament de
Guillaume-Olivier D urand contenait. la mention expresse
que la lecture qui lui en fut faite , l ’avait été en présence des
témoins.
L ’éclaircissement de ce point de fait appartenait à la Cour
d’A p p e l, qui pouvait se déterm iner, ou par un examen scru
puleux de la ponctuation du testam ent, ou par une appré
ciation réfléchie des mots dans lesquels il est conçu.
M ais le sieur et la dame Langlois ne peuvent évidemment
critiquer sa décision .1•
�' 4 6 $
9
La Cour suprêm e, attentive à se renfeim er -dans ses hautes
attributions, interdit toujours les discussions de f a i t ; à plus
forte raison , elle ne permettra point d’en renouveller une
purement grammaticale.
.
;
Que lui proposerait-on en effet ? D ’examiner, par elle-mêm e,
si le testam ent, du 2 brumaire an 14 > contient la mention
expresse de la présence des témoins à la lecture qui en a
été faite au testateur ; d’y vérifier, avec m inutie, les points
et les virgules qui peuvent servir à marquer le sens de ses
clauses; de déterminer celui qu’elles devaient avoir pour les
juges; enfin, de s’assurer s’ils ont bien ou mal lu cet a c te ,
s’ ils se sont reposés , dans cette lecture, à l’endroit où était
le repos de la phrase. On dénoncerait, en quelque so rte ,
leur arrêt comme un thème à corriger.
Une telle censure est aussi peu conforme k la dignité des
fonctions du T rib u n al suprême , qu’elle serait fâcheu se, et
l ’on peut dire humiliante pour les juges souverains.
« Des juges supérieurs, e st-il dit dans l ’avis du Conseil
» d ’E tat, du 3 i janvier 1806 , sont établis: pour réparer les
» erreurs d’une première décision. S’il était encore permis
» de remettre en question cc qui aurait été jugé par les
»> C o u rs, où faudrait-il arrêter ses examens ultérieurs, et
» quelle plus forte garantie la ‘ société aurait-elle contre les
» erreurs de troisièmes ou de quatrièmes juges? »
E n vain les sieur et dame Langlois invoqueraient-ils l’arrêt
de la Cour de Cassation, du 19 frim aire an 1 4 , qui a rejeté
le pourvoi du légataire universel du sieur M eulem berg, de
Bruxelles.
Les dispositions de cc testateur ont été annullées, parce
que la présence des témoins , U la lecture de $on testam ent,
n’y était pas mentionnée en termes formels.
Su han t le légataire, cette mention
résultait du contexte
B
fi
�10
entier de l’a cte , parce que le testateur y avait déclaré ,
en présence des témoins , persister dans ses volontés dernières.
Evidemment il n 'y a point de similitude entre cette_£spèce
et celle de l’arrêt de la Cour d ’Appel de Caen , du 2,5 juin
1806. D ans cette dernière, en e f fe t , le sieur D u ra n d , pour
établir la validité du testament de son frère , ne s’était pas
'fondé sur des présom ptions, des conjectures , ou même des
équipollences. L es expressions propres à constater la présence
des témoins à la lecture du testam ent, y étaient écrites en
plein te x te , au passage où il était fait mention de cette lec
tu re. Gn élevait seulement la question de savoir si elles appar
tenaient à tel membre de phrase ou Lien îi tel autre.
Encore une fois , il n ’est point permis de soumettre à la
révision de la C our de Cassation l ’arrêt qui a résolu , qui
a tranclié de simples difficultés grammaticales , ayant unique
ment tr a it, d’ailleurs, à un véritable point de fait.
s
11
de la
il.
S era it f a c ile - d e J u s t i f i e r , s ’il e n é t a i t b e s o i n , la d é c isio n
Cour d’Appel de Caen.
"D’abord, il est certain q u e , dans le testament du 2 bru
maire an 14 , on trouve un point et une virgule avant les
mots lësdits témoins présens .
O r , tout 'le monde sait q u e , suivant les règles de la
ponctuation , un point et une virgule ont pour.objet d’indiquer
f'jlie le sens (le‘la '‘phrase est suspendu.
Ainsi les‘mbts’ qui exprim ent la présence des témoins ayant
et<* ÿépares p ar' un point et une virgule du commencement
de phrase qui les p récèd e, ils ^se rapportent manifestement
rt’ :h'(‘c<5sSaiVémont. u la' l^riyrifité de la lecture de Tactç. Il
iW/t Viorie' lire de'.ccUc.j manière : tesdits témoins présens , le
même notaire en 'd ensuite f a i t la lecture à haute et intel
ligible V’o/.ic. ’
�4(f
il
Selon celte entente du passage controversé , l ’art. 972 du
Code Civil a été parfaitement oLservé.
Il est vrai que la Cour d’Appel a motivé son arrêt sur des
considérations indépendantes de l’existence du point qui est
au-dessus de la virgule avant les mots leschts témoins présens.
M ais , d’ une p a rt, elle ne dit rien non plus qui contra-
.
:
rie ce fait.
D ’un autre, il n ’a pas même été contesté par le sieur
Langlois et sa femme , quoiqu’ils y aient , en quelque sorte ,
été provoqués par une déclaration qui leur a été signifiée à
la requête du sieur Durand , le 18 juin 1806 , dans la vue
de rectifier une erreur où il était tombé lui-meme en sup
posant un point seul avant les mots : leschts témouis présens.
D an s cette déclaration ,
Sont
précédés
d ’ailleurs
d ’ un
point
il a
et
formellement articulé q u ’ils
d ’ une
facile h vérifier dans l ’acte
virgule 3 ponctuation
m êm e.
E t , lorsqu’elle serait différente, lorsqu’il n ’existerait qu’une
simple virgule , ou même qu’il n’en existerait pas , serait-il
permis d’asseoir la nullité d’un testament sur de puériles et
scrupuleuses minuties , telles qu’une simple virg u le, ou deux
points , ou un seul ?
E h ! f ju o i , la validité d ’un acte aussi solemnel dépendraitelle donc de l'observation des règles de l’ortographe ou de la
gram m aire ?
On sait que tous les notaires ne sont pas des académiciens •
on connaît sur-tout l’ignorance de la plupart de ceu* des cam
pagnes.
11 faut le dire hautement ; de semblables discussions élevées
toujours par un esprit de chicane et une sorte de mauvaise
f o i , insultent également à la raison , aux bon sens, ù la justice
et h la loi.
Qu'il y ait donc un point et une virgule , ou une virgule seule
I
;
�dans le lestamenl du 2 brum aire an 14 » avant Icâ mots lesdits
témoins présens ; on devra toujours décider qu’il est valable,
puisque ces mots sont écrits dans le passage où les desire la
loi : celui-lk môme où il est parlé de la lecture de l’acte au
testateur.
' P o u rq u o i, d’ailleurs, comme l’a fort bien observé la Cour
d ’a p p e l, attribuer ces mots , d'une manière exclusive, ou à la
partie de phrase qui les précède, ou à la partie de phrase qui les
suit ? Pourquoi ne pas les appliquer tout-à-la-fois à l’une et à
l ’au tre? Pourquoi 11e pas dire qu’ils prouvent en même temps
que les témoins ont assisté à la dictée de l’acte et à sa lecture?
E t s’ils devaient avoir un sens exclu sif, comment ne pas les
rapporter plutôt à la lecture, alors qu e, dans la phrase précé
dente du testam ent, se trouve déjà la mention qu’il a été d i c t é
en présence des témoins ?
On objecterait d o n c, sans fondem ent, que le mot ensuite ,
qui se trouve entre la mention de cette lecture et celle de la
présence des témoins , empêche que ces deux circonstance*
soient considérées comme co-relatives.
L e mot en su ite est, !* la vérité, un adverbe de temps. Mais
le notaire, en se servant de celte expression, en a-t-il connu
U
nature et la fo rce? A urait-il le talent si rare d’employer
toujours le mot propre? Ou ne lui croit pas même cette pré
tention.
A u surplus , le sieur Langlois et sa femme , en supposant k
ce notaire une connaissance approfondie des règles de l’ortograp h eetd e la grammaire , sont fort éloignés de lui reconnaître
aucune sorte d’expérience ni d’habileté dans son état.
Ils veulent faire croire , en e ffe t, qu’il a pris le soin ridicule
d’attester, par deux fo is , la présence des témoins où elle était
inutile à constater d ’une maniète expresse , et qu’il a omis cette
mention où elle était nécessaire il peine de nullité . C ’est accuser
gratuitement un fonctionnaire public de la plus stupide impéritie.
�$ 7
E n fin , il est facile de juger, par la lecture entière du
testam ent, qu’il a été rédigé avec les plus grandes précautions;
qu’il contient, de la manière la plus précise , et dans un grand
détail la mention de toutes les formalités voulues par la
lo i; qu’il devait donc être respecté par la dame Langlois
comme un monument légal autant que certain des dernières
volontés de son frère.
D élibéré à P a r is , le 1 er avril 1807.
GODARD,
À Paris , de l’imprimerie de LANGLOIS
G A SCHON.
rue du Petit-Pont, n° 25. 1807
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Langlois. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gaschon
Godard
Subject
The topic of the resource
testaments
témoins
vices de forme
nullité du testament
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation sur le pourvoi formé par les sieur et dame Langlois, contre un Arrêt rendu par la Cour d'Appel de Caen, le 25 juin 1806, en faveur du Sieur Durand. [suivi de] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Langlois (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
An 14-1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
13 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1719
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Valsemé (14723)
Rights
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Domaine public
Relation
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nullité du testament
témoins
testaments
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53364/BCU_Factums_G1912.pdf
1e706d0ae817c2978abc3de1a6355bc0
PDF Text
Text
CONSULTATION.
' « ' • Z T ' '<?*
L E C O N S E I L soussigné qui a pris lecture d’un
Mémoire a consulter pour le S t J e a n - P i e r r e
R O U B I N , et d’un extrait de testament y joint
est de l ’avis qui suit :
'
*
■
P O I N T S DE FAI T.
L e 20 floréal an X I , testament nuncupatif écrit, fait par le S .r Lhoste ,
dans le département de la Haute - Loire.
C e testament est conçu en ces termes :
« Le.
, par devant J e a n - François Mouras, notaire public........ ..
et témoins bas-nommés, fut présent J e a n L h o ste .. . . , lequel un peu
indisposé , néanmoins libre de ses sens , ainsi qu’il nous a paru ,
voulant profiter des dispositions des lois relatives aux lib é ralité s,
de gré nous a déclaré vouloir faire son testament nuncupatif écrit ,
et disposition de dernière volonté, qu'il nous a dicté mot à mot en la
forme qui suit :
» Il donne et lè g u e .. . .
» Et en tous ses biens présens et à v en ir, il a fa i t , institué, et de
» sa bouche , nommé Marguerite Reymond , sa fe m m e , pour héritière
» générale et universelle, à laquelle il se confie pour ses honneurs
» funèbres.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
» C'est ici le dernier testament dudit Lhoste , testateur , qui veut
qu’il vaille par forme de testament , donation à cause de mort et
codicille ; ce qui a été fait au lieu de. . . • maison et dans la cuisine dudit Lhoste , testateur , en présence de ( suivent les noms des
témoins au nombre de six ) , soussignés avec ledit Je a n Lhoste testateur : duquel présent testament avons fait lecture en entier audit
A
�( 2 )
» Lhoste, testateur , toujours en présence desdits témoins, au q uel, il
» a dit persister. »
Dans le mois de nivôse an X I I , décès du testateur.
Contestation sur la validité du testam ent, entre ses héritiers na
turels , et sa veuve , héritière testamentaire.
Celle-ci est venue aussi à décéder, laissant pour héritier le S.T Roubin,
consultant.
L e procès repris avec ce dernier est pen d an t, en première instance ,
au Tribunal civil du Puy.
P O I N T S
D E
D R O IT .
Il s’agit d ’apprécier les moyens de nullité que les héritiers naturels
opposent au S .r Roubin, représentant l’héritière testamentaire.
L e S .r Roubin propose à cet égard quatre questions, qui seront succes
sivement rappelées et discutées ci - après.
P R E M I È R E
QUESTI ON.
L e testament dont il s’agit, est-il susceptible d'être annuité pour n’a
voir pas été fait avec les formes voulues par le Code civil ?
N o n assurément.
C e testament fut fait le 20 floréal an X I.
E t la loi du i 3 du même mois qui fait partie du Code c iv il, et
qui règle les formalités à, suivre pour la validité des testamens, ne fut pro
mulguée par le chef de l'Etat que le 23 , de sorte que la promulgation
n ’en fut connue que le 28 dans le département de la Haute-Loire.
O r, le Code civil déclare lui - m êm e, art. 2 , que la loi ne dispose
que pour l’aven ir, qu’elle n ’a point d effet rétroactif ; et dans cet ar
ticle qui s’applique à tous les cas indistinctement, se trouve le principe
que la loi 29 , Cod. de testamentis; le chap. i .er de la nov. 66 de J u s t i n i e n ,e t l ’art. 80 de l’ordonnance de 1 7 3 5 , avaient nominativement
consacré à 1 égard des testamens : principe qui voulait que tous actes
de dernière volonté, faits dans la forme prescrite par la loi existante lors
de leur confection , eussent leur e f f e t , nonobstant toutes lois postérieures
qui dérogeraient ou innoveraient à la forme des actes de cette nature.
Peu importe donc , que J e a n Lhoste eut survécu à la promulgation de
la loi du i 3 floréal an X I.
Toujours est-il que son testament porte une date authentique et
antérieure à cette promulgation.
C ’en est assez pour qu’il doive être m ain ten u , si d'aillevrs il sc
trouve revêtu des formalités qu ’exigeait la l o i , au moment où il fut
rédigé.
�C 3 )
S ’il s’agissait d'une question rélative à la capacité du testateur J
ou à la portion disponible de ses biens , elle ne pourrait être dé
cidée que d’après la loi en vigueur au moment du décès.
Mais tant qu’il ne s’agit que de la forme du testament , la loi
du jour où il a été f a i t , doit seule être consultée.
L a question s’est présentée devant la Cour de cassation , dans
une espèce exactement s e m b la b le à celle proposée par le consultant.
U n arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles , avait déclaré va- labiés un testament et un codicille^ faits le 28 nivose an I X , et
23 ventôse an X , mais dont l ’auteur n’était décédé que dépuis
la promulgation de la loi du i 3 floréal an X I.
L a veuve de Villers se pourvut en cassation contre cet a r r ê t ,
sous prétexte que les deux actes de dernière volonté dont il était
q u estion , auraient dû être annullés comme ne^ se trouvant pas faits
avec les formes prescrites par le Code civil.
Mais par arrêt du i . er brumaire an X I I I , rapporté par D e n e v e r s ,
dans son Journal des audiences de la Cour de cassation, 2.e cahier
de cette même année , pag. 81 et suiv. , le pourvoi fut rejeté.
« Attendu que , quant à la forme des testamens et codicilles ,
» ils sont et restent réguliers , lorsqu’ils sont revêtus de toutes les
» formalités prescrites par les lois en vigueur dans le moment de
» leur confection, encore que ces formalités fussent par la suite chan» gées ou modifiées par de nouvelles lois..........»
du
L a première
consultant.
question
ne saurait donc
D E U X I È M E
être
jugée
qu’en
faveur
QUE ST I ON.
L e s héritiers naturels prétendent qu’en admettant que le testa
ment de J e a n Lhoste , doive être régi par les lois antérieures
au Code civil , il y a lieu de l’annuller comme renfermant une
contravention formelle à l ’art. 5 de l ’ordonnance de 1 7 3 5 , en ce
qu’il n’y est pas fait mention que les dispositions aient été écri
tes par le notaire qui l ’a reçu.
Sont-ils fondés dans cette prétention ?
L a négative n’est susceptible d’aucune difficulté sérieuse.
L art. 5 de l’ordonnance voulait bien que toutes les dispositions du
testament nuncupatif fussent, écrites par le notaire , mais il n ’exi
geait point qu il en fut fait mention.
Cet article voulait que le notaire, après qu’il aurait écrit toutes
les dispositions du testam ent, en donnât lecture en entier au
testateur.
A 2
�C 4
)
E t puis il ajoutait : de laquelle lecture il sera fait mention par
le notaire.
Mais remarquons bien qu’il ne s’expliquait ainsi , qu’à l’égard
de la lecture seulement , sans rien dire de semblable à l'égard
de lecriture. E t , d e là , il résulte évidemment qu’aux yeux de la l o i ,
la mention n’était nullement nécessaire à legard de l ’écriture.
Sans doute le testament nuncitpatif devait être écrit par le notaire >
et il était nul , s'il avait été écrit par tout autre.
Mais dans les contestations qui pouvaient s’élever à. cet é g a r d ,
tout se réduisait au peint de savoir si , dans le fait , le testament
se trouvait écrit , ou non , de la propre main du notaire : de sorte
que le sort du testament n’était subordonné qu’au résultat d’une sim
ple vérification.
C ’est donc en ce sens que l'article précité fut constamment en
tendu , et appliqué par la jurisprudence.
Tém oin entr’autres l ’arrêt du ci-devant parlement de Toulouse , du
2 8 août 17 4 2 , qui est rapporté par Furgole » dans son Traité des testamens, chap. 12 , n.° i 5 , et qui , avant de statuer sur la demande en
nullité d’un testament contenant la clause codicillaire , mais que les
successeurs ab intestat soutenaient être écrits par tout autre que le
notaire, ordonne qu’ils feraient vérifier ce fait.
A y m a r , sur l’art. 5 , de l’ordonnance de 1 7 3 5 , rapporte lin arrêt dir
ci-devant parlement de Paris, du 9 décembre 1 7 4 0 , q u i , sur une de
mande en nullité de la même nature » ordonne un pareil interlocutoireTout testament fait par acte public postérieurement à la promulga
tion des dispositions du Code c i v il, relatives à la forme des actes de
dernière volonté, doit porter avec lui la mention expresse qu’il a été
écrit par le notaire ; et pourquoi ? C ’est que le Code c i v i l , art. 9 7 2 ,
ordonne formellement cette mention, mais elle netait prescrite par au
cune loi préexistante ; jusques-là donc, elle n’était pas nécessuire.
T R O I S I È M E
Q UE S T I O N .
L e s héritiers naturels de J e a n Lhofte sont-ils fondés à prétendre que
le testament est n u l , en ce que le testateur n’y parle pas à la pre
m iè r e personne, c’est-à-dire, avec le pronom j e ; mais bien à la troisième,
c ’est-à-dire , avec le pronom il ; que d’ailleurs 1 institution à titre uni
versel y est faite avec trait au passé ( il a fa it, institué, e t c .) , au lieu
d ’être conçue au présent ( il f a i t , institué ) ; que de tout cela , il
résulte que le testament n’a pas été écrit tel qu’a dû le dicter le
testateur, et que les dispositions en sont moins l ’ouvrage de ce der
nier , que celui du notaire qui les a rédigées à son gré?
Tour donner à la discussion de cette question toute la clarté q u e lle
�( 5 )
e xig é , remarquons d’abo rd , que l’ordonnance de 1 7 3 5 eut pour o b j e t ,
ainsi qu’il est dit dans son préambule , non pas de faire un changement
réel aux dispositions des lois que les différentes Cours de l’Empire
avaient observées jusqu'alors , mais au contraire, d’en affermir l’autorité
par des règles tirées de ces lois m êm es, et appliquées d’une manière
précise , et propre à faire cesser le doute et l’incertitude.
Aussi maintint-elle , et les principes généraux du droit romain , par
rapport aux pays qui l’avaient ad o p té , et ceux des coutumes par rap
port aux pays qui se trouvaient régis par des statuts particuliers : de
sorte qu’elle ne s’attacha essentiellement q u à faire disparaître les abus
et les in co n v é n ie n s qui prenaient leur principale source dans les sentimens et les subtilités des interprètes ou des commentateurs , souvent
contraires les uns aux autres, et quelquefois aux lois mêmes ou aux
statuts qu’ils avaient prétendu expliquer.
Il est donc sensible que , parmi les formes testamentaires main
tenues ou modifiées par l’ordonnance , il 11e faut pas confondre celles
qui concernent les pays de droit é c r i t , avec celles qui s’appliquent
aux pays coutumiers.
Nous n’avons à nous occuper ici que des formes du testament nuncupatif écrit , et il suffira même de rappeler celles qui se réfèrent à la
question proposée.
Quelles étaient ces formes, avant l’ordonnance, dans les pays de cou
tume ? Quelles étaient-elles dans les pays régis par le droit romain l
E t en quoi l’ordonnance y a t - e l l e respectivement dérogé ou innové ?
Voilà ce qu’ il faut bien distinguer.
L e droit romain admettait le testament nuncupatif écrit ou solenn el,
et le testament purement nuncupatif, c'est-à d ir e , fait de vive voix et
sans écriture. Voyez la loi 2 1 , in princ. au Coil. de testamenlis , et les
§§ 3 et 1 4 , du tit. 1 0 , du liv. 2 , des instit. de Justinieu.
Quand le testateur voulait faire un testament nuncupatif écrit , il
pouvait ou en écrire les dispositions de sa propre main ou les faire
écrire par tout autre. Ensuite le testameni devait être revêtu du sceau
de sept témoins, à <jui Ion pouvait en laisser ignorer le contenu , et
en outre il devait etre souscrit et signé par le testateur , ainsi que par
les témoins en présence du testateur , et sans divertir à aucun autre
acte. Voyez les textes que nous venons de citer.
C es textes ne disent point q u e , dans le cas où le testateur em
ployait le ministère d’un écrivain quelconque pour écrire ses disposi.
tions , il fut nécessaire de faire mention qu’il les lui eut dictées.
Us ne disent même pas qu'il dût précisément les dicter : il on résulte
seulement qu’il devait déclare* ses volontés à l’écrivain, par lequel il les
Jui faisait rédiger par écrit.
�( 6 )
A la v é r ité , ce mot d icter, par rapport au testament, se trouve dans
quelques lois romaines , et notamment dans la loi 2 1 , versic. in omnibus
au Cod. de testam.
E t F u rg o le , chap. 2 , sect. i . r e , n .° 4 , se fonde sur cette loi , ainsi
que sur la loi 2 8 , ff. qui testam. fa cere possunt, et sur la loi 2 , §. 7 ,
ff. de bonorum -possessions secundum tabulas , pour dire « qu’il faut
» qu’il paraisse que le testateur a dicté le contenu du testament ou
» q u e , du moins, il est nécessaire qu’il n’y ait point de preuve ni de
» circonstance qui puisse faire présumer que le testateur n’a pas dicté
» sa volonté à l ’écrivain: c a r, ajoute cet auteur, ce serait alors non la
» la volonté du testateur de laquelle dépend la force et l’efficace du
» testam en t, mais celle de l ’écrivain. »
Mais d’abord, il paraît que , dans’ le langage du droit rom ain, le
mot dicter par rapport à un testam e n t, était synonyme des mots dé
clarer ou expliquer ses volontés ; et Furgole l’a lui-même entendu ainsi.
D ictare suum arbitrium , dit la première des lois ci-dessus citées.
Mais la seconde, dit simplement, que rien n’empêche qu’un esclave
appartenant même à un autre qu’au testateur, écrive le téstament par
l ’ordre de ce dernier. Servus licet a lien u s, jussu testàtoris teStamentum
scribere non prohibetur.
Et la troisième, après avoir dit que , si le nom de l ’héritier a été
effacé à dessein, il ne doit pas être admis à la succession prétorienne ;
ajoute : il en est de m ê m e , à l ’égard de l’héritier dont le nom a été
écrit à l ’insçu du testateur, ou sans que le testateur fut consulté ; car, on
regarde comme non écrit l’héritier qui n’a pas été écrit par la volonté du
testateur : Quemadmodùm non potest qui h<rres scriptus est non consulto
testatore : nam pro non scripto ; quem scribi noluit.
D ’après ces t e x t e s , il n’était nullement nécessaire qu’il parut que le
testateur eut précisément dicté ses dispositions , et qu’elles eussent
été littérallement écrites, telles qu’il les aurait dictées; mais il suf
fisait que le testateur eut déclaré ses volontés à l ’écrivain , et que ce
lui-ci en eut rédigé la substance , sans rien ajouter ou omettre qui fut
de nature à les contrarier. A u surplus voyez la loi 2 9 , au Cod. de testam entis, et les notes de Godefroi sur cette loi.
]1 est constant d ’ailleurs , que la loi romaine était entendue et ap
pliquée dans ce sens par la jurisprudence du ci-devant parlement de
Toulouse.
Entr’autres auteurs, voyez Cambolas , liv, 3 , chap. 12 , où cet au
teur observe , d’après la loi rom aine, et d’après un arrêt de ce parle
m ent, qu’un testament ne pouvait pas être valablement fait par signes;
mais q u ’il fa lla it , et que c ’était d’ailleurs assez qu’il parut que le tes
tateur eut parlé pour faire entendre ses volontés.
Souvent même on voyait des testamens faits par les simples mono-
�rî> y ï
C 7 )
syllables o u i, ou non, arrachées à des moribonds, sur les demandes qui
leur étaient faites par les notaires ou par des personnes intéressées ;
et ces testamens, quelques suspects qu’ils fussent , étaient déclarés valables-par les parlemens des pays de droit écrit. Voyez Cam bolas,
liv. 5 , chap. 5 , et Henrys , tom. i . e r , liv. 5 , question 3 i.
Ajoutons que les notaires étaient dans l’usage d ’écrire les testamens
en l’absence des témoins , et de ne les appeler que pour en entendre
la lecture.
C ’est pour rémedier à ces abus que l ’art. 5 de l'ordonnance de
1 7 3 5 , en statuant à l ’égard des pays de droit écrit , voulut que »
» lorsque le testateur voudrait faire un testament nuncupatif é c r i t , il
» en prononçât intelligiblement toutes les dispositions en présence au
» moins de 7 témoins , y compris le notaire , lequel écrirait lesdites
» dispositions à m.esure qu elles seraient prononcées par le testateur etc. »
Quant aux pays coutumiers , la coutume de Paris voulait, art. 289 ,
que le testament passé par-devant notaires , f u t dicté et nommé p a r
le testateur aux dits notaires, et qu’il f u t fa it mention audit testament
qu’il avait été ainsi dicté et nom m é, etc ; et la plupart des coutumes
avaient une disposition semblable.
Certaines voulaient ultérieurement qu’il fut fait mention que le tes
tament avait été dicté sans suggestion.
L e s parlemens des pays coutumiers étaient si rigoureusement atta
chés à ces dispositions de la loi municipale, qu’ils annullaient les tes
tamens pour la plus légère omission.
T é m o in , entr’autres l’arrêt du ci-devant parlement do Paris, du 1 4
juillet 1642 , (rapporté au Journal des audiences) , qui cassa un tes
tament fait dans le pays de Poitou , dont la coutume exigeait que le
testament portât qu'il avait été dicté et nommé sans suggestion d'au
cune personne, et qui le cassa par cette seule raison , qu’au mot sugges
tion , le notaire avait substitué le mot induction, quoique assurément
ce dernier terme fut assez équipollent.
L ’ordonnance voulut écarter ces vaines subtilités, dont l ’abus tendait
à rendre illusoire la faculté de tester.
* C ’est dans cet objet, qu’en statuant, par son art. a 3 , sur les testa
mens mincupatifs écrits à l ’égard des pays coutumiers , elle s’expri
mait dans les termes qui suivent : « Les testamens qui se feront de» vant une personne publique, seront reçus par deux notaires, ou par
» un notaire , en présence de deux témoins; lesquels notaires ou l ’un
» d ’eu x, écriront les dernières volontés du testateur , telles qu'il Us die» t e r a ....» Sans néanmoins qu'il soit nécessaire de se servir précisé
ment de ces termes : d ic té, nommé , tu et relu sans suggestion ou au
tres requis par les coutumes ou status.
�(
3
)
On voit qu a l ’égard des pays coutumiers , l’ancien législateur s’ex
prime bien autrement qu a l'égard des pays de droit écrit.
Pourquoi cette différence ? Pourquoi voulait - il que, dans les pays
coutumiers, les notaires écrivissent les dernières volontés du testateur
telles qu’il les dicterait ? C ’est que les coutumes exigeaient effecti
vement que les dispositions de dernière volonté fussent écrites telles
qu'elles étaient écrites par le testateur , et qu’il voulait maintenir
cette disposition h l ’égard des pays régis par ces coutumes , en déro
geant seulement à la nécessité de faire mention expresse de la dictée.
Pourquoi, au contraire, l’art. 5 qui statuait pour les pays de droit écrit
n eiriployait*il pas le mot d icter, mais se contentait d’ordonner que le
testateur prononcerait intelligiblement toutes ces dispositions, et que le
notaire les écrirait à mesure qu’elles seraient prononcées p a r le testateur>
C'est que la loi romaine, ou la jurisprudence des pays de droit écrit,
qui en. avait fixé le sens , n ’exigeait pas que le testateur dictât préci
sément ses dispositions, ni , par conséquent , quelles fussent littérale
ment é c rite s, mais voulait seulement qu’il les prononçât ou les déclarât
à l ’écrivain , et qu’elles fussent rédigées dans un sens correspondant à
ses volontés.
Aussi Furgole, en expliquant (chap. 2 , sect. 3 , n . ° 8 ) , l’art. 23 de
l ’ordonnance, relatif aux pays coutumiers, après avoir observé qu’il n’est
plus nécessaire d’employer les mots d ic té, nommé ou autres requis par
les coutumes ou statu ts, a jo u t e - t - il , « Il suffit seulement qu’il pa» raisse que le testateur a dicté ou expliqué sa volonté , ou du moins
» qu’on 11e puisse pas présumer le contraire.. . . »
Mais voici comment s'exprime le même auteur, en expliquant ( aux
n.oS i 3 et 14 de la même section) , l’art, 5 de l ’ordonnance concernant
les pays de droit écrit.
« Selon l’art. 5 , lorsque le testateur voudra faire un testament nuncupatif é c r i t , il devra i . ° en prononcer intelligiblement toutes les
dispositions , en présence au moins de sept témoins y compris le 110taire , c’est-â d ire , que le testatsur doit exprim er par sa voix le nom
des héritiers , les portions qu'il leur assign e, les legs , les fid e i commis
et autres choses qu'il voudra ordonner',
le notaire doit écrite les dis-,
positions à mesure qu’elles seront prononcées par le testateur, etc. »
Furgole va plus loin : après avoir observé ( chap. 8 , sect. i . re , n.° 59 ) ,
que d’après la loi 2 1 , if. qui testamenta fa cere possunt, le testateur
doit prononcer le nom de son héritier, ou le désigner d’une manière
certaine et indubitable , et qu’en conséquence l’ordonnance art. 2 , dé
clare nulles toutes les dispositionsftqui ne seraient fa ite s que par signes,
encore qu’elles eussent été rédigées par écrit sur le fondem ent desdits
signes ; il ajoute : « mais 011 ne doit pas induire que si un testateur
montrait
»
»
»
»
»
»
�( 9 )
•» montrait , par signes aux témoins et aux notaires, la personne qu’il
v voudrait faire h éritier, en déclarant qu’il l'institue héritier, une telle
5» institution fut nulle ; car l'ordonnance n’entend prohiber que les dis» positions où le testateur n’emploie que des signes sans aucunes paroles :
» ces signes étant presques toujours équivoques, et non lorsque le testa» teur p a r le , et qu’il dit que la personne qu’il montre et désigne de
» la main ou autrement , soit son héritier; auquel-,cas il ne peut y avoir
» ni doute ni équivoque, puisque le testateur déclare, de p a ro le, qu’il
» veut faire un h éritier, et que le signe ou la démonstration*n’est que
» pour fa ire connaître la personne de l’héiitier. Ainsi il ne faut pas
v croire que l’art. 2 de l’ordonnance , ait dérogé à la loi 58 de hered.
» instit. , ni aux autres lois'qui veulent que 1 institution où la personne
» de l ’héritier n'ëst: pas expressément 1 nomméé , et où: elle n’est qùè
» •simplement désignée^soit valable : ’elle ne défclare-huiles que les dis» positions qui sont totalement faites par sign es, et non celles qui sont
y mêlées de paroles et dé signes, et où les signes ne sont faits que pour
» désigner la personne' de ^héritier, ce qui résulte bien clairement de
» ces mots de l’ordonnance qui ne seraient fa ite s que par signes ; et cela
» est si v r a i , que l’art. 5 o.de la ¡même: ordonnance admet les désigna*-'
» lions pour faire connaître les personnes qui 'sont instituées. »
II est sensible que dans* ce passage,’ ainsi que dans le précédent',
Furgole raisonne sur une hypothèse • oûï le testament n ’a été ni litté
ralement dicté par le testateur , ni écrit par, le notaire tel qu’il au
rait pu être dicté; et il n’en décide pas moins, d ’après le texte même
de la lo i, que le testament est valablo.,
,
C e testament ne constate-t-il 1 pas que le testateur a f a i t j institue',
et de sa propre , bouche nommé Alarguerite R aym ond , sa fem m e pour
héritière générale et universelle en tous ses biens présent et à venir. E t une fois constant que le testateur a lui-même prononcé ses dis
positions, le vœu de la loi ne se trouve-t-il pas pleinement rempli?
O n pourrait, d’ailleurs invoquer, s’il en était besoin, les lois 7 , i 5
et 2 4 , Cod. de testam entis, qui voulaient qu'on ne s’arrêtât point à
de vaines subtilités, et qu'un testament ait son effet , en quelques
termes qu’il fut conçu , et nonobstant des erreurs de l ’écrivain , ou les
vices de rédaction , pourvu que la volonté du testateur se trouvât cons
tante. E rro re scribentis testamenlum ju ris solemnitas mutilari nequaquam
potest.—r- Quoniàm indignum est ab inanem observationcm irritas f i e r i ta
bulas et judicia mortuorum placuit ademptis his quorum imaginarius
iisus est institutioni hceredis verborum non esse necessarium observantium , utrùm imperativis et directis verbis f a t , aut ir fe x is . S c d quibus
libet confecta sententiis , vel in quolibet loquendi genere fo rm a ta institutio
valeat ; simodd per eam liquibet voluntatis intentio. _ Ambiguitaleque vel
B
�4u<»
(
io
)
im pcritiâ, vel desidio testamenta conscribentium oriuntur resecandas ess<t
censemus : et sive institutio hæredum post legatorum donationes scripta
sit, vel alia prœtermissa sit observatio, non ex mente testatoris, sed vitio
tabellionis vel allerius qui testamentum scribit , nulli licentiam concedimus p er eam occasionem testatoris voluntatem subvertere vel minuere.
Mais ce n’est pas tout : le testament porte , en toutes lettres , que
le testateur en a dicte' mot â màt les dispositions au notaire.
E t peu importe que cette énonciation précède l ’institution d’héritier.
Ricard , dans son Traité des donations , part. i .Te , n.° 1 5 1 8 , en
parlant des solemnités qu’exigeait la coutume de Paris antérieurement
à l ’ordonnance de 1 7 3 5 , se fait la question de savoir si les solen-nités des testamens ne peuvent être mises qu’à la fin.
» Il semble dit-ili, d!abord , que' les formalités regardant tous les
» testamens et étant nécessaire par e x . , qu’il soit entièrement dicté’
» parle testateur, et ensuite à lui lu et relu , la clause qui en fait men» tion , ne puisse être mise qu'à la fin ; d’autant qu’on ne peut paS'
» écrire , dans la v é rité , que ces formalités ont été gardées, avant que
» toutes les dispositions contenues au testament aient été achevées ,
» et que les témoins aient reconnu si le testateur a effectivement
» dicté son testament, et si le notaire l u i ^ n a fait la lecture réitérée. v
E t puis , Ricard réfute ce système en ces termes
» C ’a été pourtant avec raison , que cette opinion rigoureuse a été
9 rejetée ; parce que le testament étant individu et ne composant
» qu’un acte , il acquiert sa perfection en un moine tems : tellement
» qu(il n'importe pas en quel endroit du testament il soit fait men> tion qu’il a été dicté’ v lu et relu ; d ’autant que cette clause , en
» quelque lieu q u elle se trouve placée, a son rapport à tout l’a c t e ,
» lequel n'est conclu que par les signatures qui servent de sceaux ec
» qui font foi de la vérité de tout ce qui y est contenu : de sorte
» qu’il suffit que les solennités dont nous parlons aient été observées
» avant les signatures, et il est indifférent que la clause de d ic té ,
9 nommé, tu et relu , soit au commencement , au m ilieu , ou à la fin ,■
* pourvu que la solennité ait été gardée , et la clause rédigée p a r
» écrit , ayant que la partie, le notaire et les témoins aient signé. »
Ainsi , en supposant même que le testament d e J e a n Lhoste ,•
quoique fait en pays de droit é c r it , ait dû être dicté , et être lit
téralement écrit tel qu’il était dicté , sans qu’il eut suffi que le tes-tateur en prononçât intelligiblement les dispositions, les héritiers na-turels n’en seraient pas plus avancés, puisque le testament constate
qu’il a été dicté mot à mot par le testateur.
L a r t . 97a du code c iv il, veut que le testament par acte public soit
�4 °t
(
11
)
dicté par le testateur et écrit par le notaire te l qu'il est dicté, et
q u ’il en soit fait mention.
E h bien ! qu’un testament fait depuis la promulgation du codecivil,
constate qu’il a été dicté : croit-on que cette énonciation puisse être
emportée, parce que le testateur aura parlé, soit à la r.e re , soit à la
3 .eKle personne , ou qne les termes dont il se sera s e r v i , n’auront pas
été littéralement écrits par le notaire l Non , sans doute.
'Voici comment monsieur JVialeville > président de la Cour de cas*
sation , s’exprime à ce sujet , sur l ’art. 972 du Code c iv il, dans son
analyse raisonnée de la discussion de ce C o d e , au Conseil d’Etat.
» J e 11e crois pas que le notaire doive écrire en patois un testament
» que le testateur lui dictera dan? cet .idiome, ni même qu'il soit
» obligé de se servir des mêmes termes que le testateur, comme un
» auteur moderne, ( l’auteur, ou les auteurs des Pandectes françaises 1
» l a pensé ; le notaire est seulement obligé de rendre exactement le
» sens des dispositions que le testateur lui dicte , et c’est ainsi que
» les diverses lois qui ont exigé la d icté e , ont toujours été entendues. »
Ajoutons que la question s’est présentée devant la Cour d’appel de
Bruxelles’ dans l ’espèce suivante.
L e 3 ventôse ah X I I , Martin Ramaca fait un testament par acte
public , e t donne la majeure partie de ses biens à son épouse Anne
Catherine Meens.
C e testament porte qu’il a été dicté par le testateur, et néanmoins
toutes les dispositions en sont conçues à la troisième personne.
L ’héritière présomptive du testateur argu m en te, de l à , pour pré
tendre que le testateur n ’a pas dicté lui*même le testament tel qu’il
est é c r it , et qu’en conséquence , il doit ctre déclaré nul.
L e 16 prairial an X I I , jugement du T ribun al civil de Louvain ,
qui déclare le testament valable.
A ppel de ce jugement de la part de l’héritière présomptive.
L e 3 fructidor de la même a n n é e , arrêt de la Cour d’appel de
Bruxelles , qui déclare qu’il a été bien jugé , etc.
« Attendu que l’acte produit lait mention'expresse qu’il a été dicté
» par le testateur ; que rien ne s’oppose à ce que la disposition soit
» faite en 3 .me personne, puisque rien n ’empêche de dicter de cette
» manière ; que d'ailleurs foi doit être ajoutée à l’acte aussi long» temps que le contraire n’est prouvé; ce q u i, dans ce cas , ne pouvait
* se faire que par une inscription en foux. » '
Voyez cet arrêt dans la jurisprudence
Codé civil, l . er semestre
de l’an X I I I , tom. 3 , pag. ¿ 3 3 et suivantes. 1
Il est sensible, en effet , qu’un testateur' peut dicter ses volontés en
B 2
�(
J2
)
parlant à la 3 .me comme en parlant à la i*re person ne, et qu’il peut
de même les dicter en parlant avec trait au passé , tout comme eu
parlant avec trait au présent.
A u surplus, le testament de J e a n L h o ste , constate qn’il a lui-même
dicté mot-à-mot au notaire, et c’en est assez pour que tous les raisonnemens doivent se briser contre cette énonciation qui ne pourrait
être emportée que par la vole de l'inscription de faux.
L e 3 .me moyen de nullités échappe donc encore aux héritiers
naturels , sous quelque rapport qu’on l’envisage.
Q U A T R I È M E
QUE S T I O N .
L e testament fait par J e a n L h o ste , le 20 floréal an X I , posté
rieurement à la promulgation de la loi du 2 5 ventôse de la memê année r
contenant organisation du notariat , p e u t- il, d’après l ’art. 1 4 de cette
l o i , être considéré comme n u l, sur l e ‘ fondement qu’il n'y est pas
fait mention de la signature du notaire qui l’a r e ç u ,e t qni dailleurs
l ’a réellement signé.
L'art. 1 4 de cette loi du 2 5 ventôse an X I , porte r
» L e s actes seront signés par les parties, les témoins et les no» taires, qui doivent en faire mention à la fin de l ’acte.
» Quant aux parties qui ne savent
» notaire doit faire mention , à la fin
> tions à cet égard.
Point de doute qu'aux termes de cet
moins qui signent réellement l'acte , ne
le notaire qui ie reçoit.
ou ne peuvent signer ; le
de l'acte de leurs déclaraarticle, la signature des t é
doive être mentionnée par
Mais , d ’abord , on- pourrait peut-être soutenir avec quelque fon
dement que cette mention n ’est prescrite au notaire, que par rap
port à la signature des témoins , et non par rapport à sa propresignature.
On objectera que le notaire est lui-m êm e considéré comme témoin.
E t , en effet , il était considéré comme tel par l’ancienne légisîation concernant les testamens. S e p t témoins au m o in s, y compris
le n otaire, disaient l’article 5 de l ’ordonnance de 1^ 3 5 , relativement
au testament nuncupatif é c r it , et l'art. 9, de la même ordonnance
relativement au testament clos ou mystique.
Cette objection néanmoins ne serait pas absolument sans réponse.
M ais, admettons que l’art. 1 4 de la loi du 2S ventôse an X I , im^
pose au notaire l ’obligation de mentionner sa propre signature ainsi
que celle des témoins, dans les actes qu’il reçoit, et cette entente
de la loi e s t , en effet > la plus probable.
�(
i3
)
C ela posé , il reste à examiner si cet article s’applique aux testamens.
A vant de discuter directement cette qu estion, il ne sera pas hors
de propos de jeter un coup d’œil sur les lois et la jurisprudence
antérieures qui s’y référent.
L ’ordonnance de B lo is , du mois de mai i 5y g , voulait, art. i 65 »
que
tous notaires et tabellions , soit en pays coutumier ou de
» droit é c rit, fussent tenus faire signer aux parties et aux témoins
» instrumentales ,' s’ils savaient sign er, tous contrats et actes , soit
» testamens ou autres , qu’ils recevraient, dont ils feraient m ention,
» tant en la minute que grosse qu’ils en délivreraient , à peine
» de nullité desdits contrats, testamens ou actes; et qu’en cas que
>> les parties ou témoins ne sussent signer , lesdits notaires ou tabel» lions fissent. mention de la réquisition par eux faite auxdites parties
» et témoins de signer, et de leur réponse. »
Même disposition dans l’art. 84 , de l’ordonnance d’Orléans du mois
de janvier i 56 o , avec cette seule différence qu’il n’y était pas nomi
nativement parlé des testamens.
Comment ces dispositions furent-elles entendues dans l’usage ?
Vers le.m ilieu du 17 .e siècle, la question se présenta au ci-devant
parlement de Paris , dans une espèce où il s’agissait de décider si un
testament et un codicille , faits par le S r. Désespoir, et réellement si
gnés de lu i, étaient n u ls, en ce que les notaires n’avaient pas fait
mention qu’il eût signé. <
■ L e 7 mars 16 52 , arrêt qui nonobstant cette omission, déclara valables
le testament et le codicille.'
Voyez cet arrêt dans le Journal des audiences , ( tom. i . er , liv. 7 ,
chap. 5 , pag. 532 , édit. de 1 7 6 7 ) , avec l'extrait du plaidoyer de l’avo
cat général Talon , où l ’on remarque les expressions suivantes : » E n
» ce qui touche les solennités de la signature du d é fu n t , l’effet est
» plus puissant que la p arole, et est assez indifférent que les notaires
» aient écritt dans la minute que le testateur a sign é , p u isq u e , par
» e f f e t , il a. Signé, comme la coutume le désire. »
R icard , t Traité des donations , part. i . re, n.03 1628 et Ó 2 9 ) , et
Rousseau de Lacombe , ( Recueil de jurisprudence civile sur le mot
testament, se’ct.*3 , dist. i .r e , n.° 3 ) , observent d’après cet arrê t,
que « cette omission ( c ’est-à-dire , le défaut de mention de la si» gnature réellement apposée ) , ne rendait pas le testament nul ,
» et que la nullité irrogée par l’ordonnance de Blois , en ce qu’elle
» v o u la it-( ait. 1 65 ) , que le testament fut sign é, et qu’il en fut
9 fait mention , ne se rapportait qu’au défaut dè signature. »
; Cependant un arrêt rendu par le même parlement de Paris , le 9
C
�( H )
mars 1 7 3 0 , et rapporté par Dénizart sur le mor testam ent, n.° 7 7 ,
déclara nul un testament reçu par un notaire de Saint - Germainen-Laye , et deux témoins , parce qu’il n’y était pas fait mention de
la signature de ces derniers , quoiqu’ils l’eussent en effet signé. C e
même arrêt , rendu en forme de règlem ent, enjoignit aux notaires de
se conformer à l ’art. 1 6 5 , de l ’ordonnance de Blois.
L e parlement de Dijon adopta cette dernière jurisprudence de celui
de Paris , par arrêt du i . er avril 1 7 3 5 , rendu aussi en .form e de r è
glement.
Quant au parlement de Toulouse , il confirmait depuis , comme
avant l’ordonnance de Blois, les testamens non signés par les testateurs r
bien que le notaire eut omis d’énoncer la cause pour laquelle ils n’a
vaient pas signé. Voyez les arrêts rapportés par Cam bolas, ( liv. 2 r
chap. 44 ) ; p a r D c liv e , ( liv. 5 , chap. 5 ) , et par D espeisses, ( tir.
des testamens , sect. 4 , n.° 12 6 ).
A plus forte raison , ce parlement n’annullait-il point les testamen?
pour le défaut de mention de la signature du testateur ou des témoins,
lorsqu’ils avaient réellement signé.
Survînt l ’ordonnance de 1 7 3 5 , qui voulut que le testament m m cupatif é c r i t , fut signé par le testateur, parles témoins et par le notaire.
Cette ordonnance ajouta que , dans le cas où le testateur déclarerait
ne savoir ou ne pouvoir signer, il devait en être fait mention expresse.
E lle voulut également que si parmi les témoins , il y en avait qui
ne sussent ou 11e pussent signer dans les cas où il était permis d'en
employer de non-signataires, il fut fait mention qu’ils avaient été pré-sens , et qu’ils avaient déclaré ne savoir ou ne pouvoir signer.
Mais elle n’exigea point qu’il fut fait mention de la signature du
testateur, ou des témoins, et encore moins du notaire, lorsque leurs'
signatures respectives se trouvaient au bas du testament.
Aussi les parlemens mêmes q u i, jusqu’alors s’étaient rigoureusement
conformés à l’art. i 6 5 , d e l’ordonnance de B l o is , regardèrent-ils ce t
article comme tacitement abrogé par l’ordonnance de > 7 3 5 , en ce qu’il
prescrivait cette mention , à l ’egard des signatures existantes pa* le lait^
Tém oin l ’arrêt , par lequel le parlement de Paris postérieurement
à cette dernière ordonnance, confinïia , au rapport de M. Pasquier, un
testament fait dans la coutume d’A u v e rg n e , et réellement signé par
îes témoins, mais sans mention de leur signature dans le corps du
testament.
Témoin l ’arrêt du parlement de D ijon, du a 5 juin 177 8 , qui re
jeta la demande en déclaration de nullité d ’un testam ent, fondée sur
ce que le notaire qui lavait reçu et signé , n ’y ayait pas fait mention,
de sa signature.
�<oJ
( i5 )
V o y ez ccs deux arrêts et autres dans le Répertoire universel de
jurisprudence , à l ’art, signature , § 2 , quest. 3 .
L e s rédacteurs de cet article , expriment d ’ailleurs leur opinion en k
ces termes : « Il est à croire que ces décisions fixeront enfin la juris» prudence en faveur du parti qu’elles ont adopté ; du moins , il ne
» paraît pas que les principes permettent d ’en suivre un a u tr e , tant
» que le législateur ne jugera pas à propos d’ajouter au texte de
» l'ordonnance de 1 7 3 5 , une formalité que ni cette lo i, ni les pré» cé d e n te s, n’ont prescrites à peine de nullité. »
Une telle addition s e trouve-t-elle dans la loi du 2S ventôse an X I ,
ou si l’on v e u t, cette loi a-t-elle renouvellé l ’art. i 65 , de l ’ordonnance
de B lo is , en admettant que cet article eût prescrit, à peine de n u llité ,
la mention des signatures existantes dans le fait ?
Quelques observations suffiront pour établir la négative de cette ques
tion , à l’égard des testamens.
E t , d ’a b o rd , l’art. 1 65 de l’ordonnance de Blois , ne se bornait pas à
parler des contrats et actes en général ; mais elle comprenait nommé
ment les testamens dans sa disposition, au lieu que la loi du 2 5 ventôse
an X I , ne parle nominativement que des actes , et cette différence dans
les expressions du législateur, en indique déjà une dans son objet.
Il est vrai que le mot acte est un terme générique qui comprend
le testament, ainsi que le contrat.'Voyez, les notes de Guy-Coquille T
sur l’art. ¡65 de l’ordonnance de Blois.
Ma is la loi du 2 5 ventôse , a - t - e l l e en effet compris-les testamens
dans cetie dénomination générale d’actes ?
Non , certainement. Et pour s’en convaincre , il suffit de connaître
l ’objet de cette loi , et d ’en comparer les dispositions , ainsi que les
actes dont elle parle , soit avec la nature des testamens , soit avec les
formes que le Code civil a ultérieurement établies pour la validité de
cette dernière espèce d’actes.
Quel est-il l ’objet de la loi du 2 5 ventôse ?
C ’est d’organiser le notariat ; de déterminer le nombre , le place
ment et le cautionnement des notaires; les conditions requises pour leur
admission et le.mode de leur nomination ; leurs fonctions, leur ressort
et leurs devoirs; les cas de parenté et d ’alliance où ils doivent's’abs
tenir ; la forme de leurs acte s, et les obligations qu’ils Qnt à remplir
pour leur donner la forme authentique et le caractère de l’autorité pu
blique ; l’obligation d’en garder minute , et le droit d ’en délivrer des
grosses et des expéditions.
t,
Tout cela est étranger aux formes requises par la rédaction des tes
tamens, soit mystiques , soit faits par acte public.
L a loi du 25 ventôse an X I , ne déterm ine, par rapport à la r é d a o
�(
16
)
l i o n , que la forme des contrats ou actes synallagmatiques ou bilatéraux
passés devant notaires, sans s'occuper de la forme dés testamens.
E t c’est le Code civil qui règle les formes dans lesquelles doivent être
rédigés les testamens, sans s’occuper de la forme des contrats.
Cette proposition se justifie sous plusieurs rapports ;
i . ° L ’article 9 31 du Code civil veut : « Que tous actes portant dona» tion entre-vifs , soient passés devant notaires, dans la forme ordinaire
» des contrats. »
L e s articles subséquens fixent le mode dans lequel une donation doit
être acceptée pour être obligatoire ; et en e f f e t , ce n ’est qu’au moyen de
l ’acceptation faite par le donataire, que la donation entre-vifs prend le
caractère de contrat ou d’acte bilatéral.
Mais pourquoi le Code civil ne règle - t - i l pas d’ailleurs la forme de
la donation entre-vifs ? C ’est que cette espèce de donation , une fois
acceptée , est un véritable contrat, et que la forme des contrats se trou
vait déjà réglée par la loi du 2 5 ventôse , à laquelle il renvoie, en con
séquence , pour la forme dans laquelle doit être rédigée la donation.
Pourquoi , au contraire, le Code civil détermine - t - i l les formes aux
quelles il a voulu subordonner la validité des testamens ? C ’est que les
formes des testamens ne se trouvaient réglées ni par la loi du 2 5 ven
tôse , ni par aucune autre loi émanée du même législateur qui a suc
cessivement voulu tout régénérer.
20. L a loi dH 2 5 ventôse , avait statué , art. 1 0 : « Q ue les paren s, alli é s , soit du notaire , soit des parties contractantes , au„degré prohibé
par l'art. 8 , leurs clers et leurs serviteurs , ne pourraient être témoins. »
S i le législateur avait voulu que cette loi s’appliquât aux testamens
notariés , il n’aurait pas eu de nouvelle disposition à faire à cet égard
dans le Code civil ; et très-certainçment, il s’en serait référé à celles déjà
existantes.
M ais, au lieu de cela , il a expressément disposé, art. 9 7 5 : « que ni
» les légataires, à quelque titre qu’ils soient, ni leurs parens ou alliés ,
» jusqu’au 4 .' degré inclusivem ent, ni les clers des notaires par lesquels
» les actes seront reçus, ne pourront être pris pour témoins du testa» ment par acte public. »
E t remarquons bien que le Code civil ne porte aucune disposition de
cette nature , à 1 égard do la donation entre-vifs. Et pourquoi ! Nous l’a
vons déjà d it; c’est que cette donation est un con trat, et que la forme
des contrats se trouvait déjà fixée par la loi du 26 ventôse.
Cette loi v e u t , art. 9 , que les actes dont elle parle , puissent être
reçus par deux notaiies sans tém oins, ou par un notaire assisté de deux
témoins.
Mais le Code civil , art. 97 x , exige la présence de deux témoins ,
lorsque le testament par acte public est reçu par deux notaires, et la
présence de quatre témoins, lorsqu’il est reçu par un notaire seulement,
�</o >
( *7 )
A joutons, qu’à l’égard des actes réglés par la loi du 25 ventóse , les
témoins doivent être citoyens français, c’est à-dire, qu'ils doivent avoir
la jouissance des droits politiques; au lieu que pour être apte à être té
moin dans les testamens réglés par le Code civil , c'est assez qu’on ait
l’exercice des droits civils.
Ces différences furent t r è s - b i e n remarquées par le tribun Jaubert (de
la G iro nde) dans le rapport qu’il fit au T r ib u n a t , le 9 floréal an X I *
au nom d e l à section de législation , sur le projet de loi décrété le ï 3
du même mois , et dans lequel il s exprime en ces termes :
« Quelques observations sur les témoins testamentaires ; i . ° il suffit
» qu’ils jou issen t des droits civils ( à l’égard des testamens, art. 980 , du
» Code civil ) r tandis que pour les actes publics ordinaires ( réglés par
» la loi dix 25 ventôse ) , o ù , à la vérité il n’en faut que deux , il est in» dispensable qu’ils jouissent des droits politiques.
» 2 ° L e s légataires ne pourront être pris pour témoins dans un tes» tament par acte public. L e projet n’a pas dû répéter l ’exclusion pour
y le testament dont les dispositions sont secrètes. L ’ordonnance de 1 7 3 5 ,
* n’avait pas non plus interdit aux légataires, mêmes universels, de ser» vir de témoins dans les testamens mystiques.
» 3 .° L e projet dit aussi, que les clercs des notaires par lesquels les
;» testamens publics seront reçus, ne pourront être pris pour témoins.
» L e projet ne répété pas cetie exclusion pour les testamens mystiques.
y L a loi sur l'organisation du notariat, exclut absolument les clers des
» notaires.
» M ais cette loi générale ne peut être invoquée dans la m alilre des
» testam ens, pour lesquels une loi particulière règle tout ce qui est re la tif
> aux témoins. Il faut remarquer d ’ailleurs, que la prohibition ne cesse que
» pour l’acte de suscription , où la présence de six témoins est nécessaire. »
3 .° L e Co 'e c iv il, art. 9 7 1 et suiv. , règle spécialement avec la plus
grande précision, non seulement tout ce qui est relatif aux témoins tes
tamentaires , mais encore toutes les formes qui doivent être ultérieu
rement observées pour la validité des testamens.
D o n c, la loi générale sur l’organisation du notariat, est étrangère ou
inapplicable à tout ce qui concerne la forme des actes de dernière volonté.
4.0 L ’art, io o î , du Code civil porte : « L e s formalités auxquelles les
s> divers testamens sont assujettis par les dispositions de la présente sec» tion et de la précédente, doivent être observées à peine de nullité. »
Il est évident que cet article n’admet pas d ’autres nullités que celles
résultantes de l’inobservation des formes déterminées par le Code civil.
E t , par conséquent le Code civil doit seul être consulté pour la vali
dité ou l’invalidité d'un testament fait sous son Empire.
O r , le Code civil n’exige pas que le notaire fasse mention de sa si
gnature non plus que celles des tém oins, dans le testam ent, soit myslique , soit par acte public.
�( i8 )
A in si, un testament par acte public, fait depuis la promulgation du
Code civil, et réellement signé par le notaire et les témoins, serait incon
testablement valable, nonobstant le défaut de mention de leurs signatures.
E t nous avons vu que cette mention n’était pas non plus nécessaire dans
les testamens faits antérieurement à la loi du 25 ventôse.
Elle ne se trouve prescrite que par cette loi, à l ’égard dos actes sur les
quels elle dispose.
Mais n’est-il pas absurde de supposer que le législateur eut voulu
créer pour les testamens, qui se feraient dans le cours intervalle de
la promulgation de la loi du 25 ventóse, à la promulgation de la loi du
i 3 floréal suivant , une forme' particulière à laquelle ne devaient pas
être assujettis les testamens postérieurs , non plus que les testamens
antérieurs ?
N ’est-ce pas insulter à la sagesse et à la prévoyance du législateur que
de supposer qu'il ait voulu s’occuper des formes des testamens dans
une loi préparée et décrétée à une é p o q u e , où il avait déjà rédigé le
projet de loi, où se trouvaient spécialement réglées toutes les formes des
testamens, et qui devait incessamment faire partie du Code civil l
5 .° L a loi du 2 5 ventôse, porte avec elle la preuve matérielle qu’elle
11e s’occupe point de la forme des testamens , mais seulement de la
forme des contrats,
C ’est dans la section 2 , du tit. i . eT de cette loi , qu’il est question de
la forme des actes ; et, en e f f e t , cette section est intitulée : D e s actes ,
de leur fo rm e ; des minutes, des gro sses, expéditions et repertoires.
E h bien ! l’art. i . er de cette même section, qui est I’a n . 8 de la loi,
annonce déjà que le législateur ne va s’occuper que de la forme des con
trats : car déjà l’on y trouve le mot parties à côté du mot générique actes,
et l ’on sait qu’on ne peut figurer avec la qualification ou le caractère de
parties , que dans les actes où il s’agit dç contracter ou de former des
obligations réciproques.
Q u ’on lise ensuite les art. 1 0 , 1 1 , i 3 , 1 4 , 1 5 , 18 , 2 6 e t 3 o q u i rentrent
dans la même section : on y retrouvera et souvent répété , soit le mot
parties , soit le mot contractans.
Et les articles intermédiaires ne présentent d ’ailleurs rien de contraire
à la conséquence qui s’induit des articles que nous venons d’indiquer.
Sans doute , parmi les dispositions de la loi générale du 25 ventóse, il
en est qui , par leur nature et leur objet, peuvent s’appliquer aux testatnens; mais dans ces dispositions, il n’est nullement question de la forme
des actes considérés en soi.
Q u ’on reporte particulièrement son attention sur l’art. 14.
Il veut que les actes soient signes par les parties , les témoins et les
» notaires qui doivent en faire mention à la fin de l’acte. »
E t c’est précisément en vertu de cet article, que les héritiers naturels
de Je a n Lhoste prétendent faire annuller son testament.
�( *9
)
'
Mais cet article est évidemment inapplicable aux testamens , puisqu'il
ti’y est question que d’actes passés entre parties.
Q u ’on lise enfin l’art. 6 8 , il est conçu en ces termes :
« Tout acte fait en cçntravenlion aux dispositions contenues aux arti» d e s 6 , 8, 9 , i o , 1 4 , 2 0 , 52 , 6 4 , 6 5 , 66 et 67 est n u l , s'il n’est pas
3» revêtu de la signature de toutes les parties , et lorsque l ’acte sera re» vêtu de la signature de toutes les parties contractantes , il ne vaudra que
» comme écrit sous signature p rivée, sauf dans les deux cas, s’il y a lieu,
les dommages et intérêts contre le notaire contrevenant. »
C et article qui attache la peine de nullité à l’inobservation des dispo
sitions y mentionnees , ne peut certainement pas concerner la forme des
testamens, puisqu’il maintient comme actes sous signature p r iv é e , les
actes notariés qu'il rappelle , et qu’assurément , un testament par acte
public ne pourrait pas valoir comme acte sous signature p riv é e , ou comme
festament olographe.
E t i c i , il faut en dire autant des donations entre-vifs ; puisque l’ar
ticle 9 3 1 du Code civil , après avoir dit que tous actes portant donation
enlre-vifs , seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des
contrats, ajoute indistinctement qu’il doit en rester minute , sous peine
de nullité , et qu'on ne pourrait pas prétendre qu’il restât minute d ’une
donation qui cesserait d’être considérée comme acte notarié,
De l’art. 68 de la loi du 25 ventôse , combiné avec l’art. 1 4 qu’il
ïappelle , il résulte qu'un acte notarié qui ne ferait pas mention de
la signature du notaire ou des notaires et des témoins , devrait être
déclaré n u l , sous les rapports d’acte notarié.
Mais que peuvent avoir de commun les art. 1 4 et 68 , avec la forme
des testamens , quand on voit qu’ils ne portent que sur les actes passés
entre parties contractantes, entre parties qui s’engagent, qui s’obligent
irrévocablement par des conventions ou des liens respectifs î
Cela n’e s t- il pas radicalement étranger à la forme des testamens en
général et particulièrement à la forme des testamens par acte p u b lic,
où le testateur parle et figure seul , et sans contradicteur , devant le
rédacteur et les témoins de ses intentions ; où il ne contracte p o in t ,
où il ne forme aucun lien obligatoire, où il ne fait que dicter une vo
lonté irrévocable à son gré.
Enfin , redisons - le encore, une loi spéciale qui fait partie du Code
civil , a fixé toutes les formes testamentaires , et a circonscrit dans
l’inobservation de ces formes, les nullités susceptibles d'être opposées
aux testamens.
C ’est donc dans cette loi spéciale, à l’égard des testamens faits depuis
sa promulgation , ou dans les lois spéciales anciennes à l'égard des tes
tamens antérieurs , et non pas dans la loi générale sur l ’organisation
du notariat, qu’il faut vérifier si un testament se trouve ou non rédigé
selon la loi.
�/,lû
*»•
(
20
)
Concluons que le dernier moyen de nullité allégué par les héri
tiers naturels de J e a n Lhoste , n’est pas plus solide que les trois
précédens.
Cette question, si la loi sur le notariat du 25 ventôse an X I , quant
aux formalités q u 'e lle prescrit pour les actes, était applicable aux testam ens, et si un testament était nul par le défaut de mention à la fin
de l’acte que le notaire a signé , a été jugée négativement par un arrêt
de la Cour d ’appel de Bruxelles , du 27 prairial an X I I . C et arrêt est
rapporté dans la jurisprudence du Code c iv il, tom. 2 , pag. 329 , et dans
les Annales du notariat, 1 8.e livraison, n .° du 1 .er fru ctid o r an X I I ,
pag. 4 3 1 . Il a été rendu dans la même espèce que celle discutée dans
la présente consultation , c ’est-à-dire , dans l’espece d ’un testament fait
dans l’intervale de la loi du 25 Ventôse an X I , sur le notariat, à celle
du 1 3 floréal sur les donations et les testamens.
Délibéré à Paris , le 7 février 18 0 6 , par nous anciens Jurisconsultes
Avocats en la Cour de cassation.
M A IL H E .
C H A B R O U D .
p a r tie
i
Au Puy
, D e l ' imprimerie
de
sig n é R o u b i n ,
J . B. L a
Com be.
1806.
I
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roubin, Jean-Pierre. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mailhe
Chabroud
Subject
The topic of the resource
testament nuncupatif
conflit de lois
code civil
rétroactivité de la loi
vices de forme
jurisprudence
droit romain
droit coutumier
droit écrit
doctrine
patois
signatures
notaires
témoins
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation. Le conseil soussigné qui a pris lecture d'un Mémoire à consulter pour le Sieur Jean-Pierre Roubin, et d'un extrait de testament y joint, est de l'avis qui suit.
Note manuscrite : « Voir arrêt au journal des audiences, 1809, p. 19. »
Table Godemel : Testament : 10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.B. La Combe (Au Puy)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
An 11-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1912
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Julien-Chapteuil (43200)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Code civil
conflit de lois
doctrine
Droit coutumier
droit écrit
droit Romain
jurisprudence
notaires
nullité du testament
patois
rétroactivité de la loi
signatures
témoins
Testament nuncupatif
testaments
vices de forme
-
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44f7be0fde34d019e9d5e88291b37f57
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Text
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ÖO
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GÉNÉALOGIE.
- M artin G arcclon.
I
G u illa u m e , dit G u illa in ,
á
M arguerite D u fa ye t.
S im o n ,
à
A gn ès F erlu t.
2*s. NOCES.
Gaspard D e lp r a t,
à
M argu erite Chénier.
I
A n to in e tte ,
á
Gaspard Delprat,
M a rg u e rite ,
à
Jean Sabatier,
C ath erin e,
J ea n ,
cu ré
de S t.-P rojet.
M a r ie ,
P ie rre ,
P ie rre ,
décédés sans postérité.
I
M a rg u erite,
à
Jean V alette.
Jean,
prêtre*
A n to in e ,
M a r tin ,
à
A n n e C hevalier.
P ie rr e ,
A n d ré,
A n to in e tte ,
à
B enoit Jam y.
M a rg u e rite ,
à
E tienne Carreau.
A nne,
S im on ,
à
C a th e rin e ,
décédée sans postérité.
F ran cois D om at.
décédés sans postérité..
décédés sans postérité.
M a r ie ,
..à
.Jean M arm onteü.
M a rg u e rite ,
à
Pierre M eynial.
Appelant.
Joseph,
décédé'sans postérité.
4
C a th e rin e ,
à
P ierre H ébrard.
A g n è s,
I " S . NOCES.
F ran çois Berc.
I
A n to in e tte ,
à
Jean-Joseph T a b a ricr.
Appelante.
2 es. NOCES.
M a r ie ,
décédée sans postérité..
P ierre V id al„
I.
M a r ie ,
à
M artin H ébrardi
Appelante
.
M a r ie ,
à
A n to in e V id a i.
Jean-Pierrc-H yppolite.
P ierre.
C ath erin e,
à
N icolas Fum et.,
Appelons.
-K
�-- 'A
A n to in e tte ,
à
B enoit Jam y.
M a rg u e rite ,
à
Etienne Carreau.
2*s.
noces.
G aspard D e lp r a t,
S im on ,
à
M a rgu erite C hénier. postérité,.
M a r ie ,
.. à
.Jean M arm onteil.
P ierre M
Anne,
à
F ran cois D om at.
C a th erin e,
à
P ierre H ébrard.
M a rie ,
décédée sans postérité..
yippelans.
M a r ie ,
à
A n to in e V id al.
I
rrc-H ypp olitc.
Pierre.
I
C ath erin e,
N icolas Fum et..
/ippelans.
C ath erin e,
décédée sans postérité.
�6?
COUR ROYALE
D E R IO M .
MÉMOIRE
2e Chambre civile.
PO U R Sr. F r a n ç o i s - M a r i e et P i e r r e - F r a n c o i s
B E R T R A N D Y , L o u i s e et M a r i e - A n n e BERT R A N D Y , habitant à Salers; dame L o u i s e F r a n ç o i s e S A L V A G E et S r. D E L Z A N G L E ,
'
*'««' A-»««»“ 4**"
d o c t e u r e n m é d e c i n e , s o n m a r i , h a b i t a n t la
commune de Fontange, intimés;
CONTRE
dame
T A B A R IE R ,
A n to in ette B E R C ,
M a rie V ID A L ,
veuve
P i e r r e , H i p p o ly t e
et
1
veuve-
H E B R A R D , habitant à Salers , sieurs
P ierre V ID A L ,
Jean-,
pro
priétaires, habitant à Saint-Christophe et
autres, appelans;
Pour servir de réponse
à
la
imprimée distribuée en la
d avril 1817.
’
Consultation
Cour au mois
m cm
C e n’est pas sur l’exposé d’un fait u n iq u e , isolé de
beaucoup d’autres, sur des questions tirées plus ou moins
exactement de ce fait, et sur une longue série de maximes
de droit et de principes gén éraux, qu’on peut apprécier
une cause, et en déterm iner les résultats; tout cela n e suffit
�6»
1
(» )
ni à la justice pour établir une décision, ni aux hommes
versés dans les lois pour exprim er une opinion positive ;
aussi n’ est-il pas étonnant que les jurisconsultes recômmandables, du nom et de l’autorité desquels les appelans
ont voulu fortifier leu r défense, se soient bornés à énoncer
des principes sans presque tenter les applications, et à dire
en résultat pour toute opinion :
-jj£ * u p Jt»'t •>
« D e tous les moyens ci-dessus développés, il semble
i.» e-^j
"T
« qiLon doit en conclure que la demande des héritiers
*7
'*• V f*
,
(< Bertrandy n’est pas fondée, et qu’çlle doit être rejetée. »
Sans doute une opinion fortement prononcée par des
avocats célèbres qui l’auroient établie sur l’examen attentif
de tous les faits d’une cause, pourroit faire impression à la
justice^ il ne seroit cependant pas défendu de la critiquer,
d’en m ontrer le ioible, même l’erreur; le jurisconsulte le
plus consommé peut y tom ber, et quelquefois la manière
de lui exposer une cause, le persuade, et le décide sur des
applications q ui, sans cela, eussent pu lui paroître au
moins douteuses.
M ais lorsqu’on isole un fait de beaucoup d’autres aux
quels il est essentiellement lié*, que sur ce fait unique on
établit une présomption sur laquelle seule on demande
un avis, et que le jurisconsulte, armé de circonspection,
répond par des principes q u ’il applique à peine et avec
hésitation, l’impression doit ôlre moins forte, moins
durable, et la réfutation moins difficile. L e moindre fait,
alors, peut porter atteinte à. une persuasion chancelante,
et aussitôt le prestige s’enfuit, et le nom du jurisconsulte,
qui faisoit la force d’ une partie, s’efface de lui-même.
T e lle est la position des parties dans une cause où on
�( 3)
attaque le titre des intimés par une présomption de paye
m ent, et où cependant l ’ensemble des laits démontre
qu’ils n’ont jamais été ni pu être payés de leur créance',
que bien loin de se rendre défavorables par un long-silence,
ils ont toujours a g i , et toujours éprouvé des difficultés
sans nombre*, qu’ainsi la présomption est fausse, et qu’in
dépendamment des réponses dont seroient susceptibles
en point de droit les moyens sur lesquels on l’appuie, ilà
se réduisent par le fait ù des recherches plus curieuseâ
qu’ utiles.
Il faut donc consulteï ces faits, les m ontrer dans leur
ensemble, et laisser à la justice le soin d’en déterm iner les
résultats : quelque désir qu’on ait de les résüm er, ils
exigeront du détail par la tournure q u’ont donnée à cettè
cause les difficultés sans nom bre et les incidens multipliés
des appelans: successivement proposés dans l’intervalle de
près d’un siècle, leurs premiers moyens sont maintenant
rejetés ou abandonnés; ils ont fait place à celui qui fait
l ’objet de la Consultation. Toujours plaidant et s’ibgériiant
pour ne pas payer, ils ont, pour la prem ière fois, en 1817,
invoqué une présomption de payem ent $ ils s’efforcent de
croire et veulent persuader q u e c’est à cela seul que se
réduit la cause. O n va démontrer qu’ils sbht et qu’ils in
duisent en erreur.
Jean Bertrandy, auteur des intim és, avoit plusieurs
creahceg contre un sieur Deldevès, m archand•, l?Une d’elles
étoit établie par un billet à ordre du 5 juin 1707, portant
obligation de payer une somme de 3,774 f r .} c’est la seule
�1»
'
■
( 4
}
dont il s’agisse aujourd’h u i; mais ce n’est pas un fait indif
férent que celui de l’existence de plusieurs autres qui en
étoient indépendantes, qui cependant existent encore en
partie, et n’ont jamais été acquittées. L e 21 juillet 1707,
Bertrandy obtint une sentence consulaire qui condamna
D eldevès au payem ent de 3,774 fr.
A son tour, Deldevès étoit créancier de Guillain Garcelon et M arguerite D u fayct, son épouse-, cette dette
rem ontoit en tout ou en partie jusqu’il M artin G arcelon,
père de G u illa in , et ce dernier étoit alors représenté par
Jean , Sim on, A n to in e, Pierre et Martin G arcelon, ses
cinq fils. L e 20 août 1707, Bertrandy fit entre leurs mains
une saisie-arrêt de tout ce qui pouvoit être dû à D eldevès;
cette saisie fut faite sur eu x , tant de leur chef, que comme
tenant et jouissant les biens de Guillain Garcelon et M ar
guerite D ufayet, leurs père et m ère, et M artin Garcelon,
leur aïeul.
Il paroît que déjà les cinq frères Garcelon avoient pris
des moyens pour parera toute action des créanciers: quatre
avoient répudié la succession des père et m ère; mais ils
l ’avoientfait accepter sous bénéfice d’inventaire par Jean,
prêtre et curé de St.-Projet : c’est une des deux questions
de la cause, que de savoir si cette répudiation étoit sincère.
L e s appelans ont mis beaucoup de soins à p r ou ve r qu’ils
n’étoient qu’héritiers bénéficiaires, et c’est pour cela qu’on
sera obligé de recueillir les faits relatifs à cette partie de la
cause : des actes émanés d’eux-mêmes et plusieurs déci
sions solennelles établiront que la répudiation et l’accep
tation sous bénéfice d’inventaire étoient frauduleuses.
D ’abord un acte du 12 juillet 1707 passé entre les cinq
�(5)
frères G arcelon, le témoigne ouvertem ent et sans détour,
parce que ceux qtû avoient répudié fictivem ent, voulant
conserver leur droit et avoir dans les mains une ressource
contre la mauvaise foi supposée de J ea n , leur frère, avoient
exigé de lui une déclaration écrite, qui devoit dem eurer
secrète.
Dans cet acte passé entre Jean G arcelo n , d’une part, et
Sim on, auteur des intim és, tant en son nom que pour
Pierre et M artin, d’autre, on trouve ces expressions:
« Savoir que m oi, Jean G arcelon, prêtre, quoique
« j’aie pris la qualité d’héritier bénéficiaire de M artin et
« Guillain G arcelon , mes père et aïeul, et que moi, Simon
« Garcelon, conjointement avecm es frères et sœurs, ayons
« déclaré répudier leurs successions*, le tout nci été fa it
« que pour arrêter les poursuites des créanciers de nos
« père et aïeul ; la vérité est que les uns ni les autres n’a« vons entendu nous préjudicier sur lesdites qualités, les« quelles déclarons entre nous comme si nous n’en avions
« pris aucune, et qu’après que les uns et les autres auront
« liquidé lesdites successions, et celle de feu notre m ère,
« nous viendrons à partage entre nous d’icelles, et chacun
« de nous prélèvera les sommes avancées, tant en prin« cipal, intérêts , que frais. »
11 ne faut pas de commentaires pour prouver que des
héritiers qui s’entendent si b ien , qui doivent administrer,
liquider une succession, y faire des avances, les prélever,
et partager le surplus, quoiqu’ils aient répudié, n’ont fait
envers les créanciers qu’une répudiation frauduleuse, et
que l’acceptation sous bénéfice d’inventaire, adoptée pour
protéger ce système, n’est ni plus sincère ni moins odieuse.
�,( 6 )
Rem arquons qu’en m ême temps les Garcelon jouissoient (aussi avoient-ils été assignés en confirmation de la
saisie comme tenant et jouissant les biens ) ; qu’étant par
venus à en conserver la possession par les difficultés qu’opposoit aux créanciers le bénéfice d’inventaire, ils les ont
partagés, vendus, et en jouissent encore par leurs acqué
reurs: ainsi le fait a bien concouru avec l’intention. A u
surplus, l’acte du 12 juillet 1707 a été enregistré, produit,
et a servi de fondement à plusieurs arrêts de la Cour qui
prononcent contradictoirem ent, contre les descendans
G arcelo n , la qualité d’héritiers purs et simples -, aussi est-ce
la conviction qu’ils ne parviendront pas à effacer cette
qualité indélébile, qui les a jetés dans le m oyen auquel ils
se réduisent aujourd’hui.
I l est à peu près inutile, si ce n’est pour l’exactitude du
fait, d’observer ici que la demande en confirmation de
saisie avoit été formée devant les juges-consuls de Clermont. O n a crié beaucoup contre cette irrégularité, et
peut-être déclarnera-t-on encore-, mais tout cela est cou
vert par le laps du tem ps, et par le dernier arrêt de la Cour
qui a rejeté l’appel et tous les moyens d’incompétence et
de nullité proposés contre cette procédure, et la sentence
qui la termina.
Q uoi qu’il en soit, la demande en confirmation de saisie
resta im poursuivie jusqu’au 29 d écembre 1734, époque k
laquelle elle fut reprise par François Bertrandy, fils et
héritier de Jean. Il est utile de considérer les qualités de
ceux qui furent alors assignés, puisque les appelans s’en
servent aujourd’hui comme d’ une présomption que la
.créance a été payée. On saisira facilement ces qualités res-
�pectivcm ent aux G arcelon, en les appliquant sur la g é
néalogie. L a demande fut formée contreToinctte D eldevès
et le sieurC heym ol, son m ari, représentant les D eldevès,
parties saisies*, Jean D evalens, curateur à l’hoirie vacante
de M artin, Simon et Pierre Garcelon j autre Pierre Garcelon , comme tuteur des enfans mineurs de M artin et
Sim on, héritiers de feu Antoine et Jean Garcelon , leurs
oncles, et, par leur moyen, de G uillain et M artin, et de
Marguerite D u fa y et; et enfin le sieur D om at, comme
tuteur de ses enfans d'avec A n n e Jam y,fille d’Antoinette
G arcelon, autre fille de G u illain , et ses héritiers. Ces in
dividus représentoient la totalité de la descendance de
M artin et Guillain G a rcelo n -, et tout en répudiant aux
successions de M artin , Simon et P ierre, qui avoient euxmêmes fait la répudiation frauduleuse de 1707, ils étoient
et ont toujours été héritiers de Jean , qui étoit lui-même
héritier prétendu bénéficiaire, et d’A n toin e qui n ’avoit
pris aucune qualité , et par le m oyen duquel ils avoient
espéré conserveries biens: tout cela est essentiel. L ’as
signation eut pour objet, savoir, contre les D eldevès et
C heym ol, de voir déclarer exécutoire contre eux la sen
tence de 1707, et contre les G arcelon d’être subrogés aux
droits et actions des D eld evès, et de faire leur déclaration
affirm ative, sinon être déclarés débiteurs purs et simples
des causes de la saisie.
I c i, il faut observer la marche de la procédure et la
conduite soutenue des Garcelon qui répudioient toujours
aux successions les uns des autres, sauf un ou deux qui ne
prenoient pas qualité, ou qui se disoient héritiers bénéfi
ciaires, et qui conservoient toujours la jouissance des biens.
�(8)
L es C heym ol opposèrent qu’ils n’étoient qu’héritiers
bénéficiaires de D eld evès; mais les Garcelon n’osèrent pas
faire juger cette question: assignés comme biens tenant,
et les ayant de fait partagés depuis l’acte de 1707 , ce rôle
étoit par trop difficile.
A u ssi, pendant que sur la déclaration des Cheym ol,une
sentence du 16 mars 1737 renvoya devant qui de droit
pour régler les qualités, parce que les juges-consuls se
reconnurent incompétens pour statuer sur ce poin t, dès
qu’il y avoit contestation } une auti'e du 19 novem bi’e tint
l’instance pour reprise avec les Garcelon, ès qualités qu'ils
sont p ris, parce qu’ils ne les contestoient pas} et, malgré
leu r silence, ne jugea pas le fond de la dem ande, et or
donna , au contraire, q u ils sei'oient réas signés pour faire
leur affirmation.
Cette nouvelle assignation fut donnée le
décembre
aux mêmes parties, et notamment à Pierre G arcelon,
comme tuteur des enfans desdits M artin et Simon G arce
lon, « iceux héritiers de f e u A n to in e, leur oncle, par leur
« m oyen ou celui de la dame Chevalier, leur mère, dona-
23
« taire dudit A n to in e , et par le m oyen d’icelui ou de leur
« chef,héritiers de feu Jean G arcelon , curé de St.-Projet,
« aussi leur oncle, et par le m oyen desdits Antoine et J ean,
« héritiers de Guillain, et M arguerite Dufnyet, et de M artin
« Garcelon. »
Rem arquons ici qu’une autre saisie-arrêt avoit été faite,
par le m ême acte de 1707 , entre les mains des nommés
Chazette et des héritiers R olland, qu’on supposoit débi
teurs de D eldevès; et c’est ici qu’il faut observer davan
tage la m arche de la procédure.
1
Les
�(9)
■
L es Gheym ol avoient rapporté et signifié une sentence
des juges ordinaires qui les déclaroit héritiers bénéficiaires
seulement ; une sentence du 22 août 174° déclara le titre
exécutoire contre eu x , en cette q ua lité, et condamna les
tiers saisis à vider leurs mains des sommes q u ils affirme
raient devoir.
Les Chazette firent immédiatement leur affirmation
qu’ils ne savoient pas devoir la moindre cliose aux D eldevès; mais les Gai’celon persévérèrent dans leur système
silencieux, et ne se présentèrent pas davantage-, une sen
tence du 20 décembre 1740 ordonna de nouveau qu’ils
seroient tenus de faire leur affirmation ; cette sentence fut
signifiée au domicile de chacun d’e u x , comme les précé
dentes; elle ne changea rien à leur résolution. M algré
ce la , et par surcroît de précaution, les juges-consuls, par
une sentence du 7 avril 1742, ordonnèrent une remise des
pièces, et un rapport par l’ancien des consuls; et ce ne fut
que le 12 janvier 174 3 , que fut prononcée la sentence
définitive q u i, attendu l’affirmation des C hazette, et leur
prétention de ne rien d evoir, délaisse les parties à se pour
voir comme elles aviseront; et donnant défaut contre les
G arcelon , en leur qualité d'héritiers, les déclara débiteurs
purs et simples, faute d’avoir fait leur affirmation ; la même
condamnation fut prononcée contre les Rolland. C ’est
cette sentence que le dernier arrêt de la C our a déclarée
avoir force de chose jugée, comme ayant été dûment signi
fiée le 21 mars 1743, et n’ayant pas été attaquée. O n voit
au moins que le juge n’atteignit que ceux sur la dette et
sur la qualité desquels il ne fut pas élevé de contestation,
et qu il ne prononça contre eux qu’avec les plus mûres
précautions et après une foule de délais.
�' Q ui donc avoit em pêché les Garcelon de se défendre,
s i , comme ils le prétendent aujourd’h u i, leurs auteurs ne
devoient rien aux D eldevès ; s’ils n ’étoient eux-mêmes
qu’héritiers bénéficiaires de leurs auteurs? Ils n’osèrent
pas alors agiter ces questions, et préférèrent se laisser con
dam ner, en se réservant pour l’avenir d’élever des incidens. Toujours est-il vrai que les D eldevès, parle bénéfice
d’inventaire, se mirent dès-loi's à même de se préser
ver du payement de la créance, et que dès ce moment
deux circonstances s’opposèrent à ce que Bertrandy mît
la sentence à exécution contre les Garcelon :
L ’u n e , q u e tous leurs biens avoient été saisis en
1735;
5
L ’autre, que François Bertrandy décéda en i^ i ,
pendant celte saisie, laissant deux enfans mineurs.
Rem arquons, en passant, que la saisie réelle de 1735
avoit été faite par un sieur B lancher, créancier de
M artin et Guillain Garcelon ; qu’elle comprenoit no
tamment deux domaines appelés de Tougouse et de
Blavat, trouvés dans leur succession, et jouis par leurs
enfans et petits-enfans, nonobstant les répudiations suc
cessives; et que ces faits sont constans dans la cause,
par le rapport des actes, et par l’aveu de toutes les
parties.
Les ressources et les détours de la chicane ont servi
par la suite aux Gai-celon, pour se débarrasser de la
saisie, des saisissans, et de tous ces obstinés créanciers
qui s’avisoient de les poursuivre, et auxquels aujourd’hui
ils reprochent leur sileoce et des lenteurs. On va voir
qu’ils sont parvenus à faire rayer la saisie, à reprendre
ou conserver la possession des Liens; qu’ils les ont par-
�77
( 11 )
tagés, vendus, et que leurs créanciers, morfs successive
m ent, ont néanmoins conservé des droits que la m ino
rité de leurs héritiers et les difficultés sans nombre des
débiteurs ne leur ont pas permis d’exercer.
François Bertrandy avoit laissé deux enians, P ierre,
né en 1782, et A u n e , qui étoit beaucoup plus jeune.
D evenue majeure, celle-ci épousa un sieur Salvage, et
l’un et l’autre ayant acquis la connoissance de leurs
droits, formèrent en 1 7 7 1 opposition à la saisie réelle,
pour être colloqués à l’ordre, en vertu de leurs titres,
pour le principal de leurs créances, les intérêts et les
frais. Cette opposition eut pour effet nécessaire de con
server les droits des opposans, sans autre démarche ni
précaution de leur part.
L e silence dès-lors n’eût pas été n égligence; car,
par la seule force d’une saisie, toute autre poursuite
étoit paralysée, et le saisissant poursuit et conserve pour
tous les créanciers opposans, qui n’ont plus rien à faire
qu’à attendre la vente et la distribution du prix : mais
ce silence fut souvent interrom pu; nous en donnerons
bientôt la preuve. Nous ne rappellerons cependant pas,
quant à présent, les actes qui la fournissent, pour ne
nous occuper en ce moment que des faits qui étoient con
nus lors du prem ier arrêt de la Cour.
Il est inutile d’étaler ici ceux qui purent se passer
depuis 1771 jusqu’en
U ne foule de sentences et
plusieurs arrêts furent rendus avec différens créanciers,
notamment saisissans : au reste, on présumera sans peine
que la lenteur de la procédure fut occasionnée par les
doyens dilatoires des parties saisies. Il suffit de dire que
�1»
( 12 )
Ies Blancher étoient décédés, et que la saisie étoit pour
suivie par des sieurs Bertrandy, de Saint-M artin-Valm e r o u x , leurs h éritiers, étrangers à ceux de Salers,
dont il s’agit aujourd’hui. L e 21 mars 1792, un sieur
D elp ra t, mari d’Antoinette G arcelon, uùe des héritières
des débiteurs, demanda personnellement la radiation
de la saisie, l’envoi en possession pign orative, comme
créancier des G arcelon , et une provision contre le com
missaire aux saisies réelles. Cette demande fut formée
contre tous les intéressés, notamment contre Pierre
B ertrandy, de Salers, et A n n e , femme Salvage, sa sœur,
comme créanciers opposans, par l’acte du 2 mai 1771.
A p rès deux sentences du bailli de Salers , la demande
fut portée devant le tribunal de district de la même
v ille , où il intervint, le 17 août 1793, un jugem ent
qui ordonna la radiation, et qui autorisa D elprat à jouir
des biens pour sa créance.
C e jugement fut fondé sur ce que les saisissans avoient
touché diverses sommes, et n’avoient pas désavoué l’asser
tion qu’ils étoient entièrem ent payés.
Par ce m oyen, Delprat s’empara exclusivement de la
jouissance ‘des biens ; mais les héritiers Garcelon ne le
virent pas sans jalousie, et le 19 juin 179$, ils citèrent en
conciliation sa f emme et lui. L a citation fut donnée par
M arie G arcelon, fille à Sim on, A nt o i n et t e B erc, veuve
T ab arier, M arie V idal et M artin H ébrard, son m ari, re
présentant M arguerite G arcelon, aussi fille à Simon (ce
sont les adversaires actuels des sieurs B e rtra n d y )5 elle
fut donnée à D elprat, et aux Dom at et Vidal,descendons
de G arcelo n , par A ntoin ette, femme Jam y, et fille de
�( ï3)
Guillain Garcelon, en sorte que toute la descendance étoit
en cause.
Q ue demandèrent les h éritiers, alors, comme depuis, si
avides des biens, et qui aujourd’hui contestent eux-mêmes
la qualité d’héritiers purs et simples, et se retranchent dans
un prétendu bénéfice d’inventaire qui n’exista jamais?
I ls renouvelèrent une tierce-opposition form ée au juge
ment de. 1793 •, ils demandèrent à être déclarés seuls ha
biles à succéder a u x différentes branches éteintes de la
fam ille Garcelon, quant a u x biens provenus de Vestoc de
Martin et G uillain Garcelon, et à être autorisés à se mettre
en possession des domaines de Tougouse et Blavat, comme
héritiers bénéficiaires, sous l’offre de payer toutes les dettes
légitim em ent aifeclées sur lesdits biens.
Un jugement du 9 fructidor an fit droit sur cette de*
m ande, et au lieu de déclarer les demandeurs, représentans
de Sim on, seuls héritiers de Guillain et M artin Garcelon,
'ordonna que la succession de Jean G arcelon, curé de
St.-Projet, composée de ses biens et de ceux de M artin
et G uillain , consistans, entre autres choses , dans les do
maines de Tougouse et 'Blavat, serait partagée entre les
descendons de Sim on, et ceux d’Antoinette Garcelon,îqüi
étoient défendeurs.
3
Ce jugement et celui de 1793 furent attaqués par la voie
de l’appel; le tribunal civil du Puy-de-D ôm e en fut saisi,
et prononça sur l’un et l’autre appels, par jugem ent du
2 frimaire an 6.
Ï1 confirma la disposition du jugem ent de 179 3, qui
avoit ordonné la radiation de la saisie, infirma celle qui
av°it a(ljugé la demande exclusive de Delprat, et confirma
�3
(i4)
le jugem ent de l’an ., en ce iju’il «voit ordonné le partage;
A la charge , est-il dît, par les représentons d’Antoinette
G arcelon, de rapporter au partage ce qui étoit dû par elle
sur te prix de certaine cession de j 70^; les expressions sui
vantes sont remarquables :
« Sans qu’aucune des parties soit tenue du rapport
d’aucunes jouissances qu’elles ou leurs auteurs pour« roient avoir perçues, ni d’aucunes provisions qu’elles
« pourroient avoir touchées , non plus que d’aucuns
« intérêts qu’elles pourroient d evoir; le tout demeurant
,« entre elles respectivem ent compensé. »
Cette condition qui ne pouvoit avoir été prononcée que
par le consentement des parties ( car la justice ne prononce
pas aveuglém ent des com pensations), qui prouvoit au
moins que toutes avoient jo u i, ainsi que leurs auteurs ,
étoit en harmonie avec la conduite qu’avoient tenue les
héritiers Garcelon depuis l’acte frauduleux de 1707; mais,
il faut en convenir, c’étoit une fort étrange manière de
préparer le compte que des héritiers bénéficiaires doivent
toujours aux créanciers, surtout dans des successions où il
n ’y a eu ni scellés ni inventaire, ni même déclaration qu’on
se portoit héritier bénéficiaire. A u reste, et c’est ce qui est
fort rem arquable, tout démontre que les héritiers G arce
lo n , qui ne se remirent qu’à cette époque eu possession
des biens dont ils avoient été dépossédés par les suites
de la saisie réelle et le jugem ent obtenu par D elp rat,
n ’avoient pas jusque-là payé la créance des intimés; ils
ne l’ont pas fait depuis, car aucune des parties plaidantes
n’a jamais prétendu en avoir personnellement payé une
obole.
�(i5)
L e jugement de l’an 6 com prenoit dans ses qualités les
créanciers saisissans et les opposans 5 il prononça défaut
contre eux : ceux-ci y form èrent opposition \ ils y furent
déclarés non recevables par un jugem ent du 26 brum aire
an 7 , où les intimés sont encore parties. Il est donc incon-1
cevable que les héritiers Garcelon aient osé se faire un
moyen de leur silence, lorsqu’au contraire ils ont toujours'
plaidé sans autre bénéfice que de payer ou d’avancer,
il faut le croire, une énorme quantité de frais.
Nous négligerons ici le détail de ce qui s’est passé
depuis entre les G arcelon, les Bertrandy, de St.-Martin-'
V alm erou x, et d’autres individus : vingt jugemens et
arrêts, au moins, ont été rendus entre les Garcelon et leurs
créanciers, ou sur les nombreuses contestations qui se
sont élevées entre les Garcelon eux-m êm es; mais nous
ne pouvons omettre de rappeler trois arrêts de la C our,
qui ont successivement et contradictoirement jugé la
qualité d’héritiers des Garcelon.
1
Les Bertrandy, de St.-M artin-Valm eroux, après avoir
vu rayer la saisie réelle, sur la présomption qu’ils étoient
payés, ne se tinrent pas pour battus-, ils demandèrent
contre les héritiers G a rc e lo n , les mêmes qui sont appelans dans la cause actuelle, que leurs titres fussent déclarés
exécutoires en leur qualité d’héritiers purs et simples, et
qu’ils fussent condamnés à venir à compte.
. Cette demande avoit été adjugée au tribunal de M aun a c ) et deux arrêts successifs, des \!\ fructidor an 10 et
^ messidor an 11, avoient confirmé ces condamnations;
Ina,s ^ persévérance des appelans exigea des décisions
Plus solennelles.
�lis étoient en instance en la Cour avec certains créan
ciers, sur l’appel d’une ancienne sentence qui avoit p ro
noncé des condamnations contre A n loin e Garcelon ; Pierre,
comme tuteur des enfans mineurs de Martin et Simon;
Benoît J a m y, comme tuteur de ses enfans d’avec A n to i
nette G arcelon; Catherine Jam y et sieur D om at, son mari,
en qualité d'héritiers purs et simples de Jean Garcelon ,
prêtre, icelui héritier de Guillain et Martin Garcelon. L a
cause fut jugée le 17 pluviôsean i : l’arrêt rappelle diverses
autres sentences rendues depuis ^ 33 , qui avoient de
même déclaré les appelans ou leurs autres héritiers purs
et simples-, il juge que cette qualité étant irrévocablem ent
im pi’im ée, et étant d’ailleurs accompagnée de la posses
sion des biens, elle ne peut plus être contestée; « attendu,
« dit-il, q u i l résulte, soit des pièces produites au p rocès,
« soit des qualités données aux. Garcelon dans les sen
ti tences et aiTcts antérieurs, que M artin, Simon et Pierre
« Garcelon n avoient répudié que fictivem ent à la suc« cession de Guillain et Martin G arcelon, leurs père et
« a ïe u l, et q u ils étaient restés cohéritiers avec J ea n ,
« leur frère. » C e m otif avoit des conséquences positives,
car il est déterminé par les mêmes décisions ; il est
d’ailleurs reconnu que les appelans sont h leur tour héri
tiers de Jean et A n toine G arcelon, qui avoient réuni sur
leur tête et leur ont transmis la totalité des biens de
M artin et Guillain G arcelon, leurs auteurs.
U n autre arrêt contradictoire, du 11 frimaire an 14 ,
3
juge encore de même ; car les adversaires ne se sont
jamais lassés d’élever cette question: il ajoute à ses motifs
la circonstance que les héritiers Garcelon avoient fait
le
�*7
(
)
le partage des biens; circonstance suffisante, sans doute,
quand elle ne seroit accompagnée d’aucune autre.
E n fin , le 18 novem bre 18 1 5un autre arrêt l’a décidé
dans les mêmes termes contre la dame H ébrard ; il est
utile de le connoître.
B ertran dy, de St.-M artin - V a lm e ro u x , avoit fait un
commandement tendant à expropriation ; mais' les cohé
ritiers G arcelon, redoutant une semblable poursuite,
avoient demandé et obtenu de la justice la permission
de vendre par licitation, attendu la m inorité de quelquesuns d’eux : il paroît que le sieur Bertrandy avoit sus
4
pendu l’expropriation par complaisance pour eu x ; et
la licitation se poursuivoit lorsque la dame H ébrard céda
ses droits à Jacques Serre, ferm ier du domaine de T o u
gouse, par acte authentique du 29 janvier 1811.
N e pouvant se dissimuler sa qualité d’héritière pure
et simple, et s’étant bornée jusqu’alors pour la form e y
ainsi que ses cohéritiers, à dés protestations multipliées
de bénéfice d’inventaire; ellè continue ce système sans
cesser d’agir comme une héritière pure et simple ; elle
se présente comme héritière bénéficiaire de Jean G ar
celon , cüré de St.-Projet, J ils et héritier de Cruillain ;
elle ajoute qu’elle n’a jamais entendu se dire ni se porter
héritière des sieurs Sim on, M artin et Pierre G arcelon ,
frères dudit Jean , curé de St.-Projet, dont les succes
sions furent répudiées ; déclarant n’avoir jamais eu en
son pouvoir aucun m obilier dépendant de la succession
dudit Jean G arcelon, et n avoir perçu sur les fruits q u u n e
somme de Sao fra n es, employée et au delà dans les
instances terminées par les susdits jugemens. ( Elle avoit'
3
�(
>8 )
donc perçu quelque chose sans inventaire, sans lettres ni
déclaration de bénéfice d’inventaire, en un m ot, sans
compte ni mesure. ) Imm édiatem ent elle cède, à forfait,
à Jacques Serre ses droits successifs, part et portion h éré
ditaires dans la succession de Jean G arcelon, m oyennant
2,000 francs payés com ptant, et à la charge de payer
sa portion des dettes de la succession. V o ilà , il faut en
con ven ir, une manière assez ingénieuse de n’être q u’hé
ritière bénéficiaire de Jean G arcelon , surtout en la rap
prochant de l’art. 780 du Gode civil: au reste, on ne peut
pas douter que Jeun G arcelon ne fût héritier pur et
simple de son père et de son aïeul, et comme tel tenu de
la créance.
U n procès considérable s’éleva alors entre Serre et les
autres héritiers : Serre prétendoit faire.partager les biens,
les Garcelon s’y opposoient, et le sieur Bertrandy, de
St.-M artin, intervint pour soutenir q u’il y avoit lieu à
poursuivre la licitation; qu’autrement il recom m enceroit
l’expropriation, qu’il n ’auroit pas suspendue, s’il n’avoit eu
l ’espoir d’une vente prochaine et moins coûteuse par la
licitation.
Serre contestoit l’interventioD ; il soutenoit que sa
cédante n’étant pas héritière des débiteurs Bertrandy,
et ne pouvant tout au plus être considérée que comme
héritière bénéficiaire, ne pouvoit pas être tenue person
nellem ent de la dette; que les biens lui provenoient de
Jean , qui n’étoit pas le débiteur de Blancher; et enfin, il
se réservoit son recours contre sa cédante, dans le cas
où elle seroit déclarée héritière pure et simple. L e tri
bunal de M auriac avoit rejeté la demande en partage,
�9
( * )
et ordonné la continuation de la vente : sur l ’appel eu
la C our, le jugem ent fut confirm é; un des motifs de
l’arrêt porte textuellem ent que les déclarations d'héri
tiers bénéficiaires que sc sont attribuées les cédans de
Serre, n ont pu changer leurs premières q u a lités,fixées par
plusieurs jugem ens et arrêts ; et qu’il ne lui reste qu’une
action en garantie contre sa cédante pour l’avoir trompé
par une qualité qu’elle n’avoit pas;
C e que nous venons de dire est épisode parmi les
faits relatifs à la créance des intimés ; mais cela étoit
nécessaire pour fixer la C our sur ce qui a trait à la
qualité d’héritier bénéficiaire*, car il faut bien se persua
d e r, quelque difficile que cela soit, que les appelans, qui
sont parvenus à ne rien p a y e r, et cependant à garder les
b ie n s, à les partager sans se rendre compte des fm its et
sommes perçues par chacun d ’ e u x , qui les ont vendus,
et en ont reçu le p r ix , veulent encore aujourd’hui faire
juger qu’ils ne sont qu’héritiers bénéficiaires, nonobstant
le fait contraire, bien a v é ré , l’acte frauduleux de 1707 ,
et cette foule de décisions contra'dictoirés *, aussi est-il
facile de se persuader qu’après cet expoàé de faits, les
intimés ne se jetteront pas, sur ce point, dans une dis
cussion de moyens q u i , certes, serôit plus qu’inütile.
Nous avons vu que les B ertrandÿ, de Salers, porteurs
du billet de i j o 5 , des sentences de 1706 et 1743, de l’op- '
position de 1 7 7 1 , avoient figuré dans les diverses ins
tances relatives aux biens Garcëlon jusqu’en l’an 7. A près
avoir si long-temps plaidé sans rien obtenir que des con1
amnations infructueuses, ils reprirent leurs poursuites
eQ 1812 contre les appelans, comme héritiers et biens
5 *
�( 20 )
tenant des débiteurs originaires; ils demandèrent que la
sentence de 1743 fût déclarée exécutoire contre e u x ,
com m e elle l’étoit contre les enfans de M artin et Guillain
G a rce lo n , et conclurent à ce qu’ils fussent tenus de payer
la créance, chacun personnellem ent, pour la portion qu’ils
am endent dans la succession de leurs auteurs, et hypothé
cairem ent pour le tout.
Il est quelquefois dans le monde des positions diffi
ciles. Quand on occupe un certain rang dans la société;
q u ’on a tenu une conduite q u i, aux y e u x de ceux qui en
ont été les tém oins, impose silence sur certains m oyensj
q u ’on a d’ailleurs des juges imbus de la v érité, et qu’on
n ’espère pas de trom per sur les fa its, il est plus simple
de ne pas se défendre, et d’aller dans un tribunal étran
g e r , loin de celte portion du public dont on redoute le
jugem ent, et à l’abri de la conviction de ses juges, avancer
des faits qui peuvent plutôt obtenir quelque crédit, et
réclam er avec audace une faveur que refusent la justice
et la vérité.
T e lle a été la conduite des dames H ébrard et Tabarier : condamnées par défaut à M au riac, elles ont dii'ccternent interjeté appel en la C o u r, sans prendre la voie
plus simple de l’opposition. L es intimés ont présenté leurs
titres» et notamment la sentence de 19/| , dans le m êm e
état où elle est aujourd’h u i, c’est-à-dire, sans rature ni sur
charge, mais avec quelques lignes écrites et effacées sur
le verso de la dernière feuille. Q u ’ont opposé les appelans
3
en la C o u r? convaincus qu’ils n’étoient pas libérés, ils
n ’ont pas dit un seul m ot des lignes raturées, et sc
sont réfugiés dans des arguties q u ’ils eussent certaine
�(21
)
ment dédaignées, s’ils eussent eu quelque chose à espérer
de ces ratures.
Ils ont opposé la prescription , soutenant que les
Bertrandy avoient gardé plus de trente ans le silen ce,
et que l’opposition de 1 7 7 1 , et toutes les procédures où
ils avoient figuré d ep u is, n’étoient pas des diligences
utiles.
Ils ont remis subsidiairement en question leur qualité
d’héritiers bénéficiaires.
C ’est sur ces deux questions que la cause a été portée
à une prem ière audience de la Cour.
• A
une seconde audience,
les appelons déclarèrent
interjeter appel de la sentence de 1743, soutenant qu’elle
n’a voit jamais été signifiée, et en dem andèrent la n u llité,
comme étant irrégulière et incom pétem m ent ren d u e;
m oyen déplorable qui se ressentoit de la misère de la
cause, et qui fut prom ptem ent repoussé par la produc
tion d’un extrait d’enregistrem ent de la signification faite
en 174 3 , et de l’original de la signification m êm e, qui
étoit en lam beaux, et qu’on refusoit de reconnoitre.
Quant à la prescrip tion , elle fut repoussée par le
fait m êm e des diligences des Bertrandy.
Enfin , les faits parloient assez haut sur la qualité
d’h éritie r, pour que la décision fût inévitable.
A lo rs , et comme si c’eût été un trait de lu m iè re ,
le défenseur excipa des ratures mises au dos de la sen
tence. V o y e z , d is o it-il, ces lignes effacées avec soin,
elles ne pouvoient que contenir la m ention de quelque
paiem ent; les appelans n’articulent p a s , à la v é rité , en
avoir fait un seul; mais cette foule d’individus condamnés
�( 22 )
par la sentence de 1743, et qu’on ne poursuit plus aujour
d’h u i, ne peuvent-ils pas avoir payé? Dans l’ignorance
du fait, dont nous n’avons ni preuves ni indices, 11e faut-il
pas le présum er? D evalens, R ollan d , C h eym o l, les G arcelon, que d’individus condamnés! Pourquoi donc aujour
d’hui poursuivre une seule famille ? pourquoi garder un
silence absolu contre les autres? n’est-ce pas parce qu’ils
ont acquitté la créance?
11 n’étoit pas difficile de repousser ce dernier effort
d’un plaideur désespéré; toutes ces présomptions p ré
tendues ne détruisoient pas le titre représenté dans son
état intégral: le billet de 170 5, la sentence de 1706, celle
de 1743 , tout cela est entre les mains du créancier; les
lignes raturées sur le dernier feuillet de la sentence de
1743 en sont indépendantes; elles n’occupent pas une
place sur laquelle on eût pensé à m ettre des endossem ens; enfin., cette sentence n’étoit qu’une confirmation)
du titre , et non le titre m êm e; et certes si les Deldevès;
eussent payé la d ette, comme on feint de le c r o ire ,
ils se fussent moins arrêtés à faire des endossemens sur
leu r sentence de 1743 que sur le titre original de la
créan ce, sans laquelle cette sentence ne pourrait rien
être.
C 'est sur tout cela que la C our eut à statuer le
'
juillet 18 16 ; le ministère public s’étoit prononcé pour
la confirmation du jugem ent : la C our pensa devoir
rech ercher un éclaircissement qu'on pou voit encore
23
espérer sur le dernier fait ; elle rejeta le m oyen de
prescription et l’appel de la sentence de 1743, et or
donna , avant faire d r o it, que trois experts vérifie-
�3
(a )
roient les lignes raturées, et transcriroient, dans leur
rapport, figurativem ent, autant que possible, soit l’en
tier contenu de ces lign es, soit les mots détachés q u’ils
pourroient seuls déchiffrer; et com m e la C our ne statuoit pas sur la créan ce, elle crut à plus forte raison,
qu’il convenoit de surseoir à prononcer sur la qualité
d’héritier.
C et arrêt a été suivi d’un rapport d’e x p e rts, qui
déclarent n’avoir rien pu lire des dix - n eu f lignes
écrites transversalement sur la dernière feuille de la
sentence, si ce n’est les deux dernières séparées des
autres par un trait de plum e et écrits d’une encre beau
coup plus n o ir e , portant ces mots : L e p r ix sera dis~
tribue' a u x p lus anciens créanciers.
L a cause fut reportée à l’audience au mois d’avril
dernier ; et com m e les appelans faisoient principale
m ent porter la présom ption de payem ent sur les D eld e v è s , débiteurs originaires, les intimés déclarèrent
n ’avoir connoissance d’aucun paiem ent fait par les D eld e v è s, si ce n’est par l’acquisition d’un bâtim ent saisi
et vendu sur eux et dont le sieur B ertran dy, leur p è re ,
s’étoit rendu adjudicataire, m oyennant 12 ou i , oo fr. ;
qu’ils n ’en avoient pas trouvé le titre , mais qu’ils en
3
avoient m ém oire; qu’au reste, ils ne refusoient pas d’al
louer cette somme ou toute au tre, si on leu r fournissoit des preuves ou m êm e des présom ptions suffisantes,
que leur père eût reçu d’autres som m es, et q u e lle s
fussent imputables sur la créance dont il s'agit.
L e ministère public avoit encore conclu à la con
firmation du jugem ent ; la cause n’ayant pas pu être
�ju g é e , d o it ê tre r e p o r té e u n e Iroisièm e fois à l’a u d ien ce.
Dans l’in te rva lle, et à force de rech erch es, les inti
més ont découvert des sentences qui peuvent devenir
précieuses ; elles prouvent les faits que nous avons
avancés, que les Bertrandy «voient d’autres créances
contre les D eld e v è s, et qu’en 1788 ils n’étoient payés
d’aucune.
Il
paroît que quelques-unes de ces créances remontoient à des temps très - recu lés, soit qu’elles eussent
été cédées par des tiers aux Bertrandy, soit qu'elles
provinssent de leur propre ch ef : il paroît que les
créanciers originaires de quelques-unes, lassés de tou
jours poursuivre sans jamais rien o b te n ir, les avoient
cédées à Jean Bertrandy : l’une d’elles rem ontoit à l’année
16 7 7 , les autres n’éloient guère moins anciennes-, elles
ronsistoient dans une somme de 2,ooofi\, une de 1,000 fr.,
5
un e de 600 fr., une de 4 7 fr> o cent., plus quelques
habits de deuil, le tout avec les intérêts et frais, depuis
jcertaines sentences de 1677, I 7°7»
années postérieures,
obtenues par les créanciers prim itifs, cédées à B ertran dy,
et confirmées en sa faveur par d’autres sentences, notam
m ent en 1749*
Il
paroît aussi que les créanciers originaires avoient
form é en 1716 une demande hypothécaire contre Jean
P u e cli, et autres détenteurs de certains biens, qui avoient
appartenu aux D eldevès : Bertrandy reprit cette de
m ande, et le
juillet 1750, obtint une sentence qui dé
3
clara les héritages confinés dans un exploit de 1 7 16 , et
* affectés et hypothéqués ,à une somme de 2,000 francs
« d’un côté, 1,000 fr ,d ’autre, 47 fi\
5ocent. d’autre, 600fr.
d’autre,
�( a5 )
« d’autre, la valeur d’uu habit de deuil, et aux intérêts et
« frais, ainsi que le tout est adjugé par la sentence du 18
« juillet 1749* contre Pierre C lieym ol, praticien, comme
« tuteur de ses enfans d’avec T oiuette D eldevès, icelle
« héritière d’A n toin e D eld evès, son p è re , e t, par son
« m oyen , de Jean D eldevès, son aïeul; » la sentence per
met à Bertrandy de jouir par form e d’h y p o th è q u e .. . . et
m ôm e, à son ch o ix , de saisir et vendre sur placard.
Il est ensuite ajouté :
« Sans préjudice au demandeur d'autres dus, droits et
« actions, tant en vertu de b illet, sentence de la bourse,
« qu’autres titres qui lui demeurent réservés. »
Il
y eut opposition à cette sentence, et un débouté fut '
prononcé le i décem bre 1765.
3
Preuve évid en te, d’une p a rt, que les D eldevès ne
payoient pas, et de l’autre, que Bertrandy ayant exercé
d’autres poursuites pour le billet de 1705, et étant pour
cela opposant à la saisie réelle des biens G arcelo n , se
bornoit à agir hypothécairem ent pour les autres créances,
sans y com prendre jamais celle de 1705, qui dem euroit
intacte et intégralem ent réservée par cela seul.
Bientôt après, C lieym ol étant décédé, sa succession fut
répudiée, et Bertrandy fut obligé de faire nom m er un
curateur; il obtint contre lui, en 17 6 7 , une n o u v e lle sen
tence.
Depuis cette époque, des saisies et autres poursuites
lurent continuées pendant plusieurs années, sans aucun
résultat connu des intimés.
M ais, en 1788, les Bertrandy demandèrent la permis
sion de saisir et ven d re, sur simple placard, une maison
4
�( 26)
qui appartenoit aux D e ld e v è s, et une cave qui en dé
pendent et qui avoit été vendue à un des Bertrandy, de
St.-M artin-Valm eroux : ils jugèrent convenable alors de
poursuivre la vente pour ses créances de toute n atu re,
soit celles portées par la sentence de 17^0, et autres anté
rieures, soit celle de 1705 dont il s’agit aujourd’h u i; ils
furent obligés de faire nom m er un nouveau curateur h la
succession vacante de D eldevès, et obtinrent le 22 février
178 8 , tant contre lui pour la maison, que contre B er
trandy, de St.-M artin, pour la cave, une sentence qui leur
perm ît de faire vendre sur simple placard, « p o u r, est-il
« d it, les deniers qui en proviendront, être délivrés a u x
« demandeurs à compte de leurs dites créances, à imputer,
« i°. sur les intérêts, fra is et dépens fa its et à fa ire. » Cette
condition de la sentence est fort rem arquable dans la
Cause.
3
La saisie suivit im m édiatement; et le a janvier 1789,
l ’adjudication fut prononcée au profit des B ertrandy,
d eSalers, poursuivans, moyennant la somme de i , o o f r .,
qu’ils durent retenir et im puter sur leurs créances, en
vertu de la sentence de 1788.
3
C e fait est très-p récieux dans la cause, surtout si on le
rapproche im m édiatement d’un autre relatif aux lignes
raturées sur la sentence de 1743.
L es experts ont déchiffré ces deux dernières lignes; ils
les avoient d’abord bien lues telles qu’elles sont écrites
bien lisiblement.
L e p rix sera distribué a u x plus ensienes créances :
ces mots leur ont paru sans doute une erreur de diction,
et ils ont raturé, sur le papier transparent dont ils se sont
�( 27 )
servis, les deux dernières lettres du m ot ensienes, et
il est resté les plus ensicn ; quant au mot créances, les
experts ont cru voir et en ont fait le m ot créancier au
singulier; mais avec de l’attention, on lit très-distinctem ent, au dessous et sur la sentence m êm e, les deux mots
ensienes créances. Cette rem arque trouvera bientôt son
application.
V o ilà les faits dans toute leur exactitude; il ne reste
qu’à en tirer des conséquences; elles appartiennent à la
justice, et les intimés se borneront à quelques réflexions:
ils exam ineront ce qu’il faudroit décider dans le droit,
abstraction faite des circonstances, et quelles preuves ou
présomptions peuven t résulter des faits.
Il
étoit inutile de s’épuiser pour prouver le principe
que le titre, produit par une partie, fait pleine foi de
tout ce qu'il contient m êm e contre elle ; ce principe gén é
ral est indubitable: aussi est-il vrai que si la sentence contenoit quelque condition, le créancier seroit obligé de la
souffrir, et ne pourroit même opposer aucune prescription
à son adversaire pour tout ce qui résulteroit des dispositions
corrélatives de ce titre invoqué par lu i; mais quelle appli
cation peut avoir cette m axim e du droit sur un titre dont
la disposition unique est une condamnation prononcée
en faveur de celui qui le produit?
L e titre cancellé, dit-on, cesse d’être un titre; et làdessus, citations à perte de v u e , pour apprendre ce que
ce st que canceller un titre, et quelle valeur doit avoir
un titre cancellé.
Il ne falloit pas non plus rechercher aussi loin la signi-
4*
�(a 8 )
iication du m ot ca n cellé; nos auteurs modernes nous
l ’expliquent brièvem ent : voyons M erlin.
« C anceller, c e s t Vaction de rendre un écrit nul en le
« barrant ( le titre ) ci traits de plume. »
O n en trouve autant dans F errières, dans D en izart,
et dans tous les D ictionnaires de droit et de jurispru
dence , raÊme, il faut le dire, dans tous les passages que
cite la Consultation.
E t remarquons bien que si le titre est cancellé, il y a
non pas preuve absolue, mais (et c’est ce qui est fortrem arquable) sim ple présomption de payement. C ’ est la doctrine
enseignée par tous Les auteurs, no ta mm en t par RousseauL a co m b e, qui dit que la cancellation de /'original fa it
présomption de payem ent, à moins que le créancier ne
prouve manifestement que la créance lui est encore due;
cette doctrine n’est pas dissimulée dans la Consultation,
3
aux pages 1?. et i , et ce sont les véritables principes.
Si donc le titre de créance des intimés étoit cancellé,
c’est-à-dire, barré en travers ou en croisant, il faudroit pré
sum er qu’ils ont été payés; mais cette présomption ne
leu r interdiroit pas de prouver le contraire, et certes
la masse des faits établiroit l’impossibilité que ce payem ent
ait jamais été fait.
M ais par où le titre est-il cancellé ? La sentence de
1^43 est rapportée intégralement sans rature ni surcharge;
elle est dans les mains du créancier; elle fait toujours
pleine et entière foi de son contenu : seulement q u e lq u e s
lignes mises sur le verso du dernier fe u ille t ont été ratu
rées, cancellées, si l’on veut. M ais la question de savoir
quelle conséquence 011 doit tirer de ligues ainsi raturées,
�(
29
)
est toute autre que celle qui naît de la cancellation du
t itr e , et surtout du titre original ; nous exam inerons
en peu de mots cette question, qui est celle de la cause;
mais nous devons rem arquer, dès à présent, que ce n’est
pas le cas d’appliquer brusquement les principes en matière
de titre ca n ce llé, à la simple cancellation de quelques
lignes qui ne sont pas le titre même.
Cela est d’autant plus vrai, que la cancellation de la sen
tence de 1743 elle-même ne sauroit être d’auc une c o n
séquence dans la cause; cette sentence, en effet, n ’est
pas le titre original des intimés; et les lignes, qui y sont
écrites et effacées, ne peuvent pas, dans le doute, établir
une présomption de payement.
Elle n’est pas le titre des intim és, cela est évident:
car isolée, elle ne peut leur servir à i-ien; elle ne pro
nonce pas contre les G arcelon une condamnation défi
n ie , et qui les frappe à elle seule; elle les déclare débiteurs
des causes de la s a is ie , faute d’affirmation; elle ne fait
donc que leur appliquer le billet de 1705 dont ils devien
nent débiteurs personnels. M ais, si les causes de la saisie
s’évanouissent, si le billet est acquitté, et que le débiteur
le retire, si le créancier le perd ou le rem et, sa sen
ten ce, purem ent applicative d’une créance préexistante,
reste vaine dans ses mains, et le laisse sans titre ; car
toutes les condamnations possibles, qui se réfèrent à un
titre, dem eurent sans vertu , lorsque le titre disparoît.
Convenons, en effet, que le débiteur seroit bien peu
réfléchi, si en faisant un payem ent, et 11’en recevant pas
de quittance, il se bornoit à faire ou à exiger un simple
endossement sur une sentence, et laissoit ce titre dans son
�état prim itif; la loi n’a ni p u , ni voulu admettre une sem
blable présom ption; lorsque le titre original est en pleine
vigu eu r, le créancier qui l ’a fait confirm er par une sen
te n ce, et qui la p e rd , a ie droit d’en retirer une nou
velle expédition; il p eu t, à la v é rité , perdre son droit
d’exécution immédiate par la disparition de la grosse, et
la suspicion qui peut s'ensuivre ; mais il ne perd pas le
droit d’actiori, ni m ême celui d’obtenir de la justice le
droit immédiat d’exécution , si on ne prouve pas contre
l u i , par les voies lég a les, que
le
titu e
o r ig in al
qu’il
conserve a été anéanti.
T e lle eût été la position du sieur B erlrandy, si, étant
de mauvaise foi, il eût mis sa prem ière expédition de côté,
et en eût demandé une seconde, disant qu’il avoit perdu
la prem ière. M u n i de son titre original de créance bien
intact, qu’auroit-on eu à lui dire ? auroit-on pu s’opposer,
avec fondem ent, à ce que la justice lui fît délivrer une
seconde grosse de la sentence? n on, sans doute; c a r ia
remise de la prem ière faisant à peine une présom ption
de p a ye m en t, le créancier qui l’a p e rd u e , sans l’avoir
rem ise, n’a plus contre lui la présomption de droit, puis
q u ’il a son titre, et que le débiteur n’en est pas nanti; c’est
donc en ce cas le débiteur qui doit prouver sa libération,
sans quoi il ne peut em pêcher la délivrance d’une seconde
grosse, ni refuser le payement.
E t voilà pourquoi la lo i, faisant une différence essen
tielle entre les différens cas, veut en l’art. 1 282, que la re
m ise du titre original sous seing prive fa sse preuve de la
ilibération, tandis que l’article suivant ne regarde la remise
delà grosse du titre que comme une simple présomption de
�( 3 l )
payem ent, et alors il ne la ut pas s’étonner que le législateur,
en disant dans l’art. i33^, que l’écriture, mise par le créan
cier à la suite, ou en m arge, ou au dos d’ un titre qui est
toujours resté en sa possession, fait foi contre lu i, quoique
non signée, ait eu le soin de le placer sous la rubrique des
actes sous seing privé ; il y a lo in , en effet, du titre ori
ginal sous seing privé à une sentence qui en ordonne
l’exécution', toute la créance est dans le titre, la sentence
n’est qu’un m oyen ; et il im porte peu qu’elle soit rendue
contre un tiei's qui n’étoit pas partie dans le titre \ il
n’en est pas moins vra i, que sans ce titre original, la sen
tence n’est rien , m ême contre le tiers; elle n’est donc
le titre dans aucun cas.
A in si donc, et dès que le titre original n’est pas can
cellò , il seroit indifférent que les sentences le fussent*,
et puisque la loi n’attache de présomption qu’à la can
cellation du titre o rig in a l, on ne peut pas étendre sa
présomption à ce qui n ’est pas rigoureusem ent ce titre }
les principes invoqués ne sont donc pas ceux qui ré
gissent la cause.
Exam inons maintenant en droit, quelle conséquence
peut avoir la cancellation des lignes mises au dos de
la sentence-, il ne nous faudra que peu de mots. T o u t ce
que nous venons de dire dans le cas où la sentence
elle-m êm e seroit can cellée, s’applique, et à bien plus
forte raison, aux lignes raturées sur le dos ; la loi ne
peut pas attacher à un fait semblable la présom ption de
droit, qu’une créance a n térieu re, et dont le titre est
rapporté, a été anéantie. Q u el est le débiteur qui eût
�' ....................................................................... (
3a
)
ainsi laissé le titre original à son créancier, dans toute
son in tégrité, s’il eût payé la dette? Q ui osera juger
aujourd’hui que cette dette n’existe plus? Q ui croira
pou voir légalem ent déclarer que le billet de i j o S a été
payé, acquitté, anéanti? la loi y autorise-t-elle les juges?
non. E t si les magistrats trouvoient dans cette cause
des m oyens de faveur par lesquels ils se laissassent en
tr a în e r , se,roient-ils assez forts de leur conscience, et assez
sûrs de ne s’être pas trompés , pour affirmer qu’il n’en ré
sulte pas une injustice ? ce seroit une position où ils ne doi
ven t jamais se placer. Lorsque Ja rigueur des lois entraîne
des conséquences luncstcs à un débiteur trop lent, et dont
un e condamnation tardive renverse la fortune, c’pst un
m alheur pour lu i; lorsque l’inattention, l’inobservation
de quelques formalités , de quelques délais , exige de la
justice une condamnation qui dépouille un propriétaire
de ses bien s, c’est un mal plus grand en co re; m ais,
le ju g e , en p ro n o n çan t, garde une conscience calme
et sûre d’elle-même., parce qu’il n’a été que l’organe
de la loi. S i, au contraire, entraîné par une impression
désavantageuse à une p artie, par quelques m ouvemens
du cœ ur ou de l’âme qui peuvent le trom per, il désarme
une rigoureuse justice, pour s’abandonner à ce qui lui paroî t équitable ; s’il dédaigne les présomptions delà loi pour
se livrer à celles de son esprit, il tombe dans l’arbitraire,
et court les risques, en violant la lo i, d’avoir été injuste.
M ais pourquoi cette digression, et par où donc les
héritiers G arcelon pourroient-ils se rendre favorables?
çl’où pourroit naître une présomption de payem ent?
et
�33
(
)
et quelle circonstance pourroit exiger que la justice voulut
bien prêter l’oreille aux lamentations des appelans? tout,
au contraire, ne s’élève-t-il pas contre eux ?
Quelles conséquences désastreuses, s’écrient-ils, n’auroit pas l’action dirigée contre nous! Nos pères ont été
condamnés personnellem ent pour une dette qui n’étoit
pas la le u r; une sentence par défaut a prononcé cette
décision injuste. N ous n’élions pas débiteurs des parties
saisies, et nous avons été considérés com m e tels. U n
siècle et plus s’est écoulé, et après avoir laissé accum uler
les accessoires de la créance de m anière à renverser notre
fo rtu n e, on rapporte la sentence qui nous condam ne,
dans un état qui démontre l’infidélité du créa n cier,
et qui explique son long silence. Parm i les individus
condam nés, la plupart sont abandonnés, parce qu’évi
dem ment ils ont p a yé, et que la m ention de ces payemens peut seule avoir été raturée 5 et c’est nous seuls
qu’on poursuit avec acharnem ent, pou r nous faire im
prim er une qualité d’héritiers purs et simples, aussi fausse
qu’elle seroit désastreuse. L a justice doit donc s’empresser
de saisir le m oyen qui se présente, pour nous tirer du
précipice affreux qu’ont creusé sous nos pas l’astuce et
la mauvaise loi.
C ’est ici qu’indépendam ment du droit, les faits seuls
vont répondre.
Si les intimés n’avoient d’autre titre que la sentence
743
1
, pour prouver la dette des G arcelon envers
D eld evès, ce ne seroit pas moins une preuve légale
et indestructible. L es Bertrandy ne peuvent elre tenus
de 1 apporter les titres de D eldevès contre les Garcelon \
�(34)
maïs puisqu’il faut tout établir ab initio, ils produiront
à la C our onze titres de créance de Jean D eldevès
contre G uillain G arcelon , tous consentis dans les trois
années 1672, 16 7 3 , 1674, et montant en principal à
plus de 2,400 fr. Pas un de ces titres n’est c a n ce llé ;
pas un n’a d’endossemens lisibles ni illisibles; pas un
n ’a été acquitté ; et sans doute on fera grâce de la
prescrip tion , puisque la sentence de 1743 n’est pas
prescrite. Cette sentence étoit donc juste, et les G ar
celon avoient donc leurs motifs, lorsqu’ils ne se défendoient pas.
L e silence prétendu des intimés s’écarte sans plus de
peine. T oujours poursuivre, et ne jamais rien recevoir*,
toujours répondre à des incidens, à des chicanes, à des
répudiations frauduleuses, à des gestions de bénéfice
d’inventaire, et ne jamais trouver des gens qui se défen
dissent ouvertem ent et avec franchise; voilà quel rôle
ils ont joué depuis 1707 jusqu’à présent.
Quant aux présomptions de payem en t, d’où peuventelles naître? e st-ce de la diligence des débiteurs? T o u t
p ro u ve, au contraire, et leu r mauvaise volonté, et leurs
efforts pour se soustraire au p ayem en t, et le succès dont
ils ont été couronnés jusqu’à ce jour. T ou s leurs créan
ciers ont les mains pleines de titres q u’ils représentent
dans leu r état prim itif, et aucun d’e u x , depuis plus d’un
siècle, n’a pu en arracher une o b o le; cependant ils ont
conservé les biens, nonobstant leurs répudiations et les
poursuites de leurs nom breux créanciers.
D ’autres auroient-ils p a yé ? mais laquelle des parties
condamnées par la sentence de 1743 pourroit justifier
cette présom ption?
�( 35 )
Seroit-ce D evalens, curateur à des successions vacantes?
M ais ces successions de gens qui eux-mêm es avoient
répudié à celle de leurs auteurs, ne pouvoient donner
prise que par des ventes judiciaires.
Il
étoit certainem ent impossible de rien obtenir autre
m ent du curateur, qui n ’étoit q u’ un homme de p a ille ,
et ne pou voit être condam né personnellem ent. O r , les
biens n’ont pas été vendus sur lui*, ils étoiënt sous la
saisie réelle de ^ ; ils n ’en sont sortis que pour rentrer
dans la main des intimés.
1 35
Seroit-ce Pierre G a rce lo n , tuteur des enfans de Sim on
et P ierre? Il étoit dans le m êm e cas.
Seroit - ce les C h e y m o l, héritiers des D eldevès ? Ils
opposoient un bénéfice d’in ven taire; ils l’avoient fait
adm ettre, et leurs successions ont été répudiées.
Seroit-ce R o llan d , autre tiers saisi? R ie n ne peut en
fournir l’idée : nulle part on ne trouve de traces de ce
qui s’est passé avec e u x ; cependant il est de tradition
que D e ld e v è s, époux d’une R o lla n d , étoit débiteur
de sa d o t, et que la fem m e, devenue v e u v e , avoit
exercé son action contre les héritiers de D eld evès, son
m a r i, qui devoit rem ettre la d o t, m êm e sans l’avoir
re ç u e , parce qu’il en étoit garant. Cette créance étoit
une de celles cédées à B ertran d y, et pou r lesquelles
il avoit obtenu sentence en 1749 : sans doute si les
R olland avoient payé quelque chose, c’eût été sur leur
propre créance. A u reste, ils existent, et on n’a osé
articuler aucun payem ent qui les concerne : d’ailleu rs,
et les intimés n’ ont jamais changé là-dessus de langage,
quon leur fournisse des p reu ves, ou seulem ent dcs!
�( 36 )
indices raisonnables, et ils ne refusent pas de déduire
tout ce qui pourroit avoir été payé.
M ais en core, à quelle époque pourroit-on rapporter
ce fait de payem ent ? C e n’est assurément pas à un
temps antérieur à 176 0 , puisqu’alors en obtenant
condamnation pour d’autres créances, les intimés se
réservoient positivem ent c e lle -là ; ce n’étoit non plus
ni en 1765 et 176 7, puisqu’ils obtenoient de nouvelles
condam nations; ce n ’étoit pas davantage en 178 8, puisqu’à cette époque une sentence peim ettoit de saisir en
vertu de ces mêmes titres, et qu’elle autorisoit les Bertrandy à touclxcr le p r ix , a . c o m p t e de leurs créances;
et certes ce n’est pas depuis 1788; car en ce cas on
articuleroit le fait com m e positif, puisqu’il seroit p er
sonnel à quelqu’un des appelans, et non com m e une
présom ption ou une vraisemblance.
A-t-on vu d’ailleurs beaucoup d’empressement à retirer
le billet de 1705, à l’anéantir? Disons-le en core, les inti
més ont les inains pleines de titres de toute espèce ; ils ont
dépensé des sommes énormes pour obtenir des condam
nations, et ils ont encore intégralem ent leurs titres et
leurs sentences.
E t cependant si ce titre est toujours en vigu eu r, il doit
être exécuté contre tous ceu x à qui il a été appliqué : les
ratures de certaines lignes, au dos de la sentence de 1740,
sont absolum ent indifférentes; elles n’ont pas besoin d’ex
plication; et si on condam noit les intimés, faute par
eu x d’exp liq uer le contenu de ces lignes, on établiroit
une présom ption arbitraire contre la présomption de la
loi.
�(37 )
M ais, veut-on expliquer tout? rien ne semble plus fa
cile*, et la C o u r, qui n’a voulu que chercher un éclaircis
sem ent, sans rien préjuger sur le point de droit, peut
encore se satisfaire.
L e sieur Bcrtrandy nvoit p u , après l’adjudication de
1789, m entionner sur cette sentence qu’il étoit com p
table de i, oo fr. ; y ajo u ter, pour sa propre sûreté, que
ce p rix seroit distribué auoc p lus anciennes créances ;
puisque la sentence d’adjudication le lui réservoit A
c o m p t e d e s e s C R É A N C E S . Il a pu ensuite, et en remai’quant
3
que les autres créances étoient les plus anciennes, qu’elles
3
n’étoient pas absorbées, et que par conséquent ces i , oofr.
ne pourroient s’im puter sur le .billet de 170$, effacer
ces lignes comme inutiles et devenues sans objet; c’est
la seule explication raisonnable qu’on puisse en donner
et qu’exigent ces derniers m ots, distribués a u x p lu s an
ciennes créances ; elle est toute sim ple, toute naturelle, et
suffit pour tranquilliser les consciences les plus alarmées.
Enfin , et quant à la q u a lité , les intimés n’ont qu’à
attendre en silence la décision de la C our : cette q u a lité,
jugée cent fois, et jugée pour la cause, par la sentence
de 174 3 , ne peut être éq u ivoq u e; Jean , curé de SaintP ro je t, n’é to it-il pas h éritie r? son acceptation sous
bénéfice d’inventaire n’é to it-e lle pas frauduleuse ? les
adversaires n’avouent-ils pas tous qu’ils sont héritiers de
Jean , que les domaines qu’ils ont vendus provenoient de
lui? n’ont-ils pas pris partout la qualité d’héritiers d’A n
toine, qui l’étoit aussi de G uillain et M artin ? où peut
donc être la question ?
E h ! qu est-ce donc que des bénéfices d’inventaire de
�( 38 )
ce g e n re , lorsque les héritiers présomptifs jouissent les
b ien s, en font part à .leurs cohéritiers qui répudient, les
afferm ent, et en disposent à leur g ré ; lorsque surtout, et
encore aujourd’h u i, ces prétendus héritiers bénéficiaires
en font des ventes et des baux à ferm e volontaires, sans
formalité de justice, et les partagent sans se rendre compta
de ce qu’ils ont réciproquem ent perçus. D es actes de ce
gen re son t, de d roit, présumés em porter acceptation
pu re et sim ple, sans autre p re u v e , surtout lorsqu’on dé
m ontre que c’étoit une conduite prém éditée pour parer
à l’action des créanciers, et ne rien perdre.
- M a is, et ce. q u i . achève de prouver la bonne foi et
les bonnes dispositions des G arcclon de nos jours, dignes
héritiers du système de répudiation de leurs auteurs,
ce sont les contre-lettres contenant des stipulations de
pot-de-vin et d’augmentation secrète du p rix des baux
volontaires, qu’ils ont fait constamment des biens de leurs
auteurs. C ’est pour éviter des fraudes de ce g e n r e , que la
lo i exige des formalités indispensables et rigoureuses, de
la part des héritiers bénéficiaires, et qu’elle attache la
qualité d’héritier et l’acceptation im plicite à tout acte
qui n ’en est pas accom pagné, parce qu’elle le présume
frauduleux. Q u e dire donc lorsque la preuve réelle se
trouve à côté de la présom ption, et lorsque des arrêts con
tradictoires ont apprécié l’une et l’autre, et.appliqué la
qualité d’héritier pu r et simple ?
N ous arrêterons-nous au m oyen de faveur tiré par les
G arcelo n , de ce que le sieur Bertrandy, un des intim és,
a acheté un de leurs dom aines? C et argum ent étoit
pitoyable ; les biens ont été mis en vente par les Gar-
�celon eux-m êm es; le sieur B ertrandy, qui avoit, com m e
créancier, intérêt à préven ir de nouvelles fraudes, y
a mis son enchère; un domaine lui est resté par suite
d’une déclaration de m ieux ; il croit l’avoir acheté son p rix :
qu’a-t-on à lui dire? qu’est-ce que cela a de com m un avec
sa créance? sa conduite a-t-elle quelque chose de répréhen
sible, de frauduleux? porte-t-elle quelque préjudice aux
appelans? D e deux choses l’un e: ou le domaine est à son
p r ix , et ils n’ont pas à se plain dre; ou il est adjugé à vil
p rix , et alors le créancier qui a enchéri est justifié; car,
s’il lui est resté, ce n’est pas par des actes secrets, mais par
nne enchère pu b liqu e; et s’il n’eût pas en chéri, il en fût
résulté que le domaine auroit été adjugé à plus bas p rix ,
et seroit resté, p e u t-être, presque pour rie n , entre les
mains des débiteurs eux-m êm es, au préjudice des créan
ciers: et on pourroit se plaindre de ce qu’un créancier a
enchéri! de ce qu’on lui a laissé adjuger la propriété!
N e seroit-ce pas le regret de n’avoir pu encore une fois
le rendre dupe, qui fait tenir ce langage aux appelans?
Q u ’ils cessent donc de se plaindre, de dire qu’ils sont
plongés dans la misère si leur cause est perdue. L e u r
silence p ro lo n gé, leur conduite ténébreuse, leui's fraudes
m ultipliées, leurs chicanes sans nom bre, voilà les causes
immédiates qui ont produit l’accroissement de la créance;
et si l’arrêt que redoutent les appelans m enaçoit leur for
tu n e, ce seroit parce que la justice, qu’ils espéroient éviter
seroit rendue trop tard : et depuis quand un débiteur qui
la fuit avec tant d’opiniâtreté, a-t-il le droit d’im puter à son
adversaire lés conséquences fâcheuses qui,en résultent à son
égard? Si les appelans eussent franchem ent comparu en
�743
(
40 )
et offert de vider leurs mains de tout c e qu’ils dev o ie n t à D eld evès; s’ils n’eussent pas agglom éré des jouis
I
sances qu’ils vouloient soustraire, leurs dettes n’auroient
pas tant grossi, les créanciers n’auroient pas tant souffert,
les frais ne seroient pas si énormes : mais il faut que celui
qui a fui la justice pendant si long-tem ps, en éprouve la
rigu eu r, lorsque son jour arrive et si les appelans en
étoient durem ent frappés, ils n e pourraient s’en prendre
qu’à eu x-m êm es,
E n deux m ots, et c’est à cela que se réduit la cause,
si on s’arrête au point de droit sur la question relative
au t itr e , il faut en ordonner l'e x é c u tio n , puisqu’il est
rapporté en origin al, sans altération, et que rien n’a
détruit ni ce titre, ni m êm e la sentence qui l’ap p liqu e;
o r , la lo i, le point de d roit, doivent être ici la seule
règle du juge.
Si on v e u t, pour se satisfa ire, desoendre jusqu’aux
circonstances, elles s’élèvent toutes contre les appelans.
E t enfin , quant à la qualité d’h éritiers, l’évidence du
fait, les condamnations cent fois prononcées, et m ieux
que tou t, la sentence de 174 3, qui condamne les G ar
celon en q ua lité d'héritiers, tout cela repousse de con
cert une prétention aussi déplorable q u ’elle est devenue
odieuse,
M e D E V I S S A C . avocat.
M e D E V È Z E , avoué licencié.
A R IO M , de l’imprimerie de T H I B A U D , Imprimeur du Roi,
de la Cour royale, et Libraire, — Novembre 1817,
�
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[Factum. Bertrandy, François-Marie. 1817]
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De Vissac
Devèze
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The topic of the resource
créances
successions
bénéfice d'inventaires
généalogie
longues procédures
ratures
vices de forme
saisie
experts
graphologues
cancellation
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An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur François-Marie et Pierre-François Bertrandy, Louise et Marie-Anne Bertrandy, habitant à Salers ; dame Louise-Françoise Salvage et sieur Delzangle, docteur en médecine, son mari, habitant la commune de Fontange, intimés ; contre dame Antoinette Berc, veuve Tabarier, Marie Vidal, veuve Hebrard, habitant à Salers, sieurs Jean-Pierre, Hippolyte et Pierre Vidal, propriétaires, habitant à Saint-Christophe, et autres, appelans ; pour servir de réponse à la Consultation imprimée, distribuée en la Cour au mois d'avril 1817.
arbre généalogique
note manuscrite : « Voir la consultation à laquelle on répond, ainsi que l'arrêt au 23éme volume, p. 475 et 492. »
Table Godemel : Ratures : s’il existe au dos d’un titre authentique, produit par une partie à l’appui de sa demande, un certain nombre de ratures ou biffures couvrant plusieurs lignes d’une écriture préexistantes, mais illisibles, doit-on nécessairement en conclure 1° que l’écriture effacée était contraire à celui qui possédait le titre, et que c’est lui qui l’a biffé ; 2° que les lignes raturées constituaient un paiement intégral ou des paiements partiels ? ou, au contraire, en l’absence de toute contestation, vérification ou reconnaissance d’endossement, par les experts nommés, ne vaut-il pas mieux accorder foi au titre, que de se livrer à des présomptions arbitraires et non autorisées par la loi ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1817
1707-1817
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2403
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Salers (15219)
Fontanges (15070)
Saint-Bonnet-de-Salers (15174)
Saint-Paul de Salers (15205)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53457/BCU_Factums_G2403.jpg
bénéfice d'inventaires
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Créances
experts
généalogie
graphologues
longues procédures
ratures
saisie
Successions
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53497/BCU_Factums_G2511.pdf
eb70863809433f79bc5a3ebc0dcedc7a
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Text
MEMOIRE
POUR
COUR ROYALE
_
C
laude
et
M
a t th ie u
.
DE RI OM .
M IJO L A S
frères, ap p e-
lans de jugem ent rendu par le tribunal civil
d’Issengeaux, le 20 avril 18 19 ;
(
CO N TR E
Dame M a r i e - F r a n ç o i s e - M é l a n i e d e
B A I L L E et sieur H y p p o l i t e d e L A G R E V O L , procureur du Roi à Issengeaux,
son mari, intimés
E t contre J e a n et J e a n - P
ierre
CHAM-
B O U V E T } et J e a n R O M E Y E R , en qua
lité de tuteur de ses enf ans mineurs d'avec
Jeanne
CH A M B O UVE T , aussi intimés.
U
N E question q u ’on
a vo it cru sim ple a ce p en d an t
présenté des difficultés assez sérieuses pour partager le
*
—
Chambre
2
�sentiment des magistrats auxquels elle étoit soumise.
La partie doit donc y apporter plus d’attention et le
défenseur ne doit plus s’abandonner à sa propre con
fiance en des moyens qui lui avoient parus décisifs.
Dès qu’un point de droit fait des doutes, il faut le dis
cuter sérieusement, partir des principes, en développer
l’application et en démontrer les conséquences.
Un acte qualifié donation à cause de m ort, où on
semble avoir évité à dessein le mot testam ent, réduit
à de simples leg s, revêtu , d’ailleurs, de toutes les for
malités nécessaires à un codicille, en pays de droit écrit,
est attaqué de nullité. On y lit ces mots placés indifférem
ment : A. titre d'institution. Ils y étoient sans objet; ils
y sont sans effet; et cependant ils servent de prétexte
à une demande en nullité, parce q u e , d it-o n , ils dé
montrent que le défunt vouloit faire un testament et
non un simple codicille, et que l’acte n’est pas fait en
présence d’un nombre de témoins suffisant pour valider
un testament.
N ous avons donc à examiner quel effet peuvent pro
duire contro un acte ces mots à titre d'institution , qui
n’eussent servi à rien pour le faire valoir. Nous le verrons
avec les principes du droit et la doctrine des auteurs saine-*
ment entendue. Nous verrons encore si on peut tirer
parti des subtilités du droit Romain ; si des termes qui
pouvoient y être en quelque sorte sacramentels, sont de
quelque conséquence depuis la loi du 17 nivôse, dans un
temps où les testamens, comme les codicilles, étoient
absolument indépondans de toute institution. «Héritier*
G’est toute la difficulté de cette cause,
�c 3 ;
F A IT S .
Antoine-M arin de Baille , célibataire, avoit pour hé
ritiers présomptifs des neveux qui sont les intimés. Les
M ijolas, appelons, étoient ses neveux à la mode de B re
tagn e, enfans de Catherine F a u , sa cousine germaine.
L ’un d’eux, Claude, avoit demeuré plusieurs années dans
la maison du sieur de Baille ; il en avoit reçu quelques
services; il lui avoit rendu avec beaucoup de reconnoissance tous ceux qui étoient en son pouvoir; il l’avoit
soigné dans plusieurs maladies avec beaucoup d’affection,
et lui avoit été fréquemment utile dans la gestion de
ses affaires.
Après la mort de Jean-Antoine de Baille, son frère,
Antoine-M arin n’avoit pas vécu en bonne intelligence
avec sa belle-sœur ; celle-ci n’avoit pas effacé, bien au
contraire, les sentimens d’affection qu’il avoit pour les
Mijolas; maître de sa fortune, pouvant disposer de
la moitié de ses biensr ayan t, d’ailleurs, par devers lui
d’autres motifs personnels de faire du bien aux M ijolas,
il fit, le 17 frimaire an 1 1 , un acte où. on lit la dispo
sition suivante:
« D e son gré et volonté, a donné et donne par do« nation à cause de m ort, à titre d’institution, en œuvres
« pies, savoir, auxpauvres de D ieu , la somme de cinq cents
« francs à eux payable et distribuable après son décès j
a p lu s, la somme de soixante francs en acquits de messes
» par les citoyens prôtres qui desservent l’église de
«: Notre*Dame du P u y ; plus, le quart de ses entiers biens
«. présens et à venir aux citoyens Ghambouvet de M o1 *
�C4 )
«
«
«
«
«
«
«
«
nistrol, à se partager entr’e u x , au nombre de trois
petits-neveux ou nièces; plus, autre quart aux citoyens Claude M ijolas, Matthieu Mijolas, son frère,
et Catherine F au , leur m ère, à se partager ensemble
par égales portions, du lieu de L o lie r, commune de
Saint-Hostien, et ledit M atthieu, du lieu de la T o u reille, commune de G lavenon, ce qui a été fait et récité, etc. »
Il est inutile de rapporter la form ule, puisqu’elle n’est
pas critiquée ; seulement observons que cet acte est reçu
par M e. Rocher qui étoit le notaire ordinaire du sieur
de B aille, et qu’on n’y trouve que cinq témoins au lieu
de six qui eussent été nécessaires pour un testament
solennel.
Comme on le vo it, le sieur de Baille disposoit seule
ment de la moitié de ses biens ; le surplus demeuroit
dans la succession, ab intestat, pour appartenir à ses
héritiers de droit. La loi qui leur en faisoit réserve et
qui ne permettoit d’instituer personne à leur préjudice,
les instituoit héritiers par cela seul ; nulle part le sieur
de Baille ne dit qu’il veut faire un testament plutôt qu’un
simple codicille; il déclare même ne vouloir faire qu’ une
donation à cause de ??iort, qui s’entendoit ordinairement
du codicille, et qui étoit valable en cette forme ; enfin,
il ne cherche pas à remplir les formalités des testamens,
parce qu’il ne fait que de simples legs.
' L e sieur de Baille survéquit assez long-temps à cet
acte. Le Code civil fut promulgué et lui rendit la fa
culté de disposer de la totalité de scs biens; il paroît
qu’il en proiita. Un acte dont les appelans ne peuvent
�(5)
pas user en ce moment, faute de l’avoir connu assez tôt,
et qu’ils n’ont pas môme encore en forme probante,
en seroit une preuve sans réplique. Revêtu de toute sa.
capacité, le sieur de Baille ne voulut plus disposer d’une
partie, mais de tout; il ne voulut plus faire un codicille,
mais un testament ; le Code réduisoit, d’ailleurs , à cette
forme unique tous les actes à cause de m o rt, et celuici fut fait seulement le 18 nivôse an 1 2 ; aussi le no
taire ne manqua-t-il pas de déclarer en commençant
que le sieur de Baille « l’a requis en vertu des précé« dentes lois, et notamment de celle du 13 floréal dernier,
« de recevoir son testament nuncupatif é c r it, et dis« position de dernière volonté.
« Il lègue 5oo francs aux pauvres, puis à cliacun de
« ses parens et prétendans droit la somme de ¿5 cen t.,
« et pour ses héritiers -particuliers et universels, en
« tous et chacun, ses biens meubles et immeubles. . .
« ..............Il nomme et institue de sa propre bouche y
« savoir, pour un tiers, Françoise-Mélanie de B aille, sa
« nièce ; pour un autre tiers , Claude M ijolas, son pa« rent, fils à Joseph; et pour un autre tiers les trois
« enfans Chambouvet, enfans de feue M arie-Anne A u « lanier, ses petits-neveux et nièces................... auxquels
« susnommés veut les susdits biens appartenir à raison
« d’un tiers comme dessus à chaque branche susnom« m êe, à la charge par eux de payer et satisfaire les
« susdits légats ’ » il casse et annule tous autres testamens ou donation ¿1 cause de mort qu’il pourroit
avoir faits ci-devant; ensuite, il déclare que si le présent
ne pouvoit valoir comme testament, il veut qu’il vaille
�(6)
par donation à cause de m ort; et enfin, par toute autre
meilleure forme que de droit il pourra valoir. L e no
taire Pouzol qui recevoit l’acte, le termine par cette
formule du droit écrit : P r ia n t les témoins ici présens
d'être mémoratifs de sa présente disposition.
. O n voit que par cet acte le sieur de Baille conserve
les mêmes affections ; qu’il dirige ses dispositions en
faveur des mômes personnes. ; que seulement il les
agrandit, parce qu’il peut disposer de tout ; qu’il reconnoît Mijolas pour so7i parent, et l’appelle à sa succession
au même rang que ses neveux et petits-neveux, quoi
que plus éloigné; que voulant faire un testament, il le
dit expressément ; qu’il en emploie toutes les formes ;
qu’il institue des héritiers universels, les charge de cer
tains legs et ajoute la clause codicillaire ; qu’enfin, le no*
taire s’assujétit à toutes les formules du droit rom ain, si
vaines et si inutiles sous le C o d e, mais q u i, autrefois,
étoient caractéristiques du testament et le distinguoient
du simple codicille; et il est fort remarquable que 1&
notaire établit lui-même une différence essentielle entre,
le testament et la simple donation à cause de m ort ;
en effet, on considérait habituellement cette dernière es
pèce de disposition comme différente du testament ,
comme un simple codicille, et les notaires ne manquoient
jamais à qualifier un testament du nom qui lui étoit
propre, et à l’entourer de toutes ces formules qu’ils
apprenoient avant tout et qu’ils regardoient comme sa
cramentelles;
Le 18 décembre 18 12 , les Mijolas ont réclamé le
quart de la succession, en. vertu du- premier acte ; comme
�(7 )
le legs fait en leur faveur étoit un legs de quote ; que
conséquemment ils ne pouvoient l’obtenir qu’en deman
dant un partage et en se soumettant, à toutes les charges,
comme les héritiers ; ils ont pris cette qualité d’héritiers
pour un quart, et ils ont demandé le partage en vertu
du testament du sieur de B aille, du 17 frimaire an 1 1 ,
ne mettant aucune importance à la qualification de l’acte,
dès qu’il n’y en avoit aucune dans les résultats, et dès
que la qualité de légataire ou d’héritier devenoit indif
férente, par cela seul que la succession étoit ouverte
sous le Code civil.
Les intimés demandèrent la nullité de ce testament.
E t cette nullité a été prononcée par les premiers juges,
par trois motifs.
* L ’un qu’on ne trouve pas dans la -prétendue donation
dont il s’agit, que M arin de S a ille ait prononcé ses
dernières volontés au testateur.
L e second, qu’en prenant cet acte dans les termes où
i l est co n çu , on ne peut douter que Vintention du sieur
de Baille a été de faire un testament-nuncuyatif, puis
qu’il donne à titre d'in stitution, à ceux qui sont ap
pelés à son hérédité, la part qui se trouve à sa dispo
sition; que cette intention a été partagée par les deman
deurs qui agissent dans la demande introductive d’ins
tance, en qualité d’héritiers ; qu’enfin, cette disposition
est contraire à l’article 5 de l’ordonnance de 17 3 5 , qui
veut que le testament soit dicté par le testateur, en pré
sence de sept témoins , y compris le notaire, tandis que
dans cet acte on n’en trouve que six.
1
L e troisième m otif porte, qu’en considérant Vacte
�(8'
comme codicille , il seroit encore nui pour ne pas
contenir l’expression non équivoque de la dictée, et n’étrc
pas revêtu de la clause codicillaire.
Sur l’appel de ce jugement est intervenu un arrêt
de partage,
*1
M O YEN S.
. A ne considérer que les motifs du jugement dont est
appel dans les termes où ils sont conçus, on s’étonnerait
d’en voir résulter une question sérieuse.
• Les premiers juges auraient pu d’abord nous faire
grâce du dernier,.qui est absolument inintelligible; en
considérant Vacte comme un co d icille, il seroit n u l,
dit - o n , pour ne pas contenir la clause codicillaire ;
comme si on ne sayoit pas que la clause codicillaire n’étoit
qu’une formule pour faire valoir comme un simple co
dicille l’acte qui n’étoit pas valable comme testament; et
qu’insérer cette clause dans un codicille, c’eût été une
évidente absurdité.
. . . .
. Quant aux autres, nous examinerons avant tout, la pré
tendue nullité tirée du défaut de mention de la dictée, pour
n’avoir à entremêler d’aucune autre la difficulté principale,
celle relative à la qualité de l’acte.
L ’article 5 de l’ordonnance de 17 3 5 , prescrit les for
malités nécessaires pour faire valoir un testament nuncupatif ; il porte que le testament sera prononcé par le
testateur, en présence de sept témoins, y compris le
notaire; que le notaire écrira les dispositions à mesure
qu’elles seront prononcées par le testateur ; après quoi
�C9 )
il sera fa it lecture du testament entier audit testateur,
DE l a q u e l l e LECTURE il sei'a f a i t mention par le
notaire, etc.
Rien de plus clair que cette disposition de l’ordon
nance; elle indique certaines formalités comme essen
tielles: le testateur dictera , le notaire écrira, le notaire
fera la lecture. Parmi ces trois formalités nécessaires,
l’ordonnance en distingue une qui lui paroît, sans doute,
plus essentielle encore que les autres, et croit devoir
l ’assujétir elle-même à une formalité pour constater son
observation ; elle oublie les deux premières q u il lui a
suffi de prescrire, mais elle veut que la troisième soit établie
d’une manière plus solennelle ; de laquelle lecture il
sera f a it mention.
Ici, deux mots suffisent pour détruire l’argument des
premiers juges.
D ’une p art, il étoit vrai alors, comme aujourd’hui
sous l’ordonnance comme sous les Codes, que les juges
ne peuvent prononcer de nullités ni exiger de formalités
que celles qui sont prescrites par la loi ; il suffit donc
que l’article ait gardé le silence sur la mention de la dic
tée, et q u e, ne la prescrivant p a s, il ne prononce pas
de nullité lorsqu’elle est om ise, pour que le juge ne
puisse ni la créer ni la prononcer de sa propre autorité.
E n second lieu, la séparation que fait l’ordonnance
entre les diverses formalités qu’elle e x ig e, suffit pour
démontrer qu’elle n’a pas voulu la mention de la dictée;
1 article en est exclusif, bien loin de la commander.
A ussi, seroit-on en peine de citer un seul arrêt qui
�C IO )
ait annule un testament ou un codicille pour cette cause,
un seul auteur qui ait adopté cette nullité comme point
de doctrine. E lle n’a paru quelque chose aux premiers
juges que par l’idée que peut en avoir donné le Code
civil qui , en effet , exige la mention de la dictée et
prononce la nullité de l’acte où elle est omise ; mais
le Code a créé cette nullité comme celle résultante du
défaut de mention que le notaire a écrit le testament,
et jusqu’à présent personne n’avoit pensé à attaquer un
testament antérieur au C o d e , pour ne pas contenir la
mention qu’il fût écrit de la main du notaire.
Cette pensée n’est donc que l’effet d’une distraction.
C e m oyen écarté, il nous reste à examiner la dispo
sition sous son point de vue principal. L ’acte est-il un
testament ou un codicille? pouvoit-il et devoit-il, sous les
lois nouvelles , être autre chose que ce qu’il est ? les
deux mots, à titre d’ in stitution , qu’on y lit au milieu
d’une phrase où ils ne sont même pas bien placés, gram
maticalement parlant , y eussent été de quelqu’eftet
si le sieur de Baille eût fait un acte valable en la forme,
comme testament? peuvent-ils le vicier si l’acte n’est
pas fait devant un nombre suffisant de témoins pour un
testament solennel? Voilà les questions auxquelles nous
sommes réduits, et qu’il suffit d’examiner pour la
décision de cette cause.
Pour discuter avec clarté, nous commencerons par
l’examen de la difficulté dans le sens où l'ont présen
tée les intimés, et telle qu’elle a été examinée par les
premiers juges, c’est-à-dire, en considérant l’acte comme
�C 11 )
s’il out été fait pendant que les anciennes lois étoient
intégralement en vigueur, lorsque des institutions étoient
non-seulement admises, mais encore essentielles dans un
testament; nous aurons à voir ensuite comment cette
partie de l’ancienne législation pourroit se concilier avec
nos lois nouvelles, et s’il est possible de supposer que
depuis les lois des 7 mars 17935 5 brumaire et 17 nivôse
an 2, une institution d’héritier défendue ou inutile, a pu
produire quelqu’effet dans un testament; mais, avant tout,
posons quelques principes ; ils nous seront nécessaires
pour bien distinguer sous quel rapport et par quelle
cause , en pays de droit écrit, l’institution d’héritier étoit
nécessaire.
L e droit naturel appelle les parens les plus proches
à succéder aux défunts. lie droit romain déféroit la suc
cession aux agnats; en pei’mettant d’y déroger, les légis
lateurs du monde entourèrent l’exercice de cette faculté
de certaines formalités tendantes à prouver authentique
ment que le testateur avoit agi avec liberté et circons
pection , et que sa v o lo n té, devenue certaine autant
qu’elle étoit absolue, avoit été ratifiée publiquem ent; et
comme dans les temps de la république romaine la loi étoit
1 expression de la volonté générale , on voulut que per
sonne ne pût disposer de ses biens qu’en faisant sanc
tionner ses dispositions par l’universalité des citoyens.
Voilà pourquoi le testateur prononçoit ses dispositions
devant le peuple assemblé, et le suffrage des citoyens
produisoit une loi qui étoit alors substituée à la loi
fondamentale.
Celle des douze tables changea cet ordre de choses
�( » )
et ne soumit plus le testament qu’à être l’effet de la
seule volonté du testateur. Sans nous arrêter ici à des
recherches plus curieuses qu’utiles sur les diverses espèces
de testamens successivement admises, et sur les nuances
diverses de la législation rom aine, il nous suffit d’indi
quer immédiatement de quelle manière y furent admis
les testamens nuncupatifs qui furent usités dans notre
droit jusqu’il la publication du Code.
Ce testament ne devoit pas d’abord être écrit, mais
le testateur devoit en prononcer les dispositions en pré
sence de sept témoins qui alloient en faire la déclara
tion chez le juge, après le décès du testateur; on sent
combien un semblable m o d e , si susceptible d’inconvéniens , devoit êti’e entouré de précautions , puisqu’il
s’agissoit de faire passer l’hérédité du défunt à d’autres
personnes qu'à celles appelées par la loi générale pour
laquelle on avoit un si grand respect. Aussi, on vouloit que les témoins ne se trouvassent pas là fortuite
m ent, et qu’ils fussent priés par le testateur d’entendre
ses dispositions et d’en porter témoignage. Peu à peu on
dut prendre l’habitude d'écrire ce testament; car si la
loi ne l’ordonnoit pas, elle le défendoit encore m oins,
et toutes les formules dont on usoit jusqu’alors furent
employées par le testament écrit; il falloit qu’il fût conçu
en termes im pératifs, parce qu ’on le considéroit comme
une loi particulière, T itius hœres es to; c’est ce qu’on
appela par la suite une institution en termes directs,
bien différente dans ses effets avec celle qui n etoit con
çue qu’en termes obliques, Titium hœredem esse volo.
Mais il laut bien se fixer sur cette vérité principale,
�M
( *3 )
que le testament ne fut admis que pour transmettre
Vhérédité; aussi, Vinstitution d’héritier y étoit essen
tielle; elle en étoit le'fondement. Il faut observer aussi
que l’institution devoit être universelle, et que le testa
ment ne pouvoit valoir que pour toute l’hérédité: en telle
sorte, qu’il attribuoit la totalité de la succession, quoique
le testateur n’eût donné qu’une partie ; car ne pouvant pas
mourir partira testa tus , partira intestatus, la seule cir
constance, qu’il avoit institué un héritier, quoique pour
une partie , suiKsoit pour attribuer la succession en
tière à cet héritier. Cette remarque est fort essentielle,
car nous aurons à voir si, en supposant l’acte de l’an 11
valable comme testament, les mots à titre d'institution
qui s’y trouvent, auroient eu la force d’attribuer toute la
succession aux Mijolas. Mais continuons l’examen de la
législation.
X<a loi appelant de droit les enfans à la succession de leur
auteur, ne vouloit pas qu’ils fussent privés de la succession
entière, et, hors le cas d’exhérédation , elle réservoit leur
légitime. E n ce cas, elle vouloit, à peine de nullité ,
que les testateurs les appelassent par le testament, et que
ce qui leur étoit réservé leur fût donné à titre d’institu
tion ; tant étoit grand le respect qu’on portait aux prin
cipes sur la transmission de l’hérédité.
Dans les premiers temps, on ne connoissoit pas lusage
des simples legs ; il falloit tester et instituer des héri
tiers ; celui qui vouloit imposer quelque charge à son
héritier le faisoit par de simples lettres ou par des
moyens semblables, toujours imparfaits, puisqu'ils n’étoient pas obligatoires.
ï
�( r4 )
Bientôt, on reconnut les inconvéniens qu’il y avoit
à exiger pour tous les cas possibles l’exécution de toutes
ces formalités ; on sentit combien cela étoit désavan
tageux pour ceux qui voudroient modifier leurs dis
positions par des legs ou des conditions, et aussi pour
ceux q u i, se trouvant en voyage ou dans des circons
tances particulières , ne pouvoient pas s’assujétir à toutes
les formes du testament solennel.
Alors s’introduisit l’usage des codicilles, pour lesquels
il ne falloit que cinq témoins ; où le style impératif
n’étoit plus nécessaire, et q u i, en un m ot, n’exigeoit
pas des formalités aussi minutieuses, ü n permit d’em
ployer cette forme beaucoup plus sim p le, pour ajou^ter à un testament ou pour le modifier ; on le permit
également pour ceux qui n’avoient pas encore testé ;
mais de même qu’un testament ne pouvoit valoir que
par une institution d’héritier, de même on voulut que
l’institution d’héritier ne pût valoir que par testament;
et il ne fut permis, par le codicille, ni d’instituer un
héritier , ni prononcer une exhérédation ; il ne valoit
que pour de simples legs qui étoient, en ce cas, transmis
au légataix’e par voie de fidéicommis dont on chargeoit
l’héritier institué.
Nous ne devons pas omettre de parler ici d’une troi
sième espèce d’acte qui fut admis dans le droit Rom ain;
nous voulons parler do la donation à cause de m o r t,
qui fut introduite pour donner à chacun la faculté de
disposer directement d’un objet particulier, sans em
ployer la voie du fidéicommis, ni se dépouiller de son
vivant. Dans le principe, elle avoit i\ peu près la même
�C
)
forme que la donation entre-vifs , puisqu’elle avoit pour
objet d’investir le donataire, pour le cas où le donateur
succomberoit à un événement p révu, et qu’elle exigeoit
l’acceptation du donataire ; mais étant faite in contem platione m ortis, elle pouvoit. être révoquée, et le do
nateur , échappé au danger qu’il avoit craint, pouvoit
reprendre ou réclamer l’objet de la donation qui demeuroit alors sans effet.
Dans la suite, elle devint d’un usage plus général ;
elle fut employée pour faire un don cogitatione mortis,
sans la prévoyance d’aucun danger ou d’aucun cas par
ticulier; aussi Justinien la compare-t-il aux dispositions
de dernière vo lo n té, et l’auteur du dernier traité des
donations nous dit, page 67 : « On pouvoit la comparer
« au codicille ,• dans l'un et Vautre c a s , il ne J a llo it
« pas d’institution d’h éritier, qui ne pouvoit être faite
« que par testament ; aussi , c o m m e pour le codicille,
a il n e fa lla it que cinq tém oins, nombre qui ne sufüsoit
a pas pour le testament. »
Ces principes sont incontestables ; on les puise dans
les sources les plus pures du droit : ils furent admis dans
la législation française, et furent généralement observés
dans tous les pays qui avoient adopté le droit écrit, jusqu'à
la publication des ordonnances de 1731 et 1735. Les
notaires étoient familiarisés avec les formules du droit
romain, ils les employoient avec ce rigorisme attaché ;\
1 habitude, et il étoit facile ¿\ leurs expressions, à la simple
pliisionomie de l’acte, au préambule seul, de distinguer
du premier coup d’œil si on avoit voulu faire un testa
ment ou un codicille ou une donation à cause de m ort;
�C 16 )
il n’y avoit jamais de louche qu’entre ces deux dernières
espèces d’actes, parce qu’ils «voient entr.eux des res
semblances telles, qu’il pouvoit être quelquefois diilicile de les distinguer l’un de l’autre.
Il
n’ en fut pas de même dans les pays coutumiers ;
chacun adopta des règles particulières ; quelques-uns,
comme l’A uvergn e , ne permirent par testament que
des dispositions particulières, et n’y autorisèrent pas
l’institution; aussi d isoit-on que dans ses coutumes, il
n’étoit pas permis de tester, et que les actes qualifiés
testament n’étoient, par le fait, que de véritables codi
cilles. Ces distinctions, toutes de principe , nous dé
montrent qu’on ne considéra comme testament que
ceux qui contenoient institution cohéritier et transmis
sion de l’hérédité, et comme simple codicille, tout acte
à cause de mort qui ne faisoit que des legs.
L ’ordonnance de 1731 apporta un changement à cet
état de choses ; elle supprima par son article 3 , la form e
des donations à cause de m o rt, ne les autorisant plus
qu’en contrat de mariage ; elle ne permit que deux
formes de disposer , celle des donations entre-vifs, et
celle des testamens ou codicilles. Dans les pays de droit
écrit on continua de faire par codicille des donations à
cause de m o rt, q u i, en effet, furent valables sous cette
forme.
L ’ordonnance de 1735 vint compléter la législation;
elle adopta, pour les pays de droit écrit, les principes du
droit rom ain, les testamens nuncupatifs écrits et le co
dicille ; elle en régla toutes les formes extérieures ; elle
exigea
�exigea pour le premier sept témoins y compris le notaire,
et pour le second cinq seulement; et quant à 'la forme
ou la nature des dispositions, elle se borna à ne point
déroger aux lois et usages préexistans; c’ést ce qu’on
voit dans l’article 5o , où elle dit que « dans les pays
« ou Pinstitution (f héritier est nécessaire pour la vali« dité du testam ent, ceux qui ont droit de légitime
« seront institués héritiei’S, au moins en ce que le testa
it teur leur donnera, etc. »
A près cette ordonnance, les notaires des pays de droit
écrit Continuèrent à employer les formules auxquelles
ils s’attachoient toujours minutieusement. Jam ais, dans
un testament, ils ne manquoient à dire qu’ils faisoient
un testament n u n cu p a tif‘ à insérer une institution, parce
q u e , disoient-ils , elle est le fondem ent de tout testament
valable ; à y donner cinq sous à titre cCinstitution à
tous les prétendant d ro it, pour eviter la prétérition ; ils
en avoient tellement l’habitude qu’on les voyoit souvent
insérer toutes ces clauses q u i, alo rs, n’étoient plus que
de vaines form ules, dans les dispositions d’individus qui
ne devoient de légitime à personne ; souvent ils ajou
taient là clause c’odicillâire , et quoique la forme des
donations à cause do mort fût abrogée, ils ne disoient
pas moins que si l’acte ne valoit pas comme testament,
le testateur vouloit qu’il valût comme codicille, comme
donation à cauie de m ort, ou sous toute autre fo rm e
sous laquelle U pourroit être valable. T o u t cela dé
montre combien les notaires mettaient do soin à entourer
le testament de toutes les formules usitées; et combien
3
�( i8 )
il filloit se garder de reconnoître l’intention de faire un
testament nuncupatif, à une expression isolée, détachée
de toutes ces formules, produite par la routine, et em
ployée à contx-e sens par un notaire peu instruit, dans un
acte où elle étoit inutile et déplacée.
Les lois nouvelles apportèrent d’autres modifications à
cet état de choses, sans rien changer à la forme exté
rieure des actes de dernière volonté. L ’ordonnance de
1735 continua de la régler dans les pays de droit écrit,
mais le fond des dispositions cessa de pouvoir être le
même , puisqu’une loi qui exigeoit' dans le testament
la transmission de ïh é ré d ité, et du titre d'héritier, fut
remplacée par une autre dont le principal objet fut de la
défendre.
La loi du 7 mars 1793 avoit interdit toutes disposi
tions en ligne directe. Celle du 17 nivôse an 2 alla ’
plus loin ; et sans parler ici de son effet rétroactif, il
nous suffit de remarquer que la nullité prononcée
de toutes dispositions gratuites, continua de subsister
pour le temps à venir , sous la seule inculte laissée
par l'article 16 de disposer du dixième de son bien
en ligne directe et du sixième en ligne collatérale ,
au profit d’autres que des héritiers ; nous devons dire
aussi qu’après avoir, par son article 6 1 , renversé tout le
système de la transmission des biens par succession uu
donation, en abrogeant toutes lois, coutumes ou statuts,
elle régla, par ses articles 62 et suivans, le partage des
successions à ven ir, y appela elle-même ceux qui dé
voient les receuillir dans chaque cas ; ensorte qu’elle
opéra une saisine directe et immédiate en faveur des hé-
�C l9 )
ri tiers du sang. Il falloït bien, en effet, que b saigne légale
succédât immédiatement à cella qui résultait auparavant
de Vinstitution d'héritier.
La loi du 4 germinal an 8 ne changea rien à ces prin
cipes; seulement elle apporta plus de latitude à la faculté
de disposer : « Toutes libéralités, dit-elle, qui seront faites
« soit par actes entre-vifs, soit par actçs de dernière vo « lonté, dans les formes légales, seront valables lors« qu'elles n'excéderont pas le quart des biens du dis—
« posant, s’il laisse à son décès moins de quatre enfans.
/
« La moitié, s’il laisse. . . . soit des frères ou sœurs, soit
« des enfans ou petits-enfans des frères ou des sœurs. »
E n se fixant sur ces lois, sous l’empire desquelles a
été faite la disposition dont il s’agit, on ne peut se dissi
muler que non-seulement la transmission de Vhérédité,
du titre universel d’héritier n’étoit plus nécessaire, mais
qu’il n’étoit plus autorisé par la loi ; la saisine des hé
ritiers naturels résultait de la réserve faite à leur profit;
et quoiqu’il ait été reconnu en jurisprudence que les
dispositions universelles pouvoient être valables , sauf
réduction, il n’en est pas moins vrai qu’elles n’étaient
ni essentielles ni nécessaires à la validité d’un acte quel
conque; elles ne pouvoient l’être dans le testament,
surtout lorsqu’il existait des héritiers à réserve, puisqu’alors il eut été permis de dire qu’elles n’étaient point
valables, ce qui résultait assez des expressions de la loi:
seront valables lorsqu’elles n’excéderont p a s,* et qu’au
moins il est certain qu’elles n’étoient pas valables pour
la quotité réservée dont l’héritier du sang était saisi
3 *
�( 2° )
par la lo i, comme celui qui, de droit, héritoit du défunt.
A vec ces explications, nous éviterons les subtilités, les
arguties, et nous saisirons bien mieux quel doit êlre le
sens, reflet des deux mots ¿1 titre t£institution, ajoutés,
dans l’acte dont il s’a g it, à une disposition de quote
qui x-econnoissoit et i*espectoit le droit des héritiers
naturels.
Examinons-le dans toute la rigueur des principes du
droit écrit, comme si la disposition eût été faite sous
l’empii’e des anciennes lois ; nous verrons ensuite ce que
devient cette difficulté coordonnée avec les lois nouvelles.
On a très-mal interprété l’opinion de Fux’gole sur la
manièx'e dont on doit reconnoitre un testament d’avec
un codicille ; on a donné de cet avis une explication aussi
fausse respectivement aux principes que contraix-e à co
qu’a dit et voulu dire Furgole lui-m êm e. Pour s’en
convaincre, il suffit de se fixer sur le chapitre 20 des
instituts de codicillis, la loi 13 ff de jure codicillorian,
la glose sur ces deux lo is, les docteurs du droit et
F u rgo le lui-même. l'.à, nous verrons que tout ce qu’a
dit Furgole tient à la qualité des mots qui établissoient
dans le droit romain des différences essentielles pour
l’interprétation des actes.
Dans le d ro it, l’institution ne pouvoitêtre valable que
par testament, et n’étoit pas bonne dans le codicille.
Mais comme alors, par des fictions ou par l’emploi
d’une simple form ule, on faisoit valoir par une voit; une
disposition qui n’auroit pas pû valoir sous une autre
mode, les législateurs romains distinguèrent deux cas;
d’abord, celui où l’institution scroitfaite en termes directs}
�( 21 )
et accompagnée de caractères qui lui seroient propres,
et qui ne pourroient être appropriés à une autre espèce
d’acte; par exemple, lorsque le testateur auroit institué
un héritier en ces termes: Titius heres esto, et l’auroit
chargé de legs ou d’une substitution vulgaire ; en ce
cas, il fut reconnu que l’institution étant directe avec
charge de fidéicommis envers des tiers, elle ne pouvoit
être valable que dans un testament, et qu’alors, faute
d’avoir les solennités exigées pour un .testam ent, l’acte
étoit nécessairement nul.
Mais le deuxième cas admis par les romains étoit
bien différent ; imbus de cette pensée digne des légis
lateurs du m onde, qu’un acte doit toujours être validé
dans la forme où il peut valoir lorsque les dispo
sitions qu’il renferme ne sont pas absolument incon
ciliables avec cette forme , ils déclarèrent que lorsqu'un
acte qui pouvoit valoir comme codicille, renfermeroit
seulement une institution en termes ordinaires, verbis
com m unibus, et q u elle ne seroit accompagnée ni dé
substitution ni de legs ù la charge de l’institué, l’ins
titution pourroit valoir comme fidéicommis, et qu’alors
l’acte vaudroit comme codicille, et nonobstant le mot
institution qui seroit considéré comme inutile.
Voila cette distinction solide et non subtile que faisoient avec raison les législateurs romains; elle nous est
absolument nécessaire pour rassurer le cœur et reposer
1 esprit; car, sans cela , il nous seroit difficile de compi t.ndre comment un acte, d’ailleurs Valable et régulier
sous une form e, peut être déclaré nul pour un seul
�C 22 )
mot qui ne change rien à ses caractères ni au fond des
dispositions, tandis qu’il est bien plus juste, bien plus
naturel, si ce mot peut être considéré comme inutile,
et si la disposition est valable pour la chose qu’elle con
tient, de maintenir l’acte sous la forme où il peut être
b o n , sans s’arrêter au sens étroit de l’expression, par
suite de cette maxime utile per inutile non vitiatur.
Voyons donc la loi et les docteurs.
D ’abord la loi 13 if. de jure codicillorum ; elle s’ex
plique sans équivoque..
L e législateur se demande ce que l’on doit penser de
celui q u i, n’ayant pas fait de testament, a écrit dans son
codicille, je veux que Titius soit mon h éritier 5 et,
nonobstant cette expression ti'ès - positive, il dit qu’il
faut rechercher s’il a néanmoins eu pour objet de faire
passer la succession à T itius par voie de fidéicommis,
qui est bonne dans un codicille, ou s’il a eu la volonté
formelle de faire un testament; car, en ce dernier cas,
l’héritier ne pourra rien demander.
« Tractciri solet de eo , qui cùm tabulas testarnenti
« nonfecisset ,co d icillis scrip sit, Titiuni hœredem esse
« volo ,• sed mulliun interest, utnnnjideicom inissariam
a hœreditalcm à legitimo per hanc scripturam quant
« codicillorum instar habere v o lu it, reliquerit- an vero
a testamentumfacere se existim averit ; n am , hoc casu,
« n il à legitimo p eti poterit. ( in hoc proxim o casu. )
dit Bnrthole pour qu’il n’y ait pas d’incertitude.
A in si, quoique le testateur ait institué un héritier eu
termes exprès, il faut encore rechercher si la disposition
�( *3 )
peut valoir comme fidéicommis dont on charge l’héritier
ab intestat ; car il faut bien observer que cette loi est
dans le cas où il n’existe pas de testament, mais seule
ment un acte isolé, dont on recherche le caractère
pour savoir s’il est un simple codicille ou un véritable
testament ; et on n’a pas perdu de vue que ce cas est
précisément le nôtre.
Après avoir posé cette règ le, le législateur indique
à quels signes on reconnoîtra que l’acte est un testament
ou un simple codicille. Vous le reconnoîtrez, d it-il, par
l’ensemble de l’acte : si Titius a été chargé de quelques
legs , si on lui . a donné par l’acte un substitué dans
le cas où il ne pourroit pas être héritier, il n’est pas
douteux qu’on a voulu faire un testament et non un
codicille.
« V oluntatis autern quœstio ex ( eo ) scripto plerum« que,declarabitur; nam si fo rte ¿1 Titio legata reh q u it,
« substitutum adscripsit, liœres s i non extitisset, sine
«• dubio non cod icillo s, sed testam entum facere voluisse
« intelligetur. »
Godefroi expliquant, d’après Barthole, ces termes
qui sont d’ailleurs assez clairs, nous dit qu’on doit re
chercher par l’ensemble de l’acte si le testateur a voulu
faire une institution directe ou n o n , car il met comme
le législateur lui-même beaucoup de prix à savoir si
1 institution est faite en termes directs ou en termes
ordinaires; et c’est, suivant lui comme suivant eu x , de
cela seul que dépend la décision. E x presumptione colhgitur utrum testator voluerit instituera directo vel
non.
�( 24 )
La loi nous dit assez, d’ailleurs, par ses propres e x ])ressions ce qu’elle entend par l’institution en termes
directs qui ne peut être faite que par testament, et
celles en termes ordinaires qui ne peut valoir dans le
codicille.
A van t de faire ressortir l’application que cette loi reçoit
à notre espèce, voyons le chapitre 20 aux instituts de
co d icillis, il est plus formel encore, s’il est possible.
Après avoir dit qu’on peut faire un codicille sans faire
de testament, l’empereur ajoute qu’on ne peut ni donner
ni ôter directement l’hérédité par un codicille, car l'h éiédité donnée par cette voie se transmet par voie d e jid e icommis et voilà pourquoi on ne peut pas par le codi
cille imposer des conditions à Vhéritier qu’ on institue, n i
lu i substituer un autre directement. Term es précieux
qui ne nous laissent pas même à conclure, mais qui
nous disent ouvertement que l’institution faite-par co-*dicille n’est pas valable directement, mais qu’elle vaut
obliquement comme lideicommis, et que seulement elle
est nulle entièrement, lorsque les conditions qui y sont
ajoutées lui donnent irrévocablement le caractère d’ins
titution directe , et ne permettent plus de le faire Valoir
obliquement et comme fidéicommis.
« C odicillis autem hccreditas iieqite dari, h é que
a adim i potest f lie confundatur ju s testamentorum et
« codicillotum : et ideb nec exhœredatio scribi. D irecto
« autem hcereditas codicillis iiequè d a ri, lieqüe àdim i
« potest: nam, perfidéicommiSsum, hccréditas codicillis
« jure relinquitur. N ec conditiùntm hcèredi instituto
« codicillis
�(
25
)
« codicillis adjicere, neque substituere directo ( quis )
k potest. »
Cela est-il clair ? Il n’y a pas de doute, ce semble.
A u reste, la glose répète la loi presque mot à mot et avee
des explications plus étendues ; elle ne laisse pas plus que
la loi la moindre obscurité sur le sens qu’on doit donner
à ces expressions d’ailleurs si claires, si form elles, si
impérieuses ; quoique l’institution ne vaille pas directe
ment dans le codicille, dit-elle,' elle vaut néanmoins par
droit de fidéicommis ; sed lie et in codicillis hœreditas
directo dari non possit, in illis tamen Jldeicom m issis
ju re relinqui potest.
Il
ne faut donc plus dire que lorsqu’on aura institué un
héritier dansun acte qualifié codicille, ou môme non quali
fié , il faudra y reconnoître un testament, et déclarer l’acte
et les dispositions nulles, si l’acte n’est pas revetu des for
malités du testament. Il faut d ire, au contraire, il faut
avouer que la disposition qui ne pourra pas valoir
comme institution dans un acte qui n’a reçu que la
forme du codicille, vaudra néanmoins par droit de iidéicommis, ù moins que le testateur n’ait ajouté h l’ins
titution des dispositions qui obligent à la prendre di
rectement et s’opposent à ce qu’on puisse la recevoir
par voie de fidéicommis; et cela est conforme à cette
maxime générale de tous les temps, que toutes les fois
qu un acte peut valoir tel qu’il est, sous une forme quel
conqu e, on doit plutôt le faire valoir que l'anéantir,
et que (com m e dit le Code civ il, art. n 5y ), on doit
plutôt lui donner le sens dans lequel il peut produire
•effet, que celui dans lequel il n’en produiront aucun,
4
�il6)
A v e c cette connoissance précise et exacte de la lo i,
on ne se méprendra pas sur l’avis de Furgole. Ne sé
parons pas ce qu’il a dit au chapitre 2 et au chapitre 12.
A u chapitre 2, il établit quatre règles; partout il pose
en principe que si l’acte porte institution d'héritier, il doit
être considéré comme testament ; mais il apporte à ce
principe des explications précieuses.
D ’abord, en disant, n°. 6, que dans le doute il f a u t
entendre et expliquer l'acte dans le sens capable de
le f a ir e valoir.
E n second lieu , en ajoutant que l’institution dont il
parle est celle qui ne peut être apposée qu’au testa
m ent, c’est-à-dire, cette institution directe et universelle
sans laquelle un testament ne peut pas valoir, et qui
elle-même ne peut pas valoir ailleurs: aussi ne séparet-il jamais ces expressions institution et exhérédation,
qui conviennent si bien au sens de la loi ; hœreditas neque
dari neque adim i potest, et qui signifient seulement en
ce cas une disposition qui nomme un héritier direct ou
qui le deshérite directement. A u ssi, après avoir dit sur
chaque cas comment l’acte pourroit être considéré comme
codicille, il ajoute : « Mais s’il y a voit des institutions,
« des substitutions directes, ou une exhérédation , il
« faudroit le considérer comme un testam ent, parce
« que tout cela ne peut exister au codicille. »
Furgole est donc fort clair; il ne s’arrête pas au mot
institution, mais à la chose m êm e, aux caractères do
l’institution, et si on en doute, qu’on le lise au nombre
10 , chap. 2 , section 7.
Il pose le cas où, par des tonnes qui paroissent presqtio
�( 27 )
directs, le testateur aura dit : J e veux que T itius soit
mon héritier (ce sont ceux de la loi m êm e); et il dit
que s’ il n’y a pas à’autre circonstance qu i puisse déterminer au contraire, il faudra regarder la disposition
comme un codicille, et la fa ir e valoir jure fid eicom m issi j il ajoute qu’en ce cas l’institution se trouvant
faite verbis com m unibus, peut être tournée dans le sens
d’un fidéicommis ; il cite ensuite les circonstances qui
peuvent déterminer au contraire, et indique l’institution
en termes directs, la nomination d’un substitué vulgaire,
la charge de legs qui ne peuvent subsister qu’au testa
ment ; il ne fait que traduire la loi : il y ajoute cependant,
car il suppose pour cela que l’acte est qualifié codicille,
ce que la loi ne dit pas ; mais ici nous verrons que l’acte
annonce suffisamment l’intention de faire un simple codi
cille ou donation à cause de m ort, et non un véritable
testament.
T o u t ce qu’a dit Furgole au chapitre 2 , est encore
plus clairement établi au chapitre 12 où il dit positive
m en t, n°. 35 , qu’en parlant d’institution, il n’a entendu
parler que de ces institutions universelles et des exhéré
dations qui ne peuvent pas convenir au codicille, et où
il f i n i t par dire au n°. 37, il est remarquable qu’ il fa u t
toujours, autaut que les circonstances le com portent,
déterminer la n atuie de l’acte dans le sens q u i peut le
faire valoir sans donner atteinte au x règles. O r , il
peut valoir sans porter atteinte aux règles, lorsque
1 institution n’étant faite qu’en termes ordinaires, p eu t,
suivant son expression, être tournée en fid éico m m is,
cest-à-dire, lorsquellc n’a pas les caractères d’institution
4 *
�( 28 )
•
universelle, avec substitution vulgaire, charge de legs, etc.
C ’est pnr suite decesprincipes certains, que M . Grenier,
tom. Ier. , page 6 1 , nous dit que si on employoit dans un
testament fait en payscoutum ier,lc mot d’institution d’hé
ritier , cette institution n étoit considérée que comme
un legs, ........... parce que ces testamens n’étoient que
de véritables codicilles.
A ppliquant ces principes à l’acte, nous voyon s, i°. que
le sieur de Baille a déclaré ne vouloir faire qu’une simple
donation à cause de m ort; 2°. qu’il n’a pas fait d’institution
directe ni universelle et n’a pas nommé d’héritier ; 30. qu’il
n’a pas employé les formalités nécessaires au testament;
trois circonstances qui démontrent une volonté contraire
à celle de faire un testament, et que Furgole a suffisam
ment déclarées etre suffisantes pour établir l’existence
d’un codicille et non d’un testament. E t certes, si l’ins
titution d’héritier, même universelle, étoit valable au co*
dicille lorsqu'elle étoit faite verbis com m im ibus, à plus
forte raison un simple legs de quote, qui réserve le droit
de l’héritier , et qui n’est lui-même qu’une charge im
posée à l’héritier, ne p eu t-il donner à un codicille le
caractère du testament.
E n vain diroit-on que les mots donation à cause de
mort sont insignifians ; le notaire Rocher n’est pas le
seul q u i, depuis l’ordonnance de 173 5 , ait confondu la
donation à cause de mort et le codicille; presque tous
le faisoient ainsi : on le voit dans la cause m êm e, puis
que le notaire P o u zo l, recevant en 1811 le testament
du sieur de B aille, ajouloit que s’il ne vnloit pas comme
les*ninent, il vaudroit comme codicille ou donation à
�( *9 )
cause de m o r t, et en i8 r2 , M . Grenier a d it, au
même endi-oit: « L e véritable caractère du testament,
« étoit l’institution d’héritier , q u i, de sa nature, étoit
k universelle , et par codicille comme par donation
« à cause de m ort, on entendoit tous actes de dernière
« volonté, par lesquels il n’y avoit pas d’héritiers do
« nommés, mais seulement des legs lim ités a u x objets
« dont on disposoit. »
A u reste, remarquons bien que la loi et lés auteurs,
en examinant si l'institution est directe ou oblique, ne
s’occuppent que du seul cas où il y a eu un héritier
nommé ; qu'ils ne reconnoissent de testament que là où
on a donné fus et nomen hœ redis, et q ue, dons aucun
cas, cette distinction ne peut être nécessaire dans une
disposition qui ne contient que de simples legs, et où
le testateur n’a transmis ni voulu transmettre l’hérédité.
V e u t-o n se faire une idée nette sur l’acte de l’an 11 ?
Q u’on se place dans la position o ù , tel qu’il est, et sans
le changement d’un seul m ot, il eût été fait en présence
de sept témoins, et où la succession se fût ouverte sous
l'empire des anciennes lois. E n suivant le système des in
timés , les légataires de moitié eussent pu demander la
totalité de la succession, par cela seul qu’ils avoient reçu
un legs de m oitié, à titre dyinstitution ; alors ils eussent
dit, à bien plus forte raison qu’on ne fait aujourd’hui : ces
deux mots dénotent un testament et non un simple codi
cille ; cela seul suffit pour que le testateur n’ait pas pu
mourir partlrn intestatus ,* le titre d’héritier nous est donc
dévolu, et nous attribue la succession entière. Qu’auroit-on
dit d’une semblable prétention ? auroit-on, pour la favo-
�C 30 )
riser , forcé violemment le sens d’une expression d’ail
leurs fort indifférente ? auroit-on cherché une institu
tion d’héritier là où il n’y avoit qu’un simple legs ?
enfin, auroit-on mis son esprit à la torture pour arra
cher aux héritiers naturels une moitié de la succession
coutre le vœu et l’intention du donateur ? ou b ien , dé
daignant une expression qui n’a pas de sens et qui ne
pouvoit pas avoir d’objet dans l’acte où elle se trouve,
auroit-on jugé de l’acte par son caractère ? de l’étendue
de la disposition par l’expression de la volonté? et au
roit-on restreint le légataire à l’objet de son legs ? N ’en
doutons pas ; de quelque hardiesse d’esprit qu’on pût
être doué, le magistrat toujours sage se fût gardé de prêter
l'oreille à une argutie , pour attribuer aux Mijolas toute
une succession qui ne leur étoit ni dévolue ni transmise.
Les expressions de l’acte, l’ensemble des dispositions, tout
l’eût convaincu que les volontés du testateur ne devoient
pas être étendues ; il eût décidé que l’acte devoit être ren
fermé dans son objet ; que rien n’obligeant à le considérer
comme testament, il ialloit y voir un simple codicille,
un legs de quotité qui pouvoit exister sans un testa
ment solennel ; aucun doute ne se fût élevé dans son
esprit pour repousser une prétention arbitraire, injuste ;
et en ordonnant la délivrance du legs, il eût déféré
aux héritiers du sang le titre d’héritier et le Bénéfice
de l’hérédité.
Mais si tout cela eût été inévitable, comme on ne
peut en douter, comment cet acte au ro it-il d’autres
caractères, les termes inutiles une plus grande force,
h disposition moins d’eilicacité, la volonté moins d’évi-
�(30
dence? pourquoi, enfin, verroit-on l’actc avec d’autres
yeux , parce qu’il s’agit de donner aux légataires ce
qui leur est légué, d’exécuter littéralement et dans leur
vrai sens les volontés du donateur, du testateur si l’on
veu t? pourquoi une expression inutile, ridicule, ne
craignons pas de le d ire, et qui n’auroit servi à rien
pour faire considérer l’acte comme testament quand il
devoit être valable, prendroit-elle un sens et feroit-elle
un testament d’un codicille lorsqu’il faudroit l’annuler?
Cependant la circonstance qu’il manque un témoin pour
en faire un testament est une preuve de plus que le
sieur de Baille n’a voulu faire qu’un simple codicille,
et d’ailleurs, lorsqu’un acte, nul sous une form e, peut
valoir sous un autre, on doit l’exécuter dans le sens où
il est valable ; c’est alors que le magistrat toujours digne
de la justice, voit un acte dans son ensemble, le con
sidère dans son objet, respecte l’intention de celui qui
l’a consenti, et que bien loin de détruire l’intention, la
volonté exprimée, par des termes inutiles et qui contrarient
le surplus de l’acte, il les regarde d’un œil de mépris et leur
applique noblement cette maxime du d r o it, tirée des
premiers principes: V itia n tu r et non vitiant.
" A in s i, et quand bien même nous aurions à. appli
quer le droit romain dans toute sa pureté, il n’y
auroit de doute ni sur la nature de l’acte, ni sur l’in
tention de son auteur, ni sur la nécessité d’exécuter sa
•volonté telle qu’elle est écrite.
Mais est-ce là la position où se trouvent les appelans?
s a g it-il bien ici de rechercher quel sens et quel effet
pouvoient avoir , sous le droit romain, des formules qui
�Sv
f so
tenoient aux principes d’alors ? N on, certes. L ’institution
d’héritier fût-elle positive dans l’acte de l’an i l , elle ne
pourroit ni le faire valoir ni l’annuler; à plus forte rai
son , un seul m ot, sans aucune signification réelle, ne peut
y être d’aucun effet.
Si l’ordonnance de 1735 a dû continuer d’être exé
cutée depuis les lois nouvelles pour les formalités exté
rieures des testamens, il ne faut pas confondre ces formes
avec l’institution qui tenoii moins à la forme qu'a la
substance de l’acte.
Lorsque le testament étoit considéré comme une loi ;
que cette loi devoit embrasser toute la succession, qu’en
fin la loi de l’état faisoit de l’institution (Vhéritier une
partie substantielle du testam ent, on conçoit qu’il pouvoit s’élever des difficultés sur la validité des actes, sui
vant qu’o n pou voit les considérer comme des testamens
ou des codicilles.
Mais lorsque la loi défendit les institutions, que la
faculté de disposer fut réduite à de simples le g s , con
çoit-on la possibilité de tirer le moindre a v a n ta g e , pour
ou contre , du m ot in stitu tio n , ou même d’une ins
titution réelle placée dans un acte de dernière volonté?
lies magistrats n’eurent plus alors qu’une chose à con
sidérer, savoir, si la* personne étoit prohibée, ou si la
disposition excéüoit les bornes. Sous la loi du 17 ni
vôse elle-m êm e, et avant celle du 4 germinal an 8 ,
un acte qualifié testament et entouré de toutes les for
malités du testament solennel, n’en eût pas été moins
valable s’il n’eut contenu qu’un simple legs du dixième
pu du sixièm e, .au profit d’un autre que l'héritier du
sang ;
�( 33 )
sang ; et l’institution d’un dixième ou du sixième eût été
très-b on n e par un simple codicille fait devant cinq
témoins, quoique les dispositions universelles fussent dé
fendues ; le mot ne fut plus rien dès que la nouvelle
loi eut abrogé toutes lois ou coutumes relatives a la
transmission des biens, qu’elle eut prononce la saisine
des héritiers du sang, et réduit à de simples legs la fa
culté de disposer.
Il
en fut de même sous la loi de germinal an 8 ; elle
conserve encore la saisine des héritiers, et dit que les
libéralités vaudront, lorsqu'elles riexcéderont pas la
quotité qui leur est réservée; certes, en réservant ainsi
aux successibles une quotité déterminée de la succession ,
elle leur donne aussi le titre d’héritiers; les dispositions
permises étoient en ce cas de simples legs des choses
dont on disposoit.
A la vérité, et on n’entend pas le dissimuler ici, la loi
jDermettant en certains cas d’épuiser la totalité des biens ,
il a été reconnu par la jurisprudence, que les dispo
sitions universelles furent valables depuis sa publication,
et qu’elles étoient seulement sujettes à réduction, jusqu’à
concurrence de la portion réservée; mais quest-ce que
cela peut avoir de commun avec l’institution d’héritier
qu’exigeoient les anciennes lois pour la validité du tes
tament? Si la loi du 4 germinal permettoit d’instituer,
elle n’y obligeoit pas; l’institution ne vicioit pas la dis
position , mais la disposition valoit sans l’institution ; ce
n etoit donc plus qu’un vain m ot, qu’une expression
inutile, qui ne pouvoit ni soutenir ni vicier le testament;
Ue n’y produisoit pas plus d’eifet qu’autrefois dans les
5
�> ( 3 4 ),
pays de coutum es, et il est vrai de dire q u e , par l’effet
de ces lo is, les testamens ne furent plus que de véri
tables codicilles.
E t si nous plaçons sous les lois nouvelles l’argument
que nous avons fait plus haut ; si nous supposons que
l’acte eût été fait en présence de sept témoins, et qu’il
eût contenu une institution directe de m oitié, et qu’il
n’y eût pas eu d’héritier à réserve, concevrons-nous
que les légataires eussent eu le ridicule de vouloir tirer
des mots à titre d'institution un droit à l’autre moitié,
et établir , pour y arriver , une différence entre les
effets du testament et du codicille ? on eût ri de pitié,
comme du soin cju’auroit pris un notaire de dire, après
les nouvelles lois, et même depuis le Code , qu’une insti
tution est le fondem ent de tout véritable testament, de
léguer cinq sous à tous prétendant d ro it, d'y ajouter
la clause codicillaire et autres choses semblables, et c’est,
en effet, ce qui est arrivé souvent par la force de lliabitude, et à quoi n’a pas manqué le notaire P ouzol,
dans le testament du sieur de B aille, fait seulement de
puis le Code ; acte dans lequel il se croyoit sans doute,
au temps où on faisoit les testamens par simples pax-oles,
puisqu’il prie les témoins d'en être mémoratifs j acte
cependant qui ne seroit pas moins valable, malgré ce
ridicule échaffaudage de formules inutiles; car-ce sont
ces formules et non pas l’acte qui demeurent nulles et
sans effet.
Il
en est de même dans notre espèce. Si le mot ins
titution ne peut pas donner une plus grande valeur à
l'acte testamentaire depuis l’abrogation des dispositions
�( 35 )
.
universelles, pourquoi su présence les vicicroit-elle ?
une semblable proposition, présentée d’une manière géné
rale , seroit-elle autre chose qu’une absurdité ? oseroit-on
la mettre au jour sous le Code ? « ü n a cru , dit en« core l’auteur du 2e. traité des donations, tome i er,
« page 397, devoir toujours permettre la disposition sous
« le nom d’institution d’héritier, par égard pour les an« ciennes habitudes ; mais il est indifférent qu’on qualifie
« celui à qui on fait des dispositions, d’héritier ou de léga« taire. É n matière de testament, les mots donner, insti« tuer h éritier, léguer, deviennent par eux-mêmes sans
« conséquence ; l’objet essentiel est que la disposition
« soit claire et précise ; tel est le résultat de l’art. 967, etc. »
O r , si cela est vrai sous le Code qui a fort étendu la
faculté de disposer, et qui avoit rendu au sieur de Baille
la sienne toute entière; la vérité n’étoit-elle pas plus
certaine encore sous l’empire des lois précédentes qui ne
donnoient qu’une faculté extrêmement lim itée, et ne
reconnoîssoient d’autres héritiers que ceux qu’elles mêmes prenoient soin d’appeler ?
N e recherchons donc pas si le sieur de Baille a voulu
faire autre chose que ce qu’il a fait ; voyons sa disposi»
tion telle qu’elle est, et demeurons convaincus que res
pectant la saisine des héritiers du sang, c’est avec inten
tion qu’il 11e s’est occupé ni d’eux ni de la moitié de ses
biens qui leur étoit réservée ; que sachant bien qu’il ne
pouvoit disposer que de moitié, c’est avec réflexion qu’il
s est borné t\ léguer un quart aux Chambouvet et un
quart aux Mijolas ; qu’il a voulu le faire par simple
donation ¿1 cause de mort ; que le notaire a banni de
�(3
«)
son acte les termes de testament et de testateur que
tous les notaires du droit écrit eussent plutôt répété dix
fois que de les oublier une seule quand ils faisoient un
testament; et disons enfin qup réduite ainsi à de simples
legs de quotité, lorsque la qualité d’héritier étoit attri
buée par la loi à des tiers, lorsque l’institution çouvoit
valoir sans testament et que le testament valoit sans
institution, la disposition a pu valoir sous la forme du
codicille, et qu’elle doit être maintenue puisqu’elle est
revêtue de cette forme.
Il
ne nous reste qu’à repousser une objection des
intimés et du jugement dont est appel : elle n’est pas
redoutable.
Les demandeurs, dit le jugem ent, ont eu x-m êm es
considéré l’acte comme un testam ent, puisqu'ils agissent en qualité cïhéritiers • et pour que l’argument soit
plus v if , les intimés ajoutent que les Mijolas l’ont
fait ainsi par une spéculation d’intérêt, car la qualité
d’hériticr les saisissoit de plein droit, tandis que celle
de légataire les eût assujéti. à demander la délivrance
et leur eût fait perdi*c les fruits de plusieurs années,
pendant lesquelles'ils avoient suspendu leur action. Cette
objection qui tend à favoriser le système gén éral, qu’il
y a une différence entre les effets de l’institution et celle de
simple leg s, n’a pas même le mérite de l’exactitude.
Les premiers juges, non plus que les intimés, n’ont
•pas fait attention que la succession étoit ouverte sous le
Code ; q u e , par conséquent, la qualité d’héritier ou de
légataire étoit absolument indifférente, comme le démon
trent les'articles 967 et 1002; que le testament étoit
�( 37 )
fait sous les lois du 17 nivôse an 2 et 4 germinal an 8 ;
qu’ainsi la disposition seule étoit à considérer, les termes
ou la qualification n’y étant d’aucune conséquence ; que
par suite de cela, il étoit fort indifférent qu’on eût donné
par le testament où qu’on eût pris par la demande la
qualité d’héritier. O11 n’a pas vu que par les résultats de
l’article 1011 , les M ijolas, légataires où héritiers, peu
importe , étoient obligés de demander la délivrance
aux héritiers du sang, puisque le legs n’étoit pas uni
versel, et qu’ainsi ils n’avoient pas le moindre intérêt
à prendre la qualité d'héritiers, puisqu’il n’en résultoit
pour eux aucun bénéfice.
D ’ailleurs, et quelqu’intérêt qu’on pût supposer aux
appélans à prendre une qualité plutôt qu’une au tre,
cela changeoit - il les caractères et la nature de l’acte ?
eussent-ils trouvé dans cette qualité le m oyen de le
rendi’e valable comme testament, s’il ne l’étoit pas;
d’obtenir toute la succession quand on ne leur léguoit
que moitié ? e t , par la même raison, peut-on y puiser
contr’eux un m oyen d’annuler l’acte , s’il est valable
sous une forme quelconque ? O n a droit de s’étonner
lorsqu’on voit détruire des actes avec de semblables
argumens.
.
Voilà cependant tout ce qu’on a pu imaginer pour
échapper aux dispositions du sieur de Baille. O n concevroit plus facilement cette résistance, si des héritiers
directs, investis de la succession de leur auteur, se trouvoient en lutte avec des étrangers, et défendoient contre
eux une portion de leur patrimoine ; mais le sieur de
Baille au momenl de son décès, 11e devoit rien A ses
�collatéraux, cependant il leur a réservé les trois quarts
ou au moins les deux tiers de sa succession ; c’est sans
doute par reconnoissance qu’on fait la guerre à ses vo
lontés, à la réalité desquelles, cependant, l’esprit et le
cœur sont obligés de croire; aussi, a-t-on essayé de ré
pandre mystérieusement quelques soupçons, et refusé
de reconnoître les Mijolas pour parens du sieur de Baille,
quoique leur parenté soit assez proche pour que les
intimés ne pussent pas l’ignorer. Les appelans ne s'oc
cuperont pas de Semblables moyens ; indépendamment
de ce que toutes les circonstances les repoussent, ils savent
combien peu ils doivent en redouter l’eifet devant des'
magistrats qui commandent le l'espect par leur sagesse
profonde autant que par la dignité dont ils sont l'evêtus.
• C ’est sans doute avoir beaucoup trop disserté sur une
question, qu’on persiste à trouver simple et dégagée de
difficultés; mais, encore une fois, on a dû compte de ses
moyens, dès qu’un arrêt de partage a démontré l’existence
du doute. Il faut, en de semblables cas plus encore qu’en
tout autre, se défier de ses propres lum ières, appuyer
les propositions sur les moyens de la loi, ne pas crain
dre de multiplier les preuves et les soumettre avec con
fiance à la sagesse des ministres de la justice ; c’est ce
qu’ont dû faire les appelans; ils ont rempli cette tache.
Plein de respect pour les magistrats auxquels la décision
de leurs intérêts est confiée, ils livrent tous les moyens de
la cause à leur méditation ; ils ne feront aucune imputation
ni publique ni secrète à leurs adversaires, mais ils ose
ront dire qu’ils ne méritent ni ne craignent aucun re
proche ; que sous leur vêtement com m un, ils portent
�A * '*
C 39 )
une âme honnête et une conscience droite ; ils sau
ront garder ce qu’ils doivent à la justice et aux con
venances, et attendre, avec autant de respect que de
confiance, la décision de la Cour.
M e. d e V I S S A C , avocat.
M e. B R E S C H A R D , avoué-licencié.
THIBAUD , Imprimeur du Roi, de la Cour royale et libraire, à Riom.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mijolas, Claude. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Breschard
Subject
The topic of the resource
testaments
successions
pays de droit écrit
codicille
donations
vices de forme
doctrine
droit intermédiaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Claude et Matthieu Mijolas frères, appelans de jugement rendu par le tribunal civil d'Issengeaux, le 20 avril 1819 ; contre dame Marie-Françoise-Mélanie de Baille et sieur Hyppolite de Lagrevol, procureur du Roi à Issengeaux, son mari, intimés ; et contre Jean et Jean-Pierre Chambouvet, et Jean Romeyer, en qualité de tuteur de ses enfans mineurs d'avec Jeanne Chambouvet, aussi intimés.
Table Godemel : testament : 20. sous l’empire des ordonnances de 1731 et de 1735, comme sous le code, toute disposition de dernière volonté, soit testament, soit donation à cause de mort, ou codicille, devait contenir, au moins en termes équipollents, la mention qu’elle avait été dictée par le disposant, et écrite par le notaire, à mesure de sa prononciation. cette formalité étant de l’essence de l’acte, son omission en entraînait la nullité, encore qu’elle ne fut point formellement prononcée par la loi.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
An 11-1820
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2511
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2512
BCU_Factums_G2513
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53497/BCU_Factums_G2511.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Yssingeaux (43268)
Saint-Hostien (43194)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
codicille
doctrine
donations
droit intermédiaire
pays de droit écrit
Successions
testaments
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53498/BCU_Factums_G2512.pdf
c8a7e80ddd543ee154d9908c01d523f0
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Text
CONSULTATIONS.
L
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris lecture,
1 ° Du mémoire à consulter ci-joint;
2° De la consultation délibérée par l ’ un des consultans, le 16 mars 1 8 1 9 ;
E n adoptant entièrement ‘ les principes contenus
dans la consultation, et l ’avis qui en est la conséquence
nécessaire, se contentera, par suite, de répondre à
e
l ’objection contenue dans le mémoire.
Les adversaires, forcés de se rendre aux principes
contenus dans la consultation , ont prétendu que ,
v rais d’après la législation existant au moment de la
révolution, ils avaient éprouvé des changemens consi
dérables par l'effet des lois des 17 nivôse an 2 , et
4 germinal an 8 , q u i, suivant eux, ont défendu la
transmission de l ’ hérédité et du titre d ’héritier; d’où
il suivrait qu e, depuis la promulgation de ces lois,
non-seulement l ’institution d ’ héritier ne fut plus né
cessaire pour la validité du testament, mais encore
q u 'elle n’y eut plus aucun effet, puisque ces lois dé
truisaient la saisine que la loi romaine attribuait à
l ' héritier institué , et décidèrent que cette saisine
appartiendrait, dans tous les cas, aux héritiers,du
sang; donc, ajoutent-ils, depuis cette époque, il n’y
eut plus de différence entre les pays de droit écrit et
les pays coutumiers; et, dans les uns comme dans les
autres, les testamens ne furent plus que de véritables
codicilles; donc l 'institution d’ héritier, eut-elle été
�■
(
2
)
formellement exprimée dans l ’acte de dernière volonté
du sieur Baille, n’y aurait produit aucun çfïet, et eût
été, dès-lors, insuffisante pour assurer à cet acte le
caractère de testament à plus forte raison ne doit-on
y avoir aucun égard, lorsqu’on ne veut s’ en servir que
comme d’un codicille,
A cette objection, qui n’est q u e . spécieuse, on peut
répondre que dès qu’il est avoué, et ce point est
d ’ailleurs incontestable, que les lois intermédiaires
n ’ont rien changé à la forme extérieure des actes de
dernière volonté, ces actes., jusqu’à la promulgation
du G ode, n’ont pu valoir que s u i v a n t la forme pres
crite , pour chacun d’eux , par les anciennes ordon
nances, et que par conséquent toutes les fois qu’ un
testateur a annoncé l ’intention de faire un testatement,
il a dù suivre les formes prescrites pour les testamene
comme il a dù suffire que les règles des codicilles
eussent été suivies , s’il avait annoncé l ’intention de
fa ir e s i m p l e m e n t un codicille. Dans l'espèce, la ques-;
tion est donc uniquement une question d ’inlcntion ;
e t , dès-lors, reviennent tous les argumens qui se
trouvent dans la consultation énoncée plus haut , et
notamment celui qui est tiré de ces mots : A titre
d'institution. C a r , comme il était de principe, en
droit romain, que l ’institution directe d ’héritier ne
pouvait avoir lieu par codicille, on conclut avec raison
que, par cela seul que le testateur s’est servi du mot
institution, il a entendu luire un testament, et non
un simple codicille,
13 uii autre côté, lu ita turc même de ces dispositions}
�(
3
■ '■ Â V
)
ainsi qu’ il a etc dit clans la même consultation, prouve
évidemment que le testateur a entendu faire une véri
table institution d’ héritier, puisqu’il a donné a titre
universel tout ce dont la loi lui permettait de disposer
à cette époque. Peu importe que cette institution n’ait
pu comprendre la totalité des biens , puisqu’il est
certain que dans l ’ancien droit l ’institution n’était pas
moins regardée comme telle, lors même qu’elle avait
lieu en faveur d ’autres personnes que les enfans du
testateur, quoique, dans ce cas, l ’institution ne put
certainement comprendre la totalité de la succession ,
dont une partie était réservée aux enfans, à titre de
légitime.
i
Quant à la loi i 3 , Dig- D e ju i'e coclicill. , opjiosée
par les advex-saires , elle rentre absolument dans le
système qui vient d’être présenté, puisqu’elle décide
formellement que la question dont il s’a g it est une
pure question d!inteution, et que cette intention doit
se juger par les termes du testament. On y voit préci
sément que, si le testateur exprime la volonté que les
legs fussent acquittés par l ’institué, s’il en a fait une
. charge de l ’institution, il y a testament et non pas
codicille. Or, c’est précisément ce qui a lieu dans l ’acte
qui fuit l’objet de la contestation actuelle, puisque,
ta portion indisponible ne pouvant jamais être en
tamée, il cn résultait, pour conséquence nécessaire,
que les legs particuliers étaient une charge de l ’insti
tution.
Délibéré à Paris, ce 3 o avril 1 82 1 .
D E L V IN C O U R T .
�(4 )
L E CO N SEIL SO U SSIG N É, qui a pris lecture de
la consultation ci-dessus et de celle qui a précédé, par
tage entièrement l’avis de son confrère et collègue, et
par les mêmes motifs.
Il
croit devoir ajouter seulement qu ’indépendam
ment de ce que la volonté de faire une institution ,
caractère essentiel des testamens, est exprimée littérament, et de ce que l’intention résulte de ce que les
legs particuliers doivent être acquittés par l ’institué,
comme charge de son institution, l ’argument tiré des
lois des 17 nivôse an 2 et 4 g e r m i n a l an 8 , par les
quelles on prétend que la différence entre les testamens
et les codicilles aurait été abolie, est contraire à la
législation positive, suivant la doctrine de M. Merlin,
R éperto ire, v° Codicille, § 3 , doctrine avouée par
tous les auteurs. C ’est l ’article 7 de la loi du 3 o ¡ven
tôse an 1 2 , qui a la prem ière et seule aboli les dis
positions des lois romaines, à l ’aide desquelles on
pouvait distinguer les codicilles des testamens, et les
différences essentielles de ces deux sortes d’actes.
Ainsi le fait et le droit se réunissent pour déclarer
n u l comme testament, l’acte dont il s’agit, et em
pêcher de le faire valoir comme codicille.
,
Paris le 3 o avril 18 2 1.
PA RD ESSU S.
R I O M , I M P R I M E R I E DE SALLES, PRES LE P ALAIS D E J U S T I C E .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
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An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mijolas, Claude. 1821]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delvincourt
Pardessus
Subject
The topic of the resource
testaments
successions
pays de droit écrit
codicille
donations
vices de forme
doctrine
droit intermédiaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations.
Table Godemel : testament : 20. sous l’empire des ordonnances de 1731 et de 1735, comme sous le code, toute disposition de dernière volonté, soit testament, soit donation à cause de mort, ou codicille, devait contenir, au moins en termes équipollents, la mention qu’elle avait été dictée par le disposant, et écrite par le notaire, à mesure de sa prononciation. cette formalité étant de l’essence de l’acte, son omission en entraînait la nullité, encore qu’elle ne fut point formellement prononcée par la loi.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1821
An 11-1821
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2512
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2511
BCU_Factums_G2513
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53498/BCU_Factums_G2512.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Yssingeaux (43268)
Rights
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Domaine public
codicille
doctrine
donations
droit intermédiaire
pays de droit écrit
Successions
testaments
vices de forme
-
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19ce6dad3781c767a5c19631a5f29bd2
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Text
PRECIS
EN RÉPONSE,
P O U R M a r ie - F r a n ç o is e - M é la n ie de B A I L L E ,
et Hippolyte de L A G R E V O L , Procureur du Roi
à Yssingeaux, son m ari, intimés/
COUR R O Y A LE
DE RIOM.
2 8 CHAMBRE.
ûjyù\'huAtyff
aKtaTu qn\i
^ ^XuuuLh
C O N T R E C l a u d e et M a t h i e u M I J O L L A S , fr è r e s, / - f “ * *
appelans ;
/
7
p-W A.
EN PRÉSENCE
D eJ
,
n
ea
J e a n - P i e r r e C H A M B O U V E T , et J e a n
R O M E Y E R , tuteur de ses en fans mineurs} d'avec
Jeanne Cham bouvet, aussi intimés.
Les lois romaines avaient prévu le cas où l ’on serait
embarrassé de décider si une disposition de dernière
volonté devait être considérée comme testament ou
comme codicille.
Cette distinction était de la plus
�( > )
grande importance; car il était de principe que lorsque
le testateur avait annoncé l ’intention de faire un tes
t a m e n t , l ’acte devait être parfait comme testament,
et q u e , quoiqu’il eût des solennités suffisantes pour
valoir comme codicille, il demeurait néanmoins sans
effet, s’il n ’était accompagné de toutes celles requises
au testament, à moins q u ’il ne contint la clause codicillaire (i). S'il arrivait, d ’ailleurs, q u ’une personne
laissât à sa mort deux dispositions, il était bien im
portant de décider si c’étaient deux testamens j car alors
le premi er était révoqué de plein droit, même sans
clause révocatoire c o n t e n u e dans le second; si, au
g.
contraire, ces dispositions étaient des codicilles, ou s’il
-'X'
*c
y avait un testament et un codicille, le dernier acte
ne révoquait pas le premier.
On trouve dans ces lois non-seulement des règles
générales pour discerner ces sortes d ’actes, mais elles
f ournissent encore des solutions p our des espèces par
ticulières. Ce sera à l’aide de ces principes, que nous
chercherons à déterminer la nature et les caractères
de l’acte qui sert de titre aux appclans. Nous verrons
ensuite quelles sont les modifications q u ’y ont ap
portées les lois qui ont précédé le Code civil 5 enfin
nous examinerons si cet acte pourrait cire validé ?
même en le considérant comme codicille. Telle est la
lâche que nous avons à remplir.
(1) L. 29, nu I)., f/ih' tcsl.fac. poss. ; \ \ , de vuljj, et ¡ni/iit• subit. /
L. i T* , de jure codicil.; et 8, au C. de codidllii.
�( 3 )
FAIT S.
Antoine-Mar in Je Baille avait passé une grande
partie de sa vie dans la compagnie de Jean-Anloine
de Baillej sieur des Crozes, son frère : ils avaient vécu
dans la meilleure union. Le dernier, héritier, par
testament, d ’Antoine de Baille, seigneur de Malmont,
son oncle, avait laissé jouir Antoine-Marin de celte
succession.
Il mourut en l ’an 8 , laissant une fille
Unique, à peine âgée de deux mois. Cette mort fut
pour Antoine - Marin le commencement de grands
malheurs. Arrivé à l àge de soixante-seize ans , des
personnes trop avides captivèrent sa c on f ia nc e , a u x dé
pens de sa nièce q u ’il chérissait, mais qui était trop
faible pour pouvoir rien opposer aux pièges qui lui
étaient dressés. Il fut victime de cette facilité déplo
rable; il périt, en i 8 o 5 , d ’une manière tragique, âgé
de près de quatre-vingt-deux ans.
L a providence veillait aux intérêts de Mélanie de
Baille, alors âgée de cinq ans. Les dispositions que
font valoir aujourd hui les appelans leur parurent sans
doute irrégulières, puisqu’ils ne se présentèrent point
au partage judiciaire de la succession, qui eut lieu
entre Mélanie de Baille et les frères et sœur Cliaml)ouvel. On doit croire que c’est par erreur q u ’ils
disentavoir ignoré les dispositions dusieur d c B a il le ( i ) .
(*) Pages 4 et 5 du Mémoire <lcs appelans.
�On leur prouverait que l ’un d ’eux, Claude Mijollas,
était présent a la confection du testament, reçu Pouzol,
notaire.
Ils gardèrent le silence pendant plusieurs années.
Ce ne fut que le 18 décembre 1 8 1 2 , plus de sept
ans après le dèces, q u ’ils firent connaître, pour la
première fois, leur droit à la succession, en décla
ra n t, par leur exploit de demande, q u ’ils étaient co
héritiers de f e u Antoine de Iia ille -M a n n , suivant son
testament, reçu Rocher, notaire p u b l i c l e 17 frim aire
an 11 , et en demandant, en cette qualité, le partage
de ses biens.
L ’acte du 17 frimaire est ainsi conçu. Il importe de
le faire connaître en entier.
L ’an onze de la république française, et le dix-sept frimaire avant
m id i, par-devant nou s, notaire public p a ten té, et présens les témoins
soussignés, fut présent citoyen Antoine de Baille-Marin , du lieu de
C hevalier, commune tl’Araiiles , liubitnut h présent nu clief-liou dudit
A ra u le s , maison de feu son frère des Crozes , de son gré et vo lo n té, a
donné et d o n n e , par donation ¿1 cause de m ort, à titre d ’institution et
icuvrcs pies , savoir : aux pauvres de Dieu la somme de cinq cents francs,
a eux payable et distribuable après son décès;
p lu s , la somme de
soixante francs, en acquittement de messes par les citoyens piètres qui
desservent l’église de IN’otrc-Damc du P u y ; plus, le quart de ses entiers
biens présens et à v e n ir , aux citoyens Cliambouvet de M onistrol, à sc
partager entr’e u x , au nombre de trois petits-neveux et nièces; plus,
autre quart aux citoyens Claude M ijollas, du lieu de l ’O l l i e r , c o m m u n e
de Saint-Hostien ; Mathieu M ijollas, son frère, et Catherine T a u , leur
mère ; ledit Mathieu du lieu de Tou rcille , commune de Glavenas , à
partager ensemble par égales porjjbtns. Ce qui a été fait et r é c i t é a u d i t
lieu d ’Arnules, maison dudit feu des Crozes, à lui lu en entier a u - d e v a n t
d u lit OÙ il c»t couché , en présence Ucs citoyens Jacques J o u b c it, Louis
�Chevalier, L ouis R e c h à tin , cultivateurs dudit l i e u ,
signés,
de ce
enquis; Joseph Joubert-Cougnac et Claude Descours , aussi cultivateurs
dudit lieu d’A rau le s, qui ont déclaré ne savoir sign e r, de ce enquis. L e
disposant de Baille a déclaré ne pouvoir sign er, à cause de son indispo
sition , de ce enquis.
L a qualification que les appelans eux-mêmes ont
donnée à cet acte dément l ’assurance avec laquelle ils
soutiennent aujourd’hui q u ’il porte la physionomie
d ’un codicille ; q u ’on a évité h dessein le mot testa
m ent; que les mots à titre d ’institution y sont indiff’érens. Ils ont répété trop souvent cette qualification
de testament dans leur procédure, pour q u ’on puisse
croire que c’est légèrement et par inattention, q u ’ils
ont ainsi considéré l ’acte.
Les héritiers du sang en ont demandé la nullité ,
c o m m e contenant une double contravention à Fart. 5
de l ’ordonnance de 1 7 3 5 , par le défaut d ’ un nombre
suffisant de témoins, et par le défaut de prononciation
des dispositions par le testateur; ce q u i , aux termes
de l ’article 47 de la même ordonnance , devait en
entraîner la nullité. Les premiers juges l ’ont prononcée
par les motifs suivans :
Attendu quo les donations , à cause de m o r t , ne pouvaient avoir
aucun effet, môme dans les pays où elles étaient expressément autorisées
avant le C o d e c iv il, que quand elles avaient été faites dans les mômes
foirnes que les testainens et les codicilles; q u ’en fixant ces formalités, le
législateur en a ordonné l ’exécution , à peine de n u l l i t é j
A ttendu qu’en appliquant ces principes à la prétendue donation dont
il s’a g i t , on n'y trouve pas qu ’elle ait été dictée ou prononcée, ou enfin
d autres termes équipollcns , d’où l’on puisse induire que M a r i n de U a i l l o
ait
prononcé
ses
volontés au notaire
rcccvant ; q u ’on en peut conclure
�'I
* «* ►
»
'
(G )
au contraire q u e c ’ est le notaire q u i p a r l e , et n o n le d o n a te u r ; q u ’ ainsi
elle se trouve en co ntravention à l ’ord o nnan ce de 1^35 ;
A t te n d u q u ’ en appréciant cet acte d ’après les termes dans lesquels il
est conçu , on ne peu t d ou ter q u e l ’ in te n tio n d u sieur M arin de B aille a
clé de faire un testament n u n c u p a t i f , puisqu’ il d o n n e , à litre d ’ in stitu
tion , à ceu x qui sont appelés à son h é r é d i t é , la part qu i se trouve à sa
disposition ; que cette intention a été ég alem en t partagée par les d em an
deurs qui agissent dans la dem an de in trod u ctiv e d ’ in s ta n c e, en qu a lité
d ’héritiers d u sieur M arin de B aille ; qu e , dans ce cas , cette disposition
se trouve en opposition avec l ’article 5 de l’ordonnan ce de 1 7 3 5 , q u i
v e u t im périeusem ent q u ’elle soit dictée par le te s t a te u r , en présence de
sept témoins , y compris le n o t a i r e , tandis q u e , dans cet a c t e , il ne s’en
trouve qu e six ;
A t te n d u qu e , si on considérait cet acte com m e co d icille , il serait
ég alem en t contraire à l ’article c i t é , p o u r ne pas y rencontrer l ’ expres
sion non é q u iv o q u e de la dictée de ses volontés au n o t a i r e , et n être pas
r evêtu de la clause codicillaire., q u i ne peu t être su ppléée, co n form ém en t
à la loi 1 1 , au C o d e D e Testam entariâ manumissionc.
D ’ après
ces m o t i f s ,
le trib u n al ju g ea n t en prem ie r ressort, e t c . ,
déclare l ’acte d o n t il s’agit n u l et de n u l e f f e t , et r e n v o i e , etc.
L e d e r n i e r m o t i f , c o m m e o n le v o i t , r e n t r e cla n s le s
deux premiers, c’est-à-dire que, quand même on con
sidérerait l’acte comme codicille, il serait nul, pour 11e
pas contenir l’expression non équivoque de la dictée
des
volontés au notaire ; mais que, d ’ailleurs, il 11e peut
valoir comme codicille, puisqu’il ne contient pas la
clause codicillaire, q u ’011 ne peut suppléer. Voilà évi
demment ce q u ’ont voulu dire les premiers juges, et
ce q u ’ont bien compris les appelans, quoiqu’ils le
déclarent inintelligible.
Quant aux deux autres motifs, nous examinerons,
en premier lieu, celui tiré du défaut de prononciation,
�(
7
)
parce q u ’il s’applique aussi bien à l ’acte considéré comme
codicille que comme testament.
On ne contestera pas, sans doute, que la pronon
ciation ne soit une formalité commune aux testamens
et aux codicilles. C ’est, comme dit Furgole, Vunique
voie certaine p o u r connaître sûrement la volon té' de
c e lu i qui dispose , et obvier a u x captations et sugges
tions. Voyez chapitre 1 2 , nos 11 , 12 et i 5 .
L a définition que les lois romaines avaient donnée
du testament prouve évidemment q u ’on regardait cet
acte comme une loi qui ne devait pas être moins so
lennelle que celles qui concernaient l ’intérêt public.
Testamentum
est v o lu n t a t i s
n o str æ j u s t a
senlentia
Loi i re,
au D . , q u i test. f a c . p o ss. (i)- I l fallait donc que
c el ui qui la dictait s’exprimât de la même manière que
d e eo q u o d q u is p o s t m o rtem su a m J i e r i v u l t .
le législateur qui proposait une loi à tout le peuple
romain.
L ’ordonnance de
1735 établit la nécessité de la
prononciation de la manière la plus formelle;
à la
vérité, et c est le grand argument des appelans , elle
n exigea pas q u ’il fût fait mention de cette formalité;
mais la nécessité de rencontrer dans un testament la
preuve que le défunt avait manifesté sa volonté par
es expressions dispositives sorties de sa bouche, tenait
trop a la substance même du testament, pour avoir
( t ) Godcfroi ajoute sur celte loi : Q ualcnùs d id tu r scntcntia testa m entum , haberc vim le gis dici p o tc sty
�besoin d ’être prescrite par la loi. Ricard avait dcjà
démontré cette nécessité au chapitre 5 , partie i re,
section 3 : « Je passe encore p lu s avant et crois que
3
« quand la coutume ne requerrait pas précisément
« q u ’il fût fait mention, par le testament, des so
it lennités q u ’elle désire être gardées, comme il a été
« dicté, nommé, lu et relu, e t c . , que les légataires
« seraient non recevables à les vouloir vérifier par
«
«
«
«
témoins, et q u ’il y aurait toujours nécessite' que
la preuve s’en rencontrât dans le testament même ,
parce que la coutume désirant, pour la validité d ’un.
testament, que ces solennités y interviennent , il
« n ’est point parfait, à moins q u ’i l ne se reconnaisse,
« p ar l ’acte même , q u ’i l est revêtu des form es près« crites par la lo i qui lu i donne son effet. »
Il s’exprime de même au même chapitre, sèct. 6 :
« Comme il est de principe et de doctrine indubi« t a b l e q u e c ’est à c e lu i q u i veut tirer avantage d ’un
« acte, de faire apparoir q u ’il est revêtu de tout ce
« qui est nécessaire pour le faire subsister, ceux qui
« prétendent se prévaloir d ’un testament, dont une
« formalité essentielle n ’est pas constatée par l’acte
« même, ne pouvant établir, par des moyens extrin« sèques, l’existence de cette formalité, il s’ensuit que
« le testament doit demeurer sans eifet. »
L ’ordonnance
de
1735
n’était
pas entièrement
muette îi cet égard. D ’abord l ’article a 3 déclare que
les mots dic té, nommé, etc. , ne sout point sacra
mentels, mais il suppose évidemment que l ’on doit
�M
(
9
)
trouver dans l ’acte la preuve que cette formalité a été
remplie. L ’article 48 prononce la peine de mort contre
les notaires et témoins qui auraient signé les testamens,
codicilles, ou autres actes do dernière volonté, sans
avoir vu le testateur, et sans V avoir entendu prononcer
ses dispositions. Pour appliquer cette peine, il fallait
lnen s’inscrire en faux contre le notaire et les témoins;
e t , pour q u ’il y eût lieu à l ’inscription de fa ux, il
fallait bien que l’acte énonçât, d ’une manière qu el
conqu e, une fausseté; sans cela, aurait-on osé appli
quer la peine de mort? L e notaire et les témoins
ne se seraient-ils pas excusés sur leur bonne foi, en
prétendant q u ’ils avaient connu , d ’une manière cer
taine, la volonté du défunt, quoique non manifestée
de sa propre bouche? Les dispositions de la loi auraient
donc été violées impunément ? et q u ’on ne s’imagine
pas que ce danger ne fut que chimérique. Il a existé
des notaires assez ignorans ou d’assez mauvaise foi,
pour rédiger des actes de dernière volonté, dont les
dispositions n’avaient été exprimées, par les mourans,
que par signes ou par monosyllabes.
Il
n y a donc pas de formalité plus essentielle dans
le testament nuncupatif, que la dictée ou la pronon
ciation; sans elle, il n ’y a point de testament; et si
elle ne résulte pas des termes de l ’a c t e , il n’y a point
de preuve légale de l'accomplissement de cette for
malité, et par conséquent de la volonté du testateur.
Aussi Fuigole, chap. 2 , sect. i 11^ no 4 , dit <• qu'il
* f aut f/n d paraisse que le testateur en a d icté le
’ H
�«< contenu, ou du moins il est nécessaire q u ’il n’y ait
« point de preuve ni de circonstance qui puisse faire
« présumer que le testatenr n’a pas dicté sa volonté à
« l ’écrivain ; car ce serait alors, non la volonté du
« testateur, de laquelle dépend la force et l'efficace
« du testament, mais celle de l ’écrivain j et ce serait
« en quelque façon tester par procureur, ce que les
« lois ne permettent pas, puisqu’elles n’ont aucun
« égard aux dispositions de la volonté d ’autrui ». Voir
le même chap. 2 , sect. 3 , n° 8.
L ’annotateur de R i c a r d ne s’e xpr ime pas d une
manière moins positive, sur le cliap. 5 , addition 3 ,
noie i re. Il dit « q u 'il a v u attaquer avec succès un
« testam ent, par lequ el le notaire avait dit q ue ,
« s’étant transporté auprès d ’un testateur, et ayant
« été par lui requis de recevoir son testament.,
il
« l ’avait rédigé ainsi q u ’il suit : Il ve u t, etc. ». Ces
expressions, nous l ’avons rédigé, il v eu t, dans la
Louche du notaire, parurent prouver que les disposi
tions n ’avaient pas été prononcées par le testateur et
sous sa dictée, mais que la rédaction était l ’ouvrage
du notaire.
Aussi le tribunal d ’appel de Montpellier, par juge
ment du f) fructidor an 9 , rapporté dans les A nnales
du D roit fr a n ç a is,
de G u y o t , de l ’an
1 1 , a-t-il
annullé une donation à cause de mort, parce q u ’elle
n ’avait pas été dictée ou prononcée^ e t , plus récem
ment, la Cour royale de Riom, par arrêt rendu, le
10 juillet 1820, à la première chambre, a annullé la
�C 11 )
donation, à cause de mort, d ’Antciae V a n n i e r , par
acte reçu Joucerand, notaire, le 10 nivôse an 10,
faite dans la forme de testament, en adoptant les
motifs des premiers juges. Cette donation à cause de
mort commençait ainsi : « Est comparu Antoine
« Varinier............... .. lequel, étant malade, a donné
« et donne, à titre de donation à cause de mort, à
« Marie-Thérèse Barrol, sa femme, etc. »
L ’acte se terminait ainsi : « C ’est la dernière do« nation à cause de mort et disposition de dernière
« volonté dudit Antoine Varinier, et, comme telle,
« veut que vaille ou par testament, codicille, ou par
«
«
«
«
toute autre meilleure forme que de droit pourra
valoir, cassant et révoquant, ledit Varinier, toutes
autres donations et dispositions q u ’il pouvait avoir
ci-devant faites, voulant au contraire que la pré-
« sente, dont.............. sorte à effet et soit seule exé« icutée, suivant sa forme et teneur,' en faveur de
« ladite Marie-Thérèse B a rro l, sa fe m m e, et de la■
< dite Marie Varinier, sa sœur, les instituant..'.......
« pour ses héritiers particuliers. E t ainsi vo ulu.........
« E t de nouveau lecture lui a été faite en entier, par
11 nous, dit notaire, de sa présente donation, à la“ fP lclle il a persisté en présence de, etc. »
Les moiils des premiers juges, qui ont été adoptés
pai l.i Cour pour la nullité de cet acte, sont : « Ou il
« résulte de la donation à cause de m ort, du io
« mvose an n i ,
que le donateur n ’en a p c i i t pro-
« nonce les dispositions , puisqu’au commoi.cjinent
�« dudit acte, c’cst le notaüe seul qui déclare que
« Vannier,
de gré et volontairement, a donné et
« donne, à titre de donation, à cause de mort,
et
« q u ’en se contentant d ’employer ces expressions, qui
« étaient usitées chez les notaires pour toutes les
« autres espèces de donations, Joucerand, notaire ,
« ministre de l ’acte, n’a point rempli le vœu de la
« loi j q u ’en vain on remarque dans le corps de l ’acte
« ces mots : C ’est la dernière, etc. 5 bien loin d ’y
« reconnaître la volonté dictée par le donateur, on
« n ’y découvre que le langage du notaire........; que
« les autres clauses de cette d o n a t i o n à cause de mort
« annoncent clairement que le donateur n’a rien dicté
« ni prononcé, et
que ses intentions ont pu être
« connues du notaire par toute autre voie que celle
« exprimée par sa bouche, etc. »
Examinant l’acte du 17 frimaire an 11 , d ’après les
dispositions de lu l o i , la do ct ri ne des ail leurs et la
j u r i s p r u d e n c e , on ne voit rien qui justifie que le
notaire ait écrit les volontés du testateur sous sa
dictée; on v o it , au contraire, que c’est
le
notaire
seul qui parle, en disant que Marin de B a ille a
donné et donne ; il n’y a pas un seul mot qui annonce
qu ’ il ait déclaré lui-méme sa volonté, pas un seul
mot qui apprenne de quelle manière il a (ait connaître
q u ’il voulait disposer de scs biens. Lorsqu’on arrive
ensuite à la menlion de la lecture, il semble que le
testateur a été étranger aux dispositions q u ’on lui
attribuej il ue déclare point q u ’il y persiste, ni rien
�( .3 )
qui annonce une approbation de sa part. On ne voit
la preuve de sa volonté ni dans sa signature, ni dans
aucune déclaration sortie de sa bouche.
Les mots f a it et récité désignent des opérations du
notaire, et non du disposant. On ne récite que ce que
l ’on a étudié et appris de mémoire, ou ce que l ’on
lit sans l ’avoir étudié ; on ne peut pas dire q u ’un
disposant récite ses dispositions : il les prononce à
mesure q u ’elles se forment dans son entendement.
L ’opération de la prononciation, telle q u ’elle est dé
crite par la loi (ordonnance de 1 7 3 5 , article 5) , et
qui consiste, de la part
du disposant, à exprim er
intelligiblem ent ses dispositions en présence cles té
moins et du notaire, fjai les écrit à mesure que le
disposant les e x p r i m e ne saurait être décrite par les
mots f a it et récité, d ’autant plus que, dans leur style
ordinaire, les notaires les employaient jadis (ainsi
qu on peut le prouver) pour tous les actes, même pour
les simples contrats
prononciation.
où la
loi
n’exigeait
aucune
Ainsi les premiers juges n’ont pas créé une nullité
arbitraire, en déclarant l ’acte nul parce q u ’il ne pa
rait point être l’ouvrage du disposant; ils o n t , au
contraire, fait une juste application des articles
5 ,
23 et 47
l'ordonnance. Us n’ont pas exigé une
mention que la loi ne prescrit pas; mais ils ont re
connu, avec raison, que la contexture de l’acte
faisait
présumer q u ’une formalité, aussi essentielle que la
dictée ou la prononciation, n ’avait pas été
remplie;
et
�(
«4
)
certes, ce n ’est pas là l ’eiTet d ’une distraction;
ce
n ’est pas le Code civil qui leur a donné l’idée de cette
nullité ( i ) , pas plus q u ’en l ’an 9 il en avait donné
l ’idée à la Cour de Montpellier.
Ce moyen nous parait victorieux.
Mais allons plus l o in , et prouvons aux appelans que
ce n’est pas nous qui faisons la guerre aux volontés
du sieur de Baille (2), mais q u ’eux-mêmes, en vou
lant faire passer pour codicille un acte q u ’il a entendu
faire comme testament, contrarient ses intentions;
car s’il est vrai q u ’il ait voulu faire un testament, il
est plus prudent de rendre sa disposition sans effe t,
que de lui en faire produire une qui ne serait pas
dans sa volonté. E st magis tolerabile} reddi inutdem
lestaloris dispositionem ,
quam aliq u id adnutti ut
v a lea i contrà ejus voluntatem .
Mantica, lib.
2 ,
lit. 3 , de conject. ult. volunt.
rap
porter tous les textes des lois romaines qui établissent
Nous
serions i n é p u i s a b l e s ,
si
nous v o ul i o n s
q u ’un testament imparfait ne peut pas, sans le se
cours delà clause codicillaire, être converti en codicille,
bien q u ’il contienne toutes les formalités prescrites
pour le codicille; q u ’il nous suffise d ’observer que dans
la loi 1 1 , au C . de tcslamcntarid manumissionc} il
est dit que le legs même de la liberté à un esclave
( , ) Voyez le Mémoire dos nppelans, page 10.
(a) Voyez page 38 du Mémoire des appelans.
�( . 5 )
demeurerait n u l , si la nullité du testament n ’était
réparée par la clause codicillaire; et cependant on sait
combien, chez les Romains, les lois favorisaient la
liberté des esclaves. S i ju r e non subsistit testamentum,
in hoc nec liberlales (chm non fu isse ad jectu m } ut
3
pro co d icillis scriptum valeret , proponas)
rectè
datas constabit. L a raison q u ’en donnent les inter
prètes, c’est que lorsqu’on a négligé les formes de
l ’acte q u ’on a en v u e , on est censé n ’avoir voulu faire
aucune disposition. L a loi présume alors q u ’on a ré
digé à dessein un acte défectueux, pour se dérober
à des suggestions importunes, en paraissant y céder.
Testator, qui omittit débitas sole militâtes ^ prœsumitur
suce 'voluntatis pœ nituisse, et elusorium aclum conJicere voluisse. M antica, loc. cit.
Voyons donc si l ’acte du 17 frimaire an 11 peut
être considéré autrement que comme un testament.
Nous ne suivrons pas les appelans dans leur savante
dissertation sur l ’origine et les progrès des différentes
dispositions de dernière volonté, qui furent admises
en pays de droit écrit. Il nous suffit de savoir, pour
la cause qui nous occupe, q u e , depuis l ’ordonnance
de 17.31 , les donations à cause de mort 11e furent plus
que des tesiamens ou des codicilles; elles cessèrent
d être une manière particulière de disposer de scs
biens, excepté pour les fils de famille, q u i, comme ou
sait, en pays de droit écrit, ne pouvaient pas faire de
testamens ni de co d ic ille s, mais qui pouvaient faire
des donations à causa de m ort, du consentement de
�/
( i <5 )
leur père. Ce f u t donc p our leur laisser cette ressource,
dit M. Grenier, T ra ité des D onations} discours his
6
torique, page g , que la lo i n établit que l ’identité
des form es de la donation à cause de m ort, avec
celles du testament ou du c o d ic ille ,
mais q u e lle
n a lla pas ju s q u ’il Vabolir.
Aussi, depuis cette ordonnance, ou qualifia indis
tinctement de donations à cause de m ort, des actes
qui ne renfermaient que des legs, d ’autres qui contetcnaient des institutions d ’héritier, des substitutions,
et, en général, les actes dont les dispositions ne de
vaient avoir leur effet q u ’au décès du disposant. Il
arrivait même que les notaires ne qualifiaient pas la
disposition., et se bornaient à dire que le défunt avait
déclaré disposer de telle et telle manière,
etc. II
fallait alors recourir à la nature de la disposition ,
pour savoir quelle était la forme q u ’on avait du em
ployer. Il est évident que si l’acte n’avait point de
dénomination, ou s’il était qualifié de donation à
cause de mort, et q u ’il ne contint que des legs ou
des dispositions particulières sans institution, il pou
vait valoir dans la forme du codicille; mais que si,
au contraire, on trouvait dans cet acte une institution
d ’hérilier, une substitution, une exhérédation, ou,
en général, ce qui ne pouvait convenir q u ’au testa
ment, l’acte, de quelque manière q u ’il fut qualifié,
ou n ’eùt-il pas même de dénomination, devait être
considéré comme testament, et devait en avoir les
formes.
�(
x7
)
Ceci nous conduit à examiner quels étaient, d ’après
les lois romaines et d ’après l’ordonnance de
iy3 5 ,
les caractères du testament, et si ces caractères peuvent
et doivent convenir à l ’acte qui fait l ’objet du procès.
Il était de principe q u ’on ne pouvait faire d ’iustilution
d ’héritier que par un testament : cette institution était
la base et le fondement du testament; son véritable
caractère était Vinstitution fo rm elle ( V h é r it ie r q u i,
de sa nature, était universelley et, par co d icille
comme par donation à cause de m ort, on entendait
tous actes de dernière v o lo n té, par lesquels il n ’y
avait pas d ’héritiers de nommés, mais seulement des
legs lim ités a u x objets dont on disposait. Traité des
Donations, lo c. c i t ., page 61.
L ’institution d ’héritier produisait deux effets bien
importans : le premier était de saisir l'institué
de
l ’hérédité, du moment du décès, d ’après la maxime
générale du royaume, le mort saisit le v i f , q u i, cil
pays de droit écrit, s’appliquait aux héritiers testa
mentaires,
de même q u ’en pays de cou tu m e, 011
1 appliquait aux héritiers du sang. En conséquence ,
les institues n’avaient besoin, après l’ouverture du
testament, ni de permission de justice, ni de demander
la délivrance des biens de l’ hérédité j ils étaient les
successeurs immédiats du d éfun t, et avaient droit
aux lruils des liions compris en l'institution, du jour
du décès du testateur.
Le second eflet que produisait l'institution se trouve
établi en lu loi i Te, J f. de heredibus instit. et suiI
l
�( >8 )
vantes. Il consistait en ce que s i , dans le testament,
il n’y avait q u ’un seul héritier institué pour une
partie d e l ’hérédité, les autres portions lui accroissaient
et lui appartenaient, à l ’exclusion des successeurs ab
intestat> d ’après la règle qui voulait q u ’on ne put
décéder partim testatus} partim inteslalus. C ’était
par suite de ce même principe, que lorsqu’on n ’avait
institué un héritier q u ’en une certaine chose, et q u ’on
ne lui avait pas donné d ’autre cohéritier, on lui ad
jugeait cependant l ’entière hérédité, et la succession
ne se partageait pas entre lui et les successeurs ab
intestat.
Voilà quels étaient les eiTets de l ’institution, et ces
effets ne pouvaient être produits que par le testament.
C ’était l ’institution d ’héritier qui distinguait essen
tiellement le testament du codicille. Le codicille, étant
assujetti à des formes bien moins rigoureuses, ne pou
vait être e m p l o y é ni pour faire un héritier., ni pour
déshériter, ni pour substituer. On permit cependant
de laisser l’ hérédité par codicille, en employant la
voie du fidéicommis, c’est-à-dire en priant sou héri
tier légitime de faire la restitution de son hérédité à
la personne q u ’on lui marquait, lorsqu 011 n’avait pas
fait de testament j et en adressant la même prière à
l ’ héritier testamentaire, lorsqu’on avait testé. C ’est
la seule interprétation q u ’on puisse donner de ce pas
sage des Jnstitutes, dont les appelans veulent tiier
parti : Nam ¡1er Jidciconim issiun hœreditas co d icd h s
rcctc rcliru/uilur.
�Il
suffit
d ’ouvrir tous les auteurs pour se convaincre
q u ’il fallait que l'institution fut conçue en termes
obliques, ou de prière; et ce qui confirme la règle
générale q u ’on ne pouvait instituer par codicille, c’est
q u ’on accordait au soldat, comme un privilège extraor
dinaire, la faculté de disposer de son hérédité par
codicille.
E n effet, si les lois eussent permis d’instituer par
un codicille de la même manière que par un testa
ment, il eut été dérisoire d ’avoir prescrit des forma
lités aussi rigoureuses pour les testamens, puisqu’on
aurait toujours été maître de s’en affranchir , en
donnant à l ’acte la dénomination de codicille, ce qui
aurait produit les mêmes effets. Mais la loi avait prévu
cet inconvénient, et y avait porté remède; elle n ’avait
pas voulu q u ’avec les formes du codicille on pût faire *
une véritable institution d ’héritier, un véritable tes
tament. C ’est ce q u ’on voit par la loi 7 , au C . de
co d icillis. S i idem c o d ic illi, cjuod testanienta possent,
cu r diversion his inslrumentis vocabulum mandaretur,
fjuoR v is ac potestas un a sociasset? Igitur specialiter
co d icillis inslituendi ac substituendi potestas ju r is
(luctoritatc data non est.
L a loi voulait aussi que, pour reconnaître l'acte et
déterminer les formalités q u ’on avait dù y employer,
011 s attachât plutôt à la substance, q u ’à la d é n o m i n a
tion qu on aurait ailecté de lui donner. Tel est le vœu
manifestement exprimé dans la loi i 3 ,
D e ju r e c o d ic iL ,
S i er. « On agite quelquefois la question de savoir ce
�«
(
2
0
)
« q u ’on devrait décider, dans le cas oîi un homme
« qui n’aurait pas fait de testament, déclarerait ainsi
« sa volonté dans un co d icille : Je v e u x que T iliu s
« soit mon héritier. »
On voit d ’abord q u e ,
dans l ’espèce, l ’acte est
qualifié de co d icille : C o d icillis ità sci'ipsit. ( C ’est
donc bien mal à propos que les appelans soutiennent
que Furgole, qui rapporte cette loi, y ajoute : « E n
« supposant que l ’acte est qua lifié de co d icille , ce
« que la lo i ne dit p a s, suivant eux) » (i). On voit en
outre que le disposant s’est servi de ternies obliques,
qui semblent annoncer l ’intention de faire un fidéicommis : Titium hœredem esse vo lo . 11 est évident
que les termes seuls annoncent l’ intenlion de iaire une
institution indirecte. On peut s’en convaincre par le
mémoire même des appelans, page 12 , où 011 lil : « Il
« fallait q u ’il (le testament) fût conçu en termes impé« raiifs, p a r c e q u ’ on le considérait comme une loi parli« culière : T iliu s heures esto. C ’est ce q u ’on appela par
« la suile une institution en termes directs, bien
« différente en ses effets avec celle qui 11'élait conçue
« q u ’en termes
obliques
:
Titium
hœredem esse
« v o lo . »
On vo it , d ’ailleurs, aux Tnslitules, liv. 1 , lit. [\ ,
De
si 11g . reh.
p er
J id eic.
rel. \ , quelles étaient les
expressions dont 011 avait coutume de se servir pour
jaire un fiilcicouimis : f erh a autem J id e ic o m m isso ru n i
(1) Voyez page 27 du Mémoire des appelans.
�(
1
31 )
hœc m axim e in usu habentur, p e to , rogo
3 v o lo }
mando , jid e i tuœ commitlo.
Il
y aurait donc dans l ’cspècc double motif de
considérer l ’acte comme codicille ; d ’abord la dénomi
nation qui lui a été donnée, et la formule de l ’insti
tution , qui dénote un fidéicommis. Cependant le
législateur se demande ce q u ’on doit penser de cet acte;
puis il ajoute : « ïl faut bien distinguer s’il a entendu
« faire un codicille, et charger son héritier légitime
« de rendre la succession à T i t i u s , par forme de fidéi« commis, ou s’il a cru faire un testament; car dans
« ce de rnier cas, Titius ne pourrait rien demander à
« l ’héritier légitime.
✓
« On pourra trouver, continue le législateur, dans
« l’écrit même, les moyens de juger quelle a été la
« volonté de celui qui a fait celle disposition. E n
« effet, s’il a chargé ce Titius de payer quelques legs;
« s’il lui a nommé un su btii ué, dans le cas où il ne
« recueillerait
pas la succession , on verra q u ’il a
« entendu faire un testament, et non un codicille. »
Les conséquences de cette loi sont faciles à tirer. On
voit d ’abord que si l’ inslilulion était conçue en termes
directs, le législateur n’ hésiterait pas à regarder l’acle
comme testament, quoique qualifié de codicille, et à
en prononcer lu nullité : J / o c ca sn n ih il à légitim a
( C a r on voit évidemment q u ’ il suppose
que l acte n est pas revelu de loules les formalités du
peti p a ten t.
testament; dans le cas conliaiie, la distinction serait
�y
(
Lien superflue, puisque
2
2
)
l ’acte pourrait valoir,
de
quelque manière q u ’on l’envisageât).
On voit q u e , quoique la disposition soit faite en
termes de jid é ic o m m is, qui sont propres au codicille,
le législateur déclare q u ’il faut néanmoins rechercher
quelle a été l’intention du disposant. A-t-il réellement
voulu transmettre à Titius sa succession par voie de
fidéicommis? a - t - i l , au contraire, fait des dispositions
qui ne peuvent convenir q u ’au testament? Peu importe
la qualification donnée à l’acte, la tournure des expres
sions; il faut s’attacher à la réalité. Si l’acte contient
des legs à la charge de l ’ héritier; si on lui a nommé
un substitué, dans le cas où il ne recueillerait pas la
succession , alors l ’acte ne peut être considéré que
comme testament.
Tel est le véritable sens de la loi i 3 , D e ju r e cod iciL
Pour échapper à son application , les appelans ont
imaginé une distinction qui n ’e^t pas dans la loi. Ils
ont prétendu (i) q u ’il fallait examiner si l’institution
était faite en termes directs ou en termes ordinaires
3
tandis quelles lois ne reconnaissent que les ternies
directs et les termes indirects. Ils ont supposé que
dans la loi 1 3 , l ’institution était faite en termes ordi
naires, tandis q u e , d ’après le passage des Institutes,
que nous avons cité, il est évident que cette institu
tion est
faite en termes indirects.
Ainsi tombe la
( i ) Voyez page a 3 du Mémoire «les appelai!» , in Jiiia.
�(
2
3
)
conséquence que les appelans se sont efforcés de tirer
/de cette loi, que l ’institution, contenue dans un codi
cille , valait par droit de iidéicommis. Cette loi con
firme, au contraire, ce que nous avons dit plus h a u t ,
q u ’on n'e pouvait laisser son hérédité par codicille
q u ’en termes de prière, c’est-à-dire, en chargeant son
héritier d’en faire la remise à celui qui était désigné
dans le codicille.
Cette loi nous offre des points de ressemblance avec
l ’acte du 17 frimaire*, mais avant de les faire ressortir,
ajoutons aux idées générales que nous avons données
sur l ’institution d ’héritier, quelques observations sur
la manière dont on devait s' ex pr imer p o u r a nno nc e r
q u ’on v o u l a i t faire u n héritier.
L a loi 1 , au D. , § 5 , D e Jiceredibus insl. , nous
apprend q u ’on n ’était point rigoureux sur les termes
q u ’on avait employés; q u ’on suppléait facilement à
l'omission de quelque mot en l ’institution , pourvu
q u ’il apparût de la volonté du testateur : Credim us
p lu s nuncupatum
3
minus scriptum . C ’est ainsi que
1 institution paraissait constante et suffisamment ex
primée par ces mots : L u ciu s heures, et même par
ceux-ci : L u ciu s esto} ilia u x o r mca esto j etc., etc.
Les pays de droit écrit n’étaient pas plus rigoureux;
et Ion tenait pour maxime constante q u e , de quelque
manière q u ’il fût évident que le testateur avait v o u l u
faite une institution d héritier, 011 devoit suiv re sa
volonté; l e n e u r ou 1 insuffisance dans les termes 11c
pouvait en détruire l ’cftct.
�(
»4
)
Faisons maintenant l ’application des principes des
à lois romaines, et des ordonnances de 1731 et 1735,*^l ’acte du 17 frimaire. Nous voyons ([ne si cet acte est
qualifié de donation à cause de mort 011 y trouve en
même teins la formule à titre d'institution : c’est donc
3
une donation à cause de mort, contenant une insti
tution d ’héritier; et, de même que, si elle n’eùt con
tenu que des legs ou des dispositions particulières sans
institution , elle eut pu valoir dans la forme du co
dicille, de même aussi, par cela q u ’elle contient une
institution , elle a dû. être faite dans la forme du tes
tament. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire la loi 7,
au C . de testamentis. N on co d icillu m , sed testament
tiim aviani vestra/n fa ce r e v o lu isse, institutio et ex~
heredatio probant evidenter.
Quels eussent été les effets, en pays de droit écrit,
de cette formule, à titre d ’institution? Les appelans
affectent de les méconnaître. Cependant 011 n ’en em
ployait pas d’autres pour faire un héritier dans un
testament. E n donnant tous ses biens, ou une partie,
à titre d'institution, on 11e s’était jamais avisé de
contester le titre d ’héritiers a ceux au proiil desquels
011 disposait ainsi. Cette formule fut même consacrée
par l’ordonnance de 1 7 35 , pour exprimer q u ’on fai
sait des héritiers, comme on peut le voir par les ar
ticles 5 ?., ■}(», etc. Il suffisait même de donner cinq
sous à ses légitimaires, à titre d ’institution, pour q u ’ils
dussent se considérer comme ayant été institués hcriliers, cl 11e pussent opposer le vice de la préiérition
�(
25
)
et l ’on v o m i r a i t qu ’en donnant, au même titre , la
moitié de ses biens, la seule portion dont la loi permit
au sieur de Baille de disposer, il n’ait pas eu l ’inten
tion de se choisir des héritiers! N ’en doutons pas; si
la succession se fût ouverte avant le Code civil, et que
l ’acte eût été régulier, comme testament, les appelans
auraient mis autant de zèle à réclamer l ’honneur et le
profit de cette institution, q u ’ils font aujourd’hui
d ’efforts pour faire perdre à l’acte son caractère essentiel,
et pour faire méconnaître les intentions du sieur de
Baille : ils l ’ont trop bien prouvé par leur demande
et leurs autres écrits signifiés. Si même, lorsque la
succession s’est ouverte sous le Code civil, ils o nt re
connu que l ’acte leur a t t r i b u a i t la q u a l i t é d ’ héritiers,
que n ’auraient- il s pas fait sous une législation qui ne
les eût pas obligés à demander la délivrance?
On ne peut croire que ce soit sérieusement que les
appelans ont avancé que les mots à titre d ’institution
n ’avaient aucune signification réelle (i) . Ils en avaient
une bien réelle, puisqu’ils étaient synonymes des mots
à titre d ’héritiers; puisque cette formule les appelait
directement a la succession du défunt, les saisissait
de son hérédité, et leur donn ait droit aux fruits depuis
le moment du décès.
Mais il est certain auàsi q u ’ ils ne pouvaient obtenir
ce titre honorable; d’ héritiers, que par un testament.
S i idem c o d ic illi, r/uod testamenta passent, etc. ,
h. i
i
( i ) V o ir pages 3o , 3 i et 3 a d u Mémoire des appelai».
4
�loi 7 , au C . de c o d ic illis ; donc il est évident que le
sieur de Baille a voulu faire un testament.
«Mais, disent les appelans, et c’est pour eux un
« rempart q u ’ils croient inexpugnable, « les lois ro« maines sont sans application dans l ’espèce présente,
« pai'ce q u ’à l ’époque où l ’acte a été f a i t , on ne pou« vait point faire d ’institution d ’héritiers : la loi elle« même appelait les .parens à l ’hérédité; celles des
« 17 nivôse an 2 et 4 germinal an 8 ne permirent
« plus la transmission de l ’hérédité; les libéralités
« qui furent autorisées ne furent plus que de simples
« legs, qui é t a i e n t u n e charge imposée à l ’ héritier du
« sang. Ces lois opérèrent en sa faveur une saisine
« directe et immédiate; dès-lors l'institution cessa
« d ’ètre une marque distinctive du testament : ce ne
« fut plus q u ’ un vain mot, une expression inutile ;
« on ne put pas tirer avantage de celle qui était con« tenue
« d ’effet,
un acte : elle n ’y p r o du i sa i t pas plus
q u ’autrefois, dans les pays de coutume, où
dans
« les testamens n’étaient que de véritables codicilles. »
Telle est l’objection des appelans.
Pour y répondre^ examinons rapidement le système
de la législation qui a précédé le Code civil, et voyons
si les conséquences q u ’on en tire sont fondées. D ’abord
la loi du 7 mars 179^ nc peut pas être invoquée,
puisqu’elle se borna à abolir la faculté de disposer eu
ligne directe.
Celles des 5 brumaire et 17 nivôse an 2
e ur e nt
pour objet d ’empccher de dépouiller les héritiers du
�sang par des dispositions trop considérables en faveur
d ’étrangers ; d ’établir entre les successibles la plus
parfaite égalité dans les partages; elles laissèrent aux
époux la liberté de se faire réciproquement des dispo
sitions illimitées, lorsqu’ils n’avaient point d ’en fans,
et sauf réduction à un usufruit, lorsqu’ils en avaient.
Résulta-t-il de ces lois l’abolition générale de tous
les effets de l ’institution d ’héritier? Non : l ’ensemble
de la loi du 17 nivôse démontre le contraire; d ’abord
l ’institution d’ héritier, entre époux sans enfans, pro
duisait les mêmes effets q u ’anciennement; ainsi cette
institution saisissait de plein droit l ’époux institué ,
lui donnait droit aux fruits, du j o u r du décès; et, en
cas q u ’il n ’eut été i n s t i t u é q u ’en u n e p a r t i e , il a u r a i t
eu la t o t a l i t é , en vertu de l ’ i n s t i t u t i o n . L ’article 1 4
de la loi du 17 nivôse ne laisse aucun doute à cet
égard.
De même, celui qui n’avait pas de parens était maître
de disposer de la totalité de sa fortune, et de la même
manière q u ’anciennement, par institution d ’héritier
ou autrement.
Les limites apposées par ces lois à la faculté de dis
poser n ’ayant eu pour objet que l’intérêt des succes
sibles, dont elles déterminèrent la réserve, les insti
tutions d héritiers ne furent abolies q u ’autant q u ’elles
pouvaient porter atteinte à cette réserve. Mais il fut
toujours loisible, en pays de droit écrit, de donner
la portion disponible, soit ¿1 titre d ’institution , soit
à titre de legs.
�Les héritiers du sang n ’étaient àaisis légalement que
de leur réserve, et la saisine de la portion disponible
continua d ’appartenir à ceux q u ’on avait honorés du
titre à'héritiers. On ne trouve dans ces lois aucune
dérogation, ni expresse, ni tacite, au droit ancien
en cette matière; il n’était, comme nous l’avons ob
servé, dans l ’esprit de ces lois que d ’établir l ’égalité
entre les héritiers, et de leur assurer d’une manière
certaine la portion indisponible. Ainsi, pourvu que
les limites q u ’elles avaient tracées fussent respectées ,
elles ne s’occupèrent point de la manière dont on dis
poserait de ce qui n ’était point compris dans sa prohi
bition; et il y eut toujours cette différence entre les
dispositions à titre (Vinstitution et celles faites à titre
de legs, que, par les premières, on était saisi de l ’objet
de l'institution de la même manière que l'héritier
appelé par la loi, au lieu que, par les secondes, on
était obligé (le demander, la tli:l ivianre.
La loi du 17 nivôse avait embrassé, dans sa solli
citude, les païens à 1111 degré quelconque; elle avait
établi en leur faveur une réserve, toutefois plus ou
moins considérable, selon que les parons étaient des
descendans ou des collatéraux., Celle du [\ germinal
an 8 n’établit des réserves q u ’au profit des parons qui
n ’étaient
pas à un degré plus éloigné que celui de
cousin issu de germain : tous ceux dont les païens
étaient au-delà de ce degré rentrèrent dans la pléni
tude de leurs droits; leurs libéralités purent avoir la
même éleudue et les mêmes caractères que celles îles
�f
époux sans enfans, au profit l ’un de l ’autre, sous la
loi du 17 nivôse, et que celles d’ un homme q u i , sous
cette même loi, n ’avait point deparens. Ainsi ils purent
instituer, ou en la totalité de leurs biens, ou en une
partie; et lorsqu’ils n ’avaient fait qu/une institution
particulière, elle devenait universelle, parce que, dans
ce cas, il ne pouvait y avoir des héritiers ab intestat
et des héritiers testamentaires. De même, ceux qui
avaient des héritiers à réserve purent instituer par
testament, pour la portion disponible; et si, par l ’évé
nement du décès du testateur, il n’existait pas d’hé
ritiers auxquels la loi l ’obligeât de laisser une partie
de sa succession, l ’héritier de quote, q u ’il avait fait, la
recueill ait t o u te entière.
Ceux qui o n t prétendu que la loi du 17 nivôse
an 2 avait assimilé les pays de droit écrit aux pavs
couturniers; que les testamens n ’y furent plus que de
véritables codicilles; que l'institution d ’héritier n 'y
produisait que l’eilet d ’un legs, ont commis une grande
erreur.
Ils
auraient du nous donner les preuves de cette
innovation, qui nous paraît autant en opposition avec
1 esprit de la loi, que contraire à ses termes, et con
traire à la manière dont elle a été interprétée en pays
de droit écrit. O n ne citerait pas un seul notaire de
ces pays qui n’ait fait et n ’ait cru pouvoir faire, sous
1 empire des lois des 17 nivôse et !\ germinal, des
actes contenant institution d ’ héritier, de véritables
testamens; e t , sans doute, on 11c prétendra pas qu'en
luisant de pareilles dispositions, ils fussent persuadés
�c 3o )
qu ’elles n’avaient rien de réel; que les termes dont ils
se servaient étaient inutiles, déplacés, et même ri
dicules.
Comment cette loi
aurait-elle
pu a b o li r ,
par
l ’article Gi , tous les principes qui étaient suivis en.
pays de droit écrit, et notamment ceux qui étaient
relatifs à la saisine des institués, lorsque cette loi ne
régla rien sur cette m a tiè re , non plus q u ’en bien
d ’autres? Ne sait-on pas, au contraire, qu e, dans ces
pays, on appliquait le droit romain pour tout ce à
quoi il n’avait pas été dérogé par les lois nouvelles, et
que jamais on ne donnait une trop grande extension
aux dispositions contraires aux anciens principes.
Il
est évident que l ’abolition portée par l ’article 6 r ,
ne doit s’entendre que des lois, coutumes, e tc ., qui
concernaient
la fixation de la quotité disponible,
suivant l’état de la famille du disposant, sa capacité de
d o n ne r , la c apa ci t é de recevoir de la par t d u d o n a t a i r e ,
l ’ordre des païens qui étaient appelés à succéder, etc.
Mais la loi n ’ayant pas réglé de quelle manière on
pouvait donner la portion disponible, ni les effets que
pouvait produire le genre de disposition, il fallut s’en
référer aux anciens principes. Dès-lors on put donner
par testament ou par c o d ic ille , à titre d ’institution,
ou à titra de legs y et la différence qui existait entre
ces manières de disposer fut maintenue, ou plutôt no
fut pas abrogée. Ainsi l’institution ne put avoir l i e u ,
comme auparavant, que par testament; et il fut tou
jours vrai de dire que lorsqu’elle avait lieu dans un
�( 3> )
acte qui n’avait pas de dénomination, ou qui en avait
une douteuse , elle annonçait que l ’acte était un
testament.
S ’il pouvait rester le moindre doute à cet égard, il
suffit de lire le passage suivant de l ’instruction de
M. Bergier, sur la loi du 4 germinal an 8 , sect.
,
6
distinct, i , n° 196 :
« Ce titre d ’héritier peut être, ou déféré à un seul
« institué, ou attribué conjointement à plusieurs,
« pour en partager l ’utilité également ou inégalement;
« enfin, l ’institution peut être accompagnée de legs
« dont les héritiers testamentaires sont chargés; mais
«
«
«
«
elle ne peut pas être limitée à certaines parties de
la succession seulement, sans disposer du surplus ».
De sorte que personne ne peut laisser, en droit
écrit, deux classes d'héritiers de ses biens disponibles ,
« les uns testamentaires, les autres ah intestat; et que
« les héritiers testamentaires, quand ils ne seraient
« institués que pour une faible portion, ne prennent
« pas moins, par accroissement, tout ce qui est dispo« nible de l ’hérédité. »
Cet auteur établit jusqu’à l ’évidence q u ’on pouvait
instituer p our les biens disponibles, et que l ’accrois
sement avait lieu pour tout ce qui était disponible,
et n avait pas été compris dans l ’institution.
Au n° 198 de la même section, il établit que les
héritiers testamentaires, en droit écrit, sont saisis,
par la l o i , des biens disponibles de la succession 7
aussitôt q u ’elle s’oum *.
�( 3* )
Après avoir démontré que, sous les lois en vigueur
à l'époque où lu disposition d ’Antoine-Marin de Baille
a été laite, les effets de l'institution n’étaient pas
abolis, nous pouvons invoquer avec plus de confiance
les principes des lois romaines , et la doctrine des
auteu rs.
L ’application que reçoit à notre espèce la loi i 3 ,
au D. D e ju r e co d icillo ru m , dont nous avons rap
porté le texte, est remarquable. Il s’agit, dans l'acte
du 17 frimaire, comme dans celui de la loi romaine,
d en d é te r mi ne r la nature, par l'intention q u ’a eue le
d i s p o s a n t , et par les dispositions q u ’ il a f aites ...... Le
jurisconsulte romain décide q u e , si l ’acte contient une
substitution, des legs à la charge de Vhéritier institue',
c’est un testament q u ’on a entendu faire, et non un
codicille. Dans notre espèce, le sieur de Baille a fait
une institution , et des legs pies qui sont nécessairement
à la charge des héritiers ins ti t ué s , p u i s q u ’ il ne pou
vait pas porter atteinte à la réserve de la moitié de
ses biens, établie en faveur de ses successeurs ab
intestat. Il y a donc la même raison de décider que
c ’est un testament q u ’on a entendu faire; et notre
espèce est encore plus favorable, en ce que l ’acte n ’a
pas été qualifié de codicille, comme dans la loi ro
maine; il a été qualifié de donation à cause de mort,
qui pouvait être aussi bien un testament q u ’un co
dicille.
On a prétendu que nous avions très-mal
interprète
l ’opinion de i* urgole, sur la manière dont 011 doit,
�reconnaître un teslament d ’aVec un codicille. Pour
éviter un semblable reproche, nous nous abstiendrons
de toute interprétation; nous nous bornerons à rap
porter les passages suivans, quoique ses savantes disser
tations,' contenues auîï chap. 2 , sect. 7 , et chap. 12,
aient besoin d ’etre méditées dans leur ensemble.
Chapitre 2 , section 7 , n° 2. « Au contraire, il
« faudrait regarder la disposition comme un testament
« et non comme un codicille, si elle contenait une
« institution , des substitutions directes, ou une exhé« rédation
3 quand
même on n ’aurait appelé que cinq
•l témoins, par la raison que nous avons touchée, que
« le contenu en la disposition doit en déterminer la
« n a t u r e , plutôt que la formalité extérieure. Loi 14 ,
« au Code D e Testant. Dans ce cas, la disposition
« serait nulle, suivant la loi i 3 , D e ju r e co d icill.T ).
»...
I1'
Chapitre 1 1 , n° 3 5 . « Que si l ’acte n ’est qualifié
« ni de testament ni de codicille, il faut juger de sa
« nature par les dispositions q u ’il contient. Si,
par
« exemple, 1 acte contient des institutions universelles
« et des exhérédations qui ne peuvent pas convenir à
« lin codicille, il faut considérer la disposition comme
« un testament. Loi 1 4 ? au C . non co d ic illu m , sed
« testarnentu/n, etc. »
Même chapitre, n° 37. ft II faut néanmoins prendre
« garde q u e , quoique la disposition soit nommément
“ .qualifiée de codicille dans l a c t é même, néanmoins
M une telle qualification ne doit pas prévaloir sur 1q
�(34
)
k volonté qui paraît clairement par les dispositions
« qui y sont contenues, parce que la difficulté qui
« consiste à déterminer la nature d ’un acte, est une
« question de volonté qui peut être expliquée par la
« qualité des dispositions. Voilà pourquoi, si l ’acte
« contient une institution d ’héritier, une substitution
« directe, et des legs, dont le testateur a chargé son
« héritier dans l ’acte qualifié de codicille, il faudra
« le considérer, non comme un codicille, mais comme
« un testament, et déterminer par-là sa validité ou
« sa nullité, selon que les formalités requises au tes« tament ont été observées ou négligées. L . i 3 , de
« ju r e coclicill. »
Voilà donc à quoi se réduit cette affaire, que pav
tant d ’efforts^on à cherché à rendre douteuse, afin
d ’en tirer la conséquence que, dans le doute} il fa lla it
entendre et exp liqu er l ’acte dans le sens qui peut
le f a i r e 'v a lo ir . Il faud rait, pour q u ’il y eût du
doute, que l ’institution d ’héritier ne fut pas la plus
forte de toutes les preuves de l ’intention q u ’on a eue
de faire un testament, plus forte même que celle qui
se tire de la dénomination donnée à l ’acte, et de la
solennité q u ’on y a observée. Ce ne sont pas seulement
les lois romaines, dont nous avons rapporté le texte,
et Furgole qui
nous l ’apprennent , mais
tous lcs
auteurs qui ont écrit sur cette matière : N am a d h u C
ob illam hœ redis institutionem , testamentum conjîcere
voluisse prœsumitur. liu ju s traditionis ea est ratio >
quia actus non ju d iç a tu r à nudd dcnam inatione, sed
�( 35 )
ab effectu ............ Menochius, D e prœsumptionibiis
3
lib. 4j prœsumptio 3 .
Mantica répond ainsi à l ’objeclion tirée de la ma
nière dont on doit interpréter l ’acte en cas de doute :
N e c officit , quod in dubio sit capienda ilia co n jec
tu ra , quoi fa c it actum v a lere, quia rom anus respondet in D . § T ra cta ii in fin e : hoc verum esse
quando fa c it actum valere eo modo quo f u it actum ;
3
sed eæ hœredis institutione colligitur evidenter, quod
quis voluerit fa cere testamentum. Igitu r contrà voluntatem defuncti non debet id sustineri ju r e cod i-
3
cilloru m , est magis tolerabile reddi inutilem testatoris
dispositionem , quain aliq u id adm itti ut va lca t contrà.
eju s voluntatem . L ib . i , Ut. 3 .
On voit par là que la maxime, in d u b io , est vraie
ii l ’égard de toute disposition q u i , portant à l ’exté
rieur un caractère particulier, ne présente des doutes
que sur le fond des choses’ qui en sont l ’objet; mais
q u ’elle cesse d ’etre applicable, lorsque, la disposition
étant conçue dans des termes qui annoncent un genre
<le disposition, on voudrait, pour lui conserver sou
effet, la transformer en disposition d ’un autre genre :
Quando f i t digressio de una specie in alteram specie ni
divcrsam
, Aleuti
cum digreditur de testamento a d
c o d icillo s...... N am in ca su ..........substantia testamenti
ommnò répugnât substantiæ co d icillo ru m } cum in
c o d ic ilh s , directe quis hæres instim i non p o ssit, et
tamen polest in testamento...... Mcuoch. D e prwsump,
pnesuinpt. a , n° 30.
�fJC V
( X, )
Il
est à remarquer que les auteurs n ’hésitent pas à
regarder comme
testament l’acte qui
contient une
-institution, quand même il serait qualifié de codicille,
et quand même il ne siérait fait q u ’en présence de cinq
témoins. Ne doit-on pas, à plus forte raison , le décider
ainsi pour un acte qui a une qualification commune au
testament et au codicille, et qui est fait en présence de
six témoins, y compris le notaire, dans une-campagne
où le nombre des personnes capables d ’être témoins était
et lorsque, pour un codicille, il suffisait d ’y eu
employer c i n q ? ( O r d o n n a n c e de 1^3 5, art. i 4 )*
Que sert, après cela, de dire q u ’on semble avoir
rare,
évité à dessein le mot testament ( i ) ,
lorsqu’il est
certain q u ’on pouvait faire une donation à cause de
mort par testament, et q u ’en y faisant une institution
d ’ héritier, on faisait un véritable testament? F l i t - i l
v r a i , d ’ailleurs, q u ’on eut évité ce mot à dessein, la
loi n’y v errait pas un motif pour le faire valoir comme *
codicille. Elle y verrait plutôt un moyen détourné
pour faire un héritier, sans employer les formalités
rigoureuses prescrites pour les testamens.
Quelques explications que les appelans s'efforcent
de donner aujourd’ hui sur la qualité de cet acte du
17 frimaire an 1 1 , q u ’ils avaient si long-lcms euxmêmes qualifié de testamens dans tous leurs actes <1°
procédure, leurs propres'aveux prouveront toujours 1*
(1) Voyez page a «lu Mémoire des appelans.
�v'JV
( 37 )
certitude où ils étaient, que M. de Baille avait voulu
les gratifier par un testament, et il devra paraître ex
traordinaire q u ’ils aient cru pouvoir faire, à volonté,
de sa disposition, un testament ou un codicille.
Nous ne pouvons passer sous silence la défaveur
q u ’ils ont cherché à jeter sur la mère de Mélanie de
B a il l e , en supposant q u ’elle n’avait pas vécu en bonne
intelligence avec le testateur (i). Que ne peut-elle
faire entendre, elle-même sa voix, et apprendre à la
justice les manœuvres q u ’on mit peut-être en usage
pour chercher à les désunir ! Les papiers de la suc
cession nous apprennent, toutefois, q u ’Àntoine Marin
était détenteur de la succession cl’A u t o i n e de B a i l l e
de M a l m o n t } que c et te succession appartenait au père
de Mélanie -, que même ce dernier n ’avait touché
q u ’une faible partie de ses droits légitimaires : il ne
réclama rien de son vivant; et son désintéressement
fut imité par sa veuve. Sont-ce là de mauvais pro
cédés, des preuves de mésintelligence?
On ne sait non plus sur quel fondement les adver
saires ont parlé de soupçons mystérieusement répandus,
d ’imputations publiques ou secrettes. Forts de notre
conscience, nous leur faisons le défi de prouver que
nous ayons dit, soit en public, soit en particulier,
autre chose que ce que nous leur avons dit à euxmêmes. Nous nous sommes plaint avec laison de
ce qu ils n avaient produit leur titre que plus de
( i) Page 3 de leur Mémoire.
�sept ans après le décès du sieur de Baille, et de ce
q u ’ils ne s’étaient pas présentés pour concourir au
partage judiciaire.
Quant à leur parenté, nous ne l’avons jamais con
testée; mais nous n ’avons trouvé, dans la succession,
aucun acte qui
en établit le degré; au reste, cette
parenté ne saurait, aux yeux de la C o u r , donner effet
à un acte nul.
Ne serait-ce pas aussi pour inspirer quelque intérêt
de p l u s , que nos adversaires ont cru devoir parler d e
le u r v ê l e m e n t c o m m u n ? c o m m e s’ ils i g n o r a i e n t que si
la justice ne fit jamais acception des personnes, elle
ne se laissa aussi jamais surprendre par ces petits
moyens.
Quant à nous, investis de la succession de notre
oncle, par la voie de la nature et l ’autorité de la loi,
que produit-on pour nous dépouiller? un acte, q u i ,
sous q u e l q u ’a s p e c t q u ’o n l’envisage, ne peut soutenir
les regards de la justice, et sur la validité duquel les
appelans eux-mêmes ont peu compté. Nous devons
donc attendre avec autant de calme que de respect la
décision de la Cour.
D
e
LAGREVOL.
Me L A F O N T , A vo u é-licen cié.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRES LE PALAIS DE JUSTICE.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Baille, Marie-Françoise-Mélanie de. 1821]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Lagrevol
Lafont
Subject
The topic of the resource
testaments
successions
pays de droit écrit
codicille
donations
vices de forme
doctrine
droit intermédiaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour Marie-Françoise-Mélanie de Baille, et Hippolyte de Lagrevol, Procureur du Roi à Yssingeaux, son mari, intimés ; contre Claude et Mathieu Mijollas, frères, appelans ; en présence de Jean, Jean-Pierre Chambouvet, et Jean Romeyer, tuteur de ses enfans mineurs, d'avec Jeanne Chambouvet, aussi intimés.
note manuscrite : « après deux partages, arrêt des chambres réunies, 1 er juin 1821, Journal des audiences, p. 354. »
Table Godemel : testament : 20. sous l’empire des ordonnances de 1731 et de 1735, comme sous le code, toute disposition de dernière volonté, soit testament, soit donation à cause de mort, ou codicille, devait contenir, au moins en termes équipollents, la mention qu’elle avait été dictée par le disposant, et écrite par le notaire, à mesure de sa prononciation. cette formalité étant de l’essence de l’acte, son omission en entraînait la nullité, encore qu’elle ne fut point formellement prononcée par la loi.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1821
An 11-1821
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2513
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2511
BCU_Factums_G2512
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53499/BCU_Factums_G2513.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Yssingeaux (43268)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
codicille
doctrine
donations
droit intermédiaire
pays de droit écrit
Successions
testaments
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53703/BCU_Factums_M0204.pdf
73264ce9ba559155867a153ee7ce8b71
PDF Text
Text
CONSULTATION
\
s
POUR LES ENFANS BOISSON.
J u r i s c o n s u l t e soussigné, délibérant sur les quese
L
fa/dy jt) .
*
/*rX -/
/
tions verbalement proposées, de savo ir, 1 ° . si l’intervention , dans une expropriation forcée, à l ’effet d’exercer
une revendication, est nulle parce que l’exploit par lequel
elle a été form ée a été signifié au domicile réel du poursui
vant , en parlant à sa personne , au lieu d’être donné
au domicile par lui élu dans la même ville où il demeure ;
2 °. si cette irrégularité, fût-elle réelle , justifieroit le ju
gement d’adjudication, o u , pour m ieux d ire , le procédé
du tribunal de prem ière instance, qui a prononcé , par un
•
seul et même jugem ent, sur trois points qui devoient faire
la matière de trois jugemens séparés, aux termes de l’arti
cle X X I X de la loi du 1 1 brumaire an 7
E s t d ’ a v i s , en premier lieu , que la nullité prétendue
de l’ intervention , pour n’avoir pas été signifiée au domi
cile é lu , n’est qu’ une illusion. Signifier à la personne trou
vée à son domicile réel est faire plu , pour l’instruire de
la poursuite ( ce qui est le but de la loi ) , que de signifier
à un domicile élu. O r , qui fait plus qu’il ne doit, n’est
A
�(a)
-
pas en défaut. L ’art. X X V I I de la loi du 1 1 b rum aire, qui
prescrit la signification au domicile é lu , a voulu donner
une facilité au demandeur en revendication, et non lui
i m p o s e r une obligation rigoureuse; aussi n’a-t-il pas in
terdit la signification au domicile réel ou à la personne,
ni prononcé la nullité de la notification qui seroit faite
par cette dernière vo ie , qui est la voie ordinaire.
Enfin , l’intervention a été connue par la notification à
p e r s o n n e , puisqu'elle a été discutée .contradictoirement à
l’audience. * I^e but de la loi a donc été rempli. A près
c e l a , jouer sur les mots, relativement au lieu où la c o n n o is-v .
.
sance a été donnée, c’est chicane.
*V
E n second -lieu , quand la demande en revendication. ,
nu roit été n u lle , il n’en seroit pas moins vrai qu’elle
''
üvoit été form ée; qu’étant fo rm ée, il falloit y statuer ,
-
*
•
ve fut-ce que pour la déclarer nulle ; qu’ il y a été statué
effectivement après une discussion très-chaude; que cette
intervention a été reçue, et que la revendication qu’elle
uvoit pour objet a été rejetée : tout cela est consigné dans
le jugement.
Il n’est donc pas moins v r a i, non plus, que le jugement
qui a rejeté la revendication a ordonné aussi qu’ il seroit
passé outre à l’adjudication, et qu’ il y a été procédé de
suite, sans désem parer, et que le tout ne forme qu’ un
1
seul et unique jugement. O r , l’art. X X l X v o u l o i t impé
rieusement, et pour de justes motifs , qu’ il y en eût trois,
parce que tous trois étoient susceptibles d’app el, pour un
luit distinct.
J1 v o u l o i t
jets
aussi qu’ il fût sursis
r e v e n d iq u é s ,
a
l’adjudication des ob
par cela seul qu’ils étoient revendiqués.
r
�(
3)
L e précepte im périeux de cet article a été méprisé par
le tribunal de prem ière instance ; une pareille violation
de la loi pourroit-elle trouver grâce devant le tribunal
d’a p p el, qui en est le vengeur ?
D é l i b é r é à Clermont-Ferrand, le 1 4 pluviôse an 12.
B E R G IE R .
Le
SOUSSIGNÉ , qui a v u la consultation ci-d essu s ,
pense que la nullité opposée contre l’ intervention, fondée
sur ce qu’elle a été signifiée au domicile réel de la partie
intéressée , en parlant à sa personne , est absolument des
tituée de raison , le domicile élu n’étant fait que pour
suppléer le domicile réel.
L e soussigné pense également qu’on n’a pas dû faire
droit sur l’ intervention , et passer outre à l’adjudication
par un seul jugement ; et qu’il y a lieu d’ interjeter appel
du jugement dont il s’a g it , soit parce qu’on n’a pas eu
égard à l’ intervention, soit en ce qu’on a tout cumulé
dans le m ême jugement.
D é l i b é r é à Clerm ont-Ferrand, le 16 pluviôse an 12 .
BOIROT.
A
RIOM
f DE l ' IMPRIMERIE DE
DU T R I B U N A L
LAND RIO T
d ’a p p e l
—
, SEUL i m p r i m e u r
18 0 4 X II
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boisson. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Boirot
Subject
The topic of the resource
vices de forme
expropriations
Description
An account of the resource
Consultation pour les enfants Boisson.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1804
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
3 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0204
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53703/BCU_Factums_M0204.jpg
expropriations
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53771/BCU_Factums_M0323.pdf
c7957bf48104eb5cbfb36c6d61e1c51a
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Text
MEMOIRE
EN RÉPONSE
POUR
L A F O N T , *et L o u i s - A uguste
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C a th e rin e
CONTRE
L A F O N T J e a n -B a p t i s t e BOUR.
N E T J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
M a r i e L A F O N T , leursfemmes, habitant aussi
à N éris, appelans.
G ilb e r t
;
C e n’etoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
COUR
D ’A P P E L
DE R I OM.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour l’ien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux qui, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tache de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né mort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
De sa part, au contraire, l’intimée a établi claii’ement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et qu i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trou ver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits ¡\ ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur lu foi de quelques
�( 3 )
faits insignifians, à -présumer que l’enfant pouvoit être
venu au inonde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa, le 14 brumaire an 1 o , GilbertMarie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert Lafont, son frère
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de scs couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; mais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle ne s'entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’éloit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�( 4 )
Ses couches furent extrêmement laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la môme fatigue qui accabloit la mèi’e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode oi’dinaire. Le cordon ombilical coupé, on cher- ^
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’eau -d e-vie, et on ne l’employa
pas moins au môme usage. Le résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs , l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’é teindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la mort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivnt que long-temps
après l’accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�(S)
Après le baptême, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, avant de partir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la mairie , et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit mort,
les deux actes furent faits^ l’un à la suite de l’autre, le
21 frimaire an n .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même ; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
mari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-même étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se fit faire, une saisie-arrêt par scs
bcaux-irères Buuruet et Foriclion, dans lu vue u’embar-
�( 6 )
rasser Catlierine Lafont, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert Lafont, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
Le premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an i i .Alors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux fermés, et que
tous les assistans s’écrièrent : Voilà un crifant m o rt ;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui de voit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
Lo premier témoin est le curé-adjoint, qui a admi-
�. ( 7 )
nisti’c le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
Le second témoin , François C orre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
Le troisième, M arie L a fo n t,fe m m e P ig n o t , la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fît signe qu’il étoit mort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche*,
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses genoux, et ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. Le curé vin t, le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle-m êm e à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la tranquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième témoin, M arie B o u rn et, ne sait rien
par elle-même; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém oin, Marguerite L a fo n t , v e im
�m
JBojinefoi, a vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant ; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
remarqué qu’il a fait un léger sou p ir , ce qu’elle a re
gardé comme un signe de vie ,• elle n’en a pas remar
qué d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les advei’saires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
mort ; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
Le premier témoin est la sage-femme ; elle sentit les
mouvemens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du CŒur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u -d e -v ie ,' et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. Alors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
( quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
lo curé est venu et l’a baptisé.
Le second témoin, François JDurin , a soupé avec le
curé le soir des couches. Le curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�C9 \
avoir touché son estomac, senti de la chaleur , cru remarquer de la viey et baptisé l’enfant.
Le troisième témoin est Marie B ournet , déjà entendue.
Le quatrième témoin, la fem m e Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du v in , lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ u r , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l’enfant soupiroit j mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guillemin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qu’il n'auroit pas
*f a i t , s iln eût cru s'être assuré de son existejice, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde viva n t, et qu’elle l’avoit ainsi déclaré à son
confesseur.
Le sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fut vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il étoit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit remarqué plu*
sieui's autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
4 l’enquête directe, et même les enquêtes entr’clles. 11
B
�( 1° )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
cc foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures apj ès m id i , c’est-à-dire, demi« heure ajDrès sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour décr truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme officier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lui-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître ; qu’il l’a jugé ainsi
“ aux excréinens qu’il a vu tomber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�«
«
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«
C ii )
femme lui a dit que le cœur de l’enfant battoit encore,
lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
faire; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
de la mère, il ne lui a remarqué aucun signe de vie,
quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
lui ait mis les doigts dans la bouche, et y ait soufflé;
que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-même si
l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a entendu dire dans la maison qu’il étoit encore vivant ;
que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
a regardé comme un signe de vie;
« Que de ces cinq témoins , le troisième est le seul
qui soutienne que cçt enfant étoit m ort, parce qu’il
le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accoucheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
a proposé au témoin d’y porter la main, ce qu’il n’a
voulu faire, disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
attesté que l’enfant étoit né vivant; que cette même
accoucheuse l’a ainsi déclai’é lorsqu’elle a été appelée
en témoignage par Catherine Laiont; que le quatrième
témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie; que le cinquième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�t
( 12 \
a de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé; qu’on en est
«
«
«
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«
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«
«
«
«
«
«
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième témoin ouï à la requête de Catherine Lafont,
à qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
soins à la mère, a confirmé la déclaration de cette sagefemme, lui a vu battre le cœur, lui a distingué des
mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il soupiroit ; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières circonstances, jointes aux actes de l’état civil, aux déclarations des témoins, doivent suffire pour constater la
vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
de manière que Catherine Lafont, qui a été m ère,
qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« Le tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à Montluçon, le 14
« nivôse an 13, etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert L^afont à
payer ce qu’il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt ; mais ils avoieut gardé le silence en
�' ( 13 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
Lafont, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13, parce que ce
jugement et celui du ig ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel lës Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent h dire i c\ que les enquêtes p ro u v e n t
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�.( I 4 )
remarqués par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce sont ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais
sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l'enseignent,
et la raison nous dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
Car, comme le dit M. Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est mort ou absent; car l’accou
cheur a lui-même un caractère public, et seul il fait foi
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3, art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfant soit porté à Vofiicier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( Loi du 20 sep-
�( i5 )
tembre, tit. 3, art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’un acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de faux, par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de forme, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux-, et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen des enquêtes ; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personnes s’écrièrent :
Voilà un enfant mort;
�(i 6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l’eau-de-vie, elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
€t avoit les yeux fermés ;
3°. Que François Corre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
sc transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée,* et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
Le premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens ;
mais Marie Bournet ne le confirme pas.
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle sc contredit elle-meme
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit mort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
Lattre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
vivant, parce, qu "‘elle ne s y connaissait pas : cependant
elle avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitement ayep la dé
position
�( 17 )
position du témoin Forichon, qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette même Pignot leur avait attesté que
l’enfant étoit vivant, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : Voilà
un enfant mort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
Pignot, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait isolé, faux et inutile. Mais personne-n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux femiés.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. La loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
témoin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin ins
trumentale il feroit encore fo i, et ne seroit pas admis
à se rétracter.
lie quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par la
P ign ot, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couclics jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i8 )
Corre dit'que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
Le cinquième fait est démontré faux par tous les té
moins; car bien loin que le sieur Reynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir, il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
Ainsi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�C *9 )
L e cu ré auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez long, la vie de l’enfant n’ait pu que diminuer,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût mort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivant, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ dicunt sufficere quod aliquod mernbrum baptizetur, ut sit irifans christianus .
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la vie, d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A insi,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
public, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guillemin, à qui le curé a dit à diilerens inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
Si à cela 011 ajoute les dépositions de la sage-femme
de la veuve Bonnefoi et de la femme Gorre, il n’y aura
plus à douter; car les m oum ncns de l’enfant dans la main
C 3
�( *> )
de la sage-femmè, les battemens du cœur, les soupirs ,
les bras remués trois à quatre fois, la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
. Cent témoins, qui diroient avoir vu un individu mort,
ne détruiraient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivant. Les apparences de la vie et de la mort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
Les signes de vie remarqués par les témoins so n t-ils
suffisons ?
> Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois romaines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il mouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit nul, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
Mais dès l’instant qu’il étoit né, il devenoit capable de
succéder et de transmettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet i l l i c o decesserit. L. 2 , cod.
•ZJe post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand 1111 testa
ment étoit annullé par la naissance d’un posthume. Les
�( « )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir vécu, eut crié, c/«rnorern erniserit. Mais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rompu si l’enfant étoit
né vivan t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existim abant si vivus natus esset e t s i
v o c e m n o n e m i s i t rumpi testamentum : eorum etiam
nos laudamits sententiam , et sancim us , si perfectè natus e s t , lie et i l l i c o postquam in terrarn cecidit vel
i n m i n i b u s o b s t e t r i c i s decessit, run/pi testamentum. Loi Quod d iù , code D eposth. lib.
Cette supposition d’une mort aussi prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque le son
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu, quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
S i non integrum anim al editum s i t , curn s p i r i t u
tam en , adeo testamenium rumpit. L. 12 ; lf. D e liberis
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant ;
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L ivre i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . Domat, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succès*'
sion. Dans la première espèce, c’est-à-dire, cum agiturde statu e tjît qucestio statûs , M . Domat pense que l’en-r
fant, avant sept mois, n?est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s’agit que de transmettre la succession à ses
héritiers, ciim agitur de transmissione hœreditatis , les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suffit qu^il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans de
quatre et cinq mois, nés même par l’opération césarienne.
( Liv. 1, sect. 1, n°. 5 , p. 2. )
Remarquons qu*ici il s?agit d’un enfant venu à leruio
après neuf mois, et dès-lors légalement viable ,
�( 23 )
Henrys, cité encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Domat; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regai-dé comme mort
pour avoir rejeté des excrémens, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. Voici littéralement
le fait l'apporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne man« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par« devant le juge la sage-femme et un médecin. Le prê
te texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrement,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.... La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du médecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en ordonner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
« l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au para lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m ot, que sur le doute , et dans les cir« constances du f a i t , il fa llo it plutôt juger que Tenfant
« avoit eu vie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1} liv. 6.)
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, dit, au
�C 24
) *
rapport tle Bretonnier, dans son traité D e p a riu , ch. 16,
n°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu^
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières;
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
Le raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
La chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué k
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
.personnel. Le seul soupir entendu étant un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans inspix*ation,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme,
Tout cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
La base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le motive n’est pas exact, et par conséquent
le système s’évanouit tout^entier,
Lo
�( 25)
Le tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition de voit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
_ Le soupir appelé un dernier soupir est encore une
.erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de visu , ils ont dû remarquer que la sagefemme, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u -d e -v ie ,
entendit un gros soupir ; puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l’enfant soupirait, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der~
nier soupir.
A lo rs, et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère rende de l’air par expiration,
sans en ayoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
(deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après pette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la inspiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�( X
)
............................
coupée,la vie Surprise, pour ainsi dire, pendant sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairémerit par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pas la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une seule a s p ir a tio n , toute contractilité et
irritabilité semble une Chose entièrement impossible.
Le larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
Le galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : mais, quelle qu’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un corps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
'
Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
Voilà donc une présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfant vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant, où est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
quand les assistons ne l’ont pu reconnoître? Gomment,
dans une matière aussi conjecturale que les signes de la
�( *7 )
mort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa ,nais
sance, avant, ou pendant son baptême, ou in manibus
obstetricis , suivant le langage de la loi.
La sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gardé; puis le curé, mandé pour le
baptiser, est venu; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa mort.
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la mort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
Car, comme le dit M . W inslow , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi
te sage, le froid du corps, la roideur des extrémités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
s II est incontestable que le corps est quelquefois telle—
« ment privé de toute fonction vitale, et que le souille
« de la vie y est t e l l e m e n t caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. >3 ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la mort, page 84. )
Et c’est parce que les signes de la mort sont plus dou
teux que ceux de la vie, que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de reniant.
Si spirai’erit, dit Zacliias, si.membra distenderit , si
se r/éoverit, si sternutaverit., si urina/n reddat. (Quest.
m édico-lég. liv. i*?1*- tit. 5 ,11°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�.
C ¡8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit mort dans le ventre de sa mère, et celui
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier‘
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mère ne laisse
pas de doute ; au deuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins i f cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. (Médecine
civile, tom. i , n ° . 288.)
Mahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilité. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2,
pag- 393 - )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne Fétoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les r a i s o n n e m e n s de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
mort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
Eh ! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme l’ins-
�( ¿g ) ï
tant fixé de la mort'celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque joui*
sur la foi de cette croyance.
On sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude ; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mômes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du mouvement, étoit cependant m ort,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente ; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
Les couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc np pas croire que ces opérations ont
�( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente , plutôt q u e ’
d’assigner une époque antérieure, sans aucune certitude,
mais par simple soupçon.
'
Ici au moins nous présentons un système qui a une .
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
ce de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne fautj
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
(*Hîppocr. de superf. ch. 5 . )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an*
cienne théorie; Alphonse Leroi, qui les rappelle, ajoute :
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que.
cc nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( Alph. L eroi,
pratique des accouchemens. )
La section du cordon ombilical a donc pu nuire à un(
enfant déjà foible; des frictions d’eau-der-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que scs
soupirs ont annoncé le dernier effort do la nature; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœur, il
a résulté de cette suspension meme que c est alors seu-?
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans le
doute même, la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vie
pst ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. L à
il s’agissait de rompre 1111 testament, et c’étoit en pure porto
�f
►
*
*t
'Cr3*
)
I
1pour le'posthum e, ;s’il mouroit■'iffïcù) 'ïn manibus ofotetricis j ici, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
-faveur d’une mère, et de supposer que la nature a suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un enfant
q u i, venu à terme, étoit légalement viable.
1 On a articulé contre l’acte de naissance des vices de
forme, mais ils sont imaginaires, et Remporteraient au
cune peine de nullité. Le seul vice conséquent serait de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté h l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni mère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se'donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment antérieur ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem , suivant le
langage de la loi. On a,blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la nature et dans la morale, com m e il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
-de Domat, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas dit, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f ortunam , ut in dubio m atri f aveam us ,
quœ in luctu est m agno , propter amissum f ilium et
m a ritu m , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg.26
D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroient plus recommandables
des collatéraux, qui ne v o y a n t dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p roie, e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur famille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant ? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre public, par le motif
unique de leur intérêt particulier.
M e, D E L A P C H I E R , avocat,
M e T A R D I F , licencier avoué.
A. R IO M , de l’im prim erie de Landriot, seul im prim eur d e la.
C o u r d'appel
N ivose an 14.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 14
1801-Circa An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0323
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_G1508
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
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626173f899a036f446f360ed9c93fc81
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
COUR
D ’APPEL
EN
R É P O N S E ,
POUR
L A F O N T , et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesB ains, intimés ;
C a t h e r in e
t
-CONTRE
G ilbe r t L A F O N T , J ea
,
n-B a ptiste B O U R -
N E T y J e a n F O R I C H O N , M A r i e et autre
M a r i e L A F O N T \ leursfemmes ¡habitant aussi
à N é r is , appelans.
C e n’étoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
D E R I 0 M.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né m ort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa part, au contraire, l’intimée a établi clairement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et q u i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�( 3 )
faits insigniiians, à présumer que l’enfant pouvoit être
venu au monde sans vie.
* .
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa,le 1 4 brumaire an 10, GilbertM arie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi ; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�(4)
Ses couches furent extrêm em ent, laborieuses ; ’ mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la même fatigue qui accabloit la mère dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfaus sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode ordinaire. L e cordon ombilical coupé, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u -d e -v ie , et on ne l’employa
pas moins au même usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivât que long-tem ps
après l’accouchement, il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�( 5)
A p rès le b ap têm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, uvani de p a rtir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la m airie, et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’autre, 1g
21 frimaire an i i .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
m ari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-m êm e étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour pei’sonne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre i la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se lit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-frères Bournet et Forichon, dans la vue d’embar
�( 6 )
rasser Catherine L afon t, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert L afon t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
L e premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V oilà un erifant m ort;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 11 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e premier témoin est le cu ré-ad joint, qui a admi
�( 7)
nistré le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
I<e second témoin , François C o rre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
L e troisième, M arie L a fo n t, fem m e P ig n o t, la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fit signe qu’il étoit m ort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses g en o u x, et" ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. L e curé v in t , le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle - même à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la ti’anquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième tém oin, M arie JBournet, ne sait rien
par elle-même ; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém o in , Marguerite L a fo n t , veuve
�( 8)
Bonnefui^ '9. vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
r e m a r q u é qu’il a fait un léger so u p ir, ce qu'elle a re
gardé comme un signe de vie j elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
L e premier témoin est la sage-fem m e; elle sentit les
wiouvcmens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
■pulsations du cœ ur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u - d e - v ie , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il fit un soupir. A lors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
(quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
le curé est venu et l’a baptisé.
L e second témoin, François D u rin , a soupe avec le
curé le soir des couches. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�( 9 )
avoir touclié son estomac, senti de la chaleur, cru re
marquer de la viey et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est Marie Bournet , déjà entendue.
L e quatrième témoin, la femme Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du vin lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ ur , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l'enfant soupiroit ,• mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guiïlernin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches, Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiCil n'aurait pas
f a i t , s'il 11 eût cru s être assuré de son existence, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde vivant , et qu’elle l’avoit ainsi déclaré ù son
confesseur.
L e sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur h. l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fiit vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot ( celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il éloit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras ¿1 la tête , et avoit remarqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
à l’enquête directe, et même les enquêtes entr’elles. 11
B
�C 10 )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision ù deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
« foi jusqu’à inscription de fau x; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi« heure après sa naissance ; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour dé« truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie ; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme oflicier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lu i-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi
« aux excrémens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même* sage-
�( 11 )
« femme lui a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
« lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
« faire ; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
« de la mère, il ne lui a remarque aucun signe de vie,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lui ait mis les doigts dans la bouche, et y. ait soufflé;
« que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-meme si
« l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a enti tendu dire dans la maison qu’il étoit encoi'e vivant;
« que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de vie ;
« Que de ces cinq tém oins, le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o rt, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accou« cheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
« a proposé au témoin d’y porter la m ain, ce qu’il n’a
« voulu faire,>disarit qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
te chaleur à l’enfant-, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que Fenfant étoit né vivant; que cette même
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en témoignage pal* Catherine Lafont; que le quatrième
« témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
«' de l’enfant, qu’il avoit encore de la v ie ; que le cin« quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
«• signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
« résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
« qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
« Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�( 12 )
« de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé ; qu’on en est
« d’autant pins convaincu quand on considère que le
« quatrième témoin oui à la requête de Catherine Lafont,
« Ti qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
« soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage« femme, lui a Vu battre le cœ ur, lui a distingué des
« mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il sou
te piroit; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
« étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
« n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
« ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-5
« constances, jointes aux actes de l’état civ il, aux décla« rations des témoins, doivent suffire pour constater la
' v. vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
« de manière que Catherine L afon t, qui a été m ère,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à M ontluçon, le 14
« nivôse an 13 , etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert Lafont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an i i , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt; mais ils avoient gardé le silence en
�( i3 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
L afon t, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 13 ", les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13 , parce que ce
jugement et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Foriclion n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance ; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l'appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i°. que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�C *4 )
remarques par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce so n t ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais-
' sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les.
actes de l’état civil;, les ordonnances nous l’enseignent r
et la raison nous: dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
- C a r, comme le dit M . Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entièi-e, comme dépositaires.de l’état
des hommes.
- Il ne'faut pas etre plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou.
l’accoucheur, si le père est mort ou'absent;;car l’accou
cheur a lui-même- un caractère publie, e t seul il fait foi.
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3 , art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la' déclaration.
::-Enfin il faut que l’enfant soit porté à l’ofiicier public,
ou qu’il vienne.'s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sepr ;
�( 15>
tembre, tit. 3 , art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’au acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on peiïse l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de form e, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte publie ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,;
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen-des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luiinêtne.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personues s’écrièrent :
V oilà un enfant m ort;
�( i6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l ’e a u - d e - v i e , elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pale,
et avoit les yeux fermés ;
30. Que François Gorre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
40. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens :
mais Marie Bournet ne le pou firme pas,
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle se contredit elle-même
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit m ort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
viv a n t, parce quV/<? ne s’y comtois soit pus ; cependant
c]le avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitempilt ayec la dé
position
�(t7 )
position du témoin F oriclion, qui a ouï dire h. plusieurs
femmes que cette-même Pignot leur avait attesté quô
l’enfant étoit vivan t, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V oilà
un enfant m ort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
P ign o t, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait iso lé, faux et inutile. Mais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux fei'més.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
tém oin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit pas admis
à se rétracter.
L e quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par là
P ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même.quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i 8)
Corre dit que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquième fait est démontré faux par tous les té
m oins; car bien loin que le sieur R eynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir , il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’eniant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A insi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême ; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�( x9 )
L e curé auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que dim inuer,
cependant à son ai-rivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût m ort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivan t, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoît, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistce dicimt sufficere quod aliquod membrum baptizetur ut sit ijifans christianus.
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A in si,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guiltemin, à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
,
soit existence.
Si à cela on ajoute les dépositions de la sage-femme,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o rre , il n’y aura
plus à douter; car les mouvemens de l’enfant dans la main
C 2
�C(2o y
de la sage-fem m e, les battemejis du cœ u r, les soupirs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivapt. Les apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
Tjôs signes de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t-ils
sujjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et r é p u t é vivant toutes les lois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’interôt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v i e , licet i l l i c o decesserit. L . 2 , cod.
D e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoicnt pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit anuullé par la naissance d’un posthume. Les
�( 21 )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que Teniant, pour être réputéijvoir vécu, eût crié, cia*
morern emiserit. Mais les sabiniens n’étoient pns de cet
avis, et répondoient que la foible;sse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament était rompu si l’enfant étoil
né v iv a n t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existimabant si vivus iiatus esset
vocem n o n e m is it
e t
si
rumpi testamentum : eoruni etiain
nos laudamus sententiam , et s a n c i m u s s i perfectè liatus e st , licet
illic o
postquam, in terrain cecidit vel
decessit-, ruiiipi testamentum. L o i Quod dià , code D e posth. lib.
in
m in ib u s
o b ste tr ic is
Cette supposition d’une mort aussi.prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la,lpijjn’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque'le $pn
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
Si non integrum animal editurn sit, cum
s p ir itu .
tamen , adeo testamentum rumpit, L. 12 ; if. D e liber¿s
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant j
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L iv re i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D om at, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est q u e s tio n de sa v o ir s’il a succédé et transmis la succes
sion.' Dans la première espèce, c’ëst-à-dire, cum agitur
de statu et f i t quœstio statûs, M . Domat pense que l’en
fant^ avant sept mois, n’est pasJréputé avoir vécu : mais
quand il'ne s’dgit que de transmettre la succession à ses
héritiers, >Jcùm l agi fur'de transmissione hcercàitatis, les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suflit qu’il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des en fans de
quatre et cinq-mois,-nés même par l’opération césarienne,
( L i v . 1, sect. 1,11°. 5 , p. 2 .) '•
■Remarquons qu’ici il s’agit d’un enfant venu à tonne;
après neuf m ois, et dès-lors légalement viable,•
�( 23 )
Henrys, cite encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Dom at; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regardé connue mort
pour avoir rejeté des excrém cns, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V oici littéralement
le fait rapporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne raan« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par
te devant le juge la sage-femme et un médecin. L e pré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrem ent,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.. .. La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du m édecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en oi’donner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au par
oi lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m o t, que sur le doute, et dans les cir« constances duf a i t , il j'alloit plutôt juger que Venfant
« avoit eu v ie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1, li v. 6. )
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�Cm )
rapport de Bretonnier, dans son traité D e partie, ch. 16,
11°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu^
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières ^
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
' Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
L a chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué à
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
personnel. L e seul s o u p ir e n t e n d u éta n t un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans i n s p ir a t io n ,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de çontractililé et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme.
T o u t cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
L a base de ce système est une simple p o ssibilité : le fait
principal qui le motive rrest pas exact, et par conséquent
1A
C système s’évanouit tout entier,
Le
�(*5 )
L e tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition dévoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de v isu , ils ont dû remarquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e -v ie ,
entendit un gros soupir ,* puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l ’enfant soupiroit, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der
nier soupir.
A lo rs , et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère x*ende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après cette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse. Dans une tête
D
�'( **6 )
coupée, la vie surprise, pour ainsi dire, pendant Sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairement ;par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pds la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’ etéin t par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles-ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une Seule aspii’ation, toute co n tr a c tilité et
irritabilité semble une chose entièrement impossible.
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : m a i s , q u e lle q u ’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un coi’ps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
‘ Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
*
Voilà donc une'présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfànt vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant/ou est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
cjuaud‘ les as'àistans ne l’ont pu recorinoîlre ? Comment,
dans une matiè’re aussi conjecturale que les signes de la
�(
)
m ort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe-r^
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa,nais
sance, avant, ou pendant son baptêm e, ou in manibusx
obstetricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gai'dé ; puis le cu ré, mandé pour le
baptiser, est venu; ,et c’est après tojat cela qu’on a été
certain de sa mort.
: ?
>
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les s^nes de ia m ort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r,7 comme
le-» * dit M . W in slo w ,7 « si la chaleur du:)
'
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante >la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
« Il est-incontestable que le corps est quelquefois telle« meut privé de toute fonction vitale, et que le souille
cc de la vie y est tellement caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. » ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la m ort, page 84. )
.
E t c’est parce que les signes.de la mort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de l’enfant.
Si spiraverit, dit Zaclïias, si membra distenderit, si
se moverit, si sternutaverit, si urinam reddat. ( Quest.
njédico-lég. liv. I er. tit. 5 , n°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�( »8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l ’enfant seroit mort dans le ventre de sa m ère, et celui
; i
-»
7
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mèi’e ne laisse
pas de doute; aurdeuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. ( Médecine
civile, tom. i , n°. 288.)
M ahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilite. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
'« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2 ,
pag. 393- )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne l’étoit-il pas quand son coeur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les raisonnemens de l ’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
m ort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
.
..
Eh! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme Tins-
�( 29 )
tant fixe de la mort celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance. , ■
O n sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mêmes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent, étoit cependant m o rt,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
I<es couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
• ••.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme ; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l ’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc ne pas croire que ces opérations ont
�. . .
( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente, plutôt que '
d’assigner une époque antérieure, sans aucune cèrtitude,
mais par s im p le soupçon.
Ici au moins nous présentons un système qui a une
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
« de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne faut
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
( Hippocr, de superf, ch. 5. )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an
cienne théorie; Alphonse L ero i, qui les l’appelle, ajoute ;
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
« nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( A lp h, L e r o i,
pratique des accouchernens. )
lia section du cordon ombilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib lè; des frictions d’eau-d e-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que ses
soupirs ont annoncé le dernier effort de la nature ; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœ ur, il
a résulté de cette suspension même que c’est alors seu-r
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce‘ n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans lo
doute même,’ la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. Là
il s’agissoit de rompre un testament, et c’étoit en pure perte
�( 3* )
Jpotir le posthume , s’il m ouroit illic o , in m anibus obstetricis,* ic i, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a Suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un eufant
'q u i , venu à term e, étoit légalem ent viable. , , -
O n a articulé contre l’acte de naissance des vices de
form e, mais ils sont imaginaires, et n’emporteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent seroit de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
; la loi dit seulement qu’il sera présenté à l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
, >
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment a n té rieu r ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem, suivant le
langage de la loi. On a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la, nature et dans la m orale, comme il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
de D om at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f o r tunam , ut in dubio matri faveam us ,
quœ in luctu est magno , propter amissum f îlium et
maritum , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg. 2.6, D e pact.
dot. )
'• A quels titres en effet seroient plus recommandables
tdes collatéraux, qui ne voyant dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p ro ie , e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur fam ille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre p u b lic, par le motif
unique de leur intérêt. particulier.
Me D E L A P C H IE R ,
avocat.
Me . T A R D I F , licencié-avoué.
A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel, — Nivôse an 14
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0722
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0723
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53917/BCU_Factums_M0722.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
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cec7f0d335893e49c9390e19607d485c
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Text
CONSULTATIONS MÉDICALES
■ * ■'
■"
.
1
f;
.
D a n s la cause d’entre C a t h e r i n e
intim ée, et G i l b e r t
L A F O N T ,
L A F O N T , appelant.
L E C O N S E IL SO U S SIG N É , consulté sur la question de savoir
si l’enfanl de Catherine L afon t étoit m ort ou en vie au moment
d e sa naissance;
Ne pouvant établir son opinion sur une question aussi délicate,
que sur les diverses déclarations qui se trouvent dans l’enquête,
pense, après avoir m ûrem ent réfléchi sur ce qui a été dit par les
différens témoins, que l'enfant susdit étoit vivant au moment qu’il
est venu au monde.
L es motifs sur lesquels le soussigné établit son jugement à cet
égard, so n t,
1°. Les mouvemens des bras, répétés trois ou quatre fo is;
2°. Les battemens du cœ ur, observés plusieurs fois ;
3°. Les mouvemens du visage, après l’application des spiritueux;
4°.
Plusieurs soupirs : d’abord un gros, soupir observé par la sage-
femme ; les autres remarqués postérieurement au prem ier, par
Claire Gilet.
O r , il paroit impossible de ne pas reconnoitre la vitalité dans
des phénomènes semblables. .
COUR
D ’A P P E L
DE R.IOM.
�C O
II s u f f i t , pour se convaincre xlé cette' vérité f dé jeter les yeux
' sur les ouvrages de médecine légale ël sur ceux de physiologie. Il
y a plus; l'enfant n ’e ù t-il donné aucun signe de vie, e u t-il pré
senté même tous les signes de m o rt, tels que la froideur, l’immo
b ilité, le défaut de respiration, la roideur des m em bres, etc. e tc .,
on ne pourroit pas pour cela affirmer qu’ il n ’étoit pas viable, puis
que les traités d’accouchemens nous disent, et l’expérience l’a appris
à ceux qui se livrent à cet a rt, qu’on en a rappelé plusieurs à la
v ie , quoiqu’ils fussent dans un état de mort apparente. E h! com
bien ont été précipités au tom beau, qui eussent vécu , si on eût
employé à leur égard les secours que prescrivent en pareil cas la
physiologie et la m édecine!
Mais si on n ’eût pas pu affirmer la m ort de l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, lors même qu’il en auroit présenté tous les indices,
hors la putréfaction caractérisée par le détachement de l’épiderme
( d’après les écrits de C else, Zachias, L an cisi, H eister, W in s lo w ,
Bruhier, surtout ceux de Louis et de Portai ), à plus forte raison
est-on admissible à regarder comme vivant un enfant chez lequel,
malgré la longueur de l’accouchem ent, peut-être même malgré
les mauvaises manœuvres de l’accoucheuse , on a observé après
sa naissance, qui a élé 1res-pénible; chez lequel, disons-nous, on
:a' observé les phénomènes de la circulation, de la respiration et de
la sensibilité, qui sont tous les attributs de la vie.
On auroil désiré sans doute entendre les cris de l’enfant : ce signe
de vie eût frappé tous les assistans, et eût porté la conviction dans
tous les esprits. M ais on ne fait pas attention qu’il n ’y a rien de si
commun que de voir des enlans, surtout s’ils se présentent par
les pieds, venir au monde sans crier : il n'est aucun accoucheur
un peu praticien qui n’ait été témoin de ce fait. M ais ne doit-on
pas regarder comme des cris imparfaits les divers soupirs de l’en
fa n t, surtout si on a égard à sa foiblesse ?
L a respiration se compose de deux ordres de fonctions; l’une
par laquelle l’air entre dans la poitrine, et d i s t e n d plus ou moins
Mes poumons; on l’appelle inspiration; l’autre, par laquelle i’uîr
�(s 3))
-test chassé de1 la p o it r in e e t js e ,n o m m e expiration. L e soupir
IIs’exerce au moyen de, cette, dernière. Mais comme la sortit^ de
l ’air suppose son introduction , il faut nécessairement en con
clure que l’enfant chez lequel on l’a observé a respiré, et par
conséquent qu’il a "vécu.
't; T o u s les gens de Part savent que l’enfant ne respire pas, tant
qu’il est dans le sein de sa m ère, et que la circulation est toute
différente alors de ce qu’elle sera quand une fois il est au monde.
Com m ejil n ’est pas possible d’attribuer les mouvemens de la
face au galvanism e, qui n’a point été employé à l’égard de l’en
fant L a fo n t, le soussigné ne s’attachera pas à réfuter une pareille
idée.
Il y a lieu d ’être surpris qu’on ait pu arguer de la mort de
l ’en fan t, sous prétexte qu’il n ’a présenté que les phénomènes de
la vie organique, et nullement ceux de la vie animale. L e savant
B ic h a t, qui a admis ces deux vies, dans son immortel ouvrage
sur la vie et la m o r t, n’a reconnu la plénitude de ces deux vies
que chez l’adulte. En effet, la vie animale étant destinée, d’après
l ’auteur, à établir des rapports entre l’individu et ses semblables,
« entre lui et les objets voisins, à marier son existence à celle de Bichat
» tous les autres êtres, à sentir et percevoir ce qui l’entoure, à
» réfléchir ses sensations, à se mouvoir volontairement d’après
« leur influence, e tc ., » ne peut être l’apanage de I’enfajit au
moment de sa naissance, quelque viable et bien portant qu’on
le suppose. Il e s t, dans les premiers temps de sa vie, totalement
réduit ù la vie organique. D ’ailleu rs, pour nous servir encore
des expressions de B ich at, « chacune des deux vies se compoPag
» sant de deux ordres de fonctions , le premier ordre, dans la
» vie animale , s’établit de l’extérieur du corps vers le cerveau ,
» et le second, de cet organe vers ceux de la locomotion et de
» la voix. L ’impression des objets affecte successivement les sens,
» les nerfs et le cerveau : les premiers reço iven t, les seconds
J» transm ettent, le dernier perçoit cette im pression, q u i, étant
» ainsi reçue, transmise et perçue, constitue nos sensations, a
�(4)
O r , qui ne voit que les attributs de cette vie ne peuvent point
convenir à un e n fa n t, surtout dans les premiers momens de sa
naissance?
Délibéré à
C lerm ont,
le 8
janvier 1806.
B A YAR D,
D o c t. M é d .
L e soussigné , d'après la très-grande majorité des dépositions,
pense aussi que l’enfant est né vivant. L e seul mouvement du
cœ u r, qu'on dit avoir o b servé, suffit pour être de l’avis de
M . Bayard.
, ’
R A Y M O N D ,
Le
so u ssig n é ,
chirurgien.
docteur en m édecine, après avoir lu les mé
m oires, et d ’après les dépositions y contenues, estime que l’en
f ant est né vivant. L a vie est la faculté qu’a un corps organique
vivant d’être affecté par les puissances du dehors, et de réagir.
Cette réaction a eu lieu, parce qu’il est prouvé par les déposi
tions, 1°. que des mouvemens ont été remarqués dans le visage;
2°. qu’il y a eu mouvement des bras ; °. cela est prouvé encore
par la respiration ; °- enfin, par les mouvemens du cœur. Les
stim ulus ont donc produit dans ce petit corps organique une
4
3
réaction sur les puissances du dehors, dont le résultat a été la
vie.
A C lerm ont-F erran d , ce 9 janvier 1806.
D O U L C E T ,
D o c t. M é d t
/
A R .IO M , de l’im prim erie de L a n d r i o t , seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — Janvier 1806.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayard
Raymond
Doulcet
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Consultations médicales dans la cause d'entre Catherine Lafont, intimée, et Gilbert Lafont, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1806
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0723
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_G1508
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53918/BCU_Factums_M0723.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme