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PIÈCES JUSTIFICATIVES
DES
Conclusions des sieurs Louis DUPIC
M a g d e l a i n e CH A B R ILLA T *
et
CONTRE
Sieur L ouis-A nnet DAUBUSSON et autres.
J P a r d e v a n t nous, Espinasse et notre collègue, notaires à ClermontFerrand, y résidans,
Ont comparus sieur Louis Dupic, propriétaire, habitant de cette
ville de Clermont-Ferrand, d’une part, et Magdelaine Chabrillat,
aussi propriétaire, habitante de la d ite ville, d’autre part; lesquels,
chacun à leur égard et néanmoins par les mêmes motifs, ont
exposé être créanciers de sommes considérables des mêmes dé
biteurs, dont ils ne peuvent en ce moment loucher les remboursemens assez promptement pour remplir leurs engagemens
personnels envers MM. leurs créanciers présens, lesquels ils
invitent à accepter l’abandonnement volontaire qu’ils leur font
par ces présentes, i° des créances ci-après énoncées; 2° des im
meubles ci-après désignés. Les créances consistent en trente-neuf
dossiers, suivis d’autant de jugem ens, tous rendus au Tribunal
de Commerce de Clermont-Ferrand.
D’après les lettres de change relatives auxdits jugemens, dûment
signifiés et suivis de bordereaux d’inscription, les premiers dé
biteurs desdits exposans, sont les sieurs Maximilien de Bosredon
de Sugères, et Antoine Pradier d’A uzelles, pour une somme en ca
pital, intérêts et frais, de deux cent trente-quatre mille sept cent;
quatre-vingt-quatre francs tournois, portée par neuf jugemens ;
�l’un en date du douze mai; trois, du vingt-cinq juillet; deux, du
vingt-deux, août; u n, du douze septembre; l’autre, du douze dé
cembre de l’an mil huit cent six, et le neuvième, du seize janvier
mil huit cent sept; ci
234,784 fr.
Les seconds sont les mêmes ci-dessus solidairement
avec sieur Pierre-Jean-Antoine-Maximilien Duclos de
l’Etoile, liabitan t de Brenet, arrondissemen t de Moulins,
pour une somme de quatre-vingt-trois mille huit cent
cinquante-neuf francs tournois, portée par deux jugemens des douze juin et dix juillet mil huit cent sept; ci.
83 , 85 g
Le troisième article de créance est dû par ledit sieur '
Pradier, comme débiteur principal, et ledit sieur de
Bosredon, endosseur, condamnés solidairement par
sept jugem ens, en date des vingt-cinq juillet, vingtdeux août, douze septembre et douze décembre mil
huit cent six; seize janvier, douze juin et quatre
septembre mil huit cent sept, lesquels se montent, en
principal, intérêts et frais, à la somme de soixantedeux mille vingt-cinq livres; c i.....................................
62,025
Le quatrième article de créance est dû par Adliète
Massole, veuve Ligondet, Georges de Ligondet, ha
bitant au château Beaudeant, commune de Bou
gnat; Julien de Ligondet, Pierre-Etienne Chailhe, de
Iiiom; Annet Collaine, du bourg de Fonlainère, et
par ledit sieur de Bosredon, d’après neuf jugem ens,
du vingt-six décembre mil huit cent sept, et deux,
du quinze avril de la présente année, et il se porte à
la somme de cent neuf mille six cent soixante-qua
torze livres, en principaux intérêts et frais; c i . . . 11)9,674
Les cinquièmes débiteurs sont Gilbert-Jacques
Bandynalèche, et Léonore-Alexis T ix ie r-D u b re il,
habitant de la ville de Felletin, d’après sept jugemens, dont quatre du huit avril de la présente année,
cl trois du quinze dudit mois, pour une somme de
A reporter.
490,342
�Report................
soixante-six mille huit cent quatre-vingt-quatorze
francs ; ci...............................................................................
Enfin, le dernier article de créance est dû par ledit
sieur Tixier et Louis son frère, habitans de SaintMare, arrondissement d’Aubusson, d’après trois jugemens du vingt-cinq mars dernier, et ils se portent
à la somme de séf)t mille sept cent quatre-vingt-quatre
490,342 fr.
06,894
francs; ci...............................................................................
7 >784
Le total des créances se monte à la somme de cinq
cent soixante-cinq mille vingt francs; c i ...................
565,020 fr.
Les immeubles abandonnés consistent en deux maisons situées
en cette ville; l’une au haut de la rue des Chaussetiers, ayant
appartenu au nommé Ilurtin, confinée par ladite rue, de bise;
l’autre avec ses dépendances et jardin y attenant, au pont de Font,giève, occupée, à titre de loyer, par le nommé Sénéchal, corroyeur,
lesquels objets ont été maintenant acceptés par lesdits créanciers
ci-présens> audit titre d’abandonnemeiU de biens en direction,
auxquels, pour pouvoir céder et vendre les créances sus-énoncées,
ont été remis tous les titres ci-dessus relatés , ainsi que toutes
les lettres de change et autres pièces y jointes, pour par eux agir
à leur gré dès ce moment ainsi qu'ils aviseront bon être envers
et contre tous, procéder pareillement à l’aliénation des immeubles
toujours en direction à la charge de l’exécution des baux, et aux
prix qu’ils jugeront convenables.
D’après l’acceptation présentement faite dudit, abandonnement
de biens en direction, aux considérations y énoncées, et confor
mément à la lo i, MM. les créanciers, pour la mise en exécution
du présent traité, ont nommé pour syndics et directeurs Messieurs
Daubusson frères, négocians, e tG e n eix , propriétaire, tous habi
tans de cette ville de Clermont-Ferrand, et pour adjoint à MM. les
syndics, M° AntoineDupic aîné, avocat, habitant auFouilloux, com
mune d’Ecoutoux, lequel aura seulement voix consultative et non
délibéraiive; auxquels, par ces présentes, lesdits créanciers donne
�ront pouvoir absolu de traiter et transiger à raison desdites créances,
circonstances et dépendances dans tout état de cause ainsi que
bon leur semblera, à défaut d’accord am iable, commettre avoués
dans tous tribunaux compétans, les révoquer, en nommer d’autres,
plaider, opposer, appeler, poursuivre jusqu’à solde entière, tant
par la contrainte par corps que par expropriation forcée, tous dé
biteurs desdites créances, en recevoir le montant, en fournir
quittances, faire remise des titres, consentir à toute subrogation
au besoin envers les tiers, mais sans garantie, et comme ne re
cevant que ce qui est bien et légitimement dû, en vertu desdites
créances, en capitaux, intérêts et frais, donner main-levée de
toutes inscriptions faites, en faire d’autres, au besoin, à solde en
tière consentie à radiation;
Comme aussi, jusqu’à ladite solde, faire procéder par saisieexécution, par saisie-arrêt, à rencontre de qui il appartiendra
et sur qui de droit, y donner suite aux vœux de la loi;
Quant aux immeubles, les vendre de la part desdits syndicsàtelle
personne, prix, clauses et conditions que MM. les syndics jugeront
convenables; employer, pour lesdiies ventes, telles formalités qu’ils
désireront; recevoir les capitaux et intérêts desdites ventes, etc.;
Pourront aussi MM. les syndics substituer tout ou partie du pré
sent pouvoir à qui bon leur semblera, et généralement faire tout
ce que les circônstances nécessiteront, quoique non prévu aux pré
sentes, lesquelles ne seront point sujettes à surannation.
MM. les syndics, au nombre de deux, dans le cas d’absence du
troisième, sont autorisés à agir et à mettre ces présentes à exécu
tion par tous actes nécessaires et tout ce «pii sera fait par eux deux
vaudra comme s ils étaient tous trois réunis.
Lesdits syndics seront tenus de distribuer les deniers provenans
de leur recettes à qui de droit, aussitôt qu’ils auront une somme
«le douze mille francs en caisse.
Au cas ou le sieur Dupic, [»ai* d’autres ressources, s’acquitterait
envers lesdits créanciers, MM. les syndics sont autorisés à régler
compte avec lui et à lui remettre tous les objets qu’ils n’auront
pas cédés et vendus, et à en retirer décharge.
�A l’exécution tics présentes les parties se sont obligées, dont acte
fait et passé et lu au comparant, maison du sieur Lacombe, sise à
Clermont-Ferrand, rue des Chaussetiers, par moi Espinasse, mon
collègue présent, tous deux soussignés avec le comparant, le trente
juin mil huit cent huit; et à la minute ont signé Dupie, Cbabrillat,
Joseph Daubusson, François Daubusson, Geneix Dùfournoux,
Lacombe, Rolant, Espinasse et son collègue, notaires; enregistré
à Clermont-Ferrand,le huit ju illetm il huit cent huit,/’.0 io 5, v. 6, c. 5 ;
reçu cinq francs cinquante cintimes. Signé Guillaume.
Mandons et ordonnons à tous huissiers, sur ce requis, de mettre
ces présentes à exécution selon leur forme et teneur, aux commandans et officiers d’y tenir main forte lorsqu’ils en seront léga
lement requis, à nos procureurs-généraux d’y prêter main forte;
en foi de quoi, ces présentes ont été signées et scellées par moi
Espinasse, notaire, qui en ai gardé minute, lesdits jour et an.
Délivre en première grosse.
ESPINASSE.
Conventions verbales corrélatives à lacté qui
précède.
Nous soussignés Louis Dupie, propriétaire, habitant de la ville
de Clermont-Ferrand, et dame Magdelaine Cbabrillat, y habi
tant, chacun à leur égard, d’une part;
Sieur et. MM. François et Louis Daubusson, Biaise Gcnest et
autres soussignés, créanciers du sieur Dupie et de la dame Chabrillat, d’autre part; avons fait entre nous les réglemens et con
ventions (pii suivent :
A
rticle
premier.
Quoique, par acte de ce jo u r, reçu Espinasse et son collègue,
notaires audit Clermont, la dame Cbabrillat, et particulièrement
le sieur Dupie, nous aient fait Yabandon des créances mobilières
détaillées audit acte, ainsi que dés deux maisons y désignées,
�la vérité est que ledit abandon ne nous a été fait que jusques
et à due concurrence des sommes dont ils nous sont, chacun
à leur égard, débiteurs par des effets qu’ils j i o u s ont négociés de
différens tireurs, particulièrement des Taillandier, frères et sœurs,
de Faidides, d’Antoine Dupic aîné, de Dupic Filère et de Blanchier,
et p a r des bons du sieur Louis Dupic ; que le montant de ces effets
et bons qui ne sont pas tous, en ce moment, en nos mains, pour
les avoir négociés, peut s’élever à la somme de trois cent mille
fra n cs 3 ou plus, ou moins, sans que la présente évaluation puisse
nuire ni préjudicier à aucune des parties, bien entendu et convenu
que, sur les sommes qui rentreront ès-mains de MM. les syndics,
pour l’exécution dudit abandon, sous la modification ci-ap rès,
chacun des créanciers en recevra par contribution jusques et à due
concurrence de ce qui sera v érifié et reconnu l u i être du, en prin
cipal et intérêt, au taux légal du commerce, à partir de l’échéance
desdits effets et bons.
A
rt.
2.
Quoique, par ledit abandon, il soit dit que nous pourrons céder
et vendre les créances qui y sont détaillées, nous reconnaissons
qu’elles ne nous ont été données que pour en faire le recouvre
ment , et nous nous obligeons, à cet égard, envers le sieur Dupic
de nous fixer à ce recouvrement, à l’exception des maisons que
nous pourrons vendre, quand nous voudrons.
A rt.
5.
Les autres créanciers du sieur Dupic, dont il nous a donné état,
et qui n’ont pas voulu accepter ledit abandon, pourront y prendre
part, quand bon leur semblera; mais si, lorsqu'ils se présen
teront, il y avait déjà eu distribution de deniers rentrés, ils n’y
auront aucun droit, mais seulement sur les distributions à venir.
Art.
4-
D après les dispositions du précédent article, s’il venait s’ad
joindre à nous plus de créanciers que nous le présumons, et que
soit ce qui leur sera dû, et tout ce qui nous est du, s’élève à
�plus de la somme de
Dans ce cas, nous pour
rons exiger du sieur Dupic d’autres créances ou effets jusqu’au
double de la valeur de ce qui excédera ladite somme, à quoi le
sieur Dupic s’oblige.
Art.
5.
Après l’acquittement final de tous nos dus, ainsi que de l’in
térêt au taux fixé par la loi du commerce, nous nous réglerons
par nous-mêmes, ou par MM. nos syndics, avec ledit sieur Louis
Dupic, et nous lui donnerons, s’il le requiert alors, et à ses frais,
reconnaissance et décharge de tout ce qu’il ne devait pas. Nous lui
remettrons en conséquence ses effets quittancés, et le surplus de
ses créances à recouvrer aussi exigibles quelles le sont aujourahui
pour le tout, avec l’excédant de ce que, au moyen du règlement
ci-dessus, nous nous trouverons avoir reçu de nos dus et acces
soires, si excédant il y a.
A
rt.
6.
Jusqu’à entière solde, la force et vigueur de nos effets sont, du
consentement du sieur Dupic, maintenues, afin de le faire con
damner, et contraindre, par toutes les lois commerciales, au paie
ment de ce qui restera à recouvrer, si en définitif, et par la dis
cussion de ses débiteurs, déclarés audit acte, et par le produit
des deux maisons, nous n’étions pas remplis de nos dus et ac
cessoires.
Cependant nous remettrons de suite audit sieur Dupic les effets
signés par les Taillandier et par Feidides, pour raison desquels
il nous donnera reconnaissance et décharge.
A
rt.
7.
Attendu (pie nous 11c sommes pas tous porteurs d e ,ces effets,
et ([ue même ceux qui les ont sont créanciers de [»lus fortes sommes,
les uns plus (pie les autres;
Il a été convenu que, pour remplir, autant que faire possible,
ceux de nous qui en sommes porteurs, nous aurons droit jus(jucs et à due concurrence du montant d iceux, reconnus par la
�décharge dudit Dupic, et des intérêts sur la rentrée de la créance
des Tixier frères et Nalèche, de préférence aux porteurs des au
tres eifets, sans nullement déroger aux droits par contribution
que nous avons sur les autres créances et prix de ventes des maisons.
A
rt.
8.
En considération desdites conventions est intervenu sieur An
toine Dupic, habitant au Fouilloux, commune d’Ecoutoux, fai
sant tant pour lui que se portant fort pour ses frères et sœurs
absens; lequel audit nom a renoncé en faveur de nous, susdits créan
ciers de Louis Dupic, son frère, à toute répétition et demande,
soit par contribution qu’autrement, sur les objets mobiliers cidessus cédés, jusques et à due concurrence de notre dû, ainsi
que sur le prix des ventes des maisons, et généralement pour lous
autres objets appartenans audit sieur Louis Dupic.
A
rt.
9.
Ledit sieur Louis Dupic nous a remis un double} fait triple
le 18 aout 1807 entre lu i, ses créanciers, de Pradier, et ses ac
quéreurs, lequel nous promettons de lui remettre après acquit
tement; convenu (pie, si l’inexécution des présentes en nécessitait
l’enregistrement, il sera aux dépens de la personne qui y don
nerait lieu.
A rt.
10.
Le contenu en ces présentes a été accepté par toutes les parties,
qur à l’exécution de ce qui les concerne se sont obligées.
Fait quatre originaux des présentes. Un a été pris par MM. les
créanciers; le sieur Louis Dupic, la dame Cliabrillat et Antoine
Dupic en ont pris chacun un autre. Suivent les signatures.
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Factums fonds privés
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dupic, Louis. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
créances
sociétés
femme courtière et agente de change
syndics
lettres de change
tribunal de commerce
Description
An account of the resource
Pièces justificatives des conclusions des sieurs Louis Dupic et Magdelaine Chabrillat contre sieur Louis-Annet Daubusson et autres.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Joseph Vaissière (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV18
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_DVV17
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rougnat (23164)
Escoutoux (63151)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
Femme courtière et agente de change
lettres de change
sociétés
syndics
tribunal de commerce
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MÉMOIRE
P our
les
Sieurs
F ra n co is E tie n n e E b b o n
P R I G N O T , Avocat.
J a c q u e s -M a th ie u M E L L I E R ,
1
Négociants.
Et F
r a n ç o is
P O U L E T ,
A u nom et comme Syndics définitifs des créanciers unis de
Louis-Étienne Herh a n , Imprimeur-Méchanicien, breveté
du Gouvernement.
E t encore comme cessionnaircs ( au nom de la masse des
créanciers unis) des brevets d ’invention et de perfection
nement de stéréotype accordés par le Gouvernement audit
Ilerhan, les nivose an 6 , et 27 brumaire an 9 , et géné
ralement de tous les droits rescindants et rescisoires dudit
Ilerhan.
3
Appelants du jugement par défaut du tribunal de commerce
du département de la Seine, du 27 décembre 1808.
Contre le sieur Jean-Baptiste G A R N E R Y , libraire3 et
consorts, intimé.
�MÉ MO I R E
POUR,
les
Sieurs
F
-E
r a n ç o is
t ie n n e
- E
bbon
P R I G N O T , Avocat.
J a c q u e s -M a th ie u M E L L IE R .J )
> Négociants.
E t F ra n ç o is
P O U L E T ,
j
A u nom et comme Syndics définitifs des créanciers unis de
Louis-Etienne H erlian , Imprimeur-Méchanicien, breveté
du Gouveî'netnent.
T ja. fa.ii.ltte
du sieur Herhcin a jeté le deuil et la consternation
parmi ses créanciers.
S’il en est quelques u n s , qui par leur aisance, ou par des arrange
mentsparticuliers ,s o n tp e u sensibles à la perte dont ils sont menacés,
il n’en est pas de même des autres..
Le plus grand nom bre, composé de peres de famille, d'artistes,
de fournisseurs, d’ouvriers, ne voient pas sans effroi un événement
qui leur enleve le fruit de leurs tra va u x, et les moyens les j>lus pré
cieux de subsistance.
Cette aff li cti on s er oi t c o n s i d é r a b l e m e n t a ll é g é e , si l ’o n r e s t i t u o i t
a la mas se de
i/ a c t i f ,
l’é t a b l i s s e m e n t stéréotype qui en a
déta
c h é pa r des c o m b i n a i s o n s a st u c i e u s e s et en fra u d e des créanciers.
Alors, la perte (s’il y en avoit), partagée entre tous, deviendroit
presque imperceptible pour ch a cu n , et la consolation renaîtroit au
sein de familles intéressantes.
�(4)
Les invitations les plus pressantes, les conditions les plus avan
tageuses ont été faites aux détempteurs de Yétablissement stéréotype
j)onr les amener à cet acte de justice,.sans q u ’il fût besoin de l'in
terposition de l'autorité judiciaire.
M a is, aveuglés par un intérêt mal entendu'., ils ont repoussé toutes
les voies conciliatrices, et répondu aux propositions d arrangement
par des paroles .menaçantes, et des significations injurieuses.
Hommes imprudents et indiscrets ! qui livrent à 1 éclat d’une lutte
scandaleuse, lés détails les plus secrets de leur commerce! et met
tent le public dans la confidence d ’opérations qui étoient condam
nées à une éternelle obscurité !
A force d’im p ortu nités auprès du tribunal de com m erce, ils sont
p arve n u s à se p ro c u r e r le succès ép h ém ere d ’un jugem ent p a r dé
f a u t , qu i consacre leurs conclusions, mais q u i tro u ve d’avance sa
réprobation dans les p rincip es q u ’il proclam e (*).
Qui pourroit croire, en effet, qu’il existe un jugem ent qui met
hors d ’état de fa illit e , un débiteur en cessation permanente de paie
ments à'effets com m erciaux, surchargé de nombreuses contraintes
p a r corps, saisi etexécuté dans ses atteliers , dont les meubles, effets
et vêtements ont été vendus par autorité de ju stice , sur le carreau
de la place publique ; arrêté à plusieurs reprises pour dettes, et
enfin incarcéré à Ste.-Pélagie?
Que ce même tribunal établit en principe, que des à comptes
donnés par un débiteur pour suspendre la vente publique de ses
meubles ou l’incarcération de sa personne, ont l’effet d’effacer une
faillite, et de relever le failli de Yincapacité dont la loi l’avoit frappé.
(* ) L ’un d’eux est membre du tribunal. Les autres onL des rapports d'intérêts avec
plusieurs des membres du tribunal.
�( fi )
Avec une pareille doctrine il n’y auroit plus aucune sûreté; le
commerce déjà ébranlé par la foule effrayante de faillites qui se
suecedent coup sur coup, toucherait à sa subversion totale; il
n’offriroit plus q u ’une forêt-noire, où la bonne foi des créanciers
serait sacrifiée à l’astuce des spéculateurs; ce serait un combat
d’adresse et d activité, où la victoire demeurerait au plus alerte, et
où le gage commun deviendrait la proie du plusavide.
L ’effet d’ une pareille anarchie serait de détruire toute confiance,
d ’anéantir le crédit, substance alimentaire du commerce.
Sans cesse harcelés par la crainte de voir disparaître leur g a g e , à
l’aide de ventes frauduleuses, les capitalistes fermeraient impitoya
blement leur bourse , les ouvriers et fournisseurs ne voudraient plus
travailler ni fabriquer qu’au com ptant, et la stagnation la plus
pernicieuse viendrait détruire jusqu’au nom de commerce.
Telle n’a pas été, sans doute, l ’intention d’un tribunal qui donne
journellement tant de preuves de son respect pour les lois , et de son
zele pour la prospérité du commerce.
Mais n’oublions pas qu’il s’agit, ici, d’un jugement par défa ut,
rendu sans contradicteurs, et signé de confiance, sur la foi du
rapport, qui lui-meme étoit 1 effet d’une surprise.
La grande majorité du tribunal v o it, sans doute, avec peine ce
monument d’inattention figurer au greffe, parmi les actes de sa
sagesse habituelle; et les trois membres qui l’ont signé, sacri
fiant 1 amour propre à l’intérêt p u b lic , applaudiront les premiers
a 1 ariièt salutaire qui le réformera.
�(6)
F A I T S ET P R OC É DURE .
L o u i s - E t i e n n e H eriian a r e ç u de la n a t u r e , des dispositions p o u r
le mèchcinisme, q u ’il a , p a r t ic u liè r e m e n t , app liquées à l'art typo
g raphique, et à des opérations accessoires.
A force de méditations, d’essais et de sacrifices, il est parvenu à
découvrir un procédé ingénieux pour répandre rapidement des
ouvrages par la voie de l’impression, perfectionner les éditions en
les multipliant, et introduire une nouvelle branche de commerce.
Ce p rocédé, a u q u el son nom se tro u ve a u jo u rd ’h u i attaché (*),
a fait I adm iration des é tra n g e rs, et lui a m érité des récom penses
honorables de la part de notre g o u v e r n e m e n t (**).
En l’an 6 il avoit obtenu un brevet d ’invention pour quinze ans,
xjui fut suivi d’un brevet de perfectionnem ent (27 brumaire an 8.)
D’abord l’établissement avoit été placé rue de Lille.
Ses développements successifs exigeant un plus grand local, il le
transporta (en i o )j dans la rue Pavée (S.-André-des-Arts.)
84
(*) Cette manipulatioiuest connue sous la dénomination de stéréotype p a r le pro
cédé d 'lier Juin, pour le distinguer du polytipage : c’est celle que les sieurs Nicole et
G arnery ne manquent pas d’annoncer au frontispice de leurs édition s, et dans les
journ aux.
A u j o u r d ’h u i - m ê m e ( i 3 m a r s 1 8 0 9 ) , o n lit d a n s le n» 72 d u Moniteur, à l ’a r t i c le des
l i v r e s d iv e r s , § . Editions sténotypes d ’a p rès le procédé d ’Hcrhan.
.(**) Dans les jou rs complémentaires de 1 an y , Ilerlian a exposé au L ouvre l’édition
de la Conjuration de Catilina, par Salluste, iri-i a, et une trèsbelle planche grand in-fol.,
imprimée avec des formats stéréotypes rapprochés l’un de l'autre, au moyen de m a
trices creuses. Opération qui peut être regardée comme le n ecp lus ultra de l’a r t, et
cjui a été récompensée par une médaille d'or.
�( 7)
L à , il s’occupa à lui donner encore plus de valeur, en augm en
tant considérablement le nombre de ses outils, en faisant faire de
nouvelles fra p p es, graver de nouveaux caractères, en imaginant
des machines dont il n’avoit nulle part de modeles; et ce fu t, alors,
que son établissement atteignit son plus haut degré de prospérité.
Il arriva, bientôt, au sieur H erh a n , ce qui est arrivé à une foule
d’Artistes.
Ses succès rassemblèrent autour de lui des spéculateurs, q u i,
calculant les produits d’une pareille invention, méditèrent de s’en
appliquer les bénéfices; car, on sait q u ’en France (comme ailleurs),
il est rare de voir les découvertes tourner au profit de l’inventeur.
Au nombre de ceux qui témoignèrent le plus d ’intérêt et de bien
veillance au sieur H erhan, éloient les sieurs Berlin D evea ux, Garnery, Laborie et N ic o lle, qui formoient une espece d ’association
pour des spéculations utiles.
Ces messieurs s’étant bien mis au fait des ressources et des moyens
d ’un pareil établissement, conçurent le projet cl’une maison de
librairie qui seroit uniquem ent consacrée au débit Ci éditions sté
réotypes.
Mais, pour réussir dans cette spéculation, il falloit commencer
par s’emparer de Xartiste, sauf ensuite à s’emparer de l’établissement ;
il falloit s’assurer de ses travaux d’une maniéré si exclusive , q u ’il
eût les mains liées pour tout autre que pour la nouvelle maison de
librairie; enfin s’impatroniser dans son établissement, à l’aide d’un
cpntrat de louage.
L ’occasion ne larda pas à se présenter de lui faire cette propo
sition.
H erhan, en se livrant à ses travaux, avoit plus consulté son ardeur
que ses moyens ; les dépenses énormes dans lesquelles il avoit été
jeté , avoient entraîné des engagements considérables qu’il étoit
hors d état de rem plir: toute son adresse se bornoit a calmer ses
créanciers, mais n’alloit jamais jusqu’à l e s satisfaire.
Ce fut dans cette situation douloureuse que le sieur Garnery lui
proposa de se défaire de la manutention de cet établissement, pour
�(
3
)
le concentrer sur une seule maison de librairie; il lui représenta ce
parti comme un moyen d’autant plus avantageux, q u ’en le soula
geant de Fembarras des correspondances commerciales, il lui four
nirait plus de facilite de perfectionner son invention; il lui fit en
visager des conditions lucratives, à l’aide desquelles il couvrirait
successivement ses dettes , sauf, après l’expiration du b a il, à rentrer
dans sa propriété qui se trouverait considérablement améliorée.
Jïerha n , cédant à ces insinuations, souscrivit, le G frimaire an i
( 1 7 novembre 1804), l’acte étrange que les associés ont qualifié de
b a il d ’industrie ; dénomination exacte en ce sens: que Yindustrie des
3
preneurs l’emporte de beaucoup sur celle de Yartiste.
En voici les principales dispositions :
Ilerlian s’engage« à ne faire usage, pendant dix-huit ans (Jî comp
te ter du i cr décembre i8 o 4 ), de ses nouveaux procédés stéréotypes,
« ainsi que de tous perfectionnements ou additions qu’il pourroit y
« faii’e , ou de tous autres nouveaux procédés analogues qu'ilpourroit
« im aginer, que pour le
compte
de M. D e v e a u x , ses héritiers ou
a ayant cause, qui auront seuls, en conséquence, le droit derequé« rir l’emploi desdits procédés pour les ouvrages dont ils entrepren« dront l’impression pendant les dix-huit ans. »
Le sieur Uerhan « promet de les fa ire profiter, à ce su jet, de tous
« nouveaux brevets d ’invention et certificats de perfectionnem ent qu’il
« pourroit obtenir. »
Uerhan « est chargé de fo u rn ir, à scs frais, tous les caractères,
« m atéria ux, matrices et ustensiles nécessaires à l'impression par le
« moyen de ses p rocéd és, et de les faire exécuter jusqu’à parfaite
« confection , comme imprimeur desdits ouvrages. »
M. D evea u x se fait adjuger la p ropriété des clichés ou form ats
fabriqués p ar Ilerlian , à un p rix m o d iqu e et payable à trois mois
.d échéance (*).
(* ) /( sols par elicile in-18.
5 sols par cliché in 8°.
�(9)
Ilerhan s’interdit jusqu’au droit de faire imprimer lés ouvrages
stéréotypés pour M. D eveaux, si ce n’est dix ans après la mort de
celui-'ci, « qui ne commenceront à se compter c[\i après ? expiration
« des dix-huit années du b ail i l industrie. »
On p e r m e t, ce p en d a n t, à Ilerhan d’imprimer, p o u r son com pte,
tous ouvrages autres que ceux compris dans l ’état a nnexé, « mais à la
« charge que la vente exclusive?nsera donnée à M. Berlin D eveaux,
35
« avec une remise de
p o u r cent sur le prix. » (Surcroît de bénéfice
pour lui. )
Un étend cette remise de
p o u r cent aux livres déjà stéréotypés
p a r Ile r h a n , avec interdiction de les faire vendre p a r d ’autres que
35
p a r M. Bertin D eveaux.
On y stipule (art. 8) que « les billets ne porteront que la signature
« sociale de la lib r a ir ie que M. Bertin Deveaux se propose d ’établir,
« en raison du présent marché; et comme sa signature personnelle ne
« sera pas sur ces billets, il s’oblige de fournir au sieur Ilerhan Ift
« preuve de sa qualité d'associé principal dans ladite maison , et de
« sa solidarité pour tous les engagements qu elle contractera. »
M. Bertin Deveaux se réserve la faculté exclusive, pendant six
m ois, « d’acquérir tous les clichés qui se trouveront exister chez le
« sieur Ilerhan, ou lui appartenir, sans q u ’il soit perm is, durant
« le même espace de six m o is , au sieur Ilerhan d’en disposer en
« fa v eu r de qui que ce soit autre que M. D eveaux. »
Enfin l’article 12 a pour objet'les mesures propres à transmettre
ces avantages aux héritiers de M. Bertin Deveaux.
Tel est le premier acte arraché à ce malheureux artiste, au sein
de la détresse et des alarmes, et qu’on 11e peut p a r c o u r i r sans un
sentiment de pitié.
On le v o i t , après avoir consumé vingt années à former un éta
blissement qui est l’objet de son affection et de son espérance , en
abandonner la direction à des étrangers , pour travailler sous leurs
ordres, et à leur profit.
%
�( ÏO )
Non seulement ils s’emparent de ses travaux p en d a n t dix-huit ans,
mais, durant le cours de ce prëtendu bail, ils disposent de son g én ie,
de ses inventions, de son imagination , et ju sq u ’aux bienfaits du
Gouvernement.
Il n’y a q u ’ un dénuement absolu de toutes ressources qui puisse
faire concevoir un pareil sacrifice ; et deja cette considération seule
pourroit fixer à l’époque du 17 novembre 1804 la f a i l l i t e du sieur
Herhan.
C a r, e n fin , ses créanciers n ’étoient-ils pas alors autorisés à lui
dire: «Vous êtes, assurément,«?« f a illit e , et nous allons vous traiter
« comme tel.
« Nous ne vous avons avancé des fonds considérables que sur la
« foi des bénéfices que vous deviez retirer de votre établissement,
« amélioré et perfectionné; mais dès que vous abdiquez l’exploi« tation de cet établissement, pour vous mettre aiix ordres d’une
« maison de librairie qui doit s’en approprier le p r o d u it, n’ayant
« réservé pour vous q u ’une modique rétribution, à peine suffisante
« pour vous faire vivre ; puisque vous vendez à vil prix vos clichés
« faits et à f a i r e ; que vous livrez à une compagnie de commerce
« ju s q u ’à vos fa cu ltés intellectuelles ( seul gage qui nous restoit ) ,
« vous êtes assimilé à un marchand ou fabricant qui ferme sa bou« tique et son magasin, et qui se retire du commerce. »
Néanmoins on n’insistera pas sur cette é po que, parceque les ca
racteres delà fa illite vont se développer avec tant d’abondance, que
nous pouvons bien faire le sacrifice de celui-ci.
On a vu que , dans ce b a il dit d'industrie , Herhan s’étoit flatté de
trouver une ressource contre le désordre de ses affaires, et un moyen
de se maintenir dans son établissement.
Vain espoir! la rétribution de 40 pour cent, accordée à Herhan
par ce b a ild 'in d u strie, étoit trop modique pour qu’il pût la faire
servir à l’acquittement de ses dettes, et des nombreux engagements
commerciaux q u ’il avoit souscrits; il se vit donc livré à de nouvelles
poursuites q u i , en s’accum ulant, presentoient la perspective la plus
alarmante.
�( Il )
Les associés, témoins (le cet état d'anxiété, jugerent que le m o
ment étoit arrivé de porter le dernier coup , et d’enlever à Ilerhan
la nue propriété de l’établissement, à l’aide d’un contrat de vente.
. Cette vente fut effectuée le 8 brumaire'an 14 ( o octobre i o ),
par acte passé devant lioileau.
L 'association (représentée par M. Bertin D eveaux) se fait vendre
3
85
par Ilerh a n , « avec garantie de toutes saisies et revendications, t o u t
« son établissement, composé de deux im prim eries, l’une m obile,
« l ’autre sté ré o typ e , presses, fonderie, atelier m écan ique, ma« chines à clicher et à frapper les matrices, à faire les biseaux,
« poinçons, et généralement t o u t ce qui dépendroit de l ’établisse*
« m e n t, sans en rien excepter ni réserver»; M. Deveaux déclarant
les bien connoître.
Le tout pour le prix de 24,000 f r . , qui sont déclarés avoir été
payés p ré se nt eme nt en especes ayant cours de m onnoie, dont quit
tance (*).
Y
a-t-il rien de moins attendu q u ’un pareil acte? Par quel excès
de détresse ou par quelle illusion Herhan avoit-il été amené à un
pareil abandon?
Comm ent concevoir que n e u f mois seulement après le bail d ’in
dustrie, il se soit déterminé à vendre ce m ême établissement pour
la conservation duquel il s’étoit déjà résigné à des conditions si
humiliantes?
D ’un autre côté, comment concevoir aussi que M. Bertin Deveaux
ait eu le courage de s’approprier au vil prix de 24,000 f r . , un éta
blissement de la valeur au moins de
sionné plus de 80,000 f r .
seulement?
3oo,ooo
f r . , et qui avoit occa
de dépenses en essais ou échantillons
Enfin , comment M. Bertin Deveaux se perm etto it-il de faire
quittancer ces 2 4)°°° f r - > quand il étoit de fait q u ’il n avoit pas
délivre une obole à Herhan ? ( fait aujourd’hui bien reconnu et
avéré. )
(* ) Il n est pas dit a la vue des notaires.
�( 12 )
Il faut nous hâter de donner le mot de ces énigm es, même pour
Ja justification de M. Jîertin D eveaux, et ne pas laisser planer sur
sa tête un soupçon qui compromettroit sa délicatesse et sa considé
ration.
On saura, donc, que cette prétendue vente du 8 brumaire an i
n ’étoit q u ’une fiction imaginée pour faire face aux procédures dont
le sieur Ilerhan étoit obsédé, et prévenir Xexpropriation ju d icia ire
4
qui se préparoit.
Cette expropriation étoit autant à craindre pour la maison sociale
de librairie que pour Herhan , puisqu’elle auroit eintraîné la chûte
du b ail d'industrie, et des grandes espérances qui s’y trouvoient
attachées.
11 n’y avoit rien de sérieux dans cet acte : la vente étoit illusoire,
ainsi que le prétendu paiement de 24,000 f r . en especes numéraires.
Ce n ’étoit q u ’une pierre d’attente destinée à être em ployée, au
besoin, contre les créanciers ; une mesure de sûreté contre la saisieexécution.
Aussi faut-il rendre cette justice à M. Bertin D eveau x, que reconnoissant bientôt toute l’inconvenance d’un pareil procédé, il a
été le premier à abjurer l’effet de ce simulacre de vente, ainsi que
de la quittance des a4,oûo f r . , et q u e , bien loin de l’invoquer contre
les créanciers, il a agi de maniéré à en faire supposer l’abandon et
le désistement.
M ais, quoi qu’il en so it, ce même acte (sérieux ou non) fournit
un caractere bien authentique de l’insolvabilité d’IIerhan, et de son
état de fa illite dès le o octobre i8o5 (8 brumaire an 14 )•
En effet, cette vente est ou sérieuse ou sim ulée; et sous l’une et
l’autre supposition, elle constituoit Ilerhan en état de fa illite.
3
En considérant la vente d u S brumaire an i/j comme sérieuse, elle
présente un débiteur q u i, criblé de poursuites pour effets commer
cia u x , soustrait clandestinement à ses créanciers le seul gage qui
leur restoit, en le faisant passer a v i l p r ix entre des mains étran
gères, et q u i , pour leur enlever jusqu’a la ressource de se partager
ce vil p r i x , en donne quittance dans le contrat même.
�( i
3
)
On y voit un fabricant qui se dépouillé de ses ustensiles , de ses
matériaux , ne laissant à ses créanciers q u ’un atelier vuide.
O r, voilà précisément quels étoient les caractères d’une faillite,
et reconnus pour tels dans tous les tribunaux , au o octobre i o >
et sous l’empire de 1’ ordoni \ anciî de 1673.
A cette époque (co m m e aujourd’h u i) la faillite se formoit au
moment où il y avoit, de la part d’un d ébiteu r, rupture de com*
3
8 5
m erce, clôture de magasin, interruption de registre; le tout accom
pagné de cessation de paiem ents, de poursuites, de condam nations,
et de signes authentiques d ’insolvabilité.
.
Toutes ces circonstances se rencontroient chez Herhan : cessation
de paiem ents, poursuites, condamnations , insolvabilité, rupture
de commerce, clôture d ’atelier, etc.
S i , au lieu d ’une vente sérieuse, on la suppose simulée (ce qui est
la véritable hypothèse), c’est bien pis encore ; et la f a i l l i t e devient
plus caractérisée, puisque, dans ce cas, à côté de la circonstance
de cessation de paiem ents, condam nations, poursuites, rupture de
fa b rica tio n , clôture tïa telier, on voit le débiteur se constituer luimême en état d'insolvabilité com plété, en soustrayant aux créanciers
les derniers débris de sa fo r tu n e , sans leur laisser l’espoir de rien
toucher du prix qui se trouve quittancé au contrat (*).
A in si, nous pouvons d’une main sûre présenter l’acte de vente du
3
8 5
8 brumaire an 14 ( o octobre i o ) comme le signe et l’étendard de
la fa illite d’IIerhan.
Et il importe peu de dire que cet acte doit être considéré comme
non avenuy les parties l’ayant traité comme tel; car il ne s’agit pas,
ici, de savoir quelles ont été les suites de cet acte entre les parties
( ) Il ne faut pas prendre ces observations pou r une inculpation contre H erlian ,
de fra u d e et (le mauvaise fo i; artiste, il étoit, comme le sont tous les artistes, inhabile
aux procédures ; il s’en etoit remis pour le gouvernement de son entreprise a la direc
tion des associes : c’est sur ceux-ci que doit retomber le reproche de tout ce <|u’il y a
eu d’irrégulier dans celte affaire.
�( 4 )
elles m êm es, mais bien do savoir s’il ne révélé pas Xinsolvabilité.
d’Herhaa à cette époque. C ’est à ce point q u ’il faut nous fixer.
Venons, à présent, aux autres actes qui ont suivi celui du 8 bru
maire an i/|.
L ’Association, qui avoit médité de vastes opérations stéréotype*,
trouvant le local de la rue Pavée trop é tr o it, exigea qu'il fût trans
porté dans un local plus étendu (rue Pot-de-Fer, n° 14).
Si la vente du 8 brumaire avoit eu quelque réalité, c’eût été à
M. Bertin Deveaux à supporter les frais considérables de déplace
ment ; mais ils furent laissés à la charge d ’IIerh an, auquel seulement
M. Deveaux fournit quelques fonds.
Herlian se procura le reste, à l’aide d’emprunts et de nouveaux
engagements , toujours sur la foi que ses prétendus protecteurs
viendroient à son secours.
Ce fut Herhan qui solda les loyers échus du local de la rue Pavée,
et qui donna au propriétaire une indemnité de 1200 fr., pour con
sentir la résiliation du bail.
Ce fut lui qui passa en son nom le bail du nouveau local rue Pot*
de-Fer, avec le sieur V id a l de Brosses, en lui payant ooo fr. d’a va n ce ,
5
et 600 fr. de pot-de-vin.
Cependant les nouveaux engagements contractés par TIerhan pour
cette translation, avoient considérablement augmenté la masse de
ses dettes; et les p rotêts, les condamnations p a r corps, les comman
dem ents, les saisies-exécutions pleuvoient de toutes parts.
Au nombre des créanciers les plus actifs, se trouvoit le sieur
Courcier, porteur de trois lettres de change m ontant à 12,000 fr. ,
acceptées par Ilerhan.
Ces lettres de change n ’ayant pas été payées à leur échéance , le
sieur Courcier avoit obtenu condamnation par corps au tribunal de
25
com m erce; e t, de su ite , il fait procéder, par procès-verbal du
avril 1807, à la saisie-exécution des meubles et effets d’IIerhan , et
particulièrement des presses, ustensiles etm atériaux qui composoient
�( i
5
)
l ’etabltsseinent ( vendu simulativement au sieur Bertin D eveaux, par
l’acte du 8 brumaire an i/j).
Le i er mai s u iv a n t, autre saisie-exécution à la requête du sieur
Bertrand.
La poursuite et la direction de la saisie-exécution appartenant au
sieur Courcier, comme prem ier saisissant, celui-ci s’en acquitta avec
zele; et les procédures furent mentes si rapidem ent, que déjà les
a f f !c h iis indicatives de la vente forcée, place du Grand-Châtelet,
étoient placardées dans Paris et sur les portes de la maison.
Assurément il y avoit bien là un signal authentique d’insolvabi
lité, et de faillite. Ce caractere de fa illite n’étoit pas concentré
entre Ilerhan et ses p ro tecteurs, comme à l’époque du 8 brum aire
4
an i ; il étoit proclamé tant dans Paris que dans les départements,
par des affiches et annonces dans les journaux.
Dans cet é tat, tout le monde conviendra q u ’IIerhan avoit perdu
la disponibilité (le son établissem ent,qui, par le seul fait de la saisieexécution, étoit devenu le gage com m un de ses créanciers.
Cependant l’alarme avoit gagné M. Bertin Deveaux et consorts.
Ce déplacement alloit porter un coup irréparable à leurs spécu
lations.
Si l’établissement étoit une fois transporté à la place d u C liâ telet,
c’en étoit fait sans retour.
M. Iîertin Deveaux avoit bien sous la main un moyen d’arrêter
ces poursuites (au moins pour quelque tem ps), en revendiquant la
propriété de l’établissement, en exécution de l’acte du 8 brumaire
an i/f ; et en attaquant la saisie du. sieur Courcier comme faite super
non domino. Mais (com m e nous l’avons déjà observé ci-dessus)
M. Berlin Deveaux auroit cru sé m anquer à lui-rnêine de produire
un pareil acte , et de lui attacher quelque réalité. La déclaration
d ach at de cet établissement, moyennant 2 4,000 hv. payees sur-lechamp en especes de monnoie ayant cours, étoit incompatible avec
la droiture et l’exacte probité qui le caractérisent.
�1
( i6 )
Il fa llo it , n é a n m o in s, à q u e lq u e p rix q u e ce f u t , p ré v en ir l’e x
p ro p ria tio n fo r c é e , et voici le parti a u qu el on s’arrêta.
C ’étoit au
cinq
mai qu e
la
vente étoit in d iq u é e ; on o b tin t une re
mise de qu elq u e s jo u r s , durant lesquels on f a b r iq u a , le i
5,
l’acte
le p lu s étrange q u ’ il soit possible d ’imaginer.
Trois parties figurent dans cet acte :
M. Bertin Ueveaux et le sieur Ilerhan , comme
Et le sieur Athanase Laborie, comme acquéreur.
Il y est dit q u e M. Bertin D eveaux «
vfnp
'vendeurs;
au sieur Laborie
tout
« ce q u ’il a acquis du sieur I le r h a n , en im p rim e rie et d épen d an ces,
« p a r le co n trat d u 8 brumaire an il\. »
A p rè s q u o i , le sieur H erhan
vend ,
de son cô té ,
un tiers
de cette
m ê m e im p rim e rie . « L ’in ten tion des p artie s, dit l’a cte, étant que
« tous les objets q u elco n q u e s q u i font partie de cette im p rim e rie
« a p p a rtie n n e n t p o u r d eu x tiers à M. L a b o r i e , et l’autre tiers à
« M. Ile r h a n , et m êm e divisem ent et d istinctem en t. »
L e p rix des deu x tiers v e n d u s « est de 69
,333 fr. (70,000 liv.
tour-
« n o i s j , q u e Ile rh a n reconnott avoir reçus de M. L a b o rie, tant en
« especes, qu’en valeurs à satisfaction , p o u r lu i et M. Bertin De« v e a u x , q u i le constitue son mandataire à cet effet. »
P ré v o y a n t le cas où Ile rh a n ju g e r o it à pro po s de ve n d re l’autre
tiers q u i lui est r é se rv é , on y stip ule des m esures d ’exécution.
C e t acte est un tissu d’énigm es et de co ntrad ictio ns p o u r q u i
c o n q u e vo u d ro it le d iscuter sé rie u se m e n t, et la raison se fatigue
en vain p o u r en concilier les dispositions avec celles de l’acte
du 8 brumaire an 14 » et m ê m e p o u r les co n cilier entre elles.
Com m ent, en effet, Ilerhan , déjà dessaisi de son établissement,
sans en rien excepter, ni reserver, par lacté du 8 brumaire an it\
(3o octobre i8o5) s en retrouve-t-il tout a-coup propriétaire? par
quet événement celte résurrection s est-elle opérée?
Voudra-t-on expliquer cette réintégrande par la simulation de:
l’acte du 8 brumaire an i/|, qui, considéré comme non avenu , avoit
�!
( *7 )
laisse à TIerhan la propriété de son établissement? Soit. Voilà ce qui
expliquera la vente faite par Ilerhan au sieur Laborie, du tiers
de son im prim erie, sous les yeux mêmes de M. Bertin Deveaux.
Mais, alors, comment se fait-il que M. Bertin Deveaux vcnof: par
le même acte et sous les yeux de Ilerhan au sieur Laborie « to u t ce
« qu’il avoit acquis de lui en imprimerie et dépendance, p a r le con« irai du brumaire an 14 »? Comment pouvoit-il invoquer un con
trat sim ulé, et considéré par toutes les parties, comme non avenu?
8
?
C o m m en t, après q u ’il a vendu lu to u t au sieur L a b o rie , se trouvet-il encore deux tiers de ce tout à la disposition d’Herhan?
De deux choses l’une: ou l’acte du brumaire an 14 étoit n u l, ou
il étoit valable. Il n’y a pas de milieu.
S’il étoit n u l, AI. Bertin Deveaux n’a pas pu vejndre au sieur La
8
borie, ni lui transporter une propriété qui n’existoit plus entre ses
mains.
Si, au contraire, l’acte du brumaire an i , conservoit son effet,
le même argument- se reportera contre Ilerhan, qui n ’a pu lien
vendre au sieur Laborie; et, dans tous les cas, il y a n u llitií de la
vente de l’un des deux tiers de l’établissement.
II est impossible de sortir de ce dilemme.
8
4
A cette obscurité se joignent plusieurs autres: comment conce
voir que le prix du tiers seulement, vendu par M. Bertin Deveaux
au sieur Laborie, soit de
;
i
:
35,000 l i v . , quand la totalité n’étoit
portée
qu’à 24,000 liv. dans le contrat d’acquisition du 8 brumaire an i/i?
Tï’est-ce pas reconnoître authentiquement de la part du sieur Deveaux la vileté du prix de sa prétendue acquisition?
Peut-on croire que le sieur Laborie ait effectivement délivré au
sieur Ilerhan 70,000 liv. tant en especes quVn valeur h satisfaction,
ainsi q u ’il est dit dans le contrat du i mai 1807.? Auroil-on donné
une somme aussi considérable à un homme en fa illite ouverte, dont
les meubles alloient être adjugés sur la p la ce publique par autorité
de justice ?
5
Y
art-il rien de plus bizarre que de vo ir le prix du tiers vendu par
M. Bertin D eveaux, délivré à Ilerhan en sa qualité de son manda*
3
�( i8 )
taire, sans même que l’acte énonce la date de ce m andat prétendu ,
et sans q u ’il y soit annexé ?
Un acquéreur sérieux auroil-il délivré scs fonds sur la foi d’une
pareille déclaration?
E nfin , M. Berlin Deveaux étoit représenté dans cet acte par un
fo n d é de procuration spéciale (le sieur Pierre Laurav son commis);
c ’étoit donc naturellement à celui-ci qu’il appartenoit de recevoir sa
portion. Par quelle singularité cc fo n d é de pouvoirs est-il privé de
ce droit? Et par quelle autre singularité ce droit étoit-il transféré à
Herhan, q u i, dans la position où il se trouvoit, étoit celui de tous
les hommes le moins convenable à une pareille mission?
Les absurdités de cet acte se multiplient sous la p lu m e, au point
q u ’il faut renoncer à les détailler.
N é a n m o in s, nous allons essayer de pénétrer ce chaos.
D ’abord, il ne faut pas perdre de vue que toute la sollicitude des
associés se portoit sur les moyens d’empêcher l’expropriation de
l ’établissement d’IIerhan, annoncée par des placards
Pour cela, on avoit négocié avec le sieur Courcier, et ou étoit par
venu à suspendre ses poursuites (*).
Rassurés sur cet article (**), il falloit se hâter de prévenir le retour
d’un pareil embarras de la part des autres créanciers; et l’on crut
y parvenir en faisant faire par Herhan, une vente de son établisse
ment à l’un des associés , q u i , à l’aide de sa qualité d acquéreur, pou-
) Cet arrangement est consigné dans un écrit sous seing-privé entre le sieur Cour
cier, les sieur et dame Herlian, et le sieur N icollc, du 12 mai 1807 ; ori y reconnoit
qu’il y avoit des poursuites de la part du sieur Courcier, et une saisie-exécution des
meubles et effets de Herhan, et particulièrement de tout l'établissement stéréotype, et
la vente signifiée.
(**) Il faut observer, que le sieur Courcier, qui ne recevoit qu’un cautionnement cl
non le montant de sa créance, de laquelle Hcrluin restoit ob ligé, ne donna pas main
lpvée de la saisie, qui se trouve encore subsister aujourd’hui.
�C *9 )
voit s’opposer à ce qu’on saisit de nouveau les imprimeries mobile
et stéréotype.
On alla,m êm e, jusqu’à croire qu’il n’étoit pas nécessaire que cette
vente comprît la totalité de l’établissement, et qu'il suffxsoit pour
l’objet qu’on avoit en vue , que la vente fût des deux tiers, sauf à
retirer l'autre tiers des mains d’Herhau , en cas de besoin.
5
Voilà ce qui explique la vente du i m ai, à la suite de l’arrange
ment, consommé avec le sieur Courcier.
Q u a n t aux m oyens d ’e x é cu tio n , en voici encore l’explication.
On auroit pu tout simplement faire vendre à Herhan les deux
tiers de son établissement; mais on sc rappela, dans ce m om ent,
l’acte de vente du 8 brumaire an i[\, et l’on craignit q u ’il ne servit
de motif pour exiger un droit de revente. Ce fut pour prévenir cette
difficulté qu ’on imagina de faire la vente d u n tiersau n om deM . Ber
lin D ev ea u x, considéré comme propriétaire de ce tiers; de plus, pour
couvrir la contradiction qui se trouvoit entre cette déclaration et
l’acte du 8 brumaire an 1 4 ,(q u i avoit transmis à M. Berlin Deveaux,
la propriété du totjt, sans en rien réserver ni excepter, ) on inséra la
déclaration que les deux autres tiers se composoient des augm enta
tions faites depuis par Herhan.
Pour ce qui concernoit le prix de la vente des d eu x tiers, on le
porta à 70,000 liv. , pareeque cet acte étant destiné à être opposé
aux créanciers d’IIerhan, il falloit bien y stipuler un prix qui se
rapprochât de la valeur de la c h o se , pour ne pas être exposé au re
proche de v il p r ix .
Mais d’un autre côté, le prix fut quittancé, pour enlever aux
créanciers le droit de le réclam er, et d ’en faire l’objet de saisiesarrêts.
Bien entendu que les associés cherchèrent à calmer Herhan sur
les effets de cette dépossession gratuite et quittancée, en lui protes
tant « que tout ce qui se passoit n’étoit que pour son plus grand
« bien; qu’il ne devoit pas concevoir d’allarmes sur la restitution
« de ces deux tiers, qui n’étoient q u ’un dépôt entre leurs m ains,
�'(
20
)
« et flans lequel il rentreroit aussitôt que le danger de Yexpropria« lion ser oit passé. »
I l e r h a n , h ab itué à n ’agir que sous leur d ire c tio n , et s’abandonnant
aveuglém ent à leur f o i , avoit consenti de signer.
Tels sont les ressorts secrets qui ont amené cet amas A'inconsé
quences, de contradictions, et de suppositions, que les parties ad
verses ont décoré du nom de vi-ntk, et q u ’on seroit fort embarrassé
de caractériser: est-ce un e vente ? est-ce un dépôt? est-ce un p rêt?
Ce n’est rien de tout cela. C ’est un com posé in fo r m e , m o n str u e u x ,
u n imbroglio r é v o l t a n t , en contradiction avec lq v é r ité , autant
q u ’avec la saine raison.
A travers ce la b yrin th e té n é b re u x , ce q u ’il y a seulem ent de bien
clair, c’est l’intention de frustrer les créanciers d 'IIerhan, en m ettant
l'établissem ent à l’abri de saisie-exécution , et en leur enlevant la
ressource des oppositions, et des saisies-arrêts, par un e quittance
sim ulée , de m aniere q u ’ils p erdro ient tout à la fois , et le gage m a té
rie l, et sa valeur représentative.
Doit-on tro u v e r é tr a n g e , après ce la , que les créanciers Ilerhan
po u sse n t les hauts cris contre une pareille in ju stice , et réclam en t
le rétablissem ent à la m asse, de ces deux tiers , p o u r le p rix en être
p artag é, com m e n ’ayant jam ais cessé d ’être le gage com m un?
U ne autre vérité encore , c’est q u ’à ce m o m e n t m êm e où 1 on prenoit tant de soins p ou r faire vend re à Ilerhan les deux tiers de son
étab lissem ent, au préjudice de ses cré a n cie rs, TIerhan étoit frappé
d ’incapacité légale p o u r effectuer va la b lem en t celte translation ,
<;tant en état de fa illite ouverte, non seulem ent par l’inexécution c-n
p erm an en ce de ses engagem en ts, mais par la manifestation a u th e n
tique d ’insolvabilité résultant de condam nations nom breuses o b t e
nues co n tre l u i , et n o tam m en t de h saisie de tout son établissem ent
avec affiches indicatives de leur vente l*)è
( ' ) Les associés n'apporteront môme pas assez d attention , et leur prudence se Irou■voit en défaut; car en négociant pour la saisie-c.récutiun du sieur Courcier, ils
oublioient celle du premier m ai, faite à la requête du sieur Bertrand, qui subsiste
encore aujourd’hui.
�( 21 )
Il ne viendra à l'esprit de personne, de contester l'état de
fa illite d’un débiteur courbé sous le poids des condamnations,
saisi dans tous ses meubles et effets, dont la ven te'a llo it être
effectuée le lendemain sur le carreau de la p lace publique.
Ü r, quand on voudroit faire grâce aux adversaires de tous les
autres caractères antérieurs de la fa illite d’IIerhan , au moins ne
pourra-t-on pas disputer sur la date des
avril et 1er mai 1807,
époque de (\aux saisie-exécutions jetées sur tous les meubles, et parti
culièrement sur les imprimeries mobile et stéréotype.
Parlons maintenant de ce qui s’cst passé depuis l’acte du i mai
25
5
1807.
Le sieur Courcier étoit appaisé, sur la foi du cautionnement q u ’il
avoit reçu; mais les autres créanciers, qui n’avoient pas le même
avantage, recommenceront leurs poursuites (¥).
L e mois de j u i n 11e laissa pas Herhan plus tran q uille, e t,sa d é co n
fiture devenant d é p lu s en plus au th e n tiq u e et no to ire , les créanciers
re d ou b lèren t aussi d ’activité.
Entre autres p ou rsu ites, nous in d iq u e ron s celles-ci :
j 8 ju in . S aisie -exécutjon des meubles et effets d’IIerban, et de ses
imprimeries, par le ministere de G habouillet, huissier, à la requête
du sieur L iem bert, négociant à Ponthiéry, faute de paiement d’un
billet à ordre de 1,000 liv.
On voit, par le procès-verbal de saisie, qu’IIerban essaya, en cette
occasion, de tirer parti de l’acte du i m ai, en réclamant la réd u c
5
tion de la saisie a un tiers seulement de l’im prim erie, sur le prétexte
que les deux autres tiers avoient été vendus au sieur Laborie; mais
011 voit aussi que l’huissier, ne tenant aucun compte de cette allé-
0 Dès le même jo u r 1 5 m a i,
du sieur Bassand.
p ro tê t
d’un billet de 5 oo liv. sur Ilcrlian, à la requête
m ai. J u g e m e n t d u t r ib u n a l d e c o m m e r c e p o r t a n t c o n d a m n a t io n p a r c o r p s .
1 $ m ai. C o m m a n d e m e n t à fin d e p a i e m e n t d 'u n billet d e l o o o l i v . c n v e r t u d ’ un
j u g e m e n t d u tr ib u n a l d e c o m m e r c e (lu 8 d u m ê m e mois.
�C
92
galion , n’en passa pas m oins à la
)
sai si e
de l’élablissenienl en l i e r , et
celte saisie fut co ntinu ée au lendem ain ; a tte n d u , y est-il d i t , 1 im
mensité des objets.
L e lendemain 19, Ilerhan fut aiîrAtiî p ar l'huissier C a r r é , et c o n
duit à Sainle-Pélagie. Mais ayant dépêché un e x p ié s vers les sieurs
Garneryet Nicolle,\[s lui e n vo yèren t un bon de i,-jo o fr .,q u i fut .su rle-champ escompté, et em p lo yé à se tirer des mains de l ’huissier ( *).
L ’exem ple de l’huissier C h ab ouillet ayant donné l'éveil sur le
danger q u e co u roit le tiers ( laissé à Ilerhan ) , d é t r e , au p rem ier
m o m e n t , frappé de saisie-exécution , il n’y avoit pas un m om ent à
p erd re p o u r se débarrasser de celte inqu iétude , en se faisant trans
p orte r aussi ce tiers.
L ’occasion étoit favorable pour amener Ilerhan à ce dernier sa
crifice; et le service q u ’il venoit de recevoir du sieur G a rn e ry , à
l’aide de son bon de 1,200 f r . , 11e lui permeltoit plus d’opposer la
moindre résistance à tout ce qu’on exigeoit de lui.
D’ailleurs, le sieur Garnery lui représentoit le transport de ce
dernier tiers comme une opération infiniment avantageuse, et une
planche dans le naufrage.
En conséquence; troisième acte de vente, du aH juin 1807, por«tant vente par Ilerhan au sieur Garnery du tiers de « tout ce qui
« composoit l’imprimerie tenue dans les lieux occupés par le sieur
« Ilerhan , rue du Pot-de-Fer, n° i!\ ; les deu x autres tiers ayant été
« vendus/»«/- lui (**) au sieur Antoine-Athanase Laborie, par acte
« passé devant de Lacour, du i m ai dernier, etc.
5
(* ) Ce bon n’ayant pas pu servir à couvrir en entier les causes de l’arrestation, il 11e
fut reçu que pour h compte ; et il n y eut pas de main-levée de la saisie-exécution du
1 8 m ai, laquelle subsiste encore aujourdhui.
(**) Fendus p a r lu i ( Hcrlian). Voilà une déclaration bien précieuse, en ce qu’elle
confirme ce que nous avions dit : que dans l’acte du ¡5 mai, le nom de M . Bertin
Deveaux n’étoit emprunté que pour éviter le droit de revente.
�( 23 )
34 666
35
« Pour le prix de
,
fr. ( ,oooliv. tournois); laquelle* somme
« le siiMir Ilerlian reconnoît avoir rerue rlu sieur Garnery, tant en
« especes, qu’en valeurs à sa satisfaction. »
Il esl inutile, sans doute, de dire que ce paiement t'toit sim ulé;
et que Ilerhan ne rerut pas une obole de ces
fr. ; ce dernier
tiers se trai toi t comme les deux autres, sur la foi des acheteurs,
qui protestoient ne recevoir ces objets q u ’à titre de dépôt.
Arrêtons-nous, ici, un m om ent, pour considérer l’invalidité de
celte vente sim ulée, et son impuissance à produire aucun effet
contre les saisies faites et à faire.
Nous avons déjà démontré jusqu’à l’évidence, q u ’«« i m ai 1807,
( quarante-trois jours auparavant), Ilerhan étoit constitué en
fa illite ouverte, par une cessation absolue de p aiem ent, par des con
traintes par corps, plusieurs saisies exécutions, etc.
34,666
5
5
Or, dans l’intervalle du i m ai au 28 ju in , sa situation n’avoit
fait qu’empirer par de nouvelles poursuites encore plus rigoureuses,
puisque c’est clans l’intervalle du i mai au 28 juin q u ’étoit sur
venue la troisième saisie exécution du 18 m ai, par l ’huissier Chab o u illet, et l ’ arres tati on de la personne d’ IIerhan par l’huissier
Caré.
5
Son état de fa illite étoit bien connu du sieur Garnery, et il n’y
avoit personne au inonde qui fut plus instruit du désordre de ses
affaires, puisque lui-même avoit concouru à suspendre la vente sur
le carreau de la place p u b liq u e , indiquée au 5 m ai, et à retirer
Ilerhan des mains de l’ huissier Carré, qui le conduisoit en prison.
Le sieur Garnery achetoit donc le 28 ju in ce q u ’il savoit bien
n’être plus à la disposition du prétendu vendeur.
L ’établissement stéréotype étant sous la main de la justice, par
les trois saisies exécutions dont il étoit frappé, ne pouvoit plus être
vendu par la partie saisie.
Ilerhan étant en état de fa illite ouverte, il ne pouvoit plus en
etre le vendeur; ainsi, il y avoit incapacité dans la chose comme
dans la personne.
�( 24 )
Le sieur Garnery achetant ce qui n étoit p lu s « vendre d’une per
sonne qui ne pouvoit pas v en dre, s’étourdissoit, sans doute, sur cette
irrégularité, dans l’espoir q u ’elle ne seroit pas relevée (*).
Cependant le sieur L aborie, acheteur des deux tiers par l’acte du
i mai, et le sieur Garnery, acheteur de Xautre tiers par l’acte du
28 juin y le tout par indivis, 11e tardèrent pas à se partager l’univer
salité de l’acquisition, pour faire valoir, chacun de son côté, sa
portion.
Par le résultat de ce lotissement (qui fut effectué le 24 juillet sui
vant), l’imprimerie stéréotype, échut au sieur Garnery, pour le cou
vrir de son tiers; et le sieur Laborie retint Ximprimerie m obile, re
présentative de ses deux tiers
que quelque temps après il a vendue
aux sieurs Ma mes pour le prix de 80,000 liv.)
C e partage scandaleux des dépouilles d ’IIerhan et du gage de ses
créanciers, se faisoit sous l’artillerie des poursuites judiciaires qui
5
se montroient plus menaçantes que jamais.
Dès le 11 ju ille t (treize jours avant l’acte de partage entre le
sieur Garnery et le sieur Laborie), la saisie-exécution faite à la re quête du sieur Bertrand, par procès-verbal du prem ier m a i, avoit
été reprise.
On peut se rappeler qu’au mois de m ai, cette saisie 11’a.voit été
suspendue q u ’en raison de la saisie-exécution faite par le sieur Courcier, et antérieure de cinq jours (le
avril.)
Mais la saisie du sieur Courcier, ayant été paralysée par l'arran
gement du 11 niai (voyez ci-dessus page 18), le sieur Bertrand se
c r u t , comme de raison, autorisé à poursuivre la saisie exécution
commencée le prem ier mai
A ux approches de l’époque destinée à la vente, le saisissant alarmé
25
( * ) P a r la considération, peut-être, que le pis-aller seroit de restituer, après en
avoir tiré grand p arti, et qu’enfin, en achetant à grand marché les créances sur Herhan,
il p a r v i e n d r a i t à figurer a v a n t a g e u s e m e n t dans 1 a c t i f , et à retenir à titre de créancier,
ce qui lui échapperait à titre d'acqucreur.
�( a5-)
de l’embarras de faire voilurer sur la place p u b liq u e , une aussi
grande masse de matériaux et de machines aussi volum ineuses,
présenta sa requête au tribunal de premiere instance, afin d’être
autorisé à les faire vendre sur le lieu, maison de la rue Pot-deFer. (*).
Depuis ce moment, les saisies exécutions s’accumulerent l’une sur
l’autre, et se croiseront au point, que le logis d ’IIerhan étoit devenu
un champ de bataille, que les huissiers se disputoient entre eux.
Et cette déplorable lutte aboutit enfin à une -vente p u bliq u e qui fut
consommée sur le carreau de la place du grand Châtelet, le
dé
5
cembre 1807 (**).
Réduit au dénuement le plus absolu, et à la détresse la plus
humiliante, par la vente de ses vêtements de premiere nécessité (***);
il n e m a n q u o itp lu sp o u r combler l’amertume d eH erh an , que d’être
traîné en p rison , et il n ’échappa pas à ce dernier malheur.
Le 8 ju in i8 o 8 , ii fut arrêté et conduit sous les verroux de Ste.Pélagie.
Dans cette situation, le code de com m erce, récemment publié,
lui fournissoit une ressource pour abréger sa détention; il l’em
(* ) « V ous expose, M M ., qu’en vertu (l’un jugem ent du 24 mars dernier, il a fait
« saisir les meubles et effets du sieur H erlian, pour sûreté des condamnations pro« noncées contre lu i par le susdit jugem ent.
« Que les effets sont, entre autres, des presses et machines destinées à l'imprimerie,
« d’un volume très considérable, et très difficile à déplacer.
« A ces causes, ledit Bertrand requiert qu’il vous plaise, M M ., c o n f o r m é m e n t à
« l’article 6 17, du code de procédure, l’autoriser à faire vendre les objets saisis sur
« ledit sieur Ile rh a n , en la demeure de ce dernier, rue Pot-de-Fer, n° 1/», où ils sont
« maintenant. »
( ) A oyez l’adresse d’IIerhan, page iC.
1
(
) L e proces-verbal en fait foi, qu’on avoit vendu ju sq u a u x caleçons, panta
lons, cravates, etc.
4
�( 26 )
brassa, en transm ettant an greffe un e
il fixa l’o u v e rtu re au i
5 mars 1807.
déclaration
de fa illite., dont
C’étoit déjà user de beaucoup d indulgence pour lui-même, que
de rapprocher ainsi sa fa illite qui, à parler exactement, avoit com
mencé dès l’ouverture de son établissement. Du moins auroit-il pu
la dater du 8 brumaire an 14 ( o octobre i o ), époque de la vente
simulée faite à M. Berlin Deveaux.
5
85
5
Mais Ilerhan s’arrêta au i m ars, pareeque c’étoit de ce jo u r q u ’il
avoit commencé à offrir notoirement tous les signaux de détresse,
et que les caractères les plus marquants de son insolvabilité s'étoient
manifestés par des condamnations et des poursuites rigoureuses.
Le tribunal de commerce qu i, dans ce m om ent, n’étoit influencé
par aucunes sollicitations, et livré à sa propre sagesse, rendit le
3o août un jugement portant déclaration d ’ouverture de fa illite à
compter du i 5 mars 1807, nomination de commissaire (M . Goulliart),
d’un agentprovisoire, etc.
L'instruction de cette faillite fut suivie dans les formes voulues
par la loi.
Cependant les conséquences attachées à la date du i mars 1807,
n ’échapperenl pas à l ’association qui s’étoit emparée de rétablisse
ment d’IIerhan; elle commença à craindre pour les actes de vente
des 8 brumaire, i5 m ai, et a8 ju in 1807, qui se trouvant placés en
pleine fa illite , étoienl menacés d’annullation.
5
Il falloit donc pour prévenir ce danger, faire rétrograder Youverture de la fa illite à un terme postérieur au moins de d ix jours ;
et ce fut vers ce but que la ji aison de librairie stéréotype dirigea tous
ses efforts.
Le sieur Garnery fut constitué le représentant de l’association, en
ce point, et chargé de toutes les démarches actives et ostensibles,
propres à obtenir la rétractation de l’époque d’ouverture de faillite.
Les autres prirent sur leur compte le travail des sollicitations
privées.
�(
27
)
En conséquence, par exploit du 12 septembre 1808, le sieur Garnery signifia aux syndics provisoires, une opposition au jugement du
o août, au chef qui fixoit la fa illite d’IIerhan au i mars 1807.
3
5
Ses moyens d’opposition (accompagnés, d’ailleurs, d’imputations
injurieuses) se réduisoient en substance à ceux-ci: « Q u’il étoit no« toire que Ilerhan n ’avoit jamais cessé de conserver la disposition
a de son avoir, et de jo u ir de la plénitude de ses droits ». (On peut
juger à présent l’exactitude d’une pareille allégation).
« Q u’il avoit fait beaucoup de paiements depuis cette époque du
« i
5 mars 1807.
« Q u ’il est évident que par sa déclaration in fu lele, Ilerhan cher« choit à anéantir des actes authentiques, que lu i,G arn ery, et autres
« négociants, avoient passé de bonne f o i avec lu i, depuis 1 époque
« à laquelle il fait remonter sa prétendue faillite.
« Enfin, que lui requérant, avoit le plus grand intérêt à maintenir
« l'exécution d’un acte passé le 28 juin 1807, contenant vente à son
« profit du tiers de son im prim erie, établie à Paris, rue Pot-de-Fer,
« 11° i/i, etc. »
L ’exploit étoit terminé par une assignation au tribunal de co m
merce « pour voir dire qu’il seroit reçu opposant au jugem ent du
« 3o a o û t, lequel seroit rapporté comme nul et subreptice, et qu ’il
« seroit fait défense de l’exécuter, etc. etc. »
Celte signification ayant été communiquée à TIerhan, pour q u ’il
eûl à donner des renseignements sur sa situation, il a fourni du
sein de sa prison (sous le nom (I'adresse à ses créanciers), une décla
ration détaillée de ses relations avec le sieur Garnery et consorts,
qui mettoit au grand jo u r Yépoque de sa f a illit e , et l’origine de ces
prétendus actes de vente des 8 brumaire an i4 1
1807.
*5 mal
et
ju in
Le combat judiciaire s’engagea, donc, entre les parties, s u r i o u
verture de la fa illite.
�(
)
La question n’etoit l’affaire que d’un mom ent, puisqu’elle trouvoit sa solution dans l’article f\l\i du code de co m m erce, qui
porte*
« L ’époque de la faillite est fixe'e par la date de tous actes consta« tant le refus d ’acquitter ou de payer des engagements de com« merce ».
Or, ici, les actes constatant le refus d’acquitter ou de payer les
engagements de commerce se produisant en foule, et formant une
série de refus à compter du i mars 1807, il étoit facile au tribunal
de vuider la contestation, en maintenant la fixation portée au juge
ment du o août; et c’est ce qui seroit arrivé dans toute autre occa
sion , le tribunal n ’ayant pas le moindre m otif de rétracter son ju g e
ment du o août.
5
3
3
M a is, depuis ce ju g e m e n t , les choses avoient bien changé.
Une question simple en apparence jeta l’agitation dans le sein
du tribunal, et produisit une explosion qui entraîna à sa suite la
réc us ati on
volontaire de trois de ses membres.
Cette désorganisation matérielle ayant apporté quelque difficulté
pour la recomposition d’une a u d ien ce, les adversaires profitèrent
de cette o ccasion, le mardi 27 décembre 1807 ( trois mois et plus
depuis l’opposition), pour surprendre au trib u n a l, qui ne se trouvoit en ce moment composé que de trois membres (le président et
d eux suppléants) , un jugeme nt p a r défaut qui rétracte la date du
i 5 mars 1807, et la remplace par celle du 1" décembre suivant.
On sait qu’il est d’usage dans plusieurs tribunaux de laisser la
rédaction des jugem ents p a r défaut et des motifs aux parties qui les
ont obtenus.
Le sieur Garnery et consorts useront largement de cette perm is
sion, en insérant dans le jugem ent des considérants, qui font une
opposition continuelle avec la vérité et avec les premiers éléments
de la jurisprudence du commerce ; et c est un service qu’ils ont
�(
29
)
rendu à la masse des créanciers de ne leur laisser aucune incerti
tude sur des motifs qu ’on ne se seroit jamais avisé de soupçonner,
et de placer ainsi le contre-poison à côté du mal.
MOYENS.
11 sem ble, après les détails dans lesquels nous sommes e n tré s,
qu’il ne nous reste plus rien à dire pour établir que la fa illite
d’IIerhan étoit ouverte au i mars 1807 ( car c’est là à quoi se réduit,
5
quant à présent, l’intérêt des créanciers *).
5
Or, l’ouverture de la faillite d’IIerh an, au i mars 1807, étant
hors de toute contradiction, nous pourrions clore ici notre travail ,
puisque tous les raisonnements accumulés ne peuvent rien ajouter
à la démonstration mathématique qui vient d’être offerte à la cour
par l’exposé des poursuites judiciaires, et autres actes constatant la
cessation de paiem ents et l ’insolvabilité d ’Herhan.
N éan m oin s, on doit être c u rie u x de connoître c o m m e n t u n ju g e
m ent aussi étrange a p u être coloré dans ses considérants , et par
quelles illusions le tribunal de co m m e rce a été su rp ris au p o in t
de déclarer hors d'état de fa illite u n d é b iteu r su rc h a rg é de con-
(*) L e sieur G arnery et consorts s’épuisent en argumentations pour combattre les
assertions des créanciers Ilerhan , sur la quotité et la nature des créances portées au
b ila n , sur les effets qu’ils ont acquittés à la décharge de Ilerh a n , etc., etc.
CVst beaucoup de peine en pure perte ; de pareils détails pourront être portés au
tribunal de premiere instance, quand il s’agira de statuer sur la validité des ventes;
mais, devant la cour d’appel, il n’y a qu’un point à ju ger: à quelle époque la fa illite
Herhan doit elle remonter? sans s’occuper des c o n s é q u e n c e s . C ’est dans ce cercle que
lu cause doit se renfermer.
�(
3o
)
traintes par corps , saisi cl exécuté dans ses meublesel ses atteliers,
dont l’insolvabilité étoit proclamée pai'p la ca rd s, annonces, et affi
ches, devenu la proie journalière des huissiers captureurs, etc. Il y
a une contradiction si incroyable entre celte situation et le juge
ment dont est a p p e l, que chacun est tente de soupçonner qu’ i! existe
quelque m otif que nous aurions dissimulé , et qui sert au moins de
palliatif à ce jugement.
Il est donc juste de donner cette satisfaction ; et c’est ce que nous
allons faire, en analysant non seulement les motifs du jugement dont
est appel, mais même le rapport du commissaire de la faillite qui
s’y trouve inséré, et qui lui a servi de base.
§. I- .
Exam en du rapport du commissaire de la fa illite (*).
T EXTI.
« D ’abord, d ’après l’examen d’une série de procédures relatées
« dans un imprimé publié par le sieur Herhan lui-mêine, nous avions
« cru appercevoir qu’il étoit insolvable même avant le i5 mars 1807,
« e t, fondés sur l’art. 41 du code de commerce, nous inclinions
« pour le maintien de votre jugem ent du 3o a o û t, sans rien préjuger
« pour ou contre la validité des ventes faites à divers par le sieur
« Herhan, pareeque nous pensions qu’il y avoit, nies celle époque,
« cessati on de paiement. »
(*) Les reproches qui vont être faits au rapport de ce commissaire ne portent
a u c u n e atteinte à la considération qu il mérite par sa droiture, et nous sommes bien
convaincus que c’est à son insçu, et contre son gré, que ce rapport a été rendu public-par la voie de l’impression.
�( 3i )
O lî S E II Y A T I ü N S.
Le commissaire débu te par avouer que la série de procédures contre
ITerhan, établissoit son insolvabilité, même avant le i mars 1807;
que cette considération avoit d’abord entraîné la conviction q u ’il y
avoit eu , dès cette époque, cessation de p aiem en t, et que par con
séquent, la fixation portée au jugement du o août devoit être
maintenue.
Cet aveu est précieux en ce qu’il laisse appereevoir la premiere
impression qui d o it résulter de la série de pareilles procédures sur
un esprit qui est livré sans prévention, à l’impulsion du bon sens
et de la raison naturelle.
Cette impression fut si profonde chez le commissaire, que déjà
il avoit rédigé son rapport en conséquence, avec des conclusions au
mÎBouTTÈ de l’opposition.
Com m ent, donc, est-il arrivé que le même commissaire ait tout
(l’un coup abdiqué sa conviction?
Par quelle m agie cette série de procédures, entraînant la cessation
5
3
de p aie m e n t, s’est-elle évanouie à ses y eu x ?
Le commissaire va lui-même nous instruire des motifs de sa con
version.
T EXTE.
«Mais avant de vous soumettre notre avis, nous avons voulu
« entendre le sieur Garnery lui-même, et savoir de lui sur quoi il
« justifioit les motifs de son opposition. »
Observations.
Assurément c’étoit fort bien d'entendre le sieur Garnery lui-meme,
mais toutes les conférences possibles 11e pouvoient pas effacer la
série de procédures qui constituoient la cessation de paiement
à époque du i mars 1807, ni faire disparoîtré es protêts, les con
traintespar corps, les commandements, les saisies-exécutions, v e n t e
1
5
1
�( 3> )
de meubles sur le carreau tle la p la ce publique ; ces pieces parlant
plus haut que tout ce que pouvoit alléguer le sieur Garnery.
T exte.
« N ous avons recon nu qu e les créanciers poursuivants et saisissants
« désignés dans la nomenclature publiée p ar le sieur Ilerhan lui« m ê m e , ne figuroient pas au bilan. »
Observations.
On voit déjà le rapport qui s’égare et sort de la question (effet
manifeste des conférences avec le sieur Garnery).
En effet, de quoi s’agissoit-il dans cette entrevue? de savoir ce
qu ’il auroit à dire contre cette série de poursuites, de procédures,
qui annonçoient une cessation de paiement, même avant le i5 mars
1807.
C etoit sur ce point seul qu’il fàlloit que le sieur Garnery établit
sa justification, et voilà que le commissaire se jette dans une dis
cussion étrangère à cet objet ; et, ce qui est bien pis encore, le voilà
qui accumule méprises sur méprises.
Premièrement, il faut commencer par démentir formellement
l ’assertion du rapport que les créanciers poursuivants et saisissants,
énoncés dans la nomenclature publiée par Ilerhan, ne figuroient
. pas au bdan, rien n ’est moins exact ; et si le commissaire a reconnu
cette circonstance , c’est faute d’avoir bien lu le bilan, ou la nomen
clature; la preuve en est facile.
L e premier créancier saisissant qui se trouve indiqué dans la
nomenclature dont il s’agit, est le sieur Bertrand (saisie-exécution
du 1 " mai 1807), pour un billet endossé Longuet et B ial.
Or, cette même créance f i g u r e à l’article 1 2 , du chapitre , du
bilan, avec laquelle elle ne devoit faire qu’un seul et même em
ploi (puisqu’elle procédoit d un ordre passé).
3
C’est ce qui est expliq ué par cette note mise en accolade. «Il est
�(' 33 )
« à observer que cette
créance n’en fait qu’une avec celle de
« MJVI. Longuet et Rial. »
La deuxieme créance énoncée dans la nomenclature, est celle du
sieur Poulain (u8 février 1807).
Cette même créance figure au bila n, chap. , à l’article Lam y, en
ces termes: à observer que cette créance (Lamy) n’en fait qu’une
avec celle de M. Poulain.
5
liassand (poursuites du i5 avril 1807), se trouve au b ila n , sous
l’art. Lamy, avec la même observation.
v
Becheyras (saisie-exécution), figure au b ila n , à l’art. 12 , chap.
<3,
article Lamy, avec la même observation.
Ainsi des autres.
Voilà déjà la preuve d’une grande inattention. Or, quand un rapp o r t, qui doit être le siege des vérités les plus exactes en point de
fait, débute par une méprise d’une aussi grande force, c’est un
préjugé bien défavorable pour le reste.
En second lieu, quel est l’objet de cette déclaration erronée?
Et où le commissaire en a-t-il voulu venir par cette assertion?
Que la nomenclature publiée par Ilerhan des poursuivants ei saisis
sants se retrouve, ou non, dans le b ila n , quelle conséquence en
résultoit-il contre I’ époque du i
5
mars 1807, assignée à la faillite de
Ilerhan? La rédaction du bilan produit en août 1808, pourroit-elle
anéantir la série des poursuites, procédures et autres actes constatant
le refis de paiem ent a v a n t les i mais et 28 ju in ? Un failli, quelque
chose qu’il puisse fa ire , ou dire, est incapable de retarder ou d’avan
cer lepoque de sa faillite. Cette époque est fixée par des actes irré
vocables qui sont à l’abri des opérations ultérieures.
5
T exte.
« Q ü’aucun d’eux 11e s’étoit présenté à la vérification, du moins
« nominati vement . »
5
�( 34 )
Observations.
C ’est la même allégation répétée en d’autres termes, mais cette
modification (au moins nominativement), est digne d’attention, eri
ce qu’elle indique que les créanciers saisissants et poursuivants
énoncés dans la nomenclature, avaient été représentés à la vérifi
cation sous d’autres noms; ce qui revient absolument au même
effet que s’ils l’eussent été nominativement, et la chose est facile
à concevoir.
Les saisissants et poursuivants ne tonoient leurs titres que par
l’effet d’un ordre; le créancier titulaire a dû se présenter seul, à la
vérification, et l’on ne voit rien en cela qui soit relatif à l’époque
de la faillite.
T E XT E.
« En second lieu, nous avons remarqué que la grande majorité
« de ceux qui ont vérifié, ont des titres souscrits postérieurement aux
« époques de la fixation de la faillite, i mars 1807, et des ventes
« faites par Ilerhan ( 1 m ai et 28 ju in 1807 ). »
5
5
O bservations.
Q u’est-ce que cela fait pour l’éclaircissement de l’époque de la
fa illite ? Et quel rapport y a-t-il entre cette époque une fois fixée,
et des effets souscrits postérieurement.
Il est évident qu’il y a ici divagation, et que la question est déjà
perdue de vue.
Au surplus, il est bon d’observer que ces effets souscrits posté
rieurement aux i mars, i mai et 28 ju in , 11 étoient que d’anciens
effets renouvelés; que leur identité est bien établie, et que par
conséquent il y a méprise dans ce point de fait.
5
5
�(
T
35
)
exte,
« Que les sommes dues aux créanciers île sont pas toutes identi« ques avec celles portées au bilan. »
Observations.
Qu’y a-t-il de commun entre ce prétendu défaut à'identité, et
l’ouverture d elà faillite, qui est fixée au i
une aberration de raisonnement.
T
5 mars 1807? Voilà encore
e x t e.
« Que plusieurs d’entre eux ont reçu des à comptes. »
Observations.
Ces à comptes reçus n’étoient pas bien difficiles à remarquer;
puisque le bilan en f’a isoit lui-mènie mention; mais quelle conséquence en resultoit-il pour la question sur l'époque de la fa illite ?
T exte.
« Qu’il est notoire que plusieurs créanciers portés au bilan, sont
« PAYÉS. »
Observations.
Ln ee cas, ce seroit une inexactitude à réformer dans le p a ssif du
b ila n , ce qui est l’affaire des syndics aux termes de l’article 628
du code de commerce.
Or, de quoi cette circonstance sert-elle pour l’époque de la faillite?
Mais est-il bien vrai q u ’il se trouve au bilan des créanciers qui
étoient payés? Où le commissaire en a-t-il puisé la preuve? JVeseroitce point là, encore une surprise, et un résultat de sa conférence
avec le sieur Garnery?
Lli bien! il est bon qu’on sache: que, malgré cette prétendue
notoriété, le fait est faux, que des créanciers portés au bilan aient
été complètement acquittés par Ilerhan ; il est, au contraire, notoire
�( 36 )
q u ’à compter du mois de mars 1807, jamais aucun créancier n’a
obtenu de lui cette satisfaction (*).
S’il se‘ trouve des créanciers -payés, ce sont ceux dont le sieur
Garnery aura tout récemment acheté la créance à trois quarts de
p erte, pour les employer en créance au p air, et s’en fabriquer un
titre de libération du prix de la vente de l’établissement stéréotype;
spéculation qui va dans l’instant se développer.
T exte.
« A l’égard du sieur Garnery, il nous a justifié de douze dossiers,
« avec les titres retirés de chez les huissiers, qu’il a payés à la décharge
« du sieur H erhan, de diverses reconnaissances ou reçus de ce der« nier, et quantité d’autres pieces qui prouvent qvt outre sa libéra« tion, il est encore, aujourd’h u i, créancier de llerhan. »
Observations.
La production de ces douze dossiers retirés de chez les huissiers,
révélé ici le méchanisme secret de la spéculation du sieur Garnery ;
c’est lui-mème qui nous apprend, que se voyant sur le point d’être
inquiété sur sa prétendue acquisition, et sur la simulation de la
quittance de
,ooofr. portée dans l’acte du aB ju in 1807, il a traité
de plusieurs créances litigieuses sur Tlcrlian, pour les appliquer à
35
( * ) N o u s a v o n s déjà fait o b s e r v e r q u e la cessation de p a iem en t a c t e a p p liq u é e a u
' m o is de mars 18 0 7, p a r e e q u e c ’est à c o m p t e r de ce j o u r q u e l ’insolvabilité d ’H e rli a n
: é to it con statée p a r les j u g e m e n t s d u tr ib u n a l d e c o m m e r c e , q u i se su c cé do ien t a v e c
ra p id it é .
10 mars ; j u g e m e n t q u i a c c o r d e u n délai d e -vingt-cinq j o u r s s u r u n billet de 29°>fr.
1 7 mars-, id. s u r u n billet de /,Gofr.
D u d i t j o u r 1 7 mars-, a u tr e j u g e m e n t , s u r u n b ille t de /,/,ofr.
D u d it jo u r , p l u s ie u r s a u tr e s j u g e m e n ts .
24 mars-, id. s u r u ne le ttr e de ch a n g e d e 6qoo fr. (o m h * Courrier), et ainsi d e s u ite ,
d e j o u r en j o u r , j u s q u ’à l ’i n c a rc é r a t io n d H e r h a n , et sans in te r r u p ti o n .
�(
37
)
sa libération, en les faisant entrer en compensation au p a ir avec le
prix de son acquisition du 28 juin (*).
Mais, 011 voit, encore, combien ce détail sortoit de la question.
Le commissaire n’auroit-il pas du lui dire:
-Que parlez-vous « M. Garnery de créances payées ci la décharge
« de Ilerh a n , et de dossiers retirés de chez les huissiers, qui operent
« votre libération du prix de la vente du 28 ju in , et, même vous
« constituent créancier de Ilerhan ?
« Il ne s’agit point, en cet instant, de savoir comment vous avez
« acheté, ni comment vous avez payé; si vous êtes reliquataire, ou
« créancier: ce sont là des points à discuter avec la masse des créan
te ciers Herhan, lorsqu’il s’agira d’établir vos droits particuliers.
« L ’ unique objet à éclaircir entre nous, est Xépoque de la fa illit e ,
« et vos moyens d ’opposition pour faire rétracter la date du i mars,
« fixée par le jugement du o août.
5
5
« Cette date; est a p p u y é e s ur u n e série de procédures, condamna
is. lions,contraintes p ar corps, saisies-exécutions, vente de m eubles ,
« et d'autres actes constatant le refus de paiem ent d ’engagements de
« nature commerciale.
« Q u’avez-vous à dire contre l’effet et les conséquences de cespour« suites? Les avouez-vous? Ou bien les déniez-vous? Les douze dossiers
« que vous m’exhibez viennent même augmenter la masse de ces
« poursuites, en en ajoutant douze aux vingt-sept qui sont énoncées
« dans la nomenclature (**).
( ’ ) O b s e r v e z , en p a s s a n t , q u e la p ré te n tio n d u sie u r G a r n e r y , (le s’être libéré à
l ’aide des créancespayées en t’acquit d u si eu r H e rh an , f o r m e u n a v e u positif, q u ’ il n ’a v o i t
p a s p a y é comptant le p r i x d e l'acte d u 28 j u i n , et q u e la quittance q u i s’y t r o u v e
é n o n cé e étoit simulée.
( * * ) Ges douze dossiers se c o m p o s e n t e ff e c ti v e m e n t , de p o u rs u it e s et p r o c é d u r e s
a n té r ie u re s a u x v en te s des i 5 mai et 28 ju in 1 8 0 7 ; d e m a n ié ré q u e c etoit de la p a r t
d u s ie u r G a r n e r y , f o u r n i r de s a rm e s c o n t r e lu i-m ê m e , et de n o u v e lle s p r e u v e s de lu
faillite o u v e r t e
avant
les ven te s.
�(
38
)
« Hâtez-vous d o n c, sans vous occup er de détails étran g ers, de dé-
3
« duire vos moyens d'opposition contre le ju g em en t du o a o û t, au
« c h e f qui fixe la date de la faillite au i mars 1807; car c’est sur ce
« p oint seulem ent qu e je dois faire mon rapport, émettre mon a v i s ,
« et donner mes conclusions. »
5
M a is , p ar une étrange irréflexion, le commissaire (donnant dans
le piege q u i lui étoit dressé), se laissa entraîner à toute autre chose
q u e ce qu i devoit faire l’objet de son exam en, et s’inclinant devant
les douze dossiers, il proclam e le sieur G a rn e r y , non seulem ent
li béré envers Ilerlian, mais mêm e son créancier.
T exte.
« Notre mission n ’étant pas d’appurer ses co m p te s, et n’ayant pas
« entendu les parties contradictoirement , nous laissons an sieur
« Ilerlian à faire les observations q u ’il ju g era convenables.»
Observations.
Nous avons v u un e ligne plus h a u t , le rapport déclarer, que
d ’après les pièces exhibées par le sieur Garnery, il étoit i*iioitvi:,
« qu 'outre sa libération , il est encore aujourd’hui créancier du sieur
« Ilerlian ; et voilà que
« q u ’il ne peut prendre
a sieur Garnery, fautq
« ment». N’est-ce pas là
le commissaire, un instant a p r è s , déclare :
aucun avis sur Y apurement des comptes du
d’avoir ewtendu les parties contradictoireune contradiction?
Il n’e s t , d o n c , plus vrai q u ’il soit prouvé (à l’aide des douze dossiers
retirés de chez les huissiers) , que le sieur G arnery s’est libéré de son
p r i x , et soit m êm e devenu créancier du sieur Ilerlian !
A laquelle des deux assertions du
rapport fa u t-il s’arrêter?
Cette inconséquence n ’existeroit p as, si le commissaire, au lieu de
se mêler des comptes du sieur G a rn ery, se fut seulement occupé
d ’éclaireir, contradictoirement entre les parties, la véritable époqiuï
de la faillite.
�( 3q )
T E X T F.
« Nous renferm ant dans les bornes de notre m ission , et d ’après
« le court exposé que nous avons fait, il est impossible de fixer l’épo« que de la faillite d ’IIerhan au i
5 mars
180 7, com m e il le pré-
« ten d ..............»
Observations.
Impossible! co m m e n t cela arriveroit-il? P uisqu e dans les asser
tions que nous venons de relever il ne se trouve r ie n , absolum ent
5
rien qui puisse faire disparoître l’époque du i mars 1807.
Mais puisque le commissaire ne ve u t pas adopter l’époque du
i 5 mars 1807 (fixée par le ju g em e n t du
qu e choisira-t-il donc depuis le i
3o a o ù t ) ,
quelle autre é p o
5 mars? A laquelle s’arrêtera-t-il de
préférence ?
Ecoutons :
T
exte
.
« La tâche qui nous a paru la p lu s d ifficile, est la fixation de la
véritable époque de cette faillite. »
Observations.
Impossible à'un côté, difficile de l’autre! voilà un embarras dans
lequel le commissaire se place bien g ra tu ite m e n t: car il ne tenoit
q u ’à lui d’en sortir par un procédé bien sim ple; c’étoit d ’obéir à la
disposition de la lo i, qui
diîcl a rf,
la faillite ouverte, au prem ier acte
de cessation de paiem ent (art.
et (l u i fixe cette cessation par la
date de tous actes constatant le refus d'acquitter ou de payer des en
gagements de commerce ( art. /j/j 1 ).
Or, on fournissoit au commissaire une assez ample provision de
pareils actes pour lui indiquer la véritable époque qui lui paroît si
difficile à trouver.
En effet, les lois commerciales prévoyant qu en plusieurs occasions
�(
4°
)
I’ iîpoquj! <le la fa illite ponrroit 'offri r* u n g r a n d i n t ér ê t, el ne v o u l a n t
pas l iv re r u n e q u e s t i o n aussi i m p o r t a n t e à l’a rb it ra ir e (les j u g e
m e n t s , - o n t c r u i ndi s pe ns a bl e d ’assigner à l’o u v e r t u r e d ’ u n e fa illite
u n p o i n t de r e co n n o i s s a n c e p r o p r e à p r é v e n i r les d i v e r g e n c e s d ' o p i
n i o n s , et q ui s ervî t de b a s e a u x t r i b u u a u x .
Cette base est la cessation de paiement, et le enraelere de cessa
tion de paiement est signalé par la d a t e du premier acte (quel q u ’il
fut ), portant refus d'acquitter un engagement commercial.
:i Au moyen de ce procédé, toute incertitude disparoît, et quiconque
cherche de bonne foi la véritable époque d’une fa illite peut la trou
ver , sans ^autre peine que de lire la date du premier acte portant
l’aveu d’impuissance de payer, ou des premières poursuites faites
contre lui à raison de défaut de paiement.
Pourquoi donc, le commissaire, au lieu de suivre une voie si
simple, s’est-il permis, en opposition avec la lo i, de se perdre, en
raisonnements et en argumentations proscrites par elle? il va en
donner le m o tif bien franchement.
vi: ;ï;
î .':
T E XT E.
,
« Car, si on prenait pour base celle des premières poursuites diri« gées contre Ilerhan, il faudroit remonter à l’origine de son éla« blissement.
« Le sieur Ilerhan s’occupoit plus à créer et à perfectionner sou
« invention, qu’à se ménager des moyens et des ressources pour
« faire face à ses nombreux engagements. »
,.
V
Observations.
On a peine à en croire ses ye u x, en lisant une déclaration aussi
extraordinaire. Quoi ?. Le commissaire fait ici laveu , que si Ion
prenoit pour base de la faillite Ilerhan , les premieres poursuites
contre lui, sa fa illite remonteroit à Vorigine de son établissement;
eh mais! les c r é a n c i e r s Ilerhan n’ont jamais rien dit d’aussi fort,
et ils s’emparent promptement d’un pareil aveu , qui prouve que
(1
�( 4* ).
ce sont les créanciers mêmes qui font grace à Ilerhan, en ne fixant
sa faillite qu’au i mars 1807; en cela, bien moins rigoureux que
le commissaire qui la fait remonter à l ’origine même, de son établisse
5
85
ment (c ’est-à-dire au b ail d ’industrie du 5o octobre i o ).
Il csl vrai, que pour adopter cette date, il faudroit prendre pour
les premieres poursuites contre Ilerh a n , et c’est ce que le com
missaire 11e veut pas; et les raisons qui vont être déduites vont nous
offrir quelque autre sujet de surprise.
bask
k
>
T
exte
.
a Un négociant n’est pas en faillite, précisément, pareequ'il laisse
« obtenir des jugements contre lui. »
Observations.
Ici commence une abnégation continuelle des premieres notions
de la jurisprudence commerciale.
Si le rapport s’étoit borné à parler du cas où un négociant àuroit
laissé obtenir un ou deux jugements restés sans exécution, ce seroit
déjà user d’indulgence; car en bonne logique, un seul jugement
qui atteste l’impuissance d’acquitter un effet commercial, suffit
pour constituer Youverture de la fa illite. Quiconque est bien péné
tré de 1 importance attachée à la foi et à la sûreté du commerce, ne
mettra pas en doute qu un négociant qui m a n q u e à un seul engage
ment tombe en f a i l l i t e ipso fa cto . Le mot fa illite n ’exprime autre
chose que ce défaut de paiement, et jamais, dans aucune place de
commerce, on n ’a imaginé de calculer combien de foison pouvoit
f a illir , avant d’être en fa illite . Néanmoins, des considérations
puissantes exigent qu’on n’ explique pas avec autant de rigueur
le défaut d’acquittement à Yéchéance d’un effet de commerce,
lorsque d ailleurs il n ’a pas donné lieu à une explosion éclatante ;
mais ici il ne s agit ni d’un jugem ent, ni de deux, ni de trois,
etc. il s’agit d une série de contraintes par corps qui se sont succé
dés durant le cours de i o , 1806, 1807 et 1808, et qui forment
85
6
�4
( * )
une insolvabilité permanente,’ e t, même , une cessation notoire de
paiement.
Texte.
« Il faut q u ’il y ait absence de son domicile, »
Observations.
Absence de son dom icile! Celte condition est imaginaire, et de
nouvelle invention.
L ’article i er du titre i i,d e l’ordonnance de 1G73, place, il est v r a i ,
la retraite du débiteur au nombre des signes de faillite, mais ce
n ’est que démonstrativement, et non limitativement. Cet article veut
que tout débiteur qui abandonne son domicile, soit reconnu en
fa illite ; mais il ne dit pas que faute de cette circonstance, il n’y ait
pas de faillite.
>
•
Texte.
« Et cessation absolue de paiement. »
■Observations.
Absolue est ici de trop, et un vrai contre-sens; car il s’ensuivroit
que jamais on ne sauroit s’il y a f a illit e , même à la suite de p lu
sieurs effets protestés, et de plusieurs condamnations, le débiteur
pouvant, par quelques paiements partiels, empêcher q u ’il y ait ces
sation absolue.
44
L ’article
1 du code de commerce dit: « Lorsqu’il y aura cessation
« de paiement », et assurément, Ilerha.n éloit arrivé au i mars 1807,
au terme où il y avoit bien cessation de paiement, puisque la vente
de ses meubles, effets, et de scs atteliers, étoit placardée dans tout
Paris, pour être effectuée sur la place p u b liq u e, faute de paiement.
5
T
e
x T Jï.
« Mais lorsqu’il traite avec ses créanciers, q u ’il leur paie des à
�( .
43
)
« comptes, qu'il contracte de nouveaux engagements avec e u x , il ne
« p eu t être regardé comme f a i lli; telle étoit notre jurisprudence avant
« que nous fussions régis par le code de com m erce. L a loi nouvelle
« (q u a n d bien m êm e on lui donneroit un e autre interp rétation ) ne
« peut avoir d ’effet rétroactif »
Observations.
Est-il bien vrai q u ’il existoit antérieurem ent au code de commerce,
un e ju risp ru d e n ce qui puisse a u jou rd 'h u i servir d ’autorité favorable
a u x asser tions avancées dans ce rapport? et qu e le code de commerce
ait in tro d u it une législation nouvelle, dont l’effet ne soit pas a p p li
cable à l’espece dont il s’agit?
N ous p o u v o n s , en toute a ssurance, attester le co n tra ire , et p o u r ne
laisser a u cu n e in certitu d e sur ce p o in t, nous allons offrir le tableau
de la ju risp ru d e n ce s u r cette niatiere.
PR IIfC IIT S
Sur les caractères constitutifs de Vouverture de la faillite.
La cessation de paiem ent considérée sous son ra p p ort avec l’o u
verture de la faillite, présente trois especes ou hypotheses qu e nous
allons p arco u rir successivem ent.
Premiere espiîce. Un négociant, dans u n m o m ent d’ u r g e n c e , a
laissé protester plusieurs effets à le u r é c h é a n c e , et obtenir des ju g e
ments contre lui (voilà un germ e de faillite); maïs ces ju gem ents
n ’ont pas été suivis d ’e xécutio n ; il n ’y a eu ni vente de meubles,
ni scellés, ni saisie-exécution, ni incarcération.
L e débiteur a trouvé le m oyen de p ré v en ir l’écla t, de calmer ses
créanciers, en payant les u n s , en donnant des ¿1 comptes aux autres,
et obten an t des délais.
De m aniéré q u ’à la suite de cet arran gem en t, il est v e n u à b o u t
de co u vrir ses dettes , et de continuer son commerce.
�(
*44 )
Supposons, à présent, q u ’il s’éleve la question (le savoir si ce
débiteur étoit en état de fa illite par le seul fait du prem ier jugem ent
obtenu contre lui.
Il faut répondre q u ’il ne doit pas être considéré comme f a i lli, même
sous l’empire actuel du code de commerce. Pourquoi cela? parcequ ’ il n’y a aucun acte public qui ait produit au grand jour la décon
fiture du débiteur. Le germe de faillite qui se trouve enfermé dans
les protêts et jugem ents, n a pas eu le temps de se développer par
les poursuites d’exécution, et il s’est étouffé promptement entre le
débiteur et scs créanciers.
A in s i, quiconque, par intérêt, ou par malveillance, viendroit
réveiller cet événement pour y puiser des caractères de faillite,
seroit mal accueilli, et succomberoit dans sa prétention.
Mais observez bien tpie la raison décisive de cette jurisprudence
se trouve dans la circonstance q u ’il n’y a eu auparavant ni depuis,
aucun signe extérieur de faillite : lois que scellés, saisie-exécution,
v en te, incarcération au. dépôt de bilan; et si quelques uns de ces
a c tesa vo ite u lieu, tout ce qui vient d’être dit ci-dessus, cesseroit
d’avoir son application, comme on va le voir dans les especcs
suivantes.
S econde espfce . C’est celle d’un débiteur qui (comme dans l’espece
précédente (laisse obtenir plusieurs condamnations faute d'acquitte
ment d’effets commerciaux à leur échéance, et qui (pour prévenir
les poursuites commencées), souscrit de nouveaux effets, contracte
de nouveaux engagements, dont le produit lui sert à couvrir les
condamnations.'
A l aide de ces emprunts successifs, il parvient à déguiser le dé
labrement de ses affaires, et à se maintenir dans son commerce,
jusqu’au moment o ù , toute ressource venant à lui manquer, il fait
enfin sa d é c l a r a t i o n üe faillite.
A quelle époque faudra-t-il fixer Xouverture de cette faillite? serace au dernier acte constatant refus de paiem ent? ou bien faudra-t-il
�(
)
45
rem on ter ju s q u ’à la premiere poursuite (q u i p ou rroit dater de p l u
sieurs années auparavant).
La réponse est; q u ’ il faut rem on ter à la date des premieres p o u r
suites , q u o iq u ’antérieures de plusieurs années à la déclaration de
faillite. La
déclaration
a eu l’efi'et de rattacher la date de la faillite
à celle du p re m ie r ju g e m e n t de co n d a m n a tio n , et de faire r e v iv r e
tous les actes interm éd iaires , p o u r ne com poser d u tout q u ’un e n
sem ble indivisible.
En pareil ca s, la d é c l a r a t i o n d ? fa illite n ’est pas un acte consti
tutif de f a illite , mais seulem ent un acte récognitif Tel étoit le p r i n
cipe admis aux consuls et dans les cours.
4
En 175 ) le sieur L ay de Serisy, ayant déclaré sa fa illit e , la qu es
tion s’éleva sur l’époque à laquelle devoit en être fixée l’o u v e r tu r e ,
plusieurs
créanciers prétendant
la faire rem on ter à d ix années
au-delà (ce qui entraîuoit la n ullité de p lusieurs ventes faites dans
l'in te rv a lle ).
L e ‘20 ja n v ie r 1^5 5 , intervint arrêt du p arlem ent de Paris, q u i ,
« p ou r fixer l’époque de la faillite de L a y Serisy, renvo ie les créan
ce ciei s p ardevant les juges-consuls de Paris, à l’effet de donner le u r
« avis qui seroit reçu en la co u r. »
Le trib u n a l des juges-consuls s’étant fait assister de plusieurs
banquiers et négociants, donna son
avi s
le 23 m a rs, portant « qu e
5
« la faillite devoit être réputée et déclarée ou ve rtç dès le i ju in 174 5 ,
« date de la prem iere sentence obtenue contre lu i , et qui avoitétê
« suivie de nombre d ’autres, sans interruption. »
Le
8 avril s u i v a n t ,
a r r ê t q u i , en h om o lo gu an t l’a w des juges-
consuls, déclare la fa illite de Lay Serisy avoir été ouverte dès le n
ju in 1745 ( n e u f ans auparavant').
On voit par cet e x em p le, un e faillite ignorée se révéler au b o u t
de d ix a n s , et se rattacher au prem ier ju g em e n t de condam nation ;
dans une espeee, où p en dan t le cours de ces n e u f annees, il n’y avoit
eu ni vente de m eubles , ni saisie-exécution , ni .scellés , ni incarcéra-
�( 46 )
lion, ni aucun autre signe ostensible de faillite, que des jugements
restes sans exécution.
Mais cette décision étoit fondée sur le principe généralement
adopté: « Que la déclaration de fa illite fait revivre les caracteres
« de faillite cpii Tavoit précédée, en la reportant ju sq u ’au premieres
« poursuites. »
Tr oi si ème ESPECE. On vient de voir l’exemple d’un débiteur q u i,
durant le cours de sa faillite, a subi, des poursuites, sinon rigou
reuses, au moins capables de le discréditer dans l’opinion publique
(car tel est l’effet inévitable des p rotêts , et de jugem ents obtenus) ;
niais une autre espece se présente, c’est celle d’un négociant qui ,
sans avoir éprouvé la moindre poursuite judiciaire, ni protêt, ni
condam nation, e t , au contraire, pour les prévenir, a fait un
atermoiement avec ses créanciers.
A la faveur de cet arrangement, son commerce n’a pas discon
tinué un seul instant; aucun signe extérieur n’a trahi aux yeux du
public le secret de son embarras, il a souscrit et accepté des effets
commerciaux qui ont été acquittés exactement à leur échéance.
Mais, voilà q u ’il se trouve, au bout de plusieurs années, hors
d’état de remplir les conditions de son contrat d’atermoiement, et
contraint de déposer son bilan p o u r laprem iere fois.
A quelle époque faut-il placer l’ouverture d’une pareille faillite?
Sera-t 011 autorisé à remonter à la date du prem ier acte de défaut de
p a iem en t, ou bien, faudra-t-il ne calculer la faillite que du jour où
il y a eu cessation absolue et définitive de paiements?
Réponse. D ’après les principes ci-dessus exposés, la fa illite est
ouverte
a n té rie u re m e n t
au contrat d’atermoiement, et à compter du
premier acte préparatoire; quand même ce ne seroit q u ’une lettre
missive, ou une circulaire.
Dans la nui t du 26 nivose, an 6 ( i
5 janvier
1798), le sieur i r * * ,
négociant, est volé.
Le surlendem ain , uS, il écrit à ses créanciers une circulaire pour
�( hl )
les informer du malheur qui lui est arrivé, leur avouant « q u ’il se
« trouve, par là, hors d ’état de payer, ses effets à leur échéance, et
« il finit par demander un délai de n e u f mois. »
Plusieurs d’entre eux lui accordent ce délai, et B........ reste en
pleine jouissance de sa maison de commerce, sans la moindre in
terruption ni le moindre changement.
Dans l’intervalle du 26 nivose au terme accordé, quelques créan
ciers se procurent un hypothéqué sur les immeubles de B ..........et
prennent inscription;
A l’expiration des neuf mois de délai, B ...... ne se trouvant pas
encore en état d’effectuer ses paieinenls, se déclare en fa illit e , et
dépose son bilan le 9 thermidor an 7 (26 juillet 1799).
fa illite de B ...........se réduisoit à solliciter de nouveaux délais,
qui le missent en étal de couvrir son passif, ce qui lui fut accordé
par un second traité, nu moyen duquel il continua de garder, comme
par le passe', sa maison de commerce.
Cependant, les immeubles de B ..........ayant été vendus, il y eut
contestation entre les créanciers hypothéquaires et les créanciers
chirographaires, sur la question de savoir si le prix de la vente devoit être distribué par ordre d'hypothéqué, ou bien au marc la livre
(question qui emportoit celle de savoir: si à l’époque des inscrip
t i o n s , ........... devoit être considéré comme fa illi).
Ceux qui demandoient la distribution par ordre d'hypotheque,
disoient : « que B...........n ’éloit pas en fa illite ouverte à époque de
« l ’inscription prise sur ses biens. »•
1
« Comment pouvoit-on le supposer en faillite, alors, puisqu’il n’y
« avoit pas le moindre signe extérieur de son i n s o l v a b i l i t é : point de
« bilan déposé, pas un jugem ent de condamnation, pas meine un seul
«protêt ; sa maison- de commerce n’avoit rien jierdu de son activité ;
« et des lettres de change jointes aux pieces du procès, et ses livres et
« registres tenus avec la même exactitude, attestoient la continuité
« des négociations, tant avec ses créanciers, qu avec d’autres, jus« q u ’au jour du dépôt du bilan. »
�( 48 )
« Comment, en pareille circonstance, etoit il possible de faire ro« monter sa faillite à dix-huit mois au préjudice des créanciers de
« bonne foi, qui avoient pris une inscription dans l’intervalle? »
Certes , voilà une espece bien favorable.
Mais ta masse dés créanciers c/urographaires se renfermoit dans
le principe « que la cessation absolue de paiements, manifestée par
« le dépôt du b ila n , avoit 1 effet de se rallier au premier acte de dé« faut de paiem ent, pareeque la cessation absolue n’étoit autre chose
« que la suite de ce prem ier acte, et le complément d’une fa illite
« commencée. »
Or, ce commencement de faillite, ils le trouvoient dans le billet
circulaire écrit par - .......... à ses créanciers, le 28 nivose an 6 ( i
janvier 1 798), par lequel il leur annonçoit l’impuissance d ’acquitter
ses effets à leur échéance, demandant un délai de neuf mois (*).
5
15
2g prairial an 9 (18 juin 1801), jugement du tribunal civil de
première instance du département delà Seine , qui déclare la faillite
de Iî.. . . . ou v e r t u , à compter de son billet circulaire du 28 nivose
an G, et ordonne la distribution au marc la livre.
5
Sur l’appel, a r r ê t de la couf du 26pluviôse an 10 ( i février 1802),
c o n f j r m a t i f , par les motifs énoncés dans le jugem ent du 29 p rairial
(plaidant M M . Chabroud e t Delahaye).
A in s i, voilà qu’il est'jugé bien disertement:
( * ) " I ja faillite d o i t se c a lc u l e r d u 2 8 ‘n i v o s c a n 6 , disoit l e u r d é f e n s e u r ; p o u r q u ’ il
« y a i t faillite , il su ffisoit q u ’il y ait d é f a u t d e p a i e m e n t , c’c s l ce q u i se r e n c o n t r e d a n s
« l ’e sp ece. S i les c ré a n c ie rs o n t a cc ep té d e n o u v e a u x e n g a g e m e n t s , c'cst q u ’ ils y étoie n t
« f o rc é s , ce n ’e st q u e s u r
1a v e u
m ê m e d u d é b i t e u r d e so n im p u iss an c e de p a y e r . A p r è s
« le premier terme exp iré, B .............avoue de nouveau qu’il 11e peut payer, il de■
<mande un second délai. N ’est-ce pas se constituer en faillite ? S ’il a continué ses opé« rations , c’est pareeque scs créanciers le lui pernicttoient; et encore aujourd’hui qu’il
« continue sou commerce, dira-t-on qu il n est pas en faillite?. Elle n’est jamais plu»
« claire que quand le débiteur l’avoue lui-meme ». (Journal du palais, deuxieme semestre
de l’an 10, page 261J, n° yo).
�( 49 )
i ° Que le dépôt du bilan opère* une cessation absolue de paiement.
2° Q u’une cessation absolue se composant de cessations partielles,
la faillite reprend sa date au prem ier acte constatant le refus ou le
défaut de paiem ent, quelque distance qui se trouve du premier acte
de défaut de paiement.
° Q u’il n’est pas nécessaire que lé prem ier acte constatant le
refus de paiem ent, soit un acte ju d icia ire, ni une poursuite, q u ’il
3
peut également résulter d’une lettre ou d’un billet circulaire.
4
° Que les arrangements, traités et transactions qui ont lieu dans
l’intervalle du premier acte de défaut de paiement, à la déclaration
de fa illite , n’empêchent pas le rattachement des deux époques, et
ne dégagent pas le débiteur de la qualité de fa illi.
° Q u’il en est de même de la circonstance de commerce continué,
d’à comptes donnés, d'effets payés, ou souscrits de nouveau et posté
rieurement; que toutes ces circonstances disparoissent devant la
déclaration de fa illite qui vient se renouer avec le prem ier acte de
non paiement.
G° Que les considérations les plus favorables au débiteur, ou aux
tiers acquéreurs, ou prêteurs de bonne f o i , sont incapables de faire
fléchir et d’atténuer cette jurisprudence ; pareeque la considération
duc à la sûreté du commerce, ne permet aucune composition avec
les principes, ni aucune acception des personnes.
5
Tel est l’exposé au vrai de la jurisprudence antérieure au code de
commerce, et qu’il a lui-mème confirmée, en la reproduisant presque mot pour mot.
3
L ’article 4^7(qui est le premier du livre , concernant les faillites),
commence par établir en principe « que tout commerçant qui cesse
« ses payements est en état de fa illite. »
Or, qui dit cesser ses paiem ents, dit, sans doute, les paiements
d ’effets échus, sans s’occuper des effets à éçheoir; il suffit donc,
q u ’il y ait non paiem ent d ’effets échus, pour que le non payant soit
en état de fa illite.
L ’article
o, en introduisant un nouveau inode de déclaration
44
7
�( 5o )
de fa illite , exige que le f a illi fasse mention, dans cette de'claration,
du jour où il aura cessé ses paiem ents ( pour faciliter la fixation de
Youverture dé faillite).
I l restoit à savoir quelle date le déclarant adopteroit p o u r fixer
l’époque où ses paiem ents seront réputés avoir cessé; et l’article /|41
leve l’incertitude en disant :
« L ’ é p oque de la faillite est fixée soit p a r la retraite du débiteur,
« soit p a r la clôture de ses magasins, soit p a r la date de tous actes
« constatant le refus d ’acquitter ou de payer des engagements
« commerciaux. »
Ce qui rentre parfaitement dans l’esprit de la jurisprudence anté
rieure au code, que nous avons exposée ci-dessus: mais le code de
commerce considéré, aussi, q u ’il pourroit survenir certains cas, où
tin débiteur (solvable, d’ailleurs), seroit exposé à subir des actes
constatant le refus d ’acquitter des engagements commerciaux, tels
que protêts, jugem ents, etc.
Or, ne voulant pas que des actes de cette nature suffisent pour
constituer une fa illite , il ajoute cette disposition bien importante,
que les actes constatant le refus de paiem ent, n ’auront l’effet de
constituer la faillite, qu’autant q u ’ils auront été suivis d’une cessa
tion authentique en ces termes : «Les actes ci-dessus mentionnés ne
« constateront néanmoins Xouverture de la fa illite que lorsqu’il y
« aura cessation de p a iem en t, ou déclaration du fa illi. »
Ainsi nous revoyons dans cette condition, la même jurisprudence
des arrêts de
et du 26 pluviôse an 10.
'
Le code veut, il est vrai, que le prem ier acte de refus de paiem ent
tTeffets commerciaux emporte- Y état de fa illite ; mais il ne le veut
que dans le cas où cette cessation partielle aura fini par une cessation
■
définitive; ce n’est que contre les déclarants
position a lieu.
faillite
que cette dis
�( 5i )
T
exte
.
« P ourquoi nous pensons que l’époque de la fa illite du sieur
« Herlian ne peut être fixée que du jour q u i l a cessé de traiter et de
« transiger avec ses créanciers, et où il y a eu cessation absolue
« de paiem ent. »
Observations.
V o ilà , encore, le même vice de raisonnement, qui dérive du faux
principe que c’est la cessation absolue de paiem ent qui ouvre la
faillite, lorsqu’au contraire la cessation absolue ne fait que former
la clôture de la f a illit e , en lui appliquant le sceau de l'authenticité,
et sa u fla recherche de Xouverture (ainsi que nous l’avons expliqué
ci dessus).
/
T
exte
.
« Et, comme il nous est dém ontré, même par le procès-verbal d e
« vérification et d ’affirmation des créanciers, que le sieur llerhan
« a souscrit les derniers engagements qui figurent dans sa faillite
« dans le courant de novembre 1807; notre avis est: que Xouverture
« de la faillite ne soit pas fixée avant le i er janvier 1808. «
Observations.
Le rapport détermine la cessation absolue de paiement de la part
du sieur llerhan , du jour où il a cessé de traiter et de transiger avec
ses créanciers; et il place les derniers engagements, traités et tran
sactions dans le courant du mois de novembre 1807.
En quoi il y a une double méprise.
i° En ce qu’il n’est pas vrai que les derniers engagements souscrits
par le sieur llerhan soient du mois de novembre 1807, ni qu ’il ait,
dans le cours de ce mois, traité ni transigé avec ses créanciers.
�t
I
(
52
)
Jamais, ni dans ce mois de novem bre, ni dans les précédents, en
remontant jusqu’au i mars 1807, il ne s’est fait de traité ni de
transaction entre eux. à moins qu’il ne plaise au commissaire d’enten
dre par traités et transaction, des commandements, saisie-exécution,
vente de meubles, arrestation.
5
Dans le malheureux état où se trouvoit Ilerhan à l’époque du
mois de novembre 1807, saisi et exécuté dans ses meubles et vête
ments (qui furent vendus quelques jours après sur la pince pu b li
q u e ) , quelle espece d'engagement, de traité ou de transaction
auroit-il pu souscrire avec ses créanciers?
L ’im agination se confond à ch erch er ce qui a pu suggérer au
com m issaire la vision d un traité et d une transaction d'Herhan avec
ses c r é a n cie rs, et de nouveaux engagements souscrits en novembre
1807.
En second lieu, quand cette circonstance existerait, de traité, de
transaction, et nouveaux engagements souscrits en novembre 1807,
comment seroit-ce une raison de n’ouvrir la faillite q u ’au prem ier
janvier suivant? Ces prétendus traités et engagements, auxquels on
assigne la date de novembre 1807, n’ayant pas été exécutés, leur
infraction, suivant tous les principes, remettroit le sieur Ilerhan
in statu quo : donc ce n’étoit plus le cas de faire servir ces engage
ments, traités et transactions, de ligne de démarcation.
Cette ligne est indiquée au 1" janvier 1808; mais pourquoi
cette indication plutôt qn’uue autre?
G’e s t, dit-on , pareeque c’est là q u ’on trouve le terme des négo
ciations d’Herhan. Mais qu’importe donc q u ’IIerhan ait ou n ’ait
pas fait dés opérations commerciales ? et en quoi cela servi roi t-il
pour retarder époque de la faillite ? Est-ce qu une faillite est in
compatible avec de pareilles opérations?
1
Quand, en 1755, les juges-consuls de Paris, assistés de banquiers
et négociants, donnèrent leur avis uniforme que la faillite du sieur
JJeseiisj’ Temonloit à n e u f ans, antérieurement au dépôt de son bilan,
�( 53 )
ils savoient forl bien qu e durant ces n e u f ans il avoit fait des arran
gem ents, des négociations de banque et de commerce, renouvelé clos
effets, traité et transigé à plusieurs reprises avec ses créanciers; mais
cette considération ne les arrêta pas ; et qu oiqu e la cessation absolue
de paiem ent n’eût été effectuée q u ’en 1754 , ils n’en déclarèrent pas
m oins la faillite
ouverte
dès le mois de ju in 1745.
D o ctrin e q u i fut consacrée par l’arrêt du parlem ent.
L o r sq u e le 7 therm idor an 7 , le sieur I>.........eut déclare' sa ces
sation absolue de paiem en t , par le dépôt de son b ila n , un ju g em e n t
du 99 prairial an g , et un arrêt co n firm atif du 26 pluviôse an 1 0 ,
n ’en déclarèrent pas m oins la fa illite
ouverte
dès le 28 nivose an G
(d ix-liu it mois a u p a r a v a n t ), et à la date de la circulaire par lui
adressée à ses créan ciers, p ar laquelle il leur dem audoit un délai de
n e u f mois.
O r , nous avons vu q u e , dans l’intervalle de cette circulaire au
dépôt de son b ila n , sa maison de com m erce avoit subsisté co m m e
a u p a r a v a n t ; aucu ne interrup tio n dans sa correspon dan ce, soit avec
ses cré a n cie rs, soit avec d ’autres négociants : son jo u r n a l, et une
liasse jointe au p ro c è s, de lettres de change acquittées dans cet i n
tervalle, faisoient p reu ve de la continu ité de ses négociations com
merciales.
Et cependant ces considérations ne firent pas fléchir le p rin c ip e ,
qu’une fa illite remonte à la date du premier acte de cessation p a r
tielle.
T k x t e.
« Telle est notre opinion, que nous soumettons à vos' lumieres et
« à votre équité.
« Délibéré à P a r i s , ce t
3 décem bre
1808. Signé G o u l l i a r t . »
Observations.
Si, effectivement, cette opinion eût été soumise à une mûre déli
bération du trib u n a l, nul doute q u ’elle eût été couverte d’une im
�( 54 )
p r o b a tio n gé nérale ; il n ’y a v o it q u e la v o ie d 'u n j u g e m e n t
f a u t , sans délibéré,
par dé
q u i ait p u arrach er au tr ib u n a l u n j u g e m e n t
c o n f o r m e à I’ a v i s d u co m m issa ire.
§• I I .
E xam en du jugem ent p a r défaut du 27 décembre 1808.
« Considérant qu’il ré su lte , tant dudit procès-verbal de vérificaa tion, que du rapport de M. Goulliart,
« P rim o, que la grande majorité des créanciers du sieur Ilerhan
« ne sont porteurs que d’engagements souscrits postérieurement au
« i mars 1807, époque à laquelle ledit Ilerhan a fait remonter sa
«fa illite dans sa déclaration. »
5
Observations.
1
Ce considérant n’est que la répétition d’une méprise qui a échappé
au commissaire dans son rapport, et qui a été renversée de fond-encomble par le rapprochement du bilan et du procès verbal de véri
fication. Ces deux pieces établissant, au contraire, que la grande
majorité des créanciers énoncés au b ila n , et vérifiés, sont porteurs
à'engagements souscrits non postérieurement au i mars 1807, mais
antérieurement à cette époque. ( Voyez ci-dessus, page
.)
5
33
T exte.
« Secundo, que les créanciers qui le poursuivoient à cette époque
« (d u i5 mars) ont été payés depuis en totalité, et 11e se sont pas
« présentés aux vérifications. »
Observations.
Même réponse qu’au considérant précédent; c’est, encore, une
inexactitude dans le fait : il n’est pas vrai que les créanciers qui
�5
poursuivirent Herlian dans l’intervalle du i mars au a8 ju in 1807
aient été payés par lui en totalité, et qu’ils ne se soient pas pré
sentés aux vérifications (*).
T
k x t e
.
« Tertio, que la p lu p a rt des créanciers désignés au bilan, et véri«fié s , ont reçu des à-comptes depui s ladite époque du i mars 1807,
5
« puisqu’ils n’ont présenté que des titres inférieurs en sommes à
« celles portées au bilan. »
Observations.
Sur soixante et d ix créanciers portés au bilan, il y en a seulement
six qui ont subi une légere dim inution, l’une de 24 l i v . , l’autre de
l i v . , etc., et qui ne s’élevent pas au total à 600 liv.
Qui dit la p lu p a rt, dit la plus grande p artie, la majorité. O r ,
convient-il de donner cette qualification , à la modique minorité
de six sur soixante et dix?
Et puis, à quoi revient cet argument? quelle conséquence four
nit-il? q u ’ils ont reçu des à-comptes, dit le considérant. Comme si
des à-comptes donnés par un débiteur étoient incompatibles avec
son état de fa illite !
C’est l’inverse du droit commercial ; car celui qui, à l ’échéance de
33
son engagement, ne peut offrir qu’un à-com pte, atteste par cela
même son impuissance et son état de faillite.
\Jii-compte donné (au lieu de la totalité) porte le caractere d ’une
cessation partielle de paiement; et loin que l’on puisse présenter des
à-comptes comme une circonstance destructive de l’état de fa illite ,
elle en donne la preuve.
( * ) P a r e x e m p l e , la saisie-exécution à la r e q u ê t e d u sie u r B e r t r a n d , e st Au prem ier
m ai 1 8 0 7 ; et ce c r é a n c i e r a été re p ré s e n té à la vérification p a r le si e u r L a m y .
C ’est p a r c ette c o n s i d é r a t i o n , q u e le c o m m iss a ir e a v o i t a j o u t e , au moins nom ina
tivem ent, ce q u ’on a j u g é à p r o p o s d e s u p p r i m e r d a n s le considérant .
�(
56
)
Voilà pourquoi un simple acte d'atermoiement, une simple réqui
sition de délais, soit à l’amiable, soit en jugement r constitue l’acte
de fa illite commencée.
On a déjà vu ci-dessus (pages
, /¡6, f\7 et /|8) ce principe con
sacré par les arrêls des 8 avril iySS et i février (802 ; en voici un
autre plus récent contre la maison de p rêt dite Lombard-Serilly.
Le () fructidor an ic> ( il\ août i o j , les administrateurs avaient
fait afficher dans le lieu le plus apparent des bureaux, un placard
annonçant que la maison de p rêt rembourseroit ses créanciers par
douzièm e, (1e mois en mois (sans cependant demander la moindre
réduction).
Plusieurs créanciers avoient déjà reçu leur premier douzièm e,
lorsque les fonds manquèrent.
Alors il y eut apposition de scellés, et la question s’éleva de savoir
45
5
85
§i ceux q u i avoient reçu leu r douzièm e devoient le
happobteb .
à la
masse.
'
On voit que cette question étoit subordonnée à celle de savoir à
qitelle époque la fa illite s’étoit ouverte.
Ceux qui se refusoient au rapport des douzièmes payés, prétendoient que. la fa illite n’avoit eu lieu qu’à l’époque de Xapposition des
scellés.
Mais les autres créanciers lafaisoient remonter au p la ca rd apposé
dans les bureaux, qui annonroit le paiement par douzièm e; sur le
motif que « quiconque, au lieu d’acquitter en entier un engagement
« de com m erce, demande du d é la i, et ne paie que p a r à-comptes,
« est, par cela seul, en état de fa illite. »
Le tribunal de première instance s’étoit laissé entraîner par la
considération que le mode d ’à-comptes par douzième avoit été adopté
par un acte homologué (ce qui lui (lonnoit l’apparence d’un arran
gement commun à tous les créanciers), de sorte que, dans cette
maniéré de voir, l’ouverture de la faillite n avoit effectivement com
mencé qu’à Yapposition des scellés ; et c est ce qu’il prononça par son
jugement du i/j mai 1807.
Mais, sur l’appel, la Cour, par son arrêt du & ju ille t 1807, a ré-
�■( 57 )
Tabli le principe dans tonte sa p u r e té , en reportant l’o u vertu re de
la faillite au jo u r de Yapposition du p la c a r d , et en o rdo nnant le
rapport des douzièmes reçus.
Les motifs de cet arrêt formant un contraste frappant avec ceux
énoncés dans le jugement dont est appel, et faisant d’avance sa ré
probation, méritent d’être rappellés ici.
« Considérant, en d ro it, que du moment qu'un débiteur est hors
« d ’élat de payer ses dettes cl l'échéance, et qu ’il a atermoyé avec ses
« créanciers, en leur promettant et annonçant q u ’il les paieroitdans
« une égale proportion dans des ternies autres que ceuxfix é s
leurs
« titres , il s’est constitué en état de fa illite ouverte;
« Q u e , dès lors, tout son acti f est devenu le gage de tousses créan
ce ciers, de maniéré qu’il ne lui a plus été permis d’en avantager
« quelques uns au préjudice des autres; et que ceux qui ont reçu ,
« soit la totalité, soit une partie du montant de leurs créances, n’ont
« pi: les recevoir qu’à la charge de rapporter ;
« CojïsiniiiiANT, en f a i t , que le fructidor an i , les administra« leurs du lombard .Serilly ont affiché (*) au lieu le plus apparent de
« leur caisse, un placard annonçant à tous les créanciers ([u ils ne les
« paieroient que par douzième;
a Que celte annonce de leur part est un véritable atermoiement
« qui a été accepté par les créanciers, puisque le plus grand nombre
« ont reçu le douzième p ro m is, et quelques uns de plus fortes
« parts, etc. (**) »
(3
3
( * ) Il y a bien mieux dans l’espece d’Herlian : au lieu d'affiches annonçant une sus
pension de paiement, il a laissé afficher, le 2.5 avril 1807, une vente publique de tous
ses effets, meubles et atleliers.
( ** ) Une foule d’arrêts anciens et modernes constatent le principe, que le morcelle
ment de paiem ent, les délais dem andés, les traités, transactions, .et atermoiements
constituent l’état de faillite.
L ’article 3 , du titre 12 , de l’ordonnance de
porte : « Q “ e tont débiteur qui a
« passé avec ses créanciers un contrat datermoiement, ne peut plus être reçu à faire
« les fonctions d’agent de change, ni de courtier de marchandises. »
Ilest à remarquer que la même disposition 11e se trouve pas dans le code de com-
8
�(
58
)
On voit que cet arrêt considere des à-comptes payés comme un
caractcre de faillite; à la différence du tribunal de com m erce, qui
decide que des à-comptes payes sont incompatibles avec 1 état de
fa illite !
T Ex T Ei
« D’où il suit que la cessation de paiem ent voulue par la loi n ’a
«pas réellement eu lieu, do la part du sieur Ilcrhan, au i mars
« 1807, et qu’il n’a pas cessé à celte époque de faire des opérations
« de commerce. »
5
Observations.
5
Lorsque le jugement avance en p oint de f a i t qu’au t mars 1807
Herhan n’étoit pas en cessation absolue de paiements ni à'opérations
commerciales, on peut, à toute rigueur, lui passer cette proposition.
Mais quand il ajoute qu’en p oint de droit cette double cessation
absolue est nécessaire et voulue p a r la loi pour constituer l ’état de
f a illit e , c’est une espece d hérésie en nialiere commerciale, que la
Cour s’empressera de réformer. Le texte qui suit va reproduire en
core la même erreur avec plus de développement.
T
e
x T E.
« Considérant que des défauts partiels et non continus de p a ien ments, ne suffisent pas pour constituer un état de fa illit e , puisque
« Yart. 441, 11’admet pour cela les actes constatant refus d ’acquit" « ter, qu aillant qu’il y a cessation de paiem ent, ou déclaration du
«f a illi -, c’est-à-dire que le failli cesse de f a i t , ou déclare q u ’il a
« cessé tout paiem ent. »
mercc, par la raison que, dans 1 esprit de ce code, Yatermoiement se confondant
snree la faillite, il étoit inutile de faire une disposition particulière à cet ¿gard.
�(
$9 )
Observations.
«.
^^ v
* •' .'if »
Il étoit impossible d’expliquer d’une maniéré plus fautive l’ar-o
ticle 4 4 1 du code de commerce, et de lui donner un sens plus cou-,
traire à son esprit et à sa lettre.
Cet article ne vient qu’à la suite de l’art. ^ >qui porte :
« Tout commerçant qui cesse ses paiements est en état de
« faillite. »
Prélend-on que la fa illite n’est consommée qu’à la suite d’une
cessation absolue? Soit, et admettons cette doctrine (q u i, néan
4 7
moins, est susceptible de controverse).
Mais quand une fois celte circonstance de cessation absolue est
arrivée, elle ne f.iit que consommer la clôture de la faillite, et rendre
certain et manifeste ce qui existoit déjà d’une maniéré moins visible.
Alors, il reste à rechercher ’epoque à laquelle In faillite a com
mencé; car, l’instant où elle est déclarée n’est pas l’intitnnt qui l’a
formée; or, c’est cette derniere époque que l’art. 441 indique comme
celle de l’ouverture de la faillite.
La loi veut que la faillite, une fois close par la déclaration du
débiteur (ou tout acte déclaratif) , soit réputée avoir commencé au
prem ier acte (quel q u ’il soit), constatant le refus d'acquitter ou de
payer des engagements de commerce; c’est-à-dire, qu’elle consacre
en principe cette même cessation partielle, que le jugement dont
est appel, rejette comme n’effectuant pas un caractere de faillite.
1
1
Toute erreur de la doctrine contenue dans le rapport du com
missaire et dans le ju g em en t, provient de ce qu’ils confondent per
pétuellement l’ouverture de la faillite avec sa déclaration, son com
mencement avec sa fin, et qu’ils appliquent à l’un ce qui appar
tient à l’autre.
T jî xt e .
« Considérant, d’un autre côté, que ce seroit compromettre le
« sort des créanciers qui ont traité de bonne f o i avec le sieur Ilerhan,
�5
( Go )
.« depuis le i mars 1807, et ceux qoi sont porteurs d’engagements
o souscrits postérieurem entî\ ladite époque, que d’approuver la dnte
« annoncée et fixée par le sieur TIerhan en sa déclaration , puisque,
« si réellement il eut été en faillite, toute opération commerciale
« lui eut été interdite, et qu’aux termes'de l’article 442 (bi code
« de com m erce, il eut été dessaisi de p lein droit de t administration
« de tous ses biens. »
Observations.
Si l’on ignorait la main qui a rédigé les motifs du jugem ent, cc
considérant suffirait pour la déceler.
On y voit le tribunal prendre en considération les conséquences
qui résulteraient contre les acquéreurs de l'établissement de TIerhan,
en prévoyant que l’époque du i mars 1807, entraînerait la nullité
5
de ces aliénations.
C ’est comme si l’on disoit, « nous^ne voulons plus reporter à la
« date du i mars 1807 la faillite d’Iierlnm , pareeque cette fixation
« compromettrait, bientôt après, la validité des ventes faites depuis
« cette époque au sieur Garneryo. t consorts. »
Mais ce m otif, blesse toute convenance, en s’écartant de l’impartialité, qui doit être le caractere distinctif de la justice distribu
tive, et il offre plusieurs inconséquences.
D abord, le tribunal n ’avoit pas à juger, ni à préjuger la validité
des opérations survenues depuis l’époque du i mars 1807; quelque
tut le sort des opérations intermédiaires, ce futur contingent n’éloit
pas soumis au tribunal de commerce; il étoit reservé aux tribunaux
civils, et c étoit, de sa part, inéconnoître et outre-passer sa com
p éten ce, que de le faire entrer en considération pour régler son
5
5
jugement.
Ce qu’on lui demandoit se réduisoit à la fixation de la date de
l'ouverture de la fa illite calculée, non sur les conséquences qui en
résulteraient, mais sur la disposition de la loi.
On n’aime point a v o ir dans ce jugement une sollicitude de cette
�(■G. )
cspecc, ni une prédilection dé personnes, qui répugne à l'impossi
bilité de la loi.
En second lieu, y eut-il jamais de considération plus déplacée,
que celle qui est ici annoncée? Et s’il s’agissoit d’un concours de
considérations, les malheureux créanciers de ïïo rh a n , composés
pour la plupart ouvriers, de fournisseurs, de fabricants, n’avoient
ils pas le droit de réclamer la priorité?
Ne d iro it-o n pas qu'il s’agit de dépouiller le sieur Garnery
et consorts, d’une acquisition laite de bonne f o i , dans l’ignorance
absolue de Yétat de fa illite d'flerhan , et de leur faire perdre le prix
qu’ils en auroient payé?
C ’e st, effectivement, ;t l’aide de cette fiction qu’ils sont parvenus
à usurper le mouvement de commisération qui s’est glissé dans le
jugement dont est appel.
_ •
Mais il n’est rien de lo u l cela.
;
L 'établissement réclamé par les créanciers d’IIerhan , n ’a jamais
résidé entre les mains des prétendus acquéreurs, qu’à titre de d é
p ô t, et pour le soustraire à l’expropriation ; ils étoient parfaitement
instruits du délabrement des affaires de leur prétendu vendeur,puis
que les affiches pour la vente forcée de l’établissement, étoient pla
cardées sur la porte même de la maison, et que l’acte du i5 mai n’a
eu lien que pour prévenir l'effet de cette vente.
Ils connoissoient si bien la détresse de Herhan, que le sieur Garnery avoit déjà avancé i?,oo liv. pour le retirer des mains d’un
huissier-captureur qui le eonduisoit à Ste.-Pélagie (voyez ci-dessus,
page 22).
Ce qu’ils ont fa it, ils l’ont donc fait en p l e i n e connaissance de
cause, et c’est une vraie dérision de les comparer à des acheteurs
de bonne f u i , qui auroient traité de l’établissement dont il s agit,
sans soupçonner le mauvais état des affaires du vendeur.
D’un autre côte, il n’est pas, non
question de leur faire perdre
le prix de leur prétendue acquisition, par une raison bien simple :
p l u s ,
�( Ga )
c’est q u ’ils n'ont pas déboursé un denier; lo prix est resté entre leurs
m a i n s , où il est encore tout entie?’.
N ’o u b l i o n s pas q u e la q u i t t a n c e de a/j,ooo liv. p or té e a u c o n t r a t d u S
b r u m a i r e , an i 4 , c e ü e de 70,000liv. p or té e au c o n t r a t du 1
5 mai , e t
e ni i n celle de 55,000 liv. p o rt é e dans l ’acte d u 28 j ui n 1 8 0 7 ; q u e
t o u t e s ces quittances s o nt u n tissu de simulations i m a g i n é e s c o n tr e
les c r é a n c i e r s (^¥). ( Voyez ci-dessus, pa ge 19).
L e s c r é a n c i e r s d’IIerl iau n ’e nt e n d e n t pas l e u r d i s p u t e r u n e o b o l e
d e ce q u i p e u t l e u r a p p a r t e n i r l é g i t i m e m e n t ; mai s ils d e m a n d e n t ,
de l e u r p a r t , le m ê m e s e n t i m e n t de j ustice.
L e u r prétention se bo rne à faire rentrer dans la masse les objets
qu'ils se sont fait ve nd re sans rien débourser , au sein de la détresse
de Ilerhan. S a u f , e nsui te , à venir, c o nc u r r e mm e n t au partage et
à contribution p o u r leurs créances vérifiées.
S ’il y a perte? elle sera p r o p o r t i o n n e l l e ; c ar d o i v e n t - i l s , dans u n
m a l h e u r c o m m u n , p r é t e n d r e à u n e e x e m p t i o n q u i blesse la loi a u
t ant q u e la r ai s on?
N o u s n e c o m b a t t o n s pas p o u r o b t e n i r u n bénéfice, mais p o u r n ou s
d é f e n d r e d’u n e perte; n o u s ne d e m a n d o n s pas q u ’on s’écarte en
n o t r e f a v e u r des d is po si ti on s do la l o i , mai s q u e l 'autori té de la loi
soit j u g e e nt r e n o u s ; p eu t -o n se p r é s en t er p l u s f a v o r a b l e m e n t ?
Quelle différence des sieurs G a r n e r y et consorts !
(* ) C ’est un point de fait , aujourd’hui devenu au-dessus de tonte contradiction,
que MM. Bcrtin-Devcaux, L aborie, et Garnery, n’ont hikh p a y é du prix de leur
acquisition , et que les quittances sont simulée?.
Ce n’est pas que dans leur système ils eussent spéculé avoir cet établissement pour
rien; mais ils entendoient en confondre le prix avec les créances acquises, ou à acqué
rir contre Ile ib a n , et se servir de ce moyen pour se couvrir de leurs créances cutieres ;
les quittances portées dans les actes des 8 brumaire an 1/,, i 5 mai et 28 juin 1807,
5e rqpporl oient, non au prix qu’ils avoient payé, mais aux créances dont ils libéroient
Ilerhan. C ’est eu cela que leur procède est tout à fait irrégulier, et les livre aux re
proches des créanciers et à l’indispensable nécessité de rapporter.
�( 6
3
)
Tém oins d e la faillite d 'Herh a n , ils s'empressent de s’assurer, par
ava n ce, des m oyens de se c o u v rir de tout danger.
On a vu par quels actes tortueux et com pliqués, ils sont parvenus
5
3oo,ooo f r ., sans bourse délier; avec la p ré c a u
à s’em parer, p ou r le prix apparent de 10 ,ooo f r . , d’un établissement
de la valeur de plus de
tion, néanmoins, de s'en faire donner quittance; forçant , ainsi , le
m alh eureux ven d eu r de s’en rapporter à leur conscience sur l'e m
ploi du p r i x , e t , p a r-là , se constituant eux-mêmes les arbitres de
leur libération.
Devenus les maîtres de toute sa fo r tu n e , ils le livrent à l'am er
tu m e , de voir ju s q u ’au dernier de ses habillements vendus sur le
carreau de l a p la c e p u b liq u e , et d’être ensuite traîné en prison.
Arrivés au te r m e , où par l’effet de la faillite déclarée, tout l'a ctif
d ’Herhan doit être mis en com m un , iis se préparent , de lo in , le
m o yen d ’éluder cette restitution, en disputant sur l' ouverture de sa
fa illite.
Non contents d ’a v o ir abuse de la rédaction d ’un ju g em e n t signé de
confiance, p o u r y p roclam er les assertions les plus fausses, et des
principes éversifs de la sûreté du co m m erce, ils osent faire parler la
com m isération due à des acheteurs de bonne f o i ! m o tif si étrange
dans l’espèce, que s’il ne se trouvoit pas dans un ju g em e n t respectable
par son caractere, 0n n’y p ourrait voir que la plus indécente ironie.
Ainsi, inexactitude de faits, violation des principes, inconvenance
dans les considérations, il ne m anq ue rien à ce ju g em e n t de ce qui
peut lui assurer une réprobation solennelle.
Signé P r ign ot, M e l l i e r , P o u l e t , syndics définitifs.
Deuxième Section de la Cour d ’appel.
Monsieur C A H IE R , substitut de M.
le P r o c u r e u r -g é n é r a l
impérial.
Me F o u rn e l, Avocat.
Me CLEMENT, Avoué.
�
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Factums Marie
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[Factum. Prignot, François-Etienne-Ebbon. 1809?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Prignot
Cahier
Fournel
Clément
Subject
The topic of the resource
brevets
typographie
imprimeurs
banqueroute
tribunal de commerce
créances
Description
An account of the resource
Mémoire pour les Sieurs François-Etienne-Ebbon Prignot, avocat. Jacques-Mathieu Mellier, et François Poulet, négociants. Au nom et comme Syndics définitifs des créanciers unis de Louis-Etienne Herban, imprimeur-méchanicien, breveté du Gouvernement. Et encore comme cessionnaires (au nom de la masse des créanciers réunis) des brevets d'invention et de perfectionnement de stéréotype accordés par le Gouvernement audit Herhan, les 3 nivôse an 6, et 27 brumaire an 9, et généralement de tous les droits rescindants et rescisoires dudit Herhan. Appelants du jugement par défaut du tribunal de commerce du département de la Seine, du 27 décembre 1808. Contre le sieur Jean-Baptiste Garnery, libraire, et consorts, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1809
An 6-Circa 1809
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
63 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0618
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
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Paris (75056)
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p a w ta n iiiw gi
3
MEMOIRE
EN R É P O N S E ,
P o u r dame G i l b e r t e D U C O U R T I A L , v eu ve
de Joseph M a i g n o l , tutrice de leurs enfans
mineurs; dame M a r i e - G i l b e r t e M A I G N O L ,
v e u v e de M ichel d e P a n n e v e r t ; dame M a r i e
M A I G N O L , et sieur A n t o i n e B O U Y O N ,
son mari ; dame M a r i e - G i l b e r t e M A I G N O L ,
et le sieur P i e r r e L E G A Y , son é p o u x, et sieur
A n t o i n e M A I G N O L , tous intimés ;
C o n tre
sieur
G u illa u m e
G u illa u m e
M A I G N O L y autre
M A I G N O L , son f i l s , appelans
d’un jugement rendu au tribunal d'arrondisse
ment de Riom , le 18 floréal an 1 ;
3
E t
encore en présence
d' A
n to in e
G U IL
L A U M E , maréchal, habitant de la commune
de Pontaumur, aussi intimé.
l
E sieur G uillau m e M a ignol
fils demande le désisteD
m eut d ’ un p ré vendu p ar P ierre M a ig n o l, d e L a n d o g n e ,
A
�'( 2 )
ii Antoine G uillaum e: il a osé revenir contre des engagemens contractés par Guillaume M a ig n o l, son père ; il
veut etre tout à la ibis créancier et débiteur de lui-même ;
et c’est après vingt-cinq ans d’exécution, après que Pierre
M a ign o l, et son fils, héritier institué, sont décédés , que
Guillaume M aignol fils a cru trouver les circonstances
favorables, pour arracher à la famille M a ig n o l, de L an d o g n e ,u n héritage dont leur père avoitpaye le prix.
Cette tentative qui blesse l a délicatesse et les conve
nances, a été rejetée par le tribunal d’arrondissement; et
la cour s ’ e m p r e s s e r a de confiimci un jugement conforme
en tous points aux lois et a. 1 équité,
F A I T S .
L e 16 mai 1 7 6 5 , un sieur M ichel Lenoble , habitant
du lieu de V a u r y , concéda aux dames Gliefdeville, à titre
de rente foncière et non l’achetable , un pré appelé
P ré-G rand , d elà contenue d’entour sept journaux, situé
dans les appartenances de Vaury.
Cette concession fut faite moyennant la rente annuelle
de 90 francs.
P a r une transaction du même jour, le sieur Lenoble
se r e c o n n u t débiteur d’une somme d e 1800 francs envers
le sieur Guillaume IMaignol, du Cheval - B lan c, père
d’autre Guillaume M aign ol, qui est aujourd’hui la partie
principale.
P o u r le payement de cette somme de 1800 francs,
Lenoble délégua à M aignol, du Cheval-Blanc, la rente
qui avoit été créée le nierne jour par les dames Chefdeville.
«
�( 3 )
Maignol, du Cheval-Blanc, a joui de cette rente jusqu’au
6 juin 1777 , qu’il se lit subroger par Annet Chefdeville,
héritier des preneuses, en 176 , à la propriété du pré
co n céd é, à la charge par lui d’acquitter la rente de 90 fr.
A u moyen de cet arrangement, M aignol, du ChevalBlanc , devenoit tout à la fois créancier et débiteur de
la rente de 90 fr. ; de manière que cette rente s’éleignit
par la confusion.
O n sait que l’eiFet de la confusion est d’anéantir les
deux qualités incompatibles qui se trouvent réunies dans
une môme personne; ce qui est fondé sur ce qu’il est
impossible d’être à la fois créancier et débiteur de soiîneme.
L e pré dont il s’agit n’étoit point à la convenance du
sieur M aign ol, du Clieval-Blanc; il étoit peut-être plus
rapproché du sieur M aign o l, de Landogne; mais point
assez à sa portée, pour qu’il désirât de l’acquérir.
M a ig n o l, du Cheval - B la n c , avoit d’autres vu es; il
5
convoitoit depuis long-temps un domaine qui joignoit
ses propriétés , et qui avoit été vendu par un sieur
de Larfeuil au nommé Jean Gastier.
M a ig n o l, du Cheval-Blanc, savoit que M aign o l, de
L an d ogn e, étoit créancier du sieur de L a r f e u i l , d’une
l’ente foncière au principal de 1400 francs, de plusieurs
années d’arrérages, et qu’il avoit fait d é c l a r e r le domaine
vendu à Gastier, affecté et hypothéqué au payement de
sa créance.
M aign o l, du Cheval-Blanc, n’ignoroit pas que le paye
ment de cette créance étoit au-dessus des forces du ven
deur comme de l’acquéreur; et il lui sembloit facile de
A 2
�(4)
devenir propriétaire du domaine, s’il étoit acquéreur de
la créance.
Il va solliciter Pierre M aign ol, de Landogne, de lui
céder l ’effet de cette créance, offrant de lui donner en
échange ce P ré -G ra n d , dont le sieur M aignol, de L an
dogne , n’avoit nullement besoin, qu’il n’a pas même
conservé.
M a ig n o l, de L a n d o g n e , par obligeance pour son
parent, accepta la proposition; mais il ne vouloit pas
payer de droits de lods : il falloit prendre une tournure
pour ]çg éviter ; et en conséquence, le meme jour 2 oc
tobre 1779? il fut Pass^ ^eux actes entre les parties, l’un
par-devant n o ta ire, et l’autre sous seing privé. Comme
ces deux actes font la matière du procès, il est impor
tant de les analiser.
P a r le premier acte notarié, Pierre M aign o l, de L a n
dogne , cède et transporte à Guillaume M a ig n o l, du
Cheval-Blanc, un contrat de rente de la somme de 28 fr.
par an , au principal de 1400 francs, faisant moitié de
2800 francs, consentie par dame Marie L aco u r, veuve
de Henri de Larfeuil, au profit de dame Gaum et, grandtante du cédant, le 23 octobre 1720,
Il cède pareillement les arrérages de cette rente de
puis l’année 1 7 ^ ? jusques et compris 1779*
Il cède encore l’effet de la sentence qu’il avoit ob
tenue en la sénéchaussée d A u v e rg n e , le 14 août 1 7
,
56
contre Jean Gastier, acquéreur de L arfeuil, d’un do
maine situé au Cheval-Blanc, et sur lequel il avoit exercé
une action eu matière hypotliecaire.
M aign o l, du Cheval-JBlanc, est subrogé à l’exécution
�( 5 )
de cette sentence, et aux procès verbaux de nomina
tion d’experts, sans néanmoins aucune garantie, ni res
titution de deniers pour cet objet.
L e prix de cette cession est fixé à la somme de 2000 f r . ,
pour payement de partie de laquelle M a ig n o l, du ChevalB la n c, cède et transporte, avec toute promesse de ga
rantir , un contrat de rente de la somme de 90 f r . , au
principal de 1800 f r . , à lui due par les héritiers de Pierre
Lenoble , suivant le traité du 16 mai i y
; laquelle
ren te, est-il d it, est -payable p a r les jou is s ans du pré
appelé P r é ” G r a n d , su r lequel elle est spécialement
ajfectée.
55
A u moyen de cette cession , M a ig n o l, du ChevalBlan c, demeure quitte de la somme de 1800 francs, en
déduction de celle de 2000 francs , prix du transport
consenti par M a ig n o l, de* Landogne.
A l’égard de la somme de 200 francs restante, Pierre
M aign o l, de Landogne, reconnoît l’avoir reçue de G u il
laume M aign o l, du Cheval-Blanc, en délivrance de pro
messe de pareille som m e, dont quittance.
A la suite de cet acte, M a ign o l, du C h e v a l - Blanc,
donne la déclaration suivanle, écrite en entier de sa main :
« Je soussigné, subroge M e. Pierre M aignol, bailli de
« Landogne, ci Peffet de la vente du bail emphytéotique
« du p ré appelé P r é - G r a n d , que sieur A n n et C hef« deçille m’ a consentie devant M a ig n o l, n o t a ir e , le 6
« ju in 1777 > pour par lui jouir dudit pré ainsi qu’il
« avisera bon être, moyennant la somme de 280 livres,
« dont 200 livres demeurent compensées avec pareille
« somme de 200 l i v . , comprise en la cession que ledit
�«
«
«
te
( 6 }
sieur Maignol m’a faite devant A lle y r a t, cejourd’liui,
d’un contrat de rente sur les sieurs de Larfeuil, et les
80 livres restantes me seront déduites sur les arrê
rages réservés par l’acte ci-dessus daté. Fait ce 2 oc-
« tobre 1779- »
P ou r entendre cette dernière clause, relativement à la
somme de 80 francs, il est bon d’observer que par l’acte
notarié, et par une c l a u s e finale, Pierre M a ig n o l, de
L a n d o g n e , s’étoit réservé les arréragés dus antérieure
ment à 1 7 5 8 , dont il devoit être fait compte entre le
cédataire et le c é d a n t , sans que M aignol, de Landogne,
pût e x e r c e r aucune action contre Larfeuil de Lacour;
« attendu, est-il d i t , que Guillaume M aign ol, du Clieval« Blanc, s’est obligé de rapporter quittance au sieur de
« Larfeuil de ces mêmes arrérages de rente. »
Cette dernière énonciation démontre assez que M a i
gn o l, du Cheval-Blanc, a voit déjà pris des arrangemens
avec le sieur de Larfeuil, et que tout étoit d’accord pour
que Guillaume M aignol devînt propriétaire du domaine
vendu à Gastier.
Q u o i q u ’ o n ait voulu à dessein répandre de l’obscurité
dans ces conventions, l’intention des parties n’en est pas
moins clairement manifestée. Il est évident que M aignol,
31
du Cheval-J ‘u:iC ? . îl voulu transmettre la propriété du
pré dont il s’agit à M aignol, de Landogne. Il ne pouvoit
pas vendre une rente qui n’existoit plus, qui s’étoit éteinte
par lfi confusion : il vouloit vendre le pré ; et l’acte sons
seing p r iv é , qui a suivi l’acte public, 11’étoit autre chose
que la p r o fe sse de 200 francs enoncee dans la cession
du même jour; promesse qui développoit les intentions
�(7 )
des parties, mais qui n’avoit pas besoin d’être faite double,
puisqu’elle ne contenoit point d’engagemens synallagm.-itiques, qu’ il n’y avoit d’obligation que de la part de
M a ign o l, du C h e va l-B lan c, attendu que le prix de la
vente étoit payé jusqu’à concurrence de 200 irancs, au
moyen de la cession consentie le meme jour. '
»
Aussi n’y a-t-il pas eu de difficulté entre les parties
pendant tout le temps qu’a vécu Pierre M a ig n o l, ainsi
que Joseph M aiguol, son fils et son héritier. Tous deux
ont joui du pré vendu en 1779 : mais l’exploitation étoit
pénible pour eux^ et Pierre M a ig u o l, de Landogne, sc
détermina à le v en d re , par contrat du 29 ventôse au 6 ,
à Antoine Guillaum e, maréchal, du lieu de Pontaumur.
Les M a ig n o l, du Cheval-Blanc, ont souffert, sans se
plaindre, et les jouissances de M a ig n o l, et la vente qu’il
a consentie.
Ce n’est que six ans après, et le 29 vendémairc an 1 2 ,
que Guillaume M aignol iils , se disant donataire de son
p e r e , a fait assigner Antoine G uillaum e, acquéreur, de
M a i g n o l, de L a n d o g n e , en désistement du pré dont il
s’agit, avec restitution de jouissances.
A ntoine Guillaum e, à son to u r, a fait dénoncer cette
demande aux héritiers de son vendeur, et a pris contre
eux des conclusions en garantie et dommagcs-intérêls.
Un premier jugement du tribunal de Riom , en date
du 6 thermidor an 1 2 , a ordonné la mise en cause de
Guillaume Maignol père , à la requête des intimés; ceuxci ont pris contre M aignol père des conclusions en contre
recours, à ce qu’il fût tenu de faire valoir la vente par
lui consentie h Pierre M a ig n o l, de Landogne.
\
�C 8 )
Un second jugement, du 23 venlose an 1 3 , a ordonné
la comparution des parties en personne ; elles ont satisfait
à ce jugement, et ont été interrogées le 6 floréal an 13.
Les interrogatoires respectifs sont transcrits dans le
mémoire de l’appelant, pages 10 et suivantes, aux notes.
Il résulte de l'interrogatoire de Maignol père , d u
C h eval-B lan c, i°. que le même jo u r de ta cte n ota rié,
du 2 octobre 1 7 7 9 , ^
a etl un acfe sous seing privé
entre les mômes parties ; 20. que cet acte sou§ seing privé
a été écrit en entier de la matn de M aignol père , du
C heval-B lan c ; 3°* cIuG M aign ol, de Landogne, a dicté
les conditions; °* q u’il n y a Pas ^ll d’autre double sous
seing privé que celui qui lui est représenté; °. que cet
acte a eu pour but de céder à Pierre Maignol la jouis
4
5
sance du pré dont est question , jusqu’à de nouveaux
arrangemens entr’eu x ; 6°. que l ’acte notarié ne lui délaissoit pas cette jouissance, qu’elle ne lui est délaissée que
par l’actesousseing privé; 7 0. que le m otif d’éviter les droits
de lods n’est pas entré dans sa pensée; 8°, qu’il n’a pas
été question de la propriété du p r é ; que ce n’étoit ni
son intention, ni celle de M a ig n o l, de Landogne. Si
l’acte ne fait aucune mention de la jouissance , il a écrit
sous la dictée de Pierre Maignol.
L e fils M a ig n o l, du Cheval-Blanc, n’étoit pas présent
à cet acte. Il en a eu connoissance bientôt après, et a osé
en témoigner son mécontentement a son père : le fils
avoit alors seize ans.
M aignol père convient que M a ig n o l, de Landogne ,
a bien pu avoir l ’intention de se soustraire aux droits de
lods, de devenir propriétaire du p r é ; mais il n’a pas été
question de la propriété entr’eux.
�( 9 )
A u surplus M a îg n o l, du Cheval-Blanc , ne jouîssoit
pas de ce pré lorsqu’il a fait une donation à son lils ; il
ne lui a pas donné nominativement le pré , innis il lui a
donné en général tous ses biens. Il a eu connoissance do
la vente consentie par M a ig n o l, d eL an d o gn e, à Antoine
Guillaum e; il l’a sue quatre à cinq mois après, et ne s’en
est pas mis en peine : cependant il a voulu , après cette
vente , se procurer l’acte de vente de 1777 ; mais comme
la minute se trouvoit. cliez M a ig n o l, de Landogne, il n’a
pu se la procurer d’abord : enfin il désavoue que le sieur
Lc'gay ait écrit un autre double de l’aclc sous seing privé.
Il est important de s’arrêter sur ce premier interro
gatoire. Ou voit que quelque soin qu’ait mis Maignol
père , du Cheval - Blanc , à s’envelopper d’ une certaine
obscurité, et d’être très-réservé sur ses confidences, il n’en
est pas moins constant que l’acte sous seing privé est du
même jo u r que l’acte notarié ; qu’il est écrit en entier de
la main de M a ign o l, du Cheval-Blanc ; que son fils a eu
connoissance de cet acte dans le même temps, lorsqu’il
11’avoit que seize ans ; qu’ainsi la date de l’acte est cer
taine , et que Maignol fils en imposoit à la justice, lors
qu’il disoit qu’il n’avoit connu cet acte qu’après sa do
nation.
M aignol fils, dans son interrogatoire, prétend n’avoir
eu connoissance de cet acte que depuis qii’ü es^ (l
de la m aison. A v a n t , son père lui a voit parlé des arrangemens faits avec M aign o l, de Landogue , mais lui disoit
qu il esperoit rentrer dans le pré ; il a la maladresse de
dire que son père a voit consulté trois jurisconsultes qu’il
nom m e, sur l’acte sous seing p r iv é , et on lui avoit dit
�( 1° )
que cet acte ¿toit nul pour n’avoir pas ¿té fait double ;
mais s’il a consulté sur cet a c te , il l’avoit donc dans les
mains : il répond que n o n , mais il en savoit le contenu.
L e père, interpellé sur ce f a it, répond affirmativement
que sur ce qu’il avoit rapporté de cet acte, M e. Andraud
lui avoit assuré qu’il étoit nul.
M aign ol fils n’a vu dans aucun temps un écrit sous
seing privé entre les mains de son père; ce dernier lui
a toujours dit qu’il n’y avoit pas eu de double ; son père
ne lui a pas donné nominativement le pre, mais lui disoit
toujours qu’il avoit le droit de s’en mettre en possession,
et lui donnoit pour prétexte qu’il n’avoit pas le titre qui
établissoit la propriété de ce p r é , la minute de ce titre
étant entre les mains de Pierre Maignol.
Mais si son père prenoit un prétexte pour se dispenser
de lui donner ce p r é , M aignol fils ne peut donc pas s’en
dire donataire, et seroit sans qualité pour en demander
le désistement : lorsqu’on est de mauvaise f o i , on n’est
pas toujours conséquent.
Enfin Maignol fils a ouï dire que le sieur L e g a y ,
gendre de M a ig n o l, de L a n d o g n e, avoit été le scribe de
l ’acte n o ta rié, et non du sous-seing privé.
L e sieur Bouyon , l’un des gendres de Pierre M aignol,
de L a n d o g n e, a déclaré qu’il n’avoit eu connoissance, et
n’avoit entendu parler de cet acte ? que depuis l’affaire
dont il s’agit.
L e sienr L e g a y , autre gendre, se trouvoit à Landogne;
le sieur M aignol l’appela dans son cabinet, où il étoit
avec M aignol p è re , du Clieval-Blanc; il l’ invita à écrire
un double sous seing privé ? contenant subrogation de
�( 11 )
rente , et notamment contenant aussi cession d’ un pré de
la part de M a ig n o l, du Cheval - B lan c, au profit de
M a ig n o l, de Landogne ; il ne se rappelle pas sur quel
papier il écrivoit ; il croit, sans pouvoir le certifier , que.
M a ig n o l, du Cheval-Blanc, écrivoit avec l u i , et que
M a ig n o l, de L a n d o g n e, leur dictoit ; il n’a écrit qu’ un
acte, ne se rappelle pas qui signa ; M aignol père n’écrivit
p o in t , c’étoit lui qui dictoit.
Après ces interrogatoires, il a été rendu, le 18 floréal
an 1 3 , un jugement qui déclare Maiguol père et fils non
recevables dans la demande en désistement du pré dont
il s’a g it , met les parties hors de cause sur les demandes
en recours et contre reco urs, compense les dépens entre
A ntoine Guillaume et les M a ig n o l, de L an d o gn e; con
damne les M a ig n o l, du Cheval-Blanc , eu tous les dépens,
ineme en ceux compensés , et aux c o û t , expédition et
signification du jugement.
Les premiers juges remarquent avec sagacité que G u il
laume Maignol père ayant réuni dans sa main la rente,
et le pré qui y étoit asservi, cette confusion de la qualié
de débiteur et de créancier a opéré nécessairement l ’ex
tinction de la rente.
Dès-lors le contrat de 1779 n’a pu avoir pour objet
la cession d’une rente qui n’existoit plus , et ne peut se
référer qu’à la propriété du pré.
Les premiers juges ont aussi très-bien observé que
par l’acte sous seing privé , M a ig n o l, du Cheval-Blanc ,
subrogeoit Pierre M aignol à la vente qui lui a voit ete
consentie le 6 juin 1777 >
que cette subrogation ne
pou voit s’entendre que de la propriété , puisque l’acte
B 2
�( 12 )
do 1777 étoit exclusivement translatif de la propriété
du pré.
L e tribunal dont est appel , répondant à l’objection
résultante du défaut de mention que l’acte a été fait
double, décide que les M aign o l, du Cheval-Blanc, dans
les circonstances où se trouvent les parties, ne peuvent
exciper de celte omission ; car il résulte des interroga
toires de M aignol père et fils, qu’ils ont connu la pos
session publique de M aign ol, de Landogne, et après lui
d’A ntoine Guillaume, tiers détenteur. Ils ne se sont pas
mis en devoir de réclamer contie cette possession; ils
n’ont pas é g a l e m e n t réclamé contre l’acte sous seing
p r i v é du 2 octobre 1779, quoique cet acte f û t présent
à leur esprit, quoiqu’il soit du f a i t personnel de Maignol
p è r e , qui l’avoit écrit en entier.
L e tribunal en tire la juste conséquence que l’exécu
tion donnée î\ cet acte sous seing p r i v é , du 2 octobre
I 779? forme une fin de non-recevoir contre Guillaume
M a ig n o l, d’après l’article 1325 du Code c iv il; et c’est
sans contredit rendre bonne justice.
Guillaume Maignol père a été convaincu que ce ju
gement étoit le résultat d’une discussion éclairée; il a
gardé le silence, et ne s’est point rendu appelant. Son
iils a été plus courageux; il n’a pas même craint de rendre
sa défense publique, comme si sa prétention pouvoit
faire honneur ù sa délicatesse.
O n se flatte d’écarter péremptoirement toutes les ob
jections qu’il a proposées : on établira, i ° . que Guillaume
M aignol père 11’a voulu et pu vendre que la propriété
du p r é , attendu que la rente étoit éteinte par l’acqui
sition du 6 juin 17775
�03
)
2.°. Que l ’acte sous seing p r iv é , du 2 octobre 17795
11’avoit pas besoin d’être fait double;
3°* Que cette omission, dans tous les cas, seroit ré
parée par l’exécution de l’acte pendant vingt-cinq années.
§. 1« .
L a rente de 90 fra n cs était anéantie p a r l'acte de
vente du 6 ju in 1777.
L a confusion, disent les auteurs, est l’union et le m é
lange de plusieurs choses ou de plusieurs droits, qui en
opèrent le changement ou l’anéantissement. Cette con
fusion s’opère principalement par la réunion de la pro
priété directe et de la propriété utile.
L ’effet de cette confusion est d’anéantir les deux qua
lités incompatibles qui se trouvent réunies dans une
même personne; ce qui est fondé sur ce qu’il est im
possible d’être à la fois créancier et débiteur de soi-même.
Voici comment s’exprime à cet égard Boutaric, Des iiefs,
pag. 92.
« Je suis seigneur direct d’un fonds assujéti par le
« bail à une rente annuelle d’un setier de blé ; ce
« fonds revient en ma main par d é g u e r p i s s e m e n t , préK
«
«
«
«
«
lation, ou autrement; je l’aliène ensuite sans réserver la rente : ce défaut de réserve r e n d r a - t - i l l e fonds
allodial? O u i, sans doute; car, quoi qu’en dise B rodcau sur L o u e t, tel est l'effet de la confusion ou de
la reunion du domaine utile au domaine direct, d'éteindre absolument la rente, »
�C 14 )
Il cite la loi dernière, S i q u is , ff. D e serv. urb. P r œ àia œde.s quœ suis œdibtts servirent, cum e/msset, traditas sib i acceperity coirfusa sublata que servitus e s t ,
et s i rursiis vendere v u lt, imponenda servitus est alioquin libéré veneunt.
L e même auteur ajoute que les deux qualités de sei
gneur et d’empliytéote ne peuvent subsister sur la même
tête , qui ne peut servir à soi-m êm e, et être soi-même
son emphytéote et son seigneur; que cette réunion s’o
père incontinent et sans délai, quand bien même la vente
ne seroit faite qu’à faculté de rachat.
Brillon , dans ses arrêts, enseigne que l’obligation est
absolument éteinte, toutes les fois qu’il y a concours de
la dette et de la créance dans la même personne; il cite
la loi 7 5 , ff. D e solut.
Despeisses, tom. ie r .5 pag. 803, édit. in -40., dit que
toutes obligations prennent fin par confusion ; qu ia nem opotest apudeundem pro ipso obligatus esse. L . Heures,
21 j §■ Q uod s i , 3 , fi'. F ide jussoribus.
On ne voudra pas sans doute établir une différence
entre le seigneur et le bailleur à titre de rente foncière.
Personne n’ignore que la rente foncière étoit considérée
comme un immeuble réel : le propriétaire de la rente
conserve la propriété directe; il a l’espérance de rentrer
dans le fonds, faute de payement, et la rente représente
le fonds.
D ’après ces principes fondés sur les assertions les plus
positives des docteurs du d ro it, comment seroit-il pos
sible de penser que Guillaume M aign o l, par l’acte no»
tarié du 2 septembre 1779 > a voulu ou pu vendre sirn-r
�C
15)
plement à M a ig n o l, de L a n d o g n e , la rente de 90 fr.
dont il étoit acquéreur en i j 5 5 ?
Cette rente n’existoit plus ; elle étoit éteinte par la
réunion du domaine u tile , lorsque Guillaume M aignol
eut acquis le pré asservi. Il ne pouvoit donc pas vendre
une cliim è re , une cliose anéantie : il a donc entendu
vendre la propriété du pré. Cela est d’autant plus évi
d en t, qu’il énonce dans cet acte notarié que la rente
dont il s’agit éloit due par les jou isso n s du pré. O r ,
c’étoit lui qui jouissoit du p r é , qui l’avoit acquis ; il ne
pouvoit pas vendre une rente sur lu i-m em e, puisqu’il
ne pouvoit être débiteur et créancier, puisqu’enfin la
rente étoit éteinte absolument dès le moment de la réu
n io n , et sans pouvoir revivre.
Il est donc démontré que la convention arrêtée entre
les parties étoit de vendre la propriété du p r é ; que la
rédaction de l’acte notarié n’a eu d’autre objet que d’éviter
des droits de lods ; et quoiqu’on dise que ces lods eussent
été peu considérables ; que M a ig n o l, acquéreur, étant
b a illi, auroit obtenu des remises, etc. etc.
Il ne s’agit pas d’examiner ou de savoir à quoi se portoient ces lods ; on sait qu'en général ce droit paroissoit
odieux autant qu’onéreux aux acquéreurs : il y avoit un
certain amour-propre à les éluder. Combien n’y a-t-il pas
d’exemples que des droits de lods très-modiques ont empeclié des ventes, soit parce qu’on ne vouloit pas solli
citer des grâces, ni payer rigoureusement le droit ! Enfin
les lods étoient en pure perte pour l’acquereur ; ils
l’étoient d’autant mieux dans l ’espèce, que l’objet cédé
�( i6 )
u Maignol , du C h e v a l-B la n c, n’en devoit p r s , tandis
que M a ig n o l, de L an dogn e, auroit dû le tiers denier
en ascendant sur le prix du pré dont il s’agit; et dans
ce cas la chance n’étoit pas égale.
Si l’acte notarié a q u e l q u ’ y b s c u r i t é dans sa rédaction,
toute équivoque est levée par la déclaration sous seing
privée du même jour : il n’y a plus de doute sur la pro
p rié té , puisque M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c, subroge
M a ig u o l, de L an do gn e, à l’acte du 6 juin 1777.
Si” t
que ce dernier acte_est celui qui transféré la propi’iété
du pré à Guillaume Maignol.
Dans tous les cas, toute clause obscure s’interpréteroit
contre M a ig n o l, vendeur, qui pouvoit dicter la loi, et
qui le pouvoit d’autant m ieux, qu’il 11e cesse de. répéter
que M a ig n o l, de Landogn e, convoitoit, désiroit le pré
dont il s’agit. S’il avoit un désir si violent de cet objet,
il se seroit rendu moins difficile sur les conditions, et
auroit subi la loi de son vendeur.
Ainsi le pré en question est nécessairement vendu par
l ’acte notarié, du 2 octobre 1779 : M aign o l, du ChevalBlanc, ne pouvoit vendre autre chose-, et, sous ce rapport,
son fils seroit non recevable dans sa prétention.
§• 1 1 .
L 'a cte sous senig p r iVe > du 2 octobre 1 7 7 9 , r i o i t pas
besoin d'étre fa it double.
Guillaume M aignol fils, qui sent toute la force de cet
acte,
�17
(
)
a cte , réunit tous ses moyens pour l ’écarter : en conve
nant qu’ il contient la vente du p r é , il soutient qu’il est
n u l, faute d’avoir été fait double, ou du moins faute
d ’en contenir la mention.
Pour apprécier le xxiérite de cette objection principale,
il est bon d’examiner la nature de cet acte.
Eu matière d’actes sous seing p r iv é , on distingue les
contrats bilatéraux ou synallagmatiques, d’avec les con
trats unilatéraux-, les premiers sont ceux dans lesquels
chacun des contraetans s’oblige envers l’autre; les seconds
sont ceux où il n’y a qu’une seule partie obligée.
On convient que les premiers doivent être faits doubles,
sauf l’exception dont il sera bientôt parlé, parce qu’il faut
bien que chaque partie ait son acte dans les mains pour
forcer l’autre à l’exécuter.
A 1 égard des seconds, on n’a jamais prétendu qu’ un
contrat unilatéral, comme une déclaration, une promesse
ou un b illet, dussent être faits doubles.
L e sieur M a ign o l, appelant, à moins de s’aveugler,
ne peut placer l’acte sous seing p riv é, du 2 octobre 1779,
parmi les contrats bilatéraux: la contexture de l’acte s’ÿ
oppose absolument. Guillaume Maignol père y parle tout
seul : J e soussigné 7 déclare , etc.,' lui seul c o n tra c te des
engagemens ; il a reçu le prix de la vente par le contrat
notarié. C ’est au contraire lui qui s e t r o u v e débiteur
d une somme do 200 francs ; il en c o n se n t une promesse
au profit du sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e : -cette promesse
est même énoncée, son existence est e x p r i m é e , par l’acte
devant notaire, du même jour; lui seul s’oblige. M a igu o l,
c
�( i8 )
de Landogne, 11e contracte aucuns engagemens envers
son parent; il ne dit mot : c’est toujours Guillaume Maignol qui parle exclusivement, qui se reconnoît débiteur.
Il n’y a rien de réciproque, tout est du fait de M aignol,
du Cheval-Blanc. Ce n’est donc là qu’un contrat unila
téra l, une simple déclaration, une simple promesse; et
comment pourroit-il y avoir n é c e s s i t é , dans ce cas, de
faire un acte double ?
M ais, d i t - o n , cet acte est une veDte, et toute vente
doit être faite double.
D ’abord, c ’ e s t mettre en fait ce qui est en question:
la vente s e trouve dans acte notai ie. Il finit bien donner
im sens quelconque à ce premier acte; et on a vu q u ’ i l
seroit absurde que M aignol, du Cheval-Blanc, n’eût voulu
vendre qu’ une rente anéantie.
1
Mais est-il bien vrai, dans tous les cas, qu’une vente
doit être faite double? On le conçoit, lorsque l’acqué
reur ne paye pas le prix , parce qu’ il faut bien qu’il s’oblige
à le payer , et que le vendeur ait des moyens pour l’y
contraindre ; mais lorsque l’acquéreur paye entièrement
le prix , qu’il ne contracte aucune obligation , comment
seroit-il essentiel que l’acte fût double? il devient alors
unilatéral ; il ne reste que Fobligation du vendeur de faire
jouir de la chose vendue, de garantir de l’éviction, etc.;
et dans ce cas, certes, il snflit que l’acquéreur soit nanti
de l’acte qui lui transmet la propriété. C ’est la distinc
tion qu’on a toujours faite en jurisprudence; et la cour
l ’a consacrée par plusieurs arrêts, notamment par un
rendu sur la plaidoirie de M e. P ag ès, dans la cause de
�T9
(
)
M e. Bertier, avocat à Brioude. La co u r, par cet arrêt,
ordonna l'exécution d’une vente sous seing privé non
faite double, par cela seul que l’acquéreur avoit payé
rentier p rix , que l’acte en portoit quittance, et que l’i.cquéreur n’avoit contracté aucun engagement.
O p p o s e r a -t-o n que l’acte sous seing p r i v é n’est pas
unilatéral, parce que M a ig n o l, du Cheval-Blanc, devoit
déduire une somme de 80 francs sur les arrérages
réservés ?
. Ce seroit une erreur ; le contrat ne change point de
nature par cette circonstance. 11 en est de cette mention,
comme si un débiteur, en souscrivant la promesse d’une
somme, y mettoit pour condition de déduire tous acquits
bons et valables qu’il pourroil avoir faits antérieurement:
la promesse pourcela 11’iiuroit pasbesoin d’être faite double,
parce que le créancier ne pourroit se f;iire payer sans re
présenter la promesse, et sans souscrire à la condition.
D e même ic i, M a ig n o l, de Landogne, n’auroit pu
exiger de M a ig n o l, du Cheval-Blanc, la somme de 280 fr.
sans représenter la promesse ; et alors il auroit bien
fallu déduire sur les arrérages la somme de 80 francs,
avec d’autant plus de raison, que l’acte n o t a r i é u’énonçoit qu’une promesse de 200 francs.
, Ainsi diparoît le moyen principal de Guillaume Mai
gnol. L ’acle sous seing privé est unilatéral; il ne con
tient pas d’engagemens réciproques; dès-lors il est fort
indiüérent qu’il ait été ou non fait double.
C2
�C 20 )
§. I I I .
D a n s tous les c a s , cette om ission serait réparée par
ïe x é cu tio n de l'acte.
Il est constaté par l ’interrogatoire des deux M aign ol,
du Cheval-Blanc, que cet acte sous seing privé est du
même jour que l’acte notarié-, il est écrit par le père;
il a été connu par g fils des le moment meine , et lors
qu’il n’avoit que seize ans : le père comme le fils ont
connu et souffert la possession publique de l’acquéreur;
ils n’ont réclam é, ni conlre M aignol, de Landogne ,
ni contre Antoine Guillaum e, tiers détenteur, quoiqu’ils
1
aient été instruits de la vente consentie par Maignol à
Guillaume.
«
«
cc
«
L ’article 1325 du Code civil porte : « Les actes sous
seing p riv é, q u i contiennent des conventions synallagmatiques , ne sont valables qu’autant qu’ils ont été
laits en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant
un intérêt distinct.
« Il suffit d’ un original pour toutes les personnes ayant
« le même intérêt.
« Chaque original doit contenir la mention du nombre
« des originaux qui en ont etc faits.
« N é a n m o in s, Ie défaut de mention que les origi« 7iaux ont été f a i t s doubles, triples , etc. , ne peut être
« opposé par celu i qui a exécuté de sa part la co n
te çention portée dans Vacte. »
�( 21 )
M . Malleville , sur cet article, s’exprime ainsi : « S i
« l’une des parties avoit déjà exécuté l’acte , elle ne
« doit pas être reçue à opposer qu’il n’a pas été fait
« double; mais il y aura souvent de l’embarras à prouver
« cette exécution.» ( Il n’y en a pas dans l'espèce parti
culière, puisque les deux M aiguols, père et iils, en con
viennent dans leur interrogatoire. ) « Ün admettoit une
« autre exception à la règle posée dans l’article, c’est
« lorsque l’ une des parties n’a voit pas d’intérêt à avoir
« un double : par e x e m p le , je f a i s une vente sous
« seing p rivé, et j'e n reçois le p rix ; on jugeoit que/«
« vente étoit vala ble, quoiqu'elle ne f û t pas fa ite dou« ble ,• mais on l’auroit jugée nulle s’il étoit resté quelque
« partie du prix à payer. «
Cette doctrine d’un magistrat éclairé, l’un des rédac
teurs du Code c i v i l , confirme ce que l’on a déjà dit dans
le §. précéden t, et prouve que l’exception admise par
l ’article cité , n’est pas nouvelle, comme a voulu le pré
tendre l’appelant. E n effet, la rigueur du droit, le sum
m um ju s , ne peut être invoqué avec succès qu’autant
q u’il paroîtroit qu’on a pu ignorer l’existence de l ’acte
qui vous est opposé ; mais lorsque tout annonce que cet
acte a été connu, qu’on en a souffert l ’e x é c u tio n sans se
plaindre, aujourd’hui surtout que la justice se rappro
che de l’équité, qu’on a senti la nécessité d’ccarter toutes
les subtilités du d ro it, Guillaume Maignol ne peut espé
rer aucun succès.
Il aura beau se battre les flancs, reproduire une ob
jection mille fois détruite, que le Code civil n’a pas
�( 22 )
d’effet rétroactif, qu’ il ne peut régler une convention
antérieure à sa publication.
Foible et petite ressource! L e Code civil est aujour
d’hui la loi de l'empire , et doit régler tout ce qui est
encore indécis.
D e même qu’on juge que la subrogation d’action peut
être admise pour une cession de droits successifs anté
rieure à la publication du Code , lorsqu’il y a encore
indécision, de même on doit décider que l’omission que
l ’acte a été fait double n’est d aucune conséquence, lors
que cet acte a été long-temps et pleinement executé,
avec d’autant plus de raison q u e , d’après l’opinion de
M . Malle v ille , cette exception n’est pas nouvelle, et a été
admise dans l’ancien droit.
E t s’il en étoit autrement, si le Code civil pouvoit êlre
mis de côté pour tous les actes antérieurs sur lesquels il
n’a pas été prononcé, il vaudroit autant décider que ce
Code si long-temps attendu, que cette loi uniforme pour
tout l’em pire, si souvent désirée, que l’ immortel D«iguesseau trouvoit si nécessaire, ne pourroitôtre exécutée
que dans trente ans, ou n’auroit été promulguée que
pour la génération future -, ce qui est une absurdité.
X^e Code des Français est aujourd’hui leur unique loi.
S i , comme tout ce qui sort de la main des hommes, il a
quelque im perfection, on est au moins obligé de convenir
qu’on y retrouve toute la purete du droit romain , tout
ce que l’expérience et la raison avoient remarqué de plus
sage dans le droit coutumier; qu’il n’a nullement besoin
de commentaire pour le jurisconsulte; que les pandectes
r
�23
(
)
• ne servent qu’à l'obscurcir; qu’enfin il a paru sous l’in
fluence d’un héros législateur, et qu’il suilit. d’un rayon
de sa gloire pour que ce Code devienne bientôt la loi
de l’Europe entière.
Guillaume Maignol fils ne se tirera jamais de J’ar
ticle 1325; l’exécution de l’acte est pour lui la pierre
d’achoppement : sa mauvaise foi est à découvert; la loi
et l’équité repoussent une prétention ambitieuse et tardive,
qui 11’uuroit pas vu le jour si Pierre Maignol existoit
encore.
Il ne s’agit plus que de parcourir rapidement quel
ques misérables objections proposées en désespoir de
cause.
L ’appelant reproche aux premiers juges de s’être
occupé de l’acte sous seing p r iv é , comme si cet acte
étoit souscrit par lui-même. On a confondu , dit-il , les
moyens du iils avec ceux du père ; cependant un iils
donataire 11e pouvoit être tenu de l’effet d’un acte sous
seing privé, n’ayant de date certaine qu’après sa donation.
Ce paquet ne peut aller à aucune adresse, et ne séduiroit pas même le praticien le plus formaliste.
11 est constant, d’après le père et le fils, que l’acte sous
seing privé est du même jour que l’acte n o t a r i é . 11 est
constant que l’acte a été connu du fils et du père, et que
ce fils rebelle s’avisoit à seize ans d’en témoigner son
v
m êcontentement au père.
Ce fils précoce n’a rien ignoré ; il a rneme voulu se
faire donner ce pré ; mais le père a pris pour prétexte
qu’il n’a voit pas l’acte de 1 7 7 9 , et que la minute avoit
resté entre les mains de M a ig n o l, de Landogne.
�24
(
)
D ’après ces a v e u x , il est assez maladroit d’équivoquer
sur les dates. Il est vrai qu'en général les actes sous seing
privé n’ont de date certaine qu’avec la formalité de l'en
registrement , ou par le décès de l’un des signataires ; mais
pourquoi ? c’est qu’il seroit facile de dater un acte sous
seing privé du temps que l’on v o u d ra it, et que par ce
moyen on anéantirait des conventions postérieures.
Mais lorsque la date est. avouée et reconnue ; lorsque
ce iils , qui parle si souvent de sa donation , a connu
auparavant un acte qui transmettoit a un tiers la pro
priété d’un immeuble particulier ; lorsque surtout cet
immeuble n’est pas nominativement compris dans la dis
position q u ’ i l in vo q u e , il n’a pas dû y compter; il n’a
pas dû calculer la valeur de cet objet dans la donation
qui lui a été faite; il aurait même trompé la famille avec
laquelle il contractait, s’il leur «voit fait entendre que
cet héritage faisoit partie de sa donation : dans tous les
cas, il n’auroit pu nuire au tiers détenteur.
On ne voit pas quelle analogie il peut y avoir entre
cet acte et une contre-lettre à 1111 contrat de mariage.
lies lois ne proscrivent les contre-lettres aux contrats
de mariage qu’autant qu’elles seraient isolées, qu’elles
é m a n e r a i e n t d e l’époux sans les avoir communiquées à
la famille avec laquelle il contracte.
Mais si les contre-lettres étoient signées par toutes les
parties qui ont assiste au contrat, elles seraient très-vala
bles, et auraient tout leur effet. Il n’y a d’ailleurs aucune
comparaison à faire entre cet acte et une contre-lettre :
M a i g n o l , de L a n d o g n e , serait propriétaire en vertu de
l ’acte notarié. L ’acte subséquent n’est qu’un acte iso lé ,
explicatif,
�*5
(
)
explicatif, interprétatif, si l’on v e u t, du précédent, mais
qui n’ajoute rien au droit des parties.
Q u ’on ne dise pas que cet acte sous seing privé est
obscur et équivoque ; l’appelant doit se rappeler qiûd
subroge M aign o l, de Landogne, a u x effets de Pacte du
6 ju in 1 7 7 7 , et que ce contrat transmet la propriété du
pré i\ M a ig n o l, du Cheval-Blanc.
M aignol iils tourne toujours autour de ce cercle vicieux;
il en revient à dire qu’un acte sous seing privé, qui con
tient des engagemens synallagmatiques,doit être fait double;
il a recueilli quelques arrêts rapportés dans la dernière
collection de jurisprudence, en faveur de l’archevêque
de R e im s, contre le prince de Conti ; entre le sieur Forget
et le duc de G ram m on t, etc. On ne lui conteste pas le
principe : on n’est divisé que sur l’application.
Il prétend prouver la nécessité que cet acte fût fait
doub le, dans le cas où le sieur Maignol auroit été évincé
de son p r é , ou qu’il l’eut perdu par force majeure.
Mais si M a ig n o l, de L an dogn e,eût été évincé , il avoit
son acte pour demander une garantie ; il n’auroit pas pu
le supprimer pour s’en tenir ù l’acte notarié, et demander
la rente, parce qu’on lui auroit répondu que la rente éfoit
anéantie, et qu’il n’avoit acheté que le pré dont il jouissoit publiquement; il n’auroit jamais été assez malavisé
pour se contenter d’une rente, lorsqu’il pou voit obtenir
une indemnité suivant la valeur actuelle du pré.
E t s’il l’avoit perdu par une force majeure, si la riViere le lui eut en levé} comme ou l’a dit plaisamment
en première instance, le pré.auroit été perdu pour lui :
res périt domino.
D
�(26)
Mais pour cela il faut supposer des accidens bien graves;
une révolution clans le globe, le contact d’une comète, etc.
C ’est prévoir les choses de loin : la pauvre humanité ne
va pas jusque-là.
»
Antoine Guillaume attendra d’ailleurs l ’événement; et
il est à croire que sa postérité la plus reculée jouira •pai
siblement du pré dont est question, malgré Maignol fils,
et malgré la rivière de Sioulet qui le fertilise et ne peut
lui nuire.
M e. P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
M e. M A N D E T , avoué licencié.
A R I O M , de l'im prim erie de L
andriot,
seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — Juillet 1806.
�
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Ducourthial, Gilberte. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Mandet
Subject
The topic of the resource
créances
cautions
compétence de juridiction
tribunal de commerce
cylindre à indiennes
teinturier
serrurier machiniste
moulins
fabriques
textile
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour dame Gilberte Ducourtial, veuve de Joseph Maignol, tutrice de leurs enfans mineurs ; dame Marie-Gilberte Maignol, veuve de Michel de Pannevert ; dame Marie Maignol, et sieur Antoine Bouyon, son mari ; dame Marie-Gilberte Maignol, et le sieur Pierre Legay, son époux, et sieur Antoine Maignol, tous intimés ; contre sieur Guillaume Maignol, autre Guillaume Maignol, son fils, appelans d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de Riom, le 18 floréal an 13 ; et encore en présence d'Antoine Guillaume, maréchal, habitant de la commune de Pontaumur, aussi intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1755-1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0527
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0127
BCU_Factums_M0710
BCU_Factums_G1606
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontaumur (63283)
Landogne (63186)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cautions
compétence de juridiction
Créances
cylindre à indiennes
fabriques
moulins
serrurier machiniste
teinturier
textile
tribunal de commerce
-
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PREMIER MEMOIRE,
DU
7 SEPTEMBRE
1807,
ET SUPPLEMENT EN CAUSE D’APPEL,
DU
26 N O V E M B R E
1808,
P o u rM .e P i e r r e - A l e x i s - L o u i s B R U , Avocat, et premier
Suppléant de Juge à St.-Flour, département du Cantal;
Contre les sieurs J e a n M E Y R E , Greffier du Tribunal
de commerce de St.-Flour, et F r a n ç o i s D A U B U SSO N f
de C 1ermont.
E
J suis force de réclam er auprès des tribunaux une justice v a i
nement tentée auprès de mes adversaires; ma patience et les voies
amiables n’ont produit aucun effet. Accoutum és à faire des profits
énormes par l ’usure et par l ’agiotage les plus effrénés , ils ont ri
ed la bonne foi de mes démarches, tant la corruption devient une
seconde nature par l’habitude de s’y livrer.
Depuis environ cinq ans ma fortune est menacée par cette espèce
d hommes inconnus ju s q u ’à nos jo u rs; et des sommes empruntées
a diverses e po qu es, dont le total ne s’élève pas à vingt mille f r . ,
r éellement reçus, sur lesquelles j’en ai déjà donné plus de vingt-un
mille , laisseraient aux sieurs M eyre et Daubusson , un produit en
interets, et interets d’intérêts, de plus de 25,000 fr. dans moins de
cinq ans , si les lois n ’étaient là pour réprim er leur c u p i d i t é , et
si je n avais en mon pouvoir les preuves écrites de leur usure infâme.
e le répéte , c’est à regret que j ’entreprends une affaire qui
J
aurait pu être assoupie , et dont le résultat ne peut qu’être funeste à
mes adversaires ; mais ma réputation de solvabilité et de probité ,
a ta
q uee audacieusement de leur part , des poursuites vexatoires
commencées , une masse d ’intérêts qu’ils ré cla m e n t, après avoir
recu plus que le capital; le soin naturel de défendre , pour m a
famille , contre des voleurs publics, une fortune honnêtement acq u i s e jugement rendu pour et par des gens qui ont à
déméler des
affaires majeures avec moi , tout cela me fo r ce a parler
haut le langage de la justice. J e suis bien favorable, si j avais besoin
defaveur , car je dois au sort de mes enfans ( au nom bre de
o n z e , les efforts que je vais faire. Je serai vrai dans l’exposé des
faits et les principes immuables du tien et du m ie n , trouveront
�(a )
leur application à mes intérêts, méconnus impunément jusques à
J e possède au v illa g e de Pierrefite , pre» de St.-FIour, dépar
tement du C antal, un domaine au milieu duquel sont enclavés des
h é r i t a i s que Guillaum e A m a t laissait dans sa succession, et auxquels
¿taien? dues des servitudes de p a ss a g e, prise d eau , etc., etc.
Moins par ambition que par nécessité, je me vois forcé de les ac
quérir. J e devais à cette époque en petits capitaux exigibles environ
8 co o fr. Lorsqu’au commencement de l’an dix; je fis cette acquisition ,
j ’ignorais que les capitalistes confiaient leurs capitaux à des gens la
plu part sans aveu , sans garantie, sans bonne foi, sans loi; pouvais-je
présumer qu’ils seraient aussi cupides, aussi îrnprudens qù ils l’ont été !
C a r enfin, quelle garantie présentent des agioteurs en général ?
L ’impérieuse nécessité de solder pour huit ou neuf mille francs de
capitaux que je devais alors, ainsi que le prix de mon acquisition , me
fait découvrir Jean M e y r e , qui m e procure, d’accord avec le sieur
D a u b u sso n , les sommes dont j’ai besoin; le taux de 24 pour cent est
le taux absolu exigé de leur part et accordé. L a reconstruction d ’une
façade à ce dom aine, la réparation des grange et écurie, nécessitent
encore un emprunt dans les années onze , douze et treize, d’environ
cin q ou six mille fr., et il faut toujours recourir aux adversaires, tant
les capitalistes semblent resserrer leur argent, pour........
L e s sommes que j'ai empruntées à ces diverses époques ne s’élèvent
pas à vingt-un mille f r . , et s’il pouvait y avoir de l’e rre u r, nous la
rectifierons par les registres des adversaires , dont infailliblement le
rapport sera ordonné. J e désire de ne pas en imposer.
L e sieur M eyre ne manquait pas d’empirer ma situation; il faisait
ses comptes à discrétion; tantôt il fixait pour six m ois, tantôt pour trois
m o is, l’intérêt q u i, quoique de 24 pour cent par an , se portait à 28
ou à 3o pour cent, selon les époques plus ou moins rapprochées du
r e n o u v e l l e m e n t . J e vivais dans une inquiétude dont personne que
m oi ne pourra se faire une idée. L es extrémités les plus malheureuses
m ’auraient paru quelquefois un bien infini. J e me rends inutilement
chez le sieur Daubusson , duquel je reçois pour toute réponse, le ca
p it a l ou l'a g io ; j’insiste, et il me réplique : arrangez-vous avec M eyre,
tandis que M eyre m ’a dit : arrangez-vous avec Daubusson.
D eu x 011 trois personnes , qu’il ne convient pas de nom m er ici ,
m ’avaient bien promis de me prêter une somme de 20,000 fr. (cette
espérance cause en partie mes m a lh eu rs); ces fonds manquent , et
cependant la crainte des poursuites inouies que les agioteurs étaient
dans l’usage d’exercer, des ménagemens pour mon père et pour ma
fam ille, la considération que j ’ai tant souhaité de me conserver, et
que ces misérables ont tenté de me faire p e rd re , me forcent de renou
veler de six en six, de trois en trois mois. M on épouse qui partage
�mes sentimens, mon épouse qui se flatte d ’une espérance aussi vaine
que m o i, m ’engage aussi à ce fatal et continuel renouvellement; elle
et moi passons sous silence les chagrins que nous avons dévorés à ce
sujet. Puissent les âmes honnêtes être saisies d’horreur à l’aspect de
pareils hommes , et de leurs associés bien connus !
Cependant j ’avais déjà payé au sieur M eyre environ six mille fr.
à la fin de l’an dix ; postérieurement je lui ai donné quelques à-comptes,
en le conjurant toujours de réduire cet intérêt qui allait infailliblement
dévorer ma fortune. J e l’ai pressé plusieurs Ibis de me laisser connaître
par ses registres l’état des effets q u ’il réglait à son g r é , et il ne m’a
donné qu’une fois cette satisfaction ; c’était en l’an onze , j ’avoue même
que je n’ai pas été satisfait. On va voir q u ’il ne fallait pas s’en rap
porter uniquement à lui.
, E n l’an treize, il me dit qu’il faut des fonds; il me promet astu
cieusement une réduction considérable a condition que je lui payerai
une forte somme; j’y souscris; mais comment lera i-je? Je ne peux
vendre sans diminuer hors de toute proportion les revenus d’une pro
priété considérable que je possède à Pierrefort, et dont on connaît a u
jo urd ’hui la valeur par l'affiche que j ’en ai faite. L e sieur M eyre est
de mon avis; il m ’engage à faire une vente de quatre cents setiers de
b l é , délivrables en quatre an s, à 14 fr. le setier, mesure de M urât;
il retient les cinq mille six cents fr. que produit cette vente, il garde
1 acte de vente entre ses mains, et au lieu de diminuer le taux de l’ usure,
il me repond que je n’ai pas fait un remboursement suffisant. J e dévore
ce trait inoui de perfidie, et je me tais.
Ce dernier procédé m ’assure q u ’il faut par la suite retirer moimeme les lambeaux des lettres de change lacérées, si je ne veux laisser
périr totalement ma fortune par la dévorante activité à re n o u ve le r,
q u ’emploient les sieurs M e y re et Daubusson.
J avais deja tenté plusieurs fois de vendre tout ou partie des biens
dont je viens de parler; mais comme les agioteurs accaparent plus que
jamais les fonds des capitalistes, je ne p e u x vendre ; je tente de me faire
d autres ressources pour payer au moins partie aux adversaires; je suis
iorce de contracter d ’autres engagemens q u i , quoique o n é re u x , ne
seront pas contestés de ma p a r t , tant ils sont éloignés du taux énorme
que les sieurs Meyre et D aubusson ont adopté. Je rembourse donc
plus de vingt-un mille f r . , ce qui excède de beaucoup le capital ; en
sorte que ce qui est dû aujourd’hui ne présente que des intérêts, et
inteiets cles intérêts.
J e tente inutilement à plusieurs reprises d ’obtenir une diminution
auprès du sieur Daubusson. J e m e détermine à revenir à C le rm o n t,
en . °ire de mai 1806; tout ce que je peux obtenir est une diminution
q iu porte a 18 pour 100 l’intérêt, en payant cet intérêt dans deux
mois , et le capital en novem bre suivant.
ne sortira jamais de ma mémoire que le g mai 1806 , jour où ,
en presence du sieur M e y r e , je renouvelai les effets é c h u s , chez
2
�( 4 )
ledit Daubusson , un commis à figure b a ss e , épiait mes moindres
mouvemens; queles sieurs M e y re e t Daubusson n’avaientpasm eilleure
mine ; que lorsque je pris et déchirai les effets précéd ens, un sou
rire p énible, mais d u r , dérida lin moment leur traits qu’avait sans
doule altérés une conscience coupable ; et que sortant de ce gouffre,
je me dis tristement , les j e u x presque gros de larmes : où suis-je?
que deviendrai-je ?
Q u o iq u ’il en so it, à l’échéance des effets , même embarras de ma
p a r t , même rigu e u r, m êm e dureté de la leur, menaces d ’ em prison
n e m e n t, de saisie, d ’expropriation; enfin renouvellement forcé de
mes effets , le i 5 mai dernier , toujours à 18 pour 100, sans éclater
contre les propos menaçans du sieur Meyre.
L ’échéance de ces derniers effets n ’était pas encore arrivée , lors
q u ’ il s’est fait une levée de boucliers parmi les agioteurs, et q u ’au
lieu de céder aux sollicitations portées par deux lettres au sieur D a u
busson, mais q u ’il a laissées sans reponse, ils ont eu l’impudeur, pour
20,000 fr. d ’ intérêts usuraires et a c c u m u lé s , d’affecter et de répandre
une crainte d’insolvabilité , de grossir des inscriptions , et d ’allarmec
des créanciers heureusement peu nom breux, tandis qu’ils n ’ ignoraient
pas que j ’avais une fortune de plus de 200,000 f r ., suivant l’évaluation
ordinairs de notre département. Ils font plus , me voyant aflicher la
m ajeure partie de mes b ie n s , ils ont répandu q u ’à mon tour je voulais
imiter leur agiotage : les misérables !
Disposé à faire des sacrifices qu’ une faute, produite par la nécessité,,
avait rendus inévitables , en méprisant leurs calom nies, j ’ai cru ne
jas devoir franchir les bornes de la modération et de la loyauté ; je
eur ai dit que je payerais, mais qu’il fallait un peu de tems; que ces
intérêts étaient trop forts, que quelques remises seraient justes, etc. etc.
M a patience a doublé leur ardeur , et soit q u ’ils l’attribuassent à
la crainte, soit que par des procédés violens et des menaces affreuses,
ils aient cru m’emmener à détruire jusqu’aux traces de leur infâm e
a g io ta g e, ils ont montré la m ême audace. L e sieur M e y r e , en p ré
sence de personnes dignes de f o i , a osé me proposer d’attendre trois
mois seulement, sous la condition de lui payer encore l ’intérêt à 18
p o u r 100, de lui donner une caution, de lui remettre les effets qui
font ma p r e u v e , ou de lui déclarer qu’il n ’avait perçu que le taux
légal. J ’ai contenu mon indignation en^repoussant sa proposition; il
a osé me proposer un jugement auquel j’acquiescerais , ou dans lequel
je déclarerais que la créance est bien et légitimement due au sieur
D aub usson ; même relus de ma part. E nfin , il a osé me dire et ré
pandre en public q u ’il ne m ’avait prêté qu’à i pour 100, tandis que
la notoriété p u b liq i,e l’écrase , tandis que ses propres écrits à la main ,
et ses lettres de ch a n g e, endossées par lui ou par le sieur Daubusson ,
établissent d’une manière invincible qu’ils ont porté le taux de l’usure
jusqu’ù 33 pour 100 , et qu ils ont accum ule interets sur interels.
Cependant ils viennent d’obtenir, le 24 août dernier, sous le nom.
f
5
�du sieur D aubusson, un jugem ent par d é f a u t , qui me condamne au
paiement de 20,200 fr ., montant de cinq lettres de change; et ce j u
gement est rendu dans la propre cause du greilier M e y r e , p a r l e
sieur B éraud, son cousin germain allié, par le présid en t, qui doit
savoir que des affaires majeures sont à démêler entre lui et moi. L e
sieur M eyre fait plu s, il répand que nous sommes convenus d ’un j u
ment auquel j ’acquiescerai , tandis qu’il l ’a fait rendre parce qne je
n ’ai pas voulu y acquiescer de la manière p ro p o s é e , et que je lui ai
laissé la faculté de prendre ses avantages ; tandis que de suite il m e
l ’a fait signifier, et qu ’il s’est inscrit, le tout contre une parole donnée,
com m e ces sortes de gens la donnent.
Si j ’écrivais pour le tribunal de com m erce de S a in t-F lo u r, je lui
dirais que ce jugement est n u l, parce qu ’il est rendu pour des per
sonnes qui ont contre moi des engagemens de la nature de ceux que
j ’attaque, et par des personnes qui ont aussi à régler des intérêts
majeurs avec moi.
J e leur dirais que le sieur M e y re est souvent partie dans les
affaires de commerce de ce tribunal ; que lui greffier écrase en
frais une foule de propriétaires; qu’ en un m o t , il est du nombre
de ceux qui agiotent au sein même du tribunal.
Sans d o u te. Son E xcellence le G r a n d - J uge , informé des abus
qui se sont glissés dans les tribunaux, et de ceux qui se commettent
journellement au tribunal de com m erce de S t .- F lo u r , y mettra un
ordre salutaire. L e s bons esprits n 'en dou tent p as.
Je leur prouverais que cette espèce de tribunal est incom pétente.
Mais comme j écris pour le p u b lic , com m e j’écris principalement
pour les juges qui connaîtront de l’usure et de l’agiotage dont je
me plains , je vais rappeler les principes immuables qui doivent
iaire annuller les actes de prêts à usure , en forme de lettres de
change, qui m ’ont rendu débiteur des sieurs M eyre et Daubusson ,
et qui doivent me iaire restituer les produits énormes de leur usure.
Il est de principe chez toutes les nations , et principalement en
i r a n c e , que l’usure est un délit puni par les lo is, et que l’usurier
est tenu à la restitution des sommes qu ’il a perçues de trop, qu’il
est même soumis à des peines capitales. J e 11e leur rappellerai pas
es principes du droit divin, ni m êm e la religion naturelle, la c h a r ité }
a J ra tern elle ch a rité ; leur cœur est fermé pour jamais à ce
sentlment , et avertit la société d’être en garde contr’eux; je leur
rappellerai les lois qui les atteignent , en attendant que la provi
dence eu fasse justice.
de
PI ... —* »
*<5^4 ; ceues cie rnuippe-ie-ixaj u* , uc » 2 74: de.
(le.
,
PPe Ï V , de i 3 i I ; de Philippe de V a l o i s , de 1849; de L o u is X I [
üe i io ; de Francois I.” , de i 5 3 5 ; de Charles I X , de i o art. 14-7 d e ceu e O rléans; de H enri I I I , de 1 5 7 6 ; celle de jBlois*
5
56
�( 6 )
de 15 79, art. 202; celles de H en ri I V , de 1694; de L o u i s I I I , de 1629,
art. i 5 i ; celle de L o u is X I V , de 1 6 7 3 , tit. 6 , portant défenses,
a ux marchands et à tous autres d ’englober les intérêts dans les
lettres de c h a n g e , et de prendre intérêts sur intérêts. Toutes ces
lois punissent de l’amende h o n o rable, du bannissement et même de
c a ière, au cas de récidive , tous les usuriers connus aujourd’ hui , tant
sous ce nom , que sous celui d’escrocs et d agioteurs.
D ivers arrêts rendus en 1699, en 1756 , en 1745 , en i 7 z ; ont
consacré ces principes.
_
Il n ’est qu’à voir si ces principes s appliquent a mon espece ; a f
firmative 11e saurait laisser de doute.
E n e f f e t , les sieurs M e y re et Danbusson ont entretenu pendant
cinq ans avec moi une relation de prêt à usure, a o , à 28, à 24, à
1 8 , sous les couleurs de lettres de c h a n g e , portant la contrainte par
5
1
3
^ ï & a ’is ces lettres de change sont des titres faits en fraude du code
c iv il, qui défend à tout Français qui n’est pas com m erçant , ou qui
n’ est'pas dans les cas prévus aux art. 2059 et suivans, de consentir à
la contrainte par corps. O r , je n’ai jamais fait de commerce avec qui
aue ie soit; les adversaires n’en on fait ni avec moi ni à mon occasion;
mes effets n’ont jamais passé dans le commerce , ils se les sont réci•nroquement endossés, et les ont gardés dans leur cabinet; ce n’est donc
ciu’à l’aide d’une fausse terreur de la prison , et d ’une exécution
prompte et violente , qu ’ils ont voulu se procurer des lettres sim ulées,
en fraude de la lo i, tandis qu’ils devaient se contenter d ’une simple
obligation de prêt ; ils ont donc doublement violé la loi à mon é g a r d ,
j.o en ce qu’ils ont abusé de ma position pour dénaturer un simple
prêt; 2.0 en ce qu’en le dénaturant, ils ont exigé un intérêt usuraire
et prohibé.
Ils diraient vainement que la simple lettre de change me rend jus
ticiable du tribunal de com m erce; je leur réponds que des lettres qui
it n u l l e s , q ui contiennent cumulativement capital et intérêts usur m i sont un simple prêt déguisé, ne sauraient être de l’atraires, et qui
i
1
°
tribution de ce tribunal.
,
, .,
.
Il ne faut pas sans doute des preuves plus évidentes que celles rap
portées de ma p a r t , pour établir que ces lettres n’ont pour objet q u ’ un
prêt usuraire déguisé. L e s lettres que je tiens dans mes m a in s, les
com ptes et notes écrits par le sieur M eyre l u i - m ê m e , ses propres
registres qu ’il tient cachés, et ceux du sieur D a u b u sso n , la notoriété
üubliciue qui Ies flé tr it, tout dépose hautement que les sieurs D a u
busson et lui ont prêté à une usure énorm e, quoiqu’ils n’aient fait
aucun commerce av«c moi.
„
.
,, ,
Diront-ils que j’étais majeur et homme d’afïaires, que dès-lors je
savais ce que je faisais ? diront-ils qu’ ils ne sont pas venus me cher
cher pour prêter ces fonds? Q u’un pareil raisonnement est puenl et
de mauvaise foi! E h q u o i , l’homme d ’aflaire et le m ajeur ont-ils pu
�se mettre à l’abri de la nécessité? Est-il une puissance qui puisse les
y soustraire? non. E h b ie n , vous, M e y r e , v o u s, D aubusson et vos
p areils, vous avez introduit cette affreuse nécessite; vous etes aile
accaparer tous les fonds que vous avez pu découvrir , il 11 est pas jus
qu’au salaire des gens à gages q ue vous n ay’ez pris pour en retirer
l’usure, au moyen de laquelle vous avez mis et vous reduisez une
foule de familles à la misère; et vous avez le front de dire que vous
n’allez pas chercher les em p ru n te u rs, et vous leur dites que les m a
jeurs et les hommes éclairés doivent savoir ce qu ils foiit ; vous osez le
d ire, et la société ne vous vomit pas hors de son sein.
Dites-le m o i, quel droit avez-vous eu d’ enlever l’argent que vous
prêtez, à un taux au-dessus de celui fixé par la l o i , à un taux inouï,
au cu n , si ce 11’est celui du voleur qui enlève la bourse du passant;
aucun , si ce n’est celui de la dure nécessité où vous avez mis ceux que
vous deviez regarder comme vos frères et vos am is, et qui 11e devaient
bientôt deveuir que des esclaves que vous jetterez dans des cac ots.^
V o u s direz peut-être que l’argent est u n e marchandise; autie misé
rable absurdité! D ’abord il n’entre point dans une tête bien organis e,
que l’argent m onnoyé, qui est le signe représentatif des marchandises
et de tous les autres objets quelconques, puisse être une marchandise
lui-m ê m e; d ’autre p a r t , cette marchandise ayant un taux de produit
fixé par la lo i, celui qui l’a prêté, n’a pu lui donner, sans se révolter
contre la loi, un taux usuraire de
et
pour 100.
O n dira peut-être encore qu’on ne connaît pas cl’usure en France.
M ais nous n ’avons besoin pour répondre à celte autre ineptie,
que d’ouvrir le Gode c iv il:
« L ’intérêt, est-il dit , article 19 0 7, est légal ou conventionnel.
« L ’intérêt légal est fixé par la l o i , l’ intérét conventionnel peut
« excéder le taux fixé par la loi toutes les fois que la loi ne le prohibe
« pas ; le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit».
L ’article i y ordonne la restitution des sommes et intérêts perçus
25 33
38
de mauvaise fo i.
Je conclus de là que le taux excessif est prohibé par la l o i , et qu il
est usure comme dans l’espèce; je conclus encore que l’intérêt exige
de moi par les sieurs M eyre et D aubusson , est usure, parce qu ils
°nt évité de le stipuler par écrit, c’est-à-dire, par convention certaine
et dénommée. J e conclus donc que le l é g i s l a t e u r reconnaît qu il peut
y avoir usure , et qu’il entend la punir.
Cela est d ’autant plus v r a i , que j ’ai en mes mains une lettre cer
tifiée, en bonne form e, de Son E x . Monseigneur le G r a n d - J u g e ,
atée du 7 prairial an i 3 , qui porte que l’on doit agir en îestitntion
,^vant les tribunaux civils contre les usuriers; et que le Journal des
ebats, du
floréal an 11 , en rapporte une pareille de oOn E x . au
ocureur impérial de M ontreuil-sur-M er ; cela est d autant plus
vrai encore, c’est que les diverses cours et tribunaux ont condamne
certains usuriers à 5 ans d ’emprisonnement, a 20, à o, à 200,000 f.
3
3
�( 8 )
d’am ende, et que dans l’ universalité des départemens, le taux de l ’a r
gent a été remis à cinq pour 100, par suite de ces divers jugem ens,
et des principes que les agioteurs avaient cherché à dénaturer.
Il est donc bien vrai que j ’ai été victime d’une usure immodérée;
il est vrai que les lettres de change sim ulées, dont on a obtenu la
condam nation, ne sont que des prêts déguisés, faits en fraude de la
lo i, pour avoir la contrainte par corps; q u ’elles ont été exigées de
moi pour m e contenir par une crainte chim érique, que cet intérêt
usuraire est le fruit d ’une escroquerie pratiquée sous ces titres colorés;
que ces titres sont nuls dès qu’ils supposent un négoce qui n ’a jamais
existé ; qu’il doit in’être rendu compte des intérêts usuraires perçus
au-delà du taux légal.
Je termine une discussion dont l ’objet m ’a causé et me cause bien
des chagrins. Je pourrais appeler plus particulièrement l’attention
du public sur ces hommes qui , non contens d’usurper m a fortune,
ont osé attaquer mon crédit et inon honneur, et qui me déchirent
sourdement encore; mais me bornant à mon affaire, j’aurai le courage
de les combattre avec l’opinion des personnes estimables , desquelles
seules je désire le suffrage. U ne famille honnête et nombreuse inspi
rera sans doute quelqu’intérêt à la justice; et quoique les mœurs
soient perdues, il est aussi quelques âmes rares qui auront résisté à
la corruption , et qui sentiront vivement ma position ; qu’elles-reçoi
vent ici nies remercîmens sur cette sensibilité qui est le partage'des
b o n s cœ urs, et qui m ’a souvent soutenu. J ’avoue que j ’ai résisté longtems à former une action qui me répugnait; mais j ’en suivrai la chance
avec une constance que rien n’ébranlera.
J ’ai informé leurs Excellences Messeigneurs le G r a n d - J u g e et
JVlinistres de l’intérieur et de la police générale des exactions de mes
adversaires; je ne sais si mes réclamations leur sont parvenues; je
les ré ité re ra i, et si quelques-unes des entraves que j ’ai vu plus d’ une
fois mettre à mes démarches, se renouvellent, les auteurs seront con
n u s, je les suivrai par-tout. L a France ne doit pousser qu’ un cri pour
signaler une espèce d’hommes dont les annales des peuples ne four
nissent pas d’exemple.
1
BRU.
« y , m
J .1'1 — w m a - . .
S u p p l é m e n t
tfl
. a iu h u m i
cle Mémoire sur appel.
J E vais continuer le récit des faits de cette cause, justifier des motifs
qui ont fait infirmer le jugement du tribunal de commerce , qui rejeta
mon opposition, de ceux qui ont dicté celui rendu le g août dernier
eu ma faveur, et exposer rapidement mes moyens d’a p p e l, quant aux
chefs
�'(
9
)
chefs cjui me font préjudice. L a conduite de mes adversaires paraîtra
ju sq u ’a la fin sous le jour odieux qui l’a caractérisée depuis le com
mencement.
C O N T IN U A T IO N
DES
F A IT S .
Lorsque le jugem ent du 24 août m ’eut été signifie, toujours déter
miné à épuiser les voies amiables', je fis proposer au sieur M eyre de
traiter, puisque cela se pouvait encore, et que j ’attendrais 1 expira
tion de la huitaine sans former mon opposition ; sa reponse fut que
je ferais bien de ne pas la laisser écouler. E n conséquence , j e 2 sep
tembre 1 8 0 7 , je m ’occupai de la rédaction du mémoire qu’on vient
de lire.
On ne saurait se faire une idée de la célérité q u ’on mit alors à me
poursuivre. M e y re , qui venait de faire incarcérer avec tout appareil
de là force p u b liq u e , un nom m é Louis R o u d i l, propriétaire, qu il a.
ruiné dans trois an s, répandit que je subirais le même soj-t. O n anti
cipa les délais portés par mon opposition; pour en obtenir le débouté,
on me cita à l’audience du y , et à cette audience, dont je supprimerai
les débats scandaleux, m algré mon déclinatoire : « A tten d u , est-il dit,
« que j ’ai signé des lettres de change, avec remise de place eu place ,
K qu au fond il n ’est pas constant que M eyre ait un intérêt dans la
« cause; » je fus débouté de mon opposition, mon mémoire fut dçlionce à M . le Procureur-général de la C o u r criminelle , avec priere
de l’adresser à Monseigneur le G r a n d -J u g e , q u ia fait de cette dénon
ciation le cas q u e lle méxûtait: on demanda des dommages-intérêtS au
pront de l’hosp ic e , a cause des prétendues calomnies que le mémoire
renferm ait, tandis que je l ’avais consacré à la vérité.
Cependant, qu on ju g e par la position où j’étais , des diverses inquié
tudes que je devais eprouver. On m e citait les 7 et 8 pour contester
tiois cautions q u ’offrait le sieur Daubusson. M on épouse était accouc iee le 2 septembre ; le moindre acte de violence exercé sur moi ou
ans ma maison, pouvait priver mes enfans et m o i , eux d’une mère,
et moi d une épouse à laquelle nous tenons par des liens bien chers.
appelai le sieur B eau fils, officier de santé, q u i, le même j o u r ,
a esta que la dame B r u , accouchée depuis le 2 , avait le genre
nerveux extrêmement d élicat, au point de s’affecter aisément. L e
raetne Jour j e notifiai son certificat au s.r Daubusson, avec protestation
^ue je le rendais responsable de tout événem en t, et j’allai réclamer
u pi es de la cour d’a p p e l, une justice que je ne pouvais plus espérer
de trouver dans mes foyers.
Si e. Ptlr*a*s dans les plus vives allarmes. Violera-t-on mon asile.?
s i rn U est. » cl ue deviendra mon épouse; et si à mon retour j ’apprends
011 , je demande à ceux nui sont époux et pères , dans quel état
je me trouverai ?
J e demandai des défenses à la cour; je pouvais en obtenir, parce
que d après les dispositions des articles a o
et 2070 du code c iv il,
1
63
3
�( 1° )
il est défendu de stipuler la contrainte par co rp s, hors les cas prévus
audit code: on l’avait exigé de moi pour sim ple prêt usuraire. M ais
Daubusson lit plaider qu’on n’avait pas les pièces, quoique je les aie
vues entre les mains de son avoué , qui ne le dénia pas à la cour.
L a cause Fut renvoyée à la première audience d’après les vacations,
toutes choses demeurant en état.
L e projet de mes adversaires était, en demandant le renvoi, de pou
voir mettre le jugement du 7 septembre a executiun sur moi ; ils pré
tendaient le pouvoir m algré l’arrêt : ils s’en flattaient ; un conseil per
fide les entretenait dans cette erreur.
L e sieur Daubusson lit plaider le bien juge de la condamnation
prononcée au tribunal de com m erce de S t.-F lo u r; mais pressé par
les moyens puissans qui établissaient la négociation pour simple prêt
déguisé sous les couleurs de lettres de change , avec usure énorme et
anatocism e, depuis plus de cinq a n s , il finit par déclarer q u ’il ne
m ’avait jamais vu , qu’il était étranger à 1 affaire , et qu’ il ne me con
naissait pas , moi qui soutenais avec vérité être allé chez lui à trois
diverses fois. Rien ne fut plus surprenant que cette assertion démentie
de ma p a rt, en sorte que par arrêt du 20 novembre , la cour d’a p p e l,
séant à R io m « attendu que la sérielles lettres de change fournies par
« n i o i à M e y r e , et endossées au profit de Daubusson, lesquelles lettres
« n ’étaient même pas protestées aux échéances; attendu qu’il y a sup« position de lieu , et nulle remise de place en p la c e , que Meyre et
« Daubusson sont communs , que cette négociation n ’a eu pour objet
« que de simples prêts , déclare cju’il avait été nullement et incompé« temment jugé , et pour être fait droit aux parties , elle renvoie la
« cause au tribunal civil de S t.-F lo u r, et condam ne Daubusson aux
« dépens. »
J ’avais formé contre M eyre et Daubusson ma demande au tribunal
de St-.Flour, a fin de nullité des lettres de change souscrites et exigées
contre les dispositions de l’art. o
et su iva n s, et colorant des prêts
, nsuraires depuis plus de cinq a n s , avec intérêt de 24 à 33 pour 100,
anatocism e et renouvellement de trois en trois , ou six mois ; j ’avais
dem andé la restitution jusques à due concurrence de la somme de
douze mille fr. sur celle de 2 0 ,2 4 0 ^ ., a la quelle je voulais bien me
restreindre, si mieux mes adversaires n ’aimaient un compte , sur le
rapport de mes lettres cjui portaient leurs noms respectifs , et de leurs
registres depuis l’an dix. J ’avais aussi demandé la décharge de la
contrainte par corps.
_
T o u t - à - c o u p les adversaires réalisent le projet de se séparer, qui
avait pris naissance en cour d’a p p e l , au sujet de l’incompétence.
M e y re me fait citer au tribunal civil où nous étions en instance sur
m a demande en restitution de 12,000 fr., pour voir dire , q u ’attendu
q u ’à diverses époques il m ’a prêté ladite somme de 20,240 f r . , je sois
condamné à lui en payer le montant ; il poursuit en son nom la recon
naissance des cinq, lettres de changes 7 fait inscrire le jugem ent q u i
2 63
�( 11 )
les tient pour reconnues pour la somme de 22,364 f i . , tan
Daubusson avait pris une inscription cle 22,620 rancs pou
objet. L es deux inscriptions existent encore. ( Que jeu u cre
la solvabilité des débiteurs ! )
,
Indigné de ce système soutenu d’arbitraire et c e rauc ,
y
r)aubiens frappés d’inscriptions exagérées , niiustemen îai ^ J ‘
;’aj
busson , qu ’on prétendait ne pas avoir d intere
a
pourcru devoir à mes intérêts , à mon honneur et a
m-onortionnée
suivre une demande en dom mages-interets, qui u P P ^
^
aux torts qu ’ils m ’ont fait éprouver. Je me suis on
1 ^ ¿ es
Daubusson m ’a poursuivi avec un acharnement sans^
n iniurié*
audiences extraordinaires du tribunal de com m eice , ou 1
tu c r è s
qu’il a , par ses vexations, jeté l ’allarme dans ma
de mes autres créanciers ; qu’ il m a attaqu t ans
[ortune.
d ’honneur et de probité, qui me sont bien p us
q h isse ra i
L a cause a été plaidée au tribunal civil de S t
l° u i - Je
D es
sur les outrages dont on a cherché impunément a m
pssaver d e
hommes qui n’ont pas de famille ni ¿ h o n n e u r , on
J
porter le trouble dans la mienne. C ’était vraiment une
S me
demander justice contre des usuriers est une crise). M ais sur
mme
suis soulevé d’ indignation, lorsqu’on a prétendu me présen er
ossjr
un mauvais administrateur , et que pour le prouver ou pour 8 .
les capitaux , on a osé déclarer que M e y re m ’avait fo u rn i, dans
sucre
de deux ans , pour 3,800 fr. de vins étran gers, d’eau-de-vie, u
nu rln pnfp • i’/ivnis dans ma main sa nronre note et mon billet
blll qui
4
.-1
j y o o , les lois romaines ne permettaient pas de repeler - - „jjgj.
payés ; que prenant des fonds à 18 pour 100 , il pouvait bien S'1».
quatre ou c in q ; enfin, il a mis ainsi le vol et l’exaction en P11’ r
L e tribunal a ordonné le
m a rs, avant faire droit , (^-iep an IO
et Daubusson rapporteraient leurs registres respectifs t epuis
jusques en mai 1806, si non qu’ il serait fait droit.
.nrlnirf»
Daubusson a refusé de produire les siens ; M e y re n a vou u P1
que ceux tenus par lui depuis l’an 12 , quoique j’en aie vu en
de bien fournis en lettres de change.
.
. •
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------------- .•
0
__„
î ncrri pti ons m uni-
23
r ----»
icî) iiunieuJJies
qiu; 1
^
a
vable , j ’ai demandé un d é la i, fondé snr les cuconstances ou les
usuriers ont placé leurs débiteurs ; je me suis fonde sur le décret des
4
�( 12}
J u ifs , plus applicable peut-être à M eyre et à Daubusson q u ’à tous
aUEnS'cet é t a t , le tribunal a examiné mes lettres de change et les
notes écrites de la main de M eyre, qui établissent les renouvellemens
rapprochés , l’anatocisme et le taux énorme de 1 intérêt ; la m auvaise
foi de mes adversaires l ’a frappé. E n conséquence, il a rendu le 9 août
d e rn ie r, le jugem ent dont les principales dispositions portent en
substance
devait être s t i p u l é ; qu'il n 'y a ci autre
.u. u c 1789 c .
en l’art. IQ 0 7 , s i ce n’ est q u e d ’après cette d ernière l o i , l e t a u x g u i aurait e x c é d é
l ’intérêt l é g a l , devait non seu lem ent être stipulé par é c r i t , mais ind iq u er le taux ;
tandis que d’après celle de 1789 et d e 179 0, il suffisait de s obliger par é c r i t , a v e c ou
sans re ten u e : q u e sans c ela la loi d e 1789 >dunt 1 obJet éta.t sans doute de restreindre
la ru u id ité d u p rê te u r, d ev en ait inutile , q u e tout intérêt excessif ou non , qui 11 est
nas stioulé est par cela m ê m e illégitim e , qu e x c ip er des négociations publiques oîj
l’ intérêt s e r a i t a u - d e l à de c i n q , c’ est présenter c o m m e loi la cou traveution à la loi
iviême q u e l’ anatocism e fut toujours sé v è r e m e n t r é p r i m é , q u ’ il n’ est pas autorisé
jgs’ ait. i i 54 et i i 5 5 , q u i ne pe u ve n t s’ appliquer à des intérêts illé g itim e m e n t
nerçus et confondus ; q ue l’ art. 1906 ne peut a vo ir trait q u ’ à des intérêts lé g itim e s;
O u ’alteudu en f a i t , q u e les effets dont il s’a g it, ne sont q u ’ une suite de négociations
c o m m u n e s auxdits M e y r e et D aubusson a v e c le sieur B ru , ainsi que cela est tenu
u o u r c o n s t a n t par l’arrêt d e la cour du 20 n o ve in b ré d e r n i e r ; ce qui laisse d’autant
m o in s de d o u t e , si l’on considère le refus d e D aubusson de présenter ses r egistre s,
et l’affectation de M e y r e de ne produire que ceu x tenus depuis l’an 12 ; et q u e dire
de la part de M e y r e n’a voir été q u e l’agent de D a u b u s s o n , ne se con cilie pas a v e c
les poursuites de c e l u i - c i , sans a v o ir a p p e lé M e y r e en garantie ; que M e y r e n a pas
d é n i é a vo ir rem is à B ru les notes écrites d e sa m a i n , qui établissent et l’ intérêt à
, p 0Ur 100 , et les r e n o u v e lle m e n s ; que la noie 3 én on ce de n ou ve au les 3 lettres
d e ch a n g e d e S o o o , 3o o o e t l 3o o f r . , q u e la note 4.® et 5.« c o ntienn en t le m êm e
Câîclll » ClC» y CtC*
i
O u e dès lors M e y r e et D au bu sso n d o ive n t faire raison audit B ru de 12,000 francs,
m es nui paraît être bien au - dessous de la restitution à laquelle il s’ est restreint ;
S° I,n
ste s’ ils veulent y r e m é d i e r , il l e u r a été laissé la faculté de v e n ir h com pte.
qu a u , e
>D a u b Uss0n sont con d a m n é s à faire raison audit B ru de la so m m e de
^ f6 pour restitution des intérêts excessifs et usuraires par eux perçus, si m ie u x
ïhiïument ve n ir au com pte p r o p o s é , sur la représentation de leurs regislres de l’an
nui seront abutés a v e c les pièces dudit B r u , à la déduction en leur faveur do
l ’intérêt d e c haq ue c a p i t a l , q u e ledit B ru a offert d’ allouer. C e jugem ent c o n d a m n e
B ru du consentem ent dudit D au busson, à p a y e r audit M e y r e la so m m e de 8,240 f . ,
ou t e l l e autre so m m e qu i résultera du c o m p t e , a v e c intérêts depuis le 3o j a n v i e r ,
énonue de la d em a n d e de M e y r e , ordonne la.rad iation de l’ inscription de D a u
busson la réduction d e c e l l e d e M ^ y r e a la som m e de 8,000 f.,et attendu que q u oique
B ru soit d é b i t e u r , et q u ’ il n ’ait pas fait des o ffr e s, il a soutenu une conteslalion
l é g it i m e , c o n d a m n e M e y r e et D aubusson en vers l u i , pour tout d o m m a ges et
in té r ê ts, a u x d é p e n s , hors le cout du ] u g e m e n t , ordonne q u e c e ju gem ent sera
ex é c u té par p r o v isio n , et sur les autres dem a n d e s des p a r ties,les met hors d instance.
C e jngement vient de m ’être notifié par M e y r e , sans nullement
l’approuver de sa part, et sous reserves au contraires de appel. J en
1
�—
I,
1.1
J-------------------- -----------------------
suis moi-même a ppelant, en ce q u ’il ne m ’accorde ni d élai, ni dom
mages et intérêts, et en ce q u ’il ordonne l’exécution provisoire.
Je vais parcourir rapidement les moyens qui doivent faire con
firmer le jugement en ce qui concerne la réduction ordonnée à la
somme de 8,000 f r . , si M eyre l’attaque form ellem ent, ainsi q u ’il
paraît se le proposer. J ’espèreaussi, en peu de mots , faire ressortir ceux
qui établissent Ja nécessité d ’en faire infirmer certaines dispositions.
i.° L e jugem ent du 9 août a bien jugé en réduisant à 8240 fr. les
20,240 fr. demandés par mes adversaires. _
2 -° Il a m al jugé en me refusant le délai demandé.
..° Il a aussi mal jugé en me refusant des dommages et in térê ts,
ou en les réduisant aux dépens.
4.0 L a disposition qui en ordonne l’exécution provisoire , autorise
une action irréparable en définitif.
D ’a b o r d , les motifs du jugement justifient assez la réduction
prononcée ; je ne m ’étendrai même pas beaucoup sur les moyens qui
doivent le faire accueillir, ce serait surabondant, d’après mes premiers
moyens.
J e m e contenterai de dire à son a p p u i, q u ’à commencer de l’ori
gine des sociétés ju sq u ’à nos jours , l’usure.a été un fléau que tous les
législateurs ont cherché à extirper, par des lois fréquentes et sévères.
Un lit dans le D euléronom e, dans le L é v itiq u e et dans une foule
dautres passages, rapportés par M . D o m n t , pag. 72 et suivantes,
les defenses les plus expresses de se livrer à l ’usure.
L e s lois d’A th èn es, la loi des douze tables à R o m e , l ’ont mise au.
nom bre des d é lits, puisqu’à R o m e , l ’usurier était puni du quadruple
de la somme prêtée, tandis que le voleur ne fut puni que du double.
L a raison en était qu’on est plus porté à se livrer à l’usure et q u ’il
est moins aisé de la découvrir que le vol.
E lle était tellement en horreur à R o m e , que quelqu’un faisant à
Caton cette question-ci : Q u ’est-ce q u ’un usurier? Il répondit froide
ment par cette autre : Q u ’est-ce q u ’un a ssa ssin ? Oflic. de Cic. J e
me tairai sur les désastres qui affligèrent R o m e , lorsque l’usure y fut
a son comble.
1
^ ^ . raPPort® p lus haut les lois connues depuis l’origine de la mo
narchie irançaise.
L es nouvelles lois , depuis celle du
octobre 1789 , n’ont jamais
a nus d’autre taux que celui de 5 pour 100 , fixé par édit de 1 7 7 ° e *
autres lois précédentes.
L art. 1907 du Code civil porte les mêmes dispositions : en déclaant que le taux conventionnel peut excéder le taux lé g a l, il ajoute
j outes les fois que Ja loi ne le prohibe pas). O r , des lois prohibies existaient, principalement la loi du
prairial an , qui remet
en vigueur toutes les lois prohibitives du commerce de la m onnaie
m étallique; d’autre p artj ]iavis Ju conseil d’état, qui est l’esprit de
ta loi, t u t , lors de sa rédaction, qu'à défaut de stipuler l ’intérêt p a r
écrit, il serait réduit au taux de cinq.
3
3
3
3
�--
r
Q ue les adversaires cessent donc d ’associer le législateur et le go u
à leurs crimes , quand il est prouvé que leur pensée a été
de réprimer et de contenir l’usure.
Q u ’ils n’invoquent sur l’anatocisme et sur l ’intérêt volontairement
p a v é , ni l’art. i i 5 4 , ni l’art. **
, ni l’art, 1906, q u ’on ne peut
sans rougir appliquer à d ’autres interets q u ’aux intérêts légitimes.
E n fin , deux arrêts des Cours d ’appel de D ijon et de Besançon,
de l’an 11, rapportésau journal du palais; deux de laCour de Bourges,
deux de la Cour de T u rin de 1807 et 1808 ( c e dernier rapporté par
Sirey ); un de la Cour de L i m o g e s , du 12 mars; arrêt de la Cour de
R i o m , du 20 n o vem bre, qui préjuge dans mon affaire qu’il n’y a eu
que négociations de prêts usuraiies. Ces arrêts, dont nous appli->
querions les principes sages qui les ont dictés, si l’appel de M e y re
était connu , attestent que l’ usure a été prohibée de tout teins.
A i n s i , de tous les coins de l’e m p ire, des magistrats probes et éclairés,
dont le choix honorera à jamais fa F ra n c e , ont consacré les principes.
A in s i, plus de cent vingt opinions des plus respectables, attestent la
nécessité urgente de punir et de réprimei 1 usure.
P o u r 'établir qu ’en fait le tribunal a bien jugé en appliquant ces
principes à m a ca u se , je me contenterai de renvoyer à la lecture du
jugem ent du g août.
J e vais donc m ’occuper de prouver que le tribunal a dû m ’accorder
le délai que je demandais.
L e jugem ent du 9 août porte que la somme réclamée par moi est
au-dessous de celle que j ’aurais pu demander. L es adversaires sont
donc à peu près désintéressés; et pour payer le restant d ’une créance
provenue d ’intérêts illégitimement stipulés, il était juste que le délai
nie fût accordé.
J e devais encore d’autant plus l ’obtenir, que les doubles inscrip
tions de 45,000 f. que se sont permises les adversaires, ont éloigné
les acquéreurs , auxquels des affiches avaient fait connaître mon
d e s s e i n de vendre; et que les inscriptions, quoiqu’injustes, ne peuvent
être rayées que sur un jugement en dernier ressort, s’ ils ne les rayent
eux-mêmes.
.
O ui ce délai devait d’autant plus m être accorde, que l’esprit du
décret relatif aux Juifs , du 17 mars 1808 , devait déterminer les
ju^es en ma faveur ; car si ce décret a eu pour objet de soustraire à
la'cupidité des usuriers les departemens malheureux compris dans le
sursis porté par décret du o mai 1806, Sa Majesté a bien entendu
sans doute protéger ses sujets de l'intérieur de la F rance, contre des
usuriers non moins furieux que les Juifs. O r , l’art. porte, que toute
créance portant cumulation d’intérêts, à plus de
pour 100, sera
réduite par les tribunaux , et que si cet intérêt réuni au c a p it a l,
excède 10 pour 100, lü crcanco sera annulleej enfin, l’art. 6 porte,
q u e , pour les créances légitimes et non usuraires, les tribunaux sont
autorisés à accorder aux débiteurs des délais conformes à l ’équité.
vernem ent
55
1
3
5
5
�( i5 )
D ans l ’espèce où je me trouve, je dois le restant d'une créance énor
mément usuraire réduite; je devais donc à plus forte raison avoir le
délai demandé.
Je devais aussi l ’obtenir suivant nos anciennes lois, puisque les
édits de Henri I V , du 17 février i 6 o 5 , et 14 mars 1606 , que les parlemens enregistrèrent seulement en faveur des veuves et mineurs des
usuriers, portent que les intérêts usuraires seront convertis en c o n
trats de r e n te , ce qui suppose un délai indéfini. V o y e z Pothicr sur
l ’ usure. E n f in , ce délai était d’autant plus nécessaire, que les ad
versaires ont répandu qu’ ils me mèneraient de telle manière que je
ne trouverais pas à ven d re , et cependant il faudrait les payer de suite.
D o n c ce délai était de la plus rigoureuse équité.
Il
a été mal iu e é quant aux dommages et intérêts. E n ettet , les
dépens ont-ils pu suffire, dans une affaire où ma réputation et mon
crédit ont été a lté rés, ainsi que ma tranquillité et celle de ma fa m ille ,
puisque nous ne vivons plus que dans les amertumes et les c î a g u n s ,
qui ne devraient être le supplice que du méchant?
Non , ils n ’ont pu me suffire , dès qu ’on a dit publiquement a J au
dience, q u ’avec mes propriétés je ne trouverais pas un sou , tandis
que M e y re , sans billet et sans im m eubles, trouverait 3oo,ooo f r . , lui
qui n’a qu’ une maison , et....... mais je m ’arrête.
Ont-ils pu me suffire, lorsque j’ai été représenté comme un mau
vais administrateur , qui ai pris pour 3,800 fr. d ’objets de consom
mation superflus, tandis que , l’écrit à la main , je lui ai prouvé 11 en
avoir pas pris pour plus de oo fr. dans trois ans?
A i- je été un mauvais administrateur, moi qui établis avoir p a yé ,
suivant un état signé en famille , le
germ inal an 9 , un'passif'de
,ooo f r . , en légitimes ou dettes de mon p è r e , que je remercie de
ses bienfaits et d’une administration bien plus heureuse que la mienne»
mais qui rend hommage à la vérité; moi qui ai acquis ou répare a
Pieriefite plusieurs domaines pour 47,000 fr. numéraire , ou d’après
l ’échelle de dépréciation; .qui ai acquis ou réparé à Saint-F lour une
maison pour 10,000 fr. ; moi qui ai éprouvé en trois ans le m axim um
®t des réquisitions sans n o m b re ; q u i , emprisonné en I79^ i su.r un®
liste de suspects, dont l ’auteur est trop célèbre dans notre cité, ai payé
une taxe révolutionnaire de valeur alors de 8,000 fr. num éraire, et
ensuite 4,000 fr. d’un emprunt forcé de 120,000 f r . , le tout réduit sur
l ’echelle de dépréciation ; 4,000 fr. de réparations dans mes biens de
Pierrefort ; enfin 5,3oo fr. pour la famille Fontes. T o t a l . . . • 101,0001.
Moi qui n’ai eu pour payer ces objets en total que 8 2 ,0 0 0 . sa v o ir ,
4^,000 fr. à des termes reculés, de la dot de mon épouse, dont cerm’ont été payés en assignats ; 14,000 fr. du remboursement d ’ on
office; 13,000 fr. de retour sur les biens cédés à mes lreres et sœursj
et 12,000 fr. prix d ’un petit domaine.
M o i enfin qui n’ai causé l'infortune d’aucun de mes créanciers, que
j ’ai payés en num éraire, sauf très - peu de chose en assignats qui avaient
presque leur valeur.
5
83
25
�(
)
J e défie ici qui que ce soit de contester ce que j’avance.
C epend ant, sur soixante-quinze mille francs qui pourraient rester,
je n ’en dois pas
,ooo fr. exigibles.^
Que ces détails sont fastidieux, mais la calomnie de mes adversaires
les rend indispensables; si tant y a , c[ue celui qu’on a si audacieuse
ment e x p o lié ,a it besoin de justification. J e 11 ai donc pas mal a d m i
nistré; j ’ai donc été calom nié; j ’ai donc droit à desdommages-intérêts
plus considérables , pour avoir été blesse dans mon honneur et dans
la profession honorable que j ’exerce. ^
■
Enfin, je prouve que l’exécution provisoiren a pas dû être ordonnée,
du moins sans caution, parce que M e y re n’a qu une maison et peu d’hé
ritages, hypothéqués à la dot de son épouse, et que quoiqu’ il ait vendu
le p e u q u ’ilavait pour se livrer à l’usure, il doit la plus grande quantité
des fonds qu’il a accaparés ; et que les victimes de son usure deman
dent de vant les tri bunaux la restitution des sommes qu’il leur a expoliées.
A p rè s avoir établi les moyens qui repousseraient l’appel de M e y r e ,
et ceux qui fondent le m ie n , qu’il me soit permis quelques réflexions
bien tristes, mais bien nécessaires, ce semble , dans les circonstances
critiques où les usuriers ont mis, en F r a n c e , les propriétaires et les
familles.
Ils répandent que les propriétés vont incessamment changer de main;
les mêmes continuent leur trafic. Il y a mieux , depuis la loi du sep
tem bre, il s’ est établi encore des compagnies d’argen t, qui courent à
la découverte des effets de tous les particuliers, qui inventorient et
font le bilan des diverses fortunes; ces compagnies ont leurs livres ;
l’éducation m ême semble s’être tournée vers ces spéculations désas
treuses. P a r leur monopole, le produit des biens du C a n ta l, qui n’est
que deux et demi pour cent, est à l’argent comme un est à cinq.
Us ont profité et ils profitent des ravages de la guerre pour assouvir
leur cupidité insatiable. E n un m o t , la loi du septembre n ’est pour
eux q u ’un avertissement d’être plus circonspects ( i ) .
Si donc toutes les lois ne sont remises en v ig u e u r , si incessamment
le décret relatif aux Juifs, n'est appliqué en entier aux usuriers connus,
sur-tout les articles , 6 et 16 ; si les créances qu’ils se forment ne sont
annullées ; si ce trafic ne leur est prohibé sous les peines les plus sé
vères, notamment celles du bannissement et des grosses am endes, ou
si un délai, au moins de deux ans, n’est accordé à leurs débiteurs, pour
les créances réduites; a moins que les usuriers ne préfèrent d’être payés
en biens fonds, sur estimation; si on ne les force à acquérir; si les
magistrats ne sont point assez courageux pour les poursuivre , nous ne
voyons devant nous que la misère, le désespoir et la m ort; et que
d’exemples il en existe !
36
3
3
5
( i ) L ’ iin p u n ilé les en hard it. L e s registres du greffe que lient M e y r e , sont c o u
verts de ses d é b i t e u r s , et les tribunaux correctionnels du Cantal ont beau s é v i r ,
leurs j u g e m e n s , q u ’a basés la c o n v i c t i o n , n ée d es d é b a t s , sont réform és par un
m o in d re u om b re d e juges et sur les sim ples notes du greffe.
�( 17 )
ï ï semble indispensable que S a M a j e s t é daigne Fortifier l’ouvrage
sorti de son cœur paternel le 3 septembre 1807; qu’elle songe à ces
peres de familles qui sont la ressource la plus sure de ses états.
O ui, Sire, songez que les propriétaires et les pères de famille sont
vos plus fidèles sujets , qu’ils tiennent essentiellement au sol et à la
patrie, plus que ces vampires, ces égoïstes, qui rapportent tout à eux
comme à un centre unique. F e rm e z , fermez ces gouffres où vont
s engloutir toutes les fortunes particulières.........
Puissent ces malheureux pères de famille, répandre des larmes de
reconnaissance autant qu’ils sont pénétrés de sentimens d’admiration
et d amour ! L a fin de leurs malheurs intéresse votre gloire. Sire, votre
cœur magnanime nous préservera de tous les genres d’a n a rch ie , et
cette gloire s’élévera au plus haut période.
S ig n é , B R U .
DEMANDE,
D U 12 J A N V I E R 1809,
en
SUPPRESSION D'UN LIBELLE,
Pour M.e P i e r r e - A l e x is - L o u i s B R U , A vo cat, et Sup
p lé a n t à S t . - F l o u r ;
Contre M E Y R E , habitant de Ladite Ville (1).
U n libelle commençant par ces mots : B r u a f a i t im prim er, etc . ,
® nnissant par ceux-ci : D e s n ég o cia tio n s dont j ' a i é té chargé par
ru ; libelle qu’a conçu une imagination d éréglée, mais féconde en
3 \ocl,é s , est l’unique moyen opposé à ceux que contiennent mes
ftiemoires des 7 septembre 1807 et 26 septembre 1808.
n style grossier, ignoble et c y n iq u e , caractérise l’âme et le cœur
e .ceux ^I11* ont travaillé à la rédaction de cet écrit diffamatoire. ^On.
voit que non contens d ’avoir corrompu les m œ u r s , ils voudraient
encore corrompre la langue ; aussi me serais-je borné à le jeter dans
es egouts, si mon honneur et ma réputation , attaqués si audacieuseent, ne m imposaient le devoir d ’en obtenir justice , de le faire supjrntner, et de poursuivre les réparations auxquelles les preuves que
ej r e m a fournies par écrit, me donnent droit.
Darce n?ionîe m p ' ° !e P as cians m on supplém en t ni dans cet é c r i t , le mot d e sieur,
avait comm
r S pr,.is“ C,Pes
e* l ’ asocial.
s a & ref“ sent ce titre à CeIui auclueI 0« a prouvé
yquu uil avait
un délit
5
�t I» )
Quant aux m o y e n s, M eyre prétend n ’avoir été que mon manda
ta ire, m a caution, mon ami; et pour tout cela n’avoir pris que demi
pour io o par mois. ( L a singulière et gratuite amitié que celle d’un
usurier! )
M a réponse est fort simple ; je ne lui ai jamais donné de pouvoir
c o m in ea mon mandataire; je lui ai demandé de l’argent, Daubusson
et lui m ’en ont fourni ; tout établit qu’ils sont unis d’intérêt, l’arrêt
de la C o u r, du 20 novem bre, ne laisse aucun doute à ce sujet, et le
jugement dont est appel constate ces faits pour ceux qui ont le c o u
rage de déposer tout esprit de passion ou d interet.
J e passe donc aux faits calomnieux et injurieux qui paraissent avoir
été le seul objet du libelle de Meyre.
D ’abord, aux pag. 2 et 2 1 , Meyre est sans expérience, et se dit
rédacteur de son libelle.
Réponse. A va n t l’an 1 0 , au moyen d ’un emprunt forcé, valeur
m étallique, sur son père, il se mit à même d’agioter sur les mandats.
D ep u is, 011 sait avec quelle rapidité il a m arché, et en combien de
manières.
A la pag. 14 , lig- et en marge , on lit que j ’ai rédigé un mé
moire infâm e, etc.
R ép . Il n’a jamais existé un pareil mémoire fait par moi, je défie
d ’e n
trouver un indice.
J ’ajoute, que lorsqu’après le p thermidor je fus appelé à l’adminis
tration de département, pour aider à réparer les ravages de l’anarchie
révolutionnaire, je fus chargé par mes collègues d’appeler auprès d ’elle
les prêtres détenus à l’abbaye du B uis, et que je rendis peut-être moi
s e u l,. à ces respectables citoyens, le témoignage des espérances qu’elle
fondait sur l’exercice de leur ministère.
J ’ajoute encore à cela une maxime vraie, qu’il est impossible q u ’un
homme de bien soit sans religion. J ’aurais autre c liose à dire ; mais il
n e faut pas être long.
A la même page ligne 9. - O n ne rapporte qu’ un arrêt de la Cour
de L im o g e s, tandis q u e , dans mon m é m o ire , pag. 2 4 , j ’en ai rap
porté huit de diverses Cours d ’appel.
A lam énte p a g ', li£- 2°- - 0 n es.1 soulevé d’indignation parce que
j ’ose demander un délai, après avoir obtenu une réduction des deux
tiers.
.
.
,
Rép- J ’ai obtenu justice et non une grâce. J ai offert plus que le
taux légal.
_
J ’ajoute que , libéré envers le sieur B asset, je ne dois pas 20,000 f.;
q u ’il me reste plus de 160,000 f. de propriétés, à dires d’experts; que
je n ’ai pas de bilan à déposer, et que je dois compter plus q u e M e y re ,
sur le silence de M . ls Magistrat de surete.
Même pag., lig. 27 et suivantes. — Je renvoie à mon supplément
de m ém oire, pag. 2 4 , liget suivantes.
J ’ajoute toujours que si les articles , 6 et 16 du décret du 3o mai
5
,
5
�c 19 ;
désignent seulement les J u ifs , c’est qu’on a supposé qu’ il n’existait
f ias en France d'autres maltotiers , usuriers , escros et agioteurs, que
es Juifs.
Pag- i , lig. 11 et suivantes du lib elle. -- J e réponds que j ’ai en
mes mains un état de M . R iv e t , du 17 décembre dernier, qui cons
tate la double inscription; je n’ai connu ni la procuration de M urât,
ni la radiation qui devaient m ’êlre notifiée par Daubusson. Gela
s’expliquera devant la Cour.
M êm e p a g ., lig. 17 et suivantes. — C ’est ici qne M eyre commence
à développer tout l’affreux du complot de diffamation, de ses consorts
et de lui.
D ’abord , il est notoire que lors de l’établissement du tribunal’civil
à St. F lo ur , un ê t r e , malheureusement trop in ih ia n t, au lieu de dé
terminer le choix pour l ’alternat de l’administration départementale,
que son incurie avait f;fit perdre à la ville en 1791 , fut pousse' par le
désir de faire sa fortune et celle d’un collaborateur du lib e lle , qu’il
ecarta, sous divers prétextes plus ridicules les uns que les autres, des
avocats qui lui reprochaient une honnête banqueroute de 10,000 f r .,
en prairial an trois, à la famille B a d u e l, et que par cette influence,
il fallut s’ad ressërà son cousin , qui recevait et répétait assez bien ses
conseils à l’audience; q u ’ ainsi des jeunes g e n s , (c o m m e on d it, a
peine sortis des bancs) firent promptement une fortune scandaleuse.
Mais arrêtons-nous là pour un moment.
P o g . 16, lig. 1.re et suivantes. — P our les raisons ci-dessus don
nées , il fallut crue les beaux-frères s’adressassent à la véritable source
pour faire plaider leurs causes avec succès.
M êm e p a g ., li g , 10. ~ J e viens de donner plus haut les raisons qui
expliquent les causes inexplicables.
M êm e p a g . , lig. i . — L e fait est faux; je défie qu’on administre
un adminicule de preuve.
On sait que M . Spy-Desternes ne cachait pas une opinion qui 11’était
alors un crim e, que parce que ce n’était pas celle de l’intrigant en
c h e f, a cette époque; lequel intrigant doit se rappeler l ’avoir échappé
belle à cause de ses intrigues, dit-on. A u reste, on connaît l ’auteur
de la mise hors de la loi de cet honnête citoyen; cet auteur est un
digne compagnon d’un des collaborateurs du libelle.
M êm e pag. h g . i{j. — J e n’ai scandalisé personne en exerçant les
lonciions d’a v o c a t , pour un accusé.
,1 a * demandé toute la latitude de le défendre; elle m ’a été refusée.
honneur et l ’indépendance de mon état me faisaient une loi de de
mander'respectueusement cette latitude. Les avocats doivent respect
aux tribunaux ; a leur to u r , ceux-ci leur doivent la considération
<lu us n’ont pas droit de leur enlever. O11 sait à quel degré d’honneur
tu t portée cette profession chez tous les peuples; et il faut esp érer
mess,eurs ^es avocats se pénétrant bien du droit q u ’ils on t de le
réclam er , cet honneur reviendra.
5
5
�\
20
)
A u reste, exerçant cette fonction pénible mais honorable, je n’ai
point exigé douze cents francs, ni d e u x , ni trois, ni quatre mille
francs pour une seule c a u s e , dans un département où les fortunes
sont très-bornées , et où les véritables talens ne le sont pas moins.
M êm e pag. ligne. 24 avec une note. — Cette note est ma justifica
tion. On sait que ce qui n’est pas établi paraphernal est dotal ; le pé
cule et les droits successifs m o b ilie rs , échus pendant son mariage à
la fem m e B e r l h u , ne pouvaient sans injustice passer à des parens
qui n’étaient pas les siens.
P a g .'i ’j ,I ig i re et suivantes avec note en marge. L e sieur Basset
est payé : il m e tint un propos que M eyre et ses consorts peuvent
seuls entendre de sang lroid ; pour m o i , je ne conseille à âme qui
viv e de m ’en tenir de pareils. L e sieur Basset ne fut vigoureusement
repoussé du poingt qu’une fois. M . Loussert , mon a m i, qui m ’estime
depuis
ans autant qu ’il est lui-même estimable, me fit vivement
retirer ; il n’a pas depuis cessé de me donner des preuves de son at
tachement. V o ilà le fait.
M ême pag. lig. 4 et suivantes avec la note. — L e fait est puéril ;
fût-il v r a i , est-ce notre faute si nous recevons de faux renseignemens?
M ême pag. lig • 9 d note. — L a circonstance à laquelle on a donné
une tournure maligne est controuvée. Je n’elais pas et je n’aurais-pas
été le juge de Roussille pour une somme quelconque.
J ’a jo u te , que je suis destiné à être honnête homme toute ma vie;
q u e d ’autres sont décidés à être fripons toute la leur. J ’espère que la
cour fera justice de la noirceur de cette imputation.
M ême pag. lig. 1 r. — Jam ais ma société n ’a été fort étendue. Celle
que je hante est estimable ; des j u g e s , des beaux-frères estimés , un«
maison vo isin e , un ami intime ; jamais cela ne m ’a abandonné : je
verrais encore une autre maison , si d ’une part la m é ch a n ce té , de
l ’autre, la présence de ces êtres corrompus n’étaient venues la souiller.
Quand a l’homme dont on a parlé , il n’a reçu de moi d ’autre ac
cueil que consolation dans son malheur.
M ême pag. lig • 18 et suivantes. -- L es faits dont il s’agissait étaient
vrais. M- le Sous-Préfet n ’ignore pas, et je sais comme.lui de quelle
manière cela s’est terminé. J ’ai copie de la lettre de M . le Ministre
de l’intérieur , du 19 fruct. an 10 , qui se borne à dire que les faits ne
lu i paraissent pas prouvés. Si j eusse calomnié!..... Mais alors je me
tus pour un bten cle p a i x , comme je me tais aujourd’hui j et c ’est à
regret que je réponds.
P a g . 18 , i re ligne. — L e fait est faux ; a l’exception du s.r DnudeCissac , tous les autres ont plaidé ; quels motifs ont-ils eu pour le con
traire? je serais lâché de leur en avoir donné de fondés.
M êm e pag. lig • 9 . ^ suivantes. — J ’ai dit que M . Devillas était
incapable de tronquer des dépositions ; mais que son greffier, am i
de C h anso n, p o u va it, par un penchant naturel à excuser son ami ,
avoir affaibli fa rédaction. Misérables calomniateurs l
,
23
,
�( 2ï )
M êm e p a g .lig . i — L e cadastre parcellaire de la commune de
Paulhenc avait été fait avec une imperfection sensible. Plusieurs
liabitans, M . le Maire et moi présentâmes notre pétition à M . le
Préfet : elle porte, que si cet ouvrage n’ est pas le fruit de la partialité ,
I n e x p é r ie n c e , puisqu’on n’a pas sondé les terreins; de la
précipitation puisque dans v in g t- n e u f jo u r s , le cadastre d’une
commune qui a deux lieues de rayon a été opéré; et de l’ erreu r,
parce qu’on a ajouté des héritages qui n’existaient pas. Sur celte
pétition , M. le Préfet écrit, d il-on, au Maire dans le sens rapporté ;
il envoie les experts, l’opération est réformée. O ù est le forfait ?
M êm e p ag. lig . zB et su iva n tes. — U n des rédacteurs du libelle
sait que les siens déchirent les billets avec les dents. Quant à moi, je
vais expliquer mon fait. L e sieur Beaufils - Mentieres , qui a fait des
progrès en alliance , était mon créancier par billet à ordre, de créances
que je n’ai pas voulu lui rembourser en assignats ; ces effets avaient
porté depuis des intérêts qui ne sont connus que de nous deux ; il me
cita au tribunal de co m m erce, il prit d éfaut; ma servante porta les
fonds chez M. G a u ta r d , je les com ptai, je pris d’après cela mon
b ille t, que je déchirai ; je refusai de payer le montant des frais et le
ard pour fra n c, non stipulé; je lui évitai les frais d’une opposition,
pour cause d’incompétence. V o ilà le fait. A h , M . Mentieres ! mais il
sera encore question de vous par la suite; malheureusement trop pour
cette affaire.
pag. lig. o et suivantes. — Il ne peut exister d’autre
o servation de ma p a rt, à nies héritiers, que celle de se défendre
une action injuste que pourraient intenter des créanciers avec
lesquels j ’avais traité en nu m é ra ire , sur l’échelle de dépréciation
existant alors, pour des assignats qu’ils m ’avaient prêtés. Ceci concerne
probablement le sieur Mentieres.
. ^ l*8 - T > 1*8 . " E t malheureusement ceci le regarde : eu 1 7 9 2 ,
(je m en rapporte à lui sur l’année) le sieur Mentieres me prêta, an mois
de m a rs, 6,000 fr. en assignats, remboursables dans 6 ans , avec oo f.
«intérêts. ( I l ne tenait pas tant aux intérêts alors. ) J e lui en avais
payé deux années; je ne l’aflligeai pas d ’assignats en l’an
et 4. L es
mandats circulaient ; M . Mentieres répandait qu’il aurait de l’argent ;
je prends 1 échelle imprimée de la trésorerie, par Bailleul > laquelle
) ai encore, je lui dis : le louis, en mars 1 7 9 2 , valait’43 fr. ; il est juste
que vous ayez l’équivalent de vos assignats , ou bien des mandats;
j étais bien éloigné de les lui donner. Nous traitons pour 4,000 fr.;
’ flue vous avez été im p ru d en t, M . Mentieres !
M êm e p a g e , ligne 7. — A n n et R odier n’a jamais été mon b o u ici ; je ne lui dois que 180 f r . , à ce que je crois. Celui qui a fourni
s m atériaux, ainsi que ceux du sieur Roussille pour ce libelle, donne
Une opinion que je n ’aggraverai pas.
M êm e p ag ,
j — Et c’est Je N e c p lu s utlrà de la turpitude.
Comment 1 M e y re m ’a fourni dans un a n , à moi s e a ï, autant de
5
3
9
3
3
3
�(
22
)
vins étrangers et d’eau-de-vie, que peut en consommer la moitié des
trente meilleures maisons de S t .- F lo u r , qui font à peu près la con
sommation. ( O n sait que quelques-unes de ces maisons, présentant
bien moins d’hypothèques, sablent plus que moi de ces sortes de vjns ).
Mais en leur passant vingt bouteilles à chacune annuellement, plus ou
moins, nous aurons oo bouteilles qui, à o sous, donneront 450 fr.
C e p e n d a n t, en 1801 j’a i , en tâtonnant commencé par 5j z francs de
consommation; mais en l’an 1 2 , j’ai dépensé en toute livraison, plus
de i , i 3 o fr. ; a h , cette année, j ’ai surpassé les trente maisons. E n
l ’an i 3 , je me suis arrêté à 806 fr.; je n’avais pu sans doute digérer
celui de l ’année précédente. En 1806, j ’en ai aussi consommé pour
8 i 5 fr. ; je me suis aussi infailliblement ressenti de l’indigestion de
l ’an 12. E nfin , en 1807, j ’ en ai consommé seulement pour 484 f r . ,
j ’imagine qu’ il a été fatigué de fournir; sa cave seserait épuisée. Faut-il
encore que je lui observe q u ’il y a erreur de 100 fr. à son préjudice?
Mais M e y r e , que fîtes-vo u s, lorsqu’au tribunal je vous déclarai
fripon, lorsque je fixai sur vous les regards du tribunal , et que vous
n ’osâtes pas même lever, cette tête qui n’a plus rien de la dignité de
l ’homme. J ’ai vos notes, mes écrits, l’état de livraison de ceux qui
m ’ont fourni après fructidor an 12 ; la cour appréciera tout.
Pages 20 et 21.
J e renvoie,u mon mémoire, page 2 7 , dans
lequel j’explique les faits que M eyre paraît ne pas avoir lus.
Quant à l’ironie relative à l’emprunt de 120,000 f r . , il n’y a que des
têtes semblables à celle d’un des rédacteurs du libelle qui aient pu
l ’imaginer. Dans certaines familles il y a des lubies; je sais que les
cousins se sont forgé celle-là ; mais quelle apparence que je veuille
devenir pauvre par orgueil : les tems ne sont point assez bons pour cela.
M êm e p a g e , lig . 14. — J e n’entends rien à cela. On cpnnaît les
démarches que je faisais pour mon malheureux père, infirme et sexa
génaire, lorsqu’un des rédacteurs du libelle et son cousin s’amusaient
à le traduire dans la maison de réclusion, on sait avec quelle énergie
je me présentai devant un représentant.
Page 22, ligne 11. — L ’im punité, je le répète, a doublé l’audace
de cet usurier; je le ferai sentir plus clairement à la page suivante.
rage
, lig n e 7. — Q u o i , M e y re , on délibère sur une innocence
aussi prouvée que la votre! U n entortillement pour caractériser l’es
pèce tle d o l , tandis qu’il était plus clair que le jour cjue vous en étiez
incapable! et aussi de l ’avis de M. le Suppléant qui faisait les fonc
tions de M . le Pro cureur-gén éral, et à l’unanimité après le délibéré!
la prononciation paraît insolite! T o u t cela me passe, en vérité.
3
3
23
.................................... ... . . . C et esprit m e c o n fo n d ;
J e ne p e u x co n c ev o ir com m eutc.es M essieurs font.
M
étromanie.
A u reste, vous avez un bon arrêt qui vous blanchira s’il se peut.
A propos d’unanim ité, la délicatesse et la sévérité des principes de
�\
J
M M . les juges du tribunal de première instance q u i, selon M e y r e ,
page i du libelle, n’ont pas été unanimes, sont trop certaines, pour
q u ’on doute de l’unanimité de leur opinion ; ils ont la réputation d'hon
nêtes gens, et ne l ’a pas qui veut.
Page
, lig. a . —- M eyre ose parler de Roudil. M alheureux,
taisez-vous; s’il mourait de chagrin , comme bien d ’autres, son spectre
vous serait épouvantable.
P a g e 26 , ligne 4. — O u i, ce registre est couvert de vos victimes ;
qu’ on le compulse. E t ajoutons-y que vous étiez greffier et partie , et
que vous ruiniez vos victimes en irais.
Quant à m o i , M . Douet m’a appris qu’il ne voulait que sûreté , et
qu’il n’avait pas voulu céder 111a créance pour m ’éviter vos poursuites.
M êm e page, lig. xi et suivantes. M o i, dem andera Son Excellence
là place de greffier au tribunal de commerce de St.-Flour ! et après
Meyre ! ! ! ............
Ë t'm o n b e a u -frè re , avocat estim é, écrire contre le sieur F a h y ?
Cette lettre existe sans doute comme celle que me prêta M . le SousPréfet , en l’an 10 , et qu’il ne put trouver dans sa poche.
M êm e p a g e, lig n e 17. — Faits fa u x, que je délie de prouver.
L ig n e 20. Fait faux. Jamais je n’ai paru à Murât les jours où votre
affaire a été discutée; j ’y suis allé au sujet du blé dont la vente vous
est connue, j’y ai pris sur votre compte des renseignemens dont je
ferai usage.
M êm e p a g e , ligne 23. — Si j ’ai dit à un magistrat que notre
3
25
3
escroc était condam né, je d éclare, pour sou honneur, qu’il ne in’a
pas fait Ja réponse que vous m ellez clans sa bouche.
1
J ai fini. J e crois avoir mis a nu usure au désespoir; mais cela
ne me suffit pas. Ma réputation, mon état et mon honneur ont reçu
1 outrage le plus sanglant qui puisse leur être porté.
S il existait une société dans laquelle une poignée d ’hommes eût
le droit de nous expolier, de nous enlever ensuite notre honneur, la
seu e îessource de 1 homme dans le malheur ; si des pervers pou
vaient le faire im puném ent, si la justice était impuissante pour nous
en ve n g e r, 011 n’aurait d ’autre parti à prendre que de défendre à main
armée sa fortune, sa famille et cet honneur. Q u o i, Meyre et D a ubus
son seraient aujourd’h u i , dans l’espace de sept ans , mes créanciers
de plus de cent mille francs, pour environ vingt mille fr. de fournis,
si je ne m ’étais épuisé en tout sens pour des remboursemens fréquens.
■keschevçux se dvéssem !
1
,n.’ j eJ a* dit, la société de ces vampires doit être anéantie avec
.atraPj, ®
* eclair , si l’on ne veut voir périr les ressources de I’é>si on ne vmit voir se briser la pierre fondamentale de ces ressources.
cultn*-’
S° nt c^evenues nos manufactures, le com m erce, l ’agriu ture, depuis que ces misérables font accumuler les banqueroutes,
epuis que la plupart d’entr’eux ont quitté même leur commerce pour
se livrer a l’usure.
F
�( 2
4
)
Ils sont furieux d’être découverts. Cependant, je n ’avais pas dit que
dans l’arrondissement de M u r â t , le boiteux Dauzolle , était mort de
chagrin , de voir en trois ans ooo fr. s’é le ve r, par l’usure, à 1 1 ooo f. ;
que Sarraille a éprouvé pendant deux ans les rigueurs de l'emprison
n em ent, pour des créances non dues, et que pour paralyser l’action
publique , on l’a dédom m agé; je n ’avais pas dit qu’aux prisons de
St.-Flour, deux détenus , victimes de l’usure, sont morts de chagrin;
que Gueffier d’A lo z ie r, et celui de R u in e s, forts propriétaires , sont
en fu ite , etc. etc. etc. et qui en est la cause ?
Je n’avais pas dit que les cam pagnes, à l ’exemple des villes, étaient
infestées du poison de l’usure; quel remède y apportera-t-on ? quelle
est la peine qui vengera la société de cet état de corruption, que
M eyre et consorts y ont introduit.
Que le crim e v e ille , qu ’il soit même im p u n i, je ne m ’en défendrai
pas moins contre lui, j’a ttends justice et réparation, et j ’espère fer
m em ent que je l’obtiendrai.
S ig n é B R U .
3
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bru, Pierre-Alexis-Louis. 1809?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bru
Subject
The topic of the resource
usure
agiotage
créances
abus
tribunal de commerce
libelle
Description
An account of the resource
Premier mémoire du 7 septembre 1807, et supplément en cause d'appel, du 26 novembre 1808, pour maître Pierre-Alexis-Louis Bru, Avocat et premier suppléant du Juge à Saint-Flour, département du Cantal ; contre les sieurs Jean Meyre, greffier du Tribunal de commerce de Saint-Flour, et François Daubusson, de Clermont [suivi de] Demande du 12 janvier 1809, en suppression d'un libelle, pour Maître Pierre-Alexis-Louis Bru, Avocat et Suppléant à Saint-Flour ; contre Meyre, habitant de ladite Ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1809
Circa 1806-Circa 1809
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0506
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0505
BCU_Factums_M0509
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53817/BCU_Factums_M0506.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Talizat (15231)
Pierrefite-sur-Loire (03207)
Saint-Flour (15187)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus
agiotage
Créances
libelle
tribunal de commerce
Usure
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3c23132473b7a1f51e248f62276abe47
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MÉMOIRE
P O U R M e.
P ierre-A lexis
-Louis B R U , Avocat et
premier Suppléant de Juge à S t, F lour, départe
ment du Cantal ;
C O N T R E les sieurs Jean M E Y R E , Greffier au tribunal
de commerce de St.
F l o u r , et F r a n ç o i s
D A U B U SSO N ,
de Clermont,
J e suis forcé de réclamer auprès des tribunaux une
justice vainement tentée auprès de mes adversaires ;
ma patience et les voies amiables n’ont produit aucun
effet. Accoutumés à faire des profits énormes par l’usure
et par l’agiotage les plus effrénés, ils ont ri de la bonne
foi de mes démarches , tant la corruption devient une
seconde nature par l’habitude de s’y livrer.
Depuis environ cinq ans ma fortune est menacée
Par cette espèce d’hommes inconnus jusqu’à nos jours,
et des sommes empruntées à diverses époques, dont
le total ne s’élève pas à vingt mille francs, réellement
�c o
reçus, sur lesquelles j’en ai déjà donné plus de vïngt-un
mille , laisseroient aux sieurs M eyre et Daubusson, un
produit en interets , et inteicts d interets de.plus de
25000 fr. dans moins de cinq ans, si les lois n’étoient
là pour réprimer leur cupidité , et si je n’avois en mon
pouvoir les preuves écrites de leur usure infâme.
Je le rép ète, c’est à regret que j’entreprends une
affaire qui auroit pu être assoupie , et dont le ré
sultat ne peut qu’être funeste à mes adversaires ; mais
ma réputation de solvabilité et de probité attaquée
a u d a c i e u s e m e n t de Jeurpart, des poursuites'vexatoires
commencées, une masse d’intérêts qu’ils réclam ent,
après avoir reçu plus que le capital ; le soin naturel de
défendre pour ma fam ille, contre des voleurs publics t
une fortune honnêtement acquise ; enfin un jugement
rendu pour et par des gens qui ont à démêler des af
faires majeures avec m o i, tout cela me force à parler
haut le langage de la justice. Je suis bien favorable , si
j’avois besoin de faveur , car je dois au sort de mes enfans les efforts que je vais faire. Je serai vrai dans l’ex
posé des faits ^ et les principes immuables du tien et
du m ien, trouveront leur application à mes intérêts
méconnus impunément jusques à ce jour.
FAITS.
Je possède au Village de Pierrefite, près de St. Flom y
département du C an tal, un domaine au milieu du
quel sont enclavés des héritages que Guillaume Amat
laissoit dans sa succession, et auxquels étoient dues des
servitudes de passage, prise d e a u , etc. etc.
�( 3 )
Moins par ambition que par nécessité je me vois
forcé de les acquérir. Je devois à cette époque en petits
capitaux exigibles environ 8000 fr. Lorsqu’au commen
cement de l’an dix je iis cette acquisition , j’ignorois
que les capitalistes coniioient leurs capitaux à des gens
la plupart sans a v e u , sans garantie, sans bonne fo i,
sans loi ; pouvois-je présumer qu’ils seroient aussi cu
pides , aussi imprudents qu’ils l’ont été. Car enfin ,
quelle garantie présentent des agioteurs en général.
L ’impérieuse nécessité de solder pour huit ou neuf
mille fr. de capitaux que je devois alors , ainsi que le
prix de mon acquisition, me fait découvrir Jean M eyre,
qui me procure, d’accord avec le sieur Daubusson,
les sommes dont j’ai besoin; le taux de 24 pour ojo est
le taux absolu exigé de leur part et accordé. L a re
construction d’une façade à ce d om ain e , la réparation
des grange et écurie , nécessitent encore un emprunt
dans les années onze, douze et treize, d’environ cinq
ou six mille livres , et il faut toujours recourir aux ad
versaires , tant les capitalistes semblent resserrer leur
argent, pour........
Les sommes que j’ai empruntées à ces diverses épo
ques ne s’élèvent pas à vingt-un mille l iv ., et s’il pouvoit y avoir de l’erreur nous la rectifierons par les
registres des adversaires , dont infailliblement le rap
port sera ordonné. Je désire ne pas en imposer.
^L e sieur M eyre ne manquoit pas d’empirer ma situa
tio n ; il faisoit ses comptes à discrétion; tantôt il fixoifc
pour six mois , tantôt pour trois m ois, 1 intérêt q u i,
quoique de 24 pour o¡o par an , se portoit à 28 ou à 5o
�(4)
pour o/o, selon les époques plus ou moins rapprochées
du renouvellement. Je vivois dans une inquiétude dont
personne que moi ne pourra se faire une idée. Les ex
trémités les plus malheureuses m’auroient paru quelque
fois' un bien infini. Je me rends inutilement chez le
sieur Daubusson , duquel je reçois pour toute réponse »
le c a p it a l ou Yagiot ; j’insiste, et il me réplique : arran
gez-vous avec M eyre , tandis que Meyre m’a dit : arran
gez-vous avec Daubusson.
Deux ou trois personnes qu’il ne convient pas de
nommer ici m’avoient bien promis de me prêter une
somme de 20000 liv. ( cette espérance cause en partie
mes malheurs ) •, ces fonds manquent, et cependant
la crainte des poursuites inouies que les agioteurs
étoient dans l’usage d’exercer, des ménagements pour
mon père et pour ma famille, la considération que j’ai
tant souhaité de me conserver, et que ces misérables
ont tenté de mo faire perdre, me forcent de renouveller de six en six , et de trois en trois mois ; mon
épouse qui partage mes sentiments , mon épouse qui
se flatte d’une espérance aussi vaine que m oi, m’engage
aussi à ce fatal et continuel renouvellement ; elle et moi
passons sous silence les chagrins que nous avons dé
vorés à ce sujet. Puissent les âmes honnêtes être saisies
d’horreur à l’aspect de pareils hommes, et de leurs as
sociés bien connus*
C e p e n d a n t j’avois déjà payé au sieur Meyre environ
six mille liv. à la fin de l’an dix; postérieurement je lui
ai donné quelques à compte , en le conjurant toujours
'de réduire cet intérêt qui alloit infailliblement dévorer
�ma fortune. Je l’ai pressé plusieurs fois de me laisser
connoitre par ses registres l’état des effets qu’il régloit
à son g ré, et il ne m’a donné qu’une fois cette satisfac
tion ; c’étoit en l’an onze, j’avoue même que je n’ai
pas été satisfait. On va voir qu’il ne falloit pas s’en
rapporter uniquement à lui.
En l’an treize , il me dit qu’il faut des fonds, il me
promet astucieusement une réduction considérable à
condition que je lui payerai une forte somme, j’y sous
cris , mais comment ferai-je ? je ne peux vendre sans
diminuer hors de toute proportion les revenus d’une
propriété considérable que je possède à Pierrefort, et
dont onconnoît aujourd’hui la valeur par l’afiiche que
j’en ai fait. L e sieuv Meyre est de mon a vis, il m’en
gage à faire une vente de 4oo septiers de bled , délivrablc en quatre ans , à quatorze francs le septier, me
sure de IVlurat, il retient les cinq mille six cents liv. que
produit cette ven te, il garde l’acte de vente entre ses
mains , et au lieu de diminuer le taux de l’usure , il me
répond que je n’ai pas fait un remboursement suffisant.
Je dévore ce trait inoui de perfidie, et je me tais.
Ce dernier procédé m’assure qu’il faut par la suite
retirer moi-même les lambeaux des lettres de change
lacérées, si je ne veux laisser périr totalement ma for
tune par la dévorante activité à renouveller, qu’em
ploient les sieurs Meyre et Daubusson.
J avois déjà tenté plusieurs fois de vendre tout ou
partie des biens dont je viens de parler ; mais comme
les agioteurs accaparent plus que jamais les fonds des
capitalistes, je ne peux vendi'e^ je tente de me faire
�d’autres ressources pour payer au moins partie aux
adversaires ; je suis forcé de contracter d’autres enga
gements qui, quoique onéreux, ne seront pas contestés
de ma p a rt, tant ils sont éloignés du taux énorme que
les sieurs M cyre et Daubusson ont adopté. Je rem
bourse donc plus de vingt-un mille liv., ce qui excède
de beaucoup le capital ; ensorte que ce qui est dû au
jourd’hui ne présente que des intérêts, cl intérêts des
intérêts.
Je tente in u tile m e n t à plusieurs reprises d’obtenir
une diminution auprès .du sieur Daubusson. Je me dé
te r m in e à revenir à Clerm ont, en foire de mai 1806 ;
tout ce que je peux obtenir est une diminution qui
porte à 18 pour ojo l’intérêt, en payant cet intérêt
dans deux m ois, et le capital en novembre suivant.
Il ne sortira jamais de ma mémoire que le 9 mai 1806,
jour où en présence du sieur Meyre je renouvellai les
effets éch u s, chez ledit D aubusson, un commis à fi
gure basse épioit mes moindres mouvements \ que les
sieurs M eyre et Daubusson n’avoient pas meilleure
m in e} que lorsque je pris et déchirai les effets précé
dents , un sourire pénible, mais dur, dérida un moment
leurs traits qu’avoit sans doute altérés une conscience
coupable, et que sortant de ce gouffre, je me dis tris
tement , le& yeux presque gros de larmes, où suis-je ?
que deviendrai-je ?
Q u o iq u ’ il en so it, à l’échéance des effets, même
embarras de ma p a rt, même rigueur , même dureté de
la le u r, menaces d’emprisonnement, de saisie, d’ex
propriation \ ei>iin, renouvellement forcé de mes effets
�( 7 )
le i 5 mai dernier, toujours à 18 pour o/o, sans éclater
contre les propos menaçants du sieur Meyre.
L ’échéance de ces derniers effets n’étoit pas encore
arrivée, lorsqu’il s’est fait une levée de boucliers parmi
les agioteurs, et qu’au lieu de céder aux sollicitations
portées par deux lettres au sieur Daubusson, mais qu’il
a laissées sans réponse, ils ont eu l’impudeur pour
20000 liv. d’intérêts usuraires et accumulés, d’àffecter
et de répandre une crainte d’insolvabilité, de grossir
des inscriptions, et d’allarmer des créanciers heureu
sement peu nom breux, tandis qu’ils n’ignoroient pas
que je possédois une fortune de plus de 200000 l i v .,
suivant l’évaluation ordinaire de notre département.
Ils font plus, me voyant afficher la majeure partie de
ines biens, ils ont répandu qu’à mon tour je voulois
imiter leur agiotage : les misérables !
Disposé a faire dés sacrifices qu’une faute produite
par la nécessité avoit rendus inévitables, en méprisant
leurs calomnies, j’ai cru ne pas devoir franchir les
bornes de la modération et de la loyauté ; je leur ai
dit que je payerois, mais qu’il falloit un peu de temps j
que ces intérêts étoient trop forts, que quelques re
mises seroient justes , etc. etc.
Ma patience a doublé leur ardeur, et soit qu’ils
1 attribuassent à la crainte , soit que par des procédés
violents et des menaces affreuses, ils aient cm m’emnieuer à détruire jusqu’aux traces de leur infâme agiotae>e > ils ont montré la même audace. L e sieur M eyre,
en présence de personnes dignes de f o i, a osé me
pioposer d attendre trois mois seulement, sous la condi-
�c, 8 ? . ,
tion de lui payer encore l’intérêt à 18 pour o/o, de lui
donner une caution, de lui remettre les effets qui font
ma preuve , ou de lui déclarer qu’il n’a voit perçu que
le taux légal. J’ai contenu mon indignation en repous
sant sa proposition; il a osé me proposer un jugement
auquel j’acquiescerois , ou dans lequel je déclarerois
que la créance:est bien et légitimement due au sieur
Daubusson ; même refus de ma part. Enfin , il a osé
me dire et répandre en public qu il ne m’avoit prêté
qu’à i5 pour o/o, tandis que la notoriété publique
l’écrase, tandis'que ses propres écrits à la m ain, et ses
lettres de change endossées par lui ou par le sieur
Daubusson, établissent d’une manière invincible qu’ils
ont porté le taux de l’usure jusques à 33 pour o/o, et
qu’ils ont accumulé intérêts sur intérêts.
Cependant ils viennent d’obtenir le 24 août dernier,
sous le nom du «sieur Daubusson, un jugement par dé
faut , qui me condamne au payement de vingt mille
deux cents liv ., montant de cinq lettres de change ; et
ce jugement est rendu dans la propre cause du greffier
M eyre , par le sieur Béraud, son cousin germain allié,
par le président, qui doit savoir que des affaires ma
jeures sont à démêler entre lui et moi. Le sieur M eyre
fait plus, il répand que nous sommes convenus d’un
jugement auquel j’acquiescerai, tandis qu’il l’a fait
rendre parce que je n’ai pas voulu y acquiescer de la
manière proposée, et que je lui ai laissé la faculté de
prendre scs avantages ; tandis que de suite il me l’a fait
signifier, et qu’il s’est inscrit, le tout contre une parole
donnée, comme ces sortes de gens la donnent.
�C9>
Si j’écrivois pour le tribunal de commerce de St.
F lo u r, je lui dirois que ce jugement est nul, parce qu’il
est rendu pour des personnes qui ont contre moi des
engagements de la nature de ceux que j’attaque, et par
des personnes qui ont aussi à régler des intérêts ma
jeurs avec moi.
Je leur dirois que le sieur Meyre est souvent partie
dans les affaires de commerce de ce tribunal ; que lui
greffier écrâse en frais une foule de propriétaires, qu’en
un mot il est du nombre de ceux qui agiotent au sein
même du tribunal.
Sans doute, Son Excellence le G ran d- Juge, informé
des abus qui se sont glissés dans les tribunaux, et de
ceux qui se commettent journellement au tribunal de
commerce de St. F lo u r, y mettra un ordre salutaire.
Les bons esprits n’cn doutent pas.
Je leur prouvcrois encore que cette espèce de tri
bunal est incompétente.
Mais comme j’écris pour le p u b lic, comme j’écris
principalement pour les juges qui connoîtront de l’u
sure et de l’agiotage dont je me plains, je vais rappeler
tes principes immuables qui doivent faire annuller les
actes de prêt à usure, en forme de lettres de change,
qui m ont rendu débiteur des sieurs M eyre et Daubuss° n , et qui doivent me faire restituer les produits
énormes de leur usure.
Il est de principe chez toutes les nations, et princi
palement en France que l’usure est un délit puni par
les lois, et que l’usurier est tenu à la restitution des
sommes qu’il aperçues de trop, qu’il est même soumis
2
�C 10 )
à des peines capitales. Je ne leur rappellerai pas les
principes du droit divin, ni môme la religion naturelle-*
la charité, Ici fraternelle charité ; leur cœur pourri est
fermé pour jamais à ce sentiment, et avertit la société
d’ètre en garde contr’eux ; je leur rappellerai les lois
qui les atteignent, en attendant que la Providence en
fasse justice.
Un capitulaire de Charlemagne, de 789, dressé à
A ix-la-C h ap elle, un de Louis le débonnaire, son fils r
de 8 1 3 , l’ordonnance de Louis I X , de 1254, celles de
Philippe le h ard i, de 12 74 , de Philippe I V , de i 3 i i*
de Philippe de V alo is, de i 34<), de Louis X I I , de
i 5 i o , de François Ier. , de i 535 , de Charles I X , de
i 56o , l’art. 147 de celle d’Orléans, de Henri III,
de 1576, celle de B lo is, de *1579 >art- 202, celles de
fleu ri IV , de i 594 > de Louis X III, de 1629, art. i 5 r,
celle de Louis X IV , de i 6j 5 , tit. 6 , portant défenses
aux marchands et à tous autres d’englober les intérêts
dans les lettres de change , et de prendre intérêts sur
intérêts, Toutes ces lois punissent de l’amende hono
rable ,, du bannissement et même de galère , au cas de
jé c id iv e , tous les usuriers connus aujourd’hui, tant sous
ce n o m , que sous celui d’escrocs et d’agioteurs.
' Divers arrêts rendus en 1699, en 1736, en 1745»
en 1752, ont,Consacré ces principes.
- Il n’est qu’à voir si ces principes s’appliquent à mon
espèce ; l’affirmative ne sauroit laisser de doute.
En effe t, les sieurs Meyre et Daubusson ont entre
tenu pendant cinq ans avec moi une relation de prêi
à usure, à 3 o , à 2 8 , à 24, à 18 , sous les couleurs de
�C rO
lettres de cl lange, portant la contrainte par corps.
Mais ces lettres de change sont des titres faits eh
fraude du code c iv il, qui défend à tout T rançais qui
n’est pas commerçant, ou qui n’est pas dans les cas
prévus aux art. 2o 5c) et suivants, de consentir à la con
trainte par corps. O r, je n’ai jamais fait de commerce
avec qui que ce soit ; les adversaires n’en ont fait ni
avec moi ni à mon occasion ; mes effets n’ont jamais
passé dans le com merce, ils se les sont réciproquement
endossés , et les ont gardés daris leur cabinet ; ce n’est
donc qu’à l’aide d’une fausse terreur de la prison, et
d’une exécution prompte et violente , qu’ils ont voulu
se procurer des lettres simulées , en fraude de la lo i,
tandis qu’ils dévoient se contenter d’une simple obli
gation de prêt; ils ont donc doublement violé la loi à
mon égard, i°. en ce qu’ils ont abusé de ma position
pour dénaturer un simple prêt ; 2 °. en ce qu’en le dé
naturant , ils ont exigé un intérêt usuraire et prohibé.
Ils diroient vainement que la simple lettre de change
me rend justiciable du tribunal de commerce ; je letir
réponds que des lettres qui sont nulles, qui contiennent
cumulativement capital et intérêts usuraires , et qui
sont un simple prêt déguisé, ne sauraient être de 1 at
tribution de ce tribunal.
, Il ne faut pas sans doute des preuves plus évidentes
que celles rapportées de ma p art, pour établir que ces
lettres n’ont pour objet qu’un prêt usuraire déguisé.
Les lettres que je tiens dans mes m ains, les comptes
et notes écrits par le sieur M eyre lui-même, ses propres
registres qu’il tient cachés, et ceux du sieur Daubusson ,
�c 12 y
la notoriété publique qui les flétrit, tout dépose hau
tement que les sieurs Daubusson et lui ont prêté à une
usure énorme , quoi qu’ils n’aient fait aucun, commerce'
avec moi.
Diront-ils que j’étois- majeur et homme d’affairesr
que dès lors je savois ce que je faisois? diront-ils qu’ilsne sont pas venu&me chercher pour, prêter ces fonds ?
Qu’un pareil raisonnement est puéril et de mauvaise
foi ! Et q u o i, l’homme d’affaire et le majeur ont-ils pu.
se mettre à l’abri de la nécessite ? Est-il une puissance
qui puisse les y soustraire ? Non. Eh bien, vous, M eyre,
vo u s, Daubusson et vos pareils, vous avez introduit
cette affreuse nécessité , vous êtes alléf accaparer tous
les fonds que vous avez pu découvrir, il n’est pas jus
qu’au salaire des gens à gages que vous n’ayez pris pour
en retirer l’usure, au moyen de laquelle vous avez mis
et vous réduisez une foule de familles à la misère ; et
vous avez le front de dire que vous n’allez pas cher
cher les emprunteurs, et vous leur dites que les ma
jeurs et les hommes éclairés doivent savoir, ce qu’ils
fo n t, vous osez, le d ire, et la société ne vous vomit pas
hors de son sein !
Dites-le m oi, quel droit avez-vous eu d’élever l’ar
gent que vous prêtez, à un taux au-dessus de celui fixé
par la lo i, à un taux inoui? aucun, si ce n’est celui du
voleur qui enlève la bourse‘ du passant, aucun., si ce .
n’est celui de la dure nécessité où vous avez mis ceux
que vous deviez regarder comme vos frères et vos amis»
et qui ne devoient bientôt devenir que des esclaves que
vous jeteriez dans des cachots.
�( . 3 )
Vous direz peut-être que l’argent est une marchan
dise ; autre misérable absurdité ! D ’abord il n entre
point dans une tête bien organisée , que 1argent inonnoyé, qui est le signe représentatif des marchandises,
de tous les autres objets quelconques , puisse etie une
marchandise lui-même ; d’autre part, cette marchan
dise ayant un taux de produit fixé par la lo i, celui
qui l’a prêté n’a pu lui donner, sans se révolter contre
la lo i, ùn taux usuraire de 25 et 3 3 pour o j o .■
On,dira peut-être encore qu’on ne connoît pas d usure en France.
Mais nous n’avons besoin
pour
répondre a cette autre
ineptie , que d’ouvrir le code civil.
„ L ’in térêt, est-il dit art. 1907> est légal ou conven„ tionel. L ’intérêt légal est fixé par la lo i, l’intérêt con„ ventionnel peut excéder le taux fi;xé par la loi toutes
„ les fois que la loi ne le prohibe} as ; le taux de l’inté„ rêt conventionnel doit être fixé par écrit. „
L ’article 1 3 y 8 ordonne la restitution des sommes et
intérêts perçus de mauvaise foL
Je conclus de là que le taux excessif est prohibé par
la lo i, et qu’il est usure comme dans l’espèce ; je con
clus encore que l’intérêt exigé de moi par les sieurs
Meyre et Daubusson , est usure, parce qu’ils ont évite
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•
de le stipuler par écrit, c’est-à-dire par convention cer
taine et dénommée. Je conclus donc que le Législateur
reconnoît qu’il peut y avoir usure, et qu’il entend la
punir.
Cela est d’autant plus vrai que j’ai en mes ma^ns
une lettre certifiée, en bonne forme, de son Excellence
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Monseigneur le Grand Juge, datée du 7 prairial an xiii,
qui porte que l ’on doit agir en restitution devant les
tribunaux civils contre les usuriers ; et que le journal
des débats du 3 floréal an x i , en rapporte une pareille
de s o n Excellence au Procureur impérial de Montreuilsur-mer ; cela est d’autant plus vrai encore , c’est que
les diverses Cours et Tribunaux ont condamné cer
tains usuriers à cinq ans d'emprisonnement, à vingt,,
à trente , à deux cents mille liv. d’amende, et que dans
l ’universalité des départements le taux de l’argent a
été remis à cinq pour cent ’, par suite de ces divers ju
gements , et des principes que les agioteurs avoient
cherché à dénaturer.
Il
est donc bien vrai que j’ai été victime d’une usure
immodérée ; il est vrai que les lettres de change simu
lées dont on a obtenu la condamnation, ne sont que
des prêts déguisés faits en fraude de la lo i, pour avoir
la contrainte par corps , qu’elles ont été exigées de
moi pour me contenir par une crainte chimérique, que
cet intérêt usuraire est le fruit d’une escroquerie pra
tiquée sous ces titres colorés ; que ces titres sont nuls
dès qu’ils supposent un négoce qui n’a jamais existé y
qu’il doit m’être rendu compte des intérêts usuraires
perçus au de-la du taux légal.
Je termine une lliscussion dont l’objet m’a causé et
me cause bien des chagrins. Je pourrais appeller plus
particulièrement l’attention du public sur ces hommes,
q u i, non contents d’usurper ma fortune , ont osé atta
quer mon crédit et mon honneur, qui me déchirent
sourdement encore ; mais me bornant à mon affaire,
�( 15)
j’aurai le courage de les combattre avec .l’opinion des
personnes estim ables, desquelles seules je désire le
suffrage ; une famille honnête et nombreuse inspirera
sans douté quelqu’intérêt à la justice, et quoique les
mœurs soient perdues , il est aussi quelques âmes rares
qui auront résisté à la corruption, et qui sentiront vi
v ement ma position ; qu’elles reçoivent ici mes remercîments sur cette sensibilité qui est le partage des bons
cœurs, et qui m’a souvent soutenu. J’avoue que j’ai
résisté long-temps á former une action qui me répugnoit; mais j’en suivrai la chance avec une constance
que rien n’ébranlera.
J’ai informé leurs Excellences Messeigneurs le Grand
Juge et Ministres de l’intérieur et de la police générale
des exactions de mes adversaires; je ne sais si mes ré
clamations leur sont parvenues ; je les réitérerai, et si
quelques-unes des entraves que j’ai vu plus d’une fois
mettre à mes démarches se renouvellent, les auteurs
seront connus, et je les suivrai par-tout. L a France ne
doit pousser qu’un cri pour signaler une espèce
d hommes dont les annales des peuples ne fournissent
pas d’exemple-
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bru, Pierre-Alexis-Louis. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bru
Subject
The topic of the resource
usure
agiotage
créances
abus
tribunal de commerce
libelle
Description
An account of the resource
Mémoire pour Maître Pierre-Alexis-Louis Bru, avocat et premier suppléant de Juge à Saint-Flour, département du Cantal ; contre les sieurs Jean Meyre, greffier au tribunal de commerce de Saint Flour, et François Daubusson, de Clermont.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa 1806-Circa 1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0505
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0506
BCU_Factums_M0509
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53816/BCU_Factums_M0505.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Talizat (15231)
Pierrefite-sur-Loire (03207)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus
agiotage
Créances
libelle
tribunal de commerce
Usure
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53624/BCU_Factums_G3007.pdf
2402f80701a47d68d3897d069ea1b64a
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Sentence arbitrale. Giroud. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
transport fluvial
charbon
arbitrages
mines
asphalte
banqueroute
tribunal de commerce
ports
banquiers
génie civil
experts
jugement arbitral
marchandises
diffamation
Description
An account of the resource
Titre complet : 1ére affaire. 21 juillet 1847. suivi de 2éme affaire, 2 août 1848. Giroud, appelant contre Sauret et Jozian. Questions
Document manuscrit. Suivi de l'arrêt
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1838-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3007
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3005
BCU_Factums_G3006
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53624/BCU_Factums_G3007.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Pont-du-Château (63284)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
asphalte
banqueroute
banquiers
charbon
diffamation
experts
génie civil
jugement arbitral
marchandises
Mines
ports
transport fluvial
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53623/BCU_Factums_G3006.pdf
cea748dafc9bc0c9a20eb7e1b5b12581
PDF Text
Text
tr ib u n a l
première
PRECIS
IN ST A N C E
dela S e in e .
POUR
5' CHAMBRE.
M DURANTIS,
MM. JOZIAN et SAURE T , défendeurs,
P ré s i d e n t .
CONTRE
M. GIROUD, demandeur.
------ —■ •'¡■T
"
--.
Le 21 novem bre 1 8 3 8 , par acte devant Casati , notaire à Lyon ,
MM. Chevalier et Giroud achètent de M. Corcelette, au prix de 140,000 fr.,
la moitié indivise, avec M. Julien Sadourny, de la m ine de houille des
Barthes, concédée p a r ordonnance royale du 11 février 1829.
Le 30 du m êm e m o i s , ils passent u n marché avec M. Pezerat, gérant
d e ‘la société d ’asphalte granitique établie à P a r i s , d ’après lequel ils
s ’obligent à livrer à cette Société, à partir du 1er mars 1839, 10,000 hec
tolitres de charbon par m o is , au prix de 90 c. l’hectolitre.
Le traité comporte u n e clause compromissoire conçue en ces termes :
« A r t . 9. — En cas de contestations au sujet des présentes ' conventions,
» elles seront jugées à P a r is ,
et non ailleurs à l’exception cependant de
» celles q u i,p a r leur nature, ne pourraient se décider que dans la localité, par
» un tribunal arbitral composé de trois membres, dont deux seront respecti» vement choisis par les parties, et, à leur défaut, p a r le président du tribunal
» de commerce
le troisième sera nommé par les deux arbitres désignés ,•
» et, faute p a r eux de s’entendre sur cette nomination, elle sera faite égale» ment par le tribunal de commerce du lieu où sera portée la contestation ;
» le tout à la requête de la partie la plus diligente. »
Le 1er décembre 1 838, par acte devant F o u r c h y , notaire à P a r is ,
MM. Chevalier et Giroud forment une Société en commandite pour l’ex
�ploitation de la mine des Barthes, au capital de 1,200,000 fr., représenté
par douze cents actions de 1,000 fr. chacune.
La mine est comprise dans l'apport social de ces messieurs p o u r une
valeur de 800,000 fr.
M. Giroud est nommé gérant provisoire de l’entreprise.
Le 3 avril 1839, la Société Pezerat e tC o m p 1“. cède à M. Jozian tous les
droits acquis à cette Société par la convention du 30 novembre 1 8 3 8 ,
à la charge , par le cessionnaire, de rem plir tous les engagemens imposés
à la société cédante.
.M. Pezerat fait déclaration de la cession à MM. Chevalier et Giroud,
par un exploit du 29 mai suivant.
M. Jozian se m et en devoir d ’exiger les livraisons de charbon promises
à la Société Pezerat et Compie.
Un débat s’engage s ur le carreau de la mine au m om ent de la première
livraison.
M. Jozian se pourvoit devant le tribunal de commerce de Brioude, pour
faire ordonner l ’exécution du marché du 30 novembre 1838.
Un jugem ent par défaut, du 8 novembre 1839, fait droit à sa dem ande.
Mais, dans l’intervalle, une autre procédure avait été engagée à Paris
contre la Société Pezerat et Compie, à la diligence de MM. Chevalier et
Giroud : ils l ’avaient actionnée devant le tribunal de com m ercede la Seine
en résolution de la convention du 30 novembre 1838, et un ju gem ent du
26 juillet 1839 avait renvoyé les parties devant arbitres juges, en confor
mité de la clause compromissoire ci-dessus relatée.
Il y avait ainsi deux instances simultanées s u r le même o b j e t , l ’une
engagée ù Brioude, l’autre à Paris.
Dans le cours de l ’instance a rb itra le , la Société Pezerat et Com p1* est
mise en liq u idation, et la procédure est reprise contre les liquidateurs
choisis par les actionnaires en assemblée générale.
Le tribunal arbitral est composé de MM. Gibert, Girard et Venant, an
ciens agréés^ et régulièrem ent constitué.
D'un autre côté, MM. Chevalier et Giroud se rendent opposans au
�jugem ent par défaut du tribunal de commerce de Brioude du 8 novembre
1839. Ils contestent la compétence du tribunal par un moyen tiré de la
clause comproinissoire portée en la convention du 30 m ars 1838.'
II est statué su r les deux instances.
A Brioude , l’opposition est rejetée par un jugem ent du 3 avril 1 840, et
le tribunal ordonne que son jugem ent du 8 novembre précédent sortira
effet.
A P a r is , les a rb itre s , par une sentence du 17 juin J 8 4 0 , déclarent
MM. Chevalier et G iroud non recevables et mal fondés dans leur demande
en résolution de la convention du 30 novembre 1838, ils ordonnent néan
moins que, po u r garantie de son exécution, les liquidateurs de la Société
Pezerat et Compie fourniront un cautionnem ent de 54,000 fr.
La sentence est rendue exécutoire sans contestation de la p art d ’aucune
des parties; mais le ju gem ent de Brioude est frappé d'appel devant la
cour de Biom par MM. Chevalier et Giroud.
S ur cet appel, la cour infirme ce jugem ent par un arrêt du 24 novembre
1840, dont u n des motifs est formulé comme suit :
» Considérant que tontes les contestations ci naître entre les parties devaient}
» a u x termes de la convention du 30 novembre 1838, être jugées p a r des a r» bitres, que, dbs-lors, le tribunal de Commerce de Brioude s’est attribué
» contre la volonté des parties une juridiction qui ne lui appartenait pas, et,
» qu'en procédant ainsi il a ju g é incompétemment. »
Pour régulariser la convention intervenue entre la Société Pezerat et
Com pie. et le sieur Jozian, les liquidateurs cèdent à ce dernier, par un
acte du 2 février 1841, le bénéfice et les effets de la sentence arbitrale
rendue à leur profit le 17 ju in précédent. Cet acte est enregistré et signi
fié à MM. Chevalier et Giroud.
M. Jozian fournit le cautionnem ent de 54,000 francs à la charge des
liquidateurs, dans les formes prescrites p a r l a loi, ainsi q u ’il résulte d ’un
acte au greffe du tribunal civil de la Seine, on date du 12 février 1841,
V
.
�sans q u ’il y ait contestation de la p art de MM. Chevalier et Giroud.
M. Jozian, obéissant à l’arrêt de Riom, fait ses diligences po u r soumettre
à des arbitres juges la contestation dont le tribunal de commerce de
Brioude avait été indûm ent saisi. Les arbitres qui ont rendu la sentence
du 17 juin 1840 sont de nouveau constitués en tribunal arbitral du con
sentement des parties.
'
L’instance est engagée entre M. Jozian, cessionnaire de la Société lJezerat et Com pagnie d ’une part, et MM. Chevalier et Gj^toud d ’autre part.
Le 2 V mai 18VI, une nouvelle sentence arbitrale ordonne que les li
vraisons de charbon à faire, en exécutionde la convention du 30 m ars 1838,
auront lieu dans des proportions q u ’il est sans intérêt d ’indiquer ici, et
dispose q u ’à défaut p a r MM. Chevalier et Giroud d ’effectuer lesdites li
vraisons aux époques fixées par la sentence et sans q u ’il soit besoin de
mise en demeure, il sera fait droit a u x conclusions du sieur Jozian tendant à
la fixation d'une peine contre eu x pour ce défaut d’exécution.
La sentence ordonne en outre que MM. Chevalier et Giroud rapporte
ront à M. Jozian, dans le mois de la signification, l’adhésion de la So
ciété de la m ine des Barthes à l’exécution de toutes les conditions portées
au traité du 30 novembre 1830, sinon <[U il sera fait droit sur la fixation des
dommages-intérèts réclamés par le sieur Jozian.
Cette sentence est frappée d ’opposition à l’ordonnance d'exei/uatur et
vivement attaquée par MM. Chevalier et Giroud. L ’opposition donne lieu
à une série d ’instances, en première instance et en appel, et il ne faut rien
moins que trois juge me iis et quatre arrêts pour donner passage au ju g e
ment arbitral du 2 h mai 1841.
Néanmoins, M M .Chevalier et Giroud résistent à son exécution, e t c ’est
le cas, alors, de revenir devant les arbitres pour q u ’il soit statué sur les
points réservés par leur sentence.
Les arbitres sont donc une troisième fois saisis, à la diligence du sieur
Jozian du litige né du traité du 30 novembre 1838, et, le ü juin I8'i3, ils
rendent une nouvelle sentence qui porte en substance ce qui suit :
�MM. Chevalier et G iroud sont tenus de comm encer les livraisons de
charbon dans la quinzaine de la signification de la sentence.
A défaut de ce faire ils sont condamnés à des dommages-intérêts sur la quo
tité desquels les parties sont renvoyées à se faire ju g er dans la localité.
Kt ce dernier chef d e là sentence est motivé en ces termes.
» Attendu que la quotité de ces dom m ages-intérêts ne peut être bien a p » préciée que dans la localité elle-m êm e, parce q u ’elle doit résulter d ’un
» concours de faits et de circonstances qui ne peuvent être bien connus
» que dans cette localité.
» Que c’est donc le cas de renvoyer les parties à se faire ju g e r dans le
» pays sur la quotité des dom m ages-intérêts ainsi que le réserve la c o n » veution p o u r ce genre de question.»’
E n ce qui touche l ’adhésion de la Société de la mine des Barthes, non
produite encore, les arbitres déclarent surseoir à prononcer su r les domm ages-intérêts j u s q u ’après le mois de janvier de l ’année 1844.
MM. Chevalier et Giroud satisfont en tem ps utile à cette disposition do
la sentence, mais ils se refusent aux livraisons de charbon dans les condi
tions prescrites p a r cette sentence.
De là, nécessité de soum ettre le débat et l’appréciation des dom m agesinlérêts, à des arbitresde la localité, dans les termes de ladite sentence.
A ce moment, M. Chevalier se tient à l ’écart et M. Giroud agit en son
nom dans tous les actes de la procédure qui précèdent la constitution du
tribunal arbitral.
Cette procédure atteste des
efforts inouis de M. G iroud p o u r empê
cher laréunion des arbitres, et c ’est encore là u n des curieux épisodes de
cette longue lutte judiciaire qui date de 1839.
Dès le 9 août 1843 et par un acte du même jo u r enregistré à IJrioude le
24 du môme mois, M. Jozian avait cédé à M. Sauret, b a n q u ie r à Riom, la
moitié des droits résultant, au profit de lui c é d a n t, tan t de la convention
du 30 novembre 1838 que des sentences arbitrales sus-relatées.
Alors, MM. Jozian et Sauret se pourvoient en nom ination d ’arbitres de
vant le président du tribunal de commerce d ’Issoire. Deux ordonnance»
�sont rendues p a r ce m agistrat les 9 et 18 novembre 1843; mais M. Giroud
interjette appel de ces ordonnances.
L ’appel est fondé su r ce que l a m in e d e sB arthes se trouvant dans la cir
conscription territoriale du ressort de B r io u d e , les ordonnances ont été
incoinpéleinment rendues par le juge d ’Issoire.
Ce système est accueilli par un arrêt de la cour de Riom du 21 février
1844,
MM. Jozian et Sauret recom mencent leur procédure s u r nouveaux frais
ù Brioude.
tE n voici seulem ent les principaux incidens :
Le 4 m ars 1844, MM. Jozian et Sauret notifient par exploit, à MM. Che
valier et Giroud q u ’ils font choix p o u r arbitre de la personne de M. D orival, et leur font somm ation d ’en désigner un. S ur le refus de satisfaire
à cette som m ation, le même exploit contient assignation à comparaître, le
('), devant le président du tribunal de commerce de Brioude, en nom ination
d ’arbitre.
Le G m ars, MM. Chevalier et Giroud ne se présentent pas au désir de
l’ajournem ent; mais M. le président de lîrioude juge q u ’on ne leur a pas
donné un délai suffisant et surseoit à statuer ju s q u ’au 14 m ars, jo u r auquel
MM. Chevalier et Giroud seront intimés de nouveau de se présenter à son
hôtel.
Le 14 m ars, MM. Chevalier et Giroud font encore défaut; néanm oins,
M. le président leur accorde un nouveau délai de huitaine, et, faute par eux
de se prononcer dans ce délai, il désigne d ’office po u r arbitre, Me Bardy ,
notaire à Angers, et commet Vallat, huissier à Brioude,
po u r la signi
fication de l’ordonnance.
Mais les exploits ayant été signifiés à MM. Chevalier et Giroud aux
Barthes, siège de l’exploitation de la mine, et non à leurs domiciles réels
respectifs, c’est là un prétexte pour M. Giroud de se pourvoir par appel
contre les ordonnances des G et 14 mars.
Mais, par un arrêt du 5 août 1844, la cour de lliom déboute M. Giroud
de son appel et dit que ces ordonnances sortiront effet.
�L ’arrêt est signifié à M. G iroud le 24 août, et le 30 il se décide enfin à
nom m er un arbitre, il déclare choisir M. Lam otlie; toutefois, l’exploit
m entionne que M. G iroud ne fait celte désignation que comme contraint,
et forcé, et sous la réserve de demander lanullité de la signification du 24 aoiît
et de se •pourvoir en cassation contre l’arrêt du 5.
Il ne s ’agit plus que de compléter le tribunal arbitral par la nomination
d 'u n troisième arbitre; mais cette nom ination doit être faite p a r les deux
arbitres déjà désignés, MM. Dorival et Lam othc , et des difficultés sans
nom bre surgissent p o u r l’entraver.
Plusieurs mois s’écoulent, et MM. Jozian et Sauret s’épuisent en vains
efforts po u r am ener une réunion des arbitres : tantôt les absences réitérées
de M. Lamotlie em pêchent la réunion, tantôt il y a désaccord su r le lieu
de cette réunion; et ce n ’est que le 11 novembre 1844 que MM. Dorival
et Lamotlie se trouvent en présence po u r nom m er le troisième arbitre.
Un procès-verbal de ce jo u r constate q u ’ils n ’ont pu s ’entendre sur cette
nom ination et q u ’ils l ’ont renvoyée au tribunal de commerce de lîrioude.
P a r u n ju gem ent du 13 novembre, le tribunal désigne M. Desniez pour
troisième arbitre, et, su r son refus, un nouveau ju gem ent du
17 nom me à
son lieu et place M. Amable Cougnet, avocat à Prioudo.
M. Giroud fait appel du jugem ent du 17 décembre, mais la cour le con
firme par un arrêt du 24 février 1845, et le tribunal arbitral se trouve ainsi
au complet.
M. Lamotlie se rend à Paris po u r y passer l’hiver, de telle sorte que
malgré les diligences de MM. Jozian et Sauret les arbitres ne se réunissent
que le 15 mai.
Dans cette réunion, M. Lamotlie déclare se déporter, les deux autres
arbitres dressent procès-verbal de déport et, renvoient les parties à se
pourvoir po u r faire rem placer M. Lamotlie.
Le 19 mai, somm ation est faite à MM. Chevalier et Giroud d ’avoir à se
présenter, le 2 3 , devant M. le président du tribunal de commerce de
lîrioude, à l’clfet d ’être présens à la nomination d ’un arbitre au lieu et place
de M. Lamolhc.
�Le 23 mai, M. le président rend une ordonnance portant ajournem ent
en son hôtel po n r le 29.
L ’ordonnance est signifiée le Vv à MM. Chevalier et Giroud, avec som
mation d ’v%
t obéir.
Le 29 m a i , M. le président rend une ordonnance par défaut contre
MAI. Chevalier et Giroud, p ortant nom ination de M. Sabatier Gasquet.
Mais, par u n exploit du même jo u r, 29 mai, M. G iroud, procédant seul,
en son nom personnel, et comme gérant de la société de la m ne des Barthes,
assigne MM. Jozian et Sauret devant le tribunal civil de la Seine , en nul
lité de la clause comprom issoire portée au traité du 30 novembre 1838, par
ce motif que les nom s des arbitres n ’ont pas été désignés dans le compro
mis selon le vœu de l’art. 1000 du Code de procédure civile.
Les conclusions de l ’exploit sont formulées ainsi : « V o ir ie s sieurs J o » zian et S auret, etc., déclarer nulle et de nul effet la clause com prom is» soire dont il s ’agit, laquelle sera considérée comme non avenue, voir dire
» en conséquence que pour toutes les contestations qui existeront à l’avenir con» tre les parties, elles procéderont devant leurs juges naturels, etc. »
L a coïncidence de la date de cet exploit avec celle du jo u r assigné p a r le
président de lîrioude dans son ordonnance du 23 mai explique que M. Gi
roud voulait s ’en faire un moyen d ’émpêcher la nom ination d ’un arbitre en
rem placement de M. Lainotlic et la constitution du tribunal arbitral,
M. Giroud a été trom pé dans ses prévisions.
Kn effet, l'ordonnance du 29 mai, p a r la nom ination de M. S a b a
tier G a sq u e t,
complète le tribunal a r b i t r a l , e t, après une instruction
dont il est inutile de relater les incidens et les actes, les arbitres rendent, le
15 septembre 1845, une quatrièm e sentence arbitrale qui contient on subs
tance les dispositions suivantes :
MM. Chevalier et Giroud sont condamnés à 20,000 fr. de dommagesintérêts pour réparation du préjudice causé p a r l e u r refus d ’effectuer les li
vraisons de charbon dans les délais prescrits par la sentence arbitrale du
(’» juin I B M ;
Us sont condam nés à commencer les livraisons dans la quinzaine de la
l
�signification de la sentence, sous peine de .‘50 c. de dom m ages-intérêts par
hectolitre de charbon par chaque jo u r de retard.
A défaut de comm encer leadites livraisons da n s les vingt jours de la s ignilicalion . ou, en cas d ’interruption dans ces livraisons, après avoir été
commencées, pendant le tem ps spécifié en ladite sentence, la résolution du
marché du 30 novembre 1838 est prononcée , et MM. Chevalier et Giroud
sont condamnés au p a ie m en t, à titre de dom m ages intérêts, d ’une somme
égale au m ontant desdits dom m ages-intérêts calculés à raison de 30 c. par
hectolitre, pour tout le tem ps restant à courir de la durée du traité, à
compter du jo u r de la résolution.
Sur la signification de cette sentence, M. G iroud se pourvoit contre elle
devant le tribunal do prem ière instance d e B r io u d e , p a r voie d ’opposition
à l’ordonnance d ’exequatur, suivant exploit du 22 octobre 1845.
11 est rem arquable que le texte des conclusions de la dem ande porte ce
qui suit :
« Voir déclarer nulle et de nul effet toute clause comprom issoire r é s u l » tant de conventions verbales ou écrites « défaut de désignation du nom des
» arbitres et de l’objet de l’arbitrage; en conséquence, voir déclarer nul et
» de nul effet l’acte qualifié ju g em e n t arbitral, etc. »
Le tribunal d e B rioude, saisi du litige a ren d u , le 16 décem bre 1 8 4 4 , un
ju gem ent qui rejette l’opposition à l’ordonnance d ’exequatur et les moyens
de nullité proposés et ordonne que la sentence arbitrale du 15 septem bre
précédent sortira effet.
Le jugem ent, en ce qui touche la nullité de la clause comprom issoire, est
motivé en ces termes :
« Attendu que !e pacte comprom issoire sous lequel les parties se sont
» placées ne doit pas être soum is aux conditions irritantes portées par
>> l ’art. 1006 du Code de procédure civile, et q u ’il prescrit po u r la validité
» d ’un compromis, en ce que cette convention , sous le rapport, du pacte
» comprom issoire, n ’est pas sim plem ent un com prom is à fin de n o m ina» tion d ’a rb itre s , mais un mode que les parties on t v o l o n t a i r e m e n t adopté
�» pour arriver au ju gem ent des contestations qui pourraient les intéresser
'<*> et se créer u n trib u n a l exceptionnel ;
» Que, dès lors, il n ’y a point eu nécessité, ni m ême possibilité de dési» g n e r des objets dont le litige n ’existait pas encore, et qui n ’étaient
» q u ’une prévision éventuelle; que, de môme, elles n ’ont point à s ’occuper
» de la désignation des nom s des arbitres.
» Que, conséquem m ent, ce pacte comprom issoire, fort ordinaire dans
» les transactions commerciales, n’a pu être vicié de nullité prononcée
» par l ’art. 100G. »
M. Giroud fait appel du jugem ent, et ¡VI. Chevalier, étranger au procès
depuis la sentence du 0 ju in 1843, est partie dans cet appel dont la solution
est prochaine.
Tels sont les laits qu'il était nécessaire de relater ici, pour l’intelligence
du débat soumis à la 5e chambre du tribunal de la Seine.
11 est clair que ce d éb at, apprécié sous l’influence de ces faits, doit être
dégagé des théories de droit puisées dans l’art. 1006 du Code de procé
dure, et de leur application à la clause insérée dans la convention du
30 novembre 1838, et que la défense de MM. Jozian et Sauret se réduit
nécessairement à deux fins de non-recevoir q u ’ils font résulter de la
chose jugée et de l’exécution de cette clause.
P rem ière (iu «le n on -recevoir.
<
A U T O niT IÎ
DE
LA
CHOSE
JUGÉE.
Il est de principe que ce qui a fait l'objet d ’un prem ier ju gem ent ne
saurait être l’objet d ’un second, et ce respect de la chose jugée a p o u r but
de prévenir la contrariété des jugem ens, et de sauvegarder ainsi la dignité
de la justice.
Dés le début du procès, la validité de la clause comprom issoire a été
mise en question devant la cour de lliom. M. Jozian, ne la regardant pas.
I
�— il —
comme un lien de droit, prétendait être jugé par la justice ordinaire.
M. Giroud soutenait la thèse contraire, et la Cour a adm is cette thèse par
son a rrêt du 24 novembre 1840. Il y a donc eu ju gem ent su r la validité
de la clause compromissoire.
Or, que dem ande a ujourd’hui M. G iroud? Il dem ande que le T rib u n a l
déclare nulle la clause compromissoire. M. Jozian, au contraire, soutient
q u ’elle doit être déclarée valable. Il est donc évident que l’objet du ju g e
m ent à rendre par les juges de Paris est exactement le même que celui
du ju gem ent rendu p a r les juges de Riom, si ce n ’est que les rôles des
parties en cause sont intervertis.
L ’a rrê t de Riom fait donc obstacle à la dem ande de M. Giroud devant
le tribunal de la Seine.
Ce n ’est pas tout : on a vu que cette demande en nullité de la clause
compromissoire était fondée su r le défaut de désignation du nom des
arbitres, conform ém ent à l ’art. lOOGdu Code de procédure.
Mais, par sou exploit du 22 octobre 1845, M. Giroud, de son plein
gré, a porté la même dem ande, dans les mêmes termes, devant le tribunal
de lirioude, et le ju gem ent du 1G décembre suivant, rép o n d an t, p a r un
de ses motifs, aux moyens de nullité argués dans la dem ande, a rejeté ces
moyens, et la clause compromissoire est encore sortie victorieuse de cette
seconde épreuve judiciaire.
M. G iroud a saisi à la fois de la même question deux trib u n a u x dif
férons, et l’un des deux ayant statué, l ’autre se trouve dessaisi p a r la
présomption de droit tirée de la chose jugée.
Deuxièm e fln de non-recevolr.
EX ÉCU TIO N
DE
LA
CLAUSE
CO M PR O M ISSOIU E.
U est admis en principe que la confirmation ou la ratification d ’un«
convention couvre les vices de cette convention quand ils ne procèdent pas
�d ’une cause qui lient à l ’ordre public ou aux bonnes m œ urs, c’est dans ce cas
seulement que l’action en nullité survit à l ’exécution volontaire du contrat.
Or, il s’agit ici d ’un contrat parfaitem ent licite, et M. Giroud argile
seulem ent d ’une irrégularité de forme, du défaut de désignation des noms
des arbitres dans le comprom is. Il esL donc incontestable que si ce compro
mis a été exécuté par M. G iroud, il n ’est plus recevable à le critiquer?
Mais cette question n’est-elle pas résolue de la façon la plus énergique
par le simple récit des faits du procès ?
E n effet, l’exécution de la clause comprom issoire insérée au traité du
30 novembre 1838 résulte :
■1° Du ju g em e n t ren d u le 20 juillet 1839 par le tribunal de commerce
de la Seine, à la diligence de MM. Chevalier et G'iroud, et portant renvoi
devant arbitres pour le ju g em e n t de leur demande en résolution de la
convention ;
2° Des conclusions prises par eux au tribunal de Brioude, dans l’iris—
taucc su r leur opposition au ju gem ent par défaut du 8 novembre 1839,
conclusions d ’après lesquelles ils proposent l’incompétence de ce tribunal
su r le fondement de la clause comprom issoire dont il s ’a g it;
3° Des mêmes conclusions prises devant la cour de Biom, sur l’appel du
jugem ent de Brioude du 3 avril 1840, et accueillies par l’arrêt du 24
novembre 1840;
4° De la sentence arbitrale du 17 juin 1840 à laquelle ont concouru
MM. Chevalier et Giroud ;
5* Do celle du 17 ju in 1840;
()° De celle du G juin 1833.
11 est à rem a rq u e r que ces trois sentences ont statué successivement
su r tous les points de difficultés qui pouvaient naître de l’interprétation
dos clauses de la convention du 30 m ars 1838 ou de son exécution, de
telle sorte que ce ne serait plus cette convention qui serait a u jo u rd ’hui la
loi des parties, mais bien les sentences arbitrales dont il s agit, et q u ’alors
la clause comprom issoire aurait produit tous ses effets. Ce qui dém ontre
j u s q u ’au dernier degré d ’évidence que l’exécution a été complète.
�Mais il y a lieu de rem arquer encore que, dans l’état des choses, et, po u r
le débat qui resterait à ju g er entre les parties, en adm ettant que la sen
tence arbitrale du 15 septembre 1845 tombe, sur l’appel, devant l’opposi
tion à l’ordonnance d’excquatur, ce serait la sentence a rbitrale, du 6
juin 1843 qui serait attributive de juridiction et non plus seulem ent la
clause compromissoire. Cette sentence renferm e, en effet, tous les clé—
mens d ’un compromis que la force du contrat judiciaire r protège contre
toute attaque.
r
L ’exécution résulte enfin de divers actes de procédure, sig n ifié sp a r M.
(iiroud avant la constitution du dernier tribunal arbitral, à Brioude;T et
notam m ent : l°D e l’exploit du 30 août 1844 po rta n t nom ination de M.
Lamothe pourj arbitre sans que la réserve m entionnée en l’exploit frappe
su r le droit d ’attaquer la clause com prom issoire,
‘2° E t d ’un autre exploit du 2 novembre 1844 contenant des protesta
tions sur le lieu de la réunion des arbitres avec ajournem ent dans un autre
lieu pour le 15 du même mois.
C ’en est assez po u r convaincre les juges que la dem ande de M. G iroud
en nullité de la clause compromissoire q u ’il a volontairement et librem ent
exécutée pendant une période de cinq années est u n de ces expédiens as
tucieux q u ’imagine un plaideur aux abois po u r conjurer le péril d ’une
position désespérée.
¡Mais la justice prononcera bientôt entre M. Giroud et ses adversaires,
H lorsqu’elle au ra dit son dernier mot, il sera bien prouvé que la vérité et
le bon droit o n t t o u j o u r s été du côté de MM. Jozian e tS a u re t.
'11
fév rie r 1814.
JOZIAN, propriétaire, au P on t-C h â te a u ,
SA U R E T, banquier, à Riom.
Ou nous com m unique à l’instant un volum ineux factum signé l’ijon,
avocat, publié dans l’intérêt de M. Giroud. S ’il fallait suivre l’auteur de ce
factum dans le récit des faits, imaginaires pour la plupart, q u ’il s ’est plu
�— 14 —
à y entasser, il serait facile de le prendre à chaque pas en flagrant délit de
m ensonge. Il est impossible, en effet, de travestir avec plus d ’audace les
faits et les actes les plus authentiques. E t, comme si ce n ’était pas assez
d’u n pareil scandale, Fauteur du m ém oire ne se fait pas faute d’insinua
tions injurieuses et diffamatoires contre nous : nos conseils même ne trou
vent pas grâce devant lui. Nous ne voulons pas plus répondre aux injures
q u ’aux assertions m ensongères, nous dirons seulem ent que la perfidie ou
la violence des formes employées dans la défense d ’une cause, ne sont
pas les auxiliaires d u bon dro it et de la raison, et trahissent au contraire
l’im puissance de l’astuce et de la mauvaise foi. Nous ajouterons que c’est
chose fâcheuse de voir un avocat s’associer aux passions de son client au
point de lui faire oublier les règles de convenance et de modération qui
sont un des devoirs de sa profession.
IMPR I MERIE
LANGE LÉVY
E T C O MP A G N I E , R U E DU C R O I S S A N T ,
16.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jozian. 1844?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jozian
Sauret
Subject
The topic of the resource
transport fluvial
charbon
arbitrages
mines
asphalte
banqueroute
tribunal de commerce
ports
banquiers
génie civil
experts
jugement arbitral
marchandises
diffamation
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour messieurs Jozian et Sauret, défendeurs, contre monsieur Giroud, demandeur.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie Lange Lévy et Compagnie (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1844
1838-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3006
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3005
BCU_Factums_G3007
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Pont-du-Château (63284)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
asphalte
banqueroute
banquiers
charbon
diffamation
experts
génie civil
jugement arbitral
marchandises
Mines
ports
transport fluvial
tribunal de commerce
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69b722e4c701418a0022fe4b725ac7e8
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MÉMOIRE
POUR
M. G1ROUD, propriétaire, tant en son nom personnel qu’en
qualité de gérant de la Société Giroud et Cie;
CONTRE
MM. JO Z IA N et S A U R E T , associés en participation, pour
l'exploitation des droits cédés au sieur JO Z IA N par le sieur
PEZERAT.
Quoique les détails d’un procès soient toujours arides, la lecture de ce Mémoire
offrira peut-être quelqu’intérêt : on y verra les aberrations étranges de la
juridiction arbitrale, cette institution si vantée en théorie, mais quelquefois
si défectueuse en pratique.
F A IT S .
En 1838, les progrès de l’ industrie houillère décidèrent M. Giroud à entre
prendre l’exploitation de la mine des Barthes située dans l’arrondissement de
Brioude, département de la Haute-Loire. La concession de cette mine avait été
faite à M. Sadourny, par ordonnance royale du 11 février 1829 : M. Giroud, réun
à un autre capitaliste, acheta cette concession, reprit les travaux, ouvrit des
puits et organisa l’extraction de la houille sur une grande échelle : plus tard, les
besoins toujours croissants de l’exploitation l’obligèrent d’appeler à lui de nouveaux
�capitaux. II fonda alors une société qui, restreinte à. un très petit nombre d’ac
tionnaires, fut moins une commandite qu’une famille dont il était le représentant
et le mandataire.
Vers le môme temps, une autre Société se formait à Paris, sous les auspices
d’ un sieur Pézerat ingénieur, pour la fabrication de l’asphalte granitique, sub
stance qui s’extrait de la houille, et qui s’emploie au dallage des rez-de-chaussées.
M. Pezerat, voulant s’approvisionner de houille, s’adressa aux copropriétaires de
la mÿie des Barthes, et fit avec eux, le 30 novembre 1838, un marché qui devait
*
être le texte d’ une multitude de chicanes.
Ce marché portait que MM. Giroud et Chevalier, copropriétaires de la mine ,
s’engageaient à livrer par chaque mois à M. Pezerat la quantité de 10,000 hecto
litres de houille; que la livraison serait faite quotidiennement dans une quantité
proportionnelle ; qu’une partie de cette houille était destinée à fabriquer du gou
dron; qu’une autre partie devait être transformée en co k e ; que MM. Giroud et
Chevalier fourniraient le terrain et l’eau nécessaires pour cette manipulation ;
qu’ils s’obligeaient également à faire transporter au bord de l’A llier, à leurs frais
et sur le terrain qu’ils fourniraient, tous les produits do la compagnie Pezerat, et
même les charbons en nature, s’il lui convenait de ne pas les manipuler; que ce
marché durerait quinze ans, à partir du 1*' mars 1839 ; qu’il pourrait être porté
jusqu’à 600,000 hectolitres par an; que les charbons houillers seraient fournis dans
une proportion de moitié gros, moitié menu, au prix de 90 centimes l’hectolitre;
qu’enfin, en cas de contestations, elles seraient jugées à Paris et non ailleurs { ex
cepté celles qui par leur nature ne pourraient se décider que dans la localité ) par
un tribunal arbitral composé de trois membres, dont deux seraient choisis par les
parties, ou , à leur défaut, par le président du tribunal de commerce, et le troi
sième par les deux arbitres désignés, sinon par le tribunal de commerce du lieu
où serait portée la contestation ; que la décision serait en dernier ressort ; enfin,
les parties déclaraient faire élection de domicile à Paris, savoir : M. Pezerat au
siège de la Compagnie, quai de Jemmapes, 190, et MM. Chevalier et Giroud, dans
la demeure de ce dernier.
Les livraisons do houille devaient commencer au mois de mars 1839; mais la
Compagnie Pezerat n’avait pu parvenir à accréditer l’asphalte granitique; elle
manquait d’argent; elle ne payait pas même le loyer des lieux qu’elle occupait.
Comment aurait-elle payé l’énorme quantité de houille qui devait lui être livrée ?
I.'exécution du marché lui était évidemment impossible; d’ailleurs, ne fabriquant
pas d’asphalte, elle n’avait plus besoin de houille. Les propriétaires de la mine
considérèrent donc ce marché comme non avenu.
Mais M. Peierat avait pour conseil un praticien consommé qui vit une affaire i»
exploiter dans ce marché que la compagnie Pezerat ne pouvait pas exécuter.
�M. Pezerat renonçait à faire de l’asphalte, mais qu’importe? Ne pouvait-il pa
spéculer sur la houille ? l’argent lui manquait pour payer les livraisons ; ne pou
vait-il pas revendre la marchandise, avant môme qu’elle ne lui fût livrée? 11
résolut donc de céder son marché, et il traita d’abord avec un sieur Bravard, à
qui il donna une procuration pour se faire livrer la houille. Mais, le 29 mai
1830, il révoqua cette procuration et signifia la révocation à MM. Giroud et
Chevalier en leur déclarant que son nouveau mandataire était un sieur Jozian,
demeurant à Pont-du-Château, prés Clermont (Puy-de-Dôme.)
M. Jozian, quoiqu’il fût maire de sa commune, n’était guère plus solvable
que M. Pezerat D’ailleurs, ce titre de mandataire déguisait celui de cessionnaire.
Or, MM. Giroud et Chevalier ne voulaient pas avoir affaire à des agioteurs.
Ils avaient traité avec la Compagnie d’asphalte granitique, qui achetait des
houilles, non pour les revendre, mais pour les convertir, soit en goudron,
soit en coke ; ils crurent avoir droit d’exiger ou que cette Compagnie exécutât
elle-même ses engagements, ou que, si elle tombait en déconfiture, le marché
tombât avec elle. Cette déconfiture n’étant pas encore publique, il fallait la
constater. A cet effet, MM. Giroud et Chevalier firent sommation à M. Pezerat,
le 5 juillet 1839, de prendre livraison de 10,000 hectolitres do charbon, et de
fournir, en môme temps, une traite de 9,000 fr. acceptées par son banquier.
Le premier point n’aurait pas été difficile, mais, le second était impossible.
M. Pezerat ne répondit pas. MM. Giroud et Chevalier l’assignèrent alors en paie
ment des 9,000 fr., moins pour obtenir une condamnation illusoire que pour
constater, par cette condamnation même, l’insolvabilité de M. Pezerat, et la
nécessité de résilier le marché.
Cette condamnation, qui paraissait inévitable, fut cependant éludée par l’ha
bileté du praticien qui dirigeait M. Pezerat. Il demanda d’abord une remise,
puis le renvoi devant des arbitres-juges; MM. Giroud et Chevalier consentirent
à ce renvoi et nommèrent pour arbitres, d’abord M. Ilobert, avoué, et ensuite
M. Venant, ancien agrée près le tribunal de commerce.
Ainsi M. Pezerat avait gagné du temps. Mais que dirait-il pour sa defense devant
les arbitres? Il avait acheté la houille, pouvait-il la payer? Pouvait-il tirer de
sa caisse 9,000 fr. par mois pendant quinze ans? Ni M. Pezerat, ni M. Jozian
n’étaient capables d’exécuter cette condition. Cependant leur conseil ne voulait pas
que le marché fût annullé. Il imagina donc un système fort commode pour un
acheteur qui ne peut pas payer. C’était de dire que le vendeur ne voulait pas
livrer, d’accuser au lieu de se défendre, et de demander, au lieu do houille, des
doinmages-intérôts. Pour marcher dans cette carrière nouvelle il fallait beaucoup
d’audace et d’astuce, MM. Pezerat et Jozian ne furent pas au-dessous du rôle qu’on
leur faisait jouer.
houille devait être livrée sur le carreau de la mine et transportée ensuite
�sur les bords de l’ Allier. MM. Pezerat et Jozian prétendirent qu’elle devait être
livrée au bord de l’Allier, et dans le cas seulement où cette rivière serait navi
gable. C’était une invention gratuite, car rien de semblable n’avait été convenu.
Ils ajoutèrent que les 10,000 hectolitres qu’on les sommait de recevoir n’existaient
pas sur la houillère. A l’appui de ces allégations mensongères, ils présentèrent
requête à M. le président du tribunal de Brioude, et lui demandèrent une exper
tise. Si jamais demande dut être contradictoire, c ’était celle-là, mais les demandeurs
ne voulaient pas être contredits, et le juge qui répondit à la requête ne s’aperçut
pas qu’ on surprenait sa religion en lui faisant faire, par ordonnance ce qu’il ne
pouvait faire que par jugement. Ce fut un notaire qui reçut la mission de vérifier
l’état de la rivière et les produits de la mine. Mais, comme cela entrait fort peu
dans les fonctions du notariat, il s’adjoignit des experts et des témoins, ou plutôt
il accepta le cortège qui lui avait été préparé d’avance. Tous ces individus, arri
vant aux Barthes, déclarèrent qu’ils venaient inspecter la mine et sonder la
rivière. M. Chevalier, qui se trouvait sur les lieux, répondit qu'il s’opposait à
cette visite domiciliaire, qu’il défendait à ses employés do s’y prêter, qu’il offrait
de livrer tout ce qu’il devait, mais qu’il repoussait l’inquisition qu’on voulait
faire, comme une mesure illégale et odieuse. Cependant le notaire dressa un
procès-verbal, dans lequel il déclara que la rivière n’était pas navigable, et que,
s’étant promené sur la houillère avec sa compagnie et un marinier, qui avait bien
voulu remplir le rôle honorable d’indicateur, ils n’avaient trouvé en évidence
qu’une quantité de 4,090 hectolitre 50 litres de houille (1).
MM. Pezerat et Jozian cherchaient ainsi à dissimuler la véritable question que
soulevait la déconfiture de la Société d’asphalte granitique. Cette déconfiture était
devenue flagrante. Le matériel de cette Société avait été saisi pour les loyers. II
avait été vendu publiquement les 7 novembre 1839 et jours suivants, parM. David,
commissaire-priseur. La dissolution de cette Société avait été prononcée par déli
bération de l’assemblée générale, en date du 16 janvier 1840, et des liquidateurs
avaient été nommés. Dans ces circonstances, la question n’était pas de savoir si
l’Allier était navigable, ou s’il y avait du charbon dans la mine des Barthes, mais
do savoir s’il y avait des fonds dans la caisse de cette Société dissoute, et s i, par
elle-même ou par son cessionnaire, elle serait en mesure de réaliser, dans les ter
mes du marché, une acquisition qui n’allait pas à moins de 1,800,000 hectolitres
de houille, moyennant 1,620,000 fr. La négative était évidente. En conséquence,
un tribunal arbitral ayant été nommé,MM. Giroud et Chevalier demandèrent la ré
siliation du marché, faute par l’acheteur de pouvoir l’exécuter.
Tandis que cette grave question s’agitait à Paris devant les arbitres que les par
( I ) A la suite do c e p ro c è s-v e rb a l, ¡1 p a ra ît q u e M . Jozian lit som m ation d e liv rer les ch arb o n s.
On offrit la livraison, m ais, a lo rs, il p ré te n d it qtfe le ch arb o n n 'é ta it p as rc c c v a b le . Avec celto
som m ation il av ait offert une tra ite do 9 ,0 0 0 fr. qui n'é ta it p a s & o rd re .
�ties avaient choisis, M. Jozian continuait ses ruses de praticien. Il emprunta
9,000 fr. pour faire des ofïres réelles, et il réclama la livraison de 10,000 hectolitres
de charbon. Il savait bien que ses offres seraient refusées et qu’aucune livraison
ne pouvait être faite quand l’existence du marché était mise en question, mais il
cherchait un prétexte pour demander des dommages-intérêts ; et il commença dès
lors à dire assez ouvertement que ce qu’il voulait qu’on lui livrât, ce n’était pas de
de la houille, mais de l’argent. Il forma don c, devant le tribunal de commerce de
llrioude, au nom de M. Pézerat une demande en paiement de 50,000 fr. d’indem
nité. Il obtint môme, par défaut, des jugements qui paraissaient lui donner gain
de cause ; mais, sur l’appel, la cour royale de Riom décida que les parties ayant
soumis leur différend à des arbitres qu’elles avaient choisis et qui avaient accepté
leur mission, tout autre tribunal était incompétent.
Les arbitres nommés étaient MM. Gibert, Venant et Girard, anciens agréés près
le tribunal de commerce de Paris. La principale question posée devant eux consis
tait à savoir si le marché serait résolu, soit pour inexécution, soit pour incapacité
résultant de la déconfiture de l’acheteur. Les arbitres reconnurent que la Société
d’asphalte granitique étant dissoute, et représentée par des liquidateurs, la décon
fiture était complète ; cependant ils voulurent bien admettre les procédures faites
à Brioude, au nom de M. I’ezerat, comme témoignage de son désir d’exécuter le
marché ; mais ils décidèrent que dans l’état d’insolvabilité où il se trouvait, il de
vait une garantie spéciale aux propriétaires de la mine, pour que ce u x -ci, obligés
de donner plus d’activité à l’extraction, ne fussent pas exposés à perdre le fruit
de leurs travaux. En conséquence, ils ordonnèrent que le marché serait exécuté,
mais à deux conditions : la première, que les charbons livrés seraient payés comp
tant et en espèces, au lieu d’être réglés par une traite ; la seconde, que M. Pezerat
et ses liquidateurs seraient tenus de fournir caution pour le paiement des livrai
sons à faire, jusqu’à concurrence de 54,000 fr. Cette sentence, rendue le 17 juin
1840 , fut déposée le 18, et toutes les parties consentirent à son exécution.
Jusqu’alors, M. Jozian n’avait agi que comme mandataire de M. Pezerat. Il était
cependant cessionnaire ; mais le droit cédé étant litigieux, l’ habile conseil de
M. Jozian l’avait empêché de signifier la cession. Quand on vit le procès jugé, on
devint plus hardi, on signifia le transport ; mais on eut soin que l’acte n’énonçât
aucun prix. C’était une dernière précaution contre le retrait litigieux. En même
temps, M. Jozian fit signifier un acte par lequel deux négociants se portaient cau
tions dans les termes de la sentence arbitrale.
C’était le 22 février 1841 que cette dernière formalité était accomplie. MM. Giroud et Chevalier étaient dès longtemps en mesure de faire les livraisons de
houille, et si M. Jozian eut été un acheteur de bonne foi, désireux d’avoir la mar
chandise, et capable de la payer, aucune difficulté ne pouvait plus s’élever. Mais
M. Jozian, guidé par le praticien dont on a parlé, voulait toute autre chose que de
�la houille; il spéculait sur l’importunité d’un procès pour des hommes occupés
d’ une grande entreprise ; il était témoin de l’industrie déployée à la mine des liartlies et de la prospérité naissante de cet établissement; il médita de lever un im
pôt sur cette prospérité ou de la troubler par un nouveau débat. En conséquence,
il se mit à relire le marché ; il y trouva cette phrase : Que le charbon serait fourni
dans une proportion de moitié gros, moitié menu. Il déclara aussitôt qu’il ne rece
vrait comme gros charbon que celui dont les morceaux auraient un diamètre de
p lusse 20 centimètres. Et dès le 21 février 1841, il demanda des arbitres pour vi
der cette nouvelle contestation.
Les précédents arbitres furent donc constitués de nouveau, et M. Giroud se pré
senta devant eu x , tant en son nom que comme représentant désormais M. Cheva
lier, qui lui avait cédé son droit dans la mine. M. Jozian parut, de son côté, assisté
de son conseil, et armé de conclusions par lesquels il réclamait, à son ordinaire,
u n e énorme quantité de dommages-intérêts. Ce n’était pas sérieux, mais plusieurs
questions plus graves furent soulevées dans cet arbitrage. On examina notamment
si un marché contenant des obligations respectives pouvait être cédé. L'affirma
tive fut jugée en faveur de M. Jozian. Il faut respecter cette décision. Mais la ques
tion la plus importante était de savoir comment devait s’interpréter l’obligation de
livrer moitié gros, moitié menu.
Sur ce point, les arbitres, ainsi qu’ils l’ont reconnu depuis, s’égarèrent complè
tement. Ils créèrent cinq catégories de charbon : le perat, dont les morceaux de
vaient avoir 32 centimètres au moins de diamètre, en tous sens ; le rondelet, de
16 centimètres ; le grenat ou gaillette, de 10 centimètres; la petite gaillette, audessous de 10 centimètres ; et le poussier. Ils prirent les trois premières catégories
pour en composer le gros charbon, et formèrent le menu avec les deux autres.
Cela posé, ils décidèrent que la moitié livrable en gros charbon devrait compren
dre un tiers de perat, un tiers de rondelet, et un tiers de grenat ou gaillette ; et
que l’autre moitié, faisant le menu, comprendrait, deux dixièmes de petite gail
lette, et huit dixièmes de poussier. Enfin, ayant remarqué que chaque catégorie
pouvait se subdiviser en diverses grosseurs, ils imposèrent au vendeur l’obligation
de livrer non-seulement toutes les catégories, mais encore toutes les grosseurs
possibles de chaque catégorie. Telle fut la sentence qui fut rendue le 24 mai 18 4 1 ,
et déposée le lendemain.
Or, cette sentence était inexécutable; les arbitres avaient indiqué des grosseurs
de charbon qui ne se trouvaient, ni dans la mine des Barthes, ni dans aucune mine
de charbon. Aussi M. Jozian triomphait, car avec la meilleure volonté de livrer
sa marchandise, M. Giroud ne ¡pouvait livrer ni des grosseurs que la mine ne
produisait pas, ni cet assortiment complet qui aurait exigé que chaque morceau
de charbon fut choisi à la main. M. Jozian put donc se flatter d’avoir son adver
saire à sa merci ; et ce fût alors qu’il se vanta que cette mino de houille serait pour
�lui une mine d’or. M. Giroud chercha dans la loi un remède à l’erreur des arbitres;
il forma opposition à l’ordonnance d’exequatur. Cette opposition fut soumise au
tribunal civil de Paris, puis à la Cour royale; mais quelque injuste que fut la sen- •
ten ce, le fond ne pouvait pas ôtre révisé, et il fut décidé que la forme était
régulière.
M. Jozian et son conseil se hâtèrent d'exploiter cette sentence dont ils savaient
bien que l’exécution était impossible. En conséquence et par acte des 14 octobre
et 17 novembre 1842, il provoquèrent un nouvel arbitrage pour faire condamner
M. Giroud à lui payer ces dommages-intérêts qui étaient lebut do tous leurs désirs,
ils ne parlaient môme plus de houille, c’était de l’argent qu’ils réclamaient sans
mise en demeure préalable, tant l’impossibilité de livrer, d’après la sentence,
était évidente à leur yeux. Cependant, ils se ravisèrent et comprirent que pour
la form e, ils devaient avoir l’air de demander de la houille. En conséquence, ils
firent dresser, le 5 décem bre, un procès-verbal qui avait pour but de constater
quô M. Giroud ne pouvait pas livrer. Mais ce procès-verbal servit au contraire à
démontrer qu’il pouvait livrer, si ses adversaires voulaient être de bonne foi. En
effet, M. Giroud offrit de mettre à leur disposition tout le charbon extrait, s’élevant
à 30,000 hectolitres et tout celui qu’on allait extraire, tel qu’il sortirait de la
mine. On ne pouvait pas exiger plus. Mais M. Jozian se retrancha dans la
sentence, et déclara qu’il exigeait les grosseurs et les catégories qu’elle indi
quait. On retourna donc devant les arbitres, et M. Jozian demanda modestement
20,000 francs de dommages-intérêts parce que M. Giroud n’avait pas liv ré ,
et 500 francs par jour s’il ne livrait pas à l’avenir.
Cependant, les arbitres avaient reconnu l’erreur dans laquelle ils étaient tombés,
ils désiraient la réparer, mais ils étaient retenus par la crainte de se déjuger.
M. Giroud démontrait qu’on l’avait condamné à l’impossible ; il soutenait qu’ une
telle condamnation ne pouvait avoir l’autorité de chose ju gée, surtout devant un
taibunal revêtu des pouvoirs d’amiable compositeur ; M. Jozian soutenait au
contraire qu’ il y avait chose jugée, et que possible ou non la condamnation devait
être maintenue. Les arbitres voyaient avec douleur qu’ils avaient donné des armes
à la mauvaise foi; ils résolurent de les lui oter, mais n’osant pas détruire euxmêmes leur sentence, ils imaginèrent d’obtenir de M. Jozian qu’il y renonçât. Ils
l’appelèrent auprès d’eux avec son conseil; ce qui fut arrêté dans cette conférence
intime, M. Giroud l’ ignore; mais le 2 juin 1843, M. Jozian lui fit signifier des
conclusions par lesquelles se désistant tout à coup des demandes qu’il avait
soutenues jusqu’alors avoc une infiéxiblo opiniâtreté, il réduisait à plus de moitié
le diamètre du gros charbon et consentait à le recevoir tel qu’il serait extrait et
sans catégorie.
Quatre jours après cette signification, le 6 juin 1843, les arbitres rendirent leur
nouvelle sentence. Elle était conform e, comme on le pense b ie n , aux dernières
�conclusions de M. Jozian. Les arbitres fesaient disparaître les grosseurs surna
turelles et les catégories qu’ils avaient imposées; ils accordèrent même ù
ML Giroud la faculté de livrer au-dessous des grosseurs convenues en diminuant
le prix. Ils décidèrent que les livraisons de 10,000 hectolitres par mois seraient
faites jour par jo u r, à raison de 333 hectolitres chaque jo u r ; ils déclarèrent
que jusqu’alors M. Giroud n’ayant pas été en retard de livrer, ne devait aucune
indemnité ; ils firent défense à M. Jozian de vendre du charbon sur le terrain
de M. Giroud. Enfin, cette nouvelle sentence était favorable à Si. Giroud sur
toutes les questions principales ; elle ne lui fut contraire que sur la question des
dépens. M. Giroud gagnant son procès fut néanmoins condamné aux frais de
l’arbitrage. C’était une injustice d’autant plus révoltante que les frais étaient
considérables; mais il fallait sans doute que M. Giroud expiât l’erreur de la
sentence précédente, et M. Jozian avait probablement mis cette condition au
désistement que les arbitres lui avaient demandé.
Cette dernière sentence aurait dû terminer toutes les difficultés. Si M. Jozian
voulait de la_houille, M. Giroud était en mesure de le satisfaire, car ce n’était plus
l’impossible qui lui était prescrit Mais la mauvaise foi du prétendu acheteur de
charbon allait reparaître plus éclatante que jamais : à peine les livraisons étaient
commencées quo M. Jozian annonça un quatrième procès. Il avait prétendu,
en 1840, que l’Aliier n’était pas navigable : en 1841, que le charbon n’était pas
moitié gros, moitié menu; en 1842, que l’impossible était passé en force de chose
jugée; en 1843, il revient &l’Allier et critique non plus la rivière, mais le port qu’il
prétend n’ôtre pas assez élevé ni assez sûr pour y déposer son charbon. C’était
une contestation pitoyable, comme on va le voir.
MM. Giroud et Chevalier étaient propriétaires d’un terrain de 5 3 ares 20 cent.,
situé sur le bord de l’Allier. Ils avaient acheté ce terrain pour s’assurer un
débouché sur la rivière, qui malgré les inégalités de son cou rs, était cependant
l’unique véhicule à l’aide duquel les marchandises pouvaient sortir du pays. Le
terrain avait été choisi dans lo lieu le plus avantageux, c’est-à-dire, le pins
voisin de la mino et en môme temps le plus élevé au-dessus du niveau ordinaire
des eaux do la rivière. Tel était le port des Barthes lorsque M. Pézerat fit avec
MM. Giroud et Chevalier lo marché du 20 novembre 1838. L’article 3 de ce marché
était ainsi conçu : MM. Chevalier et Giroud s’obligent à faire transporter à leurs
frais au bord de l’AUier à leur port et sur le terrain qu’ils fourniront tous les
produits de la compagnie I’ézerat et môme les charbons on nature, s’il lui
convient de ne pas les manipuler.
Ainsi doux choses étaient promises à M. Pézerat : 1° le transport de ses produits
ou de ses charbons en nature, depuis le carreau de la mine jusqu’au bord de
l’ Allier; 2” l’abandon d’une place dans les 53 ares 20 centiares formant le port des
Barthcs. Cette place devait ótre donné dans le port ; elle ne devait donc pas êtro
�plus élevée ni plus sûre que le port lui-même; le terrain serait livré tel qu’il était,
avec ses inconvénients et ses avantages que M. I'ézerat connaissait mieux que
personne, car il était ingénieur civil, il avait vu les lieux, et il en avait dressé le
plan.
Mais aucun port n’est l’abri des inondations,, surtout sur les bords de l’Allier
que,la voisinage des montagnes expose à des crues extraordinaires. M. Jozian s’est
donc avisé de prétendre que le port des Barthes n’était pas convenable, parce qu’il
pouvait être atteint par les grosses eaux; il a allégué, comme un second grief,
que le terrain était, un gravier couvert de sable et de cailloux. Sous ses deux
prétextes, il a refusé de recevoir le charbon,qui lui était offert et dont une partie
lui était déjà livrée.
Ces prétextes n’avaient rien de sérieux. Ce n’étaient ni les grosses eaux, ni le
gravier qui effrayaient M. Jozian ; mais pour prendre livraison, il lui fallait de
de l’argent; or, il n’en avait pas, et il était aux expédients pour s’en procurer.
Après avoir emprunté à la maison Marche et Comitis, de Clermont, il s’était adressé
ùM. Sauret, banquier à Riom ; celui-ci n’avait voulu lui ouvrir sa bourse qu’à
condition de toucher, outre l’intérêt de ses avances, la moitié des bénéfices qui
seraient faits sur la revente du charbon ; mais le prix d’achat étant assez élevé, ces
bénéfices réduits à moitié n’avaient plus-d’attrait pour M. Jozian, et il préférait
de beaucoup ce qui était d’ailleurs son idée fixe, continuer une guerre de chicanes,
pour obtenir ou de l’erreur des juges, ou de la fatigue de ses adversaires, les dommages-intérêts qu’il rêvait depuis si longtemps.
Il faut avouer que ce goût de M. Jozian pour la procédure était justifié par
l’adresse merveilleuse qu’il y déployait. On a déjà vu comment il savait se procu
rer des expertises favorables, en les faisant ordonner sur requête et sans contra
diction. Il employa ici le même procédé en l’assaisonnant d’un mensonge. 11 ex
posa à M. le, président du. tribunal civil d’ Issoire que M. Giroud avait été condamné,
pas sentence arbitrale à. lui livrer une quantité considérable de charbon, et que ta
sentence portait, cntr’aulres dispositions, que la houille ou le charbon de. terre
serait déposé sur un port convenable; en conséquence, il priait M. le président de
commettre son notaire pour constater que le port des Barthes n’était pas conve
nable.
Or, cette disposition ne se trouvait pas dans la sentence; elle ne pouvait même
pas s’y trouver, car la convention du 30 novembre 1838, désignait le port des
llarthes comme celui dans lequel les marchandises devaient être déposés. Telle
était la loi des parties; le port des.Barthes était accepté tel qu’il était; sa conve
nance ne pouvait donc plus être discutée.
Mais M. Jozian ayant fait cette addition à la sentence arbitrale, surprit à la reli
gion du magistrat une ordonnance par laquelle Gourcy, notaire à Jumeaux, était
�commis pour vérifier si le port des Barthes était convenable. Le notaire-expert sç
rendit sur les lieux le 29 août 1843, avec trois individus auxquels il donna la qua
lité de témoins indicateurs. Il aurait été plus exact de dire que c’étaient des
témoins indiqués par M. Jozian. Il fit la description du port des Barthes , et cons
tata notamment que la partie livrée àM. Jozian était élevée de 1 mètre 433 milli
mètres au-dessus du niveau des eaux de l’Allier. Une autre partie était élevée de
1 mètre 973 millimètres ; mais le notaire reconnut que c’était au moyen d’ un
remblar exécuté par la Société Giroud et Cie pour y déposer son propre charbon.
Or, ce que la Société faisait pour abriter ses marchandises, M. Jozian pouvait le
faire pour les siennes; personne ne l’en empêchait; mais M. Giroud n’était pas
tenu de lui construire un terrain artificiel, quand il n’avait promis qu’ un empla
cement sur le sol naturel. Le notaire-expert ajouta que le sol était un gravier
couvert dp Sable et de cailloux ; c’est assez l’ordinaire au bord des rivières ; ce
pendant les témoins indicateurs prétendirent qu’il n’en était pas de même dans
les autres ports, comme si la nature eût réservé le sable et le gravier pour le seul
port des Barthes. Quoi qu’il en soit, M. Jozian devait prendre ce port tel qu’il
était, et s’en accommoder, car M. Giroud ne lui devait pas un pouce de terre
ailleurs.
M. Giroud voulut toutefois prouver sa bonne volonté, et éviter, s’il était possible,
une nouvelle discussion. Il avait des ouvriers occupés à niveler le terrain du port ;
il offrit de faire niveler et même remblayer, par eux, l’emplacement que M. Jozian
choisirait ; il déclara, de plus, qu’il mettait tout le port à la disposition de
M. Jozian, pour que celui-ci indiquât lui-même l’emplacement qui lui convenait.
Enfin il réitéra l’offre de livrer tout le charbon qu’il pouvait devoir d’après les
termes de la dernière sentence arbitrale.
Mais M. Jozian voulait plaider, c ’était un parti pris; en conséquence, il repoussa
toutes les offres qui lui étaient faites, et fit déclarer par le notaire-expert et les
témoins indicateurs que le port des Barthes n’était pas convenable, parce que la
rivière était torrentueuse, et qu’en 1837 ou 1838, s’étant élevée très haut, elle avait
emporté quelques charbons déposés sur ses bords. Le procès-verbal contenant
cette prétendue expertise fut signifié àM. Giroud le 5 septembre 1843, avec assi
gnation devant le tribunal do commerce d’Issoire pour se voir condamner : 1 “ à
10,000 fr. de dommages-intérêts, faute do fournir un port convenable; 2" à payer
500 fr. par jo u r , faute do livrer les charbons qu’il avait constamment offerts ;
3° à faire cette livraison sur le port, prétention injuste et nouvelle qui avait pour
objet de rendre la livraison impossible.
A peine cette demande fut formée que M. Jozian déclara s’en désister, pour
substituer à la juridiction du tribunal de commerce un arbitrage local. Jusqu’alors
les arbitres des parties avaient été d’anciens agréés près le tribunal de commerce
de Paris, car c’était à Paris que tous les procès devaient être jugés; les parties
�n’avaient excepté de ce principe général que les contestations q u i, par leur
nature, ne pourraient se décider que dans la localité. Cette exception fut une
bonne fortune pour M. Jozian ; il résolut d’en faire la règle, et d’appliquer la ju
ridiction locale à toutes les contestations quelconques entre lui et M. Giroud. Il
crut que, dans son propre pays, l’esprit de coterie soutiendrait le compatriote,
et proscrirait l’étranger. Il savait que certains habitants n’avaient pas vu sans
envie un homme venu de Paris pour exploiter leurs mines. Avec des arbitres im
bus de tels sentiments, il pourrait tout oser, tout demander, tout obtenir. L’ar' bitrage local était donc l’instrument le plus favorable à ses projets. On va voir
quel usage il en sut faire.
Il commença par déclarer qu’ il choisissait pour son arbitre M. Gourcy, notaire ¡1
Jumeaux. M. Gourcy était le rédacteur do la prétendue expertise du 29 août;
M. Gourcy avait déclaré comme expert que le port des Barthes n’était pas conve
nable, et M. Gourcy était nommé arbitre pour décider comme juge si le port des
Barthes était convenable. Certes, l’opinion d’un tel juge n’était pas douteuse, et
si jamais un arbitre dut se récuser, c’était M. Gourcy. Il ne se récusa pas ; il
accepta la nomination, et donna ainsi la mesure de son impartialité, soit comme
expert, soit comme juge. On put dès-lors pressentir le caractère de cet arbitrage
local que M. Jozian cherchait à constituer.
M. Giroud cependant ne voulait pas de nouveau procès ; il écrivit de Paris- à son
mandataire, que pour rassurer M. Jozian sur la sécurité du port des Barthes, il
offrait de placer les charbons de M. Jozian derrière ceux de la Société Giroud et Cie;
ainsi les eaux de l’Allier atteindraient ceux-ci avant d’arriver à ceux-là ; j e re
pète. dit-il dans sa lettre du 15 septembre 1843, ce que j'ai eu l'honneur de vous
dire et de dire à M. Jozian lui-même: que j e placerais nos charbons devant les
siens; je suis toujours prêt à le livrer quand il voudra, et à lui donner la place la
plus sûre et la plus convenable de notre port.
Mais M. Jozian tenait à plaider devant ces juges-experts dont la décision était
connue d’avance; il fit adjoindre deux collègues à M. Gourcy, et M. Giroud fut
sommé de comparaître devant ce tribunal arbitral. Quelque simple que dut être
le débat, M. Giroud ne crut pas devoir accepter de tels juges; il soutint que le
tribunal d’Issoirc, qui les avait nommés, n’était compétent ni à raison du domicile
du défendeur, puisque M. Giroud était domicilié à Paris, ni à raison de la situation
des biens, puisque la mine des Barthes appartenait à l’arrondissement do Brioude.
cependant le tribunal d’Issoire se déclara compétent ; mais la décision fut réformée
par arrêt de la cour royale do lliom du 21 février 1844 .
Cet échec aurait découragé tout autre que M. Jozian. Car enfin pourquoi plai
der? que voulait-il? du charbon? tout celui de la mine lui était offert. Un port?
celui des Barthes était le seul qu’on lui eut promis. Une place convenable dans ce
�port? on lui offrait celle qu’il choisirait, fût-elle la meilleure, fût-elle occupée
déjà par d’autres charbons. Quel était donc son intérêt à guerroyer? que deman
dait-il encore, s’il était de bonne foi? Son intérêt, il faut le dire, était le même
qu i, depuis 1840, lui faisait entasser procès sur procès. En achetant les droits
de M. l’ezerat, il avait cru prendre M. Giroud au dépourvu, il s’était flatté
que la mine ne produirait pas 10,000 hectolitres par m ois, et qu’une in
demnité lui serait offerte à la place du charbon qu’on ne pourrait pas lui
livrer. Mais il s’était trompé ; M. Giroud prenant le marché au sérieux avait
fait percer un nouveau puits qui avait doublé le produit de la mine, et ce n’était
pas seulement 10,000 hectolitres, mais 30 à 40,000, qui étaient extraits chaque
mois. M. Jozian se voyait donc obligé d’exécuter lui-même ce marché qu’il avait
cru inexécutable. Mais 10,000 hectolitres de charbon par mois étaient une charge
beaucoup trop lourde pour lui ; il lui était aussi difficile de les payer que de les
placer. En conséquence, il ne craignait rien tant que d’être forcé de prendre
livraison, et il plaidait, comme on l’a vu, sur la grosseur des charbons, sur la
convenance du p o rt, sur l’état de la rivière, sur tout enfin. Il recommença donc à
ürioude la procédure annullée à Issoire ; mais ce ne fut plus M. Gourcy qu’il
choisit pour son arbitre ; il lui préféra M. Dorival, géomètre et épicier à Souxillanges ; et pourtant M. Gourcy lui avait montré assez de dévouement ; mais il crut
que M. Dorival ferait encore mieux. Il fit nommer un second arbitre par le tribu
nal daBrioude; et il allait faire nommer le troisième, lorsque M. Giroud, impa
tienté de toutes ces procédures, fatigué des assignations qu’on ne cessait de lui
adresser aux Barthes, quoique son domicile fut à Paris, invoqua de nouveau l’au
torité de la cour royale pour faire cesser ces procédures et annuller ces assigna
tions. Mais la cour décida que les assignations étaient valables, et M. Giroud,
voyant qu’il ne pouvait éviter un nouveau procès, se résigna à le subir.
La jurisprudence qui annulle les clauses compromissoires était déjà établie par
de nombreux arrêts. M. Giroud aurait pu s’en emparer, et demander que le procès
qui lui était fait fût porté devant ses juges naturels. Mais ce procès n’en était pas
un. M. Giroud offrait à M. Jozian tel emplacement que celui-ci voudrait choisir
dans tout le port des Barthes ; aucune difficulté ne semblait possible. M. Giroud
consentit donc à un arbitrage, sur la demande de M. Jozian, mais il mit pour
condition que l’un des arbitres serait M. Auguste Lamothe, ancien exploitant de
charbons et propriétaire très honorable, membre du conseil général do la HauteIvoire , demeurant à son château do Frugères, aussi indépendant par son carac
tère que par sa fortune.
Un tel arbitre ne convenait pas à M. Jozian; mais l’ éconduire n’était pas chose
facile. M. Jozian y parvint cependant, à l’aide de procédés qui méritent d’être si
gnalés.
M. Lamothe ayant accepté sa mission, devait so réunir avec M. Dorival pour
�nommer un troisième arbitre. Il sollicita plusieurs rendez-vous à cet effet, mais
on lui répondit que M. Dorival était malade. Un mois s’écoula ainsi, et M. Lamothe
se trouvait obligé de faire une absence de dix jours pour un voyage à Paris, lorsqu’ il
reçut une sommation de comparaître, le 18 octobre, dans une auberge ou caba
ret de la commune de Jumeaux, à l’effet d’y procéder avec M. Dorival à la nomi
nation du troisième arbitre, ce qui était la première opération de l’arbitrage.
Quoique surpris du lieu choisi pour cette réunion, et de la forme dans laquelle ce
rendez-vous était donné, M. Lamothe s’empressa'd’écrire à M. Veyrincs, agréé de
M. Jozian, pour faire connaître son empêchement, mais on n’en tint compte ; et
M. Lamothe n’ayant pas comparu dans le cabaret de Jumeaux, AI. Jozian fit dres
ser procès-verbal contre lu i, non par le maître du cabaret, mais par M. Gourcy
notaire, qui se trouvait toujours prêt à verbaliser en faveur de M. Jozian, quoiqu’ il
n’eût aucune qualité, n’étant plus arbitre, pour se mêler do l’arbitrage.
M. Giroud protesta contre ce procès-verbal et invita les arbitres à se rendre, le
U novembre, à la mine des Barthes, où ils trouveraient un lieu de réunion conve
nable et à portée des objets litigieux. M. Jozian répondit que son arbitre, M. Do
rival, entendait élire domicile dans le cabaret de Jumeaux, et qu’il n’irait pas
ailleurs. En effet, M. Jozian fit dresser par le même M. Gourcy un second procèsverbal constatant que, le U novembre, M. Dorival, au lieu de se rendre aux Bar
thes, était venu à Jumeaux ; et de suite il présenta une requête pour faire nommer
un autre arbitre à la place de M. Lamothe qu’il fallait, disait-il considérer comme
démissionnaire, puisqu’ il n’avait pas paru au cabaret où l’attendait son collègue.
Cette ridicule requête fat rejettée, et les deux arbitres trouvèrent enfin le moyen
de se réunir, mais ils ne purent tomber d ’accord sur le choix d’un troisième ar
bitre , et ce fut le tribunal de commerce qui nomma d’abord M. Denis Bertrand,
et à son refus, M. Couguet avocat à Brioude. M. Couguet passait pour l’un des
conseils de M. Jozian M. Giroud attaqua sa nomination, mais elle fut confirmée
par la cour royale de Riom , et le tribunal arbitral se trouva composé de MM. Lamotho, Dorival et Couguet.
Quand des arbitres sont constitués, il est d’usage qu’ils s’entendent entre eux
pour fixer le jou ret le lieu de leurs séances : s’ilsne parviennent pas à s’entendre,
on se réunit chez le plus âgé. Ces règles de la politesse la plus vulgaire ne furent
pas observées vis à vis de M. Lamothe, arbitro nommé par M. Giroud. Les deux
autres arbitres décidèrent entre eux que le tribunal arbitral se réunirait dans
l’étude do M. Veyrines agréé de M. Jozian. C’était un lieu plus décent que le caba
ret de Jumeaux, mais peut-être n’était-il pas plus convenable, car M. Veyrines
était le mandataire de l’ une des parties. Dans tous les ca s , M. Lamothe aurait dû
être consulté ; mais scs collègues, se voyant deux contre u n , crurent appa
remment que tout leur était permis, et, oubliant que M. Lamothe était leur ég a l,
lui firent signifier par huissier l ’ o r d r e qu’ils lui donnaient de se trouver, le
'5 mai 18Zi5, dans l’étude do M. Veyrines. M. Lamothe s’y rendit, mais ce fut pour
�— l/l —
se démettre de ses fonctions d'arbitre. Pouvait-il en effet les exercer avec indépen
dance et dignité en présence de la coalition de ses deux collègues qui, par le lieu
et la forme brutale de leur convocation n’indiquaient que trop que leur parti était
pris d’avance? MM. Dorival et Couguet comprirent le sens de cette démission, et
ils prièrent M. Lamothe de vouloir bien, en les quittant, leur signer un certificat
de probité. M. Lamothe n’eut garde de leur refuser cette satisfaction, et sa démis
sion fut rédigée en ces termes par ses deux collègues : Purdevant nous ( Dorival et
Couguet ) est comparu M. Auguste Lamotlie, lequel nous a dit qu’il lui était impos
sible d’accepter la mission d'arbitre qui lui avait été conférée, se trouvant en cc
moment fortement engagé dans des opérations très conséquentes ; qu'il en était
d'autant plus fdclié qu’on lui avait donné pour collègues deux messieurs qu'il esti
mait beaucoup, et dont il connaissait l'honneur et la probité, et a signé. M. Lamothe signa et se retira. Le tribunal arbitral se trouva donc réduit à ces deux
messieurs que M. Lamothe eslimait beaucoup.
Cependant M. Giroud n’avait consenti à ce dernier arbitrage qu’à condition que
M. Lamothe serait arbitre, et M. Lamothe était éconduit; les deux messieurs aux
quels il avait légué son estime pouvaient en être dignes, mais leurs débuts dans
l’exercice de leurs fonctions n’inspiraient aucune confiance à M. Giroud. Quelque
mince que fût la contestation, M. Giroud craignait de se voir jugé par des hommes
qui n’avaient respecté ni leur collègue, ni leur propre caractère; il n’avait jamais vu
deux arbitres faire sommation à un troisième, et lui demander ensuite une attesta
tion de probité ! 11 se rappelait le lieu étrange que ces deux arbitres avaient choisi
pour y placer leur siège d é ju g é , et il n'attendait rien de bon d’une sentence qui
serait rendue ou dans une taverne, ou dans le cabinet de ses adversaires. Il con
sulta ses amis; leur avis fut qu’ il devait user du droit que la loi lui donnait de
récuser cette juridiction suspecte, et de réclamer la protection de ses j uges natu
rels. D’ailleurs c’était le moyen de mettre un terme à toutes les chicanes du sieur
Jozian. Audacieuses devant des arbitres, elles seraient timides en présence des
magistrats. M. Giroud forma donc une demande en nullité de la clause compromissoire contenue dans le marché du 30 novembre 1838. Cette demande, pour
être régulière, dut être intentée non seulement contre MM. Jozian et Sauret, mais
encore contre M. Pezerat avec qui le marché avait été fait. Elle fut portée devant
le tribunal civil de Paris, lieu du domicile contractuel de toutes les parties, et du
domicile réel de l’un des défendeurs.
MM. Jozian et Sauret avaient pour conseil à Paris cet habile praticien dont on a
déjà parlé. Aussi toutes les ressources de la chicane furent employées par eux pour
empêcher le jugement de cette demande. Ils prétendirent d’abord que l’assignation
qu'ils avaient reçue était nulle pour vice de forme. Ils attaquèrent ensuite la com
pétence du tribunal. Un jugement rendu par la 5* chambre du tribunal de la Seine,
le 2 décembre 18/i 5 , déclara l’assignation régulière et le tribunal compétent.
MM. Jozian et Sauret interjetèrent appel, et par cette tactique, ils sont parvenus à
�— 15 —
suspendre jusqu’à présent l’annulation de la clause compromissoire qui, d’après |
la loi et la jurisprudence, ne peut souffrir aucune difficulté sérieuse.
Mais si la nullité de cette clause est évidente, on demandera peut-être quel
avantage il peut y avoir pour MM. Jozian et Sauret à différer un jugement qu’ils
ne peuvent pas éviter. C’est ici le dernier trait de cette affaire. On ne connaîtrait
pas les adversaires de M. Glroud sans ce qui reste à raconter.
La demande en nullité de la clause compromissoire avait été signifiée à MM. Jo- »
zian et Sauret le 29 mai 1845. Le même jour, MM. Jozian et Sauret se présentent \
devant le président du tribunal de commerce de Brioude, et lui demandent la no
mination d’ un arbitre pour remplacer M. Lamothe. Le président qui ignore que
la clause compromissoire est attaquée, nomme M. Sabattier-Gasquet, charpentier
en bateaux. MM. Jozian et Sauret signifient cette nomination à M. Giroud, mais au
lieu de faire cette signification à son domicile, ils la font aux Barthes, en parlant
à son préposé, pour qu’elle lui reste inconnue pendant quelques jours. Cette
signification est suivie de deux autres au même lieu ; mais celles-ci méritent une
attention particulière. Ce ne sont plus MM. Jozian et Sauret, les adversaires de
M. Giroud, qui lui adressent un huissier, ce sont MM. Dorival, Couguet et SabattierGasquet, qui se posent comme ses juges, et qui, à l’exemple des prêteurs romains,
lui envoient l’appariteur pour le traîner à leur tribunal.
Quand la copie de ces exploits parvint àM. Giroud, il croyait rêver en les lisant,
tant il lui semblait singulier de se voir interpellé, provoqué et saisi pour ainsi dire
corps à corps par des gens qui avaient la prétention de le juger. Était-ce donc
avec M. Dorival qu’il avait un procès? Devait-il quelque chose à M. Couguet?
Avait-il jamais vu M. Sabattier-Gasquet? De quel droit ces messieurs le pour
suivaient-ils? Eussent-ils été ses juges, qu’une justice aussi acharnée aurait eu
quelque chose d’effrayant Cependant, comme ils pouvaient ignorer que M. Giroud
avait demandé la nullité de la clause compromissoire, sur laquelle reposait leur
prétendu pouvoir, il leur fit dénoncer cette demande en leur rendant, comme cela
était naturel, exploit pour exploit. Il leur déclara en même temps qu’il protestait
contre leur qualité d’arbitres et contre toute opération d’arbitrage ; puisque le
compromis était attaqué, c’était une question préjudiciellequi devait être examinée
avant tout. Cetto protestation fut signifiée à chacun des arbitres les 11, 12 et 15
juillet 1845.
Nonobstant cette protestation, les prétendus arbitres se réunissent le 18 juillet,
et décident que M. Giroud serait sommé de se présenter devant eux. Qu’ils aient
pouvoir ou non, ils jugeront. M. Jozian triomphait. Qu’avait-il à désirer de mieux
qu’ un adversaire qui no pouvait pas se défendre et un tribunal qui voulait absolu
ment juger 1 C’était le cas de demander tout, puisqu’on no serait contredit sur
r>cn. m . Jozian était trop habile pour ne pas profiter de cette circonstance. Jus-
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qu’alors il n’avait demandé qu’ une place pour déposer ses charbons, il prétendait
que celle qu’ on lui offrait n’était pas convenable, la question était donc réduite â
quelques mètres de terrain, et en supposant que M. Jozian fut fondé à refuser la
place qui lui était offerte, tout ce qu’ il pouvait réclamer était une indemnité
égale à la location d’une place meilleure. Le procès en lui-même était donc
chétif et misérable, mais M. Jozian va lui donner tout à coup des proportions
irigantesques. Ce ne sont plus quelques mètres de terrain qu’il lui faut, c’est la
fortune entière de M. Giroud qu’il va demander, c ’est sa personne, c’est toute la
raine des Barthes qu’il faut lui livrer. Il se présente,, en effet, devant les trois
hommes, qu’il a érigés en juges, et voici la série des nouvelles demandes qu’il a le
courage de leur adresser: Il veut d’abord 30,0Q0 fr., une fois payés; c ’est, d it-il,
pour l’indemniser notamment du cautionnement d e 54,000 fr., que M; Pezerata
été condamné à fournir par la sentence arbitrale du 17 juin 1840; mais ces 30,000 fr.
ne lui suffisent paa^ il: veut de plus une rentq de 48,000 fr. par an, qui lui sera
servie pendant quinze ans, ce qui donnerait un chiffre de 720,000 fr. Ces préten
tions insensées sont déguisées, il est vrai, sous des.formes hypocrites; ce n’est pas
une rente pure et simple que JU. Jozian demande, c ’est l’exécution du marché,
pourvu qu’on l’exicute à sa manière ; il veut bien prendre les charbons, pourvu
que la livraison soit faite sur le bord de l’Allier( à deux kilomètres du lieu convenu,
Sinon le marché sera résolu , et on-lui paiera autant de fois 40 cen t qu’on aurait
dû lui livrer d’hectolitres de charbon, ce qui veut dire qu’au lieu de vendre à
M. Jozian 120,000 hectolitres de charbon, moyennant 108,000 fr., qu’il n’aurait pas
pu payer, on lui servira tous les ans une rente de 4,800.000 cen t ou 48,000 fr.,
ce qui lui sera beaucoup plus agréable.
Quand M, Giroud apprit que les prétendus arbitres s’étaient constitués en
tribunal, il crut devoir leur signifier uno nouvelle protostation par exploit d’huis
sier du 19 août 1845. II leur disait dans cet: acte que- s'il pouvait convenir «
M. Jozian de plaider sans adversaire, il ne pouvait convenir à■des hommes hono
rables de s’associer à cette tactique, et de condamner aveuglement celui qui, con
testant leur compétente devant: un autre tribunal, ne pouvait pas- se défendre
devant eux.
Ce langage ne fut pas compris, et, malgré l’appel fait à leur honneur,, les trow
prétendus arbitres se réunirent le 29 août, pour procédera un simulacre de juge
ment. La protestation de M. Giroud fut réitérée devant eux par son avocat, et
inscrite en ces termes dans le procès-verbal : loquet a dit qu'il se présente unique
ment pour réitérer les protestations qu’il nous a fait signifier; qu'il persiste il sou
tenir que la clause compromissoire étant par lui arguée de nullité, et l'a/fairc étant
indiquée devant la cinquitme chambre du tribunal de la Seine au samedi, 30 du
courant, nous n’aoions, quant à présent, ni caractère ni pouvoir pour te juger.
Toutes ces protestations furent inutiles; MM. Jozian et Sauret voulaient une sen
�tence, ils en obtinrent deux, l’une sur la question de sursis, l’autre sur la question
de fonds.
Ces deux sentences méditent d’être lues. La première porte la date du 29 août
1845. Elle décide que M. Giroud n’a pas droit d’attaquer la clause compromissoire,
qu’en conséquence, la demande en nullité qu’il a formée devant le tribunal de la
Seine doit être rejetée. Ainsi, cette demande qui est soumise aux magistrats de
Paris, la voilà jugée à Brioude par MM. Dorival, Côuguet et Sabatticr-Gasquet. Et
par quels motifs est-elle rejetée ? M. Dorival et ses collègues prétendent-ils ap
prouver les clauses compromissiores, malgré l’unanimité des arrêts qui les pros
crivent? Non, ils les condamnent en principe, mais ils refusent à M. Giroud le
bénéfice de ce principe, et ils déclarent qu’il doit avoir pour juges MM. Dorival,
Couguet et Sabattier-Gasquet, par la raison notamment qu’il n’a pas voulu d’eux
pour juges, et qu’il a contesté leur nomination devant la Cour royale de lliom.
« Attendu, dit la sentence, qu’il a appelé des ordonnances qui ont nommé
» MM. Sabattier-Gasquet et Couguet. » Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que le
fait était complètement faux en ce qui concernait M. Sabattier-Gasquet, qui n’était
pas même ¡nommé lorsque M. Giroud avait demandé la nullité de la clause com
promissoire; mais le fait fut-il vrai, il serait assez bizarre qu’ un juge devint
compétent par cela seul qu’on a contesté sa compétence.
Mais si cette première sentence est bizarre, la seconde, il faut bien le dire, est
révoltante. M. Jozian demandait, comme on l’a v u , 750,000 francs d’indemnités,
c était un rêve, une dérision, une extravagance. M. Dorival et ses collègues
prennent cette demande au sérieux , mais ils la trouvent pourtant un peu exagérée,
et dans leur équité profonde, iis arbitrent l’indemnité à la somme modeste de
066,000 francs, payable dans les termes de la demande, savoir : 26,000 francs de
suite et le surplus en cas de résolution du marché, et par annuités de 36,000 francs
pendant quinze ans.:1Après cette décision, il ne leur restait plus qu’à prononcer
la résolution du marché; ils la prononcent, et ils déclarent le marché résolu de
plein droit si les livraisons de charbon sont interrompues pendant quinze jours ,
soit par suite de refus de Giroud et consorts, soit à raison de difficultés nouvelles ,
provenant de leur fait. Enfin, ils év.'tcnt de dire si les livraisons doivent se faire
sur le carreau do la m ine, comme le voulait le m arché, ou sur le bord de la
rivière, comme le demandaient MM. Jozian et consorts; ils se contentent d’ordonner
qu elles auront lieu dans les conditions de ta sentence arbitrale du 6 juin 1843 et
du marché verbal du 30 nobembre 1838. Par cette réticence, ils laissent subsister
la difficulté; et commô on doit s’attendre que MM. Giroud et Consorts ne voudront
pas livrer sur le bord de l’Alliér, à deux kilomètres de leur mine, Cette combi
naison perfide réserve à MM. Jozian et Sauret un prétexte tout prêt pour dire que
la résolution est opérée par le fait de M. Giroud et que l’indemnité de 566,000 fr.
leur est acquise. Telle est cette sentence, qu’on pourrait traduire par ces mots:
a m' ne tlcs Uarthes est adjugée à MM. Jozian et Sauret.
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Une circonstance particulière augmentait l’audace de cette décision. Pendant
qu'elle s’élaborait à Brioude, M. Giroud pressait l’audience à Paris pour plaider
sur la nullité de la clause compromissolre. La cause fut retenue aux audiences
des 17 et 24 septembre, mais n’ayant pu venir en ordre utile, elle fut remise par
le tribunal avec injonction que toutes choses demeureraient en état. Cette injonction
prononcée contradictoirement avec MM. Jozian et Sauret ne fut pas attaquée par eux;
Elle les obligeait donc de cesser toute poursuite devant les prétendus arbitres. Elle
obligeait les arbitres eux-mêmes dont elle suspendait le mandat, mais ceux-ci
n’en tinrent pas compte, quoique M. Giroud leur eut fait notifier par deux fois
la décision du tribunal. Ils cherchèrent seulement à l’éluder en donnant à leur
sentence la date du 15 septembre quoiqu’elle n’ait été déposée que le 8 octobre
suivant.
M. Giroud se pourvut immédiatement devant le tribunal civil de Brioude par
voie d’opposition à l’ordonnance d’exéquatur. Le fonds de la prétendue sentence
n e pouvait pas être révisé, mais la forme était aussi vicieuse que le fonds. Plusieurs
moyens de nullité se présentaient ; le premier résultait de la nullité de la clause
compromissoire qui était la base du prétendu arbitrage. Mais cette nullité était
demandée devant le tribunal de la Seine, et la même question entre les mêmes
parties ne pouvait pas être soumise à deux tribunaux différents. Il fallait donc
que le tribunal de Brioude suspendit son jugement jusqu’à ce que le tribunal do
la Seine, saisi avant lu i, eut prononcé. M. Giroud avait conclu dans ce sens, et il
fut fort étonné d’apprendre que le tribunal de Brioude , mal informé des faits,
ou cédant à quelque prévention involontaire, avait prononcé sur le fonds et
décidé non seulement que la prétendue sentence arbitrale était régulière, mais
encore qu’il y avait lieu à l’exécution provisoire du jugem ent
Ainsi, la main qui dirigeait M. Jozian avait si bien conduit les procédures,
qu’ une contestation insignifiante sur la convenance d’ un coin de terre aurait fini
par produire une créance de 566,000 fr. payable par provision 1
Appel de ce jugement est interjetté devant la Cour royale de Biom, et avant
tout, des défenses d’exécuter sont réclamés de sa justice.
D ISC U S SIO N .
Quand on a parcouru les actes de cette cause, on est étonné de toutes les
procédures qui ont eu lieu et on se demande ce que cela signifie. Est-il vrai,
comme le dit M. Jozian, quo M. Giroud ait vendu ce qu’ il no peut pas livrer?
Est-il vrai, comme le dit M. Giroud, que M. Jozian ait acheté ce qu’il ne peut
pas payer?
La mine des Barthes produit chaque annéo 300,000 hectolitres do charbon. Elle
pourrait produire beaucoup plus, mais on no parle que de son état actuel.
�li’extraction se fait par trois puits. I/un de ces puits a été percé par les ordres
de M. Giroud, et n’a pas coûté moins de 150,000 fr. M. Giroud a fait cette
dépense en vue du marché qu’il venait de conclure avec M. Pezerat et pour mettre
la production au niveau de tous les besoins. Ce marché lui assurait un débouché
de 120,000 hectolitres par année ; chaque jour amenait de nouveaux consomma
teurs; il n’a donc pas hésité à faire des frais qui étaient couverts d’avance par la
certitude des bénéfices.
Il pouvait donc livrer. Dira-t-on qu’il n’a pas voulu ? mais pourquoi donc extraitil du charbon? n’est-ce pas pour le vendre ? n’est-co pas là son industrie, sa
profession, son occupation, son existence ? à qui persuadera-t-on qu’ un marchand
refuse de vendre sa marchandise?
On alléguera peut-être que le prix de 90 cent, par hectolitre ne lui parait pas
assez avantageux, mais il déclare au contraire que ce prix est excellent ; il offre
de prouver que ce prix lui assure un bénéfice très raisonnable. Si donc il peut
livrer, s’ il a intérêt à livrer, on ne peut pas supposer qu’il refuse de livrer.
Dira-t-on qu’il a refusé en 1840 et en 1841 ? mais son refus avait un motif
légitime que la justice a reconnu. En 1840, M. Pezerat était tombé en déconfiture.
M. Giroud devait-il livrer son charbon quand il courait le risque de n’être pas
payé? Les arbitres, auxquels cette question a été soumise, l’ont résolue en sa
faveur par leur sentence du 17 juin 1840 ; ils ont astreint M. Pezerat à donner
caution. Cette caution s’est fait attendre longtemps. Est-ce la faute de M. Giroud,
et peut-on lui reprocher de n’avoir pas livré sans caution quand les arbitres ont
jugé qu’il ne devait livrer que sur caution?
Mais pourquoi n’a-t’ il pas livré en 1841? parce que M. Jozian, interprétant le
marché à sa guise, ne voulait accepter comme gros charbon que celui qui ne
passerait pas dans un anneau de 20 centimètres de diamètre. Cette prétention
de M. Jozian était-elle fondée ? il faut bien reconnaître qu’elle ne l’était pas,
quoiqu’elle ait été accueillie d’abord et môme dépassée par la sentence arbitrale
du 24 mai 1841 ; mais cette sentence a été rétractée par celle du 6 juin 1843Les arbitres ont reconnu l’erreur dans laquelle ils étaient tombés ; ils ont réduit
eux-mêmes les grosseurs impossibles qu’ils avaient d abord adoptées; ils ont forcé
M. Jozian à abandonner et l’exception de chose jugée dans laquelle il se retran
chait, et la grosseur de 20 centimètros qu’il réclamait. Cependant M. Giroud
avait refusé de livrer le gros charbon tel que M. Jozian l’exigeait. Avait-il tort
de repousser une exigence qui a été proclamé injuste ?
On arrive ainsi jusqu’au milieu do l'année 1843. Demandera-t-on pourquoi
M. Giroud n’a pas livré depuis cette époque? mais c ’est alors que M. Jozian s aviso
de vouloir changer le lieu de la livraison. Elle devait se faire sur le carreau de
la mine ; M. Jozian veut qu’elle se fasse à deux kilomètres plus lo in , sur le bord
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de l’ Allier ; il prétend en outre que le port des Barthes ne lui convient pas, et
que si M. Giroud ne lui en donne pas un autre, il a droit, non pas de s’en procurer
un aux frais de M. Giroud, mais de refuser les livraisons qu’on lui offre et
d’accuser M. Giroud de ne pas vouloir livrer.
Or, ces nouvelles prétentions de M. Jozian sont-elles plus raisonnables que les
anciennes? Où doit-on lui livrer le charbon ? sur le carreau de la mine. La loi et la
convention sont d’accord à cet égard. La loi veut que la marchandise se livre au
lieu où elle était au moment de la vente. (Art. 1600 du Code civil.) Tout corps cer
tain doitêtre livré au lieu où il se trouve. (Art. 1247 et 1264.) La convention main
tient cette disposition de la loi ; voici en effet comment les parties se sont expri
mées : « Comme cette houille est destinée en partie à fabriquer du goudron, à
• extraire d’autres produits, et à être aussi, en partie, transformée en cok e,
» MM. Chevalier et Giroud seront tenus de fournir à M. Pezerat, d’après la dési» gnation qu’il en fera, le terrain nécessaire pour la construction des appareils ;
» et ce, sur L’emplacement même de l'exploitation, dans la partie la plus voisine
» de l’extraction, sans toutefois que cela puisse entraver ladite exploitation. Ils
» fourniront aussi l’eau nécessaire à la condensation des produits bitumineux
» prise à l’orifice du puits, plus le terrain pour l’établissement des magasins dont
» M. Pezerat aurait besoin. MM. Chevalier et Giroud s’obligent à faire,transporter
» à leurs frais, au bord de l’Allier, à leur port et sur le terrain qu’ils fourniront,
» tous les produits de la compagnie (Pezerat), et même les charbons en nature,
» s’il lui convenait de ne pas les manipuler. »
Cette convention impose aux vendeurs l’obligation de fournir aux acheteurs
deux terrains ; l’u n , sur l’emplacement même de l’exploitation ; l’autre, sur le
bord de l’Allier. Pourquoi ces deux terrains ? Le premier est destiné à la manipu
lation du charbon, l’autre à son exportation. Sur le premier, le charbon sera tra
vaillé pour être converti en coke ; sur le second, il sera déposé pour être embar
qué. Mais avant que l’acheteur s’empare de la marchandise pour la travailler, il
faut qu’il en prenne livraison. Où donc lui sera-t-elle livrée? où recevra-t-il les
333 hectolitres qui doivent lui être mesurés chaque jou r? il no peut les recevoir
que sur le carreau de la mine, puisque c’est là qu’il doit les manipuler. Dira-t-on
que le vendeur est tenu de transporter les charbons manipulés ou non sur les
bords do l’Allier? c’est une obligation particulière distincte de la livraison. 11 ré
sulte des termes mêmes de la convention, que lorsque la marchandise sera ainsi
transportée, elle appartiendra déjà à l’acheteur, elle sera devenue sa chose,
elle aura pu être transformée par son travail, elle lui aura donc été livrée aupa
ravant. Où donc aura-t-elle été livrée, si ce n’ost sur le carreau de la mine?
La livraison et le transport des marchandises sont deux opérations fort diffé
rentes. Qu’ une marchandise livrée soit transportée ensuite aux frais du vendeur,
qui prête à l’acquéreur ses voitures ou ses wagons, cela est tout simplo; mais .quo
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la livraison d’ une forte partie de charbon puisse se faire ailleurs que sur le lieu
môme de l’extraction, c’est ce que personne ne pourrait comprendre. Pour livrer
tous les jours 333 hectolitres de charbon, moitié gros, moitié menu, il faut tomber
d’accord sur la qualité et sur la mesure. Peut-on choisir la qualité ailleurs que sur
la mine? peut-on faire voyager 333 hectolitres sans:les avoir mesurés? ou bien
faudra-t-il les mesurer deux fois, d’abord à la mine et ensuite au port? faudra-t-il
faire cette double opération tous les jours, et cela pendant quinze années de suite?
Telle n’a pu être l’intention des parties ; il faut donc reconnaître que soit que l’on
consulte la l o i , la convention ou le bon sens, c ’est sur la mine que les charbons
doivent être livrés. Aussi, dans une lettre écrite huit jours avant la conclusion du
marché, M. Pezerat s’exprimait ainsi : « J’ai l’honneur de vous envoyer l’indica» tion du terrain choisi par moi aux m in a des Darlhes; je n’ai pas jugé conve» nable do changer la première indication que je vous avais adressée. » Et cette
lettre était accompagnée d’un plan descriptif où le terrain se trouvait en effet
choisi et marqué par M. Pezerat sur le carreau de la mine.
' ’
Mais comment M. Jozian a-t-il pu prétendre que le. charbon devait être livré
ailleurs? ne se souvient-il plus de l’usage qu’il voulait faire lui-même du terrain
choisi par M. Pezerat? il voulait en faire non-seulement:un atelier pour y mani
puler son charbon, mais encore une boutique pour l’y vendre.> M. Giroud s’est
plaint de cet abus, qui a été réprimé, par la sentence arbitrale du G juin 1863,
dont voici la disposition : Faisons défense au sieur Jozian de vendre et débiter sur
le carreau de la mine, ou sur les terrains qui lui seront fournis "par tes sieitrs
Giroud et Chevalier, en exécution de la convention, les charbons que ces derniers
devront lui livrer. Pour vendre sa marchandise, il fallait d’abord qu’elle lui eut été
livrée. Or, dans quel endroit voulait-il la vendre? sur le carreau de la mine. C’était
donc là qu’il l’avait reçue.
Pour terminer sur ce point, on ajoutera que plusieurs livraisons ont été faites ii
M. Jozian sur le carreau de la mine, notamment le 11 et 12 août 1843. Il les a
acceptées; et s’ il a changé tout-à-coup d’idée, que ce soit caprice, ou spéculation,
ou besoin de chicaner, ou impuissance de payer, lo fait n’en subsiste pas moins.
C’est donc à la mine que le charbon devait être livré. La convention est évi»
dente, et M. Jozian lui-même l’a reconnu. M. Giroud a donc raison de vouloir
livrer sur le carreau de la mine ; 11 est dans son droit ; et si M. Jozian ne prend
pas livraison, ce n’est pas la faute de M. Giroud.
Mais, dit-on, M. Giroud doit fournir un emplacement sur les bords de l’Allier
pour y déposer les marchandises do M. Jozian. Or, la livraison de cet emplacement
sur le bord de l’Allier, et la livraison du charbon sur lo carreau de la mino', sont
une seule et même chose. Si donc M. Giroud n’a pas fourni un terrain sur le bord
de 1 eau, on aura droit de dire qu’il refuse de livrer à la mine.
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Cela n’est pas sérieux. L’obligation do livrer le charbon et l’obligation de fournir
u n l i e u d’embarquement, sont deux choses distinctes et Indépendantes l’une de
l’autre. Lors môme que M. Giroud n’aurait pas pu fournir à M. Jozian un terrain
sur les bords de l’Allier, cela n’empêchait pasM. Jozian de prendre livraison, et
même d’embarquer sa marchandise. La place ne manque pas le long de la rivière,
et rien n’était plus facile que d’y obtenir la jouissance de quelques mètres de
terrain aux frais do M. Giroud. Cette jouissance aurait coûté peut-être 1 fr. le
mètre (ou 10,000 fr. l’hectare) ; c ’était une centaine de francs au plus que M. Jo
zian aurait pu réclamer à titre d’indemnité.
Mais est-il vrai quo M. Giroud ait refusé lo terrain qu’il devait fournir au bord
de l’ Allier ? Lo 29 août 1843, M. Jozian a fait dresser un procès-verbal par
M. Gourcy, notaire, hommo qui lui a montré un dévouement sans bornes. Voici la
déclaration do M. Giroud , constatée par M. Gourcy : « Qu’il Ignoro le motif pour
« lequel M. Jozian n’a pas continué à prendre les livraisons qu’ il avait cornmen» céos lo 11 de ce m ois....; qu'il offre do lui livrer dès demain la quantité de chari» bon qu’il peut lui devoir...; que quant il l’emplacement nécessaire pour placer
»
»
«
»
»
«
n
»
les charbons dont M. Jozian doit prendre livraison, M. Giroud lui offre la partie
du port qui appartient à la Société des llarthes, qu'il voudra choisir, à côté des
charbons qui ont déjà été déposés par ladito Société... ; quo M. Giroud no peut lui
fournir d’autro emplacement que celui dont 11 sa sert pour lo dépôt du charlion
des Barthes ; que do l’avis do tous les exploitants du bassin, lo port actuel est le
plus élevé de tous les terrains qui se trouvent lo long de l’AllIer; qu’il réitère
l’offre qu’il a faite au sieur Jozian de recommencer les livraisons des domain, et
rie lui fournir lu partie du )>ort la plus convenable pour y déposer les char-
» bons..,. »
Ainsi M. Giroud mettait lo port des llarthes à la disposition de M. Jozian ; il lui
donnait à choisir dans touto l’enceinte du port la place qui lui conviendrait le
plus. Devait-Il autro chose7 était II obligé de fournir une place ailleurs que sur
son propre terrain? Voici les termes de la convention: VW. Giroud et Chevalitr
s'obligent à faire transjiorter à leur port et sur te terrain qu'ils fourniront tous les
vroiluits de ta comjxignie l'ezerat. C’est donc au port des llarthes que les produits
doivent être transportés : c’est là que le terrain doit Ctre fourni.
il plaît aujourd’hui à M. Jozian de prétendre que le port des llarthes n’est pa*
«'ontenable. Mais il est tel qu’ il était au moment de cette convention. Si le fond
du »ol se compose de u tile ou de gravier, cela n’est pas nouveau ; si la rive n'est
élevée que d'un métro et demi au-desmis du Ilot, l'élévation était la mémo quand
les partira ont traités. On fournit à M. Joilan ce qu'on a promu & M. P w era t.
ul plus ni moin». Il est vrai que M. Jozian a m i d'un cnil jaloux certains tra\aiix rxécuU-i par ta Société dos Marthe*, pour ethauw er le terrain où elle dépow
«4 charbons: mal* qui cm pM iall M. Jojian de faire rem blayer. de ton c ô t* .
�1’emplaccinent qu’il choisirait? On lui fournit le terrain, c’est à lui (le s’y installer
et d’y protéger sa marchandise. Une rivière est un voisin toujours dangereux. Le
port des Barthcs n’est pas plus que tout autre à l’abri des inondations (1 ). M. l’ezerat le savait, et cependant il n’a demandé qu’ une place dans ce port. Cette place
a été constamment offerte, M. Jozian ne peut exiger davantage.
Cependant M. Giroud a fait offrir à M. Jozian, et lui offre encoro de placer ses
charbons sur la partie remblayée, et derrière les charbons de la Société des Jlartlies. Ainsi los marchandises do la Société serviraient do rempart aux marchandi
ses de M. Jozian, et celles-ci no seraient atteintes par les eaux que lorsque celleslà auraient disparu. Certes, il était impossible do montrer plus do complaisance,
plus do bonno fol, plus do bonno volonté.
Comment donc M. Giroud peut-il ôtro accusé do no pas vouloir livrer les char
bons qu’il a vendus? 11 n’exploite quo pour vendre et livrer; il trouve un notable
bénéficodanslo prix do 90 centimes par hectolitre ; ce n’est qu’en livrant qu’il peut
réaliser ce bénéfice ; il a d’ailleurs dépensé 150,000 francs pour augmenter l’ex
traction et satisfalro à toutes los exigences do la consommation, comment refuse
rait-il do livrer? S’il a refusé en 1840, c'est quo l’achotour était en déconfiture ;
s’ il a refusé en 1841-1843 c’est quo M. Jozian exigeait dos grosseurs exhorbltantes
et impossibles, enfin s’ il n’a pas livré dopuis 1843, c ’est que M. Jozian prétendait
d’un côté quo la livraison devait étro faito au port, ot d’ un autro côté qu’ollo 110
pouvait pas y ôtro falto parco quo lo port n’était pas convenable ; ainsi M. Giroud
pouvant et voulant livrer, M. Jozian l’on a constamment empôché.
' M. Giroud aurait pu, à l'exemple do son adversaire, accumuler les procèsverbaux pour constater ses offres do livrer ; mais la quantité do charton produite
par la mlno était un Tait do notoriété publlquo; Les sentences arbitrales do 1840,
1841 et 1843, décidaient quo M. Giroud n’avait jamais été on retard do livrer, ot
M. Jozian était forcé do reconnaître quo depuis 1843, les livraisons lui auraient
été faites s’ il avait voulu les recevoir. M. Giroud peut cependant invoquer deux
procès-verbaux, l’un du 29 août 1843, dressé à la requéto de M. Jozian ; l'autre du
20 novembre 1845, dressé à la requéto do M. Giroud lul-méme. Lo premier dont
on a déjà parlé constate quo les livraisons avalent été commencées sur lo carreau
do la mlno, et quo M. Joxlan les ayant interrompues sous prétexte qu’elles devaient
ôtro faites sur lo port, M. Giroud a déclaré être prêt à livrer à la mlno lorsque
'I. Joxlan so présenterait pour recevoir. Lo second procès-verbal constate qu’ il
existait, tant sur la mlno qu'au port des liarthes, la quanti té do 50,000 hectolitres
(I , Il (virJ), en »Un, <pM le 4 ao«tabre 1813, un* cru* Mtraonfcuiir« a tu l»eu. C««l u»
luqtHl Irt mrUWurtpofli toc* n p o ih . TwWfo«« il o'y • p*« «u d* perte*. Ton! *•
d*» drui
Uiirt I M. Joiùo » M *jxrj»4.
�—
m
—
de houilles; qu’en outre, l’extraction quotidienne produisait 1000 hectolitres;que
la totalité de ces houilles a été m ise, par M. Giroud, à la disposition de Al. Jozian,
que-M. Giroud a offert de lui livrer, jou r par jo u r , 333 hectolitres, ou s’il l’aimait
m ieux, de livrer r sans désemparer et en travaillant jour et nuit, la quantité de
10,000 hectolitres, ou même une quantité supérieure; mais que M. Jozian n’a ré
pondu à ces offres que par de nouvelles chicanes, qu’il a prétendu notamment que
le notaire, rédacteur du procès-verbal, n’avait pas qualité parce qu’il était en
présence d’un notaire plus ancien !que M. Jozian avait amené ; qu’il a ajouté
qu’ayant apporté de l’argent pour payer 10,000 hectolitres, il voulait que cette
quantité lui fut mesurée dans une journée, ce qui était physiquement impossi
ble. Ainsi toutes les fois que M. Giroud a voulu livrer, M. Jozian a inventé des pré
t e x t e s pour ne pas recevoir.
!
La mauvaise volonté n’est donc pas du côté de M. Giroud. Cependant depuis six
ans on ne peut parvenir à exécuter le marché. Quelle en est la cause ? Comment
M. Jozian a-t-il toujours un prétexté tout prêt pour refuser les charbons qui lui
sont offerts? Il les refuse en 1840 parce'que l’Allier n’est pas navigable, il les re
fuse en 1841 parce que le gros charbon n’a pas 20 centimètres de diamètre, il les
refuse en 1843 parce qu’ils lui sont livrés sur la m ine, il les refuse en 1845 parce
qu’il veut 10,000 hectolitres en un instant. Chacun de ces refus est accompagné
d’une ou de plusieurs assignations dont la conclusion est qu’au lieu de charbon,
c’est de l’argent qu’ il faut lui donner. Qu^est-ce que cela signifie ? C’est que
M. Jozian n’est pas un acheteur sérieux, mais un spéculateur qui achète du char
bon pour avoir des dommages intérêts’, "et qui fait des procès pour extorquer des
sacrifices. Le marché même que M. Jozian s’est fait céder constate ce calcul se
cre t Ce marché comprend une énorme quantité de houille. Il CQnvenait à la
Société Pezerat, qui ayant entrepris de convertir la houille en asphalte, avait
intérêtà assurer son approvisionnement. Mais M. Jozian ne fabrique pas l’asphalte.
Que ferait-il donc de 10,000 hectolitres de houille qui lui seraient livrés tous le?
mois pendant quinze ans? 11 revendra en détail, dit-on. Mais quel est le détaillant
qui s’approvisionne quinze ans d’avance? D’ailleurs cette revente est-elle bien as
surée ? Quand on a demandé au sieur Jozian quels ôtaient ses acheteurs, il n’a
pas pu en nommer un seul. Enfin, il ne suffit pas d’acheter, il faut payer. Or pour
payer 9,000 francs par m ois, pendant quinze ans, même avec la chance de reven
dre, 11 faut avoir des capitaux disponibles. La fortune de M. Jozian est nulle ; au
lieu de capitaux, il a des dettes, et s’il exhibe quelquefois de l’argent dans les
procès-verbaux qu’il fait dresser, c’est l’argent d’autrui qui lui a été prêté à gros
in térêts soitpar MM. Marche et Comitis, de Clermont, soit par M. Sauret, de Uioni.
Ainsi M. Jozian est accablé par le marché Pezerat. Il ne peut ni payer, ni placer
la marchandise. Faut-il s’étonner qu’il refuse de la recevoir. ? Faut-il demander
par le fait de qui les livraisons n’ont pas lieu ? Ne faut-il pas au contraire admirer
les ressources prodigieuses de M. Jozian et de sesconseils, no doit-on pas envier
/
�leur imagination si habile, à trouver des motifs pour ne pas accepter le charbon,
aujourd’hui parce que la rivière est haute, demain parce que le port est bas,
ensuite parce que le charbon est petit, puis parce que la journée n’est pas assez
grande pour livrer 10,000 hectolitres à la fois? Ne doit-on pas enfin s’étonner de
l’audace avec laquelle ils accusent M. Giroud de ne pas vouloir livrer, eux qui ont
épuisé tous les prétextes pour éluder les livraisons?
Les positions sont donc rétablies, et désormais on ne parviendra plus à induiro
la justice en erreur sur le caractère général de cette affaire. Ii y a d’un côté une
mine de houille, largement exploitée, fécondée par des capitaux importants, et
versant chaque année, sur le sol, 300,000 hectolitres de marchandises. A la tète
de l’exploitation est un homme laborieux, loyal, intelligent, qui ne demande qu’à
vendre les produite que l’extraction accumule. Cet homme a promis de livrer une
partie considérable de houille. 11 s’est mis en mesure d’exécuter son engagement,
il offre, depuis plusieurs années, délivrer ce qu’il a promis. Mais de l’autre côté
se trouve une spéculation organisée entre un homme d’affaires, un industriel et
un banquier. Ces trois individus ont racheté le marché Pezerat, non pour l’exé
cuter, mais pour l’exploiter. Ils ne veulent pas de houille, et toutes les fois qu’on
leur en offre, ils ont des motif particuliers pour la refuser, mais ces refus qui ex
poseraient des acheteurs vulgaires à payer des dommages-intérêts, leur servent
de prétexte pour en demander. Ils veulent de l’argent et ils prétendent qu’on les
indemnise, parce qu’on ne leur livre pas ce qu’ils refusent de recevoir.
Les intentions des deux parties étant bien connues, on comprend parfaitement
que le marché Pezerat soit resté jusqu’à présent sans exécution, et, qu’au lieu
d’échanger de la houille contre de l’argent, les parties n’aient échangé que des
procès. Mais on comprend aussi que ces procès aient dû fatiguer M. Giroud, et
qu’il ait voulu y mettre un terme. C’est pour en tarir la source qu’il a demandé la
nullité de la clause compromissoire contenue dans le marché du 30 novembre 1838.
Il lui a semblé qu’un tribunal composé de magistrats imposerait plus à M. Jozian
qu’ un tribunal composé de trois arbitres, dans lesquels AI. Joziàn'croirait posséuer une voix, deux voix, et quelquefois trois voix.
Hr
Or M. (¡iroud va établir 1“, qu’en attaquant cette clause, il ne peut être accusé ni
de légèreté, ni d’infidélité à ses engagements; T que cetteclause estnulle aux yeux
de la loi ; 3° que lanullité n’a pas été couverte par l’exécution antérieure; h° quela
demande en nullité a dû être portée devant lé tribunal de laSeine; 5°qu’en présence
de cette demande les prétendus arbitres devaient surseoir à ^arbitrage ; 6° que >
dans tous les cas, le tribunal de Brioude devait surseoir à statuer sur l’opposition
à l’ordonnance d’exequatur; 7" qu’en supposant même cetto clause légitim e, les
arbitres ont excédé leurs pouvoirs en prononçant sur des questions qui ne leur
étaient pas valablement soumises; 8” qu'ils ont prononcé après que les délais de
�Tarbitrage étaient expirés; 9° qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner l’exécution pro
visoire du jugement qui a été rendu.
i"
P r o p o s itio n .
M. Giroud, en attaquant la clause compromissoire, ne peut être accusé , ni de
légèreté, ni d'infidélité à ses engagements.
Un honnête homme n’use pas toujours de son droit. M. Giroud le sait et il l’a
prouvé par sa conduite. Il voyait la jurisprudence proscrire unanimement les
clauses compromissoires ; le signal avait été donné par la Cour suprême, et toutes
les Cours du royaume y avaient répondu : il pouvait donc dès le principe, refuser
de compromettre et forcer M. Jozian à plaider devant leurs juges naturels. Mais il
n’a pas voulu invoquer le droit que la jurisprudence lui donnait, il a accepté des
arbitres ; et en vertu des pouvoirs qu’il leur a conférés, MM. Venant, Gibert et
Girard, anciens agréés prèsletribunal de commerce de Paris, ont statué trois fois
sur ses discussions avec M. Jozian. Cependant, lorsqu’ il leur conférait pour la
troisième fois la mission de le ju g er, il n’ avait pas lieu d'être satisfait de leur pré
cédente décision, car ils l’avaient condamné à livrer des grosseurs impossibles, et
M. Jozian, armé de cette sentence, réclamait déjà des indemnités énormes. M. Gi
roud , victime de cette erreur, ne réclama pourtant pas d’autres ju ges, et il com
promit de nouveau devant eux, persuadé que s’ils n’étaient pas infaillibles, ils n’en
étaient pas moins honorables et consciencieux.
Ces trois compromis prouvent assez que M. Giroud voulait rester fidèle à la con
vention qu’ il avait faite, quoique cette convention fût illégale. Mais ce n'est pas
tout. Après avoir plaidé à Paris, M. Jozian veut plaider à lirioude. 11 chicane sur
la convenance du port des Barthes, et il propose un arbitrage local. M. Giroud ne
voulait pas de procès, et il ne comprenait pas qu’ un procès fût possible, quand il
disait à M. Jozian : Choisissez dans le port des Barthes la meilleure place et prenezla. Cependant M. Jozian voulait un arbitrage local, et il proposa d’abord M. Gourcy
son notaire, et ensuite M. Dorival son géométre. Que fait M. Giroud? Il nomme
M. I.amothe de Frugières , homme honorable et indépendant. U respectait donc
toujours sa convention.
Mais s’il s’est à la fin adressé ii la lo i, s’ il a voulu revenir à ses juges naturels ,
est-ce par caprice, par légèreté, ou, comme on le dit, pour éviter une juste Con
damnation? Il suffît de rappeler les faits pour absoudre M. Giroud de tous ces re
proches. Quel a donc été le caractère de cet arbitrage local sollicité par M. Jozian?
Dès le début il s’est annoncé par la nomination de M. Gourcy. M. Gourcy avait
déclaré comme expert que le port dos Barthes n’était pas convenable; c’ e~t
M. Gourcy que M. Jozian chois/t pour prononcer comme arbitre .sur la même ques
�— 27 —
tion. Kt M. Gourcy ne se récuse pas; au contraire, il accepte. Voilà donc les
arbitres que !\I. Jozian va choisir. Voilà la délicatesse qui existe dans celui qui
nomme et dans ceux qui sont nommés. Il faut à M. Jozian des juges dont l’opi
nion soit connue d’avance. A défaut de M. Gourcy, M. Jozian nomme M. Dorival,
épicier-géomètre. Il va sans dire que M. Dorival pense comme M. Gourcy. Aussi,
de quelle manière commence-t-il ses fonctions? Il devait s’entendre avec M. Lamothe pour nommer un troisième arbitre ; mais M. Lamothe ayant été choisi par
M. Giroud, M. Dorival voit en lui non pas un collègue, mais un adversaire, et il le
fait sommer par huissier de se trouver dans une auberge de la commune de Ju
meaux pour s’entendre avec lui. Pourquoi à Jumeaux ? M. Lamothe demeure au
château de Frugières, M. Dorival demeure à Souxillanges (1) ; n’était-il pas plus
convenable que l’ un des arbitres se rendît chez l’autre, pour conférer sur le choix
du troisième ? ¡Mais Jumeaux est la résidence de M. Gourcy ; M. Gourcy sera dans
l’auberge, il s’imposera comme troisième arbitre, si M. Lamothe vient ; et s'il ne
vient pas, M. Gourcy dressera procès-verbal. M. Lamothe a été absent ; d’ailleurs
il n’aurait pas voulu faire descendre la justice arbitrale dans une auberge :
M. Gourcy dresse donc son procès-verbal. Plus tard, M. Dorival et M. Lamothe se
réunissent. Ils ne s’accordent pas, ce qui n’a rien d’étonnant d’après la manière
dont M. Dorival avait entamé la correspondance. Le troisième arbitre est donc
nommé par le président du tribunal de comm erce, sur la présentation de M. Jo
zian. Quel est-il ? C'est d’abord un négociant qui ne croit pas devoir accepter.
C’est ensuite M. Couguet, jeune avocat qui accepte. La profession de M. Couguet
semblait être une garantie de son impartialité, sa nomination même était une rai
son de plus pour y croire ; M. Giroud fut donc péniblement affecté de voir qu’a
vant l’ouverture des débats, la division existait dans le tribunal arbitral, et y
formait d’avance une majorité composée de MM. Dorival et Couguet, et une mino
rité composée de M. Lamothe. Cette majorité ne cherchait pas même à se dissi
muler , elle débutait de la façon la plus brutale. MM. Dorival et Couguet faisaient
sommation à leur collègue et aux parties de se trouver devant leur tribunal; et ce
tribunal, ils déclaraient l’établir non plus dans une auberge, mais dans le cabinet
de M. Veyrines, agréé à Brioude et conseil de M. Jozian. Était-ce là de l’impartia
lité? était-ce môme de la convenance? Depuis quand avait-on vu des juges envoyer
des huissiers à leurs collègues? des juges assigner à leur requête? des juges
s’asseoir au foyer d’ une des parties ? Cette attitude prise par MM. Couguet et Do
rival effraya M. Lamothe et lui fit donner sa démission. C’est alors que M. Giroud,
usant d’un droit que la loi lui donnait, déclara que, puisque M. Lamothe se reti
rait, il demandait à êtrejugé par des magistrats, juges naturels de toutes contes
tations. fttait-ce légèreté, ca p rice, ou mauvaise foi de sa part? Non certes ; mais
I
(I) Soiiùllangt's «si h 8 lieues de la mine des lUrllws M. Jozian allait l>icn loin pour cherclior un arbitre.
�il voulait des ju g es, et il ne pouvait voir que des adversaires dans ces deux
arbitres qui, avant tout débat, se constituaient en m ajorité, proclamant leur
opinion par leur conduite hostile et partiale. La suite a prouvé que ces deux ar
bitres n’étaient en effet que les instruments aveugles des volontés de M. Jozian. On
les a vus, bravant tous les principes et toutes les considérations, se faire
juges de leurs propres pouvoirs, déclarer valable la clause illégale dont la nullité
était demandée devant un autre tribunal, s’imposer à M. Giroud, l’assigner eu xmêmes pour comparaître devant eux, le juger par défaut malgré ses protetations ,
et le condamner sans l’entendre à 566,000 fr. de dommages-intérêts ! Une sentence
aussi scandaleuse justifie assez'la répugnance que ses auteurs avaient inspirée à
M. Giroud. Une juridiction qui porte do tels fruits est elle-même ju gée; et désor
mais personne né peut blâmer M. Giroud de n’avoir pas voulu livrer sa fortune à
l ’omnipotence de MAI. Dorival et Couguet.
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P r o p o s it io n .
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La clause compromissoire est illégale et nulle.
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Cette question a été si souvent jugée depuis dix ans que, c’est perdre le temps
que la discuter encore. Ilsufütde lire les arrêts qui ont été rendus, et d’entendre
ceux qui se rendent chaque jour. Quand la jurisprudence est aussi complette, aussi
unanime,' aussi persévérante, son autorité vaut celle de la loi.
Kaut-il citer les arrêts ? Tout le monde les connaît, et leur nombre s’accroît
incessamment On rappélera seulement, par leur date, trois décisions rendues ii
la Cour de cassation, les 10 juillet 1843, 21 février 1844 et 2 décembre 1844. (Jour
nal du Palais, tome II, 1843, page 235, tome I, 1844, page 596 et tome II, 1844,
page 567). Le dernier de ces arrêts ayant, après cassation, renvoyé la question
devant la Cour royale d’Orléans, cette cour s’est réunie en audience solennelle ;
la question a été de nouveau considérée sous toutes ses faces, et la clause com pro
missoire s’est vue définitivement condamner par arrêt du 5 avril 1845. (Journal du
Palais, tome I, 1845, page 536).
Cette jurisprudence est fondée sur le texte et sur l’esprit de l’art. 1006 du Code
de procédure civile. Cet article veut que le compromis désigne les objets en litige
et le nom des arbitres à peine de nullité. Pourquoi ces énonciations? Est-ce pour
la forme qu’elles sont imposées à peine do nullité? Cette peine serait bien sévère
si le législateur n’avait en vue que la perfection de l’acte et sa régularité exté
rieure; mais il se propose un but plus important, c’est une garantie qu’il veut
établir contre la légèreté et l’ irréflexion. On renonce volontiers à ses juges natu
rels quand on n’a j^as de procès; on ne sait pas alors combien la position élevée
du magistrat, son institution publique, son impartialité notoire, son habitude à
�— 29 —
distribuer la justice, inspirent de confiance au plaideur honnête et opprimé ; on
ne sait pas combien il y a de sécurité pour le bon droit dans les formes mêmes de
là justice ordinaire, dans la publicité des plaidoiries, dans la signification des
conclusions, dans la solennité des jugements; on ne comprend tout cela que lors
qu’on a le malheur d’être appelé sur le terrain funeste des procès; mais tant que
cet accident n’est pas arrivé, la justice magistrale et publique apparaît de loin
comme une importune, à laquelle il faut se soustraire, et substituer, le cas
échéant, une justice domestique et bourgeoise. C’est ainsi que les clauses com promissoires se glissent dans les actes, et que les parties abandonnent d’avance
une institution dont elles ne comprennent pas l’utilité. Et, pourtant, quoi déplus
nécessaire qu’un bon juge ? quoi de plus rare, en dehors de la magistrature? où
trouver des hommes qui réunissent l’ indépendance du caractère au sentiment du
devoir, la science du droit au tact des affaires, le respect des principes aux tolé
rances de l’équité? où trouver des hommes qui soient dignes de prononcer sur le
sort de toutes les familles, de toutes les propriétés, de toutes les existences? Ces
hommes siègent dans les tribunaux ; une longue et religieuse éducation les a pré
parés à ce grand ministère ; et la justice qu’ils rendent chaque jour complette leur
initiation, et achève de les former à son image: C’est ainsi que la société pourvoit
à l’établissement de cette institution sur laquelle tout repose, et sans laquelle la
société elle-même ne subsisterait pas. Mais pour que cette institution ne fut pas
un vain nom, il fallait empêcher que, par des clauses irréfléchies et des formules
de style, on ne lui en substituât une autre. L’art. 1006 du Code de procédure a été
fait dans ce but. Il ne prohibe pas la juridiction arbitrale, il permet, au contraire,
de l’établir en désertant la justice ordinaire, mais il veut qu’une détermination
aussi grave ne soit prise qu’avec prudence et réflexion. Il ne suffira donc pas de
convenir que, le cas échéant, on sera jugé par des arbitres ; cette promesse vague
et banale n’obligera pas, il faudra nommer les arbitres, et désigner le point liti
gieux qui leur sera soumis. Alors, la liberté d’abandonner ses juges naturels ne
sera exercée qu’en connaissance de cause. On saura quels hommes on leur préfère,
et quels intérêts on soustrait à leur vigilance. Le compromis désignera les objets
en litige et le nom des arbitres, à peine de nullité.
Pour éluder cette loi salutaire, on a imaginé de dire qu’une clause compromissoire n’était pas un compromis; mais où donc est la différence? Un compromis est
un contrat par lequel on renonce à la justice publique pour lui substituer une
justice privée. Qu’est-ce qu’ une clause compromissoire? c’est la même chose, ou
ce n’est rien. C’est, dit-on, la promesse de faire un compromis ; mais si cette pro
messe a pour effet d’intervertir la juridiction, c ’est un compromis ; si non, quel
sera son effet? d’obliger à des dommages-intérêts? mais des dommages-intérêts
supposent un préjudice, et il serait assez difficile de prouver qu’ il y a préjudice
dans la préférence donnée aux juges publics sur des juges privés.
D'ailleurs, ki loi ne veut pas être éludée. Si la clause compromissoire énonce le
4I
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nom des arbitres et les objets en litige, elle est légale et obligatoire quelque nom
qu'on lui donne. Si elle ne contient pas ces énonciations, elle est illégale et nulle.
Or, une stipulation nulle ne produit pas d’action en dommages-intérêts, car ce
serait un moyen de la rendre valable. La loi ne veut pas qu’on renonce indéfini
ment à ses juges naturels. Elle ne permet la juridiction arbitrale que par exception
et dans de certaines limites ; ou ces limites sont observées, et dans ce cas la stipu
lation subsiste, et le tribunal arbitral s’élève sur les ruines de la juridiction 01 dinaire, ou elles ne sont pas observées, et alors il n’y a rien, pas même une action
en dommages-intérêts.
On dit qu’une clause compromissoire qui ne contient pas le nom des arbitres
n'est pas contraires, aux bonnes mœurs. Peut-être n’est-elle pas immorale, mais
il suffit qu’elle soit illégale. Les prohibitions de la loi n’ont pas seulement les
bonnes mœurs pour objet ; elles s’occupent aussi de prévenir les dangers résul
tants des actes irréfléchis. C’est ainsi que la loi défend les donations sous signa
ture privée, les procurations générales d’aliéner, les clauses de voie parée; la
convention par laquelle un débiteur dispense son créancier des formes de la procé
dure en cas d’expropriation, n’est pas non plus contraire aux bonnes mœurs, elle
paraît même favorable au premier aspect, car elle a pour objet d’éviter des frais
au créancier et du scandale au débiteur ; mais la loi la défend, car, sous cette
apparence, elle voit le suicide de la propriété. Il en est de même des clauses compromissoires qui ne contiennent pas les énonciations que la loi exige.
On objecte enfin que ces clauses vagues et indéterminées sont permises dans le
contrat d’assurance et dans le contrat de société ; mais s’agit-il ici d’un de ces
contrats? non; il s’agit d'une vente. Les contrats d’assurance et de société ont
leurs lois particulières et leurs tribunaux exceptionnels ; mais tout ce qui n’est pan
dans l’exception reste dans le droit commun.
Or, le droit commun, c’est la juridiction publique à laquelle on ne peut se sous
traire qu'aux conditions prescrites par l’art. 1006 du Code de procédure. Ces con
ditions sont la sauve-garde des droits les plus sacrés qui, sans cette précaution de
la loi, se trouveraient, par imprévoyance, livrés à tous les dangers d’ une juridic
tion privée, souvent aveugle, quelquefois partiale, et soumise aux plus fâcheuses
influences. La cause de M. Giroud en offre un exemple frappant. Il est condamné
par des arbitres à 566,000 fr. de dommages-intérêts, pour n’avoir pas livré à son
adversaire un emplacement de quelques mètres qu’il ne lui devait pas, et que
celui-ci pouvait dans tous les cas se procurer ailleurs à très peu de frais. Cette
décision monstrueuse est accompagnée des formes les plus étranges, usurpation
de pouvoirs, coalition de deux arbitres contre le troisième, sommations faites aux
parties par le juge lui-même, désignation d’ un lieu inconvenant ou suspect, enfin,
précipitation et acharnement tels, que, malgré la demande en nullité de la clause
compromissoire, ces juges sans qualité, condamnent sans entendre, tant ils sont
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impatients d’accomplir leur tâche. De tels abus justifient assez les précautions dé
la loi et les décisions do la jurisprudence. Si cette jurisprudence n’existait pas, il
faudrait l’inventer pour le procès actuel.
:i'
p r o p o s itio n .
Im nullité de la clause compromissoire n'a pas été couverte par l’éxécution
antérieure.
La nullité d’une clause compromissoire qui ne désigne ni le litige ni les arbitres,
n’empêche pas les parties de faire un compromis contenant cette désignation ;
alors le compromis est valable, quoique la clause compromissoire soit nulle. La
juridiction arbitrale est alors établie pour l’objet et devant les juges désignés au
compromis ; mais pour tout autre litige qui pourrait exister dans l’avenir, la
juridiction ordinaire conserve son empire. C’est ainsi, que par trois fois, la
juridiction arbitrale a été acceptée par MM. Giroud et Jozian. Les arbitres étaient
désignés, les parties ont consenti ù plaider devant eux. C’était un consentement
libre et réfléchi ; la loi était satisfaite.
Mais ce qu’on ¡.fait spontanément une ou plusieurs fois, est-on obligé de le
faire toujours? non; car la liberté consiste précisément à pouvoir faire ou ne pas
faire. On comprend d'ailleurs que la volonté change quand les circonstances sont
changées. M. Giroud a pu compromettre pour plaider à Paris devant des hommes
qu'il savait être honorables quoiqu’ils ne fussent pas infaillibles, mais quand il s’est
agi de plaider ailleurs et devant d’autres hommes, il a pu sans inconséquence,
préférer ses juges naturels.
On prétend que toutes les nullités des actes sont couvertes par 1exécution. C’est
dire en d’autres termes que tous les actes vicieux peuvent être ratifies. Or, cette
proposition n’est pas vraie. Il y a des actes qu'on ne peut pas ratifier; il y a des
nullités qu’on ne peut pas couvrir; l'art. 1339 du Code civil en donne un exemple,
line donation sous seing privé ne peut pas être ratifiée; une clause compromissoire
peut-elle l'être si elle ne remplit pas les conditions vwilus par l’art. 100G du
Code de procédure ? C’est ce qu’il faut examiner.
On a déjà dit qu’elle pouvait être convertie en un compromis qui désignant le
litige et nommant les arbitres constitue un arbitrage régulier. En ce cas la clause
sera ratifiée et deviendra obligatoire pour la contestation particulière qui est
soumise aux arbitres désignés. Mais sera-t’elle ratifiée pour l’avenir en ce sens
que désormais les parties soient obligées de plaider devant un tribunal arbitral
quoiqu’il n’y ait ni arbitres ni litige désignés? non, certes, car la prohibition de
loi subsiste. Si la loi défend de faire un pareil contrat, elle defend évidemment
�V*
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32 -
de le ratifier, la ratification équivaut à la convention, l’ une n’est pas pluspermise
que l’autre.
Il ne suffit pas qu’une obligation soit exécutée volontairement pour être ratifiée;
il faut, d’après l’art. 1,338, que l’exécution volontaire intervienne après l’époque
à laquelle l'otiligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée. Il y a donc
une époque où la ratification est impossible. Et en effet, tant qu’une incapacité
subsiste, l’incapable de contracter est incapable de ratifier : une femme m ariée,
un mineur ne peuvent, pendant le mariage ou la minorité, ratifier ies obligations
nulles qu’ils ont contractées. O r, l’incapacité de faire un acte que la loi défend,
estune incapacité perpétuelle. Ainsi la prohibition établie par l’art. 100G s’oppose
perpétuellement à la ratification d’une clause compromissoire qui ne contient pas
le nom des arbitres et l’objet en litige ; car les parties étant toujours incapables
de faire cette convention sont toujours incapable de la ratifier. La ratification
se trouverait infectée du même vice que la convention elle-même.
Mais, dira-t-on, si la clause compromissoire n’a pas pu être ratifiée pour l’avenir,
elle a pu être convertie en un compromis valable. O r, ce compromis existe.
M. Giroud l’a consenti et il ne peut s’en départir. C’est ce qu’ il faut examiner.
Est-il vrai qu’il existe un compromis, en vertu duquel JIM. Dorival, Couguet,
et Sabattier-C.asquet avaient été constitués arbitres-juges entre MM. Jozian et
Giroud? non, ce compromis n’existe pas; M. Giroud n’a jamais consenti it être
jugé par MM. Dorival, Couguet, et Sabattier-Gasquet. Il avait consenti à être
jugé par MM. Dorival, Couguet et Lamothe. Cela est vrai, mais M. Lamothe s’étant
retiré, ce consentement est devenu inutile. Dira-t-on que si M. Giroud avait
consenti à être jugé par M. Lamothe, il avait consenti à être jugé par tout autre?
non sans doute, car la confiance qu’ un arbitre inspire est toute personnelle.
Dira-t-on que lorsqu’ un arbitre désigné par le compromis n’accepte pas ses
fonctions, on peut s’adresser au j uge pour en faire nommer un autre ? cela est vrai
quand l’arbitrage est forcé; cela est faux quand l’arbitrage est volontaire. L’arbi
trage cesserait d’être volontaire si le choix des arbitres ne l’étaitpas. Dira-t-on enfin,
que M. Giroud était forcé de se soumettre à un arbitrage en vertu de la clause
compromissoire? ce serait supposer que cette clause était légale et obligatoire,
tandis que le contraire est démontré.
line dernière objection, à laquelle M. Giroud ne s’attendait guères, est celle de
la chose jugée. M. Jozian prétend que la clause compromissoire a été déclarée
valable, si non par un j u g e m e n t spécial, au moins par l’ensemble des jugement«
et arrêts intervenus entre les parties. Ces jugements et arrêts ne sont quo trop
nombreux, grâce à M. Jozian; mais dans le nombre, il no s’en trouve pas un seul
qui ait statué sur cette question, car cette question n’avait jamais été posée.
Or, une question qui n’a pas été posée peut-elle avoir été jugée? Une question
�qui n'est jugée par aucune décision qui lui soit spéciale peut-elle être jugée par
un ensemble de décisions qui lui sont étrangères? on parle cependant de chose
jugée. La chose jugée n’a lieu, dit l’art. 1351, qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet
du jugement ; il faut que la chose demandée soit la mêm e, et que la demande soit
fondée sur la même cause. Il faut donc, à plus forte raison, que la question ait été
posée; il n’y a donc pas de chose jugée sur une contestation qui n’a jamais été
soulevée.
Tout ce qu’on peut dire , c’est que pendant un certain temps les deux parties
ont été d’accord pour soumettre leurs différends à des arbitres. Des compromis
ont été faits et des jugements et arrêts ont été rendus soit pour nommer les
arbitres du consentement des parties, soit pour renvoyer devant les arbitres déjà
nommés. C'est ainsi par exemple que pendant la durée du premier arbitrage,
M. Jozian ayant formé devant le tribunal de commerce de Brioude une demande
en paiement de 50,000 fr. de dommages-intérêts, la cour royale de Riom décida
que cette demande devait être renvoyée devant le tribunal arbitral que les parties
avaient constitué et qui était actuellement saisi de leur différend. Mais la cour
royale de Riom n’a pas statué sur la nullité de la clause compromissoire, car
cette nullité n’avait pas été demandée.
«•
Plus tard, M. Giroud fut assigné en nommination d’arbitres devant le tribunal;
d’ Issoire. Il déclina la compétence de ce tribunal ; la cour royale de Riom
accueillit ce déclinatoire et renvoya la cause devant les juges qui devaient en
connaître. En résultait-il que la clause compromissoire était déclarée valable?
Enfin M. Giroud attaqua la nomination de deux arbitres, savoir : d’un M. Allézard
qui depuis a refusé sa mission, et deM. Couguet. Etait-ce pour nullité de la clause
compromissoire? non; c’était pour des motifs tout différents, que l a cour de Riom
a rejettes. Rien n’a donc été jugé sur la nullité de l a clause compromissoire.
Dira-t-on que la nomination de ces deux arbitres a été reconnue valable? cela est
vrai, mais deux arbitres ne suffisaient pas pour composer le tribunal arbitral ; o r ,
la troisième place ayant été donnée à M. Lamothe, M. Lamothe s est retiré; le
tribunal n’était donc pas complet, il n ’ e x i s t a i t donc pas de compromis désignant
trois arbitres qui acceptassent leur mission ; la clause compromissoire n’était
donc pas encore convertie en compromis, elle pouvait donc être attaquée.
Qu’on reproche à M. Giroud d’avoir critiqué à tort la nomination de M. Allezard
et de M. Couguet, ce reproche est juste, puisque M. Giroud a succombé; qu’on
l’accuse d'avoir voulu traîner l’arbitrage en longueur, ce reproche, quoique in
juste, a pu lui être adressé dans l’ignorance des faits ; mais qu’on prétende que
cas contestations incidentes ont eu la vertu de consacrer la validité d’une clause
dont la nullité n’était pas demandée, c’est ce qu’ il est impossible d’admettre.
•I est très vrai que M. Giroud ne s’est décidé que fort tard à invoquer la loi qui
5
�— 34 —
lui permettait de redemander ses juges naturels. Il est très vrai qu’il a respecté sa
convention, quoique illégale, jusqu’à la dernière extrémité. Il est très vrai qu’il
ne l’a contestée que lorsqu’il l’a vue devenir, dans les mains de M. Jozian, un ins
trument de fraude et d’iniquité; qu’en résulte-t-il? que cette clause a subsisté du
consentement des parties, tant qu’elle n’a pas été attaquée ; mais l’adhésion qu’elle
a reçue pour le passé, l’a-t-elle rendue valable pour l’avenir? non, car cette clause
contraire aux prohibitions de la loi n’était pas susceptible de ratification.
H faut donc reconnaître que la nullité n’a pas été couverte.
4 e P r o p o s it io n .
La demande en nullité a dû ftre portée devant le tribunal de la Seine.
L e tribunal de la Seine saisi de cette demande, s’est déclaré compétent par ju
gement du 2 décembre 18/|5. M. Jozian a interjetté appel, mais cet appel n’a pour
objet que de gagner du temps. M. Jozian voudrait que la justice prit pour le servir
deux allures différentes, qu’elle fut lente à Paris et précipitée à niom. Il sait bien
que la clause compromissoire doit être annullée, la jurisprudence ne lui laisse pas
le moindre doute., mais il retarde autant que possible cette décision inévitable, qui
sapera par sa base l’œuvre laborieuse de MM. üorival, Couguet et Sabattier-Gasquet! il voudrait que cette œuvre, amnistiée parle tribunal de lirioude, fut con
sacrée par la Cour royale de Kiom, avant de tomber à Paris sous le marteau de la
jurisprudence. En attendant sa chute, il posséderait un titre provisoire qu’il exé
cuterait, certes, sans rémission et sans quartier ; et quand il aurait encaissé,
M. G i r o u d pourrait obtenir des arrêts, mais non des restitutions.
En conséquence, M. Jozian décline la compétence du tribunal de la Seine ; mais
cette exception est repoussée par la loi, par la convention et par les conclusions
même de M. Jozian.
La loi veut que, lorsqu’il y a plusieurs défendeurs, la demande soit portée de
vant le tribunal du domicile de l’un d’eux, au choix du demandeur. (Art. 59 du
Code de procédure civile).
Il y a plusieurs défendeurs; car le marché du 30 novembre 1838 ayant été fait
avec M. Pezerat, il a fallu assigner M. Pezerat avec M. Jozian, son cessionnaire, pour
faire prononcer contre l’un et l’autre la nullité de la clause contenue dans
ce marché. lia môme fallu assigner les liquidateurs de M. Pezerat, pour procéder
régulièrement. Or, M. Pezerat et scs liquidateurs sont domiciliés à Paris. C’était un
premier motif pour saisir le tribunal de la Seine.
M. Jozian prétend quo M. Pezerat ne devrait pas être assigné parce qu’ il a cédé
son marché ; mais M. Jozian sc figure apparemment qu’ un marché qui contient des
�engagements réciproques peut se transmettre de main en main, sans laisser trace
de son passage. C’est manquer à la fois de mémoire et de réflexion. M. Jozian
devrait se souvenir que cette question a été agitée en 1840, et résolue par la sen
tence arbitrale du 17 ju in , qui a décidé que M. Pezerat devrait fournir un caution
nement de 54,000 fr. pour garantie du paiement de la houille, quoiqu’il déclarât
avoir cédé son marché. II. Jozian ne devrait pas oublier que cette décision a été
confirmée par la sentence arbitrale du 24 mai 1841, qui prononce queM. Pezerat
avait pu céder son marché, sauf l’accomplissement de la condition qui lui était
imposée par la sentence précédente, c ’est-à-dire en restant garant et en donnant
caution. D’ailleurs, si M. Jozian avait pris la peine de réfléchir sur la nature du
droit qu’il avait acheté, il aurait compris que M. Pezerat, étant obligé envers
M. Giroud, comme M. Giroud envers M. Pezerat, la cession faite par l’ un ne pou
vait pas le dégager envers l’autre, car si un créancier peut cédër sa créance, un
débiteur ne peut pas céder son obligation. Ainsi le marché' du 30 novembre 183!)
continue d’être obligatoire pour M. Pezerat. Il fallait donc appeler ,M. Pezerat
quand on demandait la nullité d’une des clauses de ce marché.
Quand même.M. Pezerat n’aurait pas été mis en cause, M. Jozian, son cessionnaire, n’aurait pu récuser la juridiction du tribunal de la Seine. Un cessionnaire
est tenu de toutes les obligations de son cédant ; il n’a pas plus de droit que lui.
Or, si le marché n’eut pas été cédé, le tribunal de la Seine était seul compétent.
Les deux parties contractantes étaient domiciliées à Paris, elles y avaient fait
élection de domicile, elles devaient y plaider en ,cas de contestation. Cette cir
constance avait pu n’être pas étrangère à la conclusion du marché. MM. Giroud
et Chevalier, domiciliés à Paris, avaient pu traiter plus volontiers avec M. Pezerat,
parce qu’il habitait la même ville, et qu’en cas de difficulté, c ’était à Paris qu’elle
se viderait. M. Pezerat a cédé son droit, mais a-t-il pu diminuer le droit de
.M. Giroud? a-t-il pu, par cette cession, obliger M. Giroud ù quitter son domicile
pour aller plaider devant un tribunal éloigné ? Le cessionnaire demeure à Brioude ;
il pouvait demeurer à Brest ou à Perpignan, M. Giroud sera-t-il obligé de l’y sui
vre? non, assurément; la convention n’est pas changée par la cession. Il n’y a
qu’ un nom mis à la place d’ un autre nom ; mais le contrat subsiste d’ailleurs dans
toutes ses dispositions.
M. Jozian l’a bien compris, car il a consenti à plaider devant le tribunal de la
Seine. Avant d’opposer le déclinatoire, il a prétendu que l’assignation qu’il avait
reçue était nulle pour n’avoir pas été remise à son domicile réel. C’était même le
chef principal de ses conclusions ; le déclinatoire ne venait qu’après, et comme
moyen subsidiaire. Il consentait donc à plaider sur la nullité de l’exploit devant le
tribunal de la Seine, et par là même, il reconnaissait la compétence de ce tri
bunal.
***! déclinatoire, qui n’a pas même été proposé in limine litin, n'est donc qu’ une1
�chicane imaginée pour retarder l’annullation de la clause compromissoire.
M. Jozian agit en tacticien. Il a surpris une condamnation inique ; il voudrait
qu’elle devint définitive à Riom, avant d’être renversée à Paris.
)
.»* P r o p o s it io n .
Il y avait lieu de surseoir à l'arbitrage, tant que la clause compromissoire n’avait
pas été jugée.
Aussitôt que la demande en nullité de cette clause eut été formée, M. Giroud la
aux prétendus arbitres. Que devaienWls faire? Cette clause était la base
de leurs pouvoirs. Si elle était nulle, ils n’étaient pas juges. Devaient-ils néanmoins
juger avant que cette clause fut reconnue valable? le pouvaient-ils?
d én on ça
En droit, ils ne le pouvaient pas, et en conscience, ils ne le devaient pas. Ils ne
pouvaient pas juger sans compromis. Or, la clause compromissoire était attaquée,
non-seulement au moment où ils se réunissaient pour juger, mais encore au mo
ment où l’ un d’eux, M. Sabattier-Gasquet, était nommé. Cette clause attaquée
était-elle cependant exécutoire par provision? Elle ne l’était pas entre les parties,
car l’exécution provisoire est un droit exceptionnel, c ’est le privilège de l’acte
authentique. Il ne s’agissait que d’une convention verbale. Or, une convention
verbale ne peut pas être exécutée lorsqu’elle est attaquée, à moins que le tribunal
saisi de la demande en nullité n’en ait ordonné l’exécution en cas d’urgence. Hors
ce cas la demande en nullité suspend l’exécution de l’acte; la raison en est simple.
li’exécutioQ des conventions ne peut être que volontaire ou forcée. L’exécution
volontaire n’a lieu que par la volonté de celui qui exécute; l’exécution forcée n'a
lieu que par le mandat de justice. Or, ce mandat n’est accordé qu’aux actes no
tariés ou aux jugements. Ainsi, la clause compromissoire n’étant pas notariée, il
suffisait qu’elle fut attaquée, pour que son exécution fut suspendue entre les par
ties ; mais à plus forte raison était-elle suspendue à l’égard des tiers. M. Jozian ne
pouvait pas déléguer à des tiers des pouvoirs qu’il n’avait pas. Les jugements euxmêmes ne sont exécutoires à l’égard des tiers que lorsqu’ils sont passés en force de
chose jugée. Les conventions n’existent pour les tiers que lorsqu’elles sont recon
nues par les deux parties; mais s’il y a contestation, il y a doute pour les tiers,
et quels que soient les droits réciproques des parties, les tiers ne peuvent que
s’abstenir.
Il fallait un compromis pour conférer à des tiers la qualité d’arbitres. Cet acte
indispensable existait-t-il? L'une des parties disait oui, Tautre disait non. Le procès
était pendant, et la nullité du prétendu compromis était prononcée d’ avance par
la jurisprudence. En cet état, ce qui apparaissait aux tiers c’étaient deux préten
tions contraires dont le jugement n’appartenait qu'au tribunal qui en était saisi.
�— 37 —
C’ était un débat dans lequel les tiers devaient rester neutres et attendre la décision
de la justice.
On remarquera d’ailleurs que la demande en nullité de la clause compromissoire
avait précédé la constitution du prétendu tribunal arbitral. C’est le 29 mai 1845
que cette demande fut signifiée à M. Jozian. Or le troisième arbitre a été nommé
le môme jo u r, sur la requête de M. Jozian , deux heures après cette significatidn.
Cet arbitre n’a accepté sa nomination que le 13 juin 1845. Les trois prétendus
arbitres n’avaient pas encore siégé, lorsque M. Giroud leur a fait dénoncer la
demande en nullité de la clause compromissoire, par exploit du 15 juillet 1845.
Enfin M. Giroud a constamment protesté contre ces hommes qui voulaient juger
quand leur qualité de juges était contestée.
il est de principe que les questions de compétence et de juridiction doivent être
résolues avant toutes les autres. Chaque procès a son juge qui lui est donné
par la loi; il faut savoir si on est devant ce juge avant d’exposer le procès. Quel
était le tribunal compétent entre M. Giroud et M. Jozian? Suivant M. Giroud c’é
tait la magistrature ordinaire ; suivant M. Jozian, c’étaient des arbitres. Il fallait
que cette question fut décidée avant tout autre débat. Or cette question était sou
mise au tribunal de Paris, et ne pouvait être soumise qu’à lui. Les prétendus
arbitres ne pouvaient prononcer sur leur propre compétence. Ils ne pouvaient pas
être juges de la clause compromissoire, car cette clause étant la source de leurs
pouvoirs, si elle n’était pas valable, ils n’avaient pas de pouvoirs. Ils se trouvaient
dans la même position que des arbitres forcés, en matière de société, lorsque
l’ une des parties demande non pas la dissolution de lasociété, mais la nullité même
de l’acte social. Dans ce cas, la jurisprudence a constamment décidé que les ar
bitres sont incompétents, ca r, dit M. Pardessus : il ne s'agit plus de l’exécution de
l’acte de société, mais bien de son existence. (Cours de dr. comm., tom. 4, pag. 70.)
Cette jurisprudence a été consacrée par de nombreux arrêts. On citera notam
ment un arrôt de la cour de Trêves, du 5 février 1810. (Joum , du Palais, 1" tom.
de 1811, pag. 46.) Et un arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 1821
( môme recueil, tom. 2 de 1826. pag. 20 ). En un mot, des arbitres ne peuvent
prononcer sur la nullité du compromis ; car pour prononcer, il faut d’abord qu’ils
soient arbitres, et pour qu’ ils soient arbitres, 11 faut que le compromis soit valable.
Mais d’un autre côté, ils ne peuvent juger quand leur compétence est contestée,
car le déclinatoire est essentiellement préjudiciel. Or il n’y a pas de déclinatoire
plus absolu que celui qui consiste à nier la juridiction. Les arbitres dont la juri
diction était niée devaient donc s’arrêter, et attendre que la question eût été réso
lue par le tribunal qui en était saisi.
Ces vérités ne sont pas seulement des maximes de procédure ; ce sont des ga
ranties nécessaires au droit de défense ; ce sont des institutions fondamentales
sans lesquelles l’autorité judiciaire, et tous les intérêts qu’elle abrite seraient
�exposés à de continuelles surprises. Que peut faire un citoyen appelé devant un
juge dont il conteste le caractère? Il oppose l’ incompétence. Toute autre défense
lui est impossible. Plaidera-t-il sa cause ? mais ce serait accepter la juridiction !
Se laisserait-il juger par défaut? mais ce serait donner raison à son adversaire !
Il n’a donc que le déclinatoire à opposer. Mais comme sa position lui interdit
toute autre défense, elle interdit aussi tout autre jugement. Le juge dont la com
pétence est attaquée ne peut pas juger le fonds. Comment le connaîtrait-il? par
les déclarations seules du demandeur, car le défendeur est réduit au silence. La
fortune d’une partie serait donc à la merci de l’autre, et la justice , frappant en
aveugle, ne serait plus qu’un instrument d’intrigue et de spoliation. Il faut donc
qu’elle s’arrête, quand son pouvoir est contesté. Il faut que la juridiction soit cer
taine pour que le débat puisse être contradictoire.
Il n’est pas nécessaire d’être jurisconsulte pour comprendre ces vérités. On voit
tous les jours des arbitres étrangers à la science du droit, porter à cet égard la
susceptibilité beaucoup plus loin. Par cela seul qu’ils ne sont pas acceptés par
toutes les parties, ils refusent de siéger. Un homme délicat n’ambitionne pas la
redoutable fonction de juger ses semblables ; mais quand elle lui est déférée, il ne
se contente pas d’examiner si son mandat est conforme aux lois de la procédure ;
il veut quelque chose de plus, il a besoin pour sa propre dignité de la confiance
de tous ceux qu’il doit ju g er, et si l’un d’eux la lui refuse, il se retire. Mais on
voit rarement des arbitres qui s’imposent, qui citent les parties devant leur propre
tribunal, et qui les jugent, malgré les protestations qui leur sont signifiées.
MM. Dorival, Couguet et Sabattier-Gasquet étaient décidés à juger M. Giroud. A
la bonne heure ! mais au moins devaient-ils attendre que leur compétence fût re
connue. Ce n’était pas seulement la delicatesse qui le voulait ainsi, c’était la loi.
ils n’étaient pas juges de la clause compromissoire, car ayant besoin d’un com
promis pour ju ger, ils ne pouvaient pas créer eux-mêmes la source de leur pou
voir. C’est pourtant ce qu’ils ont fait. Ils n’ont pas voulu attendre ; ils étaient
pressés. Ils ont donc rendu, le 29 août 18/i5, une sentence qui a déclaré que la
clause compromissoire était valable ; et quinze jours après, sans débat, sans con
tradiction , M. Giroud protestant qu’il ne pouvait se défendre, ils l’ont condamné
à 506,000 fr. de dommages-intérêts.
Pour excuser leur précipitation, on dit que leurs pouvoirs étaient près d’expi
rer , parce qu’il y avait bientôt trois mois qu’ils étaient nommés. Singulière excuse
pour des arbitres consciencieux l N’était-il pas mieux de ne pas ju g er, que de ju
ger sans entendre ? Mais s’ils tenaient à juger, ils pouvaient être tranquilles. Leur
caractère étant contesté, leurs pouvoirs étaient suspendus ; le délai de l’arbi
trage ne courait pas, quand les fonctions de l’arbitrage étaient paralysées. Dans
tous les cas, leur nomination eût été renouvelée. Mais quels juges que ceux qui
renversent l’ordre des juridictions, qui décident les questions qui ne leur sont pas
�— 39 —
soumises, qui condamnent les .absents à des dommages énormes, sur la foi d’ un
adversaire, le tout parce qu’ils veulent ju ger, et que leurs pouvoirs sont prè*
d’expirer !
Ils devaient donc surseoir. Ils le devaient en droit et en conscience.
P r o p o s itio n .
Dans tous les cas le tribunal <le Brioude devait surseoir à statuer sur l'opposition
à l'ordonnance iCexquatur.
Il est de principe que la même contestation entre les mêmes parties ne peut pas
être portée devant deux tribunaux différents. Ce principe est établi dans l ’intérêt
des parties qui ont assez d’un seul procès, et dans l’intérêt de la justice elle-même
qui pourrait se trouver compromise par deux décisions opposées. Si donc il arrive
que deux tribunaux soient saisis du même procès, la loi donne la préférence à ce
lui qui a été saisi le premier, le second est obligé de renvoyer la cause; et s’il
voulait la retenir, il y aurait conflit et nécessité d’un règlement de juges.
Il y a procès entre MM. Giroud et Jozian sur la validité de la clause compromis
soire. Ce procès a été porté devant le tribunal de la Seine, le 29 mai 1845. Ce tri
bunal s’est déclaré compétent par jugement du 2 décembre suivant; et malgré
l’appel interjeté pour gagner du tem ps, la compétence est évidente. Or la même
question se présente devant le tribunal de Brioude, sur l’opposition à l’ordonnance
d’exequatur. Il s’agit encore de la validité de la clause compromissoire. C’est
le même procès, entre les mêmes parties : une seule différence existe. A Paris, la
nullité de la clause est demandée par action principale. A Brioude, elle est de
mandée par voie incidente et avec d’autres moyens, pour arriver à l’annulation
de la sentence arbitrale.
Cette différence doit-elle faire fléchir le principe? Le procès sur la clause
compromissoire n’est-il pas exactement le même? Qu’importe que l’action soit
principale ou incidente? Le point litigieux n'est-il pas identique? Peut-il être
discuté autrement à liriotide qu’à Paris ? Qu’importe que la cause de Brioude pré
sente d’autres objets à juger? Cet entourage de questions différentes empêche-t-il
que la question particulière de la clause compromissoire ne soit la même à Paris
et à Brioude? Et si cette question était jugée parles deux tribunaux, n’y auraitil pas lieu de craindre l’inconvénient que la loi a voulu éviter? Il suffit d’indiquer
ces considérations : elles démontrent assez que les deux tribunaux ne peuvent
pas rester concurremment saisis du différend relatif à la validité de la clause
compromissoire.
Le tribunal de la Seine ayant été saisi le premier, il est évident que la compé-
�' *
— 40 —
f]0
^ i
tence lui appartient Mais elle ne lui appartient que sur cette question, la seule
qui soit portée devant lui. Le tribunal de Brioude était juge de l’opposition à
l'ordonnance d’exequatur, c ’était une contestation spéciale qui ne devait pas lui
être enlevée. Que devait-il donc faire? Renvoyer le jugement de la clause com promissoire, mais garder le jugement de la sentence arbitrale, etcomme|le sort de
la première pouvait influer sur le sort de la seconde, il devait surseoir à statuer.
Le tribunal de Brioude a rejeté le sursis. On cherche dans son jugement le motif
de ce rejet et on n’en trouve d’autre que cette, phrase étrange : « Attendu que tes
» parties de Vemieres (M. Giroud) ne produisent aucun acte, aucun exploit, ni
» procédure qui justifient celte articulation (l’existence du procès devant le tri» bunal de la Seine). » Ainsi le principe n’est pas méconnu, mais le fait a été nié;
M. Jozian a nié l’existence du procès pendant à Paris, et cette dénégation a déter
m i n é le tribunal de Brioude ii rejeter le sursis, et à passer outre.
M. Giroud devait sans doute justifier l’existence de la demande formée par lui
à Paris. Mais cette demande n’avait-elle pas été d’abord signifiée à M. Jozian ?
M. Jozian n’avait-il pas constitué avoué et plaidé sur cette demande? N’avait-il
pas même perdu son procès sur la compétence et interjeté appel devant la Cour
royale de Paris? De plus, cette demande avait été dénoncée aux arbitres. Elle
était rappelée dans le dire fait devant eux le 29 août 1845. On indiquait même
dans ce dire le jour et la chambre où cette demande devait être ju g é e , et
M. Jozian, dans sa réponse, n’avait pas contesté le fait. Comment donc a-t-il pu
le nier devant le tribunal de Brioude ? Et quelle est la moralité d’un homme qui se
permet de pareilles dénégations?
Dans tous les ca s, le fait de la litispendance est aujourd’hui constant, et l'excep
tion que le tribunal de Brioude a rejetée se reproduit devant la Cour royale deKiom. Il s’agit toujours de savoir si la demande en nullité de la clause compromissoire peut être jugée à la fois par deux tribunaux différents. La loi s’y oppose ;
elle veut que le premier tribunal reste saisi, et que le second se déssaisisse; en
cas de conflit, elle ordonne qu’ une juridiction supérieure interpose son autorité
pour statuer sur la compétence et pour prévenir la contrariété d’arrêts. Mais ce
cas ne se présentera pas. La Cour de Itiom reconnaîtra qu’elle doit surseoir à statuer
sur la sentence arbitrale, jusqu’à ce que la Cour de Paris ait statué sur la clause
compromissoire.
9* H ropoM ition.
En supposant que ta clause compromissoire fût valable, les arbitres ont excédé
leur pouvoir en prononçant sur des questions qui ne pouvaient pas leur être
ioumises.
Cette clause porte : « Qu’en cas de difficultés ou contestations au sujet des pré-
�» sentes conventions (le marché du 30 novembre 1838), elles seront jugées à Pa»ris et non ailleurs, à l’exception cependant de celles qui, par leur nature, ne
» pourraient se décider que dans la localité, par un tribunal arbitral, etc. »
Ainsi, c’est à Paris et non ailleurs, que toutes les contestations doivent être
jugées. Sont exceptées seulement les contestations qui ne pourraient se décider que
sur les lieux. Telle est la loi que les contractants se sont imposée.
Si cette clause ôtait obligatoire, si elle établissait un arbitrage forcé, cet arbi
trage ne pourrait avoir lieu que dans les termes où il est stipulé. C’est donc à Pa
ris et non ailleurs que devrait être établi le tribunal arbitral pour toutes les con
testations en général, et ce ne serait que par exception, et pour des questions
de localité que des arbitres pourraient être nommés à Brioude.
M. .Tozian demeure aux environs de Brioude; il aime les procès, et trouve fort
commode de plaider chez lui ; mais ses convenances ne peuvent nuire aux droits
de ses adversaires. Il voudrait faire croire que toutes les contestations quelcon
ques entre M. Giroud et lui sont des questions de localité. Il s’efforce de substituer
l ’exception à la règle et de transporter toute la juridiction à Brioude. Mais cette
tentative ne peut pas réussir. La convention est précise. On sait bien ce qu’il faut
entendre par des questions de localité. Ce sont les questions qui ne peuvent être
jugées que par l’inspection des lieux. Que M. Jozian fasse nommer des arbitres
à Brioude pour cette nature de questions, c ’est son droit ; mais toutes les ques
tions qui peuvent être jugées sans voir les lieux, et notamment toutes celles quj
tiennent à l’interprétation du contrat, à son étendue, à ses limites, à sa
résiliation, doivent être jugées à Paris et non ailleurs. Les arbitres de Brioude
n'ont aucun caractère, aucune qualité, aucun mandat pour s’en mêler.
Par exemple, si M. Giroud avait promis à M. Jozian de lui procurer un port con
venable pour déposer ses charbons, la question de savoir si le port est convenable
serait une de ces questions réservées à l’arbitrage exceptionnel de Brioude; car,
pour la décider, il faudrait voir les lieux. Mais si M. Giroud n’a promis qu’ un ter
rain tel quel, dans le port des Barthes, la question de savoir s’il doit un terrain
hors de ce port est une question d’interprétation qui ne peut être jugée qu’àParis.
Il en est de même de la question de savoir si M. Giroud doit livrer sur le carreau
de la mine ou sur le port. C’est encore l’interprétation du contrat II en est de
même, à plus forte raison, de la question de savoir si le refus de livrer sur le port
peut être assimilé à un refus absolu de livrer, et s’ il peut en résulter, soit la rési
liation du contrat, soit les monstrueuses condamnations prononcées par MM. Dorival et consorts.
Ceci entendu, quelles sont donc les questions que M. Jozian a soumises à ses arbi
tres de Brioude? on va les examiner suivant l’ordre et dans les termes où elles sont
posées par le point de droit de la sentence arbitrale.
�I ” Q u e stio n .
« üoit-on allouer des dommages-intérêts à Jozian et Sauret pour réparation du
> » préjudice à eux causé par le refus d’exécuter ta convention du 30 novembre
» 1838, depuis le jou r fixé par la sentence arbitrale du 6 juin 1843, pour la
» première livraison de charb on jusqu'au jou r que fixera ta présente sentence? »
Est-ce là une question locale? o u i, dira-t-on, car le refus d’exécuter la con
vention consiste à n’avoir pas fourni un port convenable. Or, la convenance du
port est une question qui ne peut se décider que par la vue des lieux. Mais avant
cette question, il y en aune autre, qui est celle de savoir si la convention oblige
M. Giroud à fournir un port convenable. M. Giroud soutient qu’il n’a pas fait cette
promesse vague et générale d’un port convenable, mais qu’il a promis un empla
cement dans le port qui lui appartient. Or, ayant mis la totalité de ce port à la
disposition de M. Jozian, il prétend qu’il a exécuté la convention. M. Jozian pré
tend le contraire; à la bonne heure; mais quel sera leur j'uge? c ’est une question
d’interprétation du contrat : c’est donc à Paris seulement qu’elle peut être j'ugée;
M. Jozian devait donc provoquer l’arbitrage à Paris, sauf à renvoyer devant le
tribunal exceptionnel de Brioude s’il s’élevait une question locale, comme celle de
la convenance du port, en supposant que les arbitres de Paris, interprètes de la
convention, lui eussent donné gain de cause.
V Q u e s tio n .
» Doit-on ordonner ijue dans te délai de quinzaine tes défendeurs seront tenus de
• commencer les livraisons ordonnées par la sentence du 6 juin 1843? »
C’est là, sans contredit, une question générale et non une question locale.
:t' Q u e s t i o n .
« Doit-on accorder des dommages-intéréts pour chaque jou r de retard? »
Même observation.
4 * Q u e stio n .
« Doit-on ordonner que le temps fixé pour ta durée du marché ne commencera
» à courir que du jou r de la première livraison ? »
Cette question est une des plus graves quiaiont pu être soulevées touchant l’in
terprétation de la convention. La durée du marché est fixée à 15 années à partir
�— 43 —
du 1" mars 1839. M. Jozian a demandé que le point de départ des 16 années fut
reporté à la première livraison qui suivrait la sentence. Ainsi au lieu d’expirer
en 1854, le marché devrait subsister jusqu’en 1860 environ. Que cette prétention
fut ou non fondée, il n’importe ; mais était-ce là une question'locale? Fallait-il
examiner les lieux pour la résoudre? Au contraire, n’était-ce pas essentiellement
une de ces contestations générales qui, d’après la convention, devraient-être jugées
à Paris et non ailleurs?
»* Q u e stio n .
a Doit-on, à défaut par les défendeurs, d'avoir commencé les livraisons dans un délai
n de quinzaine, comme aussi, dans te cas où, après avoir été commencées, elles
»
»
«
»
»
n
»
seraient interrompues pendant cinq jours consécutifs, après quinze jours d'interruption arrivée, soit par suite du refus des défendeurs, soit à cause de
difficultés provenant de leur fa it, ordonner la résolution de la convention du
30 novembre 1838, sans qu'il soit besoin d'autre jugement, et condamner tes défendeurs à des dommages-intéréts égaux en somme au chiffre d'iceux, calculés
à raison de 30 centimes par hectolitre pendant le temps restant à courir du
traité, à partir du refus de livraison ou de Cinterruption. »
Cette longue question n’est assurément pas de celles qui ne peuvent se décider
que dans la localité. Il s’agit d’ajouter à la convention une clause pénale en vertu
de laquelle M. Jozian, sous prétexte qu’on ne lui livre pas ce qu’ il refuse de rece
voir, pourra un jour exiger, au lieu de charbon, 540,000 francs de dommagesintérêts. Il s’agit de rendre M. Jozian maître de prononcer lui-même la résolution
du marché, quand il voudra, sans jugement, et sur la simple allégation d’une de
ces difficultés qu’il est si habile à faire naître. Il s’agit enfin de créer une disposi
tion réglementaire qui mette M. Giroud à la discrétion de M. Jozian. Mais quelques
iniquités que cette question renferme, pouvait-elle être soumise aux arbitres de
Hrioude? S’il y avait lieu d’introduire dans la convention une clause exhorbitante
qui n’y était pas, pouvait-on dire que c’était là une question de localité? NOn cer
tes. C’était donc à Paris qu’il fallait chercher les juges de cette question.
D’autres questions du môme genre avaient été soulevées par les conclusions de
M. Jozian. Il demandait par exemple une indemnité pour le cautionnement de
54,000 francs que M. Pezerat avait été obligé de fournir. Cette prétention dérai
sonnable n’a été ni admise ni rejetée par les arbitres de Brioude, mais elle n’en
était pas moins soumise à leur examen , quoiqu’elle fut évidemment du nombre
de celles qui d’après la convention devaient être jugées à Paris et non ailleurs.
Une sentence arbitrale est nulle quand les arbitres ont jugé sans compromis ou
hors des termes du compromis. Us n’apparait ici d’autro compromis que la clause
�— 44
—
compromissoire stipulée dans la convention du 20 novembre 1838. Ou cette clause
est nulle, et alors il n’y a pas de compromis, ou elle est valable, et alors il y a un
compromis qui établit deux arbitrages, l’ un à Paris pour toutes les questions gé
nérales, l’autre à Brioude pour les questions de localité. Le premier sera le tribunal
ordinaire et commun des parties, le second sera le tribunal d’exception. L’un de ces
tribunaux ne peut pas juger las questions attribuées à l’autre ; le juge d’exception
surtout doit s’abstenir des cas réservés aux juges ordinaires. Qu’ont fait les arbi
tres de Brioude? Ils ont jugé des questions générales. Y étaient-ils autorisés par
le compromis ? Non. Ils ont donc jugé hors des termes du compromis.
On prétend qu’ils y étaient autorisés par la sentence arbitrale du 6 juin 1843.
Il est vrai que les arbitres qui ont rendu cette sentence y ont inséré une dispo
sition ainsi conçue : Disons qu'à défaut, par Giroud et Cie, de livrer dans le délai
ci-dessus ("de quinzaine), les charbotis dont il s'agit dans les term es, facultatifs de
la présente sentence (relativement aux grosseurs), ils seront tenus, envers le sieur
Jozian, à des dommages-intéréts sur la quotité desquels nous renvoyons tes parties
à se faire juger dans la localité ; les renvoyons également à se faire juger dans la
localité sur les autres chefs de conclusions dépendant de ces dommages-intéréts. »
Cette disposition assez étrange a-t-elle pour effet de détruire l’économie de la
clause compromissoire, et de conférer aux arbitres de Brioude des pouvoirs que les
parties ne leur avaient pas donnés ? Ce serait un compromis d’un nouveau genre;
Mais il faut réduire cette disposition à sa juste valeur, c’est-à-dire à une déclara
tion d’incompétence. Un juge peut se déclarer incompétent, mais il ne peut pas
déclarer la compétence d’un autre ju g e , il renvoie la cause devant qui de droit
devant les juges qui doivent en connaître ; mais il ne l’attribue pas à tel ou tel
tribunal. La cour de cassation est la seule qui délégué la juridiction, mais c ’est
une prérogative qui n'appartient qu’à elle. Un juge ordinaire prononce sur les
demandes qui lui sont soumises, mais il ne donne pas de consultations, et il ne fait
pas de règlements. Lorsque la sentence du 6 juin 1845 a été rendue, ni M. Jozian,
ni M. Giroud n’avaient demandé le renvoi devant les juges de la localité. M. Giroud
offrait de livrer le charbon que la mine produirait, M. Jozian demandait des gros
seurs impossibles,sinon des dommages-interêts. Les arbitres ont fixé les grosseurs;
ils ont dit que M. Giroud serait tenu de livrer à peine de dommages-intérôts; et
s’ils ont ajouté que la quotité de ces dommages, et les questions qui s’y ratta
chaient, devaient être Jugées dans la localité, c ’est une opinion qu’ ils ont expri
mée, mais ce n’est pas un jugement qu’ ils ont rendu, car ils ne pouvaient pas,
d’oflice, transporter ainsi la juridiction.
Au surplus, de quelles questions leur sentence parle-t-elle? Des questions rela
tives à la quotité des dommages-intéréts et des questions qui s'y rattachent. Mais
les arbitres do Brioude ont statué sur des questions beaucoup plus graves. La
question de prolongation du marché jusqu’en 1800, ne touche ni de près, ni do loin,
�h la quotité des dommagcs-intéréts. La question de résiliation faute d’interruption
des livraisons pendant cinq ou quinze jours, est une question fondamentale, qui
n’a pas p u , sous prétexte de son peu d’importance, être enlevée aux arbitres de
Paris pour être attribuée aux juges exceptionnels de la localité. U est évident que
M. Jozian veut attirer toutes les questions dans son pays pour les faire juger par
ces arbitres qui lui montrent tant de dévouement. Mais il ne peut pas diviser la
clause compromissoire : l’invoquer pour établir un arbitrage , et la méconnaître
quand il s’agit du lieu de l’arbitrage et de la compétence des arbitres.
S' P r o p o s it io n .
Les arbitres ont prononcé après que les délais de l'arbitrage étaient expirés.
L’art. 1007 du code de procédure porte que si le compromis ne fixe pas de délai,
ia mission des arbitres ne dure que trois mois du jour du compromis.
11 s’agit de savoir ce qu’on doit entendre par ces mots : du jou r du compromis.
Quand 11 existe un compromis régulier, désignant les arbitres et le litige, la date
est fixée par l’acte ; mais quand il n’existe qu’un compromis irrégulier, en vertu
duquel des arbitres sont nommés plus tard, cette nomination formant le complé
ment du compromis, c’est du jour de cette nomination que le compromis existe,
si toutefois sa nullité n’est pas prononcée.
C’est le 29 mai 1845 qu’a été nommé M. Sabattier-Gasquet. MM. Dorival et Couguet avaient été nommés beaucoup plutôt. C’est le 13 juin suivant qu’il a déclaré
accepter sa nomination. Ainsi le compromis, en le supposant valable, a existé dès
le 29 mai 1845, ou au plus tard le 13 juin. La mission des arbitres ne durant que
trois mois du jour du compromis, elle devait expirer soit le 29 août, soit le 13 sep
tembre au plus tard.
La sentence arbitrale porte la date du 15 septembre 1845, et encore les arbitres
l’ont-ils antidatée, car ils ne l’ont déposée que le 8 octobre ; mais en admettant
cette date du 15 septembre, elle serait tardive, les pouvoirs étaient expirés depuis
deux jours, la qualité des arbitres s’était évanouie, ils n’étaient plus que de sim
ples particuliers, avocats, épiciers ou charpentiers. La sentence serait donc ren
due sans compromis, elle serait radicalement nulle.
Mais à plus forte raison faut-il la déclarer nulle, si elle n’a été rendue qu’au
mois d’octobre. Or, c ’est ce qui résulte d’abord de la date de l’enregistrement et
du dépôt C’est le 8 octobre qu’elle a été déposée ; mais si elle était rendue depuis
•e 15 septembre, pourquoi donc les arbitres auraient-ils tardé pendant vingt-trois
jours à )a déposer? Le délai pour l’enregistrement n’était que do vingt jours, com
�ment croire que les arbitres aient ainsi voulu exposer les parties à payer un double
droit, s’ils avaientpu déposer plus tôt? Ce n’est pas tout, tandis que M. Jozian pres
sait la décision des arbitres, M. Giroud suivait à Paris, sur la demande en nullité
delà clause compromissoire, et le 17 septembre, ce tribunalayant remis la cause,
M. Giroud demanda et obtint qu’il fut dit par le jugement de remise que toutes
choses demeureraient en état, c’est-à-dire, que l’instance arbitrale serait suspen
due. Huit jours plus tard une nouvelle remise fut prononcée avec la même injonc
tion. M. Giroud s’empressa de notifier aux arbitres ces deux décisions qui arrê
taient l’ardeur de leur zèle. Quelle fut leur réponse ? aucune. Mais si la sentence
avait été rendue le 15 septembre, il était tout simple de répondre à M. Giroud que
la sentence étant rendue, il n’y avait plus rien à suspendre. Il était naturel au moins
de déposer immédiatement cette sentence qui, après avoir été sjgnée, ne devait
pas rester plus de trois jours entre les mains des arbitres; mais elle n’était pas
rendue le 15 septembre, elle ne pouvait donc pas être déposée.
On dira peut-être que, si les arbitres avaient antidaté leur sentence, ils lui
auraient donné la date du 13 septembre, qui rentrait dans le délai du compromis,
et non celle du 15 septembre, qui excédait ce délai. Mais la fraude est presque
toujours accompagnée de désordre et de précipitation ; elle ne pense pas à. tout.
Il est probable qu’en datant leur sentence du 15 septembre, les arbitres n’ont
songé qu’aux sommations de suspendre qui leur avaient été signifiées les 19 et 2G
septembre; Us ont voulu seulement que leur sentence parut antérieure ù. ces som
mations. Ils n’auront pas pensé au délai de trois mois qui mettait fin à leurs pou
voirs. Ils ont commis un autre oubli fort grave. La loi veut qu’en matière d’arbi
trage, la partie défaillante ait un délai de dix jou rs, pour remettre ses mémoires
et pièces; ce délai doit être augmenté d’ un jour par trois myriamètres, quand le
défaillant ne demeure pas sur les lieux, il était donc de vingt-sopt jours pour
M. Giroud, domicilié à Paris. Une sommation lui avait été faite le 1 " septembre
18i5 pour faire courir ce délai; c’était donc le 28 septembre seulement que les ar
bitres pouvaient juger ; mais d’un autre côté, leurs pouvoirs expiraient le 13. Us
étaient donc dans une impasse, obligés de juger avant le 13, et ne pouvant juger
avant le 28. La difficulté était sérieuse; mais qu’importait à M. Dorival et à ses
collègues? les impossibilités légales ne les arrêtent pas; ils ne s’occupent ni do
leurs pouvoirs, ni de leurs devoirs; ilsjugent quand ils veulent, ils donnent à leur
sentence la date qu’il leur platt, et Ils la déposent quand il leur convient. Il
était juste quedans une œuvre aussi monstrueuse, le vice de la forme égalât l’ ini
quité du fonds.
Objectera-t-on que les pouvoirs des arbitres étaient suspendus par la demande*
en nullité de la clause compromissoire, et que le délai de l’arbitrage avait cessé
de courir? Mais alors les arbitres ne devaient pas ju ger; leur sentence est donc
nulle ou comme prématurée, si les délais étaient suspendus, ou comme tardive
si les délais avaient continué à courir.
�«• P r o p o s itio n .
i:
II n’y avait pas lieu à exécution provisoire du jugement.
Si l’on est étonné que le tribunal de Brioude ait consacré une pareille sentence
on est stupéfait qu’il ait ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel. En
principe général, l’appel est suspensif ; l’exécution nonobstant appel est donc
une exception qui n’existe que dans certains cas dont l’art. 135 du Code de pro
cédure contient l'énumération. On cherche parmi les dispositions de cet article
quelle est celle que le tribunal de Brioude a voulu appliquer ; mais il est impos
sible de la découvrir; le jugement ne l’indique pas; il donne seulement pour
motif les nombreux procès qui ont existé entre les parties, ce qui démontre, sui
vant le tribunal, la mauvaise volonté de Giroud, son désir de dénier toute juridic
tion, et d'éloigner l'exécution du marché du 30 novembre 1838. Ces,motifs sont
aussi dénués de vérité que de légalité. Ce n’est pas M. Giroud qui a cherché cons
tamment à éluder l’exécution du marché. Au contraire il a intérêt a ce que ce mar
ché s’exécute, il y trouve un bénéfice important, et il a fait des dépenses considé
rables pour réaliser ce bénéfice. On ne veut pas apparemment lui reprocher d’avoir
exigé une caution quand l’acheteur était tombé en déconfiture; c’était son droit, et
ce droit a été reconnu d’abord par les juges que les parties ont choisi, et ensuite
par les adversaires eux-mêmes. Mais aussitôt que cette caution lui a été fournie, il
a offert de livrer, et il a réclamé constamment et avec instance l’éxécution du mar
ché. Pourquoi donc le marché n’a-t-il pas’été exécuté? Parce que M. Jozian ne vou
lait pas de charbon ; parce qu’il avait voulu faire une spéculation aux dépens de
M. Giroud parce qu’en achetant les droits de M. Pezerat; il s’était flatté que
M. Giroud, pris au dépourvu, serait embarrassé pour livrer l’énorme quantité
de houille qu’il avait vendue; mais quand il a vu que la livraison était offerte, il
s’est jeté dans des chicanes sans fin , et c’est alors qu’il a voulu exiger d’abord que
l’Allier fut navigable, ensuite que le charbon eut une certaine grosseur, puis qu’il
fut livré au port, puis que le port atteignit une certaine élévation, et enfin que
10,000 hectolitres lui fussent mesurés en un jo u r; et mille autres prétextes à
l’aide desquels il s’est toujours dispensé de recevoir la marchandise et de la
payer. Et c’est M. Jozian qui accuse M. Giroud de ne pas vouloir exécuter le mar
ché du 30 novembre 1838 ! Un seul article de ce marché a été contesté par
M. Giroud : c’est la clause compromissoire. Mais quoique cette clause fut illégale
et nulle, M. Giroud l’a respectée tant qu’il a cru qu’elle serait observée loyale
ment Mais quand il a vu qu’on voulait abuser de cette clause, et (pie sous pré
texte d’instituer un arbitrage local, on entreprenait de le livrer au jugement de
trois hommes empreints do toutes les passions de ses adversaires, il s’y est
refusé, il a invoqué la loi, il a demandé des juges naturels, il s’est réfugié aux
�pieds de la magistrature. C’est là cette mauvaise volonté qu’on lui reproche et ce
désir de dénier toute juridiction. Mais pouvait-il accepter la juridiction de
M. Gourcy qui avant d’être nommé arbitre avait émis son opinion comme expert
choisi par M. Jozian? Pouvait-il accepter la juridiction de MM. Dorival et Couguet
qui s’étaient séparés de leur coarbitre M. Lamothe, parce que celui-ci n’avait
voulu siéger ni dans une taverne, ni dans le cabinet de l’agréé de M. Jozian?
Pouvait-il accepter la juridiction de M. Sabattier-Gasquet que M. Jozian avait fait
nommer arbitre, le jour même où il avait reçu la demande en nullité de la
clause compromissoire? M. Giroud pouvait-il avoir confiance dans ces trois
hommes qui avant de le juger le faisaient sommer par huissier! qui ne com
prenaient pas qu’un arbitre dont on conteste la qualité, doit avoir la pudeur de
s’abstenir provisoirement! qui décidés à tout, obéissant à toutes les injonctions
d’ uno partie, et bravant toutes les protestations de l’autre, ne se sont inquiétés ni
de la validité du compromis, ni de sa durée, ni de la lo i, ni des form es, ni de
la ju stice, ni de l’équité, pour passer outre au jugement d’un absent qu’ils
ont condamné sans qu’il pût se défendre, à un chiffre fabuleux de dommagesintérêts! Non, M. Giroud n’a pas voulu accepter leur juridiction. Et ce n’est n
par caprice, ni parlégéreté qu’à l’aspect de cette commission menaçante, il a
demandé à être conduit devant ses juges naturels.
Il y est aujourd’hui, et ses regards s’élèvent avec confiance et bonheur vers
cette magistrature noble et calme, instituée par la loi et environnée de la vénéra
tion du pays. Là se trouvent des hommes dignes en effet de juger les autres hom
mes. Là régnent l’impartialité, la prudence, l’amour de la justice, le respect de la
lo i, la conscience du devoir. Là sont réunis l'élévation du cœur, la supériorité des
études et la hauteur de la position sociale. Là se rencontre enfin la sauvegarde de
tous les droits, la publicité. Quel est le tribunal arbitral qui puisse se comparer,
pour les garanties, au moindre des tribunaux civils? quel est l’arbitre qui oublie
en jugeant, le nom de la partie qui l’a nommé? quel est le plaideur qui ne tremble
pas quand il songe que sa fortune dépend d’ un débat obscur entre trois hommes,
dont l’un est presque toujours son adversaire secret? Cependant la juridiction ar
bitrale fait illusion. On l’aime de loin, on la stipule d’avance, et on exclut
la magistrature quand on n’en a pas besoin. Mais qu’un procès éclate, et on ne
tarde pas à se repentir. Alors apparaissent les inconvénients de cette justice privée
qu’on a préférée sans la connaître. Cependant tous les arbitrages n’offrent pas les
mêmes abus, toutes les sentences ne ressemblent pas à celles qui a condamné
M. Giroijd.
M. Giroud supplie les magfstrats, dont il veut restef le justiciable, d’annuler et
cette clause compromissoire, dont en a fait un si déplorable usage, et cette sen
tence, dont sa ruine serait la conséquence. Il les supplie de remettre les parties
dans le même état qu’avant ce funeste arbitrage, et do ramener le débat à sa sim
�— 49 —
plicité originaire. Alors il s’agira seulement de juger si quelques mètres de terrain
que M. Giroud doit fournir à M. Jozian, pour déposer ses charbons, doivent être
pris dans le port des Barthes ou dans un autre port. Voilà, en effet, tout le pro
cès; voilà la source du demi-million octroyé à M. Jozian !
PIJON,
AVOCAT.
P A RI S IM P D E E M A RC A UG ET R UE B IC H ER 1 2
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Giroud. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pijon
Subject
The topic of the resource
transport fluvial
charbon
arbitrages
mines
asphalte
banqueroute
tribunal de commerce
ports
banquiers
génie civil
experts
jugement arbitral
marchandises
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour monsieur Giroud, propriétaire, tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de la société Giroud et Compagnie ; contre messieurs Jozian et Sauret, associés en participation, pour l'exploitation des droits cédés au sieur Jozian par le sieur Pezerat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Marc-Aurel (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1838-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
49 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3005
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3006
BCU_Factums_G3007
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53622/BCU_Factums_G3005.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainte-Florine (43185)
Pont-du-Château (63284)
Jumeaux (63182)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
asphalte
banqueroute
banquiers
charbon
experts
génie civil
jugement arbitral
marchandises
Mines
ports
transport fluvial
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53553/BCU_Factums_G2716.pdf
57969f4bf7b038a325c938a0c3848278
PDF Text
Text
MEMOIRE
EN RÉPONSE,
COUR ROYALE
DE RIOM.
CHAMBRE
Des Appels de Police
Correctionnelle.
COMPAGNIE DE MENAT,
En la personne des Gérans, appelans et
intimés ;
P our
la
CONTRE
"*Les Sieurs M O SSIE R et D A U B R Ê E , intimés et appelans;
ET ENCORE CONTRE
Les Sieurs DUMONT et DEROSNE, intimés;
N o u s publions notre défense, puisque le sieur Mossier le
veut. Nous eussions désiré l’éviter, dans le pays, même, où
réside la famille honorable à laquelle il appartient, et que nous
ne voudrions pas blesser ; mais il faut se défendre, alors qu’il
ne craint pas d’accuser avec une témérité sans exemple. Il taxe
ses adversaires d’un esprit de tracasserie ; il les montre comme
savourant le triste avantage de lui causer un grand préjudice,
paralysant toutes ses ressources, et retenant dans leur caisse, les
fonds qui lui sont dûs. Il semblerait à l’entendre qu’ils ne sau
raient goûter de plus grand plaisir que celui de lui faire du
mal. Il est impossible d’être plus inattentif dans scs paroles,
plus irréfléchi dans scs accusations.
Ces êtres haineux que le sieur Mossier désigne , sont deux
négocians recommandables de la ville de Clerm ont, dont la
�( 2 >
vie est publique, dont aucun précédent n’a fait suspecter là
plus rigoureuse délicatesse.
Ce sont deux hommes qui gèrent l’affaire d ’une Compagnie
de laquelle ils sont simples actionnaires, de même que le sieur
Mossier; qui avaient, conséquemment, le plus grand inte'rêt
à favoriser les opérations de Mossier , au lieu de les traverser ;
qui avaient un intérêt personnel à faire circuler des fonds, au
lieu de les retenir ; et q u i, aujourd’h u i , ne sont que les organes
de la Compagnie toute entière.
Ce sont deux hommes q u i, par bienveillance pour le sieur
Mossier, l’ont soutenu contre la masse des actionnaires, et lui
ont fait conserver, imprudemment sans doute, un titre que la
Compagnie voulait lui retirer ; deux hommes, enfin, qui n’ont
d ’autre reproche à se faire que d’avoir eu trop de confiance en
lui ;d ’avoir cru qu’il mettrait un vifintérêt à faire prospérer une
entreprise qui présentait à leur société des avantages immenses,
e t , par conséquent, à l’industrie une spéculation licite autant
que fructueuse, si elle eût etc bien dirigée.
Cet espoir s’est évanoui ; cette entreprise a etc étouffée dans
songerme; des fonds considerables y ont été perdus ; les ac
tionnaires ont vu disparaître tout cela. Pourquoi ?
Parce que le sieur M ossier, au lieu de ces connaissances qu’il
se targuait d’a vo ir, et qu’on lui supposait, n’y a porté qu’une
funeste et trop notable incapacité; au lieu de zèle , que de l’in
curie ; et qu’enfin , voyant, par expérience , que ni scs moyens
personnels, ni ses goûts, ni ses habitudes ne pouvaient s’ap
proprier à cette situation nouvelle, il cru pouvoir séparer ses
intérêts de ceux des actionnaires , et qu’après avoir manqué à
tous ses engagemens , et ne pouvant douter qu’il ne fût repro
chable , il a cru trouver une porte de salut, en faisant un procès
à la Compagnie dont il devait soigner les intérêts.
Ils s’était engagé à fabriquer et à livrer, h 9 fr. 5o cent., le
noir propre au raffinage, et à 20 fr. le noir propre aux couleurs ;
�( 3 )
;
il lui offre comme matière de choix, et il a voulu la contraindre
à recevoir, au plus haut prix convenu, tous les déchets de sa
fabrication ; des noirs fins, de la poussière, qu’il convient luimême n’être bonne à aucun usage, et qu’il a long-temps ven
due comme engrais. Il faut lui prendre et .lui payer 20 f r ., ou
tout au moins9 fr. o c. le quintal, cette matière inutile , pré
cisément parce qu’elle n’est bonne à rien. Telle est la préten
tion du sieur Mossier ; semblable à ce fondeur inhabile autant
qu’audacieux, qui, après s’être engagé à livrer du métal pur
et dégagé de tout alliage , venait en requérir le prix en offrant
des scories.
O ui, certes, il y a préjudice, et un grand préjudice ; mais
il est pour la Compagnie. La plus belle et la plus facile entre
prise a été p a r a l y s é e ; deux cent mille francs y ont été jetés
sans le moindre fruit, par des industriels, des ne'gocians, des
propriétaires, qui y avaient vu des avantagés publics et parti
culiers; et tout cela, nous ne craignons pas de le dire, p arla
faute du sieur Mossier, par une continuité de fautes lourdes,
grossières, par un manque total de volonté ; et il accuse ! et il
demande des dommages-intérêts !.... Il faut donc dérouler les
faits assez nombreux de ce procès, dont il oublie les uns , et
dénature les autres ; ils sont établis par des actes clairs et précis
par une correspondance qu’il ne peut pas récuser ; ce sont là
les sources où nous allons puiser. S i , comme nous le pensons,
les conséquences en deviennent accusatrices contre l u i , il ne
pourra s’en prendre qu’à lui-même et à son imprudence.
5
�(4)
FAITS.
Il y a quelques années qu’on découvrit à Menai un banc de
schiste bitumineux, que les chimistes crurent pouvoir appro
prier à la décoloration des sucres et sirops. L ’industrie s’en
empara; c’était une belle spéculation que celle de créer, en
concurrence du noir animal, une préparation meilleure, peutêtre , et à un prix de beaucoup inférieur.
L ’entreprise paraissait devoir réussir sans être sujette à
beaucoup de chances. Le banc était situé à dix minutes d’une,
roule royale, et il suffisait de le couper devant s o i, au niveau
de terre , sans avoir besoin de faire de travaux au-dessous du
s o l , ni de grands frais d’extraction. E nfin, la matière ne sem
blait pas exiger des préparations longues et hasardeuses. Il fal
lait seulement du soin et de l’attention pour la trier, la dégager
des pyrites, la faire calciner, et la réduire en poudre , soit
avant, soit après la calcination.
Le brevet d’inveiition fut obtenu, et la concession faite au
sieur Bergounhoux, pharmacien, puis elle passa dans les mains
des sieurs Chevarrier, Comitis et Cournon. Les concession
naires firent quelques essais sous la direction du sieur Mossier;
ils réussirent mal, et reconnaissant d’ailleurs qu’à eux seuls
ils ne pouvaient pas soutenir le poids d’une entreprise aussi
vaste, et qui ne pouvait être quelque chose qu’en la sortant
des bornes étroites où ils étaient obligés de l’enfermer , ils
pensèrent à la céder à une Compagnie, seul moyen de la faire
prospérer.
Une procuration fut donnée au sieur Mossier pour vendre
J’iinmeuble el leur privilège, au prix de n o ,o o o fr. Cette cessoin fut faite par Mossier aux sieurs Blanc et Guillaumon ; et
le i avril 1827, ceux-ci admirent le sieur Mossier, person-,
ncllcment, pour un tiers dans leur acquisition.
Les sieurs Blanc et Guillaumon établirent immédiatement
5
®
�( 5)
leur société en nom collectif sous la raison sociale, P. Blanc et
Guillaumon ; puis ils appelèrent des associés en commandite,
en émettant cent actions de 2,000 fr. chacune. Ces cent actions
furent remplies en très-peu de temps. Les sieurs Blanc et
Guillaumon en conservèrent vingt pour leur compte person
nel, et formant, d’ailleurs, le noyau derassociationenleurnom
collectif, ils en demeurèrent gérans. Le sieur Mossier abuse de
cette qualité pour les faire considérer comme de simples agens
d ’un caractère inquiet ettracassier, tandis qu’ils étaient et sont
encore les véritables propriétaires, intéressés plus que per
sonne à protéger tous les élémens , tous les moyens de pros
périté qu’on pouvait mettre en jeu pour faire réussir cette en
treprise.
Le mai, la société des actionnaires se constitua. Elle nomma
cinq de ses membres pour former le conseil d’administration.
Dans dette première réunion générale , on s’occupa du choix
du Directeur. MM Blanc et Guillaumont présentèrent le sieur
Mossier, qu’ils avaient déjà associé, pour un tiers, sinon à la
société en nom collectif, au moins à la concession. Ils doivent
dire ici qu’ils éprouvèrent beaucoup de contradictions de la
part de quelques actionnaires , spécialement des précédons
propriétaires, qui prétendaient avoir eu à se plaindre de son
peu d aptitude et de la mauvaise direction qu’il avait donnée
à l’entreprise. Les gérans objectèrent qu’il avait abandonné
une bonne pharmacie poür s’y livrer ; que lui ou les siens
avaient assez d’actions pour y être fort intéressés , etc.... ; on
transigea. Cela fut le principe delà détermination qui fut prise
le lendemain par le conseil d’administration, auquel était ré
servée la nomination des employés.
En effet, le ïo mai, le conseil, après s’élrc constitué, dé
clara inviter le docteur Bardonnet « à surveiller les diverses
» opérations chimiques que nécessiterait la préparation du
» schiste , en qualité de Directeur honoraire. »
arrêta que M. Mossier remplirait provisoirement les fonc
5
11
�(6 )
tions de Directeur , restant à M enât, se réservant de fixer les
appoinlemens, lorsqu'il nommera définitivement le titulaire.
E n fin , il créa deux emplois subalternes aux appointemens
de 1,200 fr. chacun.
est facile de voir pourquoi le Directeur ne fut nommé que
provisoirement; p ou rqu oi, à côté d’un pharmacien chargé de
cette direction, un médecin fut nommé Directeur honoraire
pour surveiller les opérations chimiques. C ’était évidemment
le résultat de quelques incertitudes sur l’admission du Direc
teur et sur la capacité du sieur Mossier. Les sieurs Blanc et
Guillaumon ne craignent pas qu’on leur objecte que les diffi
cultés étaient émanées d’eux.
Bientôt après, le sieur Mossier se rendit à Lyon pour y faire
confectionner un appareil en fonte, indiqué par M. B arruel,
pour diminuer la dépense du combustible, et séparer le corps
gras de la poudre décolorante, de manière à en faire de l’huile
à brûler.
A son retour, il fit construire douze fours à la fois, sans con
sulter personne, croyant sans doute au-dessous de lui de s’as
sujettir à un essai. Aucun d’eux ne put servir à rien ; et la
Compagnie perdit ,ooo fr. qu’ils avaient coûté. Il en fut de
même de l’appareil que le sieur Mossier ne put ni employer,
ni monter ; et ce fut encore une dépense inutile de 2,800 fr.
Enfin, les résultats furent tellement à l’inverse de ce qu’on en
avait espéré, qu’un grand nombre d’actionnaires demandèrent
la révocation du sieur M ossier, ou, pour mieux dire , la ces
sation d’un provisoire adopté par considération pour l u i , et
à la demande des gérans. On transigea encore ; on arrêta, sans
en faire registre, qu’on lui donnerait un Adjoint. On lui pro
posa l’un des actionnaires, recommandable à tous égards ; il le
refusa, sous prétexte que le caractère de cet Adjoint serait in
compatible avec le s ie n , et que ce serait une dépense inutile.
On attendit.
Quelque temps après, le mal empirant encore, on fit venir
11
3
�'^
de Lyon un homme intelligent et habitué à la préparation
du noir animal, un fabriquant dont 1’établissement avait été
incendié. Le sieur Mossier le reçut mal, et ne tarda pas à le
molester. Le second jour, il déclara aux gérans qu’il ne pou
vait pas rester. « Malgré le besoin que j’ai, leur dit-il, de ré
cupérer ce que j’ai perdu, je préfère retourner à L y o n , plutôt
que de vivre avec un homme à qui je déplais.» C ’est ainsi que
le sieur Mossier, méconnaissant les devoirs de sa position,
faisait prévaloir son esprit d’absolutisme , et un amour-propre
mal entendu. Les gérans s’en sont aperçus beaucoup trop tard,
et lorsque le mal s’était aggravé.
Pendant tout ce tem ps, des essais avaient été faits , le sieur
Mossier s ’en étant mis en peine, avait fabriqué des noirs de
belle qualité; des échantillons q u ’on trouva superbes, avaient
été obtenus et envoyés en divers lieux. C ’est à cette époque
-que se rapporte la lettre du sieur Bardonnel, dont on cite un
fragment à la page du Mémoire ; mais on ne montre pas ce
qu’ajoutait le sieur Bardonnet, comme moyen de réussir et
d’éviter la concurrence. Il disait :
« Il ne s ’agit plus que de suivre le procédé que j e vous aiin» d iqu é, et que je crois le plus sûr et le plus économique. Ne
» vous en écartez p a s, et soyez certain de voir bientôt notre
» noir convenablement placé dans le co m m erce.....................
3
» J’attends très-prochainement les échantillons que je vous ai
» demandés ; soignez-les bien, faites éventer la jleur, pour qu’il
» n ’y ait pas de gomme qui s’opose à la filtration de la clairce.
» I l ne faut ni trop fin , ni trop gros ; mais des grains bien
» égaux. » Saisissons bien ces dei'niers mots, nous aurons
les appliquer lorsque les faits seront un peu plus connus. C ’est
le sieur Mossier lu i-m êm e qui produit celte lettre, et en ar
gumente. Elle est d’ailleurs en harmonie avec les réflexions de
M. Barruel, qui avait fait une vérification attentive des lieux,
et fourni un rapport fort détaillé :
5
�(8).
« La mine est inépuisable , disait-il ; elle peut fournir jà
» toutes les parties du monde , quelque consommation qu’on
» en fasse. »
Mais il ajoutait : « Le procédé suivi jusqu’à ce jour pour
» la calcination est vicieux sous plusieurs rapports, tel que la
» construction des fours, etc.... Je ne balance point à conseiller
» de changer totalement le mode de fabrication.
» S i on exécute fidèlement le mode de préparation que j e vois
» indiquer pour le noir minéral, j’ose garantir que très-pro» chainement il jouira d ’uneréputation supérieure au meilleur
» noir d’os; de plus, on peut compter sur un placement im» mense.
» Le genre d’appareil que je propose, et dont je fais passer
» le plan, aura l’avantage d’être moins coûteux, etc., etc.»
Nous avons déjà parlé de cet appareil et du résultat.
Telles étaient les garauties et les heureux auspices sous les
quels on ouvrait cette branche d’industrie.
Bientôt des commandes furent faites aux gérans. La lettre du
sieur Bardonnet en a n n o n c e une considérable. Leur corres
pondant de Nantes vint à Clermont ; et sur le témoignage avan
tageux qu’il rendit de ces échantillons, ils firent fabriquer une
plus grande quantité. Plus tard, ils expédièrent sur les pre
mières places; Paris, Marseille, Lyon, Nantes, Londres , etc.
La suite des temps leur a prouvé combien ils avaient été induits
en erreur.
Toutefois , la Compagnie sentit qu’elle ne pouvait pas tenir
cet établissement en ré g ie , et malgré les espérances qu’elle
concevait, et la confiance excessive des gérans dans les soins
et l’habileté du sieur Mossier, elle prit le parti de se décharger,
moyennant un prix fixe , de fous les soins d’une régie et de
tous les hasards de la fabrication. Les gérans, en l’apprenant
au sieur Mossier, l’engagèrent à la prendre pour son compte.
Celte négociation fut préparée par une correspondance.
Dans une première lettre , du 1" juillet 1828 , le sieur
�( 9
M ossier, s’excuse sur les mauvais résultats obtenus dans le
principe. Ce n’était point sa faute, dit-il ; puis entrant dans le
désir de la Compagnie, il indique la possibilité de traiter avec
.elle. Les gérans lui avaient répondu et demandé qu’il fit des
propositions formelles. Nous devons avouer qu ’ils désiraient
de le voir charge de la fabrication ; ils étaient aveugles sur son
com pte, et ne pouvaient se rendre aux objections de plusieurs
actionnaires.
°
Il leur écrit, le juillet 1828 :
«Je m ’empresse de vous présenter les propositions que vous
m ’avez demandées :
» i° Je prends l’engagement de livrera la Compagnie, cha
que mois, une quantité de 60 à 200 milliers de noir pour
clarifier et pour couleurs, fabriqué, blutté, emballé et conduit
à Clermont et Vichy, moyennant 9 fr. les 100 kilogrammes ;
» 2° Chaque livraison sera soumise à l'essai de la personne
commise à cet effet par la Société. »
Nous ne copierons pas toute cette lettre, qui indique
d ’autres conditions , parce qu’elles se retrouvent dans le traité
dont nous allons rendre compte. Nous en parlons seulement
pour faire voir que les propositions ont élc bien entendues
par lui, puisqu’il les a méditées et les a faites lui-incine ; la
Compagnie s’élant bornée à les accepter. On y remarque, pour
la première fois, l’indication du noir pour couleur. C ’est que
le sieur Mossier avait cru pouvoir approprier à cet usage la
matière calcinée, et spécialement la partie la plus iinc, qui
était, par cela seu l, impropre au raffinage. N i trop gros, ni trop
f u i , avait dit le sieur Bardonnct. On verra comment le sieur
Mossier a réussi dans celtespéculalion. Elle est l’e point de dé
part et la cause principale du procès actuel. Au reste, nous
devons dire qu’en finissant, le sieur M o s s i e r repousse le désir
de quelques sociétaires, de lui donner un associé pour la f a
brication ; il se fonde sur la modicité des bénéfices. Toujours
est-il que scs propositions ayant élé acceptées , il fut passé
2
5
�( 1° )
cnlre les gérans et l u i , à la date du 7 août, le traité qu’il a
analysé dans son Mémoire. Avant d’y arriver, disons un mot
d’une déclaration par lui donnée dans l’intervalle. Elle répondra
peut-être aux reproches si vifs qu’il fait aujourd’hui aux gé
rans, en les accusant de ne lui avoir rien fourni de ce qu’ils
devaient fournir; elle est du i juillet 1828.
«Je soussigné, François Mossier, Actionnaire et Directeur
» provisoire de la Compagnie de Menât, promets de justifier
» de l’emploi de toutes les sommes que j’ai reçues jusqu’à ce
» jour pour le service de la Compagnie, et déclare que si,
» contre toute attente, lors.de la reddition des com ptes,il
» survenait quelques difficultés, je m’oblige à en garantir les
» gérans. » Au surplus, voyons le traité.
i° II s ’engage, moyennant g fr. par 100kilogrammes, de livrer
chaque mois à la Compagnie une quantité de trente à cent
milliers métriques de noir, pour clarifier et pour couleurs,
parfaitement calciné, bluüé, emballé, etc^
20 Chaque livraison sera soumise à l ’inspection et Fessaid'un
agent de la Compagnie, qui ên vérifiera Tétat ou le condition
nement.
3
Les autres conditions sont transcrites ou analysées au Mé
moire Mossier, sauf l’art. 11 , p a rleq u clil donne, en garantie
ses quatre actions qui seront inaliénables jusqu’à l’entier ac
complissement des conditions stipulées ; il est donc inutile de
les répéter.
Sans examiner autre chose en ce m om ent, retenons bien, de
ce traité , que les noirs devaient être propres pour clarifier et
pour couleurs; que lui, Mossier, chargé.dc les fabriquer,de
vait les livrer parfaitement calcinés etbluttés, et qu’avant de
les recevoir, la Compagnie avait droit de les soumettre à l ’essai
d un agent, nommé par elle.il serait difficile, dès lors, dépenser
que la Compagnie dût prendre tout ce qu’il plairait à M o s s i e r
de fabriquer , n’importe que la matière offerte ne pût s e r v i r
ni à clarifier, ni à faire des couleurs. On voit bien q u ’ e l le avait
�voulu sc décharger de tous les risques de la fabrication ; de
tous les inconvénierfk'de la régie ; el que livrant la matière
• prem ière, et payantTe noir fabriqué suivant le prix convenu,
elle avait le droit d’exiger du noir parfaitement propre à rem
plir son objet, sans avoir à se mêler désormais de la fabrication,
si cen csl pour en faire l'essai et en vérifier îe conditionnement. Il
est clair, enfin , que si le conditionnement n ’était pas*conforftie
à l’usage auquel le noir était destiné par l’acte même ; si Pessai
n’était pas satisfaisant, elle ne serait pas obligée de le recevoir.
Il est im p o s s ib l e s reculer devant cette proposition, à moins
qu’on ne soit résolu à nier l’évidence.
Remarquons, toutefois, que ce traité fut passé immédiate
ment après l’époque où des-échantillons satisfaisans (superbes
disait-on), avaient été fournis par le sieur Mossier, et où les
gérans avaient raison suffisante d’espérer quelque chose de
lui. C ’est ce que nous confirme la délibération du conseil
d ’administration, qui approuve le traité fait par les gérans. On
y lit ce préambule :
« Un grand nombre d’essais ayant été faits, soit sur latnanière
» la plus économique de fabriquer le noir de schiste, soit sur
» les résultats que devait donner ce noir , convenablementfa» brique, on a acquis la certitude que les obstacles qui s’op» posaient à l’admission de la matière dans les rafineries ,
» étaient vaincus, et que, dès lors , il ne restait plus qu’à se
» livrer à une fabrication étendue.
» Divers marçhés à livrer ont été conclus sur les échantil» Ions envoyés par les gérans.
» Pour satisfaire aux demandes faites et à celles qui pour» ront survenir, M. Mossier, Directeur provisoire, a fait di» verses propositions ; elles ont été débattues en conseil d ad» ministration. Des bases ont été arrêtées; et, d’apres ces
« bases, les gérans ont conclu, avec M. Mossier, le traité
» suivant, qui a été pleinement approuvé par MM les Admi» nislrateurs, comme le moyen le plus propre d’atteindre le
2.
�(
1 2
} -
» buFproposé. » Le traité est ensuite trjyjscrit littéralement.Par suite de ces espérances , conçues’iwr tout le monde , à
la suite des échantillons q u ’avait fournis îe sieur Mossier, et •
des succès qu’ils avaient e u s , la Compagnie voulut étendre les.
élémcns de préparation. Elle acheta, près de Clerm ont, un
moulin pour faciliter à la fois les moyens de moudre, blullcr et
emballer , £t, aussi, la surveillance et le droit de vérification
réservé par le traité aux agens de la Compagnie. Elle livra'
cette usine au sieur Mossier, chargé de toutes ces opérations
par l ’arL i er. Une autre délibération approuv^^ette opération,.
à la date du i " septembre 1828.
Nous avons vu, dans le traité , que le sieur Mossier pro
mettait livrer du noir propre aux rafineries et aux. couleursi
Quelles pouvaient être la force et les conséquences de cfette
promesse? Il est facile de les déterminer, 'et il est utile de les.
envisager, dès à présent, pour bien comprendre ce qui va
suivre..
•
La Compagnie n’avait d’abord supposé à la matière d’autre pro
priété qüc celle du r a f f i n a g e , c o m m e l e t é m o i g n e n t s o n prospec
tus et Ses délibérations précédentes ; mais, appropriera la fabri
cation des couleurs.cc qui ne serait pas bon pour les rafineries,
c’était un moyen de tout utiliser; et, sous ce rapport, un avan
tage pour la société. Le sieur Mossier en ‘offrit la promesse ,
et 011 en accepta l’engagement. Toutefois, cela ne pouvait pro
duire qu’un seul résultat. Si après avoir fourni du noir propreau raffinage et r e c o n n u , tel /îprès l'essai , le sieur Mossier
fournissait encore du noir propre aux couleurs, et qui fut re
connu bon , la société devait les recevoir. S’il ne pouvait en
fournir de cette dernière espèce, mais seulement de la pre
m ière, elle devait s’en contenter. Enfin, s’il ne fournissait
rien du tout, il s’élevait une autre question. Cela pouvait
naître des défauts de la matière ou de ceux de la fabrica
tion.
Le premier cas était peu probable : on ne pouvait même
�(i3)
pas le supposer. Les résultats avantageux, obtenus en dernier
lieu et agréés par les propriétaires des raffineries, avaient dû
rassurer la Compagnie et lui donner la plus grande confiance.
Toutefois , supposé que cela arrivât, et que le sieur Mossier,
sans une faute grave, ne pût pas obtenir de produits con
formes à son engagement, c’était un malheur commun , une
fausse spéculation établie sur des bases erronées, où la Com
pagnie devait perdre ses frais d’achat, de construction , tout
son matériel et ses dépenses, et le sieur Mossier ses frais de
fabrication. C ’était lui, après to u t, qui pouvait le moins s’en
plaindre, car, pharmacien par état, choisi, par cette raison ,
comme Directeur provisoire dès le principe , il avait tout
connu, tout calculé, et s’était chargé, en pleine connaissance
de cause , de fabriquer et fournir à un prix convenu. C ’était
donc son avis, e t , par-dessus to u t, sa promesse écrite qui en
gageait la Compagnie dans des dépenses énormes, pour réa
liser une espérance qu’elle avait pu concevoir , qu’il avait
confirmée après ses expériences, et qu’il s’était engagé à réa
liser. Certes, il n’aurait pas pu se plaindre s i , dans une pareille
position , la Compagnie s ’était résignée à perdre tout ce
qu’elle avait jeté dans cette entreprise, en se réduisant à re
fuser à Mossier le prix d’une matière qu’il ne pouvait pas lui
fournir comme il s’y était engagé ; car elle ne lui doit que le
prix de celte matière, et elle ne peut le devoir que lorsque
Mossier Ja livrera parfaitement propre ou à clarifier, ou aux
couleurs, et lorsque scs propriétés auront été constatées par
la vérification et l'essai des agens de la Compagnie.
Dans h; second cas , et supposé que la faute provint du
sieur Mossier, ou de son inconduite, ou de son défaut de
soin, ou d’une mauvaise fabrication, la Compagnie, qui lui
avait tout livré, moyennant promesse de fournir de'la matière
parfaitement fabriquée , avait le droit de le rendre responsable
du dommage qu’il causait par une faute grave.
Enfin, si la Compagnie, manquant à scs engagemens, et à
�( 14 ]
fournir ce qu’elle avait promis, oubliait ses propres intérêts
jusqu’à entraver la fabrication et à la rendre impossible ; sup
position tellement ridicule que l’esprit la repousse tout natu
rellement , il y aurait eu à voir si Mossier, à son tour, ne pou
vait pas réclamer indemnité.
Voilà, indubitablement, le résultat immédiat de la conven
tion faite entre les parties. Nous aurons donc à faire , d’après
les faits matériels du procès , l’application de l’une ou l ’autre
des règles que nous venons de reconnaître. C ’est pour cela
q u ’il faut porter une grande attention sur des faits que le sieur
Mossier s’efforce de travestir.
Nous pouvons, dès à présent, remarquer que le noir propre
à clarifier devant être ni trop gros, ni trop fin , comme le porte
la lettre du sieur Bardonnet, il restait après le moulage ,
bluttage, etc, une plus ou moins grande quantité de matière
ou trop fine , ou trop grosse, et plus spécialement trop fine
pour y être employée. C ’était un véritable déchet, comme il
en résulte d e toutes e s p è c e s de préparation des matières
brutes. O r, ce déchet était plus ou moins f o r t , suivant que la
fabrication était plus ou moins soignée ; et nous verrons plus
tard, que le sieur Mossier , qui s’en plaint, y a pris si peu
de soin , y a mis si peu d’attention , que par son propre fait,
ce déchet est devenu fort considérable, proportionnellement
aux résultats obtenus. Les expériences faites pendant que la
fabrication était en régie , jointes aux avis de MM. "Bergounh o ux, Lecocq et Darcet, avaient convaincu les gérans que le
noir fin se dissolvait dans le sirop , et qu’au lieu de clarifier
il noircissait ; ce noir fin devait donc être rejeté. Cela seul pro
duisait habituellement un déchet de plus de trente pour c e n t ,
qui devient plus considérable lorsqu’on fabrique mal.
Le rapport de M. Barruel apprenait qu’une expérience
faite d'après son procédé, lui avait produit sur. cent parties de
schiste :
�Noir mineral
58
H u ile ............................................................................
7
Sulfate d’ammoniac....................................................
i 1/2
66 1/2
Le déchet était donc d e ............................................
33
ip
Encore fallait-il des préparations chimiques; fort soignées.
C ’est précisément ce déchet que Mossier avait espéré rendre
propre aux couleurs. Il en avait communiqué l’espérance à la
Compagnie ; elle avait agrée sa proposition de le livrer pour
cet usage, et avait contracté l’engagement de le lui payer au
même prix que le noir à clarifier, lorsqu’il le livrerait parfai
tement fabriqué; mais là s’arrêtaient les obligations de la Com
pagnie; et c’était, à coup $ûr, l’affaire du sieur Mossier, d’exé
cuter ce qui était convenable pour approprier aux couleurs ce
qui ne serait pas bon pour clarifier. Jusques-là on ne lui devait
rien pour cette matière inutile; c’était à lui à s’en défaire, et
à la placer à son grc, comme il l’a fait long-temps, en la ven
dant pour engrais; il est vrai qu’alors on ne la lui payait pas
g fr. le quintal métrique.
Toutefois, remarquons encore que le sieur Mossier avait
conçu fort légèrement cette espérance. Il avait cru qu’il suffi
sait que le noir fut beau, et que la poudre fût fine. Cela aurait
été fort commode et très-p'eu couteux pour lui : ses bénéfices
eussent été énormes, car, sans rien ajouter à ses frais de fa
brication , les déchets eussent autant valu que la matière choi
sie ; mais il était dans l’erreur. Il fallait pour cela quelques
préparations chimiques, quelques précautions qu’il 11c prît
pas, que vraisemblablement il ne connaissait pas ou ne savait
pas employer. Huit mois se passèrent, pendant lesquels, tou
jours présomptueux par suite de sa confiance en lu i-m ê m e ,
toujours négligent et peu soigneux, il n’obtint que des résu!-
�(
1
6
}
.
tats fort au-dessous de ce qu’il avait fait espérer ; des noirs
imparfaits, dont le prix et les frais de transport, payés par la
Compagnie , sont restés en pure perle pour elle.
Une correspondance assez suivie, sur les principales villes
manufacturières de France, témoigne de l’aclivité des gérans
et de l’inutilité de leurs efforts pour placer ces noirs livrés
par le sieur Mossier, et expédiés sur tous les points.
A Bordeaux , après avoir fail Fexamen , on a reconnu , diton , (jue cette qualité de noir ne pouvait réellement convenir.
A Marseille, il est infiniment au-dessous de ceux qu’on em« ploie. Six persones différentes l’ont employé en regard d’ un
j> essai de leurmatière accoutumée. Le résultats été, chez tous,
y> que leur noir a la propriété de dessécher plus promptement
» l’huile, et de faire un plus beau.vernis, tandis que celui-là
j> produit un noir mat.... Vous nous obligerez, ajoute la lettre,
» de nous autoriser, de manière ou d’autre, à nous débarrasser
» de celte matière, ainsi que de celle de voire envoi .précé» dent, qui est pire , et dont nous ne pouvons rien tirer. »
A Lyon , des caisses d'échantillons de noir ont été remises
à huit maisonfc différentes. « Tous les ont fait essayer........
» Aucun n’en a été content. Tous ont tenu le même langage ;
»> qu’il était trop lourd ; que la qualité leur importait moins
» que la légèreté..... Les dilficullés sont insurmontables, etc.»
E videm m ent, le noir mat et la pesanteur ne pouvaient venir
que d’un défaut de fabrication ; de ce que l’huile n’était pas
bien extraite; et de ce qu’on ne suivait pas les procédés de
M. Barruel ; mais le sieur Mossier a-t-il jamais écouté per
sonne ?
Partout ailleurs il en fut de même. Cependant, la Compagnie
avait reçu., depuis le 2 août 1828 jusqu’au mois d’avril 1821),
29,708 kilogrammes de noir à clarifier, et 9,061 kilogrammes
de noir fin , donné par Mossier comme noir à couleur. Enfin ,
il lui en avait vendu 4
kilogrammes pour engrais, non
compris celui livré à des tiers ; et il a tellement raison d’ac
,^ 3
�17 )
cuser les gérans de malveillance, q u e , d’une p a r t , ils lui
passèrent plus de trois mille francs pour les frais de nourri
ture q u ’il avait faits pendant sa régie; et qu’au 2 mai 1829, ils
étaient en avance à son égard de 6,600 fr., comme le témoi
gnent ses comptes courans chez M. Blanc.
Quoiqu’il en soit, on sentit le besoin de prendre des pré
cautions d’une autre nature ; car le traité passé avec Mossier
n’empêchait pas la surveillance ; au contraire, elle devenait
plus impérieuse , par la force même du traite. Or, il était de
venu nécessaire, pour qu’il fût exécuté convenablement,
qu’un homme habile fût adjoint au sieur Mossier. Le sieur
Daubrée se présenta; le sieur Daubrée, industriel de profes
sion , et apportant avec lui la réputation d ’un homme instruit
dans ces matières. U n trailé fut fait avec Mossier et l u i , le
7 avril 1829. Il faut encore le bien connaître. Le sieur Mossier
en a rendu compte aux pages 7 et 8 de son Mémoire. On peut
s’y reporter, on peut même s’arrêter un instant sur les préeau lions qu’il prend, avant tout, pour montrer le but et l’esprit,
soit de ce traité, soit de celui qui l’avait précédé, conventions,
d it-il, qui ne pouvaient s'entendre que de noirs tels qu'ils avaient
été fournis ju sq u ’alors par le sieur Mossier..... Tels que celui
dont les échantillons avaient paru superbes.
Il est facile de réduire cette augmentation à sa véritable va
leur.
O u i , si les noirs étaient bons et de recette ;
N o n , s’ils ne l’étaient pas.
O u i, s’ils étaient conformes aux échantillons trouvés sui*îon, s’ils ne l’étaient pas.
Observons d ’ailleurs que, d’une part, les noirs reçus pré
cédemment par la Compagnie, mais rejetés du commerce, ne
pouvaient être un engagernenl pour l ’avenir ; et qu’il suffisait
au sieur Mossier qu’elle ne prétendît pas répéter le prix de
celte matière inutile, qu’elle avait reçue et payée avec trop de
3
�(
»8
)
confiance; sans que cela pût l’obliger à subir à jamais de pa
reilles deceptions.
E t en second lie u , la réception faite par les gérans dans un!
temps où il n ’y avait qu'une régie, sous la direction provisoire
du sieur Mossier, ne pouvait plus être un exemple, après
des traités faits pour éviter les inconvéniens graves dont on
avait fait l’expérience.
Le sieur Mossier ajoute quYZ s ’associa le sieur Daubrée.
Est-ce qu’il nierait que cette association fut exigée par la
société, dans l’intérêt de tous? Cette mesure, il faut le dire,
était devenue nécessaire pour soutenir une entreprise qui
tendait à se perdre, isolée dans ses mains; et qui s’est à peu
près perdue, parce que cette condition a été violée.
Quoiqu’il en s o it , et malgré la mésaventure du noir à cou
leurs , il fut encore la première stipulation du traité. Les gé
rans eussent été imprudens , sans doute, d’en favoriser encore
la spécvdation, si elle eut été faite par régie, aux frais de la
Compagnie. L ' é p r e u v e paraissait suffisante; mais ils ne cou
raient aucun risque à promettre de l’accepter lorsque les en
trepreneurs le leur livreraient propre à l’usage auquel on le
destinait, et il était parfaitement libre à ceux-ci d’en courir la.
chance.
Toutefois, il fallut faire entendre que les pertes précédentes
étaient provenues d ’un défaut de prévision ; que la préparation
de ce n o i r e x i g e a i t des procédés chimiques, des frais qu’on
n ’avait pas pu faire jusqucs-là , par la fixation d’un prix trop*
rabaissé ; les entrepreneurs s’engagèrent à le fabriquer au prix
de 20 fr. les 100 kilogrammes ‘r et ils demandèrent une augmen
tation o c. sur le noir à clarifier. Ces propositions furent ac
ceptées , quoique beaucoup plus onéreuses, et quoique le
bail de Mossier eût long-temps à courir.
5
Le traité fut rédigé fort clairement L ’art. 1" fixe, comme
nous l’avons d i t , les prix, de la marchandise fabriquée aux
�(
>9
)
frais des entrepreneurs, et qu’ils devront fournir, t e s expres=
sions dont on se sert sont remarquables :
• g fr. o c. pour noir propre au raffinage ;
20 fr. pour le noir propre aux couleurs.
L ’art. 2 porte qu’ils seront conformes aux échantillons ca
chetés , déposés entre les mains des gérans ; et on se récrie ,
en disant que l’échantillon du noir propre aux couleurs n’a ja
mais été déposé. Qu’importe ? ce n’était pas sans doute la
Compagnie, ni les gérans , qui devaient confectionner cet
échantillon , et eux seuls pouvaient se plaindre de ce que les
entrepreneurs ne les avaient pas fournis. A u surplus, on en
voit facilement la raison. On n’était pas du tout fixé sur la cer
titude de cette fabrication pour les couleurs. Si elle ne réussissait
pas, comme nous l’avons dit, les entrepreneurs et la Com
pagnie se trouvaient quittes là-dessus, et personne n’eut pu
penser, en lisant ce traité, que les entrepreneurs y trouveraient
un prétexte de faire prendre à la Compagnie tous les noirs
qu’ils n’auraient pas pu rendre propres au raffinage , quoi
qu’ils ne fussent pas propres aux couleurs. Telle est pourtant
l ’absurdité que le sieur Mossier avait conçue, et avec laquelle
il lui eut été facile de s’enrichir, au détriment de la société ;
car il eut eu intérêt à ne fabriquer que très-peu de noir gros,'
qui ne lui était payé que g fr. o c . , et à faire beaucoup de fin ,
à augmenter les rebuts, q u ’il eût fait payer 20 fr ., précisément
pareequ ’ils n’eussent été bons à rien. C ’est ce q u ’il osa pré
tendre durant un arbitrage, dont nous parlerons plus tard ; et
s’il ne l’ose plus aujourd’h u i, il demande encore qu’on lui paye
tout au même prix , soit le bon , soit le mauvais ; en sorte qu’il
serait de nul intérêt qu’il fournît de bonne ou mauvaise ma
tière ; qu’il serait inutile à la Compagnie d’avoir fait un traité,
de faire une vérification, et de soumettre les produits à l'essai.
Autant vaudrait pour elle , en séparant le bon et le mauvais ,
tout pèsera la fois, sans distinction; expédier lebon, et garder
le mauvais pour en faire du fumier, en payant l’un et l’autre.
5
5
�(' 20 )
Nous ne transcrirons pas ce traité ; mais nous sommes obligés
de relever les clauses essentielles.
Les art. 2,
déterminent plus spécialement les qua
lités du n o ir , la vérification , l'essai, les qualités à fournir.
L ’art. 8 porte que le noir livré sera livré payé chaque mois ;
que s’il reste incomplet, par faute de constructions, il pourra
être fait aux entrepreneurs, sur l’avis du conseil d’administra
tion , telles avances, qui seront évidemment couvertes par la va
leur des noirs aliénés. Nous aurons à appliquer cet article à un
moyen qu’invoque le sieur Mossier, qui s’est plaint du défaut
de construction d’un hangard.
Les art. 9 et 10 doivent fixer l’attention:
« Tous ics engagemens contractés par les entrepreneurs ,
» concernant l’exploitation , leur seront personnels , et rien ne
» pourra être réclamé par des tiers à la Compagnie. »
Pour la garantie du présent bail, ils laisseront en dépôt,
chez M. blanc, quatre actions inaliénables ju sq u ’à fin de bail
cl reddition de compte.
Pourquoi toutes ces précautions ajoutées à la faculté de vé
rifier et d’essayer, si on devait tout prendre sans choix?
Par l ’art. 1 1 , Mossier et Daubrée s’engagent à payer la
ferme du moulin, les contributions de Clermont et Menât;
Par l’art. 12, les gérans leur abandonnent un sixième des
bénéfices de gérance, qui leur étaient passés par la Compagnie,
outre le tiers déjà cédé à Mossier. Ils font donc un sacrifice
personnel pour obtenir l’adjonction du sieur Daubrée.
Par l’art, i/f, on accorde aux entrepreneurs un droit de com
mission sur les ventes.
Trois pour cen t, pour les noirs à raffiner ;
Six pourcent, sur les noirs à couleurs;
On voit que des avantages beaucoup plus grands étaient faits
aux entrepreneurs par ce nouveau traité , et il est évident que
la Compagnie qui aurait pu exiger l’accomplissement des con
ditions beaucoup plus douces, stipulées p a r l e b a i l d e M ossier,
4
5
�( 21 )
ne consentit à en accepter de nouvelles qu’à raison de l’asso
ciation du sieur Daubrée, qui seul, pouvait les exiger; elle
avait donc intérêt à la présence de cet associé ; au moins est-il
évident qu’elle croyait en avoir un fort grand , et qu’elle mettait
plus de prix à sa participation qu’à toutes les promesses’ du
sieur Mossier. Aussi, en trouve-t-on des traces dans l’art. 16,
où, après ^avoir dit que le décès de l ’un des deux entrepre
neurs entraînerait la nullité des traités, on ajoute:
« Si M. Daubrée prédécède, M. Mossier ne pourra continuer
» lentreprise que du consentement des gérans et adminisira» teurs. Le cas arrivant de M. M ossier, Usera loisible à M. Dau» brée de continuer, en s ’adjoignant un de ses frères, ou, àdé» faut, il sera tenu , comme dessus, d’obtenir le consentement
» des gérans et des administrateurs. »
Pourquoi ces précautions absolues à l’égard de Mossier , si
on avait confiance en lui? Serait-ce, comme il l’a dit, par la
seule raison qu’il n’avait pas de frère? Mais alors, pourquoi
annuler un traité suffisant avec lui, et accepter des conditions
plus onéreuses, à raison de l’appel d’un tiers ?
Le sieur Mossier répète ici, page 10, ce qu’il a dit sur la
qualité des noirs , à l’occasion du premier traite ; il le déve
loppe davantage, en disant qu’il n’y avait eu jusque-là aucune
distinction entre le noir gros et le noir fin , que l’un et l’autre
sont propres aux raffineries, et qu’on les a reçus pendant plu
sieurs années. Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit ;
et nous observerons seulement que la Compagnie n’a jainâis
refusé de recevoir les noirs propres au raffinage, et qu’elle n ’est
pas obligée à les recevoir autrement*. Nous ne devons pas
omettre de rappeler la délibération du conseil d’administra
tio n , qui approuve ce traité; elle démontrera mieux encore
l’esprit dans lequel il avait été fait.
« Les gérans de la Compagnie de Menât, ayant pensé que
» l'adjonction et. la j>arùcipation d'un Jiornrne expérimenté dans
» le genre d ’affaires que nécessite l’établissement de l ’usine
�■'C: 0
( 22 )
» de M enât, ne pourrait être qu’extrêmement utile à eux ci
» aux actionnaires, se sont mis en rapport avec M. Daubrée,
» ancien raffineur de sucres , chez lequel diverses expériences
» avaient été faites sur la puissance décolorante des noirs, et la
» manière dont ils devaient êtrefabriqués. Il en est résulté le traité
suivant, auquel MM. Besse, Prévost, Bardonnet, Roddeet
» Cournon, ont donné leur approbation, comme membres du
» Conseil d ’administration. »
Ces signatures, en effet , terminent la délibération. Cela ne
laisse aucun doute sur le but et la cause de ce traité, qui n’avait
pour objet que le noir propre à la décoloration ou raffinage.
Après ce traité, le sieur Daubrée fit Un voyage à Lyon pour
tacher de donner du crédit aux noirs à couleurs. Par une lettre
du io avril, il rend compte des objections qu’on lui a faites
et qu’il a vérifiées : Ce noir est trop lourd, on le regarde comme
supérieur pour les peintures à fresque ; mais *il faut employer
quelques moyens chimiques pour lui enlever de son poids; enfin,
il est intimement convaincu qu’on doit réussir en changeant le
mode de fabrication,
Dans une seconde lettre du i avril, il parle des essais qu’il
a faits avec des négocians pour obtenir plus de légèreté ; ils
ont parfaitement réussi ; il ne s'agit plus que de les répéter en
grand pour établir le coût de l'opération. Il va se rendre le plus
tôt possible à Clermont.
Il est donc évident qu’il y avait à améliorer la fabrication
par des moyens chimiques ; qu'il fallait en changer le mode ;
qu’il l’àvait essayé; qu’il allait revenir à Clermont pour cela ;
que , dès lors , il n’était*plus un simple voyageur, comme le
dit M ossicr, mais la cheville ouvrière de la fabrication.
Peu nprès , il fut passé, le i" mai 1829, un traité pour la
vente, avec un sieur Dumont. Il en a été rendu compte aux
pages iü et 11 du Mémoire M ossicr.Dum ont, dit-il, avait in
venté un procédé qui rendait le noir gros préférable au noir
fin ; mais il prenait une partie de noir fin ( un septième). Les
3
�(a3)
gérans se réservaient de prendre le surplus. Donc, dit-il encore,
le noir fin était propre à cet usage ; donc, tous les noirs, indis
tinctement,, devaient être reçus par la Compagnie.
Belle conséquence! Le sieur Mossier n’a-t-il donc pas lu
dans ce traite que si Dumont s’obligeait à prendre un septième
du n o ir, dit noirfin, il ajoutait : à raffinerie, parjaitementpurgé
de la poussière impalpable, propre à la décoloration des sirops P
N ’a-t-il pas compris que si les gérans se réservaient de vendre
le surplus, c’était toujours du noir propre à la décoloration,
et dans l’esprit de leur traité avec Mossier , qui les obligeait
à prendre, à g fr. o cent., les noirs propres à rafinerie? Cela
voulait-il dire : tous les produits, tous les noirs indistinctement ;
soit qu'ils fussent ou non propres au raffinage?
Au reste, remarquons que les gérans vendaient seulement
18 fr. les cent kilogrammes de noir rendus à Paris. On voit que
jusque-Jà les bénéfices n’étaient pas considérables, en dédui
sant d e s i 8 f r ., i° 9 fr. ocent.; 2°les frais de port ; °l'intérêt
de la mise de fonds.
5
5
3
Au reste, un fait se place à cette époque, et n’est'pas du tout
indifférent.
C ’est le lendemain, 2 mai, que Mossier régla son compte
avec le trésorier de la Compagnie, et que le trésorier se trouva
en avance à son égard de 6,600 fr. A cette époque il existait dans
le magasin plus de 800 quintaux métriques de l’espèce de noir
qui fait aujourd’hui l’objet du procès. On le demande: si celte
matière, qui eût été en valeur de 7,600 fr., eût dû être à la
charge de la Compagnie, Mossier se fût-il reconnu débiteur
de 6,600 fr ., sans réclamer qu’on le reçut en payement? Ce
n ’est pas seulement de son silence que nous tirons cet argu
ment , car le même jour il donna une déclaration qu’il a reti
rée depuis, et qui est encore attachée à son dossier ; elle est
ainsi conçue :
« Je déclaré devoir à M. P. Blanc, trésorier de la Coinpa» gnic de Menai, la somme de 6,600 f r ., qu’il m'a avancéc
�.
(
2
4
}
yy sur les livraisons de noir que je dois faire à la Compagnie
» toutes les livraisons faites ju sq u ’à ce jo u r , ayant été réglées et
» payées par le trésorier. »
A u reste, c’est un fait utile à constater, que le 2 mai 1829 ,
les gérans étaient en avance de 6,600 f r ., par suite de la faci
lité que le sieur Blanc avait donnée au sieur Mossier de
prendre des fonds dans sa maison sur sa seule signature. En
rapprochant cette circonstance de l’art. 8 du traité du 7 avril,
où, dans le cas d’insuffisance de construction, les gérans ne
s’obligeaient qu’à des avances de fonds, et encore à condition
qu elles seraient évidemment couvertes par la valeur des noirs
calcinés , on pourra apprécier les diverses déclamations du
sieur Mossier. D ’ailleurs, une assemblée générale, du 8 juin,
approuva tous les actes passés , soit avec D um ont, soit avec
Daubrée et M ossier, et fixa les dépenses faites jusqu’alors à
192,596 fr. On voit que la Compagnie n’avait pas craint de
faire des frais pour son entreprise. O r , une partie notable de
celte somme avait clé employée par le sieur Mossier ; il n’a
vait donc pas été en souffrance, comme il le prétend ; e t ,
d ’ailleurs, il ne s’en était jamais plaint; il n’avait rien réclamé
qu’o n n ’eûtfaitou qu’on ne l’eût autorisé à faire à l’instant même.
Ici se place un acte fort extraordinaire, que les gérans et la
Compagnie ont ignoré long-tem ps, et qu’on avait pris grand
soin de dissimuler. Le sieur Mossier le dissimule encore en
quelque sorte ; il le j elle hors de sa date, et se borne à en
dire un mot à la page i , comme d’un acte indifférent dont il
avait oublié de parler.
Il y avait à peine trois mois que les gérans avaient passé le
traite du 7 avril 1829, qu’ils avaient fait des sacrifices consi
dérables pour obtenir l’association du sieur D aubrée, et sou
obligation de concourir à la fabrication , lorsque les deux en
trepreneurs détruisirent , à part eux, cette convention, qui
était principale pour la Compagnie. Ils le firent par un acte du
16 juillet 1829.
3
�( a5 )
L ’harmonie n’avait pas régné long-temps. Le sieur Mossier,
toujours absolu , toujours entiché de lui-même, voulait, à tout
p rix, faire prévaloir des idées que le sieur Daubrée n’adop
tait pas. Sa prétention à tout diriger pouvait devenir dange
reuse pour le sieur Daubrée. L ’expérience de celui-ci, sa pré
sence , sa participation , étaient fort incommodes au sieur
Mossier, qui ne voulait pas qu’on changeât le mode de fahrica
tion , car il n’y a jamais de bien fait que ce qu’il fait. Aussi, ne
tarda-t-il pas à prétendre que leurs caractères ne pouvaient
sympathiser (c’est ce q u ’il avait dit et prouvé à tout venant) ;
e t , cTailleurs, la manière d ’opérer de M. Daubrée , ses plans ,
ses projets, ne s ’accordent pas avec les miens, disait le sieur
Mossier , s’il faut s ’en rapporter à une copie de lettre qui est
jointe à son dossier, comme ayant été écrite aux gérans, le
28 juin 182g. Il résulterait aussi de cette lettre , que M. Dau
brée proposait de se charger seul de la fabrication, en don
nant une indemnité à Mossier ; que les gérans favorisaient
cette proposition , qui entrait dans les vues de la Compagnie,
puisque croyant ne pouvoir réussir avec Mossier tout seul, elle
avait acheté, par des sacrifices, l’adjonction du sieur Daubrée ;
puisqu’elle regardait avec lui comme convenable de changer le
mode de fabrication ; mais comment faire admettre cette con
cession à la vanité et à l ’entêtement ? Le sieur Mossier préféra
sacrifier ses intérêts à son amour-propre; et sentant bien que,
ni les gérans, ni la Compagnie, ne consentiraient à l’accepter
une troisième fois comme Directeur ou Fabricant unique , il
dégoûta tellement le sieur Daubrée; que celui-ci ayant trouvé
à faire une autre spéculation qui lui souriait davantage , ils
rompirent ensemble toute association. Il f a u t voir encore celte
nouvelle convention.
Le préambule est une précaution oratoire , une simple fic
tion.
Les deux entrepreneurs n'entendent nullement rien changer
aux conditions du traité du 7 avril, en ce qu'elles ont d ’obliga-
4
�( *6 )
lion de leur part envers les gérans, mais prévenir des contestalions dans leurs attributions.
i
Suivent les conditions privées de ces Messieurs :
Toutes les conventions relatives à la fabrication du noir, au
matériel de l’établissement, restent personnelles à M. Mossier,
qui promet renvoyer indemne M. Daubrée de toutes pour
suites intentées , à défaut, par M ossier, de livrer les quantités
de noir demandées , ou des marchandises mal fabriquées. Yoilà
l ’art. i". C ’est ce qu’on appelle ne rien changer aux conven
tions faites à Fégard de la Compagnie, alors qu’elle avait fait
tant de sacrifices pour appeler Daubrée à la fabrication, et ne
pas avoir, comme précédemment, des marchandises mal f a
briquées.
Par l’art. 2 , Daubrée se charge de faire toutes les tournées
pour le compte de la Société : donc, ce n’était pas là l’unique,
ni le principal objet des gérans en l’appelant à Menât. C a r , en
ce cas, il n ’y avait pas besoin d’un nouveau traité pour l’y ré-,
duirc.
Daubrée se réserve, par les articles suivans , l’indemnité
de o
et de irancs, sur les ventes de chaque espèce de noir ;
les droits de commission, accordés par l’art. 14, sauf 2 francs,
qui sont laissés à Mossier; on lui laisse enfin l’avantage de
toutes les autres stipulations du traité du 7 avril, spécialement
la moitié des bénéfices de gérans, qui lui restent en totalité.
Enfin, par l’art. , pour se mettre d’accord avec le préam
bule, on stipule qu’on écrira aux gérans une lettre qui n’a
jamais été écrite, et qu i, vraisemblablement, ne devait pas
l ’être.
,25
3
8
On voit que chacun fit sa part sans s’inquiéter des intérêts
de la Compagnie. La répartition des bénéfices lui eût été fort
indifférente, si le sieur Daubrée fut resté chargé de la fabri
cation ; mais il l’abandonna immédiatement. Le sieur Mossier
sc débarrassa d ’un homme qui l’incommodait, pour lequel il
avait de l’anthipathic; et le sieur Daubrée porta son industrie
�*7
, (
)'
dans la nouvelle fabrique de sucre de la plaine de la Vaure i
sauf à laisser la Compagnie et la fabrication du noir embarras
sées de la présence du sieur Mossier , livré à lui-m êm e et à
l ’orgueil insupportablè de ses prétentions.
Le sieur Dumont avait fait des demandes de noir assez
fortes ; les gérans l’annoncèrent aux entrepreneurs par lettre
du août. Ne s’occupant que des noirs à clarifier, seul et pri
mitif objet de la spéculation, ils leur demandent de fournir
une quantité déterminée de noir à clarifier. Tout est à remar
quer dans cette lettre , d’ailleurs fort courte.
Elle est écrite à MM. Mossier et Daubree: « Conformément.
» à Fart. de notre traité du 7 avril dernier, nous avons l’hon» neur de v o u s prévenir que nous avons besoin de 80,000 kilo» grammes, chaque mois, de noir propre à la décoloration des
» sucres, dont la grosseur ne devra pas excéder la toile n° o ,
» ni dépasser, pour la finesse, la toile n° 100, c’est-à-dire,
» conforme à l'échantillon cacheté avec M . D um ont, et dont
» vous avez connaissance. Veuillez prendre vos mesures........
»> Nous vous prions ne nous accuser réception de la pré» sente. »
*
Ainsi on s’adressait, comme on en avait le droit, à M M . Mos
sier et Daubree.
A in si, ces Messieurs connaissaient la convention faite avcc
Dumont.
A in s i, il avait été déposé un échantillon de n o ir , qui ne'
devait pas excéder la toile n° o , ni dépasser celle n° 100 ;
et ils le connaissaient , et cela était conforme au traité du
7 avril.
Ainsi, ce noir était celui qu’on avait admis comme propre à
la décoloration des sucres.
Voilà des faits conslans, posés par cette lettre. Ont-ils été
contestés ? Jamais. Le sieur Mossier ne l’eût pas osé. Ils
étaient vrais , positifs. Il crut être quille en ne faisant pas de
réponse.
■
'
3
3
3
3
4<
�( 28 y, ''
«Une lettre de rappel lu i'fu t écrite lé 8 octobre; elle est
courte et expressive :
« Nous vous confirmons notre lettre du
août dernier, qui
» est restée sans réponse, malgré notre invitation de nous en
» accuser réception.
' » Nous vous prions , pour le bon ordre, de vouloir bien ré» parer cette omission. »
' On voit que les gérans ne demandaient cela que pour le bon
ordre dans’üne opération commerciale. Ils ne mettaient pas.
en doute que les entrepreneurs ne se fussent mis en mesure
de fournir , alors , surtout, qu’ils n’avaient rien dit ni écrit de
contraire.
n
Voyons la réponse; elle a bien son mérite :
3
i a Octobre. _
3
« J ’ai l’honneur de répondre à votre lettre du août......;
» que je suis en mesure de fournir et même de dépasser la
» quantité de noir qui m ’est demandée, pourvu que la Com» pagnie, de son côté, et aux termes de l’art. i de notre con» vention , qui l’oblige à faire toutes les constructions néces» saires à la fabrication du noir, me mette en possession d ’un
» hangard indispensable pour abriter le schiste, le noir et les
» ouvriers. Le retard de cette construction est le seul obstacle
» à l’exécution actuelle de votre demande. »
A in s i, il ne se plaint pas de ce qu’on écrit ¿Daubrée comme
à lui ; il n’avertit pas qu’ il est resté seul chargé de la fabrica
tion ; il était convenu qu’il écrirait une lettre; une occasion
se présente où il ne pouvait pas garder le silence sans une
coupable dissimulation, et il ne la saisit pas. La convention
qu’une lettre serait écrite était donc aussi une fiction.
Il ne désavoue pas connaître la convention de Duinont, l'é
chantillon déposé; il ne se plaint pas de la qualité du noir de
mandée ; il ne nie p a s , enfin, que cette commande ne soit con
forme au trailé.du 7 avril ; au contraire , il y consent, il est en
mesure de fournir et même de dépasser la quantité demandée.
3
�( 29 )
'E n f in , tout en représentant à la Compagnie qu’elle doit
faire toutes les constructions nécessaires à la fabrication , il ne
réclame qu’une seule chose, un hangard.... . qui encore n’est
nécessaire que pour abriter. C’est là le seul obstacle , dit-il, à
l ’exécution actuelle de la demande.
Tout cela est fort clair, et n’a pas besoin d’autres comment
tàires.
-L e même jour, 12 octobre , les gérans faisaient signifier à
Mossier une sommation de fournir la quantité de noir demandé,
déclarant qu’ils le font pour établir leurs diligences aux yeux
du sieur Dumont et des actionnaires.
Nous avons dû placer immédiatement, tout ce qui était re
latif à la lettre du août, pour ne pas rompre l’harmonie des
faits. Nous devons revenir maintenant sur un acte intermé
diaire , qui se lie aux faits ultérieurs, et qui est, dans la cause,
de la plus haute importance.
L ’association du sieur Daubrée à la fabrication, semblait
accroître et assurer les espérances. Le sieur Dumont crut pou
voir s’approprier cette spéculation par un acte d’une autre
nature ; et les gérans, en accédant à la demande qu’il en f i t ,
et en acceptant une somme fix e , par année , déchargée de
toute chance, crurent avoir mené à bien cette entreprise,
qu’ils avaient considérée , des le principe , comme sûre et
d ’une facile exécution.
Le 8 septembre , ils passèrent un bail au profit du sieur
Dumont; nous sommes obligés de nous réduire à l’analiscr ;
nous le ferons avec exactitude ; mais cela est nécessaire, puisque
le sieur Mossicr s’en est à peine occupé. Il faut en bien saisir
les clauses et le caractère, soit entre les parties qui l’ont con
senti, soit à l’égard de Mossier, qui l’a accepté plus tard.
Les gérans afferment au sieur Dumont, pour quinze années,
l’entier établissement, le moulin de Clermont, et le privilège
exclusif des‘brevets obtenus par M. Bergounhoux pour la car
bonisation du schiste, et son application à la décoloration des
3
�( 5° )
sucres et sirops. On voit que la Compagnie ne s’occupe tou*
jours que de cet objet p rin cipal, et qu’elle ne regarde pas
l ’application aux couleurs, comme chose obligée, ni sur la
quelle elle compte.
« M. Dumont déclare avoir parfaite connaissance : i° de
» l ’acte de société ; 2° Des conventions verbales, faites avec
31 Mossier et Daubrée; 3° De celles faites pour le transport, avec
» Thomas Yeysset; il se substitue au lieu et place de la Com» pagnie de Menât, tant envers le gouvernem ent, qu’envers
» MM. Mossier et Daubrée, et M. Thomas Y eysset, avec les—
» quels la Compagnie a déjà traité. »
A près l’expiration des arrangemens pris avec Mossier et
Daubrée , Dumont continuera les engagemens de ces derniers
vis-à-vis la société.
L ’art. 4 fixe les quantités de noir que Dumont pourra faire
fabriquer, et stipule un supplément de p rix, s’il l’excède.
L ’art. 5 fixe le prix du bail à 12,000 fr. la première année ,
et 24,000 fr. pour chacune des quatorze autres.... sans diminu
tion pour les cas fortuits ou imprévus.
Les constructions sont à la charge de Dumont. Il fournira
un cautionnement de 40,000 fr. en immeubles, et les construc4 ions seront acquises à la Société.
Il pourra céder en tout ou partie , à qui bon lui semblera.
E n fin , l ’acte sera n u l, s’il n’est ratifié par la Compagnie,
d’ici au 3o septembre.
Cet acte, signé à C lcrm ont, par Guillaum on, le 8 septembre,
et à Paris, le ao, par le sieur D um on t, fut soumis, le 24, à l ’as
semblée des actionnaires. II présentait des avantages tellement
positifs, qu’il était impossible de ne pas l’approuver. Avoir un
produit annuel de 24,000 fr. quitte et net, avec décharge complelte de tous soins de fabrication, de toute responsabilité;
laisser en présence, Dumont d’une part, Mossier et Daubrée
de l’autre; rester tout à fait en dehors des périls et des inquié
tudes; n’avoir plus à se mêler de rien , si ce n’est d’assurer le
�( 3i )
payement des 24,000 fr. ; tels étaient les avantages que les gé
rans eurent à présenter à la Compagnie. Sur trente-un action
naires , vingt-huit ont paru à la délibération. Nous avons be
soin de nous y arrêter un peu.
Il est dit, d’abord , qu’il a etc donné lecture du traité conclu,
sauf Fapprobation individuelle de tous les actionnaires, et dont
l ’objet est de substituer M. Dumont à tous les droits de la Com
pagnie , sous des conditions dont on rend compte successive
ment.
« Un membre demande si dans la nouvelle position où les
» gérans se trouvaient placés, l ’acte de société ne serait pas
» susceptible de quelques modifications? » Nous devons re
marquer cette phrase, qui avait trait à l’indemnité accordée
aux gérans, pour les peines qu’ils avaient à se donner. On se
rappelle que cette indemnité, consistant dans une part des
bénéfices, avait été cédée, pour moitié, à Mossier et à Daubrée, par le traité du 7 avril 1829. Il est question de la supr
p rim er, puisque la gérance change tout à fait de nature.
Voyons ce qui se passe :
« M. Blanc a aussitôt "déclaré qu’ils se départaient, pendant
» la durée du bail avec Dum ont, de leur portion, au bénéfice
» des actionnaires. M. Guillaumon a fait instantanément la
» même déclaration ; mais ces messieurs avaient précédemment
» concédé moitié de leurs parts à M , Mossier, qui, de son côté,
» en avait rétrocédé moitié au sieur Daubrée.
Après cette déclaration publique, faite par les gérans sur la
provocation d’un actionnaire, lesieurMossierétait dans l’obli
gation de s’expliquer. En cédant, à lui ou à Daubrée, pour
l ’avantage de la société, la moitié de leurs bénéfices person
nels , les gérans avaient montré du désintéressement elle désir
bien v if de faire prospérer l’entreprise. Mais Daubrée, qui en
avait un q u a rt, d ’après le traité du 7 avril, n’était pas présent ;
c’était donc le cas, ou jamais, pour le sieur Mossier, de dé
clarer que la moitié entière avait passé dans'scs mains, par une
�( 32 •)
convention postérieure au 7 avril ; et de dire s’il entendait,
ou non , y renoncer. Que répondit-il?
« M. Mossier s’est départi de sa portion, se réservant de
» conférer avec M. Daubrée, absent pour le moment, pour
» obtenir son désistement, »
Voilà de la bonne f o i, sans doute. Dirait-on , par hasard ,
que c’était sérieusement qu’il était dit dans l’acte du 16 juillet
qu’on écrirait une lettre aux gérans, pour leur faire connaître
la retraite du sieur Daubrée? N ’est-il pas évident qu’ils n’en
savaient rien , le 24 septem bre, plus de deux mois après, et
que ce jour-là on le leur dissimulait encore? On avait donc
intérêt à le leur laisser ignorer; ils avaient donc intérêt à le
savoir, et cet intérêt naissait de celui qu’ils avaient eu à associer
le sieur Daubrée à \afabrication , et des sacrifices qu’ils avaient
faits pour l’obtenir.
Quoiqu’il en soit, la délibération continue:
« D ’après ces assurances , données par les divers intéressés,
» on a mis aux voix l’approbation ou le rejet du marché conclu.
» Les voix ont été unanimes pour Tadoption. Tous les action
na naires étaient présens en personne ou par procuration , à
» l’exception de MM. B esse, Cavy, Chevarrier et mademoiselle
» Engelvin, qui seront ultérieurement priés d’accéder à la
» présente délibération, ainsi que MM. L ccoq, de Paris , et
»> Fauquc, de Saint-Étienne. » Cette dernière condition a été
remplie par l’adhésion ultérieure des six actionnaires absens.
A in s i, la convention qui substitue Dumont à la Compagnie,
soit à l’égard du gouvernement, soit à Tégard de Mossier et
Daubréey soit enfin envers Thomas Veysset, a été agréée et
acceptée par tous les intéressés.
Le sieur Mossier dit qu’ il ne l’a acceptée que comme ac
tionnaire, et non comme entrepreneur. Cette explication
évasive fera-t-elle fortune? Passe encore, s’il n’avail figuré dans
Ja délibération qup par cette expression générale : Tous les
�:
( 35 1
actionnaires ont adopté. Toutefois, il lui serait difficile , dans
les circonstances, de scinder son acceptation , à moins qu’il
veuille nous donner la parodie d’une scène de Molière; mais
n ’y a-t-il que cela? Est-ce que, par hasard, ce n’était pas
comme, entrepreneur, que les gérans lui avaient cédé une part
de leurs benefices personnels? Est-ce que ce n’est pas l’entre
preneur qui a pris la parole pour dire qu’il se départait de sa,
portion?Serait-ce encore comme actionnaire qu’il se serait ré
servé d’en conférer avec M. Daubrée? Mais Daubrée n’était
même pas actionnaire.
Au reste, il faudrait aller plus loin, pour pouvoir contester
les conséquences de ce fait, il faudrait nier le fait lui-même.
Le sieur Mossier l’a essayé assez publiquement, pour que
nous puissions retracer ici une scène d’audience, qui n’aura
pas sans doute échappé à la mémoire des magistrats.
En plaidant la cause devant la Cour, sur la fin de l’année
dernière, l’avocat des gérans disait que cette acceptation,
signée du sieur Mossier, l ’avait dépouillé de toute action
contre e u x , et qu’il était réduit à agir contre les sieurs Dumont
et Derosne (ce dernier devenu associé de Dumont). Pour dé
tourner l’effet de cette argumentation , le défenseur de Mossier
dit qu’il n’avait pas signé la délibération. On croyait être cer
tain du contraire , et on le soutenait ; on lisait en effet ces mots
parmi les autres signatures.
Mossier, tant pour lui que pour M. Breschet.
M. Brcsclict est le beau-père du sieur M ossier,'et action
naire comme lui. A in s i, ces mots: Pour lui, signifiaient que la
signature était celle du sieur Mossier, qui avait signé pour soi
et pour son beau-père.
On nous apprit alors que cettesignature était celle de la dame
Mossier, qui avait, toutefois, bien évidemment signé et parlé au
nom de son mari. II fallut bien le croire; c a r, lorsque nous pro
duisîmes des lettres, quittancesot effets, pour justifier quec’était
l’écriture de M ossier, on nous fit apercevoir que quelques-unes
�(
3 4
)
......................................................................................................................
'étaient de la main- de la femme, et qu’aussi l’écriture différait
de celle du mari. 11 fallut reconnaître le fait; mais il fut facile
de démontrer que si la signature avait élé donnée à domicile;
il importait très-peu que la fem m e, sans aucune indication
qui pût le faire soupçonner, eût signé pour son m ari, puisque
le mari n’avait ni rétracté son acceptation , ni retiré son con
sentement d’abandonner sa part des bénéfices; que le sieur
Breschct n’avait pas plus que l u i , contesté la sincérité de son
approbation , et q u e , ni l’un , ni l’autre, ne le contestaient au
moment de la plaidoirie. Le sieur Mossier aperçut qu’il se
fourvoyait, et n’insista pas sur ce fait, qui ne pouvait produire
aucun résultat qui lui fût favorable. Aujourd’hui, il se réduit
à parler de sa qualité intentionnelle. Nous n’en disons pas
davantage , et nous reprenons notre narration
Nous omettons pour le moment quelques actes judiciaires,
qui commencèrent, entre les gérans et les entrepreneurs, le
procès qui fut jugé par des arbitres. Nous les reprendrons
plus t ard. Il nous semble plus opportun d ’achever de faire
connaître les faits relatifs au t r a i t e , p a r c e que l’incident d’ar
bitrage s’en détache tout à fait. Ce sera soulager l’attention et la
m ém oire, que de ne pas croiser des faits , dont chacun dépend
de plusieurs actes éloignés les uns des autres.
Comme le traité du 8 septembre ne devait être définitif
qu’après avoir été approuvé par tous'les actionnaires, il fut
délivré, par les membres du conseil d’administration, un cer
tificat ainsi conçu :
« Nous, soussignés, membre du conseil d’administration
» de la Compagnie de M enât, certifions que tous nos cointé/> ressés ont donné leur assentiment aux accords faits pour
» l’espace de quinze années entre les gérans de la Compagnie ,
» d’une p art, et M. Julien D um ont, de Paris, d’autre part ; et
» que la caution de M. Derosnc , pour l’exécution des enga» gemens dudit D um ont, est a gréée, à la charge par le s u s d i t
�»
(
55
)
1
s> de la faire régulariser. À Clermont , e deux de'cembre 182g.
» Signé, Besse, H. Cournon, Prévost. »
Cet acte apprend que le sieur Derosne s’était présenté
pour fournir le cautionnement de 40,000 fr. Il avait, en effet,
dès le 27 septembre, écrit aux gérans pour leur annoncer qu’au
moyen de son association au bail de Dumont, il leur offrait
une hypothèque de 40,000 f r ., qu’il autorisait à prendre sur
ses biens.
Le 2 octobre, les gérans avaient accepté cette proposition.
Enfin , comme la conclusion de cette affaire importante ne
pouvait s’opérer par une simple correspondance , le sieur
Guillaumon, l’un des gérans, prit le parti de se rendre à Paris,
où il s’aboucha avec les sieurs Dumont et Derosne. Eloigné
de toute dissimulation , il parla du procès déjà existant sur la
prétention de Mossier, de faire recevoir comme propres aux
couleurs des noirs qui n’avaient pas cette qualité, et qui pou
vaient n’être considérés que comme des rebuts. Derosne, qui ne
connaissait que Dumont et son traité, et qui voyait pour la
première fois le sieur Guillaumon, conçut quelques inquié
tudes ; il craignit qu’on ne f î t , plus tard, le dépôt d ’un échan
tillon au préjudice de Dumont et lui; et, dans le but unique
de s’en préserver, il demanda à Guillaumon une déclaration
du fait, qui lui fut remise, sans la moindre difficulté. Elle est
conçue en ces termes :
« Je soussigné, gérant de la Compagnie de Menât, certifie
» que l’échantillon de noir fin à couleur, qui devait être dé» posé cacheté, conformément au traité fait entre ladite Com» pagnic cl MM. Daubrée et Mossier, le 7 mai 1829, n’a pas
» encore été déposé, et qu’il n’a été déposé que Véchantillon
» de noir en grain, propre à la décoloration des sirops , et pa» reil à celui cacheté étant entre les mains du sieur Dumont.
» Je déclare, en outre, que la Compagnie n’est pas d’accord
» avec les sieurs Mossier et Daubrée, relativement au noir fin
j> à couleur, qui ne lui a pas paru propre à remplir cette destir
.
5
�( 30 )
» nation, et que cette question est actuellement soumise a des
» arbitres. »
Le sieur Mossier prétend nous faire accroire qu’il compte
beaucoup sur cette p ièce, et qu’il y trouve un moyen saillant ;
c’ est de la jactance. On voit qu’elle renferme seulement la dé
claration d’un fait qui a été avoué dans tous les tem p s, par
toutes les parties, et qui demeure tout à fait sans influence,
comme nous le verrons plus tard. Ne nous écartons pas des
termes de celte déclaration , pour y chercher autre chose que
ce qu’elle dit, et l’appliquer à un objet auquel elle demeure
tout à fait étrangère et reconnaissons qu’il n ’est pas étonnant
q u ’on ne trouve pas dans la main des gérans l’échantillon du
noir propre aux couleurs, puisqu’on n’a pas pu fabriquer
ce noir ni en masse , ni en échantillon.
La négociation de Guiljaumon à Paris, fut d’ailleurs prom p
tement terminée. De concert avec Dum ont, il déposa, dans
l’élude de M* F évrier, notaire, le bail du 8 septembre, et le
certificat du Conseil d’Administralion. Le sieur Derosne in
tervint pour fournir son hypothèque, et tout fut irrévocable
ment consommé quant au bail de Dumont. Il fut , avec De
rosne , mis en possession de tout le matériel ; et cet acte , après
avoir etc approuvé par tous les intéressés, fut exécuté par la
Compagnie, par les Entrepreneurs ; et, enfin , par Dumont et
Derosne. Nous ferons connaître les faits d’une exécution vo
lontaire et continue, émanés de toutes les parties; mais il ne
faut pas laisser aussi loin derrière nous ceux qui sont relatifs
à la contestation qui eut lieu devant les arbitres, et qui, d’ail
leurs , se lient avec les faits d’exécution.
I c i , le sieur Mossicr veut imputer au sieur B lan c, une sorte
de mauvaise f o i , pour avoir réclame personnellement le rem
boursement des G,600 fr. d’avances par lui faites, d’après l’ar
rêté du 2 mai 18x9, tandis que la Compagnie en avait fait
compte au sieur Blanc, comme gérant. II faut expliquer ce
�( 57 )
fait : Le sieur,Blanc ayant fait cette avance, sans approbation
et contre le désir exprimé par les actionnaires , par. conse'quent avec ses deniers personnels , en avait réclamé la répé
tition contre Mossier. Celui-ci objecta qu’il ne la devait qu’à
la Société, qui en avait fait compte à la caisse du sieur Blanc.
Certain de n’en avoir rien reçu , le sieur Blanc persista. Le tri
bunal de commerce, sans désemparer, ^envoya chercher le re
gistre des délibérations de la Compagnie , qui était déposé
chez le Secrétaire,: il se trouva q u e , par un renvoi mis après
coup, et hors la présence du sicuç Blanc, en marge de la dé
libération du 8 juin , la Compagnie avait compris cette avance
dans le règlement, sans cependant qu’elle y soit nominative
ment désignée. Le sieur Blanc l’ignorait; il n’avait rien reçu. Le
iribunal de commerce crut alors devoir renvoyer la décision
aux comptes à faire avec la Compagnie. Le sieur Blanc n’était
pas moins créancier fort légitime de cette somme de 6,600 fiNous avons vu, ci-dessus, que le 12 octobre 1829 , les gé
rans avaient fait à Mossier une sommation de fournir la quan
tité de noir demandé par Dumont. Le 14 du même m o is,
Mossier leur donna une assignation tendante à nomination
d ’arbitres, pour statuer, soit sur la mise en demeure , résul
tante de l’acte du 12, soit sur les suites du défaut de construc
tion d’un hangard. Les arbitres furent nommés , et devant eux
s’élevèrent des difficultés plus considérables. Le sieur. Mossier
prétendit que les gérans devaient accepter indistinctement
tout le noir fin provenu de la fabrication.
Nous avons besoin d’éclairer à fonds cette partie des faits
de la cause , pour détruire une allégation qui est la cheville
ouvrière du sieur Mossier. Il prétend, page i et suivantes,
que jusqu'au 1" septembre .1829, les gérans d’abord, et Du,inont ensuite , « qui s'était chargé de tout prendre jusqu'à ccttp
» ép o que, n’élcvaicnt pas de difficulté sur les noirs. Ils les
» recevaient tous , principalement conifnc propres a la raffine» rie ; mais en partie, aussi, comme propre aux couleurs, car les
4
�( 3« )
'» plus fins, notamment ceux qui étaient en poudre impalpabie}
» pouvaient servir à cet usage. »
« Mais, continue-t-il, au i cr septembre, Dumont ne dut plus
recevoir qu’un septième de noir fin, et les gérans ne retirant
pas le surplus qu’ils s'étaient cependant réservé de vendre, il se
form a un germe de discussion. Alors furent signifies les actes
des 12 et 14 octobre, et le procès commença. » N ’oublions pas
cela. Pas de grief au sujet des noirs fins fabriqués avant le
i " septembre ; mais, depuis cette époque, on n’a plus voulu
les recevoir comme par le passé, et ils se sont amoncelés.
Voilà le point de départ du sieur M ossier, qui consiste,
après t o u t , dans une allégation tellement vagu e, qu’il est im
possible d’y saisir un fait précis.
En la prenant telle qu’elle est, on pourrait demander au
sieur Mossier quel jour les gérans ou Dumont ont r e ç u , en
partie, des noirs comme propres aux couleurs ; en quelle quan
tité ils les ont reçus; comment ils les ont vérifiés, essayés; s’ils
les ont payes, 20 fr. depuis le traité du 7 avril, ou seulement 9 fr.
o cent., ou seulement 2 fr., en les considérant comme engrais?
Nous demanderions comment il a fait passer de la poudre im
palpable, alors que, pour le noir à couleurs, elle n’aurait pas été
complètement triée et séparée de tout autre noir fin ; et que,
comme noir fin à raffinerie, le traité du 1" mai, entre les gé
rans et'Dumont, démontre que pour être de recette , il devait
être parfaitement purgé de la poussière impalpable; or, cela devan t
être vrai, avant comme après , il est de toute impossibilité que
Dumont ait reçu les noirs fins, sans qu’ils eussent les condi
tions prescrites, pas plus avant qu’après le 1" septembre 1829.
Aussi, voyons-nous que le sieur Mossierne présente là-dessus
que des allégations vagues, et qu’il serait plus qu’embarrassé
de préciser.
Mais il y a plus : Celte allégation est de toute inexactitude.
Nous allons le prouver, pièces en m ain, et avec le jugement
arbitral lui-môine.
5
�{, 3° ] .
Rappelons d ’abord que l'échantillon des noirs à raffinerie
avait été déposé, et q u ’il faisait la règle des parties.
Rappelons qu’on n’avait pas pu faire de noir à couleur, car
il ne suffisait pas, pour cela, d’oblenir de la poussière impal
pable, surtout si elle était mélangée , et si la matière, non suf
fisamment dégagée des pyrites , était composée de parties
hétérogènes.
E t comme on ne refusait pas de recevoir ce qui e’tait con
form e à Féchantillon, nous pourrions dès lors demander ou
peut être le principe d’une action, et à quoi pourrait servir
l ’exemple d’un précédent supposé vrai.
Mais n’oublions pas ce que nous venons de dire. Ce précé
dent n’existait pas. Ouvrons le jugement arbitral: il men
tionne des faits qui sont d’ailleurs établis par les pièces du
p rocès, spécialement l’état des livraisons faites par Mossier à
Dumont depuis le 2 mai 1829; c ’est là certainement ce qui
doit prouver le vrai ou le faux de l’allégation du sieur Mos
sier, sur les réceptions faites par Dum ont, de tous les noirs
indistinctement jusqu’au
septembre 1829, et en quantité
plus grande qu’on ne l’a fait depuis.
L e jugement nous apprend d’abord que Mossier n’invoquait
pas alors ce précédent; il n’y a pensé que depuis le procès
actuel. Il ne produisait l’état des livraisons faites depuis le
2 m a i, que pour en faire entrer le prix dans son compte. On
rappelle qu’il y avait eu règlement le i w mai. O r , le jugement
les fixe comme il suit :
Noir à raffinerie,
5 ,654 k.
Depuis le 14 mai............................... o
Du 2 au 1 4 ........................................
7,861
i
5X5 ^¡1,
^
Noir à couleurs........................................................
Noir d’en g ra is............................. ’ .........................
4
2®9
2 2
T o t a l .............................^9,046.
�( 4o )
On voit que la proportion est bien moindre q u ’un septième;
et, qu’en som m e, la livraison , qui devait être de
,ooo kilo
grammes par mois, était réduite à c),o kilogrammes pour
cinq mois et plus ; et le sieur Mossier ne s’en plaint pas ; donc,
il n’est pas vrai, comme il le prétend aujourd’hui, qu’avant le
i cr septembre, on eût pris tous ses.noirs indistinctement ; ou
si on avait tout pris, on avait reçu en noirs fins, qu’il disait à
couleurs, beaucoup moitié d’un septième, et il n’y avait pas
feu de diminution de recette au i cr septembre.
A u reste , le sieiir' Mossier n’ayant livré que g,o
kilo
grammes de noirs, du 2 mai au i cr septembre, n’avait pas tout
livré ; il était resté dànfc les magasins une quantité assez con
sidérable de ces noirs fins, quoiqu’il en eût vendu beaucoup
pour engrais à pleins tombereaux. Quoiqu’il en dise aujour
d ’hui, c’était cet approvisionnement que, devant les abilres, il
voulait forcer la Compagnie à recevoir pour du noir à couleur.
On ne peut donc pas trouver, dans les faits antérieurs au juge
ment arbitral un précédent qui serait, d ’ailleurs , complète
ment inutile; voyons si le jugement arbitral peut en établir
un autre, qui serve de pre'jugé pour la prétention actuelle du
sieur Mossier.
5 46
35
5 /(.6
Avant d’examiner cc point par l’exposé des faits qui le con
cernent , relevons encore un fragment de cette décision.
Le prétexte du procès alors intenté était pris du défaut
de construction d’un hangard ; le sieur Mossier demandait
20,000 fr. de dommages-intérêts pour cela et pour le refus des
noirs en contestation.
Les arbitres disent:
.
.
« Que les parties sont.censées js’cfrp réciproquement satis» faites de l’exécution donnée aux conventions du 7 ‘ avril,
» dès qu elles ne se sont pas adressées des demandes d’exécuj> tion plus strictes;
» Que les gérans se sont mis en mesure de faire construire
* des hangards, dès Tinstant que le sieur Mossier les a réclamés. »
�(40
E t ils rejettent cette demande.
En effet, immédiatement après l’acte du 14 octobre t le
liangard avait été construit par Dumont et Derosne, à la charge
de qui étaient toutes les constructions.
En ce qui concerne les noirs en magasin, amoncelés, dit'
Mossier , par le refus de Dumont de les recevoir, depuis le
i er septembre, le jugement arbitral nous apprend qu’il n’en
avait formé la demande qu’après l’acceptation du compromis
par les arbitres, et seulement par acte du n novembre.
»
»
»
»
»
« Que , le lendemain, les gérans leur présentèrent une requête, dans laquelle , croyant qu’il s ’agissait, dans la sommalion d elà veille, de noirs propres à la décoloration des sucres,
ils demandaient qu’il fût ordonné une expérience pour reconnaître si ces marchandises étaient, ou non, propres à la
décoloration des sirops. »
A insi, on voit que les gérans offraient de recevoir tout ce
qui serait noir propre à raffiner, suivant les termes de la con
vention, et qu’ils ne songeaient pas au noir à couleur, parce
que , après une foule d ’essais , d’envois sur tous les points , et
de pertes considérables, il était avéré qu’on n’avait pas pu
l ’obtenir, et qu’on y avait renoncé.
Mais, comme le sieur Mossier n’avait pas l’espérance de
faire passer pour noir à raffiner tous les déchets qui n’étaient
pas conformes à l’échantillon déposé, et que d’ailleurs il y avait
beaucoup plus de profit à les faire passer comme noirs à cou
leurs , alors qu’on devait les payer 20 fr., et qu’il n’y avait pas
d ’échantillon pour les comparer, il demanda qu’il fussent reçus
comme noirs à couleurs.
Nous l’avons déjà dit , s’ils étaient propres aux couleurs, il
fallait les accepter comme tels.
S’ils ne l’étaient pas, il fallait rejeter la demande, car ils
n’étaient ni recevables ni offerts comme noirs à raffinerie.
Il est donc évident que si les choses fussent restées dans cet
6
�( 42 )
état, les arbitres ne pouvaient pas condamner la Compagnie à
les p rendre, ni sous l’un , ni sous l’autre rapport.
C ’est cependant ce qu’ils ont la it, comme on le voit à la
page 16 du Mémoire Mossier. Quelque fait spécial, non encore
connu, a donc amené ce jugement, ou bien il serait de l’espèce
de ceux dont on dit quelquefois qu’ils sont bons pour ceux
qui les ont obtenus, ctpourla chose à laquelle ils s ’appliquent.
Examinons bien celui-ci, et ne faisons pas le procès des arbi
tres avant d ’en savoir un peu plus.
Ils commencent par dire que les parties se méprennent sur
les qualités des noirs, l ’un les offrant comme noirs à couleur,’
et l ’autre demandant qu’il soit vérifié s’ils sont propres à la
décoloration; ils provoquent une réunion et des explications,
puis ils jugent, lis disent que ce noir a été bien calciné et blutté.
Ils reconnaissent qu ’il ne peut pas être reçu comme noir
à couleur.
E t ils ajoutent, que dans le doute de Vemploi au<\x\c\ il pourra
être destiné, et à défaut d 1échantillon qui puisse serçir de base
f ix e , il est de justice, en attribuant le noir à la Compagnie, de
le lui faire payer au plus bas prix.
En sorte qu e, ne le recevant pas comme noir à couleur ; ne
pouvant pas dire qu’il est recevable comme noir à raffiner,
puisqu’il n’était pas conforme à l'échantillon , ils l’adjugent à
la Compagnie , dans le doute de son emploi.
Ne voit-on pas clairement que cette décision fut le produit
naturel de la réunion que les arbitres avaient p rovoqu ée, et
des explications qu’elle produisit? disons tout ce qui se passa.
Pour être mieux instruits des détails relatifs à cette question}
les arbitres avaient appelé le sieur Daubrée; celui-ci était peu
intéresse à la question; car, quoiqu’en dise M ossier, ces noirs
dataient, au moins en partie, d’une époque antérieure au
traité du 7 avril.
Le sieur Daubrée, interrogé par les arbitres sur le point de
savoir s’ils étaient propres aux couleurs, répondit que non,
�au moins en les prenant tels qu’ils étaient ; mais qu’ils pour
raient le devenir avec d’autres préparations ; que dans l’état
actuel ils pouvaient se mélanger utilement avec le noir animal.
Pour prouver qu’il en a la conviction, ( très-hasardée pourtant
comme on le verra) , il offrit d’en prendre mille quintaux mé
triques, à 9 fr. Lesgérans consultèrent les administrateurs. La
majorité décida que la différence du prix n’étant que de o c.
par quintal métrique, ce n’était pas la peine de soutenir plus
long-temps le procès. Ils donnèrent un consentement tacite ,
et voilà comment fut rendue cette décision, qui serait si sinr
gulière, cette circonstance à part.
L e sieur Daubrée est en cause ; il plaide contre les gérans ,'
qui réclamaient et ont obtenu contre lui des dommages-intérêts.
Or , les gérans ne redoutent pas qu’il les démente sur ce
point. Il a , à son tour, spéculé faussement, et fait en cela un
assez mauvais marché pour ne pas l’avoir oublié. Ces noirs, que
dans l ’origine tout le monde avait regardé comme un véritable
rebut, sont demeurés au Havre, repoussés p arle commerce,
perdus pour le sieur Daubrée, qui n’a pas pu les payer au terme;
et un jugement du tribunal de commerce du 2S février i i ,•>
constate la condamnation qu’ont obtenus les gérans contre lui
à ce sujet.
A in si, point de précédent qu’on puisse invoquer, point de
chose jugée, q u ’on puisse tirer de ce jugement arbitral. La
question qui se présente aujourd’hui, quelle qu’elle soit, sera
toute neuve , et il faudra que le sieur Mossier la soutienne par
les moyens qui lui sont propres , et qu’il cesse de l’envelopper
de toutes ces chimères avec lesquelles il veut essayer de faire
illusion, s’il ne se fait pas illusion à lui-même
Nous voudrions être plus courts, et nous voyons avec peine
que de simples allégations nous mènent aussi loin ; mais il ne
faut qu’un mot pour alléguer un fait, et lorsqu’il n’est pas
exact, il faut expliquer toute la vérité pour s’en défendre.
Nous arrivons à ce qui concerne les actes nombreux d’exé-
5
85
(i.
�( 44 )
cution da bail fait à Dumont et Dcrosne; l ’acceptation que
Mossier et Daubrée en ont faite, et d’où nous tirons la consé
quence que Mossier n’a d’action que contre eux, et non plus
contre la Com pagnie, depuis le bail déposé chez F é v rie r,
notaire.
Avant tout, et pour bien saisir les conséquences de ces faits
d’exécution, rappelons que Dumont avait contracté l’obliga
tion expresse de se substituer à> la Confyagnie de Menât,
i° Envers le gouvernement; 2° Envers les sieurs Daubrée et
Mossier; ° Envers le sieur V eysset, entrepreneur des trans
ports. Ils devaient donc mettre la Compagnie à l’écart, en se
mettant en relation avec ces trois sortes d’intéressés. Rappelons
aussi que ce traité soumis à l’assemblée générale des action
naires , avait été accepté et approuvé par Mossier , soit comme
actionnaire, soit comme entrepreneur. Celte acceptation réa
lisait donc à son égard la stipulation que nous venons de signa
ler, et entraînait la c o n s é q u e n c e q u ’ il devait traiter directement
avec ceux qui s’étaient substitués à la Compagnie, et qu’il venait
d’accepter comme tels. Nous apprécierons maintenant, avec
plus de facilité, les faits ultérieurs d’exécution.
Il y eut d’abord approbation complette, par Dumont et Derosne, du traité du i6 juillet, qui dispensait Daubrée de la
fabrication. Ils firent plus, ils l’établirent leur agent; en sorte
qu’il y eut , par le fait , novation complette de qualités dans
les relations qu’ils ont eu avec la Compagnie. O r , ce change
ment de qualités fut nécessairement opéré par le concours de
Mossier, Daubrée, Dumont et Derosne, qui ont tous procédé
ensemble dans ces qualités nouvelles ; et, à coup s û r , la Com
pagnie ne pourrait pas voir retomber sur elle les actes qui en
sont résultés.
A u ssi, voyons-nous que le bail du 8 septembre est exécuté
entre e u x , sans que les gérans soient appelés ni considérés,
par eux, comme parties nécessaires, et cela par une continuité
d’actcs remarquables.
3
�v *
(45)
C ’est la société Dumont et Derosne, qui fait exécuter les
constructions réclamées par Mossier.
Elle passe seule un traité avec Veysset, entrepreneur des
conduites, et en change les conditions.
C’est elle seule qui reçoit la livraison du noir.
C ’est elle seule qui en paye le prix.
Le 8 décembre 1829 , Mossier reconnaît avoir reçu de Daubrée, pour le compte de Dum ont, 742 fr. 60 cent , en deux
traites sur Paris , pour solde de 8,088 kilogrammes de schiste,
que f a i livrés dans le mois de novembre ; plus, 1,000 f r ., en
une traite sur Paris, à compte sur les livraisons de décembre.
A i n s i , il livrait directement, recevait directement de D u
mont, par les mains Ae Daubrée, son agent, des traites sur
Paris ; et enfin, reconnaissait, en l ’absence de la Compagnie/
et sans réserve , avoir reçu le solde des livraisons de dé
cembre.
5
Le i décembre, reconnaissance de 2,000 fr.; absolument
semblable, sur les livraisons à faire en décembre.
L e mêtne jour, autre de 200 fr.
Le 8 janvier,reffctde 800 fr ., tiré par Mossier, mais écrit et
signé par sa fem m e, sur Daubrée.
Le 26, Derosne lui écrit:
V ous avez été informé par M M . les Gérans de la Compagnie
de M enât, qu’ils avaient cédé cette exploitation à M. Dumont ;
vous avez, été également instruit, par ces Messsieurs etM . Daubrée , que je m’étais associé à M. Dumont.
L ’acte de ma Société a été enregistré au tribunal de com
merce et déposé.
J’ai l’honneur de vous confirmer cette association, et de vous
transmettre la signature sociale.
Voilà bien, de la part de Derosne, l ’exccution à l’égard de
Mossier. Celui-ci a-l-il reculé ? Voyons encore.
Le fe'vrier, lettre de Derosne et Dumont à la maison Blanc;
qui n’est là que comme banquier ; cart sous les rapports de
4
�( 46 )
la gérance , le sieur Blanc devient tout à fait étranger : « Pro» fitant de vos offres de service, nous venons vous prier de
» remettre à M. Daubrée , notre agent, pour l ’opération de
» Menât, la somme de >ooo f r . , destinée à solder à M. Mos» sier une partie de la fabrication.
» Vous voudrez bien demander à M. Daubrée un reçu, qui
'» portera qu’il a reçu de vous cette somme, pour acquitter ,
» en notre nom , les dépenses de l’établissement de Menât.
» Nous attendons de M. Daubrée le compte de fabrication
» du mois de janvier; aussi-tôt que nous l’aurons reçu , nous
» vous prierons de faire, à M. Daubrée, l’avance du montant
» de la somme que nous aurons à solder. »
Ce payement a été fait, car, le 9 février, quittance par Mossier de 3,228 f r ., reçus de Daubrée, pour solde des livraisons
'jailes en décembre etjanvier. E t le compte est tellement exact
pour solde, qu’il est ajouté :
4
P lu s , 20 fr. pour intérêts desdits payémens.
5
L e , Derosne et Dumont tirent, sur Blanc, un effet de
i,o
fr. au profit de Mossier, valeur en compte.
Le 6 mars, quittance de 245 f r . , reçus de Daubrée , pour
solde de 5,98g kilogrammes de noir, livré dans le mois de fé
vrier. Il faut bien remarquer cette époque. Tout ce qui devait
être livré et r e ç u , l’avait donc été avec arrêté pour solde jus
qu’au i ,r mars.
Le 10 mars, un reçu est plus remarquable: il est donné au
sieur Blanc; et au lieu de dire qu'il paye comme gérant et
pour la Com pagnie, on dit qu’il paye pour le compte de
MM. Ch. Derosne et D um ont, de Paris. On reconnaît donc
que les gérans n’y avaient que faire.
A la vérité, ce reçu est signé seulement du sieur Daubrée;
mais cctlc circonstance ne fait qu’ajouter à la force du fait, car
Daubrée a versé dans les mains de Mossier; nous le prouvons.
Derosne était Clcrinont, Mossier lui a v a i t demandé une
nvance, car il faut bien observer que toujours, et dans tous
34
5
�(47
)
les tem ps, les actes du procès constatent, que soit les gérans;
soit, après eux Derosne et Dumont, ont tou jours versé à Mos
sier des sommes qu’il demandait et acceptait comme avances,
tandis qu’il prétend qu’on lui a retenu ses fonds. Sur cette
demande de Mossier , Derosne écrivit à la maison Blanc la
lettre suivante, à la même date, 10 mars:
« Je reçois la visite de M. M ossier, qui m ’expose que se
» trouvant avoir besoin de fonds pour le payement de ses ou» vriers,il désirerait que je le misse à même des’en procurer en
» compte sur la livraison de noir qu’il doit effectuer demain,
» entre les mains de M. Daubrée. Je ne vois aucun inconvénient
» à faire celte avance à M. Mossier , et je viens vous prier de
» lui remettre ,ooo fr. contre la quittance de M . Daubrée , et
» vous voudrez bien créditer le compte social de cette somme,
5
3
» Pour la régularité des choses, je crois devoir signer au nom
» de notre Société.
« Ch. D e r o s n e e t D u m o n t . »
Le sieur Mossier ne désavouera vraisemblablement pas ce fait;
ni son acceptation de ,ooo fr. à lui remis, et qui doivent être
portés dans son compte avec Derosne. Or, qu’en résultc-t-il ?
Ce n ’est pas aux gérans qu’il demande le prix de ses livrai
sons, mais à Derosne. C’est Derosne qui demande à la maison
Blanc ,ooo fr., pour lui faire une avance d’un jour.
C ’est à Mossier qu’on la prie de remettre ces ,ooo fr.
Ce sera à compte de la livraison de noir que Mossier doit
faire le lendemain à Daubrée.
Et voilà ce que Mossier accepte, ce qu’il reçoit des mains
de Blanc, non plus pour les gérans, mais pour le compte de
Derosne et Dumont, à qui seul il l’avait demande.
Le 11 mars, quittance par Mossier de oof. reçus de Daubrée,
à compte sur la toiture du hangard que j 'a i entrepris à Menât.
Ainsi, comme par le passé, c’était lui qui faisait construire,
et on ne lui faisait jamais attendre les fonds nécessaires.
3
3
3
3
�( 48 )
Nous observons, d’ailleurs, pour qu’on sache bien qu’il n’y a
aucune différence à faire entre la signature deMossier et de sa
femme, que la plupart de ces quittances et même des effets sont
écrits et signés par la fem m e, comme s’ils émanaient du mari.
Nous ne finirions p a s, si nous voulions étaler ici tous les
actes d’exécution , et développer leurs conséquences.
Nous passons sans intermédiaire à un acte de beaucoup
postérieur, mais qui est venu consommer l’acceptation de
l ’acte du 8 décembre, et les preuves que lajustice pouvait en
exiger.Nous le montrons immédiatement, par cette cause. Jus
qu’aux dernières audiences de la Cour, il était demeuré in
connu aux gérans, qui n’avaient pas, en effet, grand besoin
de le connaître, puisque, de fait , on les avait mis hors d’in
térêt et laissé tout à fait hors ligne, après le traité du 8 sep
tembre. Pendant les plaidoiries et pour se défendre d’un
moyen qu’opposait le défenseur des gérans, le sieur Breschet,
beau-père de Mossier, sortit ce traité de sa poche en en argu
menta. 11 ne fallait qu’un coup-d’ccil pour en saisir la portée,
alors que le sieur Mossier avait nié son acceptation du bail du
8 septembre 1827; et aussi f u t - i l , dès ce moment , retenu
comme pièce essentielle au procès. La Cour va juger si nous?
nous trompons ; elle y trouvera des aveux qui lui paraîtront
bien étranges à côté du plan de défense du sieur Mossier. Il
porte avec lui, ce nous semble, la confirmation de tout ce que
nous avons dit jusqu’à présent.
Nous croyons devoir continuer de rappeler les points capi-î
ta u x , avant d ’exposer un acte qui s’y rapporte : c’est le inoyen!
de ne pas se méprendre sur les résultats. Rappelons donc
qu’avant de céder le privilège à Dumont, pour le temps de sa
durée , les gérans avaient leur situation fixée à l’égard de Mos
sier et Daubrée, par le traité du 6 avril 1829, et que cette
convention était faite pour toute la durée du privilégç.
.Que, sans la participation de la Com pagnie, Mossier avait
�C 49 )
4
'
rompu son association avec Daubrée, quoique le s gérans eus
sent fait des sacrifices pour l’obtenir.
Et n’oublions pas q u ’après le traité du 8 septembre avec
Derosne, ceu x7 ci avaient approuvé la retraite de Daubrée t
l’avaient pris pour leur agent, et avaient consenti à ce que
Mossier demeurât seul chargé de la .fabrication. Enfin , que
Mossier avait accepté tout cela ; et., qu’après tout, il lui deve
nait , sous ce rapport, beaucoup plus avantageux d’avoir af
faire à Dumont et Derosne qu’aux gérans ; e t , aussi, avait-il
fait, avec eux seuls , tous les actes d exécution de son marché*
O r, le 24 janvier i i, il juge convenable, par une conven
tion particulière avec e u x , de faire de nouvellçs conventions *
et d’annuler complètement celles du 7 avril 1829 , auxquelles
il avait porté secrètement un premier coup par la convention
particulière avec Daubrée. Voyons cet acte; il exigera quelques
explications un peu longues, mais tout y est précis : tout y est
décisif, sur les détails comme sur la question.
- Par l’art. i eI M . Mossier se charge de la fabrication des noirs
de Menât, pour tout le tem p s, jusqu’à l’expiration du brevet
d ’invention, aujourd'hui la propriété de MM. Dèrosne et Dumont,
qui s’y trouvent subrogés par suite de la cession que leur en
a faite la compagnie de Menai.
1
Le prix est fixé à 10 fr. 28 cent, par 100 kilogrammes, pour
les 45o,ooo kilogrammes qui seront les premiers livrés pendant
Je cours de chaque année; et à 10 fr. pour l'excédant.
On ne parle pas encore de noirs à raffiner, ni de noirs à
couleurs; mais on va voir quel cas on fait du noir fin, que Mossicr a voulu forcer à prendre, d’abord comme noir à couleur,
et ensuite comme noir à raffiner.:Nous copions:
« Les noirs fin s provenant du bluttage, c ’est-à-dire, qui pasn seront à travers la toile n° 100 , resteront la propriété de
» MM. Derosne et Dumont, qui, s’ils jugentià propos d’en
» faire des expéditions, n’auronl à rembourser à M. Mossier,
» que scs frais d’emballage et de transport. »
83
�'i "
'
•
5
( o)
II y a une explication toute entière clans ce paragraphe.
»
On voit que les noirs fins , provenant du blultage, sont ceux
qui passent à travers la toile n* 100. Or, ce sont les résidus du
bluttage, que les arbitres ont déclaré parfaitement bien bluttes.
On voit que cette fixation, au-dessus du n® 100 , adoptée
par le traité de Dumont, du i er mai 182g , était la seule qu’on
pût adopter ; comme de fait, elle avait toujours été exécutée
d ’après l’échantillon déposé suivant le traité du 7 avril.
'
On voit enfin, que si on pouvait essayer encore d’en faire
des expéditions , ce serait sans aucun espoir actuel d’en tirer
du profit ; et, qu’aussi, Mossier convient de les livrer comme
des déchefs sans aucun prix.
Mossier avait encore fait des calculs, et il les montrait comme
moyen d’une spéculation grande et avantageuse.
'
« I l se prêtera,dit-on, à toutes modifications.... dans le mode
» de fabrication, dont le coût ou revient se trouve consigné
» dans un état annexé aux présentes, et certifié par lui ; lequel
» état a servi de base aux prix ci-dessus fixés. » II est dit en
suite, q u e s’il e n r é s u l t e é c o n o m i e , e l le p r o f i t e r a à M M.Derosne et D u m o n t, mais de manière à ce qu’il obtienne tou
jours 1 fr. o cent, de bénéfice par kilogramme sur les
o,ooo
premiers livrés, et 1 fr. 20 cent, sur les autres. A in s i, n’y eûtil de livré que les 4^0,000 kilogrammes, il aurait une remise
annuelle de 6,750 f r ., ce qui ne serait pas d é j à trop m a l, sans
parler de sa part dans les bénéfices de société. O r, il y aurait
eu certainement b é n é f i c e p a r la fidèle e x é c u t i o n de ce traité,'
et de ceux qui l’avaient précédé. Poursuivons.
Après avoir parlé du dépôt de trois échantillons pareils de
noirs à raffinerie, on ajoute :
« S i , par suite, MM. Derosne et Dumont venaient à utiliser
» les noirs fins, il en serait également fait trois échantillons
» pour servir de type. »
Preuve évidente, fournie par le sieur Mossier, que jusqueslà les noirs fins n’avaient pas été utilisés.
5
45
�( 5i )
Preuve évidente que l’échantillon ne devait être déposé?
dans tous les temps possibles , que lorsqu’on aurait obtenu ;
par la fabrication, le moyen de le faire et d’utiliser le noir fin.
Cela seul repond a beaucoup d’argumens du Mémoire du
sieur Mossier.
Les art. et suivans , jusques et compris le 12', répètent
avec quelques changemens , les conventions de l ’acte du
7 avril 182g.
L ’art. 12 stipule la résolution pour toute infraction essen
tielle, et la faculté à Dumont et Derosne, de placer un agent à la
tête de Fentreprise, tout cela bien entendu, sans s’inquiéter des
droits de la Compagnie, q u ’on ne reconnaissait plus, et à la
quelle on n’avait plus eu affaire pour l’exploitation, depuis le
traité avec Dumont, du 8 septembre 182g.
Aussi, l’art. i ajoute:
« Les présentes régleront désormais les rapports de MM. Dau» bree et Dumont avec M. Mossier , sans aucun égard au traité
» passé avec MM. Daubrée et Mossier, et la Compagnie, le
» 70(77’/ 182g; lequel, en ce qui concerne MM. Derosne,
» Dumont et Mossier, demeure, à partir de ce jour, pleine» ment anéanti. »
On le demande, si Mossier n’eût pas accepté la substitution
de Dumont et Derosne, depuis le traité du 8 septembre 182g,
pour le compte de Derosne et Dumont', s ’il n’eût pas fait la ré
ception de toutes les sommes qui lui ont été payées par le
sieur B lan c, depuis le traité du 8 septembre, et qu’il eût voulu
exécuter son traité, vis-à-vis la Compagnie, eût-il pu faire
un acte de cette nature ? et lorsqu’il a dit que le traité du 7 avril
182g était annulé, seulement à partir de ce jo u r , n’est-ce pas
parce que, jusques-là, il l’avait exécuté (tant bien que m a l , il
est vrai), d ’a b o r d avec les gérans, puis avec Derosne et Dumont?
N ’cst-il pas évident, en effet, q u e , depuis le 8 décembre,
l ’exécution avait eu lieu directement et exclusivement avec ces
derniers? Cet acte n’est doric que la consommation de celte ac-
4
4
7-
�( ?a )
çeptation, sa réalisation par écrit, alors que, des le principe,
/ elle avait existe pleinement par la mutation des personnes, et
le changement des qualités.
Après avoir présenté ensemble tout ce qui est relatif à ces
faits d’exécution et d’acceptation de la cession du septembre,
il faut revenir sur nos pas , et faire connaître la demande qui
a commencé le procès. Une première sommation fut faite le
24 mars i o, c’est-à-dire, peu de jours après le dernier paye
ment du 10 mars, sur la livraison à faire , le lendemain, àu sieur
Daubrée. Nous ne perdrons pas de vue que les livraisons anté
rieures avaient été réglées le six du même mois, jusques et
compris le mois de février, au moyen d’une quittance pour
so ld e, donnée sans la moindre réserve.
>
Par cette sommation , Mossier expose ce qui résulte des con
ventions passées entre la compagnie et le requérant, en qua
lité d'entrepreneur de la fabrication des noirs..... I l parait, ditil, que la Compagnie a fait des conventions avec Dumont et
Derosne, qui les autorisaient à r é c l a m e r la livraison des noirs ;...
que plusieurs livraisons ont été effectuées ; mais que depuis
peu de jo u rs, ces messieurs ont élevé la prétention de ne re
cevoir qu’une partie des noirs fabriqués, annonçant hautement
qu’ils n’étaient pas tenus de recevoir indistinctement tous les
produits.
Assurément, tout n’est pas franchise dans cet exposé, sur
tout dans ces mois : Il parait, si singulièrement dubitatifs ;
mais il est bon de remarquer que ce n ’est que depuis peu de
jours , qu’il a à se plaindre , et que sa plainte porte sur ce que
Derosne ne veut plus rcccxoiv indistinctement lous les produits,
fut-ce les rebuts.
Il ajoute qu’il n’a lait aucune convention avec Dumont et
Derosne , qu’il n’entend point nuire à scs conditions avec les
gérans, et il leur fait sommation de déclarer : « S’ils consen» tent qu’il divise les produits de la fabrication , a u q u e l cas ils
» seront tenus de retirer et p a y e r, dans les vingl-quatrc
8
83
�53
( (
-y.
» heures, la totalité des noirs qui sont en magasin. » Il faut con
venir que l'approvisionnement ne pouvait pas être considéra
ble, s’il ne datait que du 10 mars. Toutefois , Mossicr déclare,
qu’il persiste à refuser toutes livraisons à Durnont et Derosne.
Pourquoi donc cette volonté nouvelle, après avoir livré exacte
ment jusques et compris Iô 11 mars ? Nous ne transcrirons pas la
réponse des gérans, nous dirons seulement qu’ils déclarent
n ’avoir aucune explication à donner à Mo ssicr, agissant indi
viduellement , la société ayant traité avec lui et Daubrée ; qu’au
surplus, M. Dumont lui a été subrogé, etc.... Ils rappellent
l ’acte de cession du 8 septembre, l’approhalion de Mossicr ,
du 24 septembre , et l’exécution que Mossier lui a donnée , en
faisant des livraisons et recevant des payemens. Il protestent
de leurs dommages.
Le sieur Mossier, page 19, veut référer cette sommation à
une lettre de Derosrie, du 26 janvier i o, laquelle aurait été
provoquée par la déclaration de Guillaumon , au sujet de la
non-existence de l’échantillon du noir fin. Il rend compte de
cette lettre , qui démontre, suivant lui: i° que le noir fin pou
vait servir à un double usage, aux couleurs comme à la raffi
nerie ; 20 que Derosne et Durnont avaient déjà reçu beaucoup
de noir fin. II nous suffira d’ajouter ce qui .manque de cette
lettre , pour qu?on puisse juger de la justesse des argumens du
sieur Mossier.
Remarquons qu’elle était écrite par Derosne , immédiate
ment après la consommation de son traité avec la Compagnie ,
mais bien après celui du i ermaii829, qui fixait la qualité du noir
àraffinerie, conformément à l’échantillon. O r,iId ità Mossicr:
« Comme vôtre traité avec la Compagnie parle d’un autre
» échantillon qui doit être propre à la fabrication des couleurs,
» nous désirons que vous fassiez le dépôt de cet éclianhllon , afin
»> que nous puissions nous assurer de sa qualité auprès des
» marchands de couleurs, et que nous arrêtions ensemble dé» finiüvement quelle devra être la qualité de ce noir. »
83
�54
•(
î
A in si, d’après Derosne lui-m êm e, comme d’après la simple
raison, c’était Mossier, chargé de la fabrication, qui devait
fabriquer et déposer l’échantillon.
Il était toujours temps de le faire , et on ne le refusait pas, on
le lui demandait, au contraire.
Et c’est après avoir répété cette faculté, l ’avoir sommé de
remplir cette obligation, que Derosne ajoute que jusques-là ,
jusques à nouvel ordre, se tenant au sens littéral du traité du
7 avril, il ne prendra que du noir gros grain, conforme à l'échan
tillon déposé. Remarquons bien que Dumont n’invoque pas
pour cela son traité particulier du i 'r m a i, mais bien celui du
7 avril, que Mossier ne pouvait récuser, et que Dumont offrait
d’exécuter. Ainsi, la Compagnie devait demeurer en dehors;
car on ne pouvait lui demander que cela. Elle en avait chargé
Dumont; Mossier l ’avait accepté ; celui-ci se soumettait à l’exé
cuter ; où était donc la question et l’intérêt d’un procès ? Il ne
dépendait que de Mossier de faire prendre du noir fin, en dé
posant l’échantillon. Que ne le faisait-il? La déclaration de
G u i l l a u m o n n ’ y apportait pas d’obstacle ; elle prouvait seule
ment qu’on avait eu trop de confiance au sieur Mossier, en re
connaissant , le 7 avril 1829, que l’échantillon avait été déposé;
tandis qu’il ne l’était p as, et qu’on s’en rapportait à lui pour le
faire. Il ne peut pas aujourd’hui tirer avantage de ce qu’il ne l’a
pas fait, ni se plaindre de ce que Guillaumon l’a reconnu, alors
qu ’il était obligé de l’avouer lui-même. Cette déclaration ne
p o u r r a i t lu i avoir été préjudiciable qu’autant qu’il soutiendrait
avoir déposé l ’ é c h a n t i l l o n , c o m m e le portait son traité; mais
il reconnaît le contraire, il ne peut donc pas exiger, et ne
pouvait pas forcer Derosne à recevoir des noirs non encore
admis par sont traité du 7 avril, puisqu’il n’y avait pas d’échan
tillon de noir fin, ni pour couleur, ni pour clarifier.
Il argumente encore de ce que Derosne lui dit: qui si dans la
suite ils ont besoin de noirf i n , soit pour la fabrication des cou
leurs , soit pour remplacer le noir animal dans les raffineries,
�t 55 )
ce sera Tobjet de nouvelles conventions {p. 20). Au moins fallaitil copier la phrase tout entière. La voici :
« Si par la suite nous croyons devoir vous demander du
» noir fin , soit propre à la fabrication des couleurs, soit pour
» remplacer le noir animal dans les raffineries, le premier
» devra être conforme à \'échantillon que nous avons encore à
» reconnaître y et le second sera l’objet de nouvelles conven» tions entre nous, puisqu'il n ’en est pas question dans le traité
» passé. » A in s i, tout se bornait à dire : Déposez l ’échantillon
du noir à couleur ; jusque-là nous ne recevons rien. Quand au
noir fin à raffiner , nous verrons ; mais il n’en est pas question
dans votre traité avec la Compagnie ; exécutons ce traité. C’est
ce que la Compagnie lui a répété sans cesse, et ce que nous
avons expliqué dans ce Mémoire ; aussi a-t-il invoqué des
exemples et non des conventions. Nous avons démontré que
ces précédens n ’existaient pas.
L e (’i2 avril, autre sommation. Mossier se plaint de ce que
« les magasins qui lui ont été livrés, sont tellement encombrés
' » par les noirs, que la Compagnie a refusé de retirer depuis le
» 24 mars dernier, que ceux provenus de la fabrication jour» nalière ne peuvent pas y être abrités.» II invoque l ’exemple
du jugement arbitral, et déclare qu’il suspendra la fabrication
le 1 , et réserve ses dommages-intérêts pour le tort qu’il en
éprouvera.
L e 14, les gérans dénoncent ces sommations à Daubrce ; et
le 12 , aux sieurs Dumont et Derosne. C ’était la seule marche
qu’ils eussent à tenir; car, subrogés qu’étaient ces derniers
aux obligations de la Compagnie envers Mossier, ils devaient
faire cesser la demande, si Mossier leur offrait des noirs de'
recette , ou prouver qu’ils n’étaient pas obligés de les re
cevoir.
Mais alors, comment les auraient-ils reçus jusqu’au 24 mars,
et comment, cejour-là, était née une difficulté?Si ce fait était
v ra i, et qu’il dût entraîner des conséquences, c ’était b»'1"
5
�( 56 }
affaire dè le supporter, car il était en dehors du traité du
7 avril 1829.
Le
avril, Mossier déclara cesser toute fabrication, et ne
vouloir livrer de noirs que jusqu’à concurrence dé ,000 f r . ,
qu 'il avait reçus cTavance.
Le 17 m a i, Mossier donna une assignation devant le tribu.nal de commerce. C ’est là que commence le procès.
Après avoir dclayé dans son exposé des injures personnelles
,contre les gérans , il les assigne : « pour se voir condamner à
» prendre, retirer et payer la totalité des noirs gisans dans les
» magasins ou dans la cour du moulin de Clermont, confor
m
a mément aux dispositions de la sentence arbitrale du 17 fé» vrier i o; être condamnés par corps en 40,000 francs de
» dommages-intérêts, et oo fr .p a r chaque jo u r de retard, à
» partir de ce jour. »
;
A travers tous les moyens de faire fortune, dont le sieur
Mossier avait pu se bercer, celui-ci aurait été, sans doute, le
meilleur et le plus facile; 40,000 fr. pour commencer, ’puis
• oo fr. par jour! Quelle mine à exploiter, sans autre peine que
celle qu’il aurait fallu prendre pour prolonger un procès!
Toutefois, pourquoi tant de noirs amoncelés dans une cour,
si ce n’était des rebuts? Lui avait-on jamais refusé les fonds
nécessaires pour abriter le noir de recette?. Il n’avait demandé
que deshangards, et la société Derosne l’avait immédiatement
mis en mesure de les faire. Il les avait construits. Lui avait-on
refusé la livraison des noirs conformes à l’éçhanlillon déposé,
et au traité du 7 avril? Jamais. O r, nous répétons sans cesse
que c’est là toute la question.
• Devant le tribunal de commerce, le sieur Mossier répéta les
-mêmes conclusions.
Nous devons ajouter que, par acte du 21 m a i , et ne pou
vant pas se dissimuler sa situation vis-à-visDumont et Derosne,'
il les assigna pour voir déclarer le jugement commun avec
23
3
83
5
eux.
5
�7 V
( 57 )
Les gerans demandèrent que Mossier fût déclaré non recevable, en tant que sa demande élait dirigée contre la Compa
gnie, laquelle serait mise hors d’instance. En cas d’interlocu
toire, ils requéraient des mesures dans l ’intérêt de l’exploita
tion.
Le sieur Daubrée conclut à être mis hors de cause, en pro
duisant le traité par leq u el, dit-il, son association avec Mos
sier , avait été' rompue sans la participation de la Compagnie.
La Compagnie conclut alors à ce que Mossier et Daubrée
fussent tenus de diriger l’exploitation de concert ; et, pour ne
l ’avoir pas fait, condamnés à 4,000 fr. de dommages-intérêtsQuant à Dumont et à Derosne , ils'se retranchèrent dans
l’exécution de leur traité du 8 septem bre, 6t persistèrent à
soutenir qu’ils ne devaient recevoir que le noir conforme à
l ’échantillon déposé; que les noirs fins devaient rester pour
le compte de l ’Entreprcneur ou de la Compagnie, si , par
suite des discussions élevées , l’engagement de la Compagnie
n était pas rempli. Ils conclurent à 20,000 fr. de dommagesintérêts.
Ces dernières conclusions conduisaient tout naturellement
à rechercher si le traité fait avec Dumont, par la Compagnie ,
était ou non conforme à celui du 7 avril, qu’elle avait fait avec
Mossier et Daubrée. S’il l’était, la Compagnie pouvait laisser
le combat entre eux ; o r , nous prouverons qu’ils étaient con
formes.
En cet état, le tribunal renvoya les parties devant un de scs
membres pour tenter une conciliation.
I c i , deux lignes du sieur Mossier exigent encore une ex
plication.
II dit, page 2 1, que « tout était convenu, mais les gérans
» se rétractèrent et la justice dût prononcer. »
Tout était convenu , en effe t, devant lejugc - commis
saire. La Compagnie y faisait en faveur de Derosne et Du
mont , des concessions que lui arrachait la nature de l’en8
�(58)
treprise et la crainte de la détruire ; par conséquent, de tout
p e rd r e , si la mésintelligence continuait. Peut-être e û t -il
été désirable que, dans cet intérêt même , on eût mis de
côté quelques mouvemens d’un juste a m o u r-p ro p re , mé
prisé quelques injures et le ton que le sieur Mossier mettait
à ses exigences; mais on ne peut blâmer la sensibilité d’hommes
Jionnêtes, qui, après avoir éprouvé une injure, n e peuvent
pas se résigner à la p a y e r , si modique que soit la somme
qu’on leur demande. A u surplus, comme il s’agit d’un fait qui
n’est écrit nulle part, le rédacteur de ce Mémoire va laisser
parler les gérans eux-m êm es, en transcrivant une note qu’ils
lui ont remise :
« Le juge-commissaire, magistrat probe et pacifique, avait
?> eu plusieurs entrevues avec M- Derosne ; il se plaignait que
» le prix du bail était trop élevé ; que s’il n’obtenait une di» minution , il prendrait des mesures pour se retirer de cette
» affaire ; qu’alors la Compagnie n’aurait plus d’autre recours
» que contre Dumont, qui est un honnête h o m m e, mais sans
* fortune ; ce motif, et autres moyens que l’on fit valoir , dé» cidèrent la Compagnie d’accepter les conditions suivantes :
« i° Le prix du bail, qui était de 24,000 fr., devait être réduit à
i7,5oo fr. ; 2°L cs sieurs Derosne et Dumont reprenaient à la
» Compagnie, au prix d’achat, le restant des noirs provenant
» du premier arrangement fait avec Mossier ; ° Ils se char» geaient également de celui que le sieur Mossier veut impo« ser à la Compagnie ( nous ignorons à quelles conditions ) ;
» ° Toutes les parties renonçaient à leur demande en indem» nité; ° Chacun devait payer scs frais; (ceux de la Compagnie
» s’élevaient alors à 8 ou g fr., pour deux significations.) »
Telles étaient étaient les bases de cet arrangement, bien ar
rêté et convenu entre toutes les parties, en présence du jugecommissaire.
« L ’on se donna rendez-vous pour le matin, chez M. Jouvet,
» avocat, pour en faire la rédaction ; cettcréunion eut eifec-.
3
4
5
�7»?
( 50 )
25
î> tivemcnf lieu dans la soirée du i[\ au
juillet, où furent
» présens MM. Jo u v e t, M ichel, avocat, Bayle-M oulliard,
» Dessaigne, Derosne, Mossier, Brcchet et les deux Gérans ;
» le traité étant terminé, l’avocat du sieur Mossier prend la
» parole et dit : que sa partie se faisait toute réserve en dom» mages et intérêts envers la Compagnie. Celte demande inat» tendue , qui était contraire à ce qui avait été arrêté chez le
» juge-commissaire, fit croire aux gérans que le sieur Mossier
» cherchait un prétexte pour se rétracter; ils quittèrent l’as» semblée avec humeur;de se voir jouer de la sorte.
» Le lendemain, le sieur Breschet, beau-père du sieur Mos» s i e r , se rendit chez M. Bardonnet, l’un des administra» tcurs , pour l’engager de faire allouer à son gendre, par la
» Com*pagnie , une somme de cinq cents francs , pour payer
» les frais. Cette proposition fut repoussée par tous les action» naires présens à Clerm ont, ne voulant pas sanctionner une
» injustice par une récompense réclamée avec des formes et
5» un caractère injurieux.
» Cependant, M. Derosne partit le lendemain pour Paris.
» Il y arriva précisément au moment des événemens de juil» let , qui ont contribué d’aggraver la posilion des action» naires. L ’un des Gérans , accompagné d’un de MM les Ad» ministrateurs, se rendit, quelques temps après, auprès de
» l u i , pour voir s’il serait possible de terminer sur les derj> nières bases arrêtées, et que le sieur Mossier avait seul
» suspendues; il nous répondit que d’après l’inccrlitudc de la
» guerre ou du maintien de la paix, il ne voulait plus sous» crire aux dernières conventions; qu’en outre, l’on s’occupait
» d’un moyen pour revivifier le noir animal, et que si l ’on
» parvenait à réussir, cette matière éprouverait une si forte
» diminution, qu’il aurait plus d’avanlage , en faisant des sa» crificcs, de demander la résiliation du bail, que de conti» nuer l’exploitation.»
fallut donc se résigner à venir devant le tribunal. Il
11
8.
'
�(. 6 0 ) .
ordonna une expertise, qui devait durer quatre jours, pour
vérifier si les entrepreneurs auraient pu par le passé , et
peuvent présentement, avec les machines fournies par la so
ciété, fabriquer une moindre quantité de noir fin. Le juge
ment porte qu’il est rendu, sans rien préjuger sur lesjins de
non-recevoir , moyens et conclusions des parties, m a is unique
ment dans le but (Téclairer la religion du tribunal.
Ici nous laissons encore les gérans eux-mêmes rapporter ce
qui résulte de celte vérification.
Les experts commencent par rendre compte de leur voyage
à Menât, d’où ils se rendirent, avec M. Mossier , au moulin
appartenant à la Compagnie ; ils trouvèrent dans celte usine
deux ouvriers occupés à travailler; ils remarquèrent, i° que la
manière d’engrainer était mal conçue : l’on appuyé les sacs sur
les trémies, ce qui dérange le moulin ; un ouvrier était assis sur
le tambour, pour faire tomber le schiste avec la main dans
l ’œil de la meule ; il en résulte qu’il est physiquement impos
sible que cet ouvrier puisse résister long-tem ps, et qu’il serait bientôt étouffé par la poussière occasionnée par la chute
et le broiement du schiste ; aussi , en l’absence du maître,
l ’ouvrier doit-il abandonner son poste. Le sieur Mossier répond
qu ’il reconnaît la justesse de ces observations, et que lorsqu’il
quitte pour aller diner, et qu'il revient, il ne retrouve que du fin.
( Le sieur Mossier ne reste pas une heure par semaine au
moulin. )
Les experts indiquent qu’il serait facile de parer à cet in
convénient , avec un frayon qui ne coûte que à G fr. Ils re
marquent que le noir, après avoir été broyé par les meules
tombe dans une caisse, au lieu d’être conduit par un tuyau en
fer bl inc dans une poche, ce qui incommoderait moins les ou
vriers, et permettrait de survcillerlcurtravaü; IesieurMossier
répond qu’il a renoncé à y mettre des poches, parce qu'on les lui
volait. Bonne raison , sans doute , mais que n’en prend-il soin.
Les experts disent au sieur Mossier : Vous devriez opérer
5
�( GI ) .
dans le sens contraire; vous devriez faire moudre le schiste
avant de le calciner; vous auriez économie dans le combus
tible , le travail serait moins pénible, et les frais de transport
moins considérables, pour celui qui est impropre à la clari
fication. Le sieur Mossier répond: « Je le sais, puisque, l année
» passée, nous en avons fa it l'essai avec M. Derosne ; quoique
maintenant il dise le contraire dans son Mémoire, (page 27.)
C ’est une méthode q u ’il n’a jamais voulu mettre en usage, et
qui serait cependant la plus économique.
Le schiste ne se carbonise point sur des grilles de fer, comme
il l’avance encore dans son Mémoire ; mais bien dans des vases
en fonte ou en terre cuite ; dans des creusets. Les experts
ajoutent : qu’ils n’ont pu faire aucune opération avec les fours
destinés à la calcination , attendu que les briques tombaient.
Voilà bien assurément tous les indices d’une fabrication
mauvaise et mal soignée.
Au reste, il fut convenu, pour la commodité de tous, entre
le sieur Mossier et les experts, que l’opération aurait lieu à
C lerm ont, et que le sieur Mossier y ferait conduire une cer
taine quantité de schiste calciné. « Le 8 octobre, continuent
» les experts, nous nous sommes rendus au moulin des Carmes,
» appartenant à la Compagnie; nous y avons trouvé M. Mossier,
» l ’un des entrepreneurs , et M. Chennat, régisseur de la
» Compagnie de Menât, lequel nous a dit : que sans aucune
» approbation ni improbation du jugement rendu par le tri» bunal de commerce de cette ville , le
septembre der» n ie r , m ais, au contraire , sous toutes réserves des droits
» et actions de la Compagnie, il comparaissait uniquement
» tant pour veiller à scs droits contre les sieurs Mossier et
» Daubrée , entrepreneurs , que contre les sieurs Derosne et
» Dumont; il nous a requis de consigner sa déclaration dans
» notre procès verbal. »
Les experts commencent leur opération par former trois
lots des dix-huit boges de noir calciné, pesant :,io o demi kilo-
3
�■
.
(
6
2
1
grammes chacun, que le sieur Mossier avait fait conduire de
Menât : ils les tirent au sort ; le n° tombe au sieur Mossier
il est prie' de commencer le travail, comme il opère ordinai
rement, afin de servir de marche aux experts ; ils observent,
d’abord, que le sieur Mossier fait moudre son schiste sans, au
pre'alable, l’avoir fait trier; son opération terminée, on lui de
mande quels sont les résultats ; il répond que cela est inutile.
A lo rs, les experts trient le leur, le concassent convenablement
en morceaux égaux autant que possible. Ayant remarqué que
les boges contenaient beaucoup de poussière, ils le passent à
travers une grille en fer , maillée ; après l’avoir ainsi préparé ,
ils l’ont fait moudre dans le petit moulin ; ensuite, ils l’ont
mis dans des sacs auxquels ils ont apposé le cachet de M. Gér e s t, l’un d’eux. Le lendemain , les experts ont repris leur
travail. « Nous avons pensé, disent-ils, qu’il vallait mieux faire
» moudre de suite le schiste contenu dans les six sacs, for« mant le dernier l o t , afin d’arriver à des résultats plus posi» tifs, en faisant passer dans les cylindres une plus grande
» quantité de marchandise , et en opérant sur une masse plus
» forte. Nous avons remarqué , en vuidani les six derniers
» sacs, que le schiste n'était pas semblable à celui que nous avions
» fait moudre la veille, et quyil y avait une plus grande quan» tité de noir fin ; nous avons cependant continué notre opé« ration. »
Les experts rendent compte que lorsqu’ils ont voulu faire
repasser le son de la même manière qu’ils avaient fait pour le
schiste entier, le sieur Mossier s ’y est opposé en disant que
ce n’était pas ainsi qu’il opérait lui-même; les experts lui ont
observé que, dès qu’il y avait deux méthodes, il fallait em
ployer la meilleure ; e t , malgré cette opposition , ils ont con
tinué comme ils l’avaient décide.
Cette première épreuve ayant paru insuffisante aux experts,’
pour connaître d’une manière précise le résultat, ils décidèrent
d ’en faire une seconde; mais ils trouvèrent encore de l’oppo-
3
�sition de la part du sieur Mossier, qui prétendait qu’ayant
travaillé le temps indiqué par le tribunal, ils n’étaient plus
en droit de continuer; cependant , après lui avoir observé
qu’ils avaient employé beaucoup de temps à piquer les meules,
les mettre d ’aplomb, trier, casser et passer le schiste, il con
sentit à leur accorder encore le temps nécessaire pour faire
une expérience sur dix quintaux seulement , qu’ils firent
moudre presque en totalité au même instant.
- L e lendemain , g novem bre, à huit heures et demie du ma
tin , ils se rendirent à l’usine de l’établissement, dont les clefs,
disent-ils, restaient chaque soir entre les mains de M. Mossier;
nous açorjf remarqué que toute chose n'était pas dans le même
état que la veille.
« A u moment où nous voulions nous mettre à l’ouvrage, en
» présence de M. Foureau, employé de M. Mossier, et de
» M. Chennat, régisseur de la Compagnie, nous nous aper« çûmes que l’on avait enlevé environ une quarte de schiste ,
» que nous avions laissé la veille, dans la trémie; nous inter» rogeons M. Foureau , et les ouvriers , on nous répond
» que personne n’est monté au moulin, que l’on n’a rien tou» clié. Celte circonstance éveille nos soupçons, e t , après nous
» être concertés, nous pesons de nouveau les sacs contenant
» le noir b r u t , moulu la veille, et cacheté par nous ; cette nou» vclle pesée nous donne un poid de mille neuf demi kilogram» mes ; et cependant, nous n’en avions mis que dix quintaux,
» dont il aurait fallut déduire le déchet nécessaire pour la mou» t u r c , et que l’on peut évaluer à kilogrammes, et la quarte
» du schiste, laissée par nous dans le moulin. »
Ici, faisons remarquer à la Cour une erreur grave, qui se
trouve dans le Mémoire du sieur Mossier (page
.)
Les experts disent qu’ils ne pesèrent la veille que dix quin.
taux de schiste, et que le lendemain ils trouvèrent mille neuf
demi kilogrammes, ce qui fait n euf livres de p lu s, et non pas
neuf cent livres, comme le sieur Mossier l’a fait imprimer.
5
25
�( 64)
Continuons à copier le rapport des experts : « Nous ne pou» vions nous expliquer cette différence; nous aimions à croire
» que nous n’avions pas été trom pés, et que celte différence
» pouvait provenir d’une erreur; dans cette persuasion, nous
» vuidons un premier sac, désirant continuer nos travaux;
« mais nous voyons que ce sac renferme une quantité plus
» considérable de noir fin, qu’il n’aurait dû en contenir ;
» étonnés, de plus en p lu s, nous examinons avec soin les
>> autres sacs : le cachet existait, les sacs n’avaient pâs été dé» cousus; M, Morateur, l ’un de nous, coupe le fil; il était
» intact, et, cependant, le sac renfermait du noir fin impal» pable, en grande quantité. Sur cette entrefaite, arrivent suc» cessivement MM. Blanc et Guillaumon, gérans ; MM. Roux» Laval, Roux-Jourdain et Goyon, actionnaires; nous leur
» faisons part de ce qui arrive.
» M. Goyon, l’un des actionnaires, nous invite à mention-;
» ner, dans notre rapport, que, le lundi matin, la croisée du
« p r e m i e r étage du côté droit de la pièce où est le ventilla» te u r, et d o n n a n t s u r la c o u r , q u i av a it d û être f e r m é e le
» samedi, avait été trouvée ouverte ; et que cinq à six car» rcaux avaient été brisés ; nous lui avons répondu, avec le
» commis de M . Mossier, que le vent seul avait occasionné co
3> dégât; et que, d ’ailleurs, celte circonstance était insigni'
» fiante, puisque les clefs restaient, chaque soir entre les mains
» de l'entrepreneur, M. Mossier.
» E n f i n , pour arrivera la découverte de la vérité, M. Gé» rest, l’un de nous , est d’avis de tourner, sans dessus des» sous, la balle déjà décousue par M. Morateur, ce qui est
» fait à l’instant; nous reconnaissons alors, q u ’une incision;
3> d'environ un pied de longueur, a etc faite à la toile, un peu en
3> biaisant; que c ’est par cette ouverture que la substitution du
» noir fin au noir gros a dû être fa it e , et que cette opération a
P été faite très-récemment.
)>A ussitôt, nous faisons appeler M. Mossier, qui était dans
�( 6 5 ) ,
.
» une autre pièce de l’usine, en présence de MM. Guillaumon,'
» Roux-Laval et Foureau; nous lui adressons de vifs re» proches s^ir une manoeuvre aussi déloyale, qui tendait à
» ruiner notre opération; M. Mossicr répond d’abord, que
» c’est peut-être le résultat d’une erreur de ses ouvriers, qui
» auraient échangé une balle de noir gros ; mais nous faisons
» remarquer àM. Mossier que le sac a été coupé avec un cou» teau et recousu, et que l’on a substitué du noir fin à du noir
» gros ; M. Mossier nous répond que c ’est sans doute un de ses
» ouvriers, q u i, croyant lui rendre service, aurait fait cette sub» stiiution ; q u ille connaît bien, et que lui, ainsi que son épouse
» lui avaient bien défendu de le faire; qu'il ne voudrait p a s,
» pour dix mille francs , que cela fû t arrivé; cependant nous
» devons déclarer, continuent les experts, que M. Mossier n'a
» ni réprimandé, n i renvoyé aucun de ses ouvriers. Le premier
» sacvidé, pouvait contenir environ i à 20 demi kilogrammes
» de noir fin ; le second sac pouvait en contenir de l\o à o , le
» tout provenant de la substitution.»
5
5
L ’on se demande, quels éclaircissemens les juges ont-ils pu
recueillir d’une semblable épreuve, faite sous l’influence d’une
fraude aussi honteuse? Enumérons tout ce qui a été fait pour
'tromper les experts, et nous verrons que l’expression est
applicable.
r L ’on conduit du noir schiste de Menât, dans lequel il y
avait déjà de douze à quinze pour cent de poussière; le sieur
Mossier répond, quand on lui en fait l’observation, que ce sont
les cordes qui l’ont moulu; sans doute, sur les voitures.
a0 L ’on remarque que les six boges qui ne purent pas se
moudre le même jour, et qui furent laissées au moulin jus
qu’au lendemain, contiennent plus de noirfin que celles de la
veille ;
3
° Une pyrite, de la grosseur d’un œuf, est introduite avec
le schiste, pour détourner les meules de leur aplom b, les faire
9
�( 66
)
tourner plus long-temps , et obtenir une plus grande quantité
de noir fin ;
4° L ’on veut
passer le son dans le moulin quff l’on croit le
plus favorable , le sieur Mossier veut s’y opposer.
5°
E n fin , les experts prennent la précaution de peser le
sebiste, de cacheter les sacs ; e t , pendant la nuit, au moyen
d ’une large incision pratiquée au fond desboges, l’on substitue
au noir qu’ils avaient moulu la veille, du noir fin, et le tout
pour tromper la religion du tribunal.
Malgré sa déclaration, le sieur Mossier eut la hardiesse de
faire plaider, devant le tribunal de commerce, que l’on avait
vusortirles gérans de la cour, nuitamment. Nous n’entrepren
drons pas de nous justifier d’une aussi plate calomnie ; nous
dirons seulement que, désirant connaître le résultat de l’opé
ration , nous nous rendîmes au moulin, par la petite barrière ,
à six heures et demie du soir ; arrivés au m oulin, nous trou
vâmes un ouvrier du sieur Mossier dans la cour, qui nous dit
que les experts venaient de sortir, et q u ’ils avaiqfat passé par
la barrière de Montferrand , de crainte que la petite fût
fermée.
Toutes les fenêtres en dehors sont grillées ; la cour est close
par un mur de io pieds de hauteur ; le sieur Mossier couchait
dans l’appartement occupé jadis par l’agent de la Compagnie ,
qui n ’est pas éloigné de quatre toises des meules; les clefs
étaient dans sa chambre ; les trois ou quatre ouvriers, qui cou
chaient au moulin, étaient à son service.'llA in s i, pour que la
fraude eût été commise par tout autre que1les personnes qui
habitaient le moulin , il faudrait supposer que les fraudeurs
eussent passé par le trou de la serrure, et qu’ils n’eussent ré
veille aucun des habitans de la maison.
En rendant compte du résultat de leurs opérations, les ex
perts déclarent que sur cent kilogrammes de schiste calciné ,
ils ont obtenu;
�/
7
0
0
3i
00
C 67 )
E n noir fin im palpable .............................
N ° 2 , fin p alp ab le.....................................
Noirs gro s, de trois numéros , ensemble
Son, dont deux tiers bons.......................
L ’autre tiers m auvais...............................
Déchet sur le p oids, par l ’évaporation .
27
5 i 6° ) 5
3 64 {
1 81
3 87
1
T otal
. . .
100
00.
Ainsi, le noir bon est obtenu dans la proportion de 55,24/000
sur 100.
• N ’examinons pas même s’il faudrait y ajouter le noir fin
n° 2, qui porterait cette quantité à 62,5i/ioo ; nous n’avons
pas besoin d’éclaircir ce fait pour lequel il suffirait aie savoir
si ce noir fin passe ou non dans la toile n° 100 ; car c’gst là le
caractère de l’échantillon déposé et accepté par Mossier comme
par tous ; mais tenons-le pour noir fin , et voyons ce qui de
vrait en résulter ; il faut tirer à l’instant les conséquences du
fait :
L e traité du 7 a v ril, entre la Compagnie , d ’une p a rt, Mos
s i e r et D ’aubrée, de l’autre*, constate que l’échantillon du noir
fin avait été déposé, cacheté, entre les mains des gérans. C ’est
un fait qui n’a jamais été contesté par aucune des parties.
L e traité fait entre la Compagnie et Dumont, le i"m a i sui
vant, c’est-à-dire trois semaines après, constate encore que la
livraison devra être faite, conformément aux échantillons ca
chetés et déposés entre les mains des parties.
Ils doivent prendre proportionnellement:
i° 3o kilogrammes de noir en grain ;
2° 5 kilogrammes de noir, dit noirfin à raffiner.
Mais ce noir fin , pour être propre à*la décoloration, doit
être purgé de la poussière impalpable.
E t , en effe t, comme nous l’avons vu plus h au t, la poudre
impalpable se mêle ayec le sirop , et ne fait que le noircir,
9-
�( 68- )i
effet physique, que tout le monde peut comprendre. D ’ailleurs,
dans son dernier traité avec Derosne, du 24 janvier t i ,
Mossier, qui avait voulu le rendre propre aux couleurs, pré
cisément, suivant lu i, parce qu’il serait impalpable ( v. son
M ém oire, p. 14 ) , et qui n’avait pas pu y parvenir, reconnaît
si clairement qu’on n’a jamais pu le rendre u tile, et qu’il est
obligé de le céder sans p rix , que nous n’avons plus aucune
preuve à faire là-dessus.
Il résulte donc nettement de ce travail des experts, que
,. /100 pour cen t, se réduisant en poiidre im p a lp a b le so n t
un véritable déchet; et que, si le noir fin, n° 2 , ne peut pas
ètte-feçu'domme noir'gros ou eii grain, e t doit; passer comme
fin., il’ne se trouve plus que'pour 8 ,
/100 pour cen t..O r,
Derosne^getDumont n'ont jamais refuséde recevoir quinze pour
cent, ce qui est la proportion.de sur
;- et souvent ils ont
reçu davantage. Nous ne faisons que tracer ici le résultat d’actes
non contestés.
De quoi donc le sieur Mossier a-t-il le droit de se plaindrë ?
Au reste,les experts font une dernière observation; ilsdissnt :
Nous avons obtenu 62, i/ioo pourcent. Il est à remarquer
que nous avons opéré sur du schiste calcine'.
On pourrait, nous le pensons, obtenir du noir gros en plus
grande proportion, en employant les moyens suivons :
Le sieur Mossier les copie, page 26: il dit que les experts
les ont employés; mais on voit le contraire, d’après cette ma
nière de s’exprimer des experts eux-memes ; cela est d’ailleurs
prouvé par le rapport, où ils montrent qu’une pyrite a dérangé
leur seconde opération. Donc, le triage des pyrites n’était pas
bien fait. D ’ailleurs, ils n’avaient pas pu remplacer le frayon, etc.
Remarquons que cela ne change pas les machines avec les
quelles Mossier avait*opéré jusques-là; qu’ainsi, tout consis
tait de sa part dans un mode meilleur de s’en servir.
C’est après ce rapport que les premiers juges ont rendu le
jugement dont est appel. Le président était décédé dans l’in-
83
33 83
83
5
5
35
�( 6 9 ) ..........................................................................
fërvallci Le sieur Mossier avait fait dire à trois des juges des’abstenir; deux autres se récusaient. Le tribunal ne se trouva
plus composé. Il fallut appeler un notable. Le sort tomba sur
un pharmacien.
II faut retracer les singulières dispositions de ce jugement :
Il condamne les gérans ;
i° A prendre livraison des noirs fins, fabriqués depuis le
lîail du 18 décembre 1829, et ce, dans la proportion de 40 ki
logrammes, sur 100 kilogrammes de noir en grains, et à les
payer 9 fr. 5o c . , c’est-à -d irele prix des noirs à raffinerie;
A payer à Mossier 2,000 fr. de dommages-inférets.
II condamne Derosne et Dumont à prendre et retirer ces
noirs des mains des gérans, mais à en payer seulement i ki
logrammes sur 4o; les
autres leur demeureront comme in-,
demnité de la suspension de la fabrication ;
5
25
5
' II condamne Daubrée à oo fr. de dommages-intérêts ;
Et enfin , condamne la Compagnie à tous les dépens.
Il est assez difficile de s’expliquer'comment le tribunal a fait
remonter la livraison de ces noirs au 18 décembre, lorsque les
pièces du procès constataient que tout avait été livré, retiré;
et réglé, pour solde , jusques au i er mars , et que les somma
tions faites par Mossier, les 24 mars et jours suivans, et enfin,
l’exploit de demande, lui-même, constataient qu’ilscplaignait
seulement du refus, depuis peu de jo u rs, depuis le mois de
mars, et q u ’il n ’avait pas saisi le tribunal d ’autre chose.
;
A la vérité, sa demande portait sur tous les noirs1, gisans
dans les magasins ou dans la cour ; mais , de deux choses
l une ;
Ou l’allégation qu’on avait tout re ç u , indistinctement, jus
ques et compris février, était vraie, cl alors il ne pouvait
pas y avoir encombrement ;
Ou elle n’eiait pas vraie ( et il faut bien le reconnaître) , et
alors son moyen principal, unique , était complètement de-
�( 7° ) ’
tru it, et cependant c’est encore le pivot du jugem ent, qui se
fond sur les re'ceplions faites antérieurement.
E n fin , le jugement n’adopte pas cette demande intégrale
ment; il l’applique seulement aux noirs qui ont étéfabriqués
depuis le 18 décembre. Mais quels seront-ils? Sera-ce ceux qui
sont dans la cour ou dans les magasins? Enfin, que deviendra
le surplus? J\este-t-il pour le compte du sieur Mossier? Et
pourquoi donc, s’il a raison ?La Compagnie sera donc con
damnée à prendre, à jamais, tous les rebuts pour des produits ?
Quant à Dumont et Derosne, le tribunal dit qu’ils se sont
engagés à se subroger à la Compagnie , et à remplir ses obli-,
gâtions envers les entrepreneurs ;
Quela déclaration de Guillaumon, qu’il n'y avaitpas d ’éckan-f
tillon, n ’est qu'un hommage rendu à la vérité; quelle ne contient
aucune dérogation au bail; qu’au contraire, il résulte des termes
de l’acte, qu ’ils sontpropriétaires de tous les noirsfabriqués, quelle
que soit leur propriété.
Il semblait résulter de là que Dumont et Derosne devaient
se subroger, pour le tout, à la Compagnie; que c ’était à eux à
recevoir les noirs, comme la Compagnie qu’on y condamnait;
et qu’enfin, s’il y avait dommage pour quelqu’u n , pour ne
l ’avoir pas fait, c’était à eux qu’était la faute, et à eux qu’il
fallait imputer la suspension provenue de ce fait. Cependant,
c’est la Compagnie qui est condamnée à leur laisser , sans
aucun p r ix ,
kilogrammes sur 100, à titre de dommages-intéréts ; mais puisque le tribunal décide , en principe , que
Dumont et Derosne sont obligés de les recevoir , comme la
Compagnie les reçoit elle-même ; et que c’est pour celte fois,;
seulement, qu’il les dispense de les payer, par ce quela sus
pension leur a fait dommage , la Compagnie sera-t-elle obli
gée, à l’avenir, de les leur livrer gratis? Il est bien assez logique
de dire qu’ils devront les payer, car, le principe qui l e s force
à rpcevoir restera, tandis que l’ejcception passagère, qui pro-
25
�( 71 ) .
duit les dommages-inlérêts, aura disparu.Toutefois , c’est une
position qui n ’est pas ncltemcnt exprime'e par le jugement.
Nous n’appelons pas l’attenlion de la Cour, sur les autres
motifs de ce jugement. Nous n’entreprendrons pas non plus
•une discussion raisonne'e des griefs d’appel. La Compagnie,
■
en répondant au M ém oire, a eu pour objet principal de faire
connaître les actes et les faits ; et nous avons eu so in , en les
exposant, d’en montrer les conséquences. Il nous suffira donc
•de résumer quelques réflexions pour faire ressortir nettement
les moyens de la Compagnie.
Peu de jours après le jugement, la Compagnie fut obligée
de passer elle-même un nouveau bail avec Dumont et Derosne.
L ’état où avait été mise cette exploitation, si belle dans le prin. c ip e , la força à subir des modifications considérables.
Au lieu de 24,000 fr., prix du bail du 8 septembre 1829,
la Société ne recevra plus que 10,000 fr., à titre de forfait.
i
La quantité de noir à fabriquer est réduite dans la même
proportion ; l’excédent au delà du taux fixé, sera payé sur le
pied de un franc cinquante centimes.
L ’art. 8 porte :
»
»
»
»
»
»
«Les noirs fins ne pouvant actuellement avoir d ’emploi avantageux, MM. Derosne et Dumont seront libres de les anéantir. Cependant, s’ils trouvaient à en placer, ils payeraient à
la Compagnie une somme de vingt centimes par chaque
quintal métrique, vendu dans le Puy-de-Dôme et départemens limitrophes; et cinquante centimes, pour chaque quintal
métrique , expédié pour toute autre destination.
A r t. q.
.
•J
J iJfilip :
c-i '
« Si Dumont et Derosne pouvaient trouver le moyen de rendre
les noirspns propres aux couleurs, un nouveau supplément
de p r ix , pour la Compagnie, serait réglé amiablement, sinon
à dire d’experts.»
�(
72 )
•A ut .
io .
«Les modifications et changemens nécessaires pour diminuer
la quantité de noir fin actuellement produite dans la fabrication,
exigeant une dépense d’environ 6,000 fr., MM. Derosneet Duruont pourront s’en indemniser, en prenant chaqueannée. pendantsixans, .100,000 kilogrammes de noir gros grains, en susde
la quantité convenue, sans payer la redevance d?un franc cin
quante centimes par 100 kilogrammes.»
Ces trois articles nous démontrent ces vérités d’ailleurs si
palpables, qui résultent de tout l’ensemble des faits.
i° Les noirs fins ne peuvent trouver d’emploi avantageux.
Si on trouve à en placer, Derosne et Dumont payeront 20 c.
dans'un ca s, et o c. dans l’autre. Terme m oyen ,
c. Cette
proportion est remarquable avec le prix auquel la Compagnie
est condamnée à recevoir actuellement, du sieur Mossler ;
tout; celui qui a piu. résulter de sa fabrication. N ’est-ce pas
9 fr. 60 c. ? Et Mossier, dans son traité du 24 janvier
, les
a abandonnés tout à fait. Dans tous les cas , si on le? expédie ,
il n’aura droit qu 'aux frais & emballage et de transport.
5
35
i83i
20 Comme noirs à couleur, on ne leur reconnaît aucune
propriété. , .
3° Quelques changemens
ou modifications peuvent amener
une diminution dans la quantité de cç n o i r , actuellement
produite par la fabrication.
RÉSUME.
I
»
Pour discuter plus à son aise, le sieur Mossier nous a sup
posé un système en quatre propositions, qu’il discute succes
sivement :
mcvV
L ’action deTVIossier est non recevablc; il ne pouvait la
diriger que contre Decosne et Dumont ;
f
�:;/ j
-< 2° Il s ’était engagé à fournir des noirs à couleur , et ceux
qu’il présente n’y sont pas propres ;
° Il pouvait fabriquer une plus grande quantité de noir gros
-grain;
t
” Il ne hù était pas permis de se séparer de Daubrée sans
le consentement de la Compagnie.
Tout ce que nous avons posé en point de fait, tout ce que
'nous avons tiré de conséquences, démontre que quoiqu’on
lui dise tout cela, la défense des gérans ne consiste pas dans
ce plan fait àplaisir. Nous pouvons résumer, en peu de mots,
le résultat de tout ce que nous avons dit, et c’est là qu’on ap
préciera les vrais moyens de la Compagnie.
La difficulté s’élève à raison des noirs sortis de la fabrica
tion , et q u i, n’étant pas conformes à l’échantillon déposé pour
noir à raffinerie , n’ont pas pu être appropriés aux couleurs.
Les sieurs Dumont et Derosne disent qu’ils ne sont pas
tenus de les recevoir, parce qu’ils ne sont pas dans la con
vention , pas conformes à l’échantillon ; qu’en ce qui les con
cerne, ils ne doivent recevoir que du noir en grain, qui ne
passe pas à travers la toile n° ioo; qu’enfin, si Mossier a fait,
avec la Compagnie, des conventions qui l ’autorisent à en dé’
livrer d’autres, moyennant un prix convenu, c’est à la Com
pagnie de les prendre et d’en payer le prix.
Il n’y a pas le moindre doute , qu’à considérer la question
sous ce point de vue , Derosne et Dumont auraient complète
ment raison. Ils l’ont certainement à l’égard de Mossier, car,
il'n e peut pas les forcer à recevoir ce qu’ils ne se sont pas
obligés à prendre; et, alors, il ne resterait plus qu’à decider
s’il peut en imposer la condition à la Compagnie.
Pour cela , il lui faudrait prouver que la Compagnie s’y était
obligée à son égard ;
,
Ou par des actes formels ,
Ou par quelque chose qui pul en tenir lieu.
Voyons s’il remplit cette condition.
io
3
4
�7
'( " -V)
Il n’invoque pas , d’une manière bien précisé , sïi ¿ônvention du 27 janvier 182g avec les gérans ; mais il en résulte,
suivant lui, qu’on devait prendre, indistinctement, tout ce qui
serait fabriqué ; et que le type de Dumont, du noir qui n’exédera pas la toile n° 100 , n’a jamais été sa règle avec la
Compagnie.
La Compagnie répond :
Que les actes sont formels; qu’ils ont été tous acceptés et
exécutés par Mossier pendant long-temps, et qu’il n’a plus
rien à demander à la Compagnie.
Nous avons montré ci-dessus, pages
et suivantes» tous
les faits d’exécution; il nous reste à démontrer, nettement, le
but dans lequel nous entendons les invoquer ; à en faire l’ap
plication à ce que nous venons de dire ; éprouver, en Un mot,
que Dumont et Derosne, étant obligés, par leur traité du
8 septem bre, à se substituer à la Compagnie de M enât, à
l’égard de Mossier, Mossier est également obligé à rèm plir,
envers Dumont et Derosne, toutes les conditions stipulées
entre eux et la Compagnie.
Il n’y aurait pas le moindre d o u te à cela, et personne ne
pourrait élever la plus petite difficulté, si on était bien con
vaincu que le traité du 7 avril, avec Mossier , est entière
ment conforme à la convention faite avec D um ont, le i er m a i,
et au bail définitif du 8 septembre suivant. O r, nous allons le
prouver.
L ’art. i er du traité 7 du avril, entre les gérans, d’une part ;
Mossier et Daubrée, de l’autre , porte nettement que les en
trepreneurs fourniront :
Moyennant 9 fr. o cent., du noir propre au raffinage;
Moyennant 20 f r . ,
du noir propre aux couleurs.
Ce noir devait être vérifié, essayé, et conforme aux échan
tillons cachetés, déposés entre les mains des gérans.
Qui avait confectionné ces échantillons ? Sans nul doute , les
entrepreneurs.
45
5
�Qui les avait cachetés et déposés entre les mains des gérans ?
Eux , sans doute ; eux seuls, car eux seuls pouvaient les con
fectionner; eux seuls avaient droit et intérêt de le faire.
Jamais on n’a prétendu que cet échantillon eût été dénaturé,
et il ne pouvait pas l’être sans le consentement des entrepre
neurs, à moins qu’il ne le fût frauduleusement. O r, c’est une
accusation qu’on n’a jamais hasardée.
Trois semaines étaient à peine écoulées, que les gérans ,
à qui il ne suffisait pas de payer le noir, et qui devaient
aussi le faire écouler, passèrent avec Dumont le traité du i eI
mai (i).
'
Par l’art. i M, ils s’engagent à lui livrer, jusqu’au i e,septembre
tous les noirs provenant de lafabrication, c’est-à-dire, tous ceux
qu’ils devaient recevoir de Mossier , suivant le traité du
7 avril.
'
A partir du i" septembre, ils s’engagent à lui livrer ,ooo ki
logrammes par mois.
Ces conventions étaient tout à fait étrangères à M ossier, et
il est évident que la fixation des quantités, au i" septembre
seulement, provenaient de ce que la fabrication n’étant pas
encore en parfaite activité, Dumont devait se contenter, jusques-là , de ce qu’on pourrait faire.
Tout serait hors de contestation, s’il n’y avait que cela1;
mais le traité s’explique davantage.
Dumont était l’inventeur d’un procédé spécial applicable au
noir en grain , d’une certaine grosseur, et il stipule que sur
les
,ooo kilogrammes, o,ooo, ne devront pas excéder la
grosseur de la toile , n°3o, ni dépasser, pour la finesse, la toile
n° 100. Puis, il applique les ,000 kilogrammes restans, au
noir dit fin à raffiner, qu’il s’oblige de prendre, pourvu
qu’il soit parfaitement purgé de la poussière impalpable ,
35
35
3
5
( 1) Vuir cl-dcssui, page 3 o.
ÎO.
�*
.
( 7 ?’J
propre à la décoloration des sirops, et conforme aux'échan
tillons déposés.
Avanl de rechercher si Mossier a accepté ces conditions pour
lui même, reconnaissons qu’il est impossible qu’elles aient
été faites sans lui ; car les gérans traitaient pour faire écouler
les noirs qu’ils devaient prendre. C ’était là toute leur spécula
tion , et on ne concevrait pas qu’ils se fussent obligés envers
les acheteurs, autrement que les entrepreneurs ne s’étaient
obligés vis-à-vis eux.
D'ailleurs, Daubrée était le seul fabricant qui connût le pro
cédé du sieur Dumont, et il ne pouvait pas s ’y tromper.
Il est vrai q u ’au traité du 1" mai on remarque deux sortes
de noir, le noir en grain , dont la dimension était déterminée;
et le noir, ditfin , q u i, devant être purgé de la poussière impal
pable , était encore en grain, mais plus petit, comme qui
dirait de la poudre à canon, d’un côté , et de la poudre de
chasse, de l’autre.
Mais ces deux noirs devaient être conformes à des échan
tillons déposés.
L ’ont-ils été ? Qu’on fournisse du noir qui y soit conforme.
Un d ’eux ne l ’est-il pas? Que le sieur Mossier ne s’en prenne
qu’à lui-mêine ; car , le 7 a vril, comme le 1" m ai, on ne doit
recevoir que du noir conforme à l’échantillon.
Enfin, offre-t-on des noirs purgés de la poussière impalpable ?
Non. C ’est la poussière elle-même, cette poussière qu’on vou
lait rendre propre aux couleurs, pour lesquelles il la faut impal
pable, et qu’on offre pour raffiner, parce qu’on ne peut pas y
réussir.
Si cela pouvait être , si la Compagnie était obligée à re
cevoir la totalité des matières fabriquées , savoir : Go pour
cent de noir en grain , 4o pour cent de noir fin, c’est-à-dire ,
cent pour cent, cette matière aurait, pour le fabricant , le
rare privilège de ne laisser aucun rebut ni déchet ; et on
se demanderait pourquoi et dans quel intérêt la Compagnie
�77
C
)
1
a inséré dans son traité toutes ces sottises d’échantillons,
d’essais, de vérifications, qui dégénéraient en ridicule?
- Allons plus loin :
L’acte du i er mai constate aussi le dépôt d’un échantillon.
C ’est un fait certain, sur lequel jamais il ne s’est élevé la
moindre contestation. Or„ de deux choses l’une :
v> Ou cet échantillon était celui-là même quiavait été déposé, le
7 avril, et alors les entrepreneurs doivent livrer, et Duinont
et Derosne doivent recevoir le noir qui y est conforme.
Ou il a été changé, et il n’a pu l’être qu’avec la participa
tion de Mossier et Daubrée, et il les engage encore à le suivre
pour la fabrication.
E t, dans l’un et l’autre cas, s’ils n’ont pas déposé le second
échantillon du noir dit fin , ils n e peuvent forcer à recevoir du
noir qui n’a point de matrice.
Allons plus loin encore.
Le
août, les gérans demandent à Mossier et Daubrée,
80,000 kilogrammes par mois; et ils n’omettent pas de dire que
ce noir doit être propre à la décoloration des sucres; qu’il ne
devra excéder, ni la ioile n° o , ni celle n° ioo, c'est-à-dire ,
conforme à Féchantillon déposé avec M. Dumont, dont vous
avez connaissance; ils ne laissent donc rien ignorer. II y a plus,1
ils ajoutent qu’ils font cette demande, conformément au traité
du 7 avril. Si elle s ’en écartait, c’était bien le cas de s’en
plaindre. Si le noir que Mossier et Daubrée devaient fournir;
conformément au traité du 7 avril n’était pas celui qui était
fixé entre les toiles n° o et n° 100, c’était bien le cas de le
dire et de se récrier ; si , enfin , l’échantillon, déposé avec
Dumont, n’était pas celui du 7 a v r i l , s’il ne devait pas faire la rè
gle, s’il n’était pas vrai que Mossier en eût connaissance, il de
venait nécessaire de réclamer; ou bien, il faut le dire, il
reconnaissait que les conventions faites avec Dumont étaient,
en tout, conformes aux obligations contractées par lui-même;
et, alors, il fallait les exécuter.
3
3
3
�V-"
Que dil Mossier, sep are de Daubrée sans la participation
des gérans, comme l’a écrit Daubrée luirmême ?
Il garde trois mois le silence; puis, sur une lettre de rap
pel, il répond le 12 octobre :
Je suis en mesure de fournir et même de dépasser la quantité
de noir qui m'est demandée, pourvu ,que la Compagnie..... me
inctle en possession d’un hangard.... C'est le seul obstacle à
l'exécution actuelle de votre demande. Il reconnaît donc que
l’échantillon déposé avec Dumont était le sien , et qu’il était
obligé de livrer du noir conformé à cet échantillon. Or, cela
nous suffit.
Remarquons que la demande n’était pas faite pour un jour,
pour un mois , mais potjr tout l’avenir, jusqu’à révocation ou
nouvel ordrç\ 80,000 kilogrammes par mois, suivant la con
vention faite avec Dum ont! Or., pas la moindre réclamation
sur les ,ooo kilogrammes de noir fin à prendre contre o,000
de noir en grain, ce qui aurait fait près de 12,000 kilogrammes
par mojs contre 80,000 kilogrammes. Pourquoi ? Parce que
Mossier n’en avait pas déposé d’échantillon ; que ce noir ,
cpmmo nous l’avons dit et prouvé , n’était pas propre à la
décoloration, et qu’à supposer même que Dumont voulût
en recevoir de bonne volonté, Mossier n’avait pas le droit
de l’y contraindre.
Et cependant, q u ’arriv<?~t-il-? Des livraisons considérables
s.çnt faites, dirccteinent de Mossier à Dumont et Derosne, sans
que les gérans y soient appelés. Les comptes sont arrêtés , le
prix des noirs payés sans leur participation ; e t , cependant ,
ç’es.t le $ieur Blanc qui paye, non sous la raison sociale P. Blane
cl Gqillaunion, mais sous la raison de banque Bonfils,P. Blanc
et Fils, Or,cette distinction de qualités, est précieuse; elle est
faite, d’une part, par Dumont et Derosne; et, en même-temps,
par Daubrée , devenu leur agçnt, d’entreprcnpur qu’il était ;
ut, enfin 1 par ÎNIossier > qui exécute avec ces nouveaux pro
priétaires du privilège, les cugogemens contractés par lui avec
5
3
�Í7&)
Itï Corripàgrtié,' l'è 7 avril, et pair la Compagnie dvec Dumont,
lés i " mai et 8 Septembre. Oh peuf së repôrtër aux pagës 4
et suivantes, O11 nous avons ànalisé ces faits d’èxéculioti.
Et ces faits Sont d’autant plus expressifs * d’autant plus forbièls -, qu’ils sont tous là conséquence de l’offre que Dürnont
hvàit faitë à MóSsier cTeácdcuter le traité du 7 avril, et de i’avis
q'U’il lui avdit donné de son propre traité.
Les faits qui ont suivi portëht plus lbiri énCdré Ià: démons
tration. Si notiS ouvrons un compte coiirant, produit au pro
cès et arrêté pour solde, à la dale du i riiarS i$ o, nous y
lisons au prëmiër article :
í<Pour 28,217 kilogrammes de noir de tôiifé espèce , foUr-i
iiis depuis le 2 mai jusqu'à la mise en possession de M M . D e
rosne et Diimont. »
D onc, cette mise en possession , qui a été constatée par un
recoleirtertt d'inventaire et des actes authentiques , a été un
point de séparation adopté quant aux qualités et aux droits des
parties.
Donc, cette séparation, la substitution de Dumont et Derosne
a été acceptée par Mossier ; et quand il n’y aurait pas eu sépa
ration complète ¿ quand la Compagnie n’aurait pas été écartée
par Dumont et Derosne, qui pourtant, comme propriétaires du
privilège, devaient se substituer, Mossier n’aurait pas moins été
tenu d’exécuter, a l’égard de tous , la convention du 1" mai *
qui ne s’écartait pas de celle du 7 a v ril, qu’il avait d’aillcurà
formellement acceptée; et la Compagnie y restant en causé ,
aurait le droit de l ’y contraindre.
Enfin, si on jette un regard sur le trailé qu’il a passé avec
Dumont et Derosne, le 24 janvier i i , on s’étonne de tant
d’insistance, soit sur les faits, soit sur Ici droit.
Est-ce que Mossier n’y constate pas ouvertement le droit
qu’il avait, p a r la substitution de Dumont et Dèrosnë, de rom
pre toute relation avec la Compagnie? de jeter loin de lu i, de'
concert avec les substitués, le traité qu’ils avaient fait avec le¿
5
5
83
3
�( 8o )
gérans le 8 septembre? de faire avec eux des conventions nou
velles? Est-ce qu’il n’avait pas, jusque-là, exécuté, de fait, ce
dont il constatait le droit par cet acte ignoré de la Compagnie?
Est-ce qu’il n’est pas évident, par cela s e u l, que l’échantillon
déposé, soit le 7 avril, soit le 1" mai 182g, est constamment
celui qui l’est encore aujourd’hui, et qui a été continuellement
le type des livraisons antérieures? L ’action du sieur Mossier,
si elle se trouvait fondée, ne peut donc être supportée que par
Dumont et Derosne, qui avaient promis de se substituer?
Cela paraît fort clair.
M a is, dit-on , ce n’est ni de cet échantillon, ni du noir en
grain qu’il s’agit; c’est du noir fin, que Derosne et Dumont re
fusent, précisément parce qu’il n’y avait pas d’échantillon , en
se fondant sur la déclaration donnée par Guillaumon, le 18 dé
cembre. ;
Très-bien : que Dùmont et Derosne aient raison , nous ne le
contestons p a s, mais il faut prouver que la Compagnie , en ce
cas, est obligée.
Elle aussi répondra : précisément parce qu’il n’y avait pas
d’échantillon, je ne suis pas obligée ; car cela seul est un
indice que M ossier,'qui devait , avant tout, le fabriquer,
n ’a pas pu obtenir du noir fin propre à la décoloration ; il n’a
pas pu faire la matrice”, et , par conséquent , ne peut pas
exiger qu’on réçoivc du noir qui n’a pas d ’étalon, et q u ’on ne
peut pas comparer (quoique la condition fut expresse), avec
un échantillon qui n ’existe pas.
On conçoit très-bien que si, avant le traité du 8 novembre,
il avait existé un échantillon du noir fin , cela pourrait servir
de motif pour forcer la Compagnie à le recevoir, sauf, cepen
dant , la vérification et l’essai, qui lui sont toujours réservés,
afin'de'savoir s’il est propre à raffiner , comme le portait le
traité du 7 avril; et alors, la déclaration'dc Guillaumon de
viendrait'utile, à Dumont et Derosne; ce serait leur b o u c l i e r
pour se défendre; mais que signifie-t-elle, dès qu’il n’y a pas
�.‘
c «* )
plus d’échantillon pour la Compagnie P. Blanc et Guillaumont, que pour la Compagnie Ch. Derosne et Dumont ? dès
que la déclaration ne fait que reconnaître un fait vrai pour
tout le monde , et dont les conséquences profitent à tout le
monde , puisqu’elles sont écrites dans le traité du 7 a v ril,
aussi bien que dans celui du 1" mai? Il est donc évident, sous
ce rapport, que la condition delà Compagnie est et doit être la
même que celle des sieurs Derosne et Dumont ; ou, pour mieux
dire, que le procès, si réellement on peut y voir une ques
tion, ne peut exister qu’entre Mossier et eux.
Voilà le résultat évident des traités passés entre toutes les
parties ; e t , m êm e, nous ne craignons pas de le d ire , de l’exé
cution qu’ils ont reçue. Le sieur Mossier ne justifie donc pas
sa demande avec les actes.
Il veut la justifier par les faits. On a toujours reçu, dit-il,
d’abord, les gérans ( et le jugement arbitral les y condamne };
ensuite, Dumont et Derosne ont continué de recevoir.
La réponse sera simple.
Si le fait était v r a i, l’encombrement, prétendu immense,
dont on se plain t, n’existerait pas.
En ce qui concerne la réception par les gérans, antérieure
ment au jugement arbitral, nous avons démontré ci-dessus,
page 37 et suivantes, que ce précédent n’existait pas, et que
quand ils auraient fait quelques réceptions partielles , elles se
raient sans conséquence, puisque les envois avaient prouvé
qu’ils n’étaient pas conformes au traité fait avec M ossier, et
qu’ils avaient occasionné à la Compagnie des frais énormes
en pure perte.
Quant au jugement arbitral, nous avons encore démontré ,
page 40 et suivantes, qu’il était sans influence sur le procès
actuel.
En ce qui concerne les réceptions faites par Dumont et De
rosne, s i e l l e s étaient vraies, et qu’elles dussent établir un
droit pour Mossier, ce serait à eux à en supporter les effets.
U
�{ *2 )
■
Ils ont reçu partiellement, à ce qu’il paraît, mais sansla par
ticipation de la Compagnie , hors la présence de laquelle a été
exécuté le traité du septembre.
Us auraient reçu bénévolement avant le 24 janvier 1 17
car leur traité ne les y obligeait pas , à défaut d’échantillon.
S i , d’ailleurs, ces noirs étaient propres à leur industrie , si
ceux qu’on offre le s o n t, ils doivent les recevoir, si Mossier a
le droit d’exiger qu’on les prenne.
S’ils n’y sont pas propres, Mossier ne peut pas obliger, ni
eux , ni la Compagnie, à les prendre, et ils ont eu droit de
cesser la réception le jour qu’il leur est devenu impossible
de les écouler utilement pour eux. O r, cette impossibilité,
la complète inutilité de ces noirs, est reconnue par Mossier
lui-m êm e, au traité du 24 janvier i i.
Voilà toutes les conséquences que pourrait avoir le fait de
réception. Jamais il ne pourrait se refouler contre la Compa
gnie.
En présence de ces faits, de ces conséquences, si inévitables,
le sieur Mossier appelle à son secours les moyens de consi
dération. Il se présente comme une victime; l u i , père de fa
mille , contre une Compagnie, plus riche et plus puissante,
et beaucoup plus capable de supporter une perte de cette
nature.
Celte position ne changerait, ni le fait, ni le d r o it, ni leurs
conséquences inévitables.
M. Mossier n’est pas seulement un individu , un père de
famille, il est membre de cette Compagnie ; il y a p lu s, il est,
vis-à-vis elle, ¿’entrepreneur de la fabrication, obligé, à ses ris
ques et périls, défaire du noir parfaitement propre aux usages
déterminés par écrit.
Il a fait du noir bon, on l’a reçu et payé.
Il a fait des rebuts , chose inévitable, sauf la quantité, on
n’en veut pas.
Qui a tort ou raison?
8
83
83
�y
..................................................( « 3 ‘ )
Il pouvait faire des bénéfices considérables, s’il eut bien fa
briqué, s’il eût suivi les méthodes et les conseils qu’on lui
avait donnés par écrit ; il ne l’a pas voulu.
Il n’a voulu écouter personne.
Il a chassé tous ceux qui y apportaient leur expérience.
Il a engagé la Compagnie dans des frais considérables , qui
ont été en pure perte.
II a abusé de la confiance aveugle que les gérans avaient en
l u i , et les a exposés aux reproches des actionnaires , pour s’en
être trop rapporté à son expérience , qu’il faisait sonner si
haut.
Enfin, il a paralysé , par son incapacité et son incurie, une
entreprise qu’on croyait sûre, et dont les résultats pouvaient
être immenses. Que veut-il donc à la Compagnie, lorsqu’elle
y perd 200,000 fr. et plus? Et qu’y perd-il, si ce n’est le bé
néfice de ses spéculations personnelles?
Au surplus, les faits avec lesquels il veut faire cette illusion,
ne sont pas vrais.
- Dans ses sommations du mois de mars , et son exploit de
demande , il reconnaît que Derosnc et Dumont n’ont refusé
de recevoir que depuis quelques jours; et il avait réglé, avec
eux , ses comptes de février pour solde et sans réserve.
Il dit avoir cessé la fabrication , et il l’a continuée ; les états
de la maison Derosne le constatent.
Depuis le mois de mars, qu’a commencé le procès , et où
Mossier annonçait qu’il suspendrait la fabrication , à jour fixe,
les états de réception constatent que jusques et compris le
kil°g*
o juin , il a été liv ré , de noir en grain................ 97»
Et pour le même temps, et le mois de juillet,
Dumont et Derosne ont reçu, en noir fin. . . .77,481
L ’envoi de ces livraisons a été fait par Thomas, le ig no
vembre i i.
Il
nous importe fortpeu que Dumont et Derosne aient reçu
des noirs fins dans cette proportion ; c’est bien leur affaire, et
11.
4-77
3
83
�' 84 )
nous ne répéterons pas ce que nous avons dit là-dessus; mais
nous ajouterons qu’ils les ont reçus, en vertu du traité du
24 janvier, qui les autorisait à les prendre, sans prix, ¿'ils
ponçaient parvenir à les utiliser, ce qu’on reconnaissait à peu
près impossible.
La fabrication a cessé, il est vrai, au mois de juillet dernier.
Mais pourquoi ? Une lettre de Charles Derosne et Dumont va
nous l’apprendre.
P a r is , a5 février ï8 5 a .
• »! . I
MM. Blanc et Guillaumon aîné.
*
« Je suis honoré de votre lettre du 19 courant, par laquelle
vous d é s i r e z connaître quels sont les motifs qui nous ont fait
suspendre l’exploitation de Menât. Je vous dirai, Monsieur»
que c’est uniquement la mauvaise confection des noirs fabri
qués par M. Mossier, qui nous a mis dans l’obligation de re
noncer à son emploi, ne pouvant plus tenir aux reproches
que nous recevions journellement des consommateurs ; nous
nous sommes trouvés forcés de prendre ce parti, pour ne pas
perdre toute notre clientelle. Je suis d’accord avec vous,
Monsieur; le schiste est un excellent décolorant, et bien su
périeur au noir animal ; mais pour qu’il ait toute sa propriété,
il faut qu’il ait subi toutes les préparations , avec soin, conve
nablement; chose que M. Mossier n’a jamais faite, et dont je
le crois incapable, puisque, malgré toutes les réclamations
que nous n’avons cessé de lui faire, il ne nous a jamais envoyé
que des produits mal fabriqués sous tous les rapports.
» Nous voyons, comme vous, avec peine, les mines se dété
riorer, faute d être en activité; nous désirons, plus que per
sonne, un changement dans cet état de choses. M . Derosne,
�(S M
qui se propose de faire un voyage à Clermont, très-inccssamm en t, doit faire des tentatives pour y parvenir. »
» J ’ai l’honneur, etc.
J. D umont.
Ce résultat est Celui qu’on avait obtenu à Lyon , Marseille,
Bordeaux, dans le principe.Nous l’avons indiqué ci-dessus ,
page 16; et nous pouvons ajouter ce qui résulté de deux
lettres de Londres, des i octobre et 19 décembre i o.
On y qualifie cette entreprise : h a malheureuse affaire du
noir minéral.
Dans la première , on y demande d'être débarrassé de cette
triste minérale...... Si on n’a pas reçu réponse, d’ici au 9 no
vembre , on jettera au fumier cet article, qui est, vraiment,
pire que rien.
Dans la seconde , on annonce que tous les consommateurs ,
ayant déclaré que l'article ne vaut absolument rien, on le jette
en ce moment au fum ier, parce qu’il encombre les magasins.
Voilà un échantillon des pertes énormes de la Compagnie.
Voilà la matière que te sieur Mossier veut aujourd’hui donner
à 9 fr. o c», après avoir inutilement essayé de la faire prendre
à 20 fr.
En vérité, on s’étonne de tant d’obstination, de tant d’aveu
glement , et il ne reste qu’une chose à dire : c’est que la Com
pagnie attend la justice , et qu’elle croit avoir été juste, pour
le moins, en se résignant à souffrir, sans réclamation, les
pertes énormes qu’elle a éprouvées, par la faute des entrepre
neurs; plus spécialement par la retraite du sieur Daubrée, la
négligence et l’incapacité du sieur Mossier.
Nous ne discuterons pas plus amplement les motifs du juge
ment dont est appel, ils sont suffisamment refutes par la force
des faits et des actes produits ; mais nous ferons ressortir cette
singularité des premiers juges, qui, entre les deux entrepre
neurs, Daubrée et Mossier , ( tous deux ne faisant qu’un pour
4
5
83
�( 86 )
5
la Compagnie, ) condamnent à oo fr. de dommages-intérêts,
celui dont la faute consiste à avoir abandonné la fabrication ,
et accorde, au contraire, 2,000 fr. d’indemnité à celui qui a
ruiné l’entreprise. E n core, si on n’avait pas motivé cette in
demnité sur la suspension de la fabrication , fait complète
ment inexact, puisqu’elle a continué pendant et après le juge
ment, et n’a été suspendue, plus tard, que par la faute de
Mossier, comme le prouvent toutes les circonstances du pro->
ces, et, spécialement la lettre de Ch, Derosne et Dumont, que
nous venons de porter.
Nous terminons ces observations que nous eussions voulu
rendre plus courtes. Nous avons tâché de bien faire comprendre
les faits et leurs conséquences; c’était l’essentiel pour la Com
pagnie; c’était aussi'l’essentiel pour les gérans, que le sieur
Mossier accuse de lui avoir fait préjudice, pendant que plu
sieurs actionnaires leur reprochent de lui avoir donné trop de
confiance, et de l’avoir trop favorisé. Leur consolation est de
penser q u ’ ils sont sans reproches , et que le simple exposé des
faits suffit pour le démontrer à tous les yeux.
?
P. B LAN C et G U IL L A U M O N , Gérans.
M e d e V ISSAC , Avocat.
M. B A Y L E , Avoué.
RIOM IMPRIMERIE DE THIBAUD AVRIL 1852
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[Factum. Mossier. 1832]
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Bayle
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The topic of the resource
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schiste
sociétés par actions
noir animal
commerce
industrie
moulins
bail d'entreprises
procédés de fabrication
Daubrée (Edouard)
voyageurs de commerce
exportations
tribunal de commerce
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Titre complet : Mémoire en réponse, pour la compagnie de Menat, en la personne des gérans, appelans et intimé ; contre les sieurs Mossier et Daubrêe, intimés et appelans ; et encore contre les sieurs Dumont et Derosne, intimés.
Annotations manuscrites. « 19 juin 1832, 3éme chambre civile, ou chambre correctionnelle...1er octobre 1835, arrêt de rejet de la cour de cassation. Sirey, 1836-1-65 ».
Table Godemel : Cession : 7. les cédataires ou subrogés aux droits d’une compagnie de mines, peuvent-ils soutenir, que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession ou transport à l’entrepreneur, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à cause des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement le traité relatif à l’exploitation, avec l’entrepreneur, ils avaient en eux même la faculté de faire cette signification, s’ils la jugeait utile ? Qualité : 7. un individu, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la compagnie, ayant comparu à un acte de subrogation fait au nom de la compagnie, qu’il a signé, sans déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, et n’avoir en rien fait novation à ses droits, résultant de son autre qualité, celle d’entrepreneur ? Mines : 4. actionnaire de la compagnie des mines de Menat exploitant une fabrique de noirs de deux espèces, l’une dite noir gros grain, et l’autre dite noir fin, le sieur mossier, qui avait traité avec elle le 7 avril 1829 pour la fabrication de ces deux espèces de noir, a-t-il pu assigner les gérants pour les faire condamner, avec dommages intérêts, à retirer tous les noirs fabriqués ou, n’a-t-il eu d’action directe que contre les sieurs Dumont et Derosne, subrogés aux droits de la Compagnie par traité du 8 septembre, même année ?
Mossier, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la Compagnie, ayant comparu à l’acte de subrogation du 8 septembre, qu’il a signé, sans toutefois déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, celle d’actionnaire, et n’avoir en rien fait novation à ses droits résultants de son autre qualité, celle d’entrepreneur ?
Le noir en magasin a-t-il pu être refusé par la Compagnie, ou par ses cédataires ? Le refus de renvoi a-t-il causé préjudice à l’entrepreneur Mossier et donné lieu à des dommages intérêts ? Contre qui, des gérants ou de la Compagnie, ou des subrogés, ces dommages intérêts doivent-ils être prononcés ?
Les sieurs Dumont et Derosne devenus cédataires ou subrogés aux droits de la Compagnie par l’effet du traité du 8 7bre 1829, peuvent-ils soutenir que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession à l’entrepreneur, Mossier, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à raison des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement l’acte du 7 avril précédent, ils avaient eu eux même la faculté de faire cette notification, s’ils la jugeaient utile ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1832
1825-1832
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
86 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2716
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2715
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Clermont-Ferrand (63113)
Menat (63223)
Rights
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bail d'entreprises
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chimie
commerce
Daubrée (Edouard)
dissolution de sociétés
experts
exploitation du sol
exportations
industrie
Mines
moulins
noir animal
procédés de fabrication
schiste
sociétés par actions
tribunal de commerce
voyageurs de commerce
-
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86ae1a8dfe93d713c0867841ab49e2e1
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Text
MÉMOIRE
COUR ROYAL/
DE RIOM.
< W W % i H » W W W |> W
PO U R
Le sieur M O SSIER , In tim é S
I » m
CH AM BRE
c o rre c tio n ^
CO NTRE
L e s sieurs B L A N C et G U I L L A U M O N T } gérans
,
de la Compagnie de M ena t , p o u r l ' exploitation
du schiste carbo-bitum ineux , A p p e la ns.
i
i
L a découverte du schiste carbo - bitumineux de
Menât fît naître en Auvergne une nouvelle branche
d ’industrie. On pensa que ce schiste pourrait rem
placer avantageusement le noir animal dont le prix
était alors assez élevé. Pour l ’exploiter, des spécula
teurs se réunirent en compagnie. Divers essais eurent
lieu. Ils réussirent. Alors l ’exploitation s’organisa plus
en grand et sur des bases plus fixes. Le sieur Mossier
en fut long-tems le directeur provisoire.
Sa gestion avait été approuvée, et les produits
qu’elle avait fournis avaient paru suffisans, lorsque,
la compagnie voulant convertir la régie en entreprise,
le sieur Mossier fut invité à s’en charger.
Il accepta cette offre et se soumit, d ’abord se u l,
ensuite avec un associé, à livrer des noirs semblables
à ceux dont une assez longue gestion avait pu faire
connaître les propriétés.
�(
2 )
Pouvait-il craindre que plus tard on lui élèverait
des difficultés sur la nature, sur lesqualités des produits
vérifiés déjà par l ’expérience de plusieurs années ?
C ’est, cependant, ce que l ’esprit de tracasserie de
quelques personnes lui a fait éprouver.
E n vain le sens des conventions faites avec le sieur
Mossier avait-il été fixé par une longue exécution.
E n vain ces conventions avaient - elles été même
interprétées judiciairement après un soigneux examen
par des arbitres du choix des parties.
Une semblable difficulté a été de nouveau soulevée
par les gérans de la compagnie, et il a fallu soumettre
encore aux décisions plus lentes des tribunaux., la
question de savoir si l ’on pouvait refuser une partie
des noirs fabriqués, sous prétexte que le grain en était
trop fin; c’est-à-dire, une question identique à celle
sur laquelle ces g é r a n s d i i f i c u l t n e u x venaient d e suc
comber.
Un jugement du tribunal de commerce a fait justice
de cette seconde contestation.
Assigné devant la C o u r , sur l ’appel de ce juge
ment, le sieur Mossier n’a pas à redouter l ’examen
éclairé des magistrats supérieurs.
Mais s’ils ne peuvent espérer de succès, ses adversaires
auront au moins le triste avantage de lui causer un
grand préjudice en paralysant toutes ses ressources, cri
retenant dans leur caisse les fonds qui lui sont dus; des
fonds pour lui considérables, et qui devaient lui cire
payés dans le mois même d’ une livraison que, depuis
pr ès de deux ans, ils refusent de recevoir.
�( 3 )
FAITS.
' v
On sait que la commune de Menât a clans son terri
toire des mines d’un schiste carbo-bitumineux dont
l ’industrie a su tirer parti en le calcinant, le carboni
sant, et le réduisant en poudre granuleuse propre à
divers usages.
•;
*
Ces mines, concédées d ’a b o r d ’à M. Bergougnoux
par ordonnance du 2o'avril 1825, devinrent, en 1827,
la propriété d’une société qui: se forma pour leur ex
ploitation. Le fonds social se composait de cent actions
de 2000 francs chacune.Le sieur Mossier était au nom
bre’ des actionnaires.
Par délibération du 5 mai 1827 , les.membres de la
société établirent un conseil d ’administration , firent
choix de deux gérans, et nommèrent le sieur Mossier
directeur provisoire de la fabrication du noir, objet de
l ’industrie.
Les gérans étaient les sieurs Blanc et Guillaumont,
ceux là même qui ont intenté le procès actuel.
L a direction provisoire de M. Mossier a duré seize
mois. Pendant cet intervalle,‘»‘les essais se sont multi
pliés-, des envois considérables oitt été faits , et la société a
prospéré de manière à lui faire espérer un brillant avenir.
M. Mossier était celui dont leS Soins’ avaient le plus
contribué à cette prospérité. 'A ussi les membres de la
société avaient-ils, dans plusieurs c i r c o n s t a n c e s , fait
l ’éloge de sa direction.
L ’ un des membres du conseil d’administration, le
sieur Bardonnet, lui écrivait, le 12 avril 1 8 2 8 :
f
« Les échantillons que vous m’avez fait passer sont
�«
«
«
«
superbes, sur-tout ceux que vous avez fait filtrer
de nouveau. Ne vous découragez pas*, fa iso n s du
noir comme cela , et ne craignons pas de çancurrence.
« Ces expressions, ne vous découragez p a s , avaient
« trait au mécontentement que faisaient éprouver au
« sieur Mossier les procédés de certains des sociétaires.
D ’autres membres du conseil d’administration ex
primaient aussi leur satisfaction dans une lettre qu’ils
adressaient aux gérans (les sieurs Blanc et Guillaumont), le 12 juillet 1828.
Après avoir parlé de divers essais faits sur la matière
première, pendant les seize mois précédons, ils ajoutent :
« Il parait qu’enfin 011 est satisfait des résultats
« obtenus, et. q u ’il y a certitude de faire admettre
« par le commerce les produits semblables aux der« niers é c h a n t i l l o n s envoyés à Paris. Dans.cette posi« tion, messieurs, qu’avons-nous k faire? fabriquer
« et vendre. Déjà vous avez conclu un m arché assez
« considérable. Il est donc essentiel de nous mettre
« à même de remplir les engagemens que vous avex
»< pu contracter, quoiqu’ils ne soient que conditionnels
« de votre part. Mais il est évident que ne pas profiter
« du premier débouché considérable q u i s ’oifre à nous,
« serait une faute capitale.
Ces membres du conseil d ’administration émetlent
aussi l ’avis de donner la fabrication à prix fait, et de
comparer les propositions de M. Mossier avec toutes
autres qui auraient pu être faites.
Enfin ils rappellent aux gérans les réclamations de
�(
5 )
M. Mossier, q u i, depuis long-tems sollicite de v o u s ,
disent-ils, un règlement de compte qui lu i fa sse
connaître la somme qui doit lu i être allouée p o u r les
seize mois q u i l est resté à M e n â t o h i l a reçu les
membres de la société, nourri les domestiques de
Vétablissement, et souvent cinq à s ix ouvriers p a r
jo u r .
Cette lettre annonce clairement que, dès cette
époque, le sieur Mossier avait à se plaindre des gérans.
Quant aux propositions qu’il avait faites, elles
avaient été provoquées par une lettre de M. Blanc,
l ’un des gérans, q u i, le 25 avril précédent, lui écrivait
en ces termes :
« L ’intention de la compagnie est de donner la
« calcination , par entreprise, à tant le quintal. Cette
« opération exige deux personnes; je pense qu’il vous
« conviendra de vous en charger, etc.
Telle est la demande qui avait précédé la proposition
que fit le sieur Mossier à la compagnie ou à ses gérans.
Ce fut dans ces circonstances, que de premières
conventions fuient passées entre les gérans de la com
pagnie et le sieur Mossier.
Ces conventions furent signées le
11 est utile de les analyser.
2
août 18 2 8 .
Par l ’article i*r, le sieur Mossier s’engage à livrer à
la compagnie, chaque mois, une quantité de 3 o à 5 o
milliers de noir, pour clarifier et pour couleurs, par
faitement calcinés, blutés et emballés, et de les faire
conduire h Vichi ou à Clermont, moyennant le prix
de 9 francs les cent kilogrammes.
�D ’après l ’article 2, chaque livraison doit être vérifiée
par un agent de la Compagnie, chargé d’en examiner
l ’état et le conditionnement, et d’en constater le poids/
L ’article 3 soumet le sieur Mossier à faire construire,
à ses frais, tous les fours nécessaires à Inexécution et
aux commandes de la société, et à fournir les mar
mites et les combustibles.
Par les articles 6 et 7 , les sieurs Blanc et Guillaumont s’obligèrent, au nom de la compagnie, à faire
réparer les moulins , à faire construire un ou deux
blutoirs par e a u , à faire couvrir les fours par des
liangards, à provoquer, dans l ’année, la construction
d’ une écurie pouvant contenir trois chevaux.
D ’après l ’article 8, le montant du noir livré par
l ’entrepreneur à la compagnie devait lui être payé
chaque mois.
D a p r è s l ’ a r t i c l e 10 , l e b a i l d ’ e n t r e p r i s e devait durer
deux, quatre, ou six années, sans qu ’il put être
interrompu à l ’expiration des deux premières périodes,
si ce n’est en se prévenant respectivement six mois à
l ’avance.
Telles étaient les principales clauses de c e s conven
tions , faites après plus de seize mois d’épreuves sur les
produits, et à une époque oii la qualité des noirs
fabriqués était parfaitement connue de toutes les
parties. Leurs conventions ne pouvaient évidemment
s’entendre que de noirs tels qu ’ils avaient été fournis
jusqu’alors par le sieur Mossier5 et lorsque c e l u i - c i
s’engageait il fournir, chaque mois, 3 o à 5o milliers
métriques de noir p o u r cla rifier ai p o u r co u leu rs, il
�(
7 )
est clair qu’il n’avait pu avoir l ’intenlion de promettre,
qu ’on n’avait pas eu aussi celle d’exiger de lui du noir
d’ une autre qualité, d’ une autre espèce que celui qu ’il
avait jusqu’alors fourni, que celui dont les échantillons
avaient paru superbes aux sociétaires eux-mêmes.
Aussi, pendant toute la durée de ce bail, la com
pagnie, et ces mêmes gérans qui contestent aujourd’hui
reçurent-ils sans difficulté tous les noirs, gros grain ou
fin grain , que produisaient les opérations de l ’entre
preneur 5 opérations coniformes a celles qui avaient été
suivies pendant la direction provisoire.
Il ne s’était pas encore écoulé un an de ce bail .
lorsque, le 7 avril 18 2 9 , le sieur Mossicr s’associa le
sieur Daubrée; et un nouveau bail d'entreprise fut
passé entr’eux et les gérans de la compagnie.
Ce nouveau bail comparé au précédent ne présente
de différence que relativement aux prix, et à. la charge
que prennent les entrepreneurs de vendre des noirs
pour le compte de la compagnie.
Les sieurs Mossier et Daubrée doivent fabriquer du
noir moyennant 9 fr. 5o c. par cent kilogrammes de
noir propre au rafinage,et 20 fr. par cent kilogrammes
de noir propre aux couleurs (art. I er du bail.)
L e noir à raffinerie devait être parfaitement ca lcin é,
b lu tlé et em balle j et le noir de couleur é g a l e m e n t
c a lc in é , broyé , et en tout conform e a u x échantillons
cachetés, déposés entre les mains des gérans.
Il devait être conduit, aux frais, aux risques et
périls des entrepreneurs, soit à Vichi, soit à Clennont
(art. a . )
Les fours nécessaires et les marmites devaient être aux
�frais des entrepreneurs, les bâtimens et les machines
fournis par la société (art 3 .)
Chaque livraison devait être soumise à l'inspection
et à l ’essai d’ un délégué de la compagnie (art. 4 -)
Les entrepreneurs se Soumettaient à fournir à la
société telle quantité de noir qu’elle demanderait,
pourvu qu’ils fussent prévenus six mois à l’avance
(art. 5 .)
Le montant du noir livré devait être payé chaque
mois (art. 8 . )
Il était alloué aux entrepreneurs un droit de com
mission pour les ventes qu’ils feraient (art. 14 .)
Le décès de l ’un des entrepreneurs devait entraîner
la nullité du traité, en sorte que le sieur Daubrée
décédant, le sieur Mossier ne pouvait continuer seul
l ’entreprise sans le consentement de la compagnie; et,
réciproquement, s i le sieur M o s s i e r décédait, le sieui*
Daubrée ne pouvait aussi la continuer qu’en s’ad
joignant un de ses frères; sinon, il lui faudrait le
consentement de la compagnie.
On remarquera que l ’adjonction de M. Daubrée à
l ’entreprise eut lieu principalement pour l ’employer à.
des voyages dans 1’ intérêt de la société; q u ’aussi, dès
l ’origine, il s’est peu occupé de-la fabrication qui est
toujours restée confiée à M. Mossier; le sieur Daubrée
voyageant, soit en France, soit à l ’étranger, pour le
placement des noirs.
Le noir propre aux couleurs était évalué beaucoup
plus que l ’autre, parce que, après avoir passé sous Us
meules des moulins ordinaires, il devait être encore
�(
9 )
broyé et bluté de manière à être converti en poussière
très-fine qui pût se fondre dans Fliuile avec les cou
leurs. Mais pour acquérir ce degré de finesse, d’autres
meules, d ’autres blutoirs eussent été nécessaires; et
la compagnie n’en a pas fourni quoiqu’elle se fut.sou
mise par le bail a faire à ses frais toutes les construc
tions, toutes les machines nécessaires à l ’entreprise.
Il est à remarquer que tout le noir gros ou fin
était alors considéré comme également propre k la
raffinerie. A cette époque même on employait plus gé
néralement à cet usage du noir fin grain. Mais depuis,
l ’on a découvert que le noir gros grain, d ’un certain
numéro, était plus propre à raffiner, parce qu’ il se
combinait moins facilement avec la liqueur, et que ses
molécules restaient plus séparées et clarifiaient par
suite beaucoup mieux.
Aussi voit-on qu’il n’est question, ni dans le premier
ni dans le second bail, de la distinction que l ’on a
voulu faire depuis entre le noir gros grain et le noir fin
grain. E t si l ’on considère que, dans le fa i t , l’ un
comme l’autre peuvent servir à clarifier; qu’en août
1828 et en avril 1 8 2 9 , époque des deux baux, les
railneurs ne faisaient pas de distinction; qu’aujour
d ’hui même encore beaucoup de rafineurs se servent
du noir fin grain , particulièrement du noir animal
de cette qualité, l’on reconnaîtra que, lorsque les
conventions qui nous occupent furent faites entre les
gérans de la compagnie et les entrepreneurs, il était
entendu par toutes les parties que la totalité des noirs
fabriqués, quel q u ’en fut le grain , serait prise par la
•x
�compagnie, sauf à ne payer que 9 fr. 5o c. ceux qui
ne seraient pas propres aux couleurs.
C ’est aussi clans ce sens que le second bail, comme
le premier, a reçu son exécution.
Ou a vu qu’aux termes du bail, des échantillons
cachetés devaient rester entre les mains des gérans. On
en parle même comme si le dépôt en avait été fait. Il
parait cependant que ce dépôt n’eut pas lieu , sans
doute parce qu’il fut jugé inutile; les noirs qui avaient
été livrés jusqu’alorsnevariant paset ne pouvant même
guère varier, puisque c ’était toujours à, l ’aide des
mêmes machines fournies par la compagnie qu'ils
étaient fabriqués.
Il est fâcheux pour le sieur Mossier que ces échan
tillons n’existent pas. Car, à leur inspection, on aurait
reconnu q u e les n o i r s q u ’ o n lui refuse aujourd’ hui sont
absolument semblables à ceux que les é c h a n t i l l o n s
auraient présentés, à ces noirs qu ’on a reçus sans récla
mation pendant plusieurs années, soit comme noirs
à rafinerie, soit comme noirs à couleurs.
Le 6 mai suivant les gérans de la compagnie traitè
r e n t, pour la vente des noirs, avec M. Dum ont, ma
nufacturier à Paris. Yoici les principales clauses de
l ’acte :
Les gérans promettent de livrer h. M. Dumont,
jusqu’au 1 " septembre, tout le noir provenant de la
fabrique de Menât, moyennant 18 fr. les cent kilo
grammes (Art. I e r ) .
Il est convenu qu ’à compter du premier septembre
�( 11 )
et pendant cinq années consécutives on livrerait par
mois au sieur Dumont 35 .,ooo kilogrammes du noir,
dit noir en g ra in , p ro p re , est-il dit, à Vem ploi du
p ro céd é du sieur D u m on t, ne devant pas excéder en
grosseur la toile n° 3 o, ni dépasser en finesse la toile
n° 100, et 5 ,ooo kilogrammes de noir, dit fin à raffi
n erie, propre à la décoloration des sirops (art. 2).
Ces deux espèces de noirs devront être conformes
aux échantillons déposés entre les mains des parties.
Il est dit, dans l ’article l\, que le noir désigné dans
l ’article 2 , sous le nom de noir à raffinerie, serait livré
h M. Dumont, dans la proportion seulement de 1 375
le surplus, est-il ajouté, sera vendu p a r le s gérans.
On voit qu ’il est parlé dans cet acte d’un procédé
de H. Dumont, à l ’emploi duquel était seulement
propre du noir en grain d’ une grosseur déterminée.
Ce procédé était tout à fait nouveau. Le sieur
Dumont, qui l ’avait découvert, l'employait seul alors.
C ’était celui dont nous avons parlé plus haut, et
d'après lequel il faisait seulement usage, pour la déco
loration ^ d’un noir en grain placé par sa grosseur
entre les toiles n°s 3 o et 100.
Ou y voit aussi que le sieur Dumont consentait
cependant à. prendre du noir plus lin pour la raffi
nerie , mais seulement dans la proportion d’un septième,
ce qui prouve que cette espèce (le noir était propre à
cet usage.
On y voit enfin que les gérans s’engagent à livrer
jusqu’au i er septembre tout le noir indistinctement,
et que pour le teins postérieur, si le sieur Dumont
�^
( )
12
n'en prend qu ’une partie, les gérans se- réservent de
vendre le surplus.
Donc ils reconnaissent que tous les noirs indistinc
te ment devaient être reçus par la compagnie.
Le 8 septembre 1 8 2 9 , un nouveau traité eut lieu
entre les gérans et le sieur Dumont.
Les gérans affermèrent à celui-ci l ’établissemeut
de Menât, l’exploitation du schiste, et tout ce que
comprenait la concession du 20 avril 1825.
M. Dumont déclara connaître l ’acte de société, les
conventions faites avec MM. Mossier et Daubrée, celles
pour les transports, qui avaient eu lieu avec an voiturier
nommé Veysset.
Il fut sublitué à la compagnie, à l ’égard de ceux-ci
comme envers le gouvernement.
Le h ail fut fait pour quinze années à commencer
au I er novembre suivant.
Il fut stipulé que, la première année, il ne pourrait
être fabriqué plus de 1200,000 kilogrammes, que, les
autres
années, on pourrait en fabriquer 2,/|00,000*,
et que si la quantité était plus grande, le sieurDumont
paierait à la compagnie, en sus du prix, un franc par
cent kilogrammes de tout noir, quel (juc fû t son em ploi.
Le prix du bail fut fixé à 12,000 francs pour la
première année, à 2/1,000 francs pour chacune des
autres.
Tous les frais de construction et de placement d’agrès
(rétablissement furent mis à la charge de M. D u m o n t .
Le si< ur Dumont promit de fournir une caution de
/|o,ooo francs.
�Les gérans de la compagnie s’engagèrent, de leur
coté, à rapporter la ratification de tous les actionnaires.
Les deux traités qu’on vient d’analyser offraient à
la compagnie d’assez grands avantages :
Par le premier, elle vendaità la compagnie 18 francs
les cents kilogrammes de tout noir indistinctement,
qu ’elle n’a été condamnée elle-même à payer que
9 francs 5o centimes, comme on le verra bientôt. .
Par le second, quoique moins heureux, elle obte
nait cependant sur chaque cent kilogrammes un
bénéfice d’ un franc sans aucuns frais, sans aucune
•
L e second traité a été approuvé parle sieur Mossier,
mais seulement en sa qualité d’actionnaire.
Dans l ’intervalle des deux traités, le sieur Mossier
et le sieur Daubrée avaient passé entr’eux, le iG juillet
1829, un acte par lequel, sans entendre nullement rien
changer a u x conventions du 7 a v ril précédent en ce
(¡u’elles ont d ’obligatoire de leu r part envers les
gérans , voulant prévenir toutes contestations dans
leurs attributions, est-il dit, ils divisèrent entr’eux
les fonctions dont ils s'étaient chargés par l'acte du
7 a v r il, et l ’indemnité qui leur était accordée.
Le sieur Mossier se chargea ^de la fabrication du
noir, du matériel de l ’établissement et de tout ce qui
y était relatif.
Le sieur Daubrée se soumit à faire toute tournée
ayant p o u r objet la vente ou le placem ent du noir
de M enât.
Les indemnités furent divisées comme les travaux,
�et
«
u
«
«
il fut stipulé dans l’article 8 « qu’il serait écrit
aux gérans une lettre signée des deux contracians,
ayant pour objet de les engager à s’y conformer
pour ce qui était des paiemens à faire à l ’ un et à
l ’autre. »
Que cette lettre ait été écrite ou non, il est certain
que les gérans n’ont pas ignoré ces conventions particu
lières aux deux entrepreneurs ; antérieurement même,
le sieur Mossier leur avait écrit pour leur annoncer
qu’à raison de quelques difficultés qui s’étaient élevées
entre lui et le sieur Daubrée, il renouvelait l ’engage
ment de rem plir à lu i seul les obligations contractées.
Cependant le bail fait avec les entrepreneurs conti
nuait à être exécuté de bonne foi jusqu’au i"septembre,
et les gérans, ou le sieur Dumont qui s’ était chargé de
tout p r e n d r e jusqu’à cette époque, n’élevaient pas de
difficulté sur les noirs. Ils les r e c e v a i e n t tous p r i n c i p a
lement comme propres à la raffinerie, mais en partie
aussi comme propres aux couleurs; car les plus fins,
n o t a m m e n t ceux qui étaient en poudre impalpable,
pouvaient servir à ce dernier usage.
Mais lorsque, au i er septembre 1 8 2 9 , en execution
de la convention faite avec les gérans le 6 mai précé
dent, le sieur D im ^n t n’eut plus à recevoir qu’ un
septième des noirs, en noirs fins. Alors se forma un
germe de discussion , les gérans 11e retirant pas le sur
plus de ces noirs fins qu’ils s’étaient cependant réservé
de vendre dans l’acte même du 6 mai.
Cette espèce de noirs s’accumula en p r o p o r t i o n de la
fabrication que dut faire le sieur Mossier pour remplir
�les engagemens des gérans envers le sieur Dumont.
Ceux-ci, en effet, par deux lettres des 3 août et
8 octobre 1 8 2 9 , prévinient le sieur Mossier qu’ il eût
à livrer au sieur Dumont 80,000 kilogrammes, chaque
mois, de noir propre à la décoloration, et dont la
grosseur, sans excéder celle de la toile n° 3 o, ne fût
pas au-dessous de la toile n° 100.
Le sieur Mossier leur répondit,le 12 octobre, qu’il
était en mesure de fournir le noir demandé, pourvu
qu’on le mît en possession d’ un hang'ard indispensable
pour abriter le schiste, le noir et les ouvriers. L e
retard de cette construction } disait-il, est le seul
obstacle à Vexécution actuelle de votre dem ande.
Au lieu de satisfaire à cette juste réclamation qui
avait déjà été plusieurs fois faite verbalement, les
gérans firent notifier le 12 octobre aux sieurs Mossier
et Daubrée une sommation de livrer le noir promis
au sieur Dumont.
Alors le sieur Mossier présenta, le i 4 ? au tribunal
de commerce, une requête dans laquelle il se plaignit
du retard des constructions nécessaires pour l ’établis
sement, et notamment de celle d’ un hangard;
il
demanda à être autorisé à assigner les gérans en nomi
nation d’arbitres.
Des arbitres sont nommés, une instance s’engage
sur divers points de difficultés.
Bientôt les gérans n’obtempérant pas à une somma
tion que leur fit le sieur Mossier de retirer tout le noir
fin qui avait été extrait de la fabrique, les arbitres
sont aussi saisis de ce chef de contestation.
�( «6 )
Devant les arbitres, les -gérans persistèrent clans
leur refus de recevoir ces noirs fins, prétendant qu’ils
ne remplissaient pas les conditions prescrites.
L e sieur Mossier concluait à ce qu ’on lût tenu de
retirer, comme noirs fins, tous les noirs existant en
magasins, au 3 novembre, et à ce qu’on lui en payât
le prix.
Les arbitres, par décision du 17 février i 83 o, or
donnèrent que les sieurs Blanc et Guillaumont, en
leur qualité de gérans, recevraient tous les noirs qui
étaient en magasins} quelle que fu t leu r qu a lité 3 s a u f
néanmoins ce qui aurait été mis de coté comme noir
d ’engrais, au p r ix de 9 fra n c s 5o centimes les cent
kilogram m es sans commission.
Comme ce jugement prononce sur une question
absolument semblable a celle qui est soumise au
jourd’hui il la Cour, il peut être utile d’en faire
connaître les motifs.
« Attendu qu’aux termes des conventions du 7 avril
« 1 8 2 9 , les noirs doivent ótre préparés à l ’aide d’us« tensiles et de travaux fournis et dirigés par les sieurs
« Mossier et Daubrée, et des machines livrées par la
« compagnie;
« Attendu qu’ il résulte de là , que les noirs sont à
« la charge de la compagnie s’ils sont préparés au
« mieux des travaux et des machines à fournir par
« chacun des intéressés;
« Attendu qu’il n’est pas contesté que les noirs
t< offerts par M. Mossier soient bien calcinés et blutés;
P Attendu, néanmoins, qu’il a été reconnu par los
�« pariies qu’il n’avait pas été déposé d’échantillon
a pour les noirs propres aux couleurs.*»
« Attendu qu'en l ’absence de tout échantillon,
« Mossier ne saurait contraindre les gérans à recevoir
« le noir qu ’il oflfre comme propre aux couleurs, qu’au« tant qu’il serait justifié qu’il est en tout propre à la
« destination qu’il lui indique.
« Attendu qu’il résulte des lettres produites par
« les gérans que ce noir n’a pas encore atteint un
« degré parfait de perfection.
« Attendu que dans le doute de l ’emploi auquel il
« pourra être destiné, et à défaut d’échantillon qui
« puisse servir de base fixe, il est de justice, en altri« buant le noir à la compagnie, de le lui faire payer
u au plus bas prix. »
Ainsi fut terminée cette première contestation. Ou
n’alloua au sieur Mossier que 9 fr. 5 o c. par cent kilog rammes pour ce noir qui était en grande partie
semblable à celui que l ’on avait reçu comme noir à
couleurs depuis l’origine de la gestion et de l ’entreprise
du sieur Mossier. Mais on obligea les gérans de le retirer,
parce que si ce noir n’avait pas atteint toute sa per
fection , c’est-à-dire toute la finesse possible comme
noir à couleurs , cela venait de l ’imperfection îles
machines , moulins ou blutoirs fournisO Apar la coinpagnie.
La difficulté dont nous venons d'indiquer le sort et
quelques autres résolues par le même jugement 11e
furent pas les seules tracasseries que dut subir le sieur
Mossier de la part des gérans. Le sieur Blanc , l ’ un
�d’eux sur-tout, employait toutes sortes de moyens pour
lui faire abandonner l ’entreprise. Pendant le procès
même dont nous venons de parler, il lui en intenta
plusieurs autres dont il fut aussi fait justice.
Comme trésorier de la compagnie, et conformément
à l ’article 8 du bail à entreprise, le sieur Blanc avait
fait au sieur Mossier quelques avances qu ’il devait
imputer sur le prix des noirs. O r, tandis que, comme
gérant, il refusait de recevoir les noirs et d’en acquitter
le prix, comme banquier et sous le nom de la maison
Blanc et Bonfils, il exerçait des poursuites multi
pliées contre le sieur Mossier en paiement des sommes
avancées.
Le sieur Mossier s’en plaignit vainement à cette
maison par une lettre du 18 novembre, dans laquelle
il soutenait n’avoir pris aucun fonds à leur banque; il
fallut en venir en justice.
Mais le tribunal de commerce reconnut la vérité de
la défense; et, par jugement du 18 décembre 1 8 2 9 ,
considérant que les sommes réclamées devaient figurer
en tout ou en partie dans le compte dont la décision
avait été soumise à des arbitres, et que le sieur Blanc
ne pourrait agir qu’en qualité de trésorier, il renvoya
les parties devant les mêmes arbitres qui,
l ’avons déjà vu , avaient à prononcer sur
relative aux noirs, et qui la jugèrent en
D ’auti •es réclamations semblables 11e
alors poursuivies par le sieur Blanc.
comme nous
la difficulté
même tems.
furent plus
L e jugement arbitral semblait devoir mettre fin aux
�( *9 )
^ 5
discussions; mais bientôt elles ont été renouvelées par
les gérans.
Nous avons analisé ci-dessus le bail que ces gérans
avaient consenti, le 8 septembre, à ¡VI. Dumont qu’ils
avaient subrogé à tous leurs droits. Nous avons dit que
ce bail devait prendre cours au i er novembre.
A compter de ce jour, et conformément au bail,
le sieur Mossier, sur l’invitation des gérans, fit des
t
livraisons de noir au sieur Dumont et au sieur Desrones qui devint tout à-la-fois son associé et sa caution.
Pendant plusieurs mois, les sieurs Dumont et Desrones reçurent tous les noirs indistinctement.
Mais ensuite, prévenus parles gérans eux-mêmes,
ils refusèrent les noirs fins. Ce refus fut occasionné par
une déclaration écrite, donnée le 9 décembre 1829 au
sieur Dumont, par le sienr Guillaumont qui certifia
que l ’échantillon de noir fin énoncé dans l ’acte passé
avec les entrepreneurs le 7 avril, n’avait réellement
pas été déposé, et que la compagnie n’étant pas d’accord
avec les sieurs Mossier et Daubrée relativement au noir
fin à couleurs, la question avait été soumise à des*
arbitres.
Le jugement arbitral qui est du. 7 février i 83 o e st,
en effet, postérieur de plus de deux mois.
Forts de cette déclaration, les sieurs D u m o n t et
Desroncs écrivent au sieur Mossier, le 2G janvier i 83 o,
que l ’échantillon des noirs propres à la fabrication dr§
couleurs n’ayant pas été déposé, ils ne recevront, jus
qu ’à nouvel ordre, que du noir gros grain. Ils ajoutent
que si, dans la suite, ils ont besoin de noir fin, soit
�■* *»-iX
fc*
( )
20
pour la fabrication des couleurs, soit pour remplacer
le noir animal dans les raffineries, ce sera l ’objet de
nouvelles conventions. Ils reconnaissent, d’ailleurs,
qu'il leur a déjà été expédié beaucoup de noir fin et
ils consentent à le payer.
L ’ensemble de cette lettre démontre que le noir fin
pouvait réellement servir à un double usage, à la
fabrication des couleurs comme aux raffineries. Mais
il ne pouvait, disait-on, supporter la concurrence avec
le noir animal.
Les sieurs Desrones et Dumont renouvelèrent leur
refus par des lettres des 19 mars et i 3 avril i 83 o.
Dans la dernière ils s’appuient sur la déclaration du
9 décembre. « Vous connaissez, disent-ils, la déclara« tion qui nous a été remise par la compagnie. Nous
« ne p o u v o n s a g i r que d’après cette déclaration. Si la
« compagnie s’est trompée, ce n’est pas à nous à en
« subir les conséquences; vous avez toujours vos droits
« contre elle. »
La première lettre avait été écrite de Clermont,
par M. Desrones qui s’ y trouvait.
Le sieur Mossier en prévient, le même jour, les
gérans, demande que la compagnie fasse retirer tous
les noirs, et déclare qu’il a fait connaître au sieur
Desrones, sa résolution de suspendre toute livraison
jusqu’à ce qu 011 soit réglé avec lui. 11 les invite, en
conséquence, a laire peser les noirs qui étaient en
m agasin.
(.elle lettre étant restée sans réponse, le sieur
Mossier fit notifier le même avis aux gérans, par ex-
�ploit du 24 mars, et il leur fit sommation de faire
peser, de retirer et de lui payer les noirs qui étaient
en magasin. Le sieur Blanc répond d’ une manière
évasive, et dit qu’ il n’a pas d’explication à donner au
sieur Mossier seul, la compagnie ayant traité aussi
avec le sieur Daubréej que d’ailleurs le sieur Dumont
est subrogé aux droits de la société.
Une nouvelle sommation est faite par Mossier, le
12 avril i 83 o. Il argumente du jugement arbitral du
19 février; il pose en fait, d’ailleurs, qu’il n’a jamais
livré le noir gros sans le noir fin ; il somme de retirer
et de payer la totalité des noirs, sinon il proteste de
suspendre, le i 5 du courant, toute fabrication.
Cependant, sur la demande des sieurs Desrones et
Dumont, le sieur Mossier leur livre pour 3 ooo francs
de noir gros grain qu’il leur avait promis, sous la
réserve de tous ses droits, et dont il avait reçu le prix.
Le 17 mai i 83 o, il assigne les gérans, pour les faire
condamner à retirer tous les noirs.
L e 21 , il assigne en cause les sieurs Desrones et
Dumont.
Le procès s’engage, et le sieur Daubrée y est égale
ment appelé par les gérans.
Pendant son cours, on eut un instant l ’espoir de
1 arranger par la médiation d'un juge-commissaire.
Tout était mèine convenu ; mais les gérans se rétrac
tèrent , et la justice dut prononcer.
Le 3 septembre, le tribunal nomma des experts
pour vérifier, « si les entrepreneurs avaient pu, par
« le passé, et pouvaient présentement fabriquer une
�«
«
«
«
quantité de noirs fins, moindre que celle qu ’ils ont
confectionnée, et ce en employant les machines,
ustensiles et moulins qui leur avaient été fournis
par la société.
Cette vérification fut ordonnée, parce que les sieurs
Blanc et Guillaumont soutenaient q u ’avec des soins,,
les entrepreneurs pourraient ne fabriquer qu’environ
vingt pour cent de noir fin.
Le tribunal en chargea le sieur Domas, mécanicien,
les sieurs Morateur et Géret, meuniers à Clermont.
Ces experts se transportèrent à Menât, y firent
quelques observations, et proposèrent aux parties,
pour éviter des frais, d’opérer à Clermont dans le mou
lin des Carmes d éch a u x attaché à l ’établissement.
On se rendit à cette usine, le 4 novembre; là les
experts mirent à faire leur expérience le plus grand
soin et tout le tems qui leur parut nécessaire. C ’est ce
q u ’ils nous apprennent eux-mêmes, page 19 de leur
rapport.
« Après avoir piqué les meules, disent-ils, et les
« avoir placées bien d’à plomb, nous avons commencé
« par trier le schiste , le concasser en morceaux autant
« que possible, et le passer au travers d ’ une grille en
«
«
«
«
«
fer ; n o u s ' l ’avons ensuite fait moudre au petit
moulin. Il tombait de lui-même de l ’auget ’ dans
l ’œil de la meule, parce qu’ il avait’ été préparé
avec soin, et que le mouvement du frayon suffisait
à l’auget.
Le lendemain, pour opérer sur une plus grande
masse, ils firent moudre six sacs de schiste.
�Ils firent ensuite broyer le son produit par le schiste,
en employant, comme plus avantageux dans leur
opinion, un autre procédé que celui indiqué par
M. Mossier.
La journée du 6 novembre fut consacrée à la pré
paration des soies et des mécaniques, et à commencer
à faire passer le schiste moulu.
Les experts ne terminèrent leur première opération
que le 8 ; et quel en fut le résultat?
•
•
Ils l ’énoncent ainsi à la page 26 :
k il o .
V ilo .
Noir fin, dit impalpable. . . . 3 i 81 pour 100
N° 2 , fin palpable............................*7 27 pour 100
N° 2 , gros....................................... ....G .72
N° 5 ................... , ........................... .... 32 55
N° 6 .................................................... ....12 33
Son dont les deux tiers, disentils, peuvent être considérés comme
bons et x*angés dans la classe des
numéros 5 et G................................. .... 3 G/j.
Troisième tiers.............................. .....1 8 1
Déchet.....................................................3 87
100
»
« Ainsi, ajoutent-ils, nous'avons obtenu soixante« deux kilogrammes cinquante-un centièmes pourcent
« de noir gros, en considérant comme tel le numéro
« d eu x fin . Messieurs les gérans ou M.
« leur représentant, prétendent que ce noir est bon
�^6
(
24 )
« comme gros grain; MM. Mossier et Desrones pré« tendent le contraire. »
E n retranchant les 7 , 27 pour 070 du n° 2 fin,
comme cela se devait, ainsi qu’il a été reconnu plus
tard, les experts n’avaient obtenu que 55 , 24 pour 0/0
de noir gros, quotité qui est en rapport avec la décla
ration que leur avait faite le sieur Mossier qui, par une
lettre du 12 novembre, leur disait que les noirs fins
s’élevaient de 43 à 4^ pour 0/0.
L ’opération de la mouture et du blutage avait été
faite sur 22 quintaux et avait duré plusieurs jours, et
l ’on avait employé les plus minutieuses précautions.
Cependant les experts crurent devoir en faire une
seconde, que le sieur Mossier regardait comme inutile.
Ils y procédèrent d’abord sur dix quintaux de schiste.
Lors de cette seconde opération eut lieu un accident
aussi étrange que fâcheux.
Les experts, après avoir fait moudre les dix quintaux
de schiste moins une quarte, les avaient laissées dans
l ’établissement pour continuer le lendemain leurs opé
rations.
Cet établissement restait ouvert, parce que les ou
vriers y c o u c h a i e n t , et il était facile à tout le monde
de s’y introduire. Aussi le soir même, à 8 heures, en
vit-on sortir avec quelque surprise plusieurs personnes
qui n’avaient rien à y faire.
Le lendemain, 10 novembre, les experts ne trou
vèrent plus les choses dans l’état où ils les avaient
laissées la veille. Ils remarquèrent notamment que la
quarte de schiste laissée à l’écart manquait; cela éveilla
�( =5 )
Jeurs soupçons. Ils pesèrent le sac qui contenait la
mouture. Ce sac devait peser moins de dix quin taux,
puisque sur cette quantité il fallait distraire le poids
de la quarte de schiste et celui du déchet. O r , l ’on
trouva qu’il pesait 1900 kilogrammes, c’est-à-dire près
du double. Ce poids provenait de ce qu ’on avait in
troduit dans le sac par le fond une grande quantité de
noir fin.
•«
Le sieur Mossier fut alors appelé; il partagea l ’indi
gnation générale et crut d’abord que c’était l ’œuvre de
certains de ses ouvriers. Mais depuis il a vainement
cherché à s’en assurer. Il n’a pu découvrir l’auteur de
cette fraude.
Elle était, au reste, si grossière, si frappante, si
facile à reconnaître, qu’elle ne pouvait avoir pour but
que de nuire au sieur Mossier.
Celui-ci • pressa les experts de recommencer leur
opération. Ils y consentirent et opérèrent sur six quin
taux de schiste.
Ils obtinrent le résultat suivant :
Noir fin impalpable.................... 33 83 pour 100
N° 1 , fin........................................
N° 2 , gros.......................................
N° 5 ..................................................
N° 6 ..................................................
S u r les deux tiers........................
L ’autre tiers....................................
Déchet..............................................
T otal.
4
........................ 1 0 0
8
8
28
10
5
2
2
83
83 •
..
83
5o
5o
G8
»
�( )
26
« A in s i , disaient les experts lors cette seconde^
« opération, nous avons obtenu soixante-un pour cent
« de noir gros. »
. i
■
•,
r
V Ils a j o u t e n t que la différence du premier au second
résultat provient de la rencontre d ’une pyritequi s’était
trouvée dans le schiste, etrqui avaiti dérangé pendant
4 ou *5 minutes le jeu du moulin.
’
Dans les 61 pour 0/0 étaient aussi compris les 8, 83
centièmes pour cent du noir n°! a fin, que les exp.erts
classaient par erreur dans le noir gros grain. E n dédui
sant ce noir n° 2 fin , le résultat se restreindrait à 5 i ,
17 pour 0/0:1
Les experts terminent par dire qu ’ils pensent que
l ’on pourrait obtenir en plus grande quantité'du noir
gros en employant les moyens suivans :. h* .
« Tenir toujours les meules bien d’à-plomb;
«
Les
r e p i q u e r , l o r s q u ’ elles en o n t b e s o i n ; , : , :
« Faire une extraction soigneuse des pyrites qui se
« -trouvent mêlées au schiste;
« Concasser le schiste en morceaux égaux autant
« que possible avant que le moulage ait lieu;
« Avoir soin de remplacer le C r a y o n lorsqu’il est usé;
h Moudre le schiste avant de le soumettre à la cal« cination;
« Remplacer les toiles mécaniques et les soies des
« cylindres lorsqu'elles sont usées;
« Exercer enfin une surveillance très-active et très« journalière.sur toutes les parties du moulin, a v a n t
« de mettre l'eau.
Il est à remarquer que tous ces moyens, à l ’cxcep-
�( 27 )
tion de la mouture, avant la calcination, ont été em
ployés par les experts avant d’opérer (voir la page 19
de leur rapport); et cependant ils n’ont pas obtenu en
noir gros grain une quantité plus grande que celle an
noncée par le sieur Mossier, ou indiquée par les livrai
sons qu’il avait faites.
Quanta la mouture avant la calcination , les experts
n’ont pas réfléchi que ce procédé est impraticable
sur-tout en opérant en grand ; car pour calciner le
schiste il faut le placer sur des grilles de fer à travers
lesquelles la flamme d’un feu ardent mis au-dessous,
pénétrant de toute part, puisse envelopper et carboni
ser la pierre schisteuse. Or, comment pourrait-on
opérer ainsi sur du schiste réduit en poussière ?
Tel est, en analyse, le rapport des experts. Le sieur
Mossier avait de justes motifs de le critiquer, sur-tout
sur la forme de sa rédaction. On assure, il est vrai,
que ces experts peu exercés à rédiger, avaient confié
cette rédaction à un tiers. Aussi fait-on faire au sieur
M ossier des réponses d’ une naïveté qui va jusqu’au
ridicule. Le langage qu’on lui- prèle, les observations
qu ’on met dans sa bouche sont si étranges, si peu con
formes, à ses intérêts, qu’on pourrait les croire dictées
par ses propres adversaires. On n’y parle même pas
d ’ une lettre qu’il avait écrite aux' experts, le 12
novembre, pour un document qu’ils avaient demandé
sur la quantité proportionnelle de noir fin qu ’il reti
rait de la fabrication.
Cependant l ’affaire portée de nouveau ïi l ’audience,
le tribunal de commerce, par jugement du i er février
�( ^
)
1 83 i , a condamné les gérans à retirer les noirs fins
fabriqués par le sieur Mossier depuis le commencement
de l ’exécution du bail consenti par MM. Desrones et
Damont, à la date du 8 septembre 1 8 2 9 , et ce dans
la proportion de 4.0 kilogrammes pour 100 kilogrammes
de noirs gros grain fabriqués et livrés aux sieurs Desrones et Duinont, et à en payer le prix à raison de
9 fr. 5o cent, les cent kilogrammes.
Il les a condamnés de plus à payer au sieur Mossier,
à titre de dommages et intérêts la somme de deux
mille francs.
Il condamne aussi les sieurs Dumont et Desrones a
retirer des mains des gérans tous les noirs que ceux-ci
retireront du sieur Mossier; mais il ne les soumet à en
payer que i 5 kilogrammes sur 4o, et ce au même prix
auquel les laissent les gérans;
Il leur attribue les autres 25 kilogrammes à titre
d ’indemnité, à raison de la perte qu’ils ont éprouvée
pendant l ’interruption de la fabrication;
Il condamne le sieur Daubrée à 5 oo fr. de dommages
et intérêts envers la compagnie de Menât;
^ Il condamne enfin toute la compagnie à tous les dé
pens, moins ceux faits à l ’occasion du sieur Daubr éc.
Tel est ce jugement dont le sieur Mossier avait beau
coup à se plaindre, et notamment sur la quotité à
laquelle le tribunal réduit les noirs fins, sur la faiblesse
des dommages et intérêts qu’il lui accorde pour une
longue suspension de l ’entreprise, sur le défaut de
condamnation aux intérêts des sommes qui lui sont
dues.
�( 29 )
Ce sont cependant les gérans qui les premiers en ont
interjeté appel contre lui, sans doute dans le but prin
cipal de retarder encore leur libération, et de le fati
guer par des délais et par les embarras pécuniaires
qu ’ils lui causent-.
Le sieur Daubrée s’est aussi pourvu par appel h leur
égard.
Les gérans élèvent diverses sortes de difficultés :
L ’action du sieur Mossier est non recevable, disentils, parce que ce n’était pas contre la compagnie, mais
contre les sieurs Dumont et Desrones qu’elle devait
être dirigée ;
Le sieur Mossier, d ’ailleurs, s’était engagé à leur
fournir des noirs à couleurs, et ceux qu’il leur présente
n’y sont pas propres;
- T1 pouvait fabriquer une plus grande quantité de
noir gros grain ;
Enfin il ne lui était pas permis de se séparer du sieur
Daubrée sans le consentement de la compagnie;
L ’examen de ces objections les réduira à leur juste
valeur.
§ I".
Le sieur Mossier a-t-il pu exercer son action contre
la compagnie?
Cette première question a déjà été résolue par le
jugement interlocutoire du 3 septembre i 83 o.
E n effet ce jugement a ordonné entre les gérans et
le sieur Mossier, une opération par experts pour véri
fier si, comme l ’alléguaient les gérans seuls, le sieur
�Mossier aurait pu fabriquer uue plus grande quantité
de noir gros grain.
Le jugement a été exécuté par les gérans, qui ont
fait aux experts toutes les observations qu ’ils ont jugées
utiles à leurs intérêts.
Comment pourraient-ils prétendre aujourd’ hui que
l ’action leur est étrangère?
S'il en était ainsi, ou si telle eût pu être l ’opinion,
du tribunal, pourquoi n’aurait-il pas rejeté sur-lechamp l ’action du sieur Mossier? Pourquoi n’aurait-il
pas affranchi, dès le moment même de sa réclamation,
la compagnie et ses gérans? De quelle utilité eût pu
être une vérification coûteuse ?
Si les gérans eux-mêmes avaient persisté à croire que
le fonds du procès ne les concernait p a s , pourquoi ne
se seraient-ils pas pourvus contre le jugement interlo
cutoire? pourquoi l’ont-ils, au contraire, pleinement
exécuté? pourquoi ont-ils assisté à toutes les opérations?
pourquoi, en un mot, ont-ils agi comme si l ’action
exercée devait les frapper seuls?
Dans de telles circonstances, ils sont évidemment
non recevables à prétendre que c’était contre d’autres
et non contr’eux qu’on devait agir. Cette question est
jugée par le jugement interlocutoire, par un juge
ment auquel les gérans ont librement acquiescé.
D i r a i e n t - i l s qu’ un interlocutoire ne lie pas le juge,
que d’ailleurs le jugement réserve les moyens des
parties ?
On leur répondrait que la maxime est controversée;
qu ’au reste, elle n’est pas applicable au cas ou une fin
�•
( 3i )
.
de non recevoir est opposée, ni à celui où une qualité
est contestée. Si le juge ne s’arrête pas à la fin de non
recevoir, si, reconnaissant implicitement la qualité,
il ordonne une instruction sur le fond, il y a par cela
même chose jugée, et jugée définitivement sur cette
fin de non recevoir et sur la qualité ; ce n’est que
pour le surplus que le jugement a le caractère d’inter
locutoire*, et l ’instruction laite, il ne doit plus être
permis de soulever encore des difficultés qu i, dès la
naissance du procès, y auraient-mis fin, et que le juge
a: repoussées par cela même qu’il ne les a pas admises.
Telle e^t la distinction que l ’on doit faire pour
appliquer sainement cette maxime vague , et dont
on abuse : J u d e x ab interlocutorio discedere palesi.
Telle est la distinction nécessaire pour concilier cette
maxime avec l ’irrévocabilité de la chose jugée, avec
la dignité même de la justice.
Telle est aussi la distinction admise par divers arrêts.
On peut citer notamment un arrêt de la cour de
cassation du G juillet i 8 t g , rapporté par Sirey,
tome 2 0 , page 7 8 , et un arrêt de la cour de Rioni,
du 3 février 1 8 2 5 .
Cette doctrine dispenserait le sieur Mossier d’exa
miner si son action contre les gérans était bien dirigée.
Mais le sieur Mossier ne craindra pas d’aborder ,
sur ce point même, le fond de la discussion.
Les gérans prétendent que la contestation doit leur
être étrangère, qu’elle concerne seulement les sieurs
Desrones et Dumont qui ont été substitués aux droits
de la compagnie, par des conventions du 8 septembre
�1829 , que le sieur Mossier a approuvé ces conventions,
que même il a délivré des noirs aux sieurs Desrones et
Dumont, que par conséquent c’était à eux qu’il devait
s’adresser.
Ces objections, déjà écartées par le jugement inter
locutoire, ne devraient pas être admises, lors même
q u ’on les examinerait pour la première fois.
Il est vrai que les gérans de la compagnie ont
affermé pour i 5 ans, par acte du 8 septembre 1 8 2 9 ,
l ’établissement de Menât, et que, par l’article 3 de
ce bail, les sieurs Dumont et Desrones se sous substi
tués à la compagnie, envers les entrepreneurs Mossier
et Daubrée comme envers les autres personnes qui
avaient fait avec la compagnie des conventions anté
rieures.
Il e s t vrai, aussi, que, par l’article 10 de ce bail,
les gérans se soumettent à r a p p o r t e r la ratification des
actionnaires, et que le sieur Mossier, qui avait quatre
actions, a concouru , comme actionnaire, à l’appro
bation du bail fait par les gérans, qu’il a même
renoncé, par suite, à une portion des bénéfices de la
gestion qui lui avait été attribuée par la compagnie.
Mais c o n c l u r e d e l à , qu’en sa qualité d’entrepreneur,
qualité essentiellement distincte de celle d’actionnaire,
il n’avait aucun droit particulier à exercer contre la
c o m p a g n i e , c’est une erreur que signalent, et les faits,
et les actes, et les simples notions de raisonnement.
Que s’est-il passé après ce bail du 8 septembre 1829 ?
Le sieur Mossier délivra aux sieurs Desrones et
Dumont, à compter du i er novembre, époque fixée par
�C 33 )
ce bail même, pour le commencement de son cours,de
sieur Mossier leur délivra d’abord tout le noir qu’il
fabriquait, et ceux-ci le reçurent indistinctement.
Peut-être même auraient-ils continué de le recevoir
ainsi, ce qui aurait évité le procès actuel, si le sieur
Guillaumont, un de ces gérans avec lesquels le sieur
Mossier était encore en procès devant les arbitres dont
nous avons déjà fait connaître la décision, si le sieur
Guillaumont ne s’était plu à leur donner une décla
ration qui a été la principale , on pourrait dire,
même, l ’unique cause de la longue et coûteuse contes
tation soumise aujourd’hui à la cour. Le sieur G uil
laumont leur donna par écrite le 10 décembre 1 8 2 9 ,
une déclaration ainsi conçue:
«
«
«
«
«
«
« Je soussigné, gérant de la compagnie, certifie que
l ’ échantillon de noir fin à couleurs, qui devait être
déposé cacheté, conformément au traité fait entre
ladite compagnie et MM. Mossier et Daubrée, le 7
avril 18 29 , n ’a pas encore été déposé, et qu ’il n’a
été déposé que l ’échantillon de noir en grain^ propre
à la décoloration des sirops, et pareil à celui cacheté,
i« étant entre les mains de M. Dumont. (1)
«
«
«
«
« Je déclare, en outre, que la compagnie n’est pas
d’accord avec MM. Mossier et Daubrée, relativement
au noir fin à couleurs qui ne lui a pas paru propre
à remplir cette destination^ et que cette question
est actuellement soumise à des .arbitres. »
( i ) N o ta . Il ne paraît pas m êm e q u ’ il ail etc d ép o sé, lors d u bail
d ’c n tr c p iis o , .me une espace d ’ccliantillons.
�( 34)
Le sieur Guillaumont voulait parler d’ une des
difficultés soumises a lors à ces arbitres, qui, par leur
décision du dix-sept février i 83 o, ont condamné la
compagnie à retirer tous les noirs fins qui s’étaient
accumulés jusqu’au i cr novembre précédent.
unis de cette déclaration du sieur Guillaumont,
et ¡s’appuyant sur ses termes, les sieurs Desrones et
Dumont ont refusé les noirs fins, et ont prévenu de
leur refus, le sieur Mossier, par des lettres des 26
janvier et 19 mars i 83 o. Dans la dernière, en lui
annonçant qu’ils persistaient dans leur résolution , ils
ajoutent que la discussion de la difficulté ne peut les
regarder, et que c’est au sieur Mossier à traiter cette
affaire avec les gérans.
Que devait donc faire le sieur Mossier? il devait
d’abord prévenir les gérans; et c’est ce qu’il fit par une
lettre qui 11e produisit a u c u n effet. Il devait ensuite
les assigner pour les contraindre à retirer, comme ils
l ’avaient toujours fait, tous les noirs produits de la
fabrique. II devait aussi appeler en cause les sieurs
Desrones et D um on t, et les mettre en présence avec les
gérans, pour qu’ ils "eussent à s’entendre entre eifx et à
exécuter les conventions de l’entreprise, de la même
manière qu ’elles l’avaient toujours été jusqu’alors.
Or c’est précisément tout ce qu ’a fait le sieur Mossier.
C ’était, sur-tout, contre les gérans que celui-ci
devait agir, puisquec’étaient les gérans eux-mêmes qui,
par leur déclaration officieuse ou tracassière , avaient
donné lieu à la difficulté; puisque, d’ailleurs, c’était
avec eux seuls que le sieur Mossier avait traiLe.
�.
( 35 )
kk*
J•«, fr
**
Mais, dira-t-on, il avait ratifié lé bail du 8 septem
bre 1 8 2 9 , consenti par les gérans aux sieurs Dumont
et Desrones.
11 r avait ratifié! oui. Mais en quelle qualité?
Etait-ce comme entrepreneu°r ? non. A ce dernier
titre le sieur Mossier n’avait pas h ratifier. Aussi la
ratification ne lui fut-elle pas demandée comme entre•
«
preneur. Aussi ne fut-il pas même dit dans le bail clu
8 septembre qu’elle serait rapportée.
S ’il approuva ou ratifia ce bail, ce fut comme
actionnaire seulement. C ’est ce que démontre la déli
bération prise, le o.l\ septembre 1 8 2 9 , dans une assem
blée des actionnaires convoqués à cet effet. L ’on y
énonce q u ’il fut fait lecture du traité du 8 septembre,
et que l'es voix furent unanimes pour l ’adopter.
De quelle influence pourrait donc être cette appro
bation , sur les droits personnels et distincts du sieur
Mossier, comme enlrcpx*cneur, contre la compagnie
qui lui avait confié l’entreprise?
D ’aucune, évidemment. Le sieur Mossier, à cette
époque, ne traite comme entrepreneur, ni avec la
compagnie ni avec scs gérans; il ne détruit pas, il ne
modifie pas les conventions précédemment faites entre
eux; il ne renonce pas aux droits qu’il avait contre la
compagnie, ni aux obligations qu’elle avait contractées
h son égard; il ne se départ pas de ses actions contre
elle, et ne déclare pas que désormais il n’en exercera
que contre les sieurs Desrones et Dumont ; en un mot,
il n’abandonne aucun de ses droits contre la compa
gnie avec laquelle même il ne contracte pas dans ce
'
�moment l à comme entrepreneur. Comment pourrait-on
prétendre qu’il a perdu toute action contr’elle? comme
si l ’ a b a n d o n d’ un droit se présumait; comme si l ’on
ne savait pas, au contraire, qu’ un tel abandon ne
peut résulter que d'uife renonciation expresse.
Mais, dit-on, par cette délibération même des ac
tionnaires, le sieur Mossier s’est départi de sa portion
des bénéfices de la ges’tion. Or, cette portion, ajoutet-on, lui appartenait comme entrepreneur.
On répondra que c’est moins comme entrepreneur
de la fabrication du schiste, que comme concourant à
la gestion avec MM. Blanc et Guillaumont, q u ’une
partie-du bénéfice de cette gestion lui était attribuée.
Il en était de lui à cet égard comme des sieurs Blanc et
Guillaumont, qui cependant n’étaient pas entrepre
neurs. Comme le bail fait avec les sieurs Du n$) nt et
Desrones faisait cesser toute gestion, les fermiers devant
seuls gérer à l ’avenir, il était naturel que le sieur
Mossier renonçât avec les autres gérans à sa part dans
les bénéfices d’une gestion qui n’avait plus lieu.
Mais on entendait si peu traiter sous ce rapport
avec Ini, comme entrepreneur, que le sieur Daubrée
qui était associé dans l’entreprise ne fut pas appelé
dans la délibération , et ne renonça pas lui-même à sa
part dans les bénéfices de la gestion.
Au reste ce département même qu’on obtint du
sieur Mossier sur cet objet spécial, ce département,
restreint à cet objet unique, est une preuve déplus que
tous scs autres droits, toutes ses actions, c o m m e entre-
�( 37 )
preneur, subsistaient à l ’égard de la compagnie. Car si
l ’on avait, de part et d’autre, voulu faire cesser tous
rapports, toutes obligations, on n’eut pas manqué de
le faire dire ainsi par le sieur Mossier, et de le faire
renoncer à toutes actions , comme entrepreneur ,
contre la compagnie. L a concession qu’on lui a de
mandée et qu’ il a faite sur un point, le silence gardé
sur tous les autres, démontrent que dans l ’intention de
toutes les parties, les droits, et les devoirs réciproques
sont restés dans toute leur force entre la compagnie et
les entrepreneurs, et que, par conséquent, c’est contre
la compagnie seule que ceux-ci ont dû agir dès qu ’ils
ont eu à se plaindre de l ’ inexécution de leur marché.
C ’est ainsi qu’en avaient jugé les gérans eux-mêmes,
puisque, par acte extrajudiciairc du 12 octobre 182g,
ils avaient sommé les sieurs Mossier et Daubrée de
fo u r n ir , tous les mois, aux sieurs Dumont et Desrones,
à pa rtir du 3 novembre suivan t, quatre-vingt mille
kilogrammes de noir.
A par tir. du 3 novem bre, c’est-à-dire, de l ’époque
même à laquelle le traité fait avec les sieurs Dumont
et Desrones devait commencer à être exécuté. Les gérans
considérèrent donc, comme encore obligatoires entr’eux
et les entrepreneurs, les conventions d’entreprise qu ils
avaient faites avec ceux-ci; ils considérèrent évidem
ment ces conventions comme pouvant être invoquées
par eux-mêmes; ils ne pensèrent pas que c’était aux
sieurs Dumont et Desrones seuls à agir comme leur
étant substitués. Ils crurent pouvoir réclamer directe
ment, contre les entrepreneurs, l'exécution des enga-
�gcmens que ceux-ci avaient contractés envers la com
pagnie.
Comment se ferait-il que les entrepreneurs n’eussent
pas, de leur coté, une action réciproque contre la
compagnie, en exécution des mêmes conventions?
Ajoutons une dernière observation. Quelque géné
rale même qu'on supposât l ’approbation donnée par le
sieur Mossier aux conventions faites entre la compagnie
et les sieurs Desrones et Dumont, au moins est-il cer
tain qu’il n’a ni entendu ni pu entendre que ces con
ventions apporteraient aucunes modifications aux stipu
lations du bail à entreprise et à l ’exécution que ce bail
avait reçue. Aussi ces conventions ne disaient-elles rien
k cet égard. Aussi les sieurs Desrones et Dumont ontils exécuté d’abord l ’entreprise comme elle avait été
exécutée auparavant par les gérans. Us n’ont voulu
modifier le mode d’exécution qu’après la déclaration
qui leur fut donnée en décem'bre 1829 par le sieur Guillaumont. Or, quelqu’étendue que l ’on donnât à l ’ap
probation du sieur Mossier, n ’est-il pas évident que
s’il a pu ou s’il a dù ne s’adresser qu’aux sieurs Des
rones et Dumont, tant que ceux-ci agissaient à son
égard comme agissait antérieurement la compagnie
elle-même ou ses gérans, au moins a-t-il dù actionner
celle-ci dès l’instant où les sieurs Desrones et Dumont
lui ont élevé des difficultés; dès l ’instant où ils ont
prétendu donner aux conventions qu ’ils avaient faites
avec la compagnie un sens qui était contraire au mode
d’exécution antérieur de l’entreprise; dès l ’inslant où
ils ont argumenté, ù l ’appui de leur interprétation 3
�(
39 )
de la déclaration même de l ’ un des gérans. Le sieur
Mossier a du alors s’adresser à ces gérans pour qu’ils
eussent ou à exécuter eux-mêmes le bail à entreprise de
la même manière qu’ils l ’avaient exécuté jusqu’alors, ou
à le faire exécuter ainsi par les sieurs Desroneset Dumont.
Reconnaissons donc que cette action appartenait au
sieur Mossier contre la compagnie;
Reconnaissons qu’elle lui avait été assurée par le bail
d ’entreprise du 7 avril 1829 j et qiie depuis il n’a pu
la perdre, sans y avoir expressément renoncé; car la
renonciation à un droit ne se présume pas. Or, jamais
il n’a renoncé à cette action. Loin même d’ y renoncer,
il 1 a exercée contre les gérans, comme aussi il s’est
soumis aux actions que la compagnie exerçait contre
lui-même. Donc son action'a été dirigée contre les
vraies parties qu'elle devait frapper.
§ II.
•
1
f
L e noir emm agasiné pen t-il être refu sé p a r la com
pagnie ?
,
Ce noir, disent les gérans y; n’est pas propre aux
couleurs. Faites qu’il ait cette propriété, ou gardez-le
pour votre compte.
f
1
■ Cette difficulté n’est pas l’œuvre de la franchise.
Il sera facile de s’en convaincre, si l’on considère les
circonstances dans lesquelles l ’entreprise a été donnée
par les gérans et acceptée par le sieur Mossier, l ’exécu
tion q u ’elle a reçue, les termes même des conventions
sainement entendus.
Nous l’avons dit déjà dans le narré des faits : ce 11e
�fut qu’après une épreuve de plusieurs annéeg et après
que les propriétés du noir de Menât eussent été parfai
tement connues par la compagnie et sur-tout par ses
gérans, qu’ un bail à entreprise fut consenti, d’abord
au sieur Mossier s e u l , ensuite aux sieurs Mossier et
Daubrée.
On s’était alors assuré que tout le noir, quels que
fussent son grain et sa finesse, était propre à la décolo
ration des sirops et à leur clarification; mais on savait
aussi que le noir le plus fin , celui connu sous le nom
d ’impalpable, pouvait servir aux couleurs. Seulement
pour obtenir cette dernière espèce de noir, il fallait
plus de travaux et d’autres meules, d’autres blutoirs
que ceux que la compagnie avait possédés jusqu’alors;
en sorte que le noir obtenu avec les machines dont l ’on
u s a it, ne fournissait que très-peu de noir propre aux
couleurs , et p e u t - ê t r e e n c o r e l ’ i m p e r f e c t i o n de ces ma
chines ne permettait-elle pas que ce noir fut assez
parfaitement broyé et bluté.
C ’est daus ces circonstances que le sieur Mossier
traite avec la compagnie et se soumet à fabriquer du
noir pour elle avec les moulins, avec les blutoirs, en
un mot a v e c l e s m a c h i n e s qu’ elle devait lui fournir.
Certes alors, ni la compagnie ou ses gérans, ni le
sieur Mossier ne pouvaient entendre que celui-ci four
nirait du noir autre que celui qui avait déjà été
produit par le schiste carbonisé, que celui q u ’il avait
préparé jusqu’alors avec les machines que fournissait
la compagnie.
Certes, aussi, lors des conventions, il ne vint à
�( 4r )
l ’esprit de personne de soumettre le sieur Mossier à
rester chargé d’une partie des noirs, s’ils ne paraissaient
pas dans la suite propres aux couleurs. Si on avait en
tendu lui imposer cette obligation, on lui aurait né
cessairement permis de vendre à d’autres qu’à la com
pagnie ce noir imparfait; et cependant non seulement
une telle permission ne lui est pas donnée dans le bail,
mais même l ’ensemble de l ’acte repousse une telle
faculté pour lui.
Pourquoi cela? c’est qu’on savait que tout le noir
fabriqué pouvait être propre aux couleurs ou propre à
clarifier les sirops, et que ce qui serait impropre à un
usage servirait au moins à l ’autre.
Aussi comment fut exécuté le bail d’entreprise?
Tous les noirs, sans exception , furent retirés par les
gérans, d ’abord, par le sieur Dumont, ensuite jus
qu’au I er septembre 1829.
Par les gérans depuis le 2 août, date du i er bail
d ’entreprise, jusqu’au i crmai 1829, époque à laquelle
ils convinrent avec le sieur Dumont qu’il retirerait
tout le noir qui serait fabriqué jusqu’au i er septembre
suivant;
Par le sieur Dumont depuis et pendant le tems
convenu*,
Cela est prouvé pour la compagnie, notamment par
des comptes courans des 2 mai 1829 et i 5 mars i 83 o.
Or, comment concevoir que pendant un an et plus
la compagnie et le sieur Dumont, qui Ja représentait,
se fussent fait délivrer les noirs de toutes espèces, sans
G
�distinction, si l ’esprit comme les termes des baux à en
treprise ne l’eussent pas ainsi voulu.
Il faut reconnaître cependant qu’il fut livré une bien
plus faible quantité de noir fin ou propre aux couleurs,
que de noir à raffinerie ou à clarification.
Pourquoi? parce que l ’imperfection et l ’insuffisance
des machines fournies par la compagnie ne permettaient
pas d’obtenir un noir à couleurs aussi parfait q u ’il eût
été à désirer.
Il eût fallu livrer le premier noir'obtenu à un nou
veau broiement, à l ’aide de meules fines, et le bluter
avec des machines qui manquaient.
Quoi qu’ il en soit, s’ il fut fourni une moindre quan
tité de ce noir à couleurs, c’était par la faute des gé
rans, qui ne fournissaient pas eux-mêmes les machines
nécessaires-, et c’était une perte pour le sieur Mossier
à qui ces noirs étaient plus chèrement payés.
Mais il en fut livré et reçu pendant long-lcms; on
n’en saurait douter. Les comptes courans ci-dessus
datés en font foi, et le jugement arbitral du 17 février
le prouve. Car la dix-septième question que l ’on y
juge est r e l a t i v e a 1111 règlement de compte sur le noir
lin. Il en fut livré, il en fut reçu; le commerce ache
tait, employait toutes les espèces de noir.
Si la compagnie éprouva des pertes, ce fut par sa
faute ou par celle de scs agens qui n e surent pas expé
dier les noirs ou les vendre à propos.
Depuis, le débit a été moins facile, soit pour le noir
fin à couleurs, soit pour le noir à décolorcretaclarifier.
Mais pourquoi? par des événemens récens et étran
gers) à l'entrepreneur.
�(
43
)
D ’un côté 011 a remarqué que le noir fin provenu du
schiste de Menât était tout à-la-fois et plus pesant et
plus absorbant d’ huile que le noir de fumée ou le noir
animal. Alors sa valeur a diminué; non qu’il ne fut
toujours propre aux couleurs; mais il a eu moins d’a
vantage pour soutenir la concurrence.
D ’ un autre côté, 011 a découvert un procédé h l ’aide
duquel on revivifie'le noir animal qui déjà a été em
ployé une première fois. Nouvelle cause de diminution
du prix du noir minéral de Menât, soit qu’on le des
tine aux couleurs, soit qu’on l ’emploie aux raffineries.
Enfin le sieur üumont a reconnu , après de nom
breuses expériences , que le noir d’ un certain grain,
entre les toiles n° 3 o fet 1 0 0 , décolorait mieux et plus
promptement que du noir plus fin ou plus gros. Alors
dans ses traités avec la compagnie de Menât, il a
demandé du grain qui lui convenait le plus, en ne
s’obligeant à prendre qu ’ une faible partie, quinze pour
cent, de noir plus fin; et la compagnie, sans s’inquié
ter des engagemens qu’elle avait pris avec le sieur
Mossier, de ces engagemens dans lesquels il n’était pas
question de noir gros grain, de noir d’ un grain propre
au procédé de M. üu m on t, la compagnie lui a promis
tout ce qu’ il a voulu et s’est efforcée de rejeter sur lu
sieur Mossier les suites de ses propres imprudences.
E t remarquons que ces imprudences ne se sont pas
arrêtées au traité qu ’elle avait fait, le 6 mai 1829, avec
le sieur Duniont, à ce traité qui est le premier acte de
la cause où l’on voit paraître celte distinction, dont la
compagnie a si souvent parlé depuis, entre le noir gros
/
�*?0
(44 )
grain et le noir fin. Ce traite, dont l ’eiFet était seule
ment temporaire, n’aurait eu que des suites limitées.
Mais le 8 septembre, elle subroge à tous ses droits les
sieurs Desrones et Dumont; et bientôt elle excite
ceux-ci à refuser du sieur Mossier le noir fin qui se
trouvait dans la fabrique, en leur déclarant le 8 dé
cembre 1829 q u ’aucun échantillon du noir fin n’avait
été déposé lors de l ’entreprise , et qu’elle n’était pas
d’accord avec le sieur Mossier sur la qualité de ce noir.
Jusque-là, le noir fin, comme le noir gros grain,
toute espèce de noir avait été reçu par les sieurs
Dumont et Desrones, qui même ont continué de tout
recevoir jusqu’au 26 janvier ; mais depuis ils l’ont refusé
en se fondant précisément surcetle déclaration donnée
dans le but unique de nuire au sieur Mossier, et dont
les conséquences frappent aujourd’hui avec beaucoup
de justice la compagnie elle-même.
Ainsi c’est la compagnie elle-même qui a donné lieu
au procès actuel-, la compagnie qui élevait au sieur
Mossier, en décembre 1 8 2 9 , une difficulté semblable,
relativement aux noirs fins qui, du 1 " septembre au
i*r n o v e m b r e 1 8 2 9 , n’avaient pas été pris par le sieur
Dumont, celui-ci ne s’eu étant pas chargé; la compa
gnie qui a été condamnée à recevoir ces noirs et à les
payer nu prix de 9 fr. 5 o c., par le jugement arbitral
du 17 février i 83 o; la compagnie qui doit, il semble,
éprouver une condamnation semblable, relativement
aux noirs fins qui se sont accumulés dans les magasins
depuis le 26 janvier; car il y a chose formellement
jugée sur la même question pour des noirs de la même
�qualité,par ce jugement du 17 février, qu’ont rendu,
avec la plus grande maturité, après l ’examen le plus
scrupuleux , des arbitres du choix même des parties.
E t n’y eût-il pas chose jugée, ne serait-il pas évident
que la compagnie qui a traité avec le sieur Mossier,
après une langue expérience; que la compagnie q u i,
en exécution de ce traité, a pris ou fait prendre par
le sieur Dumont les noirs de toute espèce sans distinc
tion jusqu’au 26 janvier i 83 o; que la compagnie qui
a fixé elle-même le sens des conventions faites avec le
sieur Mossier, par le mode d’exécution qu’elle leur a
appliqué; que la compagnie qui seule a fourni, qui
seule était chargée de fournir toutes les machines né
cessaires à la fabrication; que la compagnie qui n’a
jamais autorisé le sieur Mossier à vendre, pour son
propre compte, la moindre partie du noir fabriqué;
que la compagnie enfin à qui seule ce noir appartient,
doit le recevoir en totalité ou le faire recevoir par
ceux qu’elle a subrogés à scs droits.
Quelargument pourrait-elle tirer du défaut d’échan
tillon? ]N’est-il pas évident que s’il n’eu a pas été déposé,
c’est que la compagnie l’a jugé inutile; c’est qu’elle
connaissait la qualité des noirs; c’est que ces noirs fa
briqués toujours avec les mêmes machines, et produits
par la même matière, devaient être toujours aussi
propres a leur destination. Le sieur Mossier seul aurait
à regretter l’absence de ces échantillons. Carils auraient
démontré que le noir que l ’on refuse aujourd’hui est
précisément le même que celui qu’auraient présenté
les échantillons, et le procès actuel 11’aurait pas eu
�(
40
)
lieu. Leur absence est un motif de plus pour obliger
la compagnie à recevoir aujourd’ hui comme autrefois
tous les noirs sans distinction.
,
Insister plus long-tems sur les preuves de cette
v é r i t é , ce serait prolonger vainement une discussion
déjà complète.
Cette vérité, les gérans n’ont pu se la dissimuler k
eux-mêmes. Aussi pour y échapper et pour rendre un
chétif entrepreneur victime de leurs puissantes atta
ques, ont-ils voulu former un concert d'hostilités, eu
proposant aux sieurs Desrones et Dumont de s unir
à eux pour faire retomber tout le poids du procès sur
cet entrepreneur qui osait se débattre contre la
ruine dans laquelle on voulait le plonger. C ’est ce
qu’attestent deux lettres de M. Desrones, des 12 août
et 25 septembre i 83 o. Mais celui-ci avait trop de
loyauté pour accepter une telle coalition. Il la refusa,
et le tribunal rendit bientôt après justice aux parties.
Cette justice, le sieur Mossier doit espérer qu’elle
sera reconnue et consacrée par la Cour , et que ,de
vaines subtilités de fausses allégations ne feront pas
triompher le puissant contre le faible, le riche banquier
contre un entrepreneur peu fortuné, dans une cause
commerciale, ou les règles de bonne foi et d ’équité
doivent sur-tout dicter les décisions des tribunaux.
§
IH .
E st-il dém ontré que le sieur M ossier pouvait fa b r i
quer une plus grande quantité de noir gros grain que
celle f ix é e p a r le ju g em en t?
�(
47 )
Le jugement dont est appel a fixé à 4 o kilogrammes
pour cent la quantité de noir fin que devait produire
la fabrication; il l’a fixée ainsi, en reconnaissant même,
dans ses motifs, que, d’après la vérification faite par
les experts, les noirs fins, résultat de la fabrication,
étaient dans la proportion de 44 kilogrammes 7 1 cen
tièmes pour cent. Mais prenant en considération quel
ques observations des experts, il a réduit cette quan
tité proportionnelle à 4^ kilogrammes pour cent, et
a soumis le sieur Mossier à fournir le surplus en noir
gros grain.
i
Le sieur Mossier aurait été très-fondé à se plaindre
de la proportion qu’à fixée le tribunal • proportion qui
lui est d’autant plus préjudiciable q u ’il lui sera im
possible d’atteindre à une réduction aussi fortô des
noirs fins, à une réduction que n’ont pu obtenir les
experts eux-mêmes, qnoiqu’ ils n’aient pas opéré eu
grand, qu ’ils aient mis beaucoup plus de tems et de
soins minutieux que n’en peut comporter une fabrica
tion considérable et journalière , et qu’ils aient em
ployé eux-mêmes , pour leurs opérations , tous les
moyens d’amélioration qu ’ils indiquent dans leur rap
port, si l’on en excepte cependant celui de faire précéder
la carbonisation par la mouture, ce qui serait impra
ticable. Car comment placer dans les fourneaux sur
des claies, et carboniser suffisamment du schiste déjà
réduit en poussière?
L e sieur Mossier s’est cependant résigné à subir ce
jugement 5 il lui tardait d ’en finir sur tous ces
débats*
•
�Moins ennemis des discussions, les gérans qui n’a
vaient, il semble, qu’à s’applaudir et du rapport des
experts, et du jugement, prétendent cependant encore
que la quantité de noir gros grain pourrait être pro
portionnellement plus considérable.
Mais comment prouvent-ils leur assertion?
Ce n’est pas dans le rapport des experts , quelque
f a v o r a b l e qu’il leur soit, qu’ ils trouveront un appui.
E n effet, les deux opérations successives des experts
ont donné un résultat beaucoup moins favorable à la
compagnie.
Par la première opération , ils trouvent, il est vrai,
62* kilogrammes 5 i centièmes sur 100 de noir gros
grain; mais en considérant comme tel le noir fin n° 2,
dont la proportion est de 7 kilogrammes 27 centièmes
pour cent. Or cette espèce de noir fin est refusée par
les sieurs Desrones et Dumont ; et il a été reconnu,
lors du jugement dont est appel, qu ’il 11e pouvait être
rangé dans aucune des espèces des noirs gros grain. Si
donc on retranche la dernière quantité de la première,
il ne restera que 55 kilogrammes 2/j centièmes sur cent
de noir gros grain; en sorte qve le résultat de la fa
brication produirait 44 kilogrammes 76 centièmes de
noir fin.
L a seconde opération des experts présente encore
moins d ’avantage à la compagnie , puisqu’on faisant
distraction du noir fin n° 2 , l’opération n’a produit
q u e 5 i kilogrammes 17 centièmes de noir gros grain
sur cent; en sorte que le noir fin et le déchet s’élève
raient à 48 kilogrammes 83 cculièmés pour cent.
�On ne conçoit donc pas sur quel motif les gérans
pourraient fonder le grief qu’ils ont annoncé quant à
la proportion fixée par le jugement.
Se plaindraient-ils de ce que le sieur Mossier avait
d’abord refusé, dit-on, de faire connaître aux experts
le résultat de ses propres opérations ?
Mais ce refus n’aurait pas été long, puisque dès le
12 novembre et avant la rédaction du rapport, il eu
instruisit les experts par une lettre qu’il leur adressa.
D ’ailleurs cette indication était inutile; car c’était
dans leurs opérations même , et non dans les décla
rations du sieur Mossier que les experts , comme le
tribunal, avaient à rechercher des élémens d’opinion.
Ainsi rien n'autorise le grief articulé sur ce point par
les gérans, et la confirmation du jugement dont est
appel ne peut présenter à cet égard l’apparence même
d’une difficulté.
Seulement il sera nécessaire d’expliquer le jugement,
parce que le dispositif présente dans sa rédaction quel
que équivoque. Les gérans sont condamnés à prendre
des noirs fins dans la proportion de l\o kilogram m es
p o u r ioo kilogram m es de noir gros g ra in , est-il dit.
Cela pourrait s’entendre en ce sens, que sur i 4 o kilo
grammes le sieur Mossier serait tenu d’en fournir 100
de noir gros grain, et 4 ° seulement de noir fin. Or,
s’ il en était ainsi, il aurait été commis, au préjudice
du sieur Mossier, une erreur grave; une erreur qui
serait signalée, il est vrai, par le rap^brt des experts;
une erreur qui serait aussi démontree par les motifs
du jugement où il est dit textuellement : « qu’il y a
7
�( 5o )
lien de réduire la quantité de noir fin dont les gérans
ou leurs ayant droit sont tenus de prendre livraison
ci 4o kilogram m es p a r 100 de noir fa b riq u é en gros
grain ou en Jin .
M a i s enfin cette erreur ou cette équivoque ne doit
pas subsister, et la Cour la corrigera , dût le sieur
Mossier interjeter, s’il le fallait, un appel incident
pour la faire rectifier et pour faire dire que sur 100 ki
logrammes de toute espèce de noir fabriqué, il ne sera
tenu de fournir que 60 kilogrammes de noir gros grain
en demeurant autorisé à en livrer 4° en noir fin.
§ IV.
G r ie f tiré de la séparation des d eu x associés
M ossier et D aubrée.
Un quatrième grief est proposé par les gérans de la
compagnie. Ils le font résulter de ce que le sr Mossier
s est séparé du sr D a u b r é e avec l e q u e l il s’était associe
pour la fabrication du noir, tandis que selon les gérans
ce concours du sieur Daubrée avait été la principale
cause, la condition déterminante de la confiance qu’ils
ont accordée au sieur Mossier, en le chargeant de
l ’entreprise.
La compagnie, ajoutent les gérans, a droit, à raison
de ce, à des dommages-intérêts.
Ce grief n’est qu ’une illusion, s’il n’est pas un pré
texte pour détourner l’attention.
La rupture de la société qui existait entre le sieur
Desrones et le sifcur Mossier, cette rupture seulement
partielle, serait, la considérât-011 même comme géné
rale, absolument étrangère à la compagnie; car, h son
égard, le sieur Daubrée reste toujours obligé; toujours
�(
5 0
.
.
il demeure responsable des vices de fabrication et de
la mauvaise gestion de l ’entreprise; seulement il a son
recours contre le sieur Mossier. C ’est ce qui résulte de
l ’acte du 16 juillet 1829 par lequel la société est dis
soute. Ainsi les droits de*la compagnie restent intacts.
Dirait-on qu’elle ne profite pas des avantages que lui
présentait la participation du sieur Daubrée à l ’en
treprise ?
On répondrait que le sieur Daubrée s’occupait peu
ou même ne s’occupait pas de la fabrication du noir.
C ’était au sieur Mossier, presque exclusivement, que
ce soin était confié. Le sieur Daubrée était principale
ment chargé de placer les produits; et il était, pour
cela, presque continuellement en voyage. Or, d’après
l ’article 2 du traité, cette partie de l’entreprise resta à
la charge du sieur Daubrée, même après la dissolution
de son association avec le sieur Mossier; en sorte qu’il
continua de. faire ce qu’il faisait auparavant, et que
la distribution des travaux de l ’entreprise ne fut pas
changée.
Au reste, pour être admise à se plaindre de cette
séparation des deux entrepreneurs, il faudrait que la
compagnie prouvât clairement qu’elle en a éprouvé
quelque préjudice, notamment par les vices de la fa
brication du noir.
Or, quel préjudice a-t-elle éprouvé?le noir a-t-il été
plus mal fabriqué? l ’a-t-il été par des procédés diffé
rons et moins avantageux que ceux précédemment
employés? les résultats obtenus ont-ils présenté moins
de noir gros grain ou n’ont-ils produit que du noir
d’ une moins bonne qualité? enfin quels sont les vices
6 ? °t
'
' ;: ? i
v7 /
�( 5s )
de fabrication ou de gestion qui ont été remarqués
depuis la séparation du sieur Daubrée?
On ferait de vains efforts pour en indiquer de réels.
Qu’importe donc, encore une fois, cette séparation
à là compagnie?
Les gérans prétendraient-ils qu ’on aurait dû les pré
venir?
On leur ferait observer qu’il pouvait y avoir conve
nance, mais qu ’il n’y avait pas obligation.
On leur dirait aussi que les sieurs Mossier et Dau
brée avaient si bien l ’intention de les prévenir qu’ils
en étaient convenus expressément par l ’article 8 de
leur traité.
On ajouterait, au reste, que cette omission ne pour
rait donner lieu à des dommages et intérêts, qu’au
tant qu ’elle aurait occasionné une perte réelle à la
compagnie.
Enfin on serait autorisé à soutenir que la compagnie
n’a pas ignoré cette séparation; et ce qui le prouve,
entre autres faits, c’est le jugement arbitral du 7 fé
vrier i 83 o et l’instance qui l ’a précédée, instance et
jugement dans lesquels le sieur Mossier figure seul
contre la compagnie, sans que celle-ci 011 ses gérans
aient appelé en cause le sieur Daubrée; ce qu’ils n’au
raient certainement pas manqué de faire s’ils n’avaient
pas su qu’entre les sieurs Mossier et Daubrée il n’exis
tait plus de société.
. Ainsi s’évanouissent les prétendus griefs des gérans
contre un jugement qui a plutôt favorisé que blessé
les droits de la compagnie.
�( 53 )
S V
E T D ERN IER.
D om m ages-intérêts acco rd és, et griefs du sieur
Mossier.
La compagnie se plaindrait-elle des dommages et
intérêts alloués au sieur Mossier? celui-ci serait luimême beaucoup plus fondé à se plaindre de la faiblesse
de cette indemnité. Obligé, soit par le refus du noir,
soit par l’encombrement de ses magasins et par le dé
faut de fonds, de suspendre, depuis le mois d ’avril
i S 3 o , les travaux de l ’entreprise; privé du prix des
noirs que les gérans ne retiraient pas; chargé cependant
de l’entretien de nombreux bâtimens et des machines
qui servaient à la fabrication; dans la nécessité même
de payer encore certains ouvriers pour ne pas en être
absolument dépourvu, lorsqu’il faudrait reprendre les
travaux, le sieur Mossier a éprouvé des pertes considé
rables par le fait des gérans. Une indemnité de 2,000 f.
seulement est presque illusoire, si on la compare au
préjudice souffert. Cependant le sieur Mossier s’est
résigné et 11e s’est pas plaint de cette disposition du
jugement.
Il est vrai que, pour diminuer ses pertes, il a traité
avec les sieurs Dumont et Desrones, le ¿4 janvier 1 83 1,
avant le jugement dont est appel, qui est du 7 février
suivant. Par ce traité, le prix des noirs en grain avait
été fixé provisoirement à. 10 fr. 28 cent, les 100 kilo
grammes; et le sieur Mossier abandonnait les noirs fins
sans aucun prix, si ce 11’est le remboursement des frais
d ’emballage et de transport.
�Mais cet arrangement, qui n’était, au reste, que
provisoire, lui était trop onéreux; c’est ce qu’ont
reconnu depuis les sieurs Desrones et Dumont euxmèmes, q u i, par une lettre du 26 mars 1 83 1 , se sont '
soumis à recevoir au même prix de 10 fr. 28 cent. i 5
pour 100 de noirs iins. Encore sera-t-il difficile au
sieur Mossier d’exécuter, sans perte, ce second marché
qui n’est anssi que provisoire comme l’était le premier .
Plus heureux que le sieur Mossier, les gérans de la
compagnie ont fait, le 9 février suivant, avec les sieurs
Dumont et Desrones, de nouvelles conventions qui
leur offrent d’assez grands avantages. Ils ont renouvelé
ou ratifié le bail du 8 septembre 1829 et la subrogation
générale qu’il contenait*, seulement ils ont réduit à un
million de kilogrammes de noirs en gros grain la quan
tité de deux millions quatre cents kilogrammes que
les preneurs étaient auparavant autorisé? à faire fabri
quer; et par une conséquence nécessaire de cette ré
duction dans la quantité, ils ont aussi diminué pro
portionnellement le prix annuel du bail qui n’est
aujourd’hui que de 10,000 fr.
On remarque , au reste , dans ce traité , que les pre
neurs doivent payer 1 fr. 5 o cent, de plus par chaque
centaine de kilogrammes, qu’ils prendraient au-delà
du nombre convenu. E n sorte qu ’en faisant fabriquer
un million de plus par an, ils devraient payer à la
compagnie if),ooo fr. de plus; ce qui produirait à
celle-ci un bénéfice annuel de i5,ooo fr., quitte de
toutes charges, au lieu de 2/1,000 fr. qui étaient le prix
du I er bail, pour une quantité cependant plus consi-
�(
55
)
dérable de noirs, puisqu’elle devait être de 2,4°°>ooo
Kilogrammes. Cela prouve que ce dernier traité offre
plus de bénéfice proportionnel à la compagnie que les
précédons.
On y parle aussi des noirs fins, qne l ’on dit ne
pouvoir actuellem ent avoir d’emploi avantageux 3 et
pour lesquels un prix est fixé dans le cas où l ’on trou
verait dans la suite à les placer.
Ce dernier traité de la compagnie avec les sieurs
Desrones et Dumont fournit une nouvelle preuve que
les noirs fins comme les noirs gros grain recevaient
autrefois un emploi utile, er que s’ ils n’en ont pas
a c t u e l l e m e n t , l’on espère qu’ils en obtiendront à l’ave
nir. Ce traité prouve donc que ce n’est pas l'imperfec
tion dés noirs, et sur-tout une imperfection qui serait
l ’effet de la négligence ou de l’impérilie du sieur Moss i ’r , qui s’oppose actuellement à un placement avan
tageux ; il fait reconnaître la vérité que nous avons
déjà indiquée, savoir que la baisse du prix de cette
espèce de noirs a une cause absolument étrangère aux
faitsdu sieur Mossier; que cette baisse provient, soit de
la diminution du commerce en général et de la diffi
culté que l’on éprouve aujourd'hui à faire des envois à
l ’étranger, soit du procédé qui a été récemment dé
couvert pour revivifier le noir animal, après un pre
mier usage, pour lui rendre sa propriété première, et
par suite pour l’employer de nouveau à la raffinerie.
Il est évident que sieur Mossier ne peut être res
ponsable de ces événemeus.
Il est évident encore que si les noirs fins ou autres
�<f'o6
*
( 56 )
eussent augmenté de valeur, si les frais de fabrication
fussent’-devenus plus coûteux, la compaguie seule eîft
proüté de l'augmentation des prix, et le sieur Mossier
aurait seul aussi supporté la perle. Comment se feraitil , parce que nous nous trouvons dans l ’hypothèse
contraire, que ce fût sur le sieur Mossier encore que
pesât la perte, tandis que la compagnie obtiendrait,
même aujourd’ hui, de forts grands bénéfices, sans
aucune charge.
L a justice de la Cour n’admettra pas de telles prér
tenlions.
Elle s’empressera d’autant plus à les repousser,
qu’elle reconnaîtra facilement que si quelqu’ un avait
à critiquer le jugement et le rapport d ’experts qui
l ’avait préparé, c’était le sieur Mossier à qui l ’on
n ’ a l l o u e que /jo kilogrammes de noirs fins sur 100,
quoique les soins les plus m i n u t i e u x de la part des
experts n’aient pu arriver à cette réduction, même en
n’opérant pas en grand; le srMossier qui pourrait signa
ler 1’ influence qui a présidé à l ’étrange rédaction de ce
rapport, qui pourrait se plaindre aussi de l ’imprudente
faiblesse de deux des experts que l’on vit, conduits
par l’ un des gérans, le sieur Blanc, pénétrer dans la
chambre du conseil au moment où le tribunal déli
bérait sur la cause et sur leur rapport, dans le but de
présenter aux magistrats pour la compagnie, des obser
vations qu ’on ne leur demandait pas et que repoussa
l’impartialité du tribunal.
Le sieur Mossier, pressé d’en finir, renonçant à des
griefs dout la vérification entraînerait de nouvelles
�( s7 )
66J o
lenteurs, se bornera 'a deux chefs d’appel incident ,
qu’il suffit , il semble , d’indiquer pour les faire
admettre.
L ’un qui a déjà été annoncé, est relatif à l ’amphi
bologie que présente le dispositif du jugement, quant
à la proportion qu’il fixe entre les noirs fins et les noirs
gros grain.
Les motifs du jugement sont clairs; ils allouent au
sieur Mossier l\.o kilogrammes de noir fin sur ioo kilo
grammes de noirs de toute espèce gros ou fin; et ces
motifs sont en harmonie avec le rapport des experts,
sauf une différence de cinq ou six pour cent, dont le
tribunal grève en plus le sieur Mossier.
Le jugement, dans son dispositif, lui passe aussi les
4o kilogrammes de noir fin, mais en ajoutant sur cent
kilogram m es de noir gros grain.
Ces dernières expressions de noir gros g r a in , ne
sont sans doute qu’ une erreur de rédaction échappée à
la plume. Car prise à la lettre, la disposition serait en
contradiction avec les motifs qui l ’ont dictée et avec
le rapport qui l ’a préparée.
Il
fallait dire, sur cent kilogram m es de noirs de
toute espèce, gros ou f i n , comme il est dit dans les
motifs , de manière à exprimer bien clairement que sur
ioo kilogrammes, le sieur Mossier ne devra fournir
que Go kilogrammes en noir gros grain, et les quarante
autres en noir fin.
L a Cour rectifiera cette partie du jugement, ou par
une explication q u i suffira peut-être, ou par un mal
jugé, si elle le croit nécessaire.
�Un second chef de réclamation, delà part du sieur
Mossier, est relatif aux intérêts des sommes qui lui
sont dues pour le prix des noirs. Le tribunal, en
condamnant la compagnie à retirer les noirs et à en
payer le prix, ne l ’a pas condamnée au paiement des
intérêts. Cependant il est juste qu’il en soit alloué au
sieur Mossier à compter de la sommation qu’il a faite
aux gérans de retirer les noirs. Celte sommation est
du 24 mars i 83 o. Déjà deux ans se sont écoulés depuis
celte mise en demeure, le procès s’étant prolongé.par
les difficultés qu’ont élevées les gérans, el par l ’appel
q u ’ils ont interjeté. Pendant ce long espace de tems, le
sieur Mossier, privé de ses capitaux, grévé des charges
de l ’entreprise, obligé d’emprunter pour y satisfaire
et pour fournir à ses besoins personnels, a été placé
dans la plus fâcheuse position; et pour tous dommages
et intérêts, on ne lui a accordé qu’une somme de
deux mille francs. N ’est-il pas juste que, comme
supplément de dommages et intérêts, on' lui alloue
l ’intérêt, au taux du commerce, des sommes qui luisont
dues; de ces sommes qu’il aurait touchées, et dont il
aurait fait ses affaires depuis le mois de mars i 83 o,
¿>i la compagnie avait retiré les noirs, comme elle s’y
était soumise par le bail à entreprise, dès l ’époque où
ils ont été fabriqués, et si elle en avait payé le
prix dans le mois comme il avait été expressément
stipulé ?
L ’équité de la Cour n’hésilera pas, sans doute, à
accorder au sieur Mossier ces intérêts : indemnité
bien faible pour toutes les perles, pour louies le$
�.
(.59?
tracasseries que lui a fait éprouver un procès que
plus de réflexion, plus de justice n’auraient pas permis
aux gérans de lui intenter.
MOSSIE R .
Me A L L E M A N D , ancien A vocat.
Me G R A N E T , avoué-licencié.
rt
RIOM
,
IM P RIMERIE
DE
S ALLES
FILS ,
P RES L E
PALAIS
DE
JUSTICE.
%,
o
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mossier. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
mines
exploitation du sol
schiste
sociétés par actions
noir animal
commerce
industrie
moulins
bail d'entreprises
procédés de fabrication
Daubrée (Edouard)
voyageurs de commerce
exportations
tribunal de commerce
arbitrages
experts
dissolution de sociétés
sociétés
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Mossier, intimé ; contre les sieurs Blanc et Guillaumont, gérans de la compagnie de Menat, pour l'exploitation du schiste carbo-bitumineux, appelant.
Table Godemel : Cession : 7. les cédataires ou subrogés aux droits d’une compagnie de mines, peuvent-ils soutenir, que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession ou transport à l’entrepreneur, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à cause des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement le traité relatif à l’exploitation, avec l’entrepreneur, ils avaient en eux même la faculté de faire cette signification, s’ils la jugeait utile ? Qualité : 7. un individu, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la compagnie, ayant comparu à un acte de subrogation fait au nom de la compagnie, qu’il a signé, sans déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, et n’avoir en rien fait novation à ses droits, résultant de son autre qualité, celle d’entrepreneur ? Mines : 4. actionnaire de la compagnie des mines de Menat exploitant une fabrique de noirs de deux espèces, l’une dite noir gros grain, et l’autre dite noir fin, le sieur mossier, qui avait traité avec elle le 7 avril 1829 pour la fabrication de ces deux espèces de noir, a-t-il pu assigner les gérants pour les faire condamner, avec dommages intérêts, à retirer tous les noirs fabriqués ou, n’a-t-il eu d’action directe que contre les sieurs Dumont et Derosne, subrogés aux droits de la Compagnie par traité du 8 septembre, même année ?
Mossier, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la Compagnie, ayant comparu à l’acte de subrogation du 8 septembre, qu’il a signé, sans toutefois déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, celle d’actionnaire, et n’avoir en rien fait novation à ses droits résultants de son autre qualité, celle d’entrepreneur ?
Le noir en magasin a-t-il pu être refusé par la Compagnie, ou par ses cédataires ? Le refus de renvoi a-t-il causé préjudice à l’entrepreneur Mossier et donné lieu à des dommages intérêts ? Contre qui, des gérants ou de la Compagnie, ou des subrogés, ces dommages intérêts doivent-ils être prononcés ?
Les sieurs Dumont et Derosne devenus cédataires ou subrogés aux droits de la Compagnie par l’effet du traité du 8 7bre 1829, peuvent-ils soutenir que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession à l’entrepreneur, Mossier, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à raison des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement l’acte du 7 avril précédent, ils avaient eu eux même la faculté de faire cette notification, s’ils la jugeaient utile ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1825-1832
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2715
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2716
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53552/BCU_Factums_G2715.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Menat (63223)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bail
bail d'entreprises
commerce
Daubrée (Edouard)
dissolution de sociétés
experts
exploitation du sol
exportations
industrie
Mines
moulins
noir animal
procédés de fabrication
schiste
sociétés
sociétés par actions
tribunal de commerce
voyageurs de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53488/BCU_Factums_G2502.pdf
f2296be5b8b56001c417a0feab77514f
PDF Text
Text
a a -a ^
jr \ f sr\Æ- s - s r - j r jr ^ r
/ v/ \
/ ^ ' / \ ^ / ^ / x / 'y x / N - ^ /
MÉMOIRE
EN R É P O N S E ,
POUR
LE SIEUR G A L V A I N G ,
PROPRIÉTAIRE •
CONTRE
L
e s
s i e u r s
L O N G U E V IL L E
et
c o n s o r t s
.
L E sieur Galvaing est porteur d ’un billet de 4 ooo livres, souscrit
par le sieur Viole-Delteil, qui est décédé sans s’être libéré. Le
sieur Galvaing a demandé le paiement de sa créance aux enfans
de son débiteur; et ceux-ci, après s’être emparés de la succession,
et en avoir vendu une partie, ont soutenu q u ’ils n ’étaient pas les
héritiers de leur père.
La première discussion que le sieur Galvaing a été obligé de
soutenir, avait donc pour objet de prouver que les sieurs Longueville et consorts, q u i, dans plusieurs actes authentiques, s’étaient
déclarés les héritiers du sieur V iole-D elteil, et q u i , en cette
qualité , avaient vendu tout le mobilier dépendant de sa succession,
étaient bien réellement les héritiers du sieur Viole-Delteil.
Le sieur Galvaing n’a pu les convaincre de ce premier fa it,
qu 'en obtenant du tribunal de première instance cinq jugemens
Préparatoires ou définitifs, et deux arrêts en Cour royale. Il
croyait n avoir plus aucune difficulté à éprouver pour obtenir le
paiement de ce qui lui était d ù; il s’est trompé : on lui conteste
aujourd’hui la légitimité de sa créance. L e billet existe, la signa
ture n' est pas contestée, on ne rapporte pas de quittance, rien
de tout cela n’embarrasse les héritiers Viole.
lIs sont même parvenus a faire juger par le tribunal de com
merce d A
' urillac, malgré le texte de plusieurs lo is , et par déro
gation a sa propre jurisprudence et à celle de la C o u r , que ce
�billet est frappé de la prescription cle cinq ans, prononcée par
¡’article 189 du Code de Commerce.
Le sieur Galvaing a fait appel de ce jugement; et aussitôt les
héritiers Viole ont fait publier un mémoire dans lequel ils ont
débuté par des injures, continué par des mensonges, et fini par
des sophismes ; c’était tout naturel : on ne défend jamais autre
ment une mauvaise cause.
Quant à nous, mépriser les injures, rétablir les faits, et com
battre les sophismes, voilà la tâche que nous nous sommes proposée.
PREMIERE PARTIE.
F A IT S.
L e 20 germinal an 8, le sieur Galvaing prêta une somme de
4ooo livres au sieur V iole-D elteil, qui lui souscrivit un billet
à ordre payable dans un a n , et à vue : on y stipula l ’intérêt à
cinq pour cent, et sans retenue.
L e sieur Galvaing était dans l ’usage d ’obliger ses compatriotes,
et notamment ses voisins; il en avait la facilité, puisqu’il jouissait
d ’une des fortunes les plus considérables de l ’arrondissement : ses
revenus en biens-fonds s’élevaient à plus de vingt-cinq mille fr. r
à quoi il fallait ajouter sou traitement de receveur particulier,
q u i, avec les intérêts de son cautionnement, se portait annuelle
ment à 7100 francs. Son père lui avait en outre laissé beaucoup
de capitaux, q u ’il avait lui-même augmentés, au point q u ’en
1814 ü lui était d û , par actes authentiques, 260,000 francs, sans
y comprendre les créances portées par actes sous seing privé, dont
celui souscrit par le sieur Viole-Delteil était du nombre.
Domicilié dans une petite ville , et ayant par conséquent trèspeu d ’occasions de faire des dépenses considérables, le sieur Galvaiug ne tracassait aucun de ses créanciers, dont tous les jours le
nombre s’augmentait par les nouveaux services q u ’il rendait à
tous ceux qui venaient puiser dans sa bourse.
Le sieur Viole-Delteil, qui était un de ses débiteurs, faisait,
à M auriac, un petit commerce en tannerie; il avait commencé
avec très-peu de ressources, et il avait eu un grand nombre
d ’enfans, q u ’il avait fallu élever et établir; e n fin , quelques
perles, dont aucun commerce n ’est exempt, ne lui avaient jamais
permis de se libérer des difl’érens emprunts q u ’il avait été obligé
�( 3 )
)<r
de faire*, et nous pouvons presqu’affirmer qu ’en aucun tems que
ce soit, le sieur Galvaing n ’aurait pu exiger de suite le rembour
sement des 4°°° libres qui lui étaient dues, sans jeter le sieur
Yiole-Delteil dans un embarras dont son commerce se serait longtems ressenti.
C ’est à cela, mais à cela seulement, que l ’on doit imputer
l ’inaction dans laquelle le sieur Galvaing est resté en gardant
dans son porte-feuille, pendant treize ou quatorze ans, le billet
dont il réclame aujourd’hui le paiement.
Pour prouver que ce billet n ’a jamais été d û , ou a été payé
depuis long-tems, les héritiers Y iole ont dit dans leur m ém oire,
que leur père, qui avait souscrit ce b i ll e t , jouissait d ’une grande
aisance dans son commerce^ qu’ il lu i était très-fa cile3 et p lu s
f a c ile qu’ à bien d ’a u tres, de se libérer d ’une somme de
4ooo livres } s 'il l ’avait d u e; q u i l était peu d ’hommes aussi
exacts que lu i à fa ire honneur à ses affaires¿ etc. etc. (i) .
Nous ne pensons pas q u ’il soit très-utile, dans l ’intérêt de
notre cause, de répondre à de pareilles assertions, i° parce que
ce ne sont que des assertions, et que les héritiers Viole auraient
du commencer . par donner quelques preuves , ou du moins
quelques adminicules de cette prétendue solvabilité du sieur
Yiole-Delteil, et de sa grande exactitude à tenir ses engagemens,
ce q u ’on aurait pu savoir par ses livres-journaux, s’il en a t e n u ,
ou par sa correspondance, si nos adversaires avaient bien voulu
nous la communiquer \ 2° parce que ces faits, lussent-ils vrais ,
ce ne serait pas une raison pour annuller le billet que nous rap
portons, et dispenser les héritiers de celui qui l ’a souscrit d ’en
payer le montant-, car si un pareil système était admis , et s’il
su! lisait de quelques adminicules vagues ou de quelques circons
tances plus ou moins difficiles à expliquer , pour déclarer un
titre obligatoire comme non avenu, (pie de billels il faudrait
jeter au ie u , quoique le montant en fût bien légitimement dùl
^ Mais comme nous tenons beaucoup à faire voir q u ’on cherche «H
induire en erreur la Cour et le p u b lic , nous allons., au déiaut
des registres et de la correspondance q u ’on nous cache si soigneu
sement, prouver, par des actes authentiques et par des monumens
judiciaires, que rien n’est plus faux que tout ce qui a été dit
relativement a cette grande facilité q u ’avait le sieur Yiole-Delteil
^r°'ir ^cs pages 5 et 6 du mémoire d u sieur L on g ucville.
�( 4 )
(le payer de suite une somme de 4000 livres, et sur-tout à cette
extrême exactitude avec laquelle il tenait tous ses engagemens.
Le sieur Viole-Delteil est décédé à C le n n o n t, en mai i 8 i 3 ; et
le 29 juin de l ’année suivante, les héritiers, poursuivis par de
nombreux créanciers de la succession, n’ont d ’autres ressources,
pour en appaiser quelques-uns, que de vendre tous les meubles
meublans , linge, cuivre, et jusqu’aux provisions de bouche, qui
se trouvaient dans la maison du défunt. Cette vente, qui fut
reçue par Delmas, notaire à Mauriac, ne produisit que 1800 fr .,
dont le montant fut délégué aux créanciers.
E n mars i 8 i 5 , le sieur Bonnefons, de*Mauriac, porteur de trois
lettres de change souscrites par le sieur Viole-Delteil, et dont
l ’une était datée du 14 novembre 1810, en demande le paiement ;
ces trois lettres de change représentaient un capital de 2780 f r . ,
et la condamnation en est prononcée contre les héritiers, par juge
ment du tribunal de commerce de Mauriac, en date du 18 mars 1 8 1 5 .
Ce n’est pas tou t; en juin de la même année, le sieur Joseph
Bonnefons, soit de son chef, soit comme héritier du sieur R on nat,
docteur en médecine, se trouve porteur de deux autres effets de
commerce, souscrits par le sieur V io le-D elteil, le 17 brumaire
an 14, l ’un de 2640 francs^ et l ’autre de 3oC>9 francs. Ces deux
effets, quoique souscrits neuf à dix ans avant le décès du sieur
V iole-D elteil, n’étaient pas encore payés; et par lin second jugQment du tribunal de commerce de Mauriac, en date du 3 juin
1 8 1 5 , les héritiers Viole sont condamnés à payer le montant de
ces deux billets.
Ce n’est pas tout encore; le sieur Bonnefons voulant .être payé
du montant des condamnations q u ’il avait obtenues, et ne trou
vant ni meubles, ni marchandises, ni créances actives à saisir,
est obligé de provoquer , par expropriation forcée , la vente de
quelques immeubles dépendant de la succession.
Enfin le sieur Galvaing se met à son tour en mesure d'assurer
sa créance et d'en obtenir le remboursement. Il assigne tous les
héritiers devant le tribunal de commerce de Mauriac, et il demande
contr’eux le paiement de la somme de 400ü livras, montant du
billet à ordre souscrit, en l’an 8 , par leur père et beau-père. Les
assignés comparaissent, ayant à leur tète le sieur Longueville, et
ils ont l ’impudence de répondre q u ’ils 11e sont point les héritiers
du sieur Viole-D elteil; q u ’ils ont renoncé ou entendent renoncer
à sa succession.
�(5 )
Le tribunal de commerce de^ M auriac, par. son jugement du
19 .novembre 1814,- renvoie les'parties devai.it le tribunal c iv il,
pour faire statuer sur la qualité d’h éritier, qui était désavouee.
Devant le tribunal civil, le sieur Longueville
et consorts
persis•
», \ *
. ‘ T> 1 .1
tent à soutenir q u ’ils ne sont pas héritiers de leur père ; mais 11s
n ’élèvent aucune difficulté sur.la validité du billet, et recon
naissent qu’il n’a pas été payé.
Le sieur Galvaing leur oppose q u ’il est très-étrange qu ’ils dé
clarent en ce moment n ’être pas les héritiers du sieur V iole-D elteil,
après avoir en cette qualité vendu tous les meubles qui garnissaient
la maison du défunt, et sur-tout après avoir été irrévocablement
condamnés, en cette même qualité, à payer au sieur Bonnefons
cinq différentes lettres de change ou effets de commerce, se portant,
en capital, intérêts ou frais, à environ 10,000 francs; et sur-tout
encore, après qu e, par suite de cette condamnation, il avait été
procédé, contradictoirement avec e u x, à la vente, par expropria
tion forcée , de quelques immeubles dépendant de la même
succession.
•
■
> .
Eh bien! le croira-t-on? Les héritiers Yiole répopçtent a tout
cela, q u ’il n’existait ni ve n te, ni procédure , ni jugemens, dans
lesquels ils eussent figuré com m e hériliers de leur père; -et en.
conséquence, le tribunal civil de Mauriac prononce un avant faire
droit, qui autorise le sieur Galvaing à faire procéder à un cçuripulsoire, et k faire-expédier tous actes civils ou judiciaires, qui p o u r
raient établir que Longiicville et conforts avaient ;fait actes
d ’héritiers.
'
.
. .
Ce jugement est du 29 avril 1 8 1 7 ; et voici comment le point
de fait y,est énoncé :
« E n l’an 8 et le 20 germinal, le sieur Jean Viote-ï)e,lteil con<( se n tit, en faveur du sieur Galvaing^ un billet de^lii ' somme
« de 4 oofj1 1ivres. .. . .. L e sieur G alyain g, jouissant d ’une fortune
" i opulente, et ne craignant rien,de la part de son <iébil’<çur, n’a
" pus exigé le paiement du montant de cet effet à l’ér.héance........
“ Le iSjicur. yiqle-|)ell(jil est^venu a décéder' sans avoir satisfait à
« son e n g a g e m e n t , çt c. , e tc . >>^
’
•'
^ Nous ne ferons ici, pour le m oment, aucune réflexion sur cet
énonce , et nous nous contenterons de faire remarquer que ce
jugement était c o n t r a d ic t o ir e q u e les qualités furent signifiées
^ux tiois avoués des héritiers Y i o l e , et q u ’il n’y eut pas d’oppo-
�(G )
E n exécution de ce jugendent, le sieur Galvaing fait procéder
à un compulsoire 5 et après s’être procuré une expédition de
chacun des actes que nous avons rappelés, il poursuit l ’audience.
La cause est réappelée le 5 août su iva n t, et les héritiers Viole
comparaissent également par le ministère de trois avoués. Ceux-ci,
presque honteux d ’avoir , sur la foi de leurs cliens , désavoué
l ’évidence même, déclarent s’en rapporter à la prudence du tri
bunal; et aussitôt il est rendu un second jugement contradictoire,
par lequel les défendeurs sont déclarés héritiers purs et simples
du sieur Viole-D elteil, leur père, et condamnés aux dépens. Enfin,
pour être statué sur le fond, les parties sont renvoyées devant le
tribunal de commerce.
Il fut également énoncé dans ce jugement que le sieur G a l
vaing , jouissant ¿1 Vépoque de Véchéance du b illet3 comme au
jo u r d 'h u i ^ d ’ une fortune considérable 3 n ’avait point exigé le
paiement de cet effet aussitôt q u ’il lui avait été permis de le
faire^ et que le sieur V^iole-Delteil était venu à décéder sans
s ’étre libéré envers le sieur Galvaing. Il est encore nécessaire
d ’observer que les qualités de ce second jugement contradictoire
furent signifiées aux trois avoués, et q u ’aucun d ’eux n ’y fit
opposition.
Les sieurs Longueville et consorts font appel de ce jugement;
ils donnent pour griefs, q u ’ils ont été mal-h-propos condamnés
a u x dépens, et il fallut que le sieur Galvaing obtint deux arrêts,
l ’un par d é fa u t, et l ’autre sur l ’opposition formée à la requête
d ’un des appelans. Par ces deux arrêts, le jugement du tribunal
de première instance fut confirmé, et les sieurs Longueville et
consorts lurent condamnés aux dépens, tant de cause principale
que d ’appel.
Après avoir ainsi, pendant quatre années, traîné le sieur G al
vaing du tribunal de commerce au tribunal civil,' du tribunal
civil à la C our royale, et après avoir élevé incident sur incident,
au point que cinq jugemens furent rendus en première instance,
et deux en Cour d'appel, les héritiers Viole sont traduits devant
le tribunal de commerce d ’Aurillac , par suite d ’un arrêt do
renvoi, fondé sur ce que le tribunal de commerce de Mauriac
n’avait pu se composer pour cause de parenté.
Devant le tribunal de commerce d ’A n rillac, les héritiers Viole
changent de système, sans rien diminuer de leur mauvaise foi ;
et après avoir reconnu, dans deux jugemens contradictoires, que
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le billet dont il s’agissait au procès n ’avait pas été p ayé, et que
la fortune opulente dont jouissait le sieur Galvaing était le seul
motif qui avait pu l ’engager a rester si long-tems dans l ’inaction,
ils n’en pensent pas moins q u ’il leur est permis de tout remettre
en question*, ils s’imaginent q u e , malgré le peu de succès qu ’a
vaient eu leurs premiers mensonges, ils peuvent encore en essayer
de nouveaux, et ils font plaider, i° que le billet dont on demandait
le paiement n’était q u ’un blanc-seing dont on avait sans doute
abusé *, 2P que ce billet avait été p a y é , et que ce qui le prouvait
était la grande facilité qu’avait eue le sieur Viole-Delteil de se libérer,
son exactitude à acquitter tous ses engagemens, et l ’état de gène
dans lequel s’était trouvé le sieur Galvaing k une certaine époque
de sa vie 3° et enfin que la prescription de cinq a n s, prononcée
par l ’article 189 du Code de commerce, élevait une fin de nonrecevoir invincible.
Le sieur Galvaing fut très-surpris d ’entendre parler de la grande
solvabilité du sieur Viole-Delteil, de la facilité q u ’il avait eue, à
toute espèce d’époque, de payer une somme de 400° livres , et
plus particulièrement encore de son exactitude remarquable à
payer les dettes q u ’il avait contractées 5 tandis q u ’il était prouvé,
par des actes authentiques et judiciaires, que l ’on avait voulu
renoncer a la succession dudit Viole-D elteil, ou ne l ’accepter que
sous bénéfice d ’inventaire, que tout son m o bilier, en y compre
nant meubles meublant, linge, cuivre, provisions de bouche, e tc.,
avait été vendu peu de teins après sa m o rt, et n ’avait produit
que la modique somme de 1800 francs, laquelle somme on s’était
empressé de déléguer aux créanciers les plus disposés à poursuivre;
et enfin qu'il existait plusieurs lettres de change ou billets sous
crits par le d éfu n t, se portant à des sommes considérables, qui
n ’étaient pas payées à l ’époque de son décès, et dont la plupart
avaient une date antérieure de neuf K dix ans à l ’ouverture de sa
succession : circonstances qui ne permettaient point de croire à la
réalité de cette prétendue solvabilité, et de celte prétendue exac
titude a acquitter les engagemens souscrits.
Mais ce qui surprit davantage le sieur G alvain g, ce fut d ’en
tendre plaider q u ’il avait été dans une position très-critique vis-a
vis de la trésorerie; q u ’il f u t obligé de faire un état de son p a ssif
de son a c tif j et q u ’à celle époque il 11’aurait pas manqué de
reclamer les /jooo livres q u ’il demande aujourd’h u i, si réellement
elles lui avaient été dues3 etc. , elc.
�(S )
' Est-ce de bonne f o i ? ’est-cë bien sérieusement, que de pareilles
assertions ont ‘été plaidées devant le tribunal ? Il faut bien le
croire, puisqu’bn n’a pas'craint de les reproduire dans le mémoire
q u ’on a fait imprimer, et qui avait pour double objet de justifier
le jugement rendu en première instance, et de diffamer le sieur
Galvaing.
';
Nous ne pouvons donc nous dispenser de donner une explication
à cet égard; e t'si l ’on trouve que nous entrons dans des détails
bien longs et bien fastidieux, nous prierons nos lecteurs de faire
attention que le sieur Galvaing se doit à lui-même de dissiper
jusqu’au plus petit des nuages que l ’on a amoncelés sur cette
cause, pour la rendre inexplicable aux juges et au public, et pour
q u e , dans tous les cas, sa délicatesse restât exposée à d ’injurieux
soupçons.
L e sieur Galvaing n’ayant aucun intérêt à rien taire ni à rien
dissimuler , conviendra q u ’en 18 1/§. il devait à la trésorerie
90.000 francs; mais en q u o i, nous le demandons, était-il néces
saire de rappeler cette cil-constance? Etait-ce pour nous donner
une nouvelle occasion de confondre des adversaires q u i, ne sachant
comment justifier un jugement contraire à tous les principes, se
sont jetés dans line foule d ’assertions, q u i, toutes étrangères à la
question soumise à la C o u r, joignaient à ce premier inconvénient
celui de 11e présenter que des faits dénaturés ou entièrement faux?
L a trésorerie voulant éviter les irais de transport du numéraire,
sur-tout à l ’égard des provinces éloignées de Paris , avait nonseulement autorisé, mais encore invité les receveurs généraux et
particuliers à faire des versemens en effets de commerce, tirés sur
des banquiers ou des négocians de la capitale. Cela se pratiquait
ainsi depuis plusieurs années, lorsqu’au commencement de i 8 i /| ,
des entrepreneurs de fournitures pour le compte du Gouvernement,
souscrivirent ou négocièrent, en faveur du sieur Galvaing, receveur
particulier dans l ’arrondissement de Mauriac , pour environ
90.000 francs de traites sur Paris.
(Jes effets furent envoyés à la trésorerie; mais à celte époque,
par suite des événemens politiques qui se succédèrent avec une
étonnante rapidité, les fournisseurs, qui avaient fait des avances
considérables pour le gouvernemenl dont la Fiance venait d ’être
délivrée, n’ayant pu faire liquider leurs créances, ou en obtenir
le paiement , se trouvèrent eux-mêmes forcés de manquer aux
engagemens q u ’ils avaient contractés; ils refusèrent d ’acquitter
�,
&
les effets négociés au sieur Galvaing, et la trésorerie
ne s en crut
pas moins en droit de les laisser pour le compte de son receveur;
et en conséquence ils lui furent renvoyés, avec ordre d’en remplacer
lç montant en deniers effectifs.
Quoique le sieur Galvaing possédât a lo rs, comme il possède
aujourd’hui une fortune des plus considérables, et, q u i , en
fonds de terre, offrait un capital de 5oo,ooo francs, il n ’en était
pas moins très-difficile de réaliser de suite, en numéraire , une
somme de 90,000 francs.
L e sieur Galvaing en fit l ’observation au receveur général qui
était venu vérifier sa caisse. C elu i-ci, reconnaissant qu e, malgré
le déficit qu’il venait de constater, et qui provenait d ’une cir
constance de force majeure, la comptabilité du sieur Galvaing
n’en était pas moins à l ’abri de tout reproche, n ’ôta point à ce
receveur la manutention des deniers publics ; il lui demanda
encore moins sa démission : bien loin delà, il promit de s’in
terposer auprès de la trésorerie pour faire accorder au sieur G al
vaing un délai suffisant; et il lui demanda, pour cet effet, un
état de sa fortune mobilière et im m obilière, q u ’il promit de pré
senter lui-même, aux administrateurs de la trésorerie.
Le sieur Galvaing, soit pour prendre des renseignemens sur le
compte de ceux qu i lui avaient souscrit des effets , soit pour ré
clamer lui-même, auprès de la trésorerie, le délai q u i 'l u i était
nécessaire, partit pour Paris. L ’inquiétude que lui avait donné
cette malheureuse affaire, q u ’il n ’avait pu ni prévoir ni empêcher,
et le besoin de donner un soin particulier à l ’administration de
ses biens personnels, firent naître au sieur Galvaing l ’idée de
faire passer sa place sur la tête de son fils. 11 profila de son voyage
a Paris pour demander à la trésorerie cette marque de bienveil
lance : il 1 obtint; et aussitôt il pourvut au cautionnement de son
fils, ce qui prouve encore que toutes les ressources du sieur Galvamg père n’étaient pas aussi épuisées que le sieur Longueville a
voulu le faire croire.
Voila l exacte vérité, telle q u ’elle est constatée par le procèsverbal du 14 juin 181 /| ; voilà l’origine de cet embarras décaissé,
que le sieur Longueville, croyant sans doute faire une plaisanterie
bien amère et bien spirituelle, appelle une (les épisodes de la vie
financière du sieur Galvaing.
Qu 011 nous pennctie de faire une réflexion qui trouve naluement ici sa place. N ’esi-il pas bien singulier q u ’ un particulier
�ri*
( i° )
qui introduit une action en justice pour obtenir le paiement d ’un
billet q u ’il produit, et dont la signature n ’est pas contestée, soit
obligé de rendre compte au public et aux tribunaux de toutes les
actions de sa vie , de sa conduite comme particulier, et de sa
gestion comme préposé ou administrateur ?
Telle est cependant la position ou se trouve le sieur Galvaing.
U n chicaneur déhonté répond à sa demande judiciaire par un
libelle imprimé, dans lequel il l ’attaque sous le rapport de sa vie
publique et privée. Si le sieur Galvaing ne répond point, son
silence passe pour un aveu déshonorant ; et s’il répond, le voilà
réduit à rendre publiquement un compte q u e , sous le rapport
de sa vie privée, il ne devait q u ’à sa conscience, et qu e, sous le
rapport de sa vie administrative, il ne devait q u ’à ses supérieurs.
Les explications que nous venons de donner ont été nécessitées
par plusieurs passages du mémoire signé L on gueville, et notam
ment par celui qui est à la page 6 , et qui est ainsi conçu :
« On trouve de plus grands sujets d ’étonnement encore dans
« quelques épisodes de la vie financière du sieur Galvaing. Tout
« le monde sait que des embarras de caisse se manifestèrent tout« à-coup; et le sieur Galvaing eut beau faire un appel pressant
« à tous ses débiteurs, le vide ne se remplissait pas. La trésorerie,
« comme la nature, a horreur du vide : il fallut donner une
« démission et des sûretés, etc. etc. »
■Rien n ’est plus perliile que de s ’emparer d ’un fait v r a i, pour,
au moyen de quelques accessoires d ’invention, le dénaturer ou
l'envenimer : le passage que nous venons de rapporter en est un
exemple.
A u reste, nous dirons au sieur Longueville que la vie finan
cière du sieur G alvaing, comme sa vie administrative, comme sa
vie domestique, fut toujours pure et sans tache. Quand on a ,
pendant vingt ans, conservé la confiance du trésor public $ quand
on a été tour-à-tour président d ’ un bureau de bienfaisance ,
membre du conseil général du département, et rnaire de sa ville
natale, on doit avoir donné des garanties suffisantes de délicatesse,
d ’exactitude et de probité; et il serait à souhaiter que tous ceux
qui o n t, pendant un intervalle plus ou moins long, rempli des
fonctionsimportantes ou exercé une profession honorable, n'eussent
jamais fourni à la critique d ’autre aliment que ce que les héritiers
Viole veulent bien appeler uu des épisodes de la vie financière
du sieur Galvaing.
�( . . )
.
ff
Mais, nous a-t-on d it , l 'encre du corps du billet n est pas Ta
même que celle de la signature...... y il e x iste , entre la dernière
ligne du corps de Vacte et la signature} un intervalle considé
rable........y enfin le corps du. billet énonce une stipulation d’in
térêts , et l ’approbation, qui est en toutes lettres, et qui accom
pagne la signature, n ’en parle pas; il porte seulement ces mots î
Bon pour quatre m ille livres. On aurait dû y ajouter ceux-ci :
■Avec Vintérêt (i cinq pour cent.
C ’est donc un blanc-seing ? s’est-on écrié, page 3 du mémoire-,
et maintenant à quelle époque ce blanc-seing a-t-il été délivré?
On sent qu’i l est aujourd’hui difficile de répondre à cette ques
tion , etc.
L a réponse n’était pas cependant bien difficile à tro u ver, et il
ne fallait pas une grande sagacité pour deviner que cette époque
devait être celle où.les /jooo livres furent comptées, en bons écus,
au sieur Viole-Delteil.
A la page 5 , le sieur Longueville se demande encore à quelle
époque ce blanc-seing a-t-il été surmonté de cette écriture cons
titutive d un billet à ordre? ce qui lui donne occasion de s’écrier
encore : Les héritiers f^iole seront apparemment les derniers à,
apprendre les circonstances D E C E T T E O E U V R E M Y S T E
R IE U S E !
E t comme cette dernière expression a paru au sieur Longue
ville une expression du meilleur g o û t , et propre à produire un
giand effet, on a eu soin de la répéter dans plusieurs passages
u memoire, et notamment à la page 7 , où on lit une phrase
assez remarquable, qui est celle-ci :
Ia n d is que les héritiers J^iole voudraient porter la lumière
D A N S C E T E N E B R E U X M Y S T E R E , il v o u d r a it, l u i ,
épaissir L E S 'T E N E B R E S encore ; mais le tribunal d 'A u r illa c
les a dissipées, C E S T E N E B R E S , etc.
Ne dirait-on pas q u ’il s a g it , dans la cause, de quoiqu'épou
vantable histoire, ou de quelqu’abominable piège dans lequel le
sieur Galvaing aurait fait tomber le sieur V iole-D elieil? E t ce
pendant ne perdez pas de vue qu ’il s’agit tout bonnement, tout
simp ement d un billet h ordre signé par le sieur Viole-D elteil,
q u i , de sa propre m a in , a ajouté à sa signature ces mots : Bon
pour quatre m ille livres.
A la Vérité, le corps du billçt n’est pas écrit de la main du
�# (
12 )
sieur Viole-D elteîl, mais voilà aussi pourquoi il ajouta à sa signa
ture une approbation en toutes lettres.
Il est possible encore que l’encre de la signature et l ’encre du
corps du billet n’aient pas tout-à-fait la même nuance; mais cette
différence ne peut-elle pas provenir de la différence des plumes
dont on s'est servi,, et de la différence des encriers qui pouvaient
se trouver sur la même table? et enfin quand il serait vrai que
l ’écriture fût postérieure à la signature, quelle conclusion pour
rait-on en tirer? Dirait-on que c’est l ’abus d ’un blanc seing? mais
un blanc seing n ’est q u ’une signature isolée, que par abus de
onfiance 011 peut faire servir à une autre destination que celle
jour laquelle elle avait été donnée.
Il n ’en est pas de même d ’une signature accompagnée de ces
mots : Bon pour la somme de quatre m ille livres. E lle exclut
toute idée de blanc seing et tout soupçon d ’abus de confiance,
puisqu’elle annonce, dans tous les cas possibles, une obligation
réelle, positive et déterminée.
Ce serait tout au plus un bon en blanc; or, il y a une grande
différence entre un blanc seing et un bon en blanc; et il parait
que le sieur L on gu eville, non content de dénaturer les faits, a
voulu se donner l ’avantage de supposer aux mots une acception
tout autre que celle q u ’ils ont : avec cette tactique, on peut aller
loin , même avec une cause très-déplorable.
La plus terrible accusation portée contre ce b illet, consiste à
dire que l ’approbation en toutes lettres, qui accompagne la signa
tu re, ne fait pas mention des intérêts. Il faut bien se justifier sur
ce chef infiniment g rav e , et voici ce que nous répondrons :
Presque tous les billets portent une stipulation d ’intérêts; un
grand nombre de ces mêmes billets sont écrits d ’une autre main
que celle du souscripteur; et cependant, dans ce dernier cas, on
s’est toujours contenté d ’une approbation en toutes lettres, dési
gnant la somme empruntée , parce que la loi n’en a pas exigé
davantage; au lieu q u e , d ’après le sieur Longueville, si vous
voulez avoir une action en justice, il faudra dorénavant que l'ap
probation en toutes lettres fasse aussi mention, dans le billet que
vous produirez, de la stipulation des intérêts, du taux de ces
intérêts, e t , par la même raison, de l ’échéance de chacun des
termes, c’est-à-dire, que l ’approbation devra être le billet en
entier, sans quoi, d ’après encore le sieur Longueville, on vous
accusera d ’avoir abuse d ’ uu blauc seing, et de suite 011 vous par
�( >3 )
lera d’œuvre mystérieuse, de ténébreux mystères, et vous serez fort
heureux, si l ’on vous fait grâce d ’une tour du nord, et de tous les
ténébreux et effroyables mystères de quelque antique château
d’Ecosse.
Nous n’avons pas encore répondu à toutes les allégations , et
sur-tout a u x pourquoi qui nous sont adresssés, et au moyen
desquels on nous demande une explication sur les circonstances les
plus indifférentes et les plus étrangères à la cause : par exemple,
on nous demande pourquoi, lorsque nous avions un paiement
considérable à faire a la trésorerie, ne nous sommes-nous pas de
suite occupé du recouvrement de toutes nos créances? pourquoi,
dès que nous étions possesseur d’un billet de 4 °°o livres, souscrit
par le sieur V io le -ü e lte il, qui 'vivait à celte époque , et qui p ou
vait si fa cile m e n t, et p lu s fa cilem en t que tant d ’autres débiteurs,
Je libérer de su ite, n’en avoir pas demandé le paiement? pourquoi
civons-nous négligé une ressource toute p rê te , et que nous trou
vions à notre porte ?
Sieur Longueville, lorsque vous parlez ainsi,, vous oubliez bien
des choses ; vous oubliez que votre beau-père était si peu en fonds
d argent, q u ’il fallu t, à sa m o rt, vendre tous ses meubles, pour
acquitter ses dettes les plus pressantes \ vous oubliez q u ’ il s’élait
trouvé dans l ’ impossibilité de payer plusieurs lellres de change
souscrites par lu i, et dont quelques-unes avaient dix ans de datevous oubliez qu e, pour obtenir le paiement de ces lettres de
change, il a fallu obtenir des jugemens, et procéder ensuite à la
vente, par expropriation forcée, de plusieurs immeubles dépendant
de la succession \ en fin , et cec i est bien plus tra n c h a n t, vous
oubliez, sieur Longueville, q u ’à l’époque de ce prétendu embarras
de caisse, le sieur V iole-D eiteil, que vous supposez vivant tout
exprès pour venir au secours du sieur G a lv a in g , s’il lui avait du
quelque chose, était décédé depuis un an : entendez-vous, sieur
Longueville, votre beau-père était décédé? et alors dit^s nous quel
cas devons-nous faire de toutes ces allégations, et de toutes ces
P n-ases si bien arrangées, si bien disposées dans votre mémoire,
ou vous avez dit d’un ton si décidé et si affirmatif :
" A cette epoque ( c ’est-à-dire en juin iBi/j.)? 1° sieur Galvaing
« fit-il quelque demande au sieur V io le , qui vivait en core, qui
“ pouvait payer beaucoup p lu s fa cilem en t que tant d'autres dé•' b i leurs ? Non*, il ne demanda rien, il ne parla de rien dans la
circonstance la plus critique, la plus impérieuse pour l u i .........
�( » o
« C ’était quelque chose pourtant q u ’ une somme de 4000 livres,
« et les intérêts courus. Comment se fait-il que le sieur Galvaing
a ait toujours oublié son voisin, celui qui habitait presqu’en face
« de sa maison, q u ’il voyait tous les jours, et dont la p résen ce,
« dans ces momens de gêne , devait lu i rappeler q u ’il avait là , à
« sa p orte, une ressource toute prête? » (Page 6.)
Il fa u t, ou que le rédacteur du mémoire auquel nous répon
dons ait pris, ses renseiguemens avec très-peu de soin,, ou q u ’il ait
été bien indignement trompé par son cousin André Longueville,
puisqu’il a inséré dans un écrit imprimé des faits aussi matérielle
ment faux.
C ’est avec aussi peu d ’exactitude q u ’il est énoncé dans le même
écrit et à la même page, que le sieur Galvaing fut obligé de
fournir à la trésorerie un état de son a c t if et de son passif. Ces
derniers mots sont de trop , et le rédacteur du mémoire les trouva
sans doute dans le protocole du greffe du tribunal de commerce,
où est déposée cette énorme quantité de bilans qui effraient le
négoce, et dont le sieur André Longueville ne tardera pas à
augmenter le nombre, puisqu’au moment où nous parlons, trente
contraintes par corps le retiennent dans son domicile, et que ses
biens immeubles, qui valent tout au plus 3 o,ooo f r . , sont grevés
de id 9 j 549 francs d ’inscriptions hypothécaires.
Q uant au sieur G alvain g, l ’état q u ’il fournit était une pièce
purement administrative et de confiance, contenant l ’état de ses
revenus et de ses créances actives, portées par actes authentiques.
Cela est prouvé par le procès-verbal de M. Croizet, receveur
général; cela est prouvé p a rce même état dont nous rapportons
une copie, qui est celle que le défenseur des héritiers Viole trouva
dans le dossier du sieur G alvaing, lors de la plaidoirie qui eut lieu
devant le t ribunal de commerce d ’Aurilhtc; et s’il avait alors bien
l u , il se serait épargné cette erreur, q u i, nous ne savons com
m ent, se trouve renouvelée dans le jugement dont est appel. Le
défenseur des héritiers Viole nous doit, à ce sujet, une explication.
Il connaît trop ee que lui impose la délicatesse de son ministère,
pour n’être pas le premier à reconnaître une erreur de fait , à
laquelle son inattention a donné lieu, et q u i, par une autre
inadvertance, se trouve consignée dans un jugement, dont le
projet, avant d ’être signé par M. le président, n’a été commu
niqué ni au sieur G alvain g, ni îi son défenseur, et q u i, dans sa
�.
'( >5 ) .
.
rédaction , présente. comme constant en fait des assertions si
étranges et si évidemment fausses.
Mais, nous dit-on encore, pourquoi la créance de 4000 livres ne
Se trouve-t-elle pas portée dans cet état? L a réponse n ’est pas bien
difficile : c’est parce que l ’on ne devait présenter a la trésorerie
qu ’une situation positive et certaine de la fortune mobilière et
immobilière du sieur Galvaing ; et ce fut la raison pour laquelle
on n’y porta que les créances actives constatées par actes authen
tiques. E n faisant autrement, il aurait été trop lacile à un comp
table de présenter une garantie imaginaire, en se créant à volonté
des ressources qui n’auraient eu rien de réel.
La créance contre les héritiers Viole résultait d ’un sous seingprivé non enregistré, et il ne fut point énoncé dans l ’état fourni
a la trésorerie, parce que cela ne devait pas être. A la même
époque, le sieur Galvaing avait dans son porte-feuille plusieurs
autres billets du même genre, formant un capital de plus de
5 o,ooo francs, et dont, par le même m o tif, il ne fut pas ques
tion. E n fin , si dans cet é ta t, qui n’est q u ’un tableau purement
administratif, on remarque quelques petits articles de 5o fran cs,
de 3 o francs , c’est parce que ces sommes provenaient de reliquat
cle ferm e, ou de quelques créances portées sur le iournal du sieur
Galvaing pète.
- 1
■(
;
T-ous vos P O U R Q U O I , sieur L ongueville, lie'sont donc que
des locutions, dont la chicane aux abois se Sert comme 'd’ une
dernière ressource; et ils nous font assez voir P O U R Q U O I vous ne
voulez pas nous payer, quoique intérieurement convaincu de la
légitimité de notre .créance.
\
1 ‘
Si nous"voulions a notre tou r, e&igév des explications, nous
demanderions'pôjin/uoi, si le ’billet aVait été pavé' depuis lorigPnrV SC 1t'r o n o n c o l ’c enlre les mains du sieur Galvaing ?
IJR Q U O l, dans'le ca^ où on etVt prétexté*qu’ il était égaré, un
omnie au^i soigneux'dans ses affairés que le sieur Viole-D elteil,
aulait-il négligé'de retirer de suite 11^eJquittance , bu ne l’aurait
pas icclamée postérieurement, ayant occasion de le'faire à chaque
m tant de la journ ée, puisqu’il était un des plus''proches voisins
<-u sieur Galvaing? P O U R Q U O I l^i mention de ce paiement ne
H
dans a u cu n ’ de$ livres-yonrnanx du sieur VioleU eltcü , i[n\ était marchand? P O U R Q U O I se serait-il montré
aussi cxaçt a payer cette créance, au sieur G alvain g, (jui, étant
ic et opulent, pouvait attendre plutôt q u ’un -autre, tandis
�( .6 )
q u ’il aurait laissé en circulation deux effets de commerce se por
tant à cinq ou six mille francs, et q u i, quoique souscrits, depuis
n eu f à dix ans, n’étaient pas encore payés? P O U R Q U O I , si le
sieur Longueville et ses cohéritiers sont aujourd’hui si convaincus
que ce billet est payé-, ont-ils laissé insérer, dans deux jugemens
contradictoires, (¡ne le sieur J^iole-Delteil était d écéd é sans avoir
p a y é cette créance ?
Tous ces P O U R Q U O I se présentent naturellement à l ’esprit,
et le sieur Longupville, qui nous a dit tant de choses dans son
mémoire, aurait du nous donner sur tous ces points une expli
cation bonne ou mauvaise; il a mieux aimé nous faire une his
toire , que le rédacteur s'est plu ensuite à revêtir de tous les
charmes du style. Cette histoire se trouve à la page 7. L a voici :
« A son lit de m ort, à cette heure dernière, où l'homme aban-?
« donne un séjour d ’astuce, de tromperie, de mauvaise foi, pour
« se jeter dans, les bras de son D ie u , le sieur V io le , mourant loin
« de sa famille, vo u lu t que toutes ses dettes fu ssen t p a y ées, et
« emporter avec lu i la promesse de les solder toutes:; i l en avait
« peu : il lui fut aisé de les rappeler à Syi mémoire, et il le lit,
« Il dit à son gendre, en présence de plusieurs personnes, tout
« ce q u ’il devait. I l nomma, des négocions d 'A u r illfic , c/ui
« depuis o n t été payés. Le nom du sieur Galvaing ne sortit pas
« de sa bouche.. Aurait-il oublié une dette de 4 °oo livres de
« principal ?.........
« Vous 11’entendez pas ce silence, sieur Galvaing? Vous ne le
«( comprenez pas?......... etc. etc. .,
Un grave, un très-grave personnage, que nous avons toujours
considéré comme un homme du plus grand mérite, trouvait trèsmauvais que, dans une cause solennelle qui avait.attiré un nom
breux auditoire, un des avocats plaidans eût hasardé quelques
figures de rhétorique ; il.s’indignait.(leJ'inc.pnpmpice qij’on s’était
permise en faisant parler l’ombre d ’uu respectable magistrat, à
propos des souffrances q u ’avait éprouvées, une malheureuse épouse,
dont ce magistrat avait été long-tems le consolateur et l’appui.
A quoi lion , disait-il, faire des phrases, lorsqu’on ne doit donner
que d e s raisons? Si je voulais, ajoutait-il, (aire aussi une prosopopée, rien ne me serait plus facile; mais je dédaigne d'employer
des ressources oratoires qui ne sont bonnes q u ’à exercer des étudians
de collège.
Nous ne rappelions celte anecdote que pour opposer ici au sieur
�s T )
”
,
, <1
Longueville une autorité que bien certainement il n osera pas
récuser, et cela nous donnera occasion de lui demander à quoi
bon cette figure de rhétorique, au moyen de laquelle on nous
représente au lit de m ort, à cette heure dernicre où l homme
abandonne un séjour d ’astuce, de tromperie et de mauvaise f o i ,
pour se je te r dans les bras de son JDieiij etc.; Viole-Delteil
n ’éprouvant d ’autre inquiétude que celle que lui inspirait le sort
de ses créanciers; n ’ay a n t, à la vue de la mort qui s approchait ,
rien de mieux à faire que de se rappeler toutes ses dettes civiles
et commerciales, écrites ou verbales.
A la vérité, 011 ne peut pas dire que c’est une prosopopce,
puisque ce n’est pas l ’ombre d’un mort qu on fait parler , mais
bien un mourant; ce n’en est pas moins une fiction. O r, lorsqu il
s’agit d’une demande en paiement d ’un b ille t , une fiction , si
ingénieuse qu’elle soit, n’équivaut jamais à une quittance à l ’égard
du débiteur, et à un paiement réel à l ’égard du créancier.
Prouvons maintenant que c’est une fiction, et que cette fiction
n’a pas même le mérite de la vraisemblance ; et d ’abord nous
conviendrons qu’en général un mourant ne s’amuse guère à dé
biter des mensonges, et que particulièrement le sieur Viole-Delteil
nous a toujours paru trop honnête homme pour déshonorer à ce
point les derniers instans que la Providence lui laissait pour se
réconcilier avec sa conscience; mais, ajouterons-nous, en nous
adressant au sieur Longuevillé, si votre beau-père était, dans un
pareil moment, incapable de m entir, qui nous garantira, sieur
Longueville, que vous ne meniez pas un peu, lorsque, sans au
cune preuve écrite ni testimoniale, vous venez nous rendre compte
des dernières paroles de votre beau-père? Les magistrats qui doi
vent nous juger, et le public qui voudra bien avoir la bonté de
nous lire, ¿ont-ils obligés de s’en rapporter à voire déclaration?
Ce n’est pas tou t; et quand il serait vrai que le sieur \ io le D e ltc il, sur le point de m ourir, eut retenu un dernier souille
de vie pour vous parler de ses dettes, serait-il bien extraordinaire
(Iue dans un moment oii tous les organes sont affaiblis, il eut
oublié quelqu’un de ses créanciers ? et serait-il bien déraisonnable
diie (pie votre histoire, fùt-elle vraie, 011 ne pourrait rien en
conclure dans la cause?
Mais encore une fois, sieur L o n g u e ville , est-ce bien une histoire
que vous nous avez racontée? Nous ne le pensons pas, et voici ce
qui nous fait naitie des doutes :
3
�r ro ; ^-------------- ; ------ '■•; t----- “
Q u ’un m ourant, soigneux de liquider sa conscience, désigne ai
ses héritiei’s des dettes q u ’il a contractées, et pour raison des
quelles il n’a fourni aucun titre, cela se conçoit*, le plus souvent
il les énonce dans un testament, parce q u e , par ce moyen , il
procure à ses créanciers un titre qu ’ils n ’avaient pas; quelquefois
m êm e, s’en rapportant à la délicatesse et k la probité de ses hé
ritiers, ce qui n’est pas sans danger, il leur recommande verbale
ment certaines dettes q u ’il avait contractées, et dont il n’existait
aucune preuve écrite.
Mais ce q u ’il sera très-difficile de concevoir, c’est q u ’un m ou
ran t, si délicat, si consciencieux q u ’il soit) prenne la peine , à
son lit de m o r t, de rappeler à ses héritiers les différentes dettes
q u ’il a contractées par écrit.
.’ .
Ce qui augmente notre incrédulité, c’est d ’entendre raccuiter
au sieur Longueville que son beau-père avait très-peu de dettes ;
qu i l ne lu i f u t pas difficile de se les rappeler, et qu il nomma'
des créanciers d ’A u r illa c } qui depuis ont été payés.
Lorsque vous avez donné à votre défenseur l’idée de cette belle
fiction, vous aviez donc o u b lié , sieur L ongueville, que votre
beau-père a laissé des dettes considérables et nombreuses dans la
ville de Mauriac et partout ailleurs; q u e , par exprès, il devait
au sieur Bonnefons, de M auriac, cinq lettres de change; que les
sieurs Fialex, Domergue, Gourdon , étaient aussi ses créanciers?
Ces p a rticu lie rs , n’étant pas d’ A u r ill a c , ne furent donc pas
nommés par votre beau-père, e t, d’après votre excellente logique,
il faudra en conclure q u ’il ne leur était rieu dû.
E n fin , comment pourrez-vous parvenir à nous faire croire à
cette promesse solennelle, que le sieur Viole-Delteil exigea de
vo u s, que vous lui. fîtes à son lit de m o rt, et par laquelle vous
vous chargeâtes de payer toutes ses dettes, lorsqu’aussitôt après
son décès, nous vous avons vu renoncer à sa succession ? Ne voilàt-il pas une promesse bien tenue !
E n nous résumant, ce passage du mémoire des héritiers Viole
serait plus que ridicule, si l ’on ne voyait pas q u ’on y a voulu
faire l’essai du genre pathétique, et que ce n ’est pas la faute du
rédacteur, si, dans cette touchante histoire, il n’a pu rencontrer
ni la vérité ni la vraisemblance.
L a nécessité où nous avons été de donner une foule d ’explica
tions, pour démontrer la fausseté d ’une foule d ’assertions, nous
�a fuit perdre de vue l ’audience qui eut lieu devant le tribunal de
commerce d’Aurillac, et nous nous hâtons d ’y revenir.
* Nous avons dit que la défense des héritiers Viole consistait
principalement dans une fin de non-recevoir, fondée sur la pres
cription de cinq ans. L e sieur Galvaing ne croyait pas avoir de
grands efforts à faire pour xepousser cette fin de non-recevoir*, il
se contenta d ’invoquer les articles 2 et 2281 du Code civil, et de
rappeler au tribunal sa propre jurisprudence, jurisprudence de
laquelle il devait d’autant moins se départir, q u ’elle avait été
consacrée par un arrêt de la C ou r royale de Riom.
Je sais bien , ajouta-t-il, q u ’on vous dii’a que les Cours chan
gent par fois de jurisprudence, et que vous devez en faire autant,-,
mais ne perdez pas de vue que, s’agissant ici d ’appliquer une règle
de droit, et de rapprocher plusieurs dispositions législatives, afin
d ’en bien saisir le sens et l ’esp rit, vous devez craindre de vous
égarer au milieu de cette discussion abstraite, que l ’on a élevée sur
la rétroactivité des lois, et sur les différentes natures de prescrip
tion. Le plus sûr est de vous en rapporter à une jurisprudence
que vous avez déjà adoptée, et que vous avez eu l ’avantage de voir
consacrer par la Cour de Riom ; et comment oseriez-vous vous
écarter d ’ une route qu e vous avez suivie jusqu’à présent, et alors
sur-tout que des magistrats, qui vous sont supérieurs en autorité et
en lumières, vous ont averti que vous étiez sur la bonne voie ? Si
cette jurisprudence est fa u tiv e , comme cela est dans l ’ordre des
choses possibles, c’est à la Cour que vous devez laisser le soin de
reconnaître son erreur; vous lui devez cette marque de respect et
de déférence par bien des raisons; et il y aurait peut-être une
espèce d ’inconvenance, q u e , sur cette matière q u i , quoique aban
donnée en ce moment à votre décision par les lois de la hiérarchie
judiciaire, n’en est pas moins étrangère à vos études de chaque
jo u r, vous aillez prendre l ’initiative sur le changement à opérer
dans une jurisprudence que vous avez établie, et que la Cour de
10m a consacrée, après un mûr examen et après une plaidoirie
contradictoire.
L e tribunal de commerce d ’A u rillac, convaincu de son indépen
dance, et se croyant assez éclairé pur la dissertation dont le dé
fenseur des héritiers Viole lui fit lecture, rendit un jugement
qui changea sa jurisprudence antérieure, et dérogea à celle de la
Cour.
L e sieur Galvaing fit appel de ce jugem ent, aussitôt q u ’ il lui
�( 20 )
eut été signifié-, cl ati moment où il allait poursuivre une audience
auprès de la C o u r , les héritiers Viole ont publié et fait répandre
un mémoire im prim é, q u i , en renouvelant les assertions inju
rieuses et mensongères q u ’on s’était permises à l ’audience, nous a
donné, pour notre instruction et pour celle du p u b lic , un traité
eæ professo , sur tous les cas où la loi peut rélroagir, et sur la
manière dont il faut dnteudre la législation en droit civil et en
droit commercial.
Nous venons de voir q u ’aucuns des faits énoncés dans ce mémoire
n’étaient conformes à la vérité; et il ne nous reste plus q u ’à
examiner si, du moins en point de droit, les objections qui nous
ont été faites ont quelque fondement : c’est ce qui fera l ’objet de
la seconde partie de cette défense.
SECONDE PARTIE.
D ISC U SSIO N .
Nous voici donc arrivé à la discussion du point de d r o it, et
nous nous mettons sous les yeux la page du mémoire, oii l ’on a
commencé la dissertation à laquelle on s’est livré, pour justifier la
décision des premiers juges.
Voulant procéder méthodiquement, le rédacteur du mémoire
pose d ’abord la question q u ’il se propose de t r a ite r , et il se
dem ande,
S i un billet à ordre, souscrit par un marchand , antérieure
ment à la publication du nouveau Code de com m erce, doit être
réputé prescrit ; si, depuis ce nouveau Code , il s ’est éco u lé cim/,
années sans aucune demande de la part du porteur.
« Cette question importante (nous dit-il) mérite une discussion'
« A P P R O F O N D IE . Elle est déjà l ’objet d’une controverse qui
« cesserait bientôt, si l ’on se pénétrait des principes qui doivent
« donner une solution suffisante. »
Ce d é b u t, qui annonce une grande tache à remplir, avait pour,
principal objet rie répondre d’avance à une objection à laquelle on
devait s’attendre, et qui consistait à dire que la C o u r royale de
Riom avait, depuis très-peu de teins, adopté une jurisprudence
contraire à celle q u ’on voudrait aujourd’hui lui faire consacrer; et
voilà pourquoi 011 se lia le de nous faire entendre que si la Cour
royale de lliom a admis un système différent, c’est parce q u ’elle
�6f
( 21 )
ne s'étcdt pas pénétrée des. principes qui doivent donnei' une
solution suffisante, et’ q u ’on ne doute pais que la discussion
A P P R O N F O N D I E à laquelle on va se livrer, convaincra cette
Cour de son erreur.
. i
Voici comment on continue :
« Il semble d’abord que c’est donner un effet rétroactif au Gode
« de commerce , que de vouloir appliquer l ’une de ses dispositions
« à un acte existant avant la mise a exécution de ce Code.' C ’est,
« nous en convenons, la première idée qui frappe l ’esp rit, quand
« on entre dans l ’examen de la question^ et nousj ne sommes pas
« surpris de voir que plusieurs Cours et trib un au x, effrayes par cette
« idée de la rétroactivité de la loi., .aiient commencé jpar juger la
« question dans» le sens négatif. On saisit 3 en premier lie u s Vidée« la p lus sim p le, et il fa u t du tems et de la réflexion pour être
« convaincu (pie l ’idée la p lus simple n’est pas la m eilleure. .»
C ’est dire, en termes bien clairs, .« que la C our,royale de
« Riom i en adoptant! une jurisprudence que le rédacteur se pro« pose de combattre , / é ta it abandonnée à V.idé& la p lu s, simple ,
« et. q u ’avec un-peu p lu s dç tems et de réjlexion y elle se serait
« aperçue que V idée la p in s simple n’ est pas toujours la incilleure. »,
U ne particularité de cette cause q u ’ il ne .frtut pas perdre.de vue,
c’est que le rédacteur de ce mémoire p.vait, depuis très-peu de
tems, soutenu un sysf.çme absolument çoutivnre à celui q u ’il
professe aujourd’hui, D é f i e r . l a C ou r àqhanger de jurisprudence
n ’est pas ce qui embarrasse ,1e défenseur des héritiers Viol.ç : cela
lui paraît assez facile, et très-naturel. Les C ou rs, nous dit-il ,
changent par fois de jurisprudence ; mais convenir lui-même q u ’ il
s était trompé, voilà ce qui lui parait bien plus embarrassant.
Voyons, au reste, comment il s’ y prend pour persuader à la
Cour qu’elle ne doit pas avoir de honte de convenir de son erreur.
« Le R E D A C T E U R de ce mémoiro ne craindra pas de dire que
” le tribunal, et puis la Cour royale se sont trompés, p u isq u 'il
« «voliera ainsi s ótre trompé lui-même ». (Page 9.9).
Voila qui est très-positif; la Cour ne doit pas craindre de dire
q u elle s est trompée, puisque le défenseur des héritiers Viole 11e
ciaint pas lui-mcme de convenir de son erreur.
A la iiicme ]);ige 011 remarque le passage suivant :
“, ° U I > 1(; R k l ) A C l L U 11 de ce mémoire avait pensé <|ue
« c était donner a l’article 189 du Code de commerce un ellet
H Jétioaciii, en 1 appliquant aux billets à ordre antérieurs à ce
v
�( 22 )
« code-, I L A V A I T P E N S É que l’article 2281 du Code civil
« régissait aussi les matières commerciales; et ce ri est que des
« réflexions p lu s mures} des études p lu s approfondies3 qui lui
« ont révélé son erreur. Ces études3 ces réflexions } dont il vient
« d ’exposer les résultats, serviront à le combattre lui-même } en
« mettant à jo u r Verreur du jugem ent du tribunal d 'A u r illa c ,
« et de Varrêt de la Cour de Riom . »
■ Ainsi donc des réflexions p lu s mûres, des études p lu s appro
fo n d ies ont révélé au défenseur des héritiers Viole l ’erreur dans
laquelle il était tombé;' et ces études et ces réflexion s, dont il
nous a exposé les résultats, serviront non-seulement à mettre à
jo u r l ’erreur du jugement du tribunal d ’Aurillac et de l ’arrêt de
la Cour de Riom, m ais, ce qui est bien plus fort et bien plus
heureux pour nous, elles serviront à le C O M B A T T R E L U I M EM E.
E n v é rité , ceux q u i , relativement à la même question, per
dirent, l ’année dernière, leur procès devant le tribunal d ’A urillac,
et puis devant la Cour ro yale, doivent déplorer cette fatalité ,
qui a voulu que le défenseur des héritiers Viole se soit livré si
tard à des études p lu s approfondies et à des réflexions plus
mûres, dont les résultats, exposés et publiés dix-huit mois plus
t ô t , auraient mis à jo u r l ’erreur dans laquelle la Cour allait
t o m b e r , et empêché une injuste condam nation.
Cependant le-sieur Durat-Lassalle, qui perdit alors son procès,
aurait grandement tort d eprouver quelques regrets : la Cour ju
gerait aujourd’hui comme elle jugea alors; et quoiqu’en dise le
sieur L on gu eville, et quelqu imposante que soit l’autorité d ’une
décision émanée du tribunal de commerce d ’Aurillac, il nous
semble que nous avons quelqu’avantage dans cette cause, et que
nous pourrons, avec confiance, hasarder d’entrer dans une dis
cussion où nous aurons pour objet d ’établir qu ’une jurisprudence
adoptée par une des Cours les plus éclairées du royaume, doit
être considérée comme n ’étant pas contraire aux principes, d ’une
manière aussi claire et aussi évidente que le sieur Longueville a
essayé de nous le persuader (1).
( i ) Les avocats étaient M* A l l e m a n d el M® B a t l e . T o u s les moyens que l ’ on a fuit
valoir dans le mémoire auquel nous répondons furent alors produits et combattus j
l’ intérêt du c o m m e r c e , l'opinion individuelle de Savary , le dernier arrôt de la C our
royale de Paris, tout fut in v o q u é ; et quelqu e b o n n e opinion que nous ayons des
reflexions plus mûtes et des éludes plus approfondies d ont les précieux résultats on t été
�Nous ne pousserons pas plus loin les observations que nous a
fournies une première lecture de la longue dissertation a laquelle
on s’est livré •, et avec un sentiment moins pénible, nous allons
maintenant essayer de réfuter les objections q u ’on nous a faites,
et tâcher de prouver que le tribunal de commerce d ’Aurillac aurait
bien mieux jugé en maintenant sa propre jurisprudence, et en se
conformant à celle de la Cour.
Nous voudrions aussi essayer de procéder méthodiquement dans
cette discussion -, et pour cela nous commencerons d ’examiner s i ,
sous l ’empire de l ’ordonnance de 16 7 3 , les billets à ordre étaient
assujettis à la prescription de cinq ans.
. L ’article a i , titre 5 , de cette ordonnance, déclare que les
lettres ou billets de change seront réputés acquittés après cinq
ans de leur échéance , s’il n ’y a eu ni poursuites ni condamnations.
La première idée qui vient à l’esprit, c’est que cet article 11e
parlant point des billets à ordre, ceux-ci sont restés soumis à la
prescription ordinaire, qui était alors, comme aujourd’hui , de
trente ans.
Dans le mémoire du sieur Longueville, pages 18 et 19 , on a
cherché à nous prouver que cette première idée n’était pas raison
nable, et que l ’article 2 1 , titre 5 , de l ’ordonnance de 16 7 3 , s’ap
pliquait aux billets à ordre. Pour le démontrer, on a invoqué un
arrêt rapporté par Denisart.
L a citation ne pouvait être plus heureuse, sur-tout ayant eu
soin de faire apercevoir que cet auteur, avant de rapporter cet
arrêt, avait commencé par dire q u o n pensait unanimement que
la disposition précitée de l ’ordonnance de 1673 s’étendait à tous
billets à ordre.
Cependant il n’était guère possible d’accorder ce premier pas
sage de Denisart avec cet autre passage du même auteur, où il
nous d it, après avoir rendu compte de l ’arrêt du i er septembre
« Il me semble que l ’opinion adoptée par cet arrêt n ’est pas
'< conforrne aux règles. E n effet, toute espèce de prescription doit
être établie par une loi. Il y en,a üne pour les lettres de change;
<( 1 n y en a point pour les billets à ordre. Ce genre de prescrip
tion est extraordinaire ; et il est d ’autant moins permis de
a
m ^mo*rc dû sieur L o n g u e v ille , on nous permettra de croire qu’ on n ’ÿ
d« sieur Durà” l L CaUlie l
° ^
^
développé par l ’avocat qui plaidait alors la cause
�V • J
'
« l ’étendre d ’ un cas h un autre, q u ’en général toute espèce de
« prescription est odieuse. »
Ce n’est-là, nous a-t-on d it, que l ’opinion individuelle de D e
nisart, dont le plus grand mérite est d'être un annotateur fidèle
et méthodique; et une opinion aussi isoléo et d ’aussi peu d ’im
portance n e peut, ajoute-t-on prévaloir sur Yopinion unanime
des auteurs, qui tous ont décidé que les billets à ordre étaient
soumis à la prescription de cinq ans.
Le défenseur des héritiers V io le , qui nous a annoncé avoir fait
de si grandes recherches pour éclaircir la matière que nous trai
tons, aurait bien d ù , pour notre propre satisfaction, nous citer
le nom dei quelques-uns des auteurs qui avaient donné une telle
extension à l ’article 21 du titre 5 de l ’ordonnance de 1673 ; et
puisqu’il y avait, en faveur de ce système, opinion unanime des
jurisconsultes, il ne pouvait être embarrassé que sur le choix des
autorités à invoquer.
■ Tandis que s’emparer, pour toute démonstration, d ’une phrase
qui pouvait avoir été écrite sans beaucoup de réflexion, et qui
d ’ailleurs se trouvait en opposition évidente avec ce que-le même
auteur disait plus ‘bas, et en termes bien i'ormqlà$: ne pouvait
donner une grande idée ni de l’excellence du système q u ’on sou
ten ait, ni de la profondeur des éludes auxquelles on s’était livré;
e t , par exemple, 11’élait-il pas naturel de se demander comment
Denisart, qui'devait au moins avoir le sens 'commun,»¡se serait-il
permis de ¡dire que ¡l'arrêt du i cr septembre 17G0 était contraire à
tous les principes-, si réellement il avait pensé lie cet arrêt était
conforme a l ’ojnnion unanime de tous lfes jurisconsultes (1).
Ce n ’est pas tou t; Jousse, qui écrivait avant Denisart, et qui
nous a ¡laissé un commentaire très-estimé sur l ’ordonnance du
1G73, avait d it, en parlant de l ’a rlk le -xi du titre 5 :
« La disposition decetl article étant limitée aux lettres et billets
« de change, il s’ensuit q u ’elle ne doit point être étendue aux
«• autres billets, de1quelqù’espèce qirils(soient, soit au porteur ou
«¡ à ’ordre.! Ainsi l ’action pour-le! paiement de ces dernières lettres
«; dure trente ans , comme celle de toutes les autres ¡promesses, et
«- ne co u rt-pas contre les m in eu rs/»
!
t
>r
( 1) Nous savons bien que quelques personnes ont la modestie de croire q ue leur
opinion, doit prévaloir sur, la jurisprudence! udoplée par, les Cours souveraines', et suri
1‘V lQ cJniie «.’iijseigujju p*r,tou$ les auleiirs ) ûwisiÆCs pcrsônnes-là u’ ccrivaicut point du
lerns de Denisart.
■ ,f.
�( 25 )
^
Voilà déjà une preuve qu’à l ’époque où Denisart écrivait, on ne
pensait pas unanimement que la prescription de cinq ans, prononcee
par l ’ordonnance de 16 7 3 , s’étendait jusqu’aux billets à ordre.
Mais il y a plus : c’est q u ’aucun ou presqu’aucun des auteurs qui
ont rappelé les dispositions de cette ordonnance, n ’avaient, alors ni
depuis, soutenu un pareil système, q u i , d’ailleurs, se trouvait
évidemment contraire à la lettre et à l ’esprit de l ’ordonnance.
Mais à quoi bon remonter si haut ? Ce point de doctrine n’a-t-il
pas été fixé, non-seulement par des auteurs bien plus recommandables et plus récens, mais encore par plusieurs arrêts de la Cour
suprême ?
L e i 5 frimaire an 11 , cette question se présenta devant la Cour
de C olm ar, qui décida que la prescription de cinq ans, prononcée
par l ’ordonnance de 1678 , ne s’appliquait q u ’aux lettres ou billets
de change, et non à un billet q u i, quoiqu’à ordre, ne pouvait
être considéré, ni comme lettre de change, ni comme billet de
change. On se pourvut contre cet arrêt, et le pourvoi fut rejeté.
(V oir Denevers, tome 1 " , page n3 i . )
M. Merlin, dans son Répertoire de Jurisprudence, verbo Billet
a ordre, observe que l ’une des différences mises par l ’ordonnance
entre la lettre de change et le billet k o rd r e , c’est que la lettre de
change était réputée acquittée après cinq a n s, à compter du jour
de la dernière poursuite, tandis que le billet à ordre ne se pres
crivait que par trente ans. M. Merlin rapporte un arrêt de la Cour
de cassation, du 2 novembre 1807 , par lequel il a été jugé que la
prescription de cinq ans ne pouvait même s’étendre aux billets à
domicile, quoiqu’ils aient avec les lettres de change beaucoup
plus d ’analogie que les simples billets à ordre.
Le Kj août 1 81 1 , cette Cour a cassé un arrêt de la Cour
d appel d ’Amiens, qui avait jugé que l ’article 21 du litre 5 de
ordonnance de 1G73 s’appliquait à des billets qui n’étaient ni
cttres de change, ni billets de change. Voici un extrait du disposun de 1 arrêt rendu par la Cour de cassation : « A tten d u ,
1, ,l*^eu,'s > que la prescription établie par l ’article 21 , titre 5 de
<( 01 donnance de 1 6 7 3 , étant lim itée a u x lettres et billets de
« c lange ne peut être étendue à des billets d ’une autre 11a« Mue, e tc ., casse. »
Enfin 1 orateur du Gouvernement (M . Bégouen), en présentant
au coips législatif le titre i er du Code de commerce, a lui-même
îemaïqué que la disposition de l’article 189 é la il, en ce qui (.ou-
�( 26 )
cerne les billets à ordre, introductive d’un droit nouveau. « L ’or« donnance, a-t-il d it , par son arricle a i du titre des lettres et
« billets, avait fixé à cinq ans la prescription, en fait de lettres
<« ou billets de change, et n’avait rien dit sur les simples billets à
« ordre; ce qui laissait la prescription, à leur égard, dans les
« ternies du droit commun , fixée à trente ans. »
Les rédacteurs du Journal du Palais, tome 4 ^, Page ^67, en
rendant compte d ’un arrêt de la Cour d’appel de P a r is , et dont
nous aurons occasion de parler dans la suite, commencent par
reconnaître que « dans l ’ancienne jurisprudence, on tenait pour
« constant que les billets à ordre n ’étaient sujets q u ’à la prescrip« tion trentenaire, à la différence des lettres et billets de change,
« que l ’article 21 du titre 5 de l’ordonnance de 1673 soumettait
« à la prescription de cinq ans. »
■Malgré tout cela, c’est-à-dire, malgré les trois arrêts rendus par
la Cour de cassation ; malgré l ’opinion de M. M erlin , celle de
Jousse, et l ’observation faite par Denisart, en rendant compte cle
l ’arrêt rendu par le parlement de Paris, le i er septembre 176 0 ;
malgré le discours prononcé par l ’orateur du Gouvernement, lors
q u ’il présenta au corps législatif le titre i er du nouveau Code de
commerce; et enfin malgré l ’avis presqu’unanime de tous les com
mentateurs et arrêtistes, le défenseur des héritiers Viole n’en a
pas moins soutenu , d ’après une phrase de Denisart,, q u ’avant la
publication du nouveau Code , on pensait unanimement que la
disposition précitée de l ’ordonnance de 167.'} s’appliquait aux
billets à ordre; et à l ’égard de la jurisprudence des arrêts, il nous
a dit q u ’elle était contradictoire, et que si la C o u r de cassation
avait rendu l ’arrêt du 2 novembre 1807, le parlement de Paris
en avait rendu un autre et dans un sens opposé. L e défenseur
des héritiers Viole ne parle, ni des deux arrêts rendus par la Cour
de cassation, ni de l ’opinion de M. M erlin, ni de celle de
Jousse, etc. , etc. ; il se garde bien sur-tout de nous apprendre que
la Cour suprême n’a rendu aucun arrêt contraire aux trois que
nous avons rapportés, et il trouve bien plus simple et bien plus
commode, tout en disant q u ’il s’est livré h des études très-appro
fondies, ce qui suppose des recherches très-nombreuses et trèspénibles, de ne citer que l ’arrêt rapporté par D enisart, et celui
rendu le 2 novembre 1807 : aussi se donne-t-il, par ce m oyen,
l’occasion de terminer de la manière suivante la page 19 de son
mémoire :
�(
a7 )
t
yf
« r
« Que résultera-t-il de ce conflit d ’autorités? Il en résultera
« qu’avant le nouveau Code de commerce , c’était une question
« controversée, jugée tantôt dans un sens et tantôt dans un autre,
« que celle de savoir si les billets à ordre étaient, sous l ’empire de
« l ’ordonnance de 1 6 7 3 , soumis à la prescription de cinq ans; et
« p u i s q u ’il existe un véritable conflit dans la jurisprudence, nous
« devons chercher celle que nous devons suivre. »
L e défenseur des héritiers Viole a voulu nous amener ainsi trèsadroitement a l’application du nouveau Code de' com merce, et il
n ’a pas manqué de transcrire dans son mémoire une partie d ’un
plaidoyer prononcé par M. Jau b ert, procureur du Roi près le tri
bunal de première instance de P a r is , et dans lequel ce magistrat
disait, que lorsqu'on ne présentait pour m otifs de décision , que
des lois obscures, que des arrêts qui s ’anéantissaient 3 que des .
auteurs qui n’étaient pas d ’a c c o r d , il fallait prendre pour guide
les nouvelles lois, q u i, dans ces cas-là , devaient être considérées
comme déclaration de la meilleure jurisp ruden ce.
Nous le demandons de bonne foi : était-ce dans cette cause, q u ’il
fallait faire usage de ce raisonnement, dont nous n’entendons pas
contester la justesse, mais q u i, en vérité, ne pouvait avoir ici la
moindre application? E t , en eft’et, comment oser dire que l ’art. 21
du titre 5 de l ’ ordonnance de 1G73 est line disposition obscure ou
équivoque? comment oser dire que, sur l ’application de cet article,
les arrêts s’anéantissent, et les auteurs se contredisent ? lorsqu’ainsi
q u ’on vient de le voir, la jurisprudence constante et uniforme de
la Cour suprême, la doctrine professée par M. Merlin , par «Tousse,
et par les meilleurs commentateurs; lorsque tout enfin, jusqu’au
discours prononce par l ’orateur du G ouvernem ent, se réunit pour
démontrer que dans l ’ancienne jurisprudence, et sous l ’empire de
1 ordonnance de 16 7 3 , les billets à ordre n ’étaient assujétis q u ’à
la prescription trentenaire, et que l ’article 189 du Code de com
merce a introduit à cet égard un droit nouveau.
E t cependant le défenseur des héritiers Viole voudrait nous
aue croire que ce point de droit était anciennement très-contro"veise, et que la Cour royale de Riom a donné dans une grande
e ireu i, lorsque, par son arrêt du i3 juin 18 1 8 , elle a dit « que
« oulonnance de 1673 ne frappait de la prescription de cinq
ans que les lettres de change, et non les billets à ordre, ainsi
(¡ue le constataient la ju risp ru d en ce, et la doctrine des
« auteurs. »
�( 28 )
Si la C our royale de Riom s’est trompée, comme le prétend le
rédacteur du mémoire signé L ongueville, elle s’est trompée avec
des autorités bien respectables; et il faudrait avoir une grande
tendance à croire aveuglément que les mûres réflexions et les
éludes approfondies auxquelles s’est livré le défenseur des héri
tiers V io le , l ’ont nécessairement conduit à la vérité, pour préférer
la jurisprudence, que le tribunal de commerce d’Aurillac vient
tout nouvellement d ’adopter, sans d’autres déterminans q u ’une
plaidoirie très-savante, à la vérité, mais du moins un peu fugi
tiv e , à la jurisprudence que la C o u r de Riom avait peu aupara
vant consacrée, et qui se trouve conforme à la doctrine des plus
profonds jurisconsultes, et à la décision portée par trois arrêts de
la Cour suprême.
E n terminant cette première partie de la discussion, nous
croyons avoir démontré que le sieur Longueville, o u , si l ’on v e u t,
le rédacteur de son mémoire, 11e nous a pas donné une solution
suffisante sur la première des questions qu ’il avait à tra ite r, et
que sur-tout il n’a pas encore tout-à-fait mis à jo u r l ’erreur dans
laquelle il prétend que la Cour de Riom est tombée.
Voyons s’il sera plus heureux sur la seconde question q u ’il a
traitée, et qui consiste à savoir si l ’article 189 du Code de com
merce doit s’appliquer aux billets à ordre souscrits antérieurement
à la publication de la nouvelle loi.
L e défenseur des héritiers V iole, en examinant la cause SOUS ce
second rapport, commence par nous avertir q u ’/Z est nécessaire
de bien comprendre la question, pour ne pas se je te r m al-àpropos à travers les difficultés métaphysiques de la rétroactivité
des lo is; et aussitôt il commence une très-longue dissertation sur
ce q u ’on doit entendre par effet rétroactif. La première autorité
q u ’il invoque est celle de M* Mauguin, avocat, q u i, nous croyons,
faisait encore son stage à Paris, lorsqu’il fit insérer dans un journal
quelques réflexions q u ’il avait hasardées sur la rétroactivité des
lois; et ce sont ces réflexions que le rédacteur du mémoire signé
Longueville nous donne comme un corps de doctrine, destiné à
servir de guide aux Cours souveraines et aux jurisconsultes.
Quant à nous, si nous avions cru nécessaire à la cause de rap
peler tous les cas où une loi est censée rétroagir, nous aurions puisé
dans des sources qui auraient eu pour le moins un égal mérite à
celles où le défenseur des héritiers Viole a été chercher tous les
argumens q u ’il nous a opposés.
�Nous aurions consulté le Répertoire de M. M e rlin , au mot L o i; l '
nous aurions, dans les Questions transitoires , médité quelques
observations très-judicieuses, que M. Chabot de l ’Allier a faites
sur la rétroactivité des lois; nous nous serions mis sous les yeux la
loi 7, au code de legibusy et peut-être que, pour donner une plus
grande idée de nos recherches et de nos études, nous nous serions
avisé de chercher dans Tobias-Jacob R ein h a rtk et dans G lu c k ,
ce q u ’on entend par droits acquis, et dans quel cas on peut dire
q u ’une loi rétroagit.
Cela aurait bien valu autant que d’extraire d ’un journal un
article rédigé par M* M auguin, q u ’au reste nous aimons à recon
naître comme un avocat très-distingué; mais lorsqu’on veut dé
terminer une Cour supérieure à changer sa jurisprudence, et la
convaincre q u ’elle a donné dans une erreur; lorsque sur-tout on a
annoncé au public et aux magistrats une discussion très-approfo n d ie , on ne saurait trop multiplier les bons argumens et invoquer
de graves autorités.
Comme un traité e x professo sur cette matière, ainsi que sur
bien d’autres, nous parait au-dessus de nos forces, nous nous
contenterons de rappeler quelques principes qui nous paraissent
incontestables, et dont l ’application à la cause sera très-facile.
Nous commencerons par dire que l'office des lois est de régler
l ’avenir, et qu’elles ne doivent jamais avoir d ’effet rétroactif.
Nous ajouterons que la loi rétroagit, toutes les fois q u ’elle porte
atteinte à des droits acquis, et q u ’elle porte atteinte à des droits
acquis, toutes les fois q u ’elle restreint, étend ou modifie une
obligation ou un engagement quelconque, qui avait été contracté
avant sa promulgation (i).
Cela pose, nous demanderons quels étaient les droits que les
lois existantes, en l ’an 8 , donnaient au sieur G a lv a in g , relative
ment au billet à ordre dont il s’agit.
L oulonnance de iGr'i a y a n t, ainsi que nous l ’avons prouvé,
lais."-'
- — sortes de
1 1billets
■"
isse ces
sous l’empire des règles générales, voici
- qui en résultait : D ’un côté, le sieur G alvain g, en prêtant son
rgent ail sieur Y io le -D e lte il, savait que le titre q u ’on lui four
nissait lui donnerait pendant trente ans une action en rembourse* nilcJ
« un r,*'
*1° n o u s .^ *^co (^e ces lois à deux faces, q u i , ayant sans cesse un œil sur le
lU ^ SUr a^?.ni.r ’ (\ess<-‘c^ieraicu l la source de la con fia n ce, c l deviendraient
U7nVerit>yi,Cd c ° M ' m ' 0! - ) ln^U5^ cu ’
kouleycrseincnt et de d é s o r d r e » . ( Répertoire
�c * n
;
7
ment* et de son côté, le sieur Yiole-Delteil savait q u ’en souscrivant
ce b ille t, il con tractait, envers celui qui en serait le porteur, une
garantie ou une obligation qui devait durer trente ans.
Supposons que le b ille t, au lieu d ’être pur et simple , eût
porté une stipulation expresse, par laquelle le sieur Yiole-Delteil
a u r a i t déclaré q u ’il se soum ettait, pendant trente a n s , à l’action
du porteur ; pense-t-on q u ’une loi postérieure aurait pu , sans
rétroagir et sans porter atteinte à des droits acquis, affranchir le
souscripteur de cette obligation, la restreindre ou la modifier, et
ordonner que le porteur serait tenu d ’exiger son remboursement
dans un plus b r e f délai, à peine de déchéance? N on , sans doute;
or, quelle différence faites-vous entre une stipulation expresse'que
les parties auraient pu faire, et une stipulation tacite que la loi
faisait pour les parties? Les principes qui s’appliquent à l ’une
s’appliquent également à l ’autre; et il faut dire q u ’une loi posté
rieure ne peut pas déroger aux stipulations tacites, ou de plein
d ro it, que la loi faisait pour les parties, pas plus q u ’elle ne
pourrait restreindre ou modifier des stipulations expresses.
Les héritiers V io le, pour nous prouver que l ’article 189 du
n o u v e a u Code de commerce doit s’appliquer à un billet fait en
l ’an 8 , s’est livré à des raisonnemens vagues qui n ’avaient aucune
application directe à la cause; il nous a parlé, d ’après M. Blojideau,
de droits sanctionateurs et de droits prim aires, etc.
Nous ne sommes pas assez savant pour bien définir ce que c’est
que des droits sanctionateurs, et ce que c’est que des droits
primaires y et en attendant que le rédacteur du mémoire signé
Longueville veuille b ien , par des développemens qui seront un
peu plus à notre portée, nous initier dans la doctrine de M. IU011deau il nous permettra de 11e pas faire une grande attention à ce
passage du mémoire, et de nous occuper plus particulièrement de
quelques autres objections qui nous ont été faites.
I l n ’y a , nous a-t-on d it , page 12 , de véritables droits acquis,
que ce qui est complètement acquis ; et l'expectative de jo u ir
toujours du même d éla i n ’est pas un droit acquis, c ’ est une
espérance, s o it, mais les lois nouvelles s'emparent des espé
rances , etc.
Les h é r i t i e r s Viole ont-ils voulu dire par ce passage, que l ’action
q u ’a le porteur d ’ un b ille t, pour en obtenir le remboursement,
11’est q u ’une espérance, q u ’ une simple expectative? Si telle est
�( 3i )
^
leur idée, il leur sera bien difficile de nous faire adopter leur
système.
Nous savons bien que celui qui prête son argent, et q u i, en
échange, reçoit un billet,'conçoit à l ’intant même l’espérance d êtie
urï jour remboursé •, mais indépendamment de cette espérance ou
de cette expectative } le billet qui lu i a été remis lui a donné un
droit, lui a assuré une action*, et la loi existante à 1 époque de
l ’engagement , donnant à ce droit et à cette action une duree de
trente ans, une loi postérieure ne p ou rrait, sans retroagir, res
treindre ou modifier cette action, dont la nature ou la duree avait
peut-être déterminé une des parties à contracter.
Les héritiers Viole se sont ensuite attaches a rappeler divers
exemples de l ’empire que plusieurs dispositions des nouveaux
Codes exercent sur des actes antérieurs, sans que pour cela il y ait
rétroactivité. Ils nous ont parlé du remboursement des rentes, de
la citation au bureau de p a ix , etc.
Il
faudrait avoir trop de tems à perdre, pour s’amuser à prouver
que chacun de ces exemples tient a des principes d ’une autre nature
que ceux qui s’appliquent à la question que nous traitons.
Les rentes étaient autrefois non rachetables; m ais, de son côté,
le débiteur de la rente était tenu de s’ acquitter fidèlemeut de la
redevance annuelle : tel était le contrat qui liait les parties. Si
maintenant le débiteur ne remplit pas son obligation exp resse, il
ne peut invoquer contre son créancier une condition tacite qui était
en sa faveur, et qui supposait toujours l ’exécution fidèle de la
stipulation écrite qui était à sa charge ; par conséquent une loi
postérieure à ce contrat a pu ordonner le remboursement d ’une
rente, dans le cas où le débiteur laisserait cumuler plusieurs an
nées d’arrérages; c’est une peine q u ’elle a pu attachera l ’inexécu
tion d’un engagement; e t, bien loin de restreindre, étendre ou
modifier un c o n trat, la loi ne fait par-là q u ’en assurer et com
mander la stricte exécution.
•iF0!11 ce
est
second exemple tiré de la citation en conci îation, il ne faut pas perdre de vue que la loi du o.t\ août
1790 n avait fixé aucun délai dans lequel une citation au bureau
( c paix devrait, pour interrompre la prescription , être suivie
d ajournement; et voilà pourquoi la loi nouvelle, en fixant ce délai
‘i un mois, 11a fait q u ’interpréter ou coinpletter les dispositions
d une loi antérieure.
Lnfin un seul article du Code civil parait contenir un efl’et
�( 3 0
rétroactif; c’est celui où il est clit que les actions q u i, d ’après les
anciennes lois, duraient plus de trente ans, devront être exer
cées avant l’expiration de ce dernier term e , quoique ces actions
eussent pris naissance avant la publication du nouveau code.
Des motifs d ’un grand intérêt ont déterminé le législateur à
déroger, sur ce point seulement, au principe de la rétroactivité
des lois; m a is, par cela seul que c’est une exception, on doit
en conclure que, dans tous les autres cas, il ne serait pas permis
de restreindre la durée d ’une action qui résulterait d ’un acte an
térieur à la publication de la nouvelle loi.
Ce même article 2281 a soin de nous avertir que cette dispo
sition législative n ’est q u ’une exception, puisqu’il commence par
donner pour règle générale, que « les prescriptions commencées
« avant la publication du nouveau code seront réglées conformé« ment aux anciennes lois ». Rien n ’est plus précis, rien n ’est
plus tranchant en faveur de notre cause, que cette disposition
législative; elle nous dispensait de toute discussion sur la rétroac
tivité des lois; et en effet, le législateur a lui-même jugé la
question que les héritiers Viole ont élevée à ce sujet, puisque ,
pour 11e pas porter atteinte à des droits acquis, et par respect
pour le principe de la non-rétroactivité des lois, il a dit que les
prescriptions commencées à Vépoque de la publication du nou
veau code seraient réglées conformément auæ anciennes lois.
On nous a d i t , dans le mémoire de Longueville, que l ’art. 2281
du Code C ivil ne s’appliquait point aux transactions ou obliga
tions commerciales; que si le défenseur des héritiers Viole l ’avait
cru et plaidé à une certaine époque, c’est parce q u ’il s’était
trompé; que si le tribunal de commerce d’Aurillac l ’avait cru
également lors du jugement q u ’il rendit à cette époque, c’est parce
que ce tribunal s’était trompé ; et que si enfin la Cour de Riom
a v a itj par son arrêt du i 3 juin 18 18 , consacré, dans le même
sens, l ’application de cet article 2281 du Code civil, c’est parce
que cette Cour s’était trom pée, en s abandonnant à Vidée la p lu s
sim p le, fa u te d ’avoir eu assez de tems et de réflexion pour
s ’apercevoir que l ’idée la p lu s simple n’était pas la meilleure.
Prouvons que ce n’est point la Cour qui s’est trompée en 18 18 ,
et que c’est bien plutôt le défenseur du sieur Longueville qui se
trompe aujourd’hui.
U n principe que l’on ne peut méconnaître, c’est que le Code de
de commerce est un code particulier, réglant des droits exception-
�■ l ■ ■ I, J t f
( 33 )
7)
nels, tandis que le Code civil est une loi principale qui exerce son
empire sur tous les cas qui ne sont pas expressément compris dans
une loi d’exception.
C ’est ce que nous enseigne M. L o cré, dans son ouvrage sur
l ’esprit du Code de commerce.
« Il n ’en est pas (d it cet auteur) du Code de commerce comme
« du Code civil. Ce dernier , contenant l'universalité des règles
« du droit civil q u ’ il constitue, se suffit à lui-même, et devient
« ainsi loi unique et principale.
« Le Code de commerce, au contraire, n’étant q u ’ une loi
« d’exception, destinée à régler des affaires d’une nature particu« lière, ne peut se suffire a lui-mêm e, vient s’enter sur le droit
« commun, laisse sous l ’empire de ce droit tout ce q u ’il n’excepte
« pas, et s’y réfère même pour ce q u ’il excepte. On trouvera de
« fréquens exemples de ce que j ’avance dans la suite de cet
« ouvrage, etc. »
L e même auteur, dans un autre endroit du même ouvrage, et
.en parlant des sociétés commerciales, se fait la question suivante :
« Mais pourquoi n’a-t-on pas répété ici les articles du Code c iv il,
» qui se rapportent aux sociétés de commerce?
« C est, répond-il, parce q u ’on n’a pas cru nécessaire de rap« peler, clans un Code fait pour servir de règle aux seuls commer« çans, des dispositions q u i, en matière de société, sont communes
« a tous les citoyens, quelle que soit leur profession.
« I) ailleurs cette précaution était inutile. L es L ois de coin« merce étant une dérogation au droit com m un, il est hors de
« doute cju en tout ce qui n ’est pas e x c e p té , les commerçons
« comifie les autres citoyens sont soumis au droit civil- »
Comment dès-lors le défenseur des héritiers Viole a-t-il pu nous
dire, page 26 de son mémoire, « que les actes de commerce étaient
« soustraits, en quelque sorte, aux règles générales du Code civil,
c est-a-dire, aux règles concernant la formation, l ’exéculion et
u 1 extinction des contrats?
^ « Comment a-t-il pu dire qu ’il était parvenu a défnontrer que
« es transactions commerciales étaient exceptées, par l’art. 1107
(iu jode c iv i l, des règles prescrites par ce même Code civil? »
ous ne finirions pas, si nous voulions rappeler ici toutes les
t ispositions du Code c iv i l, qui s’appliquent aux transactions
commerciales.
1
Mais il nous suffira de faire observer, en invoquant l ’autorité
5
�Je M. Locré, que toutes les fois que le Code de commerce ne con
tient pas une dérogation expresse à une règle générale posée par le
Code c iv i l , cette règle générale s’applique aux transactions com
merciales comme aux transactions civiles.
E t de là nous conclurons que l ’article 189 du Code de com
merce, en déterminant une prescription particulière pour les
billets à ordre, a bien dérogé expressément à la règle générale,
qui n’admettait que la prescription trentenaire; mais que, n ’ayant
rien statué sur le sort des prescriptions commencées antérieure
ment , cet article a laissé ce point de droit sous l ’empire de la règle
générale posée par l ’art. 2281 du Code civil, où il est dit « que les
« prescriptions commencées antérieuremen t à la publication dunou« veau Code, se régleront d’après les dispositions des anciennes lois. ■
»
Que l’on se livre tant q u ’on voudra à des arguties plus ou moins
subtiles; que l ’on transcrive quelques fragmens d ’une dissertation
plus ou moins profonde, plus ou moins métaphysique sur la ré
troactivité des lois, on aura beaucoup de peine à nous prouver que
l ’article 2281 du Code civil ne reçoit dans la cause aucune appli
cation , et que la Cour royale de lliom s’est trompée, en en faisant
le principal m otif de .son arrêt du i 3 juin 1818.
Les héritiers Viole, ne comptant pas beaucoup sur la force de leurs
raisonnemens, ont voulu chercher un appui dans la jurisprudence,
et ils nous ont parlé d ’ un arrêt rendu par la Cour de Rouen, et
d ’un autre rendu par la Cour de Paris. C ’est sur-tout ce der
nier arrêt qui parait au sieur Longueville devoir lui assurer un
triomphe complet.
Nous avons sans doute un grand respect pour la jurisprudence de
la Cour d’appel de Paris, mais nous en avons aussi beaucoup pour
celle de la Cour royale de Riom ; et si, comme nous le croyons,
nous sommes parvenu à démontrer que cette dernière jurispru
dence est conforme aux vrais principes ainsi q u ’à la doctrine des
meilleurs auteurs, il nous importera fort peu que le sieur Longueville 11’ait trouvé dans nos moriumens judiciaires, rien de plus sage
et de mieux raisonné que l ’arrêt rendu par la Cour de Paris, le
2 mai 181G.
L e défenseur des héritiers V io le , en rendant compte de cet
arrêt, aurait bien dû aussi nous faire part des réflexions faites à
ce sujet par les rédacteurs du Journal du Palais; nous y aurions
trouvé la réfutation des principes consacrés par celte C ou r, tout
comme nous y aurions trouvé la justification de l ’arrêt rendu,
eu 18 18 , par la Cour de lliom.
�( 35)
(
«f
On nous permettra de rappeler ici ces réflexions ; et c’est ainsi
que nous terminerons une discussion qui n ’est déjà que trop
longue.
« Mais il faut remarquer q u ’ici la Cour de Paris est en opposi
tion directe avec sa propre jurisprudence; car nous en avons sous
les yeux un arrêt tout récent (du G mai i 8 i 5 ) , rendu par la
troisième cham bre, sous la présidence de M. Faget de Baure, qui
a décidé q u ’aux termes de l ’article 2281 du Code civ il, la pres
cription , dans l ’espèce, devait être réglée par les anciennes lois ,
et q u i, conséquemment à ce principe, a admis une action en
paiement de billet à ordre, formée plus de vingt-cinq ans après
l'échéance, et pour lequel il 11’avait été fait aucune poursuite dans
l ’intervalle.
« Il s’agissait d’un billet à ordre souscrit par une demoiselle
O r y , marchande de modes, en 1784, et payable à la fin de
décembre de cette même année. L e souscripteur ayant disparu,
une demoiselle Massot, porteur de ce b illet, ne put en poursuivre
le paiement. Ce n ’est que le 24 septembre 181/j, q u ’ayant dé
couvert la retraite de sa débitrice, le porteur du billet à ordre
souscrit en 1784 fit ses diligences pour s’en faire payer.
« On ne manqua point d ’opposer la prescription, qui fut en
effet admise par le tribunal de commerce ; mais, sur l ’appel, arrêt
du G mai 18 1 5 , qui infirme le jugement, et ordonne le paiement
du billet.
« Si, dans cet état de controverse, il nous est permis de hasarei notre opinion, nous n’hésitons pas à déclarer que cet arrêt
t u 6 mai 1 8 1 5 nous parait avoir fait une juste application à
1 hypothèse des articles 2 et 2281 du Code c iv il, q u i , proscri
vant tout effet rétroactif, veulent que les prescriptions commen
c e s u 1 époque de sa publication soient réglées conformément
a u x anciennes lo is , et qui se contentent de restreindre à trente
ans les prescriptions qui auraient pu autrefois s’étendre au-delà de
ce terme.
L n \ain dit-on que le Code civil 11e régit p o in t les matières
mineicia es^ car 1 article 2281 pose, ainsi que l’article 2 , un
pnncipe g c n u a l, une règle immuable de justice, qui s’applique
ou es es (gislations transitoires, sauf les exceptions. Il fauU 1, i *
(l u,e, 1° Gode de commerce, pour devenir applicable
ix oi ets créés et échus avant sa promulgation, les embrassât
ommement dans ses termes et dans la disposition de l’article 189;
1 ‘iis, au contraire, cet article n’en dit rien-, et comme il est de
�( 30 )
principe que le» lois ne peuvent régir que les contrats passés sous
leur empire, il est clair que les billets à ordre créés avant que le
nouveau code existât, échappent à la disposition irritante de l ’ar
ticle 189.
« M ais, dit-on encore, on ne donne point d ’effet rétroactif à
« la loi nouvelle, puisqu’on ne vous compte nullement le tems
« qui s’est écoulé avant sa publication, et q u ’on vous en fait
« grâce; on ne compte que celui qui a couru depuis; en sorte que
« la prescription ayant commencé et s’étant accomplie sous le
« nouveau code, il est impossible de voir la moindre rétroac« tivité. »
« Cette argumentation, il faut le dire_, n ’a pas même le mérite
d ’être spécieuse; car, en principe, il y a toujours rétroactivité,
alors q u ’on applique à un contrat une législation autre que celle
à laquelle les contractans ont entendu se soumettre; e t , dans
l ’hypothèse, une simple observation suffit pour prouver que l ’effet
rétroactif existe bien réellement. A quelle loi le souscripteur d ’un
billet créé en 17 8 4 , ou postérieurement, mais avant le Code de
commerce, a-t-il entendu se soumettre? Il a entendu contracter
suivant les dispositions de l’ordonnance de 1G73, qui le laissait
exposé à l ’action du porteur pendant trente ans. S i, en vertu
d ’une loi subséquente, vous abrégez le terme de sa garantie, vous
donnez par-là même un effet rétroactif à cette loi : cela est évident,
incontestable.
1
« Mais ce raisonnement acquiert encore bien plus de force, si
on veut considérer le porteur; car, lorsqu’il a traité sous l ’in
fluence d ’une législation q u i, pour le paiement de son billet ,
lui accordait une action utile pendant trente ans, il est hors
de doute que si vous le privez du bénéfice de cette législation ,
pour réduire l ’exercice de son droit à un délai plus court que celui
de trente ans., vous trompez son attente, et vous donnez par-là
inème à votre nouveau code un effet rétroactif intolérable et vrai
ment désastreux.
« U11 arrêt de la Cour de cassation vient encore à l’appui de
notre sentiment. Il s’agissait de fermages réclamés par la régie
de l ’enregistrement contre une dame Cuvelier, qui avait élé au
trefois fermière de prairies ayant appartenu à des communautés
monastiques supprimées.
« La demande de la régie n ’avait été formée que le i 3 août
1812 (six années et plus après la publication (lu Code civ il). L n
conséquence, lu dame Cuvelier se croit fondée à invoquer en sa
�( 37 )
faveur l ’article 2277 île ce code, qui porte f|ue le pnx île ferme
des biens ruraux se prescrit par cinq ans.
^
« L a régie a beau observer que cet article n ’est point applicable
'a un bail passé sous le régime ancien , et q u ’aux termes de l’ar
ticle 2281 du même code, la .prescription , dans l ’espèce , doit être
réglée par les anciennes lois, elle n ’est point écoutée en première
instance; et le tribunal civil de T o u r n a y , par jugement du 4 août
18 13 , déclare la prescription acquise, sur le fondement que la
régie n’avait point fo r m é son action dans les cinq a n s, depuis la
publication du Code.
« Mais^ sur le pourvoi en cassation , le jugement du tribunal
civil de Tournay a été annuité, pour violation de 1 article 2281
du Code civil, et de l ’article
du statut local, qui fixait a"\ingtun ans le terme de la prescription ; — « Attendu q u ’en droit ,
« cette prescription de vingt-un ans était la seule que le fermier
« pût invoquer. »
« E n dernière analise, il nous semble résulter, et des principes
ci-devant invoqués, et de l ’arrêt de la Cour de cassation, que nous
venons de citer, q u ’il y a rétroactivité toutes les fois q u ’on ap
plique .à un contrat ancien une loi plus nouvelle, et autre que
celle sous l ’empire de laquelle les parties se sont obligées; q u ’ainsi,
et conséquemirient a l ’article 2 du Code c iv il, qui prohibe tout
effet rétroactif, on n ’a p u , sans violer sa disposition, appliquer,
dans l ’espèce, l ’article 189 du Code de commerce à des billets
créés et échus sept années avant sa promulgation. »
Le sieur Galvaing a un autre avantage dans cette cause; c’est
celui résultant des énonciations qui se trouvent dans deux jugemens contradictoires rendus par le tribunal civil de M auriac; le
sieur Longueville et consorts y ont reconnu que Viole-Delteil était
décédé sans avoir payé le billet de [\ooo livres dont il s’agit ; et
quand nous disons q u ’ils l ’ont reconnu , c’est parce que ce lait
fut consigné dans les qualités de deux jugemens contradictoires
rendus à Mauriac, les 29 avril et 5 août 1 81 7; et ces qualités
n ayant été frappées d ’aucune opposition, il eu résulte que ,
(l après la loi, les points de fait qui y sont énoncés sont demeurés
pour constans entre parties.
D un autre côté, l’article 189 du Code de commerce n’a fondé
la prescription de cinq ans que sur une présomption de paiement ,
puisque les débiteurs sont tenus d’affirmer, par serment, q u ’ils
ne sont plus redevables, et les héritiers des débiteurs, q u ’ils es
timent de bonne foi q u ’il 11’est plus rien du ; or, comment le sieur
�Longueville et consorts pourraient-ils venir affirmer en justice
q u ’ils estiment de bonne f o i q u ’il n ’est plus rien d û , après avoir
reconnu, dans deux jugemens contradictoires, que leu rp cre était
d écéd é sans avoir acquitté le billet dont il s’agit?
Ici notre tache est remplie; et l ’on pourra m aintenant, sous un
double rapport, sous celui des moyens de fait et sous celui des
moyens de droit, apprécier le mérite de la contestation que les
héritiers Viole font au sieur Galvaing.
Ainsi que nous l ’avons dit en commençant, ils ont traîné de
tribunaux en tribunaux le sieur Galvaing , contre lequel ils
élèvent, depuis quatre ans, incident sur incident; et pour con
sommer l’œuvre, ils ont fini par publier un mémoire im prim é,
dans lequel, se faisant un jeu d ’outrager leur adversaire, ils ont
ajouté des sophismes à des mensonges, et des mensonges à des
injures.
A en croire le sieur Longueville, qui a signé ce mémoire, tant
pour lui que pour les autres cohéritiers de Viole-D elteil, un p eu
de désordre régnait dans les papiers du sieur G alvaing, que l ’on
qualifie de propriétaire, d ’ex-receveur d’arrondissement, de ban^
q u ie r, e tc .; et comme ce désordre aurait pu mettre sa probité à
couvert, alors même q u ’il aurait demandé ce qui lui avait été
payé une première fois, on a soin d ’ajouter malicieusement, que
ce désordre j dans ses papiers, n ’était q u ’apparent , pour faire
entendre que lorsqu ’on venait lui rembourser le montant d ’un
b ille t, il feignait de ne pas le trouver, quoiqu’il sut où il était.
E h ! de quel droit le sieur Longueville se permet-il une assertion
si outrageante et si calomnieuse? de quel d ro it, d ’un trait do
p lu m e , livre-t-il ainsi un citoyen au mépris et à la dérision du
p u b lic, en le dépeignant comme un homme sans délicatesse ^ q u i ,
feignant q u ’un titre est égaré, quoiqu’il sut où le trouver, abuse
de la confiance et de la crédulité du débiteur qui s’acquitte, prend
son argent, ne lui rend pas son obligation, quoiqu’il l ’ait en son
pouvoir, et ne se sert de cette supercherie, que pour avoir la
facilité de redemander, quelques années après, un second rem
boursement ?
Un citoyen q u i, pendant trente ans, a exercé les fonctions les
plus honorables; un homme q u i, depuis la création des receveurs
généraux et particuliers, jusqu’en i B i /j , a eu la manutention des
deniers publics; un homme que le Gouvernement, par suite de
l’estime et de la confiance dont ses concitoyens l’ honorent, a été
nommé maire de la ville de M auriac, et eu a rempli les fonctions
�( 39 )
>
^
pendant plusieurs années, méritait-il une pareille insulte: E t de
la part de q u i , encore? De la part du sieur Longueville, individu
assez obscur, cabaretier de profession , qui n ’ose plus sortir de son
domicile, k cause des nombreuses contraintes par corps qui m e
nacent sa personne, et contre lequel trente jugemens du tribunal
de commerce ont été rendus dans l'espace de trois ou quatre a n s ,
sans q u ’il ait encore satisfait a aucune de ces condamnations.
Voilà cependant par quelle sorte d’individus 1 honneur du ci
toyen le plus recommandable peut être attaque et compromis ! et
voilà comment on abuse de la facilité de tout ecrire et de tout
imprimer! car, enfin, s’il entrait dans le plan de defcnse du sieui
Longueville de soutenir que le billet dont il s agit au procès avait
été acquitté par le sieur Viole-D elteil, son beau-père, qui l ’empêcliait de le dire et de le soutenir? qui l’empêchait de faire
valoir toutes les circonstances q u i, d’après l u i , auraient pu venir
à l ’appui de cette assertion? Par exemple, le long intervalle qui
s’était écoulé sans poursuites, la prétendue facilité q u ’avait le sieur
Delteil de se libérer, le prétendu besoin q u ’avait le sieur Galvaing
de faire rentrer ses fonds, etc. , etc.
Ce système de défense n’aurait rien perdu de sa force, en se
bornant k des assertions q u i, ayant pour objet d ’établir que le
billet avait été payé sans avoir été retiré, aurait laissé subsister la
supposition q u ’un peu de négligence d’ une p a rt, et un défaut de
mémoire de l ’au tre, avaient donné lieu a la demande formée par
le sieur Galvaing.
Mais en se bornant ainsi à ce que la justice, et sur-tout, la dé
cence pouvaient permettre, on n’aurait pas été satisfait. Fournir
un aliment à la malignité, nuire, calomnier, déchirer, et com
promettre l'honneur d’un citoyen, pour avoir le plaisir de faire
une plaisanterie bien mordante et bien sanglante, voilà ce qui a
séduit le sieur Longueville; et le sieur Galvaing ne peut se dis
penser de supplier la Cour de lui faire justice d ’ une pareille
diffamation, (i)
( î )INous n avons pas répondu à ce q u ’ on a dit relativement à un com mandement d on n é
aux héritiers Baylo. T.c «,ieUr L o n g u e v il le , qui s’ était mis en tôle de laire au sieur Gal
vaing tout le mal possible, s’ est permis de porter un mil inquisitorial sur toute sa c o n t ui te passée, soit com m e administrateur, soit com m e particulier ; et avec cette bienveillance
qu ou devait lui supposer, il a fait une enquête dans tous les lieux où le sieur Galvaing
f ai.lj,C,01,j, .u e *. avai* eu des relations; enfin, à force de reclierclics, et après avoir bien
oui e, bien interroge, il est parvenu à découvrir que le sieur Galvaing avait, il y a
que ques années, e n v o ie un com mandement à un particulier qui avait p a v e , et qui pro
duisit sa quittance.
L e rédacteur du mémoire s’est emparé de ce fait infiniment grave , cju'il a encadré avec
�( 40 )
Nous terminerons cette défense par observer que l ’avocat, appelé
par son ministère à épouser tous les intérêts qui lui sont confiés,
se rend, sans le vo uloir, l ’organe du mensonge et de la calomnie.
Il est ensuite tout surpris d ’apprendre combien on l ’a trom pé, et
comment un client, plein de malice et d ’impudence, s’est joué de
son ministère, et a abusé de la confiance avec laquelle il avait
accueilli ses assertions : c’est ce qui est arrivé au rédacteur du
mémoire des héritiers-Viole. Il a c ru , il a peut-être dù croire que
le sieur L on gu eville, qui était son clien t, e t, qui plus est, son
cousin , ne lui disait que la vérité ; et nous sommes très-éloigné
de lui adresser à ce sujet le moindre reproche; mais une seconde
observation q u ’il nous est impossible de taire, c’est que dans de
pareilles occasions, le style épigrammatique et plaisamment sati
rique est toujours inconvenant. Q u ’ un avocat, devant signaler des
vexations, des concussions, des prévarications, s’arme d ’un géné
reux courage; c’est son devoir : malheur à celui qui le méconnaît!
mais alors l ’indignation dont il est lui-même pénétré, et qui est
pour lui une excuse suffisante, quand bien même on l ’aurait
trompé, rend son style franc, v if et animé; il ne prend pas de
détours pour exprimer les sentimens qui remplissent son ame; il
attaque en face; il combat son adversaire corps à corps, et sans
employer aucune de ces ruses qui décèlent la faiblesse ou la lâcheté.
Voila le véritable signe ou l’on reconnaît un généreux dévoue
ment ! au lieu que se livrer à des sarcasmes, manier l’arme du ri
dicu le, cacher une injure sanglante sous le voile d ’une perfide
ironie, et déchirer, comme en se jou an t, la réputation d ’un ci
toyen , fut toujours ce qui a caractérisé les libellistes et les rédac
teurs d ’un feuilleton. Tous les hommes sensés qui lisent un écrit
judiciaire, dans lequel l ’honneur et la probité d ’un individu sont
attaqués par d ’amères plaisanteries et de piquantes allusions, sont
tentés de croire que l ’auteur a plutôt cherché à faire briller son
esprit q u ’à faire triompher la justice et la vérité; e t un avocat doit
soigneusement éviter de donner un pareille idée.
art et finesse au milieu des injures et des calomnies q u’ on a prodiguées au sieur Galvaing;
et c ’ est ainsi q u ’ une simple inadvertance, q u i peut arriver à qui que c e s o it , et qui arrive
très-souvent à ceux qui ont beaucoup d e recouvremens à faire , est devenue pour le sieur
Longueville une preuve com pléte , que la créance dont nous demandons le paiement ne
nous est pas d u e , q u oiqu e nous rapportions un billet, et q u o i q u 'o n ne produise pas d e
quittance. Grâce à cette belle l o g i q u e , tous les débiteurs d u sieur Galvaing se seront
bientôt libérés.
G A L V A IN G .
A
RIOM .
D E L'IM PR IM E R IE
DE
J.-C .
SALLES,
G R O G N IER .
IM P RIMEUR
DU
PALAIS
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Calvaing. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Grognier
Subject
The topic of the resource
prescription
billets à ordre
créances
faux
blanc-seing
assignats
tribunal de commerce
code de commerce
jurisprudence
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Calvaing, propriétaire ; contre les sieurs Longueville et consorts.
Table Godemel : Billet à ordre : 2. la prescription de cinq ans établie par le code de commerce n’est pas applicable au billet à ordre souscrit antérieurement à sa publication, encore que, sous son empire, il se soit écoulé plus de cinq ans sans poursuite. Les dispositions de ce code n’ont pas eu d’effet rétroactif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1805-1820
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2501
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53488/BCU_Factums_G2502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lanobre (15092)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
billets à ordre
blanc-seing
code de commerce
Créances
Faux
jurisprudence
prescription
rétroactivité de la loi
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53487/BCU_Factums_G2501.pdf
8b0228c4e6f65d3a16ed1f5b7956e267
PDF Text
Text
*
«
■
4'
MÉMOIRE
' <r>
�MÉMOIRE
POUR
Sieur A n d r é L O N G U E V IL L E et A n t o i n e t t e V IO L L E ,
son épouse , Propriétaires, habitant au lieu de V a l,
commune de Lanobre, et autres Cohéritiers du Sieur
V I O L L E - D E L T E I L , N ég ocian t, In tim és;
CONTRE
\
G A L V A IN G , ex-Receçeur de l'arrondissement
de Mauriac, demeurant à Mauriac, A ppelant.
S t P ie rre
L e
sieur Galvaing père, propriétaire, ex-receveur d ’arron
dissement, banquier, etc., avait beaucoup d’affaires et peu de
mémoire. Il paraissait y avoir un peu de desordre dans ses
papiers, mais ce desordre n’était qu’apparent : tout finissait
par se retrouver. Un débiteur allait-il payer sa dette, le sieur
Galvaing prenait l’argent, cherchait le billet ou le titre de
créance, remuait tout, se tourmentait et ne trouvait rien.
Patience, disait-il, ce maudit billet s’est égaré, je l’avais là ,
je le retrouverai; revenez demain. Le lendemain, le billet
n’était pas trouvé, le surlendemain non plus; les jours, les
semaines, les mois et les années passaient sans qu’il repa
rut. Les uns avaient la prudence d’exiger une quittance,
/
\
�( -2 )
d’autres auraient cru montrer un soupçon offensant pour le
sieur Galvaing. Le temps s’écoulait ainsi, et le titre restait
clans les mains de ce dernier ; et comme il à beaucoup
d ’affaires et p eu de mémoire, il arrivait par fois que le
titrej était retrouvé et le paiement oublié. Le souvenir des
quittances qu’il avait données, ne restait pas même dans son
ingrate mémoire. Comment se rappeler une quittance'souvent
mise sur un chiffon de papier, quand on possède un bon
billet, ou la grosse d’une obligation !
C ’est ainsi que le sieur Galvaing, par exemple, après avoir
donné, le 26 brumaire an i 4 (17 novembre i 8o 5 ) quittance
d’une somme de 900 fr ., montant d’une obligation consentie
en sa laveur par les sieurs Antoine et Guillaume Bayle, père
et fils, demeurant à Salcrs, a eu.le bonheur , dix ans après,
de retrouver la grosse de cette obligation, qu’il a fait signifier
à ses débiteurs, le 4 juillet i 81 5, avec commandement d’en payer
le montant en principal et intérêts. Comment le sieur Galvaing
aurait-il pu se rappeler une quittance portant 10 ans de date!
>C’est ainsi pareillement que le sieur Galvaing père ayant
retrouvé une demi-feuille de papier, au bas de laquelle le
sieur Violle-Delteil avait signé avcc ces mots : bon p o u r la
somme de quatre m ille livres, a oublié le paiement de cette
somme pendant toute la vie du signataire , et n’a songé,
qu’après sa mort, à ranimer cette signature, et donner un corps
a ce bon , en faisant écrire au-dessus un acte ainsi conçu:
« A près un an île date et à -vue,'je paierai à l'ordre île M. G alvaing la somme de
« quatre mille livres, valeur de lui reçue comptante« numéraire métallique, pour l’cntrc« tien de mon com m erce, avcc l’intérêt d’icelle à cinq pour cent sans reten u e, à compter
« de ce jo u r jusqu’au final paiement. M auriac, le vingt germ inal
an 8
( 10 avril 1800 )•
�( 3 )
Nous disons que le sieur Galvaing a fui/, écrire ce billet ,
parce que ni lui ni le sieur Violle ne l?ont écrit.
. INous ajoutons que le corps du billet n’a pas etc écrit avant,,
mais après la siguature , et l’inspection du billet le démontre;
i.° l’encre du corps du billet n’est pas la même que celle de
la siguature ; la première est parfaitement noire, la seconde
est jaune et semblable à l’encre de ces vieilles écritures que
le temps a jaunies; 2.0 il existe entre la dernière ligne du corps
de l’acte et la signature un intervalle si considérable, qu’il
est évident, au premier coup d?œ il, que l’écrivain a manqué
d’adresse pour rajuster son ouvrage avec la signature ; 5.° il y
a une dfïerence essentielle entre le corps du billet et le bon.
Gelui-ci ne parle que de la somme de quatre mille livres, sans
parler de Vintérêt, et le corps du billet stipule l’intérêt. O r,
si le billet eut été écrit avant la signature, et le b o n , il est
indubitable que le sieur Galvaing aurait eu. la précaution de
faire ajouter à ces mois : bon p ou r quatre mille, livres,
ceux-ci : avec intérêt à cinq p ou r cent.
C ’est donc un blanc-seing, avec les mots bon p o u r quatre,
m ille livres, que le sieur Violle avait livré au sieur Galvaing,
et au-dessus duquel a été confectionné un billet à ordre,
avec stipulation d’intérét.
A quelle époque ce blanc-seing a-t-il été livré? On sent
qu il est aujourd’hui difficile de répondre à cette question, le
sieur Violle étant décédé depuis l’année i 8 i 5 , et scs héritiers
n ayant jamais entendu parler d’un billet que le sieur Galvaipg
avait lui-même oublié. On sent aussi qu’on ne peut pas s’en
tenir à la date qu’il, a plu à l’écrivain de lui, donner, s’il est
�(4 )
démontre que l’acte et sa signature n’ont pas été faits en
même temps. C e 1 n’est que par des conjectures qu’on peut
arriver, noua une époque précisé, mais à une époque probable.
Le sieur Violle a eu des relations d’affaires avec le sieur
Galvaing, notamment pendant le cours du papier-monnoie.
Ces relations avaient cesse depuis longues années avant le
décès du sieur Violle. Il est possible que le blanc-seing
retrouve si fort à propos après ce décès, ne soit qüe l’une de
ces signatures que donnait le sieur V iolle, quand il allait
prendre à la.caisse du receveur du district des fonds rembour
sables du jour au lendemain. On sait qu’il est ainsi d’usage de
ne donner, avec la signature, qu’un simple bon énonçant la
somme empruntée, lorsque le remboursement doit être' fait
sans retard, et qu’on prête pour obliger momentanément un
voisin ou un ami.
Les héritiers Violle présument que le sieur Galvaing a
conserve', dans son désordre, l’une de ces signatures, et
que cette signatuic a enfante le billet. Ils ne donnent cette
idée que pour une présomption ; niais elle a quelque force,
si l’on fait attention que le sieur Violle n’emploie dans le
bon que l’expression livres, au lieu de celle francs , à une
époque, où il aurait dû savoir, et le sieur Galvaing en
core m ieux, puisqu’il était comptable public, que la loi du
-17 floréal an 7 avait ordonné d ’exprimer les sommes en
f r a n c s , même dans les actes entre particuliers. Cette cir
constance n’autorise-t-clle pasià croire que la date du 20
germ inal an S , n’est pas la véritable date du blanc-seing,
et que le sieur Violle avait signé auparavant ?
�(5 )
À quelle époque maintenant ce blanc-seing a-t-il été
surmonté de cette écriture constitutive d’un billet a ordre?I c i, les héritiers Yiolle n’ont aucun renseignement, et ne
peuvent hasarder aucune conjecture. Ils seront apparemment
les derniers à apprendre les circonstances de cette œuvre
mystérieuse, mais ils les connaîtront peut-être : attendons.
Le sieur Violle-Delteil est décédé à Clerinont, dans le
mois de mai i8 i3 ; et les 19 septembre et 8 octobre 181 4
seulement, le sieur Galvaing a parlé de son billet, et tra
duit les héritiers devant le tribunal de commerce de Mauriac,
pour être condamnés a lui en payer le montant en capital
et intérêts. Le premier acte de poursuite, ou la première
demande du sieur G alvaing, est donc du 19 septembre
181 4 , c’est-à-dire , postérieure de quatorze ans cinq mois
neui jours à la date du billet à ordre, ou de treize ans
cinq mois neuf joins à son échéance.
Oliucun »0 iLminiiilo comment le siem- Galvning il pu
garder aussi secrètement, pendant quatorze années, un billet
à ordre, échu et portant intérêt, sans exiger le paiement
de ce b illet, sans demander même les intérêts ; chacun
s’étonne d’un silence si prolongé, si constant de la part
de celui qu i, certes, n’est pas reconnu pour négliger ainsi
ses affaires et ses débiteurs ; ceux surtout qui ont connu le
sieur Violle , sa solvabilité, son exactitude 'a tenir ses engagemens, s’étonnent plus particulièrement encore de l’aparition posthume d’un billet de 4,000 livres, ayant quatorze
années de date ; et quand ils se rapellent que , long-temps
avant son décès, il avait eu des démêlés assez vifs avec
�( 6 )
le sieur Galvaing qu’il traita sans ménagement, ils ne peu
vent concevoir cette sévérité de la part de celui qui aurait
été débiteur , ni cette indulgence ou cet oubli de la' part
de celui qui aurait été créancier de 4 ,ooo livres.
On trouve de plus grands sujets d’étonnement encore
dans quelques e'pisodes de la vie financière du* sieur Gal
vaing. Tout le monde sait que des embarras de caisse se
manifestèrent tout-à-coup, et le sieur Galvaing eut beau faire
un appel pressant à tous ses débiteurs, le vidé ne se rem
plissait pas. La trésorerie, comme là nature, a horreur du vide;
il fallut donner une démission et des sûretés. A cette épo
que le sieur Galvaing fit-il quelque demande au sieur Violle
qui vivait encore , qui pouvait payer beaucoup plu S facile
ment que bien d’autres débiteurs ? N on , il ne demanda
rien, il ne parla de rien dans la circonstance“ la plus cri
tique , la plus impérieuse pour lui ; il lui fut demandé un
élat de son actif et de son passif, et il fournit cet état.
Fit-il figurer dans son actif cctlc prétendue créance de
4,000 livres? N o n , sans doute. C’était quelque chose pour
tant qu’une somme de 4,ooo livres- et/ les intérêts courus.
Comment'se fait-il que le sieur Galvaing ait toujours oublié
son voisin , celui qui habitait presque en face de sa maison-,
qu’il voyait tous les jours, et dont la présence, dans ces
momens de g£ne, devait lui rappeler qu’il avait la , à sa
jiorte, Une ressource toute prête ?
Ce n’est pas à Mauriac qu’on est embarrassé pour expliquer
ces énigmes; aussi le sieur Galvaing a-t-il voulu échapper
à l’explication donnée par ses propres concitoyens ; il a
�( 7 )
provoque, à la cour royale de Piiom, un arrêt qui renvoie
cause et parties devant le tribunal de commerce d’Aurillac (•*).
Il lui semble que, les faits étant moins connus , sa réus
site est plus sûre. Tandis que les héritiers Yiolle voudraient
porter la lumière dans ce ténébreux mystère, il voudrait,
lu i, épaissir les ténèbres encore ; mais le tribunal d’Aurillac
les a dissipées ces ténèbres, comme l’aurait fait celui de Mau
riac; la cour royale en fera de même. Les héritiers Yiolle
ont cette confiance, et elle ne sera pas trompée.
Dans une affaire de cette nature, toutes les circonstances
peuvent faire luire la vérité. A son lit de m ort, à cette
heure dernière où l’homme abandonne un séjour d’astuce,
de tromperie , de mauvaise fo i, pour se jeter dans les bras
de son D ieu , le sieur Yiolle , mourant loin de sa famille,
voulut que toutes ses dettes fussent payées, et emporter
Avec lui la promesse de les solder toutes. Il en avait peu:
il lui fut aisti- de les rappeler à sa mémoire , et il le fit.
Il dit à son gendre, en présence de plusieurs personnes, tout
ce qu’il devait ; il nomma des négocians d’Aurillac qui de
puis ont été payés. L e nom du sieur G alvaiiig ne sortit
pas de sa bouche. Aurait-il oublié une dette de 4,ooo liv.
de principal__ ?
Vous n’entendez pas ce silence, vous sieur Galvaing, vous
ne le comprenez pas ; et vous voudriez que nous comprissions
celui que vous avez gardé du vivant du sieur Y iolle....... !
Mais enfin, vous avez un titre. Bon ou mauvais, juste ou
( ) Cet arrêt a été rendu sur le m otif que le tribunal de com m erce de M auriac ne
pouvait se com poser, pour cause de parenté.
�( 8 )
injuste, il existe. Vous en faites le bon de votre action, et les.
héritiers Violle sont condamnés à repousser cette action.
Trouverez-vous mauvais que, dans la position où vous les
mettez, ils invoquent la présomption de paiement que les lois
établissent en leur faveur---- . ? Ils n’ont pas, comme les
sieurs Bayle, des quittances qui prouvent l’étonnante infirmité
de votre mémoire, pour les paiemens que vous avez reçus."
A défaut de titre positif de la libération du sieur Violle et de
la leur, ils vous opposeront la présomption de paiement qui
résulte de votre long silence. C’est la prescription, direz-vous?
Eh bien , oui, c’est la prescription qu’on va vous opposer ;
et il serait heureux qu’on ne l’opposât jamais que dans des
circonstances semblables. Celte patronne du genre hum ain,
comme l’appellent plusieurs jurisconsultes, couvrira de son
égide ceux que vous poursuivez injustement.
. L e sieur Galvaing ne doit cependant pas jouer l’étonnemcnt,
car il s’est muni de consultations et de copies d’arrêts pour
repousser cette prescription : preuve évidente qu’il avait d’a
vance jugé sa cause.
Nous soutenons en effet que l’action du sieur Galvaing est
.prescrite ; et que le billet a ordre dont il demande le paiement,
quoique d’une date antérieure au Code de commerce, doit
êlie réputé prescrit, du moment que, depuis la publication
de ce Code, il s’est écoulé plus de cinq ans sans demande
de la part du sieur Galvaing. Nous soutenons en un mot que
l’art. 189 du Code de commerce doit être appliqué au billet
à ordre prétendu souscrit par le sieur V iolle, sous la date du
2 germinal an 8. E t en thèse générale, nous énonçons la
question de la manière suivante.
�(9 )
Q U E S T IO N .
U n billet à ordre souscrit p ar un négociant, d ’ une
date antérieure au Code de commerce, doit-il être
réputé prescrit y s i , depuis le Code de com m erce,
il s’est écoulé cinq années, sans aucune demande
de la part du porteur?'
Cette question importante mérite une discussion appro
fondie. Elle est déjà l’objet d’une controverse qui cesserait
bientôt, si l’on se pénétrait des principes qui doivent don
ner une solution satisfaisante.
Il semble d’abord que c’est donner un eifet rétroactif au
Code de commerce , que de vouloir appliquer l’une de ses
dispositions à un acte existant avant la mise à exécution
de c c C o J c ; c ’ e s t ; n o u s e n c o n v e n o n s 3 la première idée qui
frappe l’esprit, quand on entre dans l’examen de la ques
tion ; et nous ne sommes pas surpris de voir que plusieurs
cours et tribunaux , effrayés par cette idée de rétroactivité
de la lo i, aient commencé par juger la question dans le
sens négatif. On saisit en premier lieu l’idée la plus simple ,
et il faut du temps et de la réflexion pour être convaincu
que l’idée la plus simple n’est pas toujours la meilleure;
mais la vérité se fait jour tôt ou tard; aussi les cours et
tribunaux ont-ils changé leur jurisprudence sur la difficulté
qui nous occupe.
Il est nécessaire de bien comprendre la question, pour
a
�( 10 )
ne pas se jeter mal -¡à - propos à travers les difficultés
métaphysiques de la rétroactivité des lois. Nous en trouve
rons sans doute de ces difficultés ; niais en traitant seule
ment celles que nous devons rencontrer, parce qu’elles ap
partiennent a notre discussion , nous abrégerons la route,
puisque nous la débarrasserons de tout cc qui serait un
obstacle étranger.
•
Remarquez bien qu’en demandant l’application de l’arlicLe
i 8t) du Code de commerce aux billets à ordre souscrits an
térieurement, nous ne voulons pas dire que ces billets, anté
rieurs de plus de. cinq ans, sont frappés de prescription par
cela meme qu’ils avaient cinq années de date avant cc Code ;
ce serait une absurdité, et nous le reconnaissons, que de faire
ainsi subitement anéantir un acte par une loi qui survient, et
qui ne peut avoir de prise sur le passé. Si nous invoquons
l’effet de l’art. 18c) sur les billets à ordre antérieurs au Code,
nous n’invoquons cet effet que pour Vavenir ; et nous
disons que si l’article qui établit la prescription de cinq ans
ne peut avoir d’effet sur les billets, pour tout le temps qui
s’est écoulé avant la publication du Code, son cjfet a com
mencé et du commencer aussi-tôt après cette publication;
nous disons, qu’à dater de cette publication, c’est-à-dire, à
compter du i . cl janvier 1808, la demande en paiement des*
billets à ordre dont il s’agit, a dû être formée danu les cinq
années; et que, faute de demande dans ce délai, ces billets
à ordre sont prescrits. Voilà comme nous entendons donner
effet à la lo i, non pour le passé, mais p o u r le temps qui a
couru depuis sa publication.
<
;
�( 11 ).
Ce n’est pas , dans l’espèce, lui donner un effet réiroactif,
puisque nous ne lui faisons gouverner que les temps postérieurs
à sa mise à exécution, et que son influence est toute entière
dans son avenir. Voudrait-on contester à la loi nouvelle le
droit de s’emparer, dans certains cas, et de modifier, pour
l’avenir, un acte, un fait quelconque qui subsistait avant elle?
Ce serait enchaîner le législateur, et se priver du bienfait des
améliorations dont les lois sont susceptibles, cc Le but d’ùne
<c loi est de produire un bien , autrement e|le serait inutile
<( ou injuste; et comme l’intention du législateur est toujours
« de faire profiter de ce bien le plus grand nombre de citoyens
<( possible, il faut appliquer la loi aux actes passes , toutes
« les fois que le mal de l’application est inférieur au bien
« qui doit en résulter. » (M .e Mauguin, avocat, dissertation
sur la rétroactivité des lois).
« Comme les lois nouvelles règlent l’avenir, dit Dom at,
« liv. prel., tit. 1."‘, sucu i .ro, 11." 1 5 , elles peuvent, selon
(( les besoins, changer les suites que devaient avoir les lois
« précédentes. Mais c’est toujours sans donner atteinte au
« droit qui était acquis à quelques personnes. »
Les lois, en effet, contemplent plus spécialement l’avenir,
mais sans perdre de vue le passé, toutes les fois que cc qui
a été fait subsiste encore, et doit avoir ou continuer son effet
dans l’avenir. C’est ainsi, par exemple, que le dernier article
du Code civ il, en ordonnant que les prescriptions commencées
à l’epoque de la publication du titre des prescriplions, seraient
réglées conformément aux lois anciennes, a néanmoins réduit
a trente années celles alors commencées, et pour lesquelles il
�( 12.)
aurait fallu, suivant les anciennes lois, plus de trente années
encore, à compter de la même dpoque. Par cette disposition ,
les actes, les faits antérieurs ont été'saisis par la loi nouvelle,
ét modifiés de telle sorte, quant à leur suite ou à leur ej/èb
à venir, que la où ces actes, ces faits avaient 4o ans ou 100
ans encore pour prescrire, ils n’auront plus que trente années.
Les prescriptions commencées sont ainsi mises en harmonie
avec la législation nouvelle, qui ne reconnaît pas de prescrip
tion plus longue que celle de trente ans, sans qu’on puisse
crier à la rétroactivité, à la violation des droits acquis ; car,
il n’y a de véritables droits acquis, que ce qui est complète
ment acquis, et l’expeelative de jouir toujours du même délai,
n’est pas un droit acquis. C’est une espérance, soit; mais les
lois nouvelles s’emparent des espérances, sans qu’on puisse
leur reprocher la rétroactivité. La nouvelle législation n’a-t-elle
pas déclaré rachetables les rentes foncières qui ne l’ciaicnt pas
anciennement; et n’a-t-elle pas détruit des espérances fondées
sur un acte?
L ’art. 1912 du Code civil offre un autre exemple des mo
difications que les lois nouvelles font éprouver aux conventions
antérieures. Cet article contraint au rachat le débiteur de la
rente constituée en perpétuel, s’il cesse de remplir ses obliga
tions pendant deux années. Il semble qu’appliquer les dispo
sitions de cet arlicle aux contrats de rente antérieurs au Code,
c’est donner à la loi un eflét rétroactif. Le débiteur de la rente
n’était pas auparavant passible d’une telle peine; pourquoi
la loi nouvelle vient-elle l’y soumettre? parce que, dit l’arrêt
de la Cour de cassation du 6 juillet 1812 ( Sirey, t. 12, p. 281 ),
�( i3 )
« il n’y a aucun effet rétroactif, quand la demeure du débi
te teur de remplir scs obligations, est postérieure à la pu~
« blication du Code ; qu’il est toujours dans la puissance
« du législateur de régler, pour Vavenir, le mode d’exécu-.
<( tion des contrats, et de substituer le mode qui convient
au système général qu’il établit , à des modes particuliers
<( qui ne seraient pas eu harmonie avec le système général.
Parce que, dit un autre arrêt de la même cour, du 4
novembre 1812 ( Sirey, t. i 5 , p. 599) , (( il appartient a la
« loi de régir les faits qui se passent sous son empire, et
« d’y attacher les peines qu’elle trouve convenables pour
« le maintien du nouvel ordre qu’elle établit ».
La loi du 24 août 1790 donnait à la citation au bureau
de paix l’eflet d’interrompre la prescription quand elle était
suivie d’ajournement ; mais cette loi ne disait pas dans quel
délai l’ajournement serait donné. L ’art. 57 du Code de pro
cédure civile a depuis fixé ce délai à un mois , h dater du
jour de la non-comparution ou de la non-conciliation. Il a
été question dé juger quel devait être l’effet d’une citation
donnee sous l’empire de la loi du 24 août 1790, et qui n’a été sui
vie d’ajournement que long-temps après la publication du Code
de procédure. Obliger le demandeur a signifier l’ajournement
dans le mois' de la publibation du Code, n’était-ce pas don
ner au Code un effet rétroactif, et soumettre un acte anté
rieur a une loi nouvelle ? Cependant la cour d’appel de
Lyon a jugé que, si la loi du 24 août 1790 ne détermine
aucun délai, le Code de procédure. doit seivir de règle
depuis sa prom ulgation 3 et la cour de cassation a confirmé
�(
1
4
}
cette jurisprudence/par son arrêt du 27 avril i 8 i 4 (S ire y ,
t. 1 7 , p. 2G9 ). Nouvel exemple encore d a la manière dont
les lois s’emparent des actes et des faits antérieurs, puisqu’il
est maintenant établi, dans ce cas, que la prescription est
irrévocablement acquise , si l’ajournement, pour lequel il y
avait d’avance un délai indéfini, 11’a pas été donné dans le
mois de la publication du Code de procédure civile : le tribu
nal civil d’Aurillac a jugé cette question dans le même sens.
Cqtte jurisprudence a été mise en doctrine par un proies^
scur de la faculté de droit de Paris. Voici comme s’expri
me,. à ce sujet, M. Blondeau, dans la Bibliothèque du;
barreau, i . re p art., torn. 2, p. 121 :
« Presque tous le droits scmctioimateurs , et même p rl—
« m aires, sont susceptibles de s’évanouir, lorsqu’on laisse.
« écouler certains délais sans les exercer : si une loi nou« velle vient changer ces délais, elle ne peut empêcher
« reffet de ceux qui sont déjà accomplis ; mais tous les déa lais qui sont seulement commencés, d o iv e n t, pour ce qui
« reste h courir, être régis p arla loi nouvelle,, avec celta
« restriction , que si elle en diminue la durée , les individus
« qui avaient encore, au moment de la loi nouvelle, un
« délai plus long que la totalité du délai déterminé par cette
« loi , devront conserver au moins tout le délai qu’elle ac„
« corde, de manière que ce délai commence à courir à l’ins« tant même de la publication de la loi. En effet 011 ne peut
« pas leur reprocher de n’avoir point agi sous la loi ancienne,
« puisqu’ils avaient un délai indéfini ou très-long ; mais ces
« individus n’auraient aucune excuse s’ils restaient inactifs
4
\
x
p-
�( i5 )
« pendant tout le délai que la loi nouvelle a jugé suiïi« sant, etc. ».
Il serait extrêmement facile de citer d’autres autorités ,
d’autres exemples, même dans là jurisprudence, pour dé
montrer la nécessité de l’application des lois nouvelles aux
actes ou bien aux faits antérieurs : m ais, c’en est assez , en
thèse générale, et nous nous hâtons de rentrer plus parti
culièrement dans la cause.
Pour prouver qu’un billet à ordre , souscrit avant le Code
de commerce , doit être soumis à la prescription de cinq
ans, établi par l’art. 189 de ce Code, nous invoquerons
encore d’autres principes et d’autres circonstances. Nous
fixerons l’attention des Magistrats sur la nature et la des
tination du billet à ordre, son emploi dans le commerce,
son mouvement, son identité avec la lettre de change; nous
rappelerons ensuite les motifs qui firent abréger le délai de
la
p v c s e r ip iio n
p o u r le s le tt r e s
tle
e l ia n g c ,
m o t if s e n
to u t
applicables aux billets à ordre ; et nous ferons connaître
enfin ce que les cours supérieures et les tribunaux décidè
rent après la publication de l’ordonnance de 1673 , relati
vement aux lettres de change, antérieures à cette ordon
nance , dont le paiement n’était demandé que p lu s de
cinq ans après sa publication.
Le billet à ordre rend au commerce les mêmes services
que la lettre de change ; il circule, comme elle*, au moyen de
l’endossement; et tous les signataires du billet sont solidaires les
uns des autres, comme les signataires de la lettre de change.
Le porteur d’un billet de cette nature, est, tenu des mêmes
�( iG )
devoirs et obligations que le porteur d’une lettre de change;
l’un et l’autre de ces effets donnent la vie, le mouvement à
l’industrie ; et la seule différence cntr’eu x , est que la lettre
de change ne peut être tirée que d’un lieu sur un autre,
tandis que le billet à ordre peut être stipule payable dans
le lieu même où il est souscrit : circonstance q u i, en dispa
raissant , laisse au billet à ordre une destination semblable,
lin but commun avec la destination et le but de la lettre
de change.
O r, c’est la rapidité de ce mouvement de circulation; c’est
la destination particulière de la lettre de change aux besoins
du commerce et de l’industrie, qui commanda l’introduction
de la prescription de cinq ans pour les lettres de change.
<( En matière de lettres de change, dit Savary, dans son
« Parfait Négociant, liv. 3 , chap. G, tout doit être bref et
<( consommé en peu de temps. iC’est une chose qui a été
« trouvée si considérable pour la manutention des familles
« qui sont dans le commerce, que Sa M ajesté, qui a des
« égards particuliers pour le commerce, a bien voulu dis—
<c tinguer et séparer le temps de la prescription des lettres
« et billets de change, d’avec toutes autres sortes d’actes,
« afin d’assurer la fortune de ceux qui font la profession
« mercantille, etc. )) E t Jacques Savary écrivait cela immé
diatement après l’ordonnance de 1676, à la rédaction de
laquelle il eut tant de part, que M. de Pussort appelait cette
ordonnance le coile Savary.
. Jousse, dans son Commentaire, dit aussi que cette pres
cription de cinq ans est fondée « sur ce que les paicmens
�( 1? ) _
« des lettres de change doivent être somrtiaircs; et qu’en
« cette m a tiè re to u t doit clic bref et terminé en peu de
« temps. )>
;
En effet, comment concevoir la possibilité de perpétuer
pendant trente années la durée de ces millions de signatures
que donne une maison de commerce accréditée, en sous
crivant ou endossant des lettres de change qui parcourent
rapidement les places de commerce les plus reculées, si
tout ne devait pas être anéanti après une courte période
de temps, l’embarras d’une surveillance trop étendue ralen
tirait le mouvement du commerce ; les fonds resteraient
oisifs, les spéculations seraient moins actives, et le négoce
qui vit de la rapidité du change, éprouverait une langueur
funeste. Le génie de Colbert qui donna a la France l’Or
donnance de 1673 , prévit ces inconvéniens et y porta un
remède sûr, en substituant à la prescription trentenaire, une
prescription plus courte et plus analogue à la destination de
la lettre de change.
L ’Ordonnance ne soumit pas, cl’une manière expresse, les
billets 'a ordre 'a la même prescription ; peut-être, parce que
1 usage de ces sortes d’effets n’était pas 'alors aussi étendu
qu’il l’est aujourd’hui. Cest ce qui fait dire à plusieurs com
mentateurs de cette Ordonnance , qu’elle a laissé les billets u
ordre dans la catégorie _des prescriptions ordinaires.
Si l’on considère pourtant l’objet, la destination du billet
a ordre, son usage généralement répandu dans le commerce,
sa circulation à côlé de la leltre de change et avec les mêmes
avantages, on avouera que cc qui convenait à celle-ci, conyeo
�( i8 )'‘
naît également a celui-là. Aussi, le pailement de Paris
frappé sans doute de l’identité de ces deux sortes ' d’effets
de commerce, a-t-il jugé , le i.er septembre 1760, que la>
disposition de l’art. 2 1 , lit. 5 , de l’Ordonnance de 167.5,
s’appliquait aux billets à ordre. Denisart rapporte l’espèce
de cet arrêt, en ces termes : « On pense unanimement,
« d it-il, que cette disposition de l’Ordonnance du com« merce s’étend à tous billets à ordre, etc., et même aux
« endossemens desdites lettres, billets de change, billets
« de commerce, etc. La cour l’a même jugé ainsi par un
« arrêt rendu au rapport de M. C harlet, en la première
« des enquêtes, le lundi i .er septembre 176 0 , dont voici
« l’espèce : Le 2 septembre 1735 M.e Fauvelai , procureur
« au cliâtelet, porteur d’un billet, daté du 5 juin 1750,
« contenant promesse par Akakia , de rendre à lu i, ou à
« son ordre, deux actions de la compagnie ¿les Indes y
« et trois dividendes, passa son ordre de ce billet au sieur
« Coquelin , de qui il reconnut en avoir - reçu la valeur,
« La veuve Coquelin, qui trouva ce billet parmi les pa« piers de son m ari, fit assigner en 1769, les héritiers de
ccM .e Fauvelai, qui lui opposèrent le défaut de poursuites
« contre Akakia , et la prescription de cinq ans prononcée
a p a r VOrdonnance. La veuve Coquelin répliquait que ce
(( n’était pas la le cas d’appliquer l’Ordonnance du com« merce, parce que, i.°........ 2.0......, 3 .° l’Ordonnance ne
« parlait que des lettres et billets de change, et non des
« billets à ordre et des endossemens. Ces moyens furent
a rejetés, et la veuve Coquelin déclarée non-7'ecevable
�( *9 )
« par sentence du Cluitelet, confirmée par le susdit arrêt ».
(Denisart, v.° prescription, n° 78 ).
Il faut l’avouer, Denisart, après avoir rapporté cet arrêt,
ajoute, au n.° suivant, qu’il lui semble que l’opinion adop
tée par l’arrêt, n’est pas conforme aux règles ; et ici il
énonce son opinion personnelle, qu’il est permis de ne pas
adopter ; surtout quand on fait attention qu’il a commencé
par dire : qu’ on pense unanimement que Là dispositioji
de l ’ Ordonnance du commerce s’ étend ¿1 tous billets à
ordre, etc. Certes, l’opinion de Vunanimité doit préva
loir sur l’opinion individuelle dtî Denisart, dont le plus
grand mérite est d’être un annotateur fidèle et méthodique.
On peut opposer à cet arrêt du parlement de Paris, un
arrêt de la cour de cassation, du 2 novembre 1807, avant
la mise à exécution du Code de commerce , qui juge que
l’art. 21 du lit. 5 de l’Ordonnance de 1G73 11c concerne que
les lettres et billets de change , et non pas les billets à do
micile. Mais que résultera-t-il de ce conilit d’autorités ? Il
en résultera qu’avant le nouveau Code de commerce, c’était
une question controversée, jugée tantôt dans un sens , tantôt
dans un autre, que celle de savoir si les billets à ordre étaient,
sous l’empire de l’Ordonuancc de 16 7 a , soumis a la prescriptiSn de cinq ans ; et puisqu’il existe un véritable conilit
dans la jurisprudence, nous devons rechercher quelle est
celle que nous devons suivre.
Deja les tribunaux ont à cet égard adopté une règle qui
ne peut être trompeuse , s’il est vrai que le but de toute
loi est de produire un bien. Cette règle consiste à cher-
�( 20 )
cher dans la loi nouvelle le manière dont le législateur 3
decídele point controversé. A lors, la décision du législateur
sert, non comme disposition nouvelle, mais comme, décla
ration de la meilleure jurisprudence. Entre deux manières
de décider une contestation quelconque, on doit en effet
considérer comme la meilleure, celle que le législateur a
adoptée.
O r , le législateur a adopté la prescription de cinq ans ,
et en a fait la disposition d’ un article du Code de commerce.
Il a donc implicitement déclaré que la meilleure jurispru
dence , la meilleure doctrine était celle qui se prononçait en
faveur de la prescription de cinq ans pour les billets à ordre ;
et si les cours et tribunaux ont a faire un choix entre des
arrêts qui se contredisent, qu’ont-ils de mieux à faire que;
de suivre l’exemple de la loi.
• « Lorqu’on ne vous présente, disait M. Jaubcrt, procu-*
«
«
te
«
«
«
a
«
«
«
«
«
reur du R oi, aux juges du tribunal de la Seine, lorsqu’on
ne vous présente pour motifs de de’cision que des lois obs
cures où chaque partie trouve ce qu’elle veut, que des
arrêts qui s’anéantissent, que des auteurs qui ne sont pas
d’accord ; s’il se présente alors un Code' destiné à fixer k
jamais nos relations civiles et sociales ( le Code civil ).....
ce Code ne devra-t-il pas être le guide le plus sûr, l’autorité la plus respectable que nous puissions vous offrir?
et lui préférer une jurisprudence versatile , ou des auteurs
qui se contredisent, ne serait-ce pas imiter la folie de
ces navigateurs q u i, après l’invention de la boussole,
s’obstinaient à suivre les étoiles qui les avaient si souvent
(( égarés ? ))
�( 21 )
Le Code de commerce sera donc celte boussole qui diri
gera les magistrats dans la décision d’une question conlro-:
versée.
: E t pourquoi les tribunaux n’adopteraient-ils pas la dis
position de l’article 189 du Code de commerce, pour l’ap
pliquer aux billets îi ordre antérieurs à ce C ode, lorsqu’ils
peuvent trouver , dans la jurisprudence des parlemens,
après l’Ordonnance de 1G73 , un exemple parfaitement iden
tique, et que nulle bonne raison n’empêche de suivre.
Avant cette Ordonnance, les lettres et billets de cliangc
ne prescrivaient que par le laps de trente ans ; après l’enre
gistrement de l’Ordonnance, la question qui s’agite aujour
d’hui pour les billets a ordre, se présenta pour les lettres
et billets de change souscrits avant l’Ordonnance ; on deman
dait alors si ces lettres et billets avaient trente ans pour
prescrire, ou seulement cinq ans, d’après l’art. 21 , tit. 5
de l’ Ordonnance j et -voici ce que rapporte; S ayary , dans SCS
parères :
(( Il est certain, dit-il ( parère 78) que les lettres et billets
<( de change, avant l’Ordonnance du mois de mars 1675 ,
« n’étaient prescrits que par trente ans ; mais y ayant eu
(( plusieurs plaintes des abus qui se commettaient journel(( lement au sujet des lettres et billets de change, dont les
« porteurs demandaient le paiement aux veuves, enfans et
(( héritiers de ceux qui les avaient faits, sept ou huit ans
« après, Sa Majesté y a remédié par l’article ai du tit. 5
« de l’Ordonnance. A in si, aux termes de l’Ordonnance,
« il est certain que le billet tle change en question est
�( 22 )
« prescrit, ne servant clc rien au négociant en gros de
à dire que le billet étant f a it et conçu avant l ’ Ordon« n a n ce, i l n ’est p oin t sujet à la disposition de l ’ Or~
« dom um ee, parce que la prescription a couru depuis
« l ’année. 16y 3 que l ’ Ordonnance a été lue et registrée
a au p arlem ent, d ’autant que Vintention de VQrdon« nance est d ’assurer la fortune des fa m ille s , et d >em« pêcher ces abus qui ne se commettaient que trop souif. vent par des m archands, négocians et banquiers de
«\ mauvaise fo i. L ’on doit entendre que la prescription est
« acquise aux faiseurs de billets et à leurs héritiers et
« ayans-cause, aussi bien qu’aux endosseurs, tout elant
« égal. E t en effet, l’on ne présumera jamais qu’un nego« ciant, porteur d’une lettre ou billet de change, soit
« cinq ans sans en demander le paiement; il n’y a rien
« qui s’acquitte plus ponctuellement, et dont les diligences,
« pour en avoir le paiement, soient plus promptes )).
C ’est le 26 juin 1O88, que Jacques Savary écrivait ainsi j
dans le 8o.e parère, portant la date du 5 août suivant,
il revient sur la question, confirme son avis, et l’appuie de
l’autorite des arrêts. « Il faut observer, d it-il, que la pres« cription de cinq ans dudit billet ne court que depuis
« l’enregistrement de ladilo Ordonnance au parlement de
« Paris qui est du 25 mars 1675. De sorte que si ylntoino
« avait intente' son action contre Jea n , dans les cinq ans,
« à compter du lendemain dudit enregistrement, il n’y u
« pas de doute qu’il n’eût cté bien fonde en son acLion,
« parce qu’avant l’Ordonnance jusqu’au jou;v de l’enregis^*
�( *3 )
íc. trement d’icelle, la prescription des lettres et billets de
« change n’était point acquise qu’après trente ans, comme
« il a été dit ci-dessus ; mais depuis ledit jour de 1 enre« gistrement, quoique lesdites lettres et billets soient fa its
« et conçus avant Venregistrement de ladite Ordonnance,
<( néanmoins la prescription de cinq ans court depuis ledit
et enregistrement de V Ordonnance / cela ne reçoit aucune
<c difficulté1, e t cette question a été ju g ée plusieurs fo is en
« la juridiction consulaire et au parlem ent de Paris. Ainsi,
« l’allégation faite par A ntoine qu’il n’y a que pour les billets
(( qui sont faits depuis l’Ordonnance , dont la prescription est
(< de cinq ans, et non pas ceux qui sont faits avant 1 Or(( donnance ; cette allégation, dis-je, ne sert a rien, parce
« que Vintention de V Ordonnance est autant pour les
« billets fa its avant, que pour ceux fa its depuis icelle,
« afin de faire cesser tous les diff'èrens et contestations
« qui pourraient arriver} tant p our le passé que pour
«
Vavenir, etc.
Bien de plus clair, rien de plus positif, rien qui tranche
mieux la question et la difficulté. Les deux cas du billet à
ordre et de la lettre de change sont parfaitement analogues ;
il y a même cette différence favorable a la question pour le
billet a ordre, c’est qu’il n’était pas généralement reconnu,
avant le Code de commerce, que ces sortes de billets ne
devinssent prescriptibles que par trente ans ; au lieu qu’avant
l’ordonnance de 1673, cette prescription de trente ans était
la seule applicable aux lettres de change. Mais enün, supposez
line identité parfaite; admettez que, dans l’un et l’autre cas,
�( 24 )
il fallait trente ans pour prescrire, existó-t-il' aujourd'hui des
circonstances différentes de celles qui existaient après l’cnre-i
gistrement de l’Ordonnance. E t pouvez-vous dire qu’il faille
prononcer, après le Code de commerce qui assimile en tout
le billet à ordre à la lettre de change et les fait marcher,
parallèlement, d’une autre manière que les parlemens pro
nonçaient sur la lettre de change, après l’enregistrement de
l’Ordonnance? N on, certes. Aussi les cours supérieures ontelles généralement adopté la même jurisprudence ; et c’est ce
qui nous reste à démontrer, pour terminer notre discussion.,
Les Arrêtistes n’ont publié, jusqu’à ce jour, que qua
tre arrêts rendus depuis la publication du Code de
commerce , qui jugent la question de la prescription quin
quennale des billets à ordre antérieurs à ce Code ; et sur.
ces quatre arrêts, trois ont adopté la prescription de cinq,
ans ; il y a même cette remarque à faire sur le quatrième,
c’est qu’il est de la cour royale de P aris, q u i, postérieure
ment s’est réformée elle-même , a rendu deux autreç jugemens contraires au premier-, et fixé par-là sa jurisprudence
actuelle en faveur de la prescription de cinq ans. 11 existe
pourtant un autre arrêt de la cour royale de llio m ,
confirmatif d’un jugement du tribunal dé commerce d’A urillac, qui n’admet pas cette prescription de cinq ans; cet
arrêt, qui vient d’être publié par S irey, tom. î y , 2.e part.,
p. 2î)5 , sera l’objet d’un examen particulier.
La cour royale de Rouen, l’une des villes les plus com
merçantes du royaume , est la première qui ait résolu la
question, et qui se soit prononcée pour la prescription de
�( 25 )
cinq ans. Elle a réfuté, clans les motifs de son arrêt, du ô i
décembre i8 i 3 , toutes les objections banales, puisées dans>
la prétendue rétroactivité de la loi ; elle a même fait valoir
un motif de la plus haute importance, digne de toute l’at
tention des jurisconsultes : la Cour décide en point de droit,
que l’article 2281 du Code civil, sur les prescriptions com
mencées , ne régit que les matières contenues en ce même
C od e, et ne s’applique point aux matières de commerce.
Si les lois relatives au commerce sont des exceptions aux ,
lois générales, le principe proclamé par la cour royale de
Rouen, ne peut être l’objet d’aucune contestation. E t certes,
il 11’est pas difficile de prouver que le droit commercial a
ses règles particulères indépendantes des règles du droit civil*
Le titre du Code civil intitulé : des contrats ou des obliga
tions conventionnelles en général, porte, art. 1107 : « L es
« contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit
« qu’ ils n’en aient p a s , sont soumis à des règles générales,
« qui sont Vobjet du. présent titre y) ; et ces règles géné
rales sont celles relatives a la form ation , à Vexécution et
à Vextinction des contrats. Ainsi, tous les contrais, qu’ils
aient ou qu’ils 11’aient pas une dénomination propre, sont
soumis, pour leur formation, leur exécution et leur extinc
tion , aux règles établies par le tit. 5 , liv. 5 du Code civil.
Mais prenez garde que ces règles ne concernent que les contiats civ ils, et non pas les actes de commerce. L ’ai t. 1107
que nous venons de citer, a soin de nous en avertir. <( Les
<( règles particulères a certains contrats , d it-il, sont éta—
« blies sous les titres relatifs a chacun d’eux ; et les règles;
4
�( 26 )
«
«
particulières
aux
transactions
établies p a r les lois relatives
c o m m e r c ia l e s
au
commerce
».
sont
Voilà donc les actes de commerce soustraits, en quelque
sorte aux règles générales du Code civil, c’est-à-dire aux règles
concernant la formation, l’exécution et l’extinction des contrats
civils; de là est venue la nécessité du Code 'de commerce.
Puisque le'titre du Code c iv il, au moins quant aux règles
particulières sur la formation , l’execution et l’extinction des
contrats, ne s’applique point aux actes de commerce , il est
évident que le titre du même C od e, relatif à la prescrip
tion , c’est-à-dire, à Vextinction des contrats et obliga
tions , ne doit point régir les #actes de commerce. Ce titre
du Code c iv il, sur les obligations en général, traite , au
chap. 5 , de Vextinction des obligations ; et en éniiméra n t, dans l’art. 1234 , les diverses causes d’extinction des
obligations, il énonce que les obligations s’éteignent par
la prescription, qui f e r a , dit l’article, l ’objet d ’un titre
particulier. D onc , le titre du Code civil , sur la prescrip
tion, n’est que le corollaire du tit. 5 , sur les contrats ou
obligations conventionnelles en général, et ne peut régir
les transactions commerciales, que l’art. 1107 déclare sou
mises à des règles particulières; et c’est avec raison que la
cour royale de Ilouen a décidé que l’art. 2281 du Code civil
ne régit que les matières contenues en ce même Code ; luilons-nous donc maintenant de mettre sous les yeux du
lecteur les dispositions de cct «arrêt, rapporté par Sircy ,
loin. i 4 , 2.e p a ri, p. io 4 et io 5.
Attendu ; en fait, que le Code de commerce a ¿té mis en activité à l’époque du
�( 27 )
f . er janvier 1808, et que l’action en paiement des billets à ordre pour cause com
m erciale sur laquelle il s’agit de statuer, n’ a etc intentée que le 9 juillet i 8 i 3 ;
A tten d u , en d ro it, que l’art. 2281 du Code civil ne régit que les matières conte
nues en ce même Code , et ne s’ applique point aux matières de commerce ;
Attendu que le Code de com m erce, dans son article 1 8 g , sur l’ objet des prescrip
tions ,’ ne constitue point absolument un droit n o u veau , et ne fait que consacrer un
principe établi par l’art. 2.1, tit. 5 de l’ordonnance de 16 7 3 , qui s applique à tous
les effets de commerce ;
^
Attendu que la prescription invoquée en vertu de l’art. 189 a commencé et s eit
opérée depuis la prom ulgation du C o d e , en sorte qu il n y a véritablem ent point do
rétroactivité à en faire l’application à l’espèce d e.la cause.;
■Attendu que le vœu du législateur n’est point éq u ivoq u e, puisqu’ on voit dans
l’art. (1 1 du même C o d e , qu’il n’ oblige les commerçans sans distinction à gard er
leurs livres que pendant l’espace de dix ans;
Attendu que la m êm e’ question que celle qui se présente aujourd’h ui s’est élevée
lors de la prom ulgation de l’ordonnance de 1673 , à l’occasion des lettres de change
qui ne se prescrivaient auparavant que par trente années, et qu e, par les arrêts du
parlcraens de Paris cités par S avary, elle a été constamment résolue en faveur de la
prescription de cinq ans courus depuis la prom ulgation; — D éclare l’art. 189 du
Code de commerce applicable à l’action ; en conséquence la déclare non-recevable.
L a cour royale de Paris a fini par adopter la mémo
jurisprudence.
Par un premier arrêt, du 6 mai i 8 i 5 ( Sirey , tom. 16,
2.®part., pag. 67 et suiv. ) elle avait jugé que , (( s’agissant
te d’un billet a ordre fait antérieurement au nouveau Code
te de commerce, on ne peut opposer au créancier une pres
te criplion qui n’est établie que par ce Code ; et que, con
te formément à l’art. 2281 du Code c iv il, la prescription
te dont on excipe doit être réglée conformément aux lois
<e anciennes ». Kl le est revenue sur cette décision , par deux
arrêts , dont l’un indiqué par M. S irey, dans son Code
de commerce annoté, sous la date du 21 février.... .. nQ
�t 28 )
se trouve pas dans son recueil ; l’autre , sous la daté du 2
mai' 1816, a été rendu dans l’espèce suivante : Le 8 dé
cembre 1801 , le sieur Mathis souscrit à l’ordre du sieur
Delpech, banquier, un billet à ordre de 1,200 f ., payable
à trois mois de date. Le billet n’ayant point e'te acquitté à
son échéance ; le porteur en fit faire le protêt ; mais Delpech ne fit aucune autre poursuite. Ce n’est que le i 4 no
vembre 181 5 , après le décès du sieur Matliis , qu’il forma
contre la veuve et les héritiers de ce dernier, sa demande
en paiement de l’eiFet. Ceux-ci opposent la prescription de
cinq an s, portée par l’art. 18g du Code de commerce. Le
2 janvier 18 16, jugement qui rejette cette exception, at
tendit que Vexistence du billet précède d ’environ sept
ans la mise en activité du Code de commerce, et qiCainsi
l ’art. 18g n ’est point applicable. Appel; et le 2 mai 18 16 ,
arrêt iniirmatif de la cour royale de Paris, « attendu que
« la prescription invoquée a commence et s’est accomplie
« sous l’empire du Code de commerce, ce qui exclut tout
« reproche de rétroactivité )).
•
Tel est, dans la plus grande exactitude , l’état de la ju
risprudence des cours sur la question qui nous occupe. Nous
ne connaissons pas, dans les recueils, d’autres arrêts q u i,
depuis la publication du Code de commerce, aient décidé
la question; si .le nombre des arrêts devait avoir quelque
influence, le nombre serait en faveur de la prescription de
cinq ans ; mais les vrais principes sont aussi consacrés par
les arrêts qui prononcent en faveur de la prescription , et
c’est là un mérite qui ajoute à l’influcncc du nombre, ou
plutôt qui surpasse celle influence.
�(
29 )
Cependant la Cour royale de Riorn a jugé le contraire ;
en confirmant, le i5 juin 1818 nn jugement du tribunal
de commerce d’Aurillac, dans la cause des sieurs Gamet
et Desprals, contre le sieur Lassale ; le Rédacteur de ce Mé
moire ne craindra pas de dire que le tribunal et puis la
cour royale se sont trompés , puisqu’ il avouera ainsi s’être
trompé-lui-même. Le jugement que la cour a confirmé pu
rement et simplement, avec ces mots : par les motifs ex
primés au ju g e m e n t, avait été rendu sur sa plaidoirie , il
avait donc soutenu le système de la non-prescription de
cinq ans, et l’avait soutenu avec la pleine conviction de
son mérite et de sa justice ; pourquoi rougirait-il d’avouer
son erreur? oserait-il se dire plus sage, plus éclairé que la
cour royale de Paris qui est revenue sur sa propre jurispru
dence ? et la cour de cassation elle-même, n’a-t-elle pas
donné plusieurs fois l’exemple du retour aux vrais princi
pes dont elle s’était écartée par erreur ? Oui , le Rédacteur
de ce Mémoire avait pensé que c’était donner à l’art. 189
du Code de commerce un effet rétroactif, en l’apliquant aux
billets à ordre , antérieurs a ce Code ; il avait pensé que
l’art, 2281-du Code civil régissait aussi les matières com
merciales ; et ce n’est que des réflexions plus mûres, des
éludes plus approfondies, qui lui ont révélé son erreur. Ces
études, ces réflexions dont il vient d’cx])0scr les résultats,
serviront à le combattre lui-même , en mettant à jour l’er
reur du jugement du tribunal d’Aurillac, et de l’arrêt de la
cour de Riom.
Le fait de la cause est simple. Il s’agissait d’ un billet a
�( 3o )
ordre souscrit le i .er mars 17 9 2 , protesté seulement le 28
février 18 17 , et dont la demande en paiement ¿tait du i3
mars de la même année. Question de savoir si ce billet à
ordre était atteint par la prescription de cinq ans. Le tribu
nal d’Aurillac a décidé que non , par son jugement du 24
novembre 1817 , conçu en ces termes:
- « Attendu que le billet à ordre qui fait l’objet de la
« contestation, a cte sousciùt en 17 9 2 , antérieurement au
« Code de commerce et sous l’empire de l’Ordonnance de
« 16 75, qui ne frappait de la prescription de cinq ans que
« les lettres de change, et non les billets à ordre, ainsi
<( que le constate la jurisprudence et la doctrine des auteurs ;
« Attendu que si l’art. 189 du Code de commerce assi« mile les billets à ordre, pour fait de commerce, aux
« lettres de change, relativement à la prescription, cet
« article établit un droit nouveau qui ne peut s’appliquer
«
((
«
«
«
«
«
«
à un acte antérieur ; que vouloir appliquer la législation
nouvelle à un acte antérieur , ce serait, d’une part, contraire à l’art. 2 du Code c iv il, portant que la loi ne
dispose que pour l’avenir et n’a point d’eflet rétroactif;
de plus , ce serait contrevenir aux dispositions de l’art.
2281 du même Code , qui veut que les prescriptions
commencées avant une loi nouvelle , soient réglées conformoment aux anciennes lois;
•« Attendu que, ces principes une fois établis, c’est vai« ncment qu’on prétend que la prescription est acquise
« faute de demande en paiement du billet h ordre , dans
« les cinq ans qui ont suivi la promulgation du Code de
�( 5i )
« commerce; parce 'que , si cela pouvait être ainsi, les
« principes seraient détruits et l’on ferait rétroagir la loi
« en lui donnant effet sur un acte antérieur , et en réglant
« la prescription par une loi autre que celle sous l’empire
<( de laquelle le billet a été souscrit ; que la cour de cassa
it tion a bien reconnu que les lois ne devaient pas avoir
« une telle influence sur les actes qui les ont précédées ,
« puisque, par arrêt du 5o janvier 1816, elle a décidé que
« les intérêts d’une somme prêtée, courus avant le Code
« c iv il, ne prescrivent que par trente ans, quoiqu’ils n’aieut
« été reclamés que plus de cinq ans après le Code. »
Nous le répétons : la cour de Iliom n’a rien ajouté à ces
motifs qu’elle a adoptés ; ils sont la base de son arrêt
comme ils sont la base du jugement du tribunal de com
merce d’Aurillac ; et ces motifs, il est facile de le voir,
reposent entièrement sur cette idée, 'que déclarer la pres
cription établie par Vart. 18cj du ,Code de commerce ,
applicable aux billets à ordre antérieurs, c’est contra
rier les dispositiojis du Code civil. Il n’y a pas un autre
motil de décision ; c’est le seul, absolument le seul.
E t deja nous avons démontré que les transactions com
merciales étaient exceptées, par l’art. 1107 du Code civil,
des règles prescrites par ce même Code civil ; nous avons
démontré que les matières de commerce avaient leurs règles
particulières ; que l’intérêt du négoce avait créé ces règles ;
que relativement aux billets a ordre souscrits par des négocians, ils marchaient à côté des lettres de change et paralèlement à ces effets de commerce ; que la rapidité du mou-
/
�( 52 )
renient des uns et des autres nécessitait une prescription plus
courte pour débarrasser les canaux du commerce, vivifiéspar la circulation de la lettre de change et du billet à ordre;
nous avons eniin prouvé, par la manière dont l’Ordonnancej
de 1G75 était appliquée aux: lettres de change antérieures
à celte Ordonnance, que les tribunaux consulaires et les
parlemens se gardaient bien de faire régir les matières com
merciales par le droit purement civil ; alors , comme au
jourd’hui , le principe de la non-rétroactivité des lois était
(’•gaiement reconnu ; il était textuellement écrit dans la loi
7 , au Code de L eg ibu s , et cependant les lettres de change
dont le paiement n’avait pas été demandé dans les cinq
années'de l’enregistrement de l’Ordonnance, étaient décla.-'
rées présentés.
L ’arrêt de la*cour de Piiom, ou plutôt, le jugement du
tribunal de commerce d’Àurillac, cite l’autorité d’un arrêt
de la cour de cassation, du 5o janvier 18 16 , qui décide que
les intérêts d’une somme prêtée, courus avant le Code civil,
11c prescrivent que par trente ans, quoiqu’ils n’aient étéréclamés que plus de cinq ans après ce Code. 11 aurait pu
rappeler encore de nombreux arrêts de la même co^ir, qui
décident dans le même sens, pour les arrérages dq. baux à
ferme. Mais la cour de cassation n’avait à prononcer, dans ces
espèces, que sur des matières du àxo\\.purement civ il, que
Part. 2281 du Code civil réglait et devait régler; elle ne
pouvait prononcer différemment sans se jeler dans une erreur
grossière, et par conséquent impossible pour elle.
K11 effet, pour prononcer sur la question de celte naturel,
�(33)
la cour cle cassation n’avait qu’une seule loi à consulter,
celle du Code civil. Pour décider, au contraire, la question
de prescription des billets à ordre , il faut chercher une autre
lo i, celle du Code de commerce; il faut se placer ^sur un
terrain nouveau, et consulter des règles différentes , dont le
principe et le motif ne sont plus le motif et le principe de
la règle purement civile. Il est tout naturel alors que des lois
différentes produisent une décision différente.
■Un rapprochement de l’art. 2277 du Code c iv il, sur la
prescription des arrérages de rentes, de loyers, prix de ferme
çt des intérêts des sommes prêtées, avec l’art. 189 du Code
de commerce, sur la prescription des actions relatives aux
lettres de change et billets à ordre , démontrera la diftérence
qui existe dans les deux cas.
Dans le premier, celui de la prescription établie par l’article
du Code civil, les arrérages dont il s’agit1 sont prescrits»
au point qu’il n’est pas permis d’obliger le débiteur d’affirmer
par serment qu’il n’est plus redevable. Dans le second cas,
il n’en est pas de même. Le prétendu débiteur de la lettre de
çhange ou du billet u ordre est tenu, s’il en est requis,
d’afîirmer, sous serment, qu’il n’est plus redevable. Pourquoi
çette différence dans deux lois qui paraissent au premier coup
d’œil identiques ? Pourquoi l’obligation du serment dans un
cas, et sa dispense dans l’autre? C’est que lorsqu’il s’agit
d’arrérages de rente, prix, de ferme ou intérêts de sommes
prêtées, la prescription n’est pas seulement fondée sur une.
considération d’ordre public, mais elle a pour objet encore,
dit M. Bigot de Préamcneu , dans son Exposé des motifs de
la lo i, d’empêcher que les débiteurs ne soient réduits à la
�( 34 )
pauvreté par des arrérages accumulés. En conséquence il
ajoute : l’action p our demander ces arrérages au-delà de
cinq années a été interdite.
' Quant a la prescription établie par l’art. 189 du Code de
commerce , elle repose toute entière sur la pi'ésomplion du
paiement. "Les lettres et billets de change seront réputés
acquittés après cinq ans, disait l’article 21 du titre 5 de
l’Ordonnance de i$ y 5 ; et si l’art. 189 du Code de commerce
ne s’exprime pas dans les mêmes termes , il n’a pas moins
le même sens que l’article corelatif de l’Ordonnance. O r, une
présomption n’est pas un fait; aussi, lorsque le créancier a
des preuves de non paiement de la lettre de change ou du ^
billet à ordre; ou si, à défaut de preuve, le débiteur refuse
le serment, les tribunaux doivent condamner le débiteur. C’est’
ce que la cour de cassation a décidé par plusieurs arrêts,
notamment par celui du 25 août i 8 i 3 , dans la cause du
sieur P in o t contre K ou xel.
de voir la cour
de cassation refuser d’appliquer la prescription de cinq ans
aux intérêts des sommes prêtées, courus avant la publication
du Code civil. Le droit purement civil devait décider la
question qui lui était soumise ; et ce droit, dans scs motifs,
dans son b u t, dans son application, n’a pas les mêmes règles
que le droit commercial. Il commandait à la cour la décision
qu’elle a rendue. La loi du commerce, toute différente, lui
eut prescrit une autre décision , et nous avons à regretter
qu’elle 11’ait pas encore été appelée à la donner.
L ’arrêt de la cour royale de Iliom , du i 5 juin 1818,
disons m ieux, le jugement du Tribunal de commerce d’AuO n ne sera donc pas maintenant surpiis
�( 35 )
rillac,a commis une erreur qu’il est actuellement facile de
remarquer, en décidant, par les principes du droit civil ,
une question où ceux, du droit commercial , c’csi-a-dire,
d’un droit exceptionnel, étaient seuls applicables. E t quelque
respectable que soit la sanction donnée à ce jugement par la
cour r o y a le i l est évident qu’elle n’est que la continuation
d’une erreur.
La jurisprudence nouvelle, si elle est bien entendue, ne
contrarie donc pas le système de la prescription de cinq ans
appliquée aux billets à ordre antérieurs au Code de commerce,
quand les cinq années ont couru sous l’empire de ce Code.
La cour royale de Paris, celle de Rouen ont formellement
adopté ce système ; et nous avons prouvé que les tribunaux
et les parleîncns, après l’Ordonnance de 1675 , avaient applique l’art. 21 du titre 5 de cette Ordonnance aux lettres de
change anlérieures, comme les cours royales appliquent l’ar
ticle 189 du Code de commerce aux billets à ordre antérieurs
à ce Code. La doctrine la plus accréditée, la plus puissante
dans cette matière, celle de Savary, confirme la justice et la
nécessité de ce système. E t si cette jurisprudence, cette doc
trine avaient besoin d’être justifiées par le raisonnement, nous
avons démontré qu’il suffisait de faire une distinction entre
le droit civil et le droit commercial.
Pressé par ces raisons, dans l’impossibilité d’ailleurs de
justifier un silence prolongé pendant quatorze années, malgré
les circonstances difficiles où il s’est trouvé, et ne pouvant
éviter l’art. 189 du Code de commerce, en alléguant l’an te-'
norite du billet à ordre, le sieur Galvaing a eu recours a
uue circonstance particulière de la rédaction de ce billet j
~
�(56'y
rédaction qui lui appartient évidemment loùte entière.,'Ce
billet est payable à vue, dit-il, par conséquent on ne peut
opposer aucune prescription pendant trente ans. Ce moyen,
il est vrai, n V produit aucun effet sur le tribunal;-mais iL
sera reproduit sans doute devant la cour royale, et il est bon
d’en discuter le mérite.
S’il est démontré que le Code de commerce doit régir le
billet dont le sieur Galvaing'est' porteur, c’est par le Code
de commerce qu’il faut apprécier ce nouveau moyen ; et nous
ne pensons pas que, sous ce rapport, on veuille décliner
encore l’application du Code. L ’Ordonnance de 3G70 ne
serait pas, au reste, plus favorable au sieur Galvaing, et
c’est ce qu’il convient d’établir avant tout.
• L ’Ordonnance de 1675 nef réglait pas le temps dans lequel
le porteur d’une lettre de change payable à vue devait la
présenter, et faire protester faute de paiemeut. Savary-, parère
17 , pensait que le délai devait être réglé eu égard à la dis
tance du Heu d’où la lettre de change était tirce, à celui*' où
elle était payable, à raison de i 5 jours pour les 10 premières
lieues, et d’un jour pour ’5 lieues au-delà. Pothicr, dans son
Traité du contrat de change, n.° 1 43 , atteste que, suivant
le sentiment commun, le protêt était valable, pourvu qu’il
fût fait dans les cinq ans, après lequel tem ps, dit-il, la
lettre est présumée acquittée. Jousse, sur l’art. 4 , titre 5 ,
de l’Ordonnance de 1G7.), s’exprime ainsi: <1 Les lettres
a payables a vue sans terme, peuvènt être prolestécs quand
« il plait au porteur, et il n’a aucun terme lixe pour le
« faire; mais il faut qu’il fasse ce protêt dans les cinq
a tins do la date de la lettre, à cause de l'art. 2t ci-après ;
�(3 7 )
cést-a-dire, a cause de la prescription. <( Quelques 'uns>
« meme prétendent, ajoute-t-il, que le protêt de ces lettres
« peut etre fait dans les trente ans ». E t, comme on voit, il>
ne donne cette opinion, non comme fix e, comme reçue, mais
seulement comme le système de quelques personnes.
Ainsi, d’après la doctrine des auteurs les plus recommandables, d’après l’usage même, les porteurs de lettres de cliange •
payables à vue, n’avaient qu’un délai, qui n’excédait jamais
cinq ans, pour faire protester ces lettres, après quoi elles
étaient prescrites.
Le nouveau Code de commerce n’a pas laissé la même
incertitude que l’Ordonnance de 1675. L ’article 160 ne donne
au porteur d’une pareille lettre, que six mois, a partir de sa
date, pour en exiger le paiement; et l’art. 189 vient ensuite
pour réputer toutes actions prescrites après cinq ans. Tout
est donc positif sous la nouvelle lo i, qui s’applique aux
billets a ordre comme aux lettres de change. O r, par cela
nieme que la prescription établie par le Code frappe les billets
a ordre antérieurs, l’art. 1G0 doit aussi leur être applicable.
E t nous pouvons invoquer ici particulièrement l’arrêt de la
cour de cassation du 27 avril i8 i4 , qui fait régir par l’article
57 du Code de procédure, le délai dans lequel une citation
antérieure aurait du être suivie d’ajournement, pour avoir
1effet d’interrompre la prescription. Nous disons en consé
quence au sieur Galvaing : « Placez-vous dans la. position
« la plus favorable; supposez qu’avant le Code de commerce
« aucun délai fatal n’avait couru contre vous, j Depuis ce
« Code, le délai pour le protêt et pour la prescription a du
<< nécessairement commencer. Ce délai , p our le prolûL, était
�( 58 )
« de six mois, à compter du i.cr janvier 1808, date de la
« publication du Code ; par conséquent il était e'cliu le i.et
« juillet suivant. Supposez actuellement que le délai, p ou r
« la prescription, n’ait pris cours que le i.er -juillet 1808 ,•
(( les cinq ans ont expiré le i.er juillet 181 5 ; et ce n’est que
« plus d’un an après, en i 8 i 4 , que vous avez commencé
<( vos poursuites. Tout est donc iin i, tous les délais sont
<( passés, et nulle action ne vous reste. )>
• Considérée sous ce rapport, la cause n’a pas besoin d’au
tres développemens.
' Le tribunal de commerce d’Aurillac ne s’est pourtant pas
borné aux fins de non-recevoir. Il a , dans son jugement,
dont les motifs-seront imprimés à la suite de ces observa
tions , examiné le fonds de la cause , et déclaré le sieur
Galvaing mal fondé dans ses demandes. Les héritiers Violle
ne peuvent que se léférer à ce que dit le tribunal dans le
dernier motif de son jugement. Ils ne parleront que de l’une
des circonstances énoncées, daus ce înolii.
A la première audience où la cause fut plaidée, le dé
fenseur des héritiers Violle avait argumenté de l’état de
Factif et du passif du sieur Galvaing ; huit jours après ,
à la seconde audienco, le sieur Galvaing arme son défen
seur d’une copie de cet état j a si le billet à ordre sous« crit par le sieur Violle , d it-il, ne iigurc pas dans l’état
« de mon actif, la raison en est simple, c’est que je 11’ai
parlé que de mes créances portées par actes authentiques..
E t en effet l’état portait eu tête : E ta l de mes créances
portées par actes authentiques. La raison paraissait plau
sible jusqu’à mi certain point; mais le défenseur des héii-
�< 3b )
tiers Violle , ayant jeté un coup d’œil sur cet état, et
remarqué que le nom du notaire n’était indiqué par au
cun article ; qu’il y avait de ces articles de valeur de 5o f.,
de 48 f . , même de 18 f . , les héritiers Violle défièrent le
sieur Galvaing de prouver que ces articles et les trois
quarts de ceux portés sur l’état, fussent établis par titres
authentiques. Le tribunal prit connaissance de cet é ta t,
et demeura convaincu que si le sieur Galvaing oubliait
dons son a ctif, une créance de 4,000 francs, quand il y
faisait figurer un article de 18 francs, c’est que la créance
de 4,ooo francs n’avait aucune existence réelle , et le tri
bunal ne se trompait point.
La Cour royale aura-t-elle une autre opinion que les
premiers juges ? Les héritiers Violle ne le pensent point.
Elle pèsera dans sa haute sagesse, les circonstances et les
moyens qui font jaillir la vérité sans aucun nuage ; elle con
sidérera que les lilles , les gendres d’ un négociant, tous
étrangers à son commerce, presque tous éloignés de lu i,
.ne sachant autre chose de ses
à remplir ses engagemens , sa
tation sans tache, 11c peuvent
positives de sa libération. Mais
tent; elles o n t, dans la cause,
difficile de résister.
affaires , que son exactitude
probité reconnue, sa répu
avoir en main des preuves
les preuves morales subsis
une force a laquelle il est
L O N G U E V I L L E , pour lui et les
autres héritiers V io
ltæ .
✓
V IO L L E / A v o c a t.
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M O T IF S E T D IS P O S IT IF
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D u Jugement du Tribunal de commerce d ’JLurillac>
du ig Ju illet 18/ÿ.
■■ —
'—
i —»
i
*
■ ^
'
D a n s le droit, la cause a présenté les questions ci-après t
Y a-t-il une fin de non-recevoir résultant de la prescription
contre la demande formée par ledit sieur Galvaing en paie
ment du billet dont il s’agit ? Subsidiairement, ledit sieul'
Galvaing est-il fondé dans sa demande ?
Considérant, en fait, que le billet dont le sieur Galvaing,
demande le paiement , est un billet à ordre -portantda date
d u -20 germinal an 8 ( ou 10 avril 1800 ) , et qu’il a' été
souscrit par défunt sieur Violle , négociant ; que le billet
était payable à un an de date, c’est-à-dire, !le 10 avril
1801 ; que cependant ledit sieur Galvaing-n’en a demândé
le paiement qu’au mois de septembre i 8 i 4 , après” le décès
dudit sieur Violle , souscripteur;
^
Considérant que quoique ce billet à ordre -soit antérieur
au i.cr janvier 1808, date de*la mise à exécution du Code
commerce, il s’est écoulé depuis cette mise à exécution jusques
aux premières poursuites du sieur Galvaing, un'délai de
six ans n e u f m o is, temps pendant lequel il aurait dû
faire ses diligences, puisque l’art. 189 du Code de com
merce l’avertissait qu’il n’avait que cinq années pour pou
v o i r demander aveç succès le paiement de ce billet;
Considérant que le défaut de poursuites pendant plus de
0
�'( 4 i )
six années, après la publication du Code de commerce,
élève contre le demandeur une fin de- non-recevoir qui ne
peut être écartée par la supposition d’un prétendu effet ré
troactif contraire aux art. 2 et 2281 du Code civil, parce
qu’il résulte des dispositions même de ce Code , dans son
art. 1107 » i 110 lcs transactions commerciales ont des règles
particulières et ne sont point gouvernées par le Code civil ;
que l’intérêt du commerce a dicté ces règles particulières,
et que cet intérêt demande que tout soit prompt et som
maire dans l’extinction comme dans la confection des trans
actions commerciales ;
»
Considérant qu’appliquer les dispositions du Code de com
merce à un billet à ordre antérieur, c’e st, lorsque l’appli
cation laisse au créancier tout le délai que le Code a donné,
le mettre en harmonie avec la législation nouvelle et servir
les intérêts du commerce selon les intentions du législateur;
•que les lois et la jurisprudence donnent de nombreux exem
ples de cette sage application des lois nouvelles aux actes
antérieurs dont l’eifet s’est continué sous les nouvelles lois;
■que cette application a toujours eu lieu en matière de com
merce , puisque Savary apprend dans les parères 78 et 80,
qu’après l’enregistrement de l’Ordonnance de 1675 , dont l’art,
• a i, tit. 5 , établit la prescription de cinq ans pour les lettres et
billets de change, il lut question de savoir si cet article et la
prescription de cinq ans pouvaient frapper une lettre de change
antérieure, et q u i, avant l’Ordonnance, ne prescrivait que
pai le laps de trente ans ; que l’opinion de Savary, ré
dacteur de l’Ordonnance , est en faveur de la prescription
de cinq aus , lorsqu’on avait laissé passer ce délai depuis.
�( 42 )
FOrdonnance, sans aucune demande , et il ajoute que cela
se jugeait ainsi en la juridiction consulaire et au parlement
de Paris ; .
Considérant que la majeure partie des cours et tribunaux
a adopté cette jurisprudence depuis le Code de commerce;
qu’il existe en faveur de cette prescription de cinq ans un
arrêt de la cour royale de Rouen, du 5 i décembre i 8 i 5 ,e t
deux de la cour royale de Paris, des 21 février..... et 2 mai
1816; que même la cour de Paris paraît s’ètre déterminée
après un mur çxamen, puisqu’elle avait rendu précédemment,
et le G mai i 8 i 5 , un arrêt contraire,-que celte cour n’a pas
cru faire règle ; que vainement le Demandeur cite un arrêt
de la cour de cassation du 5o janvier 1816, cet arrêt étant
rendu en matière purement civile et relativement à des in
térêts d’une somme prêtée, courus avant le Code civ il, ne
reçoit aucune application aux matières de commerce;
• Considérant que si l’on examine le billet dont il s’agit,
et les circonstances de la cause , 011 ne peut résister aux
fortes présomptions de paiement qui en résultent ; que ce
billet est évidemment un blanc-seing rempli postérieurement,
et qu’il suffît de voir la différence des écritures, pour se
convaincre qu’en écrivant le corps du billet, l’on a stipulé
l’inlérêt, bien que le bon ou approuvé écril en toutes lettres
par le sieur Y iolle, 11’en dise rien; que malgré celle stipula
tion d’intérêt, ledit sieur Galvaing a gardé le silence pen
dant plus de quatorze années, et n’a demandé le paiement
qu’après le. décès du sieur V io lle, arrivé en l’année 18105
que ce silence est d’autant plus extraordinaire, que le sieur
Galyaing, lorsqu'il était receveur d'arrondissement, a eu
�( 43 )
des embarras de caisse dont il a convenu à l ’audience ;
et qu’à l ’époque de ces embarras, il f i t l ’état de son
actif et de son p a s sif; état qu’il a aussi représenté à
l ’audience, et dans lequel on ne trouve nullem ent le
billet de quatre m ille livres en principal dont il s'a g it,
lorsqu’ on y voit figurer des créances de 5 o f r . , de 48 fr .
et de 18 f r . ; qu’enfin il a été plaide, sans que ledit sieur
Galvaing l’ait désavoué; qu’il avait demandé a un particulier
le paiement d’une dette, bien qu’elle eût déjà été payée ,
circonstances q u i, réunies , laissent supposer que le billet
signé Violle a été payé, mais que le souscripteur avait
oublié de retirer le simple bon qu’il avait donné.
Par tous ces motifs, le tribunal de commerce, ouï pendant
deux audiences M.e Grognier, avocat du demandeur, et
M.e V io lle, avocat, pour le défendeur, jugeant en premier
ressort, déclare le demandeur purement et simplement nonrecevablc dans sa demande ; en tout cas l’en, déboute , et
condamne ledit sieur Galvaing aux dépens.
^ 6 ; v=5wr-
ixvûx *
*
*
|
^
A a-i-
A
AURILLAC,
D
eL ’IM PRIM . D E A .-J.-J. V IA L L A N E S , IM P R IM E U R D U R O I E T L I BR A IR E .
( J anvier1 8 2 0 . )
f
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Longueville, André. 1820]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Violle
Subject
The topic of the resource
prescription
billets à ordre
créances
faux
blanc-seing
assignats
tribunal de commerce
code de commerce
jurisprudence
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur André Longueville et Antoinette Viollet, son épouse, propriétaires, habitant au lieu de Val, commune de Lanobre, et autres cohéritiers du sieur Violle-Delteil, négociant, intimés ; contre sieur Pierre Calvaing, ex-receveur de l'arrondissement de Mauriac, demeurant à Mauriac, appelant.
note manuscrite : 22 octobre 1820. arrêt confirmatif de la chambre souveraine = voir journal p. 484, pourvoi rejeté le 125 juin 1822, voir Sirey, 22-1-319.
Table Godemel : Billet à ordre : 2. la prescription de cinq ans établie par le code de commerce n’est pas applicable au billet à ordre souscrit antérieurement à sa publication, encore que, sous son empire, il se soit écoulé plus de cinq ans sans poursuite. Les dispositions de ce code n’ont pas eu d’effet rétroactif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De A.-J.-J. Viallanes (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1820
1805-1820
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2501
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2502
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53487/BCU_Factums_G2501.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lanobre (15092)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
billets à ordre
blanc-seing
code de commerce
Créances
Faux
jurisprudence
prescription
rétroactivité de la loi
tribunal de commerce
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MÉMOIRE
JUSTIFICATIF,
P o u r L o u i s BOISSON, aîné, citoyen de la com
mune de Riom
Sur une plainte en fau x , rendue contre lu i, par
LASTEYRAS.
C e mémoire devroit-il avoir cet intitulé? Par quelle
fatalité l’innocent tient-il la place du Coupable ?
C ’est après vingt-six ans d’exercice des fonctions les plus
délicates ( 1) , sans qu’aucun reproche soit venu ternir une
aussi longue jouissance d’une réputation sans tache , qu’un
homme déjà écrasé par la foudre de la justice (2), vient
faire planer sur ma tête, plus que l’odieux soupçon du
crim e, et m’enlacer dans une affreuse procédure.
(1) Il ne peut y en avoir de plus délicates que celles qui rendent
dépositaires de la fortune du citoyen.
(2) Un décret de prise de corps, rendu contre lui, en la senechaussée de Clermont, sur une plainte en subornation de témoin
�( o
vous! mes concitoyens, qu’un injuste ressentiment7
îa haine ou la jalousie n’animent pas ; et vo u s, dont l ame
droite et juste sait se défendre de la fureur du préjugé, de
l’enthousiasme de l’illusion, quel seroit votre étonnement,,
si vous pouviez connoître tous les détails de cette affaire
affreuse, dont un court délai ne me permet que de donner
une esquisse.
Que sous le régime affrcux de la terreur, et le règne si
justement détesté des Robespierre et des Couthon, l’on ait
vu d’infames débiteurs, chercher à faire perdre la trace de
leurs dettes, en livrant à la proscription et à la mort les fa
milles entières de leurs créanciers',c’étoit l’effet deces secous
ses violentes qu’ont produites toutes les révolutions; et nousn’avons dû nous étonner, ni de ces forfaits, ni des suites
q u ’ils aot eues dans ces temps orageux où la justice étoit
paralysée.
Mais aujourd’hui que ces époques malheureuses sont
loin de nous,-aujourd’hui qu’elles sonten horreur à ceUx-là
même qui purent le moins se garantir des erreurs du temps,
aujourd’hui que nous vivons sous lTempire des lois, un
débiteur in grat, et trop long-temps supporté, après avoir
reconnu sa dette, par un retour à Ses principes de mauvaise
foi > n’ait eu besoin que de hardiesse et d’irelpostures, noil
seulement pour arrêter le cours de la justice ,-dan$ ces cas
mêmes où les législateurs ont voulu qu’elle soit la plu»
prompte , mais encore pour précipiter son créancier dans
une procédure crim inelle, et lui ravir les biens les plus
précieux, l'honneur et la liberté ; qu’il ait suili à cet homme
de dire à la. justice, V o ila un crim e, pour que la, justice
ait vu un crim ej V oilà le coupable, pour qu’elle ait tum*
o
�w
’( 3 )
pour coupable celui qu’il a désigne ; qu’ielle a it, sur sa
simple dénonciation, suivi la marche indiquée par la lo i,
dans les seuls cas où le crime est constaté, où les preuves
sont acquises, et le coupable connu ; que ce miracle ait été
produit par un homme entaché d'inculpations graves, qui
ont attiré sur lui les regards de la justice, et dont il n’est
point encore lavé ; qu’enfin, ce miracle ait été produit par
Lasteyras-Tixier, cet homme si connu par la multiplicité
des affaires où l’on Pineulpoit dè mauvaise foi : voilà ce
que l’on ne peut pas même concevoir.
F A I T S .
Lorsque j’achetai en 1770 , l’étude du citoyen M ayet,
j’y trouvai la clientelle de Lasteyras, et dès les premiers
temps de nos relations , l’intimité s’établit entre nous, au
point de m’aveugler complètement sur son compte.
Lasteyras me donnoit peu d’argent (1); mon attachement
lui en tenoit lieu ; d’ailleurs il avoit beaucoup d’affaires ;
il passoit pour rich e, et je me contentois de l’espoir de
retrouver complètement un jour mes peines et mes avances j
seulement, par fois, après de gros déboursés ¿j’en retirais
quelques effets de commerce, dont je lui fournissois dea re
connaissances ,, lorsqu’elles auraient pu faire double emploi
avec les procédures qui me demeuraient.
(1)
U ne m ’a pas m êm e en co re p ayé une belle ju m en t et ses har-
n o is , que j^ lui cédai com plaisam m ent en 17 8 4 , p o u r 3 o a l i v . , e t
d o n t p eu de jo u rs après il. refusai 5oo* liv. £ t j’ai r e ç u dans
v in g t
ans 960£ p o u r à-com pte de p rocédures qui passent 5 ooo£ , e t deux.
püyag_es, en h ville 4 a Paris«
�<4 ) .
T./oui’ effet, comme on le conçoit bien , ¿toit de lui tenir
lieu de quittance, après leur acquittement (i)
Lasteyras faisoit donner à ces reconnoissances la forme
d’indemnité, sous prétexte que,, sous cette form e, elles
serviroient à tranquilliser sa fem m e, dans le cas où elles
viendroient à p ro tê t, et que la dénonciation tomberoit
entre ses inains ; je n’a vois pas intérêt à le contrarier.
Mais je ne m’en tenoispas à faire à Lasteyras des avances
dans ses affaires; ma bourse et mon crédit étoient à sa dis
position dans les fréquentes occasions qu’il avoit d’y re
courir.
C ’est ainsi qu’il sortit dans les années 1786,1787,0 11788,
différons effets, mais ils furent peu considérables ; le plus
fort n’a pas été à rooo
En l’année 1789, Lasteyras fit décréter en la justice de
M osun, seigneurie de l’évêque, dont il étoit ferm ier, des
nommés Royat et Dourigheau, pour prétendus vols de
bois , etparvint à les faire emprisonner. D e s obligations
qu’ils consentirent devinrent le prix de leur liberté ; mais
bientôt ces particuliers réclamèrent contre leurs engagemens, rendirent plainte en la sénéchaussée de Clermont y
en suborn;:ti')n de témoins ; e t, après une information de
trente-sept témoins, Lasteyras et son associé Vauris furent
à leur tour décrétés de prise de corps. Vauiis fut constitué
prisonnier, et Lasteyras vint se jeter dans mes bras , et
chercher dans ma maison un asile qu’il étoit sûr d’y trou
ver (2).
( 1 ) C elles qu’il a acqu ittées ne fero n t pas niasse co n tre m es
créances.
(2) A lo is son fils, celu i qui figure si avantageusem en t dans c e tte
�w f
'Ç s y
Cette cruelle affaire , qui Je surprit dans un des inslans
oii il étoit le plus gêné clans scs moyens ( ce sont ses propres
expressions dans l’une de ses lettres ) , le mit plus que jamais
dans le besoin de recourir à la bourse de ses amis. Je ne fuà
pas le dernier à venir à son secours. J ’cpuisai la mienne,
j’épuisai celle de mes amis. De là , divers effets de sa part -,
tien plus considérables (i) que les premiers. Ils donnèrent
aussi naissance à des indemnités, mais elles avoient alors
un autre principe. .
1
Lasteyras ne faisoit jamais les fonds de ses effets, et j’étois
a ffa ire , ce t a c t if agent de la p ersécu tion que j’ép ro u ve, jeune ertc o r c , ven oit visiter so u ven t son père* et j’essuyois ses larm es en
en répandant a ve c lui. L a belle am e l Q ui p o u rro it croire a u x
signes de sa reconnoissance? D ans une des perquisitions faites ch ez
m o i, à sa so llicita tio n , on l’a v u au nom bre des satellites , les en
c o u r a g e r , les suivre k m o n jardin, leu r recom m an d er de fouiller
a v e c leurs sabres et leurs b a ïon n ettes dans la p aille, insulter ines
enfans et a leu r m a lh e u f. . . S o n cœ u rn e dém ent pas la féro cité qui
se peint sur sa figu re. I l savoit que je ne pouvoisi te n ir au sè c o u ri
de mes enfans,* il e n a b u so it, le lâ ch e. O m onstre d’ingratitude î
h o m m e a tro c e ! c ’est m oi qui iis ré v o q u e r, à fo rce de peines e l
✓d ’a r g e n t s o rti de m a p o c h e , le d écret qui fra p p o it l’a u teu r de tes
jo u r s ; tu le sais, tu fa s v u , et c ’est to i qui viens en personne a id ei
à l’exécution de celu i so u sle q u e l je g é m is;:tu l’as.fàis en préseùce
(le mes e n fa n s, en riant de leu r douleur. T u h è inéritois pas d’avoir
un p è r e , tu ne seras ja m J s digne de l’ê tr e ; la société d evro it te
revo m ir.
(0 A
>! ‘ j '
cet te époque L a s fe y ras em p runta 30,000 livres de la maisoiï
P e tit de R a v e l, q u ’il v o u lu t p ayer lorsque la va leu r dii papier-monn o ie fu t réduite à zéro ; niais les eflorts de sa m auvaise foi ont été
sans succès auprès des trib un aux.
�( 6 )
obligé de les rembourser après le protêt; mais quelquefois
il prévenoit le temps de leur échéance, et me prioit d’en
reculer l’époque. S’ils étoieut en m>es m ains, il les retirait,
et les remplaçoit par d’autres; si je leç avois mis en com
mence , dans, l’impossibilité de les lui rendre, je lui donnois
en place une indemnité, mise pour l’ordinaire à leur même
date.
, A. l’égard d<?3effets protestes, que j’ayois remboursés, je
me contentois de les garder en main, ( il falloit ou prendre
ce p a r tiio u se brouiller aivec Lasteÿras ( i ) , et je les préferois à de nouveaux ^parce que le protêt leur faisoit porter
intérêt.
Parmi ces divers effets, qui se cumuloient ou se succès
doient eu mes main&,'se trouve l’effet qui donne lieu au
procès. Il fût souscrit par Lasteyras, h ‘¿ fé v r ie r 17 9 1,
payable s u r L am o th e, banquier ù Q erm ont, le 30 sep
tembre 17 97,
Ce termt* étoitlong sans doute , mais nous le préférâmes
J,’un et l’autre >quoique par des pio.tifs différens.
A la même époque, Lasteyras devoit, d’après nos arran*
gemens, me-donner 1,236
il promit dje me les envoyer
(l)
N p » seu lem en t il,m o n tro it de l’h u m e u r , si je deveqois près*
san t, m ais en co re il fâllo it m é n a g e r son am o u r-p ro p re a u ta n t q u e
aa b o iu m ILsIoffensoit siifa cile m e n t, que-,. daas une de ses le t tr e s ,
d ont je suis m u n i, il m e faisoit des plaintes am ères de c e que^ j’avoia
dem andé, la di^traQtjQn.des dépens dans une de ses affaires lp sp lu s
copsidi'rables,: e t,, p o u r m.e rendre plus sensible à c e r e p r o c h e , i i
joignit de cro ire q u a ce, bm iit ^.voit. çu, pg«r„ tjbjot de.üjfi desservie
auprès de lui.
�-<?te Qerm ottt, parce q a ’il comptait, th’s o it- ii, f e roce^oi*
Sur une vente -qu’il aVoit faite de bais à briller ; mais à ce
payement il substitua un -effet de cette somme>en me man
dant qu’il n’avoitpas reçu le sou. Cet effet fut tiré de Cierrinorit, le ^ fé v r ie r 1 7 9 1, sur le citoyen Chassaigne , ban
quier à R io m , pour être pqyé le 20 octobre 1797.
«ïadhiî'ai ces deux effets, presqu’aussitôt que j ’en fus
n a n t i, et je voulus en réparer la perte : ce ne fut pas sans
peine que j y parvins. Lasteyras, dont les anciennes •affaifés
tftoient suspendues par les nouveaux établissement, ire
paroisèait presque plus à R iom , et loi'sque je le voyois t t
que je lui demandais des seconds effets, il éludoit ma de
mande sous le prétexte qti’ils feroient double emploi. Ge
lie fut que le i 5 novembre de la même année 1791 /q u ’il
îîie souscrivit sur ufi chiffon de papier,la promesse !de m’en
■consentir de semblables >,powr les tnénves sommes èïp o u r
les mêmes échéances \ et comme il devoit partir lô Jende■tnain de bohnç heure, je fus obligé de m’en contenter pour
:cette fois 3 mais ello fut rènoitvelée le 3 avril 1793 , sur du
papier timbré. Il n’est utile dé parier ici que de la teneur
¿ e c e dernier écrit; il est conçu en tes termes : J e soufr
*ign é, reconnais qu'en Tannée 179t , et en jan vier ou
¿février fic e lle , je consentis deux lettré* de Change, méri
tantes , jointe#ensèm bU yà lasçitoïm dè 3 * 4 ôü %Ç> #*,
payables, Tient chez Lam othe¿et Ttciitrech&& G/iti&sà/gné,
dans le c o u r a n t de septembre etd'ocïobns 17 9 7 dont là
dernière est de 12367 et attendu ÿuô ledit B oisson les à
ad hirées, je prom ets lu i en Consentir de nouvelles dis
Paréille'vtiïeur, etpour semblables échéances, ¿an# préju
d ice à toutes autres lettres de, change , que je peux lu i
,
�(8 )
avoir consenties , protestées ou non protestées, q u i de
meureront dans toute leur fo r c e et vigueur, s a u f à moi
les indemnités que je peux avoir contre celles quelles cou-vriront. F a it à R io m , le 3 avril 1793.
II.paroît qu’au moment où Lasteyras tenoit la plum e,
pour approuver et sig n e r, je m’aperçus qu’il ne conti>jioit de réserve en ma faveur, que de mes lettres de clienge,
et comme j’étois créancier, soiten vertu d’arrêtés décompté
/et de promesse, soit pour procédures et vacations, soit du
montant de deijx voyages que j’avois faits pourluienla ville
de Paris, pour parer au danger dém on omission à cet égard,
j’engageai/^asteyras à étendre mes réserves; en conséquence
il m it, de sa main, à la suite de l’écrit, sans préjudice à>
autre -,billet, à autre promesse que ledit B oisson a en
.mains , et autre objet. A. R iom , ce 3 avril 17 9 3 , suit lç>
signature L - a s te y r a s , et en suite, Can a de la républi
que française.
On voit que cet écrit est un renouvellement et une con**
Urination des d^jjx lettres (le change ci-dessus énoncées^:
.cette circonstance, ainsi que sa date", sont essentielles fi
¿retenir. A u reste, il n’est pas le seul énonciatif de lettres de
change non échueç j un autre écrit de l^merne année *793>
en fait également mention,
Pepuis cette année J793, lasteyras cessa d’être visible
pour m oi, et nos relations furent entièrement interrouir
pues, jusqu'à une lettre que je lui écrivis, peu après le
retour du num éraire, pour le prier de m’eu envoyer : lettre
ijui demeura sans réponse.
,.
Cependant, le 22 nivôse, an 5 , je négotiai au citoyeqt
jVlurat l’elTet de 2 1 9 0 ^ 1 7 / , du 3 féyricr Ï791 ; je lui
passai
�ye\
(9)
.
...
passai également mon ordre de celui de 1236 #"du 13 du
mcme mois : la première fut protestée le...............
Sur la dénonciation du p ro têt, Lasteyras père et fils
accourent, prennent communicaion des effets, demandent
du temps, promettent au citoyen Murât un à-compte pour
la Saint-Martin, offrent de nouveaux effets pour le sur
plus (1).
Lasteyras manque à sa parole ; le citoyen Mural obtient
jugement au tribunal de commerce.
’ 1
Appel par Lasteyras : il espère , à la faveur de la multi
plicité des causes qui chargent le rôle/de gagner du temps *
mais le citoyen Murât suit l’exécution provisoire, et Las
teyras presse encore pour avoir un nouveau délai. Il ne
peut l’obtenir, et plaide; il chicane sur la caution • il de- ’
mande un délai pour s’assurer de ses facultés. Il ajoute que 1
l’effet dont il s'agit, n’est entre mes mains,commebeaucoup
d’au très, qu’une pièce de crédit, que son père m’a fournie
par complaisance, et contre lequel il a des in d e m n ité s
E n fin , en dernière ressource, il dit que l’effét peut
présenter de la s u s p i c i o n p a r s o n é t a t \ que dans son prin- *
cipe,il étoit payable«« 30 s e p t e m b r e 1791, et que cette date
a voit été convertie en celle d e s ô p tè m b r è 17 97': s a n s d o u t e ,
■pour é v i t e r l 'a p p l i c a t i o n d e la c o n t r e - le t t r e q u i T à j in u lle .l
____________________________ <n • i'n
> U
(i)iL e s no.uvc 3u*jeffiM frifi:furent p ofn j,accep tés, parce q u elle
r it o y e n M u râ t exigeoif m on cndos.scincnt^t j’exige ois la signature )
du fils, vu l’état actu el du p ère ; inais le fils refusa de s’obliger persônnellem ent. L e c ito y e n M urât au ro it pu donner d’am ples éciairrisseitiens; mais il n’a point été ap p êlé'^ et'S à belle-Sûeur qui ne
p o u v o it en d o n n er, l’àéték1
{z) L e ju g em en t du
.viiim o'-
28 frim aire fait m ention
:
de ces moyo/is.’ »"1
1
�( & y,
Heureuse idée du premier ddfeiweur de. Lasteyras:
qu’elle a bien servi sa mauvaise f o i s o n impuissance (i.) et
ses vues dilatoires ! Elle fut accueillie aussitôt qu’indiquée,
cette manière nouvelle de puralyser la justice\ d’arrêter ,
sans les attaquer directement, l’exécution d’un ‘de ces titres
qui doivent en avoir une si prompte. L a lettre de change
est représentée ; elle est en mauvais état sans d o u te m a is
c’est le papier qui en a été altéré par un trop long séjour
qu’elle a fait enterrée avec mes autres papiers, sous le
régime de la terreur.
Mais elle n’est point altérée dans l’écriture ; elle n’est
viciée par aucune surcharge : cependant par jugement du
1 8 frim aire, il est ordonné qu’elle sera déposée au greffe ,
et qu’il en sera dressé procès verbal ; et le dépôt fut effectué
sur le champ.
L e citoyen M urât, dépouillé d’un titre bien reconnu
par Lasteyras, et qui sait qu’il n’a pu l’être que par une
inscription de faux, cite Lasteyras pour voir dire que faute
par lui d’avoir pris cette voie , il sera autorisé à retirer la
lettre de change du greffe. Sur cette dem ande, il est or
donné , par jugement du 23 frim aire, que dans la décade ,
Lasteyras sera tenu de déclarer s'il entend passer à l’inscriptioa de faux...... Sinon M urât est autorisé à retirer la lettre
de change du greffe.
>’C e second jugement ftit rendu après un nouvel examen
très-lo n g de la lettre de change.
(r) E lle est bien n o to ir e ; i^ n ’y a p oin t de décad e qu e l ’ on n e
ren d e au tribunal de c o m m e rce de C le r iu o u t des co n d a m n a tio n s
c o n tre lu i.
'
■
* :m 1 ¡:.
�Ce jugement est signifié le 28 frimaire; niais Lasteyras,
au lieu de prendre la voie de l’inscription de faux, emploie
deux jours entiers à cajoler le citoyen, M u rât, pour eri
obtenir le délai d’un mois.
Lasteyras et son défenseur avoient pris communication
alors de l’écrit de 1793, qui renverse tout le système de sa
défense. On convient d’un jugement confirmatif de celui
du tribunal de commerce, porta'nl condamnation des dépens
contre Lasteyras, et cependant une surséance d’un mois.
Ce jugement convenu est demandé et prononcé haute
ment à l’audience. Mais dans le même moment un de. ces
hommes qui sont méchamment officieux, fait remarquer
au défenseur de Lasteyras que ce jugement donneroit ou
verture à des dommages et intérêts envers m o i, et que
pour le neutraliser, au moinsfmomentanément, ilfalloit
y faire ajouter que la lettre-de change continuerait dp
demeurer au greffe. Il propose donc.au tribunal d ’admet
tre cet amendement. L e citoyen Murât ne veut pas y con
sentir. L e jugement est rapporté, et la cause remise. Cçs
faits sont notoires.
Le citoyen Lasteyras ne s’ o c c u p e plus que des moyens
de délayer. L e voyage de son premier défenseur en la ville
-de Paris servait de prétexte à s o n n o u v e a u défenseur poyr
obtenir plusieurs remises,, et. dçux mois et demi s’écoulent
Cil pure perte ppur le citoyen Murât.
Ce n’est qu!qprèscp terme qu’il obtient l’audience. Alors
. il avoit retiré la lettre de c h a n g e du greffe.
Lasteyras ne rapportoit point la contre-lettre qu il avoit
. annoncée: d’ailleurs elle eût été nulle vis-à-vis le citoyen
Murât. Il est donc sans mpy^ns : ily {suppléepardes exagé¡5 a
�T^*.
• * *1 (' ‘ a ) ** 4 J |
* f ''
rations mitfées, des fables ridicules, des criai lie tfesde induvaise foi. Ce galimathias Confus n'avoit poüi- objet que de
fatiguer, l’esprit, d’attirer l'attention sur des choses extraor
dinaires , pour l'empêcher de se concentrerait point unique
qui devdit Fomipër. n‘" ° •
*
' Cependant on ne'voÿoit reluire ;Vtravers ces nuages em
poisonnés dont on obscurci ssoit la cause,aucun moyen qui
pût retarder la condamnation de Lasteyras; mais après une
assez longue délibération, il est interpellé par le tribunal ( i)
'de déclarer s’il'entend passer ou non à l’inscription de faux.
* Cette interpellation est, comme on le conçoit aisément,
un trait lumineux qui l’éclaire promptement sur le sort qui
l’attend, et le parti qu’il doit prendre pour l’éviter. On le
sait, le danger présent est toujours celui dont on s’effraie,
et Lasteyras laisse échapper en tremblant lé mot fatal", qu’il
entend passer à [inscription' d e'fa u x (>2). Alors par son.
jugement d u .....................le tribunal lu i donne acte de
cette déclaration. I l est ordojuie que la lettre de change
>sera déposée au greffe y et qu’il en sera dressé procès ver*bal. L e citoyen Murât effectue sur le champ le dépôt. Il
lui en est àussi'donh,cacte pa’r le: jugemëntJ n
Ce jugement më paroît l’ouvrage de l’erreur et le comble
• de l’injustice, et je l’attaque par la voie de la tierce opposi-
(1) C ’ est du Gis Lastcyrjiij d o n t on parle : le*.père n’a p aru à
à a u c u n e a u d ien ce; le fils* Peu em p êch ô it bien. D epuis le dérange
m en t de sa tê te e t de ses affaires, il est en tièrem en t sous sa dom i
n atio n .
\
(2) 11 i ’ étoit p o u rvu d’une p ro cu ra tio n arrach ée à son p ère dans
un m o m en t où il é to il à l’extrém ité.
-
'
;
�tîon. Jé dem in rîr* qh’il soit an nul lé dans trnitos ,<rrs d'Wnijtions, et subsidiaireinent que, dans le cas où l’inscriptioti
de faux seroit admise, l’exécution du jugement du tribunal
de commerce de Clermont soit provisoirement ordonnée.
J ’appuie mes conclusions sur des moyens aussi nombreux
que puissans. Tout l’auditoire en étoit pénétré: mais, qui
lauroit cru ! les mêmes juges, le même président, qui,
lors du jugement du 18 frimaire, n’avoient vu dans la lettre
de change que des motifs de suspicion; qui, lors du juge
ment du 23 -, revenus de leur préjugé,. après un plus miir
examen , avoient autorisé, le citoyen Murât à retirer la
lettre de change du greffe; qui, lors du troisième jugement,
s'étoient contentés d’en ordonner purement le dépôt; les
mêmes juges, dis-je, lors du quatrième jugement, voient
une Jettre de.'charige fausse, surchargée, altérée, impré
gnée dei tous les vices ; je suis débouté de ma tierce opposi
tion , et un mandat d’amener est lancé contre moi.
Ce jugement est devenu le principe de la procédure sou
mise à l’examen des citoyens jurés.
.
f
• Quelles questions sont soumises à leur décision ? Celle de
savoir s i, après l’expiration du délai accordé à Lasteyras ,
pour passer <\ l’inscription de faux, il pouvoit être admis
par un second jugement à prendre cette voie.
20. Si les formes prescrites par la loi ont été observées ;
Si le dépôt ordonné par le troisième jugement, l’a été
valablement ;
. ,
. r ....
Si les faits de faux sont pertinens et admissibles, si l’on
peut soumettre à une épreuve expérimentale la question
de savoir si l’eifet a été altéré; tandis que les preuves écrites
qu’il 11e l’est pas, se trouvent cumulées.
!
�‘L ’or'donnancc de 1730 porte que celui qui prétend passer
à l’inscriplion de fa u x , doit lefa ire dans les trois jo u rs , à
compter de la notification du dépôt de la pièce arguée de
f a u x ; or ce délai avoit couru contre Lasteyras, à compter
du jugement du 18 frim aire, qui porte que le dépôt or
donné a été effectué. Il est donc certain que ce jugement
étant contradictoire avec Lasteyras présent à l’audience, le
dépôt ne pouvoit lui être mieux connu ; qu’ainsi, dès qu’il
avoit laissé passer ce délai de rigueur, M urât avoit été
fondé à se faire autoriser à retirer sa lettre de change; que
la décade accordée à Lasteyras ,-par le jugement du 231 fri-*
m aire, pour passer à Vinscription deJ a u x , avoit été un
délai de grâce; que n’en ayant pas profité , il étoit déchu de
toute faculté , et que le tribunal, après une telle fin de non
recevoir, n’avoit pu admettre son inscription tardive.
- Vainement diroit-on que la loi du 3 frim aire, an quatie,
ne prescrit 'poi nt de délai ; ce scroit une absurdité.
Les dispositions particulières que contient cette loi sur
le faux, n’annullent pas celles des anciennes ordonnances,
tfui Ti’y sont pas con trairesparce cjue la loi du 3 brumaire
.ne les abroge pas.
1>;
Il résulterait d’une opinion contraire, qu’il n’y auroit
jamais rien de fin i, et que des siècles entiers ne sufïiroient
pas pour éteindre des actions, lors même que ce laps de
temps seroit-le sceau des conventions des parties, ou des
jugemens rendus entre elles. Il en résulteroitque celui -Ji
«môme qui auroit été renvdyé d’une accusation par la jus
tice,pourroit encore ijn essuyer une nouvellepour le même
4ait. N ’admettons pas de pareilles erreurs.
Eu matières criminelles sur-lout, les fins-deoon recevoir
�( i5 )
ne peuvent, être, relçv^s. Celui qui la laisse acquérir, est
Censé s’être jugé.
La partie publique ne peut elle-même admettre la dé
nonciation de la part de celui qui n’est pas recevable à la
faire.
A ce premier m oyen, s’en joint un aussi puissîftit. Il est
de principe que l’on ne peut dans une affaire cumuler deux
jugeniens renfermant les mêmes dispositions.
Par celui du 18 frim aire, le dépôt de la lettre de change
avoit été ordonné ; il avoit été fait. Par celui du 23, Murât
qvoit été autorisé à la retirer. L ’un et l’autre jugement
avoient été exécutés. On ne pouvoit donc plus y revenir ;
l’exécution d’un jugement lui donne un caractère ineffa
çable d’irrévocabilité.
L e jugement d u .......... ventôse ^
, qui ordonne ,
pour la seconde fois y le dépôt de la p ièce, est donc une cu
mulation de celui du 18 frimaire, et contraire à ce principe:
TiQTi bis in idem•
Il est plus, il est une réformation clu jugement du 23 fri
ma ire.
Ce jugement du 23 frimaire porte qu eja u te p ar L q steyras de passer à l’ inscription def a u x dans la décade,
la pièce sera retirée du greffe 5 o r, la décade et autres dix
étant passée? depuis ce jugem ent, et la pièce ayant été reti
ré e , toutes dispositions çontraires sont une improbation,
un anéantissement absolu de celles qu’il renferme, et un
juge ne peut çe réformer lui-même, et revenir sur la chose
terminée.
Il résulte donc que le dépôt au greffe, est illégal, et n v
pu devenir Ja base d’une instruction criminelle.
�( 16 )
Un autre vice essentiel se remarque dans ce dépôt et le
jugement qui l’ordonne; en effet, la nouvelle loi sur le
faux incident, comme les anciennes, v e u t, article 623,
qu’avant de l'admettre, celui qui veut arguer une pièce de
fa u x , somme f autre de déclarer s il en tend se servir de la
pièce. O r, cette sommation ne fut pas faite au citoyenM urat,
porteur de la pièce, unique propriétaire de la pièce, et seul
en cause avec Lasteyras ; elle ne lui a même pas encore été
faite, La procédure pèche donc dans son principe.
Le dépôt de la pièce est également v ic ié , parce qu’il a
précédé la plainte en faux ; car la déclaration faite par Las
teyras , non de son propre m otif, mais sur l’interpellation
du tribunal, q u il entencloit passer à l’inscription de faux ,
n’étoit.que l’annonce d’une plainte, et non une plainte : or
l’article 526 du titre 14 de la loi du'3 brumaire , ne permet
le dépôt que lors d'une plainte ou d ’une dénonciation en
J( 1UX.
Après ce jugement et le dépôt vicieux de la pièce, Las-*
teyras s’en tint à sa déclaration, et ne rendit aucune plainte.
Il n’en subsistoit donc pas, lorsque le tribunal a rendu son
dernier jugem ent, qui porte un mandat d’amener contre
moi. De là des vices sans nombre contre ce jugement.
D ’abord le tribunal a fait d’office, lors de son jugement,'
ce que la loi veut être fait par la partie. L ’article cité de la’
loi du 3 brum aire, veut que ce soit la partie q u i arguë
une pièce de fa u x , q u i somme Vautre de déclarer s i elle
entend se servir de la pièce ; or ce n’est pas Lasteyras qui
nj’a fait cette sommation, c’est le tribunal qui l’a faite d’ollicej'
il ne s’est pas conformé à la loi : premier vice.
Ce n’est pas à moi que devoit ctre fait’la sommation
mais
�( *7 )
m a is au citoyen M urat, propriétaire de la pièce, et qui
«avoit la faculté de s’en départir.
Il ne s’agissoit que d’une tierce opposition au jugerpe.pt
du 26 ventôse, fondé principalement sur Je vice reconnu
de ce jugement qui ordonnoit le dépôt d’une pièce, sans
sommation préalable au citoyen Murât. Le tribunal ne
pouvoit donc juger autre chose que l’admission ou le rejet
de la tierce opposition. Il a donc outre-passé ses pouvoirs :
son jugement, qui n'est qu’une dénonciation, est donc
essentiellement vicié, et ce vice se répand sur toute, la..pro
cédure.
L e mandat d’amener, qu’il renferme , est encore ,plus
illégal j il émane d’une fausse interprétation de l’art.
de
la loi précitée ; cet article porte que s i un tribunal trouva
dans la visite d’un procès, même c iv il, des indices qui
conduisent à connoître Fauteur d’ un f a u x , le président
délivre le mandat d’amener (1).
L a loi a entendu , sans contredit, .parler du cas où l’ins
truction de lajprocédure a été faite, soit au civil, soit au
crim inel, et que par suite de cette instruction, la preuve
<3u faux est acquise , parce que la^preuve du délit indique
un coupable, au lieu que tant qu’il n’y a pas de délit cons
tant , on ne peut pas supposer de coupable.
Cette vérité résulte bien de l’art. 5^ 8 , rpuisque cet,art.
yègle ce qui peut être observé dans l’instruction de fauî&j
(1) A u x rermes de P a rt.‘53 6 , 'il d e v o ir être su rsira « jngom eat
d u p ro cès civil ,
jusqu’après l e . ju g ea ie n t de l’accusation en
. fa u x ; et ce p e n d a n t, en ré g la n ta u c riu iin e l l’accusation
ep fa u x , Je
tribunal a jugé Pailaire civile, e tlm ’o id é b u u téd e n io a ppp ositioyi
qu elle c.O ü tm d itliu a^
^
�. . . . . . . .
:< m
, . r- .
.
. .
et que ce n’est qu’après s’être expliqué à cet égard, que
vient l’art. 539, qui autof-ise le président d’un tribunal a
laÂCer un mandement d’amener.
’ ! 1
,:i'ïlfa llo iè ! donc, sur la plainte de'Lasteyras, fa ir e l’instruétiort du fau'*',retc’èst après l’instruction \ et lors du jugemèht
de Faffaire, soiŸau c iv il, soit au crim in el, si le faux eût
été constant, et que des indices se fussent élevés contre moi,
' qu’il auroit été autorise à lancer u n . maüdat d’amener ,
coriforniénient à la disposition de l’article 539. On a comfnencépar où l’on deVoit finir. '
'
Il s’agit ici d’un faux incident ; il falloit donc suivre le
vœu de la loi sur cette procédure. L e jury ne pourroit
donc baser une accusation sur une procédure aussi vicieuse.
Mais perdons de vue' cette diffoi-mité de la procédure.
Lasteyras peut-il arguer de iaucune'pièce qu’il a recon
nue authentiquement, et même en(jugem ent, pour être
sincère ? Ses moyens de Taux sont-ils pertinens ?
Pour trouver' u n e’rèionnoissaricé complète ,| de‘ là part
*de Lasteyras,nde Îa sincérité de la pièce, il ne faut que le
: suivre dans‘sa discussion _, lors dès divers jugémens.
La lettre de change ria jam ais été q u u n acte de com
plaisance, une pièce de crédit que f a ijb u r n ie au citoyen
B oisson .
Il reconnolt'donc que la lettre'de change est émanée de
lu i, souscrite p a r ’lui : il a donc une tonnoissance parfaite
de son existence ; il ne peut donc l'attaquer comme fausse j
car, ne iut-eUe qu’une pièce de crédit (1), anéantie par un
(1' C o tte assertion tom be dV lle-m ém o,, p a r ’la sim ple observa
tio n (¡lie je l’ aurois iiig o tié e ^ a u lièU’d e là ¿anlei* en p o ch e ; et que
t d ’ailli'urs cé langage est déplacé dan.s la b o u clie d’ iin h o m m e (jui u’a
jamais cesséd ’c ir c m o n débiteur de som m es coriwdérables.
�f *9 J '
nuire acte, elle ne pourroit, sous ce point cle vue r être re
poussée que par les voies et les moyens civils.
Il ajoute, il est v rai, que dans son principe la lettre de
change étoit payable au 30 septembre i j g i , e t q ù à 1791
on a substitué 1797? pour la ¿faire échapper à la contrelettre dont il est m uni (i).
Eh bien ! supposons d’abord que cela soit ainsi. Où apert
que je suis l’auteur du changement ? Cette date n’est point
écrite de ma main, c’est une chose reconnue.
F û t-e lle de ma main; le changement prétendu fût-il^
mon ouvrage, qui pourroit affirmer qu’il n’a pas été l’effet(
d’un consentement réciproque ?
; ,
Une seule chose pourroit le faire croire ,ce seroit une^
contre-lettre qui frapperoit sur une lettre de change de pa-,
reillesomme, de pareille date, qui seroit payable en 1791.
Cette contre-lettre feroit apparoître un intérêt de ma
part h donner à la lettre de change une date différente à
celle énoncée dans la contre-lettre. Mais le citoyen Lasteyras
ne produit aucune contre-lettre ; donc il ne peut pas même
s’élever de soupçon.
Ces faits de faux sont d’autant moins admissibles que
rinstruction de faux est absolument sans objet comme sans
cause, et qu’elle ne peut produire d’effet.
Lorsque le faux ne frappe comme dans l’espèce, que sur
l'altération prétendue d'une pièce, l'objet de l’inscription est
çle rétablir la pièce dans l’état primitif qu’on luisuppose\
son effet doit être de réduire l’acte à sa juste valeur.
( 1 ) C*est ainsi que Lasteyras s’est exprimé dans ses diverses
îidoicries.
C 3
�•V
*
*
*
(
V
2Û
p
/
*
^»T
Mais' si ïâ preuve dü fait dé faux ne peut produire d é J
changement à là nature'fton plus qu*à la valeur dç l'acte,^
ellé est vraiment sans but comme'sans effet, e t‘sans in
térêt : donc le fait dé faux n’èst pas pertinent.
1
"C ’est ici noire espèce: Supposons en effet que la lettre déchange fût payable en 1791 , etquesadàteait été converti«,
E e J"àù de fa u x frappant sur ce changement, Fobjet de
rinstruction du f a u x seroit de rétablir là date 1791. Sup-»’
posons donc m aintenait cettè date rétablie, quel sera l’effet'
de cefrétablissement ? Il sera absolument nul, parce que la
nature dié là -pièce-attaquée et sa valeur neseroient point"
changées. Ce seroit toujours une lettre de change, une lettre
db change dé la même som m e, contre laquelle on seroit r
après la preuve de fa u x , comme avant, c’est - à - dire T
saris moyens si l’on est sans quittance.
•
1
Que diroit-bn d’un homme qui conviendroit avoir signé
lin acte et l’àrguëroit néanmoins de faux , en disant que
T'àn a effacé sa signature, q u i étoit à droite, pour en
mettre une à gauche. Assurément on riroit ou l’on devroit
rire de ce fo u , et l’envoyer aux petites maisons , au lieu
d’admettre sa plainte. Eh bien! c’est exactement la même
chose, c’est le vrai langage de Lasteyras.
Il a souscrit la Itttre de change , il l’a souscrite pour sa
valeu r; mais elle étoit payable en 17 9 1, au lieu <£étr&
payable en 1797 : voilà le fdit de faux.
Mais, s’il en étoit ainsi, ce changement n’auroit été fait
que poüraméliorersa condition, en reculant son payement
avec perte d’intérêt pour moi. Pourquoi donc se plain
d ro n t-il?
Ces moyens sont sans réponse, mais de plus puissanseor
ore sV réùnisseuU
�•
y
Je déiiientre d’abord que l’état physique de*ïa lettre de
Change, dépose contre.son infâme supposition. J*établis
que le mot d ix - sept n’a pu être intercallé dans la place du
mot on se 5que IV dans lé mot onse , est liée sans distance ;\
1’>1 dè la première syllabe on, tandis que IV dans le mot sept,
est drstinctemont séparée du mot dix\ d’où il résulte que les,
deux mots dix-sept n’ont pu être composés du mot onse,
E t d*aill'eu?*s la preuve du fauxseroit impossible, il faur
d roit trouver des témoins.en étal de d é p o s e r que la lettre
de change étoit différente autrefois de ce qu’elle est aujourd-'liui. Toute autre preuve seroit nulle, pour établir l’al
tération , parce qu’il ne suffît pas qu'un délit pût être,
com m is, il fa u t que la preuve en soit acquise : voilà donc
ce premier système anéanti.
Mais il circule que Lasteyras, ne pouvant le soutenir, se
rejette à soutenir que tout le corps de*la lettre de change
est faux ; que la prem ière écriture a été enlevée avec des
ea u x corrosives, et qu on y a substitué une lettre de.
change , et c’est la couleur, la siccité du papier qui fournit
ce moyen.
Mais l’on a observé que la couleur rousse du papier, pro
vient , i°. de son état de pourriture : elle produit cet effet ;
20. de là colle dont je me suis servi, pour mettre une dou
blure à la pièce dans sa partie la plus altérée : on peut
éprouver cet effet de la colle, sur-d’autres papiers.
30. Lasteyras lui - même , qui connoissoit ou par lui ou
par son défenseur , ce daogercux secret, rélégué autrefois
dans les couvens des moines, de l’effet de leau forte, a
anuoncé lui-même que le papier que l’on a soumis à soû
�t 22 )
action, perd par elle sa colle et sa consistance, qu’alors l’oncre s’épate. M ais, i° . la pourriture et l'humidité du papier
produisent le même effet, En second lieu , toute l’écriture
de la lettre est d'une forme très-déliée, et qui ne ressemble
à rien moins qu’à ce qu’elle devroit être d’après Lasteyras,
ce qui prouve que l’avarie du papier a été postérieure A
l’écriture , au lieu d’être antérieure,
A l’égard de la siccité du papier et de sa facilité à casser,
elle dépose contre l’assertion de Lasteyras, par des consé-.
quences tirées de l'effet qu’il attribue à l’eau forte.
En effet, si l’effet de son action est de décoller le papier ;
au lieu de le rendre cassant, elle doit le rendre souple ; au
lieu de le dessécher, elle doit l'impregner d’humidité.
Que l’on prenne du papier sans colle, en vain on le pliera
en différens seps, non seulement il ne cassera pas, mais au
contraire les plis que l’on aura faits, ne conserveront
pas d’impression,
La colle, au contraire, rend cassant tout ce qui en est
im prégné; c’est ce qui donneaux étoffes, ce que l’on appelle
Vapprêt, et qui les fait couper.
La siccité du papier de la lettre de change, prouve donc
qu’il n’a pas subi l’action de l’eau forte.
Il seroit sans doute trop dangereux pour la société de
pousser plus loin des expériences sur cette liqueur, dans
lin écrit qui doit devenir public ; mais on en peut faire sans
danger sur du papier qui auroitsubi une longue humidité,
même celle de la cave ; qu’on le dessèche h la faveur d’un
feu actif; alors il deviendra ce qu’est le papier de la lettrç d^
phanie.
�. ^
C *3 )
r
'
Toutes'les expériences que l’on pourra faire, donneroht
Ce résultat, et ne pourront qu’être utiles, puisqu’elles ap
prendront les moyens dé'parer à un accident, sans tomber
1 dans un inconvénient contraire.
Mais.qu’esl-il besoin de recourir à des épreuves et des ex
p é rie n c e s physiques? la lettre de change ne dépose-t-elle pas
par elle-même, qu’elle n'a jamais été changée ni altérée, et
» ne donne-t-elle pas le droit incontestable de soutenir que le
“ fait articulé n’est pas pertinent ?
En efîet'le citoyen Lasteyras, ce qu’on ne doit pas perdre
' de v u e , rcconnoît que l’approbation et la signature de la
lettre de change sont sincères.
"
O r l’approbation n estpasuiiede cessimples approbations
banales, qui s’adaptent à toutes sortes de conventions.La
voilà : jBonpouYla somme de deux mille quatre-vingt-dix
livres dix-sept sous , montant de l a l e t t r e d e c h a n g e
c i - d e ssu s .
1
Il est donc vrai que le ci-dessus de cette approbatiûn est
une lettre de change, et une letttre de change de deux m ille
quatre-vingt livres dix-sept sous.
•
•1‘
Comment, après une telle approbation, peut-on sup- poser que l’écrit étoit dans le principe tout autre ch osa
■qu’une letlre de change. On veut donc que 'cette approba^ tion n’ait aucunèrvaleur ? N’est-ce pas le comble de l’absur
dité, de ‘vouloir supposer lé contraire de ce que Lasteyràs
atteste hii-mêrne.
Q uoi, l’on veut faire dire, par des Experts et par des ténioiris, le contraire de ce que dit cet écrit reconnu etaVoiié !
' on veut chercher dans la possibilité de c o r r o d e r ou d en
lever une écriture, la conviction que ce délit existe, tandis
�IHi)
que le papier sur lequel on suppose qu’il a ét&commfs,
atteste qu’il n’existe pas, et que cette atestation est celle de
•.•Lasteyras lui-m êm e, -et qu’il la;reconnoît pour telle ?
Quel est l’homme qui se sera,garanti de la prévention
dont on cherche^ circonscrire cette affaire, et qui peutêtre est alimentée par beaucoup de circonstances défavora
b le s , parce qu’elles ne sont pas épurées .par la discussion ;
’et qui voudra donner à des preuves acquises par la science,
souvent fautive et toujours incertaine des experts, la pré
fé r e n c e sur »une preuve toujours infaillible d’un écrit.
Il
n’en est pas d’une, preuve écrite comme d’une preuve
ou testimoniale ou expérimentale. L ’une est irréprocha-»
b le , autant qu’invariable ; -l’autrei au contraire, peut
présenter mille .motifs de suspicion et de contredit.
.Quel expert-même auroit assez-de hardiesse pour oser
• affirmer que la pièce dont il s’agit n’est qu’une pièce fausse
et fabriquée, et qu’elle n’étcit point auparavant une lettre
>~de change,, tandis q u ’elle atteste elle-même qu’elle en étoit
une. Bon pour
somme-de deux mille qmitre-vingUdix
livres, montant do ladite lettre de change ci-dessus. ,
*Ali !que l’oo mette cet écrit entre les mains d’un homme
reconnu , pour être lo plus, grand des; scélérats, et elle pro
duira tout» son effet. Dirart-on qu’elle pou voit être, con
sentie'au profit de tout autre que <le moi ? Mais-alors il
eût 6uffi de supprimer leprem ier nqm , et d ele remplacer
par le mien.
Mais décrit de 179 3, dont oti a vu la teneur, ne vient: il,pas à l’appui de la lettre de change; n’en icst-elle pps
le duplicata ? Il l’est "si bien , qu ’il nfauroit suffi sans-son
.fiucofirs, pour forcer-Lasteyras à m’pfi payer lji valeur.
Cet
�(25)
Cet écrit est universellement connu; Lasteyras ne l’atta*
quoit pas dans ses plaidoieries. Ne fait-il donc pas disparoître tous les doutes qui pourroient naître de l’état du pa
pier de la lettre de change.
Que diroit-on d’un homme qui argueroit de faux un
'écrit, même avec les meilléurs prétextes, s’il n’en attaquoitpas le double qui seroit rapporté?
1■
Eh ! qu’avois-je besoin de mé faire de's titres de créance
contre lui? Sans les lettres de change que j’ai adhiréës, j’en
ai pour dix mille livres,rqui n’ont souffert aueuîne altéra
tion (i). U me dpit plus'de 5ooo ^ pour'vacatibns pour lës’quelles j ’ai, ou ses pièces,'ou des recomioissahees. Et j?jri
fait deux voyages eii la ville de Paris', en vertu de prôcu^
rations notariées, appuyées de ses lettres (2}. Et pour ¡tôtit
•cela une insolvabilité notoire fait toute m!a ressource. ’ ! 1’
A ]«j vérité il désavoue ses procurations et ses arrêtés
cle compte : mais il ne peut désavouer les procédures dont
je suis porteur, et cependant il nepaye rien. L e beau débi
teur que j’ai là ; il vaut bien Ja peine qu’on se fasse contre lui
des titres de créance.
•*
'
A tous ces moyens que peut-on objecter1? L ’étal delà
lettre de change : mais fut-elle en lambeaux, accablée de
surcharges, l’approbation en toutes lettres, de la main de
( 1 ) Q u an d il en absorberoit la m oitié par des indem nités, il
ïn ’ en resteroit en core assez.
(2) Dans une de scs le ttre s , il m e prie de ne^pas qu itter Pari?,
Jusqu’à ce que j’aurois obtenu des arrêts. E!!e est du I er* août.
D t dans u n e autre du 10 o c to b re , il m e prie de continuer mes
coins , et de 11e rien épargner. Q u ’il in c produise maintenant ^ c i
q u ittan ces,
‘
■
1
11
�X 'M ')
Ln*ïtdyras, couvre tout; ¡parce-que toute .s«'valeur ¡s'etiran t Je
»on approbation, c’est elle qui fuit le titre.; ejjle doit servir
contra m nnia te la , et ¡cei-écrit,de 17,93 «’est 'qu’wn itüutf
surabondant.
. • . i> • . ■
- , 1 ■,
îi,.Si UKMS irapprochous;Mwinte®,ant -tau*. ces mayenside la
cand uite dé Lasteyras „ rde ses na^uveme.ns ,poqr ^bteair
du temps, inon refus-de proadre de iiouw.ayx effets m*i6ignés du fils, la cojivictiüii ne devienit—elfe pas Rurabjoudante?
>
)
Mais de nouveaux ennemis , dit-rom,, .paraissent ,sur ¡1?.
.scène.; d’autres titres viciés vieniientrà l^ppui .d.e L^^teyrag,
•Quels sont-ils donc ces .nouveaux .athlètes ? L e citoyea
Chànipetières/que .j’ai convaincu deimauvaisefoi ,>par
yrqpres .lettres .(1?), dans deux plaidoioriesiauthentiquesau
tribunal de ¡commerce de Clorrnont ;>que .j’ai fait condanirn e r, par. un jugem en t.contradictoire susceptible d'appel, et
^ u ’il s’empressa d’exécuter.
,
>
_ X#a citoyenne .Bidon qui a traité .avec moi après ■coru;testatiousen.cause.auriitres vus , de .main puivéc et .nota
riés ; qui suppose aujourd’hui l’existence dîun autre billut
ideidix uiiile;li.vres ¡pour avoir-le plaisir de ;leiCQinbattre,
«tandis que notre traité, embrasse Je hiU<ït de ,17.9o yut¡tous
>autms titres que je pourrais avoir.
,
( 1 ) ,Je p ro u va i par ses lettres, q u ’il m ’ avo it e n v o y é d e -P o m a is e
la le ttre de ch an ge qu’il c o n t e s t o it , et ra p p o r ta i.u n p r o t ê t
i j ( p qui étab lit la p réexisten ce d’ une a u tre lettre de ch a n g e à
celle de 1 7 9 1 . 'L e.m ênie! lio n u n e ne m ’a p a y é qu ’ en 179 7 un biljçt
d / ce n t s o ix a n te -s ix livres de l’an n ée 1774. Il m e fait p laid er
. »aujourd'hui p o u r "des v a ca tio n s qui rem o n te n t à la inOnje époque;
et il m ’ oppose un billet q u ’il disoit adhiré et d o n t j’ai la q u itta n c e .
�( 27 )
La citoyenne Arnoud qui désavoue comme faux un
billet qu’elle dit ne pas connoître.
L e citoyen Tailhand se plaint du payement d’un billet de
360# lui que j’ai tenu quitte, sur la fin de l'an deux,pour
1 5 0 # en assignats d’une somme de 300
qui m’étoit due
en numéraire.
Jusqu’à la citoyenne Gallet : cette femme si connue vient
faire masse contre moi ; elle qui s'est rendue coupable de
stellionat à mon égard, en me donnant en 1783 , en paye
ment d’une dette légitim e, une créance qu’elle avoit tou
chée dès l’année 1766 ; et qui, conseillée par des grugeurs,
répondit à ma réclamation par une plainte sur laquelle per
sonne n’a voulu plaider.
Mais s’ils sont dénonciateurs, aux termes de la loi ils ne
peuvent être témoins; et s’ils ne sont que témoins, que peu
vent avoir de commun leurs dépositions avec l’affaire de
Lasteyras.
Quelle ne doit donc pas être ma confiance, puisque, non
seulement la pièce arguée de faux, ne présente aucun indice
de ce crime, mais qu’encore elle dépose elle-même de sa sin
cérité, et qu’il est impossible qu’aucun autre genre de preuve
p u i s s e la combattre, et que cependant l’instruction qu’on
trouve à la suite de l’article 257 du titre 3 de la loi du 3
brumaire, an quatre, exige defo r te s présom ptions, des
preuves déterm inantes, pour provoquer la décision des
ju r é s , pour l'adm ission de l'acte d’ accusation.
À R IO M , DE
L’ I M P R I M E R IE D E
L A N D R IOT.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boisson, Louis. 1798?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
faux
lettres de change
subornation de témoins
prise de corps
offices
témoins
assignats
tribunal de commerce
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire justificatif, pour Louis Boisson, aîné, citoyen de la commune de Riom ; Sur une plainte en faux, rendue contre lui, par Lasteyras.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1798
1770-1798
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1628
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
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Domaine public
Relation
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assignats
Faux
lettres de change
offices
prise de corps
subornation de témoins
témoins
tribunal de commerce
-
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MÉMOIRE
POUR
Sieur
A n to in e
C H A L I E R , propriétaire, habi
tant du lieu de Brassac, appelant et intimé ;
CONTRE
S ie u r J e a
n
F E U I L L A N T
a î n é , n é g o c ia n t ,
h a b ita n t du lieu de B r a s s a g e t , in tim é et appe
la n t.
L E sieur Chalier a été employé par le sieur Feuillant
pendant six années, en qualité de ch ef-d irecteur des
mines de h ouille ou charbon de terre; il a veillé exclu
sivement à l’exploitation de ces m ines, depuis le 16 plu
viôse an 2 jusqu’au 7 fructidor an 7 : il a employé toute
sa jeunesse ù ce travail pénible ; et consultant plus son
zele que ses fo rce s, il ne s’occupoit que des i n t é r ê t s de
son commettant, qu’il rcgardoit comme son a mi , e t qui
A
%
�lui témoignoit la plus intime confiance. Chargé de tous
les détails , il faisoit de continuelles avances ; et aujour
d’hui que les affaires du sieur Feuillant ont cessé de pros
pérer , qu’il n’a plus besoin de directeur , puisqu’il n ’a
plus de mines à exploiter , il oublie les services, et ne
témoigne que de l’ingratitude à celui qui l’a si généreu
sement obligé.
L e sieur Chalier est contraint de plaider pour le paye
ment de ses'gages. L e sieur Feuillant, après avoir reconnu
sa dette , après avoir présenté à ses créanciers l’état de
ses affaires, porte lui-même la créance du sieur Chalier
à la somme de 14000 francs, dans un état où on ne doit
point grossir les objets. Il ose prétendre aujourd’hui que
ce n’est qu’un jeu , qu’il ne doit rien au sieur Chalier;
ou du m o in s, s’il est obligé de convenir qu’il a employé
le sieur Chalier
la direction de ses m in es, il voudroit
le réduire au-dessous de ses derniei's ouvriers.
Il ne s’agit que de savoir si le sieur Chalier doit être
convenablement payé de ses peines et de ses soins, quels
seront ses appointem ens, et si le sieur Chalier sera rem
boursé de ses avances. Une question aussi simple a donné
lieu ù une longue discussion. Des arbitres ont été nom
més ; quatre jugemens ou arrêts sont in terven u s, et
n’ont rien terminé : à la suite, une procédure énorme
qu’ il est indispensable d’exam in er, el qui d o n n e r a lieu
à d’assez grands détails; mais on sera au moins convaincu
que la demande du sieur Chalier est juste, que le sieur
Feuillant 11’a opposé jusqu’ici rien de plausible, et qu’il
a souvent substitué le mensonge à la vérité.
L e sieur F euillan t, fort connu dans ce département,
�( 3 },
possédoit des mines de liouille très-considérables, à. Brassac.
Ne pouvant suffii’e aux travaux immenses qu’exigeoit
l’exploitation de ses mines , il fît choix du sieur C h a lie r,
pour l’employer comme chef-directeur. Les appointemens
du sieur Chalier furent fixés à une somme de 2000 fr.
par an : ces appointemens ne paraîtront pas considérables
à ceux qui connoissent les difficultés, le danger, et 1 éten
due des travaux du chef-directeur.
Ils ne paroîtront point exagérés , lorsqu’on saura qu’en
1763 et 1764 , la compagnie qui exploitoit alors , et
q u’on connoissoit sous le nom de compagnie de P a r i s ,
«voit fixé les appointemens du sieur R o u x , directeur,
à une somme de 800 francs par année ; plus , 72 francs
pour son lo yer, 3 francs par jour en voyage , et en outre
les frais de bureau. Cependant alors les mines n’étoient
pas en pleine activité ; et indépendamment du directeur
il y avoit encore à résidence sur les lieux un associé de
la com pagnie, qui veilloit à l’exploitalion.
I/exactitude et l’intelligence du sieur Chalier lui m é
ritèrent la plus intime confiance du sieur Feuillant. Il
s’ identifia tellement avec son commettant, qu’il se chargea
de toutes les affaires : l’exploitation des mines , les biens
ruraux, les commissions, les voj'ages, la discussion des affai
res contenticuscs , rien ne fut étranger au sieur Chalier. Il
poussa la complaisance jusqu’à compromettre sa personne,
emprunta ou cautionna sous lettre de change , et fut
souvent poursuivi dans les tribunaux de com m erce, pour
le compte du sieur Feuillant.
C ’est depuis le 16 pluviôse an 2 que le sieur Chalier
a commencé son exploitation ; il l’a continuée jusqu’en
A a
�V
fructidor an 7 , et n’a rien touché sur ses appointe
nt ens.
Les affaires du sieur Feuillant se dérangèrent bientôt ;
et quoiqu’il eût de grands moyens pour les faire pros
p é r e r , il se vit cependant obligé de prendre des arrangeniens avec ses créanciers. Il convoqua une assemblée,
gén érale, et présenta l’état de son actif et de son passif,
le 10 messidor an 7 ; suivant cet état, le passif excédoit
l’actif d’ une somme de 98711 francs 75 centimes.
L e sieur Chalier figure dans cet état ; il est porté par le
sieur Feuillant au rang des dettes chirograpliaires éclmcs,
comme créancier d’ une somme de 14000 francs.
Il paroît cependant qu’ il fut proposé des nrrangemens
avec les créanciers. L e sieur Feuillant fils aîné vint au
secours de son père ; on ne donna alors aucunes suites
au contrat d’union qui étoit proposé : de sorte que l’état
des biens, présenté par le sieur Feuillant, fut mis à l’écart,
et déposé secrètement entre les mains d’un tiers, fondé
de pouvoir du sieur Etienne Feuillant fils.
L e sieur C halier, dans ces circonstances, voyant qu’on
ne s'occupoit pas de l u i , mais ayant grand besoin des som
mes qui lui étoient dues, épuisa sans succès tous les procé
dés pourles obtenir, lise vit dans la nécessité de traduire le
sieur Feuillant devant les tribunaux; et s'il a voit eu dans les
m ain s, ou s’il avoit pu découvrir le bilan du sieur
Feuilkml père , il auroit eu 1111 litre qui constituoit sa
créance, et n’avoit pns besoin d’autre explication. Mais
dépourvu de ce m o y e n , le sieur Chalier fit assigner, par
exploit du 26 ventôse an 10 , le sieur Feuillant devant
le tribunal de commerce d’Issoirc : il conclut à ce que
�41
(5),
îe sieur Feuillant fût condam né, par prise de sa personne
et biens, à lui p a y e r, i ° . la somme de m i 6 francs
65 centimes, pour les appôintemens qui lui étoient dûs
en qualité de ch ef-d irecteu r des m in es, depuis le 16
pluviôse an 2 jusqu’au 7 fructidor an 7 , à raison de
2000 francs par a n , ainsi qu’ il en étoit convenu.
2°. A lui rembourser la somme de 1284 fr.
cent.,
pour avances par lui faites en numéraire, depuis le mois
de nivôse an 4 jusqu’au 1e1'. irucLidor an 7 , déduction
faite des sommes reçues pour cet emploi du sieur Feuillant,
ainsi q u ’il étoit contenu aux registres qui sont au pouvoir
du sieur Feuillant, et qu’il seroit tenu de représenter en
cas de désaveu de ces avances.
30. A u payement de la somme de 300 fr. que le sieur
Clialier a voit acquittée, au mois de germinal an 8 , à la
dame G renier, veuve V issac, de Brioude, en déduction
de plus forte somme due par le sieur Feuillant.
4°. A u remboursement de 2 fr. 5o cent., pour la valeur
d’ un livre journal servant à transcrire les ventes sur le
carreau de la m in e, pendant l’an 7.
5°. A u payement de 407 fr. 90 cent, avancés par le
sicnr C lia lier, pour le compte deF eu illan t, dans l’exploi
tation de la mine de la Pénidrc.
6°. L e sieur Clialier conclut encore au remboursement
d’ une somme de 302 fr. 36 cent, qu’ il avoit été contraint
de payer pour Feuillant à la dame T h o n a t , de Brioude,
pour vente et délivrance d’avoine qu’ il avoit reçue pour
le compte du sieur F euillan t, et qu’ il avoit fait consommer
p<>r les chevaux de la mine des Barthes , depuis le mois
de nivôse an 7 } y compris les frais de poursuites de la
dame Tlionat.
°*-
�m
L e sieur Chalier demanda les intérêts de toutes ces
sommes réunies, à compter du jour de la demande; il
conclut aussi à ce que le sieur Feuillant fût tenu de le
garantir et indemniser des poursuites dirigées contre lui
par Pierre P o u g e o n , ainsi que par différens autres crénnciers. Mais ce chef de conclusions n’a plus d’objet ; le sieur
Feuillant s’est rendu justice , et a payé les créanciers. L e
sieur Chalier a obtenu sa décharge; et le sieur Feuillant,
en acquittant ces différentes som m es, a déjà reconnu la
légitimité des demandes du sieur Chalier.
U n premier jugement par d éfau t, du 2 germinal an 10,
adjugea les conclusions du sieur Chalier. Sur l’opposition,
le sieur Feuillant déclina la juridiction des juges du tri
bunal de commerce ; mais ne comptant pas infiniment sur
ce déclinatoire, il soutint au fond qu’il n’avoit été rien
réglé relativement au traitement du sieur Chalier , tout
en reconnoissant que ce lu i-ci avait eu la direction de
ces m ines. Il prétendit que le traitement ne pourroit pas
aller au quart de la somme demandée. Il ajouta que le
sieur Chalier avoit reçu différentes sommes à compte de
ses appointemens ; que celui-ci lui devoit compte de sa
régie et administration des mines; qu’il avoit été fait des
ventes et délivrances de charbon , dont le sieur Chalier
avoit touché le prix sans en avoir compté ; et alors le sieur
Feuillant conclut à ce qu’il fût procédé à u n compte
entre les parties, devant les arbitres qui scroient nommes
par elles 11 cet effet.
11 conclut encore à ce qu’ il fût nommé d’autres arbi
tres , pour régler les appointemens du sieur Chalier pen
dant son administration.
�(7 )
L e sieur Feuillant déclare en même temps qu’il nomm o it, sa v o ir, pour la fixation du traitement, le sieur
B u rea u , instituteur à Nonette ; et pour le compte de la
régie, le sieur L o u y r e tte , propriétaire , de Clermont.
Si le sieur Chalier avoit eu dans les mains le bilan p ré
senté par le sieur F e u illa n t, il auroit eu un titre qui
iixoit sa créance, sans qu’il fût besoin d’autre examen. Mais
ne pouvant se le procurer, et d’ailleurs ne l’edoutant point
un co m p te, il déclara qu’il nommoit pour son arbitre ,
sur le premier objet, le sieur J u g e , aujourd’hui maire
de Clerm ont; et pour recevoir le com pte, le sieur Jansenet, notaire, de Brassac.
U n jugement du 27 floréal an 10 donna acte aux par
ties de ces nominations ; ordonna qu’il seroit procédé au
compte au plus tard dans le courant du mois de prairial
suivant, et qu’à cet effet tous livres journaux , registres
et documens, seroient remis aux arbitres, p o u r, le compte
présenté, rapporté , être fait droit aux parties à la pre
mière audience du mois de messidor.
L es sieurs Louyrette et Juge refusèrent la commission.
U n nouveau jugement du 23 thermidor an 10 confirma
la nomination faite par le sieur Chalier du sieur R eynard,
et celle du sieur B orel-Y ern iè re, faite par lesieur Feuillant.
Ces arbitres réunis, le sie u r Feuillant leur remit différens journaux et registres de dépense et de recette ; p lu s ,
deux tableaux de com pte, avec les pièces justificatives,
lequel compte embrassoit jusqu’à l’époque du 5 com plé
mentaire an 6. Les arbitres constatent, par leur procès
v e r b a l, que ce premier compte fut approuvé par toutes
les parties. Suivant ce compte , le sieur Chalier devoit
�(
8)
faire raison de 2000 fr. assignats, q u i, réduits à l’éclielle,
présentent la somme de 108 fr.
Mais pour les opérations subséquentes, depuis le 5 com
plémentaire an 6 , les arbitres, qui n’étoient chargés que
du compte de la régie et de l’administration des m ines,
s’expriment ain si, pages 98 et suivantes de leur rapport:
k Dépouillem ent fait des registres, soit de recette, soit
« de dépense, énoncés dans le compte du sieur Chalier,
« lions en avons trouvé le résultat ex a ct , quant au
« ca lc u l, et avons paraphé ledit compte 11e v a rietu r, pour
cc demeurer joint à la minute du présent ra p p o rt, y avoir
« recours au besoin, et être mis sous les yeux du tribunal.
« Il résulte de cc compte, que le sieur Chalier se p ré« tend créancier du sieur Feuillant d’une somme de 1661.
cc 18 s. 8 d. assignats ; et pour avances en a r g e n t, d’une
cc somme de 1995 1. 2 s. 11 d . , sous la réserve des I10110cc raires qui peuvent lui être dûs, et que le sieur Feuillant
cc lui conteste. »
Il paroît bien extraordinaire que les arbitres , après
avoir reconnu l’exactitude des calculs et du résultat, et
l'avoir vérifié sur les livres de l’ccctlc et de dépense , se
contentent de dire que lesieur Chalier se prétend créancier.
C ’étoit un f a it , et non une question ; mais ce 11’est pas
la première preuve de partialité des arbitres envers le sieur
Feuillant; et leur manière de s’exprimer 11’est pas cc qui
établit le doute , dès que l'exactitude du résultat est re
connue et appro uvée; , et 11’a pas été contredite par le
sieur Feuillant. V o ilà le sieur Chalier établi créancier
d’une somme de 199^ ^ 2 s* 11
>110,1 compris la somme
de 300 fr. à lui due pour le payement fait ù l ’acquit du
sieur
�(?)
sieui’ Feuillant h. la clame Vissac , de B r io u d c , et que le
sieur Chalier a également réclamée lors du compte.
L e rapport des arbitres fut déposé au greffe; mais ceux
nommés pour fixer le traitement du sieur Glialier n’ayant
pas voulu s’occuper de leur mission, le sieur Chalier fut assez
heureux pour découvrir dans cet intervalle le bilan que le
sieur Feuillant avoit présenté à ses créanciei*s. Il apprit
que ce bilan étoit entre les mains du sieur Etienne B ayle,
marchand orfèvre de Clermont, et en requit le dépôt chez
Chassaigne, notaire.
L ’acte de dépôt est du 14 nivôse an 12. C ’est alors que
le sieur Chalier vit de nouveau qu’il étoit porté au rang
des dettes chirographaires échues, comme créancier de
la somme de 14000 francs, et c e , sans observations, ni
aucune note qui donnât lieu à des doutes ou à une dis
cussion. Cette somme cadroit parfaitement avec celle due
au sieur Chalier pour ses appoinlemens, d’après la con
ven tio n , ainsi que pour les avances par lui réclamées,
sauf quelque petite différence qui sera bientôt expliquée.
E n conséquence, et par nouvel exploit du 19 floréal
an 1 2 , le sieur Chalier fit assigner le sieur Feuillant
devant le tribunal de commerce. Il exposa qu’au moyen
de sa découverte , le jugement préparatoire du tribunal
devenoit inutile; q u’il n’auroit même jamais été rendu
si le sieur Chalier eût pu mettre sous les yeux du tri
bunal , lors de la plaidoirie , la reconnoissance formelle
de la dette, faite par le sieur Feuillant lui-m em e, dans
un état où on ne pouvoit rien dissimuler ; et que la plus
légère omission, ou la plus petite augmentation du passif,
�,
►
V .
( IO )
feroit déclarer frauduleux. 11 renouvela ses conclusions
au p rin cip a l, et en demanda l’adjudication,
v L e sieur Feuillant, fort embarrassé de répondre, sou
tint que le bilan du 10 messidor an 7 n’avoit été suivi
d’aucun acte avec Chalier ; il prétendit qu’il ne pouvoit
en exeiper; que rien ne pouvoit arrêter l’exécution d’ un
jugement préparatoire auquel les parties avoient ac
quiescé ; et que dès qu’il avoit été jugé que le sieur
Chalier devoit un c o m p te , il étoit toujours tenu de le
rendre.
C ’étoit assez mal raisonner de la part du sieur Feuillant.
D ’après la loi du 3 brumaire an 2 , aucune des parties
ne pouvoit se pourvoir contre un jugement préparatoire;
il falloit nécessairement l’exécuter. Mais aussi il ne pouvo it en résulter aucun acquiescement ni approbation
préjudiciables.
Sur ces moyens respectifs, in tervin t, le 13 messidor
an 12 , un jugement qui condamne Jean Feuillant à payer
au sieur Chalier la somme de 2297 francs 5o centimes,
pour le remboursement des avances, et celle de i 65o fr.,
pour le montant des gages de cinq années six m ois, à
raison de 300 francs par années ; aux intérêts de ces
sommes depuis la demande, et en tous les dépens. Les
juges de commerce ont pensé , i°. qu’il ne résultoit du
rapport des arbitres aucun renseignement satisfaisant;
2°. que le traité ou bilan , du 10 thermidor an 7 f donnoit au moins ¿1 Chalier la qualité de créancier, et que
cette qualité ne pouvoit pas être méconnue. Cependant,
suivant e u x , ce traité ne forme pas titre, parce que
�( 11 )
Feuillant ne l’a signe que sauf erreur ou omission; d’ail
leurs Je dépôt de cet acte a été fait à l’insçu de Feuillant,
et sans son aveu.
A in si les juges de commerce reconnoissent bien que la
qualité de créancier est certaine, mais ils disent que la
qualité de sa créance est incertaine. Ils trouvent que le
sieur Chalier exagère sa prétention sur sou traitement;
mais ils sont convaincus que les avances réclamees sont
suffisamment justifiées par le relevé des livres journaux
produits aux arbitres. T elle est l’analise des motifs qui ont
déterminé les premiers juges.
Mais vouloir fixer les appointemens d’ un directeur des
mines ù une modique somme de 300 francs par année,
sans nourriture ni logem en t, c’est avilir des fonctions aussi
utiles que pénibles, et qui exigent des soins continuels et
exclusifs ; c’est enfin rabaisser le directeur au-dessous des
derniers ouvriers, puisque le maître m in e u r a v o it7 2 0 fr.
d’appointemens par année, et le maître charbonnier une
somme de 600 francs aussi par année.
L e sieur Chalier ne balança donc pas à se pourvoir par
appel contre ce jugem ent, en ce qu’il fixoit scs appointe
mens à cette modique somme de 300 francs. D e son côté ,
le sieur Feuillant se rendit appelant du même jugement;
et sur ces appels respectifs intervint, le 29 frimaire an 14 ,
arrêt contradictoire en la cou r, dont il est important de
connoître les motifs et le dispositif.
« E11 ce qui touche- le com pte, attendu que de son aveu
« le sieur Chalier doit compte de sa régie nu sicui*
« Feuillant, et que pour les opérations de ce compte
« les parLies ont été renvoyées, de leur consentement-,
13 2
�sur la demande expresse de C h alier, p a r-d e v a n t des
arbitres, par le jugement du 4 prairial an 10 ;
« Attendu qu’en exécution de ce jugement les parties
ont en effet nommé des arbitres à qui les comptes ont
été présentés ; que les arbitres ont vérifié, sur les pièces
justificatives, le compte de l’an 2 , jusques et compris
le 5 complémentaire an 6; que ce compte a même été
reconnu et accordé par les parties, en présence des
arbitres; mais qu’il a été impossible à ces derniers de
procéder de môme à la vérification du co m p te, depuis
le 5 jour complémentaire an 6 , jusqu’à la cessation de
la régie de C h alier, à défaut de représentation des
pièces justificatives ;
« Attendu cependant que les pièces justificatives doivent
etre entre les mains de Chalier, à l’exception des regis
tres représentés par Feuillant, qui déclare n’avoir reçu de
Chalier que les registres dont son fils a donné récépissé ;
« Attendu q u’il est avoué par Chalier qu’il a effecti
vement pris un x*écépissé des pièces remises aux sieurs
Feuillant père et fils, et qu’il ne rapporte ni n’offre
aucunes preuves de son allégation, que ce récépissé lui
a été retenu par les Feuillant, lorsqu’il est venu leur en
demander un plus régulier, sans qu’ ils aient voulu ni
le lui rendre, ni lui en donner un autre ;
« Attendu que s'il en cuL été ain si, il est peu vraisem
blable que Chalier n’en eut pas rendu plainte, ou encore
mieux lait dresser procès verbal d’ un lait de cette
nature , qu’ il dit s’être passé en présence de plusieurs
personnes, et du juge de paix de Brassac, que luimème a voit fait appeler ;
�( ï3 )
« Attendu cependant qu’ il n’est pas possible d’apurer
« le compte, jusqu’à la production des pièces justificatives ;
» « Attendu aussi que tout comptable étant présumé
« débiteur-jusqu’à la présentation de son com pte, et le
« rapport des pièces justificatives, il y a lieu de suspendre
« la liquidation des créances personnelles du sieur Chalier;
« Attendu enfin qu’il est articulé par Chalier, que
« Feuillant tenoit un livre de raison qui pourroit ser« vir à l’éclaircissement du com pte, et tenir lieu des
« pièces justificatives ; ce qui a été désavoué par Feuil« faut, q u i a déclaré 11 avoir tenu en son p articulier
« d'autres livres que celu i des ventes et recettes q u i l
« fa is a it lu i-m êm e, des charbons conduits au port, et
« em barqués su r la rivière.
« En ce qui touche la demande en fixation des gages
« ou salaires;
« Attendu que par le jugement du 4 p ram al an 10,
0 les parties avoient été, de leur consentement, renvoyées
« par-devant des arbitres;
« Attendu qu’en exécution de ce jugement, les parties
« ont fait choix de ces arbitres;
« Attendu que ce jugement n’a pas été exécuté d’après
« l’idée que s’étoit formée Chalier, de trouver dans l’état
« des dettes de Feuillant la fixation d’une somme déter« minée qui le constituoit créancier;
« E t attendu que le jugement du 4 prairial an 10 sub« siste dans toute sa force,
« La cour ordonne avant faire droit, et sans préju« dice des fin s, qui demeurent respectivement réservées,
« que dans le délai d’ un m ois, à compter de cc jo u r,
« les parties se retireront par-devant Janseuet et Borel-
�( 14)
« V ernière, arbitres par elles précédemment choisis pour
«
cc
«
«
«
«
«
le com pte, à l’elïct d’y faire procéder à lu vérification
et ù l’apurement du compte de la régie de Clu lier,
depuis le 5 complémentaire an 6 jusqu’à la fin de sa
r é g ie ; lors duquel com pte, Feuillant rapportera les
registres qu’il a reçus de Chalier, et ce dernier rapportera aux arbitres toutes autres pièces justificatives de
son compte. Ordonne aussi que Feuillant rapportera le
« livre journal q u i l a avoué avoir tenu pour les ventes
« et recettes des charbons conduits au port.
« La cour ordonne également que par Bureau et Rey«
«
«
«
«
«
nard, arbitres choisis par les parties, il sera procédé dans les mêmes délais d’un mois, à compter de ce jour,
à la fixation et règlement des gages et salaires revenant
à Chalier , dans la proportion de ses services, de sa
capacité, et de l'usage pratiqué p a r rapport à ce genre
de-tra va il; p o u r, après le compte et fixation de sa-
« laircs, ou faute de ce faire, être fait droit aux parties,
« ainsi qu’ il appartiendra , dépens réservés. »
Cet a rrê t, comme on le v o it, est rendu sans préju
dice des f in s ; mais il faisoit une grande leçon aux ar
bitres, et leur recommandoit surtout d’être justes.
E t comment espérer un examen im partial, lorsqu’il
est notoire que le sieur Borel est le conseil habituel du
sieur Feuillant ; lorsqu’ il est prouvé que Borel a été le
défenseur de Feuillant, devant le tribunal de première
instance de B rioude, dans une demande formée par ce
dernier, contre le sieur Chalier, à l’eliet d’obtenir la main
levée des inscriptions de celui-ci?
L e sieur Chalier l’observa au sieur B o r e l; il lui re
présenta qu’il étoit le conseil habituel du sieur Feuillure,
.
�( *5 )
qu’il y avoit intimité et fréquentation continuelle entre
eux. Feuillant ne logeoit point ailleui’s que chez B o r e l,
lorsqu’il alloit i\ Brioude. Enfin l’indiscret Feuillant s’étoit
vanté q u 'il auroit toujours raison avec B o r e l, et q u 'il
était sûr d'une décision fa v o ra b le.
L ors même de la discussion, et du procès verbal fait
en exécution de l’arrêt de la cou r, le 23 janvier 1806,
Borel avoit eu assez peu de pudeur pour rédiger ou
corriger les dires et réponses de Feuillant.
L e sieur Chalier fit ses représentations; et il en avoit
le droit. Malheureusement il arrive tons les jours que
les arbitres sont plutôt des défenseurs que des juges. Il
y a tant d’exemples funestes d’intérêts sacrifiés par l’igno
rance ou la prévention , qu’on doit espérer qu’une loi
bienfaisante, ou supprimera les arbitrages, ou au moins
les assujétira ù une révision rigoureuse des juges supé
rieurs. Une clameur universelle réclame ce grand acte
de justice, depuis que tant de gens se croient faits pour
être arbitres.
Quoi qu’il en soit, les remontrances du sieur Chalier
furent accueillies avec la plus cruelle animosité. Borel
se permit de consigner dans son procès verbal que la
sieur C ha lier avoit m is tant de grossièreté dans ses
in ju re s, tant d'absurdités dans ses im putation s, tant
à'indécence dans sa co n d u ite, qu’il se récusoit.
Est-ce là le langage de l’ impartialité; ou plutôt n’estce pas l’expression de la colère et de la passion ?
Son exemple entraîne son collègue Janscnet : au moins
ce dernier n’iiüribue pas tous les torts à Chalier; il s’en
nuie des inc idc ns perpétuels q u i s'élèvent dans la cause f
�i , 6 )
des longueurs et des inutilités des titres anciens et nou
veaux des p a r tie s, des vociférations et des injures ca
pitales et de tout genre qu'elfes débitent. Il voit que cette
opération ne pourra se traiter que dans le tumulte des
passions; il renvoie les parties à des experts désœuvrés,
et déclare qu’il est dans l'intention de s’abstenir.
Ce procès verbal si singulier est sous la date du 23
janvier 1806; il suspendoit, comme on v o it, toutes les
opérations : et Chalier se pourvoit en la cour, pour de
mander qu’il fût nommé de nouveaux arbitres. Feuillant
s’y refuse'; il insiste pour que les mêmes individus qui
avoient reconnu eux-mêmes qu’ il leur étoit impossible
d’être juges, continuassent cependant de prononcer sur
leurs intérêts.
Cette prétention paroissoit inconvenante. Comment
laisser à des hommes qui s’expriment avec tant de véh é
m ence, qui ont donné de si fortes preuves de préven
tio n , le droit de remplir le premier comme le plus beau
ministère? U ne jurisprudence constante a voit appris que
les plus légers motifs suflisoient pour faire admettre la
récusation des experts ou des arbitres : ce ne sont jamais
que des juges volontaires, qui 11e tiennent leur mission
que de la confiance des parties.
Cependant la co u r, par son arrêt du 3 février 1806,
n’a eu aucun égard à la récusation du sieur C halier, et
a ordonné l’exécution de son premier arrêt du -2g fri
maire an 14.
Il faut avoir le courage d’en convenir. Quelque défé
rence q u ’on doive aux arrêts de la co u r, celle dernière
décision auroit alarmé le sieur Chalier, s’ il n’avoit autant
de
�4
^
. C 17 )
de respect et de confiance dans l’intégrité et les lumières
des magistrats de la cour.
E n exécution de cet a ri'ê t, Borel et Jansenet ont été
assignés pour procéder à leur opération , et se sont réunis
le 20 février 1806 au lieu de Brassac. Les sieurs Feuillant
et Chalier se sont rendus auprès d’e u x , et Feuillant a
représenté, i° . un registre intitulé de dépense, com
mençant le 4 vendémiaire an 7 , et finissant au mois de
fructidor de la même année : les experts vérifient que
cent dix pages de ce registre sont écrites de la main du
sieur Chalier.
2°. Feuillant a exhibé d’un autre registre intitulé des
voituriers , commençant à la page 5 , mois de vendé
miaire an 7 , contenant vingt-trois pages écrites aussi de
la main de Chalier.
1
3 0. U n autre registre intitulé des journ ées e t p r i x ja it s ,
commençant aussi en vendémiaire an 7 , et contenant
cinquante-une pages.
4 0. A u tre registre intitulé recette des charbons vendus
su r le carreau de la m ine , commençant en vendé
miaire an 7 , et contenant trente-un feuillets.
5 °. A u tre journal de recette, commençant en l’an 3 ,
et finissant en thermidor an 7 , sans aucune désignation
de numéro sur les pages.
Borel-Vernière ne manque pas de remarquer que cc
journal est le même sur lequel à lui tout seul il avoit cru
trouver de l’altération , à partir du feuillet où l’on trouve
m ois de pluviôse ail 7.
Feuillant au surplus déclare que ces registres sont
les seuls qu’il a en son p o u v o i r , et qu’ils lui ont été remis
C
�( , 18
?
par le sieur'Chalier sur récépissé, lors de la présenta
tion de son compte.
L es arbitres demandent ¿1 Feuillant la remise du livre
des ventes et recettes des charbons provenus de la mine
des Barthes , et conduits sur le port pour être embarqués
sur la rivière d’A llier.
Feuillant est obligé de convenir qu’il a tenu cc regis
tre en son particulier ; qu’il croyoitm êm e en être encore
nanti lors de l'arrêt de la co u r, du 29 frimaire an 14.
D e retour chez lui , il s’empressa d’en faire la recherche,
mais il ne l’a point t r o u v é e t il est très-probable qu’il
lui a été en levé; d’ailleurs, il ajoute que ce registre no
pouvoit donner aucuns renseignemens sur la régie du
sieur Chalier , parce que la vente des chai'bons sur le
port étoit indépendante des travaux de ceux q u i , ainsi
que le sieur C h alier, étoient chargés de l’exploitation
et extraction de la mine.
P o u r appuyer cette observation , Feuillant justifie de
pareils livres par lui tenus pour les charbons venant des
mines de la Taup e et Combelle. Les arbitres s’empres
sent de parcourir ces livres, et s’aperçoivent que toutes
les ventes y indiquées ont été faites par le sieur Feuil
lant , et non par ses commis.
Mais si les arbitres s’aperçoivent si vile de ces détails,
Fouillant ne s’aperçoit pas q u’il est en contradiction avec
lui-même ■
, car si ce registre étoit aussi indiderent qu’il
veut bien le d i r e , il étoit fort inutile de l’enlever, quelle
que soit la personne qu’ il soupçonne de cet enlèvement.
V ien t le tour du sieur Chalier ; et les arbitres lui
demandent la représentation de toutes les pièces justili-
�4 M
( *9 )
calîves qu’ !l peut avoir à l’appui du compte qu’il a pré
senté au sieur Feuillan t, depuis le premier vendémiaire
an 7. lies arbitres disent que lors de leur premier rapport,
ils avoient déjà sous les yeux les registres qu’ ils viennent
d’énoncer, et que cependant ils n’avoient pas pu procéder
à l’apurement, attendu qu’aucun article de la l’ecette et
de la dépense n’étoit établi ni justifié.
C h alier, à cette époque, étoit à peine convalescent d’ une
maladie grave qu’il venoit d’essuyer. Il déclare aux arbi
tres qu’il a été hors d’état de se rendre à Riom chez son
a vou é, où étoient déposées les pièces de son procès avec
le sieur Feuillant, ainsi que la correspondance de ce der
nier , qui étoit d’ une grande im portance, et prouveroit la
fidélité de son- compte.
lies arbitres ne manquent pas de remontrer qu’une cor
respondance ne peut suppléer à des pièces justificatives.
Ils ne pouvoient pas supposer d’ailleurs raisonnable
ment que le sieur Chalier se trouvant à Riom lors de
l ’arrêt de la co u r, eut quitte cette ville sans prendre avec
lui les pièces qui pouvoient lui être nécessaires.
I.es arbitres prennent ensuite la peine de démontrer
quelles sont les pièces justificatives, ce qu’011 entend par
pièces justificatives; et après quelques démonstrations assez
inutiles , et qu’on savoit bien sans e u x , ils passent au re
gistre de la vente des charbons de province. Ils observent
ou sieur Chalier que pendant sa régie il avoit sous ses
ordres un commis nommé Louis A r v e u f, qui étoit chargé
de la vente de ces charbons, en tenoit un état journalier,
et en coinpioil toutes les sommes au sieur C h a l i e r ; de
sorte que pour justifier son compte dans cette partie,
C 2
�( 20 )
Chalier devoit rapporter les registres tenus par Louis
A r v e u f , à l’eflet d’examiner si ses ventes et leur prix
étoient concoi’d an s, et s’il n’y avoit dans le c.omple du
sieur Chalier aucune e r r e u r , omission ou double emploi.
Dans tous les articles, est-il d it , Chalier relate les états
de Louis A r v e u f ; ce qui prouve infailliblement que le
registre à eux présenté n’est qu’un registre de r e p o r t , et
qu’on ne peut y ajoute*’ foi sans voir et examiner les pièces
qu’il mentionne, et qui lui servent de contrôle.
Les arbitres trouvent convenable et juste , intéressant
pour les parties, et utile pour éclairer la religion de la
cour, de faire appeler et d’entendre Louis A r v e u f, dont en
effet ils ont inséré la déclaration à la suite de leur rapport.
P ar cette déclaration , A r v e u f dit avoir été employé
par les. sieurs Feuillant père et fils , pour surveiller à la
vente de province des cliax-bons existans sur le carreau ,
et extraits de la mine des Barthes. Ses fonctions consistoient à tenir registre de toutes les ventes qui s’opéraient
journellement des charbons des Barthes.
Pendant tout le temps qu’A r v e u f a eu la confiance des
F euillant, il a tenu un compte exact de ses ventes, et les
inscrivoit journellement sur un registre destiné à cet effet,
où il inentionnoit le nom des acquéreurs , leur domicile,
la quantité de charbon qui leur étoit délivrée , le prix
qu’ils payoient en solde ou en i\-coinpte des livraisons.
Indépendamment du registre qu’il tenoit, il rendoit compte
au sieur C h alier, com m is principal de Feuillant, à chaque
vente qui avoit lieu ; celui-ci les inscrivoit ;\ son tour, ou
devoit les inscrire pour en rendre compte ¿\ Feuillant. A
l’époque où les affaires de Feuillant se trouvèrent dénar-
�433 ( 21 )
g é e s , Chàlier proposa un jour au déclarant de monter h
la machine d’extraction, où il avoit quelque chose d’es
sentiel à lui proposer : il se rendit à son invitation, et ils
montèi’ent ensemble. A peine y furent-ils rendus et assis,
que Chalier le quitta sous quelque prétexte*, et ne le voyantpas reven ir, lui A r v e u f , se rendit à l’habitation des B artlies, où son registre sus-cité, ensemble les états de vo i
tures , étoient déposés et rassemblés sous une ficelle. Il
s’empressa de demander où étoient des pièces si im por
tantes; et sur l’inquiétude qu’il manifesta au sieur R ou gier
de C o u h ad e, autre employé aux gages du sieur Feuillant,
celui-ci lui fit l’aveu que Chalier venoit de sortir de l ’ha
bitation, emportant avec lui les pièces et registres attachés
ensemble.
A r v e u f déclare en outre qu’à compter de cette époque
il ne travailla plus à la mine des Barthes, dont l ’exploi
tation fut confiée au sieur Lesecq ; et c’est la seule raison
pour laquelle il n’a pu remettre au sieur Feuillant le re
gistre dont il s’agit, qui devoit servir de contrôle à la ges
tion du sieur Chalier dans cette partie.
Il est assez extraordinaire que des arbitres , uniquement
chargés de procéder au co m p te, se soient permis de faire
entendre un individu aux gages du sieur F eu illa n t, et sur
un fait étranger à leur mission ; c’est procéder à une en
quête à fu tu r, ce qui est prohibé par l’ordonnance; c’est
enfin excéder les pouvoirs que la cour et les parties leur
avoient donnés.
Mais au m o i n s , dès que ces arbitres étoient si soigneux
po u r éclairer la religion de la cou r , lui apprendre ce
qu’elle ne leur demandait pas, et ne lui rien dire sur ce
�i 'b k
(
22
)
qu’elle leur ‘d emandent, ils auroierit dû au moins avoir
le soin de faire appeler ce R ougier de C o u h a d e , qui
avoit appris tant de choses à A rveu f. L e sieur Chalier
réclama en vain; on ne lui a pns même fait la faveur de
consigner dans le procès verbal cette réclamation : on
savoit que R ougier de Couhade démentiroit ce qu’a voit
dit A r v e u f , et ce n’étoit pas le compte des arbitres.
A u surplus, C halier, pour répondre à l’interpellation
qui lui étoit faite, déclara qu’à la vérité il avoit été nanti des.
pièces justificatives de son compte, et notamment de celles,
qu’on venoit d’indiquer; mais qu’il avoit remis le tout
au sieur Feuillant ; ce que Feuillant a expressément désa
voué , en faisant remarquer qu’il n’étoit pas présumable
qu’ un comptable pût se défaire, sans décharge ou récé
pissé , de pièces aussi essentielles pour lui.
Chalier vouloit rép ondre que Feuillant étant nanti de
ccs registres , il étoit bien moins présumable qu’il n’eut
pas reçu tonies les pièces, qu’il eût voulu se contenter de
prendre les registres en cet é t a t , et qu’il n’eût pas fait
constater que le sieur Chalier 71e lui avoit pas remis autre
chose, qu’il 11’ait pas même fait dresser procès verbal de
l ’état des registres. C ’étoitune marche assez simple, comme
il étoit juste d’insérer les observations du sieur Chalier;
mais les arbitres ne jugèrent pns à propos de lui donner
cette satisfaction.
Les arbitres seulement nous apprennent que le sieur
B o r c l , l’un d’eux , avoit a flaire à Jssoire ; en conséquence,
ils remettent leur séance au 22 février, et invitent le sieur
CI) a lier à faire de nouvelles recherches pendant /es vingt?
quatre heures qu’on lui donnoit de répit.
i
�( 23 )
A u jour ind iqu é, ils se plaignent de ce que Chalier
les a fait attendre jusqu’à six heures ; ils apprennent que
Chalier s’est présenté assisté d’un con seil, et a remis les
observations écrites de lui.
Ces observations consistent à dire que le compte du
sieur Chalier a été rendu; que toutes les pièces justifi
catives ont été remises entre les mains des sieurs Feuillant
père et fils; qu’ils lui en avoiunt d’abord remis un récé
pissé , le 5 prairial an 9 , mais qu’ils l’ont ensuite retenu,
le 16 du même mois de prairial, sous prétexte d’en don
ner un plus régulier au sieur Chalier; ce qui n’a point
eu lieu.
Chalier observe qu’ il pourroit être facilement suppléé
à ce récépissé, 011 aux pièces justificatives elles-mêmes,
par le rapport des registres de v e n t e , d’achats , de dé
pense et de recette de l’administration de la m in e , néces
sairement tenus, d’après la loi et l’ordonnance du com
merce , par le sieur Feuillant, pendant l ’espace de temps
dont le nouveau compte est ordonne.
Si le sieur Feuillant refuse de représenter ces registres ,
il ne peut avoir d'autre but, i ° . que de rendre impossible
le nouveau compte ordonné entre les parties, et qui déjà
est sullisarnmcnt suppléé par le bilan du sieur Feuillant,
en date du 10 messidor au 7 ; 20. de se mettre à l’abri de
la demande du sieur C h a lie r, relative à ses avances et à
scs appointemens.
L e sieur Chalier ajoute que dans cet état de choses, 011
no peut pas se dissimuler que le nouveau compte d e m a n d é
par le sieur Feuillant est une sorte de récrimination, ou
d exception dilatoire contre celle demande.
�C 24 )
L e sieur Clialier consent volontiers à établir de nou
veau son compte, comme il a déjà été fait entre les parties;
mais le sieur Feuillant doit nécessairement pour c e la , ou
rapporter les pièces justificatives qu’on lui a remises, ou
les registres qui s’y réfèrent évidemment.
A u défaut de ce r a p p o r t, Chalier soutient que le
compte demandé de rechef étant rendu impossible par
le fait du sieur Feuillant, ce dernier ne peut s’en préva
loir contre lui. L e compte de Chalier est réputé rendu
par le rapport du bilan de Feuillant , dans lequel il
reconnoît Chalier pour son créancier de la somme de
14000 francs.
Cette créance insérée au bilan , sans modification , sans
réflexions , ne peut être que le résultat d’un compte
rendu sur pièces justificatives.
Il est si vrai que Chalier a r e n d u son com pte, et re
mis toutes pièces qui l’établissent, qu’après le premier
compte fait entre les p arties, de la gestion du sieur
C h alier, jusques et compris le 5 complémentaire an 6 ,
les scellés furent apposés par le juge de paix de G im eaux,
sur la liasse contenant les pièces justificatives du compte;
elles devoient être déposées au grelï’e du tribunal de com
merce d’Issoirc, jusqu’au moment où l’on auroit besoin
d’y avoir recours. Ce dépôt n’a sans doute p o i n t eu lieu,
puisque les scellés apposés sur cette liasse o n t été brises,
probablement p a r le sieur F e u i l l a n t , ent re les mains
duquel ont resté déposées les pièces, au lieu de l’être au
g relie du tribunal de commerce.
Ces scellés, continue C h alier, ont ete brisés sans procès
v e r b a l, ni inventaire contenant l’état, le nombre et la
nature
�l 25 )
nature des p iè ce s, dont le sieur Feuillant a pu facile
ment faire disparoître toutes celles qui pourroient servir
aujourd’hui à établir le compte»
-i
L e sieur Chalier fait ensuite la nomenclature des pièces
et registres que Feuillant ne peut se refuser de rap
porter pour suppléer aux pièces qui manquent. Ces re
gistres consistent, i° . en un journal tenu jour par jo u r ;
2°. en un journal de raison ; 30. en un livre de caisse ;
4 0. en une liasse des lettres écrites par Chalier à Feuillant;
h°. en un registre de copies de lettres du sieur Feuillant :
le tout d’après l’ordonnance de 1673.
j
6°. Dans les bulletins remis ou envoyés chaque jour
par Chalier à F euillant, et .qui rendoient compte de la
recette et de la dépense faites dans la m in e , de l’extrac
tion des charbons, et de la voiture.
L a cour se rappellera qu’à une de ses audiences, il
fut représenté quelques-uns de ces b ulletin s, jour par
j o u r ; que Feuillant n’en désavoue pas l’usage constant:
ce qui étoit en efl'et le meilleur ordre qu’on pût mettre
dans les détails d’une vente de cette nature.
7 0. Dans les états remis chaque mois à Feuillan t, et
contenant le résultat de tous les bulletins et des journaux.
8°. L ’état particulier, portant compte rendu au sieur
Feuillant dans les premiers jours de messidor an 7 , peu
de jours avant son bilan ; lequel compte fut transcrit sur
le journal tenu jour par jour par Feuillant.
9°. Les journaux de recette et dépense, tenus par la
dame F eu illan t, et le sieur Feuillant fils jeu n e , lorsque
son père étoit en voyage.
D
1
�...................... ( * 6 ')
io ° . Les livres et pièces qui ont basé le bilan pré
senté par le sieur Feuillant le 10 messidor an 7.
ï i °. L es livres te n u s. par B u re a u , commis en sousordre pour la mine de la C o m b elle, en l’an 5.
12°. Les livres de recette et dépense, tenus en l’an 8
par Chalier pour Etienne Feuillant \ lesquels livres ont
commencé le 8 fructidor an 7.
Ces observations furent communiquées de suite au sieur
Feuillant : fort embarrassé de rép o n d re, il se contente de
dire que toutes ces allégations ne pouvoient équivaloir
aux pièces demandées au sieur Chalier pour la vérification
de son compte , telles que les différens marchés ,. p rix
faits, polices, conventions, quittances, billets ou lettres de
change acquittés, registres de Louis A i'v e u f, etc. *, qu’au
surplus il se réservoit tous ses droits et protestations contre
cet écrit, lors de la plaidoirie dèvant la cour d’appel.
L es arbitres, à leur to u r , croient devoir rappeler que
lorsque dans leur premier rapport ils ont parlé de pièces
justificatives produites par C h a lie r, ces pièces avoient
trait seulement au compte antérieur au premier vendé
m iaire an 7 , rédigé par le sieur Bureau , approuvé et
apuré par toutes les parties*, mais en ce qui concerne
le compte postérieur à cette é p o q u e , et dont il s’agit
aujourd’h u i , il est très-certain q u e , soit à Tépo que du
premier fructidor an 1 0 , date du rapport , soit aujour
d’hui , le sieur Chal ie r n’en a prod ui t d’aucune espèce,
et que le sieur Feuillant a représenté les mêmes regis
tres qui avoient été inventoriés, sans aucune espèce d’al
tération , qui d’ailleurs auroit été impossible de sa p a rt,
�c 27 )
« y
t
puisque toutes les écritures «ont de la m a in vdu sieur
Chalier , et q u e lle s arbitres les avoient paraphées et
signées.
O n voit avec quel soin les arbitres cherchent à favo
riser le sieur Feuillant. Ils terminent par dire que du
défaut absolu de titre justificatif, de renseignemens qui
•
puissent y su p p lé e r, il ¡résulte que malgré l’importance
du com pte, tel : que la recette se porte à 14 1916 francs,
et la dépense à 143201 francs, il n ’existe pas un seul
•article qui soit établi ou ne soit contesté ; en consé
quence , il leur est impossible de remplir le vœ u de la cour
■d’appel , et de s’occuper de la vérification et apurement
d’un compte qui n’en est pas un dans l’état où il a été
présenté , et n’est, à proprement parler, qu’um sim plebor
dereau , dont rien n’annonce et ne p r o u v e la justesse et
la fidélité.
T e l est le procès v e r b a l, ctb ircito., q u’ont lancé les
arbitres.
Restoit encore une opération. D e u x autres arbitres, les
sieurs Reynard et Bureau, devoient fixer et régler les aprpointemens du sieur C h a lie r, pour chacune des années
-qu’il a été em ployé par le sieur Feuillant.
. L ’ un de ces arbitres, le sieur Bureau,, ;avoit été récusé
par le 'sieur Chalier : ce sieur Bureau avoit été sous les
•ordres de C h a lier, ce qui est établi par la correspon
dance, et ne sera sûrement pas désavoué. L e sieur Bureau
•étoit entièrement dévoué au sieur F e u illa n t, et l’a même
manifesté de telle m an ière, que le sieur Chalier se crût
bien fondé à le récuser. L e sieur B u reau, qui s’étoitluîr
même départi de la connoissance 'de cette affaire , ainsi
V 2
�( 28')
' q u’il résulte d’un procès verbal du 24 janvier dernier , a
-cru que d’après l’arrêt de la co u r, du;3 février suivant,
il étoit obligé d’en connoître; et cependant on doit re
m arquer que l’arrêt de la cour n’avoit prononcé que
sur la récusation des pi’emiers arbitres, respectivement
,
au compte.
Q uoi qu’il en s o i t , Bureau et Reynard se réunissent.
Un premier procès verbal, du 20 février d ern ier, ap
prend que le sieur Reynard vouloit allouer au sieur
Chalier une'som m e de 900 francs pour chaque année;
mais Bureau représente que cette somme de 900 francs
est exorbitante, et qu’il ne doit être alloué que celle
de 55o francs pour chaque année. Reynard dit que cette
somme est trop m o d iq u e, non-seulement par rapport aux
embarras qu’avoit eus Chalier dans les derniers temps,
7?iais encore p a r rapport à î im portance de la place q u i î
o ccu p o it, et de Rentière coiifiance que F eu illa n t avoit
alors en lui.
Les arbitres sont donc divisés, et donnent leur avis
séparément. Bureau persiste dans son opinion , et donne
po u r m otif que lorsque Chalier est entré chez Feuillant,
il n’avoit aucune connoissance de l’état de commis aux
mines , où il fut placé à la sollicitation de la dame Seguin,
pour surveiller aux ouvriers. Il faut au moins deux
années pour acquérir le talent d’être commis h une ex
ploitation d’aussi grande importance.
D ’ailleurs le sieur C h a l i e r , ajoute B u r e a u , etoit la ma
jeure partie du temps n o u r r i , soit dans la maison , soit
en campagne. Il étoit chauffé , dans son m énage, du
charbon des mines du sieur Feuillant.
�G29 )
' Il termine par dire : Les sieurs F lo ry et A rn a u d , commis
instruits dans cette p a r tie , qui avoient précédé le sieur
Chalier dans les mêmes exploitations, n’étoient payés les
premières années ; savoir, le premier, qu’à raison de trois
à quatre cents francs, et le second, à raison de 4Ô0 fr. ?
et ce, sans nourriture ni l’un ni l’autre.
Il semble que Feuillant est le rédacteur de cet avis; car
c’est précisément le langage qu’il a tenu lors de sa défense
en la cour. O n voit cependant que Bureau n’étoit pas bien
sûr de la somme à laquelle s’élevoient les traitemens des
sieurs F lo ry et A rnau d ; mais au moins il devoit être sûr
de celui q u ’il avoit lu i-m êm e, lorsqu’il étoit employé par
le sieur Feuillant sous les ordres du sieur Clialier ; et s’il
a bonne m é m o ire , il se rappellera que son traitement
s’élevoit à 1400 fr. par année. Pourquoi donc voudroit-il
réduire le sieur Chalier à la modique somme de 55o fr. ?
Cependant le sieur Bureau , indépendamment de son trai
tement , avoit encore son appartement meublé ; il étoit
chauffé et éclairé, et par fois invité à manger chez le sieur
F euillan t, comme cela est arrive aussi au sieur Chalier ; et
si parce qu’il étoit invité quelquefois à manger chez le sieur
Feuillan t, on croit devoir réduire ses appointemens à
55o f r . , il faut convenir que c’est lui faire payer fort cher
son écot.
L e sieur Reynard a donné son avis séparém ent,le 18
mars 1806. O n a vu que par le premier procès verbal il
vouloit porter le traitement à 900 fr. par année, à raison
de î im portance de la p la c e , et surtout de rentière con~
fiance qu’avoit le sieur Feuillant en Chalier.
Maintenant ce 11’est plus la même chose. Reynard a
�( 3° )
connu Chalier dès son enfance ; il l’a suivi dans sa m arche
p o litiqu e, et ses progrès. Il assure avec confiance qu’avant
d’avoir été chargé des intérêts de Jean Feuillant dans ses
m in es, Chalier étoit absolument nouveau dans ce genre
de travail ; il n’avoit que l’écriture d’un écolier ; et les
salaires qu’ il pouvoit exiger alors devoient se borner à
peu de ch o se, jusqu’à ce qu’il eût acquis de l’expérience.
Chalier avoit cependant vingt-trois ans lorsqu’il est
entré chez le sieur Feuillant. Il est de Brassac ; il avoifc
toute sa vie v u exploiter des in in es, et par conséquent
devoit avoir des connoissances suffisantes pour être utile
ment em ployé dans ce genre de travail. L 'en tière con
fia n c e que lui accordoit le sieur Feuillant en seroit déjà
une preuve.
Reynard , bientôt a p rè s, dit que l’âge et Thabitude du
travail ont fait acquérir des connoissances à Chalier. Jean
Feuillant lui a donné sa confiance p o u r toutes les affaires
extérieures ; il le chargeoit des achats, des payemens des
ouvriers 5 il a voyagé souvent dans des places de com
merce p o u r l’échange des papiers et effets de son commet
tant; ce qui a dû lui procurer un salaii’e plus considérable,
mais toujours dans la proportion de ceux que donnoient
les autres exploitans pour de pareils travaux.
Par une transition singulière, Reynard invite la cour à
ne pas se laisser séduire p a r le titre fastueux de directeur
général, dont Chalier rapporte la note. C ’est un titre illu
soire qui n’a été do nn é à aucun commis dans les mines du
p a y s , et qui a eu pour m o ti f des considérations particu
lières qui paraissent avoir leur source dans la conscrip
tion militaire dont Chalier faisoit partie, et qui-lui eu a
�44">
( 31 )
procuré l’exemption. (N otez bien que la conscription mi-,
litaire n’a été décrétée que bien postérieurement à cette
époque, et que Chalier n’en a jamais fait partie. ) L a co u r,
ajoute R e y n a rd , doit le considérer, pendant les trois der
nières années de sa r é g i e , comme premier commis de
confiance , ou autre titre à peu près semblable, et laisser
dorm ir celu i de d irecteu r, qui n’a été créé que pour lui
seul.
Chalier a e u , pendant tout le temps de sa régie , le
chauffage en charbon pour la maison de sa mère , ainsi
qu’il a toujours été d’usage. 11 a été d é fra y é , dans tous,
ses voyages, pour sa dépense de bouche; ce qui lui procuroit une occasion de ménager ses salaires dans les dif
férentes opérations qu’il a faites pour Jean F eu illa n t, et
surtout dans les temps du papier-monnoie.
Il a travaillé pour son compte particulier, ainsi qu’il
en est co n v en u , et Feuillant ne s’en est pas plaint; il a
fait quelques commerces particuliers, tels que de grains
avec T r io lie r , de Brioude , de savon à Issoire : il a pu,
en faire d’autres que Feuillant ne lui a pas interdits. Cette,
considération, et l’agrément de faire des affaires à lui.
p ro p res, doivent être calculés dans la fixation de ses gages,
quelque succès qu’aient pu avoir pour lui ses négociations.
Reynard certifie avoir été associé à l ’exploitation de la,
mine de la T a u p e , qui est la meilleure du pays. Il étoit
en même temps c h a r g é , avec son père , de la régie d u
dehors et du dedans; et la société ne leur passoit qu’ un
prélèvement de 5oq fr. entr’eux deux par année. G uil
laume Grimnrdias, commis comptable de Feuillant, avoit
par an 300 f r . , la table et le logement. Plusieurs commis
�( 32 )
se sont succédés dans les mines de F e u illa n t, sans qu’ils
aient eu des appointemens de 2000 fr. ; il n’y a que le
sieur Ramel dont le traitement ait été porté à ce taux.
Mais ce sieur Ramel étoit favorisé par le conseil des
mines, et avoit fait ses preuves dans les mines de Bretagne;
et encore le sieur Lamotlie s’est-il lassé d’un pareil trai
tement, et l’a renvoyé. Reynard nous apprend encore qu’il
y a actuellement un sieur Richard à la tête de l’exploi
tation de la mine du G ro sm en il, dont on ne connoît pas
le traitement : on le croit associé pour une partie. Mais
ses opérations et ses connoissances sont d’un autre genre,
et 11e peuvent recevoir d’application avec les affaires dont
a été chargé le sieur Chalier. Richard est maître absolu
au Grosm enil, dirige le dehors et le dedans, fait toutes
les ven tes, au lieu que Chalier ne faisoit rien dans l’inté
r ie u r ; il rendait journellem ent compte de scs opérations
extérieures à son com m ettan t, et ne faisoit aucune vente.
Si Feuillant avoit eu un commis à 2000 fr. pour l’inté
rieur , un autre de pareille somme pour l’extérieur r et
un autre pour les ventes sur le p o r t, il n’auroit pas assez
gagné pour payer ses commis ou les autres dépenses.
Il reste encore à observer, ajoute Reynard , que le temps
du pnpier-monnoie a fait éprouver tant de variations dans
ses valeurs, qu’il faudrait chaque mois une évaluation
nouvelle pour ne léser aucune partie; et comme il fau
drait une seconde opération pour convertir le tout en
num éraire, il a supputé qu’à compter du jour que Chalier
a commencé à travailler aux mines de Feuillant, jusqu’au
7 thermidor an 4 , 01.1 20 juillet 179^5 époque de la ces
sation du pap ier-m on n oic, ses salaires doivent être fixés
«
u
�4AS
( 33 )
l la somme de 5oo fr. en numéraire po u r chacun an , et
que cette somme est suffisante pour tout ce qu’a fait ou
pu faire Chalier pour le compte de Feuillant; qu’ensuite,
à compter du 25 juillet 1 7 9 6 , jusqu’au jour où il a cessé
ses travaux à la m in e , ses salaires doivent être portés à
la somme de 900 fr. par année.
.C om b ien de contradictions n’a - t - i l pas échappé k
Reynard dans ce singulier avis ? D éjà il est constate
par un procès verbal juridique que Reynard allouoit
à Chalier sans distinction une somme de 900 francs par
an n ée; mais dans l’intervalle, sans doute, le sieur Feuil
lant ou ses agens ont su lui faire changer d’opinion. On.
sait que c’est chez Jansenet qu’il s’est rendu pour donner
son avis ; que ce dernier en a été le rédacteur ; et
Reynard , dont la profession est d’être tailleur d’habits
pour les charbonniers, avoit besoin d’un secours étran
ger pour rédiger une opinion. Les expressions dont ii
s’est servi ne sont pas même à sa portée ; il n’a jamais
su ce que c’étoit q u 'u n titre ¿ fa stu e u x , et on ne pouvoit pas trop l’appliquer à un directeur des mines , dont
les fonctions ont plus de péril que de gloire , et plus
de peine que de bénéfice. A u surplus , ce titre n’est
pas étranger à ceux qui exercent le même emploi que
lo sieur C h alier, puisqu’on le donne à tou s, et qu’on
voit traiter ainsi un sieur B a illy, dans un exploit du 14
floréal an 10 , quoique ce sieur Bailly fût d’abord aux
ordres du sieur Chalier , et l’a ensuite remplacé lors
que le sieur Lesecq est devenu acquéreur de la mine
des Barthes.
A u surplus , le sieur Etienne Feuillant avoit lu iE
�(.3 4 ) , ,
inême donné une procuration générale au sieur Clialier ,
.soit pour toutes^affaires civiles, soit pour toutes celles
relatives à l’exploitation des mines. Cette procuration gé
nérale est en date du 2 complémentaire an 7 , et a été
reçue par Jansenet, notaire , qui auroit dû s’en souvenir
lorsqu’il a rédigé l’avis de Reynard. Jansenet a bien reçu
d’autres actes de cette nature ; car en l’an 5 , il donnoit
au sieur Chalier le titre de préposé et de fondé de po u
v o ir général du sieur Feuillant fils.
O n sera encore étonné que Jansenet n’ait pas été plus
juste lorsqu’il a été question des com ptes, puisqu’il fait
dire à Reynard que C ha lier rendoit journellem ent compte
de ses opérations à F eu illa n t.
*■- E n fin , comment se fait-il qu’on ne se soit pas aperçu que
Reynard , dans un .premier avis , avoit porté les appoin•temens de Chalier à 9 0 0 'francs par ann ée , sans distinc
tion , et q u’ensuite on lui fasse diminuer les premières
•années de 400 francs chacune?
-
Il est impossible d’être ballotté d’une manière plus
cruelle. Il faut que Feuillant ait encore bien de la pré
pondérance, pour qu’il soit parvenu à écraser d’une ma
nière aussi criante celui dont il a reçu des services aussi
'longs et aussi signalés.
M ais ces petites intrigues locales , ces petites rivalités,
vont disparoître en la c o u r, maintenant q u ’elle a counoissnnce de tous les détails.
L o i’sqii’elle a prononcé , jusqu’ici c’est toujours sans
(préjudice des f m s et m oyens des parties. Si la cour
a pensé que dans la rigueur des principes on ne pouvoft
révoqu er les arbitres qu’on avoit nommés ? ou
qui
�( s s . ) ;■
aboient commencé l e u r opération , la co u r n’en a pasr
moins été pénétrée des motifs qu’on avoit fuit valoir r
et s’est réservé de prononcer, dans sa sagesse-, nonobs
tant toute décision , ou sauf ù y avoir tel égard que de
raison.
.}
,
Comme il est surtout urgent de tirer les parties d af
faire , que jusqu’ici les arbitres n’ont fait que donner des
preuves de partialité ou de prévention, sans rien detei’’m iu e r , le sieur Chalier çonserye la plénitude de ses
m oyens, et va les développer. / ; 's ■
t.
IL établira, i° . qu’il ne doit pas de compte au sieur
Feuillant; que sa qualité de créancier n’est pas douteuse,
et a été reconnue par Feuillant lui-même.
2°. Q u ’en supposant qu’il fût astreint à un co m p te,
cette reddition de compte est devenue impossibiç-'par le
fait du sieur Feuillant.
3°. Que sa demande n’a rien d’exagéré relativement
à ses appointemenç, et que l’avis des arbitres en ce point
est absolument injuste, ou n’est que le résultat de la plus
basse jalousie.
1
,
t
,
...
§• Ier.
L e sieur C k a lier est créancier de F e u illa n t, et ne doit
pas de compte.
L e sieur Feuillant a termoyé avec ses créanciers; il a
présenté son bilan le 10 messidor an 7 : le passif excédoit
l’aclif d’une somme de 9 8 71 1 fr. 7 5 cent. Dans ce bilan,
le sieur Chalier y est porté par Feuillant au rang des dettes
^ cliirograpliaires échues; il est reconnu créancier pour
E 2
�I k
Ï 3« ' ) '
une somme de 14000 fr. L a déclaration de Feuillant à:
cet égard est faite sans lim itation, sans m odification, et
sans aucune observation, tandis que sur beaucoup d’autres
créances il fait des observations particulières, pour cause
d’omission , ou d’erreurs de calculs, ou de payemens
dont il n’h pas la certitude.
U ne déclaration dans un acte de cette nature est le
titre le plus certain en faveur du créancier. L e débiteur ,
en effet, doit présenter un état exact de sa situation tant
active que passive; s’il déguise la v é r ité , s’il met au rang
des créanciers des gens qui ne le sont pas, il est réputébanqueroutier frauduleux : telle est la disposition del’article 10 du titre r i de l’ordonnance de 1673. Si eneffet il étoit permis de présenter des créanciers simulésou exagérés, il seroit facile de réunir les trois quarts en:
som m es, d’obtenir toutes les remises ou les termes q u ’ oni
désirerait.
O n est bien éloigné de faire ces imputations au sieur
Feuillant ; on pense au contraire qu’il a fait tout ce qufc
dépendoit de lui pour être exa ct, qu’il n’a rien exagéré,,
et qu’ il a surtout voulu être juste. Il n’a pas songé com
bien il s’avilirait en changeant de langage ; quels soupçons'
il ferait naître contre sa conduite, s’il avoit porté dans son
bilan des créances fictives. E s t- i l possible de présumer
q u ’il eût porté Chalier comme son créancier d ’une somme*
de 14000 francs, si Chalier eût été sron comptable et son
débiteur? A i n s i , par cela seul que le sieur Chalier est
aujourd’hui porteur du bilan qui le constitue créancier,,
il a en sa faveur un titre qui ne peut etre critiqué,- el>
q u i termine toutes discussions..
�4 Aô\
C 37 D
'
L e sieur F eu illa n t, pour répondre à un moyen aussipuissant, a divagué dans sa défense, et a proposé plu
sieurs objections. Il a dit en premier lieu que ce bilan
n ’a voit pas eu de suites; qu’il avoit arrangé ses affaires,
terminé avec ses créanciers, que dès-lors le sieur Chalier
ne pouvoit plus se prévaloir de ce même bilan.
Cette objection est frivole. Ce n’est pas lui qui a ter
miné avec ses créanciers, c’est le sieur Etienne Feuillant,
son fils; c’est ce dernier qui a pris des termes. Mais le
bilan n’a point été rendu ; à la vérité les créanciers,,
par condescendance, permirent que le bilan ne fût pas
déposé au greffe du tribunal de commerce, suivant l’usage;
mais il fut convenu qu’il resteroit, par forme de dépôt,
entre les mains d’un tiers , pour y avoir recours dansle cas où les engagemens ne seroient pas remplis.
Feuillant oppose en second lieu q u e , nonobstant ce
b ilan , Chalier s’est néanmoins reconnu comptable, puis
qu’il a nommé des arbitres,, en exécution d’un premier
jugement du 27 du floréal an 10.
M ais ce bilan avoit été fait et présenté hors la pré
sence de Chalier.. Lorsque ce dernier a consenti à nom
mer des arbitres, il ignoroit l’existence du bilan. Si
Chalier l’eût eu alors- dans les mains, il n’y auroit pas.
eu de procès : Feuillant eût été dans l’impossibilité de
réc rim in e r, de revenir contre son propre fait; il n’eût
pas évité la condamnation des sommes qu’il reconnoissoit
devoir. Ce n’est que le 14 nivôse an 12 que ce bilan a*
été déposé chez Chassaigne, notaire; jusque-là, F e u i l l a n t
avoit étrangement abusé de l’état d’ignox*ance dans lrquelse tvouvoit Chalier. Mais lorsque ce dernier se fut p r o -
�*" \
( 3 8 )
curé une expédition de cet a c tc , alors, prenant de nou
velles conclusions, il demanda le payement des sommes
reconnues. O n ne voit pas comment il pourvoit résulter
des faits antérieurs une dérogation à un droit qui émane
d’un titre nouvellement d é c o u v e rt, qui jusque-là avoit
été retenu par le fait de F eu illan t, et qu’il îi’avoit pas
été au pouvoir de Chalier de produire.
A insi disparoissent les moyens de Feuillant ; il ne peut
plus désavouer une créance légitime, reconnue par un
titre formel dont l’exactitude est la base, dont l’exagé
ration auroit compromis son auteur.
L e sieur Feuillant veut encore se faire un moyen de
ce que les objets compris dans la demande du sieur
Ghalier, par exploit du 26 ventôse an 10 , ne s’élèvent
pas à la somme de 14000 francs : comment se fait-il dèslors, ajoute le sieur Feuillaut-, que le sieur Chalier puisse
se prévaloir du bilan , dès qu’avant de le connoître ses
prétentions n’alloient pas jusqu’à cette somme contenue
au bilan?
L e sieur Chalier a donné sur ce point une réponse bien
simple. T o u s scs chefs de demande réunis se portent à
la somme de 13413 livres 12 sous 1 denier; ils auroient
excédé la somme de 14000 fr., si le sieur Chalier n’avoit
déduit une somme de i 65 o liv. 19 sous , que le sieur
Feuillant lui devoit à cette époque, mais qui ne lui ap
partient plus depuis. Ceci a besoin d’une explication par
ticulière.
L e sieur Chalier avoit acquis de la dame Seguin ,
le 6 thermidor an 4 , un pré appelé de R a va li-fe-H a u t,
et une grange située à Brussoget : ces objets étaient af-
�■
4s î
( 39 )
fermés au sieur Feuillant ; le prix de la ferme du pré
étoit de 421 liv. 14 sous p a r 'a n n é e , et le loyer de la
grange étoit de 5o francs. La dame Seguin, lors de la
v e n te , se réserva la moitié des fermages pour l ’an 4:
de sorte que Feuillant n’a dû au sieur Chalier que la
moitié des fermages de cette année 4 >
l es fermages
entiers des années 5 , 6 et 7 ; ce qui fait en tout, pour
le pré et la gran ge, la somme de i 65 o liv. 19 sous.
- L e sieur R o c h e f o r t , gendre de la dame Segu in , ayant
désiré r e nt re r dans cette propriété aliénée par sa bellem ère, le sieur Chalier a rétrocédé le tout au sieur Roche,fort, par acte du 25 nivôse an 9 , reçu Jansenet, notaire,
et l’a subrogé aux arrérages de ferme qui lui étoient dûs
par le sieur Feuillant. E t quoique le sieur Feuillant, dans
la déclaration portée en son b ila n , eût compris ces arré
rages, le sieur Chalier devoit en faire la distraction : et
il en a résulté alors que ses créances ne se sont pas portées
à la somme de 14000 francs , tandis qu’elles l’auroient
excédée, s’ il n ’a v o i t fait cette déduction.
Cette explication porte sur un fait qu’il est impossi
ble de révoquer en doute, et qui n’a pas même été dé
savoué par le sieur Feuillant, lors de la plaidoirie de la
cause.
Il eât donc démontré que le sieur Chalier a cessé
d’être comptable envers F eu illa n t, et que sa qualité de
créancier est établie d’ une manière incontestable.
�D a n s le cas où le sieu r C h a lier p o u rro 't être assujéti
à un co m p te, cette reddition de compte est aujour
d 'hu i devenue impossible p a r le f a i t du sieur Feuillant.
L e sieur Ghalier a rendu un compte qui embrassoit
depuis le commencement de sa régie jusqu’au 5 complé
mentaire an 4. Il résulte du premier procès verbal des
arbitres B orel-V ernière et Jansenet, que le compte .avoit
été approuvé par toutes les parties, et que les arbitres en
ont trouvé le calcul exact. L e sieur Chalier étoit créan
cier de Feuillant d’une somme de 166 liv. 18 sous 8 d e n .,
d’une part ; et de 1995 liv. 2, sous 11 d e n ., d’autre , non
compris la somme de 30 0 francs p o u r payement fait à la
dame V is s a c , et sous la réserve de tous les appointemens qui lui étoient dûs.
;
Restoit le compte de la gestion depuis le I er. ven
démiaire an 7 jusqu’au 30 prairial de la même aimée -;
c’est-à-dire, neuf mois.
L e sieur Chalier avoit rapporté toutes les pièces jus
tificatives , ainsi que les registres nécessaires pour l’apu
rement. Il en avoit pris un récépissé du sieur Feuillant
iils; mais ce récépissé fut remis par le sieur C h a lie r, qui
en vouloit un plus régulier, et qui n’a pu l’obtenir. L e
sieur Feuillant voudroit étrangement abuser de ce défaut
de récépissé , et de l’impossibilité où se trouve Chalier de
rapporter aujourd’hui des pièces justificatives qui sont
entre les mains de Feuillant. Comm ent présum er, dit
Feuillant,
�4 s$
f 4' )
Feuillant, si j’avois refusé de donner ce récépissé, que
Chalier n ’en eût pas rendu plainte , ou n’eût pas fait
dresser procès verbal d’un fait de cette nature ?
O n ne doit pas môme dissimuler que cette observation de¡
Feuillant a été mise au nombre des motifs de l’arret de la
cour, du 29 février dernier ; mais cet arrêt est rendu sans
préjudice des fa is, et n’est que provisoire; et le sieur Chalier
a droit de faire valoir tous ses moyens. O r , comment
seroit-il possible d’exiger que le sieur C h alier, dans un
temps où il n’étoit point en procès, où les parties n’avoient
point manifesté d’intentions hostiles , dût prendre des
voiesaussi rigoureuses contre un négociant dont il avoit eu
toute la confiance ? Ne devoit-il pas espérer que le sieur
Feuillant q u i, dans un moment d’hum eur, et parce qu’il
éto ita igrip a rl’état de ses affaires, lui refusoit un récépissé,
seroit bientôt ramené à des sentimens plus h onnêtes, et
rendroit justice à un homme dont il s’étoit reconnu le
débiteur ? Quel intérêt auroit donc le sieur Chalier de
garder ces pièces justificatives , s’il en etoit n a n ti, s’il ne
les avoit pas remises au sieur Feuillant ? Comment les
registres seroient-ils au pouvoir de Feuillant, si on ne
lui avoit pas remis en même temps les pièces justificati
ves ? Croira-t-on que Feuillant, tr è s-e x e rcé dans celte
m a tiè r e , se fût contenté de la simple remise des regis
tres; qu’il n’auroit pas exigé les pièces justificatives ? C om
ment auroit-il reçu les pièces justificatives, jusqu’au der
nier complémentaire an 6 , sans exiger toutes celles qui
dévoient établir l’entière comptabilité ? et si Chalier
eut refusé de les rem ettre, Feuillant n’eut - il p«s fait
F
�( 42 )
dresser procès verbal de ce refus? n’au roi t-il pns fait cons
tater l’état de tout ce que lui remeltoit C h a lie r?
Il est prouvé par le premier procès verbal des arbitres 7
que Feuillant a eu toutes les pièces justificatives, jusqu’au
I er. vendémiaire an 7. L e compte en cette partie est re
connu ex-ict et apuré; dès-lors toutes les présomptions
sont en faveur de Chalier. D ’un autre c ô t é , l’arrêt de la
cour ordonne que Feuillant rapportera aux arbitres le
livre journal qu’ il a avoué avoir tenu pour les ventes et
recettes de charbon conduit au port. O r , Feuillant ne
rapporte pas ce registre. Cependant l’article I er, du tit. 3
de l’ordonnance de 1673 astreint les négocians et mar
chands, tant en gros qu’en d é t a il, à avoir un livre qui
contienne tout leur négoce, leurs lettres de change, leurs
dettes actives et passives , et les deniers employés à la dé
pense de leur maison. L ’article 3 du titre r i de la même
ordonnance veut aussi que les marchanda, lors de leuir
b ila n , soient tenus de représenter tous leurs livres et
registres cotés et paraphés en la forme prescrite au tit. 3,
L ’article 11 du même titre exige cette représentation, sous
peine d’être réputé banqueroutier frauduleux. Feuillant
a donc dû avoir ces registres, et il avoue les avoir tenus.
A v e c ces registres, 011 nuroit eu toutes les instructions
nécessaires pour le compte ; pu y auroit trouvé toutes les
négociations, toutes les recettes comme les dépenses du
sieur Chalier ; toutes les ventes qui étoient inscrites joui'
par jour sur un bulletin envoyé à Feuillant chaque jo u r ,
et avec lequel il connoissoit sans cesse son état de situa
tion : ordre nécessaire et bien entendu pour simplifier les
détails.
�( 43 )
Feuillant a été obligé de reconnoître devant les arbi
tres qu’il n’avoit point ce livre de raison ; il n’a voulu
donner aucun renseignement; il a *abusé de la situation
de Chalier par des refus injustes; il n’a point satisfait à
l’arret de la c o u r, qui ordonnoit ce rapport; il ne peut
donc se plaindre d’ un obstacle qu’il pouvoit faire disparoître , et il est démontre que c’est par son fait que le
compte n’a pas été rendu.
Il semble que les arbitres se sont réunis avec le sieur
Feuillant pour accabler le sieur Chalier; ils ont demandé
à ce dernier le rapport d’une police passée entre lui et le
sieur V illa re t, pour vente de foin faite par le sieur V i llaret au compte du sieur Feuillant. Cette police éloit une
pièce de l’an 6; le sieur Chalier l’avoit remise , comme
toutes les autres, au sieur Feuillant. P o u r prouver cette
remise, il rapporloit une note sans date du sieur Feuillant
jeune , qui lui demande cette police. Les arbitres n’ont
voulu avoir aucun égai’d à cette note.
L e sieur Chalier portoit dans son compte une somme
de 617 fr. payée par lui pour le compte du sieur Feuillant.
Celte créance dérivoit d’une lettre de change qu’avoit t :rée
Feuillant père au profit du sieur M a ig n e , marchand de
fer à B riou d e, sur le sieur Feuillant fils , à Paris , d’une
somme de 600 fr. La lettre de change fut protestée à son
échéance, faute de payem en t, et le sieur M aigne pou rsnivoit Feuillant père. L e sieur Chalier , toujours empressé
de Venir au secours de son commettant, souscrit au profit
de Maigne une lettre de change de la somme de 617 f r . ,
pour k; montant, est-il d i t , d’ une lettre de change de la
somme de 600 f r . , et celle de 17 fr. pour frais , qui est
F a
�( '44. >
due à Maigne,par le sieur Jean Feuillant aîné. Cette lettre
de change est en date du 28 floréal an 7. L ’acquit mis au
dos par M aigne , et comme des deniers de Chalier , est du
7 prairial môme année. Chalier a porté ce payement en
son registre , pag. 93 recto , art. 7 , et avoit remis la lettre
de change de Feuillant père ; mais il est nanti de celle par
lui souscrite et acquittée au profit de Maigne. Les arbitres
ont encore prétendu que ce rapport n’étoit pas suffisant,
et que Chalier devroit avoir la lettre de change de Feuillant
père.
O n pourroit citer une foule d’autres exemples de
leur partialité ; mais ces détails deviendroient fasti
dieux , avec d’autant plus de raison que le rapport des
arbitres a déjà été analisé dans la discussion , et qu’il est
facile de l’apprécier. Il suffit de dire que Feuillant ne
fait ici que récriminer-, que c’est par son fait seul que
le compte n’est pas rendu -, mais qu’ il ne peut plus abuser
de l’état du sieur C h alier, et que le moment d e là jus
tice est enfin arrivé.
§. I I I .
L e s appointemens du sieur C ha lier doivent être f i x é s
au m oins à 2000 f r a n c s par année.
Il
est avoué et reconnu par les arbitres, et notamment
par Roy n ard , que le sieur Chalier a eu , pendant sa gestion,
la plus entière confiance du sieur Feuillant; que nonseulement il dirigeoit les travaux des mines, avoit les
>lvtails de tous les ouvriers, mais qu’il étoit aussi cm-
�( 45)
ployé à toutes les autres affaires -, qu’ il étoit sans cesse en
vo yag e ; qu’en un mot il étoit chargé des soins les plus
importans.
Il
est bien extraordinaire qu’on ne vante les soin s im+
portans que po.ur les avilir , et qu’on veuille réduire le
sieur Chalier à des appointemens aussi médiocres. L ’es
prit de rivalité et de jalousie peut seul avoir dicté cette
décision. P o u r donner a la cour la facilite d a p p ie c ie r
des services de ce g e n r e , on ne peut s’appuyer que sur
des exemples.
S u i v a n t les journaux de 1763 et de 1 7 6 4 , le sieur
R o u x , directeur de la compagnie de Paris , avoit à cette
époque 800 fr. fixes par année ; p l u s , 72 fr. pour son
loyer , 3 fr. par jour lorsqu’il étoit en v o y a g e , et ses
frais de bureau. Si on juge par comparaison, ces appoin
temens , il y a quarante an s, valoient mieux que 2400 fr.
aujourd’hui ; et cependant le sieur R o u x n’étoit qu’en
sous-ordre. Il y avoit un associé de la compagnie qui
résidoit sur les lie u x , et faisoit toutes les recettes.
Grim ardias, qui étoit employé en 1781 , ne peut pas
etre pris pour exemple. Il étoit associé à l’exploitation
de la mine des Barthes, dans la commune de SainteFleurine : il avoit aussi le logement et la table; il étoit
éclairé , chauffé et blanchi.
Bureau , l’un des arbitres, commis inférieur à C halier,
avoit en l’an 5 , 1400 fr. par année; il étoit l o g é , éclairé
et chauffé , et avoit encore l’avantage d’avoir auprès de
lui son fils, employé comme charpentier de la mine.
E u l’an 8 , le sieur Bailly , aux ordres de C h a l i e r pour
le compte d’Élieune F e u illa n t, avoit 1200 fr. par année;
�( 46 )
de plus son lo gem en t, celui de sa femme et de sa n iè c e ,
son chauffage et sa lumière.
L e même Bailly , en l’an 9 devenu directeur de la
mine des Barthes , pour le compte du sieur L e s e c q ,
acquéreur de cette mine , avoit 2400 fr. d’nppointemens;
p lu s, 400 fr. pour ses voyages à Brioudc ; ainsi que son
logement pour lu i, sa femme et sa nièce j plus, son feu
et sa lumière.
L e sieur V a lb le t, commis en l’an 1 1 ,
aux ordres
du sieur Lesecq fils, avoit 1200 fr. et la table : il étoit
logé à la m ine; il avoit à Frugère , près de la mine des
B arth es, un logement aux frais du sieur Lesecq , pour
sa fem m e, sa cousine et quatre enfans , ainsi que le chauf
fage de sa famille. L e sieur Chalier rapporte à cet égard
le certificat du sieur V a l b l e t , et ne craint pas d’être
démenti pour les autres.
«■
P o u r donner une idée des travaux de la direction ,
qu’on se figure un directeur occupé sans cesse à l’examen
des mines , à régler et vérifier le mode d’exploitation,
visiter les dégradations, soigner les réparations, veiller
sans cesse pour empêcher les inondations ou les incen
dies , descendre chaque jour à soixante brasses ou trois
cents pieds de profon deur, au péril de sa v ie , sacrifier
sa santé, craindre î\ chaque instant l’asphyxie-: telles sont
les fonctions pour lesquelles on voudroit donner un mo
dique salaire de 5oo ou 900 f r . , lorsque le maître mineur,
accoutumé depuis l’enfance à ce genre de travail à
exister pour ainsi dire dans les entrailles de la terre ,
enfin un simple o u v r ie r , avoit 720 fr. d’appointemens
par année j lorsque le maître charbonnier gagnoit un
�( 47 )
salaire de 600 fr. aussi par année. La proposition révolte
par son injustice. Il seroit bien cruel pour le sieur C h alier qui est sans fortune , qui a contracté des dettes pour
obliger son commettant, d’avoir aussi mal employé les
plus belles années de sa vie. La cour ne verra pas sans
indignation la partialité des arbitres, la parcimonie et l’in
gratitude du sieur F eu illa n t, qui revient contre son
propre fait ; et le sieur Chalier met toute sa confiance
dans l ’équité des magistrats.
Signé C H A L I E R .
M e. P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
,
M e. V E R N I È R E , avoué licencié.
/
u À a/\c*jiA -*- o m
/ tA iK fA A Jiuub*.
a xK t-A
<*** a i w j r f r ' ^ ia ( u J r
^ufc:
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-A. R lO M , de l'im prim erie de L
a n d rio t
, seul imprimeur de la
C our d ’appel, — Juin 1 8 0 6
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chalier, Antoine. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Vernière
Subject
The topic of the resource
mines
exploitation du sol
arbitrages
Compagnie de Paris
créances
créanciers chirographaires
tribunal de commerce
salaires
registres de recettes
livres de comptes
charbon
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Antoine Chalier, propriétaire, habitant du lieu de Brassac, appelant et intimé ; contre sieur Jean Feuillant aîné, négociant, habitant du lieu de Brassaget, intimé et appelant.
Annotation manuscrite: « 29 frimaire an 14, arrêt de la 1ére section. Ordonne qu'il sera procédé aux comptes devant les arbitres nommés et que toute pièces seront rapportées à cet effet. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1794-1806
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1613
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brassac-les-Mines (63050)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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arbitrages
charbon
Compagnie de Paris
Créances
créanciers chirographaires
exploitation du sol
livres de comptes
Mines
registres de recettes
salaires
tribunal de commerce
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Text
M E M O I R E
A CONSULTER.
E n l’an 1 2 , le sieur Blanchard, mon beau-frère, teinturier
à Riom , voulut s’associer avec le sieur Castillon , propriétaire
de cette ville, pour l’exploitation d’un cylindre à indiennes,
qu’ils achetèrent en commun au sieur Dufour , serrurier, de
meurant à Paris.
Domicilié moi-même à Paris, je consentis, pour obliger mon
beau-frère , a cautionner le payement de sa moitié, vis-à-vis du
ven d eu r et ce vendeur exigea encore que le sieur Castillon
vînt certifier ma caution.
L ’acte, passé à P aris, sous signatures privées, le 18 prairial
an 1 1 , est ainsi conçu
« Nous soussignés, M ichel D ufour, serrurier m a c h in is te , rue
de la Ju iv erie, n° 27 , à P a r is ,
« Pierre Blanchard, teinturier, habitant de la ville de Riom ,
département du Puy-de-Dôm e, autorisé par le sieur Castillon,
de présent à R io m , qui a promis de trouver bon e t de ratifier
les conventions suivantes,
A
�( 3 )
*
Etienne Castillon, propriétaire de la ville de R io m , dépar
tement idem ,
« E t Jean-Baptiste Assollant, rue de la Vieille-Draperie, n°4<7,
« Sommes convenus de ce qui suit; savoir: que moj M ichel
Dufour promets et m’oblige de construire, faire conduire et
mettre en place }m cylindre suivi de tous les agrès nécessaires à
icelui, bon à cylindrer les toiles de coton, fil, laine et soie, de
puis la petite largeur jusqu’à celle d’une aune -, les trois rouleaux
seront, savoir, celui du milieu en cuivre, de quarante-cinq
pouces, v. s., les deux autres en papier, à la façon anglaise; le
tout bien conditionné, et dans toutes ses proportions, afin qu’il
puisse cylindrer de la première qualité : de faire aller ledit cy
lindre par eau avec la môme roue d’un moi}lin farinier ou maillerie à chanvre, qui me sera fournie par lesdits Castillon et Blan
chard: de fournir tout ce qui sera nécessaire pour ladite méca
nique, le tout conduit et placé dans l’espace de quatre mois, h
compter de ce jour: lequel cylindre je garantis pendant un an
entier*, d’après lequel temps, étant bien conditionné dans toutes
ses parties, je n’aurai plus aucune responsabilité; et en ce qui
concerne la conduite, elle sera aux frais des acquéreurs, qu’ils
payeront aussitôt reçu; il sera conforme à celui que j’ai, à pro
portion de sa grandeur.
« L e prix dudit cylindre sera de la somme de huit mille six
cent soixante-seize livres dix sous argen t, tournois , de laquelle
somme moi Castillon prom ets et m ’oblige de faire passer, par
lettres de change ou autrement, en la demeure du sieur Dufour,
à P aris, savoir, la somme de quatre mille trois cent trente-huit
livres cinq sous, savoir, celle de deux mille cent soixante-neuf
livres deux sous six deniers, dans un an , à compter du jour
que le cylindre sera en état de (ravailler, et celle de deux mille
cent soixante-neuf livres deux sous six deniers , un an après,
avec l’iutér.el à raisou de six pour cent, sans aucune retenue.
�IÜ>7
( 3 )
« Â l’égard des quatre mille trois cent trente-huit livres cinq
sous, restans, pour parfaire celle de huit mille six cent soixanteseize livres dix sous,
- « M oi Blanchard m’oblige et promets de payer ladite somme
audit sieur Dufour, audit domicile, mêmes espèces, payemens
et intérêts, et jour fixe, que dessüs, afin qu’audit terme de deux
ans il ne soit rien dû audit DufoUr.
’
« E t moi Je a n - B a p tis te A ssollànt, promets et m’oblige qu’ en
cas que ledit Blanchard ne pût payer la totalité ou partie des
quatre m ille tro is cent trente-huit livres cinq sous, aux termes
ci-dessu s, après toutes poursuites faites , dans ce cas seule
ment, je promets et m’oblige de payer audit Dufour les sommes
qui pOürroientlui être dues par ledit Blanchard, que je cautionne.
« Enfin, moi Castillon, en outre, dans le cas où ledit Dufour
ne pût être payé en tout ou en partie par le sieur Blanchard, et le
sieur Assollànt, sa caution, aux échéances dites ci-dessus, après
toutes poursuites fa ite s , dans ce cas seulem ent, je m’engage et
promets d’acquitter au sieur Dufour le restant du prix ou la tota
lité, avec les intérêts, au même prix; alors ledit cylindre lui ap
partiendra en son entier, sauf à lui de rendre néanmoins ce qui
auroit été payé par ledit Blanchard en principal et intérêts, les
dommages-intérêts qui pourroient être dûs audit Castillon à cause
de non-payement, déduits; en ce cas seulement, ledit Castillon
sera libre de faire vendre ledit cylindre, pour le prix en pro
venant être payé au sieur D ufour, jusqu’à concurrence de ce
qui lui seroit d û , le surplus seroit payé et remboursé à celui qui
auroit le plutôt satisfait à ses engagemens, et le restant, s’il y en
avoit, a celui qui, par sa faute, y auroit donné lieu. Néanmoins,
ce qui pourroit rester du au sieur D ufour, de la part du sieur
Blanchard ou sa caution, ne pourra être exigible contre ledit
Castillon, qu’un an après les deux ans expirés, qui s’oblige de la
présente époque.
.
À 2
i*i
�VAl
C. 4 ) ■
r
« INous Pierre Blanchard et Etienne Castillon, fournirons et
payerons les maçons et matériaux, chaux, sable et pierres qui se* ;
ront nécessaires audit D u fo u r, pour le placement dudit cylin- •
dre. 11 est convenu entre les parties qu’en cas que lesdiis Castillon et Blanchard veuillent avancer le terme de leur payement, ,
ledit Dufour s’oblige à leur faire une remise de douze pour cent, j
« Lesdits Castillon et Blanchard s’interdisent la faculté, jusqu’à
parfait payement dudit cylindre, d’en exiger la vente, même en
cas de mésintelligence entr’eux; mais une fois p ayé, ils se réser-.,
vent respectivement le droit, en cas d’incompatibilité, de de-;
mander etfaire effectuer la vente dudit cylindre, et d’en partager >
le prix , à l’exception néanmoins, qu’en cas de défaut de paye-,
ment dudit Blanchard, il sera libre audit Castillon de le faire ven-,
dre , pour , du prix en provenant, finir de p a ye r ledit Dufour
de ce qui pourroit lui être resté dû.
« Fait triple entre nous, sous nos signatures privées, présens
à Paris les sieurs Dufour, Assollant et Blanchard, ledit.Castillon
devant signer en son domicile, le 18 prairial an 1 1 .
Signé, Dufour, Assollant et Blanchard. »
Rien de plus clair que la nature de l’obligation que j’ai con
tractée; rien de mieux désigné que la personne envers laquelle
je me suis obligé, et de mieux précisé que l’événement et la1
condition de mon obligation.
C ’ est à P a ris q u e j ’a i c a u tio n n é le p a y e m e n t d’ u n objet mo
bilier.
C’est envers le sieur Dufour, domicilié à Paris, que je me suis
obligé.
C ’étoit faute de payement aux termes convenus, et après
toutes poursuites faites, dans ce cas seulement, dit l’acte, que
j’étois obligé de payer au sieur Dufour les sommes qui pourroieut lui être dues par le sieur Blanchard.
•
�L ’obligation du sieur Castillon envers le sieur Duiour étoit
d’abord de payer sa moitié du prix du cylindre, et quant à l’au
tre moitié, l’obligation dépendoit de deux événemens.
L e premier, du non-payement aux échéances.
L e second, de poursuites faites contre Blanchard, et contre
m oi, sa caution.
On examinera bientôt si le sieur Castillon n’a pas changé
volontairement la position des choses, et s il n a pas amené 1 im
possibilité de réaliser les conventions. Il fout remarquer d’abord
que le premier terme de payement étoit fixé au dix-huit prai
rial an 12 , et que le trente frim aire an 1 2 , a été passé entre le
sieur Dufour, le sieur Castillon et un sieur A lb ert, qui n’est
point en cause, un acte dont je me suis procuré la connoissance.
Cet acte, sous signatures privées, est ainsi conçu :
« Nous soussignés, M ichel D u fo u r, serrurier, et Etienne
Castillon, propriétaire, et Claude A lbert, négociant, tous deux
habitans de cette ville de R io m , sommes convenus de ce qui
suit :
« M oi Dufour, reconnois avoir reçu de M . Castillon seul, et
de ses deniers , la somme de huit mille six cent soixante seize
livres dix sous, pour le payement par anticipation du prix du
cylindre par moi vendu au sieur Castillon et à Pierre Blanchard,
teinturier à Riom. En conséquence, je tiens quitte ledit Castil
lon de ladite somme, et le subroge , sans néanmoins aucune
priorité à la subrogation ci-après, en tous mes droits contre le
citoyen Blanchard et Jean-Baptiste Assollant, sa caution -, je lui
donne pouvoir de se servir de mon nom pour la répétition de
la moitié de ladite somme de 8,676 Livres 10 sous et intérêts j et
attendu néanmoins que dans cette somme il y est entré celle de
7,000 livres, prêtée audit Castillon par le citoyen A lbert, moi
Duiour, du consentement dudit Castillon, su b ro g e ledit citoyen
Albert eu tous mes droits sur ledit cylindre, jusqu’à lu libération
�c vl
( 6 )
entière dudit Castillon envers le citoyen A lb ert, des effets de
commerce jusqu’à la concurrence de la somme de 7,000 livres,
qu’il a tires cejourd’hui au profit de ce dernier. De mon côté ,
moi A lbert, en acceptant la subrogation faite à mon profit, dé
clare que sans cette condition je n’aurois pas prêté ladite somme
audit Castillon-, et reconnois que pour le plein et entier effet
d’icelle, j’ai demeuré dépositaire tant du double du citoyen Dufour, que de celui dudit Castillon. Fait triple entre nous à Riom ,
sous nos signatures, le 3 o frimaire an 12 de la republique fran
çaise. Signé, A lbert, Dufour et Castillon. »
Cette convention sembloit mettre le sieur Castillon aux droits
du sieur Dufour ; et en ne supposant pas, ce qui paroîtroit dé
montré, que le sieur Blancliard a paru sous le nom du sieur A l
bert pour prêter les fonds, ou que depuis, au moins, il a rem
boursé sur les produits du cylindre l’avance faite par le sieur
Castillon, dans le désir de profiter du bénéfice de la remise de
douze pour cent, il est établi du moins que les conditions du
traité de l’an 11 devoient toujours s’accomplir.
C’est ce qui n’eut point lieu, et le 18 prairial an 1 2 , terme du
premier payement, et le 18 prairial an i 3 , terme du second
pajem ent, s’écoulèrent successivement sans aucune réclamation
contre le sieur Blanchard, ni de la part du sieur Dufour, désin
téressé par l’acte de frimaire an 12 , ni de la part du sieur Castillon} qui paroissoit à ses droits.
O n n ’a p o in t con staté q u e le s ie u r B la n c h a r d ne vouloit point
payer au x tenues convenus.
11
n’a été exercé aucunes poursuites aux diverses époques de
p a y e m e n t , pour constater l’insolvaijilité actuelle du débiteur.
,1e me suis procuré la connoissance d’un autre acte sous seing
privé, en date du i 3 brumaire an 1 3 , fait entre le sieur Dufour,
le sieur Castillon et le sieur Blancliard} cet acte est ainsi'conçu :
« Par-devant, etc. ont été présent Pierro-Micliel Dufour, ser-
�(
7 )
rurier-machiniste, habitant à Paris, rue de la Ju iverie, n°. 27,
d’une part ;
Et Etienne Castillon et Pierre Blanchard, propriétaires, liabitans de la ville de R io m , d’autre part.
Lesquelles parties ont dit que par acte sous seing privé, du
18 prairial an 1 1 , le sieur Dufour avoit vendu auxdits sieurs Cas
tillon et Blanchard un cylindre suivi de tous ses agrès, bien
conditionné dans toutes ses p r o p o r t io n s , ainsi qu’il est plus au
long expliqué audit acte, que ledit sieur Dufour devoit garantir
pendant une a n n é e entière, à compter du jour de sa mise en ac
tivité que peu de temps après que le cylindre eut été posé, l’un
des rouleaux éprouva quelque défectuosité, et que le second
avoit cassé, ce qui avoit donné lieu à une réclamation judiciaire
de la part des sieurs Castillon et Blanchard, contre le sieur D u
four, qui avoit été portée au tribunal de commerce de Riom ,
par exploit du rj vendémiaire an 1 3 ; que ledit sieur Dufour ayant
réparé le premier rouleau, et remplacé le second, il ne restoit
plus qu’à faire prononcer sur la garantie promise et sur les dommages-intérets que lesdits sieurs Castillon et Blanchard prétendoient leur être dus, Comme ces contestations auroient donné
lieu à des frais considérables et à des voyages dispendieux, sur
tout par l’éloignement du sieur D ufour, les parties, pour les évi
ter , et pour leur tranquillité réciproque, ont, de l’avis de leurs
conseil , trçùté et transigé par transaction sur procès, ainsi qu’il
suit :
Anr. i<*.—
sieur Dufour s’oblige de délivrer, dans son ma
gasin à Paris, dans cinq m ois, compter de ce jo u r, auxdits
sieurs Castillon et Blanchard, un rouleau en papier, bien conditiopné , et conforme au dernier reçu, qui a été posé le i 3 du
courant, et qui a trois boulons.
Anr. 2 .— A u moyen de laquelle délivrance ledit sieur Dufour
(J.emeurera entièrement dégagé envois les sieurs Castillon et
�( 8 )
Blanchard, à compter de ce jour, tant de la garantie promise par
l’acte dudit jour 18 prairial an u , que par celle de rouleau à
recevoir.
En conséquence, les parties promettent de ne plus' le recher
cher directement ni indirôctement pour raison de ladite garan
tie, ni pour le passé, ni pour l’avenir.
A r t . 3. — A u moyen dés conventions ci-dessus, et en faisant
par le sieur D ufour la délivrance du rouleau dont il s’agit, aux
termes ci-dessus stipulés, tous procès intentés et à intenter entre
les parties, pour raison tant de ladite garantie que pour dommages-intérêts, demeui*ent éteints et assoupis, sans autres dépens de
part ni d’autre.
Nous soussignés, dénommés en l’acte ci-dessus et de l’autre
part, après en avoir pris connoissance, l’approuvons dans tout
son contenu, et promettons l’exécuter selon sa forme et teneur.
Fait triple entre nous, sous nos signatures, à R io m , ce i 3
brumaire an 1 3 .
Signé, B lanch ard, Castillon et Dufour. »
Cet acte donne lieu nécessairement à plusieurs observations ,
et le conseil examinera quelles sont les conséquences qui en dé
rivent.
' On remarque, d’abord, que je ne suis point partie dans cette
transaction, où les sieurs Castillon et Blanchard renoncent envers
Dufour à la garantie promise par l’acte du 18 prairial an 1 1 , et
y dé rogent en ce point.
On voit qu’ il n’est question dans cet acte d’aucune réclamation
possible de la part du sieur Dufour, contre le sieur Blanchard ,
et qu’il est payé intégralement du prix du cylindre.
Si, au contraire, il existe une action possible à celte époque ,
c’est: contre le sieur Dufour j elle est reconnue, par ce dernier ,
appartenir à Blanchard comme à Caslillon, et il transige sur cette
action intentée par l’exploit du 7 vendémiaire an i 3 , qui contient
�-
(
| 0y3
9 )
la demande au tribunal de commerce, de dommages-intérêts, et
l’exécution de la garantie promise par Dufour , en l’an onze.
Ainsi, Dufour est bien payé, Blanchard est bien libéré envers
lui, et on ne lui demande rien, pas plus qu’à sa caution.
A lb e rt, lui-même , qui, dans l’acte du 3 o frimaire an 12 , paroît subrogé aux droits du sieur D u fo u r, pour le cas de nonpayement de la somme qui paroît prêtée à Castillon, pour eteindre
à l’avance la dette de B lan ch ard et la sienne, n’est point appelé
à cette transaction. Il semble impossible de ne pas tirer de ces
faits Jh conséquence que Castillon et Blanchard ont concouru â
exécuter, à son égard, les conventions que Castillon semble
avoir faites avec Albert : comme il faut nécessairement en con
clure qu’à l’époque du i 3 brumaire an i3 , A lb e rt, 11’ayant au
cune réclamation à faire contre Castillon, ce dernier, en fait
comme en droit, avoit acquitté envers Dufour la dette de Blan
chard, principal obligé avec lui.
Ce fut par une lettre du sieur Castillon, datée de R iom , le 17
frimaire an i 3 , c’est-à-dire long-temps après l’échéance du pre
mier terme indiqué par l’acte de l’an onze, le seul qui fût alors
à ma connoissance, que j’entrevis le plan combiné entre mon
beau-frère et Castillon de me forcer à les aider de ma bourse, et
en saisissant, comme prétexte, le cautionnement que j’avois
contracté envers Blanchard, et en alléguant qu’il n’avoit point
acquitté la première portion de sa dette, ce qu’on n’a eu garde
de faire constater, aux termes convenus, par aucune voie légale.
Cette lettre est ainsi conçue :
« M onsieur, voilà la troisième que j’ai l’honneur de vous
» écrire; il me semble que vous ne pouvez faire autrement que
» me faire réponse, attendu que vous êtes obligé, ainsi que m oi,
» a payer, faute par M . Blanchard , voire beau-frère , d’avoir
» le moyen de le faire. C’est donc avec moi qu’il faudroit trou* ver quelques moyens pour éviter la perte totale de votre
13
�< •
(
1 0
)
" sœur et de sa famille. Si je suis obligé de poursuivre son inari
» par corps, les frais augmenteront la somme ; ils seront en pure
» perte pour celui de nous qui se” trouvera à môme de payer :
» l’espérance de bien faire leurs affaires se trouve éteinte par ce
'» moyen. Combien il'm e répugne d’etre obligé à pour-juivre
-» un ami qu’y a deux ans qu’il habite1'ma maison, et qui est à
>» mêmé’de faire dé bonnes affaires, si notre fabrique va en aug. » mentant ! Une faut pas's’attendre que nous puissions mettre le
» cylindre en vente, parce qu’il est dit, qu’aucune des parties ne
» pourra en demander la vente qu*il ne soit totalementQpayé
v par chacune d’elles: vous n’avez qu’à voir votre double} vous
» y trouverez cette clause expresse ; ainsi nous n’avons que le
» droit de faifé des" poursuites d’usage. Il p a r o lt q u e vous n’avez
» pas enténdii obliger votre beau-frère jusqu’au point de payer
» pour lui. Ce service est bien considérable ; mais si vous ne
•» l’aviez pas cautionné, je n’aurois pas entré dans la vente, et
» nous ne serions ni l’un ni {l’autre dans ces embarras. L e terme
» est échu, ainsi que des effets que j’ai contractés , qu’il m’est
» impossible de satisfaire , si vous ne venez de bon cœur sous» crire à vos erigagemens, ce que vous pouvez faire par d’autres
» effets sur Paris. C’est le plus grand service que vous puissiez
» rendre à votre sœur et à sa famille, qui peuvent bien vous con» server le principal et le revenu, et le bien payer par le moyen
» de leur travail et du p ro d u it du c y lin d r e , et surtout si noire
» indiennerie se soutient. Veuillez me iaire réponse de suite. J ’ai
» été dans cette affaire de bonne foi: vous ne pouvez vous obli» ger en m’écrivant vos intentions \ car je ne saurois soupçon» ner que tout ce qui est écrit dans nos doubles n’ait pas été fait
» de votre aveu et consentement, puisqu’ il paroît que le double
» que j’ai entre mains , est écrit en entier de votre main , et ap» prouvé de votre signature. En ne recevant pas de réponse, je
« ne sais à quoi m’attendre. 'Vous connoisçez plus que moi que
�( 11 )
» les poursuites vont vite en fait dç marchai^dises, et que si je
» suis forcé d’y v e n ir, ce ne sera pas long,,, que nous nous ver» rons de près à Paris. Suivant la le.ttrÇjde moii frère , que j’ai
» reçue ces jours derniers, il paro'ît que sa,femme vous parla, et
» que vous lui répondîtes que vous n’aviez pas de, réponse à me
» faire j attendu que vous aviejz écrit au sieur Blanchard , et, que
» vous lui aviez écrit vos intentions sxjr mes, deux lettres. Votre
» beau-frère m’a s o u t e n u n’avoir^eçu aucune le tire de votre part,
» mais qu’il en attendoit de jour en joi\r. Çelle-ci, restant sans
» réponse, de suite je prendrai mon,parti à ne rien ména» g e r , il en arrivera ce qui pourra. Si vou^ppuviez m’éviter de
» faire contrôler no&^loubles et toutes poursuites , notre fabri» que en vaudroit bien m ieu x, et que vous devenez bien inté» ressânt pour votre beau-frère et sa famille, qui n’ont pas d’au» tre ressource; et en acquittant chacun nos,obligations il se
» trouve un fonds que chacun a intérêt de ménager , les uns
» pour soutenir leur maison , et les autres pour trouver leurs
» ionds. Pensez-y sérieusement, je n’entends pas.vous surpren» dre ; je vous écris ce que je pense, et je suis en attendant
» réponse , avec une parfaite considération et confiance, M011» sieur , votre très-humble et obéissant serviteur.
» Signé, Castillon jeune. R io m , le 17 frimaire an i 3 .
« P . S. M . Blanchard m’a dit qu’il étoit sur le point de faire le
>» voyage de Paris, s’il ne recevoit bonne réponse de votre part.
» Répondez donc de suite, bien ou mal; qu’on sache c o m m e n t
» il faut s’y prendre. » ‘
11
}
. Il faut s’arrêter surtout, dans cette lettre, au point de fait
qu’ elle constate; que le cylindre avoit servi à élever une fabrique
d’indiennerie, et que ces m ots, notre fabrique , notre indicnn erie, établissent sans réplique le fait d’une société entre (Castillon et Blanchard ; société qui a dû produire des résultats c^ii
132
�»
V
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( G a -) >
onl 'pii' et diV'servît a'liquider Blanchard, soit envers Düfour,
soit envers Castillon, soit envers Albert; ’
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£N Vn doït-ôn pas tirëiHla conséquence’ que Castillon a Acquitté,
le i 3 frimaire an r 3 ,u n e dette de la société,Jpoür laquelle il est
aorr-rèccvàljle à me rechercher comme garant ?
r
"jV d o is encore ne pas1 omettre un fait qui démontrera lis nianègë employé constamment, et d’accord, poui*më forcer à payer •
un engagement que je tegardois comme anéanti.
' ' ’*i
■'Le onze germinal an r 3 , je reçus une assignation à compa-11
roître, le treize floréal an 1 3 , » à l’audience du’ tribunaldecom» irrièreé d eR iom , pour me voir condamner, solidairement avec J
» le sieiif Blanchard, comme caution d e’ ce dernier, « t^ ê m e r‘
»'par corps,'à payer la somme de deux mille cent soiximte-six °
» livres dix soüs,javec lès intérêts au taux de six pour cent par 0
» an, pour le quart du cylindre vendu aux sieurs Castillon et i
» Blanchard ^iftoyennant huit mille six cent soixante-seize liv.
» dix souè ,'comme’ m’étant porté caution pour le sieur B îa n ^
» -chard pour la ihoitiéj dont ladite moitié étoit exigible le cinq
» nivôse dernier, et à faute par le sieur Blanchard d’avoir eiTee^-01
» tué le payement de sa moitié dans la moitié du prix dtl cylin« dre, à l’époque du cinq nivôse, époque indiquée'comuieCônJ- '
» venue entre les parties, et aux dépens. »
y '
1
Cet exploit me fut signifié à Paris, h mon domicile, par BelIaguet jeune1, huissier, «Via requête du sieur D u fo m y qui élisoit
domicile a Paris p o u r vingt-quatre heures sèulement, et à Rioin
chez un sieur Gomot.
>; i 1cm
- / i ..
?
J e fus instruit aussitôt, par le sieur Dufour, que1cette assigna
tion avoit été faite sans son aveu*, et son but étoit facile ¡Vdeviner.
J e c r u s devoir prendre cette déclaration en forme anthentiqtie ^ et le douze germinal elle fût rédigée «iinsi qu’il suit i
11
« Aujourd'hui est comparu devant T a rd if et ^on collègue, naJ J
talréa ii Paris, soussignés,
' f ’ r,!
,J {!i
�( I.? )
» Sienr jVJ ichel Dufour,; serrurier-maçhinjste.demeurant à \
Paris, rue de la Ju iv e rie , n . 37. ^ vlSf} jj.),, . ll0f.
3 rM(f,., t .
» Lequel a, par ces présentes r ^ c la r é i>g u ^ lc,,est à tort et ù^son
insu que, par exploit de Bellaguet jeune* huissier près lps,tribu
naux de Paris, en date du onze gerniinaJ?çourant, enregistré, il
a été donné-à sa requête assignation au sieur Jean - Baptiste
Assollnnt, demeurant rue des Marmouzets , n°> 4 2 > pour côm- (
paroir, le i3 floréal prochain, à l'audience du tribunal de com-,,
merc.erde R io m ; que son intention n’est pas et n’a jamais été de
donner aucune suite à ladite assignation, ni d’exercer aucune ,
poursuite contre ledit sieur Àssollant, vis-à-vis duquel il n’a
aucune réclamation à élever; qu’il n’éntend nullement;non plus
en ¡exercer aucune pour les causés mentionnées audit .exploit,
dont il se désiste purement et simplement, en consentant ,sa
pleine, et entière nullité.
u!. H jJT J ^.i( .
», L e présent désistement, donné en faveur.dudit sieur Assoi
ent,ne pourra, dans aucun cas ni d’aucune manière, nuire, soit
auxr,droits du sieur Castillon, soit du sieür Blanchard, ou de
toute autre, personne que ce soit.
»-Dont acte fait et passé en la demeure du sieur Dufour , le
12 germinal an i 3 . »
^
En »’arrêtant seulement au fait établi par cette déclaration,
que le sieur Dufour n a aucune réclamation à élever contre
m oi, n’en résulte-t-il pas une fin de non-recevoir bien impérative , contre toute action intentée ou à intenter, et ne peut-on
pas employer un raisonnement bien décisif?
J ’ai contracté un engagement envers le sieur D ufour: le sieur
Dufour est payé; il n’a aucune réclamation ¡\ élever contre moi,
il n’en a aucune à élever contre B la n c h a r d ? E n su p p o san t qu’un
nouveau créancier ait été substitué à l’ancien, envers lequel le
débiteur s’est trouvé déchargé, la noyafiou n? s’est-elle pas
opérée complètement ? et ne suis-je pas déchargé de toute ga-
�(, *4 >
ranlie par ce seul fait? J e livre ces réflexions aux lumières de
mon conseiî. . ;
; ■
J e restai dans l’inaction avec l’acte rapporté , et le sieur Castillon, qui fut sans doute prévenu de son existence, renonça
pour le moment à ses projets*, car ce ne fut qu’en vendémiaire
an i4 seulement qu’il'fit constater l’insolvabilité de son associé ,
et qu’il me fit citer devant le tribunal de commerce de llio m ,
pour me voir condamner, et par corps, à lui payer la somme due
par Blanchard, après m’avoir dénoncé le jugement de, condam
nation, rendu antéiùeurement contre ce dernier.
,, , i
«y ?
/
■
' — ,
t r
Sur lé déclinatoiré présenté au tribunal de commerce, il a été
ordonné de plaider au fond5 et l’article 8,titi’e 8 de l’ordonnance
cti^iGG^paroît avoir fondé l’opinion des premiers juges.
,
t L a cour d’appél se trouve saisie par m oi} et tels sont en
abrégé les faits et moyens que j’ai cru devoir communiquer à
mes conseils, qui sont priés de les peser et de résoudre les ques
tions suivantes :
i°. Les juges de Riom sont-ils incompétens ratione loci et ra
tion e materiœ ?
.. 2°» L e sieur Castillon doit-il être déclaré non-recevable dans
sa demande ?
y
3 °i L e sieur Gastillon a-t-il un recours quelconque à exercer
contre moi ?
t
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consulter poux* le sieur, Assollant .
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L e s Ju g es de Riom sont incompétens\ CJ[l
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L e s ie u r Castillon est non-recevablé1 dans lsa demande ^ et
ducun recoürs ne lui est ouvert c o n tr e ^ s ie u r Assollant^ pour
le remboursement de la dette qu’il a acquittée volontairement
i\ titre de sociétaire et de co-obligé avecfle sièur Bianchard. J
i; ..
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*•' •
j-
P r e m iè r e
Q u e s t io n .
»• - i*;i ¿‘ * *
L a question de compétence proposée doit être résolut?en faveur
du sieur Assollant sous le prem ier rapport, ratione lôci. *
M ¿t
I m c o m p é t e n c e ratione loci.
On ne peut s’cmpecher de penser que les juges du tribunal
de commerce de R io m , qui se sont déclarés compétens, ont fait
une fausse application des lois, et ont violé les règles de compé
tence.
Ils ont violé l’article 1 7 , titre 12 de l’ordonnance de com
m erce, et faussement appliqué l’article 8 , titre 8 , de l’ ordounance de 16G7.
L ’article 1 7 , titre 1 2 , de l’ordonnance du commerce, est
ainsi conçu :
«
«
«
«
« Dans les matières attribuées aux juges et consuls, le créancier pourra donner l’assignation , à son ch oix, ou au lieu du
domicile du débiteur, ou au lieu auquel la promesse a été
faite et la marchandise fournie, ou au lieu auquel le payem ent
doit être lait. »
�( i6 )
On voit que le créancier ne peut assigner que dans trois
lieux;, et sous des conditions exprimées:
L e prem ier, est le lieu du domicile du débiteur ;
L e deuxième, est le lieu où la promesse a été faite et la mar
chandise fournie ;
L e troisième, est le lieu auquel le payement doit être fait.
L ’application du droit au fait, est facile.
L e sieur Assollant est domicilié à Paris: sous ce rapport, on ne
pouvoit et on ne devoit l’assigner que devant les juges de Paris.
C’est à Paris que l’acte du 18 prairial an 1 1 , contenant la
promesse des sieurs Dufour et Assollant, a été fait et signé, et
si la marchandise devoit être fournie à Riom , la double condi
tion exigée p a r l ’ o rd o n n a n c e p o u r c o m p é te r la ju r id ic tio n ne se
trouvant pas réunie, la compétence ne peut se décider en faveur
du juge du lieu où la marchandise a été fournie ; car les deux
conditions requises par l’ordonnance pour fixer la compétence,
ne se trouvant pas jointes, ce point ne peut la déterminer.
L ’ordonnance, ne compète point et le juge du lieu où la pro
messe a été faite , et celui du lieu où la marchandise a été
fournie; elle ne reconnoît comme compétent, que le juge de
l’endroit où à la fois la promesse a été faite et la marchandise
fournie; autrement, il faut en revenir à la règle générale,
d’après laquelle 011 dit ordinairement, Jid em ejus secutus e s ,
ergo domicilium sc<jui debes.
L ’avis du commentateur Bornier se rattache au nôtre. Il
énonce l’opinion que cette disposition et la marchandise fournie
n’a été ajoutée que relativement aux marchands forains, et
encore pense-t-il que trois circonstances doivent y concourir ;
la première, que la marchandise soit livrée au lieu de rétablis
sement deà consuls ; la seconde, que la cédille ou obligation y
soit passée; la troisième, que le payement y soit destiné.
Il n’excepte que le cas où la marchandise a du être payée
promptement,
�2 a\
(" .1 7
.)
promptement, parce que le marchand peut s’en aller .d’heure en
heure j mais si l’on a vendu à crédit, dit-il, habita jid e de pretio,
en ce cas le marchand ne peut être convenu hors de la juridic
tion de son domicile.
L e commentateur Jousse est aussi d’avis que le concours des
trois circonstances doit avoir lieu pour distraire le débiteur de sa
juridiction naturelle.
Ainsi, en considérant e n c o re que le payement devoit être fait,
à. Paris au sieur Dufour, d’après lacté cité, cette troisième cir
constance vient démontrer que les Juges de Riom ont violé les
dispositions de l’ordonnance, en retenant une cause dont les
juges de Paris devoient seuls connoître.
C ’est vainement qu’ils s’appuyent du vœit de l’ordonnance de
1667 : la fausse application en est aussi évidente que la violation
de celle de 167 3 est démontrée.
L ’article 8 , titre 8 de l’ordonnance de 1677 est ainsi conçu :
« Ceux qui seront assignés en garantie formelle ou simple ,
»> seront ténus de procéder en la juridiction ou la demande ori» ginaire sera pendante, encore qu’ils dénient être garans, si ce
» n’est que le garant soit privilégié, et qu’il demande son renvoi
» par-devant le juge de son privilège. Mais s’il paroît, par écrit
» ou par 1 évidence du fait, que la demande originaire 11’ait été
« formée que pour traduire le garant hors sa juridiction, enjoi» gnons aux juges de renvoyer la cause par-devant ceux qui en
» doivent connoître} et en cas de contravention, pourront les
»> juges être intimés, et pris à partie en leur nom. »
L e principe consacré par l’ordonnance ne peut être appli
cable à l’espèce.
D ’abord il ne s’agissoit: point, de la part du sieur Assollant,
de procéder en la juridiction où la demande originaire étoit
pendante.
lo u t étoit jugé avec le sieur Blanchard, assigné au lieu de son
aojr
�domicile. Il s’agissoiL de faire exécuter une obligation devenue
personnelle aù sieur Assollant, par l’insolvabilité de Blanchard,
après toutes poursuites faites; et cette poui’suite engendi*oit une
action distincte et séparée. L a demande nouvelle à intenter ne
pouvôit être portée devant le juge de la demande originaire,
pu isq u elle n y étoit plus pendante, et que l’ordonnance impose
cette condition. L a raison de la loi est évidente -, elle suppose
que l’action en garantie peut et doit être formée dans le même
temps que la demande originaire 5 et pour abréger les procé
dures , elle veut faire décider par un seul ju gem en t, ce qui
autrement entraîneroit deux procédures et deux jugemens.
I>es conditions de la loi sont contraires à celle du cas particulier
où la demande contre Blanchard dut être formée , et où toutes
les poursuites durent être faites avant de s’adresser à sa caution.
L e principe enfin qu’on doit rechercher dans les conventions,
quelle a été la commune intention des parties contractantes,
doit recevoir ici sa juste application.
Il est évident que le sieur Assollant, s’engageant
Paris en
vers le sieur Dufour, demeurant à Paris, n’a jamais entendu être
distrait de ses juges naturels, pour aller plaider à Riom . L e sieur
D ufour, avec lequel il a contracté, et envers lequel seul il s’est
obligé, ainsi qu’on le démontrera bientôt, 11’a jamais eu non plus
l’intention d’aller former à R iom une demande contre le sieur
Assollant.
On ne peut donc s’em pêelier de conclure q u e , sous CCS divers
rapports, l’ incompétcuce des juges de R io m , rationc loci, 11e
peut être raisonnablement contestée.
Im co m p é te n ce rulionepersonœ et materiœ.
Ce double m oyen d’incompétence peut être invoqué avec
succès par le sieur Assollant. Il est fondé sur sa qualité person
nelle et sur la nature de l’obligation qu’il a contractée.
�ÂO&
( r9 )
Blanchard, négociant, a pu être traduit devant les jjuges du tri
bunal de commerce, relativement aux difierens intervenus sur
! . 1 ' ' r ■ * ’ ? ’ ’ ‘ ' • ■•.
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la vente d’un obiet mobilier servant à travailler de sa pro„
.
’
I-MJ »
,
tession.
Sa qualité personnelle et la matière compétoient également la.
juridiction.
A u contraire, le sieur Assollant, employé à la comptabilité, et
n’adoptant point d’autre qualité dans l’acte de prairial an 1 1, devoit être considéré comme justiciable des tribunaux civils, ra
tion e personœ.
Sous un autre rapport, il ne pouvoit être traduit devant les
juges du commerce, incompétens ratione materiœ. On a'du re
marquer que l’obligation de la caution est distincte et séparée de
celle du débiteur principal, avec lequel il n’y a point d’engage
ment solidaire. Assollant a cautionné le payement du prix d’un
objet mobilier, après la discussion de Blanchard, aux termes
convenus, et on voit qu'il n’a point contracté en qualité de com
merçant ni de sociétaire, comme il n’a point renoncé à sa juri
diction ordinaire, pour en adopter une autre.
L ’obligation consentie par le sieur Assollant avoit-elle ouvert
une action contre lui? Elle étoit personnelle à lu i; elle étoit sé
parée de celle à diriger contre Blanchard : on n’a pu former de
demande, a raison de cette obligation purement civile, que de
vant des juges ordinaires.
S’être adressé aux juges du commerce, c’est, de la part de l’ad
versaire, avoir méconnu les règles de compétence.
A voir retenu cette cause pour la juger, c’est, de la part des
juges du tribunal de commerce, avoir violé le droit et la loi.
Ils sont incompétens à l’égard du sieur Assollant, ratione per
sonan et ratione materiœ.
L ’on ne doit pas clouter que les juges d’appel s’empresseront
d.e venger les principes méconnus par les premiers jilees.
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t>e, si^\ir-Castillon \doit-ihyêtre.idéclaré non-recevable dans sa
5b .arrr.or-t
dem ande?
‘Q!
JiEes fins clé non:recevôir s’élèvent en foule contre la demandé!
dii sieur Gastillon, dirigée contre le sieur Assollant *, elles se
puisent et dans les actes et dans les faits exposés, et dans l’appli-'
cation la plus juste du droit.
6
L ’acte du 18 prairial an i i /établissant que le sieur Àssollant
n’a contracté id’obligation qu’envers D u four , et que le sieur^
Castillon ne s’est pointtréservé de recours contre le sieur A'ssol- '■
larity lorsque, pour le cas prévu de non-payement de la part dü 'l
Blanchard et de sa caution, il est stipulé dans l’acte que le cyliri- *
dre appartiendra en son entier au sieur Gastillon ; il en résulte une
première fin de non-recevoir contre l’action q u ’il intente.
ü
Par l ’effet de l’acte du 3 o frimaire de l’an 1 2 , Dufour se troùv^
vant sans action, et'le sieur Assollant ne pouvant plus être sü1- ^
brogé par lui en des droits et privilèges qu’il n’a plus, l e 1sieur
Castillon lui-m^me ne pouvant faire usage de la subrogation,
pour la transmettre, en cas de payement, nu sieur Assollant, sansn
ouvrir une action contre le débiteur cautionné, qui reflueroit
sur le créancier, il en résulte que le sieur Assollant se trou ve!V
déchargé de son cautionnement, et que le sieur Castillon est nonrecevable à le poursuivre comme caution du sieur Blanchard.
Une autre fin de non-recevoir résulte encore do la novation
établie par cet acte de frim a ire a n 1 2 , où un nouveau créancier
se trouve substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur s’est
trouvé déchargé.
A ucunes poursuites n ’ayant été faites aux termes convenu^
contre B lanch ard, par qui que ce soit, toute action contre le
sieur A sso llan t, qui ne s’ étoit soumis k payer pour son beaufrère, qu’après* tontes poursuites faites, aux termes convenus, et
dans ce cas seulem ent, est non-recevable. " Hl
Ui- 1 *
j-
> uoq
�ilo j
( 21 )
Enfin la preuve du payement de la p a rf de Blanchard, qui ré
sulte d’une foule de circonstances, forme un'dernier mfcÿen, tjui,;
appuyé de tous les autres, qui se prêtent un mutuel secours, dé
montre avec eux qu’il ne peut exercer aucun Recours contre]le
sieur Assollant ; point que la troisième question, présente à,déri
^ &>> aucb J9 891»!' ■-*- i;i98rua
§. I.er jio-iî:
¿u'-Cf Rl'noile:Pour bien a p p r é c i e r les m oyens do fait et de droit qui fon
dent les fins de n o n -recevo ir indiquées * il faut s’arrêter d’aborda
à l’examen de l’acte du 18 prairial an n , qui contient en luimôme la solution d’une partie des questions que la demande d u i
sieur Gastillon présente a decider.
■ ; ijbo b? ‘»b ■ta oifui , \ft
Blanchard et Gastillon sont constitués débiteurs principaux b
envers le sieur Dufour ; Assollant y est déclaré la caution du
sieur Blanchard envers le sieur D ufour; Gastillon est encore
certifiçateur de caution envers le sieur Dufour.) tnoitoc tcia?, ■ :rrr
X«e$^obligations et des débiteurs principaux ,.j et de là caution,
et du certificatcur de caution, sont toutes, consignées dans le
même contrat.
i ,m
i
Gastillon s’oblige au payement de la moitié du cylindre, en
vers Dufour..
Blanchard prend le même engagement pour l’autre moitié h
envers le même vendeur,: et le sieur Assollant s’oblige de payer i
au sieur Dufour la totalité ou partie de la dette de Blanchard ^
si elle existe encore aux termes convenus, après toutes pour
suites faites, et dans ce cas seulement ; ce sont les expressions de ’
l’acte.
cider. :
*»¿007.9
On ne voit pas que le sieur Assollant contracte aucun enga*
gement envers le sieur Gastillon ; il ne s’oblige q u ’ e n v e r s Dufour, :>
Castillon vient cautionner la caution e lle -m ê m e envers D u
four , et il promet.deipayer, si Blanchard et sa cautionne payent
point , après toutes poursuites faites.',.,
<vj
�%o(ï
:. c* *» '
'
( 22 )
Dans. ce cas prévu de non-payement de la part de Blanchard
et du sieur Assollant, il est. stipulé que. le( cylindre appar
tiendra, en son entier à Castillon , et qu’il sera libre de le faire
vendre. •
,
On prévoit même le cas d’un déficit qui^doit être à la charge,
de celui des deux associés, q u i, par le défaut de payement, y
auroit donné lieu \ et l’on ne peut s’empêcher de remarquer que
Castillon ne se réserve pas d’action en répétition contre le sieur
Assollant.
Telle est en abrégé l’économie de l’acte du 18 prairial, trans-j.
crit en entier,dans le mémoire à consulter: la, première lin de
non-recevoir indiquée en découle nécessairement, ,
,
■,
•Point d’obligation, point .de droit.
lJje .'sieur. Assollant n’a point contracté d’obligation envers le
siçpr Castillon^ce dernier n’a donc personnellement aucun droitj
contre lui.
-,
¿ob
On peut dire plus encore-, c’est que la lettre, comme l’esprit
du contrat, prouve que jamais les parties n’ont entendu créer
u n e obligation d’Assollant envers Castillon.
11 étoit dans la nature des choses que le sieur Dufour exigeât
que Blanchard fut cautionné, et que la caution le lut elle-mêmej
c’étoit une sûreté personnelle pour le vendeur. Mais Castillon,
qui devoit participera la propriété, comme à l’exploitation du
cylindre, ne pouvoit et ne devoit exiger qu’ une chose, dans le
cas o ù il p a y e r o it le c y lin d r e , c’ eLoit le d ro it d’en disposer} ja
mais il ne p o u v o it prétendre, en acquittant sa dette (puisque
tout associé est tenu indéfiniment des dettes de l’autre), à répéter
le p a y e m c n l contre un tiers étranger ù, sa propriété comme à scs
produits.
Il est vrai cependant que dans le droit commun la caution
s’est obligée, envers le certiiicateur, de la même manière quç le
débiteur principal csl obligé cnyei^la çautionjmais dans l’éspèce
�2.01
(
¿3
)
particulière,'il y a dérogation tacite à cc droit, et Ton voit clai
rement que telle a été la volonté des parties.
Castillon ne s’est point engagé pour Assollant, mais pour son
associé Blanchard, et il s ’ e s t engagé, sous la seule condition d’un
recours, soit sur la personne de cet associé, soit sur lé cylindre
appartenant à la société.
En vain Castillon opposeroit-il à cette fin de non-rccevoir le
droit qu’il préténdroit faire résulter de la subrogation qui lui a
été consentie par D u io u r, dans 1 acte du 3 o frimaire an I 2 ; c’est
dans le fait même du payement constaté par cet acte, que se
puise une autre fin de non-recevoir qui va etre développée. J
La subrogation n’a pas pu détruire la loi que les parties s’étoicnt créée à elle-meme le 18 prairial an 1 1 , et il n’a pas pu dé
pendre du sieur Castillon de changer la position du sieur Assôllant, par des conventions particulières, qui n’ont point altéré
l’effet des conventions générales.
'
;i
S- I I .
.
’ .
En droit, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux
droits, privilèges et hypothèques du créancier, ne peut plus, par
le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de sa caution.
Ce principe a été consacré par le Code civil des Français,
art. 2037 j ct ^ ^loit
adopté par notre ancienne jurisprudence.
Dans l’excellent article Caution, fait par M . M erlin , et rap
porté au Répertoire de jurisprudence, oii lit, au chapitre intitulé,
la manière dontfinissent les cautionnemens, que le caution
nement, en thèse générale, finit, lorsque les obligations pour
lesquelles il est donné s’éteignenl, et que ces obligations peu
vent s eteindre de différentes manières, notamment,
» 7 . Lorsque le créancier s’ est mis hors d’état de faire h la
caution une cession ou une subrogation utile de ses droits
et de ses hypothèques , comme lorsqu’il a pris dès arrange-
�t
*■' \ •
'
( 2 4 )
mens avec son débiteur ou avec des personnes tierces, de
façon qu’en recherchant la caution, celle-ci ne puisse agir
fcontre le débiteur cautionné , que l’action ne reflue contre
le créancier. A qtioi bon seroit-il, ajoute-t-on, qu’un créancier
pût exercer un cautionnement dont il ne pourroit plus tirer
aucune utilité ? »
D e l’application de ce principe , aux faits de la cause , résulte
un second moyen de repousser la demande du sieur Castillon.
En fait, il est établi, par l’acte du 3 o frimaire de l’an 12 , que
le sieur Dufour a été payé du sieur Blanchard par le sieur Cas
tillon , associé de ce dernier. En cet état de choses, comment
le sieur Dufour créancier subrogeroit-il le sieur Assollant à des
droits qu’il n’a plus ? et comment le sieur Castillon lui-même,
en supposant que la subrogation contenue en l’acte cité ouvriroit quelque droit en sa faveur, pourroit-il en conférer un qui
s’exerceroit contre lui-même, puisqu’associé de Blanchard et
tenu indéfiniment des dettes de la société, la subrogation qu’il
feroit au sieur Assollant de tous ses droits , donneroit lieu des
poursuites contre lui ; et qu’ainsi l’action contre le débiteur
cautionné , reflueroit sur le créancier.
Il est évident que le créancier du sieur Assollant, caution de
Blanchard, soit qu’on doive le voir dans le sieur D u fo u r, soit
qu’on puisse le trouver dans le sieur Castillon , s’est mis hors
d’état de faire à la caution une subrogation utile de scs dx-oits. Il
a donc ouvert par son fait une lin de non-vccevoir contre l’action
qu’il intente.
S- IIICctte fin de non-recevoir résulte de la novation opérée par
l’acle déjà cité du 3 o frimaire an 12.
On ne peut pas contester que le cautionnement finit lorsqu’il
y a une novation.
C ’est
�( 35 3
C’est l’avis de M . M erlin, consigné clans le Répertoire, verbo
Caution , §. 3. — C’est celui de tous les jurisconsultes.
C’est le vœu de la loi, consigné dans l’article 1281 du Code
civil,' ainsi concu
» :
Art. 128 1. « Par la novation faite entre le créancier et l’un
des débiteurs solidaires, les co-débiteurs sont libérés.
« L a novation opérée à l’égard du débiteur principal, libère
les cautions. »
Prouver la n o v a tio n , c’est établir la libération du sieur Assollantj c’est ju s tifie r que l’action intentée contre lui n’est pas recevable.
Pour y parvenir, il faut rappeler en peu de mots les carac
tères de la novation , qui peuvent s’appliquer au cas particulier.
L a novation est le changement d’une obligation en une autre.
Garan de Coulon, verbo Novation, Répert. de jurisp.
Lorsque la novation se fait avec l’intervention d’un nouveau
débiteur, ou d’un nouveau créancier, la différence de créancier
ou de débiteur est une différence suffisante pour rendre la nova
tion utile, sans qu’il soit nécessaire qu’il en intervienne d’autres.
Potliier, Traité des obligations, part. 3 , cliap. 2 , §. 4 , n°. 56 1.
Lorsque par l’effet d’un nouvel arrangement, un nouveau
créancier est substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se
trouve déchargé , il y a novation. Art. 12 7 1 du Code civil.
Ces principes, adoptés par les meilleurs jurisconsultes, et con
sacrés par la l o i , sont incontestables.
11 est question d’examiner s’ ils peuvent être appliqués au fait.
On voit dans l’acte du 3 o frimaire an 12 , que l'obligation
contenue en l’acte du 18 prairial an 11 est changée en une autre.
O11 remarque qu’un co-obligé paye une dette non-exigible ,
et qu’au moyen de ce payement, fait avec l'intervention de deux
nouveaux créanciers,savoir,le; sieur Castillon et le sieur Albert,
le débiteur principal est libéré envers l’ancien créancier.
D
�( .2 6 )
^ . p a s évident, ^clpn l’avis de Potliiej.’ , que la. différence
'est suffisante ponrprepdre la .novation utile, sans.qu’il soit né
cessaire qu’il en intervienne d’autres ?
On voit enfin que par l’effet d’un nouvel engagement, de
nouveaux créanciers sont substitués à l’ancien, envers lequel
le débiteur principal, et même le codébiteur, se trouvent libérés.
L a novation est parfaite...
Sans doute on pourroit objecter, si la dette avoit été exigible
le 3 o frimaire an 12 , et si le sieur Castillon avoit payé comme
certificateur de caution, que la caution tient lieu d’un débiteur
principal ^vis-à-vis de ses certificateurs , et dans ce cas, on
pourroit conclure que le certificateur ayant payé doit avoir
un recours contre la caution qu’il a certifiée ; mais dans, l’es
p èce, les deux conditions d’exigibilité de la dette et de payejrJw'nt à titre de certificateur de caution n’existant point, le
payement fait le 3 o frimaire de l’an 12 n’est plus qu’un paye
ment volontaire et libératif, fait par un codébiteur pour le
compte du débiteur principal, qui se trouve libéré envers le
créancier.
L a qualité de codébiteur rend illusoire la subrogation qu’il
s’est fait consentir par l’ancien créancier 5 elle n’empêclie point
la novation, qui se trouve parfaite par l’extinction de la dette de
la part du débiteur, et parla substitution de nouveaux créanciers
à la place de l’ancien , envers lequel le principal débiteur se
trouve libéré. E l l e est b ie n p lu s illu s o ire e n c o r e , lorsqu’on
considère que c’est unassocié qui a payé là dette delà société, et
qui l’a fait dans son intérêt, c’est-à-dire pour jouir de la remise
de douze pour cent accordée par l’acte de prairial an 1 1 . E t une
dernière considération vient militer en faveur de la caution, et
nécessite la rigoureuse application du droit5 c’est que la nova
tion opérée a préjudicié à cette caution. En effet, informée de la
libération , et ne voyant point exercer de poursuites aux épo*
�O
Ofr
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«
cesser de veiller à la solvabilité du débiteur principal. ;
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§. i y .
■ >vt,-on
L a loi du contrat, qu’on ne peut violer impunément, loi, ac
ceptée par toutes les parties le 18 prairial an 1 1 , commandoit, à
.défaut de payem ent de la part de Blanchard , de faire des pour
suites contre lui aux tei’ines convenus ; et après toutes poursui
tes faites, dans ce cas seulement, l’obligation du sieur Assoliant
existait-, l’exécution de la clause exprimée ouvroit seule un droit
contre le sieur Assoliant, caution de Blanchard ,r droit sans le
quel il ne pouvoit y avoir d’action.
O
r,.
A voir violé la loi du contrat, en négligeant d’exécuter
une clause désignée de rigueur par ces mots^ dans ce cas seule
ment , clause inexécutable après les termès convenus, c’est
avoir ouvert la fin de non-recevoir la plus forte contre toute ac
tion en recours contre ie sieur Assoliant.
Ce n’a point été sans dessein que la condition impérative de
poursuites aux termes convenus contre Blanchard, a été insérée
dans l’acte dont est question , et que le droit résultant de l’obli
gation du sieur Assoliant n’étoit réputé ouvert qu’après toutes
poursuites faites, et dans ce cas seulement.
A
L e sieur Assolant n’avoit pas voulu prendre sur lui les risques
qu’il pouvoit courir parla négligence du créancier-, il avoit li
mité son obligation à un temps déterminé, passé lequel, elle devroit s’éteindre. Si le sieur Blanchard étoit insolvable à l’époqué
désignée, le sieur Assoliant devoit payer pour lui : mais il devoit
être prévenu de l'insolvabilité, elle devoit être a c tu e lle et prou
vée a u i tenues convenus. Le silence des créanciers a prouvé
que le sieur Blanchard n’éloil pas insolvable alors.
S’il l’est devenu depuis, le tort'irréparable lait ¿1 la càüt’idü cil
D 2
�*s t ;
( 28 )
yiph»t)la'loi.du <ion|ratf, justifie; pleinepienUa fin,de nonr^ece, voir ii|5foquée.riildBi^*rt edoneianoono aoo « ^ ^
j . 'y-no:
-jilozs'iioib nu
■m§v-^rtoq ro'b < t1b88' o* n no.:: vmIü
^9^Uh!dernier moyen vient sé'ratta'clier^à tous ceux indiqués 5
il ¿ë tire de la preuve que'Blànehard s]est libéré personnellement.
C'est cé q u i résulte d’une foule de circonstances qui formeroient
au moins des présomptions de la nature descelles que la loi aban- dônne aux lum ièréset à la prudence du magistrat; Ces présomp
tions peuvent guider sa: décision , lorsqu’elles sont, ainsi que
dan& le'cas particulier jl gravés, précises et concordantes.'jb uoii
Elles résultent«0^ ^ »
0
■ ob ;;oiîonrt
'fPr^D^ià^qualité des parties adverses, qui, étantqde société
pour l’exploitation du cylindre, ont nécessairement-appliqué
fces premiers produits à l’extinction de la dette contractée pour
en a c q u é r i r là propriété et en user en société, ai :>h
. h ub
s: Elles résultent/ 'T3X'° ,l
V J aun p jgo'n
20. D u payement anticipé , fait par Castillon, qui démontre
la confiance qu’il avoit dans son associé, et la certitude qû’il
avoit d’être remboursé.
ni)
-dElles naissent du silence du sieur Albert dans la contestation ,
quoique subrogé aux droits du sieur Dufour sur le cylindre/y
par lacté du 3 o frimaire.
-'i
3 °. La transaction du i 3 brumaire an r 3 , entre D ufour, Cas*
tillou et Blanchard, oifre encore une présomption p lu s lorte de
libération. Dans cette transaction y Dufour reconnoît, avec Cas
tillon , q u e Blanchard est libéré envers lui. Blanchard paroît
d a n s Pacte comme copropriétaire ;
et transige sur une action
intentée ù sa requête comme ù celle de son associé, contre Dufour , en exécution de l’acte de prairial an 1 1 .
,i,;
• C’est à une époque bien postérieure aux termes de paye->
ment convenus, et à la date de l’acte de frimaire an 1 2 , que.
BUmchurd truusigo en commun avec Custilloo ? sur l’action en*
�garantie' de ïa*borité;thi cylindre j' qué •l?actôi3 e 1'l^an',1i r'duvtoit
contre D ufourj et si ces circonstances n’ établissoiént^pâiJ Unë
libération nécessaire, d’où pouvoit seule résulter un droit exclu
sif poui* Blancliard et'Gastillonide sacrifier comme. d’apiéliorer
la chose, de quel œil la justiçejverroit^lle un açcoi’dfait au pré
judice de la caution -, à laquelle on ne peut contester le droit
d’être subrogé en toutes les actionsi.ouvertes au débiteur princi
pal, pour contester le.payem ent de la dette.envers le creançieriï
9 C et1acte ouvriroit encore une fin de npn-reçevoir, contre l’ao-t
tion du sieur Gastillon, s’il n’établissoit pas implicitement l’ex
tinction de la dette de Blanchard envers Dufoui\;9j r: 3r <rrv}
è»J 4 ?v L ’exploit abandonné du 1 1 germinal an 13 , fait évidem
ment de concert entre Castillon et Blancharçl ,,sous le,nom de
Du four, qui l’a désavoué en démontrant l’artiiicedes adversaires
du sieur Assollant, prouve que la demande intentées ¡contre lui
n’est qu’une ruse employée pour le forcer à pay,ep une dette
acquittée, rvr
tn ina^nq i
.°c
L ’acte du 12 germinal an i 3 , souscrit par DufQur,* établit
encore la libération de Blanchard, puisque;dans cet acte leiseul
créancier envers lequel Assollant s’est obligé, sousj;des conditions'cxpiimées ,■déclare q u il n’a aucune réclamation à élever.
6°. Enfin,la lettre du 17 frimaire , écrite par le sieur Gastillon
au sieur Assollant, établit que la fabrique d’indienneriq, montée
avec le cylindre, est,exploitée en commun} qu’elle est en plein
rapport-, et au milieu des réclamations exercées par Castillon, on
devine aisément, par les conseils qu’ il adresse à la caution, et les
espérances qu’il lui donne d’être remboursée sur le revenu de la
fabrique, qu’il n’a rien à prétendre, et qu’il cherche ¿\ forcer le
sieur Assollant à faire une mise de fonds pour son beau-frère,
dans la société : but vers lequel tendoit, l’acte d u , 3 o frimaire
an. 1.2, et qu’on aurai vainement tenté d’atteindre par la demande:
du- sieur Gastillon ^ que -le. -sicur Albert .eût dû Ioitoqï
n’eûti
�%\k
tJv
i
3o )
jpas été,payé pai4la société de commerce, dont l’existence est in
contestable.
,l?i8
agitai libération de Blanchard se présume par tous ces faits; et si
la-justice en doutoit encore, elle voudroit jetër un regard, et sur
l?acto de èociété (i) que devroit produire Castillon, et sur les
fègistres qui doivent contenir l’emploi du produit du cylindre
et la mise de fonds de chacun des sociétaires : il est certain que
la*preuve de la libération s'y trôuveroit matériellement établie,
-r ’En dernière analyse, et à côté de tous les moyens qui sont indi•quésfcn faveur du sieur Assollant, viendra se placer encore la con
sidération plus puissante peut-être, que le sieur Castillon nepoui*roit s’imputer qu’à lui-même d’avoir mal choisi son associé, et
d’avoir imprudemment payé pour lui une dette non-exigible. ^
On n ’oubliera point en effet que si le sieur Castillon devoit
payer la dette de Blanchard, que le sieur Assollant avoit cau
tionné vis-à-vis du sieur Dufour, c’étoit alors que ce dernier n’au«
roit point été payé, ni de Blanchard, ni du sieur Assollant, aux
fermes convenus, après toutes poursuites faites, et dans ce cas
seulement; mais que cette faculté étant personnelle ù Dufour,
elle n’a ouvert aucun droit à Castillon, puisque les coüditions
sous lesquelles il devoit s’ouvrir n’ont pas reçu leur accomplis
sement, par la seule volonté de Castillon, qui ne peut se venger
que sur le cylindre.
On verra que Castillon avoit un intérêt à se conduire ainsi
qu’il l’a fait : c’étoit celui de jouir de la remise de douze pour
cent, et que c’est ce qui l’a porté à suivre la foi de Blanchard,
et à acquitter sa dette , devenue depuis la dette de la société.
O n sentir^'qu’il n’a pas dû poursuivre son assôcié aux termes
con ven u s, puisque ces poursuites nuroient tourné contre la
sociétéj et qite l’événement d’une déconfiture,-si elle est réelle,
m rpdut fkire' rü v ivre ’fcri '^ f a v e u r un droit qu’il a laissé pres( i) On devra le provoquer form ellem ent par exceptions.
�Z\i
( 5i )
crire, faute de remplir les conditions sous lesquelles- il-pouvoit
seul exister.
:
On sera convaincu qu’il a.pu se faire rembourser, aux termes
convenus, par son associé , puisqu’il n’a point exercé de pourr
suites contre lui. On pensera que, si depuis Blançliard est devenu
insolvable, le tort que Castillon peut en épi’ouver, n’est dû
qu’à son impimdence, et que l’imprudence comme la cupidité
ne peuvent jamais se rvir de titres contre.un tiers de bonne fo i..
L e sieur A sso lla n tarén d u un service.d’a m i;iln ’a dû se croire
obligé que jusqu’au x termes des payemens indiqués. Dans le
silence des parties, intéressées qui s’étoient soumises à lui justi
fier l’insolvabilité du débiteur à cette époque, il a dû croire
Blanchard libéré totalement, et il n’a pas dû s’inquiéter de sa
position ultérieure.
Il a dû bien moins encore se persuader qu’un codébiteur,
qui avoit acquitté volontairement une dette non-exigible* vien*
droit s’adresser après longues années à un homme qui ne fut
jamais obligé envers lui-, et qu i, on le répète, car ç’est le mot
le plus important de la défense du sieur Assollant, ne devoit
payer qu après des poursuites à. ternies fix e s , qui n o n t point
été effectuées, qui ne peuvent plus Vêtre f et qui seules ouvroient
une action contre la caution qu o]i poursuit.
L e droit et 1 équité se ré u n is s a n t d o n c en faveur du sieur
Assollant pour proscrire l’action que le sieur Castillon a formée
contre lui.
E t en résumant toute la discussion ci-dessus j
Considérant sur la première question,
1 • Que l’ucte du 18 prairial au 1 1 , a été fait et signé à Paris ;
Que le sieur Assollant réputé débiteur à défaut: de puyement
par Blanchard qu’il a cautionné, a indiqué dans l’acte son domi
cile a Paris; et encore,.que le payement devoit être fait à Paris ;
2 . Que l’obligation contractée, par Assollant, l’a été en sa
�I
V
•
,
qualité de citoyen non-commerçant, et qu’il n’a point renoncé
A'sa'juridiction 5
^ 3 °. Que le cautionnement du sieür Assollant constitue une
^obligation distincte et divisible de celle de Blanchard, en ce que,
i°. Elle n’ est point sôlidaire avec celle du débiteur principal*,
2°. En ce qu’elle ne pouvoit exister qu’après une discussion
'"préalable ;
3°. Qu’il ne s’agissoit point de procéder sur une assignation
* cri garantie form elle'ou simple e n la juridiction commerciale
dè Riom , ou la !demande originaire auroit été pendante -, _puià* qüe tTabord la demandé originaire formée contre Blanchard,
*devoit être jugée, aux termes de l’acté-de prairial an 1 1 , lorsqüe
* le sieür Assollant devoit être assigné ;
^ Qù’il étoît question, au contraire, de juger une-demandé dis
tincte et formée séparément contre le sieür Assollant, à fin de
fipaÿemëht*dé la somme dont Blanchard étoit réputé débiteur
1 par jugement, demande formée contre le sieur Assollant, cornnie
'Vêtant obligé à payer pour Blanchard, sous des conditions ex
prim ées énTàctè. ' • v
Par ces motifs, le conseil estime qu’il y a lieu de réformer
’’îà' ’décision des juges du tribunal de commerce deR iom , comme
: avant violé les ïèglés de compétence', ratione lo c i, personœ'et
.•
. .
...
- II': . i
Inàteride.
i y;r ,
Sur la seconde question,
' 1 Attendu qu’il est étai)li en fait, ét prouvé par pièces ,
i°. Que Ifcé sieurs B la n c h a r d et Ciistilltfii se sont associés pour
élevcr et exploiter eh commun une ^îanüfa'dlüre d’indiennes ;
Qu'ils ont acheté pour l’exercicie de leur profession, un cylin
dre muni de tous ses agrès, au sieur Dufôur, serrurier-machi
niste ;
Qu'ils ècirit(i Anvenus d’en payer le prix à des époques déter
minées , chacun par jnoitié ,
1
Que
�( 33\
■
fÿ
Que le sieur Assollant, en cautionnant le sieur Blanchard,
s’ est obligé envers le sieur Dufour, seulement, alors que le dé
biteur principal ne pourroit pas payer la totalité ou partie de sa
dette, de l’acquitter, après toutes poursuites faites aux termes
convenus, et dans ce cas seulement ;
Que le vendeur a exigé, pour sa sûreté personnelle, que le
sieur Castillon certifiât la caution de son associé, et se soumit à
payer, dans le cas où elle ne seroit point acquittée aux termes
fixés , après toutes poursuites faites , et dans ce cas seulement ;
Que dans cette hypothèse, le sieur Castillon s’est réservé la
propriété exclusive du cylindre, comme le droit de déduire, sur
les sommes payées par Blanchard, les dommages-intérèts qu’il
auroit droit de prétendre} mais qu’il ne s’est réservé aucun droit
de réclamation contre le sieur Assollant-,
Que le 3 o ventôse an 1 2 , Castillon a payé volontairement la
dette de Blanchard, qui n’étoit point exigible, et qu’il s’est fait
substituer avec un sieur Albert, comme nouveaux créanciers, au
sieur D ufour, ancien créancier, envers lequel Blanchard, débi
teur principal, s’est trouvé libéré;
Que le 18 prairial an 12 , terme du premier payement indi
qué , s’est écoulé sans réclamations judiciaires contre Blanchard
ni sa caution, soit de la part de D ufour, soit de celle de Castillon,
soit enfin de celle d’Albert -,
Que le 7 vendémiaire an i 3 , Castillon et Blanchard ont tra
duit le sieur Dufour devant le tribunal de commerce de R io m ,
pour obtenir contre lui des dommages-intérèts, à raison de la
mauvaise qualité du cylindre qu’il avoit garanti p e n d a n t un an;
Que le i 3 brumaire an 1 3 , ils ont transigé sur cette réclama
tion, et se sont reconnus respectivement quittes et libérés, au
moyen de la livraison d’un rouleau que D ufour s’obligeoit d’ef
fectuer }
Qu’il est prouvé, par un acte du douze germinal an i 3 , passé
E
�( 3 4 )
devant Tardif et son confrère, notaires à Paris, que le sieur Dufour n’avoit à cette époque aucune réclamation à former contre
Blanchard et sa caution; et qu’une assignation, donnée le onze
germinal an i 3 au sieur Assolant, avoit été mal à propos signi
fiée à la requête du sieur D ufour, qui l’a désavouée ;
Que cette assignation, évidemment nulle, et d’ailleurs tardi
vement donnée, n’a point été renouvelée le dix-huit prairial an
treize, à la seconde époque fixée pour la libération de Blanchard,
.qui s’est écoulée comme la première, sans aucune réclamation
de qui que ce fût ;
Que les poursuites de Castillon contre Blanchard n’ont eu lieu
.qu’en vendémiaire an quatorze, c’est-à-dire, deux ans après le
premier terme fixé pour toutes poursuites à d éfau t de payement,
contre les débiteurs de D ufour;
Que c’est en cet état de choses que le sieur Assollant a été cité
devant les juges du commerce à Riom , à la requête de Castillon,
en sa qualité de nouveau créancier de Blanchard, comme étant
aux droits du sieur Dufour, ancien créancier.
Attendu qu’il résulte de tous ces faits ,
i°. Que Castillon, associé de Blanchard , n’a point acquitté la
dette de Blanchard et d’Assollant envers Dufour, après des pour
suites judiciaires contre ces derniers , faites en sa qualité de certificateur de caution, mais qu’il a acquitté volontairement une
dette de la société , n o n e n c o r e e x ig ib le , et dont on sa qualité
d’associé il pouvoit être tenu ;
2°, Que l’acte du trente frimaire an douze a opéré une nova
tion, puisqu’un nouveau créancier a été substitué à l’ancien, en
vers lequel le débiteur principal s’est trouvé libéré ;
3 °. Que par l’effet de l’acte susdaté de frimaire an treize, A s
solant, caution envers Dufour, n’a pu être subrogé parce dernier
en des droits et privilèges contre Blanchard, qu’il a reconnu ne
•plus avoir, dans les actes des i 3 brumaire et i i germinal au i 3 j
�'( 3 5 5
Qu’il ne pourroit point' l’être également par Castillon d’une
manière utile, puisque l’action qui en résulteroit contre Blan
chard pourroit refluer contre lu i, à raison de la société de com
merce qui a subsiste etparoît subsister encore entr’eux;
Que dans son intérêt personnel Castillon n’a pas voulu pour
suivre son associé aux époques fixées par l’acte de prairial an
onze, et que l’acte n ’ o u v r o it une action à Dufour, ou ses ayanscause, contre les co-obligés, qu’après toutes poursuites faites, aux
termes convenus, contre le principal débiteur -,
4 °. Que le sieur Assollant n’a souscrit aucun engagement qnvers Castillon, qui a prévu le cas où Blanchard et sa caution ne
payeroient pas le sieur Dufour, en se réservant la propriété du
Cylindre et un droit de recours en dommages et intérêts contre
son associé, sans en retenir aucun contre sa caution.
Considérant que toutes ces conséquences forcées des faits éta
blissent autant de fins de non-recevoir contre la demande de
Castillon, en ce q u e ,
i°. Tout associé étant indéfiniment tenu des dettes de la so
ciété, est non-recevable à répéter, contre la caution de son asso
cié, le payement volontaire d’une dette de la société, et qu’ un
cerlificateur de caution n’a de droit contre la caution que lors
qu’il a payé pour elle une dette exigible, et après toutes pour
suites faites \
‘
2°. En ce que le cautionnement finissant par la novation,
Castillon n’a point d’action contre Assollant ;
3 . En ce que l’obligation s’éteignant lorsque le créancier s’est
mis hors d’état de faire à la caution une cession ou une subroga
tion utile de ses droits, et le cautionnement cessant avec l’obli
gation, Duiour et Castillon n’ont plus aucun droit contre Asso
lant, caution de Blanchard envers Dul'our qui est payé \
4 • En ce que la loi du contrat a établi, dans l’espèce, une fin
de non-recevoir expresse contre l’action exercée maintenant
E 2
�cçptyg U ^ p tip n j, pu presçxivantau créancier Dufour de discuter?
l^ .^ ^ jte^ r principal aiix termes convenus, et d’épuiser dès-lors
l ^ ?jp q ^ u it^ s? pour pouvoir s’adresser, dans ce cas seulement, à
Ii‘up > * ia»li*t ^ sin o h « * «*»> ». ' a
~
>.Qu’àQdéfaut, dewpoursuites aux termes convenus, le sieurs
Assollant a pu se croire déchargé des causes de son caution'-b
nement^et ne plusjveiller à la solvabilité du débiteur principal;
et conséquemment que Castillon est lui-même non-recevablej
dans son action, personne ne pouvant avoir plus de droits que
DI^fQt^,,gjii,iJevi’pit lui^même être déclaré non-recevable , s’il
s’ad re^^jtàla caution; sans avoir fait toutes poursuites aux teripes.convenus^ 9VJiG, .
.
3
Entin ^tea^ce^que toute action doit dériver d’un droit, et
que Castillon n’a plus de droit contre Assollant,
c .»: • r ..
g£uisqjie cjl’abqrd il ne peut user de celui qui est ouvert à tout
certificajcur, de caution, n’ayant pas payé Dufour en cette qua
lité, et après desipoursuites judiciaires;
Puisqu’il^ acquitté volontairement une dette de la société, et
qu’il a ainsi libéré Blanchard envers le sieur Dufour , et opéré,
une novation, dont l’effet a été de décharger sa caution de toute
garantie;
1
Qu’il ne tient aucun droit de la subrogation consentie en l’acte
de frimaire an 1 2 , parce que ces dispositions, qui sont «\ l’égard
du sieur Assollant, rcs intcr alios acta , ne peuvent lui être
opposées en ce qu’elles ont de dérogatoire à l’acte de prairial an
1 1 , et que cette subrogation ouvrant à Castillon le droit de
Dufour contre Blanchard, lui a ôté en même temps celui qui
pouvoit s’ouvrir un jour en sa faveur contre Assollant, s’il étoit
contraint d’acquitter sa dette ;
Qu’il suit donc de là, que Castillon a eu un droit hypothéti
que contre Assollant, mais que l’événement possible n’est point
arrivé par son fait ; que le droit qui en dérivoit s’est anéanti, et
�se trouve remplacé par celui de propriété du cylindre1 eé’ dé
poursuite contre Blanchard, que CastiUon s’ est réservé eü'ibùC
événement dans l’acte de prairial an"1! iv, droit qu’il^peüt puiser1*
encore dans l’acte de frimaire an 1 2 , s’il est vrai qu’il n’ait point
été remboursé par son associéy et qii’il ait bénévolement payé
d’abord le sieur Dufour et ensuite le sieurA lbert.1*! ~ la*
:IEt en tous cas et eniun m ot, sans droit Contre Assollant, Càs^1
tillon n’est pas recevable dans son action. uP iaoraraau pàanoD is
r Sur !ku troisième question; "
f)nno?/nq , aonafi nos m e b
li Atténdu que les faits, moyens et considérations exposés1c i?
dessus, et notamment dans le § 5 , attestent la libération de Blan-2
cliard, envers Dufour, et que la caution se trouve ainsi déchargée’
de 1’engagement qu’elle avoit contracté envers lui , le 18 prairial
an 1 1 ;
sb euiq r,'n nolitls'. 5 oup
ii'Leuconseil, en persistant dans ses précédentes ''résblütibns,
estime que le sieur Assollant est déchargé dè son'cautionnement?
et qu’à cet égard on n’a aucun recours à exërcèr contre'lui. )lJ
3‘ Délibéré à Paris,■le ’ i 4 août 1806, par les v jurisconsulte*
soussignés.
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38)
L ’A N C iE N A V O C A T S O U S S IG N E , qui a pris lecture du
mémoire et de la consultation à la suite,
et par les mêmes motifs, sur tous les points.
Il observp que le sieur Assollant doit insister sur un moyen de
nullité qtii paroît décisif. L ’exploit introductif de l’instance est
donné à une fem m e qui n a voulu dire son nom. L ’huissier n’a
pas rempli le vœu de l’ordonnance de 1667, article 3 du titre 2,
qui veut, à peine de nullité, qu’il soit fait mention, en l’original
et en la copie, des personnes auxquelles les exploits ont été
laissés. L e sieur Assollant peut invoquer avec succès la jurispru
dence constante de la Cour d’appel et de la Cour de cassation.
L ’irrégularité de cet exploit est évidente*, et ce moyen 11’a pas
été couvert par les défenses au fond-, il a été opposé in lim int
E
st dit m ê m e a v i s ,
lUis.
Sur l’incompétence des juges de commerce, le soussigné re
marque, d’après Jousse, sur l’art. 4 du titre 1 1 de l’ordonnance
de 16 73, que la vente d'un cylindre ne peut être de Ja compé
tence des tribunaux de commerce. Il faut bien distinguer les
ventes faites par des marchands et artisans des choses qui doivent
être converties en ouvrages de la profession de l’acheteur, d’avec
celles qui ne doivent point être employées ou converties en
ouvrages de la profession. Ces dernières 11e sont point de la
compétence des tribunaux de com m erce. Jousse prend pour
exemple la vente d’un métier >'i bas laite à un bonnetier. Il décide
q u e la vente de ce métier est une vente ordinaire, faite pour
l’usage de l’ouvrier seulement, et non afin de revendre ; et dèslors, dit-il, les juges de commerce ne peuvent en eonnoître.
Cette doctrine s’applique parfaitement à l’espèce particulière;
la vente d’un cylindre pour calandrcr est à plus forte raison une
-vente ordinaire, laite pour l’usage de l’artisan seulement , et non
pour être revendu.
�Relativement aux moyens du fond, le soussigné n’a rien à
ajouter, les moyens sont développés avec autant de force que de
clarté, et la libération du sieur Assollant est évidente.
Délibéré à Riom
le 22 août 1806.
P A G È S ( de Riom ).
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A RIOM, de l'imprimerie de Landriot seul imprimeur de la Cour d’appel.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Castillon, Etienne. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Petit-Dauterive
Prieur (de la Marne)
Pagès
Subject
The topic of the resource
créances
cautions
compétence de juridiction
tribunal de commerce
cylindre à indiennes
teinturier
serrurier machiniste
moulins
fabriques
textile
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter.
Annotation manuscrite : « 7 janvier 1807, 1ére section. Dit bien jugé ce qui touche le jugement du 28 mars 1806.
Table Godemel : Caution : - est-elle déchargée lorsque la subrogation aux droits, privilèges et hypothèques du créancier ne peut plus, par le fait de créancier, s’opérer en faveur de sa caution. Compétence - voir action possessoire : 4. y a-t-il incompétence ratione loci, personae et materiae du tribunal de commerce de Riom, lorsque l’acte qui fait l’objet du litige a été fait à paris, le paiement stipulé devait être fait à Paris, par la caution non commerçante et domiciliée à paris, le cautionnement distinct et divisible de l’obligation principale ; et, enfin, l’assignation directe à la caution, après condamnation complète de l’obligé principal ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1803-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0310
BCU_Factums_M0502
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53281/BCU_Factums_G1607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cautions
compétence de juridiction
Créances
cylindre à indiennes
fabriques
moulins
serrurier machiniste
teinturier
textile
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52887/BCU_Factums_G0210.pdf
9f8ab4bd538f789bc7bc8961c1020562
PDF Text
Text
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^+•v'+'ï’+■v■+'v'+'ï'+■Y'■,
MEMOIRE
C O N S E IL
SUPÉRIEUR.
P O U R Me. J e a n - B a p T i s T E D E L A . Ire. Chambre.
B R E T O I G N E , fieur D U M A Z E L ,
‘ A vocat en Parlem ent, premier Echevin de la Affiîre quî fle: V ille de Saugues, Intimé.
mande ,ttemion‘
C O N T R E fieurs A n t o i n e & B e n o i t
F R O M E N T , pere & fils , Marchands
de la Ville du Puy en V élay, Appellants de
Sentence du Bailliage de Saugues , en la Duché
de Mercœur.
E N préf ence de Mef f ire A n n e t P R O L H A C ,
Curé de Saugues , de Mef f ire J e a n -F r a n ç0 i s
M O L H E R A j T , Chanoine de la Collégiale de la
même V ille, & des enfants héritiers d 'A m a b le
C 0 U R E T , veuve E N G E L V I N.
Infequiturque d o lu m , mens non fibi confcia fraudis. Juv.
C
Omment peut-il fe faire que maigre toutes
les précautions les plus recherchées contre
la fraude & l’injuftice, la maufaife foi foit toujours
�2
plus ingénieufe a tromper les meiures que l’on
prend pour récarrer, qu’on n’eft habile à fe ga
rantir de Tes pieges
de fes malheureux effets?
on va trouver extraordinaire que pour avoir voulu
travailler de la maniéré la plus efficace à éteindre
un procès que la chicane alimentoit depuis 1 2
ans, les moyens mêmes employés à cette fin aient
été le germe d’une nouvelle conteiïationl Peut-être
paroîtra-t-il plus iingulier encore qu’un homme
dont l’âge & les qualités annoncent une certaine
expérience, ait fujet aujourd’hui de fe reprocher
d’avoir agi avec une (implicite qu’on aurait de la
- peine à pardonner à la perfonne la plus bornée :
mais il n’en eft pas moins vrai qu’on a cherché à
le ilirprendre, & qu’on l’a iiirpris. Hé ! ne iont-ce
pas ceux qui ont le plus de droiture, qui agiiïènt
avec le plus de fimplicité ! ils ne iàuroient tromper,
ils s’imaginent de même qu’on foit incapable de
les trahir : fauffe idée dont l’intimé aujourd’hui reconnoît un peu tard toutes les dangereufes conféquences !
O n verra en même temps combien les fondions
d’un Juge font fouvent plus embarrailantes qu’on
ne fe le perfuade communément : la vérité n’eft
pas toujours facile à démêler du menionge : l’impoiture cit fi adroite, que fouvent il ne faut pas
moins que quelques rayons d’une lumière iurnaturelle pour la confondre. Si le Juge dont eft ap
pel avoit befoin de ce fècours extraordinaire dans
l’affaire dont nous allons parler, il ferait vrai de
�dire qu’il l’a obtenu. Ôn lui préfente une promeile fouicrite de l’intimé : cette promeiîe eft vraie,
c’eft un billet au porteur , qu’il ne faufoit défavouer ; mais il réclame contre l’injuftice & la mauvaife foi qu’on veut exercer contre lui : la vérité
feroit toute fa reiîource, elle lui fuffiroit, s’il avoit
le bonheur de la faire connoître.: il l’invùque., elle
Îe montre ouvertement aux yeux du Juge ; fa caufe ^
reçoit un meilleur accueil, Ôc ics Adverfaires font
obligés de fe retirer, la promeiîe a la m ain, cou
verts de honte & de confuiîon.
V o ila en fubftance, dans ce dernier trait, toute
l’affaire que nous allons développer a la C o u r ;
comme la prolixité nous eft infupportable, nous
' éviterons tout ce qui fera étranger à la caufe.
N ous ferons cependant obligés d’entrer dans des
notions abfolumcnt néceffaires pour approfondir
le myftere d’iniquité que nous avons à combattre,
peut-être l’indignation nous arrachera-t-elle quel'q u ’expreifion que nous n’aurons pu retenir; mais
nous prévenons que notre intention n’eft de faire
injure à perfonnc. On eit indigné y &z on ne
peut le d ire , iàns le faire paroître.
Notion préliminaire.
Dans le fait l’intim é s’ étoit aiïocie en 1 7 5 6
à un iieur A b el M olh erat, & un ficur V ital
Engclvin , pour prendre a titre de ferme tous les
revenus du Chapitre Cathédral de l’E glife du Puy,
* A 2.
04* ' * *
<
v- . O** •
4 .
*
�Pendant le cours de leur bail ils avoient éprouvé
de la réfiftance dans leurs perceptions de la part
d’une ParoiiTe qui avoit voulu faire la rebelle, ii
fallut plaider en la Sénéchaufîee du P u y , les habi
tants furent condamnés ; appel de leur part ail
Parlement de Touloufe.
Il fut queition de favoir en 17 5 9 lequel des
Aiîocies iroit à la fuite de cette affaire ; il fut
convenu que ce feroit l’in tim é, qu’il feroit toutes
les avances néceiîaires , qu’il k fuivroit jufqu’à
A rrêt définitif, & que chacun des A flo cié s, en
cas de condam nation, entreroit dans les frais ou
dépens pour un tiers II fut convenu en même
temps que les A flo c ié s, reliants fur les lieux,
feroient les affaires pour le député comme pour
eux , (k. qu’il lui en feroit rendu fidel compte.
L e Procès dure au Parlement depuis 17 5 9 ju£
qu’en 1 7 7 0 , que l’intimé parvient à obtenir un
A rrêt définitif.
A fon retour, il n’ a rien de plusprefle que de ren
dre compte de fa conduite à fes aflociés, & deman
de qu’ils aient à en faire autant envers lui.
Ce qui devoit fe faire fans la moindre difficulté
de parc ni d’autre , devient la matière d’une conteftation bien formée en 177.2,.
Il étoit queition de grandes indemnités que
le iicur du Mazel ( l ’in tim é) fe croyoit fondé à
réclamer, & outre cela d’un compte de nombre
d’objets dont il lui falloir faire raifon. T out ceci
annonçoit le procès le plus long & le plus lerieux ;
�le fieur du M azeî, pere de
enfants, tous vi
vants , étoit rebuté à l'on âge d’avoir plaidé fi
long-temps. Il gémiiïoit d’avance de la trifle néceilité où l’on alloit le réduire de plaider encore ,
lorfque le fieur P ro lh ac, C uré de l’endroit, qui
redoutoit l’événement pour les enfants mineurs du
fieur E n gelvin , engage la veuve &c le iicur M olherat d’entrer dans des propofitions d’arrangement
avec le fieur du Mazel.
On étoit bien aiTuré que celui-ci, extrêmement
las du procès, ne demanderait pas mieux que
d’y donner les mains. EfFe&ivement on lui fait des
propofitions ; mais par une bizarrerie finguliere ,
au lieu de traiter fur le to u t, on s’arrête aux in
demnités que du M azel réclam oit; cet article
étoit pour lui intéreiTant. L e fieur C uré follicite ,
prelTe le fieur du Mazel de commencer par là ;
celui-ci, en homme b o n , fimple &: honnête , cède
a l’importunité, & finalement fe reftreint pour ces
indemnités, qui avoient pour objets, des frais,
faux-frais 6c avances ( autrement qualifiés de dommages-intérêts ) à la fomme de trois mille livres.
A l’égard du fond de l’affaire, qui avoit trait
au compte que du Mazel dem andoit, il fut con
venu qu’il feroit nommé deux arbitres pour régler le
différent. Ces deuxarbitresfurentle fieur Bonhom
me & le fieur C o u rt, Procureurs. Il y eut d’amples
pouvoirs rcfpe&ivement donne's pour terminer fur
leur avis, ou fur celui d’untiers ; &c en même temps
il fut arrêté que la tranla&ion interviendroit dans
�6
im mois ou fix femaines au plus tard, particularité
à ne pas oublier.
Ici commence l’afEiire eilèntielle. Quand tout
fut donc arrête 7 le (leur Molherat & la veuve Engelvin er.tr’eux comptèrent l'Jo o livres au fieur
du M azel pour moitié des 30 0 0 livres d’indemni
té , & la veuve Engelvin pour les autres 1 ^00
livres fit un billet payable au porteur.
On fit faire pareillement un billet de la même
nature & de la même iomme au fieur du Mazel
pour le lier plus étroitement fur la parole qu’il
avoit donnée de finir ; ces deux billets furent re
mis au fieur Curé pour en être dépofitaire, avec
convention verbale que celui qui fe retra&eroit de
l’arrangement confié aux arbitres perdroit le mon
tant du billet. Il eft bon de noter qu’on avoit fait
donner au fieur du Mazel une quittance générale
fous fignaturc privée de tous les dommages & in
térêts qu’il pouvoit prétendre, laquelle fut pareil
lement rcmife au fieur Curé.
D e cette combinaiion il réiultoit que fi le fieur
du Mazel venoit à iè retrader, il perdoit les 1 ^00
livres, montant de fon billet y &c que le fieur C uré
remettroit aux aiiociés la quittance ou département
des dommages-intérêts ; que ii au contraire ies
aiiociés revenoient contre la convention, ce dépar
tement lui feroit rendu avec- fon billet & celui de
la veuve Engelvin y ce qui fàifoit parité de jeu. Jeu
fingulier, qui n’eft que trop ordinaire dans quel
ques provinces où l’on abuie de ces papiers de com
�merce, qui ne devroient exa&emcnt avoir lieu qu’en
tre négociants , & qui entraînent des inconvénients
auxquels il feroit de la fagelle des Cours de remé
dier, s’il étoit poffible.
Il fut fait également deux autres billets de 300
livres chacun , pour l’honoraire des A rbitres, l’un
par la veuve Engelvin , & l’autre par le fieur du
M a z e l, leiquels furent également dépolés entre les
mains du fleur C u r é , avec convention verbale que
le billet de celui qui fuccomberoit ièroit le feul
négocié, & que l’autre feroit remis a ion auteur.
Quand ces préliminaires ruineux furent fignés,
tous les papiers , titres & autres pieces du procès
furent remis iur le' cham p, & même fans inven
taire ni récépiiïe delà part du fieur du M azel, en
tre les mains des Arbitres, qui étoient pré lents, afin
qu’ils s’en occupaient fans délai r >car ayant tout
lieu de croire qu’il fe trouvcroit créancier, puiiqu’il
lui avoir déjà été accordé 30 00 livres de domma
ges-intérêts , il n’avoit rien a négliger pour que
tout ie terminât le plus promptement poiüble.
D u Mazel attendoit donc avec une forte d’im
patience la décifion des arbitres , loriqu’il s’étoit
déjà paile 5 m ois, que malgré toutes fes inftances
réitérées auprès d’eux , il n’avoit pu encore obrenir la moindre folution : ce délai affe&é l’obli
gea de faire aiïigner a ce fujet devant le Juge de
Saugues &; les Parties intérefïces & le s Arbitres. Sur
cette aiïignation il intervint Sentence le 17 N o
vembre 1 7 7 1 , par laquelle il fut ordonné que
�8,
dans le délai d’un mois les Parties & les Arbitres
rapporteraient une tranfa&ion , ou rendroient raifon de leur ina&ion ou de leur refus.
Cette Sentence fe fignifie, le fieur duM azel efpére de voir bientôt terminer les longueurs , mais
point du tout ; toujours même affè&ation a ne rien
finir. Il cite de nouveau les Parties &c les A rb i
tres à rAudience du Juge , &c il intervint fécondé
Sentence le 29 Décembre fuivant, par laquelle il
eil ordonné que dans le délai de quinzaine ( nou
veau terme accordé ) les Arbitres feront tenus de
finir leur opération ou de dire en perfonne les caufes de leur retard a exécuter la premiere Senten
ce , finon qu’après le délai expiré, il feroit de plein
droit permis a du Mazel de reprendre fes pourfuites, tous dépens réfervés.
Si fes Aflociés avoient eu la même envie que lui
de fin ir, c’étoit le cas de convenir de nouveaux
A rb itres, & de les prier de s’occuper de l’affaire
férieufement &c fans délai ; mais ils écoient trop
éloignés de rien faire de ce qui pouvoir accélérer
leur condamnation, ôc trop charmés de conferver
de fi amiables compofiteurs pour fe prêter à tout
ce qui pouvoit abréger les difficultés ; ils aimeront
mieux garder le filence & voir jufqu’oii le fieür du
Mazel pouileroit la partie. Celui-ci après avoir encore
pris patience pendant deux mois depuis la derniere
Senrcnce, qui n’accordoit que quinzaine, alloit re
prendre vivement fes pourfuites, lorfque le C uré,
djpofitairc de toutes les picccs, demanda jufqu’à
�la mi-carême pour rapporter la tranfa&ion. D u
Mazel fut pïus généreux qu’on ne le méritoit ; il
accorda de bonne grâce juiqu’à Pàque , avec aiTurance bien pofitive que ce feroit le dernier terme
qu’on obtiendroit de lui. E t comme on lui avoit
occafionné des frais de procédure pour les deux
Sentences obtenues , qu’on lui retenoit induement ion billet de 1 500 livres, ou du moins l’arjent rqui en étoit l ’objet, il exigea fes dépens,qui
ui furent rembourfés fur le cham p, 6c en donna
quittance , laquelle fut dépofée entre les mains du
fieur C u ré, ainfi qu’un billet de 36 livres, a lui confenti pour indemnité du retard qu’il éprouvoit au
iujet des 1 <500 livres dont il auroit dû être payé.
C e qu’il y a de iingulier, c’eft qu’on auroit bien
voulu encore que du Mazel eut fait un autre bil
let au porteur pour gage de fa parole fur le nou
veau délai qu’il accordoit ; mais c’étoit fe jouer trop
ouvcrtemenr de fa fimplicité, il fe répentoit'déja,
mais trop tard, d’avoir été ii facile à donner dans
les pieges qu’on lui avoit tendus ; finalement il eut
l’efprit de faire voir que ia parole d’honneur devoit
fufîire , que d’ailleurs ne demandant pas mieux que
de voir promptement finir toutes chofes , il n’avoit
aucun intérêt a fe rétra&er. Il fe contenta donc de
remettre entre les mains du fieur Curé la nou
velle procédure qu’il avoit faite au fujet de l’inac
tion des Arbitres avec une étiquette conçue en ces
termes : dépôt remis à M . Prolhac , Curé de Sau•
gues, jujquà Pàque prochaine , temps auquel il U
f
�JO
remettra au Jicur du Ma^d fans aucuneformalité
de jujliccj s'il ne rapporte la tranfachon dont il
s'agit..
Les Fêtes de Pâque lont expirées & au delat
<que du M azel, malgré toutes fes démarches & Tes
inftances les plus réitérées., n’efl: pas plus avancé
qu’auparavant. Il fe plaint vivement au fieur C u
ré vdu peu d’exa&itude qu’on avoit eu de répondre
;à ia bonne f o i t a n d i s que de ion côté il avoit
été icrupuleufement jaloux de tenir ia parole, il
croit appercevoir du myftere dans la réponie du
C u r é , en conféquence il ie détermine à lui faire
fignifier un a&e recordéle 14 .M ai 1 7 7 3 , contenant
une narration exa&e de ce qui s’étoit paiTé, & de
demander qu’il ait à lui faire un aveu de la vérité
du réciti
L e fieur C uré répond a cet a&e qu’il n’a rien
à dire quant a préiènt fur le dépôt cjui lui fut con
fié , mais que loriqu’il ièroit appelle en juilice, il
verroit ce qu’il auroit à déclarer.
Une pareille réponfè étoit bien iuipe&e dans Îà
bouche : la vérité devoit-elle ofFenfer quelqu’un ?
dès qu’elle pouvoit fervir à faire rendre juftice à qui
■elle appartenoit, pourquoi la taire ? L e fieur du
Mazel crut donc n’avoir de meilleur parti à pren
dre dans les circonftanccs que d’expofer le même
narré au Ju g e , & de demander qu’il lui fut per
mis de faire align er le C uré devant lui pour répon
dre catégoriquem ent fur chaque article, ce qui lui
fiito&royé par Ordonnance du 1 5 Juillet 1 7 7 3 .
�»
II
' L e i o du même mois le C uré com paroît, 6c
dit r i avoir rien a répondre fu r les conditions du
dépôt qui pôuvoit lui avoir été confié f la loi du
dépôt Lui ordonnant le filence.
Que fignifie une réponfe pareille } où a-t-on vu
que dire la vérité ce foit bleiTer la loi du dépôt ?
autre chofe une confidence > autre chofe un dé
pôt. Que quelqu’un me faiTe part en ami des fecrets de ion cœur y je fuis un malheureux fi je viens
à les révéler , a moins que la Jufticé ne Fexige pour
l’intérêt d’un tiers , & qu’il n’y ait point eu de
néceflité a la confidence qui m’a été faite ; car autre chofe feroit fi j ’avois été d’état a recevoir néceflairement cette confidence ; mais à Pégard d’un
dépôt de Pefpece de celui dont il s’a g it, c’etoit une
fauiïè délicateiTe de la part du fieur C uré d’exciper
de la prétendue loi du filence. Qu’un tiers étranger
à la choie eût exigé cette explication, fans doute
qu’il eût été louable de la Lui refùfer ; mais lorique
c’eft une des parties même intéreifée qui la de
m ande, pourquoi héfiter fur l’hommage que l’on
doit a la vérité, dès qu’elle lui eft néceilaire pour
empêcher la fraude & l’injuftice > Peut-être que le
fieur C uré ne nous trouvera pas un cafuifte fuivanp
fes principes , mais nous croyons l’être en ce mo
ment fuivant l’équité , & par confisquent iùivant
la religion. Dans Pin fiant no.us allons voir combien
il eft fâcheux pour le fieur du Mazel que le fieur
C uré s’en foit trop rapporté à fa confcience a cet
cgard.
B
2L
�Sur la réponiè du fieur Curé le Juge ordonne
qu’à la diligence du fieur du Mazel le tout fera
communiqué aux parties intéreifées, avec aifignation à comparoir devant lu i, & c .
,
Affaire principale.
f
.
*
C ’eft ici qu’il faut fe rappeller le billet de i ^oo
livres qu’on avoit fait faire au fieur du M azel, paya
ble au porteur : ici il va devenir la vi&ime de la
fraude la plus infigne : ici on va voir avec quel peu
de fcrupule le Curé, fi délicat en apparence, en agit
fur le dépôt qui lui eft confié : le filence, dit-il,
eft pour lui une loi inviolable, & il ne craint pas
de violer le dépôt lui-même ; il étoit convenu
comme nous l’avons d it, que celui qui fe retracteroit feroit puni ; le fieur Curé à la vérité avoit
été fait le dépofitaire des armes de la vengeance ,
mais ce n’étoit pas lui à punir, il devoit fimplement
être le porteur des inftruments de la punition : la.
eau fe de l’une des parties devoit lui être auifi à cœur
que celle des autres : il devoit p rier, preifer de ter
m iner, ou du moins s’il fe regardoit comme devant
être le vengeur de la prévarication, il devoit être
lin vengeur jufte, ôc punir les vrais coupables: mais*
point du tout, fa partialité ne s’étoit déjà que trop,
manifeftée ; il acheve d’en donner les preuves les
plus complettes.
Il s’imagine que parce que le fieur du Mazel l’a
fait ailigner, cette démarche peut être pour lui une
�*3
raifon de faire tifage contre lui des armes dont il
l’avoit rendu dépofitaire,
que fous'prétexte
qu ’il n’avoit plus envie de term iner, c’étoit le cas
de lui infliger la peine à laquelle il s ’etoit fournis;
en conféquence il remet aux Engelvin le billet au
porteur, confenti par le jfieur du M azel, &c aux
A rb itré s, celui qui concernoit leurs honoraires.
Le fieur du M azel ne s’attcndoit certainement
point à un procédé p areil, lorfqu’on lui annonce
que fon billet de 15 0 0 livres avoir été remis par.
les Engelvin'aux' nommés Jrp .m en t, pe^e:ôc n ls,
Marchands de la V ille du Puy., &. que ceux-ci
l’avoient fait aifigner,en la Jiiriidi£tioq Gonfulaire*
de la V ille Brioude, pour êtfc .condamné à leur
en faire le paiement.
^
, ;
Sa furprife -futitellp,;.qu’qr\ peut fe l’imaginer.
Il n’eut rien de plus préile que-.de fe rendre à,
Brioude ; il cxpofe aux. Ju ges-aGonfuls - toiite[ la
fraude dont on a ufé envers lui ; les Juges-^Côn^,
fuis n’ont pas de peine à concevoir qu'effective
ment les choies ^peuvent être ;carnrnçjljes annôh-r
ce ; en Juges pleins de fageiîè
die défonce , avant-»
de 1k 111 e r .i!s r d o nnen t que le ijeur .Curé- de
Saugues fera entendu, pour lavoir de Ju .L x o jn -..
ment les.phofes le iont ,pailles.. L e Çui\çrparpîte,n
perlonne" devant ces Jugest; il leur fait .alors unaveu iincére de fon imprudence, il ne peut difïimu-1
1
i
r 1
r*
1
^
1er que les rrom ent ne lont, (\\x\m\prctc~nom^
qu’ il ne leur cil; rien dû , qu’ils n’ont rien d e b o u t
pour avoir ce b ille t, ôc que fi le iîeuvudu M a^cl'
�H
n’ eft pas dans ion t o r t , comme il Ta cru trop lé
gèrem ent, le billet doit lui être remis, (a)
* Les Ju ges-C on fu ls, fur cette explication, ne
regardent «plus la demande portée devant eux
comme une affaire de commerce, ils en renvoient la
connoiiïànce au Juge ordinaire.
Les Froment favoient parfaitement que le Ju ge
de Saugues n’ignoroit point toute la manœuvre
î
• r ; *1
■ encore allez
(T
qui s etoit
pratiquée
us n’ avoient*. pas
de front pour lui foutenir en face que le billec
leur eut été confenti pour M archandifes, comme*
ils l’avoient prétendu à Brioude; ils fe laiiïènt
condam ner, & interjettent appel de la Sentence
en la C o u r , où ils fe foint flattés qu’on n’entreroit
dans aucune des particularités qui pouvoient leur
être contraires, pour ne faire attention qu’au billec
dont ils font porteurs, (b)
. L ’Intimé, malgré l’efpecè de certitude qu’il croit
avoir fur la confirmation de la Sentence dont eft
appel, n’a pas laifle , à telle fin que de raifon , d’appeller en' la C our le fieur Prolhac , C uré de Sauues1 j -ainii que le fieur Molherat & les héritiers
ingelvin, comme parties néceiîàires dans la cauie
f
' ('<f) F ro m e n t, fils , fut pareillem ent interrogé à p a r t; ni fa
réponfô ni celle du Curé ne furent rédigées, par é c rit, to u t 1
fe traite fom m airem ent aux Boùrfes co n lu laires; on y écrit
m oin s’ quon n’ y parle.
• (b) U ne chofe à rem a rq u e r, c’ eft qu’il n’ y a point d ’appel
de laSentence des Ju g e s-C o n fu ls, fi ces Ju g es ont régulièrem ent
ren vo yé , puifqu’on ne s’ en plaint p a s , le billet n’étoit d o n c
point fait pour être com m ercé.
�pour demeurer garants envers lui, en cas d’événe
ment , attendu que ce feroit par leur fait qu’il ie*
roit tenu du paiement du billet, s’il furvenoit quel-'
que condamnation, (c)
Il n’eft donc queition actuellement que de rap
procher tous les traits de lumiere les plus propres
à faire voir que la remife du billet faite aux Appellants eft l’œuvre de la fupercherie & de la mauvaiie foi la plus iniigne , que par conféquent il eft
jufte que les chofes ioient rétablies dans leur pre«
mier état juiqu’à nouvel ordre : après quoi nous
ferons fentir le fondement de la miiè en caufe des
vraies parties intéreilees, pour répondre de tout en
cas d’événement.
DifcuJJion vis-à-vis des Appellants.
Les Appellants veulent que le billet dont il s’a
git leur ait été confenti pour fait de commerce :
mais quelle efpece de commerce l’intimé a-t-il pu
avoir avec eux ? quelle relation d’état & quel gen
re de négoce peut-on articuler ? les fleurs Froment
iont marchands de dentelles de la Ville du Pu y j
mais y a-t-il la moindre vraifemblance que l’in
timé y qui toute la vie n’a été occupé que d’af
faires , ait voulu devenir fur la fin de fes
jours un revendeur ; il eft A v o c a t, premier Eche(c) Il y avoit déjà eu dem ande pareille devant le B ailli de
Saugues : ce ci donnera lieu à une évocation.
�l y : .
16
vin'du Bailliage, & cette placé aurait-elle été faite
pour un petit marchand *en détail, tel qu’il faudrôit le iuppoier ? premiere circonftancé qui effecti
vement donne bien à „penfer que jamais le'*billet
en qüeftïon n’a été fait pour les From ent, pere &
fils ; d’ailleurs il n’eft pas dit aux porteurs , mais
au .porteur.
w T
~r Liés Frômènt ^diront peut-être qu’il, fuffifoit .que
le billet ' fut* (’au porteur , &f ^qu’ils( l’euffênt1 reçu
d’autrüi, pour qu’il fût égal1’que l’intimé eût'com->’
mercé avec'eux ou avec celui en faveur duquel il
¿voit étét originairement- coniènti.
- C eft- l’argument le plus fpécieux qu’ils fe font
propofé de faire valoir ; mais fi ‘éffe&ivement il a’
été confenti. a quelqu’autre marchand pour fait de
marchandifes, dites de qui vous le tenez, nommez
celuij qui vous , l’a négocié. Voilà la pierre de touche qui les a éprouvés devant les Jü ges-C o n iu ls,
qui les auroit fait connoître devant le Bailli dé
Saugues. Ils ont voulu iàuver la difficulté, en s’i
maginant que la C ou r n’y chercherait pas de ii
près : ’ cependant c’eft un moyen de découvrir la
vérité ; pourquoi feroient-ils difpcnfés de cette dé
claration ? ils craignent cet écûeil, & en effet ils
rie peuvent s’empêcher de convenir que ce fera les
Engelvin , qui n’ofant point le faire valoir par euxniêmesy'oiit cherche a fe fervîr du 'nom des F ro
ment,, gens faciles aiLprêter-à tou t, &c qui par un
faux honneur
.croient obligés aujourd’hui de ioutenir la partie1;'mais encore une fois qu’ils déclarent
�■ '7
,
çle qui ils tiennent ce billet ; l’Ititimer el’unç décla
ration a. l’autre. arrivera.ijuiquà, U?fource /î ’ quçl
tort letur;fa.itr.Qfti.3j- : uv./'-v’.as -mai ~Jj nivbgnH
. 1 Cependant comment oÎ^rme^it-,ils!fe ieppferiilir
cet argument > apr'ds. avoir, fauteriu : devant les
Juges-Confuls d’avoir fourni en marchandifes, a
l’intimé,lç montant: dçrfoh billet, mais :enciare en
quelles- rnarchandifes.,yleur,c a-t^oh dit ? ¿le, 'défaut
de* mémoire;,eft alors venu à leur-feeôUTS,iils:dnc
répondu qu’ils ne fe râppelloienx point IlVipece
de founiture, mais que Le billet'conténoit vérité.
V it -on jamais de réponfe. d’une .plus:infignp
mâuvaifè foi >an a un billet'de ji 5 00 >livres jcFun
particulier pour màr.chandifes, & l-’onne fe rappelle1
plus ce que 1 on à. fourni d’une.année à l’autre ? i o r i
oublie une livraifon de i$ o q livres à';la:i£ais~?i
mais un Marchand n’a:t-il pas toujours'lies!livrèsry>
ou.iil retrouve ce qu’il a r.cçu & :x h ‘ qn’il d ven+i
du ? cette ieuje circonila'nce eft éneore décifivq c o îk
tre les A ppelan ts.
r û'
, Un fait confiant, ôi qu ils ne (au raient ;déiàvmier^
c;eft qu’après avoir cté^condamnés, fentaht ;a nier^
veille que leur demandé ne pouvoitque'Lcurfairdle^
plus grand tort, ils ont été au devant dcspourfuitesf
que l’intimé auroit pu faire pour récupérer les frais
qu’on lui avoit'i otcafionne* Ils avoient'’ chargéf
1Huiftlér d(i lui faire des .offres ,' que; l’Inrimél
avoit déjaiacceptées, & dont il écrivoic-l^qi^tM iVî
c e , lorfque 1un des Engclvin p aro ît, appelle-»
lH u iflier 6c .fait reprendre l’argent, ic’eib u n iait •
£
�dont la preuve eft offerte, s’il clt befoin ; preuve
qui dévoilera tout leuconcert qui regnoit entre les
Engelvin & leur prête-nom ; concert qui devien
dra ,encore plus palpable, fi l’on- obfcrve- que la
fignification du relief d’appel en la Cour faite a
l’in tim e, à la requête des From ent, eft écrite de
la. mainid’un* des Engelvin, En effet , il eft ordi
n a i r e dans .les affaires où ihy.a un prêtè-nom , que
celui-ci. ne fe donne pas beaucoup de peine, &
qu’il laifle aux véritables Parties tout le foin d’agir.
-Mais:enfin., diront les A d veriàires, qu’eft-ce
que tout;cela prouve? :
Tourcs ces particularités ne font pas à la vérité
une preuve frappante au premier abord ; s’il en
ctoit autrement, fans doute qu’il n’y auroit plus
de difficulté ; mais toutes ces particularités rappro
chées , leur liaifon bien fentie, on ne peut fe refu-*
fer à la conviction intime que l’on a de la fraude
pratiquée contre celui qui s’en plaint aujourd’hui,
i l eft queftion de la faire fentir cette fraude : peutêtre ne pouvons-nous pas nous flatter d’y réuilir
vis-à-vis de ceux qui rejettent tout ce qui n’eftpas
conforme aux maximes auftéres de la chicane fur
laquelle ils font principiés. V oici un billet au por
teur , diicnt-ils, rien ne peut l’effacer qu’un paie
ment. C ’eft le centre , duquel il n’eft pas facile de
les fortir; mais la Jufticc fe régie fur d’autres
principes ; elle fait par expérience de quelles ma
nœuvres font capables la fraude & lamauvaife foi ;
elle fait qu’on n ’épargne rien pour cacher le dol
�f9
&c l’artifice , & que les hommes les plus injuiles
font ceuk qui réclament \'e plus ^ouvertement fes
Teglesôc ies:maxiiries. A uifi^oriquon fe plaint de
Fraude , ne refufe-t-elléfpoint ion attention a la
iàifir ; elle'entre jufquesdans les plus petits détails,
& c’efl pour elle une- efpece de triomphe de la
confondre & îd e la punir.
/:r ; -o l
r ~
- L ’équité a donc *des réglés iupérîeures qui ne
iontrfaites que pour des Juges pleins de fageffe ÔC
. de difcernement. La cTiofe la plus jufle en apparen
ce peut iè montrer à leurs yéux: avec tous fes 'dé
fauts , tandis'qaaux yeux du vulgairé éllénè fait Voir
que les dehors'les plus favorables. L*é<3uifé*'efl:i’ame de la juitice , les réglés les plus iévères font
pour la défendre, & jamais pour empêcher d’arriver
jufqufa elle: in omnibus \æquitas maxime fpcclrinila
Dès-lors fi l’intimé à iùjet /de feiplaindre de fraude'*,
pourquoi ne lui fera-t-iLpas' permis de la fuivre
dans toutes les finuofités où elle'cherche à fe re
plier ? elle fe tient dans rcbfcurité , il faut donc y
jetter toute la liimiere propre à la découvrir^; cju’inVporte que toute la'clarté n’tmane pasf d’urt feulJ‘&
même flambeau.* Si la fraude fe re^cdnncît*, il nVn
faut pas davantage, & l’événement jùilifie'tôüs les
moyens qu’on a; pu dès^lors employer ;pour la
déceler. ; I ;rt :• v*.-*,
• ' ;,jI J -l -t.-m
z
- Faire voir a Ia'Juilice. que-le billfct dôni il s’agit
rï’âuroit jamais dû paroître, &c qu’il cil -indighc a\Vx
Adveriaires dc.le produire , tout ceci n’elt pas aife;
ce n’eil que d’une obfcrvation a l’autre qu’on parC X
�-vient k ce but. Pour cet; effet il a, donc fallu éta
blir
il a çtç; ,queft ion; d’a.ffaire.s -rentre i ’Intim é,
les fleurs En,gelvin: &C Mblherat .^- & ce.premier
pôint. ;de: : fait 4« Ît .iiiçqnîéltablê. . On fait, qu’il
n’ eft irialheureufement que trop d’üfage, lorfqu’il eft
queftion de billets , qui. ne devraient-¡être: que- des
promeilès a l’ordinaire eptre. particuliers , de faire
aveç I4 pUs;grande ■facilité ou une »lettre de-chan
ge , :ou-uti billet a ordre:ou au porteur
il y a ;une
certitude prefquJentierq qu’i l y a. eu un billet de
jpuicrit paç -l’intim é, & que ce : billet a été dépofé .erçtrë les^faairis du, fieur-Curé de l’endroit; car
erifin il'-y ;a.£u .:un dépôt , la procédure tenue à
Saugues. le prouve1, qu’on dife en quoi confié
•toit ce dépôt. L e Curé étoit maître de la caufe des
Parties.: l ’intimé n’a.pas.eu lieu de fe louer de fes
procédés il , a fallu enjvenir à la voie judiciaire»,
il eft dès-lors tout naturel.de ¡penfer que les foibleifes de l’homme l’ont emporté chealu i fur la force
du cara&cre dont il eft revêtu. Son cœur s’eft
jpuÿert-au refferiçiment : Tefprit s’ eft offufqué., il.a
£rii que riji^n ié étoit coupable d’infracHon -pour
J’avoiir fait-fiiligner ; ceci lui a été fortement-incul
qué par le$i Ei-jgelvin , dont il . ne demandoit pas
jrtiicip; que de! favorifer :la a w fc ;;.fansj effort il leur
a donc remis le billet qui devoir punir l’infra^eur.
T: J,e$ Engelviii tufc-msmes faire iiifage de ce Irllet^ la -dhofe- eut:été un peu trop hardie; il fallait
«’y prendre différemment ; il leur falloit quelqu’un
ijui fe prètatià.toute-leiir.iiiaiivaifc foi ,.■& les Fro*
�11
ment ne de voient pas s’y refufer, en voici la raiion : From ent, fils, avoir recherché en mariage la
•bru de l’in tim é. ou du moins il avoit été aifez pré
venu pour croire qu’elle étoit faite pour lui : il avoit
éprouvé des refus humiliants. Après le mariage de cet
te fille , ce jeune homme felivre à des folies dans l’en•droit oii il la fait établie, au point que la Police eit obli
gée de s’en mêler. (</) L ’Intimé & toute fa famille
■achèvent dès ce moment de devenir pour Froment,
pere 6c fils/, des objets dignes de toute leur averr
fion, dès-lors pourquoi fe feroient-ils refufés a l’o f
fice que l’on exigeoit d’eux. iL femble que cet épifoderparte^d’une’ imagination qui cherche à com
biner ; nous croyons même qu’il peut être pris pour
un de ces traits hazardés par . des plaideurs témé
raires ; mais le fait n’eft pas moins ré e l, & félon
l’hommage que nous ¡devons ¿¡la vérité. Ainfi .nou
velle circonitance qui indique a ¡merveille les fui
tes de l'affaire.
Lorique les Appellants-font demande du billet,
ils oient ioutenir que c’efhpoirr :marchandifes par
►
'
(</) S i m anie un jour fut de fe mettre en "MoifTonneur
d ’ aller d em an d er de l’o u v ra g e à la po rte de différents-Particuliers de la V i l l e de S au g u e s; il porta la d é n fio n lî l o i n , que
fur les plaintes de l’in tim é , on rut o b lig é de l ’arrêter & de le
tenir quelque tem ps en p rifo n . Sur>quoi il eil bon d e noter
que cette aventure arriva le 2.9 A o û t dernier , & que le le n d e niain les ÀH'ociés ,'p ro fin in t d e s d if p o h t i o n s où étoient les I r o n i e n t , leur rem irent le b illet d o n t d em and e fut fuivie le m êm e
jo ur C ette d em an d e n’eft pas au n om de F r o m e n t , fils f e u l ,
on l’a mife encore* fous celui du p e r e , & l’on a eu r a ifo n ; car
‘
1 eltlde- notorictxi q u i i F r o m c n c , fils?.ne fait-aucun. com m erce.
�22
•eux fournies ; on veut favoir quelles marchandifes,
ils ne peuvent le dire ; ils devraient avoir leurs regiftres, & ces regiftres ne donnent aucun éclairciiièment. Si pour iè retourner ils diiènt qu’il iuffit que le billet foit au porteur, on leur demande
qu’on fâche du moins de qui ils le tiennent,
ils
•ne veulent rien répondre : les Juges défirent depuifèr la vérité dans la bouche même du Curé &C '
des Parties, interrogations , & d’après les éclaircif
fements p ris, l’affaire eft renvoyée a l’ordinaire.
Les Adveriaires commencent de rougir , ils ne
-pourraient foutenir les regards du Bailli de Saugues,
ils ie laillènt condamner, ils veulent même payer
tous les frais pour qu’il ne foit plus queftion de cette
miférable demande. Mais les Engelvin les raferm iilènt,
les difpofent a faire bonne contenance
en la C our : effectivement ils cherchent à la faire
du mieux qui leur fera poiïible ; nous avons un bil
let , difent-ils , &c nous voulons en être payés.
M ais ce billet, on voit d’où il dérive : on fait que
le fieur du Mazel n’a jamais négocié ni avec vous,
ni avec d’autres M archands, on voit que vous avez
prêté votre nom à la fraude , & dès lors vous êtes
auili répréheniible que ceux qui vous ont affocié
à ce myftere d’iniquité.
L a C our verra donc avec une efpcce d’indig
nation toute la manœuvre dont on s’elt rendu cou
pable envers l’intimé : elle concevra aifément
que le billet dont on voudrait obtenir le paie
ment , n’eit autre que celui qui avoit été fouferit
�*3, .
lors des procurations données pour tranfiger', <Sc
line derniere particularité qui achèvera de convain
cre , c’eit que les procurations &c le billet font écrits
de la même main , de la même encre , dattes du
même lieude Saugucs , 6c du même jour 23 Juin
1 7 7 2 : cependant comment fe feroit-il fait que
l’ïnti mé fe fut trouve embarraifé en même temps
à projetter une tranfa&ion , à donner procuration,
ôc à jaire , comme on d it , des affaires de com
merce pour 15 0 0 livres, lui qui n’a jamais eu ni
le titre ni la qualité de marchand, & fur-tout avec
les fieurs From ent, domiciliés a plus d’une journée
delà?
Toutes ces réflexions font fans doute frappan
tes , pour fe convaincre que ce n’efl: pas fans connoiifance de caufe que les Juges-Confuls ont ren
voyé l’affaire devant le Juge ordinaire, & que ce
lui-ci a proicrit la demande des Appellants ; mais
cette vérité va paroître dans fon plus grand jo u r,
à mefure que nous difeuterons avec ceux qui ont
été appellés en aiîiilance de cauie. '
JDiJcuJJion vis-à-vis du Jieur Curé.
Il auroit été louable fans doute au ficur Curé
de s’intéreiTcr à l’extinétton d’un procès entre gens
de l’endroit, fes Paroiiîîens, fi, exempt de préven
tion & de partialité, il n’eut été animé d’autre zélé ’
que celui de leur procurer la paix : mais l’événe-,
ment fait voir aujourd’hui que l’intimé s’eft livré
�?4
un pçu trop aveuglement a fa drfcrétion ; on rend
cet Eccléilaitique le dépositaire du page de l’exécudon des. paroles données , ce n écoit point iniiècret encre ies parties, elles pouvoient le divulguer
fi bon Leur avoit ièmblé, ainfi des que l’ intimé lui
demandoit en Juftice fa déclaration fur la fmcérité
des faits par lui expoiés, & que cette déclaration
lui étoit néceilàire , pourquoi, ious prétexte cjue la
loi du dépôt exigeoit le filence > refufer un eclairciifement qui . ne pouvoit tendre qu’au bien de la
Juftice & à l’honneur de la vérité? nous avons fait
voir plus haut que ce prétexte étoit tout-à-fait illufoire, dès qu’il ne s’agifloit pas d’une confidence
qui demandât le fecret ; il devoit donc s’expliquer,
fauf à le faire fuivant la vérité pour l’une 6c l’autre
des Parties.
Son iilence étoit dès-lors un refus injufte , don
nant ouverture aux dommages-intérêts réfultants
du,préjudice qu’il caufoit a l’intimé. N os livres
font remplis d’arrêts par lefquels des perlonnes de
confiance, des Confeilèurs même, ont été obligés
de déclarer des dépôts qui leur avoient été faits ;
il n’y auroit d’exception que pour les cas où une
pareille déclaration auroit trait à revcler une Confeifion , mais dans notre efpcce rien n’émanoit du
Tribunal de la Pénitence; le iieur C uré n’étoic
exactement en cette partie qu’une perfonne pri
vée,
dès-lors il devoit s’expliquer.
S ’il avoit encore borné fa faute au lilence, mais il
l’aggrave ouvertement par l’adtion , en remettant le
billet
�billet aux E n g elv in , ou quoique ce foit au fieur
Molheirat Parties adverfes de l’intimé. De quel
droit cependant faifoit il de Ion chef cette rcmîfc?
il étoit convenu qu’efre&ivement celui qui rérra£teroit (a parole feroit puni ; mais l’intimé étoit-il
le coupable, lui qui au contraire avoit mis tout
en œuvre pour avoir une'"folütiûn de$ ‘ A rb i
tres , & q u i travailloit encore à l’obtenir? heureüfement qu’il eft muni de toute la procédure la plus
propre à conftater fa bonne volonté,
la réfiftance de*fes Parties adverfes à terminer.,On y verra
que ¿il avoit été queftion d’infliger la peine., c’ctoient-elles à la fupporter ; & point du tout, le fieur
Cure va leur remettre le billet!
*
'
A u furplus, de quel droit s’érigeoit-il en Juge
en cette partie? il dévoie garder le dépôt jufquV
CeJqü’il rut jugé quel étoit celui qui méritoit d’etre puni.*-En le .remettant d’autorité privée, c’é-'*toit alors quelque chofe de plus que de manquer
à la loi du< d épôt, c’étoit vicier le dépôt merne.'
Il y il plu.s;, fiVppôfons qu’il eut été maître d’en
difpo'fer, ee qui n’eft pas, il eft toujôur's.vrai de dire
qu’il ne pouvoir le faire qu’en faveur de celui à
qui l’on n’avoit rien à reprocher, & il favoit bien
que rintim é avoit tout l’intérêt le plus marque
de finir , q iu l n’avbifc rien négligé pour parvenir a,
cette 'fin i que dès-lors"s*il y ayôit iin billetra re
mettre ,. c’ctôit à lui qu’il deVoit être remis , airçfi
que celui qui avoir été fouferit par la veuve EnD
�i6
gelvin, faute par les Aifociés d’avoir terminé ;
car leur retard affe£té équivaloir parfaitement à une
rétractation de la parole d’accommodement donnée.
Le Curé n’ayant donc pas fait ce qu’il devoit
fa ire , ayant fait au contraire ce qui ne lui étoit
point permis , il eft bien fans contredit qu’il ne
peut éviter les fuites, de fa mauvaife-foi. V oiçi
actuellement un billet entre des mains étrangères,
qui en demandent le paiement.^ Ju fq n ’à préfent
la Juftice a connu la vérité , 6c l’intimé a triomphé de la tentative des Appellants-; mais,:fi pai;
événement la Sentence .du Bailli de Sai]gues
ç .to it'in firm é ece qui-n’eil cependant pas „à pré
fum er, *& que l’in tim é ‘fut obligé de payer, le
iieur Curé pourroit-il éviter l ’effet des conclufions
recurfoires prifes contre lui ? non fans doute : fauf
a lui fon recours contre qui bon lui fembleroit
Jciens qui noect, invitus damnum rèfarçiat.
Mais fi par réflexion le C uré étoit capable de
ne pas convenir du fait, on veut dire , du dépôt
fait entre fes mains du billet dont il s’a g it , injure'
cependant que nous n’oferions lui faireJv nous ne.
ferions pas en peine d’en tirer la preuve de ia pro
pre déclaration ; il eft vrai qu’elle ne parle pas de
billet , mais quoique laconique, elle eftii analogue
à l’état de la conteftation qu-on ne peut l’appliq'ucr
à autre chofe ; car quel ’ lcroit ' le dépôt dont il a
voulu parler, fi ce n’étoit de4ce même billet ? penfet-il qu’on puiife encore en douter ? l’in tim é, en cas
/ 1 .
.*
�*7 ,
r
de difficulté , offre de fuppléer a une entiere cer
titude par la preuve teitimoniale la plus complette.
Ainfi qu’il ne ‘ionge a aucune iupercherie a cet
é g a r d ,, nous ferions à même de le convaincre de
la mauvaiiè foifla plus infigne : il a remis le billet
ou aux Aflociés ou aux fleurs Froment ; & en
attendant le débat entr’eu x , entrons dans une petite
difcuflion. vis-a-vis de ces mêmes aÎTociés. »
1»:
DifcuJJîon vis-à-vis des Sîjfociés.
C es Aflociés fon r, comme nous l’avons dit ,
les fieurs Môlherat & les héritiers Engelvin ; ç’étoient eux qui dévoient profiter du billet de i <500
liv res, dans le cas 011 l’intimé auroit rétra&é ia
parole ; mais la procédure fera voir tout ce que
l’intimé a fait pour terminer l’arrangement, &: les
Aflociés pour le reculer ; ils fe font prévalus de I4
complaifance, ou pour mieux d ire, des foiblefles
du fieur du M azel, pour tromper fa bonne foi.Ils
ont connu toutes les difpoiitions du fieur Curé h favorifèr leurs vues , & ils en ont indignement abufé.
Dès que nous venons de Voir que le billet eh quef*
tion ne peut être autre que celui qui avoit été dépofe , il faut donc ou cjue les Proment le tiennent
directement des AfTocies, ou du fieur Curé de leur
part. Si les Aflociés prétendent que cette remifè s’eft
faite fans leur participation, le fait en ce cas cft
totalement perfonnel au fieur Curé. Auroit-il voulu
D 2.
�.
3.8
abufer de la confiance la plus iàcrée pour profiter
de ce qui ne lui appartenoit pas ? qu’il s’arrange
dès-lors avec les AiTociés, mais que l’intimé n’en
foit point la dupe. Si au contraire les AiTociés ont
demandé ce billet, & qu’ils l ’aient négocié euxmêmes aux From ent, le C liré & les Aiîociés font
conjointement coupables : le premier, de l’avoir
remis , & les autres d’en avoir fait ufage, & dès-t
lors ils ‘deviennent iolidairement garants de cette
efpece de délit.
Sans doute que ni les uns ni les autres n’ auront
ailèz de front pour diieonvenir de la vérité des faits
que nous yenons de rapporter ; mais fi les AiTo
ciés, pour fe retourner, venoient à dire que le billet
leur a été remis, parce qu’effe&ivement il devoit l’ê
tre, faute par l’intimé d’avoir tenu ia parole, nous
ferions bien aifes de les prévenir que jamais prétexte
ne feroit plus facile a combattre : nous ne revien
drons pas fur ce que nous avons déjà dit a ce fujet,
mais il eft toujours vrai d’aifurer que l’intimé eil
muni de toutes les pieces les plus propres à. faire
voir que ce font les AiTociés qui n’ont jamais voulu
finir , maigre tout ce qu’il a pu faire pour les y
porter ; pour s’en convaincre il ne s’agira que d’e
xaminer ces pieces , Sc l’on verra que fi l ’indem
nité encourue pouvoir de même s’adjuger de plein
vol h quelqu’un , l’intimé aura doublement lieu de
fe plaindre tk de ce qu’on a commerce un billet
qu’on auroit dû lui rendre , ôc de ce qu’on ne lui
�a pas remis celui des Aiîociés / dont il devoit
profiter.
. Dans ces circonftanc.es il -eft donc ienfible que
dès que les Froment veulent infifter fur l ’appel ,*
l ’intimé n ’a pu s’empêcher de mettre íes Aiiociés
ainii que M . le Curé en caufe. Si les Appellants
peuvent faire du m al, ce font eux qui leur .ont four
ni des armes , &: il eft. jufte qu’ils le réparent
Sciens qui nocet, damnutii refarciat : maxime qui
réclamera toujours contre leu'rs procédés, fauf en-,
tr’eux à favoir qui fera plus particulièrement obligé
de s’y .conformer. : ,
_ •; , *.
-,
- .J.R E Ç A P I T U L A T I O K - Í .
•'
•
'•
. En fe remettant le tableau de cette cauiè fous
les yeuxyori peut s’appercevoir qu’elle étoit aiîez
compliquée poùrj jnériter i,1e ; détail.quc: nous venons
d’ y donner. Si nous ,avonSi.été : allez•heui eux pour
yjetter toute la clarté néceilàire, on doit compren
dre actuellement i que rien n’eft plus déiàgréable
que la ppfition de • l'intimé.! Il .sj’agiiToit de termi
ner une affaire c.oniidérable avecîdes. Aflbciés y il1
fe prête a toutes les* proportions rqivon peut lui.'
faire : il devoit plus fe défier de-læ parole de fes
Parties, qii’ellçp ne devoient foupçonner la fienne-;
on affe&e de. dematidendes aiîùrancesrcfpe&ives,'l’Intimé fait'tout; ce que l’on veut. L ç temps où tout
devoit être confommé elt triplement écoulé fansl
�.
. .. 3?
,
quil y ait rien de f a it , il iè-plaint, il murmure..
L e fieur Curé reçoit des reproches, il en. eit piqué,.
& dans le même temps paroît entre les mains d’un
étranger le billet dont il étoit dépofitaire.
Sur les plaintes d e 'l’intimé les Juges-Confuls
prennent tous les éclairciflements nécefiaires pour
s’aiïurer delà vérité,'ils reconnoiilent qu’effe£Hve~
ment il y a de la fupercherie , que le billet dont
il s’agit n’a jamais été pour fait de commerce'
ré e l, & renvoient l’affaire au Bailli. Le B ailli’
recueille toutesrles particularités de là c a u fè ,"&
renvoie le Défendeur de la demande en paiement.
Appel en la Cour , non pas de la Sentence des
Juges-Confiils , mais de celle du Bailli. L ’Intimé y
traduit 6c le Curé & le s Aiîociés; contre les Appel
lants il vient de faire voir que c’eft la turpitude
même, de le prêter fr ouvertement à la fraude.
Contre le C u ré , fon-peu de fidélité au fujet du
d ép ô t, ôteontre les A ffociés, leur injuftice à vou
loir profiter de ce qui ne leur eft nullement acquis.
Bonne foi furprife , confiance trah ie, vérité1 dé
couverte , juilice reiidue, nouvelle attaque , défenfe nouvelle, toujours1 même efpoir 6c même
attente ; voilà en abrégé toute la caufc.
PuifTe 1’ amour de la droiture entretenir le flam
beau de l’équité, dont la lumière a montré le vrai
aux yeux des premiers Juges. Les Adverfaires ne
manqueroient' pas fans doute de faire foufler tous
les vents les plus propres à l’éteindre ; mais fa clarté
�Aj S
31
n’en deviendra que plus v i v e , & la Cour verra
toujours de quelles manœuvres font capables l’in
térêt & la vengeance. Puiffe fa décifion rendre
le repos à un homme qui peut-être n’eft au
jourd’hui fi inquiété que pour l’avoir trop defiré ; & apprendre aux hommes injuftes que
la mauvaife foi n’eft: pas toujours fi cachée,
que des lumieres fupérieures ne puiffent la dé
couvrir.
Monfieur C A I L L O T D E B E G O N , Avocat
Général.
M e. D A R E A U , Avocat.
B o
y
e
r
,
Procureur.
D« l'imprimerie de P. V IA L L A N E S , près l’ancien Marché an Bled. 1774
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bretoigne, Jean-Baptiste de. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Caillot de Bégon
Dareau
Boyer
Subject
The topic of the resource
Chapitre cathédral
ferme
arbitrages
papier de commerce
compétence de juridiction
tribunal de commerce
commerce
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Jean-Baptiste de la Bretoigne, sieur Du Mazel, Avocat en Parlement, premier Echevin de la Ville de Saugues, Intimé. Contre sieurs Antoine et Benoît Froment, père et fils, Marchands de la Ville du Puy en Velay, Appellants de la Sentence du Bailliage de Saugues, en la Duché de Mercoeur. En présence de Messire Annet Prolhac, Curé de Saugues, de Messire Jean-François Molherat, Chanoine de la Collégiale de la même Ville, et des enfants héritiers d'Amable Couret, veuve Engelvin.
Table Godemel : Dépôt : 1. le porteur d’un billet de commerce, souscrit pour apurer la consommation d’un arbitrage, qui l’a reçu du dépositaire, contrairement aux conditions du dépôt, peut-il en exiger le paiement, si le souscripteur prouve que sa confiance a été trahie, et que le porteur n’est qu’un prête-nom ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1756-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0210
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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