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P R É C I S
EN
RÉPONSE,
P O U R
t
E X P E R T O N , avoué licencié
au tribunal civil du P u y , intimé;
J e a n - B aptiste
C O N T R E
G ilb e r t
Q
G IB O N ,
a v o ca t,
a p p e la n t.
UAND on a soif de la fo r t u n e , q u a n d , p o u r cou rir
à cet unique b u t, on n églige ses proches jusqu’à la veille
de leur d écès, q u ’alors on ne se souvient d’eux que p ou r
ten ter, par obssession, de leur arracher des dispositions
gratuites, on o u b lie , l’instant d’a p rès, ceux de qui on a
obtenu quoique chose, et on ne se souvient de ceux dont
on a essuyé les refus que p o u r les m audire et insulter à
leur m ém oire.
Aussi G ilb ert G ib o n ne se r e t r a c e - t - i l aujourd’hui
M a rg u erite G i b o n , sœ u r de son p è r e , que com m e un
être disgracié de la n a tu r e , o n é re u x à sa f a m ille , et
a u q u e l, tout au p lu s , on devait q u e lq u e p itié.
A
�C M
C ’est assez naïvem ent exp rim e r les sentimens q u ’il avoit
p o u r elle , et le genre de ses affections. Il avoit q u elq u e
p itié p o u r sa ta n te , et beaucoup d’aiFection p o u r son
p atrim oine : d’où il est évident que s’il daigne encore
se souvenir q u ’il eut une tante appelée M a r g u e r ite , ou
suivant lui M a rg o u to n , ce n’est pas q u ’il ait la m oindre
envie de la regretter; c’est uniquem ent parce q u ’il a con
v o ité inutilem ent sa fortune.
Beau titr e , en effet, p o u r prétendre à la tendresse de
sa tante, exclusivem ent à tous autres, exclusivem ent sur
tout à E x p e rto n qui l’avoit recueillie dans sa maison depuis
plusieurs an n ées, qui lui p ro d igu o it les soins de l’affec
tion , et avec q u i elle a v é cu dans l’intim ité jusqu’au
dern ier instant de sa v ie !
E xcellen t mo)7en de persuader à la justice que le p r é
tendu testament resté im parfait fut un acte spontané de
M a rg u erite G ib o n ; qu e par reconnoissance p o u r la p itié
que G ib o n lui p ortoit de l o i n , il lui v in t en id é e , sur
son lit de m o r t , et dans la maison m êm e d ’E x p e r t o n ,
d’appeler un notaire^ p o u r lu i ôter le m oindre espoir
dans son h éréd ité , et la transmettre toute entière à
G ib o n !
M ais la v é rité se fait jo u r quelquefois i\ travers le
b o u rd on n em en t des passions ; et m algré sa résolution
bien prise de trom p er la justice sur le f a i t , le sieur
G ib o n n’a pu retenir cette expression de son âme dans
laquelle il s’est peint tout entier.
Il n’eut pas m anqué non p l u s , s’ il n ’eût cru p o u v o ir
prétendre à l’h érédité de M a r ie -M a r g u e r ite , de dire à
la justice q u ’elle étoit asth m atiqu e, et accablée d ’iuiir-
�( s ) ,
mités ; que bien loin de p o u v o ir administrer au-dedans
et a u -d e h o rs, elle étoit six mois de l’a n n é e , au m o in s ,
incapable de se servir e lle -m ê m e , et que le plus souvent
sa sœur la soign oit, q u oiq u e boiteuse, q u oiq u e son aînée.
E lle n’eût encore été à ses y e u x q u ’un être inutile et
insupportable : elle ne lui a paru tout d ’ un cou p robuste
et a c tiv e , que parce q u ’il a cru que cette idée p o u v o it
rendre vraisem blable la singulière préférence q u ’il sup
pose à J e a n - L o u i s G i b o n , dans la distribution de sa
fortune.
A ussi le sieur G ib o n a-t-il principalem ent em ployé
ses efforts à jeter sur E x p e rto n une défaveur q u ’ il redoutoit p o u r l u i - m ê m e , et q u i à ses y e u x produisoit
ce double effet, et d ’élo ig n er ce q u ’il vedoutoit le p lu s ,
et de déverser sur lui toute la bienveillance de la justice.
P o u r cela il a fallu arranger artistement des faits controuvés et étrangers à la cause, faire un tableau infidèle
de la vie d ’E x p e rto n ', l ’accuser hautem ent d ’a v o ir en levé
l ’argent com ptant de sa tante, crier le p rem ier au v o le u r ,
tout cela p o u r détruire,d’avance PeiTet de cette accusation
contre lu i-m êm e ,.ç t ne laisser à son adversaire que l’ap
parence de la récrim ination.
M ais la justice ne se laisse pas entraîner par des illu
sions; la C o u r q u oiq u e moins à portée que les juges du
P u y de connoître spécialement les parties et les circons
tances de la cause, sera bien tô t convaincue que le tri
bunal près duquel l’intimé exerce ses fonctions, et q u ’on
dit lui a vo ir accordé tant de f a v e u r , n e s’est mépris
ni sur la ca u se , ni sur les personnes, ni sur l’application
, des principes du droit.
A
2
�2>%Q
(4)
F A I T S .
J e a n -L o u is, M a rgu erite et M a rie -M a rg u erite G ib o n ,
tous les trois célibataires, avoieut constamment cohabité
et vécu ensemble dans la plus grande intim ité à L a n d o s ,
leur pays n a ta l, lorsqu'ils vin ren t en la ville du P u y ,
se réu n ir à M a rie G i b o n , fçm m e E x p e r t o n , leur sœ ur,
et au sieur E x p e r t o n , leu r neveu : ils ne se sont plus
quittés ; la m o rt seule les a séparés..
O n n ’a pas à rechercher ici ni l’o r ig in e , ni l’ état de
la fortune du sieur E x p e r t o n dans les prem ières années
d e sa v i e ; on snit assez que les parties sont enfans du
frère et de la s œ u r, que leurs parens étoient de la m êm e
condition ; et si G ib o n a osé parler d’E x p e rto n com m e
d*un être m isé ra b le , n é dans l’in d ig e n ce , et destiné à
y traîner sa v i e , ce n’est là q u ’ un ton de m épris trèsm éprisable assurém ent, surtout en tre proches.
S’ il faut en croire G ib o n , ce fut encore p a r p itié que
son père reçut E xp e rto n chez lu i; c a r , à l’entendre, ce
sentiment p ou r ses proches seroit chez lui une vertu
héréditaire. M ais p o u rq u o i ces détails m in u tie u x ; p o u r
quoi surtout ces récits inexacts, étrangers à cette cause,
si ce n ’est p o u r p ro u v e r à tout le m onde q u ’il a besoin
de s’entourer d ’ une foule de petits moyens p ou r donner
une c o u leu r de vraisemblance h des faits q u ’ il suppose
capables de disposer favorablem ent les esprits? Il faut
donc parler des faits.
G i b o n , faisant scs études au P u y , habitoit et v iv o it
chez E x p e rto n p è r e , son oncle. Ses études fin ies, son
�( 5)
p ère l’envoya à T o u l o u s e , et à la m êm e é p o q u e , E x perton fut en v o yé chez le sieur G i b o n , son o n c le , pra
ticien à P radelles, où il p rit quelque teinture de pratique.
L o rs q u e G ib o n fils revint de T o u lo u se , érigé en avocat,
son p è r e , alors juge des lie u x , lui laissa son étu de; mais
com m e il lui étoit interdit de p ostu ler, il profita d ’E x perton , sous le nom duquel il commença sa fortune
p e rso n n e lle , sans q u e jamais E x p e rto n ait reçu ni de
m andé , m algré sa m is è r e , la m oin dre gratification. Son
p ère l’entretenoit ; et lorsqu’ il avoit besoin de quelque
chose de p lu s , il le demandoit à ses tantes de Landos.
A p r è s un certain tem p s, E x p e rto n revin t au P u y ; il
entra clerc chez J o u v e , p ro c u re u r, où il a resté plusieurs
années. L a rév o lu tio n su rvin t;,le s sieurs G ib o n père et
fils furent persécutés : et puisque l’appelant a cru néces
saire ou utile à sa cause de rappeler quelques traits bien
défigurés de la v ie d ’E x p e rto n , p e u t-ê tre sa m ém oire
auroit pu lu i fo u rn ir et son cœur surtout lui rappeler
la conduite que tint E x p e rto n envers sa famille et lu im ê m e , dans ces temps d’orage et de persécution.
M ais ce n’est pas ce dont il s’agit. 11 faut arriver au
fait de la cause.
E x p e rto n fixé au P u y , y fut d ’abord défenseur offi
c ie u x , puis reçu a v o u é ; la dame sa m ère quitta la c o m
pagnie de son fr è r e et de ses sœurs p o u r ve n ir habiter
avec lui. Ils vivo ien t paisiblement ensem ble, lorsque son
oncle et ses d e u x tantes vin ren t partager avec eu x la
tranquillité de leur mén.ige.
L a dame E x p e rto n m ourut la p r e m i è r e ; son frerc et
�. ( 6 )
ses d e u x sœurs ne continuèrent pas m oins de cohabiter
et de v iv re avec E x p e t t o n , leur n e v e u ; ce q u i d é m o n treroit assez, san s'qu ’ il ait besoin de le 7rem arquer luî—
m êm e , q u ’ il ne leur donnoit que des p r e u v e è d e respect
et d’attachement.
E x p e rto n avoit acquis une maison au P u y. Il est faux
q u e jamais celle de la v e u v e B enoît ait été vendue à Jean-Louis G ib o n : ce n’est l à ' q u ’u n fait a r tic u lé , com m e
tant d ’autres, p o u r le besoin de la cause.
L e sieur G ib o n , dit-on , ne cessa de s’en plaindre ! Cela
est bientôt dit, m aiscela p erd to u tesa vraisem blance quand
on avoue que L o u is G ib o n et ses sœ u rs, bien loin de
retou rner h L an do s où ils a vo ient encore leur habitation
m e u b lé e , su iviren t E x p e rto n dans là maison de la ve u ve
E sbrayat, q u ’il venoit d ’acq u é rir; quand on saura surtout
q u e J e a n - L o u i s G ib o n ne tomba pas malade peu de
tem ps a p r è s , et qu ’il vécut vingt-six mois sans se p lain d re,
toujours à la com pagnie d ’E xperto n ;
C e seroit une lég ère présom ption , :pcu t-ô tre, du m é
contentement de L o u is G i b o n , s’ il «voit testé im m édia
tement après la ve n te ; mais il sùifit’de rapprocher les dates
p o u r se convaincre du co nt ra ir e : la vente est de vendcmiaii-e an 1 0 , le testament du 25 frim aire an 1 2 , et le
décès d u 'm ê m e jour.
C e n’est pas le m om ent de s’appesantir sur les circons
tances du testament de J e a n - L o u i s
G ib o n . L e sieur
E x p e rto n sait, et le sieur G ib o n sait com m e lu i, que le
frère et les deux sœurs avoient eu constamment la réso
lution de se laisser m utuellem ent leur fortune : tous trois
�( 7)
célibataires et d’un âge a v a n c é , leurs besoins et leurs
habitudes étoient les m ê m e s, leurs affections récip ro
ques égalem ent distribuées.
L e sieur G ib o n sait aussi que pleins de gratitudes p o u r
les attentions et les égards d ’E x p e rto n , leur intention
étoit aussi de lui laisser sinon to u t, au moins la majeure
partie de cette fo rtu n e; sans cela1 p o u rq u o i tant de p r é
cautions et d ’efforts p o u r les en d é to u rn er?
Q u o i q u ’il en s o it, ce testament est fait au profit de
M a rg u erite ; en quoi certainement il ne faut ni tro uver
ni ch ercher aucun m o tif d’exclusion p o u r E x p e r t o n , mais
l ’idée bien naturelle de laisser q u elq u ’aisance à sa sœur dans
un âge a v a n c é , ou p o u r m ie u x d ire, à ses: sœurs, puis
q u ’ une lon gue habitude de v iv r e ensemble les avoient
rendues nécessaires l ’ une à l’a u tre , et q u ’ il n’a voit pas de
raison de croire q u ’elles dussent jamais se séparer.
Ici le sieur G ib o n disserte beaucoup sur les intentions
d e son oncle ; car il établit toute sa cause sur la vertu
de certaines présom ptions q u ’il croit a vo ir rendues v ra i
semblables.
E t d ’abord il avance que son oncle s’en étoit ouvert
au curé de L a n d o s , en
quoi le sieur E xp erto n est
fondé à croire q u ’ il eût été plus réservé si le curé de
L an dos ne fut pas décédé dans l’ intervalle ; car p réci
sément le sieur G ib o n lui avoit dit plus d ’ une fois q u ’il
v o u lo it laisser ses biens :\ M a r g u e r it e , sa sœur aînée.
G ib o n ajoute q u ’ Experton lui-m êm e s’est vanté d’a vo ir
dirigé le testament au profit de M a rg u e rite ; ce qui
d ’abord est in e x a c t , et en second lieu ue seroit <l’au
cune conséquence.
�( 8 ) .
E n p rem ière instance, il étoit allé plus l o in ; il avoit
avancé q u ’E x p e rto n étoit présent au testam ent, et q u ’ il
l’avoit inilnencé directem en t; E x p e r t o n , sur le c h a m p ,
offrit de s’en rapporter à la déclai-ation du notaire, tout
d é v o u é q u ’ il étoit aux intérêts de G ib o n : on se tut.
G ib o n détaille ensuite une foule d’actes qui suivirent
le décès de son o n c le ; il.p réten d en tirer la conséquence
que M a rg u erite se considéra et fut reconnue com m e
seule héritière. M ais que prou veroit le fait en lui-m êm e?
tous les actes sont consentis par. M a rg u erite ; d’ailleurs,
on le r é p è t e , les deu x sœurs viva n t ensem ble, adm inistroient également ; quand l'une étdi.t m a l a d e , l ’autre
s’en occupoit p l u s spé c ia le m en t ; et tous les actes se
faisoient au nom de M a rg u erite , c’est-à -d ire, de celle
au profit de qui é to it.d irig é le-testament.
N ous arrivons a u x événem ens qu i se rapprochent le
plus de la m ort des deux sœurs. Ici le sieur G ib o n a
coulé fort rapidem ent : les actes de la cause vo n t ap
prendre q u ’il a été au moins im prudent en accusant
E xp e rto n de sp oliatio n , sans p re u v e s, sans indices, sans
le m oindre adm inicule qu i pût justifier cette gra ve in
culpation.
D ep uis près d ’ un an E x p e rto n , dont on exagère tant
la p r é v o y a n c e , avoit reçu dans sa maison 1 1 dame G ib o n ,
sœur de l’appelant : scs deu x taules étant l’une et l’autre
fort cassées, la dame G ib o n les soignoit; elle étoit à la
tête du m énage com m un. L e sieur G ib o n ne manqua
pas de mettre à profit cette circonstance.
M a r i é - M a r g u e r i t e G ib o n fut fr ap p ée d ’a p o p l e x i e , le
7 v e n d é m ia i r e an 14 > dit -on ; E x p e r t o n étoit a b s e n t, il
ne
�(9)
ne revin t que d ix jours après cet accident, sur l’avis que
lui en donna la dame G ib o n , en lui m andant qu ’elle
avoit tous les soins possibles de sa tante. Il trouva sa tante
assez m a lad e, entourée de diverses personnes : la dame
.Gibon ne la quittoit pas un instant.
- C ’est au m ilieu de tous ces surveillans, intéressés p o u r
la p lu p a r t, et m êm e pendant son absence, q u ’on l ’accuse
d’a vo ir enlevé l’argent de sa tante.
E x p e rto n ignore si sa tante avoit une somme d ’argent;
mais à le supposer ainsi, ce qui peut ê t r e , au moins estil bien certain q u ’on n’a pas à lui en dem ander com pte.
J u s q u e - là on avoit gardé des mesures p o u r amener
les deux tantes à disposer au profit de G ib o n ; cet é v é
nement donna plus de hardiesse; peut-être trouva-t-on
dans l’enlèvem en t de l’a rg e n t, et un bénéfice n e t, et le
m oyen de noircir E x p e rto n dans l ’esprit de sa tante.
Q u o i q u ’il en soit, un testam entfutdressé le 12 brum aire
an 1 4 , sous le nom de M a rguerite. F u t - i l consenti par
l ’aînée ou la plus jeune des deux sœurs? l’acte lui-m êm e
ne décide pas cette question ; mais il ne faut pas en omettre
les circonstances.
L a testatrice fut conduite chez E y r a u d , n o ta ire, le soir
très-tard; le testament fut dressé; et ce q u ’ il y a de plus
sûr au m o n d e , c’est q u ’elle ne le dicta pas, que m êm e
elle ne déclara pas spontanément les intentions q u ’on lui
p rê te ; cependant l’acte en fait foi.
C e q u ’ il y a de certain aussi, et le sieur E xp erto n en
prod uiroit la p reu ve s’ il ne vo u lo it pas garder certains
inénagemens , c’est q u ’il fut dressé avant la venue de
�OJ&x £r*b( 10 )
quelques tém oins; qu e l ’ un d’e u x , au m oins, fut appelé
tr è s -ta r d p o u r signer un te sta m e n t; q u ’il prom it d ’y
a lle r ; q u ’ il y alla en e ffe t; qu’ il ne co n n o isso it pa s la
te sta trice ,• que néanm oins on le fit signer com m e tém oin
du testament ; q u ’ il y répugn a d’abord ; que cependant il
le fit parce q u 'il Va voit p rom is. L e sieur E x p e rto n ne
sait pas s’ il eu fut de m êm e des autres, mais il a droit de
le soupçonner.
Cette tante q u i , suivant G ibo n , s’exhaloit en rep ro
ches et plaintes amères contre E x p e r t o n , sur l’eulèvem en t
de son a rg e n t, cette tan te, à qui on arrache une insti
tution au profit de G i b o n , ne lègu e pas moins io o o fr.
à E x p e r t o n , h u i t ’ou d ix jours après ce prétendu v o l :
quelle invraisem blance!
M arie-M argu erite G ib o n vécut jusqu’au n mars 1809;
et c’est ici q u ’il faut encore se fixer sur la conduite de
G ibo n .
Ce n’étoiè pas assez p o u r lui de p o u v o ir se dire héritier
de la plus jeune des sœurs; et q u o iq u e , suivant l u i , la
fortune de l’oncle lui appartînt déjà en e n tie r, il ne jeta
pas moins ses regards sur le m od iq u e patrim oine de
l ’aînée.
Q u e l fut son b u t ? c r a i g n i t - i l que la fortune de son
oncle ne lui fût pas bien assurée par le prem ier testa
m e n t ? v o u lu t-il, par un acte p u b lic , faire prendre une
fois eu la vie à M a rgu erite le nom de M a r g o u to n ? Ce
fut peut-être l’ un et l’autre ; mais c’est ce qu ’il im porte
peu de rechercher.
G ib o n étoit venu au P u y p ou r com m ander le testa-
�( ii )
ment du 12 b ru m a ire ; il y revint encore après le décès
de M a r ie - M argu erite : et p o u r ne pas faire un voyage
in fr u c tu e u x , il m it p o u r la seconde fois tous ses aflidés
en m ouvem ent.
L e 17 m a rs, de grand matin , M a rg u erite G i b o n , dans
la maison m êm e d ’E x p e r t o n , est tout d ’un coup assiégée
p a r un n o t a ir e , des t é m o in s , et toutes les personnes qui
l ’entouroient. O n com m ence un testament q u ’elle ne
v o u lo it ni dicter ni faire; déjà le p réam bule étoit r é d ig é ,
et bien entendu M a rgu erite appelée M a rg o u ton : le
notaire en étoit à l’institution d ’h éritie r, lorsque E x p e rto n
a rrive inopiném ent.
E to n n é de cette assemblée, il in terro ge; on lui ré p o n d ;
il somme alors le notaire d’ interpeler sa tante en sa p ré
sen ce, et devant les té m o in s, afin de savoir qui elle entendoit instituer ; elle répond : m on neveu d ’i c i ,* on veut
plus d ’explication , on lui demande si c’est G ib o n ou
E x p e r to u ; elle répon d : E x p e rto n . A lo r s le notaire
déclare qu ’ayant été en v o yé par G ib o n p o u r recevoir
un testament en sa fa v e u r , et croyant q u ’en effet ce seroit
l ’ intention de la testatrice, il seroit inconvenant q u ’il
rapportât au sieur G ib o n un testament fait au profit d’ un
autre. E x p e rto n lui perm it de se retirer.
V o i l à le fait dans toute son exactitude; et en ce sens
il est vrai q u ’ il empecha la confection du testament, si
toutefois on peut croire que le notaire l’eut achevé dans
le sens du sieur G ib o n . Mais poursuivons.
Il est prcsqu’ inutile de rappeler en passant q u e , le
19 mars au matin , M argu erite G ib o n fil son testament
et disposa de ses biens au profit d’E xperton. Il 11’y eut
B 2
�certainement d’affectation ni dans le nom qu ’elle y prit
puisque c’étoit bien le s ie n , ni m êm e dans le c h o ix du
no taire; car il e s t, à juste titre , dépositaire de la con
fiance publique.
D ep u is la maladie de M arie - M a rg u erite , Ta dame
G ib o n avoit introduit dans la maison A n n e M ia l h e , sa
p a re n te , qui lui aidoit à servir ses tantes, et qui étoit
tout aussi d é vo u ée q u ’elle aux intérêts du sieur G ibon .
E lles avoient tout à leur disp ositio n , m êm e les clefs des
armoires : E xp erto n n’en concevoit pas la m oindre d é
fiance; il semble q u ’il se plaisoit à s’aveu gler volontai
rement.
L e sieur G ib o n désespéroit d’arracher désormais .au
cunes dispositions de M argu erite ; par cela seul il doutoit
beaucoup de v o ir accom plir ses vues sur la succession
de ro n d e : il jugea prudent de s’em parer de ce qui étoit
sous la main.
L e 20 mars au m atin , E x p e r t o n , à peine l e v é , entre
dans la cham bre de sa tante; il y trouve G i b o n , A g u l h o n ,
son beau-frère, et A n n e M ialhe. Ils étoient entourés de
paquets de linge et d ’autres eiTets q u ’ils avoient retirés
des armoires : A n n e M ia lh e aclievoit de coudre le der
nier. Sous le prétexte d ’em porter les bardes personnelles
à M a r ie -M a r g u e r ite , déjà d é c é d é e , le linge des deux
tantes avoit été mis dans ces paquets, dans la chambre
m êm e où M a rg u erite étoit fort mal : E x p e rto n s’opposa
à l’e n lè v e m e n t .
M ais déjà les p apiers, les obligations et mitres pièces
importantes étoient entre les mains de G i b o n , com m e
on s’en convaincra facilem ent; ce m êm e jour il requit
�;
( 13 )
l’apposition des scellés : le procès verbal va p ro u v e r ce
q u ’on vient de dire.
Il faut rem arquer d’abord que G ib o n , nanti des titres
et o b lig a tio n s, G ib o n qui avoit voulu sans aucune p ré
caution préalable enlever le m obilier, G ibon qui prétend
a vo ir toujours cru q u ’il étoit seul héritier de son oncle,
annonce par ce procès verbal q u ’ il n’entend se porter
héritier de sa tante qu e sou s bénéfice d?inventaire.
L e juge de paix se p résen te; E x p e rto n lui déclare
q u ’ il consent à l’ap p o sition , mais q u ’il se réserve tous
ses dro its, notamment con tre les d isp osition s testam en
ta ires d ont e x cip e G ib on .
Il ajoute que le matin môme il a tro u v é dans la cham bre
A n n e M ia lh e ......... laquelle s’est permis d’o u v rir les ar
m o ires, d’en extraire le l in g e , d’en faire des tas; et il
invite le juge de paix à le constater.
M o n t é dans la c h a m b re , il trouve A n n e M ia lh e fort
p rép arée à sa réponse : Il faut faire connoître ici cette
partie du procès verbal.
« A v o n s tro u v é une fille qui nous a dit s’appeler
« A n n e M ia l h e , donnant des soins à d e m o iselle'M a rgouton , ne la co n n a issa n t sou s autre n o m ........qui
« nous a dit que ce matin elle a trou vé dans la p och e
« de ladite M argouton des clefs ,• qu'elle en a ouvert les
« a rm oires , et en a extrait le linge et autres effets q u ’elle
« savoit appartenir ¿\ la d éfu n te, p o u r les rem ettre à q u i
« de d ro it; qu'au m om ent où elle faisoit l’o u ve rt u re des
« a rm o ire s, et fermoit les p a q u e ts , M M . E x p e r t o n ,
« G i b o n et A g u l h o n sont a r r i v é s ; » mais elle é c h a p p e
ly ^ E x p cr to n n éto it arrivé que le dernier.
'
�C m )
Ln justice -sera-t-elle donc o bligée de s’en rapporter
à cet h é ritie r bén éficia ire ? est-il donc si in g é n u , si fa
v o ra b le , q u ’ il fa ille , sur ses assertions, croire à la m al
honnêteté de son adversaire, et lui faire perdre en m êm e
temps sa cause et sa rép u ta tio n? M ais poursuivons.
M a rg u erite G ib o n décéda le 27 m a rs; G ib o n ne ré-r
clam oit pas la levée des scellés; E x p e rto n fut obligé de
pren dre l’ initiative. Ils furent levés le 17 a v r i l , et le
m ê m e jour D u r a s t e l, notaire commis par le président
de p rem ière instance, procéda à l’inventaire. Il est encore
essentiel de rappeler ici quelques parties de ce procès
v e r b a l; il p rou vera co m b ien , dès le p rin c ip e , E xp erto n
s’est m o n tré avec franchise , et com bien au contraire
Gil>on a refusé de s’exp liquer.
E x p e rto n a vo it appelé ses tantes par leur n o m ; G ib o n
le tro uve mauvais : il dit q u ’il n’a p p ro u v e pas les dési
gnations données aux deux tantes, parce q u e lle s so n t
con tra ires au p rocès v erb a l d 'a p p osition de scellés ; et
en effet il avoit eu grand s o i n , lors de ce procès v e rb a l,
de don ner aux deux tantes les noms qui lui convenoient,
espérant s’en faire un titre d o n t ,a u reste, il recounoissoit
le besoin.
E x p e rto n lui rép liq u e avec raison que ce procès verbal
ne peut ré g le r ni les n o m s , ni les qualités de ses tantes.
A p r è s l’in v en ta ire , G ib o n répète avec une affectation
rid ic u le , et qui dém ontre son peu de fran ch ise, q u 'il
ne c o n n o is s o itp o in t M a r ie -M a r g u e r ite , mais bien M a r
guerite G ib o n , sa ta n te , p rem ière décédée ; il ajoute
que sa tanle lui a rép été plusieurs fois q u ’E xp crto n lui
avoit en levé son o r , son argent et ses papiers.
�( iS )
I l ne sauroit être fastidieux i c i , de rem arquer les
reproches que lui lit E xp erto n à la suite de l’in ven taire,
et la m anière dont il y répondit.
« E xp erto n n’est pas étonné que G ih on méconnoisse
« sa tante qu ’ il n’a g u ère f r é q u e n té e , si ce n’est lors
« de ses dernières maladies , p o u r lui surprendre une
« disposition nocturne.
« Il soutient que l’imputation de soustraction est fausse
« et calom nieuse; que c’est par cette invention et autres
« suggestions perfides que G ib o n , la dam e G ib o n , sa
« s œ u r , A n n e M ia lh e et autres personnes commises par
« G i b o n , que ce dernier a cherch é à détou rn er les dispo
se sitions amicales et favorables de ses tantes p o u r lui.
«
«
a
«
« Q u ’à cette ép o que M a r i e - R o s e G ib o n habitoit la
m aison, et «voit seule le soin de toutes les aifiiires du
m énage de ses tantes; que G ib o u lu i - m ê m e l’a vue
lib rem en t, a m angé et lo g é dans la maison tant que
cela lui a fait plaisir.
« R é p é ta n t que le jour du procès v e r b a l, à six heures
« du m a tin , il trouva dans la cham bre A n n e M ia lh e ,
« les sieu rs G ib o n t t A g u lh o n q u i avaient ouvert les
« a r m o ir e s , et les a voient f o u illé e s , c ro y a n t E x p e r to n
« encore au lit. »
V o ilà une accusation bien g r a v e , consignée dans un
acte p u b lic , faite à la luce de celui qui en étoit le mi
nistre; une accusation enfin q u ’ un h om m e d é lic a t, in
justement offensé ne supporte pas un seul instant. Q ue
répond G ibon ?
R ien sur le fait. Il trouve que ce sero it s'a m u ser qu e
tfjr r é p liq u e r ,* il se réserve d’agir ainsi q u ’il aviseru. E t
�( ,i 6 )
cri effet ce fait résultoit déjà du procès verbal d ’a p p o
sition de scellés; il étoit vrai en lu i-m ê m e ; il falloit des
réflexions p ou r y répondre.
Suivons l’ordre des faits, et ne faisons pas com m e le
sieur G ib o n , qui p o u r tirer une fin de non-recevoir ch i
m ériq u e d’ un jugement au possessoire, a jugé à propos de
les transposer, tellement q u ’après a vo ir traversé l’année
1809 on se tro u ve tout d ’un coup au 19 juin 1806.
D ès le 21 avril 1806, E x p e rto n fit notifier à certains
débiteurs de J e a n - L o u i s G ib o n un acte par lequel il
leu r déclare q u ’ il a été instruit de leurs dettes; q u ’ il a
été averti aussi que les titres ou billets qui constatent
la cfréance sont entre les mains de G ib o n : il leur fait
défenses de le payer.
L es procédures se continuent sans in te rru p tio n , jus
q u ’au m om ent o ù , forcé de. prendre un p a r t i, G ibo n
prend le fait et cause des d é b ite u rs , et intervient p our
faire cesser les poursuites; et en 1806 la cause.s’engage.
Il est inutile de détailler ici aucun des actes de possession
respectivem ent faits, p uis qu ’ ils ne peuvent être d ’aucune
con séqu en ce; il suffit de sa vo ir que sur une citation en
co n ciliatio n , donnée par E xp e rto n à divers détenteurs des
biens de L o u is G ibo n , les uns opposèrent des contrats de
vente , d’autres des baux à ferm e ; que dès-lors E x p e rto n
abandonna sa demande en désistement, et leur fit c o m
m a n d e m e n t de payer le p r ix des bau x de ferme. Ils y
f o r m è r e n t opposition ; G ib o n intervint p o u r prendre leur
fuit et cause; et c’est ainsi que la cause a été liée devant
le tribunal du Puy»
Pu isqu ’on a parlé de conclusions, il faut en parler aussi
pour
�C *7 )
p o u r redresser le fait. E xp e rto n , en présentant une requête
contre le sieur G ibo n , y conclut à être m a in ten u et ren
voyé dans la prop riété et jo u is s a n c e ........à ce q u ’ il soit
fait défenses’ à G ib o n de l’y troubler de n o u v ea u . Il n’y
-a donc pas de sa part une simple demande d 'en voi en
p ossession : mais le sieur G ib o n ne s’attache pas à une
g ran de exactitude dans les faits.
C ’est pendant l’instance, et en 180 8, que s’est élevée
la querelle possessoire dont on a parlé : c ’est en 180 9,
c’est-à-dire, au m om ent où la qualité des parties alloit
être jugée sur contestation r é c ip r o q u e , qu ’est rendu le
jugem ent possessoire dans lequel on donne fort adroi
tement au sieur G ib o n la qualité d ’héritier de M a rg u erite
G i b o n , qui l’étoit de J ean -L ouis.
E t aussitôt, fertile en petits m oyens dont il sent gran
dement le besoin , G i b o n s’écrie : E x p e rto n a reconnu
mes droits et la v é rité du f u i t , en ne form ant pas o p p o
sition aux qualités, dans une instance où il ne s’en ngissoit
p a s , q u o iq u ’ il me contestât form ellem ent cette qualité
dans le m êm e tem ps, et que ce fût l’ unique objet d’ un
procès au pétitoire. Q u elle p itié !
Q u o i q u ’ il en s o it, le tribunal du P u y a pron o n cé
sur le fo n d ; son jugem ent n’a d’autre base que les titres
et actes respectivement produits : il déclare q u ’une fille
qui est baptisée'sous le nom de M a r g u e r it e , qui dans
tous les actes a sans cesse été appelée M a rg u e rite , s’appelle
encore M a rg u erite ; et q u ’ un testament au profit do M a r
g u e rite , de la part d ’ un frère q u i v iv o it avec elle dans
l ’ in tim ité , ne peut profiter q u ’à M a r g u e r it e . C ’est là tout
�( i8 )
le secret des premiers juges'; il s’agit de savoir si en la
C o u r on trouvera m oyen de p ro u v e r le contraire.
L ’essayer avec des m oyens de droit isolém ent, la ten
tative seroit un peu hardie ; aussi on cherche principa
lem en t, non pas à. attirer directement la faveur sur soim ê m e , car on n’a aucun titre p ou r y p ré te n d re , mais à.
l ’obtenir indirectem ent, en s’efforçant de couvrir>son ad
versaire de d é fa v e u r, par une masse de faits tous inexacts,,
et p o u r la plupart étrangère- à la cause.
E xam in on s d o n c , i° . si, en d ro it, le testament dont
il s’agit peut appartenir à tout autre qu’à M a rg u erite
G ib o n qui y est d é n o m m é e ;
2°. E t à toutes fins, quelles conséquences p ou rraien t
résulter des faits articulés p a r l’apptilanf.
11 est de principe que les actes font foi de leur co n
tenu; et q u o iq u ’en g én é ra l dans les clauses douteuses ou
obscures, il faille moins s’attacher à la lettre q u ’à l’inten
tio n , potiùs vohintatem qu iim verba s p e c ta r i, cette e x
ception s’a p p liq u e seulement au cas où l’intention résulte
de 'l ’acte m ô m e , et où le sens^ ‘littéral des termes la con
trarie. La loi veut alors q u ’on ne s’arrête pas trop rigou
reusement à ^ expression, parce que bien loin d ’exécuter
l ’acte, ce seroit s’écarter de la vo lo n té des parties dont
il est le dépositaire.
M a is , par la m êm e raison, lorsque les actes ne sont
pas obscurs, elle ne perm et pas d ’en altérer la substance,
ni d ’en e x p liq u e r les dispositions par des circonstances
prises hors de l’acte lui-m êm e : C on tra scrip tu m 'testi
m on iu m non scriptu m testim o n iu m non J e r tiir .
�( 19 )
C ’est ce que nous dit spécialement D o m a t pour le cas
du testament. « Si la disposition du testament se trouve
« ex p liq u ée bien nettement et précisém ent, il faut s’en
« tenir au sens qui paroît p a r l’expression* »
Cette m axim e est de toute antiquité; elle tient à l’ordre
p u b l i c , qui ne veut pas q u ’on se permette de porter
atteinte à la foi qui est due aux actes, surtout aux actes
publics. Aussi le législateur s’est-il exp rim é dans les termes
les plus fo rts, et a - t - i l sem bla v o u lo ir ôter tout moyen
d ’élu d er la rigueur du principe par des interprétations
arbitraires, eu disant : « Il n’ est reçu aucune p reu ve par
« tém oins con tre et outre le contenu aux actes, n i su r
« ce q u i se ra it allégué a v o ir é té d it a v a n t , lors ou
« depuis les actes. » Q u o i de plus form el ?
C ’est encore un principe certain qu e le ministre d ’ un
acte public est toujours présum é de droit l’avo ir fait
con fo rm ém en t aux lo is; et que dans le cas m êm e d ’ une
lég è re infraction qu i ne touche pas à la validité de l’acte,
cette infraction doit être p ro u v é e par l’acte m ê m e , sans
q u o i il faut dire q u ’elle n’existe pas; car on ne présume
pas davantage l’erreur que 1q d o l, surtout lorsqu’elle scuoit
accom pagnée de désobéissance envers la loi.
C ’est donc le testament lu i-m ê m e , et le testament seul,
q u ’ il faut con sulter; c’est lui qui est aux yp u x de la loi
l’ unique dépositaire do la v o lo n té du testateur; c'est sur
lui que doit uniquem ent reposer la décision de la justice.
Q u ’y v o it-o n ? le testateur, sqns la m oindre ainbiguiiij,
institue p o u r son h éritière M a rg u erite G ib o n , sa sœ u r y
h a b ita n te de ta ville du P u y , fin sa com p agnie.
C 2
�(
20
)
Ilien de moins obscur , de moins éq u iv o q u e ; c’est
M argu erite G ib o n qui est instituée.
C ’est donc celle dont le nom est M arguerite ; celle, par
con séqu en t, à qui on l’a donné lors de son b ap têm e;
car c’est aux actes de baptêm e ou de naissance q u ’on
reconnoît les in d iv id u s; ce sont eux qui tém oignent de
leu r nom , de leur état, de leu r famille.
Il semble donc q u ’en prenant d ’ une main le testament,
et de l ’autre les actes de naissance, il seca facile de dém êler
la légataire ; car toutes les sœurs habitant avec le testa
t e u r , dont le nom ne sera pas M a rg u e rite , seront exclues
de sa succession, et celle-là feule à qu i ce nom appar
tiendra pourra se dire héritière.
Ce n’est pas cependant que le nom de l ’institué ou<
du légataire soit d’ une telle nécessité q u ’on ne puissepas y suppléer. S i , par e x e m p le , le testateur, voulan t
instituer uu de ses enfans, et n ’en disant p a s.le n o m , le
désigne de-telle m anière-qu’il soit impossible de le m éc o n n o îtr e , le testament ne lui profitera pas moins.
Si m ê m e , appelant celui q u ’ il institue d’ un nom qui
n’est pas le s ie n , il le désigne p ar des circonstances ou
des expressions qui tém oignent précisém ent celui q u ’il'
a vo u lu instituer, la connoissance certaine de sa volonté
suffit, q u o iq u ’ il y ait erreur de nom..
Ces exem ples sont ceux de la l o i; ce sont ceux m êm e
que citü le sieur G ib o n p ou r les ap pliquer très-im prop rem en t à sa cause : Si quidem in nominc...... légatarii
testator crravcrit, c u m
minùs valet'legatum.
de persona c o n s t a t
29,
Inst,.de Lcg.
, 7ii/iiIor
�( 21 )
C ’est encore le langage de la loi 4 , Cod. de Testatn .
S i in fw m in e........testator e r r a v e n t ,
nec
t a m e n
de
error h u ju sm o d i n iliil
o ffîcit v e r ita ti ; et sur cette loi la glose ajoute : C u m
QUO
SENSERIT
in cer tu m
SIT,
certu m sut de qu o sensit.
O n le v o it : ces exemples ne sont que la conséquence
des p rin c ip e s'q u ’on vient de d é d u ir e , de ces principes
élémentaires, que dans les doutes ou les obscurités d’un
acte il faut suivre l’ intention, lorsque d ’ailleurs elle est
évidente par l’acte m êm e, q u o iq u ’elle paroisse contrarier
le sens littéral des termes.
M ais q u ’on se garde bien de penser que-la lo f, pr.r ces
expressions, perm et de recherch er la v érité et l’intention
réelle du testateur hors du testament; ce seroit s 'é leve rouvertem ent contre les principes les plus certains du
droit. Si on lit quelques lignes de plus de la loi rom aine,,
on en sera encore m ieux convaincu.
A p r è s a vo ir parlé de l ’erreur de nom du lég a ta ire, et
décidé q u ’une désignation précise peut y su p p lée r, cu m
de persona c o n s ta t, l’em pereur Justinien p révo it le cas
où le nom sera bien celui de l’institué, mais la démons
tration fausse; et il dit au §. 30 des Institutes, de L ég a t. :
H u ic p r o x im a est ilia ju r is régula. F a lsâ detnonstration e legatum non p e ritn i • v clu ti s i quis ità legaverit :
S ty ch u m m eam ver nam d o , lego. L ic e t zmrn non v crn a , ■
sed ernptus s i t , u tile est legatum . Il ajoute immédiate
ment : E t con ven ien tcr s i itîi dem on straverit : S ty ch u m
m eum queni à S cïo e/ni , sitq u e ab a lio c/n ptus, u tile
est legatum Si D E SEI I VO C O N S T A T .
Cette r è g l e , com m e on le v o i t , est tirée du m êm e
�( 22 )
p rin cip e que la p réc éd en te; elle est fondée sur ce q u e ,
dans les deu x cas, l’esclave est suffisamment désigné par
sou nom de S ty ch u s, et parce q u ’ il est évident q u ’ il y a
erreur dans la démonstration. C ’est ensuite pur surabon
dance de p ré c a u tio n , que dans ce dernier cas la lo i ajoute:
S i de servo con stat.
L ’argum ent à tirer de cet exem ple de la loi s’aperçoit
avec facilité. L o rs q u ’en parlant de la fausse démonstra
tion elle dit qu ’ il ne faut.pas y a v o ir é g a r d , c’est parce
q u e le nom de l’esclav^e est disertement écrit dans le tes
ta m e n t, et q u ’alors la dém onstration n’est pas considé
r a b le ; encore a j o u t e - t - e l l e S i de serv o c o n s ta t, parce
q u ’ il est possible que le nom seul ne le désigne pas assez
disertem en t, com m e s i , p ar e x e m p le , il y a voit deux
esclaves du m êm e n o m ; 'e t ; c ’est ce q u i dém ontre encore
,m ieu x q u ’il ue faut pas cherch er hors du testamçnt les
preuves de la vo lon té du testateur.
C ’est le langage des auteurs. D o in a t , qui le disoit assez
d an s.le passage cité par r a p p e la n t , s’e xp rim e bien plus
form ellem ent dans le § . i 5 : « h n c o r e q u 'il so it v r a i
« q u e f in ten tion
«
c’e s t
«
MENT
doive cire préférée à P e x p r e s s io n ,
seu lem en t
FAIT
lorsque
CONNOITRE
la
CBTTE
suite
du
t e s t a
INTENTION,
-
m a is
« n on dans le ca s où rien ne f a i t d outer du sens de
« l'exp ressio n ; c a r alors la seule présom ption q u i peut
« être reçue est q u e le testa teu r a d it ce q u 'il voula it
a d ir e , et n 'a p a s vo u lu dire ce q u 'il n 'a pas dit. »
Sans nous épuiser ici en citations, remarquons seu
lement que l’art. 5 o de l’ordonnance de 1 7 3 5 , et le passape cité de R i c a r d , qui se rapporte au mêm e cas, n ’ont
�c*s)
pas le m oindre rapport à l ’espèce a c tu e lle , et décident
seulement qu ’en pays de droit é c r it, où la p ré te n tio n
étoit ad m ise, il n’étoit pas nécessaire d’appeler chacun
des enfans par son nom , et q u ’on pou vo it les désigner
m êm e p ar cette expression générale : C h a cu n de m e»
en fa n s.
Ces principes et ces exemples posés , quelle application
peut-on en faire à la cause? R ien de plus facile à décider.
Si en instituant M a r g u e r ite , le sieur G ib o n avoit
a jo u t é , m a sœ u r la plus je u n e , ou qu elqu ’autrc dési
gnation tellement spéciale q u ’il fût facile de la reco n D o itre , a lo r s , il faut en convenir., il y-auroit difficulté
d’a p p liq u e r le testament à M a rg u e rite ; et c’est ici le cas
de rép o n d re à l ’argum ent tiré de l’article 2148 , et à
l’exem ple de l’inscription hypothécaire.
O u i sans d o u te , tout est do rigu eu r dans une inscrip
t io n , et cependant une désignation spéciale et individuelle
suffit, mais à condition que la désignation spéciale soit
dans l’in scrip tio n ; car si elle n’y est p a s , l’ inscription
est nulle : y e û t - i l m ille et une circonstances hors du
b o rd e re a u , elles ne seroient d ’aucune utilité. Ici le p rin
cipe est le m êm e ; et si le sieur G ib o n veut souffrir l’ap
plication de l’exem ple q u ’ il a lui-même p o sé , on y adhère
sans p ein e , et la cause sera bientôt jugée.
M a is Jean-L ouis G ib o n ovoit deux sœurs également
célibataires, toutes deux Agées, toutes deux habitant avec
lu i; l’une s’a p p e lle ’M a rg u e rite , l’autre M a rie-M arguerite.
Il donne à M a r g u e r ite , sans autre indication plus spéciale :
qui osera se p e rm c tlre , sans d é c o u v rir dans le testament
ui d o u te , ni a m b ig u ité , ni o bscurité, de décider que le'
�C *4 )
testateur, en désignant M a r g u e r i t e a eu en vue M a rieM arg u erite ?
O n sera donc le maître désormais de m épriser les
volontés des m ourans, sous le prétexte de les interpréter!
O n dit m ép rise r; car ce seroit dire réellem ent q u ’il n’a
pas été perm is au testateur d ’ instituer sa sœur Margue-,
r it e , sous la simple dénom ination qui lui étoit p r o p r e ;
que p o u r instituer M a rgu erite il a dû ajouter quoiqu’autre
désignation plus spéciale ; et que par cela seul q u ’ il ne
l’aura pas f a it , le testament doit profiter à M a r ie - M a r guerite q u ’il ne désigne m ê m e pas. Singulier p riv ilè g e !
A ussi se cro it-o n obligé d’avancer q u ’ il préféroit l’ une à
l ’a u tre , 6ans que rien l’a n n o n c e ; de faire de l’une un
personnage actif et robuste, et de l’autre un etre m aladif,
insupportable aux autres et à s o i-m ê m e , et précisément
en tirer la conséquence que de ces deux sœurs avec
lesquelles il a toujours v é c u , il a donné dos secours à
celle qui en avôit le moins besoin , et ôté toute espèce
de ressources à celle qui étoit incapable de se prêter à
elle-m êm e aucun secours. S in gu lier m o tif de préférence!
E n un m o t, sans disserter plus lo n g-tem p s, toute la
prévo yan ce des lois citées par le sieur G ib o n 6e réduit
à cette explication diserte et expressive d'un savant
auteur : L o c o n o m in is est certa dém onstratif).
A in si , le testament contient-il le nom du légataire
ou h éritier ? adjugez-lui le legs ou l’ hérédité.
A défaut de n o m , c o n tien t-il, com m e l’inscrip tion, une
d ésignation sp écia le s u ffis a n te , telle qiCon puisse reconnoitre dans tous les ca s F individu appelé; y a-t-il certa
d ém on stra tio n ordonnez encore l’exécution du testament.
Eu lin
�Enfin y a-t-il quelque a m b ig u ïté , quelque contrariété
entre la dénom ination et la désignation ? suivez l’ inten
tion du testateur : S i apparet de quo cogt tatum j'itit.
V o i l à la substance des principes sur cette matière.
O r , dans quel cas se trouvent les parties? évidem m ent
dans aucun des deux derniers : il ne faut donc pas appli
q u er les règles qu i leur sont p rop res; ce n’est donc le
cas ni de parler de désignation spéciale, ni de rechercher
l ’intention du testateur. L ’héritière est n o m m é e , sans
aucune autre désignation; il ne s’agit donc que d’exa
m iner à qui s’applique le nom ; et c’est ici le cas d ’exa
m iner la bizarre difficulté q u ’on élè ve sur M argu erite
ou M a rg o u to n .
N ous avons dit en c o m m e n ç a n t, et c’est en effet un
p r in c ip e , que le ministre d ’ un acte p ublic est de droit
présum é l ’avo ir fait con form ém ent aux lois.
U n e loi du 6 fructidor an 2. porte : « 11 est expressécc m ent défendu à tous fonctionnaix-es publics de désigner
cc les citoyens, dans les actes, autrement que par le nom
« de famille et prénom s portés en la c té de îia issa n ce. »
L e sieur G ib o n va se fâcher, car c’est une loi de l ’an 2.
Il ne faut donc pas se borner à cette citation ; voyons
la loi du 11 germ inal an 11.
A r t . i cr. v A com pter de la présente l o i , les noms en
« usage dans les divers calendriers, et ceux des person« nages connus de l’histoire a n c ie n n e , pou rro n t seuls
« être reçus com m e prénom s sur les registres de l’état
« civil destinés à constater la naissance; et i l est in terd it
« a u x ojjflciers p u b lics d'en adm ettre a u cu n autre dans
« leurs actes. »
D
�C
26 )
I ,’officier public ne doit donc em p loyer que le prénom
donné à l’ individu par les registres de l ’état c iv il; il est
donc présum é de droit l’avo ir fait a in s i, jusqu’à p reu ve
contraire écrite.
Ce n’est pas q u ’on prétende en tirer la conséquence
#que s’ il eût reçu le testament sous le nom de M a r g o u to n ,
celle désignation n’eût pu être suffisante, mais seulement
q u ’ il s’est servi du p rén o m lu i-m êm e , plutôt que d’em
p lo y er une corruption patoise qui n’étoit pas le nom de
b a p tê m e ;’la conséquence enfin qu'ayant désigné M ars,uer it e , et le testateur ayant une sœur appelée M a r g u e r ite ,
c’est à son profit q u ’est dirigée la disposition.
Q u ’on veuille p o u r un instant se défaire de l ’idée que
lfc testament concerne la plus jeune des de^ix sœurs.;, q u ’on
suppose, s’ il faut em p lo y er ce tei-me, que le testateur a
vo u lu désigner l'aînée, com m ent a-t-il dû s’e x p r im e r ?
Q u ’on se mette à sa place. Il savoit que sa sœur s’appeloit M a rg u e rite ; n’a - t - i l pas ren d u entièrement son
i d é e , en disant : J ’institue M a r g u e r ite , ma sœ u r? Sa
disposition u’est-elle pas parfaite, son intention rem p lie ?
Q ui osern le n i e r ? ’
M ais si cela est ainsi, qui osera declarer que son inten
tion étoit a u tre ? qui osera toucher au sens littéral de sa
disposition , sans craindre d’y porter une main sacrilège,
et de m é p ris e r, contre le vœu do la l o i , la volonté la
m ieux e x p r im é e ?
A llo n s plus lo in ; supposons que le testateur ait dit ou
dû dire au notaire : J ’institue M a rg o u to n , le notaire aura
su ou lui aura dem andé si M argouton est une corruption
de M a rg u e rite , et p o u r se conform er à la loi il aura écrit
�(* 7 )
M arguerite : la personne en sera-t-elle moins certaine?
l’intention du testateur ne sera-t-elle pas encore rem plie?
E t on oseroit dire et décider qu ’il a entendu instituer
tout autre !
L e sieur G ib o n savoit, disons-nous, que sa sœur s’ap .peloit M argu erite : témoin le certificat de civism e contre
lequel on se récrie si singulièrement. C e r t e s , si on eût
cru q u ’elle dût être désignée autrement dans un acte
p u b l i c , il faut penser que le 26 floréal an 2 , le sieur
G ib o n n’eût pas mis d ’affectation à fouiller dans le calen
d rier g ré g o rien p ou r y ch ercher un nom patronimique!
E n vain d i t - o n que c’est un acte iso lé; on défie d’en
citer un seul où elle ait pris le nom de M argouton .
M ais p o u r dém o n trer que c’est ainsi q u ’elle a toujours
été dén om m ée dans les actes, et p o u r convaincre le sieur
G ib o n q u ’il s’écarte un peu de In v é rité sur le fa it, il suffît
de le re n v o y e r au testament du 12. brum aire an 1 4 ; il
est fait par M a r ie -M a r g u e r ite , qui y p r e n d , o u , p ou r
m ieu x d i r e , à q u i on donne seulement le nom de M a r
guerite.
E lle fait un legs à sa sœur de l’ usufruit de ses biens,
en ces termes :
« J e donne et lègu e à M a rg u erite G i b o n , ma sœ u r,
« célibataire, native de L a n d o s , habitant eu celle ville
a du P u y , la jouissance, etc. »
E h q u o i! M a rie -M a rg u e rite G ib o n lègue à sa sœur
sous le seul nom de M a rg u e rite , et elle auroit pu p rétendreà l’ instant m ê m e q u e l’institution faite parson frère,
sous le m ôm e n o m , ue peut p roduire aucun ellet en sa
D 2
�(
28 )
fa v e u r! C ’est par trop abuser de la permission de jouer
sur les mois.
Rappelons encore ici l ’argument de l’inscription h y p o
thécaire.
Si les deux sœurs étant également créancières de leur
f r è r e , une inscription avoit été prise à la requête de
M a rg u e rite , à qui profiterai t-elle ?
L a question, sans d o u t e , serait bientôt d é cid é e; pas
un tribunal au m onde ne s’aviserait de juger contre le
texte form el de la l o i , q u ’entre deux sœurs q u ’aucune
autre indication ne d é s ig n e , on doit reconnoitre celle
dont le nom n’est pas identiquement le même.
Ce seroit une question d e s a v o ir , dans le cas où il
n’en existerait pus sous le nom de M a r g u e r it e , 'si l’ins
cription p ou rrait appartenir à M a rie -M a rg u erite.
M ais ce n’en est pas u n e , dès que M a rg u erite existe;
et certes personne au m onde ne décidera jamais que l’ins
cription, p ou r être valable et profiter à M a rg u erite , aurait
dû être prise sous le nom de M a rgo u to u .
L ’esprit h u m a in , ce sem ble, ne peut con cevo ir q u ’ un
seul cas d ’e x c e p tio n , c’est celui où les deux sœurs s’ap
pelleraient également M a rg u e rite ; et ce cas sans doute
serait le plus favorable dans lequel p ou rrait se placer
le sieur G ib o n . Q u ’en r é s u lte ra it-il? 11 suilit, p ou r le
d é c id e r, de se référer aux principes, aux dispositions des
lois q u ’on a déjà citées.
P artout nous avons vu que la disposition n’est valable
q u ’autant que la personne du légataire est certaine: C u m
de person a co n sta t....... cu m certu m s it de q u o sens i t ;
�( 29 )
Q u e la certitude doit se t r o u v e r dans le testament
m ê m e , com m e nous le dit M . D o m a t , et com m e le déci
dent ces lois elles-mêmes.
Si donc la personne est incertaine; si le testateur ayant
deux sœurs portant le m êm e n o m , le testament ne d é
signe pas l’ une plus spécialement que l’a u t r e , la disp o
sition est nulle. V o ilà tout ce que pourroit espérer le
sieur G ib o n dans la disposition qu ’on vient de faire : o r ,
nous ne sommes pas dans ce cas.
N ’en déplaise donc à la loi B a r b a r iu s P h ilip p u s ,
il im porte fort peu que l’aînée des deux sœurs ait pu
être usuellement appelée M a rgo u to n ; que la plus jeune
ait q u elqu efo is, m êm e habituellem ent p orté le nom de
M a rg u erite : aucune d ’elle n’a perdu ni son véritable
n o m , ni l’habitude de la distinguer par ce nom. M a r
gouton signifie M a rg u e rite ; et si le frère et la sœur se
sont servis de cette dénom ination patoise dans le com
m erce de la v i e , il est constant au moins q u ’ ils ne l’ont
pas fait toutes les fois q u ’ ils ont parlé d’elle dans des actes
p u b lics;
C ar le sieur G ib o n , dans le certificat de civisme de l ’an 2 ,
l’a appelée M a r g u e r ite , qu oique m êm e a lo rs, com m e
ensuite, elle fût M a rg o u to n dans l’ usage;
C a r M a r ie - M a r g u e r i t e , par son testament de l’an 1 4 ,
l’a appelée fri argue ri te.
D ’où il résulte q u ’ il est impossible à un hom m e rai
sonnable de d é c id e r, m êm e de présumer que M argouton
n été l'unique expression prop re à désigner certainement
l ’aînée des deux sœ urs, et que toute disposition laite
�( 3° )
sous le nom de M a rg u erite ne peut la concerner ; car
les actes de la cause tém oignent tout le contraire.
A in si donc le fait et le droit concourent p o u r justifier
le jugem ent dont est appel.
Il ne reste plus q u ’à exam iner la ressource que peut
tro u ve r le sieur G ib o n dans la p reu ve testimoniale q u ’il
oiFre.
A cet égard tous les principes se réunissent. Si la p reu ve
n ’est pas faite par le testament, rien ne peut y suppléer:
c’est ce qui résulte des lois déjà c it é e s , et de la doctrine
enseignée par M . D om a t dans le passage q u ’on a transcrit;
c’est d ’ailleurs ce qui d érive du principe q u ’ un acte fait
foi de tout son c o n te n u , et q u ’aucune p reu ve étrangère
ne peut eu altérer la substance.
C ’est enfin ce qui est disertement é c r i t , soit dans les
anciennes ordonnances, soit dans l ’art. 1341 du Code.
« Il n’est reçu aucune p reu ve p ar tém oins contre et
« outre le contenu a u x actes , n i s u r ce q u i sera it
« allégué a v o ir été d it a v a n t, lors ou depuis les actes. »
Si m êm e on vo u lo it articuler que le juge peut toujours
s’entourer des lumières que lui ollreut les présom ptions,
l ’argum ent s’ écarteroit encore avec la r t . 1363 du m êm e
C o d e , qui ne permet de les considérer que lorsqu’elles
sont g r a v e s , p r é c is e s , con cord a n tes , et dans les cas
seulem en t où la preuve testim o n ia le est adm issible.
A ussi l’appelant sentant bien la force de ces m oyen s,
cherch e à se placer dans un cas d’exception. II ne s’agit
p a s , d i t - i l , de p ro u v e r une convention q u i excèd e le
ta u x des ord on n a n ces ou de
rart. 134! du C o d e ; mais
�(3 0
il s’agit de suspicion, de supposition de personnes; et il
cite D a n t y , ch. 7 , et la loi 2 1 , ff. de T e slib u s.
Il ne s’agit p a s , il est v r a i , de p ro u v e r une conven
tion qui excède i5 o fr. ; mais il s’a g it , par une p reu ve
testim oniale, d’ajouter ou de retrancher à un a c te , de
rechercher dans des dépositions la volon té du testateur,
de p ro u v e r p o u r cela ce qui peut avo ir été dit avant et
d ep u is; et la loi p ro h ib e également l’ un et l’autre.
C om m en t le sieur G ib o n fera-t-il entendre q u ’ il s’agit
de supposition de personne ? Su r qu i se dirigera cette
accusation ? sera-ce sur E v p e r t o n ? mais- alord c’tfst une
proposition in in telligible; car le testament n’est pas son
o u v r a g e ; et quand bien m êm e il l ’auroit in flu e n c é , il
seroit difficile de con ce vo ir une supposition de personne.
Sera-ce le testateur? mais on ne le com p rend roit guère
m i e u x , et peut-être encore moins.
•
Il y a supposition de personne, lorsque p o u r p rofiter,
par e x e m p le , d’une h éréd ité, et l ’héritier étant m ort ou
ab sen t, un tiers se présente com m e cet h é r it ie r , suppose
q u ’ il est la personne instituée.
A in si , p o u r ap pliquer l’exem ple à la cause, Jean L o u is institue M a r g u e r ite , sa sœ u r; M argu erite décède
avant lu i; une autre sœ u r, qui ne s’appelle pas M a rg u e
r ite , s’empare de son extrait de naissance, et se l’a p p ro
p ria n t, réclam e l’h é r é d it é , prétendant q u ’elle est M ar
guerite. 11 y a supposition de p erso n n e, pince q u ’on a
caché qui on é t o it , parce q u ’on s’est présenté p o u r un
a u tre , parce qu ’en prenant le nom de son voisin on a
cherch é à s’a p pro p rier ce qui lui étoit lègue certa in e
m ent, Mais ici quoi de s e m b l a b l e ? M a r g u e r i t e n’a pas
�ÏA«C 32 )
supposé q u ’elle fût une autre q u ’e lle -m ê m e ; elle ne s’est
pas ap prop rié l’extrait baptistaire de sa sœ ur, en cachant
le sien p ro p re ; elle s’est présentée à la justice ( ou
quoique ce soit le sieur E xp erto n ) , son extrait de nais
sance à la main ; elle a dit : J e m ’appelle M a rg u erite
par m on acte de b a p têm e; M a rg uerite dans le certificat
de la n 2 ; M a rg u erite dans le testament de ma sœur ;
ainsi q u oiq u e j’aie pu être usuellement désignée par
M a r g o u t o n , dans le langage fa m ilie r, je soutiens que ce
sont ces actes seuls q u ’il faut consulter p o u r connoître
la véritable héritière. A in s i elle n’a rien supposé, ni
p erso n n e, ni choses, pas m êm e une syllabe. E t en v é
rité il n’est q u ’ un besoin extrêm e qu i puisse inspirer de
semblables moyens.
Si 011 o u v re D a n t y , on trouve dans le chap. 7 , cité
par l’a p p e la n t, q u ’après a v o ir parlé de la sévérité des
ordonnances sur la foi due aux a c te s, il ajoute q u ’elle
n’a pas lieu dans les con tra ts s im u lé s , et autres actes
q u i son t fa it s en fr a u d e de la lo i ou p o u r trom per un
autre. E u cela il ne faut pas s’é to n n er; car on sait que
les cas de dol et de fraude sont toujours exceptés.
11 y a dol et fraude, s’écrie l’appelant; car 011 voud roit
s’em parer de ce qui n’appartient pas à M argouton G ibon.
11 y a dol et fraude com m e il y a supposition de per
sonne. Il y a dol et fraude com m e dans tous les cas
où on form e une demande que le défendeur conteste;
car c’est toujours un d o l, si on peut s’ex p rim er a in si,
que de réclam er ce qui ne vous appartient pas. S i , par
exem ple , je demandois le payement d ’ une obligation
q u ’on m ’auroit payée la veille , ce seroit certainement
un
�( 33 )
un dol , cependant on n’admettroit pas la p reu ve du
payement. E n un m o t , les faits de dol et de fraude ne
sont recevables à côté d’ un acte que “si l ’acte lui-m êm e
en est infecté : ainsi je puis être admis à p ro u v e r que
le consentement a été exto rq u é ou surpris-, q u ’ il a été
le fruit du dol et de la violence ; que m êm e il n ’a eu
d ’autre cause q u ’une erreur sur la substance m êm e de
la chose. M ais ici personne ne conteste que le testament
du sieur G ib o n ne soit v a l a b l e , car chacun veut se
l ’a p p r o p r ie r ; personne m êm e ne prétend qu ’ il soit le
fruit de l’e r r e u r , car on soutient q u ’ il a indiqué suffi
samment la p ersonne, et chacun veut être ou représenter
cette personne.
D o n c on ne peut pas admettre de p reu ve testimoniale
contre cet a cte; rien p ar conséquent qui tende à établir
qu elqu e chose contre ni outre cet acte.
D o n c on ne peut rien p ro u v e r de ce qu i s’est dit
l o r s , avant ou depuis.
D o n c , et d’après les principes déjà rappelés, si le testa
m ent est c la ir, il faut l ’exécuter te l q u 'il e s t; s’ il ne l’est
pas suffisamment p ar lu i-m ê m e , il faut le rejeter.
D o n c enfin la p reu ve testimoniale est inadmissible.
Si on exam ine ensuite la loi O b ca rm en J a m o s u m ,
on se demande de quelle utilité peut être cette citation.
E lle ne s’occupe pas eu effet des cas où la p reu ve testi
m oniale est admissible; mais seulement des témoins qui
doiven t être p r é f é r é s , de la foi q u ’on doit ajouter à
leurs dépositions. E lle dit que celui qui aura é p ro u v é
une condamnation infam ante, ne peut être té m o in , /«tc s ta b ilis J it‘ elle dit que le gladiateur ne sera pas c r u ,
E
�( 34 )
sin e tarm entis ; elle ajoute enfin que si tous les témoins
sont honnêtes et p rob es, et q u ’ils aient connoissance par
ticulière du fait en question , le juge doit y a v o ir la
plus grande confiance.
M ais nulle part il n’est question dans ce passage , ni
de testateur, ni de testament : la loi parle d’ une enquête
f a i t e , et non d ’une enquête à faire; elle dit au juge q u elle
doit être sa base p o u r la confiance q u ’il doit aux tém oins;
mais elle ne dit pas q u ’on recevra des preuves hors les
cas de d r o i t , puisque supposant une p reu ve déjà fa ite ,
elle doit supposer aussi q u ’elle a été admise con fo rm ém en t
aux lois.
Ecartons donc de la cause toutes ces autorités, et le#
in d ices résu ltan s de fa it s d è s -lo r s c o n s ta n s , puisque
tout cela n’y reçoit aucune application.
Com bien de présomptions-et d ’ind ices, s’écrie encore
le sieur G ib o n ! n ’est-il pas constant et a v o u é ..........
N on , il n’est ni constant ni a vo u é que M argu erite ,
la p lu s je u n e y s’est mise en possession de tous les biens;
qu ’elle y fait une mainmise absolue et ex clu siv e • q u ’elle
ait ex clu siv em en t g é r é , ad m in istre, vendu et afferm é;
car l’ intimé le nie fo rm el le m en t.
E t quand tout cela seroit v r a i , ce ne seroit q u ’un seul
fait répété trois fois avec a r t , en des termes difTérens;
et ce fait ne p ro u v e ro it rien.
E t quand bien m êm e encore il seroit vrai qu e M a riéM argu erite auroit joui seule et sans la participation de
sa s œ u r, q u o iq u ’elles vécussent en se m b le; quand bien
même M argu erite , ne con n a issa n t pa s le te s ta m e n t,
auroit pu en croire aux dires de sa sœur et du sieur
�(
3
5
}
G ib o n , et ne pas réclam er l’h é r é d i t é , s e r o it - c e une
p reu ve q u ’elle ne fût pas héritière ?
Si m êm e enfin on vo uloit descendre jusqu’à l’examen
de la p reu ve o ffe rte , il seroit aisé d ’en d é m o n trer la
futilité. Q u e v e u t - o n p r o u v e r ?
i° . Q u e la plus jeune des deux sœurs a toujours été con
nue et a toujours contracté sous le nom de M a r g u e r it e ,
et l’aînée sous celui de M argouton .
Il n’a jamais été contesté que dans l’ intérieur de la
fam ille elles aient l ’une et l’autre été désignées par ces
d énom inations; il n’y a donc pas besoin de p r e u v e , et
on vient de v o ir l’inutilité de cette circonstance. Mais
que jamais elles aient été ainsi dénom m ées dans des actes
p u b lic s, c’est ce q u ’on défie d ’établir : ce 11e seroit pas
d ’ailleurs le cas d’ une p reu ve testimoniale, mais bien de
rap p o rter les actes. C ’est du reste s’a v e n t u r e r beaucoup
que de présenter com m e un acte où l’aînée auroit contrac
t é , le prétendu testament resté imparfait : il ne fut jamais
ni son o u v ra g e , ni l’expression de sa vo lon té ; 011 ne s’est
jamais p o u rv u ni en nullité de son véritable testament,
ni p a r aucune autre action qui tendît à établir q u ’elle
avo it été em p êch ée de tester. G ib o n a pensé avec raison
q u ’ il lui seroit plus avantageux de se plaindre à son aise,
que de mettre au jour la vérité.
20. Q u e c’est cette sœur qu e le sie u r G ib o n a eue en
vue en instituant M arguerite.
A v e c des allégations aussi peu caractérisées et aussi
va g u es, on se donneroit la perm isiou de tenter la preuve
la plus indéfinie et la plus contraire aux lois! Est-ce donc
là un fait susceptible de p reu ve testimoniale? laissera-tE 2
�on de côté tout ce qui résulte de l ’ac te , p o u r é ta b lir,
par des dépositions orales, V in te n tio n , le fo n d de la
pensée du testateur?
3°. Q u e la plus jeune a joui exclu sivem en t.
O n a déjà répon du à ce fa it, et dém ontré q u ’il ne
seroit d’aucune conséquence.
4°. Q u e le sieur E x p e r to n , et M argu erite l’aînée, ont
déclaré que le testament concernoit la plus jeune.
C e fait n’est q u ’ une répétition des précédons. O n a
déjà rép ondu p ou r M argu erite ; q u ’im porte ce q u ?ellè
pou rro it a vo ir cru , sa?is a u cu n e co n n o issa n ce du tes
tam ent. P o u v o it-e lle l’a p p ro u v er sans le c o n n o ître ? E t
quant à E xp e rto n , qui d ’ailleurs désavoue form ellement
ce q u ’on lui im p u te , de quelle conséquence seroit ce fait,
à le supposer vrai ? en résulteroit-il que le testament est
autre q u ’il n ’est en effet? cela changeroit - il rien aux
preuves qui en résultent?
E n fin , n’est-ce pas asseoir ses preuves uniquem ent sur
ce qui a été dit depuis le testam ent ?
E t d’ailleurs quelle v r a i s e m b l a n c e ? E xp e rto n habitant
avec son oncle et scs tantes, vivan t avec eu x dans l’ io tim ité , auroit dirigé les libéralités de son oncle sur ses
sœ urs, plutôt que sur lui-m ôm e! ce seroit au moins de
sa part une grande p reu ve de désintéressemeut. M a i s ,
dit-on , il n 'a v o it p lu s iVin fluence. Ce f a i t iCa rien de
vraisem blable : et on offre de le p ro u v e r!
E t on appelle cet unique fait divisé en h u i t , des faits
précis et concluons!
M ais tout cela s’écarte par le fait constant q u e , soit
l’o u c le , soit la ta u le , les plus jeunes ont toujours appelé
�( 37 )
l ’aînée M arg u erite , dans tous les actes où il a été question
d ’e lle , et que jamais elle n’a été dén om m ée autrement
dans aucun acte.
N ’en doutons pas; le sieur G ib o n n’a offert cette p reu ve
avec tant d ’emphase et un ton d’assurance, sachant bien
q u ’on ne l’admettroit pas, que dans l’espoir q u ’il parvien droit à faire une impression défavorable à son ad ver
saire : aussi seroit-il fort aise que la C o u r pensât qu ’il
n ’en est pas besoin, et q u ’elle se contentât des présom p
tion s exista n tes.
L e sieur G ib o n e s t - il donc tellement éd ifian t, que
la justice d o i v e , les y e u x fe rm é s, lui donner pleine et
entière confiance ? E x p e rto n sera-t-il tellement circon
venu par des allégations qu i ne sont ni. v ra ie s, ni p résumables , que la C o u r d o ive le condam ner ou m al
présum er de l u i , parce que son adversaire c rie h a r o ?
Ce seroit un étrange m o y e n , si la justice ou ses ministres
p ou vo ien t se laisser étourdir par d’aussi vaines clameurs.
N ’a llèg u e-t-on pas encore qu ’E x p c r to n s’est fait con
sentir ù la fois une donation et un testam ent? C ’est un
autre fait semblable aux premiers. M argu erite G ib o n
vo u lo it donn er à son neveu ; la donation étoit com
mencée lorsqu’on s’aperçut q u ’elle exig ero it le détail du
m o b ilie r ; alors ou l’aban do n n a, et il ne fut fait q u ’ un
testament. lia do n a tio n , quoique com m encée, n’a jamais
été parfaite; ¡1 n’en existe pas d ’acte en forme.
Enfin , si la C o u r veut bien se p énétrer des faits et
des circonstances, elle sera convaincue de l'inexactitude
de G ib o n , et du peu de confiance (ju’elle lui doit.
E li quoi ! l’oncle et les tantes des parties sont venus
�3/4 .
( 38 }
habiter avec E x p e rto n . E t ils n’avoient p o u r lui que des
rebuts!
Il a vendu une maison achetée par son o n c le , et s’est
em paré du p rix p o u r en acheter une autre en son nom.
E t cet oncle qui en avoit une à lu i , qui d’ailleurs étoit
dans l’aisance , l’a suivi dans sa nouvelle habitation , et
a continué d’y v iv r e avec lui dans l’ in tim ité, jusqu’au
dernier instant de sa v ie !
Il a v o lé à sa tnnte une som m e d ’argen t; sa tante s’est
exh alée en r e p r o c h e s , en plaintes amères. E t dans le
m êm e temps elle lu i fait un legs de 1000 fr. par son
testament !
Il avoit accaparé son o n clc et ses tantes; il avoit une
funeste influence. E t bien loin de s’en servir p o u r lu im ê m e , il a d irigé les libéralités de son oncle au profit
d ’ un autrel
Il a reçu
i dans sa maison et à sa table ,' Rose sG ib o n ,
sœur de l’ in tim é; il y a admis A n n e M ia lh e , parente et
alTidée de G ib o n ; il y a affectueusement invité G ib o n
lui-m êm e. E t il étoit plein de précautions et de ruses
p o u r leur soufTlcr des dispositions!
E t c’est avec une semblable c o n d u ite , q u ’ E x p c rto n ,
avo u é au tribunal dont est a p p e l, et bien connu de ses
ju g e s, est parvenu à leur en im poser; q u ’il y a été tel
lement favorisé, que ses con frères, les avocats qui exe r
cent près de ce tribun al, et les juges eux-inêm es ont été
p réven u s p o u r l u i , et que G ib o n a été repoussé par tout
le m onde !
E n v é rité de semblables assertions offensent la justice,
et se réfutent elles-mêmes.
�( 39 )
E t G ib o n q u i , après la m ort d’ une des deux sœurs,
et dans les derniers instans de l’autre , a p én étré dans
sa cham bre p o u r fouiller dans ses poches, y prendre ses
c lefs, o u v rir ses a r m o ir e s , en sortir et s’a p pro p rier tout
le linge et les effets qui les garnissoient ; G ib o n , con vain cu
d ’une coupable soustraction, aura le droit d ’en imposer
à la justice, et d’accuser hautement son adversaire!
D isons au contraire que toutes ces circonstances con
courent p o u r repousser, et sa p ré te n tio n , et la faveur
dont il veut s’entourer.
Disons que si le tribunal du P u y s’est arrêté au tes
ta m e n t, c’est p o u r l’a v o ir sainement ju g é ;
Q u e s’ il a rejeté la p reu ve offerte , c’est parce que ,
d’ une p a r t , elle étoit contraire au x p rin cip es; que de
l ’a u tre , étant sur les lieux et connoissant tout à la fois
les faits et les personnes, il en a sagement a p p r é c ié l’inu
tilité.
D isons enfin que s’ il est vrai qu ’E x p e rto n ait joui
auprès des juges dont est appel d ’une certaine f a v e u r ,
ce n’est pas au moins sa cause; et que c’est le m eilleur
tém oignage q u ’il puisse donner à la C o u r de ce q u ’on
pense de lui dans le lieu de son d o m ic i le , et de ce qu ’en
pensent eux-mêmes les juges près desquels il exerce jo u r
nellement des fonctions publiques et honorables.
Signé E X P E R T O N .
M° . V I S S A C , avocat.
M° .
G A R R O N , avoue licencie.
A RIOM, de l’Imp. de THIBAUD, Imprim. de la Cour imperiale, et libraire,
rue des Taules, maison Landrio t . — Août 1810.
�
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[Factum. Experton, Jean-Baptiste. 1810]
Creator
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Experton
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
inventaires
dol
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour Jean-Baptiste Experton, avoué licencié au tribunal civil du Puy, intimé ; contre Gilbert Gibon, avocat, appelant.
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
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de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2010
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2009
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53380/BCU_Factums_G2010.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
dol
infirmes
inventaires
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53379/BCU_Factums_G2009.pdf
446eec30cb0df255d4176c00a525d88e
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Text
'<
PRÉCIS
1J
POUR
Sieur G i l b e r t G I B O N , propriétaire et avocat, habi
tant du lieu du Cros-de-Georand, département de
l'A rd èch e, appelant d’un jugement rendu au tribunal
civil du P u y , le 20 décembre 1809;
CONTRE
Sieur
J
e a n
-B
aptiste
E X P E R T O N , avoué au
tribunal du P u y , intimé.
L E sieur G ibon , héritier testamentaire d e Margueritte
Gibon sa tante, devait recueillir tous les biens dont se
compose c e tte succession.
M argueritte Gibon devait sa fortune à l'affection de
J e a n -L ou is Gibon son frère, qui l’avait instituée son
héritière universelle par un testament du 1er d écem
bre 1 8 o 3.
L e sieur E xperton, parent au m êm e degré que l’ap1
2m
s
.
�( 2 )
pelan t, de M argueritte Gibon 3 a voulu s’approprier les
biens de sa tante; e t , pour y parvenir, il n’a pas craint
d’em ployer toutes les ruses que l’ambition inspire, et
que l’intrigue prépare.
Fertile en ressources, les suppositions de personne,
les manœuvres les plus téméraires ne sont qu’un jeu
de son imagination, et il en a tellement imposé aux
juges du tribunal près lequel il exerce ses fonctions, qu’il
est p a rv e n u ^ tout e n v a h ir , et à dépouiller un héri
tier légitime.
Mais ce succès ne sera qu’éphémère ; et les suites
pourraient être funestes à cet ambitieux. L ’appelant va
mettre au jour la conduite scandaleuse de son adroit
et dangereux adversaire.
F A IT S .
D u mariage de Pierre Gibon et de Claudette Plan
cher étaient issus six enfans; Jeanne Gibon morte sans
postérité; L o u is , père de l’appelant; M a r ie , femme
E xperton, mère de l’intimé; J e a n - L o u is ; M argolon
et Margueritte.
Jean-Louis Gibon a vécu célibataire à la compagnie
de ses deux sœurs Margoton et M argueritte, qui ne
se sont pas mariées.
J e a n - L o u i s faisait un c o m m e rce considérable de
dentelles, et ce c o m m e r c e a toujours pr ospé ré; il est
l'auteur de sa fortune ; Ma rg o to n sa sœur a în é e , était
boiteuse et infirme. F aib le de corps et d ’esprit, c ’était
lin de ces êtres infortunés disgraciés de la natur e, oué-
�rJlW.
( 3 )
.reux pour les familles, mais auxquels on doit quelque
pitié; elle avait dix-huit ans de plus que sa sœur M argueritte; elle avait toujours porté le nom de M argoto n , et n ’était connue que sous cette dénomination.
M argu e ritte ,la plus jeu n e, aussi active, que sa sœur
était faible, était à la tête de la maison, tenait le m é
n age, administrait les biens de son frère, qui se livrait
•tout entier h son com m erce; il était reconnaissant des
soins de sa sœ ur, pour laquelle il avait une affection
particulière.
Jean-Baptiste E xp erto n , né dans l ’indigence, sem
blait être condamné à passer sa vie dans la misère; Louis
G ib on , père de l’appelant, en prit pitié, le reçut dans
la maison, le nourrit , l’éleva com m e ses enfans, et
lorsqu’il fut parvenu à l’ûge de vingt ans, son oncle
l ’envoya chez un procureur, au P u y , pour s’y former
dans la pratique, et se mettre en état de gagner sa vie.
-
L à , ses idées s’agrandirent, et le premier projet qu'il
conçut fut de s’approprier exclusivement la fortune de
Jean-Louis G ib o n , et de ses deux sœurs; il s’y prit
d ’abord assez adroitement : il les détermina à venir
habiter au P u y ; mais il paraissait indispensable d’ac
quérir une maison : elle fut bientôt trouvée.
L a veuve Benoît vendit à Jean-IiOuis G ibon , une
maison située rue St.-Jacques, avec le mobilier dont
elle était garnie, et deux terres. Cette vente fut faite
moyennant la somme de 8,000 fr ., dont Jean-Louis
Gibon paya la majeure partie.
Mais le pr évoyant Expert on fit croire à son oncle,
q u ’ une ve nte sous seing privé était suffisante, et il en
2
�(4 )
conserva le double dans ses mains; bientôt l’acte sous
seing privé est déchiré; la maison est revendue sous le
nom de la veuve Benoît ; Experton en reçoit le prix,
et s’en sert, pour a cq u é rir, en son nom , la maison du
sieur E s b ra y a t, où il conduisit son oncle et ses deux
tantes.
T
Cette première expérience lui réussit m a l; JeanLouis Gibon s’apperçut qu’il était joué par son n eveu;
il ne cessa de s’en plaindre , tomba malade peu de
t.ems après, et le i . er décembre i 8 o 3 , il fit son tes
tament par lequel il institua Margucritte Gibon sa
sœur, son héritière générale et universelle, sans aucunes
charges.
Personne ne s’est trompé sur la véritable héritière :
le défunt avait manifesté son intention avant son décès;
il s’en était ouvert à son curé de Landos, et à ses amis.
3 'Iargoton n’eut jamais de prétention à l’hérédité de
son frère; E xperton, lu i-m ê m e , savait bien que M a rguerittc avait été l’objet du choix de son frère; il s’est
mêm e van té , sans doute, pour se faire valoir auprès
de l’héritière, d’avoir dirigé le testam ent, et d’avoir
influé sur la détermination de son oncle.
Cette jactance n’a rien de vraisemblable; Experton
avait perdu son influence, et s’il en avait e u , il aurait
dirigé la bonne volonté de son oncle sur lui-même.
Jean-Louis Gibon succomba peu de jours après son
testament; Margucritte sa sœur, se mit en possession
de toule la fortune de son frère; une foule d ’actes sui
virent son administration el sa jouissance.
XiO 28 messidor au 1 2 , elle vendit un champ appelé
�( 5 )
de L ouschanel, situé à Landos, dépendant de la suc
cession de son frère, à Claude Cliastel, cultivateur.
L e 24 prairial an i 3 , règlement de compte entre
M argueritle G ibon, tant en s o m n o m , que comme hé
ritière de Jean - L o u is son fr è r e , en vertu de son testament, avec J e a n - Baptiste R eynion d j ce dernierse re
connaît débiteur, envers M argu eritte, d’une somme
de i , 35 o francs.
L e 11 brumaire an 1 4 , acte notarié par lequel JeanFrançois M unier se reconnaît débiteur, envers M ar
gueritte G ib o n , d’une somme de 5 oo francs, pour ar
rérages de contributions dus à Jean - Louis G ib o n ,
pendant qu’il était percepteur des impositions.’ •
1
L e 10 du même mois de bru m aire, Margueritte
G ib o n , héritière de J e a n -L o u is , avait fait un règle
ment de compte avec un sieur A g u lh o n , pour diffé
rentes sommes que ce dernier devait à la succession
de Jean-Louis.
L e 20 du môme mois de brumaire, autre acte por
tant règlement de compte entre M argueritte G ib o n ,
héritière de J e a n - L o u is , et Pierre Gros débiteur de
cette succession; le même jour quittance de M argue
ritte G ib o n , d ’une somme de 45 o francs, pour jouis
sances perçues par Jean - Baptiste Bonnaud, de deux
prés et d ’un c h a m p , dependans de la succession de
Jea n -L o u is.
9
janvier 18 0 6 , vente par Margueritte G ib o n , au
profit de Jacques M ilhit, d ’un jardin dépendant de la
succession de Jean-Louis Gibon.
24 février même a n n é e , quittance de M argueritle
�(6 )
G ib on , héritière de J e a n - L o u is , au profit de M arlin
Rivet.
Tous ces actes sont passés par-devant notaires; il en
existe plus de trente de cette nature. Margueritte Gibon
jo u it , perçoit, dispose, afferm e, v e n d , paye comme
hérilière de son frère.
C elle succession élait considérable; Jean-Louis Gibon
indépendamment des immeubles qu’il possédait, avait
aussi beaucoup d ’argent com ptant, qui élait le fruit de
cinquante ans de com m erce, et d’un travail assidu.
Cet argent avait passé dans les mains de M argue
r i t e , héritière'; elle est frappée d’apoplexie, le 7 ven
démiaire an 1 4 ; elle fut m om enlaném ent privée de
ses fa cul lés.
E x p e rto n , impatient de su cc é d e r, enlève l’argent
comptant que sa tante avait recueilli de la succession
de son frère.
M a r g u e r i t t e , re v e n u e à e l l e - m ê m e , s’apperçoit de
l’enlève m en t qui lui a été fait > elle redemande son
argent h Exp er to n ; elle s’exhale en reproches , en
plaintes amères. Ses a m i s , ses voisins sont témoins de
ses l arm es , de son chagrin.
E x p e r t o n , sans s’é m o u v o i r , garde l’argent. C ’est un
ejj'et de la léthargie de sa tante.
Margueritte G i b o n , ranimant ses forc es, se trans
porte ch e z un notaire, le 12 brumaire an 14 (n ovem
bre i 8 o 5 ) , où ello fit son teslament nuncupatiT, dont
les dispositions nousdémontren! q u ’elle était la véritable
hérilière instituée de Jea n-l-oui s Gibon son frère.
Elle no prend d’autre nom dans ce teslament que
celui de Margueritte G ib o n , fille célibataire.
�( 7 )
Elle tègue 400 francs pour messes ou aumônes ;
Elle donne aux filles dévoles de la paroisse de
L andos, sa m aison, située au même lie u , avec les
meubles qui y seront à. son décès, et le jardin y atte
nant (Ces objels dépendent de la succession de JeanL o u is);
Elle lègue un autre ja rd in , dépendant de la m êm e
succession, aux filles de l ’assemblée actuelle de Landos ;
Elle donne à une nièce religieuse 2,000 francs;
Elle lègue 1,000 francs
Experton;'
600 fr. à une demoiselle Agulhon , sa petite nièce ;
A la sœur de celte dernière, pareil legs de 600 fr.;
Quelques meubles à une cousine ;
Elle donne et lègue à sa sœur la jouissance entière
de tous et un chacun ses entiers biens revenus ou
intérêts pendant sa vie.
Enfin Margueritte Gibon institue pour son héritier
général et universel, Gilbert G ib on , fils à Louis (ap
pelant).
Margueritte Gibon a survécu à son testament, jus
qu’au 11 mars suivant. M argolon sa sœur était ellem êm e à l’extrém ité, et n’a vécu que jusqu'au 27 du
mêm e mois de mars.
Gilbert G ibon , appelant, se rend au P u y le lende
main du décès de sa tante. E xperlon lui anonce qu’il
a des reprises considérables à exercer sur la succession
de Jean-Louis G ib o n , com me sur celle de M argueritte,
qui venait de décéder.
Il refuse de s’expliquer sur rétendue de ses préten
tions; Gilbert Gibon en conçoit quelqu’inquiétude; il se
�8 }
détermine à provoquer l’apposition des scellés, et à
n ’accepter la succession que sous bénéfice d’inventaire.
L e procès-verbal d’apposition de scellés, est du 20
mars 1806 ; on y remarque que le juge de paix avait
tro uvé, dans la chambre où était décédée M argue
r i t e , une fem m e détenue malade dans un lit, qui n a
pu répondre à nos interpellations.
Celte fem m e ?gisante, était l ’infortunée Margoton
qui mourut cinq ou six jours après. Cette M argoton,
témoin des plaintes et des gémissemens de sa sœur,
sur la perte de son argent, était bien éloignée d’avoir
des vues sur Experton ; elle était au contraire dans
l ’intenlion de faire passer tout ce q u ’elle possédait à
Gilbert G ibon; le 18 mars elle avait mandé E y ra u d ,
notaire au P u y , pour recevoir son testament ; Eyraud
rédige l ’acte, conformément aux intenlions de M argofo/i, qui y est ainsi dénom m ée; Gilbert Gibon est institué
héritier universel; mais survient E xp erto n , avant que
le testament soit terminé ; il oblige Eyraud et les té
moins de se retirer; le testament reste imparfait. 11
existe entre les mains d’Eyraud , qui est en état de
le représenter; Gilbert Gibon a demandé devant les
premiers juges le dépôt de cet acte ; et on verra bien
tôt que celte légère faveur lui a été refusée.
L e même jour 18 mars, après minuit, Experton in
troduit dans l'appartement de sa tan te, un notaire à
sa dévotion (D u ra slel), et lui fait faire un second tes
tament dans lequel il ne manque pas de désigner
Margoton sous le nom de M argucrittc, et bien en
tendu qu’il est l'héritier universel.
Margoton
�(9 )
M argoton meurt le 2.5 m ars; Experton garde le
silence ; Gilbert Gibon avait fait procéder à l'inven
taire du mobilier de M argueritte; il est en possession
paisible des biens de son oncle et de sa tante; en
cette qualité, il afferme à la dame Pallier une vigne
située au terroir de Vais.
Experton veut commencer l’attaque, mais par des
voies obliques : il vend cette vigne à un sieur Héritier
qui veut en jouir.
>
D em ande en complainte de Gibon contre Héritier
et Experton; Gilbert Gibon forme cette demande en
qualité à'héritier de Margueritte G ibon, qui Celait de
J ea n -L o u is.
L e juge de paix ordonne la preuve de la possession
d’an et jour; enquêtes respectives jconcluantesen faveur
de Gibon ; cependant il est débouté de sa demande.
A ppel au tribunal civil du P u y , toujours en qualité
d ’héritier de Margueritte G ib o n , qu i L'était de son
frere.
10
mars 1809, jugement du tribunal du P u y , con
tradictoire avec E xperton, qui infirme le jugement du
juge de paix , et réintègre Gibon dans sa possession.
Qualités signifiées, sans opposition d’ Experton qui a
approuvé la qualité prise par G ib o n , d’héritier de Margueritte sa tante, qui l’était do son frèro.
L e 19 juin 1806, Experton se mit plus h découvert;
il ne s’adresse cependant pas directement au s.r G ib on ,
mais il fuit citer devant le juge de paix de Pradelles
les nommés M ilhit, Rivet et autres, acquéreurs, ou
fermiers de M argu e ritle G ib o n , la plus jeun e; il prend,
3
�('iO )
dans cette citatio n ,la qualité d’héritier de M a r g u e rite
Gibon (M argoton) sa tantè, suivant son testament du
19 mars 1806, laquelle était, dit-il, héritière de JeanLouis son frère, suivant son testament du 2 5 frimaire
an 12 , ou i . er décembre i 8 o 3 . Il suppose, com m e on
voit, que Margoton, , qu'il affecte d’appeler M argue
ritte , fût celle que le frère avait instituée ; il conclut
contre les acquéreurs au désistem ent, et contre les
fermiers au paiement du prix de leurs baux.
Tous les cités ¡comparaissent; les acquéreurs disent
qu’ils jouissent des biens, en vertu de contrat de vente
à eux consenti par feue demoiselle M arguerilte G ibon ,
la plus jeu n e; l’un d’eux déclare m êm e-avoir payé
une partie du prix à Gilbert Gîbon son héritier; les
fermiers déclarent q u ’ils ont joui des biens, 011’ à titre
de ferme verbale à eux consentie par Margueritte G i
bon, la plus jeu n e, 011 en vertu d’un bail notarié de la
m êm e; et l'un d’eux ajoute que le i . er mai précédent,
il a payé partie de sa ferme au sieur G ibon , neveu de
Marguerilte^
Gilbert Gibon comparaît aussi au bureau de p a ix ,
déclare qu’il prend le fait et cause do loiis les cités;
eJ ¡soutient Experton aon-recevable dans sa demande.
Ce procès-verbal du bureau de paix, semble être mis
de côté, pour faire place a une autre procédure; Exper
ton imagine de prendre la voie du commandement do
payer contre tous ceux qu il suppose être débiteurs de
la succession de J e a n -L o u is Gibon ; c e u x - c i forment
opposition au com m andem ent, dénoncent les pour
suites à Gilbert Gibon qui prend leur fuit et cause, et
�( 11 )
demande à son tour à être gardé et maintenu dans
l ’hérédité de Margueritte Gibon , et par suite dans
celle de Jean-Louis ; qu’il soit fait défenses à E xperton de l ’y troubler, et pour l’avoir fait, se voir con
damner en 3,ooo fr. de dom m ages-inlerêts, et aux
dépens.
E x p e r lo n , de son cô té, conclut a etre envoyé en
possession et jouissance des biens délaissés par M ar
gueritte «et Jean-Louis G ib on , et subsidiairement, en
cas de difficulté sur.ses conclusions principales, à ce qu’il
soit au moins e n voyé provisoirement en possession, et
à ce que tous les débiteurs de la succession fussent condumnés à lui payer le montant de leurs dettes en prin
cipaux, intérêts et frais.
Il est bon d’observer qu’au moment où Experton
élevait si haut ses prétentions , il croyait avoir fait une
découverte Importante. Il rapportait l’extrait de nais
sance-de Margueritte G ib o n , la plus je u n e , sous la
date du 18 avril 17 4 5 , et on y voyait qu’elle avait été
baptisé
avec les prénoms
de
M arie - M argueritte.
Cependant sa m arraine, qui est la fem m e A c c a r io n ,
veu ve C avard , n’a d’autre prénom que celui de M ar
gueritte.
Il avait encore à la main un acte d’ un autre gen re,
intitulé, E g a lité ou la M o rt, et qu'on est étonné de
trouver dans une procédure : c ’était un certificat de
civisme du 27 floréal an 2 , accordé a J e a n -L o u is
Gibon, et à ses deux sœurs,, dans lequel M arguerilte,
la plus jeune, est encore désignée sous le prénom de
M arie Margueritte.
�( *2 )
D ès-lors, plus de doute que Jean-Lou is a institué
Margoton sa sœur aînée ; et que M arie-M argueritte
n ’avait rien à prétendre dans la succession de son frère.
Un premier jugement par défaut contre l’appelant,
en date du 3 o août 1809, envoie Experlon en posses
sion provisoire des biens de J e a n - L o u is G ib o n , à la
charge par lui de donner caution.
Sur l’opposition intervient un jugement contradic
toire sur le fond, le 2.0 décembre 1809; il est impor
tant de le connaître dans son entier.
q u e s t io n . «• Quelle est celle des deux
« sœurs, Margueritte Gibon a în é e , et Marie-Margue« ritle Gibon cadette, qui a été instituée héritière par
P
remière
« Jean-Louis G ib o n , dans son testament du 25 frimaire
« an 12.
<r La solution de cette première question résulte« t-elle assez évidemment du testament de Jean-Louîs
« G ib o n , des actes de naissance des deux sœurs, et
» du certificat de civisme du 2.1 iloréal an 2 ?
«■Dans le cas de la n égative, peut-il y être suppléé
«■par les faits et circonstances dont le sieur Gibon a
« offert la preuve, et celle preuve est-elle admissible?
« D o il-o n ordonner l’apport et remise du testament
* non a c h e v é , que le sieur Gibon prétend avoir été
« fait par M argueritte ou Margoton G ib o n , devant
« E y ra u d , nolaire, et ordonner aussi que le notairo
«r et les témoins appelés seront entendus pour s’expli« qucr sur les causes qui ont empêché la confection
« de co testament?
r Margueritte Gibon aînée a-t-ello dû être désignée
�( i3 )
«• dans les actes qu’elle a passés, et dans ceux qui ont
« été faits à son profit, sous: la dénomination vulgaire
« de M argoton , et cette iamilière dénom ination, qui a
«
»
»
«
pu être consacrée par, l ’usage, empêche-t-elle de la
reconnaître sous le nom de M argueritte, d an sladisposition de Jean -G ibon ? S’il est reconnu et décidé
que Margueritte Gibon a été l’héritière; de J e a n -
«• Louis son frère, les demandes du sieur Experton
« sont-elles justifiées? Faut-il ou non les lui adjuger?
« et par voie de suite , les oppositions de Bonnaud ,
« R eym on d et autres, envers les commandemens à eux
«• faits, ii la requête d’Experton , et envers le juge« ment du 3 o août 1809, sont-elles fondées ?, doit-on
* en prononcer le démis o u non ?
D a ns la même hypothèse , les demandes et prê
te tentions de Gibon, et son opposition envers le juge« ment du 3 o août dernier, ont-elles quelque fonde<r m e n t, et doit-on l’en démettre ou non?
Si les demandes du sieur Gibon sont reconnues
* m al-fon d ées, et qu’il en soit démis, les conclusions
* en garantie, subsidiairement prises, sont-elles véri» fiées, et doit-on les adjuger ou non?
« E n fin , la cause est-elle en état d’être jugée défir nitivemenl ?
Attendu que les registres publics de l’état c iv il,
« sont destinés à prouver la filiation des individus, et
* les noms sous lesquels ils doivent être connus et
« désignés dans la société ;
« Attendu qu’il résulte des extraits de naissance,
* produits, que les deux sœurs de Jean-Louis G ib o n ,
�C 14 )
« qui lui ont s u rv é c u , y.so n t désignées, l’ une sous le
« nom de M argueritte, l ’autre-sous celui de M arieft Margueritte •
1 k Attendu qu'aucun usage certain et quelque long
« qu’i i f u t f n’aurait pu faire perdre aux deux sœurs
* Gibon les'prénom s qui leur ont été donnés dans
Tt lëurs actes de naissance, et leur en faire acquérir
& d’autres differens ;
* « Attendu que la dénôminatio’ii de M argoton, qu’a
v.
«•
*r
«
pu réCevoif vulgairement la fille ainée G ib o n , n’est
qii’ iïne corruption du prénom M argueritte, ou plulôt n’est que ce prénom rendu dans l’idiôme du pays
où ello a-pris naissance, et où elle a v é c u ;
«■Attendu que & l t e dénomination patoise, et fami
ne lièrie1 dô M'ar-gotoiV> në pouvait être em ployée dans
* les actes prtblifcs tjui doivent être rédigés eu français;
c Alténdu que la fille puînée G ib o n , a p u , dans
ir l’usage familier, n’être pas d én om m ée, Marie-Mar« gtieritte-, paice que ce double prénom aurait été
<r trop lôttg h prononcer; qu’elle 11e pouvait pas être
* appelai)-simplement M a rie, parce que c ’était le pré« nom propre
une de ses autre sœurs plus agéc ( la
<r datne Exporton); qu’elle a pu recevoir le simple nom
<r de M argueritte, qui la distinguait suffisamment de
« sa s(èuV appelée M argoton ;
« Attendu que ces dénominations, bonnes pour dis« tingnor les deux sœurs dans leurs communications
« domestiques et familières, doivent disparaître dans
« dos actes publics et solcninels, où elles ne pourraient
« pas roinplir le môme o b je t, el où chacune des sœurs,
�(CilbO)
«. ptiup être reconnue,)'avaiti.bèsoiivnd’êtret distinguée
« sous ses véritables.nom s'et prénoips ; j ¡1
" ,,i i »
«■Attendu que si les‘deux iilles G ib o n , qui'étaient
« illitérées, avaient p u , à cause de. 1 liabitùdeule s’en«' tendre appeller l’une M argoton, L’autre M argueritte,
« croire qu’elles.n ’avaient pas d’autre ^prénom, Jea n « Louis Gibon "qui savait lire et écrire, e tiq u i avait
* toujours fait toutes lés affaires com m u n es, né pour-,
« vait partager cette ¡irreur Ipetoqu’ii paraît en effet
« qu’il a su les distinguer par leurs véritables1 prénom s,
« puisque dans le certificat de civ is m e , délivré par
« le maire* de Landos’, le 27 floréal an 2 , lant à lui
« qu’à ses sœurs, celles-ci sont désignées de la m êm e
« manière que dans leurs ¡actes de naissance ; n! ;
>
«■A t te n d u q u e par suite J e a n - L o u i s Gibon en ins«. tituant M argueritte G ibon son héritière, a nécessai* rement désigné l’aînée de ses deux sœurs, et non
« la ca d e tte, puisqu’indépendamraent du nom de M ar«■g u eritte, c e lle - c i portaitüencore celui de M a rie,
qui la distinguait dtf sa sœur aînée ;
«• Attendu qu’on 11e saurait présumer d’ailleurs' la
» moindre prédilection de la part de Jean-Louis G i» b o n , en faveur de: sa sœ ur,eadelle, au préjudice de
« l’a în é e , puisque le mêm e lien les unissait, ol que
« dans l’intimité où ils vivaient tous trois, il
pou« vait y avoir d’autre m otif de préférence, que 1 âge
« plus avancé de Pim des survivans;
; /
» Attendu que si Mm guérit lo Gibon avait pu croiro
«■Marie-Murguerilte sa sœur, héritière de Jean-Louis
* Gibon, par la raison q u ’on l ’appelait sim plem entM ar-
�( i6 )
« gueritte, tandis qu’on l’appelait elle-même Margoton,
« et l’avait laissé jouir paisiblement de l’hérédité, une
« pareille erreur n’aurait pu lui préjudicier, non plus
a- qu’à son héritier;
* A ttendu que là preuve testimoniale, offerte par
« G ib on , tend à détruire lai foi due à des actes pu
te blics*, et qu’au surplus, les faits qu’il met en avant
« seraient insignifians pour justifier son assertion, que
« c ’est la sœur cadette, et non la sœur aînée de Jean« Louis G ibon, que ce dernier a eu l ’intention d’ins« tituer son héritière ;
« Attendu que la représentation du fragment d’un
a testament com m encé, et laissé imparfait par M arr gueritte Gibon, le 18 mars 18 0 6 , est inutile dans
« la cause, puisque Experton convient de La teneur de
« ce fragm ent y telle quelle est rapportée par G ibo n , et
« qu’elle ne peut en rien influer sur le testament anté<r rieurement fait par Jean-Louis G ibon ; et que d ’un
« autre côté, un projet d’acte non ach evé, et qui n’est
« revêtu d’aucune signature, ne peut être produit en
« justice;
- ¡« Attendu qu’Experton ayant été institué héritier
« do Margueritto Gibon a în é e , et celle-ci l’ayant été
c< de la part de Jean-Louis Gibon son frère, il doit sans
«• difficulté recueillir les deux hérédités ;
* Attendu que sous ce point do v u e , Experfon a pu
« poursuivre valablement le recouvrement des deniers
« faisant partie do l’hérédile do J e a n - L o u is Gibon ,
» tout comme les possesseurs des immeubles par lui
« délaissés; que conséqucim ncnt, les oppositions for
mées
�C '7 )
« mées par les débiteurs ou fermiers, envers lescom * mandemens à eux faits de la part d ’E x p erto n , sont
dénuées de fondement; que néanmoins, s’ils ont ac« quis ou affermé les immeubles par elle jouis, et qui
« proviennent de la m êm e hérédité dei M arie - M ar« gueritte G ib o n ’, ou de G ibon , héritier de cette der« nière, ou s’ils ont p a y é ,à l’un ou à l ’autre certaines
» créances dues à Jean-Louis G ibon , ils doivent néces« sairement obtenir leur recours et garantie des de« mandes à eux faites, contre ledit Gibon ;
« Attendu que l’opposition qu’ils ont encore formée,
». ainsi que G ib on , au jugem ent du tribunal du 3 o août
« dernier, est mal f o n d é e p u i s q u ’Experton avait titre
« suffisant pour être en voyé en possession provisoire de
« l’hérédité de Jean-L ouis Gibon ;
«• Attendu enfin que la demande au fond paraît suf« fisamment instruite , et que les parties en requièrent
« réciproquement le jugement définitif » ;
Par tous ces m o tifs,
*
'
i
.
L e tribunal, jugeant en premier ressort, faisant
« droit aux conclusions prises par E x p e rto n , sans avoir
« égard à celles prises par G ib o n , ni h la preuve par lui
» offerte, ni à sa demande en représentation de la
« minute d ’un com mencement de testament fait Par
« Margueritte G ib o n , le 18 mars 18 0 6 , non plus
“ qu’aux autres choses déduites par lui/dont l’a dém is,
« déclare M argueritte G ib on , sœur aînée de Jean « Louis, héritière de cc dernier; en conséquence, rena voie E xperton, en sa qualité d’héritier de M argue» ritte G ib on , en possession et jouissance définitive des
5
�( IS )
« biens'délaissés par (Jean-rLouis G ibon , -avec défenses
» à Gilbert Gîb'ôn d e l ’y troubler, aux .peines de droit.
^ Sans s'arrêter n o a ; pliis:Jj)quanl..àice , à 1’opposition
«• formée pjarlles-iacquéreurs; ou ferm iers, envers les
«• c o m oaandémens iiijéuXiFails , dout iez a dém is, a ren« vo yé Expertori en continuation de sesr poursuites ;
« démet auisii Jesdiis,acquéreurs ou fermiers, ainsi que
« Gibon/rdeJerir oppcisiiion'envers-lé jugement du 3 o
« août dernier^ jcônckimno G ib on iïrrelever et garantir
« lesdits acquérHaVsiiuli fermiers d ès’ demandes à eux
a faites, de ia jiaTt d ’Ejcperton, ep principal et âccesk soires;'condamné lesdites pairties a u x dépéris* chacune
«> e n c e q-ui lè s c p n c e m e ; condamne G ib ôn à relever et
«'^garantir les opposans des dépens dont la condamna« tion est ci-dessus prononcée contre e u x , a i n s i q ù ’en
« c e u x de la ga ra ntie; ord o n n e q u e lo présent ju g e« n ient se ra , en cas;d’a^pol, provisoirement e x é c u t é ,
v de conformité iiilh loi»!.
- .:u* l u -
>• -
Ce jugemenl a été signifié au s. *Gibon le 2 3 avril 1810.
Celui-ci pn a v a i t interjeté a p p e l l e 1 4 du m ô m e mois;
m ais, conjm e il était exécutoire par provision, E x p e r ion a exercé led poursuites les plus rigoureuses contre
lés ferinierset les cjébitenrs; il a fait procéder par saisiee x é c u t i o n , a multiplié les frais; e t , sans offrir aucune
ca u tio ,n chose re marquable! le.ju gem ent ne l’en dis
pensait ni ho pouvait l’on dispenser; son prétendu ti 1ro
était en litige ; le prem ier ju gement q u ’il avait oblenu
par défaut le chargeait expressément de donner c a u
t i o n , et ce lte formalité était d ’autant plus indispensa
b l e , que l ’exécution provisoire serait irréparable en
définitif. E n effet, Exp er ton est absolument insolvable,
�( 19 ].
il a pour plus de, 60,000 fr. d’inscriptions , somme qui
excède dix fois la valeur d e tce qu’il possède, et la suc
cession dont il s'agit est en grande partie mobiliaire.
L e sieur Gibon se vit donc obligé de demander des
défenses contre l’exécution provisoire; il présenta sa
requête'en ilaj C ou r, le r3 o avril 18 10 , et fut ren voyé
h l’audience, où il obtint un arrêt par d é fa u t, qui fit
défenses de m ettre le jugement à exécution, et ordonna
que l’arrêt iserait exécuté nonobstant l’opposition.
!: Experton s’est néanmoins pourvu par opposition
contre cet'arrêt jamais,,'du consentement des parties ,
la cause fut ren voyée à line audience fixe pour en venir
sur le provisoire et sur le fon d , toutes choses dem eu
rant èn. était jusqu?à\.ceü
>: 1
‘
■ ;
11 s’agit: donc d’examiner le mérite du jugem ent
dont est appel, ainsi que des motifs qui l ’ont déter
m in é ; m a is, avant tou t, i l est essentiel d’instruire la
Cour des faits« dont le sieur Gibon avait offert la preuve
en cause, principale^
L e sieur Gibon avait d’abord d e m a n d é , qu’E y ra u d ,
notaire, déposât la minute qu’il avait dansles mains,
du testament resté imparfait', d eM argoton G ib on ; que
le notaire et les témoins fussent) enlendus pour s’expli
quer sur les causes qui avaient em pêché la confection
de ce testament, pour être pris ensuite telles conclu
sions que de droit.
11 offrait d eiprouver, tant par titres que par témoins,
i-° que la demoiselle G ib on , la plus jeune , n a jamais
été connue, ni;désignée, soit dansila fam ille, soit hors
de la famille , que sous le prénom de M argueritte ,*
2.0 que dans tous les actes qu’elle a passés, elle n ’a
�( 2° )
pris que le seul prénom de Margueritte ; 3 .° que l’aînée
n’a jamais été appelée autrement que M argoton, et
qu’elle a con tracté, sous^ ce n o m , dans le testament
qu ’elle avait fait devant M .e E y ra u d , notaire, lequel
n'a pas été ach evé; 4.0 que le sieur Experton lui-même
n ’a jamais autrement qualifié la plus jeune des deux
sœurs, que du prénom de M argueritte; 5 .° que c ’est
cette sœur, plus je u n e , que Jean-Louis Gibon a eue en
v u e , en instituant Margueritte Gibon sa sœur, pour son
héritière ; 6.°. que cette mêm e demoiselle G ib o n , la
plus jeune , a joui exclusivement depuis la mort de
J e a n - L o u is G ibon , des entiers biens composant la
succession, sans opposition com me sans intervention,
de la part de sa sœur; qu’elle a vendu partie des biens,
en a affermé d’autres, réglé avec les débiteurs, reçu
des à-com ptes, et formé des inscriptions, le tout sous
le seul prénom de Margueritte ; 7.° que le s.P Experton
non-seulement n’a jamais' donné à la plus jeune des
deux sœurs d’autre nom que celui de M argueritte, mais
encore s’est flatJé d ’avoir coopéré h faire instituer cette
sœur, plus jeune, héritière de Jean-Louis Gibon; 8.° e n
fin , que Margoton a î n é e , a déclaré que Margueritte
Gibon cadette, était héritière de Jeun-Louis G ib on ,
et q u ’elle S a v a it rien à. prétendre sur la succession.
C ’est cetto pr’e uv o si précise, que le tribunal dont
est appel a ju g é inadmissible et inutile; on verra bien
tôt que si elle est inutile, elle ne le serait deve nue que
par les a v e u x d ’E x p e r t o n , consignés ou reconnus dans
les motifs du ju g e m e n t ; m o ti fs , q ui, quoique rédigés
a v e c a r t , ne portent que sur des futilités, qui ne p e u
vent souffrir la plus légère discussion.
�( 21 )
Quelques réflexions préliminaires serviront à démon
trer le vide des raisonneinens des premiers juges. On
paraît sur-tout avoir attaché une grande importance à
l ’acte de baptêm e de la demoiselle Gibon , 1a plus jeune,
qui lui donne deux prénoms, quoique sa marraine ne
portât que celui de Margueritte. Gètte multiplication
de noms de baptême est souvent affaire de fantaisie
ou de caprice, quelquefois de van ité, et a moins d ’u
tilité qu’elle ne présente d’inconvéniens. M a is , quel
que soit le nombre des p ré n o m s, il faut nécessaire
ment qu’un seul prédomine , et devienne habitude ;
c ’est celui qui est adopté dans l’usage pour distinguer
l’individu; une fois qu’il est consacré, qu’ilest reçu dans
l ’intérieur, il lie , il unit, par une chaîne non interrom
pue de faits, d’aclions et de dém arches, tous les insfans
de notre vie à celui qui nous a vu naître; il nous ap
prend à nous-mêmes, il apprend aux autres qui nous
som m es, par l’habitude de nous reconn aître, et par
l ’habitude d ’être reconnu; il sert à nous désigner d’une
manière certaine, à nous distinguer des autres parens
du m êm e nom. En v a in , vo u d rait-o n varier dans la
suite, l’impression reste, et si 011 s’avisait de changer,
ou d’adopter tout autre prénom , on vous prendrait
pour un autre, on s’accoutumerait diflicilement à une
nouvelle dénomination.
Naguères, dans les familles, on
connaissait
des dimi
nutifs, ou des abréviations, qui souvent dérivaient de
la manière dont les premiers accens de l’enfant pro
nonçaient le nom qu’ il avait reçu : ainsi, Margueritte
devenait M argot ou M argoton, Catherine, C a th o , etc.
�•
à o+t-
( 22 )
M a is , ces noms familiers, adoptés dans l’in fé rie u r,
désignaient chaque m em bre de la famille d’une ma
nière invariable, et cette désignation se transmetlait
extérieuremeut chez les parens, les voisins et les amis,
en un m o t, auprès de tous ceux qui avaient des rap
ports avec la maison.
* Si cette habitude devait principalement influer sur
quelqu’un, c ’était sur-tout sur le frère,,qui avait tou
jours v écu , et vieilli avec deux sœurs célibataires, et
qui ne devait les désigner, ou les faire connaître que
sous le nom qu’ellesiportaient constamment depuis leur
naissance'; d ’où il faut conclure que si Jean-Louis Gibon
avait voulu instituer sa sœur aînée , il Veut appellée
M a rg o to n ,. eti que quand il a institué M argueritte, il
a voulu donner cette marque de préférence ou de pré
dilection a sai sœ ur, la, plus jeune,! seule connu«* sous
celte dénomination.
Voilà c e que tout hom m e raisonnable doit penser,
et lorsqu'on voit que M argueritte, la plus je u n e , était
seule en état d’a g i r , et de soulager son frère du fardèau des afiaires et du ménage , q u ’elle avait loulo
sa confiance; que M argoton, infirme, im potente, était
un. être inutile et à charge , un objet de pitié ; com
ment pou rrait-il y avoir du doute sur les intentions
du testateur?
Aussi, lorsque Jean-Louis Gibon fit son testament,
personne' ne se trompa sur celle des sœurs qui était
uistituùo héritière; Margueritte fut reaonue pour telle
par. les paron s, les a m is, les ferm iers, les débiteurs
de la succession.
�( * 3 ï)
L e testateur en avait fait confidence à son cu ré , et
à ses amis,* après son décès, M argueritte se mit en
possession de tous les b i e n s d e toutes les créances j
elle géra t o u t , elle administra tout à son gré ; elle
vendit partie des biens Xonds, afferma les autres ver
balem ent, ou devant notaire; régla avec les débiteurs,
toucha tantôt des capitaux, tantôt des intérêts, fit un
grand nombre d’inscriptions aux bureaux des h y p o
thèques , toujours sous le seul nom de M argueritte,
héritière de son fr è r e ; enfin, pendant deux ans et quel
ques m o is, qu’elle a survécu à son fr è r e , elle a fait
tous les actes qui étaient une suite de sa'qualité d’hérii
tière, exclusive et universelle.
<■
Ces actes sont des preuves écrites, qui expliquent,
interprètent les intentions du testateur, qui ajoutent,
s’il se peu t, à une désignation certaine et non équi
voque.
; li
) t '
! i ii..{ |\,
L ’appelant v o u lû t.y joindre la'p reu ve testimoniale
des faits, qu’on a expliqués plus h au t, et l’admissibilité
de cette preuve ne pouvait .être mise en question^ :
Il ne sagit point ici d ’une preuve testimoniale, contre
un a cte ; il ne s’agit pas de prouver une convention
qui excède le taux des ordonnances, ou dofl’art. i 34 i
du Code Napoléon. Mais il s’agit de
susp icion ,
de sup
position de personne : en un m o t , il est question de
découvrir quelle est celle des deux soeurs qui a été
instituée. O r, dans cette matière , la vérité doit tou
jours prévaloirsuivant le sentiment des docteurs; le juge,
comme l’enseignent Boiceau et D an ty , T raité de la
prouve pur tém oin s, chapitre 7 , doit chercher h con-
�( H )
naître quelle a été la véritable intention des parties ;
ce qui est écrit est un signe équivoque de la v o lo n t é ,
et c ’est cependant cette volonté qui doit décider plu
tôt que ce qui est écrit ; res gesta potior quam scriptura habetur, et lorsque des témoins honnêtes et pro
bes, qui ont vécu familièrement avec le testateur, qui
connaissent ses intentions, com me ses habitudes, vien
nent attester un fait à la ju stice, elle doit s’en rap
porter à leur attestation. S i testes omnes ejusdem honn esta tis, et existim ationis sive, et negotii qualitas ac
J u d icis motus cuni his concurrat, sequenda surit om
nium testim onia, conjirniabitque ju d e x motum anim i
s u i , ex argumentis et testimoniis quœ rei aptiora et
vero proxim iora esse compenet. L o i , ob carmen fa m o su m y if. de testibus.
Les ordonnances de M oulins, de 1 6 6 7 , le Code N a
poléon n’ont jamais rien dit de contraire ¿1 cette loi
qui s’exprime avec tant de force; ici, tout est en rap
port avec la vraisemblance, avec le sentiment que doit
éprouver le ju g e , d ’après toutes les circonstances de la
cause; il peut donc y joindre la preuve testimoniale, s’il
y avait lieu à hésitation. On observe que les lois em
ploient souvent ce mot argum entis, dont un savant
magistrat nous expliquait dernièrement le senset l’éner
gie, et que l'art. 323 du Code a voulu exp rim er, en
parlant des présomptions ou indices résultant de fa its
dès-lors constans.
Pourrait-on mieux appliquer ce passage qu’à l’espèco
présente? combien de présomptions et d’indices résul
tent de faits constans? N ’est-il pas constaut et avoué
qu'après
�( *5 )
qu’après la mort de, son frè re , Margueritte s’est mise
en possession de tous les biens, en vertu du testament ?
N ’est-il pas constant e t.av o u é que M argoton n’a pas
réclamé contre cette main-mise absolue et exclusive?
N ’est-il pas,constant, par.une foule d’actes,authentir
ques, que M argueritte, la plus jeun e, a géré ^adminis
tré, ven d u , affermé les biens en qualité à'héritière de
son frère? Son testament du 12 brumaire an 14 ,n ’estil pas une preuve certaine qu’elle se regardait com m e
seule héritière de son frère? Com m ent concevoir au
trement qu’elle eût fait des legs aussi considérables,
des dispositions aussi étendues, qui toutes frappent sur
les biens dù frère, puisqu’elle n’a v a it,rie n ,en propre?
Sa sage p ré v o y a n ce ‘de léguer l’ usufruit h sa sœur, pour
ne pas la mettre dans la dépendance des collatéraux,
ne démontre-t-elle pas qu’elle était reconnue com m e
seule héritière?
¡,
Si on ajoute à ces présomptions graves et concor
dantes , la preuve que la demoiselle G ib o n , la plus
je u n e , n’a jamais été co n n u e , ni désignée dans son
intérieur, ou hors sa fam ille, que sous le prénom de
M argueritte, qu’elle 11’en a pas pris d’autre dans tous les
actes qu ’elle a passés"; que l’aînée n ’a jamais été ap
pelée autrement que M argoton,* qu’elle a contracté,
sous ce n om , dans le testament qu’elle avait fait de
vant Eyraud ; qu'Experton n’a jamais désigné autre
m ent les deux sœurs ; quo Jean-Louis Gibon a eu en
vue sa sœur ca d ette , lorsqu’il ,a fait son testam en t;
qu’il en a fait confidence à ses amis, à son cu ré; que
M argoton a déclaré e lle - m ê m e , que M argueritte sa
7
�;(:* 6 )
s'uar, était héritière? dei ion frère ; qu'elle M argoton
n e prétendait rieii sur cette succession y certes, en voilà
plus qu’il n’éri faut pouf convaincre les plus incrédules,
que l'hérédité dé Jéàh-'Lôùis ü été transmise à M arguerille Giboti , làplùs jeune, ét par suite à l’appelant,
»
;
en vertu'de son insfifiitiôn testamentaire.
Mais pourquoi balancer, et se jeter dans des preuves
de faits aVoüé^ et récbhrius? qu'on parcoure rapide
ment îek iW t if ë ; du ÿügétiïe'rtf et on y trouvera tous
ces faits ¿ohsignéé:IédHifrie conktaris.
O n a déjà' dif qüé les motifs portaient sur une fausse
base, et toarnaiérit ¿tins cessé sur un cercle vicieux.
O h m ë t én àvfatit qUé lés 'registres publics de l’état
civil sont destin^ a ‘pkouvét la filiâtion des individus,
et les nornà Sou3 léstipiéls ils doivent ê’tre connus et
désignés dàns la société ; voilà une vérité certaine, mais
qui ne s’applique qu’ au nom de fa m ille * qui nous fait
rem onter juS^u’à la'SôilrCo dé notre sang, ot nous as
signe'ÎeTÜngqh&f noüs devorts occuper dans la société;
il serait ridicule d’étendre cette maxirùe jusqu’aux pré
nom^ qui varient ou; Se multiplient, qui ne peuvent
tdus s’énlployèi pour la désignation dé l ’individu, et
qui dans Fttëàge dôivetit se réduire à un seul , adopté
par l’h abitu d e, et poiir distinguer un mem bre de la
famille; ainsi, il es* constant par les registres civils, que
M afgucŸitte Gifrori est'fille'légitim e do Pierre Gibon
et de Claüdéttè P la n ch e r, mais ces registres ne peuvent
influer sur le tort du téstainent du frère, et priver la
sœur cadette de l’h é ré d ité , quoiqu’on lui eût donné
deux noms de boptOme; s'il est vrai qu’elle n’a jamais
�S * 7 .)
été désignée dans, son intérieur que sou? le prénom de
M argueritte. ,
. Ces registres de l’état civil ne seront pas plus concluans en faveur de la sœur aînée, quoiqu elle y ait été
désignée sousje nom de M argueritte, s il est vrai, qu’elle
a toujours’ été connue et distinguée so.up le nom de
Margoton.
Mais il est faux en p rin c ip e ,;jqu’ un long usage ne
puisse faire, la règle ; cette assertion serait contraire à
toutes les idées reçues,- admise^?par la loi B arban us
Philipp us : E rror comm uais fa c it ju s . L ’ usage , sans
d ou te, ne fera pas- perdre aux deux sœursr les noms
de baptême qu’elles on tjreçu s; mais l’usage les fera
reconnaître ii celui qu’elles ont adopté dans leur inté
rieur; personne n ’y sera Irom pé, et justice sera rendue,
puisqu’on est forcé de convenir de ce long usage.
Q u’importe maintenant que M argoton soit unej c o r
ruption du prénom M argueritte, que ce prénom tienne
à l’idiôine du pays, que celte dénomination soit patoise
et fam ilière, que les actes doivent être reçus en fr a n
çais ye\c.f etc.? Tous ces grands mots deviennent insignifians ; Margoton n’est pas patois ; c ’est une dériva
tio n , si l’on v e u t , du nom de M a r g u e r ite , mais c ’est
une manière de distinguer l ’individu , une cliose fré
quente et usitée dans les familles nombreuses ; lçs pré
noms sont de toutes les langues, et on ne se serait.(pns
avisé de demander la nullité d ’uu testam ent, si J e a n Louis G ib o n , avait institué M argoton son héritière.,
quoique tous les actes publics doivent être rédigés en
français.
, ’
8
�(
2 8
)
On conviertt’ etîéuif'e que la fille puînée Gibon,-a p u ,
dans l’usage familier , n’être pas dénom m ée M arieM argu§ritte, parce que ce double prénom aurait été
trop long à prononcer^ parce que M arie était le pré
nom d’ une autre d é ses scieurs ( l a dame Experton ) ,
et que le simple nom dé M argueritte la distinguait suf
fisamment de sa sœur appellée M argoton ; mais on
ajoute que ces dénominations ne sont bonnes que dans
les communications domestiques, et doivent disparaître
dans les actes publics,' où elles ne peuvent remplir le
m êm e objet.' •• V ' *
:
Il est donc vrai que l’aînée s’ appelait Margoton t
et la cadette Margueritte ,• com ment dès-lors cette dé
nomination ne remplirait-elle pas le mêm e objet dans
un acte public, que dans les communications fam i
lières? Q uoi! l’article 2148 du Code N ap o léo n , exige
impérieusement qu’on insère dans une inscription , le
nom et le prénom du débiteur, mais il ajoute de s u ite ,'
ou une désignation individuelle et spéciale, qui puisse
faire reconnaître et désigner l’individu.
Dans une inscription, qui tient à l’ordre public, où
iout est deTÎgneur j où la loi veut le prénom du débi-<
l e u r , elle se contente néanmoins, à défaut du prénom;
d’une désignation individuelle etspéciale qui fasse reconnaître le débiteur; e t, dans un testament où il est do
principe qu’on doit considérer plutôt la volonté que
les paro les, çolunt&tem potiusquam verba spectari,
une désignation spéciale ne serait pas suffisante pour
assurer le legs ou l’institution. M ais, où donc est la loi
qui commande de donner le véritable prénom dans
�( 29 )
un testament, à peine. de nullité; sur quels préjugés
peut-on appuyer une pareille assertion? L ’article 5 o
de l’ordohnance de 1 7 3 5 , qui règle la forme des ins
titutions, dans les pays où l’institution est nécessaire
pour la validité du testament, exige que tous ceux qui
ont droit de légitim e, soient institués, en les appelant
par leurs noms (il n'est pas question de p ré n o m ), ou
en Les désignant de telle manière que chacun d ’eu x y
soit compris. U ne désjgnation propre à faire reconnaître
l ’institué, remplit donc le but de la loi ; qu’on ouvre le
savant R icard , qui écrivait avant l’ordonnance, on y
lit n.° 85 a , «rque combien que l’institution ne soit pas
• spécifique, pourvu qu'elle contienne quelque dési• gnation particulière de ceux au profit desquels elle
« est faite, qu’elle ne laisse pas d ’être suffisante pour
«r la validité du testament*. D o m a t, liv. 3 , titre i . er,
sect. 6 , n .' 6 , cite un exemple qui va prouver encore
combien ce m otif du jugement est contraire à l’autorité
deslois,et à la doctrinedesauteurs. «-Si le testateur,dit-il,
• avait erré dans- le nom de son h é ritie r, le nommant
» Jacques pour J e a n , et qu’il y eût une autre personne
• du môme nom et surnom dont le testateur se serait
« servi, mais à qui les qualités qu’il considérait, pour
• le choix de son héritier, ne convinssent pas, ces mêmes
« circonstances d’am itié, de parenté, ou les autres qui
• pourraient distinguer celui qu’il a u r a i t voulu nom m er
r h éritier, le feraient préférer h celui qui ne se trou• verait nommé que par uno e r r e u r , contre l’inten• tion de ce testateur, et il en serait de m êm e d’une
« pareille erreur qui regarderait quelque légataire.
�( 3o )
S i quidem in nom ine, cognomine ¡prœnom.ine, agnomine legatarii testator erraverit càm de persona constat,
nihiiom inùs valet legatum. Idem que in hœrcdibus servaturet reciè, nomina enirn significando/am hominum
gratiâ reperta sunt : qui s i alio quolibet modo intelligantur n ih il interest , §. 29 , instit. de légat. Error
h u ju sm o d i n ih il officit veritati, loi 4 , c. de testant. S i
in persona legatarii designandi aliq u id erratum fu e r it,
constat auteni cu i legare voLuerit, perinde valet legatum^
ac s i niillus error intervenerit, 1. de prob. et demonstrad
L es dispositions concordantes de ces différentes lois
écartent sans replique les faux raisonnemens des pre
miers juges. Que signifie, par e x e m p le , cette circons
tance relevée avec so in , que les deux sœurs étaient
illitérées; que l'habitude de s’entendre appeler l ’une
M a rg oton , l ’autre M argueritte , pouvaient leur faire
croire qu’elles n’avaient pas d ’autre prénom , mais que
le frère qui savait lire et écrire ( c ’est une erreur : le
frère ne savait que signer), ne pouvait partager celte
erreur, ce n’est là que du remplissage; mais on en vient
au certificat de civism e, du 27 floréal an 2 , dans le
quel certains officiers m unicipaux, en dénommant le
frère et les deux sœurs G ib o n , appelent l’une d’elles
M a rie- M a rguerittc.
Com m ent Experton a-t-il osé faire usage d ’un cer
tificat de civism e, qui rappelle de si cruels souvenirs?
la seule nature de cet acte 11 aurait pas dû permettre
de le présenter à la justice; d ailleurs il n est pas du
fait de Margueritte G ib o n , ln jeu n e; il prouve seule
ment par son isolement, au milieu de plus de soixante
�<( 31 )
ans d’existence , que »ce prénom de M arie était abso
lument insolite, soit pour Margueritte G ib o n , soit pour
sa famille, soit pour les étrangers, soit enfin pour Experton lu i- m ê m e . qui a été l’agent de sa tante pendant
tout le tems que la succession de son frere a reposé
sur sa tête, et jusqu a l ’enlèvement de l’a rg e n t, qui a
rédigé tous ses actes, fait toutes ses inscriptions, sans
lui donner jamais d’autre nom que celui de M argue
ritte. A u surplus, on ne trouve pas mêm e sur les re
gistres de la municipalié , ce prétendu certificat de
civisme, et ce n ’était pas la peine de le tirer de la
sentine
Il
dégoûtante où il était plongé.
est assez com mode de dire que Jean-Louis G ib o n ,
en instituant M argueritte pour son héritière, a néces
sairement désigné l’aînée de ses deux sœurs ; c ’est
m ettre en fait ce qui est en question, et celte asser
tion s’accorde mal avec la certitud e, que l’aînée s’ap
pelait M argoton; ce dont on convient à chaque ligne.
Mais on ne peut présumer, d it-o n , la moindre pré•dileclion du testateur en faveur de la cadette, au pré
ju d ic e do l’aînée ; le mêm e lien les unissait, et dans
l’intimité où ils vivaien t, il ne pouvait y avoir d’autre
m o tif de p référen ce, que l’âge plus avancé de l ’un
des survivans.
S’il n’y ayait pas eu de prédilection, de la part du
testateur, il les eût instituées toutes deux, s il avait eu
une préférence pour la plus âg é e , il cu t nom m é M a rgoton , mais il n’a voulu nommer que M argueritte, et
la cadette no portait pas d’autre nom ; il l’a voulu
n om m er, parce q u ’il était reconnaissant de ses soinsj
�( 32 )
parce qu’elle était seule en état d’a g i r , parce qu’elle
faisait les affaires, tenait le m én age, et qu’elle seule
pouvait avoir soin de sa sœur infirme.
Les premiers juges ajoutent, que quand bien même
l’aînée des sœurs aurait pu croire que la cadette était
héritière, parce qu’on l’appelait simplement M argue
r it e , tandis qu’on l’appelait elle-même M argoton, une
pareille erreur ne pouvait lui préju dicier, non plus
q u ’à son héritier.
C ’ est convenir en termes p ré cis , que M argoton a
eu cette pensée , et n’a pas élevé ses vues jusqu’à
l ’hérédité de son frère; m ais, où a-t-on pris que l ’ap
probation d’un testament ne pouvait pas nuire à l’h é
ritier du sang; cette proposition serait démentie par
la disposition précise des lois, et les assertions les plus
positives de tous les docteurs du droit.
Plus loin les premiers juges décident que la preuve
testimoniale, offerte par l’ap p elan t, tend a détruire la
foi due à des actes publics; quelle absurdité! lorsque
cette preuve n’a d’autre o b je t, d’autre b u t , que de faire
valoir le testament, et faire exécuter les véiitables in fentionsdu testateur; mais ces faits seraient insignifians,
et ne prouveraient pas que Jean-Louis Gibon a eu l'in
tention d ’instituersa sœur cadet te. C ’est s’aveugler étran
gement , puisque Gibon offrait do prouver que son oncle
avait manifesté cette m êm e intention à son cu ré , à ses
omis, et n’avait jamais pensé qu’à sa sœur cadette.
L a représentation du testament imparfait est inutile,
dit-on. Experton convient de la teneur do te fragment
telle qu’elle est rappo, tée paiG ibon , il ne peut en lien
influer,
�( ;33 )
in flu e i, ni sur le testament de Jeriri - L ou is, ni sur le
dernier de la sœur ainéè. Ori traite.bien légèrement une
des circonstances les plué importantes de la cause; Si
Ce testament imparfait eût été déposéi; si E y r a u d ,
notaire,1 avait été entendu, ainsi que les témoins qui
le v a ie n t accom pagné, on aurait su qu’Experton avait
empêché sa tante de tester, d ’exprimer ses dernières
volontés.
■
i C e fait une fois é ta b li, Gibon aurait été fondé à de
m ander la nullité du testament postérieur, com m e étant
l ’effet.du dol, de la violence et de la fraude; il aurait
demandé q u ’Experton fût privé de la succession de
M argoton G ib o n , dont il s’est rendu indigne, en l’e m
pêchant de tester à son gré.
Cette indignité est prononcée par les lois romaines»
ff. liv. 2 9 ,tit. 5 , de h is qui aLiquem testari prohibuerit
vel toégerit\ lois qui de tout tems ont été admises dans
notre jurisp ru d en ce, suivant L e b ru n , traité des suc
cessions, liv. 3 , chap. 9 , n.° i 3 , Lacom be au mot m*
d ig n ité, n.° 8.
E t pour ajouter à ces motifs puissans, on aurait su
encore qu’E xperton, inquiet dans ses combinaisons,
craignant de la part de sa tante une révocation de son
testam ent, lui avait fait faire, le m êm e jour, ou plutôt
avait arraché de la faiblesse d ’une femme m ourante,
une donation entre-vifs pour se prémunir contre les
accidcns, dans le cas où sa tante Margoton viendrait
ii survivre.
Les autres motifsne sont qu’ une conséquence des pre
miers, dès qu'il paraît aux premiers juges qu’Experton
�( 34 )
a été institué héritier de Marguerite Gibon a în ée; que
celle-ci l'était de Jean-Louis Gibon son fr è r e , Experton
doit sans difficulté recueillir les deux hérédités; dès-lors
les oppositions des acquéreurs ou fe rm ie rs , celle de
G ibon , ne peuvent se soutenir; il faut tout donner à
E xp erto n , verser entre ses mains tous les fonds, tous
les deniers des deux-successions.
Etranges conséquences! vaines subtilités! Com m ent
a -t-o n pu se déterminer aussi légèrement à dépouiller
un héritier légitim e, pour enrichir un usurpateur, qui
dans toutes ses démarches a donné une juste opinion de
sa perversité; qui par ses perfidies et ses profondes com
binaisons a commis un délit d’un genre nou v e a u , et qui
ne saurait profiter à son auteur?
r,’.
Experton en imposait tellement devant le tribunal
où il exerce les fonctions d’a v o u é , que Gibon n ’a pu
trouver un défenseur dans la ville du P u y , et s’est vu
livré à ses propres forces. Mais le m o m e n t de la justice
est arrivé; e t c’est en la Cour que l'appelant est sur de
trouver une perpétuelle et constante volonté de rendre
à chacun ce qui lui appartient.
Signé G I B O N .
M. e P A G E S , ancien avocat.
M. e D E V È Z E , avoué-licencié.
i
.
„ .j —
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~
A R IOM , DE L ’IMP. D U P A LA IS , CHEZ J.-C. SA L LES.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gibon, Gilbert. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gibon
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Gilbert Gibon, propriétaire et avocat, habitant du lieu du Cros-de-Georand, département de l'Ardèche, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil du Puy, le 20 décembre 1809 ; contre sieur Jean-Baptiste Experton, avoué au tribunal du Puy, intimé.
Nota manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 382. »
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2009
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2010
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53379/BCU_Factums_G2009.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
infirmes
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53179/BCU_Factums_G1221.pdf
ff738465971a46df142a0f45894ee7be
PDF Text
Text
il,
MÉMOIRE
P O U R
J
DOUVRELEUR D E G A R D E L L E ,
homme de lo i, demeurant à A rlanc , fils et
héritier universel de défunt M i c h e l D O U
oseph
V R E L E U R D E G A R D E L L E , notaire pu
blic , a p p e la n t ,
C O N T R E
V E L A Y cultivateur , «habitant du
village de Capartel, mairie d'A rlanc , tant en
son nom que comme f ils et héritier de défunt
C l a u d e V E L A Y , dit le M ensonge; A n t o i n e
A ntoine
B R A V A R D } jardinier, demeurant en la ville
d’Arlanc; et M a g d e l a i n e V E L A Y , sa femme,
aussi fille et héritière de C l a u d e V E L A Y ,
intimés.
E n c o r e une affaire due au système du papier-monnoie ! Ce signe a fourni à la famille des Velay des moyens
trop faciles, pour donner à leurs ruses et à leur mau
vaise foi tout l’essor qu’ils ont voulu. Depuis le commen
cement du 18e siècle, celte famille nous devoit une rente
A
�foncière , que d’abord elle servit très-m al, et puis qu’elle
ne servit pas du tout. A la fin , mon père obtint une
sentence de résolution du contrat ; il se mit en possession
des biens ; il les afferma à Antoine V e la y , l’un des adver
saires , fils du débiteur de la rente, parce que cet Antoine
V elay lui montra de la conduite et une grande envie de
prospérer. La révolution venue, le père et le fils Velay
- se sont coalisés pour tourner contre nous le bienfait de
mon père envers Velay fils. Les dénonciations, les réclu
sions révolutionnaires ont grandement aidé leurs projets
iniques. M on père a demandé que V elay fils évacuât les
biens affermés : ce Velay fils s’en est dit propriétaire. L e
père et le fils ont ensuite offert des assignats pour le rachat
de la rente : ils les ont cônsignés. Une sentence rendue
au tribunal de district à A m b ert, le 26 juin 1793 , lui a
donné gain de cause sur ces deux points : j’en demande
la réformation ; je dois l’obtenir.
F A I T S .
P ar acte du 17 septembre 1 7 1 4 , Jeanne C ote, veuve
de Jean D ouvreleur, ma bisaïeule, etPierre-Joseph Douvreleur de la Barba le , mon grand oncle, donnèrent en
rente à Grégoire et Sébastien V e la y , père et fils, un
moulin appelé Capartel, et d’autres immeubles, moyen
nant la prestation annuelle de la somme de 140 fr. et d’un
cochon, en valeur de 5 fr. le tout payable à la S. Martin.
L e capital de cette rente fut déterminé i\ la somme de
2,900 francs; elle fut pourtant stipulée non rachelable.
L e contrat contient la clause résolutoire que voici : « N e
�C3 )
e -pourront non plus les acquéreurs arrentér iceïïe ; et
« J'alite par eux de payer ladite rente et de rapporter
a quittances des cens qui se trouveront asservis, année
« par année, demeure permis auxdits vendeurs de rcn« trer dans lesditsfonds sa?is aucune fo rm a lité à ju s « tice. »
L e 21 juillet 1744, il fut passé entre Pierre-Joseph
Douvreleur de la Barba te et Sébastien Velay , l’un des
preneurs, tant en son nom que comme tuteur de ses frères
et sœurs, un traité par lequel le prix de l’emphithéose
fut réduit à la somme de 125 francs, et au cochon, en
valeur de 5 fr. par an. L a cause de cette réduction
procéda de l’éviction de partie des immeubles compris
au bail de 1714.
L e 2 août 174 4 , il y eut dans la famille Douvreleur
un arrangement, par lequel cette rente fut attribuée à
Joseph Douvreleur de Gardelle, mon aïeul.
L e 6 octobre 1750, ce Joseph Douvreleur de Gardelle
obtint au bailliage d’Ariane une sentence contre les descendans de Grégoire et Sébastien V e la y , preneurs; il les
lit condamner, i°. au payement de la rente de 130 fr.
pour 1744, jusques et compris 1749, avec intérêts ; 20. au
rapport des quittances des cens ; 30. au rétablissement des
bâtimens en bon état. 11 fut dit q u e , faute de c e , le bail
à rente seroit résolu.
lie 21 octobre 1767 , ce Joseph Douvreleur de G ardelle obtint ^au nijm c bailliage , contre un autre descen
dant des ffiomwVo , une autre sentence portant les mômes
condamnations pour les années 1760 , jusques et compris
17^6 elle prononça aussi la résolution faute du payement
A 2
�( 4 )
des arrérages de la rente, faute dit rapport des quittances
des cens, et faute du rétablissement des bâtimens en bon
état.
, L e 9 octobre 1766, ce Josepli Douvreleur de Gardelle
prit une troisième sentence en la même justice, contre
Claude V elay, père des adversaires, et contre Sébastien
Velay son frère. Par cette sentence, le bail à rente de
17 1 4 , le traité du 21 juillet 17 4 4 , et les sentences de
iy 5o et 17 5 7, furent déclarés exécutoires contre eu x; ils
furent condamnés, i°. à payer les arrérages de la rente,
depuis 1744 jusqu’en iy 65 inclusivement, avec intérêts,
à compter de la demande; 20. à rapporter les quittances
des cens ; 30. i'i faii-e aux bâtimens les réparations néces
saires pour les mettre en bon état , sinon et faute de ce
faire dans le m ois, le bail à rente étoit déclaré résolu.
L e 23 décembre 1772 quatrième sentence, portant
mêmes condamnations, et disposition résolutoire.
Joseph Douvreleur de Gardelle étant décédé , il fut
fait entre mon père, son héritier universel, et les autres
enfans , un partage qui donna à mon père la rente dont
il s’agit.
L e 12 novembre 178 4 , mon père fit assigner en la
sénéchaussée d’Auvergne Claude V elay, Antoine V elay,
cousin de ce dernier; André V e la y , Sébastien V e la y ,
cinquième du nom ; Sébastien V ela y, sixième du nom ;
et Antoinette Bœuf, femme de Jean Grangier; (nus petits—
enfans et arrière .pet its-en fans de Grégoire V e la y , pre
neur à rente e/i 1714.
L e 22 juin 1785, mon père obtint contre eux , en cette
sénéchaussée, sentence, par laquelle, i 0. le bail de 1714
�( 5 )
' et les autres titres subséquens furent déclarés exécutoires j
2°. les Velay furent condamnés chacun personnellement
pour sa p a rt, et hypothécairement pour le to u t, au
payement des vingt-neuf dernières années de la rente.,
avec intérêts , à compter de la demande. Les Velay furent
aussi condamnés à rapporter les quittances des cens , et
à remettre les bàtimens en bon état; 30. les sentences de
1750 ,
, 1766 et 17 7 2 , furent aussi déclarées exé
cutoires , et les Velay condamnés à en acquitter le mon
tant : faute de payement des arrérages de la rente , faute
du rapport des quittances des cens , et faute du rétablis
sement des choses en bon état dans le mois, le bail à rente
fut déclaré résolu comme non J'ait et avenu, et il fut
permis à mon père de rentrer en possession des immeu
bles arrentés.
Cette sentence fut signifiée aux V e la y , le 25 du même
mois.
Les Velay ne payèrent point les arrérages de la rente;
ils ne rapportèrent point les quittances des cens-, ils ne
firent aucune réparation aux bâtimens qui étoient dans
dans un état déplorable : dans cette position, mon père
se détermina à les déposséder.
¿u/jUiuiV
L e 4 août 1785, mon père fit .«iFiwnoi1 la sentence
de résolution ; et le 17 , près de deux mois après la signi
fication de cette sentence, il en lit faire aux Velay une nou
velle signification. Il les lit assigner au 19,pour être présens
à sa rentrée en possession, et au procès verbal de l’état des
lieux ; par son exploit il se réserva l’exécution entière
de la sentence du 22 juin précédent.
Le
il y eut prise de possession pardevant notaire.
�Claude V e la y, Antoine V e la y , l’un des adversaires, son
fils; autre Antoine Velay et André Velay y parurent:
ils répondirent n’être point surpris de notre transport,
(nous rapportons ici le motù mot) et nétre point <i même
présentement de satisfaire aux condamnations portées
par ladite sentenceà aucun égard, et q u iis ne pouvaient
empêcher la mise en possession dudit sieur requérant,
•(mon père) ,’ en conséquence nous avons auxdits ï^elcty
présens donné acte de leurs dires et consentement.
Sur c e , mon père prit possession sans q u e , a écrit le
notaire, personne se'soit présenté, pour fo r m e r opposi
tion à la présente possession.
Claude Velay et mon père demandèrent que le notaire
dressât procès verbal de l’état des lieux : le notaire le fit.
Antoine V e la y , l’un des adversaires, pria mon père
de lui affermer les immeubles dont il s’agit. M on père
crut pouvoir prendre confiance dans l’honnêteté du fils;
mon père crut devoir venir au secours de cet homme qui
lui manifesta le plus ardent désir de bien faire; mon père
lui afferma ces biens moyennant la somme de iôo francs
par a n , à employer d’abord aux réparations des bâtimens
qui en avoienL Iii.*plus grand besoin.
L e 31 août 1792, mon père, mécontent d’Antoine Velay
fils, le fit citer pour qu’il eût à vider les lie u x , etii lui
payer les fermages.
L e lendemain , Claude Velay père, et Antoine V e la y ,
son (ils, firent à mou père des offres de la somme de 4,000 f.
assignats; savoir, de celle de 2,600 ir. pour le capital de la
j’ente, et de celle de 1,400 f- pour les arrérages, intéi’êts et
�(7)
frais, s a u f de suppléer, parfaire ou recouvrer i ces offres
tendoient au rachat de la rente.
Pour toute réponse, mon père s’en référa à la citation
de la veille, et demanda copie du procès verbal d’offres.
L e procès verbal fut clos, et on n’en donna pas copie
à mon père.
L e 3 septembre 1792, Claude et Antoine V elay citèrent
mon père sur leur demande en rachat de la rente.
L e d 4 septembre il y eut deux procès verbaux de
non conciliation entre les Velay et mon père; le pre
mier sur la demande de mon p è re , et le deuxième sur
celle en rachat de la rente par les Velay.
Antoine Velay fils répondit à la demande de mon
p ère, que lui et Claude V e la y , son p ère, avoient joui
des biens en question, non en ferme, mais en rente.
M on père répondit au rachat des V elay ,,qi£il n’avoit
pas reçu copie de l’acte d’offre ; qu’il jfa o û Æ nt en son
dire consigné au commencement de ces actes, et qu’il
prolestoit de nullité.
L e même jour (4 septembre), mon père fit assigner
Antoine Velay fils, au tribunal de district à A m bert; il
conclut à ce que V elay fils fût condamné à lui payer
en deniers ou réparations , sauf vérification , la somme
de i 5o francs par chaque année depuis 17 8 5 , pour la
ferme verbale des biens en question. M on père conclut
à ce qu’Anloine Velay fût tenu de vider les lieux dans
la huitaine. Dans le cas où Velay fils désavoueroit les
conventions verbales sur la ferm e, mon père demanda
subsidiairement que celui-ci fût condamné au désistement
�( s ) ;
de ces immeubles, avec restitution des jouissances. à dira
d’experts, depuis i y 85 .
L e 6 du même mois (septembre), V elay père et fils
firent assigner mon père au même tribunal, i° . au 12
de ce mois en réitération et consignation des offres de
la somme de 4,000 francs assignats, toujours avec la
clause s a iif de suppléer, parfaire ou recouvrer \ 20. aux
délais de l’ordonnance en validité de ces offres.
L e 12 du même mois, sentence par défaut contre mon
p ère, laquelle donne aux Velay acte de ^réalisation de
leurs offres de la somme de 4,000 francs assignats , sa itf
de suppléer y parfaire ou recouvrer, et leur permet de
la consigner à jo u r et heure certains ; ( cette sentence
ne fixe point les jour et lieure).
5
L e 20 du même mois, signification de .cette sentence à
mon père, avec assignation pour le 22 au bureau de la
recette.
L e 22*-dtr-tHême mois consignation de la somme de
4,000 f. assignats, s a u f de suppléer,parfaire ou recouvrer.
Antoine Velay défend à la demande de mon père :
comme on doit bien s’y attendre, il nie la convention
verbale du bail à ferme ; il dit qu’il est inconciliable de
conclure1, par le même exploit, à l’exécution d’un bail
à ferme et h un désistement. Il invoque la demande en
rachat de la'rente, et par un trait d’esprit admirable, il
fait à mon père un crime de repousser des assignats : la
ph rase d’Antoine Velay est si heureuse, que l’on me saura
peut-être quelque gré de la publier. M ais f adversaire,
dit Antoine V elay, en parlant de mon père , ne peut pas
s'expliquer : il lu i en coûte de recevoir des assignats ,
AU
3
�(9)
O u i, sans doute,
mon père devoit les respecter ; aussi l’a-t-il fait de ma
nière à ne pas y toucher ; mais il a respecté davantage
sa propriété ; et certes il n’y avoit pas à balancer sur le
choix.
Ces deux demandes respectives furent jointes par une
sentence contx-adictoire, du i 5 septembre 1792.
A lors s’engagea un combat très-vif entre les V e la y e t
mon père, dont l’objet divers étoit pour les V elay de
forcer mon père à se contenter d’assignats pour des valeurs
territoriales, et pour mon père de ravoir la jouissance de
son bien.
A U l t e u q u ’ i l d e v r o i t l e s RESPECTER.
Mon père opposa la sentence de résolution et la prise
de possession de 1785.
M on père opposa le bail verbal fait à Antoine Velay fils.
M on père opposa son indiction au rôle des vingtièmes,
au lieu des V ela y ; indiction prouvée par un extrait de
ce rôle, extrait fourni par le citoyen Lussigny, contrôleur
des vingtièmes (1).
(1) En 1786 il existoit deux cotes au rôle des communes d’A r lanc et <!e Cl'am peaux.
A rt. 162. Claude V e la y , fils de Sébastien, dit le M ensonger ,
c i ................................................................................... 16 liv. i 5 sous.
A rt. 1f>3. Annet V elay, dit C achouille , ci. . 9 liv. 11 sous.
En 1787 ces deux cotes ont été réunies sous l’article 34° > S0lIS
la dénomination suivante :
Claude et Antoine V elay , le sieur Dourrelcur de G ardelle ,
et autres acquéreurs, au lieu de y °la y -M en so n g er, et signé
Lussigny.
Appert que par quittance notariée du 29 avril 179 3 , Michel
Douvrelcur a payé les vingtièmes de 1785.
�( 10 )
M on père opposa le payement des cens faits par lui
aux: fermiers des directes, desquelles relevoient les biens
en question (i).
•
( i) J’ai reçu du citoyen Douvreleur de Gardelle la somme de
1,076 liv. qui me sont dues comme devenu, propriétaire du moulin
que jouissoit Claude V ela y et consorts, situé à Capartel, pour
arrérages de cens sur ledit moulin , comme fermier des rentes
des prêtres du bourg d ’Arlanc et de Beaufrancliet, conformément
aux obligations, sentence et exploits que j’ai remis audit sieur
D ouvreleur, et le subroge en mon, lie u , droit et place, sans autre
garantie que de mes faits et promesses. A A ria n e , le 28 septembre
178 g , a signé Barthélémy V a c iiie r.
Appert que par sentence rendue au bailliage d’Arlanc , le 18 août
i j g o , M ichel Douvreleur de Gardelle, notaire, Claude et A ntoine
V ela y ont été condamnés solidairement h payer au citoyen de
Merle et à ion épouse, alors seigneurs d ’A ria n e , les cens y expli
ques pour les années 178 7, 1788 et 178g.
Je soussigné, Jacques M eilhon, fermier de la directe d’A rla n c ,
reconnois avoir reçu desdeniers deM . Michel Douvreleur de Gardelle,
notaire royal à A rian e, et ce en plusieurs fo is, et en numéraire
m étallique, la somme de 362 fr. 17 sous, qui me restoit due, toutes
déductions faites pour les cens assis sur deux moulins et d’autres
fonds situés à Capartel, montant annuellement argent 20 fr. 3 d.
fro m en t, sept quartons quatre coupes et demie un huitième ; seigle,
deuxquartons deux coupes trois quarts un.huitième ; avoine, deux
coupes un huitième et un seizième ; à raison desquels cens il y avo'it
eu des diligences, tant contre ledit sieur Douvreleur de G ard elle,
que contre Claude et Antoine V e la y , dit C avalier, père et fils , et
contre André et Sébastien Velay , frères, lesquelles diligences j’ai
remises audit sieur Douvreleiir de Gardelle, le subrogeant en mon
lieu et place , sans garantie, si ce n ’est de mes faits et promesses.
Dans la somme ci-dessus sont compris les intérêts et frais- Fait
le 20 septembre jy iji , a lig n é M e iliio x .
�4
*
( rO _ i
Mon père opposa enfin le bail à ferme par lui consenti
à Antoine Velay fils; et pour preuve de ce bail, il articula
le fait, que cet Antoine Velay fils avoit, depuis 178 5,
joui seul de tous les biens de Capartel, à l’exclusion de
Claude Velay son père , et des autres Velay compris en
la sentence du 22 juin 1785.
M on père soutint qu’il n’y avoit pas lieu au rachat de
la rente.
Mon père soutint les offres irrégulières et insuffisantes.
D e leur côté les Velay attaquèrent la prise de posses
sion du 19 août 17 85. Ils dirent qu’elle étoit nulle ou
tout au moins inutile : nulle, pour n’avoir pas été signée
par eux, ou pour ne pas contenir la mention qu’ils avoient
été requis de le faire, et parce qu’ils supposent qu’il n’y
a eu qu’un témoin signataire : inutile, parce que, disentils , ils n’ont jamais été dépossédés de fait ; parce que
depuis ils ont continué le payement de la rente; parce que
en pareil cas tout est comminatoire, et qu’ils tfnt toujours
été à temps de purger la demeure en faisant des offres.
Pour juger de la sullisance ou de l’ insuffisance des offres,
ils ont demandé qu’il soit fait un compte ; ils ont demandé
que mon père y rapportât ses titres, mérne le livre-journal
q u 'il a dû tenir pour suppléer au x quittances qu'ils ont
pu adhirer.
Une sentence par défaut fut rendue contre mon père :
il y forma opposition.
L e 26 juin 1793 intervint au tribunal d’Am bert sen
tence contradictoire, dont il est important que les juges
supérieurs aient sous les yeu x, et les motifs, et le dispositif.
« Attendu, i° . que ledit Claude V elay a vendu à A n B 2
*
�toine V elay, dit Toinette, par contrat passé devant R i
gaudon, notaire, le 17 novembre 1778, deux coupées du
pré et de la chenevière appelés la Pradon et la Routisse,
moyennant 24 francs ; lesquelles deux coupées de terrain
font partie dedix-sept vingt-quatrièmes, que lesditsClaude
et Antoine Velay ont prétendu leur appartenir dans les
biens baillés à rente foncière à Grégoire et Sébastien
Velay , par Jeanne Cotte et Pierre-Josepli D ouvreleur,
son fils , par l’acte du 17 septembre 1714; lesquelles deux
coupées de pré et chenevière ont été revendues audit
Douvreleur et à ses cohéritiers par ledit Antoine V elay,
dit T oinette,' moyennant la somme de 48 francs, par acte
passé devant ledit R igaudon, notaire, le 12 avril 1783:
attendu que par reflet de ladite vente et revente, ledit
Douvreleur est devenu propriétaire desdites deux coupées
de terrain , et que la demande en éviction est incontes
table pour cet objet.
« Attendu, 20. que lesdits Claude et Antoine Velay,père
et iils , possèdent le surplus des dix-sept vingt-quatrièmes
desdits immeubles , en vertu du bail à rente dudit jour
17 septembre 1 7 1 4 , et de l’acte de ratification du 21
juillet 1744 , et que l’acte de possession fait à la requête
dudit Douvreleur, par le ministère de Rigaudon, notaire,
le 19 août 1785, en conséquence de la sentence de la cidevant sénéchaussée d’A uvergn e, du 22 juin précédent,
n’a pas été suivi d’exécution, puisque lesdits Claude et
Antoine Velay ont continué leur possession depuis ledit
acte comme auparavant ; ce qui est prou vé, soit par les
quittances que ledit Douvreleur leur a données depuis,
ledit acte de prise de possession , soit par leur habitation
�( 13 )
à Capartel, dans les biens sujets à la ren te, soit par la
perception des loyers, fruits et revenus desdits moulins,
fonds d’héritages, soit par le payement de différentes
charges, soit par la continuation des cotes d’impositions
faites sous leurs noms ; attendu sur cette question, que
Lien que ledit acte de possession ne soit pas nul en la forme
par le défaut de nombre suffisant de tém oins, puisqu’il
contient la dénomination de quatre, dont deux ont signé,
il est insignifiant, comme n’ayant pas opéré la dépossession
réelle ; attendu aussi que rien ne prouve qu’il y ait eu des
conventions nouvelles entre ledit Douvreleur et l’un ou
l’autre desdits V e la y , et que dès-lors il doit demeurer
constant que le titre de leur possession remonte à celui de
1714 , et qu’il n’a jamais changé.
« Attendu, 3°. que lesdits Claude et Antoine V elay ne
sont présumés jouir des autres sept vingt-quatrièmes desd.
moulins , bâtimens et héritages, que pour et au nom des
enfans et héritiers d’Annet V elay, pour lesquels ils ne
sont ni obligés, ni parties capables de défendre à la de
mande en désistement dudit Douvreleur.
« Attendu , 40. que quoiqu’il soit de principe que le
droit de racheter la rente dont il s’a g it, accordé par la
loi -, ayant passé aux héritiers des premiers qui ont suc
cédé aux héritages, et qui en sont possesseurs en tout ou
en partie, néanmoins ledit Douvreleur ayant, par son
écriture du 13 décembre 1792, reproché auxdîts Claude
et Antoine V e la y , père et fils, que quand ils auroient
été à temps d’exercer le rachat, il devoit paroître éton
nant qu’ils eussent voulu l’exercer sur la totalité , tandia
�.
C J4 )
qu’ils ne représentoient pas les enfans et héritiers dudit
Aunet V e la y , qui en avoient à peu près un tiers avant
la sentence cludit jour 22 juin 1786; et lesdits Claude et
Antoine Velay ayant répondu, par leur requête signifiée
le 11 février 1793 , qu’ils n’avoient offert que ce que ledit
Douvreleur pouvoit exiger d’eux à cause de la solidité ;
mais que ledit Douvreleur n’a voit qu’à s’expliquer. S’il
vouloit diviser sa rente et la dégager de la solidité, ils
restraindroient leurs offres aux dix-sept vingt-quatrièmes
qu’ils amendoient, et qu’ils possédoient de leur chef dans
les héritages baillés à rente ; ce que ledit Douvreleur a
formellement accepté par les conclusions qu’il a prises lors
de sa plaidoirie du 20 du présent mois.
« Attendu, 5 °. que ledit Douvreleur a soutenu les offres
insuffisantes ; qu’il a prétendu que les arrérages, intérêts
et frais à lui dûs , et les sommes payées sur les objets qui
étoient à la charge desdits V ela y, excédoiènt de beaucoup
les sommes offertes; que lesdits Claude et Antoine V elay,
de leur p a rt, ont proposé différentes exceptions aux pré
tentions dudit Douvreleur , et que la décision de cette
partie de la contestation dépend de l’événement d’un
compte entre les parties , lequel doit être ordonné en
l’hôtel d’un des juges; et attendu néanmoins, sur la même
question, que ledit Douvreleur a été mis en demeure de
faire sa déclaration du montant de la créance , et que jus
qu’au compte les offres, sauf de suppléer, sont valables.
Sur tous ces m otifs, après que les parties ont été ouïes par
l’organe de leurs défenseurs respectifs, après que les pièces
ont été mises entre les mains du citoyen Guillaume Pcllet,
�qui en a fait son rapport , et qu’il en a été délibéré;
« L e tribunal jugeant en premier ressort, a rendu et
prononcé le jugement dont la teneur suit :
« L e tribunal reçoit ledit M ichel Douvreleur opposant
an jugement par défaut, fauté de plaider, contre lui rendu
le premier mai dernier ; ordonne que ledit jugement de
meurera nul et sans effet ; faisant droit sur la demande en
désistement formée par ledit D ou vreleu r, contre ledit
Antoine V e la y , fils de Claude, par exploit du 4 septembre
1792, et sur la demande en validité et suffisance d’offres
formée par lesdits Claude et Antoine V e la y , père et fils,
contre ledit Douvreleur , par exploit du 6 du même mois
de septembre, laquelle a été jointe à celle en désistement
par celle du 21 novembre suivant; condamne lesdits Claude
et Antoine V e la y, père et fils, à se désister en faveur
dudit Douvreleur des deux coupées de pré et clienevière,mentionnées aux deux contrats de vente et de revente desd."
jours 17 novembre 1778, et 12 avril 178 3, à rendre et
restituer audit Douvreleur les jouissances par eux perçues
sur lesdites deux coupées de terrain, depuis et compris
l’année 1786, jusqu'au désistement , suivant l’estimation
qui en sera faite par experts, dont les parties con vien -.
dront devant un des juges du tribunal, dans la huitaine, à.
compter de la signification à personne ou dom icile, -d u .
présent jugem ent, ou qui seront par lui pris ou nommés
d’ofïice , même un tiers-expert, s’il y écliet, aux intérêts'
du montant desdites jouissances ; savoir , pour celles per
çues avant la demande, à compter du jour d’icelle ; et
pour les postérieures , à compter de chaque perception ?
jusqu’au payement.
�•
(
i6)
« Et pour ce qui concerne le surplus des dix-sept vingtquatrièmes desdits moulins , bâtimens et héritages, le tri
bunal déboute ledit Douvreleur de sa demande en désis
tement.
« E t à l’égard des sept vingt-quatrièm es que lesdits
Antoine et Claude Velay sont réputés jouir pour et au
nom des enfans et héritiers d’Annet V e la y , le tribunal
déboute aussi ledit Douvreleur de sa demande en désis
tement à cet égard, sauf à lui à se pourvoir contre lesdits
héritiers d’Annet V e la y , à raison desdits sept ving-t-quatrièmes, ainsi qu’il avisera.
« En ce qui concerne les offres faites par lesdits Claude
et Antoine V elay, père et fils, le tribunal les autorise à
retirer des mains du receveur des consignations près du
tribunal, sept vingt-quatrièm es de la somme de deux
mille six cents livres offerte pour le rachat du principal
de ladite rente, d’une part, et sept vingt-quatrièmes aussi
de la somme de quatorze cents livre s, offerte pour les
arrérages de ladite rente, intérêts, frais et dépens ; ce qui
réduit la somme consignée à deux mille huit cent trentetrois livres six sous huit deniers ; savoir , dix-huit cent
quarante-une livres treize sous quatre deniers pour les
dix-sept vingt-quatrièmes dont lesdits Velay sont tenus
dans le capital de ladite rente, et neuf cent quatre-vingtonze livres treize sous quatre deniers pour les sept vingtquatrièmes des arrérages de ladite rente, intérêts, frais
et dépens.
« Déclare les offres desdits V e la y , ainsi réduites, bon
nes , valables et suffisantes pour les dix-sept vingt-qua
trièmes du capital de ladite rente qui étoientà leur charge,
comme
�( x7 )
comme étant lesdites offres conformes à la disposition des
art. II et X I V de la loi du 29 décembre 1790.
« Déclare aussi les offres desdits Claude et A ntoine
V elay faites sauf de suppléer , parfaire ou recouvrer,
bonnes et valables pour les dix-sept vingt-quatrièmes des
arrérages de ladite rente et des intérêts, frais et dépens j
et pour en déterminer la suffisance ou l’insuifisance , or
donne que dans la huitaine, à compter de la signification
du présent jugem ent, à personne ou à domicile , les par
ties se retireront devant un des juges du tribunal, pour
être procédé à un compte desdits arrérages, intérêts,
frais et dépens, lors duquel compte lesdits Claude et
Antoine V elay rapporteront leurs quittances , et ledit
Douvreleur sera tenu de rapporter tous ses titres , pièces
et procédures, même le livre-jou rn al q ù il a dû tenir
pour suppléer au rapport des quittances qu i pourroient
être adhirées ; et s i après Tévénement dudit compte il
se trouve un déficit auxdites offres, lesdits Claude et A n
toine T're1ay t père e tfils, seront tenus de le remplir dans
la huitaine précise après ledit com pte, aux peines de
droit; et si au contraire il se trouve de l’excédant, ils sont
autorisés à le retirer des mains du receveur des consigna
tions.
« Ordonne que dans la huitaine après que le compte
ci-dessus ordonné aura été fait, et qu’il sera établi quo
ledit Douvreleur a été entièrement satisfait des dix-sept
vingt-quatrièmes à la charge desdits Claude et Antoine
Velay dans le principal de la rente dont il s’agit, ainsi
que dans les arrérages, intérêts , irais et dépens, ledit
Douvreleur sera tenu de leur remettre, s’ils le requièrent,
c
�. (i8)
et à leurs frais, les extraits de tous les titres, pièces et pro
cédures qu’il a en son p o u v o ir, relatifs à ladite rente en
principal, ari'érages, intérêts et dépens, et qu’il sera pa
reillement tenu de consentir à leur profit quittance du
rachat et du payement dudit capital, et desdits arrérages,
intérêts et dépens ; sinon et faute de ce faire dans ledit
d é la i, et icelui passé , le tribunal ordonne que le présent
jugement tiendra lieu de ladite quittance. Sur le surplus
des demandes , fins et conclusions des parties, le tribunal
les met hors de cause et de procès ; condamne ledit Douvreleur aux trois quarts des dépens envers lesdits Claude
et Antoine V e la y , à compter depuis la signification de
l ’acte de consignation exclusivement, suivant la taxe qui
en sera faite en la manière ordinaire ; compense l’autre
quart desdits dépens , et condamne ledit Douvreleur à la
totalité des frais, expédition du présent jugem ent, aussi
suivant la taxe ; le tout fait et ju g é , etc. »
L e 6 juillet suivant, mon père appela de cette sentence :
cet appel fut porté au tribunal de Brioudc.
M on père et moi avions, avant la révolution, la con
fiance du seigneur d’Ariane. Ici je dois publier que nous
avons toujours eu en horreur ces faits qui ont désolé la
France ; j’ai osé le dire : mdè irœ. Nous avons été en
butte à ln tourmente révolutionnaire : j’ai été reclus jus
qu’après le 9 thermidor. L e chagrin m’a enlevé mon
p ère; il est mort le 17 janvier 1794.
I,es V elay ont poursuivi sur l’ap p el, contre JeanJoscph D ouvreleur, mon frère, et contre Jeanne-Marie
et .Julie Douvreleur, mes sœurs, qui n’avoient à me deShnndev qu’une légitime. Ceux - c i, cités au bureau de
�( 19 )
p a ix , avoient beau dire, en germinal an 2 , que les
papiers étoient sous les scellés ( le moyen d’en avoir la
rémotion ! j ’étois sous les verroux forgés par les auteurs
de la loi du 17 septembre 1793 ) , les Velay n’en furent
que plus ardens : il leur étoit si facile de combattre des
personnes sans défense !
Ainsi donc les Velay m’ont mis de côté, quoique je
fusse la partie principale, là partie la plus intéressée,
comme héritier universel; ils n’ont agi que contre mon
frère et mes sœurs : la reprise d’instance a été ordonnée
avec eux, par un jugement du 8 messidor an 2.
E n fin , la cause portée à l’audience du 4 vendémiaire
an 3 , époque si voisine du 9 therm idor, dont à Brioude
on n’a voit pas encore ressenti les effets ; la cause, dis-je,
portée à l’audience entre les V elay, d’une part; JeanneMarie Douvreleur, son mari, et Jean-Josepli Douvreleur,
d’autre part; ma sœur et mon frère, sans papiers aucuns,
furent hors d’état de se défendre utilement ; aussi y eut-il
un jugement confirmatif de la sentence d’Ambert : mais
heureusement. Julie D ouvreleur, mon autre sœur, n’est
point partie dans ce jugement; je n’y suis pas plus; les
choses sont donc encore entières h cet égard.
I.e 19 du même mois (vendémiaire an 3), les Velay,
armés de ce jugement, firent assigner au tribunal d’A m
bert Jeanne-M arie D ouvreleur, mon frère, et Julie
Douvreleur ( non partie dans ce jugement ) , pour être
procédé au compte ordonné par la sentence du 26 juin
I 7 9 3 ‘, ils demandèrent le rapport de nos titres, et no
tamment du journal de notre aieul et de notre père,
pour suppléer aux quittances, attendu, disent-ils, que
C 2
�( 20 )
D ouvreleur, aïeul, rien donnoït p o in t, ainsi q iiil est
notoire sur les lieux.
L e 3 brumaire an 3 , nouvelle assignation par les Velay
à mon frère et ù mes sœurs, toujours pour ce com pte,
toujours demande en rapport des livres-journaux, et
toujours attendu que D ou vreleu r, a ïe u l, ne donnoit
ja m a is de quittance.
L e 26 du môme mois ( brumaire an 3 ), troisième
assignation à mon frè re , à mes sœurs, et enfin à moi
( contre lequel il n’y avoit pas encore de jugement confirmatif de la sentence du 26 juin 179 3, avec lequel les
choses étoient toujours en état d’appel de cette sentence ),
pour voir adjuger les conclusions ci-devant prises.
L e 22 frimaire suivant ( an 3 ) , sentence par défaut
contre nous tous : cette sentence ordonne que les pièces
seront mises ès mains d’un des juges, et que nous y
joindrons particulièrement le journal supposé tenu par
notre père.
Trois assignations ont suivi cette sentence. J ’ignore ce
que les V elay ont fait depuis; mais je proteste contre
tout ce qui nuiroil à mes intérêts : quand on m’en aura
donné crimoissance, je me pourvoirai.
Ceux qui ont étudié les révolutions, se sont, convaincus
de cette très-grande vérité , que l’homme sage doit s’at
tacher principalement à gagner du temps, parce que le
temps est le premier maître : par l u i , les idées extra
vagantes sont chassées; la raison reparoît sur l’horizon ;
elle éclaire les torts de la majorité ; l’on revient au point
de départ.
A in s i, j’ai du gagner et j’ai gagné du temps. En atten-
�a
( 21 )
dant, les orages se sont dissipés; j’ai vu l’ordre renaître :
des tribunaux d’appel ont été créés; j’ai senti renaître
aussi la confiance; j’ai repris au lieu et place de mon
p ère, sur son appel du 6 juillet 1793, de la sentence"1
d’A m b e rt, du 26 juin précédent. Claude V elay, père,
est m ort; j’ai assigné ses héritiers en reprise d’instance.
L a procédure est en règle ; et je vais démontrer le mal
jugé de la sentence dont est appel : je ne m’occuperai
pas de tout ce qui a été fait à A m b e rt, depuis le juge
ment rendu i\ Brioude, le 4 vendémiaire an 3 ; je m’at
tacherai à la sentence du 26 ju in , parce qu’en la faisant
anéantir, tout ce qui a suivi aura le môme sort.
D I S C U S S I O N .
La cause a deux objets : le prem ier, est dans la de
mande de mon père contre Antoine Velay fils; le second,
est dans celle en rachat de la rente , formée par les Velay
contre--mon père. Je vais discuter ces deux objets sépa
rément.
§. I.
Cette partie de la cause présent^ la question principale
de savoir si, après la sentence d u li» juin 1785, et la prise
de possession du 19 août suivant, les Velay ont dû être
considérés encore comme propriétaires des biens arrentés
en 1714.
Ici le contrat de 1714 contient le pacte commissoire le
plus formel. 11 y est stipulé que, faute du payement de
la rente et du rapport des quittances des cens, le bailleur
�(
*
0
#
auroit le droit de rentrer en jouissance des immeubles,
sans aucune form alité it justice.
Ici il paroît, par les sentences de i y 5o , 176 7, 1766 et
1772 , que les V elay étoient d’âge en âge dans l’habitude
de ne point payer la rente, de 11e pas acquitter les cens,
et de laisser les immeubles en -très-mauvais étatr II p.iroît
qu’à chacune de ces époques mon aïeul avoit été obligé
d’obtenir des condamnations à payement, ou la résolution
du bail à rente.
Enfin, en 1784 mon père fut contraint d’employer les
mêmes voies rigoureuses contre les Vel;:y. En 1785 il les
fit condamner, i°. au payement des arrérages des vingtneuf dernières années antérieures ; 2.0 au payement du
montant des condamnations portées par les sentences
de 1750, 1757, i7 6 6 et 1772. Il obtint contr’eux la réso
lution du bail à rente, faute de payement dans le mois,
à compter de la signification de la sentence; cette sentence
a été signifiée, et point de payement dans le mois, A,lors
mon père a dépossédé les V ela y ; il a fait nVitiwor la
sentence de résolution ; il a pris possession civile et régu
lière, le 19 août 1785 . La résolution du bail a été pai'faite; il a élé ensuite imposé au rôle des vingtièmes; il
a payé les cens postérieurs <1 sa mise en possession, même
les antérieurs, ceux .¿tant à la charge des "Velay. Il a
affermé verbalement les mêmes biens à Antoine Velny fils,
qui n'a voit jamais été possesseur des biens arrenlés; et
Antoine Velay fils en a joui seul depuis.
Suivant l’ancien d ro it, suivant la loi 2 , au code de
jttre en/philcutiro, le pacte commissoire devoil être suivi
à la lettre ; s'il étoit convenu qu’à défaut, de payement,
�C 23 )
le bailleur rentreroit dans son fonds, le cas a rriv é , il
pou voit de sa propre autorité expulser le preneur, faute
du payement d’une année. In emphiteuticis contractibus
sancim us, s i quidem aliqitœ pactiones in emphiteuticis
instrumeiitis J'uerint conscriptœ, easdem et in omnibus
a/iis capitulis observa r i, et de rejeclione ejus qu i emphiteusïrn suscepit, si solitam pensionem , vel publicarum
jfunctionum apochas non prœstiterit.
S’il n’y en avoit point de stipulation , il falloit alors
une cessation de payement pendant 3 ans. S i per totum
triennium , ne que pecunias solverit, neque apochas
domino tribut or um reddiderit.
Dans les deux cas de stipulation ou de non stipulation.,
le maître du fonds pouvoit évincer le preneur à rente :
Potast do minus propriâ auctoritate cit raque m inisteri uni judicis expellere.
Notre droit français a tempéré cette rigueur. La juris
prudence a voulu qu’il y eût non seulement arrérages de
la rente,-‘mais encore jugement de résolution. M ornac,
sur la loi 2 précitée, dit : Legem commissoriam non
obtinere in G a/liâ, n i s i post acceptum judicium . La
"raison en est écrite dans la police attachée aux bons gouvernemens. Ciim autem invisum n il magis apud n o s ,
qu(im s i quis v i auctoritateque propriâ sibi ju s dixerit.
L a jurisprudence française est allée plus loin ; elle a
exigé que la dépossession du débiteur de la rente fut
constatée par un acte authentique. Elle a exigé delà part
du bailleur un acte de possession civile.
Quand il y a une sentence de résolution, quand elle
est suivie de possession civ ile , tout est iiui : il n’y a plus
�C M )
de contrat de rente. L e propriétaire de la rente, qui aupa
ravant n’avoit sur le fonds que la propriété directe, en
reprend la propriété utile. Elle est incommutable dans ses
mains. Il n’y a plus aucun retour en faveur du débiteur.
Autrefois, en la sénéchaussée d’A uvergn e, on exigeoit
deux sentences pour opérer irrévocablement la résolu
tion de l’empliitéose : la première disoit que le débiteur
payeroit da/isj et la seconde prononçoit la résolution.
M . Chabrol, tom. I I I , page 74, dit qu’après cclte der
nière sentence, la chose étoit sans retour; il ajoute, et
nous avons vu de nos jours qu’il suffit d’une sentence,
et que le débiteur qui laisse passer le délai de grâce sans
payer, et quand il y a acte de possession, est déchu pour
toujours.
11 est certain, en point de d ro it, qu’en vente d’im
meubles, la possession civile du fonds est le complément
du contrat; si le vendeur aliénoit le fonds à un autre,
celui qui auroit la possession civile auroit la préférence.'
Par parité de raisons, le créancier de la rente, qui a
obtenu la résolution du contrat, qui a poursuivi l’exé
cution de sa sentence, qui a pris possession civile du
fonds, a mis le dernier sceau à la résolution ; elle est sans
aucun retour pour le débiteur de la rente; celu i-ci en
est expulsé pour jamais. Polh ier, au contrat de bail à
rente, cliap. 111, art. I l , §. I , 11. 40, dit : Apres que
Varrêt (1) a, été exécu té, cl que le bailleur est rentré
(1) L a sentence de résolution, du aa juin 1785, me vaut arrêt;
clic a acquis la fore« de cliose jugée; il n ’y en a point d’appel :
les V elay y ont acquiescé par leurs d ires, à la possession civile
du iy août 1785.
�4?'
( 25 )
en possession de Théritage , il ne seroit plus teittps
d’offrir îe payement des arrérages. S’il y avoit auparavant
un contrat, il est effacé.
Les adversaires diront ic i, comme devant les premiers
juges, i° . que la possession du 19 août 1785 , n’est point
régulière; 20. qu’elle n’a eu aucun effet, puisqu’ils n’ont
pas discontinué de jouir, et que depuis, mon père a éga
lement perçu la rente. Ils citeront encore une sentenco
rendue en 17 72 , en la sénéchaussée d’A u vergn e, au
rapport de M . Vissac.
i° . La signature .des V elay n’étoit pas nécessaire à la
prise de possession du 19 août 1786; il n’étoit pas plus
nécessaire d’y insérer la mention que le notaire la leur
avoit demandée. Il s’agissoit ici d’un acte judiciaire, d’un
acte forcé , et en pareil cas on n’a pas besoin ni du con
sentement, ni du seing de la partie condamnée. M on
père avoit une sentence de résolution ; il en poursuivoit
l’exécution ; pour cela il lui falloit seulement un notaire
et deux témoins, pour constater sa rentrée en possession;
d’ailleurs le notaire a terminé son acte par ces mots :
Lesdits V elay 71 ont rien voulu signer. Cette relation
prouve suffisamment; elle prouve que le notaire leur a
demandé s’ils vouloient signer, et qu'ils ont répondu
négativement : la réponse signifie l’interpella lion préa
lable , et le vœu de la loi est rempli.
L e notaire qui a rédigé l’acte de possession, étoit as
sisté de quatre témoins; deux ont signé : c’en est assez
suivant la loi. A u reste, les premiers juges l’ont décidé
ninsi, dans la sentence dont est appel : les adversaires
. D
�C * J
ont signifié cette sentence sans protestation; ce point est
donc terminé irrévocablement.
2°. Les V elay ont été dépossédés de fait et de droit; ils
l ’ont été de fait par la prise de possession, du 19 août 1785.
Cette prise est certainement un fait extérieur, un fait
très-positif : par le procès v e rb a l, il est bien constant,
en fa it, que mon père s’est transporté sur les lie u x , et
qu’il y a fait toutes les démonstrations propres à mani
fester sa volonté bien formelle de rentrer en jouissance de
ses biens. Ceci caractérise parfaitement une dépossession
de fait de sa p art, conti’e les Velay.
I<es V elay, débiteurs de la rente, ont été dépossédés
en réalité, puisque depuis le 19 août 178 5 , ce ne sont
plus tous les V elay réunis qui ont jo u i, c’a été Antoine
V elay fils, seul, tant de la portion de Claude V e la y ,
son p è r e , que de celle appartenant aux descendans
d’Annet V elay : cet Antoine V elay fils ne l’a fait ainsi
qu’en vertu du bail verbal que lui avoit consenti mon
père.
N ’aurois-je pour moi que ma possession civile du 19:
août 1785; elle me suffiroit, parce que, appuyée sur la
sentence de résolution , elle auroit opéré la destruction
totale du bail à rente. Personne ne peut me contester que,
aussitôt la clôture de ce procès verb al, le bail à rente a
cessé d’exister. Dès cet instant, il a été comme non fa it
et avenu r ( la sentence du 22 juin le prononce ainsi : elle
a force de la chose jugée. ) Mon père avoit acquitté le
droit de transmission ; il avoit fait insinuer sa sentence de
résolution ; il étoit propriétaire incommutable. Les V elay
�C 27 )
avoient cessé de l’être ; la seQtence et la possession civile
réunies, valoient contre eux tout autant que s’ils avoient
consenti pardevant notaire un acte de résolution du bail
à rente ; s’ils avoient passé cet acte volontaire, ils n’auroient pas pu se prétendre encore propriétaires sans un
nouvel acte de transmission de la part de mon père. Ici
il y a même raison : il faut donc juger de même. Réso
lution complète opérée en faveur de mon p ère, et par
la sentence, et par l’acte de possession. Point de nouvel
acte de transmission de la part de mon père en faveur des
V e la y ; point d’acte destructif de la résolution devenue,
parfaite : par conséquent, les V elay ne sont pas redevenus
propriétaires.
Les adversaires répéteront-ils, que malgré la possession
du 19 août 1785, tout étoit encore comminatoire; que
depuis, mon père a reçu des à-com pte sur la rente, et
qu’ainsi il a renoncé à la résolution.
• Ln jurisprudence, l’on tient qu’une renonciation à un
droit acquis doit être formelle ; ce seroit une erreur , que
vouloir l’établir par des inductions : il la faut expresse, ou
il n’y en a point.
O r , je déiie mes adversaires de rapporter aucun acte où
mon père ait renoncé au bénéfice de la résolution pro
noncée par la sentence du 22 juin 1785, et assuré par la
possession du 19 août suivant.
'E n cause principale, les adversaires ont donné copie
des quatre quittances fournies par mon père les 9 avril
1788, 24 mars 1789V 17 mars 1790, et 10 avril 1791.
Ln cause d’appel mon conseil, mon défenseur a pris com
munication de leur dossier ; il y a trouvé seize quittances
D 2
�( -28 )
on noies qu’ils ont envoyées à leur défenseur, sans doute
pour établir leur libération des arrérages de la rente. Je
ne parlerai que de celles qui sont postérieures au 19 août
1785 : je vais les analyser,
Il en est une du 16 janvier 1786; elle est fournie par t
tnon père à Claude et Antoine Velay ; elle est de la somme
de 96 fr. à compte des arrérages de rente qu i me sont
dûs, y est-il d it, et premièrement sur les intérêts etf r a i s ,
et sans préjudice à la solidarité, à Texécution parée de
la sentence du 22 ju in 178 5, à la possession du 19 août
1785 , et aux jouissances à venir.
Une seconde , du 13 mars 178 7, est de la somme de
114 fr. h compte des arrérages de rente dûs, avec la
clause, sans préjudice du surplus et de tous autres droits
que je me réserpe expressément.
Celle du 9 avril 1788 renferme encorela clause, à imputer
premièrement sjtr les intérêts et f r a i s , et sans me fa ire
préjudice à tous mes d ro its, sentences et diligences,
Teffet desquels je me réserve expressément.
M êm e réserve dans celle du 24 mars 1789.
Celles des 17 mars 1790, et 10 avril 1791 contiennent
seulement Vimputation dtabord su r les intérêts et frais.
D e tout ceci l’on 11e peut raisonnablement conclure
une renonciation de la part de mon père à la résolution
du bail à rente. D ’une part, il n’y a pas renonciation for
melle; d’un autre côté, il n’y en a pas même une implicite,
puisque par la quittance du 16 jfm^içr 1786 mon père
sVst réservé la possession du 19
1786, et même les
jouissances à venir. Par ces jouissances à venir il faut
rnteudrc celles qu’Antoine Velay fils feroit en vertu de
�4 iS
( 29 )
la ferme verbale. Il ne sauroit y en avoir d’autre sens bien
juste.
Les réserves apposées dans les quittances^ postérieures
embrassent tous les droits de mon père. Elles se réfèrent
à celle du 16 janvier 1786. Elles sont clairement expliquées
par celle-là, et en somme il faut dire que non seulement
mon père n’a pas formellement renoncé, mais qu’il a tenu
constamment à la résolution, à sa prise de possession.
La sentence rendue en 1772, au rapport de M . Vissac,
en la sénéchaussée d’A u vergn e, ne fait pas préjugé pour
les adversaires : elle est contr’eux. En effet, M . Chabrol,
qui la c ite , tome 3, page 7 5 , en son commentaire sur la
coutume d’A uvergn e, tit. 2 1 , art. 111, après avoir posé les
principes exacts sur la matière, dit : « Il a été ju gé, en
« 17 7 2 , au rapport de M . Vissac , contre M . D eja x ,
« avocat à Brioude , que le débiteur contre lequel il avoit
ce été prononcé une sentence de résolution, avoit pu ré« parer sa demeure par des offres : mais des circons« tances particulières avoient donné lieu à ce jugement :
« le sieur D e ja x n'avoit pas pris possession des héri« tages , et il avoit reçu volontairement les arrérages
« antérieurs à la sentence ».
Ici il n’y a pas identité d’espèces. M on père a pris
possession. Le mais de M . Chabrol signifie bien claire
ment que si le sieur Dejax avoit mis le sceau à la résolu
tion, en prenant possession, la sénéchaussée d’Auvergne
auroit jugé tout autrement. Elle auroit été obligée de
juger que la résolution étant parfaite par la possession,
le débiteur de la rente étoit déchu pour toujours.
Toutes les fois que le bailleur obtient la résolution du
�(So)
contrat, le preneur n’en est pas quitte par la perte du
fonds : il doit encore les arrérages antérieurs à la réso
lution ; il faut qu’il les paye ; et le bailleur, en les recevant
après la sentence, après sa mise en possession, ne renonce
pas pour cela à sa propiùété du fonds. En reprenant son
fonds , il ne prend qu’une portion de la chose qui lui
revient : en touchant les arrérages il perçoit l’autre. Mais
cette-autre n’est pas destructive de la prem ière; le fonds
lui demeure toujours.
I c i, qu’a fait mon père ? Il a reçu à compte des arré
rages , intérêts et frais qui lui étoient dûs. Il a fait chose
légitime. Mais il n’a pas renoncé à la résolution ; il a au
contraire fait réserve de ses droits. Il s’est réservé expres
sément la sentence de résolution et la possession.
Les adversaires reproduiroient - ils sur la scène le
moyen qu’en cause principale ils avoient tiré des con
clusions prises par mon père? Diront-ils qu’il est incon
ciliable de demander tout à la fois l’exécution d’un bail
i\ ferme verbal d’un bien , et le désistement du meme
bien ?
M a is, qu’on ne s’j? méprenne pas sur la contexture,
sur la substance de ces conclusions. Elles sont très-conci
liables; elles sont très-bien appropriées à la position des
parties. Je vais môme jusqu’à dire qu’elles sont alors
d’usage.
En effet, mon père avoit affermé verbalement. Il de
mande qu’on lui paye les fermages, et qu’on vide les lieux.
Mais il n’a point de titre écrit pour constater la ferme.
Si Antoine Velay fils nie la convention, mon père ne peut
en faire la preuve testimoniale, parce que l’objet est en
�4 n
x 31 3 .
valeur de plus de 100 francs. Mais alors il a un titre dans
la jouissance faite publiquement par cet Antoine Velay.
Celui-ci est détenteur du bien de mon père : il faut bien
l’en sortir, et pour cela il n’y avoit que la voie du désis
tement.
En cet état de choses, mon pèi’e a demandé, i ° . dans
le sens de l’aveu du bail verbal, qu’Antoine V elay eût
à vider les lie u i, et à lui payer les fermages ; 2°. en cas
de déni de la ferme verbale, et subsidiairement seulement,
qu’Antoine V elay fût condamné à se désister, et à rendre
compte des jouissances, suivant l’estimation par experts.
Mais il est très-clair que les conclusions subsidiaires, néces
saires dans les circonstances , n’étoient pas exclusives des
conclusions principales.
J ’en ai dit assez, je ci'ois, sur cette première partie de
ma cause : mes moyens me paroissent victorieux ; en les
comparant avec la première disposition de la sentence
dont est appel, il est très-clair que les premiers juges ont
erré en ne condamnant pas Antoine V elay h vider les lieux
et i\ payer les fermages sur le taux de i 5o francs par an ,
ou à payer les jouissances de notre bien, suivant l’estimation par experts.
§.
II.
Je ne vais traiter que Irès-subsidÎaircment la partie
relative au rachat de la rente.
Il seroit inutile d’examiner, s’il y avoit ou non lieu au
rachat de la rente : celte question est subordonnée au sort
de la première, que je viens de développer j si sur la prq'-
�( 32 )
m ière, il est jugé que je suis propriétaire, mes juges n’au
ront que faire de descendre à la seconde.
Ainsi donc, je dirai seulement à toutes fins, et’parce que
nous sommes en tribunal souverain; je dirai que le procès
verbal d’offres du premier septembre 1792 est nul, parce
qu’on n’en laissa point copie à mon père ; il demanda
cette copie, parce que l’ordonnance de 1667 l’exige, ¿\peine
de nullité. Les notaires, comme les huissiers, peuvent
bien faire des actes d’offres ; mais ces actes alors ne font
que remplacer ceux des huissiers ; par cette raison , ils
sont soumis à la même règle ( l ’ordonnance de 1667).
L ’acte d’ofîres est ici la base de l’édifice : s’il est nul; tout
ce qui a suivi l’est aussi.
Je dirai que dans l’exploit d’assignation du 4 septembre
1792, et dans la signification du jugement ordonnant la
consignation, il n’est pas dit à qui les copies de ces exploits
ont été laissées ; autre moyen de nullité, suivant l’art. III
du tit. II de l’ordonnance de 16^7 ( 1 ).
Je dirai que les délais de l’ordonnance sont de ri
gueur , et pour le défendeur ; il n’est donné de les abréger
que par une permission de la justice, et dans lescasurgens.
Ici point d’ordonnance d’abréviation : du premier sep
tembre 1792 au 12 du même mois, jour du jugement qui
a ordonné la consignation, il n'y a qu’un intervalle de dix
jtuirs frgnes , et if en falloit vingt-sept, avant qu’on pût
donner défaut contre mon père.
Pour ne pas ennuyer davantage par cette discussion
( 1 ) Sera fa it mention en l’ original 'et en la copie, des pet'sonnes auxquelles ils auront été’ laisses, à peine de nullité.
sèche
�( 33 )
sèclie sur la forme, je terminerai par dire que les offres
des Velay sont insuffisantes d’abord suivant eux , et puis
bien davantage dans la réalité.
Leurs offres faites à domicile sont du premier septembre
1792; elles sont de la somme de 4,000 fr. assignats pour
capital de la rente , arrérages, intérêts et frais. Il les
ont réalisées le 12 du même mois , et consignées le 22 :
mais ils n’ont réalisé et consigné que 4,000.
En point de droit, le débiteur n’est libéré que , ou par
une quittance finale de la part du créancier, ou par une
quittance du receveur des consignations, et à l’instant de
la quittance. Jusqu’à cet instant l’intérêt court, si la créance
en porte : cela posé, les V elay auroient dû consigner l’in
térêt couru, depuis le premier septembre 1792, jour des
offres, jusqu’à la consignation : ne l’ayant pas fait, il y
auroit insuffisance dans la consignation, et nullité dans
tout ce qui a suivi.
Les adversaires voudroient-ils soutenir que la somme
de 4,000 francs étoit plus que suffisante? mais alors leur
consignation seroit encore vicieuse : les offres et la con
signation sont faites avec la clause , S a u f de suppléer,
parfaire ou recouvrer. Un débiteur doit faire l’appoint
du créancier; il ne doit offrir ni plus ni moins que ce
qu’il doit; il faut que l’affaire finisse là; il ne lui est pas
permis d’exposer le créancier à une action en restitution.
Une pareille faute a fait annuller nombre de consigna
tions en papier-monnoie : les registres du tribunal civil
du P u y -d e - D ô m e , sont pleins de jugemens sur celte
matière.
Ainsi je dis aux Velay : Ou vous m’avez offert le preE
�é~.( 3 4 )
micr septembre 1792, rigoureusement ce qui m’étoit dû.
alors,’ ou vous m’avez offert plus; dans le premier cas,
votre consignation est insuffisante, puisque vous n’y avez
pas ajouté l’intérêt couru depuis le premier septembre jus
qu’au 23; dans le second cas, j’aurois eu raison de ne
P«t s accepter, puisque vous m’auriez exposé à une action
en restitution, en m’induisant à prendre plus qu’il ne
m ’étoit dû.
Mais ce n’est pas tout. Dans la réalité, il étoit dû
beaucoup plus le premier septembre 179 2: les Velay
dévoient, i°. le principal de la rente; 20. les arrérages
adjugés par les sentences de 1760, 175 7, 1766, 1772 et
1785; 30. les intérêts de ces arrérages depuis les demandes
qui en avoiént été'form ées; 40. les dépens adjugés par
ces7sentences. Par celle du 22 juin 1785, ils avoient été
condamnés à payer,- i° . en deniers ou quittances, les
vingt-neuf dernières années échues à la Saint-Martin 1784;
2°. le montant des condamnations prononcées par les
sentences de 1760, 1757, 1766 et 1772. Celle du 22 juin
1785 n’est pas attaquée; elle est inattaquable aujourd'hui.
C’est ;\ eux de remplir ces condamnations en quittances
ou en deniers. Les arrérages de la rente s’élèvent à plus
de 5,ooo francs; ajoutez-y les intérêts et les frais, vous
aurez un total de plus de 8,000 francs : que l’on juge
donc de la suffisance de la consignation !
ïl est vrai qu'en cause principale, les adversaires ont
demandé et fait dire que mon père représenleroit le livrejournal qu’il a dû tenir pour suppléer aux quittances
adliirécs; ils ont fait dire que si, par l'événement du
compte, il y a déficit dans les offres consignées, les Velay
�seront tenus de le remplir dans la huitaine ; et que s i,
au contraire, il y a de l’excédant, ils le retireront du
bureau de la recette.
•Cette dernière disposition de là sentence dont est appel,
est totalement opposée aux vrais principes. C’est au dé
biteur à faire le compte juste du créancier; celui-ci ne
peut pas être jeté dans les évolutions de la procédure,
pour vérifier si oh lui a offert assez ou trop : c’est au
débiteur à établir, par ses titres et par ses quittances,
qu’il n’a offert et consigné que ce qu’il devoit.
Je n’ai point de journal de recette : c’est à vous à pro
duire vos quittances; Vous devez nous payer le montant
des condamnations prononcées contre vous, en deniers
ou quittances. Vou£
adlnré des quittances; mais (ÎQf&^m.^ensp.ilgG A
part : vous ne voulez pas montrer‘celle? aue vôus avez*.
, ,,
. »-1 r /
i
’
parce quelles contiennent des clauses qui vous sont con
traires : mais les sentences que j’ai vous y forcent. Mais
ce qui vous convainc de mauvaise fo i, ce qui devroit
vous faire rougir, c’est la manière contradictoire dont
vous vous êtes expliqué devant les premiers juges. Dans
une requête du n lévrier 1793, vous avez demandé le
rapport d’un journal, p o u ? ' s u p p l é e r a u x q u i t t a n c e s q u e
t o u s a u r i e z p u a d h i r e r . Vous les avez donc eues, ces
quittances, dès qu’alors vous disiez seulement en avoir
adliiré ? Dans vos exploits des 19 vendémiaire et 3 bru
maire an 3 , vous dites que m o n a i e ù l n e d o w i o i t
ja m a is
de q u itta n c e s , et q u e cela éta it n o to ir e
s u r les
opposition absolue dans ces deux façons de
s exprimer ; elles sont l’ouvrage de la ruse et du men
h e u x . il y a
�songe; et nos juges doivent être bien en garde contre
les assertions de mes adversaires et de leurs adhérens.
Nos juges doivent se renfermer dans la règle; cette règle
est que le débiteur doit payer en deniers ou quittances
valables : mais toujours est-il bien évident, et par les
sentences que j’a i , et par la somme offerte et consignée,
qu’il y a insuffisance de plus de 4,000 francs. Si les ad
versaires soutiennent encore le contraire, ils sont obligés
de le prouver mathématiquement : jusque-là, le mal
jugé des premiers juges est palpable.
GOURBEYRE.
uUf
JHmkÜKj-
A R IOM , de l'im prim erie de L
andrio t
T rib u n a l d ’a p p e l.—
, se u l im prim eur du
An 10.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Douvreleur de Gardelle, Joseph. An 10]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
assignats
bail à rentes
bail emphytéotique
surnoms
contre-révolution
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Joseph Douvreleur de Gardelle, homme de loi, demeurant à Arlanc, fils et héritier universel de défunt Michel Douvreleur de Gardelle, notaire public, appelant ; contre Antoine Velay, cultivateur, habitant du village de Carpatel, mairie d'Arlanc, tant en son nom que comme fils et héritier de défunt Claude Velay, dit le Mensonge ; Antoine Bravard, jardinier, demeurant en la ville d'Arlanc ; et Magdelaine Velay, sa femme, aussi fille et héritière de Claude Velay, intimés.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 10
1714-An 10
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1221
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0712
BCU_Factums_M0231
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53179/BCU_Factums_G1221.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Arlanc (63010)
Capartel (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
bail
bail à rentes
Bail emphytéotique
contre-révolution
surnoms
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53730/BCU_Factums_M0231.pdf
da34ec3e37cd2367e23a1c142ff259bd
PDF Text
Text
MEMOIRE
POUR
DOUV RELEUR DE G À R D E L L E ,
homme de loi, demeurant à A rlane , fils et
- héritier universel de défunt M i c h e l DOU
V RELEUR DE G A R D E L L E , notaire pu-
J
oseph
X) N T R
**r <------ ----- ------
W -
.
^
.
^
A N T O I N E V E L A Y , cultivateur y habitant du
village de Capartel, mairie d’Arla n c tant en
son nom que comme f ils et héritier de défunt
^ S^M
^^trDEV E L A Y , dit le m en so n g eA NTOiNE
B R A V A R D , jardinier, demeurant en la ville
d'A rlanc; et M a g d e l a i n e V E L A Y , sa femme,
aussi. fille et héritière de C l a u d e V E L A Y
,
intimés.
une affaire due au système du papier-m onnoie ! Ce signe a fourni à la famille des V elay des moyens
trop faciles, pour donner à leurs ruses et à leur mau
vaise foi tout l ’ e s s o r qu’ils ont voulu. Depuis le commen
E n c o r e
cement du 18e siècle, cette famille nous devoit une rente
'
A
.
�(2 )
.
foncière , que d’abord elle servit très-m al, et puis qu’elle
ne servit pas du tout. A la fin , mon père obtint une
sentence de résolution du contrat ; il se m it en possession
des biens ; il les afferma à A n toine V e la y , l’un des adver
saires , fils du débiteur de la rente, parce que cet A ntoine
V ela y lui montra de la conduite et une grande envie de
prospérer. L a révolution ven u e, le père et le fils V ela y
se sont coalisés pour tourner contre nous le bienfait de
mon père envers V ela y fils. Les dénonciations, les réclu
sions révolutionnaires ont grandement aidé leurs projets
iniques. M on père a demandé que V elay fils évacuât les
fferfoé»r<x>j V æ ky f i l w & u y ' P r o p r i é taire..,L e*
p ère étr^6k$on^«Sifcuite offert des assig^ ts« fta arJ xi^ l^ t^ )
de la rente : ils les onV ^consignés/ Une •sofitoace -rerïflue
■
>
^
<
au tribunal de district à A m b e r t, le 26 juin 1793 , lui a
donné gain de cause sur ces deux points : j’en demande
la réform ation ; je dois l’obtenir.
F A I T S . .
% * V
Par acte du 17 septembre 1 7 1 4 , Jeanne C o te , veuve
de Jean D o u v re leu r, ma bisaïeule, et Pierre-Joseph D ouvrcleur d e là Barba te , mon grand o n cle, donnèrent en
rente à G régoire et Sébastien V e la y , père et fils, un
m oulin appelé C apartel, et d’autres im m eubles, moyen
nant la prestation annuelle d elà somme de 140 fr. et d’un
cochon, en valeur de 5 fr. le tout payable à la S. M artin.
L e capital de cette rente fut déterminé à la somme de
2,900 francs j elle fut pourtant stipulée non rachetable.
lie contrat contient la clause résolutoire que voici : « $ e
’ y
.
�C3 )
-
« "pourront non plus les acquéreurs arrenter icelle ; et
« f a u t e par eu x de payer ladite rente et de rapporter
« quittances des cens q u i se trouveront asservis, année
« p a r a n n ée, demeure permis auxdits vendeurs de ren« trer dans lesd itsfon d s sans aucune fo r m a lité à ju s -
« tice. »
L e 21 juillet 17 4 4 , il fut passé entre P ierre-Joseph
D ouvreleur de la Barbate et Sébastien V e l a y , l’un des
preneurs, tant en son nom que comme tuteur de ses frères
et sœ urs, un traité par lequel le p rix de l’empli ithéose
fut réduit à la somme de 125 francs, et au co c h o n , en
Valeur de 5 fr. par an. L a 'c a u se de cette réduction
procéda de l’éviction de partie des immeubles compris
t
* au bail de 1714.
1 7 4 4 , il y eut dans la fam ille D o u v re le u r
^‘^
^ ^arrâng e iiie n t, p ar lequ el cette rente fut attribuée à
L y jJ tîo s e p ir D o u v r e le u r de G a r d e lle , m on aïeul.
octobre i y 5o , ce Joseph D ouvreleur de Gardelle
au bailliage d’A riane une sentence contre les des“^-cendans de G régoire et Sébastien V e la y , preneurs; il les
fia*/
condam ner, i° . au payement de la rente de 130 fr.
J744> jusques et compris 1749, avec intérêts ; 20. au
^ » ^ « / ¿ ^ 'a p p o r t des’ quittances des cens ; 3°. au rétablissement des
J ^ ^ £ ^ ^ b â tim e n s en bon état. Il fut dit q u e , faute de c e , le bail
.
à rente seroit résolu.
L e 21 octobre
, ce Joseph D ouvreleur de G ar
delle obtint au même bailliage , contre un autre descen
dant des
une autre sentence portant les mômes
condamnations pour les années 17 5o , jusques et compris
1756 j elle prononça aussi la résolution faute du payement
A 2
�,
{ 4 }
.
des arrérages de la ren te, faute du rapport des quittances
des cens, et faute du rétablissement des bâtimens en bon
état.
•
___
L e 9 octobre 1766, 00 Josepli D ou vreleur de Gardelle
prit une troisième sentence en la même justice, contre
Claude V e la y , pèi’e des adversaires, et contre Sébastien
V elay son frère. P ar cette sentence, le bail à rente de
I 7 I 4? Ie traité d u '21 juillet 1744 , eflessen ten ces.d e
17.50 et 17 5 7 , furent déclarés exécutoires contre e u x ; ils
furent condam nés,
à payer les arrérages de la rente,
depuis 1744 jusqu’en iy 65 inclusivem ent, avec intérêts,
h com pter de la demande; 20. à rapporter les quittances
des cens ; 30. à faire aux,bâtimens les réparations néces
saires pour les mettre en bon état , sinon, et faute d e c e faire dans le m ois, le bail à rente étoit déclaré résolu. . \ >
L e 23 décembre 1772 quatrième sentence, portant
mêmes condam nations, et disposition résolutoire?**'”
Joseph D ouvreleur de Gardelle étant d écéd é, -il »T-nHf
fait entre mon père, son héritier universel, et les autf&î^..
emans , un partage qui donna h mon père la rente dont
il s’agit.
D
1
lie 12 novem bre 1 7 8 4 , mon père fit assigner en lût***”1
sénéchaussée d’Au.vergne Claude Y e la y , A ntoine V elay '/ "
cousin de ce dernier ; A n d ré V e la y , Sébastien V e la y ,
cinquième du n om ; Sébastien V e la y , sixième du nom ;""*
-et Antoinette B œ uf, femme de Jean Grangier ; tous petitsenfans et arrière petits-enfans de G régoire V e la y , pre
neur à rente en 1714*
L e 22 juin 178 5, mon père obtint contre eux , en cette
sénéchaussée, sentence, par laqu elle, i°. le bail de 1714
�. ( 5 )
f
et les autres titres subséquens furent déclarés exécutoires ;
2°. les ¡Velay furent condamnés 'chacunf personnellement
pou r-sa p a rt, e t ’ hypothécairem ent pour le to u t,,.a u
payement des vingtrneuf dernières années de la ren te,
avec intérêts , à compter de la demande. Les Y e la y furent
aussi condamnés à rapporter les»-quittances des cens , çt
à l'emettre les bâtimens en bon 'état;>3°l les sentences de
i y 5 o y . 1 7 5 7 1 7 6 6 et 1 7 7 2 ; fureht aussi déclarées exé
cutoires , et les V elay condamnés à-en »acquitter le m on
tant : faute de payement des arrérages de. la rente,, faute
du rapport des quittances des cens , et faute du rétablis
sement des choses en bon état dans le m ois, le bail à rente
r
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‘V .
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lut déclaré résolu com m e non f a i t * et a v e n u , et il fut
perm is à mon père de rentrer en possession des immeu
bles ar rentés. '
’
Cette sentence fut signifiée aux V e la y , le 25 du même
mois.
L es V elay ne payèrent point les arrérages de la rente ;
ils ne rapportèrent point les quittances des cens ; ils ne
firent aucune réparation aux bâtimens qui étoient dans'
dans un état déplorable : dans cette position , mon père
se détermina à les déposséder.
- y•
^
/
iU U lU Ctv
L e 4 août 178 5 , mon père fit Htfiwiaer la sentence
de résolution ; et le 1 7 , près de deux mois après la signi
fication de cette sentence, il en lit faire aux V elay une nou
velle signification. Il les fit assigner au 19 ,pour être présens
a sa rentrée en possession, et au procès v e r b a l de l’état des
.lieux •, par son exploit il se réserva l’exécution entière
île la sentence du 22 juin p r é c éd e n t.
L e icj il y eut prise de possession pardevant notaire.
�( 6)
.
Claude V e la y , A ntoine V e la y , l’un des adversaires, son
fils; autre A n toine V elay et A n d ré V elay y parurent:
ils répondirent n ’être p oin t surpris de notre tra nsport,
■
(nous rapportons ici le mot à m ot) et n être point à même
présentement de- satisfaire a u x condam nations portées
par ladite sentenceyà aucun égard, et qu'ils ne pouvoient
empêcher la m ise en possession dudit sieu r requéran t,
(>mon pèrè ) / en conséquence-nous avons auxdïis V e la y
présens donné acte de leurs dires et consentement.
Sur c e , mon père prit possession sans q u e , a écrit le
"notaire, personne se so it présenté, pour fo r m e r opposi
tion à la présente possession.
*
‘
') 0
Claude V elay et mon père demandèrent que le notaire
dressât procès verbal de l’état des lieux : le notaire 1-e fit.
Antoine V e la y , l’un des adversaires, pria mon père
de lui affermer les immeubles dont il s’agit. M on père
crut pouvoir prendre confiance dans l’honnêteté du fils;
mon père crut devoir venir au secours de cet homme qui
lu i manifesta le plus ardent désir de bien faire *, mon père
lui afferma ces biens moyennant la somme de i5 o francs
par an , à em ployer d’abord aux réparations des bâtimens
qui en avoiçnt „Le,,plus grand besoin.
. L e 31 août 1792, mon père, mécontent d’Antoine V elay
.fils, le fit citer pour qu’il eût à vider les lieux , et à lui
payer les fermages.
L e lendemain , Claude V ela y père, et Antoine V e la y ,
son fils, firent à mon père des offres de la somme de 4,000 f.
assignats-, savoir, de celle de 2,600 fr. pour le capital de la
•rente, et de celle dp 1,400 f. pour les arrérages, intérêts et
�(7)
.
fra is, ia u fd e suppléer, -parfaire oit recouvrer : ces offres
tendoient au rachat de la rente,
>
1P o u r toute réponse, mon père s’en référa à la citation
de la veille, et demanda copie du procès verbal d’offres.
L e procès verbal fut clos, et on n’en donna pas copie
à mon père.
L e 3 septembre 179 2 , Claude et A n toine V ela y citèrent
m on père sur leur demande en rachat de la rente.
L e ¿14 septembre il y eut deux procès verbaux de
non conciliation entre les V elay et mon p ère; le pre
m ier sur la demande de mon p è r e , et le deuxièm e sur
celle en rachat de la rente par les V elay.
r
A n toin e V ela y ills répondit à la demande de mon
p è re , que lui et Claude V e la y , son p è re , avoient joui
des biens en question, non en ferm e, mais en rente.
M on père répondit au rachat des V e l a ^ ^ j i ï i n’avoit
pas reçu copie de l’acte d’offre ; qu’il ^ rotoetoit^ n son
dire consigné au commencement de ces actes, et qu’il
protestoit de nullité.
L e même jour (4 septem bre), mon père fît assigner
A ntoine V ela y fils, aü tribunal de district à A m b e rt; il
conclut à ce que V ela y fils fût condamné à lui payer,
en deniers ou réparations, sauf vérification , la somme
de i 5o francs par chaque année depuis 1 7 8 5 , pour la
ferme verbale des biens en question. M on père conclut
à ce qu’Antoine V elay fût tenu de vider les lieux dans
la huitaine. Dans le cas où V elay fils dësavoueroit les
conventions verbales sur la ferm e, mon père demanda
subsidiairement que celui-ci fut condiftnné au désistement
�,
( 8 )
_
' ,
, . ■
de ces immeubles , avec-restitution des jouissances, à dire
d’experts, depuis iy 85. • ■
1
J- L e 6jdu .mêiïiQ rmois {septem bre)y -Yelay^ père.et>‘fils
firent assigner, m on pèr.e au m êm e-tribunal, i ° . au 12
de ce mois
en réitération» ; et, consignation
des offres de
. . .
o
la somme de 4,000 francs assignats, toujours avec la'
clause soirf, de suppléer ., parfaire ou recouvrer ; 2°. aux
délais
de 1Tordonriance
en pvalidité de ces, offres'.
,
■y t ‘
|^ J i
^
'
.Le i2^du même m ois, sentence par défaut contre mon
p è r e , 'laquelle d o n n é ’aux V éla y acte décimalisation de
leurs offres1de la somme de 4*000 francs assignats s a u f
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de suppieer, parfaire ou recou vrer, et leur permet de
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J S.'ij'tM' 'mii
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la consigner a jo u r et heure certains \ ( cette sentence
lie'fixe point les’jour et heure)!'
0
* L e 20 du m êm e'm ois, signification de cette sentence à
mon p è re, avec assignation pour le 22 au bureau d e là
1*•
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*
recette.. "/• .
1
. : •
■
Le; 22-du-m êm e mois consignation 'de la somme de
4,000 f. assignats, s a u f de' suppléer,parfaire ou recouvrer.
A n toine V elay défend à la demande de mon père :
comme 011 doit b ie n ‘s’y attendre, il nie la convention
verbale du bail à'ferm e ; il dit qu’il est inconciliable de
con clure, par le même e x p lo it, à l’exécution d’un bail
à ferme et àm n désistement. Il invoque la demande en
rachat de la ren te, et par un trait d’esprit adm irable, il
fait à mon père un crime de repousser des assignats : la
phi*ase d’Antoine V e la y est si heureuse, que l’on me saura1
peuUêlre quelque gré de la publier. M a is la d versa ire,
dit Antoine V e la y , en parlant de mon père , ?ic peut pas
s’expliquer : il lu i "en coûte de recevoir des a ssign a ts,
Aü
�'
(9 )
.
A U L I E U Q ü ’ l L D E V R O I T LES RESPECTER. O u i , s a n sd o u te ,
m on père devoit les respecter ; aussi l’a-t-il fait de ma
nière à ne. pas y tou ch er; mais il a i-especié davantage
sa propriété ; et certes il n’y avoit pas à balancer sur le
choix.
Ces deux demandes respectives furent jointes par une
sentence contradictoire, du i 5 septembre 1792.
A lo rs s’engagea un combat très-vif entre les V elay et
mon père, dont l’objet divers étoit pour les V e la y de'
forcer mon père à se contenter d’assignats pour des valeurs
territoriales, et pour mon père de ravoir la jouissance de
son b'en.
M o n p è r e opposa la sentence de r é so lu tio n et la prise
d e possession de 1 7 8 5 .
M on père opposa le bail verbal fait
îi
Antoine V elay fils.
M o n pè re opposa son in d ictio n au rôle des v i n g t i è m e s ,
au lieu des V e l a y ; in d ic tio n p r o u v é e p a r u n ex trait de
ce r ô le , extrait fo u r n i p a r le c it o y e n L u s s i g n y , c o n t r ô le u r
des v in g tiè m e s (1).
(1) En 178G il cxistoît deux cotes au rôle des communes tl’A rlaric et de Champeaux.
A rt. i 5 a. Claude V e la y , fils de Sébastien , dit le M ensong er,
................................................................................... l6 liv. l 5 S0US.
A rt. i 53 . Annet V elay, dit Cachouille , ci. . 9 liv. 11 sous.
En 1787 ces deux cotes ont été réunies sous l’article 5/¡o, sous
la dénomination suivante :
Claude et Antoine V e la y , le sieur Dottrrelrttr île G ardelle ,
et ai il res actjuereiirs , ou lieu de V eloy-M en son g er, et si^né
ijtissigny.
Appert que pnr r|iiiltance notariée du 29 avril 179$, Michel
Douvreleur a payé lçs vingtièmes de i j 85.
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�M on père opposa le payement des cens faits par lui
aux; fermiers des directes, desquelles relevoient les biens
en question (t).
( i) J’ai reçu du citoyen D ouvreleur de G ardelle la somme de
1,076 liv. qui me sont dues comme devenu propriétaire du moulin
que jouissait Claude V elay et consorts, situé à Capartel, pour
arrérages de cens sur ledit moulin , comme fermier des rentes
des prêtres du bourg d ’Arlanc et de Beaufranchet, conformément
aux obligations , sentence et exploits que j’ai remis audit sieur
D ouvreleur, et le subroge en m on lieu , droit et place, sans autre
garantie que de mes faits et promesses. A A ria n e , le 28 septembre
a s,gné Barthélémy Y a c iiie r.
Appert que par sentence rendue au bailliage d’Arlanc , le 18 août
1790 , Michel Douvreleur de Gardelle, notaire , Claude et Antoine
V elay ont été condamnés solidairement à payer au citoyen de
Merle et à son épouse, ‘alors seigneurs d’Arlanc , les cens y expli
qués pour les années 178 7, 1788 et 1789.
Je soussigné, Jacques Meilhon , fermier de la directe d ’A rla n c ,
reconnois avoir reçu des deniers de M . Michel Douvreleur de Gardelle,
notaire royal à A ria n e, et ce en plusieurs fo is, et en numéraire
m étallique, la somme de 3G2 fr. 17 sous, qui me restoit due, toutes
déductions faites pour les cens assis sur deux moulins et d’autres
fonds situés à C apartel, montant annuellement argent 20 fr. 3 d.
fro m en l, sept quartons quatre coupes et demie un huitième ; seigle,
Üeux quartons deux coupes trois quarts un huitièm e; avoine, deux
coupes un huitième et un seizième ; à raison desquels cens il y avoit
eu des diligences, tant contre ledit sieur Douvreleur de G ardelle,
que contre Claude et Antoine V elay , dit Cavalier, père et fils , et
c.onlre André et Sébastien Velay , frères, lesquelles diligences j’ai
remises audit sieur Douvreleur de Gardelle, le subrogeant en mon
lieu et place, sans garantie, si ce n ’est de mes faits et promesses.
D ans la somme ci-dessus sont compris les intérêts et frais. Fait
le 20 septembre 1791 ,, a signé M eiliion .
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M on père opposa enfin le bail à ferme par lui consenti •
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à A n toine V elay fils; et pour preuve de ce b a il, il articula v;
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le fa it, que cet A ntoine V elay iils a vo it, depuis i y 85 , v-« .*!.^ v W
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joui seul de tous les biens de C ap artel, à l’exclusion de v-.-ci .*%
Claude V elay son père , et des autres V elay compris en
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la sentence du 22 juin 1785.
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M on père soutint qu’il n’y avoit pas lieu au rachat de •k s,
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la rente.
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M on père soutint les offres irrégulières et insuffisantes.
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D e leur côté les V elay attaquèrent la prise de posses
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sion du 19 août 1785. Ils dirent qu’elle étoit nulle ou
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tout au moins inutile : n u lle, pour n’avoir pas été signée
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par e u x , ou pour ne pas contenir la mention qu’ils avoient
■
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été requis de le fa ire , et parce qu’ils supposent qu’il n'y
a eu qu’un témoin signataire : inutile, parce q u e, disent- ils , ils n’ont jamais été dépossédés de fait ; parce que
depuis ils ont continué le payement de la rente; parce que
.
en pareil cas tout est com m inatoire, et qu’ils ont toujciîùV
été à temps de purger la demeure en faisant des offres. „
P o u r juger de la suffisance ou de l’insuffisance des offres,^(
ils ont demandé qu’il soit fait un compte ; ils ont demandé
' -A1
que mon père y rapportât ses titres, même le livre-journal
q u i l a dû tenir p our suppléer a u x quittances qu'i/s ont •
pu adhirer.
U ne sentence par défaut fut rendue contre mon père :
il y forma opposition.
L e 26 juin 1793 intervint au tribunal d’A m b ert sen
tence contradictoire, dont il est important que les juges
supérieurs aient sous les y e u x , et les m otifs, et le dispositif, a .*%«;
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« A tten d u , 1 °. que ledit Claude V ela y a vendu à A n “ V 1 *•
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4 YeMml.* toine V e la y , dit T o in ette, par contrat passé devant R io taire, le 17 novem bre 17 7 8 , deux coupées du
etrde la chenevière appelés la Pradon et la Routisse,
^"!2^#i*c^.^fcrticii{oyennant 24 francs; lesquelles deux coupées de terrain
font partie de dix-sept vingt-quatrièm es, que lesdits Claude
^ ^ ét^ A ntoine V elay ont prétendu leur appartenir dans les
‘^ '^ ^ ^ b ie n s baillés à rente foncière à G régoire et Sébastien
} par Jeanne Cotte et P ierre-J o sep h D o u vreleu r,
iils , par l’acte du 17 septembre 1714*5 lesquelles deux
=v
t -TAtt 3,7 coupées de pré et chenevière ont été revendues audit
ff f i^ ^ ir r D o n v r c le u r et à ses cohéritiers par ledit Antoine V e la y ,
dit T o in ette, moyennant la somme de 48 francs, par acte
k ^ -p a s sé devant ledit R iga u d o n , notaire, le 12 avril 1783:
li
que par l’eilet de ladite vente et reven te, ledit
*)uvreleur est devenu propriétaire desdites deux coupées
terrain , et que la demande en éviction est incontesPour cet o])JcL
’
20. que lesdits Claude et Antoine V elay, père
\/i)
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et iils , possèdent le surplus des dix-sept vingt-quatrièmes
■
jf t avM-Lf ,4r
^^s ùnmeubles , en vertu du bail à rente dudit jour
\éhu/jduA ydLt fa iiç y ! septembre 1714 ? et de l’acte de ratification du 21
fé * 2«*^—»■«
Ilet 1744 ? et que l’acte de possession fait à la requête
y ^ ^ ^ ^ ^ T / i.^ ih u lit D ouvreleur, par le mijiistère de Rigaudon, notaire,
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a£,e C()m,ne auparavant ; ce qui est p ro u v é , soit par les
qu il tances que ledit D ouvreleur leur a données depuis
— ledit acte de prise de possession, soit par leur habitation
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cu conséquence de la sentence de la ciI s é n é c h a u s s é e d’A u v e rg n e , du 22 juin précédent,
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j,’a pas été suivi d’exécution, puisque lesdits Claude et
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Antoine V elay ont continué leur possession depuis ledit
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' ap artel, dans les Lirais sujets à la re n te , soit par la
•rception des loyers,
et revenus desdits moulins
perception
loyei’s, fruits
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fonds
nds d’héritages, soit par le payement de d i f f é r e^ n j
charges , soit par la continuation des cotes d’impositions
faites sous leurs noms ; attendu sur cette question, q u e Océui
•
•
•
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bien que ledit acte de possession ne soit pas nul en la form e^ ™ ^ '
*
p a r le défaut de nombre suffisant de tém oins, pu i squ’ il/?*^ /^ 4 - / y T îÿ^\
contient la dénomination de quatre, dont deux ont signé
•
• • •
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,
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il est insignifiant, comme n’ayant pas opéré la dép ossession ^ <^ 1»lifcr'^-/'<^*'‘j(
réelle; attendu aussi que rien ne prouve qu’il y ait eu d esy ^ ** *
■
conventions nouvelles entre ledit D ouvreleur et l ’un ou
’?il
l’autre desdits V e la y , et que dès-lors il doit demeurer
constant que le titre de leur possession remonte à celui de
-6 .e-.f A t 4 *.
1 7 x 4 ? et qu’il n ’a jamais changé.
« A tten d u , 30. que lesdils Claude et A ntoine V elay ne
.
.
.
,
- c/rt«iy»y »
sont présumés jouir des autres sept vingt-quatrièm es desd.
moulins , bâtiinens et h éritages, que pour et au nom des
enfans et héritiers d’A n n et V e la y , pour lesquels ils nn p
A 9JiY ‘A*J,~
sont ni obligés, ni parties capables de défendre à la d e - ^ w ^ ^
mande en désistement dudit D ouvreleur.
« Attendu , 40. que quoiqu’ il soit de principe que le
droit de racheter la renie dont il s’a g it, accordé par I
loi , ayant passe
passé aux herm
héritiers
ers des premiers q
qui ont suc cédé aux héritages , et qui en sont possesseurs en tout ou
en partie , néanmoins ledit Douvreleur ayan t, par son
écriture du 1 ‘i décembre 170 2, reproché auxdits Claude
et A ntoine V e la y , père et fils, que quand ils auroient
été à temps d’exercer le rachat, il devoit paroitre é t o n - ^
nant qu’ils eussent voulu l’exercer sur la totalité , tandis
c\. /. '¿l.. ^ / / /
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„ qu’ils ne représentoient pas les enfans et héritiers dudit
 n n et V elay , qui en avoient à peu près un tiers avant
îa sentence dudit jour 22 juin 178 5; et lesdits Claude et
A n t o i n e V e l a y a ya n t r é p o n d u , p a r le u r r e q u ê te signifiée
le 11 février 1793 , qu’ils n’avoient offert que ce que ledit
•
D ouvreleur pouvoit exiger d’eux à cause de la solidité ;
^ niais que ledit D ouvreleur ri’avoit qu’à s’expliquer. S’il
„ '
.. ^ouloit diviser sa rente et la dégager de la solidité , ils
^
•
•
•
*
î**’ restraindroient leurs offres aux dix-sept vingt-quatrièmes
r; 4
q u ’ils am endoient, et qu’ils possédoient de leur chef dans
^
Ues héritages baillés à rente; ce que ledit D ouvreleur a
i
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* ................)*
,
v" * ’ ^ ^¿formellement accepté par les conclusions qu’il a prises lors
• ^ .{L^ de .sa plaitlpirie dus20 du présent mois.
<v ' /
\
« Attendu , 5y . q ueïèdit D ouvreleur a soutenu les offres
{ ^ ^ ^ f ^ ' « * ^ i nsuflisantes; qu’il a prétendu que les arrérages, intérêts
frais à lui dûs , et les sommes payées sur les objets qui
(^ # i X g y r é t o i e n t à la charge desdits V e la y , excédoient de beaucoup
les sommes offertes ; que lesdits Claude et A n toine V e la y ,
' ' àe leur p a r t, ont proposé différentes exceptions aux p ré
tentions dudit D ouvreleur , et que la décision de cette
, ^partie de la contestation dépend de l’événement d’un
compte entre les parties, lequel doit être ordonné e
' .v
l’hôtel d’un des juges; et at tendu néanmoins, sur la même
¿ Q
u i uesli on , que ledit D ouvreleur a été mis en demeure de
sa déclaration du montant de la créance , et cjue jus^ ." q u ’au compte les offres, sauf de suppléer, sont valables.
Sur tous ces motifs , après que les parties ont été ouies par
7
l’organe de leurs défenseurs rcspec tifs, a près que les pi èces
............ *
ont été mises entre les mains du^citoyen Guillaum e Pellef,
�( i5 )
qui en a fait son rapport , et qu’il en a été délib éré;
« L e tribunal jugeant en prem ier ressort, a rendu et
prononcé le jugement dont la teneur suit :
« L e tribunal reçoit ledit M ichel D ouvreleur opposant
au jugement par défaut, faute de plaid er, contre lui rendu
le prem ier mai dernier ; ordonne que ledit jugement de
meurera nul et sans effet ; faisant droit sur la demande en
désistement formée par ledit D ou vreleur , contre ledit
A n toine V e la y , fils de Claude, par exploit d u 4 septembre
179 2 , et sur la demande en validité et suffisance d’offres
form ée par lesdits Claude et A ntoin e V e la y , père et fils,
contre ledit D ouvreleur , par exploit du 6 du même mois
de septem bre, laquelle a été jointe à celle en désistement
par celle du 21 novem bre suivant; condamiie lesdits Claude
et Antoine V e la y , pèi*e et fils, à se désister en faveur
dudit D ouvreleur des deux coupées de pré et clienevière,
mentionnées aux deux contrats de vente et de revente desd.
jours 17 novem bre 177 8 , et 12 avril 1 7 8 3 , à rendre et
restituer audit D ouvreleur les jouissances par eux perçues
sur lesdites deux coupées de terrain , depuis et compris
l ’année 1786, jusqu’au désistement , suivant l’estimation
qui en sera faite par experts, dont les parties convien
dront devant un des juges du tribunal, dans la huitaine, à
com pter de la signification à personne ou d o m icile, du
présent jugem ent, ou qui seront par lui pris ou nommés
d’office , même un tiers-expert, s’il y échet, aux intérêts
du montant desdiles jouissances ; sa v o ir, pour celles per
çues avant la dem ande, à compter du jour d’icelle ; et'
pour les postérieures , à compter de chaque p ercep tion ,
jusqu’au payement.
�.
(i6)
.
.
« E t pour ce qui concerne le surplus des dix-sept vin gtquatrièmes desdits moulins , bàtimens et héritages , le tri
bunal débouté ledit D ouvreleur de sa demande en désis
tement.
« E t à l’égard des sept vingt - quatrièmes que lesdits
A ntoine et Claude V elay sont réputés jouir ponr et au
nom des enfans et héritiers d’ Annet Velay-, le tribunal
déboute aussi ledit D ouvreleur de sa demande en désis
tement à cet égard, sauf à lui à se pourvoir contre lesdits
héritiers d’A nnet V e la y , à raison desdits sept vingt-qua
trièm es, ainsi qu’il avisera.
« En ce qui concerne les offres faites par lesdits Claude
et Antoine V ela y, père et iils , le tribunal les autorise à
retirer des mains du receveur des consignations près du
tribunal, sept vin gt-q u atrièm es de la somme de deux
m ille six cents livres offerte pour le rachat du principal
de ladite rente, d’une part, et sept vingt-quatrièmes aussi
cle la somme de quatorze cents livres , offerte pour les
arrérages de ladite rente , intérêts, frais et dépens ; ce qui
réduit la somme consignée à deux m ille huit cent trentetrois livres six sous huit deniers; sa v o ir, dix-huit cent
q uaran te-un e livres treize sous quatre deniers pour les
dix-sept vingt-quatrièmes dont lesdits V elay sont tenus
dans le capital de ladite rente, et neuf cent quatre-vingtonze livres treize sous quatre deniers pour les sept vin gtquatrièmes des arrérages de ladite rente, intérêts, frais
et dépens.
« Déclare les offres desdils V elay , ainsi réduites, bon
nes , val ailles et suilisanles pour les dix-sept vingt-qua
trièmes du capital de ladite rente qui étoientà leur charge,
comme
�( r7 )
_
comme étant lesdites offres conformes à la disposition des
art. II et X I V de la loi du 29 décembre 1790.
« D éclare aussi les offres desdits Claude et A n to in e
V e la y faites sauf de suppléer , parfaire ou recou vrer,
bonnes et valables pour les dix-sept vingt-quatrièm es des
arrérages de ladite rente et des in térêts, frais et dépens i
et pour .en déterminer la suffisance ou l’insuffisance , or
donne que dans la huitaine, à com pter de la signification
du présent jugem ent, à personne ou à domicile , les pay<",*
ties se retireront devant un des juges du trib u n a l, pouiwii*$2^ ->»^*0pr
être procédé à un compte desdits arrérages, intérêts, *'■ V .À C
frais et dépens, lors duquel compte lesdits C l a u d e T e t i - ' w V
A n to in e V ela y rapporteront leurs quittances , et ledit
^ ^ * **
D ou vreleur sera tenu de rapporter tous ses titres, pièces
et procédures, même le liv re- jo u r n a l qu i l a dû tenir
\pour suppléer au rapport des quittances q u i pourraient
étrc adhirées ,• et s i après Tévénement dudit compte il
se trouve un d éjicit auxdites offres, lesdits Claude et A n
toine V ela y f père e t f ils , seront tenus de le rem plir dans
la huitaine précise après ledit com pte, aux peines de
d roit; et si au contraire il se trouve de l’excédant, ils sont
autorisés à le retirer des mains du receveur des consigna
tions.
« Ordonne que dans la huitaine après que le compte
ci-dessus ordonné aura été fa it, et qu’il sera établi que
ledit D ouvreleur a été entièrement satisfait des dix-sept
vingt-quatrièm es à la charge desdits C la u d e et A ntoin e
V ela y dans le principal de la rente dont il s’a g it, ainsi
que dans les arrérages , intérêts , frais et dépens , ledit
D ouvreleur sera tenu de leur rem ettre, s’ils le requièrent,
C
’
*
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.
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.
et à leurs frais, les extraits de tous les titres, pièces et procédnres qu’il a en son pouvoir , relatifs à ladite rente en
p rin cip al, arrérages, intérêts et dépens, et qu’il sera pa
reillement tenu de consentir à leur profit quittance du
rachat et du payement dudit capital, et desdits arréi’ages,
intérêts et dépens •, sinon et faute de ce faire dans ledit
d é la i, et icelui passé , le tribunal ordonne que le présent
, i
jugement tiendra lieu de ladite quittance. Sur le surplus
demandes , fins et conclusions des parties, le tribunal
met hors de cause et de procès ; condamne ledit D ou_ r
.yreleur aux trois quarts des dépens envers lesdits Claude
^ ^ - ^ ^ ¿ ♦ / ÿ l^ e ^ în to in c Y e la y , à com pter depuis la signification de
l ’acte de consignation exclusivem ent, suivant la taxe qui
\
3
en sera faite en la manière ordinaire ; compense l’autre
quart desdits dépens , et condamne ledit D ouvreleur à la
totalité des tbds.^expédition cl'iL-Présent ju^emen.L, aussi
suivant la taxe; le tout fait et ju g é , etc. »
L e 6 juillet suivant, mon père appela de cette sentence :
cet appel fut porté au tribunal de Brioude.
M ou père et moi avion s, avant la révolu tion , la con
fiance du seigneur d’Ariane. Ici je dois publier que nous
avons toujours eu en horreur ces faits qui ont désolé la
France ; j’ai osé le dire : itidè iras. Nous avons été en
butte à la tourmente révolutionnaire : j’ai été reclus jus
qu’après le 9 thermidor. L e chagrin m ’a enlevé mon
p è re ; il est m ort le 17 janvier 1 7 9 4 .
Les V ela y ont poursuivi sur l’ap p el, contre Jean
Joseph D o u vreleu r, mon frère, et contre Jeannc-M arie
et Julie D ouvreleur, mes sœurs, qui n’a voient à me de
mander qu’une légitim e. C e u x - c i , cités au bureau de
�.
.
( r9 )
#
p a i x , avoient beau d ire , en germ inal an 2 , que les
papiers étoient sous les scellés ( le moyen d’en avoir la
rém otion ! j ’étois sous les verroux forgés par les auteurs de la loi du 17 septembre 1793 ) , les V elay n’en furent
que plus ardens : il leur étoit si facile de combattre des
personnes sans défense !
A in si donc les V ela y m ’ont mis de c ô t é , quoique je
fusse la partie p rin cip ale, la partie la plus intéressée,
comme héritier universel; ils n’ont agi que contre mon
frère et mes sœurs : la reprise d’instance a été ordonnée
avec e u x , par un jugement du 8 messidor an 2.
E n fin , la cause portée à l’audience du 4 vendém iaire
an 3 , époque si voisine du 9 th erm id o r, dont à Brioude
on n’a voit pas encore x'essenti les effets; la cause, dis-je,
portée à l’audience entre les V e la y , d’une part; Jeanne
M arie D ouvreleur, son m ari, et Jean-Josepli D ouvreleur,
d’autre part; ma sœur et mon frère, sans papiers aucuns,
furent hors d’état de se défendre utilement ; aussi y eut-il
un jugement confirmatif de la sentence d’A m bert : mais
heureusement Julie D o u v re le u r, mon autre sœ ur, n’est
point partie dans ce jugem ent; je n’y suis pas p lu s; les
choses sont donc encore entières à cet égard.
I<e 19 du même mois (vendém iaire an 3 ), les V elay,
armés de ce jugem ent, firent assigner au tribunal d’A m
bert J e a n n e-M a rie D o u v re le u r, mon frère, et Julie
D ou vreleur (n o n partie dans ce ju g em e n t), pour être
procédé au compte ordonné par la sentence du 26 juin
J793 ; ils demandèrent le î-apport de nos titres, et no
tamment du journal de notre aïeul et de notre p è r e ,
pour suppléer a u x qu itta n ces, a tten d u , disent-ils , que
C a
�D o u v releu r, a ïe u l, n e n donnait p o in t, a in si qu il est
notoire sur les lieu x.
L e 3 brumaire an 3 , nouvelle assignation par les V elay
à mon frère et à mes sœ urs, toujours pour ce com p te,
toujours demande en rapport des livres-jo u m a u x, et
toujours attendu que D o u v r e le u r , a ïe u l, ne donnoii
ja m a is de quittance.
L e 26 du même mois ( brum aire an 3 ) , ti’oisième
assignation à mon fr è r e , à mes sœ urs, et enfin à m oi
( contre lequel il n’y avoit pas encore de jugement coniirm atif de la sentence du 26 juin 1*793, avec lequel les
choses étoient toujours en état d ’appel de cette sentence ),
pour vo ir adjuger les conclusions ci-devant prises.
L e 22 frim aire suivant ( an 3 ) , sentence par défaut
nous tous : cette sentence oi-donne que les pièces
"seront mises es mains d’un des ju ges, et que nous y
j0iuj r0ns particulièrem ent le journal supposé tenu par
notre père.
T ro is assignations ont suivi cette sentence. J ’ignore ce
que les V elay ont fait depuis; mais je proteste contre
tout ce qui nuiroit à mes intérêts : quand on in’en aura
donné cennoissance, je me pourvoirai.
Ceux qui ont étudié les révolutions, se sont convaincus
de cette très-grande vérité , que l’homme sage doit s’at
tacher principalement à gagner du temps, parce que le
temps est le prem ier maître : par lu i, les idées extra
vagantes sont chassées; la raison reparoîl sur l’ horizon;
elle éclaire les torts de la majorité ; l’on revient au point
de départ.
A in s i, j’ai dû gagner et j’ai gagné du temps. En atten-
�( 21 )
.
.
clant, les' orages se sont dissipés ; j’ai vu l ’ordrè renaître :
des tribunaux d’appel ont été créés; j’ai senti renaître
aussi la confiance ; j’ai i’epris au lieu et place de m on
p è r e , sur son appel du 6 juillet 179 3, de la sentence
d’A m b e rt, du 26 juin précédent. Claude Y e la y , pèi’e ,
est m ort ; j’ai assigné ses héritiers en reprise d’instance.
L a procédure est en règle ; et je vais démontrer le mal
jugé de la sentence dont est appel : je ne m ’occuperai
pas de tout ce qui a été fait à A m b e r t, depuis le juge
m ent rendu à Brioude, le 4 vendém iaire an 3 ; je m ’at
tacherai à la sentence du 26 ju in , parce qu’en la faisant
•anéantir, tout ce qui a suivi aura le môme sort.
D I S C U S S I O N .
L a cause a deux objets : le p rem ier, est dans la de
mande de mon père contre A ntoine V elay fils; le second,
est dans celle en rachat de la rente , form ée par les V elay
contre- m on père. Je vais discuter ces deux objets sépa
rément.
§.I.
Cette partie de la cause présente la question principale
de savoir si, après la sentence du ¿«»juin 1786, et la prise
de possession du 19 août suivant, les V elay ont dû être
considérés encore comme propriétaires des biens arrentés
en 1714.
Ici le contrai: de 1714 contient le pacte commissoire le
plus lormel. Il y est stipulé q u e, faute du payement de
la rente et du rapport des quittances des cens, le bailleur
�(2 2 )
^
auroit le droit de rentrer en jouissance des im m eubles,
sans aucune fo r m a lité à justice.
Ici il paroît, par les sentences de i y 5o , 17^ 7, 1766 et
1 7 7 2 , que les V elay étoient d’âge en âge dans l’habitude
de ne point .payer la rente, de ne pas acquitter les cens,
et de laisser les immeubles en très-mauvais état. Il paroît
qu’à chacune de ces époques mon aieul avoit été obligé
d’obtenir des condamnations à payement, ou la résolution
du bail à rente.
E n fin , en 1784 mon père fut contraint d’em ployer les
mêmes voies rigoureuses contre les V elay. E n 1785 il les
fit condamner r i° . au payement des arrérages des vingtneuf dernières années antérieures ; 2.0 au payement du
montant des condamnations portées par les sentences
de i j 5o , 176 7, 1766 et 1772. Il obtint contr’eux la réso
lution du bail à ren te, faute de payement dans le m ois,
à compter de la signification de la sentence; cette sentence
a été signifiée, et point de payement dans le mois. Aj>ors
mon père a dépossédé les V e la y ; il a fait Mi&'inor la
sentence de résolution ; il a pris possession civile et régu
liè r e , le 19 août 1785. La résolution du bail a été par
faite; il a été ensuite imposé au rôle des vingtièm es; il
a payé les cens postérieurs à sa mise en possession, même
les antérieurs, ceu^rA?tant à la charge des V elay. Il a
affermé verbalement les mêmes biens à Antoine V elay (ils,
qui n’a voit jamais été possesseur des biens arrentés; et
Antoine Velay fils en a joui seul depuis.
Suivant l’ancien d r o it, suivant la loi 2 , au code de
jure em p hileu tico, le pacte comrnissoire devoit être suivi
à la lettre; s’il étoit convenu qu’à défaut, de payem ent,
�( 23 )
le bailleur rentreroit dans son fonds , le cas arrivé , il
pou voit de sa propre autorité expulser le preneur, faute
du payement d’une année. In em phiteuticis contractibus
sa n cirn us, s i quidem aliquœ pactiones in em pliiteuticis
in s tr u m e n tis f u e r in t conscriptœ , easdem et in omnibus
a i iis capitulis obserça ri, et de rejectione ejus q u i emphiteusïm su scep it, si solitam pensionern, vel publicarum
J'unctionum apochcts non prcestiterit.
S’il n’y en avoit point de stipulation , il falloit alors
une cessation de payement pendant 3 ans. S i per totum
tnenniitrn , neque pecunias so lv e r it, 71eque apochas
domino tributorutn reddiderit.
Dans les deux cas de stipulation o u d ê non stipulation,
le maître du fonds pouvoit évincer le preneur à rente :
P ü te st do m inus proprid auctoritate citraque rninislcr i uni ju d icis expellere.
Notre droit français a tem péré cette rigueur. L a juris
prudence a voulu qu’il y eût non seulement arrérages de
la rente, mais encore jugement de résolution. M orn ac,
sur la loi 2 précitée , dit : Legem com m issoriam 7ion
obtinere in G a lliâ , nisi post acception judicium . La
raison en est écrite dans la police attachée aux bons gouvernemens. C lan auteni invisuni n il m a gis apud n o s ,
quàtn s i quis v i auctoritnteque propriâ sib i ju s d ixen t.
L a jurisprudence française est allée plus lo in ; elle a
exigé que la dépossession du débiteur de la rente fût
constatée par un acte authentique. E lle a exigé de la part
du bailleur un acte de possession civile.
Quand il y a une sentence de résolu tion , quand elle
est suivie de possession c iv ile , tout est fini : il n’y a plus
i
�(2 V .
.
de contrat de rente. L e propriétaire de la rente, qui aupa
ravant n’avoit sur le fonds que la propriété directe, en
reprend la propriété utile. E lle est incommutable dans ses
mains. Il n’y a plus aucun retour en faveur du débiteur.
A u tre fo is, en la sénéchaussée d’A u v e rg n e , on exigeoit
deux sentences pour opérer irrévocablem ent la résolu
tion de l’empliitéose : la prem ière disoit que le débiteur
pnyeroit dans; et la seconde prononçoit la résolution.
M . C habrol, tom. HE, page 7 4 , dit qu’après cette der
nière sentence, la chose étoit sans retou r; il ajoute, et
nous avons vu de nos jours qu’il sufïit d’une sentence ,
et que le débiteur qui laisse passer le délai cle grâce sans
p a y e r, et quand il y a acte de possession, est déchu pour
toujours.
■y<
Il
est certain , en point de d ro it, qu’en vente d’im
m eubles, la possession civile du fonds est le complément
du contrat; si le vendeur aliénoit le fonds à un autre,
celui qui auroit la possession civile auroit la préférence.
P ar parité de raisons, le créancier de la rente, qui a ■
obtenu la résolution du contrat, qui a poursuivi l’exé
cution de sa sentence, qui a pris possession civile du
fonds , a mis le dernier sceau à la résolution ; elle est sans
aucun retour pour le débiteur de la rente; c e lu i-c i en
est expulsé pour jamais. P o th ier, au contrat de bail à
ren te, chap. 111, art. I I , §• I , n. 4 0 , dit : jip r è s que
l'arrêt (1) a été e x é c u té , et que le bailleur est rentré
(1) L a sentence de résolution, du 33 juin i 785 , inc vaut arrêt;
elle a acquis la force de chose jugée; il n y on a point d’appel :
les Velay y ont acquiescé par leurs d ires, u la possession civile
du 19 août 1785.
�( 25 )
_
en -possession de Théritage , il ne seroit plus temps
d'offrir le payem ent des arrérages. S’il y avoit auparavant
un contrat, il est effacé.
. '
Les adversaires diront ici, comme devant les premiers
juges , i° . que la possession du 19 août 1785 , n’est point
régulière; 20. qu’elle n’a eu aucun effet, puisqu’ils n’ont
pas discontinué de jouir, et-que depuis, mon père a éga
lement perçu la rente. Ils citeront encore une sentence
rendue en 1 7 7 2 , en la sénéchaussée d’A u v e rg n e , au
rapport de M . Vissac.
i ° . L a signature des V elay n’étoit pas nécessaire à la
prise de possession du 19 août 1786; il n’étoit pas plus
nécessaire d’y insérer la mention que le notaire la leur
avoit demandée. Il s’agissoit ici d’un acte judiciaire, d’un
acte fo r c é , et en pareil cas on n’a pas besoin ni du con
sentement , -ni du seing de la partie condamnée. M on
père avoit une sentence de résolution ; il en poursuivoit
l’exécution ; pour cela il lui falloit seulement un notaire
et deux tém oins, pour constater sa rentrée en possession;
d’ailleurs le notaire a terminé son acte par ces mois :
L esd its V ela y n ’ont rien voulu signer. CeLte relation
prouve suffisamment ; elle prouve que le notaire leur a
demandé s’ils vouloient sig n er, et qu’ils ont répondu
négativement : la réponse signifie l’interpellation préa
lable , et le vœu de la loi est rempli.
I<e notaire qui a rédigé l’acte de possession, étoit as
sisté de quatre témoins; deux ont signé : c’en est assez
suivant la loi. A u reste, les premiers juges l’ont décidé
ainsi, dans ia sentence dont est appel : les adversaires
1
D
�. . ,
(2<s )
.
.
ont signifié cette sentence sans protestation ; ce point est
donc terminé irrévocablem ent.
2°. Les V ela y ont été dépossédés de fait et de droit; ils
l ’ont été de fait par la prise de possession, du 19 août i j 85.
Cette prise est certainement un fait extérieur, un fait
très-positif : par le procès verbal , il est bien constant,
en f a it, que mon père s’est transporté sur les lie u x , et
qu’il y a fait toutes les démonstrations propres à mani
fester sa volonté bien form elle de rentrer en jouissance de
ses biens. Ceci caractérise parfaitement une dépossession
de fait de sa p art, contre les V elay.
c
Les V e la y , débiteurs de la ren te, ont été dépossédés
en ré a lité , puisque depuis le 19 août 17 8 5 , ce ne sont
plus tous les V ela y réunis qui ont jo u i, c’a été A ntoine
V ela y fils, seu l, tant de la portion de Claude V e la y ,
son p è r e , que de celle appartenant aux descendans
d’A n n et V ela y : cet A n toin e V elay fils ne l’a fait ainsi
qu’en vertu du bail verbal que lui avoit consenti mon
père.
N ’aurois-je pour moi que ma possession civile du 19
août 178 6; elle me su lfiro it, parce q u e, appuyée sur la
sentence de resolution , elle auroit opéré la destruction
totale du bail à rente. Personne ne peut me contester q u e,
aussitôt la clôture de ce procès v e rb a l, le bail à rente a
cessé d’exister. D ès cet instant, il a été comme non f a i t
et avenu ; ( la sentence du 22 juin le prononce ainsi : elle
a force de la chose jugée. ) M on père avoit acquitté le
droit de transmission ; il avoit fait insinuer sa sentence de
ïésoliuiou ; il étoit propriétaire incommutablc. Les V e la y
�.
( 27 ^
. .
avoient cessé de l’être ; la sentence et la possession civile
réunies, valoient contre eux tout autant que s’ils avoient
consenti pardevant notaire un acte de résolution du bail
à rente ; s’ils avoient passé cet acte vo lo n taire, ils n’auroient pas pu se prétendre encore propriétaires sans un
nouvel acte de transmission de la part de mon père. Ici
il y a même raison : il faut donc juger de même. Réso
lution complète opérée en faveur de mon p è r e , et par
la sentence, et par l’acte de possession. P oint de nouvel
acte de transmission de la part de tnon père en faveur des
V e la y ; point d’acte destructif de la résolution devenue
parfaite : par conséquent, les V ela y ne sont pas redevenus
propriétaires.
Les adversaires répéteront-ils >que m algré la possession
du 19 août 178 5, tout étoit encore comminatoire ; que
depuis, mon père a reçu des à-com pte sur la rente, et
qu’ainsi il a renoncé à la résolution.
E n jurisprudence, l’on tient qu’une renonciation à un
droit acquis doit être form elle ; ce seroit une e rre u r, que
vouloir l’établir par des inductions : il la faut expresse, ou
il n’y en a point.
O r , je défie mes adversaires de rapporter aucun acte où;
mon père ait renoncé au bénéfice de la résolution pro
noncée par la sentence du 22 juin 178 5 , et assuré par la
possession du 19 août suivant.
E n cause principale , les adversaires ont donné copie
des quatre quittances fournies par mon père les 9 avril
178 8 , 24 mars 178 9 , 17 mars 1790? et 10 avril I 7 9 ï.
En cause d’appel mon conseil, mon défenseur a pris com
munication de leur dossier ; il y a trouvé seize quittances
•
D 2
�(-* 8 )
ou notes qu’ils ont envoyées à leur défenseur, sans doute
pour établir leur libération des.arrérages de la rente. Je
ne parlerai que de celles qui sont postérieures au 19 août
1785 : je vais les analyser.
Il
en est une du 16 janvier 178 6; elle est fournie par
mon père à Claude et A ntoine V ela y ; elle est de la somme
de 96 fr. à compte des arrérages de rente q u i nie sont
dûs, y est-il d it , et prem ièrem ent sur les intérêts et f r a i s ,
et sans préjudice à la so lid a rité , à Texécution parée de
la sentence du 2 2 ju in i j 85 , à la possession du 19 août
1785 , et a u x jouissances à venir.
U ne seconde, du 13 mars 17 8 7 , est de la somme de
114 fr. à compte des arrérages de rente d û s, avec la
clause, sans préjudice du surplus et de tous autres droits
que je me réserve expressément.
C elledu 9 avril 1788 renferme encorcla clause, à im puter
prem ièrem ent sur les intérêts et f r a i s , et sans me f a i r e
préjudice à tous mes droits , sentences et diligences,
Teffet desquels je me ' réserve expressément.
M ôm e réserve dans celle du 24 mars 1789.
Celles des 17 mars 179 0 , et 10 avril 1791 contiennent
seulement Vimputation etabord su r les intérêts et fra is.
D e tout ceci l’on ne peut raisonnablement conclure
une renonciation de la part de mon père à la résolution
du bail <\ rente. D ’une part, il n’y a pas renonciation for
m elle; d’un autre côté, il n’y en a pas même une im plicite,
puisque par la quittance du 16
1786 mon père
s’est réservé la possession du 19 rmtrs 1786, et même les
jouissances à venir. .l?*ïr ces jouissances à venir il faut
entendre celles qu’Antoine V elay fils leroit en vertu de
�( 29 )
t
_
la ferme verbale. Il ne sauroit y en avoir d’autre sens bien
juste.
■
i
...... • -, ; .
lies réserves apposées dans les quittances postérieures
embrassent tous les droits de mon père. Elles se réfèrent
à celle du 1 6 janvier 1786. Elles sont clairement expliquées
par celle-là, et en somme il faut dire que non seulement
mon père n’a pas formellement renoncé -, mais qu’il a tenu
constamment- à la résolution, à sa prise de possession.
lia sentence rendue en 1 7 7 2 , au rapport de M . Vissac,
en la sénéchaussée d’A u v e rg n e , ne fait pas préjugé pour
les adversaires : elle est contr’eux. E n effet, M . C h ab ro l,
qui la c ite , tome 3, page 7 5 , en son commentaire sur la
coutume d’Auvergne-, tit. 2 1 , art. III, après avoir posé les
principes exacts sur la m atière, dit : « Il a été ju g é , en
« 1 7 7 2 , au rapport de M . V issa c , contre M . D e ja x ,
y avocat à Brioude , que le débiteur contre lequel il avoit
« été prononcé une sentence de résolution, avoit pu ï é « parer sa demeure pu* des offres : mais des circonsv tances particulières avoient donné lieu à ce jugement :
« le sieur JDejax n avoit pas pris possession des héri*« toges , et il avoit reçu volontairem ent les arrérages
« antérieurs à la sentence ».
Ici il n’y a pas identité d’espèces. M on père a pris
possession. L e m ais de M . Chabrol signifie bien claire
ment que si le sieur D ejax avoit mis le sceau à la résolu
tio n , en prenant possession, la sénéchaussée d’A uvergn e
auroit jugé tout autrement. Elle auroit été obligée de
juger que la résolution’ étant parfaite par la possession,
le débiteur de la rente étoit déchu pour toujours.
Toutes les ibis que le “bailleur obtient la résolution du
�.
( 3o )
contrat, le preneur n’en est pas quitte par la perte du
fonds :,il doit encore les arrérages antérieurs à la réso
lution ; il faut qu’il les paye ; et le b ailleu r, en les recevant
après la sentence, après sa mise en possession, ne renonce
pas pour cela à sa propriété du fonds. E n reprenant son
fonds , il ne. prend qu’une portion de la chose qui lui
revient : en touchant les arrérages il perçoit l’autre. M ais
cette autre n’est pas destructive de la prem ière ; le fonds
lui demeure toujours.
I c i , qu’a fait mon père ? Il a reçu à compte des arré
rages, intérêts et frais qui lui étoient dûs. Il a fait chose
légitim e. M ais il n’a pas r e n o n c é à la r é so lu tio n ; il a au
contraire fait réservé de ses droits. Il s’est r é se rv é expres
sément la sentence de résolution et la possession.
L es adversaires rep ro d u iro ien t-ils sur la scène le
m oyen qu’en cause principale ils avoient tiré des con
clusions prises par m on père? D iront-ils qu’il est incon
ciliable de demander tout à la fois l’exécution d’un bail
'
<
f
à ferme verbal d’un bien , et le désistement du même
bien ?
iñ.
M ais , qu’on neyÉ^Tméprenne pas sur la con textu re,
sur la substance de ces conclusions. Elles sont très-conci
liables; elles sont très-bien appropriées à la position des
parties. J e vais même jusqu’à dire qu’elles sont alors
d ’usage.
E n eifet, mon père avoit affermé verbalement. Il de
mande qu’on lui paye les ferm ages, et qu’on vide les lieux.
M ais il n’a point de titre écrit pour constater la ferme.
Si Antoine V ela y fils nie la convention, m onp ère ne peut
eu faire la preuve testimonia l e , parce que l’objet est en
�C 31 )
.
^
^
Valeur de plus de 100 francs. Mais alors il a un titre dans
la jouissance faite publiquement par cet A n toine V elay.
Celui-ci est détenteur du bien de mon père : il faut bien
l ’en so rtir, et pour cela il n’y avoit que la voie du désis
.
tement.
.
.
E n cet état de choses, mon père a dem andé, i ° . dans
le sens de l ’aveu du bail verbal 3 qu’A ntoine V elay eût
à vider les lie u x , et à lui payer les fermages ; 2°. en cas
de déni de la ferme verbale, et subsidiairement seulement,
qu’A ntoine V elay fût condamné’à se désister, et à rendre
compte des jouissances, suivant l’estimation par experts.
M ais il est très-clair que les conclusions subsidiaires, néces
saires dans les circonstances, n’étoient pas exclusives des
conclu sions p rincipales.
J ’en ai dit assez, je crois, sur cette prem ière partie de
ma cause : mes moyens me paroissent victorieux ; en les
comparant avec la première disposition de la sentence
dont est app el, il est très-clair que les premiers juges ont
erré en ne condamnant pas Antoine V ela y à vider les lieu x
et à payer les fermages sur le taux de i 5o francs par an ,
ou à payer les jouissances de notre b ien , suivant l’esti
mation par experts.
4
*
a
Je ne vais traiter que très-subsidiairement la partie
•
relative au rachat de la rente.
Il
seroit inutile d’exam iner, s’il y avoit oü non lieu au
l’achat de la rente : cette question est subordonnée au sort
de la prem ière, que je viens de développer \ si sur la pre-
À
�,
. ^ 32
-, .
•
,
m ière, il est jugé que je suis propriétaire, mes juges n’au
ront que faire de descendre à la seconde.
A in si donc, je dirai seulement à toutes fins, et'parce que
nous sommes en tribunal souverain; je dirai que le procès
verbal d’offres du prem ier septembre 1792 est nul', parce
qu’on n’en laissa point copie à mon père ; il demanda,
cette copiç, parce que l’ordonnance de iô ô y l’exige, à peine
de nullité. Les notaires, comme les huissiers , peuvent
bien faire des actes d’offres ; mais ces actes alors ne font
que remplacer ceux des huissiers ; par cette raison , ils
sont soumis-ci- la même règle ( l ’ o r d o n n a n ce de 16 6 7 \
. . ¡''u,«..;,:
■
in 1
.
' '
L ’acte d’offres est ici la base de l’édifice : s’il est nul ; tout
.
-' V * ' î * .
ce qui a suivi l’eSt aussi.
■ Je dirai que.dans l’exploit d’assignation du 4 septembre
179 2, et'dans la signification du jugement ordonnant la
consignation, il n’est pas dit à qui les copies de ces exploits
ont été laissées : autre moyen de n u llité, suivant l’art. III
du tit, II de l’ordonnance de 1667 ( 1 ) .
Je dirai que les délais de l’ordonnance sont de ri
gueur , et pour le défendeur ; il n’est donné de les abréger
que par une permission de la justice, et dans les cas urgens.
t■ r d o ,fl^fb^é^latic^ : du ^premier se]>jo
téinbre^Y^^^n 12-dumôm e m ois, jour tÎu jug£irven| cjuj N
a ordonné la consignation, il n’y ¿1. qu’un intervalle de .dix.,
jours francs , et il en falloit vingt-sept, avant qu’011 pût
donner défaut contre mon père.
Pour ne pas ennuyer davantage par cette discussion
( I ) Sera fait mention en l’ original [et en la copie, des pet'sonnes auxquelles ils auront été laisses, a peine de nullité.
sèche
�,
C 33 )
sèche sur la form e, je terminerai par dire que les offres
des V elay sont insuffisantes d’abord suivant eux , et puis
bien davantage dans la réalité.
Leurs offres faites à domicile sont du prem ier septembre
1792; elles sont de la somme de 4,000 fr. assignats pour
capital de la rente , arrérages, intérêts et frais. Il les
ont réalisées le 12 du même mois , et consignées le 22 :
mais ils n’ont réalisé et consigné que 4,000.
E n point de d ro it, le débiteur n’est libéré que , ou par
une quittance finale de la part du créan cier, ou par une
quittance du receveur des consignations, et à l’instant de
la quittance. Jusqu’à cet instant l’intérêt court, si la créance
en porte : cela posé, les V ela y auroient dû consigner l’in
térêt co u ru , depuis le prem ier septembre 179 2, jour des
offres, jusqu’à la consignation : ne l’ayant pas fait, il y
auroit insuffisance dans la consignation, et nullité dans
tout ce qui a suivi.
Les adversaires voudroient-ils soutenir que la somme
de 4,000 francs étoit plus que suffisante? mais alors leur
consignation seroit encore vicieuse : les offres et la con
signation sont faites avec la clause , S a u f de suppléer,
parfaire ou recouvrer. Un débiteur doit faire l’appoint
du créancier ; il ne doit offrir ni plus ni moins que ce
qu’il d o it; il faut que l’affaire finisse là; il ne lui est pas
permis d’exposer le créancier à une action en restitution.
U ne pareille faute a fait annuller nombre de cons'gnations en papier-monnoie : les registres du tribunal civil
du P u y - d e - D ô m e , sont pleins de jugemens sur cette
matière.
A in si je dis aux V ela y : O u vous m’avez offert le preE
�.
( 34 )
.
, . *
m ier septembre 179 2, rigoureusement ce qui m’ étoit dû.
alors, ou vous m ’avez offert plus; dans le prem ier casr
votre consignation est insuffisante, puisque vous n’y avez
pas ajouté l’intérêt couru depuis le prem ier septembre jus
q u ’au 23 ; dans le second cas, j’aurois eu raison de ne
pas accepter, puisque vous m’auriez exposé à une action
en resti tution , en m ’induisant à prendre plus qu’il ne
m ’étoit dû.
‘
Mais ce n’est pas tout. Dans la réalité , il étoit dû
beaucoup plus le prem ier septembre 1792 : les V ela y
dévoient, 1». le principal de la rente; 20. les arrérages
adjugés par les sentences de 1760, 1 7 5 7 , 176 6, 1772 et
178 5; 30. les intérêts de ces arrérages depuis les demandes
qui en avoient été formées ; 40. les dépens adjugés par
ces sentences. Par celle du 22 juin 178 5, ils avoient été
condamnés à payer, i° . en deniers ou quittances, les
vingt-neuf dernières années échues à la-Saint-Martin 1784;
20. le montant des condamnations prononcées par les
sentences de 1760, 176 7, 1766 et 1772. Celle du 22 juin
1785 n’est pas attaquée; elle est inattaquable aujourd’hui.
C ’est à eux de rem plir ces condamnations en quittances
ou en deniers. Les arrérages de la rente s’élèvent à plus
de 5,ooo francs; ajoutez-y les intérêts et les frais, vous
aurez un total de plus d<* 8,000 francs : que l’on juge
donc de la suffisance de la consignation !
' Il est vrai qu’en cause p rin cip ale, les adversaires ont
demandé et fait dire que mon père représenteroit le livre
journal qu’il a dû tenir pour suppléer aux quittances
adhirées; ils ont fait dire que s i, par l’événement du
compte , il y a déficit dans les offres consignées, les V elay
�■
(
3
5
°
.
.
Seront tenus de le rem plir dans la huitaine; et que s i,
au con traire, il y a de l’excédant, ils le retireront du
bureau de. la recette.
,•
• •r
*
Cette dernière disposition de la sentence dont est appel,
est totalement opposée aux vrais principes. C ’est au dé
biteur a faire le compte juste du créancier; ce lu i-c i ne
peut pas être jeté dans les évolutions de la procédure ;
pour vérifier si on lui a offert assez ou trop : c’est au
„débiteur à établir, par ses titres et par ses quittances,
qu’il n’a offert et consigné que ce qu’il devoit.
Jej i ’ai point de journal de recette : c’est ù vous h pro
duire vos.qu\ttnnc :s; vous devez nous payer le montant
des condamnations prononcées contre vo u s, en deniers
ou quittances. V ous dites aujourd’hui que vous avez
adhiré des quittances; mais c’est un mensonge de votre
part : vous ne voulez pas montrer celles que vous avez,
parce qu’elles contiennent des clauses qui vous sont con
traires : mais les sentences que j’ai vous y forcent. M ais
ce qui vous convainc de mauvaise f o i , ce qui devroit
vous faire ro u g ir, c’est la manière contradictoire dont
vous vous êtes expliqué devant les premiers juges. Dans
une requête du n février 179 3 , vous avez demandé le
rapport d’un journal, p o u r s u m ,'{(i w a u x q u itta n c e s q u e
v o u s a u r ie z p u a d h ir e r . \ m t , a excvez donc eues, ces
quittances, dès qu’alors vous d1 b^nç.culemcnt en avoir
ad h iré? Dans vos exploits des 19 vendém iaire et 3 bru
maire an 3 , vous dites que m o n a ïe u l n e d o n n a it
j a m a i s de q u itta n c e s , et q u e ce la é ta it n o to ir e s u r les
Il y a opposition absolue dans ces deqx façons de
s'exprim er; elles sont l’ouvrage de la ruse et du nienl ie u x .
�1 36 )
songe; et nos juges doivent être bien en garde contre
les assertions de mes adversaires et de leurs adhérens.
Nos juges doivent se renfermer dans la règle; cette règle
est que le débiteur doit payer en deniers ou quittances
valables : mais toujours est-il bien évid en t, et par les
sentences que j’a i , et par la somme offerte et consignée,
qu’il y a insuffisance de plus de 4,000 francs. Si les ad
versaires soutiennent encore le con traire, ils sont obligés
de le prouver mathématiquement : jusque-là, le mal—
jugé des premiers juges est palpable.
G OU RBEYRE.
A R IO M , de l'imprimerie (h L a n d r i o t , seul imprimeur du
T ribunal d ’appel. — A n 10.
�
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Douvreleur de Gardelle, Joseph. An 10]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
assignats
bail
bail emphytéotique
surnoms
contre-révolution
Description
An account of the resource
Mémoire pour Joseph Douvreleur de Gardelle, homme de loi, demeurant à Arlanc, fils et héritier universel de défunt Michel Douvreleur de Gardelle, notaire public, appelant ; contre Antoine Velay, cultivateur, habitant du village de Carpatel, mairie d'Arlanc, tant en son nom que comme fils et héritier de défunt Claude Velay, dit le Mensonge ; Antoine Bravard, jardinier, demeurant en la ville d'Arlanc ; et Magdelaine Velay, sa femme, aussi fille et héritière de Claude Velay, intimés.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 10
1714-An 10
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0231
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0712
BCU_Factums_G1221
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Arlanc (63010)
Capartel (63010)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
bail
Bail emphytéotique
contre-révolution
surnoms
-
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b8dec1dffd266e36187183d1139588b7
PDF Text
Text
IJ b t)
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GENEALOGIE
DES PARTIES.
Pierre D ejar,
marié à
Jacqueline Chassaing.
Julien,
décédé sans
postérité.
s.
V ital,
décédé sans
postérité.
Antoine Ier.
décédé sans
postérité.
ont donné tous leurs biens
à Julien Dejax.
4
Antoine II,
marié â
Marie-Thérèse
Delchier.
Anne-Marie,
mariée au cit.
T artel,
de cujus.
I
S
3
4
Vital.
Julien,
AnneA gnès,
François, appelant. Marie , mariée à
Pierre
mariée à
décédé
Peyronnet. Dalbine ,
sans poster.
intimés.
i
2
Joseph,
AnneMarie ,
intimé.
mariée à
Robert
Gizaguct >
intimée.
3t
3
M arie,
intimée.
�MÉMOIRE
EN R É P O N S E ,
POUR
Dame A g n è s D E JA X , et le citoyen P i e r r e
D A L B IN E , son mari, juge au tribunal d’ar
rondissement de Brioude;
J o s e p h D A L B IN E , M a r i e D A L B IN E , et
A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert
C r o z e - M o n t b r i z e t - G i z a g u e t , tant en
son nom que comme tutrice de ses enfans,
tous intimés :
CONTRE
J
D E J A X , homme de loi, habitant de la,
ville de Brioude, appelant d’un jugement rendu
au tribunal de cette même ville, le 6 messidor
an 10.
u l ie n
S o u s l’empire des lois prohibitives, les transactions
les plus ordinaires étoient toujours suspectées de fraude
l’injustice, la cupidité, l’ambition, avoient u n champ
vaste pour leurs spéculations ou leurs calculs. Quelle jouis
sance pour le cit. D e ja x , connu pour avoir la passion
A a
�<1« procès! Il doit sans doute regretter le temps où la
loi du 17 nivôse étoit en vigueur. II paroît que la loi du
4 germinal an 8 lui a singulièrement déplu; il sera bien
plus irrité contre le code civil, qui permet des dispositions
universelles en ligne collatérale; et son moment n’est pas
bien choisi pour attaquer des règlemens de famille dictés
par la reconnoissance, ou des ventes aussi sincères que
légitimes.
Ce n’est pas assez pour le cit. Dejax d’avoir obtenu,
par importunité ou par lassitude, la majeure partie de
la succession de l’un de ses oncles, d’avoir été donataire
universel de deux autres, il est jaloux de la plus légère
préférence de la tante qui lui restoit. Il l’a négligée dans
sa vieillesse; l’auroit abandonnée à des soins mercenaires,
sans la généreuse bienfaisance de la dame Dalbine : mais
aujourd’hui il en veut à sa succession; et tous les actes
qu’a faits la dame Tartel sont à ses yeux des libéralités
frauduleuses et déguisées, que la loi proscrit et lui réservoit exclusivement.
Ses prétentions sont défavorables et odieuses, sa récla
mation impolitique et injuste, attentatoire au droit sacré
de propriété : en l’adoptant, ce seroit récompenser l’in
gratitude, blesser la reconnoissance, et proscrire les con
ventions les plus légitimes.
( 4 )
F A I T S .
La dame D ejax, veuve Tartel, de la succession de la
quelle il s’agit, a été la bienfaitrice de toute sa famille.
Elle donna une somme de 3,000 fr. à Anne-Marie Dejax,
femme Peyronnet, lors de son contrat de mariage.
�( 5 )
¿ tff
Elle fit également un don de 6,000 fr. à Julien D ejax,
son neveu, appelant, lors de son mariage avec la demoi
selle Croze, du 20 novembre 1771. Ce sacrifice fut absolu
de sa part, et sans aucune réserve d’usufruit.
Le 9 décembre 1 7 7 1 , Agnes Dejax épousa le citoyen
Dalbine, et la dame Tartel lui fit donation de quelques
immeubles situés àFontanes, évalués à 5 ,000 francs, et
non d’un domaine, comme le prétend Dejax,- plus, d’une
somme de 2,000 fr. ; mais elle se réserva, pendant sa vie,
l’usufruit des objets donnés.
L e 19 juin 1778, la dame veuve Tartel fit donation à
Anne-Marie D albin e, sa petite-nièce, de six parties de
rente au principal de 4,000 fr.
L e 17 germinal an 2, elle fit donation du sixième de
ses biens à A n n e -M a rie , Joseph et Marie Dalbine, ses
petits neveu et nièces.
Le 6 messidor an 8, elle a fait un testament par lequel
elle a institué pour son héritière de la moitié de tous ses
biens, par préciput et avantage à ses autres héritiers de
droit, Agnès D ejax, femme Dalbine.
Telles sont les libéralités qu’a exercées cette femme
bienfaisante. Mais le citoyen Dejax conviendra lui-mème
qu’Agnès, sa sœur, méritoit quelque préférence, et devoit
obtenir la première place dans l'affection de sa tante.
Depuis longues années la dame Dalbine lui a rendu les
services les plus empressés et les plus généreux. La dame
Tartel, indépendamment des infirmités qui accompagnent
la vieillesse, étoit atteinte d’une cécité complète; sa nièce
ne l’a pas quittée, lui a prodigué ces tendres soins qui con
solent les malheureux et les dédommagent des privations.
Julien Dejax , au contraire, s’occupoit peu de sa tante
�(6)
pendant qu’elle a vécu ; il n y pense que depuis qu'elle
est morte ? parce qu’il est très-habile à succéder. Il lui
sera sans doute difficile d’attaquer des libéralités que les
lois autorisent : mais il fait l’énumération des ventes que
la dame Tartel a consenties 5 il est donc essentiel de les
rappeler.
L e 31 août 1791, le cit. Dalbine se rendit adjudicataire,
au ci-devant district de Brioude, de deux maisons natio
nales, moyennant la somme de 2,960 fr.; et l’adjudication
lui fut faite au nom de Marie Dejax, veuve Tartel.
L e 26 floréal an 2 , cette dernière subrogea Agnès
D e ja x , autorisée de son m a ri, à l'effet de ces deux adju
dications, à la charge par elle de payer 1,950 francs qui
étoient encore dûs à la nation ; de payer le montant d’un
devis qui avoit été donné pour quelques réparations; et
moyennant le remboursement qui fut fait de deux sommes
qui avoient déjà été payées par la dame Tartel; savoir,
celle de 1,221 fr. d’une part, versée à compte du prin
cipal ou intérêts dans la caisse du receveur, et celle de
1,200 fr. pour les réparations déjà faites.
L e 24 v e n d é m i a i r e an 5 , la dame veuve Tartel a vendu
à Robert Croze-Gizaguet, époux d’Anne-Marie Dalbine,
sa pciitc-nièee, un domaine appelé de Vazeliettes, l’a su
brogé à une vente nationale de partie d’un domaine appelé
le Poux, et lui a également cédé les meubles qui garnissoient ce domaine de Vazeliettes, dont l’inventaire est
annexé au contrat.
Cette vente est faite sous la réserve de l ’u sufruit de tous
les objets vendus et des bestiaux du domaine, moyennant
la somme de 25,000 fr. qu’elle reconnoît avoir reçue
comptant lors de lu vente,
�La dame veuve Tartel est décédée le i^r. vendémiaire
an 9 , c’est-à-dire, qu’elle a survécu quatre ans à la vente
par elle consentie au profit de Robert Crozc de Gizaguet.
Après son décès, les intimés espérèrent, pendant quel
que temps, que le cit. Dejax n’éleveroit aucune contesta
tion ; il sembloit se rendre justice : il nomma son arbitre,
fit estimer les fonds, et on procéda à l’inventaire du mobi
lier; cet inventaire fut écrit par son fils en sa présence.
Mais bientôt il changea d’opinion. Il éludoit toujours
les propositions qui lui étoient faites : la dame Dalbine
se vit contrainte de le faire citer pour procéder au par
tage des biens délaissés par la dame veuve Tartel.
C ’est alors que le cit. Dejax manifesta ses intentions
hostiles. Il demanda d’abord la nullité de la donation faite
par la tante commune, le 17 germinal an 2, du sixième
de tous ses biens au profit des enfans de la dame Dalbine,
sa nièce ; 20. il attaqua l’acte de subrogation de floréal
an 2 , au profit de la dame Dalbine ; 30. il conclut à la
nullité de la vente faite au profit du cit. Robert CrozeGizaguet, le 24 vendémiaire an 5 ; 40. il soutint la nul
lité du testament du 9 messidor an 8 , qui attribuoit â la
dame Dalbine la moitié des biens de sa tante, en prdeiput;
5 °. il prétendit que la dame Dalbine, épouse M ontbrizet,
devoit lui faire raison des arrérages d’une rente d’un setier
seigle, faisant moitié d’une rente de deux setiers par elle
perçue d’un nommé Poughon de Reillac, tant avant
qu’après le décès de la dame Tartel; 6°. il conclut h ce que
la dame Dalbine fût tenue de déposer, entre les mains de
tel notaire qui seroit commis, tous les titres, papiers et
docuinens de la succession, pour que chacune des parties
pût en prendre communication, ainsi qu’elle aviseroit.
�m
Il prétendit que la dame Dalbine devoit demeurer cau
tion de toute prescription qui auroit pu s’opérer depuis
le décès de la tante commune jusqu’au dépôt des titres
de créance ; il demanda qu'elle fût tenue de faire raison
de tous les arrérages de rente , baux à ferme, et géné
ralement de tout ce qu’elle peut avoir perçu des créances
dépendantes de la succession ; que tous les biens meubles
et immeubles , effets , créances , composant cette succes
sion , même ceux dont la dame Tartel avoit disposé
entre-vifs, en faveur de ses héritiers de d ro it, fussent
rapportés à la masse commune par les détenteurs, avec
restitution de jouissances et intérêts, depuis le décès de
la dame T a r te l, jusqu’au partage effectif.
Enfin il conclut subsidiairementdans le cas où tout
ou partie des actes attaqués ne seroit pas annullé, et que,
par l’effet de ceux conservés, ou de tout autre disposi
tion non contestée, plus de la moitié des biens de la
dame Tartel se trouveroit absorbée , il fût ordonné que
les dernières dispositions de la dame Tartel seroient re
tranchées jusqu’à due concurrence , de m a n iè re qu’il
restât toujours à diviser la moitié des biens meubles et
ijnmeubles composant cette succession.
Le eit, D e ja x , en expliquant ses prétentions, se fond o it , pour la nullité de la donation de germinal an 2 ,
du sixième des biens, i°. quant aux meubles, sur ce
que cette donation n’en contenoit pas l’é la t, quoiqu’il
11 y eût qu’une tradition feinte. Par rapport aux im
meubles , il prétendoit que la loi du 17 nivôse ne permeltoit pas la forme des donations entre-vils; et que la
dame Tartel ne pouvoit disposer du sixième de ses biens,
que
�(9)
que par donation pour cause de m ort, ou par testament.
La subrogation de floréal an 2, étoit suivant lui une
libéralité déguisée , faite au profit d’une successible. La
dame Tartel avoit éprouvé une lésion énorme, en ce qu’elle
avoit acquis dans un temps où les assignats perdoient peu
de leur valeur 5 tandis qu’ils étoient discrédités à l’époque
de la subrogation, en supposant même qu’elle en eût
reçu le remboursement, ainsi que cela a été dit dans l’acte.
Il prétendoit encore que cette maison avoit acquis une
grande valeur dans l’intervalle, par la démolition de plu
sieurs biltimeùs nationaux , qui auparavant embarrassoient ou obscurcissoient les avenues de la maison.
La vente du domaine de Vazeliettes étoit aussi une
donation déguisée, faite à vil prix au gendre d’une successible, à un homme dont la fortune ne lui permettoit
pas de payer 25 ,ooo fr. comptant. A l’entendre, cette
vente étoit faite sans nécessité, sans cause, sans emploi
du p rix , qui auroit dû se trouver dans sa succession ,
quatre ans après son décès.
Le testament du 6 messidor an 8 étoit encore n u l ,
parce que le notaire n’avoit pas indiqué pour quel dé
partement il étoit établi ; l’un des témoins n’avoit pas
signé son vrai nom ; ce même témoin étoit parent avec le
gendre de celle au profit de laquelle les dispositions étoient
faites ; enfin , on n’avoit pas suffisamment désigné le
huitième témoin , qui avoit été appelé à raison de la
cécité de la testatrice.
Le cit. Dejax, dans toutes ses demandes, a eu le désa
grément de ne pas trouver de son avis des cohéritiers qui
avoient le même intérêt. La dame veuve Pcyronnet a
B
�demandé acte de ce qu’elle consentoit au partage de ïa
succession de la dame veuve T arte!, conformément à son
testament ; 2°. de ce qu’elle n’entendoit point contester
la vente du domaine de Vazeliettes et dépendances, faite
au profit de Robert Croze-Gizaguet, ni aucune des do
nations partielles faites par la dame veuve Tartel.
Les petits-neveux, donataires du sixième, ont consenti
que la donation demeurât sans effet quant au mobilier ;
mais ont demandé son exécution, par rapport aux im
meubles.
L a dame Dalbine, de sa p a r t , a soutenu que la subro
gation faite à son p ro fit, le 27 floréal an 2 , n’étoit pas
du nombre des actes prohibés par la loi ; que toutes les
circonstances en prouvoient la sincérité ; que la loi ne
défendoit pas de ve n d re , et qu’elle validoit ce qu’elle
n’annulloit pas.
A l’égard du testament, le notaire avoit désigné le lieu
de sa résidence, qui est la ville de Brioude, et cette dé
signation étoit suffisante. 20. Les noms et prénoms de
Montbrizet-d’A uvernat, un des témoins, étoient expli
qués dans le testament. Dans tous les actes publics et
p riv é s, jamais ce témoin n’avoit signé d’autre nom que
celui de d’Auvernat. Ce témoin n’est pas parent de l’hé
ritière instituée. La parenté n’est pas une cause de prohi
bition. Et l’ordonnance de 1735 ne dit pas qu’on désignera
nominativement le huitième témoin, qui doit être appelé
pour cause de cécité.
La dame veuve Montbrizet , comme tutrice de ses
enfans, a observé, relativement à la vente du domaine
de Vazeliettes, qu’elle étoit consentie en faveur du mari
�d’une personne non successible. Elle a prouvé que la
prohibition rigoureuse de la loi ne s’étendo-it qu'à ceux
qui étoient appelés au partage de la succession. Son mari,
acquéreur , étoit d’ailleurs étranger à la dame Tartel :
les biens, quelle lui transmettoit, à titre de vente, passoient à tout autre famille que la sienne. Il est invrai
sem blable qu’elle l’eût préféré, si elle avoit eu des in
tentions libérales. Croze-Gizaguet trouvoit, dans sa for
tune , et dans son emploi de capitaine de gendarmerie,
des ressources suffisantes pour payer le montant de cette
acquisition: la dame Tartel avoit survécu quatre ans à
cette vente , et devoit naturellement en avoir employé
le prix à ses affaires ou à ses besoins, dans un age sur
tout où ils se font plus impérieusement sentir, et où les
infirmités augmentent nécessairement les dépenses.
Ces défenses si simples devoient faire présager à Julien
D ejax, quelle seroit l'issue des prétentions de ce collatéral
avide. L e jugement dont est appel « l’a débouté de
» sa demande en nullité, tant contre la subrogation à la
vente des deux maisons nationales, consentie par la
» dame Dejax, veuve Tartel, au profit de la dameDalbine,
» par acte du 26 iloréal an 2 , que de la demande en
» nullité de la vente du domaine de Vazeliettes, au profit
» de Robert Croze-Montbrizet, du 21 vendémiaire an 5 ,
i, et encore de celle intentée contre le testament de la
» dame Tartel, en date du 6 messidor an 8.
» Il est ordonné que les vente, subrogation et testa•» rnent sortiront leur plein et entier effet; il est donné
» acte aux parties de ce qu’elles s’en réfèrent A leur
» qualité d'héritiers, et offrent de rapporter tout ce qu’elles
B 2
�%j
( 12 )
,» tiennent à titre de libéralité particulière, et ce, de la
» môme manière qu’elles l’ont pris ou dû le recevoir. En
» conséquence il est dit que , par experts nommés par les
« parties ou pris et nommés d’office, il sera procédé au
» partage des biens meubles et immeubles provenans
» de la succession de la dame Tartel , pour en être
» délaissé à la dame Dalbine, héritière testamentaire,
» une moitié en cette qualité, et un tiers dans l’autre
» moitié comme successible ; le second tiers au cit. Dejax ;
>? et le dernier i\ la dame Dejax , veuve Pcyronnet ;
>) auquel partage chaque partie rapportera les jouissances
» perçues dans les immeubles, suivant l’estimation qui
» en sera faite par les experts, et les intérêts, revenus
» et autres objets dépendans de la succession, sauf tous
» les prélèveinens de droit que chacune d’elles aura droit
» de faire.
3) Il est ajouté que dans la moitié pour l’institution
» de la dame Dalbine, sont comprises toutes les facultés
» de disposer de la dame Tartel, faites depuis la publi» cation de la loi du 17 nivôse an 2 : en conséquence
« la disposition du sixième en faveur des enfans Dalbine
» demeure sans effet quant à présent; ils sont mis de
» leur consentement hors d’instance pour ce chef, sauf
» i\ se pourvoir contre leur mère ainsi qu’ils aviseront.
3) Il est ordonné q u e , dans le délai d’un mois à compter
» de la signification du jugement, le cit. Dejax sera tenu
» de faire faire inventaire du mobilier, papiers et titres
3) de créances laissés par la dame Tartel à l’époque de
t> son décès, si mieux il n’airue s’en rapporter h l’élat
3) qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera
3) censée faite le délai passé.
�éii&
( 13 )
» Il est encore ordonné que la dame Gizaguet sera
» tenue de rapporter le contrat de rente annuelle d’un
» septier seigle, qui fait partie intégrante de la succession
» de la dame T a rte l, et à en rendre compte suivant le
» prix des pancartes des années par elle perçues depuis
» l’ouverture de la succession , sauf au cit. Dejax de
» faire raison de ce qu’il a touché de la même rente.
» Sur le surplus des demandes respectives, les parties
» sont mises hors de jugement; e t, en cas d’appel, il est
» ordonné que tous les papiers et titres de créances
» dépendans de la succession de la dame Tartel, seront
» déposés ès mains du cit. Bellemont, notaire public de
» B rioude, désigné par les parties, et commis par le
» tribunal ; et le cit. Dejax est condamné aux dépens
» envers toutes les parties. »
Il est bon de connoître les motifs qui ont déterminé
ce jugement ; on verra qu’ils sont tous marqués au coin
de la sagesse, de l’équité et de la raison.
Eu ce qui touche la subrogation faite au profit de la
dame Dalbine , « il est dit que cette forme d’acte n’a
» point été interdite par la loi du 17 nivôse an 2 ; que
» le législateur , en interprétant dans ses décisions sur
» diverses questions relatives à ses efFets, a décidé que
j) ce qui n’étoit pas annullé par la loi étoit validé par
» elle.
» Qu’en anéantissant les ventes à fonds perdu entre
» successibles, la loi n’y a pas compris les autres transac» tions commerciales, contre lesquelles on n’invoque ni
» lésion ni défaut de payement ; que l’acte prouve que
» le prix dont il porte quittance a été compté, et que
�r' * ,
(
1 4 ) ......................................
» le surplus Ta également été, ainsi qu’il résulte des quit» tances rapportées. »
En ce qui concerne la vente du domaine de Vazeliettes,
faite au profit de Robert Groze de Gizaguet, on remarque
« que Robert Gizaguet n’étoit point dans la ligne de
» ceux sur qui frappe la prohibition des nouvelles lois,
» qu’il n’étoit ni successible ni me me époux de succcssible.
» On observe que la jurisprudence constante du tri» bunal de cassation, est de ne point ajouter à la rigueur
» des prohibitions des lois, mais au contraire de se ren» fermer dans le texte précis de ces prohibitions, sans
» les étendre.
» Les ventes pures et simples et a prix fixe ne sont
» pas interdites en faveur des successibles ; et quand
» bien même Robert Croze-Gizaguet eût été successible
» de la dame Tartel, la vente n’en seroit pas moins valide
» et inattaquable, tant qu’aux termes précis des lois on
» ne l’argueroit pas de fraude ou de lésion. Enfin il
» est d it, dans cet acte, que le prix en a été compté
» présentement i\ la dame Tartel ; et dès-lors on ne peut
élever aucun doute sur ce point de fait. »
Eu ce qui touche les nullités résultantes contre le tes
tament, « Attendu que la loi, sur l’organisation du nota» ria t, astreignant les notaires à indiquer le lieu de
» leur résidence et du département, n’a eu en vue que
» d’empêcher les fraudes qui pourroient être commises
» par des hommes qui usurperoient faussement la qua» lité de notaire, ou par des notaires même, recevant
» des actes hors de l’arrondissement pour lequel ils sont
» institués ; mais qu’un notaire, en indiquant le Heu de
�C 15 )
» sa résidence, fait connoître assez qu’il ne sort point
» des limites qui lui sont fixées, et satisfait suffisamment
» à ce que la loi lui impose; que s’il falloit annuller les
y> actes dans lesquels la désignation du département est
33 omise, ce seroit porter le trouble et la confusion dans
» la société.
» Attendu que d’Auvernat , l ’un des témoins, a été
» désigné par le notaire sous les noms et prénoms portés
>3 en son acte de naissance, de Jean-Baptiste Croze-Mont>3 brizet-d’A uvcrnat, et que par sa signature d’Auvernat
>3 il a suffisamment attesté sa présence audit acte.
33 Attendu que dans tous les actes généralement quel33 conques il ne signe que d’A u vern at, et qu’il n’est connu
33 dans le public que sous ce nom.
33 Attendu que sa pai-enté avec la fille et les petits33 enfans de l’héritière testamentaire ne dérive que du
33 lien d’affinité , ne suffit point pour annuller un acte
33 auquel il n’est appelé que comme témoin.
33 Attendu que la loi n’impose point aux notaires l’obli33 gation de désigner nominativement lequel des témoins
33 a été appelé en huitième par le motif de la cécité de la
33 testatrice, et qu’il suffit, aux termes de l’ordonnance
33 sur les testamens , que le nombre des témoins requis
3î soit constaté.
33 Attendu que le cit. Dejax ne demande point à être
33 admis à prouver le dol et la fraude dans les actes qu’il
33 attaque, ni que ces actes aient été l’effet de la sng» gestion ou de la violence.
» Attendu que les successibles ne peuvent cumuler
» les qualités de donataire et d’héritier.
�(
1
6
3
» Attendu que la faculté de disposer étant bornée à
» la moitié, par la loi de germinal an 8 , toutes les dis—
» positions qui excéderoient cette quotité doivent y être
» restreintes. »
Tels sont les motifs qui ont déterminé la décision des
premiers juges j ils sont certainement très-judicieux. Il
s’agit d’examiner si les objections du cit. Dejax, qui a eu
le courage d’interjeter appel de ce jugem ent, peuvent
balancer ces motifs , et faii’e annuller des conventions
légitimes.
1
D onation du 17 germinal an 2.
Le cit. Dejax d’abord pouvoit s’épargner une discus
sion oiseuse sur la validité ou la nullité de cette dona
tion du sixième, faite au profit des petits-neveux de la
dame Tartel. Le jugement dont est appel ordonne que
cette disposition demeurera sans effet, et la réunit à la
disposition de moitié, faite au profit de la dame Dalbine.
Mais s i , en thèse générale, on devoit examiner le
mérite de cette donation , il seroit aisé d’établir qu’elle
doit avoir son exécution, puisque les donataires ne sont
point successibles de la donatrice.
En effet, l’article X V I de la loi du 17 nivôse permet
de disposer du dixième de son bien en ligne directe, ou
du sixième en ligne collatérale, au profit d’autres que
des personnes appelées par la loi au partage des successio?is : donc, on ne peut tirer''cl’autre conséquence de
cet article, sinon que tous ceux qui ne sont point appelés
au partage sont susceptibles de recevoir la disposition de
cette quotité. Les argumens les plus simples sont les
meilleurs;
�*
é& r
C 17 )
meilleurs ; toutes les subtilités , tous' les raisonnemens
captieux disparoissent devant les termes de la l o i , qui n’a
exclu que ceux qui sont appelés directement au partage,
et ou ne doit point étendre les prohibitions.
On trouveroit encore la preuve, que le descendant du
successible, loin d’être exclu par la loi, est au contraire
capable de l’ecevoir. L ’article X X II lui permet de profiter
de la retenue, quoique son ascendant prenne part à la
même succession.
Loin de nous ces discussions inutiles sur l’incapacité
des enfans! Pourquoi rappeler cette maxime ancienne:
P a te r et filiu s un a eademque p eisona ? V o u d ro it-o n
faire concourir l’ancienne législation avec la nouvelle?
lorsque la loi veut qu’elles n’aient plus rien de commun
par la suite, ainsi que cela est dit textuellement par la
réponse à la question 47 de la loi du 22 ventôse an 2.
Si l’art. X X V I de la loi du 17 nivôse a compris les
descendans du successible dans la prohibition des ventes
à fonds perdu , le motif en est assez expliqué dans la loi
du 22 ventôse. Ces ventes à fonds perdu , dit-on, sont
une source trop fréquente de libéralités indirectes. C’est
une exception qui confirme la règle. Ces sortes de vente
même ne sont annullées q u ’autant q u ’elles seroient sus
pectes ; elles peuvent être validées par le concours ou
le consentement des autres successibles. Mais précisément,
parce que la loi a compris dans cet article les descendans
du successible , qu’elle ne les a point nommés dans les précédens, on ne doit pas raisonner d’un cas ¡\ un autre ,
ni exclure d'oflice ceux que la loi n’a pas déclarés inca*
pables.
C
�.
c
i
8
)
Il
faut au surplus laisser au cit. Dejax le plaisir de
dire que cette donation est nulle pour le mobilier. L ’ar
ticle X V de l’ordonnance de 1731 le veut ainsi; les intimés
y ont consenti ; enfin cette donation n’a aucun effet par
rapport au cit. Dejax: pourquoi donc a-t-il pris tant de
peine, pour discuter un point qui n’est pas contesté,
et pour lequel il n’éprouve aucune perle ?
Subrogation du 17 Jloréal an 2.
Par cet acte, la dame veuve Tartel a subrogé la dame Dalbine sa nièce à une acquisition nationale. Le prix étoit
encore dû en majeure partie ; cette subrogation n’est faite
qu’à la cliarge de verser dans la caisse du district tout
ce qui n’a pas été payé; elle est faite sans aucune garantie ;
les sommes que la dame veuve Tartel avoit payées sont
infiniment modiques; et il faut avoir une grande manie
du procès pour attaquer une subrogation qui présente
aussi peu d’importance. Cependant, le cit. Dejax épuise
les autorités , se livre à une intempérie de citations pour
prouver la simulation de cet acte; il met à contribution
les lois et les auteurs , dans une matière où il y a peu
de décisions certaines, et où tout dépend des circons
tances ou des présomptions.
L e savant Ricard , dans son traité des donations, pre
mière partie, cliap. III, sect. X V I , nomb. 767, dit bien
qu’une vente étant passée entre personnes qui sont prohi
bées de se d onner, peut être prise pour un avantage
indirect, et que des présomptions violentes pourroient
quelquefois suffire : comme si le donateur venoit à décéder
�C *9 )
bienfôt après une semblable vente simulée , et que le
prix fût considérable , sans qu’il se trouvât dans sa mai
son aucune somme proportionnée aux deniers qu’il dé
tro it avoir reçus, et que d’ailleurs il ne parût pas qu’il
en eût fait aucun emploi dans ses affaires; avec quoi
qu’autre conjecture résultante du fait particulier. Ricard,
comme on le voit, ne se décide pas légèrement à prononcer
la nullité d’un contrat de vente. La présomption la plus
forte suivant lu i, c’est lorsque le vendeur décède bien
tôt après : on peut alors supposer aisément que ce ven
deur , mortellement atteint, cherche à transmettre ses
propriétés , à titre gratuit, à celui qu’il préfère ou qu’il
affectionne le plus. Tel est le malheureux effet des lois
prohibitives, qu’on cherche toujours à les éluder, surtout
dans ces derniers momens. M ais, il n’est pas dans la na
ture qu’on cherche à se dépouiller , lorsqu’on a l’es
poir de jouir encore : on préfère souvent un héritier à
tout autre, rarement on le préfère à soi-même; et, parmi
nous, les donations entre-vifs deviennent infiniment rares.
Et peut-on ici argumenter de présomptions, de fraude
ou de simulation , lorsqu’on voit que la dame veuve
Tartel a subrogé en l’an a , et n’est décédée qu’en l’an 95
lorsqu’il est établi, que le prix, ou au moins la majeure
partie de la subrogation, étoit encore dû par l’adjudica
taire; qu’il a été payé à la caisse nationale par la subro
gée? Alors, sans doute, doivent disparoître toutes ces
conjectures , tous ces moyens banaux de simulation ,
qu’on voudroit faire résulter de la loi N u d a , ou de l’au
torité de Papon , q u i , même sur la loi Sulpicius , nç
passe pas pour avoir toujours dit la vérité.
G a
�L e célèbre Gochin plaidoit sans doute pour un homme
qui comme Dejax ne revoit que simulations; et le plai
doyer d’un orateur fameux peut donner de grandes leçons,
et apprendi’e à bien discuter; mais on ne doit pas le citer
comme un ouvrage doctrinal.
D ’ailleurs si la loi du 17 nivôse a défendu de donner,
elle n’a point défendu de vendre; et le législateur veut
bien nous apprendre lui-même que la loi valide ce qu’elle
n'annulle pas.
Vente du 24 vendémiaire an
5 , au profit du cit. Gizoguet.
Cette vente est faite en l’an 5 au profit d’un étranger
à la venderesse ; mais cet acquéreur étoit le gendre de
la dame Dalbine \ et comme il est dans le système de
Dejax d’étendre les prohibitions, il veut les porter à
l’infini : quoique l’objet vendu passât à une famille étran
gère à la dame Tartel, qu’il appartînt aux héritiers Montbrizet plutôt qu’aux héritiers Dalbine, cependant Dejax
veut encore que cette vente soit simulée.
L e tribunal de cassation n’a pas pensé comme le cit.
D ejax, lors d’un jugement du 6 prairial an 10, qui a
confirmé une vente à fonds perdu , faite à l’ascendant
d’un successible. Samuel Dalau avoit vendu tous ses biens
à Marie Bonnau, veuve Dalau, sa belle-sœur, moyennant
une rente viagère. Samuel Dalau n’avoit point d’enfant,
et les cnfans de Marie Bonnau, ses neveux, étoient du
nombre de ses successibles. Les autres héritiers attaquoient
cette vente de nullité; ils se fondoient sur la disposition
de l’art. X X V I de la loi du 17 nivôse; ils rappeloient
�¿ iï/
( 2ï )
toutes les autorités qu’invoque le cit. Dejax, et ne inanquoient pas de dire que les arrêts avoient toujours confondu
le père avec le fils, d’après la maxime : P a ter et filiu s
una eademque persona. Le tribunal d’appel de Poitiers,
sans égard pour cette maxime , avoit validé la vente :
pourvoi en cassation; et, comme le tribunal de cassation
apprend qu’on doit restreindre les lois prohibitives, il
est à propos de rappeler les motifs qui l’ont déterminé
à l’ejeter le pourvoi.
« Considérant que l’art. X X V I de la loi du 17 nivôse
» an 2 , est prohibitif, et ne peut par conséquent s’éten» dre d’un cas à un autre.
» Considérant qu’il ne comprend que les successibles
» et leurs descendans, et que s’il y a quelques inconvé.» niens de ne l’avoir pas étendu, soit aux descendans,
» soit à l’époux en communauté avec le successible, ou
» avec les descendans du successible, il y en auroit encore
» davantage, à créer, sous le prétexte d’analogie, des
» prohibitions que la loi n’a pas établies.
» Considérant que créer ces nouvelles prohibitions, ce
» seroit ( quelque justes qu’elles puissent être ) entre» prendre sur l’autorité législative ; ce qui, dans l’espèce,
.» seroit d’autant moins pardonnable, qu’il n y avoit pas
» de question plus controversée avant la loi du 17 nivôse,
» que celle de l’étendue des prohibitions : d’où il suit que
» c’est en connoissance de cause que les législateurs l’ont
» restreinte expressément aux successibles et à leurs des-•» ccndans.
*■ » Considérant enfin qu’il ne peut pas y avoir ouverture
■
x> à cassation d’un jugement auquel on ne peut faire d’autre
�( 22 )
» reproche que d’être conforme à la lettre de la lo i, etc.
Tels sont les véritables principes en matière de prohi
bition. Cette décision de l’autorité normale doit servir
de règle invariable en cette matière. Il en résulte que
Robert Croze- Gizaguet n'étoit pas personne prohibée,
quoiqu'il fût l’époux de la descendante du successible;
qu’il pouvoit traiter, acquérir delà dame veuve Tartel:
e t , en écartant aussi victorieusement la prohibition , on
fait disparoître toute idée de simulation ou de déguise
ment du contrat.
Les conventions doivent être généralement exécutées:
tous les efforts des tribunaux doivent tendre à valider
les actes plutôt qu’à les annuller, Ut potiùs actus valeat,
quàm ut pereat. Nulle présomption de fraude dans la
vente dont il s’agit: celle qui a si fortement touché Ricard,
la mort prochaine du vendeur, ne se rencontre pas dans
l’espèce particulière , puisque la dame Tartel a survécu
quatre ans à cette vente. Et s’il falloit annuller tous les
contrats qui portent quittance, il faut convenir qu’il n y
auroit plus rien de solide ni de certain parmi les hommes.
Dans les mutations actuelles, presque toujours les con
trats portent quittance, quand bien même le prix ne
seroit pas entièrement payé. On y supplée par des effets
ou des reconnoissauces particulières, pour éviter de plus
grands droits.
Ici le prix principal n’est pas exorbitant, et ne choque
en aucune manière la vraisemblance. D e quel droit le
cit. D ij ax voudroit-il scruter la solvabilité ou les res
sources du cit. Gizaguet ? JN'est-il pas notoire cp.i'il apparterioit à une famille riche, qu'il avoit uti patrimoine con-
�e*s)
sidérable, un emploi dont les appointemens étaient de
3,000 francs par année? ne sont-ce pas là des ressources
suffisantes pour payer une somme de 2Ô,ooo francs? pourroit-on , sur des prétextes aussi légers, dépouiller une
famille , des orphelins, d’un bien légitimement acquis ?
quiconque oseroit le penser , n’auroit aucune idée des
principes du droit et de l’équité.
L e cit. Dejax , dans son aveuglement, va jusqu’à cri
tiquer les intentions libérales et bienfaisantes de la dame
Tartel; il rappelle avec affectation ses dispositions anté
rieures et subséquentes : pourquoi a - t - i l oublié celles
dont il a été l’objet, et dont il étoit si peu d ig n e, puis
qu’il attaque la mémoire de sa bienfaitrice ? N ’a-t-il pas
reçu d’e lle , en se mariant, une somme de 6,000 francs,
avec tradition réelle ? tandis que les libéralités faites aux
autres ont toujours été grevées de l’usufruit envers la
donatrice.
Pourquoi n’a-t-il pas dit qu’il étoit donataire universel
de deux de ses oncles, qu’il a profité exclusivement de
leui’s dépouilles, et que la dame Dalbine , sa sœ ur, en
a été privée ; que par ces donations il a trouvé le moyen
de réunir, en majeure partie , les biens de Julien, son
oncle, premier du nom? Il a craint sans doute de justes
reproches d’avidité, lorsqu’il se montre aussi jaloux de
ce que sa sœur a reçu la récompense des soins les plus
tendres et les pins assidus. Dans son humeur inquiète,
il va jusqu’à reprocher les quittances et la décharge que
la dame veuve Tartel a données à sa nièce pour la gestion
de ses biens ou la perception de ses revenus. Mais la darne
Tartel devoit-elle quelque chose sur ses revenus au cit.
�(*4 )
Dejax ? n’étoit-elle pas au moins la maîtresse d’en dis-’
poser à son gré? Si la dame Dalbine a pris la précau
tion de se faire donner une décharge, c’est qu’elle avoit
la procuration de sa tante, et qu’elle devoit craindre ,
avec raison, que son frère lui demandât compte de son!
mandat ; mais on ne voit rien là que de très-ordinaire.
La dame Tarte! a pu dissiper ses revenus comme ses capi
taux , sans que personne eût le droit de critiquer sa con
duite; elle en a fait tel emploi que bon lui a semblé; et*
ce n’est pas la première fois que des collatéraux avides
ont été trompés dans l’espoir qu’ils avoient de trouver
des capitaux ou des deniers à la mort de celui dont ils
convoitoient la succession.
La coutume de Normandie ne les leur a pas fait rendre;
et l’article C C C C X X X IV , qui a servi de base à un jugement
du tribunal d’appel de R o u e n , rapporté au mémoire
du cit. Dejax , ne reçoit aucune application à une suc
cession ouverte en droit écrit.
Testament du
6
messidor an 8.
Le notaire qui a reçu ce testament , en désignant la.
ville de Brioude, a-t-il dû désigner le département dans
lequel il étoit domicilié? A-t-il dû faire mention du nu
méro de sa patente? Ou défie le cit. Dejax de citer
aucune loi qui oblige, à peine de nullité, les notaires
d j désigner leur département ou le numéro de la pa
tente: ils n'ont même jamais pratiqué cet usage, lorsqu’ils
reçoivent dans les villes de leur résidence, et pour des
personnes qui y sont domiciliées. La désignation du dé
partement
�c »5 r
partement ne seroit utile qu’autant qu’on recevroit un
acte pour un tiers étranger au département .dans lequel
il transige ou fait un te s ta m e n t, parce qu’il peut y .avoir
des formes ou des règles différentes de tester d’un dé
partement à l’autre : mais, dans ¡l’espèce, cette mention
n ’avoit aucun but; et, comme l’ont observé les premiers
juges, la désignation de la résidence á Brioude étoit sans
contredit suffisante. Les huissiers seuls saut astreints par
les lois à rappeler le numéro de leur patente : les no
taires auro'ent dû être dispensés d’en prendre ; et la
nouvelle loi qui organise Je notariat, les en dispense
expressément
L e témoin jMontbrizet d’A uvernat, en signant sim
plement siuvem aty ne i ’a iait que d*après l’usage cons
tant où il est de signer ainsi ; c’est .ainsi iqu’il a signé le
contrat de mariage de son frère; c’est ainsi qu'il a signétous les actes publics ou iprivés, depuis iqu’il a ^exercice
de ses droits ; et îles 'intimés rapportent un acte de no
toriété qui le constate,»etiqui apprend même qu’il n’est
pas connu ni ¡désigné sous d’autre nom.
O n a satisfait à tout ce qu’exige la loi qui veut qu’on
prenne le nom de sa famille, en rappelant dans les qua
lités 'des témoins le prénom »et 'le noni de la famille du
témoin d'Auvernat.
La parenté de ce témoin avec Robert Groze-Gizaguet,
époux de la petite-nièce délia testatrice, n’ast point une
incapacité:'Fur-gtile, des=testamens, chapitre III, section;
I I, nombre <10,' nous'donne^en/pvincipe jque les parons
collatéraux'peuvent être-témoins aux teslamens'de leurs
parens,*et qu'on'doit dirç la même>chose d(;s parens de
D
�( 2 6 )
l’héritier ; car le paragraphe X , aux instituts, de tcstam.
ordin. n’exclut du témoignage le père et les frères de l’hé
ritier, qu’autant qu’il est en la puissance de son père,
et que ses frères sont aussi en la puissance de leur père
commun; à plus forte raison le parent du parent de l’hé
ritière peut-il être témoin dans un testament.
L e cit. Dejax n’insiste pas fortement sur ces singuliers
moyens de nullité ; mais il se plaint de ce qu’en sup
posant ce testament valable, les premiers juges n’ont pas
compris dans la disposition de moitié toutes les dispo
sitions faites antérieurement à la loi du 17 nivôse. C’est
une erreur de sa part; et les premiers juges ont sage
ment restreint cette confusion aux dispositions faites de
puis la publication de la loi du 17 nivôse an 2.
Point de doute d’abord pour les objets vendus, qui
sont hors de la succession du testateur; et il doit en être
de même pour les donations entre-vifs faites dans un
temps utile , parce qu’une donation a le même effet
qu’une vente ; elle dépouille le donateur, dès l’instant
même : les objets anciennement donnés ne peuvent faire
partie d’une succession ouverte sous l’empire des lois
nouvelles.
L e cit. Dejax a la prétention d’intéresser le public dans
la décision de cette cause. On ne voit pas trop comment
l’ordre public seroit troublé, parce que le cit. Dejax
n’auroit pas une portion égale dans la succession de sa
tante. Mais la société seroit bouleversée, si les 'conven
tions des hommes pouvoient être anéanties sous des
prétextes futiles; si des ventes ou des mutations qu’il im
porte de faciliter et d’assurer, pouvoient être annullées
�6r S
(2 7 )
par des chimères ou des allégations de fraude. Ce seroit
porter atteinte au droit de propriété, au droit le plus cher
à l’homme, de dispenser ses bienfaits, de récompenser le
mérite ou de protéger la foiblesse, si on s’écartoit jamais
du respect qu’on doit avoir pour les volontés du défunt.
L e code civil nous rappelle sagement à des idées plus
saines, à des principes plus sages, en rendant aux testa
mens toute leur ancienne faveur. Aujourd’hui nous pou
vons répéter cette maxime des Romains : Quidquid legass i t ita lex esto !
P A G E S ( de Riom ) anc. jurisc.
V A Z E I L L E , avoué,
Ç & ÏU ,U. &
J i
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V
^
A*
n
‘------- ~ * '
<U ~»
A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — An 11.
�
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Factums Godemel
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[Factum. Dejax, Agnès. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès (de Riom)
Vazeille
Subject
The topic of the resource
successions
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
nullité du testament
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Dame Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal d'arrondissement de Brioude ; Joseph Dalbine, Marie Dalbine, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, tant en son nom que comme tutrice de ses enfans tous intimés : Contre Julien Dejax, homme de loi, habitant de la ville de Brioude, appelant d'un jugement rendu au tribunal de cette même ville, le 6 messidor an 10.
Annotations manuscrites : « 8 prairial an 11, jugement du tribunal d'appel, déclare la vente du 24 vendémiaire an 5, nulle, en l'assimilant aux ventes à fond perdus, prohibés par l'article 26 de la loi du 17 nivôse an 2. recueil manuscrit, page 738. »
Table Godemel : Testament. un testament contenant, pour signature d’un témoin, un surnom au lieu de son nom de famille, doit-il être déclaré nul ? Avantage indirect : 1. une donation du sixième des biens faite. 2. une subrogation à l’acquisition d’immeubles, consentie en l’an 2, au profit d’un successible, peut-elle être considérée comme une donation déguisée sous la forme d’une vente ? en faveur des enfants d’un successible, sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2, qui interdirait tous avantages en faveur d’un successible, au préjudice des autres, est nulle.
il en est de même de la vente d’immeubles, sous réserve d’usufruit, consentie au mari d’une fille des successibles, qui doit être assimilée aux ventes à fonds perdu, à moins du consentement de la part des successibles ; surtout si les circonstances de la cause font supposer l’intention de faire une libéralité déguisée.
Publisher
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de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1771-An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0932
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0931
BCU_Factums_G0716
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
doctrine
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
nom de famille
nullité du testament
procuration
signatures
Successions
surnoms
testaments
ventes
-
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07705c8bb6750aa819b06d59728dd19e
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Text
MÉMOIRE
P O U R
J u l ie n D E J A X , homme de lo i, habitant de la com
mune de Brioude, appelant ;
C O N T R E
A g n è s D E J A X , et le citoyen P i e r r e D A L B IN E ,
son m a ri, juge au tribunal de première instance de
l'arrondissement de B riou d e;
D A L B IN E , M a r i e D A L B I N E , fille majeure
et A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert CrozeM ontbrizet-G izaguet, en son propre et privé nom ;
tous enfans dudit PlERRE D A L B IN E , et de ladite
D E J A X , son épouse ;
J oseph
E t encore ladite M a r i e D A L B IN E , veuve Gizaguet,
au nom de tutrice de ses enfans m ineurs, et dudit
Montbrizet-Gi zaguet ;
Tous intimés.
D
actes faits en fraude de la l o i , pour éluder la
prohibition de la lo i, doivent-ils être maintenus? Les
juges, établis pour le maintien des lo is, doivent-ils en
autoriser l’infraction ? T elle est la question que cette cause
présente.
A
ES
�C2 )
Ce n’est pas un seul acte que le citoyen Dejax attaque;
c’est une suite, une série d’actes; tous l’ouvrage de l’am
bition de la dame D albine, tous l’effet d’un plan cons
tamment su iv i, du plan conçu et exécuté de le dépouiller
de la portion que la loi lui assuroit dans la succession
d’une tante commune.
F A I T S .
D u mariage de Pierre Dejax avec Jacqueline Chassaing, sont issus cinq enfuns; savoir, Ju lien , V ita lt
Antoine prem ier, Antoine second du n om , et A n n eM aric D ejax, première du nom.
Julien , V ita l, et Antoine prem ier, sont décédés sans
postérité. Il ne s’agit point de leur succession.
A nne-M arie Dejax a contracté mariage avec le citoyen
T a rtel; elle a survécu à son m ari, et vient elle-m êm e
de payer le tribut. C’est son décès et sa succession qui
donnent lieu à la contestation.
Antoine D ejax, second du nom , s’est marié avec M arieThérèse Delchier.
D e ce mariage sont issus quatre enfans :
Vital-François, décédé sans postérité;
^
Julien D ejax, appelant;
Anne-Marie D ejax, seconde du nom , veuve Peyronnet ;
E t Agnès D e ja x , épouse du citoyen D albine, juge.
Celle-ci a e u , de son mariage avec ledit D albine, trois
enfans; A n n e -M a rie , qui a épousé, en l’an 3 , Robert
Croze-Montbrizet-Gizaguet; et Joseph, et M arie Dalbine.,
Telle est la généalogie des parties.
�(3)
Anne-M arie D ejax, première du nom , veuve T artel,
n’avoit point eu d’cnfans de son mariage ; ses quatre
frères, Julien , V ita l, Antoine premier et Antoine se
cond du nom , l’avoient prédécédéc. Antoine, second du
nom , laissoit seul des enfans : ces enfans étoient les hé
ritiers naturels, et les seuls héritiers de ladite Dejax.
Des quatre enfans d’A ntoine, second du nom, il n’en
restoit que tro is, par le décès de Vital-François.
Anne - Marie Dejax , seconde du n o m , s’est mariée
en 1770 , avec Emmanuel Peyronnet. Par le contrat de
m ariage, la tante lui assura la somme de 3,000 francs,
payable après son décès, en effets de la succession, bien
et dûment garantis.
Julien D ejax, appelant, s’est marié en 1771. Par son
contrat de mariage, elle lui a donné des effets ou créances
mobiliaires évaluées à la somme de 6,000 francs; mais
sans garantie de 'sa p a rt, même de ses f a i t s et pro
m esses, et entièrement aux risques, périls et fo rtu n e
du donataire.
Là s’est borné le cours de ses libéralités envers la
dame Peyronnet et l’appelant.
Il n’en a pas été de même pour la dame Dalbine.
Par son contrat de mariage de 1771 , elle lui a fait
donation du domaine de Fontanes, sous la réserve seu
lement de l’usufruit -, elle lui a donné, en o u tre , une
somme de 2,000 f r . , payable après son décès, en argent,
ou effets de la succession.
Cette première libéralité a été bientôt suivie d’une
seconde.
L e 19 novembre 1 7 7 8 , elle dispose en faveur de
A 2
�(
4
)
Anne-M arie D alb in e, sa petite nièce, de six contrats
de rente foncière, sans autre réserve également que de
l’usufruit. L a donation est acceptée par le père.
Peu de temps après, elle eut le malheur de perdre la
vue; la dame Dalbine sut profiter de cette circonstance.
Sous prétexte d’être plus à. portée de lui prodiguer ses
soins , elle s’établit dans la maison avec ses enfans.
Elle eut bientôt acquis un ascendant souverain.
Elle géra et administra à son gré -, elle percevoit arbi
trairement les revenus et les capitaux.
O n va voir la preuve de l’empire qu’elle exerçoit.
Les actes vont se succéder.
i r novembre 1793, premier acte. On appelle un no
taire. La tante déclare devant ce notaire, que les sommes
qui avoient été comptées par ses débiteurs, à différentes
époques , avoient été par elle reçues et employées ; et
q u e , si les quittances en avoient été fournies par la dame
D a lb in e, sa nièce, c’est parce que la déclarante n’avoit
pu les donner elle-m êm e, étant depuis long-temps privée
de l’usage de la vu e; de laquelle déclaration elle requiert
le notaire de lui donner acte.
28 du même mois de novem bre, correspondant au 8
frimaire de l’an 2, procuration générale de la tante à la
dame D albine, pour recevoir, non-seulement les revenus,
mais les capitaux des créances, remettre les titres, et faire
quittance de tout ou de partie des sommes, ne pouvant
la constituante , est-il d it, quittancer, étant privée de
Yusage de la vue ; se réservant, est-il ajouté, la constituante, de toucher et recevoir elle-même les sommes qu i
seront payées par ses débiteurs, de manière que la darne
�ékf
(
5 )
D albine sera censée rî’avoir absolument rien reçu on
vertu des présentes j et par conséquent dispensée de ren
dre aucun compte.
Une pareille procuration étoit une véritable donation,
et en avoit tous les effets.
Bientôt intervint la loi du 17 nivôse an 2 ; la tante
ne pouvoit plus alors avantager cette nièce si chérie : on
imagina une couleur.
La loi du 17 nivôse permettoit de disposer du sixièm e,
en faveur des non successibles ; on imagina de porter sur
les enfans les libéralités dont la mère n’étoit plus sus
ceptible.
L e 17 germinal an 2, on lui fait souscrire, en faveur
des trois enfans de la dame D albine, une donation du
sixième de tous les biens meubles et immeubles présens,
sous la réserve de l’usufruit. L a donation fut évaluée à
une somme de 11,600 f r ., savoir, 10,000 fr. pour les
immeubles, et 1,600 fr. pour les meubles. Il n’y a point
eu d’état du mobilier annexé à la m inute, et l’acte ne
dit point, et ne pouvoit dire qu’il en avoit été fait tra
dition réelle, puisque la donation porte réserve d’usu
fruit.
L ’ambition de la dame Dalbine n’étoit pas encore
satisfaite.
L e 17 floréal an 2, on fait consentir un autre acte ,
celui-ci directement au profit de la dame Dalbine. On
prend la couleur d’une vente.
Par cet acte, la tante subroge la nièce, objet de sa
prédilection, à l’acquisition de deux maisons nationales ;
lesquelles, est-il dit, lu i aboient été. adjugées moyennant
�(
6
)
la somme de 2,950 J r . , mais auxquelles elle avait fa it
des réparations considérables, pour, par la dame JDalb in e, jo u ir d'¿celles dajis l’état où elles se trouvent, à lacharge par elle de lui rembourser la somme de 1,22 i f .
par elle déjà payée à la nation, et à la charge de payer à
la nation le restant de Vadjudication. L e contrat ne man
que pas de porter quittance de la somme de 1,221 f r . ,
qui de voit être remboursée; il porte aussi quittance des
réparations, évaluées à la somme de 1,220f r .
Ce 11’étoit point assez. 21 vendém aireancinq, nouvelle
libéralité sous la même couleur.
Cette fois on imagina de faire consentir la vente au
cit. Robert Croze-M ontbrizet-G izaguet, mari d’AnneMarie Dalbino.
Par cet acte, il est dit que la dam eD ejax, veuve Tartet,
a fait vente à M ontbrizet-Gizaguet, i°. du domaine de
Vazeliettes, bien patrimonial; 20. du domaine appelé le
Poux , ayant appartenu aux ci-d evan t religieuses de
St. Joseph, tel qu’il avoit été adjugé par la nation; 30. de
tous les meubles, outils aratoires, et généralement de tous'
les meubles étant au pouvoir du m étayer, comme aussi de
tous les meubles garnissans la maison de maître du
domaine de Vazeliettes , sous la réserve de Iusufruit
de tous les objets vendus. L a vente est faite moyennant la
somme de 25 ,000 francs , dont le con trat, comme de
raison, porte quittance.
Cependant la dame Dalbine continuoit, en vertu de la
procuration du 8 frimaire an 2, de percevoir, et les revenus
des biens, et lus capitaux des remboursernens qui étoient
faits par les débiteurs.
�ÙJ.Y
(7)
6 frimaire an 7 , acte devant notaires , par lequel la
tante, toujours docile aux impressions de la nièce, après
avoir rappelé la procuration du 8 frimaire an 2, déclare
que, quoique la dame Dalbine ait fourni quittance aux
débiteurs, ainsi qu’elle y étoit autorisée par ladite procura
tion , c ’est cependant elle, déclarante, qui a reçu et
touché les différentes so m m es, tant en p rin cip a u x,
intérêts que f r a i s , ain si, e st-il ajouté , que le montant
du p rix de la vente de azehettes par elle consentie au
profit de défunt G iza g u et, le 4 vendémiaire an 5 ,
dont elle a disposé ¿1 son gré, soit à payer partie de ses
dettes contractées, ou à Ventretien de sa maison ou
autrem ent, attendu que ses revenus sont depuis long*
temps insujfisans pour fo u r n ir à ses dépenses journa
lières; de laquelle déclaration elle requiert acte.
E nfin, pour couronner cette série de libéralités envers
la même personne, testament du 9 messidor an 8 , par
lequ el, usant de la faculté que lui accordoit la loi du
4 germinal de la même année, elle a disposé en faveur de
la dame D albine, par préciput et avantage , de la moitié
de tous ses biens.
»
Elle est décédée le 4 vendémiaire an 9 , âgée de quatrevingt-neuf ans.
Après son décès la dame Dalbine a provoqué la pre
mière le partage de la succession ; c’est-à-diie, dans son
sens, des objets dont la défunte n’avoit point disposé par
les actes entre-vifs dont on vient de rendre compte. E lle a
fait citer à ces fins le cit. D ejax et la veuve Peyronnet, par
exploit du 26 germinal an 9.
L e cit. D ejax, de son côté, a fait citer, par exploit du
+»t)
�( 8 ) '
i g messidor de la même année, la dame Dalbine et son
m ari, les enfans D albine, c’est-à-dire, Marie D alb in e,
Pierre Dalbine et A n n e-M arie D alb in e, veuve M ontbrizet-Gizaguet;
Savoir : la dame Dalbine et son m ari, pour voir déclarer
nul et de nul effet l’acte de subrogation, du 17 floréal an 2,
à l’acquisition des deux maisons nationales; voir dire que
'lesdites maisons seroient comprises dans le partage; se voir
condamner à rendre et restituer les loyers depuis la subro
gation , avec intérêts du montant depuis la demande ; pour
voir pareillement déclarer nul le testament du 9 messidor
an 8 , comme non revêtu des formalités prescrites par
l’ordonnance ;
M arie, P ie rre , et Anne-M arie D albine, veuve Gizagu e t, enfans dudit D albin e, pour voir déclarer nulle et
de nul effet la donation du sixième des biens meubles et
immeubles, du 17 germinal an 2 ;
E t encore la dame Gizaguet, au nom de tutrice de ses
enfans , pour voir déclarer nulle la vente consentie, le
21 germinal an 5, du domaine et métairie de Vazeliettes
et du P o u x, et des meubles, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis la vente.
Il a encore conclu, contre la dame veuve Gizaguet, à ce
qu’elle fût tenue de rendre et restituer les arrérages par
elle perçus, tant avant qu’après le décès de la défunte, d’un
setier seigle faisant partie d’une rente de deux setiers
seigle , due par Jean Pouglieon.
Il a conclu à ce qu’il fût sursi au partage demandé par
la dame Dalbine, jusqu’à ce qu’il auroit été statué sur les
demandes ci-dessus.
Il
�( 9 )
Il a conclu subsidiairement au retranchement et à la
réduction des donations à la moitié des biens, en remon
tant de la dernière à la première.
La cause portée à l’audience sur les deux citations ,
c’est-à-dire, sur celle en partage donnée à la requête de la
dame Dalbine , et sur celle du citoyen D e ja x , et avec
toutes les parties, jugement est intervenu le 6 messidor
an 10, qui a débouté le citoyen Dejax de sa demande en
nullité, tant de la subrogation consentie par la défunte
au profit de la dame Dalbine à l’acquisition des deux mai
sons nationales, que de la demande en nullité, formée
contre la veuve Gizaguet, de la vente du domaine de
Vazeliettes et le P o u x , et encore de la demande en nul
lité du testament; a ordonné en conséquence que lesdites
ventes, subrogation et testament, sortiroient leur plein et
entier effet ; a ordonné le partage, pour en Être délaissé à
la dame D albine, comme héritière testamentaire, une
moitié par préciput, et un tiers dans l’autre moitié comme
successible, et les deux autres tiers de ladite moitié, un au
citoyen D ejax, et l’autre à la citoyenne D e ja x , veuve
Peyronnet; auquel partage, est-il dit, chacune des parties
rapportera les jouissances perçues des immeubles, et les
intérêts, x’evenus, et autres objets dépendans de ladite suc
cession , sauf tous les prélèvemens de droit que chacune
d’elles auroit droit de faire. Il est dit ensuite : D a n s la
m o i t i é your Îinstitution de la dame D a lb in e , sont com
prises toutes les facultés de disposer de la défunte,fa ite s
depuis la publication de la loi du 17 nivôse an 2 ; en con
séquence la disposition du sixièm e, en fa v eu r des enfans
D a lb in e, demeure sans effet quant à présent, et de leur
B
�( 10 )
consentement les avons m is, sur ce c h e f , hors d'instance,
s a u f ii se pourvoir contre leur m ère, ainsi q u ils avise
ront. Il est de plus ordonné que, dans le délai d’ un m ois, à
compter de la signification dudit jugement, le cit. Dejax
sera tenu de faire faire inventaire du m obilier, papiers et
titres de créances laissés par la défunte à l’époque de son
décès, si mieux n’aime le cit. Dejax s’en rapporter à l’état
qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera censée
faite ledit délai passé. L e jugement ordonne en outre que
la dame Gizaguet sera tenue de rapporter le contrat de
rente annuelle d’un setier seigle, qui fait partie inté
grante de la succession de la défunte, et de rendre compte,
suivant le prix des pancartes, des années par elle perçues
depuis, sauf au citoyen Dejax à faire raison de ce qu’il a
touché de la même rente.
Sur le surplus des demandes respectives, met les parties
hors de jugement; et, en cas d’appel, ordonne le dépôt
des papiers entre les mains de Belm ont, notaire.
Condamne le citoyen Dejax aux dépens.
L e citoyen D ejax a interjeté appel de ce jugement ;
et c’est sur cet appel que les parties sont en instance en
ce tribunal.
L e citoyen Dejax a attaqué de nullité divers actes r
i° . L a donation faite, en faveur des enfans D albine,
du sixième de tous les biens meubles et immeubles
présens ;
2°. L ’acte de subrogation, du 17 floréal an 2, à l’acqui
sition des deux maisons nationales ;
30. L a vente du 21 vendémiaii*c an 5 , consentie aij
citoyen Montbrizct-Gizaguet ;
�C ^ }
E t enfin, le testament de la défunte, du 9 messidor an 8.
La disposition du jugement qui valide ces actes doit-elle
être confirmée ? On se flatte de démontrer la négative.
D onation du 17 germinal an 2.
- Cette donation est d’abord nulle quant aux meubles,
faute d’état. Les enfans D albinel’ont reconnu eux-mêmes;
ils ont déclaré qu’ils n’y insistoient pas.
Mais elle est également nulle pour les immeubles ; elle
est postérieure à la loi du 17 nivôse an -2, qui a interdit
tout avantage en faveur d’un successible, au préjudice
des autres.
O n a cru éluder la prohibition, en dirigeant la libé
ralité en faveur des enfans de la dame Dalbine ; mais
on s’est abusé.
- L ’art. X V I p orte, à la vérité, que la disposition géné
rale de la loi ne déroge point à l ’avenir à la faculté de
disposer, au profit d’autres que des personnes appelées
par la loi au partage des successions; savoir, du sixième,
si l’on n’a que des héritiers collatéraux; et du d ixièm e,
-si l’on a des 'héritiers en ligne directe.
Mais ce seroit bien mal entendre la lo i, que de penser
qu’elle a voulu par là autoriser les avantages indirects ;
qu?après avoir défendu d’avantager directement les suctessibles, elle a permis de îles avantager indirectement.
Ce seroit prêter u n e ‘absurdité et une inconséquence au
législateur.
Il est certain q u e, tant que le successible v it , ses en
fans ne sont point en ordre ide >succéder ; il leur fait
B a
�(12) t
obstacle. Mais il est-certain aussi, que le père et le fils
ne sont censés, en droit, faire qu’une seule et même per
sonne. P a te r et filius una eademque persona.
L a lo i, en interdisant tout avantage entre cohéritiers,
n’a fait que rendre générale, et étendre à toute la France,
la disposition des coutumes d’égalité. O r , dans les cou
tumes d’égalité, auroit - on autorisé ce qui auroit paru
renfermer un avantage indirect?
L a coutume d’Auvergne défend à la femme de dis
poser, non-seulement de ses biens dotaux, mais encore
de ses biens parapliernaux, au profit de son mari. L ’ar
ticle ajoute, ou autres et q u i le m ari puisse ou doiçe
succéder ; parce qu’inutilement une personne seroit prohi
bée , si on pouvoit lui donner indirectement ce qu’on ne
peut directement.
E t, sans se renfermer dans les coutumes particulières,
on le demande : de droit com mun, et suivant les lois de
rapport entre enfans, le père n’étoit-il pas obligé de rappoi’ter à la succession ce qui avoit été donné au petitfils-, et, respectivement, le petit-fils ce qui avoit été donné
au père?
L a loi du 17 nivôse en renferme elle-même une dis
position tacite.
On sait qu’elle annulloit toutes les dispositions faites
par personnes décédées depuis le 14 juillet 1789 : elle
aulorisoit cependant celui au profit duquel la disposition
annullée avoit été faite h retenir la quotité disponible,
c’est-à-dire, le sixième ou le dixièm e, suivant que le do
nateur avoit ou n’avoit point d’enfans ; et, en outre, autant
de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il
�( i3 )
avoit d’enfans, au temps où il avoit recueilli l’effet de la
disposition.
L ’article X X I porte que si le donataire ou héritier
institué est en même temps successible, il ne pourra
cumuler l’un avec l’autre, c’est-à-dire, la retenue et la
part héréditaire; il est obligé d’opter.
E t l’article X X II porte, L e descendant du successible,
qui n’a aucun droit actuel à la succession, et qui en fait la
remise d’après une disposition annullée, peut profiter de
la retenue, quoique son ascendant prenne part à la même
succession.
Si le descendant du successible n’avoit pas été regardé,
par la loi même, comme ne faisant qu’un avec ceux dont
il a reçu le jo u r , auroit-il fallu une disposition expresse
pour l’autoriser, en ce cas particulier, à cumuler la re
tenue et la part héréditaii’e?
L ’article X X V I défend les aliénations à fonds perdu,
qui pourroient être faites à un héritier présomptif; et
il est ajouté, ou à ses descendans. La loi a donc regardé
bien expressément les enfans du successible comme ne
faisant qu’une seule et même personne avec le successible.
Dira-t-on que la loi ayant pai*lé des descendans dans
cet article, et n’en ayant pas parlé dans l’art. X V I , elle
n’a pas voulu les comprendre dans ce dernier article ?
Mais il faut penser, au contraire, que si le mot descen
dant riz pas été expressément compris dans l’art. X V I ,
c’est parce que ce mot a échappé au législateur, lors de
la rédaction de cet article, et qu’ensuite il l’a ajouté à
l’art. X X V I , pour réparer en quelque sorte cette omis-
�( 14 )
sion. Enfin, la question a été expressément jugée dans
la cause de Soulier aîné contre scs puînés.
Soulier aïeul avoit fait une institution de tous ses biens
en faveur de son aîné, sous la réserve de disposer du
quart; lequel quart, à défaut de disposition, seroit néan
moins de la comprise de l’institution. L ’aïeul est décédé
en l’an 7, postérieurement à la loi du 1 7 'nivôse an 2,
mais antérieurement à celle du 4 germinal an 8. Par son
testament il avoit disposé du dixième de ses biens en
faveur d’un des enfans dudit Soulier, son petit-fils. Les
frères et sœurs de Soulier ont attaqué cette disposition,
comme faite indirectement au profit de l’aîné; et la dis
position a été effectivement déclarée n u lle , d’abord ren
première instance, au tribunal d’arrondissement'de cette
com mune, et ensuite sur l’appel'en ce tribunal.
Subrogation <du i j jîo r c a l an 2.
Cette subrogation à l’acquisition des deux maisons na
tionales, n’est évidemment qu’une donation déguisée sous
le nom de vente.
Ce^n’est pas sans doute jpar la dénomination donnée à
un acte qu’il faut juger'de la nature de l’acte., mais par
l’intention que les parties ont eue.
Ce principe ne sauroit être'contesté ; il est enseigné
par tous les auteurs, 'et consacré par les lois.
Parmi les diilerens textes de lois, on'peut citer'la-loi
Sufpitius , au digeste, D e dohationibus inter virum et
ujcorem, et'la loi Nudâ>, au cod. <De mntrahenda emptione.
�¿i/
( i5 )
P a p ó n , sur la loi S ulp itius, s’exprime ainsi : « S i ,
« pour donner couleur à cliose que la loi ne perm et, l’on
« prend titre permis, sera toujours l’acte suspect, et jugé
a qu’on l’a voulu couvrir de ce pour le faire valoir;
« comme si l’uñ de deux conjoints interdits et empêchés
« de soi donner, fa it, par testament ou contrat entre-vifs,
« confession que l’autre lui a p rê té , ou employé à ses
« affaires, ou d é liv ré , ou remis en ses mains certaine
.« somme, ne pourra ledit créancier, ainsi confessé, s’aider
« de telle confession, sans premier faire preuve qu’il a
k fait tel p rê t, ou remis, employé, ou délivré la somme.
« L a simulation, dit le même auteur dans un autre
« endroit, se pratique de différentes manières; l’une, et
« première, est de faire paroître, par contrat , chose dont
«x. néanmoins le contraire est entendu entre parties : ce
« sera acte imaginaire, qui n’aura autre chose que l’ap« parence pour le contrat passé entre les parties. U n
v homme empêché, par la coutume du lieu, de donner à
« un autre, pour la volonté qu’il aura de le gratifier,
« simulera de lui vendre à certain p r i x , qu’il confes« sera avoir reçu ( c’est ici précisément notre espèce ) :
«f si cette simulation est prouvée, sans doute la vente
« sera n u lle , comme le dit Ulpien. »
E t Papon cite ladite loi Nudâ.
« ’ Quoique les parties, dit R icard, et après lui Chabrol,
« tome II, page 381, aient déguisé du nom de vente une
« donation, elle passe pour un titre gratuit et pour une
« véritable donation ; de sorte qu’elle en reçoit toutes les
« lois, comme elle en a les principales qualités. Ainsi
�( 1 5 }
cc un semblable contrat étant passé entre personnes qui
« sont prohibées de se donner, il sera pris sans difficulté
« pour un avantage indirect, et sujet à la prohibition
« de la loi. »
Ce seroit donc une erreur manifeste de s’attacher à la
dénomination d’un acte, et de ne pas en pénétrer l’esprit.
Vainement les parties ont-elles voulu voiler leur inten
tion, et la présenter sous une autre forme que celle d’une
libéralité : les précautions concourent souvent à la trahir;
et les présomptions qui s’élèvent en foule contre un acte
déguisé, acquièrent bientôt le degré d’une certitude, et
ea provoquent la nullité.
A ces autorités qu’il soit permis d’ajouter celle du
célèbre Cochin, dans son 177e. plaidoyer :Dans un acte
devant notaires il faut, d it-il, distinguer deux choses, le
fait et l’écriture, scriptum et gestum. La simulation con
siste en ce que les parties déclarent, devant un officier
p u b lic, qu’elles font entre elles une certaine convention,
quoique réellement elles en exécutent une contraire.
L ’acte est simulé, si l’on prouve que l’on a eu une inten
tion contraire, et qu’on l’a exécutée. La simulation est un
genre de faux ; mais le faux ne touche pas sur l’acte en luimême. C’est un genre de faux par rapport aux parties,
mais non par rapport ;'i l’officier public.
E t de là, le principe consacré, même par une règle de
d ro it, P lu s valcre quod agitur, quiim quod simulatè
concipitur.
S’il est constant que la dénomination d’un acte n’en
détermine pas toujours la nature; si, malgré la dénomina
tion
�6o ï
C 17 ) f
tion que les parties lui ont donnée, on peut l’arguer de
simulation et de fraud e, comment s’établit maintenant
cette simulation et cette fraude ?
Par les circonstances.
Fraus ex circonstantiis probari potest, dit Dumoulin
sur l’article III du titre X X X I de la coutume de Nivernais.
F r a u s , dit énergiquement d’A rgentré, sur l’article
C C X G V I de la coutume de Bretagne , probatur conjectu ris antecedentibus , consequentibus et adjimctis.
F a lsissim u m , ajoute-t-il ,q u o d quidam putaverunt non
n isi instrumentis probari posse ’ fa c ta enim extrinsecùs
fra u d em potiüs probant, quia nemo tam supinus e s t ,
ut scT'ibi patiatur quœ fra u d u len terfa cit.
L a fraude, dit Coquille, s’enveloppe toujours, et cherche
à se déguiser. Elle ne seroit pas fraude, si elle n’étoit
occulte. D e là vient que les seules conjectures et présomp
tions servent de preuve.
. Citerons-nous encore Denizard. Les donations indi
rectes, dit cet arrétiste, au mot, avantage indirect, n° 1 7 ,
sont les plus fréquentes, et la preuve en est beaucoup plus
difficile : aussi n’exige-t-on pas de ceux qui les attaquent,
qu’ils rapportent une preuve complète de la fraude ; de
simples présomptions suffisent, parce qu’on ne passe point
des actes pour constater l’avantage indirect; au contraire
on cherche avec attention à en dérober la connoissance.
Quelles sont, d’après les mêmes auteurs, les principales
cii’constances qui doivent faire déclarer un acte simulé ?
La prem ière, si l’acte est passé entre proches. Fraus
inter conjunctas persoîiasfacile prœsumitur.
C
�(
18)
■La seconde , la non-nécessité de ven d re, s’il n’existe
aucun vestige du prix.
L a troisième, si les actes sont gém inés; alors la pré
somption de simulation acquiert un nouveau degré de
cei'titude.
En un m ot, comme dit d’A rg en tré , dont nous avons
rapporté les expressions, les juges ne doivent pas se fixer
seulement sur l’acte attaqué, ou sur les circonstances qui
ont pu accompagner cet acte au moyen de la passation,
mais encore sur toutes les cii'constances antécédentes et
subséquentes.
L a parenté, le défaut de nécessité de vendre, le défaut
de vestige du p r i x , tout se rencontre ici. L e notaire
n’atteste point la numération des deniers. Il n’est point dit
que la somme a été comptée au vu et su du notaire ou des
notaires soussignés, ainsi qu’il est même de style, lorsque
l’argent est effectivement compté.
E t si, à ces circonstances, qu’on peut appeler environ
nantes , on ajoute les circonstances cmtécédentes et subsé
quentes ; si l’on ju g e , pour rappeler les expressions de
d’A rgen tré, ex adjim ctù, et ex antecedentibus et consequentibus, restera-t-il le moindre doute?
L a dame Dalbine et son mari ont excipé, en première
instance, et dè l’article X X V I de la loi du 17 nivôse, et
de la réponse à la 55e. question de celle du 22 ventôse.
L ’article X X V I de la loi du 17 nivôse déclare nulles,
pt interdit toutes donations, à charge de rente viagère ou à
fonds perdu, soit en ligne directe, soit en ligne collaté
rale, faites à un des héritiers présomptifs ou à ses descen-
�( *9 )
dans; et de ce que cet article neparle que des ventes à fonds
perdu , la dame Dalbine et son mari n’ont pas manqué
d’en induire que cet article, par une conséquence néces
saire, autorise les ventes qui ne sont pas à fonds perdu,
d’après la m axim e, Inclusio unius est exclusio alterius.
Ils se sont aidés ensuite de la réponse 55 e. de la loi du
22 ventôse, qui déclare que la loi valide tout ce qu’elle
n’annulle pas ; mais cet article de la loi du 22 ventôse,
qui détermine le sens de l’art. X X V I de celle du 17 nivôse,
bien loin d’être favorable à leur système, leur est con
traire. Voici ce que porte la réponse à la 55 e. question :
« À ce qu’en expliquant l’article X X V I de la loi du
« 17 nivôse, relatif aux ventes à fonds perdu faites à des
« successibles, il soit décrété que les ventes faites à autre
« titre, antérieurement à cette lo i, soient maintenues,
« quand elles ont eu lieu de bonne f o i , sans lésion , et
« sans aucun des vices q u i pourroient amiullcr le
« contrat. »
Fixons-nous,sur,ces dernières expressions.
O n voit qu’on n’a pas même osé mettre en question,
et proposer au législateur de décider si des ventes sim u
lées devoient être maintenues. Une pareille question n’en
étoit pas une. L e doute ne pouvoit s’élever qu’à l’égard
.des ventes faites de bonne f o i, et non en fraude ; des
•ventes sincères, et non des ventes simulées. O n voit
m êm e, dans l’exposé de la question, qu’il s’agissoit de
ventes faites antérieurement à la loi.
Que répond le législateur?
a Sur la cinquante-cinquième question, ÎJue la loi
« valide ce qu’elle n’annulle pas; qu’ayant anéanti, entre
C 2
�( 20 )
« successibles, les ventes faites à fonds perdu depuis le
« 14 juillet 1789, sources trop fréquentes de donations
« déguisées, parce que les bases d’estimation manquent,
« elle n’y a pas compris les autres transactions commer
ce ciales, contre lesquelles on n’invoquoit ni lésion , ni
« défaut de payement. »
Q u’induire de là ? L a question qui divise les parties
est-elle donc de savoir si une vente faite de bonne fo i,
a un héritier présom ptif, est valable? On ne l’a jamais
contesté, et on en conviendra encore, si l’on veut. Mais
en est-il de même d’une vente qui n’en a que le nom ,
qui n’est véritablement qu’une donation déguisée?
Cette question est sans doute bien différente.
,
Vente du 21 vendémiaire an 5 , du domaine de V a zeliettes et du P o u x , au citoyen Gizaguet.
Elle est faite moyennant la somme de a 5 ,ooo francs,
numéraire m étallique, laquelle som m e, e s t- il dit, la
vendercsse reconnoît avoir reçue présentement dudit
Gizaguet.
Mais d’abord à qui persuadera-t-on que le citoyen
Gizaguet ait payé comptant 2Ô,ooo francs, dans un temps
où le numéraire étoit si rare ? E t si cette somme avoit été
payée com ptant, n’en seroit-il pas resté quelques ves
tiges? la défunte n’en auroit-elle pas fait quelque emploi?
ou si elle avoit gardé cet argent stérile dans son arm oire,
ne se seroit-il pas trouvé, au moins en partie, à son décès?
Memqfcirconslances environnantes. Point de nécessité
de vendre ; point d’emploi du prix ; point d’attestation de
�( 21 )
la part du notaire, que les deniers ont été comptés sous ses
yeux.
M ais, de plus, réserve de la part delà venderesse de l’usu
fruit; réserve très-rare dans les ventes véritables, trèsordinaire'au contraii’e dans les donations; réserve qui
seule s u f f i r o i t pour faire déclarer l’acte n u l, aux termes de
l ’article X X V I de la loi du 17 nivôse. .
En effet, une pareille réserve convertit la vente en une
vente à fonds p erd u , pi’ohibée par l’article X X V I , à
moins qu’elle n’ait été faite de l’exprès consentement des
héritiers.
Circonstances antécédentes et subséquentes.
Première donation du 9 décembre 1771 , envers la
dame D albine, du domaine de Fontanes, domaine d’une
valeur considérable, et encore d’une somme de 2,000 fr.
En 1778, seconde donation, à Anne-M arie D alb in e,
aujourd’hui veuve Gizaguet , de six parties de rentes
foncières.
11 novembre 1793, quittance et décharge de toutes les
sommes perçues parla dame Dalbine, provenantes non-seu
lement des revenus, mais encore du remboursement des
capitaux.
8 frimaire an 2 , procuration générale et illimitée de
percevoir revenus et capitaux, avec dispense de rendre
compte.
L a loi du 17 nivôse intervient, Elle ne peut se faire
donner à elle-même. Qu’est-ce qu’elle imagine ? E lle inter
pose ses enfans.
D onation, du 17 germinal an 2 , de toute la quotité
�alors disponible, envers les non successibles, c’est-à-dire,
du sixième.
L a quotité disponible, o u , pour mieux d ire, qu’elle
croyoit disponible , étoit épuisée. Elle imagine un autre
moyen pour envahir le surplus des biens. Subrogation,
du 17 floréal an 2 , moyennant 1,221 fr., d’une part, et
1,200 fr. d’autre, dont le contrat porte quittance ;
Quittance illusoire ! En effet, on a vu que la défunte
étoit aveu gle, et presqu’anéantie par l’âge. Elle avoit
donné à sa nièce la procuration la plus ample; elle l’avoit
constituée maîtresse. En supposant que la somme eût été
véritablement comptée , la dame Dalbine se seroit donc
payée à elle-même : elle auroit pris d’une main ce qu’elle
auroit donné de l’autre.
Somme illusoire ! En supposant qu’elle eût été p ayée,
elle l’auroit été en assignats presque de nulle valeur ;
en assignats qui seraient provenus de la gestion même
qu’elle avoit des biens de la défunte.
C’est à la suite de ces actes qu’est conçue la vente
du 21 vendémiaire an 5 .
6 frimaire an 7 , déclaration de la défunte, attestant
que, quoique la dame D albine ait fo u r n i quittance au x
débiteurs, c'est cependant elle déclarante qui a reçu et
touché les différentes som m es, tant en p rincipaux, in
térêts que fr a is .
E t il est ajouté, ainsi que le montant du p rix de la
vente du domaine de Vazeliettes et du P o u x .
Pourquoi cette dernière mention ? Q u’étoit-il besoin
de faire déclarer à la défunte que c’étoit elle qui avoit
perçu le prix de la ven te? N ’étoit-ce pas elle-m êm e
qui l’avoit quittancé dans le contrat ?
�C 23 )
Que la dame Dalbine se soit fait donner une décharge
des sommes dont elle pouvoit craindre qu’on cherchât à
la rendre com ptable, des sommes par elle reçues et quit
tancées; c’est ce qu’on conçoit : mais des sommes qu’elle
n’a point quittancées ; c’est ce qui ne s’explique pas aussi
facilement.
Cet excès de précaution n’a ch è v e-t-il pas de décéler
la fraude ?
.. Il est dit, dont elle a disposé à son gré, soit à payer
partie de ses dettes, soit à Ventretien de sa m aison, ou
autrement : déclaration démentie, i°. par l’existence des
dettes, au moment du décès de la défunte; 2°. par la
réserve de l’usufruit des biens pendant sa v ie , même du
domaine vendu; usufruit plus que suffisant pour subvenir
à sa subsistance.
E n fin , testament du 9 messidor an 8 , qui termine cette
chaîne de dispositions.
A-t-on jamais vu une plus grande réunion de circons
tances ?
Tous ces actes s’interprètent l’un par l’autre.
. O n a cru avoir trouvé une réponse victorieuse.
L a l o i , a-t-on d it , ne défend que les ventes à fonds
perdu, faites à des successibles. O r, i c i, la vente n’a point
été faite à fonds perdu; e t, d’un autre c ô té , n’est point
faite à un successible, puisque le citoyen Gizaguet étoit
étranger à la défunte, et ne pouvoit jamais venir à sa,
succession.
L a donation faite au mari ne profite-t-elle donc pas à la
femme ? Ne profite-t-elle pas aux enfans communs ? Donner
au m ari, n’est-ce pas donner1ù la femme et aux enfans ? L a
�(H )
loi ne défen d-elle donc que les avantages directement
faits aux successibles ? Ne défend-elle pas également les
avantages faits indirectement, et par personnes supposées.
On ne voit dans cette interposition de personnes qu’un
excès de précaution ; et c’est cet excès de précaution qui
caractérise la fraude.
Un jugement du tribunal d’appel du département de
la Seine, du 12 messidor an 9 , conforme aux conclu
sions du ministère public, confirmatif de celui du tri
bunal civil de Chartres, rapporté dans le journal du
palais, prouve assez que la cii'constance, que la vente
a été consentie, non à la femme successible, ou descen
dante de successible, mais au m ari, n’est pas une égide
contre la nullité prononcée par la loi.
A utre jugement du tribunal d’appel séant à R ouen ,
dans l’espèce duquel le contrat portoit que le prix avoit
été payé comptant, en présence du notaire.
V oici la question et les termes du jugement, tels qu’ils
sont rapportés par le journaliste.
« D eux questions ont été posées :
«
«
«
«
te
te
te
« La première consistoit à savoir quelles sont les conditions qui peuvent rendre valable un contrat de vente
fait par un père, à l’un de scs enfans ou de ses gendres.
« L a seconde avoit pour objet de reconnoitre si L e inonnier, acquéreur, avoit rempli les conditions nécessaires pour la validité de son acquisition.
« L e tribunal d’appel de Rouen a pensé, sur la prê
mière de ces questions , que les principes et la juris
prudence, fondés sur l’art. C C C G X X X IV de la coû
tume de la ci-devant province de Normandie, et l’ar
ticle
�( 25 3
r ticle IX de la loi du 17 nivôse an 2, se réunissent pour
« établix* qu’un contrat de vente d’immeubles, fait par un
« père à l’un de ses 'enfans, n’étoit valable qu’autant que
« l’acquéreur prouvoit qu’il avoit payé le juste prix de
« la chose acquise, et qu’il justiiioit de l’emploi des dea niers de la vente, au profit du vendeur.
« E t sur la seconde question, il lui a paru que L e « monnier n’avoit point rempli les conditions requises
c< pour valider son acquisition ; qu’en vain il s’appuyoit
« sur ce qu’il étoit dit dans le contrat, que le payement
« du prix de la vente avoit eu lieu en présence du notaire ;
« attendu qu’une telle énonciation n’étoit point une preuve
« de l’emploi des deniers, en faveur du ven d eu r, mais
« qu’elle étoit plutôt un moyen de couvrir la fraude, selon
« le principe établi par D um oulin , en ces tex-mes :
ce Conclusum quod in venditionefactâ filio velgenero,
« conjessio patris non valet de recepto , etiam si nota« rius dicat pretium receptum coram se*
cc D ’après ces considérations, le jugement du tribunal
« civil de l’E u re, qui avoit déclaré la vente valable, a été
« réformé ; et le contrat de v en te , passé par le défunt
« Hermier à Lem onnier, son gendx’e , a été déclaré frau« duleux et nul. »
Testam ent du 9 messidor an 8.
U n premier moyen de nullité résulte de ce que le
notaire n’a pas énoncé pour que^ département il étoit
établi! Titre I er. sect. I I , art. X II de la loi de 1771.
U,ne seconde nullité, de,ce qu’il n’a pas désigné le ü °.
dç la patente. L o i sur les patentes.
D
�(26)
Une troisième nullité bien plus frappante, et à laquelle
il n’y a point de réponse , c’est le défaut de signature
d’un des témoins numéraires qui n’a signé que par son
surn om , et non par son vrai nom.
“ L a loi veut que le testament soit signé de tous les té
moins qui savent signer; si le testateur est aveugle, il faut
appeler un huitième témoin également signataire. O r ,
celui qui ne signe pas son vi’ai nom ne signe véritable
ment pas!
j
L e nom de famille du témoin étoit Croze; son sur
nom , Auvernat : il a signé simplement A uvernat ■il
devoit signer Croze.
^ Un décret de l’assômblée constituante, du 19 juin 1790,
art. I l , porte, qu’aucun citoyen ne pourra prendre que
le vrai nom de sa famille,
t A utre décret du 27 novembre 1790, pour la forma
tion du tribunal de cassation : ce décret, article X V I I I ,
p o rte , qu’aucune qualification ne sera donnée aux par
ties; on n’y insérera quedeur nom patronimique, c’està-d ire, ' de baptêm e, et celui de la fam ille, et leui's fonc
tions ou professions.
-* 6 fructidor an 2 , nouveau décret de la convention
nationale, par lequel il est prescrit, qu’aucun citoyen
ne pourra porter dç nom ni de prénom , que ceux expri
més dans son acte de naissance ; et que ceux qui les ont
quittés seront tenus de les reprendre : loi dont la plus
stricte exécution a été ordonnée par arrêté du direc
toire exécu tif, du 19 nivôse an 4.
Mais voudroit-on regarder ces lois comme l’effet de la
révolution, et ne pas s’y arrêter ; on en citera d’antérieures.
�C 27 )
'
On citera l’ordonnancé de Henri I I , de 1 5 5 5 , q u i a
enjoint à tous les gentilshommes de signer du nom de
leur famille, et non de celui de leur seigneurie, tous actes
et contrats qu’ils feront, à -peine de nullité desdits actes et
contrats.
On citei’a l’ordonnance de Louis X I I I , de 1629 ,
article C G X I, qui porte les mêmes dispositions.
E t, pour remonter à ce qui s’observoit chez les Romains
m êm e, Cujas a conservé dans son commentaire les for
mules des testamens. On y voit que chaque témoin signoit
son nom de fam ille, après avoir déclaré son prénom '.Ego
J o a n n es.................... testamentum subscripsi; ce qui est
conforme à la loi Singulos, X X X , D e testamentis. S in gulos testes, dit cette lo i, q u i testarnento adhibenturproprio chirographo annotare con çen it, quis, et cujus testamentum signaçerit. Il faut que, par Vacte m êm e, on
puisse savoir quel est celui qui a signé; que l’acte même
apprenne à ceux qui ne connoissent pas le tém oin, quel
est ce témoin. U n surnom peut être commun h plusieurs.
L e nom de famille est le seul nom propre et distinctif.
Enfin l’ordonnance exige que tous les témoins signent.
Celui qui ne. signe pas par son n o m , est comme s’il ne
signoit pas.
L e testament est donc nul; et on ne peut assez s’étonner
que le tribunal de première instance l’ait déclaré valable ;
qu’il ait pareillement déclaré valables les autres actes entre
vifs, dont on a rendu compte.
Dans tous les cas, le testament ne. pourroit ' avoir son
entier effet : la loi du 4 germinal an 8 permettoit à la
défunte de disposer de la moitié de ses biens; mais autant
�( 2 8 ) .................................
seulement qu’elle n’en auroit pas "disposé par des libéralités
antérieures.
Les premiers juges l’ont reconnu eux-mêmes, puisqu’ils
ont inséré dans le jugement: D a n s la m oitié, est-il d it,
pour Vinstitution de la dame D a lb in e , sont comprises
toutes les fa cu ltés de disposer de la défunte ,* mais ils
ont ajouté, fa ite s depuis la publication de la loi du
17 nivôse an 2. O n ne craint pas d’avancer qu’ils ont erré
en cela. Si la libéralité antérieure à la loi du 17 nivôse an 2 ,
ou, pour mieux dire, à celle dü 5 brumaire an 2, excédoit
la moitié, on ne pourroit pas la faire réduire. Mais si elle
n’excède pas, elle doit être imputée sur la moitié dispo
nible; et c’est mal à propos que les juges ont distingué les
libéralités antérieures ou postérieures à la loi du 17
nivôse.
Ainsi ilfau d roit, dans tous les cas, imputer sur la quo
tité disponible , et la donation du domaine de Fontanes,
faite à la dame Dalbine par son contrat de mariage , et la
donation des six parties de rentes foncières, faite en 1778,
à Anne-M arie Dalbine; en tant du moins que ces dona
tions excéderoient celle faite à la dame Peyronnet et au
citoyen D ejax, dans leur contrat de mariage.
L e jugement dont est appel auroit donc encore mal jugé
en ce point.
O n voit combien cette cause est importante. Elle n ’inté
resse pas seulement le citoyen Dejax ; elle intéresse encore
le public. S’il étoit possible que la dame Dalbine obtînt Îe
succès qu’elle attend ,'il n’y aüroit plus de rempart contre
l’avidité d’un cohéritier ambitieux. Les fraudes, déjà trop
communes, se multi£lieroient; la loi seroit sans objet; la
�. ( 29 )
volonté du législateur, impuissante. Comment la dame
Dalbine s’est-elle flattée de faire adopter un pareil système?
comment a -t-elle pu penser que des juges éclairés et
intègres consacreraient une suite d’actes aussi évidem
ment frauduleux ?
P A G È S -M E IM A C , jurisconsulte.
P É R I S S E L , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L A N D R I O T , seul imprimeur du
T ribun al d’appel. — A n 11.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dejax, Julien. 1802?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Périssel
Subject
The topic of the resource
successions
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
nullité du testament
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Julien Dejax, homme de loi, habitant de la commune de Brioude, appelant ; Contre Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal de première instance de l'arrondissement de Brioude ; Joseph Dalbine, Marie Dalbine, fille majeure, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ; tous enfans dudit Pierre Dalbine et de ladite Dejax, son épouse ; Et encore ladite Marie Dalbine, veuve Gizaguet, au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit Montbrizet-Gizaguet ; tous intimés.
Table Godemel : Testament. un testament contenant, pour signature d’un témoin, un surnom au lieu de son nom de famille, doit-il être déclaré nul ? Avantage indirect : 1. une donation du sixième des biens faite. 2. une subrogation à l’acquisition d’immeubles, consentie en l’an 2, au profit d’un successible, peut-elle être considérée comme une donation déguisée sous la forme d’une vente ? en faveur des enfants d’un successible, sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2, qui interdirait tous avantages en faveur d’un successible, au préjudice des autres, est nulle.
il en est de même de la vente d’immeubles, sous réserve d’usufruit, consentie au mari d’une fille des successibles, qui doit être assimilée aux ventes à fonds perdu, à moins du consentement de la part des successibles ; surtout si les circonstances de la cause font supposer l’intention de faire une libéralité déguisée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1770-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0931
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0716
BCU_Factums_G0932
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53092/BCU_Factums_G0931.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
doctrine
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
nom de famille
nullité du testament
procuration
signatures
Successions
surnoms
testaments
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53911/BCU_Factums_M0716.pdf
2aeff558f46e8b7ded17539b71433051
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Text
MEMOIRE
P O U R
D E J A X , homme de lo i, habitant de la com
mune de Brioude, appelant ;
J u l ie n
CONTRE
A g n è s D E J A X , et le citoyen P i e r r e D A L B IN E ,
son mari yjuge au tribunal de première instance de
l'arrondissement de Brioude ;
D A L B IN E , M a r i e D A L B IN E ,fille majeure,
et A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert CrozeM ontbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ;
tous enfans dudit P i e r r e D A L B IN E et de ladite
D E J A X , son épouse ,
J oseph
E t encore ladite M a r i e D A L B IN E , veuve Gizaguet,
au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit
Montbrizet-Gizaguet ;
' Tous intimés.
D
actes faits en fraude de la lo i, pour éluder la
prohibition de la loi, doivent-ils être maintenus? Les
juges, établis pour le maintien des lois, doivent-ils en
autoriser l’infraction ? Telle est la question que cette cause
présente.
A
ES
�(2)
Ce n’est pas un seul acte que le citoyen Dejax attaque;
c’est une suite, une série d’actes; tous l’ouvrage de l’am
bition de la dame Dalbine, tous l’effet d’un plan cons
tamment suivi, du plan conçu et exécuté de le dépouiller
de la portion que la loi lui assuroit dans la succession
d’une tante commune.
F A I T S .
D u mariage de Pierre Dejax avec Jacqueline Chassaing, sont issus cinq enfans ; savoir, Julien, V ita l,
Antoine premier, Antoine second du nom , et AnneMarie Dejax, première du nom.
Julien, V ital, et Antoine premier, sont décédés sans
postérité. Il ne s’agit point de leur succession.
Anne-M arie Dejax a contracté mariage avec le citoyen
Tartel; elle a survécu à son mari, et vient elle-même
de payer le tribut. C’est son décès et sa succession qui
donnent lieu à la contestation.
A n toin e D e ja x , second du nom , s’est marié avec M arieTh érèse D elchier.
De ce mariage sont issus quatre enfans :
Vital-François, décédé sans postérité;
Julien Dejax, appelant;
Anne-Marie Dejax, seconde du nom, veuve Peyronnet j
E t Agnès D ejax, épouse du citoyen Dalbine, juge.
Celle-ci a eu , de son mariage avec ledit Dalbine, trois
enfans; A n n e-M arie, qui a épousé, en l’an 3 , Robert
Croze-Montbrizet-Gizaguet; et Joseph, et Marie Dalbine*
Telle est la généalogie des parties»
�Anne-Marie Dejax, première du nom, veuve Tartel,
n’avoit point eu d’enfans de son mariage ; ses quatre
frères, Julien, V ita l, Antoine premier et Antoine se
cond du nom, l’avoient prédécédée. Antoine, second du
nom, laissoit seul des enfans : ces enfans étoient les lieritiers naturels, et les seuls héritiers de ladite Dejax.
Des quatre enfans d’Antoine, second du nom, il n’en
restoit que trois , par le décès de Vital-François.
A nne-M arie D ejax, seconde du nom , s’est mariée
en 1770, avec Emmanuel Peyronnet. Par le contrat de
mariage, la tante lui assura la somme de 3,000 francs,
payable après son décès, en effets de la succession, bien
et dûment garantis.
Julien Dejax, appelant, s’est marié en 1771. Par son
contrat de mariage, elle lui a donné des effets ou créances
mobiliaires évaluées à la somme de 6,000 francs; mais
sans garantie de sa part, même de ses fa its et pro
messes , et entièrement aux risques, périls et fortune
du donataire.
Lu s’est borné le cours de ses libéralités envers la
dame Peyronnet et l’appelant.
1
Il n’en a pas-clé de même pour la dame D albinc.
Par son contrat de mai'iage de 1771 , elle lui a fait
donation du domaine de Fontanes, sous la réserve seu
lement de l’usufruit •, elle lui a donné, en outre, une
somme de 2,000 fv., payable après son décès, en argent,
ou effets de la succession.
Cette première libéralité a été bientôt suivie d’une
seconde.
Le 19 novembre 1778 , elle dispose en faveur de
A 2
�C4 )
Anne-Marie Dalbine , sa petite nièce, de six contrats
de rente foncière, sans autre réserve également que de
l’usufruit. La donation est acceptée par le père.
Peu de temps après, elle eut le malheur de perdre la
vue; la dame Dalbine sut profiter de cette circonstance.
Sous prétexte d’être plus à portée de lui prodiguer ses
soins , elle s’établit dans la maison avec ses enfans.
Elle eut bientôt acquis un ascendant souverain.
Elle géi’a et administra à son gré ; elle percevoit arbi
trairement les revenus et les capitaux.
On va voir la preuve de l’empire qu’elle exerçoit»
Les actes vont se succéder.
i i novembre 1793, premier acte. On appelle un no
taire. La tante déclare devant ce notaire, que les sommes
qui avoient été comptées par ses débiteurs, à différentes
époques , avoient été par elle reçues et employées ; et
que, si les quittances en avoient été fournies par la dame
D albine, sa nièce, c’est parce que la déclarante n’avoit
pu les donner elle-même, étant depuis long-temps privée
de l’usage de la vue*, de laquelle déclaration elle requiert
le notaire de lui donner acte.
28 du même mois de novembre, correspondant au 8
frimaire de l’an 2, procuration générale de la tante à la
dame Dalbine, pour recevoir, non-seulement les revenus,
mais les capitaux des créances, remettre les titres, et faire
quittance de tout ou de partie des sommes, ne pouvant
la constituante , est-il d it, quittancer, étant privée do
Tusage delà vue; se réservant, est-il ajouté, la consti
tuante , de toucher et recevoir elle-même les sommes qui
seront payées par ses débiteurs} de manière que lu datne
�(5)
Dalbine sera censée rüavoir absolument rien reçu en
vertu des présentes ; et par conséquent dispensée de ren
dre aucun compte.
Une pareille procuration étoit une véritable donation,
et en avoit tous les effets.
Bientôt intervint la loi du 17 nivôse an 2 \ la tante
ne pouvoit plus alors avantager cette nièce si chérie : on
imagina une couleur.
La loi du 17 nivôse permettoit de disposer du sixième,
en faveur des non successibles ; on imagina de porter sur
les enfans les libéralités dont la mère n’étoit plus sus
ceptible.
Le 17 germinal an 2, on lui fait souscrire, en faveur
des trois enfans de la dame D albine, une donation du
sixième de tous les biens meubles et immeubles présens,
sous la réserve de l’usufruit. La donation fut évaluée à
une somme de 11,600 fr ., savoir, 10,000 fr. pour les
immeubles, et 1,600 fr. pour les meubles. Il n’y a point
eu d’état du mobilier annexé à la minute, et l’acte ne
dit point, et ne pouvoit dire qu’il en avoit été fait tra
dition réelle, puisque la donation porte réserve d’usu
fruit.
L ’ambition de la dame Dalbine n’étoit pas encore
satisfaite.
Le 17 floréal an 2, on fait consentir un autre acte ,
celui-ci directement au profit de la dame Dalbine. On
prend la couleur d’une vente.
Par cet acte, la tante subroge la nièce, objet de sa
prédilection, à l’acquisition de deux maisons nationales ;
lesquelles, est-il dit, lui avaient été adjugées moyennant
�( 6)
la somme de 2,95o f r . , mais auxquelles elle avoit fa it
des réparations considérables, pour, par la dame D albine, jou ir d'icelles dans Vétat où elles se trouvent, à lacharge par elle de lui rembourser la somme de 1,221 j\
par elle déjà payée ¿1 la nation, et à la charge âe payer eï
la nation le restant de Vadjudication. I<e contrat 11e man
que pas de porter quittance de la somme de 1,221 f r .,
qui devoit être remboursée; il porte aussi quittance des
réparations, évaluées à la somme de 1,220 fr.
Ce n’étoit point assez. 21 vendémaire an cinq, nouvelle
libéralité sous la même couleur.
Cette fois on imagina de faire consentir la vente au
cit. Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, mari d’AiméMarie Dalbine.
Par cet acte, il est dit que la dameDejax, veuve Tartet,
a fait vente à Montbrizet-Gizaguet, i°. du domaine de
Vazeliettes, bien patrimonial; 20. du domaine appelé le
Poux , ayant appartenu aux ci-devant religieuses de
St. Joseph, tel qu’il avoit été adjugé parla nation; 30. de
tous les m eubles, outils aratoires, et généralement de tous
les meubles étant au pouvoir du métayer, comme aussi de
tous les meubles garnissans la maison de maître dudomaine de Vazeliettes , sous la réserve de Tusufruit
de tous les objets vendus. La vente est faite moyennant la
somme de 25,000 francs, dont le contrat, comme de
raison, porte quittance.
Cependant la dame Dalbine continuoit, en vertu de la
procuration du 8 frimaire an 2, de percevoir, et les revenus
des biens, et les capitaux des reinboursemcns qui étoient
faits par les débiteurs.
�6 frimaire an 7 , acte devant notaires , par lequel la
tante, toujours docile aux impressions de la niece, après
avoir rappelé la procuration du 8 frimaire an 2, déclare
que, quoique la dame Dalbine ait fourni quittance aux
débiteurs, ainsi qu’elle y étoit autorisée par ladite procura
tion , c'est cependant elle, déclarante, qui a reçu et
touché les différentes so?nmes , tant en principaux,
intérêts que fra is , ainsi, est-il ajouté , que le montant
du prix de la vente de Vazeliettes par elle consentie au
profit de défunt Gizaguet, le 4 vendémiaire an 5 ,
dont elle a disposé à son gré, soit ¿1 payer partie de ses
dettes contractées, ou à ïentretien de sa maison ou
autrement, attendu que ses revenus sont depuis long*
temps insiiffisans pour fo u rn ir à ses dépenses journa
lières; de laquelle déclaration elle requiert acte.
Enfin, pour couronner cette série de libéralités envers
la même personne, testament du 9 messidor an 8, par
lequel, usant de la faculté que lui accordoit la loi du
4 germinal de la même année, elle a disposé en faveur de
la dame Dalbine, par préciput et avantage , de la moitié
de tous ses biens.
E lle est décédée le 4 vendém iaire an 9 , âgée de quatrevingt-neuf ans.
Après son décès la dame Dalbine a provoqué la pre
mière le partage de la succession ; c’est-à-dire , dans son
sens, des objets dont la défunte n’avoit point disposé par
les actes entre-vifs dont on vient de rendre compte. Elle a
fait citer à ces fins le cit. Dejax et la veuve Peyronnet, par
exploit du 26 germinal an 9.
Le cit. Dejax, de son côté, a fait citer, par exploit du
�(S )
19 messidor de la même année, la dame Dalbineet son
m ari, les enfans Dalbine, c’est-à-dire, Marie Dalbine,
Pierre Dalbine et Anne-M arie D albine, veuve Montbrizet-Gizaguet ;
Savoir : la dame Dalbine et son mari, pour voir déclarer
nul et de nul effet l’acte de subrogation, du 17 floréal an 2,
à l’acquisition des deux maisons nationales; voir dire que
lesdites maisons seroient comprises dans le partage; se voir
condamner à rendre et restituer les loyers depuis la subro
gation , avec intérêts du montant depuis la demande ; pour
voir pareillement déclarer nul le testament du 9 messidor
an 8 , comme non revêtu des formalités prescrites par
l’ordonnance ;
M arie, Pierre, et Anne-Marie Dalbine, veuve Gizaguet, enfans dudit Dalbine, pour voir déclarer nulle et
de nul effet la donation du sixième des biens meubles et
immeubles, du 17 germinal an 2 ;
Et encore la dame Gizaguet, au nom de tutrice de ses
enfans , pour voir déclarer nulle la vente consentie, le
21 germ inal an 5 , du domaine et métairie de Vazeliettes
et du Poux, et des meubles, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis la vente.
Il a encore conclu, contre la dame veuve Gizaguet, à ce
qu’elle fût tenue de rendre et restituer les arrérages par
elle perçus, tant avant qu’après le décès de la défunte, d’un
setier seigle faisant partie d’une rente de deux setiers
seigle , due par Jean Pouglieon.
Il a conclu à ce qu’il fût sursi au partage demandé par
la dame Dalbine, jusqu’à ce qu’il auroit été «tatué sur les
demandes ci-dessus.
Il
�Il a conclu subsidiairement au retranchement et à la
réduction des donations à la moitié des biens, en remon
tant de la dernière à la première.
La cause portée à l’audience sur les deux citations ,
c’est-à-dire, sur celle en partage donnée à la requête de la
dame Dalbine , et sur celle du citoyen D ejax, et avec
toutes les parties, jugement est intervenu le 6 messidor
an 10, qui a débouté le citoyen Dejax de sa demande en
nullité, tant de la subrogation consentie par la défunte
au profit de la dame Dalbine à l’acquisition des deux mai
sons nationales, que de la demande en nullité, formée
contre la veuve Gizaguet, de la vente du domaine de
Yazeliettes et le P o u x, et encore de la demande en nul
lité du testament; a ordonné en conséquence que lesdites
ventes, subrogation et testament, sortiroient leur plein et
entier effet ; a ordonné le partage, pour en être délaissé à
la dame Dalbine, comme héritière testamentaire, une
moitié par préciput, et un tiers dans l’autre moitié comme
successible, et les deux autres tiers de ladite moitié, un au
citoyen D ejax, et l’autre à la citoyenne D ejax, veuve
Peyronnet; auquel partage, est-il dit, chacune des parties
rapportera les jouissances perçues des immeubles, et les
intérêts, revenus, et autres objets dépendans de ladite suc
cession , sauf tous les prélèvemens de droit que chacune
d’elles auroit droit de faire. Il est dit ensuite : Dans la
moitié pour Xinstitution de la dame D albine, sont com
prises toutes lesfacultés de disposer de la défunte,faites
depuis la publication de la loi du 17 nivôse an 2; en con
séquence la disposition du sixièm e, enfaveur des enfans
D albine, demeure sans effet quant à présent, et de leur
B
�( IO )
consentemenths avons m is, sur ce chef> hors d*instance,
sa u f à sc pourvoir contre leur mère> ainsi qu’ils avise
ront. Il est de plus ordonné que, dans le délai d’un mois, à
compter de la signification dudit jugement, le cit. Dejax
sera tenu de faire faire inventaire du mobilier, papiers et
titres de créances laissés par la défunte à l’époque de son
décès, si mieux; n’aime le cit. Dejax s’en rapporter à l’état
qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera censée
faite ledit délai passé. Le jugement oixlonne en outre que
la dame Gizaguet sera tenue de rapporter le contrat de
rente annuelle d’un setier seigle, qui fait partie inté
grante delà succession de la défunte,et de rendre comptey
suivant le prix des pancartes, des années par elle perçues
depuis, sauf au citoyen Dejax à faire raison de ce qu’il a
touché de la même rente.
Sur le surplus des demandes respectives, met les parties
hors de jugement; et, en cas d’appel, ordonne le dépôt
des papiers entre les mains de Belmont, notaire.,
. Condamne le citoyen D ejax aux dépens.
L e citoyen D ejax a interjeté appel de ce jugement ;
et c’est sur cet appel que les parties sont en instance en
ce tribunal.
Le citoyen Dejax a attaqué de nullité divers actes :
i° . La donation faite, en faveur des enfans Dalbine,
du sixième de tous les biens meubles et immeubles
présens ;
2°. L ’acte de subrogation ^du iy floréal an 2 , à l’acqui
sition des deux maisons nationales;
3°. La vente du 21 vendémiaire an 5 , consentie au
citoyen Montbrizet-Gizaguet ;
�Et enfin, le testament de la défunte, du 9 messidor an 8.
- La disposition du jugement qui valide ces actes doit-elle
être confirmée ? On se flatte dé démontrer la négative.
i Donation du 17 germinal an 2.
Cette donation est d’abord nulle quant aux meubles,
faute d'état. Les enfans Dalbine l’ont reconnu eux-memes ;
ils ont déclaré ' qu’ils n’y insistoient pas.
Mais elle est également nulle pour les immeubles ; elle
est postérieure à la loi du 17 nivôse an 2 y qui a interdit
tout avantage en faveur d’un successible, au préjudice
des autres.
On a cru éluder la prohibition, en dirigeant la libé
ralité en faveur des enfans de la dame Dalbine; mais
on s’est abusé;
L ’art. X V I porte, à la vérité, que la disposition géné
rale de la loi ne déroge point à l’avenir à la faculté de
disposer j au profit d’autres que des personnes appelées
par la loi au partage dés successions; savoir , du sixième,
si l’on n’a que des héritiers collatéraux ; et du dixième ;
si l’on a dés héritiers en ligne directe.
Mais ce seroit bien mal entendi*e la lo i, què de penser
qu’ellé a voulu par là autoriser les avantages indirects ;
qu’après avoir défendu d’avantager directement les successibles j elle a permis de les avantager indirectement.
Ce seroit preter une absurdité et une inconséquence au
législateur.
Il est certain q u e, tant que ië successible v i t , ses en
fans ne sont point en ordre de succéder \ il leur fait
B 2
�( 12 )
obstacle. Mais il est certain aussi, que le père'et le fils
ne sont censés, en droit’, faire qu’une seule et même per
sonne. Pa ter et filin s un a eaàemque persona.
La loi, en interdisant tout avantage entre cohéritiers,
n’a fait que rendre générale, et étendre à toute la France,
la disposition des coutumes d’égalité. Or , dans les cou
tumes d’égalité, auroit - on autorisé ce qui auroit paru
l’enfermer un avantage indirect ?
La coutume d’Auvergne défend à la femme de dis
poser, non-seulement de ses biens dotaux, mais encore
de ses biens paraphernaux, au profit de son mari. L ’ar
ticle ajoute, ou autres à qui le m ari puisse ou doive
succéder ,*parce qu’inutilement une personne seroit prohi
bée , si on pouvoit lui donnèr indirectement ce qu’on ne
peut directement.
Et, sans se renfermer dans les coutumes particulières,
on le demande : de droit commun , et suivant les lois de
rapport entre enfans, le père n’étoit-il pas obligé de rap
porter il la succession ce qui «voit été donné au petitfils; et, respectivement, le petit-fds ce qui avoit été donné
au père?
La loi du 17 nivôse en renferme elle-même une dis
position tacite.
On sait qu’elle annulloit toutes les dispositions faites
par personnes décédées depuis le 14 juillet 1789 : elle
autorisoit cependant celui au profit duquel la disposition
annullée avoit été faite à retenir la quotité disponible,
c’est-à-dire, le sixième ou le dixième, suivant que le do
nateur avoit ou n’avoit point d’enfans ; et, en outre, autant
de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il
�(i3)
avoit d’enfans, au temps où il avoit recueilli l’effet de la
disposition.
' L ’article X X I porte que si le donataii’e ou héritier
institué est- en même temps successible, il ne pourra
cumuler l’un avec l’autre, c’est-à-dire, la retenue et la
part héréditaire; il est obligé d’opter.
"Et l’article X X IIporte, L e descendant du successible,
qui n’a aucun droit actuel à la succession, et qui en fait la
remise d’après une disposition annullée, peut profiter de
la retenue, quoique son ascendant prenne part à la même
succession.
- Si le descendant du successible n’avoit pas été regardé,
par la loi même, comme ne faisant qu’un avec ceux dont
il a reçu le jo u r, auroit-il fallu une disposition expresse
pour l’autoriser, en ce cas particulier, à cumuler la re
tenue et la part héréditaire?
L ’article X X V I defend les aliénations à fonds perdu,
qui pourroient être faites à un héritier présomptif ; et
il est ajouté, ou à ses descendons. La loi a donc regardé
bien expressément les enfans du successible comme ne
faisant qu’une seule et même personne avec le successible.
D ira-t-on que la loi ayant parlé des descendans dans
cet article, et n’en ayant pas parlé dans l’art. X V I , elle
n’a pas voulu les comprendre dans ce dernier article ?
Mais il faut penser, au contraire, que si le mot descen
dant n’a pas été expressément compris dans l’art. X V I ,
c’est parce que ce mot a échappé au législateur, lors de
la rédaction de cet article, et qu’ensuite il l’a ajouté à
l’art. X X V I , pour réparer en quelque sorte cette omis-
�( i4 )
siorii E n fin , la question a été expressément jugée dans
la cause de Soulier aîné contre ses puînés.
Soulier aïeul avoit fait une institution de tous ses biens
en faveur de son aîné, sous la réserve de disposer du
quart; lequel quart, à défaut de disposition, seroit néan
moins de la comprise de l’institution. L ’aïeul est décédé
en l’an 7, postérieurement à la loi du 17 nivôse an 2,
mais antérieurement à celle du 4 germinal an 8. Par son
testament il avoit disposé du dixième de ses biens en
faveur d’an des enfans dudit Soulier, son petit-fils. Les
frères et sœurs de Soulier ont attaqué cette disposition -f
comme faite indirectement au profit die l’aîné; et la dis
position a été effectivement déclarée nulle, d’abord en
première instance, au tribunal d’arrondissement de cette
commune) et ensuite sur l’appel en ce tribunal.
«
Subrogation du 17 jlo rca l an 2.
Cette subrogation à l’acquisition des deux maisons na~
tionales, n’est évidem m ent qu’une donation déguisée sOus
le nom de vente.
Ce n’est pas sans doute par la dénomination donnée à
un acte qu’il faut juger de la natiire de l’acte, mais par
l’intention que les parties ont eue.
Ce principe ne sauroit être contesté ; il est enseigné
par tous les auteurs, et consacré par les lois.
Parmi les différons textes de lois, on peut citer la loi
SuJpitius, au digeste, D e donationibus inter virum et
uxoram, et la loi Niidâp au cod. D e contrahenda emp~
tionex
�( i5 )
Papon , sur la loi Suïpitius, s’exprime ainsi : « S i ,
« pour donner couleur à chose que la loi ne permet, 1 on
« prend titre permis, sera toujours l’acte suspect, et juge
« qu’on l’a voulu couvrir de ce pour le faire valoir;
« comme si l’un de deux conjoints interdits et empêchés
« de soi donner , fait, par testament ou conti'at entre-vifs,
« confession que l’autre lui a prêté, ou employé à ses
« affaires, ou délivré, ou remis en ses mains certaine
« somme, ne pourra ledit créancier, ainsi confessé, s’aider
« de telle confession, sans premier faire preuve qu’il a
« fait tel p rêt, ou remis, employé, ou délivré la somme.,
« La simulation, dit le mémo auteur dans. un auti'e
« endroit, se pratique de différentes manières; l’une, et
« première, est de faire paroître, par contrat, chose dont
« néanmoins le contraire est entendu entre parties : ce
« sera acte imaginaire, qui n’aura autre chose que l’ap*
« parence pour le contrat passé entre les parties. Un
« homme empêché, par la coutume du lieu, de donner à
« un autre, pour la volonté qu’il aura de le gratifier,
« simulera de lui vendre à certain p r ix , qu’il confes« sera avoir reçu ( c’est ici précisément notre espèce ) :
« si cette simulation est prouvée, sans doute la vente
« sera nulle, comme le dit Ulpien. »
Et Papon cite ladite loi ISudâ.
« Quoique les parties, dit Ricard, et après lui Chabrol,
« tome II, page 381, aient déguisé du nom de vente une
« donation, elle passe pour un titre gratuit et pour une
« véritable donation ; de sorte qu’elle en reçoit toutes les
« lois, comme elle en a les principales qualités. Ainsi
�( 16 )
« un semblable contrat étant passé entre personnes qui
« sont prohibées de se donner, il sera pris sans difficulté
« pour un avantage indirect, et sujet à la prohibition
« de la loi. »
Ce seroit donc une erreur manifeste de s’attacher à la
dénomination d’un acte, et de ne pas en pénétrer l’esprit.
Vainement les parties ont-elles voulu voiler leur inten
tion, et la présenter sous une autre forme que celle d’une
libéralité : les précautions concourent souvent à la trahir;
et les présomptions qui s’élèvent en foule contre un acte
déguisé, acquièrent bientôt le degré d’une certitude, et
eu provoquent la nullité.
• A ces autorités qu’il soit permis d’ajouter celle du
célèbre Cochin, dans son 177e. plaidoyer : Dans un acte
devant notaires il faut, dit-il, distinguer deux choses, le
fait et l’écriture, scriptum et gestum. La simulation con
siste en ce que les parties déclarent, devant un officier
public, qu’elles font entre elles une certaine convention,
quoique réellement elles en exécutent une contraire.
L ’acte est simulé, si l’on prouve que l’on a eu une inten
tion contraire, et qu’on l’a exécutée. La simulation est un
genre de faux ; mais le faux ne touche pas sur l’acte en luimême. C’est un genre de faux par rapport aux parties,
mais non par rapport à l’officier public.
Et de là, le principe consacré, même par une règle de
d ro it, Plu s valere quod agitur, quàrn quod sirnulatè
concipitur.
S’il est constant que la dénomination d’un acte n’efl
détermine pas toujours la nature; si,malgré la dénomina
tion
�C r7 )
tion que les parties lui ont d o n n ée, on peut l ’arguer de
simulation et de fraude , comment s’établit maintenant
cette simulation et cotte fraude ?
Par les circonstances. .
t raus ex circonstantiis probarî potest, dit D um oulin
sur l’article III du titre X X X I de la coutume de Nivernais.
F raus, dit énergiquement d’Argentré, sur l’article
CGXCVI de la coutume de Bretagne , probatur conjecturis antecedentibus , consequentibus et adjunctis.
Falsissim im i, a jo u te-t-il , quod quidam putaverunt non
nisi instrumentis probarî posse; facta enim extrinsecus
fraudent potiùs probant, quia nemo tarn supinus e s t ,
ut scribi patiatur quœ fraudulenterfacit.
La fraude, dit Coquille, s’enveloppe toujours, et cherche
à se déguiser. Elle ne seroit pas fraude, si elle n’étoit
occulte. De la vient que les seules conjectures et présomp
tions servent de preuve.
Citerons-nous encore Denizard. lies donations indi
rectes, dit cet arrétiste, au mot, avantage indirect, n° 17 ,
sont les plus fréquentes, et la preuve en est beaucoup plus
difficile: aussi n’exige-t-on pas de ceux qui les attaquent,
qu’ils rapportent une preuve complète de la fraude ; de
simples présomptions suffisent, parce qu’on ne passe point
des actes pour constater l’avantage indirect-, au contraire
on cherche avec attention à en dérober la connoissance.
Quelles sont, d’après les mômes auteurs, les principales
circonstances qui doivent faire déclarer un acte simulé ?
La première, si l’acte est passé entre proches. Fraus
inter conjunctas personasfacilè prœsumitur.
C
�( 18 )
La seconde , la non-nécessité de vendre, s’il n’existe
aucun vestige du prix.
La troisième, si les actes sont géminés; alors la pré
somption de simulation acquiert un nouveau degré de
certitude.
En un m ot, comme dit d’A rgentré, dont nous avons
rapporté les expressions, les juges ne doivent pas se fixer
seulement sur l’acte attaqué, ou sur les circonstances qui
ont pu accompagner cet acte au moyen de la passation,
mais encore sur toutes les circonstances antécédentes et
subséquentes.
La parenté, le défaut de nécessité de vendre, le défaut
de vestige du p r ix , tout se rencontre ici. Le notaire
n’atteste point la numération des deniers. Il n’est point dit
que la somme a été comptée au vu et su du notaire ou des
notaires soussignés, ainsi qu’il est même de style, lorsque
l’argent est effectivement compté.
E t si, à ces circonstances, qu’on peut appeler environ
n a n te s , on ajoute les circonstances antécédentes et subsé
quentes ; si l’on juge, pour rappeler les expressions de
d’Argentré, ex adjunctis, et ex antecedentibus et consequentibus, restera-t-il le moindre doute?
La dame Dalbine et son mari ont excipé, en première
instance, et de l’article X X V I de la loi du 17 nivôse, et
de la réponse à la 55e. question de celle du 22 ventôse.
L ’article X X V I de la loi du 17 nivôse déclare nulles,
et interdit toutes donations, à charge 4e rente viagère ou à
fonds perdu, soit en ligne directe, soit en ligne collaté
rale, faites à un des héritiers présomptifs ou ù ses descen-
�( 19 )
dans; et de ce que cet article ne parle que des ventes a fonds
perdu, la dame Dalbine et son mnri n’ont pas manque
d’en induire que cet article, par une conséquence néces
saire , autorise les ventes qui ne sont pas à fonds perdu,
d’après la maxime, Inchtsio unius est exclusif) chenus.
Ils se sont aidés ensuite de la réponse 55e. de la loi du
22 ventôse, qui déclare que la loi valide tout ce qu’elle
n’anmille pas; mais cet article de la loi du 22 ventôse,
qui détermine le sens de l’art. X X V I de celle du 17 nivôse,
bien loin d’être favorable à leur système, leur est con
traire. Voici ce que porte la réponse à la 55e. question :
« A ce qu’en expliquant l’article X X V I de la loi du
« 17 nivôse, relatif aux ventes à fonds perdu faites à des
« successibles, il soit décrété que les ventes faites à autre
« titre, antérieurement à cette lo i, soient maintenues,
« quand elles ont eu lieu de bonne f o i , sans lésion, et
« sans aucun des vices qui pourraient annuller le
« contrat. »
Fixons-nous sur ces dernières expressions.
On voit qu’on n’a pas môme osé mettre en question,
et proposer au législateur de décider si des ventes simu
lées devoient être maintenues. Une pareille question n’en
étoit pas une. Le doute ne pouvoit s’élever qu’à l’égard
des ventes faites de bonne fo i, et non en fraude; des.
ventes sincères, et non des ventes simulées. On voit
même, dans l’exposé de la question, qu’il s’agissoit de
ventes faites antérieurement à la loi.
Que répond le législateur?
« Sur la cinquante-cinquième question, ¿jjue la loi
« valide ce qu’elle n’annulle pas; qu’ayant anéanti, entre
G a
�( 20 )
« successibles, les ventes faites à fonds perdu depuis le
« 14 juillet 1789, sources trop fréquentes de donations
« déguisées, parce que les bases d’estimation manquent,
« elle n’y a pas compris les autres transactions commerv ciales, contre lesquelles on n’invoquoit ni lésion, ni
« défaut de payement. »
Qu’induire de là ? La question qui divise les parties
est-elle donc de savoir si une vente faite de bonne fo i,
à un héritier présomptif, est valable? On ne l’a jamais
contesté, et on en conviendra encore, si l’on veut. Mais
en est-il de même d’une vente qui n’en a que le nom,
qui n’est véritablement qu’une donation déguisée ?
Cette question est sans doute bien diiféi’ente.
Vente du 21 vendémiaire an 5 , du domaine de V a zeîiettes et du P o u x , au citoyen Gizaguet.
Elle est faite moyennant la somme de 25,000 francs,
numéraire métallique, laquelle somme, e st-il dit, la
venderesse reconnaît avoir reçue présentement dudit
Gizaguet.
Mais d’abord à qui persuadera-t-on que le citoyen
Gizaguet ait payé comptant 25,000 francs, dans un temps
où le numéraire étoit si rare ? Et si cette somme avoit été
payée comptant, n’en seroit-il pas resté quelques ves,tiges? la défunte n’en auroit-elle pas fait quelque emploi?
ou si elle avoit gardé cet argent stérile dans son armoire,
ne se seroit-il pas trouvé, au moins en partie, à son décès?
• Mêm<^circonstances environnantes. Point de nécessité
de vendre ; point d’emploi du prix; point d’attestation tic
�( 21 )
la part du notaire, que les deniers ont été comptés sous ses
yeux.
Mais, de plus, réserve de la part de la venderesse de 1 usu
fruit; réserve très-rare dans les ventes véritables, tresordinaire au contraire dans les donations ; réserve qui
seule suffiroitpour faire déclarer l’acte n u l, aux termes de
l’article X X V I de la loi du 17 nivôse.
En effet, une pareille réserve convertit la vente en une
vente à fonds perdu, prohibée par l’article X X V I , à
moins qu’elle n’ait été faite de l’exprès consentement dfes
héritiers.
Circonstances antécédentes et subséquentes.
Première donation du 9 décembre 1771 , envers la
dame Dalbine, du domaine de Fontanes , domaine d’une
valeur considérable, et encore d’une somme de 2,000 fr.
En 1778, seconde donation, à Anne-Marie Dalbine,
aujourd’hui veuve Gizaguet , de six parties de rentes
foncières.
11 novembre 1793, quittance et décharge de toutes les
sommes perçues parla dame Dalbine, provenantes non-seu
lement des revenus, mais encore du remboursement des
capitaux.
8 frimaire an 2, procuration générale et illimitée de
percevoir revenus et capitaux, avec dispense de rendre
compte.
La loi du 17 nivôse intervient, Elle ne peut se faire
donner à elle-même. Qu’est-ce qu’elle imagine ? Elle inter
pose ses enfans.
; Donation, du 17 germinal an 2 , de toute la quotité
�(
22
)
alors disponible, envers les non successiblcs, c’est-à-dire,
du sixième.
La q u o t i t é disponible, o u , pour mieux dire, qu’elle
croyoit disponible, étoit épuisée. Elle imagine un autre
moyen pour envahir le surplus des biens. Subrogation,
du 17 floréal an 2 , moyennant 1,221 fr., d’une part, et
1,200 fr. d’autre, dont le contrat porte quittance ;
Quittance illusoire ! En effet, on a vu que la défunte
étoit aveugle, et presqu’anéantie par l’âge. Elle avoit
donné à sa nièce la procuration la plus ample; elle l’avoit
constituée maîtresse. En supposant que la somme eût été
véritablement comptée , la dame Dalbine se seroit donc
payée à elle-même : elle auroit pris d’une main ce qu’elle
auroit donné de l’autre.
Somme illusoire ! En supposant qu’elle eût été payée,
elle l’auroit été en assignats presque de nulle valeur ;
en assignats qui seroient provenus de la gestion même
qu’elle avoit des biens de la défunte.
C ’est à la suite de ces actes qu’est conçue la vente
du 21 vendém iaire an 5.
6 frimaire an 7 , déclaration de la défunte, attestant
que, quoique la dame Dalbine ait fo u r n i quittance aux
débiteurs, c’est cependant elle déclarante qui a reçu et
touché les différentes sommes, tant en principaux, in
térêts que fr a is.
Et il est ajouté, ainsi que le montant du prix de la
Vente du domaine de Vazeliettes et du P o u x.
Pourquoi cette dernière mention ? Q u ’ e t o i t - i l besoin
de faire déclarer à la défunte que c’étoit elle qui avoit
perçu le prix de la vente? N’étoit-ce pas elle-même
qui l’avoit quittancé dans le contrat ?
�Que la dame Dalbine se soit fait donner une décharge
des sommes dont elle pouvoit craindre qu’on cherchât à
la rendre comptable , des sommes par elle reçues et quit~
tancées ; c’est ce qu’on conçoit : mais des sommes qu’elle
n’a point quittancées ; c’est ce qui ne s’explique pas aussi
facilement.
Cet excès de précaution n’achève-t-il pas de décéler
la fraude ?
Il est dit, dont elle a disposé à son gré, soit à payer
partie de ses dettes, soit à Ventretien de sa maison, ou
autrement : déclaration démentie, i°. par l’existence des
dettes, au moment du décès de la défunte; 2°. par la
réserve de l’usufruit des biens pendant sa vie, même du
domaine vendu ; usufruit plus que suffisant pour subvenir
à sa subsistance.
Enfin, testament du 9 messidor an 8, qui termine cette
chaîne de dispositions.
A-t-on jamais vu une plus grande réunion de circons
tances ?
Tous ces actes s’interprètent l’un par l’autre.
On a cru avoir trouvé une réponse victorieuse.
La lo i, a-t-on d it, ne défend que les ventes h fonds
perdu, faites à des successibles. O r, ic i, la vente n’a point
été faite à fonds perdu ; e t, d’un autre côté, n’est point
faite à un successible, puisque le citoyen Gizaguet étoit
étranger h la défunte, et ne pouvoit jamais venir à sa
succession.
La donation faite au mari ne profite-t-elle donc pas à la
femme?Ne profite-t-elle pas aux enfans communs? Donner
au m ari, n’est-ce pas donner à la femme et aux enfans ? La
�( H' )
loi ne défend-elle donc que les avantages directement
faits aux successibles ? Ne défend-elle pas également les
avantages faits indirectement , et par personnes supposées.
On ne voit dans cette interposition de personnes qu’un
excès de précaution ; et c’est cet excès de précaution qui
caractérise la fraude.
Un jugement du tribunal d’appel du département de
la Seine, du 12 messidor an 9 , conforme aux conclu
sions du ministère public, confirmatif de celui du tri
bunal civil de Chartres, rapporté dans le journal du
palais, prouve assez que la circonstance, que la vente
a été consentie, non à la femme successible, ou descen
dante de successible, mais au mari, n’est pas une égide
contre la nullité prononcée par la loi.
Autre jugement du tribunal d’appel séant à Rouen,
dans l’espèce duquel le contrat portoit que le prix avoit
été payé comptant, en présence du notaire.
Voici la question et les termes du jugement, tels qu’ils
sont rapportés par le journaliste.
« Deux questions ont été posées :
« La première consistoit à savoir quelles sont les con« ditions qui peuvent rendre valable un contrat de vente
« fait par un père, à l’un de ses enfans ou de ses gendres.
« La seconde avoit pour objet de reconnoitre si Le« monnier, acquéreur, avoit rempli les conditions néces« saires pour la validité de son acquisition.
« Le tribunal d’appel de Rouen a pensé, sur la pre« mière de ces questions , que les principes et la juris« prudence, fondés sur l’art. CCC CX X X 1V de la cou« tume de la ci-devant province de Normandie, et l’ar
ticle
�( *5 )
« ticle IX de la loi du iy nivôse an 2, se réunissent pour
« établir qu’un contrat de vente d’immeubles, fait par un
ft père l’un do ses enfans, 11’étoit valable qu’autant que
« l’acquéreur prouvoit qu’il avoit payé le jusle prix de
« la chose acquise, et qu’il justifioit de l’emploi des de« niers de la vente, au profit du vendeur.
« Et sur la seconde question, il lui a paru que L e« monnier n’avoit point rempli les conditions requises
« pour valider son acquisition ; qu’en vain il s’appuyoit
cc sur ce qu’il étoit dit dans le contrat, que le payement
« du prix de la vente avoit eu lieu en présence du notaire ;
« attendu qu’une telle énonciation n’étoit point unepreuve
« de l’emploi des deniers , en faveur du vendeur, mais
« qu’elle étoit plutôt un moyen de couvrir la fraude, selon
« le principe établi par Dumoulin, en ces termes :
« Conclusum quod in venditionefactâjilio velgenero,
« confessio patris non valet de recepto, etiamsi nota
is. rius dicat pretium receptum coram se.
• « D ’après ces considérations, le jugement du tribunal
« civil de l’Eure, qui avoit déclaré la vente valable, a été
« réform é ; et le contrat de vente, passé par le défunt
« H erm ier à L em onnier, son gen dre , a été déclaré frau« duleux et nul. »
Testament du 9 messidor an 8.
Un premier moyen de nullité résulte de ce que le
notaire n’a pas énoncé pour quel département il étoit
établi. Titre Ier. scct. II , art, X II de la loi de ly y i.
Une seconde nullité, de ce qu’il n’a pas désigné le n°.
de la patente. Loi sur les patentes*
D
t
�( 26 )
Une troisième nullité bien plus frappante, et à laquelle
il n’y a point de réponse, c’est le défaut de signature
d’un des témoins numéraires qui n’a signé que par son
surnom , et non par son vrai nom.
L a loi veut que le testament soit signé de tous les té
moins qui savent signer; si le testateur est aveugle, il faut
appeler un huitième témoin également signataire. O r,
celui qui ne signe pas son vrai nom ne signe véritable
ment pas.
Le nom de famille du témoin étoit Croze; son sur
nom , Auvernat : il a signé simplement siuver/zat ; il
devoit signer Ci'oze.
Un décret de l’assemblée constituante, du 19 juin 1790,
art. 11, porte, qu’aucun citoyen ne pourra prendre que
le vrai nom de sa famille.
Autre décret du 27 novembre 1790, pour la forma
tion du tribunal de cassation : ce décret, article X \ III y
porte, qu’aucune qualification ne sera donnée aux par
ties; on n’y insérera que leur nom patronimique, c’està-dire , de baptême, et celui de la famille, et leurs fonc
tions ou professions.
6 fructidor an 2 , nouveau décret de la convention
nationale, par lequel il est prescrit, qu’aucun citoyen
ne pourra porter de nom ni de prénom, que ceux expri
més dans son acte de naissance ; et que ceux qui les ont
quittés seront tenus de les reprendre : loi dont la plus
stricte exécution a été ordonnée par arrêté du direc
toire exécutif, du 19 nivôse an 4.
Mais voudroit-on regarder ces lois comme l’effet de la
révolution, et ne pas s’y arrêter ; on en citera d’antérieures.
�( 27 )
On citera l’ordonnance de Henri II, de i 555 , qui a
enjoint à tous les gentilshommes de signer du nom de
leur famille, et non de celui de leur seigneurie, tous actes
et contrats qu’ils feront, à peine de nullité desdits actes et
contrats.
On citera l’ordonnance de Louis X I I I , de 1629 ,
article GGXI, qui porte les mômes dispositions.
Et, pour remonter à ce qui s’observoit chez les Romains
même, Cujas a conservé dans son commentaire les for
mules des testamens. On y voit que chaque témoin signoit
son nom de famille, après avoir déclaré son prénom : Ego
Joannes...................testarnentum subscripsi; ce qui est
conforme à la loi Singulos, X X X , D e testamentis. Singulos testes, dit cette loi, qui testamento adhibenturproprio chirographo annotare convenit, quis, et cujus testamentum signaverti. Il faut que, par l'acte même, on
puisse savoir quel est celui qui a signé; que l’acte même
apprenne à ceux qui ne connoissent pas le témoin, quel
est ce témoin. Un surnom peut être commun à plusieurs.
Le nom de famille est le seul nom propre et distinctif.
Enfin l’ordonnance exige que tous les témoins signent.
Celui qui ne signe pas par son nom , est comme s’il ne
signoit pas.
Le testament est donc nul ; et on ne peut assez s’étonner
que le tribunal de première instance l’ait déclaré valable ;
qu’il ait pareillement déclaré valables les autres actes entre
vifs, dont on a rendu compte.
. Dans tous les cas, le testament ne pourrait avoir son
entier effet : la loi du 4 germinal an 8 permettoit à la
défunte de disposer de la moitié de ses biens; mais autant
�( .2 8 }
seulement qu’elle n’en auroitpas disposé par des libéralités
antérieures.
Les premiers juges l’ont reconnu eux-mêmes, puisqu’ils
ont inséré dans le jugement: D ans la moitié, est-il dit,
pour Cinstitution de la dame D albine, sont comprises
toutes les facultés de disposer de la défunte ,* mais ils
ont ajouté, fa ites depuis la publication de la loi du
17 nivôse an 2. On ne craint pas d’avancer qu’ils ont erré
en cela. Si la libéralité antérieure à la loi du 17 nivôse an 2,
ou, pour mieux dire, à celle du 5 brumaire an 2, excédoit
la moitié, on ne pourroit pas la faire réduire. Mais si elle
n’excède pas, elle doit être imputée sur la moitié dispo
nible-, et c’est mal à propos que les juges ont distingué les
libéralités antérieures ou postérieures à la loi du 17
nivôse.
Ainsi il faudroit, dans tous les cas, imputer sur la quo
tité disponible, et la donatiap>du domaine de Fontanes,
faite à la dame Dalbine par son'contrat de mariage , et la
donation des six parties de rentes foncières, faite en 1778,
à A n n e -M a r ie D albine-, en tant du m oins que ces dona
tions excéderoient celle faite à la dame Peyi'onnet et au
citoyen D ejax, dans leur contrat de mariage.
Le jugement dont est appel auroit donc encore mal jugé
en ce point.
On voit combien cette cause est importante. Elle n’inté
resse pas seulement le citoyen Dejax ; elle intéresse encore
le public. S’il étoit possible que la dame Dalbine obtînt le
succès qu’elle attend , il n’y auroit plus de rempart contre
l’avidité d’un cohéritier ambitieux. L e s fraudes, déjà trop
communes, se multiplieroient ; la loi seroit sans objet ; la
�(2 9 )
volonté du législateur, impuissante. Comment la dame
Dalbine s’est-elle flattée de faire adopter un pareil système?
comment a-t-elle pu penser que des juges éclairés et
intègres consacreroient une suite d’actes aussi évidem
ment frauduleux ?
P A G E S -M E IM A C , jurisconsulte.
P É R I S S E L , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d R i o t , seul imprimeur du
T rib u n al d’appel. — A n 11.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dejax, Julien. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Périssel
Subject
The topic of the resource
successions
successions collatérales
donations
coutume d'Auvergne
droit intermédiaire
doctrine
nullité du testament
surnoms
défaut de nom patronymique
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
testaments
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
Description
An account of the resource
Mémoire pour Julien Dejax, homme de loi, habitant de la commune de Brioude, appelant ; contre Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal de première instance de l'arrondissement de Brioude ; Jospeh Dalbine, Marie Dalbine, fille majeure, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ; tous enfans dudit Pierre Dalbine et de ladite Dejax, son épouse ; et encore ladite Marie Dalbine, veuve Gizaguet, au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit Montbrizet-Gizaguet ; tous intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1771-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0716
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G0931
BCU_Factums_G0932
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Fontanes (domaine de)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
défaut de nom patronymique
doctrine
donations
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
nom de famille
nullité du testament
procuration
signatures
Successions
successions collatérales
surnoms
testaments
ventes