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100
14
-
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c5db4894e96d0eda159a31da8ed8a1e5
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Text
OBSERVATIONS
S O M M A I R E S .
�5
G e n e a l o g i e
des
R IB A U D .
G é n é a l o g i e
d e s
Sébastien Ri baud
à
A n n e Ferrand.
Gîfoert
.-'Là
Gilberto R a y n a u d .
G ilb e rt R ib au d
à
C laudin e D egane.
Jacques
Marguerite D agonneau. *
F ran ço ise M ay e t.
J. B. D u b o is
à
Françoise V e rn a iso n .
Joseph Ribaud
à
M ich elle C ou ch ard,
A n u b le-¡}Iargu erite,
di tu ja s ,
Jacques R ib au d
à
Elizabeth C h o u v ign y.
r
J .B . Ribaud,
appthnt,
I
2
Ignace-H yacinlhe.
DAGONNEAU.
E tie n n e D agonneau
à
M a rie B ibrian t.
!
A n to in e tte
à
G ab riel de Sam pigny.
F ra n ço it-C h a rles.
d es
2
Pierre.
A m a b le .
G ilb e rt
à
C atherin e F iltastre.
Pierrq D u b o is
AmjblftSoubrany.
G é n é a lo g ie
P ie rr e V ern aison.
1
Anne R ib a u d
à
François D u b o is.
SAMPIGNY.
Jean n e-A n to in etto
à
M ich el-A m able F e rra n d .
-Françoise
à
J.B . D u b o is.
M argu erite *
à
P ie r r e D ubois.
I
I
J . B . D ub ois
Amab Ie- M a rgua ri te
F ra n ço ise V e rn a iso n .
A ’ bl S b
de cujus.
.
A m a b le -M a rg u e rite
à
A m a b le S o u b ra n y ,
de cujus.
E tien n s
à
M argu erite G ira rd .
A n to in e
à
A n to in e tte Pélissier.
G ilb e rte -A n to in ette ,
femme M ach eco,
intimée,
N ..... R ib au d
à
N ......L o n g u e il,
-S
y—
�â /û
' , ,<•,
OBSERVATIONS SOMMAIRES
t r ib u n a l
S E R V A N T
DE
R É P O N S E
D 'a p p e l,
séant á Riom.'
A CAU SES E T
M O Y E N S D ’A P P E L
ET D’ OPPOSITION;
P O U R dame G i l b e r t e - A n t o i n e t t e
D A G O N N E A U , épouse de J e a n - C h r é t i e n
M A C H E C O , autorisée en justice , habitante
de cette ville de Riom , intimée
C O N T R E J e a n - B a p t i s t e R I B A U D -L A C H A P E L L E , habitant du lieu de la Chapelled’A ndelot, appelant d’un jugement rendu au
tribunal d'arrondissement de cette ville , le 1 1
nivôse an 10.
L ' a p p e l a n t élève une prétention déjà proscrite
par trois jugemens successifs de la première a u to r ité judi
ciaire il se croit appelé à la succession de la dame veuve
A
�\
( a )
Soubrany, decédée en cette ville, le 2 j prairial an y j il
convient qu’il ne descend que du quadris aïeul de la dame
Soubrany ; il ne conteste pas à la branche Sampigny la
moitié affectée ù la ligne maternelle ; mais il réclame une
portion dans la moitié affectée à la ligne paternelle, et
veut concourir avec la dame de Machcco , cousine issue
de germaine de la dame Soubrany, comme descendante
du bisaïeul de la défunte.
L e citoyen Ribaud fait donc renaître la question connue
sous le nom de refente ; il se félicite que cette question
soit enfin soumise à la décision du tribunal d’appel, et
ne doute pas qu’avec le système de représentation à l’in
fini, établi par la loi du 17 nivôse an 2 , il ne parvienne
h ses fins.
Il reclame encore subskiiulrcment la dot qui fut consti
tuée à Anne Ribaud, femme de François Duliois, bisaïeul de
la dame Soubrany, sous le prétexte que Gilberte Rcynuud,
en mariant Anne Ribaud, sa fille, le 16 février 1640,
avoit stipulé la reversion de cette dot à son profit.
La dame de Macheco ne devoit pas s’attendre h éprouver
des contestations de ce genre. L ’appelû.'t est sans qualité,
sans droit comme sans intérêt : il sera facile de l’établir.
O11 voit par l’extrait de la généalogie ci-jointe, qu’en
effet la dame de Macheco est cousine issue de germaine
de la dame veuve Soubrany de euju s ; que la dame de
Macheco descend du même bisaïeul, tandis que JeaïiB iptiste Ribaud ne descend que du quadrisaïeul : c’est
un fait convenu.
Une foule d’autres parens au menae degré que le citoyen
Ribaud, notamment la dame de Longueuil, sa sœur,
'
�( 3
)
’
s’ étoient présentas lors de l’ouverture de la succession ;
depuis, ils ont fait notifier leur département à la dame
de Maclieco. O n n’a pas cru devoir les rappeler d an s la
généalogie ; mais en supposant que la refente eût lie u ,
ces prétendans étoient en si grand nom bre, que d’après
le calcul le plus exact, et en admettant, comme le sou
tient le c ito y e n Ribaud , que la succession fût en valeur
de 300,000 francs, il ne reviendroit pas 300 francs à l’ap
pelant.
Il est vrai qu’il fait sa portion plus grande ; car il s’est
imaginé, dès que tous ces prétendans s’étoient départis ,
que toutes leurs portions devoient lui accroître, et alors
il s’attribue le quart de toute la succession.
•Ce n’est pas la seule extravagance du citoyen Ribaud ;
ses prétentions choquent évidemment la disposition de
la loi du 17 nivôse, et bientôt le tribunal d’appel fera
disparoître ce rêve a m b it ie u x , en proscrivant sans retour
toutes ses d em an d es.
IL est difficile de concevoir comment a pu s’élever la
question de la refa ite, d’après la lettre de la loi du 17
nivôse an 2.
L ’article L X X V I I porte : « La représentation a lieu
» jusqu’à l’iniiui en ligne collatérale; ceux qui descendent
» des ascendans les plus proches du défunt, excluent ceux
» qui descendent des ascendans plus éloignés dans la
» môme ligne. »
Certes, il n’y a pas d’équivoque dans cette disposition
de la loi. L a représentation a. lieu ju sq u ’à Tinfini en
ligne collatérale • voilà le principe général : il est ensuite
modifié par. la seconde partie de l’article. Cette repré-
A a
�4
(
)
sentation n’a lieu qu’entre ceux qui descendent de l’as
cendant le plus proche. La loi l’explique bien clairement
dans les articles suivans : « A in si, est-il d it, les descen» dans du père excluent tous les descendans des aïeul
» et aïeule paternels ; les descendans de la mère excluent
» tous les autres descendans des aïeul et aïeule maternels. »
Cette première explication ne paroît pas encoi’e suffi
sante ; la loi ne veut laisser aucun doute. Elle d it , ar
ticle L X X I X : « A défaut de descendans du père, les des« cendans des aïeul et aïeule paternels excluent tous les
» autres descendans des bisaïeul et bisaïeule de la même
» ligne ; de même à défaut de descendans de la mère. » Et
enfin l ’a rt. L X X X I porte : « L a môme exclusion a lieu en
» faveur des descendans des bisaïeux et bisaïeules , ou
» ascendans supérieurs contre ceux des ascendans d’un
» degré plus éloigné dans la m ê m e iïgne. »
Sans contredit, les argumens les plus sim p les so n t le s
meilleurs. Gomment se fait-il cependant que l’ambition
ou l’avidité aient pu faire naître des difficultés contre la
teneur de ces articles? Quelque clairs qu’ils soient, des
descendans d’ascendans supérieurs ont voulu concourir
avec des descendans d’ascendans plus proches. Ce système
a eu des partisans éclairés, et le tribunal de cassation a
été bientôt investi de la question.
V oici l’espèce du premier jugement qui a été rendu.
M arie-Pliilippe W aghenart étoit décédée sans posté
rité le l 5 nivôse an 5 ; la moitié de sa succession, suivant
la loi du 17 nivôse an 2 , fut dévolue u sa ligne pater
nelle , et l’autre moitié à sa ligne maternelle.
La portion affectée à la ligne maternelle fut recueillie
»ans difficulté par un parent de cette ligne.
�C5)
La défunte avoit laisse pour parenô, dans la ligne paternalle,' Jean-Baptiste-François; et Catherine Chauvet,
épouse cl’Adrien-Louis Boui'la.
Jean-Baptiste-François descendoit de l’aïeul maternel
de Françoise D utelot, qui étoit grand’mère paternelle de
la défunte de cujus. Catherine Chauvet descendoit, au
contraire, du.père de L éon .W agh en art, , qui étoit aïeul
paternel de la défunte de eujus. Dès-lors Jean-BaptisteFrançois descendoit, d’un ascendant de la défunte, plus
éloigné d’un degré que l’ascendant dont descendoit Cathe
rine Chauvet ; et ces deux ascendans, quoique tous deux
dans la ligne paternelle de la défunte , étoient de deux
lignes'ou de deux branches étrangères l’une à l’autre, w
Jean-Baptiste-François prétendit, comme R ibaud , qu’il
étoit appelé par la loi à recueillir moitié de la portion
affectée à la ligne paternelle. Catherine C h a u v e t soutint,
de, son côté, qu’en sa qualité de d e scen d a n te d’un ascen
dant plus proche, elle devoit recueillir toute cette por
tio n , à l’exclusion de Jean-Baptiste-François, descendant
d’un ascendant plus éloigné dans la même ligne.
. Un jugement du tribunal civil de Jemmapes , du s 5
thermidor an 5 , accueillit la prétention de Jean-BaptisteFrançois. Sur l’appel, le tribunal civil de la Lys infirma
celui de première instance , et attribua exclusivement à
Catherine Chauvet la portion affectée à la ligne paternelle.
Demande en cassation de la part de Jean-BaptisteFrançois : requête admise ; mais par jugement du 12 bru
maire an 9 , Jean-Baptiste-François fut débouté de sa
demande en cassation.
Cette décision solennelle est entre les mains de tout 1q
A 3.
�^
' j
monde : il est inutile d’en rappeler les motifs déjà fort
connus ; on se contentera de rappeler qu’il y est dit que
l’art. L X X V H , en établissant la représentation à l’infini 'ÿ
en détermine à l’instant même l’effet, en posant pour règle
générale que ceux qui descendent des ascendans les plusproches du défunt, excluent ceux qui descendent des
ascendans plus éloignés de la même ligne.
)
“ On y observe que le mot ligne appliqué à la succession
collatérale, ne désignant que là manière dont ^ collatéral
est lié au défunt, et tout collatéral n’étant jamais lié à un
défunt que de deux manières, ou par le père ou par la
mère de ce d éfu n t, il s’ensuit' quie le sens propre diîi mot1
ligne en cette matière, est d’indiquer uniquemenPle lierr
paternel où c e lu i maternel! »J ' ' ■' v ri/
’ ¡ 1!~,r
Ce seroit forcer, ajoute-t-on , le ’sens naturelrdutèrm éy
que de vouloir comprendre d an s ce tte expi*cssionjprise au
singulier, non seulement les lignes p a te rn e lle s e t mater—-'
nelles, mais encore les branches dé chacune de ces lignes;1
branches qui ne font que des l’amifications ou divisions du
lien patei’nel ou m aternel, auxquelles on est obligé de
donner les dénominations arbitraires de lignes seconAaires , par opposition à la dénomination dé lignes prin
cipales que l’on donne aux deux premières, •
Et d’ailleurs, la transmission des biens par succession,,
quoique subordonnée aux lois positives, a toujours eu
pour règle fondamentale la présomption naturelle de
l’aiTection du défunt en faveur de ses parens "les plus
proches ; et la loi du 17 nivôse'elle-m êm e a pris en
considération cette présomption naturelle , dans ses dis
positions sur les différentes espèces de successions.
�( 7 ) .
Depuis ce jugem ent, la question a été encore de nou
veau agitée au tribunal de cassation, section des requêtes",
dans l’aliai Fie relative aux successions des'frères Trudaine,
jugée à Paris-le Ï3 fructidor an 7 , et à Versailles, sur
l’appel, le 18 ventôse an 8 , toujours contre le système de
la refente. L e p o u r v o i en cassation contre le jugement*
en dernier fessort a été rejetér
\v.
Enfin uni troisième jugement du- môme tribunal, dre
Î3 'floréal an io ;‘,’ à-cassé et annullé un jugement dut
tribunal civil d elà Seine-Inférieure, qui avoit admis te
système de la refénte dans l’espèce qui suit.
- i
Il Vagissoit de la succession dè la fille Calais, décédé©
au Havre le 5 floréal an 3 , sans héritiers eh ligne directe- Elle avoit [làissé dans la ligne maternelle, pour parens1’
collatéraux , les filles Lecacheu x, et A n n e - ThérèseHérouard.
• )
- • <•
-..-t •■
!
c Les filles Lecacheux d e sc e n d o ie n t d’un, bisaïeul ma»
ternel, .
: 1•
:
'T : ' u
A n n e -T h é rè se Hérouard descendoit d’un trisaïeul
maternel*
A n n e-T h érèse Hérouard v o u lo it, comme Ribaud ,
concourir avec les filles Lecacheux, et réclamoit la moitié
de la portion affectée à la ligne maternelle : les parties’
compromirent devant des arbitres r à la charge de l’appel.
Anne - Thérèse Hérouard réussit dans sa prétention ;
et sur l’appel, le jugement arbitral fut confirmé par
le tribunal civil' de là Seine-Inférieure,nie 3 thermidoran 7 : pourvoi en cassation par les; filles L e c a c h e u x .
Jugement du 13 floréal an 1 0 , qui casse et annullc
celui de la Seine-Inférieure , comme ayant violé l’article
L X X V II de la loi du 17 nivôse an
�V '
( y
8
- O n peut en voir les motifs développés plus au long
dans, le journal du tribunal de.,cassation 3 où,;les faits
etiles’ moyens ■
sont «rappelés; îivec: exactitude. \
, ;;
Ces-décisions ne, sont pns ignorées du citoyen R/ibaud;
•nais, il n’est pas effrayé par dès exemples. Suivant lu i,
‘es jugemens ne sont bons que- pour ceux q u i les
obtiennent ; ce sont les expressions qu’il emploie;, « Tous
»jles liomme 9 sont sujets à des vicissitudes ; f et si; or| a
35 Ijugé hier de telle manière, on peut juger demain d’une
» autre. »
•i
‘
,
L e citoyen Ribaud compare la loi à1une source.claire
et'lim pide, qui bientôt obscurcie par le limon lorsqu’elle
forme un ^ruisseau , est encore plus :,mççonnpissîable
lorsqu’elle se jette dans une riv iè re , et on!ne la reconnoit plus lorsqu’elle est dans l’Océan.
.! . ylt ,<v 1
T o u t le m onde, d i t - i l , croit la comprendre; mais
quand ¡elle a passé par les mains des commenutem-s, les
interprétations, les difficultés, la rendent inintelligible.
V oilà ce que le citoyen Ribaud appelle des moyens :
la jurisprudence m êm e, toujours versatile, n’est qu’un
commentaire plus obscur.
On poürroit lui répondre que la loi la plus sage n’est
jamais sans inconvéniens ; tel est le sort de l’humanité ,
que tout ce qu’elle touche est empreint de ce caractère
d’imperfection qui lui est propre.
Cependant, une des lois les plus sag e s q u i soit sortie
de la convention., est celle q u i règle l’ordre des succes
sions. En ne considérant plus l’origine des biens, p o u r,
en régler la transmission, on a évite des difficultés inex
tricables, soit pour remonter aux estocs, soit pour régler
le payement des dettes.
; ,
t
�( 9 )
En transmettant lès biens aux parens les plus proches,
on a suivi la loi de la nature, l’affection présumée d’un
parent pour ceux qui lui appartiennent de plus près.
Comme cette loi n’a pas eu jusqu’ici de commenta
teur , que toutes les explications ont été données par
les législateurs eux-m êm es, elle n’a pu être obscurcie
dans ses dispositions.
Une jurisprudence constante est le complément de la
législation, et c’est faire injure aux tribunaux, que de
les accuser de versatilité dans leurs décisions sur un point
de droit aussi certain.
Aussi le jugement du tribunal c iv il, dont se plaint
le citoyen R ib a u d , n’a-t-il pas varié ; il a proscrit une
prétention choquante, et il y a lieu de croire que le
tribunal d’appel confirmera une disposition qui est basée
sur l’évidence, sur la lettre et l’esprit de la l o i, et sur
les exemples que le tribunal de première instance a eu
sous les yeux.
L e citoyen Ribaud ne doit pas être plus heureux dans
sa demande relative à la revendication de la dot cons
tituée à Anne R ibaud, bisaïeule de la dame Soubrany.
D ’abord, le citoyen Ribaud est sans qualité pour reven
diquer cet objet. La dot fut constituée en 1640 par Gilberte Reynaud, mère d’Anne Ribaud. La mère qui étoit
alors veu ve, stipula la réversion à son profit dans le cas>
où sa fille décéderoit sans enfans, et ses enfans sans
descendans. L ’appelant ne représente pas Gilberte Rey
naud; dès-lors il ne pourroit pas réclamer ce tte co n sti
tution \ le plus grand vice qu’on puisse opposer, c est,
sans contredit, le défaut de qualité.
�C 10 )
En point de d ro it, d’après la loi V I , nu ff. de jure
dotium , jure succursurn est patri, il faudroit distinguer
la .réversion légale de la réversion conventionnelle. L a
première , d’après Lebrun et Ricard , n’a lieu qu’en
faveur des ascendans ^.donateurs et non en faveur des
héritiers collatéraux.
A l ’égard de là réversion conventionnelle, la question
a été fortement controversée. Plusieurs auteurs ont pensé
qu’à l’imitation de la loi,/wr<? sïiccursum , elle ne pouvoit
avoir lieu qu’en cas de prédécès du donataire ; d’autres
estiment qu’elle a lieu aussi en faveur des héritiers du
donateur, namplerurnque, tam hœ redibusnostris quàtn
nobismetipsis cavemus. L o i I X , de probat.
M a is un point sur lequel tous les jurisconsultes sont
d accord, c est q u e ia r é v e r s io n conventionnelle dépend
entièrement de la stipulation des p a rtie s ; qu’ainsi il faut
la restreindre à ce qui est exprimé. A i n s i , par e x e m p le ,
s’il est dit qu’elle aura lieu dans le cas que le donataire
décéderoit sans ervfans , plus de réversion,. si un enfant
survit; s’il est exprimé sans enfans, ou. le s enfans sans
descendans, plus de réversion, lorsqu’il y a des petitsenfans qui survivent ; et, dans tous les cas le retour ne
peut s’étendre au delà. On peut consulter, à cet égard,
L ebrun, R ica rd , d’O live, liv. III, cliap. X X V II , et le
dernier commentateur, sur l’art. X X I V du tit. X I V de
la coutum e, tom. 2 , pag. 3 1 7 .
Dans l ’e sp è c e p a r tic u liè r e , Anne R ibaud, fille de la
constituante, a eu un fils, P i e r r e Dubois qui lui a survécu ;
de Pierre Dubois est issu Jcan-Baptiste, père de la dame
veuve Soubrany, de cujus j d ès-lo rs il y a eu enfant,
�é > jy
( ii
)
petit-enfant et arrière-petit-enfant ; par conséquent, plus
de retour.
• Un motif également puissant pourr ¿carter toute idée'
de réversion, c’est qu’il est de règle encore dans notre
coutum e, que la dot niobiliaii’e estoque et se1-confond
in secundo gradu dans la personne du petit-fils : voir
le dernier commentateur, art; X-V du tit. X I I , tom. i ,
pag. 269. Ici la confusion s’ast opéréç sur Jean-Baptiste
D ubois, petit-iils d’Arjne .Ribaud, et père de la dame
veuve Soubrany ; que vient cfonc réclamer le citoyen
Ribaud ? Sa prétention seroit une chim ère, en admet
tant môme qu’il eût qualité.
On se gardera bien de suivre le citoyen Ribaud dans
sa longue dissertation, relativement aux dépens. Il nous
apprend son secret ; il voudrait éviter l’amende ; il se
jîlaint surtout de ce qu’il n’est pas le seul qui ait fait
apposer les scellés, qui se so it o p p o s é à la rémotion; il
n’a pas fait plus de fra is qu’un autre ; il ti'ouve injuste
de payer tous les dépens.
Cette discussion intéresse peu la dame de Maclieco ;
elle se contentera d’observer que le jugement dont est
ap pel, prononce une condamnation pure et simple des
dépens personnels au citoyen Ribaud; et que dans l'exé
cutoire du i 5 ventôse an 10, qui comprend les dépens
généralement faits par tous les prétendans droit qui avoient
formé opposition à la rémotion des scellés , 011 a distin
gué la portion de chacun ; que sur la somme totale
de 1,877 &’• 52 cent. î\ laquelle sont calculés et arrêtés
ces dépens, Jean-Baptiste Ribaud,'appelant, n'y est com
pris que pour celle de 390 fr. 6 cent.
�( 12 )
D e quoi le citoyen Ribaud peut-il donc se plaindre?
Ses réclamations, sous tous les rapports, sont sans intérêt
comme sans objet; partout il est sans droit et sans qualité.
P a r c o n s e i l P A G E S , ancien jurisconsulte.
•
.
D E V È Z E , avoué.
<•' •
•». .
A
R I O M ,
De l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du tribunal
d’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dagonneau, Gilberte-Antoinette. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
successions
successions collatérales
coutume d'Auvergne
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations sommaires servant de réponse à causes et moyens d'appel et d'opposition ; pour dame Gilberte-Antoinette Dagonneau, épouse de Jean-Chrétien Macheco, autorisée en justice, habitante de cette ville de Riom, intimée ; contre Jean-Baptiste Ribaud-La-Chapelle, habitant du lieu de la Chapelle-d'Andelot, appelant d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de cette ville, le 11 nivôse an 10.
arbre généalogique.
Table Godemel : Retour : 2. en matière de retour ou de réversion, il faut distinguer la réversion légale de la réversion conventionnelle, parce que la dernière est restreinte aux cas exprimés. Ligne : l’article 77 de la loi du 17 nivôse an 2 n’emploie le mot ligne que respectivement au défunt ; il n’admet pas la refente dans les successions collatérales. entre descendants de diverses souches, celui qui est le plus proche dans la ligne considérée respectivement au défunt ; succède : ainsi, le descendant d’un quadrisayeul paternel du défunt est exclu par le descendant d’un bisaïeul de la même ligne.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1621
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0235
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53295/BCU_Factums_G1621.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Vensat (63446)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
coutume d'Auvergne
généalogie
Successions
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53410/BCU_Factums_G2114.pdf
851101f58600d9f1bfa8027258779ebe
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Text
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A CONSULTER,
SUIVI DE CONSULTATION.
�v' G E N E A L O G I E
D U
C O T É
CO TÉ DES P R A L O IS .
P A T E R N E L .
Guillaum e P a s t i e r ,
M arguerite Pastier,
à
sœur de G u i ll a u m e ,
à
N..............
de~J àteiu/
ÇiÆezi~^ tPadiei/-, j3tètte~^>
G É N É A L O G I E
Gilberte P ra lo is ,
DES
P R A L O I S ,
CO TÉ
M A T E R N E L .
A nn et-G ab riël P ra lo is , frère de G ilb erte ,
à
Gilbert Delesvaux.
M arie-M agdelaine A y m é .
Gilbert Baudon.
M arie
C lau d e P a s tie r ,
M arie
à
M arie D elesvaux.
Claude Pastier.
Nota. Po in t d’ héritiers
du côté des D e le s v a u x .
J . - B . Bouchard.
i.
2.
3.
Ann et ,
Marie,
N .......P ra lois,
prêtre,
à
à
à Senat.
N ....... Lucas.
N ....... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
Marie
G ilb e r te ,
A n t o in e - M a r ie n ,
M a g d e la in e ,
ù
à
à
à
N ,... Delesvaux.
Jean M urgheon.
Françoise Delafaye.
A ntoine Montpied.
M arie,
Jean A lexa n d re ( * ) ,
F rançolsc-G abriclle ,
N ....... M o n tp ie d ,
à
à
h
à
N > L o iie l Guilluis.
Denise Bouchard (*).
J.n-M ichel P a illa rd .
5.
M arie-A n n e,
N .......Pralois,
à
Gilbert •
I.
2.
Gilbert Pastier,
M arie-Francoise
p r ê tre ,
( f sans postérité ) ,
.
de eu,jus
D en ise (*)
J .-A l. Murgheon (*)•
de eu ju s.
à
M icIieUGilbert Ju ge.
N .......Gobet.
�- J^aéüeu
G IE
D ES
P R A L O IS ,
COTÉ
M A T E R N E L .
Annet-G abriël P ra lois, frère de G ilb e r le ,
Guili
M arie-Magdelaine A y m é .
N..
Gl¡
3.
4-
5.
M arie-A nne ,
N .......Pralois,
à
à
à
N ...... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
G i lb e r te ,
A n to in e-M a rien ,
M ag d e la in e,
N .......Pralois j
Ma
lucas.
à
G
•svaux.
sy
i uilluis.
à
Jean Murgheon.
Françoise Delafaye.
Antoine Montpied.
Jean A lexa n d re ( * ) ,
Françoisc-GabrlcUe,
N ....... M ontpied,
à
h
à
Denise B ouchard (*).
J.»-M ichel P aillard.
N ...... Gobe».
�21$
M E M O I R E
A CONSULTER,
ty, j
SUIVI DE CONSULTATION,
POU R
Dame
DEBAR,
F r a n ç o is e -G a b r ie lle
J ea n - M ic h e l
d a m e héritière
PA ILLA R D ,
de
défunt
son
G ilb e r t
et le sieur
mari , ladite
PASTIER ,
prêtre ;
CO N TR E
L e s prétendant droits à la succession d u d it d éfu n t
G ilbert
M
a
d
a
m e
défunt Gilbert
nouvellement
P A S T IE R .
Paill a rd , née D e b a r , est- héritière de
Pasti e r , ancien curé de Charroux ,
décédé.
Elle
réclame c e tte hérédité
î^iiA
u
�'CULX
( 2 )
en ver! 11 de la disposition de son contrai de m aria ge ,
et c o m m e parente dans la ligne maternelle.
11 se présente d’autres héritiers de plusieurs sortes,
les uns en vertu des dispositions contenues en leur
contrat de mar iage, un autre en vertu d ’un testament
olographe du défunt.
P ° ur apprécier le mérite de ces réclamations di«^¿»Sj'erses, il faut
«»¿t?;
faire connaître l ’état de la famille ,
contrats de mariage sur lesquels on appuie
des
-k - ^ p r é t e n t i o n s et le testament lui-même.
O n voit par la généalogie c i - c o n t r e , que Gilbert
Pastier de cu jtis , n ’a laissé des parens q u ’à un
degré assez éloigné.
O n ne connaît pas de parens du c h e f de M a ri e
D e l e s v a u x , sa mère ; il n’y a q u ’ un seul descendant
du
côté
des P a s t ie r ,
qui
est
D enise
B ouchard,
mariée à J e a n - A l e x a n d r e M a r g h e o n , tous les deux
vivans.
D u c h e f de Gilberte Pralois, aïeule maternelle du
défunt ,
les
parens sont
assez
nombreux;
Jean-
A l e x a n d r e M u r g h e o n , ép oux de Den ise B o u c h a r d ,
descend l u i - m ê m e de cet estoc.
M a d a m e Paillard, née D e b a r , est fille d ’Antoin eM a ri e n D e b a r , cousin
issu
de germain
de défunt
Claude Paslier.
L a suite de la discussion établira q u ’on ne doit pas
�( 3 )
¿ 4 3
s’ occuper des aulres parens qui descendent aussi des
Pralois.
L e domicile et les biens du
en Bourbonnais. L e
défunt étaient silués
5 septembre 1 7 9 3 , avant la p u
blication des lois prohibitives, en ligne collatérale ,
le sieur
Pastier
de c u ju s
intervint au contrat
de
mariage de J e a n - A l e x a n d r e M u rg h eo n et de Denise
Bouchard ; les mères des futurs étaient au nombre des
parens les plus proches du sieur Pastier ; mais elles
avaient cessé de vivre à cette époque. L e sieur Pastier
déclare dans le con tr at, q u ’il rappelle les futurs à sa
succession , « chacun pour ce qui les concerne par
« représentation de chacune
leur m è r e " , mais à la
charge par les futurs d ’associer audit rappel leurs frères
et sœurs.
L e 27 du m ê m e
mois
de
septem bre
1793,
ma
demoiselle D eb ar épouse J e a n - M i c h e l Paillard.Le sieur
P astier
intervient à ce contrat de m ariage; le père
de la demoiselle D e b a r vivait e n c o r e , et le mariage
a lieu sous son autorité.
L e sieur Pastier y déclare « q u ’en contemplation du
« présent
mariage , reconnaissant
que
ledit
sieur
« Ant oine-Marien D e b a r , père d e l à f u t u r e , est l ’ un
« de ses héritiers présomptifs le plus p r è s , et voulant
« prévenir toute discussion à sa succession sur le droit
« de représentation q u ’aurait la futu re, si son père
« venait à décéder avant ledit Pastie r, il a , par ces
« présentes, volontairement rappelé la future etlessiens
�( 4 )
« à sa succession, audit cas de prédécès du s.r D e b a r , .
«■pour la m êm e portion q u ’aurait droit de prendre
« le sieur D eb a r s’il survivait au sieur P a s t i e r , à la
« charge toulefois d ’associer A n n e t - G a b r i e l D e b a r ,
« son frère ou ses héritiers, pour moitié au présent
v ra p p e l , etc. ».
L e i8 mai 1810 ; défunt sieur Pastier a fait son
testament ol ographe; il c o m m e n c e par déclarer q u ’il
ve u t profiter de la faculté que lui accorde le C ode
N a p o l é o n , de disposer de ses biens ainsi q u ’il a v is e r a ,
en m aintenant les dispositions légalement fa ite s .
P a r une première disposition, il confirme le rappel
p o r té par le contrat de mariage du 5 septembre 1 7 9 3 ,
e n faveur de J ean-Alexandre M u r g h e o n , et de Denise
Bouchard , pour les portions héréditaires seulement
qu e l ’un et l'autre ont droit d ’am end er dans sa su c
cession ; il veut en outre que ce rappel soit ex écuté
chacun en ce qui les concerne et par tête ; mais il
rév o q u e les clauses d’association faites au profit de leurs
frères et
sœurs
, q u ’il croit n’avoir pas été saisis dès
q u ’ils ne contractaient pas;
2 ° Il rév o q u e le rappel fait en fa ve ur d’A n n e t Gabr iël D e b a r , frère à la dame D e b a r , épouse de
M . Paillard ;
3.° Il donne et lègue à François Pastier, e m p l o y é
à la recette gé nér ale de C l e r m o n t , sur tous les biens
non compris d a n s le rappel, une somme de 4-OjOOo fr.
�( 5 )
H S
à prendre sur le pins clair desdits b i e n s , sans être
te nu à aucune charge ni dette à cet égard ;
4.0
Il institue en outre le m ê m e François Pastier
son héritier du surplus de ses bie ns, à la charge par
lui de p a y e r , a v e c les rappelés à sa succession, et
par portion égale entr’e u x , toutes ses dettes.
Il fait ensuite des legs particuliers au profit de sa
do m est iq u e, et quelques legs dont il est assez inutile
de s’occuper.
Il
n o m m e pour son
exéc ut eu r testamentaire le
m ê m e Jean-François Pastier. Il est b on de remarquer
que ce Jea n- Fra nço is Pastier n ’a d ’autre affinité avec
le testateur, que l ’avantage de porter le m ê m e n o m ;
ou au moins il ne lui appartiendrait q u ’à un degré
si éloigné , q u ’ il n e sa ur ai t pas m ê m e t ’i n d i q u e r .
Ap rès la mort du sieur Gilbert P a s t ie r , les scellés
ont été apposés à la requête de l’héritier testamen
taire qui se trouvait sur les lieux,- on n’a pas daigné
p r év en ir la dame Pa ill ard , q u i , cependant par p r é
c a u t i o n , a formé opposition à la rémotion des scellés.
M a d a m e et M. Paillard désirant être éclairés sur
les droits q u ’ils ont dans cette succession, proposent
au conseil les questions suivantes :
i.° Quel est l ’effet du rappel porté en leur contrat
de m a r ia g e ?
2 -° Quelle portion amendent-ils dans cette successsion ?
�< |V'
( 6 )
3 .° Leurs droifs d o i v e n t - i l s se régler d ’après la
C o u tu m e de Bourbonnais , qui régissait les parlies
à l ’époque de
leur
co n t r a t , ou d ’après le C od e N a
poléon qui règle actuellement le m ode de partage?
4.0 Quelle porlion rc vie n l-i l aux autres cohéritiers?
5 .° Quel sera l’effet du testament fait sous l’empire
du C o d e ? En quoi consistent les droits de l’héritier
testamentaire ?
^ L E S J U R I S C O N S U L T E S A N C I E N S soussignés, qui
ont pris lecture , i.° de l’extrait du contrat de mariage
de J e a n - A l e x a n d r e Murglieon avec Denise Bo u ch ard ,
du 5 septembre
de
dame
1793;
2°
du contrat de mariage
Françoise - Gabrielle
Debar
a vec J e a n -
M i c h e l Paillard, du 27 septembre de la m ê m e a n n é e ;
3 .° du testament olographe de Gilbert P a s l i e r , du
18 mai
1 8 1 0 , de la généalogie des Pastier et du
m é m o i r e à consulter,
E s t i m e n t , sur les questions p ro po sée s;
Q u ’il convient en première ligne de définir ce q u ’on
entend par ra p pel, et quel doit être l ’effet de cette
disposition.
Elle était fort usitée en C o u tu m e de Bou rbonnais,
ou la représentation n ’avait lieu en ligne collatérale,
q u ’entre frères et s œ u r s , et descendans de frères et
sœurs.
Hors les termes de la repré sen tation, les héritiers
�( ? 3
les plus proches succédaient par
u y
têles et non per
siirpes. ( A i t . 3 o6 de la C o u t u m e ) .
Il est assez simple q u ’on dût succéder par tête ,
toutes les fois q u ’on était hors des termes de la r e
présentation, parce q u ’on ne peut succéder par souche
q u ’autant q u ’on se met à la place de que lq u’ un , et
q u ’on prend ce q u ’il aurait pris; c ’e s t - a - d i r e , q u ’il
faut représenter pour succéder per siirpes ; et lors
q u ’on vient de son c h e f , on ne doit succéder que par
te le.
»
D a ns ce dernier cas , l ’héritier le plus prochain en
d e g r é , excluait
éloigné ,
ce ux qui étaient à un degré
successlo
ex tra
plus
terminos representationis
p rp xim io ri defertur. Decullant.
Mais celte m ê m e c o u t u m e é t a i t c e q u ’ o n appelle
d'estoc et lig n e, ce qui veut dire que les biens retour
naient à l ’estoc d’où ils étaient p r o v e n u s , ce qui a
besoin encore d’explication.
O n distinguait les meubles et acquêts d ’a vec les
propres naissans et les propres anciens.
A l ’égard des meubles et a c q u ê ts, il se divisaient
en deu x parts, moitié aux héritiers paternels les plus
p r o c h e s , l ’autre moitié aux héritiers maternels les
plus prochains.
L es propres naissans appartenaient aux plus proches
héritiers du côté et ligne de celui par la mort duquel
ils lui étaient avenus.
�• Quant aux propres a n c i e n s , ils appartenaient aux'
parens les plus proches du défunt , du côté et ligne
d ’où
ils étaient prove nus , q uo iq u’ ils ne fussent pas
les parens les plus prochains du d é f u n t , art. 3 i 5 de
la Coutum e. A u r o u x , sur les art., n.° n , 12 et suiv.
Cette différence , dans la nature et l ’origine des
biens, pour en régler la transmission, a beauco up
exercé les commentateurs de cette C o u t u m e , et donné
lieu à de grandes discussions ; la circonstance que la
succession est ouverte sous le Code N a p o l é o n , dispense
de se livrer à un ex a m en plus profond de
celt e
question, ainsi q u ’on va bientôt l’établir.
Mais il faut en venir au r a p p e l , et il est évident
que le sieur Pastier n ’ignorait pas la disposition de
la C o u tu m e sur les termes de la représentation ; il
savait aussi que le sieur D e b a r , son cousin issu de
g e r m a i n , était un de ses plus proches héritiers; il
craint que le sieur D e b a r ne vienne à le p r é d é c é d e r ,
et que ce prédécès exclue sa fille de sa succession,
parce q u ’elle pourrait ne pas se trouver en degré utile;
il prend le parti de la r a p p e l e r , et de lui assurer la
po rtion que son père aurait eue s’il lui survivait.
C ett e disposition éventuelle est faite entre vifs, par
contrat de mariage , sans aucune réserve , et a un
caractère d ’irrév oc abilité, auquel le testateur n ’a pu
déroger dans la suite ; il avait alors le droit de faire
toutes les libéralités q u ’il lui plaisait. L a première loi
prohibitive
�(9)
prohibitive
n’est
que du
^4 ^
5 brumaire an
2 ( no
vem b re 1 7 9 4 ) .
Quel a été Feiïet de ce ra p pel ? sans contredit, la
dame Paillard a été mise par ce m o y e n à la place de
son p è r e , si celui-ci mourait avant le sieur Pastier;
et ce der n ie r, par celte disposition, a dû laisser sa
succession ab intestat par rapport au rappelé.
I l est sans contradiction que la dame Paillard doit
prendre dans la succession du sieur Pastier, tout ce
que son père y aurait pris, s’il élait vivan t à l ’o u
verture de la succession de Gilbert Pastier.
A la v é r i t é , la dame Paillard était chargée d ’associer
son frère à ce r a p p e l , mais ce frère ne contractait
pas , et n’était pas saisi; c ’était la dame P a i ll a r d , qui
seule était i n v e s t i e cia l i t r e : s o n f rè r e n e pouvtùt
recevoir que d ’elle; c ’était une condition que le sieur
Pastier avait mise à sa libéralité.
Mais en m ê m e tems cette condition était onéreuse,
dès-lors révocable à volonté de la part de l ’auteur de
la disposition. L a faveur due aux contrats de mariage
a fait admettre ce principe, que toutes les clauses
onéreuses sont révocables au profit des mariés.
O r le sieur Pastier ayant par son testament r é
vo q u é la condition de l’association, il en résulte que
la dame Paillard vient exclusivement prendre la portion
qui reviendrait h son p è r e ; la part destinée à son
frère ne peut accroître q u ’à elle ; le sieur Pastier a
3
�disposé de ioute la portion que D e b a r père devait
recueillir.
L a dame Paillard étant ainsi mise à la place de
son p è r e , on doit la considérer c o m m e parente ail
m ê m e degré que le père, c’e s t-à -d ir e , c o m m e cousine,
issue de g e r m a in e , du défunt; alors elle se trouve la
parente la plus prochaine du défunt ; de sorte que
sous la
coutum e m ê m e , elle aurait exclu tous les
pai ens à un degré plus é l o i g n é , aurait succédé par
moitié aux meubles et acquêts, c o m m e héritière m a
ternelle , et à tous les propres anciens provenus des ^
Pralois dont elle descend.
C e qu’ on dit de la dame P a i ll a r d , s’applique éga
le m e n t à Jean - A le xa ndre
Murgheon
et à Denise
Bouchard sa f e m m e ; leurs mères à la vérité n'existaient
plus lors de leur m ar ia ge ; elles étaient aussi cousines,
issues de germ aines , du d é f u n t ; il a mis les ép oux à
la place de leurs mères. M u r g h e o n , c o m m e la dam e
Paillard descend des Pralois; il se trouve au m o y e n
du rappel au m ê m e degré que la dame Paillard : il
aurait donc succédé co ncurremment et par tête sous
l ’ancienne l o i , avec la dame Paillard.
A l’égard de Denise Bouchard , fe m m e M u r g h e o n ,
elle ne descend pas du m ê m e estoc; elle appartient
a la' ligne P a stie r ; elle se serait e n c o r e , sous la C o u
t u m e , trouvée seule au degré pour succéder dans sa
l i g n e ; par conséquent , elle aurait
meubles et
pris moitié des
acquêts , les propres naissans
provenus
�( ii
)
2 SI
jt fj
des P a s t i e r , et les propres anciens qui auraient eu
la m ê m e origine.
. !
Mais il ne faut plus aujourd’hui raisonner d ’après
la C ou tu m e : ce n ’est plus elle qui doit régler le mode
de partage de la succession de Pastier.
L e rappel fait en faveur des ép ou x M u r g h e o n , et _
de la dame Paill ard, a bien un effet présent quant
à l ’irrévocabilité de la disposition ; c’ e s t - à - d i r e , q u ’il
assure à la dame Paillard un droit certain à la suc
cession , mais la
portion
q u ’elle prendra
n’est pas
d é t e r m i n é e , et ne peut être connue q u ’à l’ouverture
de la succession ; c ’est là que la dame Paillard est
r e n v o y é e pour s u cc é d e r, c o m m e son père l ’aurait
fait s’il ne fût pas mort avant Pastier., et celui-ci lui
assure tout ce que la loi qui régira sa s uc c e s s i o n t
aurait accordé à son père.
L e sieur Pastier n’a pu déroger à cette promesse ,
ni régler la portion héréditaire de celui q u ’il a rap
p e lé ; il-s’est engiigé par rapport à l u i, à ne rien faire
qui dérogeât à-ce droit de successibilité, qui diminuât
sa portion lé g a le, quelque changement qui intervienne
dans la législation; en un m o t, il s’est obligé à laisser
sa succession ab intestat.
ar rapport au rappelé.
L a dame Paillaid a m êm e couru la
chance
de
ne rien recueillir, si son père ne s’était pas trouvé
en degré pour s u c c é d e r ,
ou
de prendre toute la
4
j
�U *
( 12 )
portion Cfni lui serait att rib ué e, si son père se trouvait
le païenI le plus proche.
Il est encore sans contradiction que le m o d e ' d e
succéder et de par tager, doit être réglé par la loi
qui est en vigueur à l ’ouve rture de la succession ,
sur-lout pour les successions qui s’ouvrent ab intestat ;
et on vient de voir q u ’il faut considérer sous ce rapport
la succession P a s t ie r , relativement aux rappelés.
L e sieur Pastier l u i- m ê m e a senti que sa succession
devait se régler par le Code Napoléon ; il veut profiter
de la faculté qu'il lui accorde. Il sait et il veut que
toutes dispositions précédentes
et
légalement faites
soient maintenues; il confirme les rappels par lui faits
pr écéde m m en t ; il veut favoriser les rappelés , en ré
vo q uan t les conditions q u ’il y a mises, et dans son
intention bien manifestée, son héritier testamentaire
ne doit rien prendre qu'après que les rappelés auront
eu la portion que la loi leur assure.
O r , quel est celte portion l é g a l e ?
« L a loi ne considère, ni la n a t u r e , ni l’origine
« des biens pour en régler la transmission. (A rt.
« Code N a p o l é o n ) .
« T o u t e succession éc hu e à des
2,
ascendans ou à
« des parens collatéraux, se divise en deux parts égales,
« l’ une pour les parens de la ligne paternelle, Fautre
« pour les parens de la ligne maternelle. (A rt. 7 3 3 ).
« Cette première division opérée
entre les lignes
�( >3 )
2 /3
« paternelles et m atern elles, il ne se fait plus de
« division entre les diverses b ran ch es ;l a portion dé« volue à chaque ligne appartient à l ’héritier ou a u x
« héritiers les plus proches. ( A r t . 784).
Il n ’est personne qui n ’ait reconnu la sagesse de
ce
mode
de
division; il tranche
toute d if fic ulté ,
anéantit une foule de procès ruineux sur l ’origine des
biens, sur la contribution desdettes, sur les refentes, etc.
Déjà
la C o u tu m e
du
Bourbonnais , l ’ancienne loi
des parties, avait adopté cette règle pour le partage
des meubles et acquêts ; et on va voir que la repré
sentation est encore réglée par le C o d e , c o m m e elle
l ’était par cette Coutume.
L ’art. 742 n’admet la représentation en ligne col
l a t é r a l e , q u ’ e n f a v e u r des e n f a n s et d e s c e n d o n s des
frères ou sœurs du d é f u n t . S u i v a n t l ’art. 7 4 3 , le partage
s’opère par souche toutes les fois que la représentation
est admise aux termes de l ’art. 7 5 3 , lorsqu’il n ’y^ a ni
frères ni sœurs, ni descendans d e ‘frères ou de sœurs;
les parens les plus proches succèdent, et lorsqu’il y a
concours de parens collatéraux au m ê m e degré , ils
succèdent par tête.
C e règlement est parfaitement entendu , il ne s’agit
que d ’en faire l’application. L e sieur D e b a r , père
de la dame Paillard , était cousin , issu de
du défunt ; si le sieur D e b a r v i v a i t ,
germ ain,
il serait
le plus
proche parent de sa l ig n e, avec la mère de M u r g l ie o n ,
qui était au m ê m e degré.
�( 14 )
L a dame Paillard et M u rgh eo n sont mis au m ê m e
degré que les ascendans ; ils appartiennent à la ligne
m at e r n e l l e ; moitié de la succession doit être attribuée
à cette l i g n e , quelle que soit la nature et l’origine des
b ie n s ; madame Paillard et M u r g h e o n , parens par
fiction au m êm e degré , se trouvant les plus proches
du d é f u n t , doivent donc recueillir conc urr emment
et par tête, la moitié affectée à leur l i g n e , c ’est-àdire, q u’il revient à chacun le quart des biens délaissés
par Gilbert Pastier.
■ Ma inte na nt que
la
portion revenant à la dame
Paillard est déterminée , il est assez indifférent pour
elle de savoir ce que deviendra la moitié affectée a
la ligne paternelle à laquelle elle est étrangère ; elle
ne doit m ê m e prendre aucune
part aux questions
qui peuvent naître entre l ’héritier de cette ligne et
l ’héritier testamentaire, qui n ’est appelé par la force
de la l o i , et la volonté bien exp rim ée du te sl alp ur,
q u ’après que
les rappelés auront pris ce qui leur
revient.
L a dam e Paillard est bien avertie que le testament
n’a pu faire aucun retranchement dans sa ligne : elle
connaît tout l ’effet que doit avoir son rappel.
Cepe ndant il lui importe de prévenir toute discus
sion avec l ’héritier testamentaire; elle doit m êm e être
en garde sur la qualité q u ’il voudra prendre lors de la
rémolion des scellés et de l’inventaire ; et , dans ce cas,
on doit examiner les prétendus droits de cet héritier.
�( i5 )
2$5
Son tilre s’é v a n o u i t , ses droits s’é t e ig n e n t , et ne
pe uvent résister à la plus légère discussion. D en is e
Bouchard est la seule en ordre de succéder dans la
ligne paternelle; elle se tr o u ve, d ’après la généalogie
qui a été soumise, la cousine issue de germ ain , du
d é f u n t ; elle descend de Guillaume Pastier, aïeul de
Gilbert de c u j u s ; elle est l’héritière la plus proche de
ce ll e l ig n e ; elle le serait sans fiction«, quand m ê m e
elle ne viendrait pas à la place de sa m è r e ; elle est
rappe lé e, en ce qui la conc erne, pour la portion q u ’au
rait recueillie sa mère. L e sieur Pastier, par son tes
t a m e n t , n’a pu ni voulu déroger aux dispositions par
lui c i - d e v a n t faites; il a m ê m e confirmé ce rappel
par le testament.
A u x termes de l’art. 734 du C od e Napoléon , Denise
Bouchard doit r e c u e i l l i r la m o i l i é a f f e c t é e à sa l ig n e ,
il moins q u’il n’y eût d ’autre héritier dans la m ê m e
ligne et au m ê m e degré que la f e m m e Bouchard ; dans
ce cas, l’hérilier testamentaire serait mis à la place de
c e u x qui auraient droit de concourir a vec el le ; mais
si elle est la seule parente au degré utile, l’héritier
testamentaire n’a lie n à prétendre. L e testateur n ’a
pas-été le maître de disposer, au profit d ’ un tiers, d ’ une
chose q u ’il avait déjà d o n n é e ; par conséquent son tes
tament est c o m m e non avenu par rapport au sieur
Pastier; il n’a q u ’ un vain titre, fait au préjudice d ’un
contrat de mariage dont la foi ne peut être violée.
L e sieur Pastier s’abuse, s’il croit avoir un droit quel
�(
16]
conque à la succession de Gilbert de cu ju s. L e partage
de c e ll e succession était déjà réglé par des dispositions
antérieures et irrévocables, que le leslateur a dû res
pecter. Ce n’est que par un mal-entendu qu’il a pensé
que le C ode Napoléon lui donnait le droit de disposer
de ses biens.
L e Code n’accorde cette f a c u l t é , en ligne collatérale,
q u ’autant que le teslaleur n'aurait pas déjà fait des
dispositions e n t r e - v i f s dans un tems utile. L e sieur
Paslier, par les contrats de mariage des 5 et 27 sep
tembre 1 7 9 3 , s’était déjà do nné,des héritiers conven
tionnels. Celui qui a fait un héritier par des libéralités
irrévocables, ne peut plus en faire un second, et son
testament n’aura aucun effet, si ce n’est pour les legs
rémunératoires ou les legs p i e u x , qui doivent avoir
leur e x é c u t i o n , lorsqu’ils ne sont pas excessifs, lorsqu’ils
n e portent pas un préjudice notable aux donataires de
la qualité d ’héritiers.
Ces legs seront acquittés par les rappelés, chacun
dans la proportion de leur amendement.
\
P e u t - ê t r e le testateur a - t - i l pensé q u ’il p o u v a it dis
poser de la portion p r im i ti v e m e n t destinée a u x associés.
C e serait une erreur : la révocation de cette condilion
ne peut profiler et accroître q u ’à ceux qui étaient déjà
investis du titre, malgré la condition qui leur était
im pos ée; ils ont couru la chance du prédécès des asso
ciés,
com m e
ils ont pu espérer une révocation de cette
charge.
En
�t s r
( 17 )
En la r é v o q u a n t , l ’auteur de la disposition ne peut
leur donner d’autres associés malgré eu x -m ê m e s : ils
profitent exclusivement de la révocation.
C ’est donc assez inu tilement que le sieur Pastier a
requis l’apposition des scellés, sans m ê m e prévenir de
cette dém arc h e ce ux qui avaient droit à la succession,
et q u ’il n’a pu méconnaître d’après le testament.
L a dame Paillard a agi prudemment en formant
opposition à la rémotion des scellés; elle oblige par-là
les prétendant droit à l’appeler lors de ce ll e r é m o tio n ,
mais elle ne doit pas s’en tenir à cette démarche pure
m en t conservatoire.
I l est de son intérêt de demander la ré m oti on, de
faire procéder à un inventaire e s t i m a t i f , pour constater
les forces mobiliaires de la succession, sauf ensuite à
demander le partage à ses cohéritiers rappelés c o m m e
elle , e t à faire promptement régler les droits de chacun,
d ’après le mode q u ’on vient de lui indiquer.
D élibéré à R io m , le 26 décembre 1812.
P AGÈS,
L . - F . D E L A P C H I E R , VISSAC , A L L E M A N D ,
J .-C
h.
BAYLE.
A RIOM, de l'imprimerie du Barreau, chez J - C .S A L L E S .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Debar, Françoise-Gabrielle. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Delapchier
Vissac
Allemand
Bayle
Subject
The topic of the resource
successions collatérales
estoc
coutume du Bourbonnais
testaments
conflit de lois
contrats de mariage
paterna paternis
doctrine
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, suivi de consultation, pour Dame Françoise-Gabrielle Debar, et le sieur Jean-Michel Paillard, son mari, ladite dame héritière de défunt Gilbert Pastier, prêtre ; contre les prétendant droits à la succession dudit défunt Gilbert Pastier.
arbre généalogique
note manuscrite « arrêt du 16 février 1814. Voir journal des audiences, 1814, p. 51 ».
Table Godemel : Rappel à succession, stipulé par contrat de mariage, sous l’empire de la coutume du Bourbonnais, a-t-il l’effet d’une institution contractuelle irrévocable ? Ou, au contraire, peut-il être anéanti ou modifié par dispositions entre-vifs ou testamentaires émanées de l’auteur de la disposition ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Barreau, chez J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1793-1812
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
17 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2115
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53410/BCU_Factums_G2114.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vendat (03304)
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
doctrine
estoc
généalogie
paterna paternis
successions collatérales
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53411/BCU_Factums_G2115.pdf
4559a3d3506156b6cf4419cb44fd21c9
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MÉMOIRE
POUR
!
Jean-A lexandre
M U R G E O N , et D
BOU
e n ise
C H A R D , sa fem m e, Propriétaires, demeurant à.
Vendat, appelans d’un jugement du tribunal de
première instance de Gannat, du 7 août 1 8 1 3 ;
CONTRE
L e sieur F r a n ç o i s P A S T I E R , employé à l a recette
générale des contributions d u département d u P u y d e-D ô m e } dem eurant à C lerm on t-F erran d in tim é
CONTRE
L e sieur J e a n - M i c h e l P A I L L A R D , receveur des
dom aines , et dam e F r a n c o i s e - G a b r i e l l e
D E B A R , son épouse, dem eurant à R iom , appe-
l ans du même ju g em en t
I
�EN P R É S E NC E
De J
ean
B O U C H A R D , et J
sa fem m e j A
l e x is
eanne
BOUCHARD,
B O U C H A R D , et
B O U C H A R D , sa fem m e ; et F r a n c ò i s
M a r ie
BOU
C H A R D , tous propriétaires, demeurant en ta com
mune de V erid a t, assignés ^en déclaration d ’arrêt
comm un.
I i E partage de la succession du sieur Gilbert Pastier,
ancien curé de C h a r r o u x , donne lieu à de grandes
discussions.
L e s sieur et dam e M u r g e o n , appelés par un pre
m ie r contrat de mariage à lui succéder, par représen
tation de Gilberte Mandosse, v e u v e M u r g e o n , et de
M a rie B a u d o n , v e u v e Bou ch ard , leurs d eu x m è r e s ,
réclament les droits héréditaires que ces deu x mères
auraient respectivement exercés si elles eussent survécu
au sieur Pastier, c ’est-à-dire la totalité de sa succession,
c o m m e étant ses plus proches parens au m omen t de
son d éc ès, tant dans la ligne paternelle que dans la
ligne maternelle.
L a dam e Paillard, appelée par un contrat de m a
riage subséquent, à représenter le sieur D e b a r , son
p è r e , v e u t , d ’ un autre c ô t é , en exercer les droits de
successibilité, quoique
cette seconde disposition s©
ê
�——— — —
l û ;
—
t r o u v e , par l ' é v é n e m e n t , en opposition a vec la pr em i è r e , qui forme la loi de la famille.
U n sieur François Pastier, de C le rm o n t , qui porte
le môme nom que le défu n t, mais qui n’est point p a
rent , paraît dans l’arène ave c un testament olographe,
et prétend s’em parer , ou de la totalité, ou au moins de
la majeure parlie de la succession, en détruisant ou
modifiant les
premières dispositions contractuelles,
dont il méconnaît Tirrévocabilité.
E n f i n , les frères et sœurs B o u c h a r d , originairement
associés au premier pacte de su ccéder, où ils n’ont pas
élé parlies contractantes, ont dem andé à en partager
le bénéfice avec la dame M u r g e o n , instituée, quoique
la charge d’associer ait été formellement r é v o q u é e
p a r le t e s t am e nt du d é fu n t.
L e s frères et sœurs M u r g e o n , et D e b a r , associés
c o m m e les B o u ch a rd , mais pensant autrement sur la
validité de cette rév oca tion , ont préféré le silence de
la p a i x , aux dangers des débats judiciaires.
Le
tribunal de G a n n a t , qui a jugé le procès en
première instance, a décidé que les dispositions du
testament postérieur devaient prévaloir sur les dispo
sitions antérieures des deu x contrats de m a r i a g e , q u ’il
a considérées c o m m e insignifiantes et révocables. Il a
attribué au légataire Pastier la majeure parlie de la
succession, et m ê m e les portions des associés déchus,
dont il a privé les héritiers contractuels.
%^
^
�-
\ i'k
—
------
En on ce r une telle décision, c'est proclamer que l ’er
reur a triomphé des principes les plus sacrés de la lé
gislation française.... Les sieur et dame Murgeon de
mandent à la C o ur la réforma lion de ce jugeme nt
extraordinaire. Ils se présentent devant les magistrats
distingués qui la com po sen t, avec d ’autant plus de
sécurité, que l ’appel est motivé sur la sagesse des ar
rêts no mbre ux q u ’elle a déjà rendus en cette matière.
Exposons d’abord les faits du procès; nous discute
rons ensuite les questions q u ’ils ont fait naître.
FA ITS.
J e a n - A l e x a n d r e M u r g e o n et Denise Bouchard ont
contracté mariage le
5 septembre 1 7 9 3 , par acte reçu
Poulain,, notaire à Charroux.
Gilberte Mandosse, v e u v e M u rg e o n , et Marie Baudon , veu ve Bo u ch a rd , ont réglé les conventions ma
trimoniales, de concert ave c le sieur Gilbert Paslier,
curé de C h a r r o u x , dont elles étaient alors héiitièies
au mo ins en partie, c o m m e ses plus
proches parentes.
présomptives,
lies deu x futurs é p o u x , et sur-tout le sieur M u r
ge on, avaient toujours été l’objet des plus tendres afiections de ce pa ren t, qui avait accordé des soins à
le u r
e n fan ce, et à qui Murgeon avait déjà rendu d’iin-
portans services dans le cours de la chh> révolution
naire : aussi ce bon parent voulu l-il leur donner une
�IJ
J------------------------ —
preuve de sa tendresse et de sa gratitude, en les pro
clamant ses héritiers.
\
L ’incertitude des circonstances politiques exige'ait
néanmoins quelques ménagemens envers la nombreuse
famille du sieur Paslier, qui aurait craint de s’attirer
la haine des parens q u ’il aurait ouvertement privés de
tout espoir de lui succéder pa rti el lem en t, en ras de
survie. L a prudence lui suggéra l’idée de stipuler sa
libéralité dans des termes qui pussent embrasser l ’ u
niversalité de sa succession, sans affliger ses autres
parens, en laissant dépendre l ’étendue de sa disposi
ti on, du nombr e des héritiers présomptifs que la loi
de la nature appellerait à lui survivre. Voici les termes
dans lesquels il s’expliqua :
« Est in l e r v e n u , au présent contrat, Gilbert Pas « l i e r , p r ê l r e , cu ré de la paroisse de Saint Sébastien
c< de cette ville ( C l i a r r o u x ) , cousin issu de germain
c< des mères desdits futurs, lequel, trouvant le présent
« mariage pour agréable, a rappelé, c o m m e par ces
« présentes il rappelle, lesdits futurs à sa future suc« cession, chacun pour ce qui les co ncer ne, par la re« présentation du chacune m è re , à la d i a r g e , par
« lesdits futurs, d ’associer audit rappel leurs frères et
« sœurs; ¡ceux futurs ont à 1 instant accepté et remer« cié ledit sieur Pasli er, leur cousin. »
Nou s remarquerons q u ’à ce ll e époque Gilbert Paslier avait [jour parens les plus proches, et conséquent-:;
ment pour héritiers présomptils :
�-------------------------------- ^ u j
D an s la ligne paternelle, Marie B a u d o n ,a lo rs v e u v e
de Jean-Baptiste B o u c h a r d , et mère de Denise B o u
chard, future épouse ;
Et dans la ligne maternelle, en remontant à la tige
de Gilberte Pralois, son a ïe u le:
Gilberte Mandosse, v e u v e de Jean Mu rgeon , et
mère de J e a n -A le x a n d r e M u r g e o n , futur é p o u x ;
An t o in e -M a ri e n D e b a r, père de la dame Paillard; la
dam e D e b a r - d e - l ’ I iô p ital, sœur d ’A n t o i n e ; et M a g d e laine Du bu isson, f e m m e d ’An toin e Monpied.
Marie L u c a s , épouse D e l e s v a u x ,
et mère
de la
dame Lois el -G u il lois , était alors déc édée depuis plu
sieurs années; de manière que la dame G u il lo is , sa
fille, était descendue d ’un degré.
L e 27 septembre m ê m e année ( 1 7 9 3 ) , A n t o i n e M arien D e b a r maria sa fille
(Françoise - Gabrielle
D e b a r ) à M . J ean -M iclie l Paillard. L e s invitations
pressantes que l ’on fit au sieur Pastier d ’assister à ce
m ar ia ge, produisirent une intervention de sa part dans
ce n o u v e a u contrat de mariagfc. Elle est stipulée en ces
termes :
« E n contemplation du présent m a r i a g e , Gilbert
a Pastier reconnaissant que ledit sieur Antoine-Marien
« D e b a r , père de la future, est l ’un de ses héritiers
« pr és omptif s
le plus près, et voulant prévenir toute
« discussion à sa succession sur le droit de représenta
it lion q u ’aurait la future si son père venait ù décéder
�-------------------------------------------------- m
------------------------------------------------
« avant ledit Pastier, il a , par ces présentes, volon« laireraent rappelé la future et les siens à sa succes« sion, audit cas de prédécès du sieur D e b a r , pour
« la m êm e portion q u ’aurait droit de prendre le sieur
« D e b a r s’il survivait au sieur Pastier, à la charge
« toute fois d ’associer Annet-Gabriel D e b a r , son frère,
« ou ses descendans, pour moitié au présent rappel.»
C e u x qui ont dicté ce second contrat de mariage,
n ’ont pu se dissimuler q u ’il ne devait point porter at
teinte au premier pacte de succéder, et q u ’il ne pro
duirait d ’effet réel que dans les cas et dans les chances
qui ne seraient point en opposition avec les disposi
tions primitives que la loi déclarait irrévocables.
Il est inutile de parler ici des évé ne men s subséquens
qu’a éprouvés la fortune de Gilbert Pastier, et d ’expli
quer les n o m b r e u x services q u e n ’ont cessé de lui
rendre les sieur et dame M u r g e o n , dans tout le cours,
de sa vie, et au milieu des persécutions auxquelles il
a
été m o m e n t a n é m e n t exposé. Nous nous bornerons
à rappeler les faits utiles à la décision du procès.
L a dame D e b a r - d e - l ’Hôpital est morte vers l ’an
né e 1795.
__
Magdelaine D u b u is s o n , f e m m e M o n p i e d , est d é
cédée le i 5 vendémiaire an 8 ( 7 octobre 1 7 9 9 ) .
M arie B a u d o n , v e u v e Boucha rd, le 28 ventôse
i 3 (ic) mars i 8 o 5 ).
Antoine-Marien D e b a r , père de la dame Paillard,,
le
5 germinal au i 3 (2 6 mars i 8 o 5 ).
�• Gilberte Mandosse, v e u v e M u r g e o n , est morte Ta
dernière, c ’esl-à-dire le 24 mars 1808.
C ependant le hasard fit rencontrer lé vieux curé
de C harroux avec le sieur François Pastier, de Clerm o n t , q u i , jusqu’alors, avaie nt été inconnus l’ un à
l'autre. L a conformité de nom établit entre eux des
com munications, et les sieur et
dame Paslier, de
C l e r m o n t , cherchèrent de concert à capter la bien
veillance du riche pasteur qui portait le m ê m e n o m ,
et sur la famille duquel ils feignaient de s’enter. Ils
firent jouer tous les ressorts pour envahir sa succession.
E n vain ce respectable octogénaire leur disait-il qu’il
était lié par la reconnaissance envers ses parens M u r
g e o n , et par des dispositions contractuelles q u’il n’é
tait pas en son pouvoir de détruire. L ’avidité ingé
nieuse des sieur et dam e Paslier trouvait toujours des
réponses et
des subterfuges; ils répondaient q u ’ils
avaient consulté des personnes qui leur avaient assuré
que les stipulations des contrats de mariages n ’étaient
pas tellement sacrées, q u ’il ne fût possible de les écar
ter par une vente simu lée, pour un prix fictif payé
co m p t a n t , mélangé avec une rente viagère ou une
réserve d ’usufruit, et m êm e par de simples dispositions
testamentaires qui , en restreignant les dispositions
contractuelles, auraient l’apparence de n ’en être que
le com m en taire ou l'interprétation.
Q u o i q u ’affaibli par son grand âge et ses infirmités,
le sieur Paslier eut encore assez de force pour refuser
�(
9 )
i
avec aigreur de signer la ve nte frauduleuse dont la
dame Paslier avait apporté le modèle de Clermont :
il ne voulut pas se dépouiller de sou vivant.
L a dame Paslier ne perdit pas courage; elle usa de
la ressource secondaire d’ un modèle
de testament,
q u ’à force d ’obsessions elle parvint à faire copier lit
téralement par le sieur Pastier, en ces termes ^ sous
l'antidate du i o m a i i 3 i o :
J e soussigné, Gilbert Paslier, prêlre et
ancien
« curé de Sainl-Sébaslien de C harroux , voulant met«. Ire de l’ordre dans mes affaires, prévenir toutes con«■leslalions qui pourraient naître après m o i, et profiter
« de la faculté que m’accorde le C ode N a p o lé o n , de
« disposer de tues biens ainsi que j’aviserai, en maina t e n a n t l e s d i s p o s i t i o n s l é g c i l e m e n l f n i i e s , a i f u i t mon
« testament olographe , que j'ai entièrement écrit f
« signé et daté de ma main,
« J e confirme le rappel porté par le contrat de mar liage du
5 octobre 1 7 9 3 , reçu Poulain, notaire à,
« C h a r r o u x , en faveur de J e a n - A l e x a n d r e Murgeon et
« de Denise B o u c h a r d , pour les portions héréditaires
« seulement que l’ un et l ’autre ont droit d ’am ender
* dans ma succession; je ve ux et entends que ledit.
rappel soit exé cut é chacun par l ê l e , en ce qui con« cerne les mariés; mais je ré voque la clause d ’asso*■ciniion faite au
prolit de
leurs frères et sœurs,
« attendu q u ’ils n ’e n ont ja m is été saisis, et q u ’uno
2
�\ o V
( I 0)
« pareille clause ne peut avoir son effet en faveur de
<r ce ux qui ne contractent point mariage.
« J e ré v oqu e en outre le rappel fait en fa ve ur
<t d ’A n n e t -G a b ri e l D e b a r , frère à demoiselle D e b a r ,
« épouse de M . Paillard.
« Je donne et lègue à M . François Pastier, ern* pl oyé à la recette générale de Clermont , sur tou s
« les biens non com pris d a n s Le rappel, une so m m e
«• de 40,000 fr., à prendre sur les plus clairs desdits
« bie ns, sans être tenu d ’aucunes charges ni dettes à.
« cet égard.
»
«• J ’institue en outre ledit sieur François Pastier +
,
<e m on héritier du surplus de mes biens, à la charge
« par lui de p a y e r , a vec les rappelés à ma succession,
« et par portion égale e n tr’eu x , toutes m es dettes,
« desquelles feront partie les arriérés des gages dus k
<r Catherine C h e n e v i è r e , v e u v e P a l r i n , ma dômes-,
« tiq u e , qui montent à une so m m e de 393 fr.
« D e laisser prendre et retirer de ma maison, par
« ladite C ath erine, son lit garni, non compris l'ul« c o v e , quatre draps de l i t , d e u x arches de sapin,
« un pot de f e r , une poêle et poêlon qui lui a p p a r « tiennent-, de lui d o n n e r , pendant sa vie durant , la
h
jouissance et usufruit d ’ une maison couverte à tuiles
» creuses, et de la moitié du petit jardin qui est a u <r delà de la r u e , le tout en celt e c o m m u n e ot près
« du puits d ’A n t a n l ; de p?iyer aussi à l a d i t e 'C a d j e « l i n e , chaque année et pendant sa vie d u r a n t , une
�( ii
Z & cy
)
<r pension viagère de trois setiers f r o m e n t , et un poin« çon de vin ; laquelle pension lui sera p a y é e , pour
«• la première a n n é e , dans les six premiers mois du
«■jour de m on décès, et ainsi continuer d ’année en
» a n n é e , à com pt er dudit p a i e m e n t , jusqu’au décès
* de ladite Catherine.
« D e p a y e r annuellement et p e rpétuellem en t, aux
« pauvres de cetle c o m m u n e , une reni e de
3 oo fr.,
« pour quoi demeurera un principal de 6,000 fr, , qui
« sera fo rm é par les capitaux qui me sont dus; savoir :
«
3 ,ooo fr. par le sieur Pierre D u b o n , en deu x c o n
te trats, et pareille som m e par le sieur Jean L e v e r t ,
« lesquels contrats de re ntes, à m on décès, seront dé« posés entre les mains du desservant l ’église de cette
« c o m m u n e , q u i , c o n c u r r e m m e n t a v e c le m a i r e d u « dit h eu el le sieur P a s l i e r , ou un de ses représen
te tans, feront la distribution annuelle, aux pauvres
« de cette c o m m u n e , du produit et intérêts desdits
« contrats de ren te, sans que mes héritiers soient t ê
te nus de parfaire les
3 oo f r . , dans le cas où lesdils
te contrats ne donneraient pas annuellement
te s o m m e de
ladite
3 oo f r . ; et enfin de p a y e r , pour mes ob-
« s è q u e s , funérailles et trois annuels, la somme de
« i , o 5 o fr.
te J e nom m e et désigne, pou r m o n ex écuteur tesK tam entuire,' le sieur François
Pastier.
i
*
J e casse et r é v o q u e tous autres tesfamens et co -
» dicilles que je pourrais avoir laits préc éd emm en t >
�X fo
( «
)
« voulant que le présent teslament ait seul son exécn« l io n , c o m m e contenant mes dernières intentions et
» vol on té s; et après J/avoir la et re lu , je déclare q u e
v j ’y persiste. Fait à C h a r r o u x , etc.»
Gilbert
Pastier est mort à C h ar rou x, le
1 « dé
ce mbre 1812.
D e grandes contestations se sont élevées pou r le
partage de sa succession , ouverte dans le dé parte
ment de l ’Allier (territoire du ci-devant Bourbonnais).
I-es scellés ont été apposés. T o u s les parens plus
ou moins éloig n é s, les rappelés, les légataires se sont
présentés; mais à la vu e des contrats de mariag es et
du testament, la plupart des prétendans se sont re
tirés, et il n’a resté sur la scène que les parties qui
plaident aujourd’hui.
U n jugement provisoire a n o m m é le sieur M u r g e o n
administrateur de la succession jusqu’à la décision du
procès.
U n second jugement
a fait délivrance provisoire
des legs pieux et rémunératoires.
L e s demandes respectivement formées ont été dis
cutées dans des mémoires et consultations imprimés.
L a dam e Paillard a demandé le quart de la succes
sion, en vertu du rappel inséré en son contrat de ma
riage, du 27 septembre 1 7 9 3 , sur le fondement q u ’elle
est autorisée à exer cer les droits héréditaires d ’A n -
«
�( *i3 )
foine-Mar ien D e b a r , son pè re, qui aurait hérilé de
la moitié des biens
dévolus à la ligne m at ern el le,
c ’est-à-dire du quart du total de la succession, s’il eût
survécu à Gilbert Pastier. Par cette disposition c o n Iractuelle, a-t-elle dit , le sieur Pastier s’est engagé à
laisser à mon é g a r d , c o m m e à l’égard des sieur et
dame M u r g e o n , sa succession ab intestat j il n ’a pu
la grever d ’aucune disposition testamentaire à m on
préju dice, et je dois parlager la moitié maternelle
a vec le sieur iVJurgeon, mon co -h é ri tie r, par re p r é
sentation de Gilberte Mandosse.
L e s sieur et dame M u rg eon ont soufenn au c o n
traire que la première disposition contractuelle devait
l ’em po rler sur toutes les autres; q u ’elle leur attribuait
l ’universalité de la succession , à raison du prédécès
des parens qui auraient été dans le cas de con c ou
rir avec eux c o m m e représentant leurs mères. Ils di
saient que si la succession eût été ouve rte ab in testat,
et que leurs deux mères eussent élé seules vivantes,
elles auraient recueilli, c o m m e plus proches en degré
dans les deux lignes paternelle et maternelle, la tota
lité des biens; q u’ils étaient autorisés à représenter
leurs mères par l ’effet de la représenta lion c o n v e n
tionnelle ;
Q u ’ une seconde fiction ne pouvait détruire l'effet
de la première fiction contract uelle, qui les reportait
a un degré de parenté plus pr oche; que le pacte de
succéder, stipulé ù leur profit, avait le caractère d ’ir
�lv£
( 14 )
révocabilité, et les effets utiles des institutions c o n
tractuelles,
et q u e , con séq ue m men t
c e ll e qualité
d ’héritiers conventionnels leur assurait toute la suc
cession , par la proximité du degré et la priorité de la
disposition ; que les charges d ’associer, révocables à
l ’égard des non contractons, élaient irrévocables dans
l ’intérêt des institués, et que le bénéfice de la r é v o
cation devait tourner à leur profit; et que ni les frères
B o u c h a r d , ni le légataire Pasiier n’avaient rien à y
p réten dre; que toutes les dispositions testamentaires
devaient disparaître devant les contrats e n t r e - v i f s ,
q u ’il n’était point possible d ’atténuer par des legs i m
menses ou de c o t e , mais seulement d é g r e v e r de quel
ques legs modiques du genre de ce ux expliqués en
l ’art. i o 83 du Code Nap oléon.
L e s associés Bouchard ont prétendu que les charges
d ’associer étaient irrévocables , m ê m e à l ’égard des
associés, et q u ’ils devaient profiler du bénéfice de l ’as
sociation ; mais peu confians dans la solidité de leurs
m o y e n s , ils ont fait défaut dans les plaidoiries.
François
Pasiier est c o n v e n u , dans son m ém o ire
i m p r i m é , que les rappels à successions, stipulés par
contrats de mariage, étaient de véritables institutions
contractuelles irrévocables; mais il a prétendu
que
les portions des associés au rappel étaient tom bée s,
par la r é v o c a t i o n , dans la succession ab in testa t, et que
le sieur Gilbert Pasiier en avait valablement disposé îi
son profil. Il a aussi ré clamé des portions d ’acquêts et
�( 15
)
de pr opre; il a fait des calculs compliqués des portions
qu'il lui plaisait d'attribuer, soit à l u i - m ê m e , soit à
chaque prétendant. Mais lors des plaidoiries, il a c o m
battu son propre sy stè m e, et prétendu que les rappels
à successions, écrits dans les contrats de mariages, ne
saisissaient point les rappelés du droit de succéder, et
n ’avaient d ’autre effet que de les placer dans un degré
d e parenté plus rapproc hé; que le rappelant pouvait
di sposera sa volonté de la totalité de sa succession. I l
a frondé et l ’opinion judicieuse du savant c o m m e n ta
teur de la coutu m e d ’A u v e r g n e , et l’arrêt rendu dans
l ’affaire des R a n d o i n , et tous les m on u m ens de la ju
risprudence.
C e dernier sy s tè m e , dont la bizarrerie fait tout le
m é r i t e , a été adopté par le tribunal de G an na t, quoi
q ue le long délai e m p l o y é à la délib ération dûl laire
espérer le triomphe des vrais principes.
V o i c i le dispositif du j u g e m e n t , qui porte la date du
y août 1 8 1 3 :
« L e tribunal, jugeant en premier ressort, donne
« défaut faute de plaider contre les parties de T r o n « n e t , et ,s ta t u a n t au principal, ordonne que le testa
it ment olographe
du sieur Gilbert Paslier, du
18
« niai i 8 r o , sortira son plein et entier effet, et q u ’à
« cet effet les parties viendront à partage des biens
« meubles et immeubles de la succession de Gilbert
« Paslier;
en co n séq uence , que les parties seront te-
« nues de n o m m er uu ou trois exp ci is dans les trois
�rrü -j
« jours de la signification du présent j u g e m e n t , pour
« procéder audit partage, co n fo rm ém ent à l'article
« 824 du Code N a p o l é o n , et suivans; sinon et faute
« d’en convenir dans ledit délai, n om m e M M . De« Iesvaux, notaire à C h a r r o u x ; R e n a u d e l , notaiie à
a Braussat, et L a p l a n c l ie , géom ètr e à Gannat; lesquels
« prêleront serment par-devant M. Chocheprat - D u « m o u c h e t , j u g e , commis à cet effet, qui, au besoin,
« remplira les fonctions de juge-commissaire; lequel
« fera la délivrance des lofs aux parties, suivant leurs
« droits, qui demeurent ainsi réglés; savoir : à Denise
« Bou ch ard , c o m m e représentant Mari e Ba u don, le
« quart de la moitié, équivalant au huitième de la to« talité des biens de la succession, q u ’aurait recueilli
a M arie Baudon , sa m è r e , du c h e f paternel ; à Alexan« dre M u r g e o n , du c h e f maternel, le tiers du q u a r t ,
« équivalant au douziè m e de la totalité des biens de
« la succession, qu'aurait recueilli Gilberte Mandosse,
« sa m ère ; à Françoise-Gabrielle D e b a r , f e m m e du
« sieur Pai llard, la moitié du qua rt , équivalant ail
« huitième de la totalité des biens, q u ’aurait recueilli
« A n t o i n e - M a r i e n D e b a r , son pè re , aussi du c h e f
« maternel. Sur le surplus des autres biens, ordonne
« que Îe sieur Pas!ier prélèvera la somme de 40,000 fr.,
« franche et quille de toute dette, conformément audit
c< testament ; ordonne q u ’il se mettra eu possession des
« autres biens, à la charge par lui de payer les dettes
« et legs de la succession, conformément au testament,
« avec les rappelés, en proportion de ce que chacun
�C 17 )
£ ?/
« y a m e n d e; que l ’administrateur provisoire sera (enu
« de rendre c o m p t e de sa gestion; ord on ne, e n f i n ,
« que tous les frais faits seront employés en frais de
« partage, m ê m e ce ux faits par les autres prétendant
« droits à ladite succession, révoqués par ledit testa« m e n t , ainsi que le c o û t , l e v é e et signification du
« présent ju g e m e n t ; et dans le cas où lesdits experts
« estimeraient que les biens ne seraient pas dans le cas
« d’être p a r t a g é s , ordonne q u ’ils seront licités paroc devant le tribunal. Fait et j u g é , e t c . »
L e s sieur et dame M u rgeo n ont appelé de ce juge
ment contre toutes les parties.
L e s sieur et dame Paillard en ont aussi interjeté
appel.
L e s frères et sœurs B o u c h a r d
o nt é t é assignés en.
déclaration d’arrêt commun.
L e s discussions respectives présentent à juger les
questions de savoir :
i ° Si le rappel à succession, stipulé par contrat de
m ariage,
sous l’empire de la coutum e de Bourbonnais,
avait 1’eiTet d ’ une institution contractuelle irré vo cable,
ou si, au contraire, l ’auteur de la disposition pouvait
l ’anéantir par une révocation entre-vifs ou testamen
taire ;
2° S i, dans le fa it , les sieur et dam e Mu rgeon ont
été saisis par leur contrat de mariage du droit de r e -
3
�( i8 )
cueillir éve ntuellement l ’ universalité de la succession
de Gilbert Pastier ;
3 ° Si les portions des associés au rappel doivent
tou rn er , par suite de la révoca ti on, au profit des rap
pelés, ou tomber au contraire dans la succession àb
in testa t;
4° Si la première disposition contractuelle était un
obstacle,soit à la dispositionsecondaire faitedansle co n
trat de mariage de la dam e Paillard, soit aux nouvelles
disposilions, à cause de m o r t , insérées dans le testa
m ent olographe du 18 mai 1810.
L a première question est la plus importante : elle est
le ger m e des autres difficultés; sa solution préparera la
décision des questions subséquentes qui se rattachent
plus ou moins aux principes que l’on établira dans la
discussion préliminaire.
Lu matière des rappels est fort aride par e l l e - m ê m e ;
les auteurs sont discordans sur divers points de doc
tr ine, dans leur application aux cas particuliers; mais
ils s’accordent presque tous sur les points fonda men
t a u x , et notamment sur les rappels stipulés par contrat
de mariage. Nous élaguerons
toutes les discussions
oiseuses, et nous les ramènerons aux seuls points de
controverse qui existent au procès.
«
�( '9 )
§
I".
L e rappel à succession , stipulé par contrat de m a
r ia g e , a L’effet d'un e in stitu tion contractuelle irré
vocable.
L e s auteurs définissent Le rappel en g én éra l, une dis
position de l ’h o m m e qui appelle ¿1 sa succession, to
tale ou partielle, une personne qui en serait exclue
par lu loi, ou n’y prendrait q u ’ une moindre part si la
succession s’ouvrait ab intestat.
Cett e définition s’applique ég alem ent aux quatre
espèces de rappel qui étaient usitées dans l ’ancienne
législalion, pour re m éd ier , i° à l ’exhérédation des en; 2° à l’exclusion coutumière des filles dotées; 3 ° à
la r e n on c i at i on a u x successions f ut ur es ; 4° au d éfa u t
fans
de représentation.
Nous ne parlerons ici que du rappel relatif à la re
présentation, parce q u ’il est le seul qui ait de l ’analogie
a vec les questions agitées au procès.
I l im p or te , pour la clarté de la discussion, de r e
m arqu er que le droit romain admettant indéfiniment
la représentation dans la l*jne directe, en avait fixé les
bornes a u x enfans des frères, dans la ligne collatérale,
par les deu x novelles 1 18 et 127.
T^a plupart dès cou tu m es , notamme nt celles de P a n s
et de B o u rb o n n a is, admettaient la représentation eu
directe et e n collatérale, d a n s les termes d u droit r'o-
�\S •
C 20 )
main. : c’était ce que les auteurs appelaient la repré
sentation in lrà terminos j u r i s , confirmée, a vec une
légère addition, par les articles 740 et 742 du Gode
Napoléon.
L e s successions qui s’ouvraient dans Les termes de La
représentation Légale, intrà terminas j u r i s , se parta
geaient par souch es, per stirpes, pour nous servir de
l ’expression textuelle de l ’article
3 o6 de la coutume
de Bourbonnais. L a représentation reportait les en fans du frère pr édécédé
au m ê m e degré que leur
p è r e , et tous ensemble ne formant q u ’ une souche, re
cueillaient la m ê m e part que leur père aurait eue s’il
eût réellement survécu au frère dont on divisait la suc
cession. L a fiction légale imitait la nature, et produi
sait les même s effets.
O n ne consultait, au contraire, que la proximité
réelle du degré de parenté, pour régler les successions
ouvertes hors des termes de la représentation d u droit
co m m u n , extra terminos j u r i s . L es héritiers les plus
proches venaient personnellement {ju r e suo ) à la
succession, et la partageaient entre eu x par tê te , per
capita.
L e s rappels avaient pour objet de suppléer au si
lence des coutumes qui ne connaissaient pas la repré
sentation, c o m m e de remédier à la rigueur des 'c ou
tumes qui rejellaient la représentation, soit dans la
ligne directe? soit dans la collatérale.
L es rappels étaient d ’ un usage fréquent, m êm e
�'
( 21 )
avant la réformation de nos anciennes coutumes. Ils
étaient tellement fa v o r a b l e s , qu’ il suffisait d ’en faire la
déclaration, par le plus simple acte capable de manifes
ter la volonté du rappelant , sur-tout lorsqu’il s’agis
sait d ’ une succession ouverte iatrà terminos j u n s . Ils
conféraient alors la qualité et les droits d'hé rilier; les
biens recueillis par le rappelé étaient réputés propres
sur sa tête.
Lorsque le rappel avait lieu hors des termes de la
représentation d u d r o it, extra terminos ju r i s , il était
considéré co m m e legs; il valait, c o m m e disent les au
te urs, per m oduni leg a ti, et attribuai! au rappelé la
quotité des biens , que la coutum e déclarait disponible
p ar testament. L es biens échus à ce litre avaient la
qualité d'acquêts.
Si l ’on trouve par fois quelque dissidence, sur di
vers points de doctrine, entre les auteurs qui
ont
traité des rappels faits par simple acte déclaratoire ou
par testament, on peut affirmer que la plus parfaite
unanimité règne parmi eux à l’ instant où ils parlent
spécialement d u rappel stipulé par contrat de mariage.
Il change alors de nature, et acquiert Joule la faveur,
tous les privilèges que la législation française accorde
aux conventions matrimoniales; il lait dans tous les
cas un héritier contractuel. « O n n Vx/unine plus ¿dors,
« disent Ihs éditeurs de l'ancienne collection fie ju n s « p r u d e n c e , si le rappel est fait intrà ou extra terminos
v. j u n s ; lu laveur de ce contrat esl si g ran d e, q u ’on
�Iti
^
, (
k
2
2
)
.
passe par-dessus les règles ordinaires pour faire valoir
.« loules les conventions qui ne sont pas contre les« bonnes mœurs. »
A C égard d 'a n rappel, f a it par contrat de m ariage,
dil de R e n u sso n , Tr aité des Propres, cliap. 2 , sect. 8 ,
pag. 1 63 : «S’il est fait dans une coutum e où il est per
te mis de disposer de tous ses biens en tre-vifs , il vaut
« in stitu tion d'héritier, et doit être exéc uté dans toute
« son éten due , quoiq u’il soit fait extra term in osJuris.
« Les conventions de succéder, les institutions d ’héri« lier ont été reçues et autorisées en France p o u r la
« conservation des familles, quand elles sont faites par
« contrat de mariage. »
« Quand le rappel est fait par contrat de mariage
« intrà vel e x tr a term inos ju r is , lit-on dans deLauriere,
a T r a i té des Institutions contractuelles , tom.
I er,
« pag. 1 1 7 , 1 1 8 , etc., n. 45 et suiv., il fait un héri« tier contractuel : il profile non-seulement à celui en
« faveur de qui il a été fait ; mais en cas de prédéces,
« il profite encore à son héritier comme C in stitution
« contractuelle, et,par conséquent,il est vrai dedire que
« le rappel en contrat de mariage est une institution
a qui fait un véritable h éritie r, etc. »
« Si le rappel a été fait par contrat de mariage
« (p ro fess e B rodea ti, sur L o u e t , lettre R , som. 9 ,
« n. i 5 ) , on peut dire, en ce cas, que le rappel est
« une espèce d ’institution contractuelle qui est irré« vocable, s a is it, et est tra n sm issible; sans q u ’il soit
�^LS\
( 23 )
« au po uvo ir de celui qui a fait ef établi la loi du rappel
« dans sa famille, par un contrat si solem nel, de le
« r é v o q u e r , ni m ê m e de le diminuer et affaiblir eti
faisant des dispositions avantageuses au profit des
« autres héritiers, au préjudice de ceux qui ont été
« rappelés. »
L e B r u n , parlant des rappels extra ierminos ju r e s ,
faits en f a v e u r d’arrière-neveux qui ne devraient héri
ter que per rnoclum le g a ti, a j o u t e , n. 1 8 , liv.
chap. i o , s e c t .
3,
3 : « q u ’ils viennent per m odum succes-
« sio n is, q u a n d ¿¿s sont rappelés par contrat de m ae riage; car alors leur appel est une institution co n
te tractuelle, et la succession se doit partager par souw ches , suivant un arrêt d ’audience du 6 mars 1660. »
Cet arrê t, r a p po r t é par de L ciuricrc, pag. 1 1 9 e t
su ivante, est conforme à une multitude d'aulres arrêts
recueillis
par B o u q u ier, B r o d e a u , de R e n u s s o n , et par
le Journal des Audiences, où l ’on remarque particu
lièrement les arrêts des 21 janvier i 6 o 5 , 6 mars 1 660,
et 12 janvier 1 7 1 2 , rendus après des discussions pro
fondes et lumineuses, qui n’ont pas laissé le moindre
doute sur le principe que Le rappel par contrat de m a
riage, întrà comme extra terrninos ju r i s } emportait
in stitu tion contractuelle
C o m b ie n cette m ax im e du droit général n ’acquiertelle pas de force, lorsqu’on agite la question sous une
des trois coutumes qui ont créé les institutions contrac-
�( H
)
tuelles, et servi de type à la jurisprudence universelle
sur cette matière!
Voici les termes textuels de Fart. 21 9 de la coutume
de Bourbonnais, qui régissait le domicile et la fortune
des parties, à la date du contrat de mariage des sieur
et dame M u r g e o n , du
5 septembre 179 3 :
«• Toutes d o n a tio n s, conventions, ava n tages, in sti« tutions cThéritier y et autres choses fa ite s en con« trat de m ariage , en fa v eu r d 'ic e lu i, au p rofit et
« u tilité des m a riés} de Cun d ’e u x , ou des descendans
*■d u d it m a riag e, Le m ariage f a i t par paroles de pré«• sen t, sont bonnes et valables, en quelque fo rm e q u elles
« soient fa ite s , etiam en donnant et retenant ; et posé
« qu elles soient im m en ses, inoffîcieuses et f u s q u à
« Cexhérédation des propres enfa n s d u d it d isp osa n t,
« soient icelles dispositions f a i t e s , apposées ou a fo u » tées a u d it contrat de m a ria g e, avant ou pendant les
ce fia n ça illes , réservé toutefois a u x d its en fan s leur
k
droit de légitim e ,• posé a u s s i que lesdites donations
tr et avantages soient fa it s à personnes étranges co n
te tractant led it m a ria g e, bâtards ou autres quelcon~
« q u es, et saisissent telles disp ositio n s, les cas avenus,
rr q u a n d lesdites donations et dispositions sont fa ite s
« p a r personnes habiles à contracter. »
L e s termes de la coutume sont si absolus, si g é n é
ra u x , q u ’il est impossible di* douter q u ’elle comprenne
les rappels à succession au nombre des d i s p o s i o n s con
tractuelles, puisque ces rappels n ’offrent q u’ un p a cte,
�( 2b J
Z %3
un morte, une con ven an ce de s u cc é d e r, un avantage
on cfio.'e quelconque fa it e en contrat de m a riag e, et
que la coutume enveloppe généralement toutes les
conventions, toutes les stipulations, toutes les choses
en général q u ’il est possible de stipuler dans lés contrats
de m ar ia ge, sous quelque nom et en quelque forme
q u ’elles soient rédigées. Peu importe que les c o n v e n
tions de succéder soient conditionnelles, é v e nt u elles ,
casuelles et inofficieuses j elles ne saisissent pas moins
les contractans lorsque les cas aléatoires se réalisent, et
s a is is s e n t, dit l’art ic le, telles d isp o sitio n s, les cas
avenus.
L e privilège de saisine et d ’irrévocabilité, attaché
aux dispositions contractuelles, qui n’avait jamais été
contesté dans l’ancienne législation, a été consacré de
nouve au par l’art. i er de la loi du 18 pluviôse an 5 , et
par l’art. i o 83 du C o d e Napoléon.
L es jurisconsultes les plus distingués de R io m et de
C le rm on t, au nombre de tr eiz e, qui ont écrit au pro
c è s , ont rendu de concert h om m a ge à ce principe f o n
damental de notre législation. O n lit, dans le mém oire
i m ^ ’imé du sieur Pastier, pag. 6 , les lignes suivantes :
« Lorsque le rappel est fait par contrat de mariage
« c o m m e celui des ép oux M u r g e o n , il est u n ei n s ti tu « tion contractuelle, irrévocable c o m m e toutes les dis« positions contractuelles, en ce sens que l’instituant
« ne peut plus disposer, à titre gratuit, des biens qui
a en sont l’objet, si ce n’est dans les bornes prescrites
* par la loi en pareil cas. »
4
H , r,
�M ô m e doctrine dans la consultation! imprimée à la
suite du m é m o i r e , pag.
38 .
C o m m en t po urr a-t -o n croire que le sieur Pastier,
se mettant en contradiction ouverte avec lui-même et
a v e c tous ses conseils, ait osé plaider ensuite devant le
tribunal de G a n n a l , que le rappel par contrat de m a
riage n’était q u ’ un vain mol qui laissait à son auteur la
faculté de disposer, à titre gratuit, m ê m e par testa
ment , de toute sa succession, au préjudice des rappelés
qui n ’étaient saisis de rien?
C o m m e n t , sur-tou t, pourra-t-on concevoir que des
erreurs si palpables aient pu séduite les juges de pre
mière instance, et leur faire considérer un rappel écrit
dans un contrat solem nel, c o m m e un chiffon qu'un
simple caprice 011 changement de volonté fut capable
de d é t r u i r e ? .. Quelles raisons ont-ils pu donner d'une
si étrange décision?... Ont-ils cité quelques lois, quelq u ’autorité respectable pour violer si ouvertement le
texte de la c o u t u m e , et les maximes les plus certaines
de la jurisprudence universelle?... N o n ; la chose était
impossible : aussi se sont-ils bornés à faire un pardlogistne, en résolvant la question par la question ellem êm e. Ils ont tout simplement supposé «■qu'en con
te tu me de Bourbonnais les rappels du genre de ceux
« des sieurs et d a m e ’Murgeon et Pail'aid, soit q u’ils
« fussent faits par contrat de mariage ou par q u r l q u ’acte que ce fût, n’avaient d ’autre effet que de
« me lire les rappelés en situation d’être dans un degré
>
�(
27 )
'¿ .’¿ S
« de représentation utile pour succéder au rappelant
a dans le cas où ils se trouveraient hors les termes de
« représentation coutumière à son décès; que par c o n
te séquent les rappelés avaient mal à propos soutenu
« que des rappels par cont rat de m ar ia ge, faits en
« Bourbonnais, avaient l ’effet des institutions contrac« tuelles, puisqu’ils (les rappels) n opéraient aucune
« saisine en Leur fa v e u r , tandis que
1 institution co n
te tractuelle d ’hérilier saisissait irrévocablement 1 insti« lué de la qualité d ’hérilier de l’instituant, et ne per
te mettait pas à ce dernier de s’en choisir un autre.
« que le rappel ne produisait d ’autre droit que l’e x p e c« tative de recueillir leur portion dans une succession
« q u ’ils pouvaient perdre par le fait d e l à descendance,
« hors des t e r me s de la représentation coutumière bora née aux enfans des frères , com m e p a r des d i s p o s i « tions contraires, soit par testament ou donation entre« v if s qu aurait pu fa ir e Le sieur P astier lu i-m êm e, etc.a
Q u e signifie la prétendue différence im aginée entre
l ’institution d ’hérilier et le rappel à succession? A p p e le r
un parent ou un étranger à sa succession, n ’ est-ce pas
lui pr om et tr e, lui donner cette succession, le déc larer,
le reconnaître héritier, ou, ce qui est la m ê m e chose,
l ’instituer héritier, puisque toutes ces expressions sont
synonimes, ainsi que le professent les auteurs cités,
notamment de L a u r iè r e , B r o d e a u , R ic a r d , B a q u e t,
L e B tu n 5 etc.
T ou t pacte de su ccéder, stipulé par contrat de ma-
'k s .
�t
k
V.
C 28 )
l i a g e , n ’est-il pas considéré c o m m e inslifulion contrac
tuelle, en quelque forme et sous quelque dénomina
tion q u ’il plaise de le rédiger? Le texle de l a c o u l u m e ,
art. 2 1 9 et 220, n’esf-il pas d ’accord en ce point a v e c
la législation générale?
N ’est-il pas ridicule d ’alléguer q u ’ un rappel à suc
cession n’est q u ’ un rappel à un degré de parenté, sans
effet utile? Les contrats doivent s’entendre cuni effectu,
dans le sens le plus large, le plus favorable aux é p o u x ,
ainsi que l’ont décidé les arrêts, et notamment celui
du parlement de Paris, du
5 avril 1 7 6 6 , rapporté au
Ré pe rtoire de M. M er li n , tom. 6 , pag. 285.
L e mot succession désigne la masse de tous les biens
d 'u n d é fu n t : rappeler
q uelqu’ un
à sa su ccessio n ,
c ’est donc l ’appeler à recueillir les biens q u ’on laissera
en mourant. Dans le fait, l’expression textuelle du
contrat du
5 septembre 1 7 9 3 , rappelle les ép oux Mur-
geon à la Juture succession d u sieur Pastier, et non
pas seulement à un degré vide de sens, à un mol illu
soire. La stipulation qui autorise les épo'ix ÎVIurgeou
à représenter leurs mères, n ’est que la v o i e , le mode
d ’exécution de la disposition, l ’indication de la quotité
des droits et portions q u ’ils sont appelés à recueillir
dans la succession.
Quelle absurdilé de dire que le rappel n’a va't d’antro
effet que de meltre les é p o u x ,Yluigeoii à un d e g i é <lc
repr ésent ation
ulile pour lui succéder, dans le cas où
ils se trouveraient à son décèa hors des t e n n i s de la
«
�(
29 )
z% y
représentalion! X>ü succession de Gilberl Pa stie r, qni
n ’avait ni frères, ni sœurs, mais seulement des cousins
aux sixième et septième d e g r é s , ne pouvait jamais
s’ouvrir dans les termes de la représentalion l é g a l e ,
b orn ée aux enfans des frères. U n e descendance ulté
rieure, de la part des parens, ne pouvait q u’aflaiblir
le lien de la pa renté , au lieu de le ressener. L e rappel
avait été stipulé ex tra terminos j u r i s ; il était donc
impossible qu'il rentrât intra terminos ju r is : il eût été
ex é c u t é c o m m e legs s’il eût été fait par testament; il
doit être ex écut é c o m m e pacte de su cc éd er , ou institu
tion contractuelle, parce q u ’il est écrit dans un contrat
de mariage. U n e multitude d ’arrêts, et spécialement
celui du 6 mars 1 66 0, ont jugé d’ailleurs que le ra p
pel contractuel conservait toujours ses eil'ets, m ê m e
après le décès de tous les frères ou oncles d ont l’existence aurait pu donner lieu au concours.
C o m m e n t supporter l ’idée de la révocabilité par un
changement de volonté du rappelant, lorsque la c o u
t u m e , les lois générales proclament unanimement l’irrévocabilité de toutes les dispositions, de toutes les
conventions, de toutes les choses écrites dans les co n
trats de mariage?
C o m m e n t concilier ce système de révocabilité, et
a vec la saisine pr ononcée par la coutu m e e l l e - m ê m e ,
et avec le principe de la transmission a u x enfans des
mariés, attesté par tous les auteurs, et consacré p a r l e s
arrêts?
�^
'
(
3o )
T e n o n s donc pour constant que le contrat de m a
riage des sieur et dame M u rgeo n n’était point un tilre
illusoire et r év o cab le, et q u’il leur a réellement conféré
la qualité et les droits d’héritiers contractuels des biens
que Gilbert Pastier a laissés à son décès; tenons pour'
constant que le pacte de succéder écrit dans ce p r e
m ier co n t rat, qui forme la loi de la famille, frappe
tous les biens meubles, immeubles, acquêts et propres
qui composent la succession, puisque la coutum e de
Bourbonnais et la jurisprudence générale permettaient
également au feu sieur Pastier de disposer, par c o n
trat de m ariage, de l’ universalité de sa fort u n e, sans
réserve ni modification, jusqu’à l ’exhérédation de ses
propres enfans, s’il en eût laissé.
§
II.
Æ e x a n d r e M urgeon et D en ise B o u c h a r d } sa fem m e,
ont été s a is is , par Leur contrat de m a ria g e, d u droit
de recueillir éventuellement Cuniversalité de la su c
cession de Gilbert P a stier. ■
I l suffit de lire la clause du contrat de m ar ia ge, du
5 septembre 1 7 9 3 , pour être convaincu de cette v é
rité : «Gilbert Pastier, y est-il dit, trouvant le présent
« mariage ( d ’Alexan dre M u rg eon et de Denise B o u « ch ard ) pour agréable, a r ap p elé, co m m e par ces précc sentes il rappelle, lesdits futurs ép oux à sa fu tu r e
« succession y chacun pour ce qui les concern e, par la
« représentation de chacun e m è re , à la ch a rg e , par
�r * 7 .
* * *
« lesdits futurs , d’associer audit rappel leurs frères e t
_/
« sœurs. I ce u x futurs ont à l’instant accepté et remerc ié
« ledit sieur Pastier, leur cousin. »
-i
Cette clause ne présente pas d’é q u ivo qu e : chacun
des deu x ép oux est appelé à recueillir tout ce que sa
mère y recueillerait si elle survivait au sieur Paslier.
Les
deu x mères sont dépouillées, par cette disposi-
l i o n , faite de leur agrément dans le contrat de m a
r i a g e , où elles sont parties figurantes, de l'espoir per
sonnel de succéder au sieur Pastier de c u ju s , malgré
la plus grande proximité du degré de parenté.
T o u s leurs droits successifs, présens, futurs et évei>
tu e l s ,s o n t transmis aux é p o u x , que le contrat de m a
riage investit du litre irrévocable d’héritiers c o n v e n
tionnels d ’ une succession q u i n e peut plus être g re v é e
de dispositions contraires.
L a convention contractuelle, formellement acceptée,
a établi en leur faveur un droit acquis et ind élébile,
quoique sa quotité fût susceptible de varier suivant les
cas et les évé ne mens qui pourraient arriver, c ’est-àdire suivant le nombre d héritiers naturels, au m ê m e
degré des deux mères représentées, que la loi aurait
app elés, lors du décès de Gilbert Pastier, au partage de
sa succession.
Du nsla ligne paternelle des Pastier, Marie B ando n,
v e u v e Bouchard, était la plus proche parenie de G il
bert Paslier de c u ju s ; nul autre parent n existait au
�(
32 )
m ê m e degré pour concourir avec elle ; conséq ue m m e n t , Denise B o u c h a r d , sa fille et représentante, avait
la certitude de recueillir seule la moitié de toute la
succession, déférée a u x parens paternels.
D an s la ligne maternelle (le côté d e s P r a l o i s ) , G il —
b e i t e Mandosse, v e u v e M u r g e o n , pouvait se trouver
en concours a v e c A n t o i n e - M a r i e n D e b a r , la dame
D e b a r - d e - l ’Hôpital, et Magdelaine Du buisson, fem me
M o n p i e d , qui étaient tous trois cousins au m êm e degré
q u ’elle de Gilbert Paslier de c u ja s .
Si ces trois cousins survivaient à Gilbert Pastier, elle ■
n ’avait à espérer que le quart des biens maternels ,
d’après l’art.
3 o 6 précité, qui prescrivait le partage
par tête, hors des termes de représentation , c o m m e le
prescrit encore aujourd’hui le C ode Napoléon.
Si l’ un de ces trois parens p r é d é c é d a i t , les portions
dessurvivans étaient susceptibles d ’augm enter dans la
proportion du nombre des prédécédés.
S i , enfin, les deu x frères D e b a r et Magde laine D u
buisson m ou ra ie nt tous trois avant Gilbert Paslier, Gilberte M ando ss e, c o m m e plus pro che p a r e i l l e , devait
recueillir seule tous les biens maternels, à l’exclusion
des enfans D e b a r et M o n p i e d , plus éloignés q u ’elle
d ’ un degré.
O r , toutes ces chances se sonl réalisées en faveur des
sieur et dam e Murgeon. L e sieur D e b a r - d e - l l l ô p i t a l ,
le sieur D e b a r , père de la dam e Paillard, et M u g d e-
�c 33 )
laine Dubuisson, f e m m e M o n p i e d , - s o n t morts tous
trois avant Gilbert Pastier de cu ju s.
Si donc GilberteMandoss e était v i v a n t e , elle recueil
lerait seule tous les biens maternels; si Marie Baudon
était v i v a n t e , elle recueillerait tous les biens paternels,
c o m m e plus proche parente du défunt.
D è s que les sieur et dame M u rg e o n sont plac és,. p ar
l ’effet de la représentation co nven tio nnelle , dans le,
degré et dans les droits de leurs deux mères , il est évi
dent q u ’ils doivent recueillir tous les droits q u’auraient
exercés leurs mères , c ’e s t - à - d i r e l’ universalité des
biens des deux lignes paternelle et maternelle qui com-"
posent la succession.
L e u r titre d ’héritiers rappelés n'était pas limité à
une m o i t i é , un tiers, un quart ou t o u te au tr e q u o l i l é j
il embrassait tous les droits éventuels, casuels et indé
terminés des deux mères; il frappait sur la généralité
de la succession, suivant le résultat futur des chances
et'des événemens. L e cas étant avenu, pour nous ser
vir des t ermes de Tari. 2 1 9 , 1 a disposition contractuelle
les a saisis de toul le bénéfice aléatoire qui en est r é
su lté, et la succession leur est exclusivement déférée,
f
On a vainem ent objeclé en première instance que
les sieur et dame Murgeon ne devaient exercer leurs
droits à la succession que pour la portion seulement
dont ils auraient hérité naturellement du c h e f rie leurs
mères, pcr ca p ila ? et quo le surplus des portions nm«
�''
femelles, originairement attribuées aux frères et sœurs
associés, n’était pas compris dans leur rappel.
Le
contrat
de mariage repousse victorieusement
celte objection. On y voit très-clairement que les é p oux
M u r g e o n ont été rappelés à la succession Pastier pour
tout ce qui concernait les droits de leurs mères; ils ont
été autorisés à représenter entièrement , et non pas
p a r tie l l e m e n t, chacune des deu x mères. L a charge qui
leur a été imposée, d’associer au rappel leurs frères et
sœurs, démontre de plus en plus l’universalité de leur
titre, qui leur attribuait d ’abord le droit de recueillir
toutes les portion^ de leurs mères, pour en partager
ensuite le bénéfice ave c les frères et sœurs associés.
L e s juges de première instance paraissent avoir re
connu celte vé rit é ; mais ils ont refusé d ’en faire l ’ap
plication en décidant que les parts des associés p o u
vaient être enlevées aux sieur et dame M u r g e o n , et
tourner au profit du légataire Pastier.
Nou s relèverons particulièrement cette erreur de
droit dans le paragraphe suivant.
No us terminerons celui-ci en faisant remarquer que
pour apprécier l’étendue et les effets des rappels ou
dispositions contractuelles, il faut se réfé rer , non à la
date du contrat de m ar ia ge, mais bien au tems du
décès du disposant, ainsi q u ’il a été jugé par l ’arrêt
déjà cité , du parlement de Paris, du
5 avril 1 7 5 6 , et
qu'on le pratique généralement dans les partages de
%
�(
3b )
successions, pour déterminer la quotité des légitimes et
des parts héréditaires.
§
III.
L e s portions des associés B o u ch a rd et M urgeon ap
partiennent entièrement a u x époux M urgeon.
L e s dispositions contractuelles saisissent les mariés
et sont irrévocables en leur faveur ; mais le disposant
peut améliorer leur condition par la révocation des
charges onéreuses, dont il les a primitivement g re v é s,
envers des individus non contractant mariage. C e u x - c i
ne sont point saisis par un contrat qui leur est étran
g e r , et ne peuvent contester la révocation q u ’il plaît à
l ’instituant de faire; mais le bénéfice de cette rév oca
tion ne peut être t ransporté à d ’autres p e r s o n n e s ;
l’instituant ne p e ut d o n n e r à l ’institué un nouvel as
socié. L a révocation éteint la c h a r g e , et en laisse tout
le bénéfice à l’héritier institué qui a pour lui le titre
général et irrévocable.
« L ’associé, dit M . Ch abrol sur la C o u tu m e d’ A u « v er gn e, tome 2 , pag. 3 3 7 , n’étant pas contract ant,
« n’est pas saisi; et s’il n’est pas saisi, la disposition faite
« en sa faveur ne doit être regardée que c o m m e une
« destination révocable a d n u tu m , c o m m e loute autre
« charge attachée à l’institution, dont l’instituant peut
* dispenser l’institué.... »
* L a révocation de la charge n ’autorise pas, c o m m e
�v
36 )
« le démontre encore M .
C h ab rol, une disposition
« nouvelle de la part de l ’instituant, au profit d ’une
« autre personne; elle assure au contraire à l’institué
« l’universalilé de la succession. Il semble, dit-il, que
« l ’instituant ayant donné un associé à l’institué, ne
« peut pas lui en donner un autre : on peut accepter
« tel associé, et refuser tel autre. Un instituant qui a
« imposé des charges, c o m m e de payer telle somme à
« un tiers q u ’il prétend gratifier, ne peut pas disposer
« de celte somme en faveur d’ un autre.
« D ’ailleurs, con tinue t- il, si l ’associé vient à m o u « rir avant l'instituant, l'instilué qui a le titre général
« pour lui, profile de l’entière institution ton ne peut
« le pi iver de l’espérance de cette survie en appelant
« un autre associé; et si l’associé venant à prédécéder
« l ’institué, ce dernier profite de toute la succession,
« p a r le m ê m e principe l ’instituant ne peut su broge r,
« par sa propre v o l o n t é , un associé à l’autre. »
M . G r e n i e r , qui a fortement critiqué les associations,
convient néanmoin s, dans son T r ai té des Donations
et T e s t a m e n s , lom.
3,
pag.
4 3 1 , « q u e , clans /’u sa g e,
« l’opinion de la révocabilité de ces ch arg es, dans 1’inûr térêt seulement
de l’institué, était généralement
« suivie dans les trois provinces d’ A u v e r g n e ,
Bour-
k bonnais ei M a r c h e , dans le sens expliqué par M .C h a « brol.»
M. Cliabot de l’ Allier, dans sesQuestions transitoires,
tom. .2, pag. 108, atteste aussi que cette jurisprudence
�était consacrée par un usage constant dans ces m êmes
provinces,
i
;
'
t
i.
^ '* * j!
j!
3 , chap 2 , n° i 3 , et
;
A u r o u x - d e s - P o m m i e r s , sur l’art. 224 de la cou tum e de
j|
B o u ib o n n a is , uos 8 et 9 , a l l e s t e u l les mêmes principes,
;
qui, d ’ailleurs, ne peuvent plus être sérieusement c o u -
|
testés, depuis que la Cour impériale de Riorn- les a so -
;
L e b r u n , des Successions, liv.
lemnellement consacrés par plusieurs a n ê t s , sur tout
par celui q u ’elle a rendu, le 18 déc em b re 1806. dans
l'affaire des Randoi n, de C r e u z i e r - l e - V ie u x , qui lut
j
discutée ave c les plus grands développemens.
II est essentiel de rappeler les motifs de cet a rrê t,
dont la sagesse est un monument précieux de la jurisprudence :
j
1
« Considérant q u e , suivant les termes de l’art. i fr de
« la loi du 28 pluviôse an 5 , r e l i e institution (celle faite
ce ail profit de Claude R a n d o i n , institué héritier univerv. sel d’ Antoinette T o n i e r , sa m è r e , à la charge d ’y
« associer ses frères) doit avoir tout son e f f e t , confo r« m ém ent aux anciennes lois;
« Considérant q u’il n’était pas ail pouvoir de la m èr e
« c o m m u n e de l’a n é a n t i r , ni m ê m e de l’a t t é n u e r ;
« q u ’elle avait seulement la faculté de restreindre, en
« faveur de son héritier institué, les charges q u’elle lui
« avait imposées; et que le dispensant de les remplir,
* l’institution, qui, par son essence, était i r r é v o c a b l e ,
« aurait eu l’eftet d’attribuer à l’héritier institué tout 1©
« bénéfice qui en pou vait résulter.
'
�(33 )
« Considérant que la mort des associés, donnés à
« Clau de Randoin par cette institution^ aurait produit
« le m êm e résultat que la décharge qui eût été sous«• crite par l ’instituante, et q u ’ainsi la mère c o m m u n e
« ne pouvait pas disposer au préjudice de son héritier
<r institué, ne pouvant pas m ê m e lui donner d’autres
« associés que ce ux auxquels elle l ’avait obligé de faire
«• part de sa libéralité^ il n’a resté aucun bien disponible
« dans sa succession;
» Considérant que la loi ne relranche de ces libéra« lilés que les légitimes de rigueur, revenant aux par« lies de Delap chierj
«■Considérant que l’institution de 178 1 est irrévo« cable dans son tout, dès que la mère c o m m u n e n ’a
a pas affranchi son institué des conditions et des charges
« sous lesquelles elle l ’avait gratifié de l’universalité de
g ses biens, et que ces charges doivent être exécutées
« respectivement à Louis et François R a n d o i n , le
« j e u n e , deu x des parties de Pa gès , q uo iqu’ils n’aient
« pas été mariés avant les lois nouvelles. »
Cet arrêt juge nettement toutes les questions qui s’a
gitent aujourd’hui.
Il décide que la disposition contractuelle, faite au
profil des mariés, les saisit irrévocablement du droit de
recueillir l ’ uuiversalité de la succession de l’instituant j
Q u e la charge d ’associer est révocable, mais seule
ment en faveur de l’institué, qui peut en être déchargé
par l ’instituant ;
�(
39 )
Que le bénéfice de cette révocation ne peut tour*
ner au profit d’aucun autre individu;
Et que l’instituant ne peut ni anéantir, ni atténuer
l’effet de l ’institution contractuelle par aucune disposi
tion nouvelle.
P o u r écarter l ’autorilé de l’arrêt, le sieur Pastier a
al l é g u é , dans son mémoire im prim é, que les R a n d o in
associés étaient morts avant leur m ere, instituante.
C ’est une fausse supposition; les Rando in associés
étaient vivans et vivent encore à Creimer-le-Vieux :
M e Pages plaidait pour e u x ; l ’arrêt le constate.
I i ’application se fait naturellement au procès actuel :
A le xa ndre M u rg e o n et Denise
tis par le pacte d e su ccéder,
de mariage, du 5 s e p t e m b r e
cable de recueillir la successiou
Bouchard ont été inves
écrit dans leur contrat
1 7 9 3 , d u droit irrévo
de Gilbert Pastier.
C e titre universel et illimité leur a év e ntuel lem en t
assuré toute la succession, sous la charge d ’associer
leurs frères et sœurs au bénéfice de ce lte disposition.
Cet te charge d’associer était révocable dans l ’intérêt
des sieur et dame M u r g e o n ; seulement Gilbert Paslier
l ’a ré v oqu ée par une clause formelle de son testament
olographe, du 18 mai 1810. C e teslament est revêtu
des formes légales; la clause d ’association doit donc
être réputée caduque ou c o m m e n ’ayan t jamais existé.
P e u importe que le testateur ait témoigné le désir do
�( 40 )
^
faire passer à un étranger le bénéfice de l ’association
ré v o q u é e , et q u e cette nouvelle disposition soit frappée
de nullité par la loi; la révocation légale n’en existe
pas moins, indé pendamment de toute autre disposition
subséquente. L ’article 1087 du Code N a p o l é o n , c o n
form e aux anciennes lois romaines de a dim en dis vel
transferendis Legates, et à la jurisprudence ancienne et
n o u v e ll e , ne permet pas d’éleve r de doute sur ce point'
de droit.
D an s cette partie du procès, les sieur et dame M u rgeon ont à lutter contre deu x classes différentes d ’ad
versaires. Les frères B ou ch a rd, primitivement associés,*
ont réclamé le bénéfice de l’associai i o n , en s o u t e n a n t
que cetle charge était irrévocable à leur égard co m m e
à l’égard des institués; mais ils n’ont pas osé soutenir à
l ’duHience ce sy stème, cond am né parla jurisprudence’
de la C o u r , qui a toujours jugé que les charges d’asso
cier étaient révocables dans le seul intérêt des institués.
' D ’un autre côté, le sieur Pastier, qui ne respecte ni.
le texte des lois, ni l’autorité des arrêts, a soutenu el a
fail décider , par le tribunal de G a n n a t , que les charges
d ’associés
étaient
révocables
in définim ent ,* que les
biens qui en étaient l’objet faisaient parlie des succes
sions ab in testa t, el que l’instituant pouvait en dispo
ser de n o u v e au , par testament, au profil d ’une autre
personne.
L ’arrêt d e s R a n d o i n , el la discussion de M. Chabrol
repoussent ce syslêm e avec tant dé f o r c e , - q u ’il est
�(
4* )
inutile d’en tr er , à ce sujet, dans de plus longs dé ve loppemens.
Si le sieur Pastier répète qu’ il était indifférent aux
ép o u x M u rg e o n de l’avoir pou r associé, plutôt q u e
leurs frères et sœurs, et taxe encore d ’absurdité la
doctrine professée par ce savant c o m m e n t a t e u r , il suf
fira de lui répondre que le suffrage imposant de la Cour
v e n g e honorab lement sa mémoire de cette critique
plus q u ’indiscrète.
Il
n’était pas indifférent, d’ailleurs, pour les mariés
M u rg e o n d’avoir pour associé le sieur Pastier, légataire,
plutôt que leurs frères et sœurs. L a v oix du sang parle
en faveur des frères, qui s’accordent plus facilement
que des étrangers. Il n ’est pas indifférent, non plus,
pour des é p o u x , en gé n é r a l, de voir leurs frères enri
chis par des libéralités, plutôt q u ’ un étranger : des
frères et leurs descendans ont respectivement l’espoir
d ’hériter les uns des autres, et l’intérêt
pécuniaire
s’ unit dans cette m alière à l’intérêt d ’affection. L e
pacte matrimonial étant irrévocable à l ’égard des m a
riés, ne peut subir aucun c h a n g e m e n t , aucune m odi
fication qui leur soit préjudiciable, m ê m e indirec-.
tement.
L e sieur Pastier a aussi s o u t e n u , en première ins->
tanc e, que les charges d ’associer, apposées aux insti
tutions contractuelles, étaient de véritables substitu
tions fidéicommissaires, dont la nullité d e va i t entraî
ner celle des dispositions elles -m êm es , d ’après la loi di\
6
�¡ w
- . v
.
J
r4 n o v e m b r e - 1 7 9 2 , et l ’article 896 du C o d e N a
poléon.
On lni a répondu que les charges d’associer, dont
l’effet est de rendre à l’instant m ê m e de l’ouverture de
la succession de l’instituant, le tiers associé, co-hérilier
et co-propriétaire avec l’institué, des biens compris
dans l’institution, différaient
essentiellement de la
substitution proprement d it e , qui ôte au gre vé la
qualité de propriétaire, pour en faire un simple usu
fru iti e r, obligé de c o n s e r v e r , pour remettre graduelle
ment , les biens compris dans- la disposition, aux indi
vidus appelés à les recueillir ordtne successlvo. L a
clause d ’association est év idem m ent une institution si
multanée qui saisit à la m ê m e minute l’institué et
l ’associé, à l’époqu e du d é i è s d e l’instituant, et qui ne
vaut au profit de cet associé, parce q u ’il n ’est pas c o n
tractant, que c o m m e une ch arg e, dette ou condition
de la disposition universelle, légalement faite au profit
de l’institué contractant mariage ; aussi M M . Chabrol
et Chabot de l’ Allier attestent-ils que ces charges d ’as
socier n’ont pas changé de caractère, et ont toujours
continué d ’obtenir les mêmes effets dans les trois pro
vinces d ’A u v e r g n e , Bourbonnais et M a r c h e , avant
c o m m e après l’ordonnance des substitutious, de 1 7 4 7 ,
et la loi abolitivo des substitutions, du
bre 179
2
14 n o v e m
*
M . M e r li n , R é p., t o m . 6 , p a g . 264 et 26 5, va m êm e
jusqu’à dire que
1 ait. 896 du Code Napoléon ne s’o p -
>
«
�^
4 U J------------
pose pas à ce que l ’on stipule, encore aujourd’hui, ces
clauses d ’association co m m e charge d ’une disposition
contractuelle; il s’appuie de l’art. 1 1 2 1 , qui paraît fa
vorable à son opinion.
A u reste, l ’article 896 du C o d e , qui annulle les dis
positions principales lorsqu’ elles sont grevées de substi
tutions, est introductif d’un droit nouveau. L a loi du
1 4 no v e m b re 1 79 2 ne prononçait point celt e p e i n e ,
qui ne pourrait jamais suppléer dans un contrat de m a
riage antérieur à la publication du n ou ve au Code. L e s
substitutions étaient seulement réputées non écrites, et
l ’héritier g re vé en acquérait la libération en conservant
tout le bénéfice de la disposition principale.
■
C ’est un point de droit clairement dém o ntr é par
M . C h a b o t , au mot S u b stitu tio n s, tom. 2., pag. 8 7 1 ;
p a r M . M e r l i n , Questions de D r o i t , m ê m e m o t , § 5 , et
textuellement jugé"par deu x arrêts q u ’ils rapportent,
l ’ u n , de la Cou r de cassation, du 19 nivôse an 1 2 , et
l ’a u t r e , de la C our d ’A g e n , d u 9 pluviôse an i 3 .
Ainsi le ju gement de Ga nna t ne peut éc ha ppe r à
riniirmation dans le c h e f qui prive les é p o u x M u rgeo n 1
des portions des associés, pour en attribuer le bénéfice
au légataire Paslier. L e titre des sieur et dam e M u r geon était gén éra l; il comprenait la totalité des droits
successifs q u ’auraient pu recueillir éve ntuellement les
deux mères, Gilberte Mandosse et Marie B a u d o n ; i l
était irrévocable et à l’abri de toutes variations de la
pan de 'l'instituant.
�S
XV-
L e s seconde et troisième dispositions fa ite s par Gilbert
P a s tie r , en fa v eu r de la dam e P a illa r d et de F ra n
çois P a stie r , sont m illes ou ca d u q u es, comme éversives de la première disposition contractuelle.
L e s institutions ou dispositions contractuelles, écrites
dans les contrats de m aria ge , sont essentiellement ir
révocables c o m m e ces contrats eu x -m êm es , qui on t
toute la force des actes entre-vifs. P e u impo rte que ces
dispositions soient pures et simples, ou subordonnées,
dans leurs effets et leur latitude, à des é v é n e m e n s , cas
o u conditions; elles n’en jouissent pas moins d e la fa
v e u r de l’irrévocabilité; elles opèrent, les cas aven us , la
m ê m e saisine que la donation actuelle et effective.
•
T o u t reg ret, tout change m en t de volonté sont in
terdits au disposant; il ne p e u t, sous aucun p r é te x te ,
détruire ni atténuer l ’effet de là première disposition.
E n vain protesterait-il dans la minute qui suit l e m a
r i a g e , en vain chercherait-il à varier par une inter
prétation dérogatoire à l’idée p r im it ive: la faveur due
au mariage, l ’iirévocabilité de ce pacte sacré repous
sent toute interprétation, l o u i e variation qui tendent
a modifier les conventions matrimoniales : toutes con
tre -lettres, tous actes préjudiciables à l ’institution sont
for m elle m ent proscrits.
C e sont là des maximes bien constantes de la juris-
�I «M )
-----
prudence française, attestées par les auteurs déjà cités,
f'.-
§ Ier, et consacrées d ’ailleurs par le texte des lois a n -
?
ciennes et nouvelles.
I
j
« Celui qui a institué aucun (art. 22a de la cou—
j
« tume de Bourbonnais) son héritier eu contrat de
f
* mariage en faveur des mariés 011 descendans dudit
&'j
cc m ariage, ne peu.t faire autre héritier par testament
■
1
t
K ou contrat subs éq ue nt, quel q u’il soit, au préjudice
* de l’héritier ou des héritiers institués par ledit con
te lrat de mariage. »
L'art.
jj
3 i du cliap. 1.4 de la co u tu m e d ’A u v e r g n e ,
•contient une disposition littéralement conforme.
T o u s les auteurs s’accordent à professer que le conse ntement, m êm e du
p re m ie r
institué, ne saurait vali-
;
j
ider la seconde disposition faite à son préjudice.
« L a d o n a t i o n , dans la f o r m e p o r t é e au p r é c é d e n t
I
* article ( q ui a pour objet la disposition par contrat de
*
mariage de tout ou partie des biens que les disposans
laisseront au jour de l e u r d é c è s , et qui n’est autre chose
j
que Tan cie n nei nt it uti on contractuelle), dit l ’art. i o 83
j
du C od e N a p o l é o n ’« sera irrévocable en ce sens seule« m e n t, que le donateur ne pourra plus disposer, à
« litre gratuit, des objets compris dans la donation, si
« ce n’est pour somme modique ou autrement. »
Il
est donc inc ontestable, sous l e rapport du d ro it,
que Gilbert Pastier ne pouvait donner un cohéritier
*Qonventionnet a u x sieur et dame M u r g e o n , ni atténuer^
j
i
�--------Ji)/j
%l 9
„,
par de nouvelles dispositions, les avantages fixes ou
aléatoires que le premier pacte de succéder leur assurait.
Sous le rapport du fait, nous avons dém on tré que le
rappel du
5 septembre 179 3 était susceplible d’embras
ser l’ universalité de la succession de Gilbert Pastier,
s’il n’existait à son décès aucun parent au m ê m e degré
que Marie Baudon et Gilberte Mandosse, fictiveme nt
réputées vivantes p a r l a force de la représenlation con
ventionnelle dans l’intérêt des sieur et d a m e M u r g e o n .
L e s prédécès successifs de Magdelaine Dubuisson,
f e m m e M o n p ie d , du sieur D e b a r - d e - l T I ô p i l a l , et
d ’A n t o in e - M a r i e n Debar, père de la dam e Paillard,
les seuls parens en degré u t i l e , ont fait accomplir la
condition éventuelle qui a saisi les sieur et dame M u r geon de la totalité de la succession, en écartant le co n
cours a v e c les parens du degré de leurs mères.
Sans doute An to ine-Mari en D e b a r aurait dû recueil
lir la moitié des biens maternels du d é f u n t , s’il se fût
tr ouv é vi vant au décès de Gilbert Pastier. L e premier
rappel ne s’opposait pas à l’exercice de ce concours,
puisque les rappelés ne devaient prendre dans la suc
cession que les droits héréditaires q u ’auraient eus leurs
mères vivantes.
Mais le sieur D e b a r étant mort avant l ’ouverture
de la succession, le cas du concours a été entièrement
écarté.
C ’est en vain que 1g sieur Pasiiôr a voulu rappeler
�(
47 )
la dame Paillard, et l ’au tori ser a représenter s o n père
prédécédé. C e l le seconde slipulaliou aurait pour objet
de donner un nouvel associé, un nouveau cohéritier
différent de celui qui était primitivement appelé au
concours; son effet serait de créer deu x cohéritiers au
lieu d ’ u n , et de priver les premiers institués du b é n é
fice de la chance de prédécès du sieur Debar père II
y aurait c o n s é q u e m m e n t , sinon destruction, au moins
éversion partielle de la première disposition. Elle était
irrévoc able; dès-lors la volonté du disposant était i m
puissante pour y déroger, pour la restreindre ou l ’atté
nuer dans aucune de ses chances présentes ou futures.
Gilbert Pastier ne pouvait plus exercer des droits
dont il s’était irrévoc ablement dépouillé par le p r e
mier contrat de m a r ia g e , devenu la loi im m uab le de
la famille; il ne p o u v a i t assurer des droits à la dame
Paillard, que dans le cas où le prédécès des é p o u x
M u r g e o n , sans postérité, rendrait caduc le rappel du
5 septembre 1793.
Ainsi, le second rappel de la dam é Paillard ne peut
lui conférer aucun droit à la succession litigieuse, puisqu il est en opposition, par le résultat des év éne mens
avec les droits éventue ls, mais irrévocables, du pre
m ie r pacte de succéder.
A plus forte raison les dispositions testamentaires
subséquentes .doivent-elles être rejetées c o m m e des
tructives d e l à première disposition contractuelle.
L e testament du 18 mai 1810 présente moins la
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V
'
(
48 )
libre volonté d ’ un octogénaire environné de sugges
tions, que les rêves systématiques d’un h o m m e subtil
qui a cherché à colorer la violation du pacte de famille
par tous les prestiges de la chicane.
L e sieur Pastier, de C l e r m o n t , ne sVst retranché
sur ce mode d ’en vahissem ent, q u ’après avoir ho nteu
sement échoué dans le projet, bien autrement auda
c i e u x , de ravir toute la succession aux héritiers légi
t i m e s , par une vente fictive et frauduleuse.
D e u x dispositions sont écrites dans le testament :
P a r la p rem ièr e, le testateur lègue au sieur Pastier,
de C le r m o n t , sur tous les biens non compris dans le
ra ppe l, une so m m e de 40,000 fr., à prendre sur les
plus clairs desdits biens, sans être tenu d ’aucune charge
ni dette à cet égard ;
Par la seconde disposition, il institue en outre c e
m ê m e François.Pastier légataire, son héritier du sur
plus de ses biens, à la charge de p a y e r , par portion
égale et par tête, a vec les rappelés, toutes ses dettes et
charges, etc.
O n voit d ’abord que le legs de 40,000 fr. porte à
f a u x ; car il doit être pris sur les biens non compris
dans le ra p pel, et on a démontré que le premier ra p
p e l , indépendam ment du second, embrassait, dans ses
chances, l'universalité de la succession future de G i l
bert Paslier, et que le titre général d ’héritiers, par r e
présentation des deu x mères, avait acquis ce caractère
%
�d ’univers alité, au m o m e n t du décès d ’A n t o i n e - M a r i e n
D eb ar.
C o n s é q u e m m e n t, tous les biens que Gilbert Pastiera laissés à son décès étaient év entu ellement frappés de
la disposition prim itive ; il n’y a donc pas de biens non
compiis dans le rappe l; le legs de 40,000 francs, à
prendre sur ces biens chim ér ique s, devient donc caduc
à défaut d’existence de biens libres qui puissent lui
servir de base ou assignat.
L e legs de 40,000 francs est encore nul à raison de
son én orm it é, qui exc èd e le tiers de la masse nette de
la succession, et de son cumul a vec une institution
d ’héritie r, à titre universel, en fa veur du m ê m e indi
vidu. L a fraude en ce cas n’est pas douteu se, et le tes
tam en t ne peut être considéré que c o m m e une fraude
pratiquée pour d ét ru ir e ou ptténuer l ’effet d ’u n e dis
position c o nt r a c t u e l l e , que son irrévocabilité devait
garantir de toute atteinte.
L ’art. i o 83 du C od e Napoléon ne permettait au sieur
Pastier que des legs de sommes modiques, à titre de
récompense ou autrement. L e testateur a épuisé les
droits que la loi lui conférait, en donnant à sa domeslique la jouissance d une maison et d ’ un jardin, et une
pension viagère de trois setiers f r o m e n t, et d’ un poin
çon de vin ;
E n léguant aux pauvres de C harroux un capital do
6,000 fr. produisant rente perpétuelle de 3oo fr.;
En donnant à l'église, pour œuvres pies, une som m e
de i o 5 o fr.
Conséquemment, les deux legs immenses et inoffi7
'ÏÏoT '
�5ô
cieux fails à François Pastier., et qui fendent à lui attri
buer et le titre et les droits d ’un véritable cohéritier,
I
*
sont caducs, nuls et frauduleux.
On a o b j e c t é , en première instance, que la co u tu m e
de Bourbonnais, ou du moins l’opinion de ses c o m
mentateurs, semblait autoriser les instituans à donner
entre-vifs ou à léguer jusqu’à concurrence du quart des
biens de la succession, et que cette considération devait
conserver ou la disposition faite en faveur de la dame
P a i l l a r d , ou une partie du legs du sieur Pastier.
Da ns la rigueur des principes, le texte de la c o u
tu me et les auteurs les plus recommandables ne regar
daient c o m m e licites que les legs pieux ou r e m u n é r a loires de peu d ’ im porta nce , tels q ue ce ux dont parle
l ’art. i o 83 du C ode N a p o l é o n , qui n’a fait que confir
m er l’opinion la plus accréditée dans l’ancienne juris
prudence. Les dispositions de q u o l e paraissent sur-tout
plus particulièrement prohib ées; cependant les c o m
mentateurs de la co u tu m e de Bourbonnais étaient par
tagés sur ce point de doct rine, et plusieurs inclinaient
à penser que l ’ instiiuant pouvait indifféremment dispo
ser du quart de ses biens, soit par acte entre-vifs, soit
par testament.
Mais en supposant que cette opinion particulière
pût balancer l’autorité de la loi e l l e - m ê m e , le sort du
sieur Pastier, de C l e r m o n t , n ’en deviendrait pas plus
avantageux.
L e testament q u’il a surpris à la fragilité d ’un oct ogé
naire, ne pourrait soutenir la co ncu rrence avec la dis-
�( 5 1 )
'.position contractuelle faite au pr ofi L de,l a d a m e p ail- lard. C elle-ci mériterait l a préfè r e n c e 1 °
' t
parce qu'e l l e ,
a la priorité de dat e 20 parce q u ’elle est s t i p u l é e dans
u n c o n t r a t d e m a r ia g e , qui e s t b i e n plus f avorable
q u ’ un testament; 3° parce q u ’elle a été faite sous l e
rè g ne de la coutume de B o u r b o n n a i s ; 4° parce q ue la
dame Paillard , c o m m e p a r e n t e d u d e f u n t a p l u s d e
d r o i t s
à
la bienveillance d e l a justice.
‘
< v’
Ainsi le testament qui fait l ’uniqu e titre de François
P a s tier, doit ê t r e écartée comm e c o n t r a i r e a u x p r e - ,
. m i è res dispositions contractuelles, d o n t l'irrévoca b ilité ,
-ne saurait êtrë'problématique. L e s sie u r e t d a m e M u r ~geôn se sont plu à seconder l’e x é c ution-des volontés
'
de leur parent e nvers sa domest ique, envers l’église et,l
e
t
s pauvres de C harroux ; mais ils ont dû repousser l’é ranger avide qui a usé des mo y e ns l es plus o d ie u x pour ,
ravir, le p a t r i m o i n e d ’ une f a m ille ave c laquelle il n’a
d ' a u t r e rapport qu ' une sim ilitude de n om S’ils d o i v e n t
subir un retranchement qu elc o n q u e;i l s e r a m oins p é nible p our eu x d'e n v oir passer le bénéfice a une v é r i- ;
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table parente
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Murgeon, Jean-Alexandre. 1812?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Givois
Marie
Subject
The topic of the resource
successions collatérales
estoc
coutume du Bourbonnais
testaments
conflit de lois
contrats de mariage
paterna paternis
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-Alexandre Murgeon, et Denise Bouchard, sa femme, propriétaires, demeurant à Vendat, appelans d'un jugement du tribunal de première instance de Gannat, du 7 août 1813 ; contre le sieur François Pastier, employé à la recette générale des contributions du département du Puy-de-Dôme, demeurant à Clermont-Ferrand, intimé ; contre le sieur Jean-Michel Paillard, receveur des domaines, et dame Françoise-Gabrielle Debar, son épouse, demeurant à Riom, appelans du même jugement ; en présence de Jean Bouchard, et Jeanne Bouchard, sa femme ; Alexis Bouchard, et Marie Bouchard, sa femme ; et François Bouchard, tous propriétaires, demeurant en la commune de Vendat, assignés en déclaration d'arrêt commun.
note manuscrite. Texte complet de l'arrêt, 1ére chambre 6 février 1814.
Table Godemel : Rappel à succession, stipulé par contrat de mariage, sous l’empire de la coutume du Bourbonnais, a-t-il l’effet d’une institution contractuelle irrévocable ? Ou, au contraire, peut-il être anéanti ou modifié par dispositions entre-vifs ou testamentaires émanées de l’auteur de la disposition ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1812
1793-1812
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2115
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2114
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53411/BCU_Factums_G2115.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vendat (03304)
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Charroux (03063)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
doctrine
estoc
paterna paternis
successions collatérales
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53533/BCU_Factums_G2618.pdf
a6913de896476b92bc3405d7b1f26403
PDF Text
Text
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M E M O IR E
A CONSULTER
ET CONSULTATION
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4M AmVÎ ^K4luutf(
A CONSULTER
ET CONSULTATION A w ‘
POUR
Les S rs P O Y A , RO M E, dame V e ABRAHAM
et consorts, héritiers ou légataires de l’estoc
paternel de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’U r b i s e ,
CONTRE
Les enfans d’HÉLÈNE DUROIS, se disant fille
de J e a n - P i e r r e CARRAUD , frère du sieur
d ’URBISE.
f
L e 27 août 1 7 5 1 , une fille est exposée à la porte de l’hôpital
de la ville de RIOM : son extrait baptistaire la nomme simple
ment H é l è n e , sans désignation de père ni de mère.
Jean-Pierre Carraud, fils d’un conseiller en la sénéchaussée
de Riom, à qui on voudrait déférer la paternité, a contracté ma
riage, le 23 novembre 17 5 2 , avec Marguerite Mercier, issue
�( 3)
d’une riche et ancienne famille. On lit dans cet acte réglant
CiC«\ w«\ «lejirs conventions matrimoniales, les clauses suivantes :
((*Ë^fiiveur du présent mariage, ladite Mercier a donné cl
•»'*¿îiHin(î audit futur époux acceptant, par donation entre-vifs,
tous «les biens qui lui appartiennent présentement, meubles et
“ immeubles, desquels le futur époux fera la recherche comme*
« il avisera.
« En second lieu, la future se réserve, en cas de viduité, la
« jouissance et usufruit des biens donnés, et même la réversion,
« en cas de prédécès du futur époux sans enfan s.
« Ladite donation tiendra lieu au futur époux de gain de
« survie. »
Nulle mention de l’enfant prétendu né de leur commerce an
térieur.
Le mariage a duré trente ans. Pendant tout ce temps, nulle
reconnaissance, ni de la part de dame Mercier, ni de J.-I\ Car
ra ud.
Il importe de remarquer (et c’est ce qui rend le silence sur
Pélal de l’enfant plus étonnant), qu’il n’y en a point eu du mariage.
Hélène, âgée de vingt-huit ans, s’est mariée le 12 mai 1779 ,
à Martin Valleix, cultivateur, habitant le village d’Ardeyrolles,
*
paroisse de St-Pierre-lloche, distant de plusieurs lieues de la
ville de Riom. La future prend dans le contrat la simple qualité
d’Ui'xÙNE Üuuois, iille majeure, habitante du village de l\eyvialle, même paroisse.
Elle s’y constitue, d’elle-meme, divers objets mobiliers à son
usage, d’une très-mince valeurj la moitié d’un pré appelé Loche;
cl cinq quartelées de terre appelée la Clope, qu’elle a acquises,
est-il dit, par acte du jour d’hier, reçu le même notaire, moyen
nant la somme de 700 francs.
�( 3)
La vente de ces héritages peu considérables, avait eu lieu
en effet le 1 1 mai 1779 , veille du contrat de mariage, parm i
fondé de pouvoir du sieur Jean-Pierre Carraud, en faveur
d’Hélène; mais le sieur Carraud n’était point intervenu au
contrat de mariage et avait réellement consenti vente par un
fondé de pouvoir.
Jean-Pierre Carraud est décédé en 17 8 1. Nul écrit encore,
nulle parole, nul signe, même an dernier moment, dont on
puisse induire cjii’il ait jamais imaginé être le père de l’enfant
([u’on lui attribue aujourd’hui.
11 décède, et Hélène Dubois ne paraît pas pour recueillir sa
succession. C’est Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère du défunl,
q ni se présente.
Ce frère répudie la succession par acte au greffe du 1 janvier
1783. Sur cette répudiation, la veuve, Mmc Mercier, fait nom
mer un curateur a la succession vacante. Jacques Labat est
nommé par procès-vcrbal du 7 du même mois de janvier.
Le 10 janvier, la veuve requiert l’apposition des scellés, et,
dans sa requête, elle expose que Jean -Louis Carraud d ’Urbise}
seul habile a succéder, a répudié la succession, etc., etc.
Elle demande et obtient, par sentence du 18 mars 17 8 3, de
la ci-devant sénéchausssée de liiom, la condamnation contre le
curateur du payement de scs reprises.
Des poursuites rigoureuses ont lieu au nom de la veuve, et
enfin vente et ajudication, toujours sur le curateur à la succes
sion vacante.
Jean-Louis Carraud d ’Urbise, qui avait répudié la succession
de son frère, est décédé aussi sans enfans, le 1 1 février 1783,
laissant aux collatéraux une succession considérable, dont la
propriété et remise sont réclamées aujourd’hui par les héritiers
�ou légataires de l’estoc paternel, et par les héritiers d’Hélène
Dubois.
A ce moment (en 1783) Mmc Mercier devait sans doute re
connaître l’état de sa fille, mais elle garde le silence.
Un procès s’entame; les poursuites sont suspendues. Le 10
Iructidor an 2, après plus de l\.o ans de silence, et i3 ans après
le décès de son mari, Mmo Mercier, alors octogénaire (aux temps
orageux de la révolution), déclare, dev ant notaire, (\\i Hélène
Dubois est sa fille et de Jean-Pierre Carraud, née du commerce
qu’ils avaient eu avant leur mariage ; c’est sur celle déclaration
([u Hélène Dubois a fondé sa métamorphose•, en voici les termes:
« Dame Mercier, veuve du sieur Pierre Carraud, habitant à
« lliom, reconnaît qu Hélène Dubois, femme à Martin Yalleix,
«■ cultivateur, du lieu cl’Ardeyrolles, commune de Saint-Pierreu IW he, est sa fille naturelle, née du commerce qu’elle avait eu
K avec ledit Pierre Carraud, avant leur mariage. Voulant lui
« rendre une existence légale et le droit de successibilité, aux
« termes de la loi du 12 brumaire an 2, elle déclare qn Hélène
« Dubois, baptisée le 17 aoiit 17 ^ 1, sous le nom Hélène,
(( nouvellement née et exposée, à minuit, à la porte de l’hô« pital de cette commune, sans billet, est la fille d’elle déela« rante et dudit Pierre Carraud, et la reconnaît pour telle; et
« même ledit Pierre Carraud lui a donné, en tout temps,' des
«• preuves de paternité, soit en fournissant à son éducation, en<( trelien, soit en lui constituant une dot lors de son contrat de
« mariage avec Martin Yalleix, le 12 mai 177g.»
Marguerite Mercier est décédée en l’an 8. Le 12 mai 1800, .
clic avait fait un testament portant différons legs à des ecclé
siastiques et à des serviteurs. Il n’est point question d'Hélène
Dubois. Six jours après, Marguerite Mercier fait encore un co-
�(5)
dicille. Elle nomme la dame de Frétât, sa belle-sœur, son
exécutrice testamentaire; mais elle garde le même silence sur
Ilclene.
La dame Mercier meurt; Ilélène assure qu’après son décès,
elle s’est mise en possession de sa succession sans aucun obstacle
de la famille Mercier : c’est ce qu’on ignore.
Hélène prétend aujourd’hui avoir également droit à la suc
cession de Jean-Louis Garraud d’Urbisc.
A la déclaration de l’an 2, elle réunit les présomptions résul
tant de l’acte de vente du 1 1 mai 1779, de son contrat de mariace.
et,/ au besoin, elle a offert la preuve de differens faits:
o /
cette preuve a été admise par un jugement du tribunal civil de
lliom, en date du 3o juillet 1828, conçu en ces termes :
« En ce qui touche les demandes en intervention des héri« tiers Home et Abraham, parties de Mcs Parry et Tailliand;
« Attendu qu’elles ne sont pas contestées et que ces parties
<' sont intéressées au jugement en contestation.
« En ce qui touche le fonds :
« Attendu que, dans les anciens principes et suivant la dé« crétale d’Alexandre III, cliap. 6, la légitimation des enfans
« nés avant le mariage s’opérait par la seule force du mariage,
« et qu’il n’était pas nécessaire, ainsi que l’enseigne Pothier,
« que le consentement du père et de la mère intervînt pour
« cette légitimation ;
« Attendu qu’il est déjà établi et prouvé, par l’acte notarié
c< du 2 fructidor an 2, que la dame Mercier avait mis au monde,
« quinze mois avant son mariage avec le sieur Garraud, une
« fille qui fut d’abord portée à l’hôpital, sous le nom d'H élène;
cc Attendu qu'il est constant que cette fille a succédé à la dame
« Mercier, veuve Garraud, sa mère, et que si la déclaration
�(c)
<< faite par cette dernière, dans l’acte de reconnaissance du
« ï fructidor an 2, qu’elle avait eii cet enfant du sieur Carraud,
« ne peut lier la famille du mari, ni même être regardée comme
« un commencement (le preuve par écrit; néanmoins la circons« tance du mariage qui a suivi, rend vraisemblable le fait allé« gué, que c’était le sieur Carraud qui était le père de l’enfant
« dont était accouchée ladite dame Mercier;
« Atlendu que ce fait deviendrait encore plus certain, s’il
» était vrai, ainsi que l’ajoute la dame Carraud, dans sa re
te connaissance, que les mois de nourrice furent payés par le
« sieur Carraud lui-meme, et que ce fut par scs soins que l’en« fant fut élevé et transporté dans un domaine à lui appar<< tenant, oh il a ensuite été marié par le sieur Carraud;
« Que toutes ccs circonstances sont graves et concordantes :
« Par ces motifs,
« Le tribunal reçoit les parties de Parry et Tailband inter« venantes, et, avant laii-e droit au fonds, ordonne que, par
ti devant M. Mandat, juge, les parties de llouher feront preuve,
« tant par titres que par témoins,
« i". Que Marguerite Mercier avait eu, avant son mariage,
« iin commerce charnel avec Jean-Pierre Carraud, et (pie de
« ce commerce était née Hélène, dite Dubois} du nom de la
« mère du sieur Carraud;
«
Que ladite Hélène Dubois passait publiquement dans
« Kiom pour être la fille de Jean-Pierre Carraud, et qu’elle a
« passé pour telle dans les lieux oh le sieur Carraud lui a fait
«■ passer sa jeunesse;
o 3°. Que c’est lui qui a payé les mois de la nourrice et lui
« avait recommandé cet enfant;
« /|°. Qu’après qu’elle fut sevrée, il la fit transporter dans
�(7)
« son domaine à Reyvialle, et chargea ses fermiers ou métayers
« de pourvoir îi sa subsistance et à son entretien, leur en four« uissant tous les Irais;
—
« 5°. Qu’il avait avoué dans diverses circonstances et devant
<f plusieurs personnes qu’il était le père de cette iille, et qu’il
« 1avait eue de la demoiselle Mercier avant son mariage;
« 6°. Enfin, (pie le sieur Carraud vint lui-même à Reyvialle
« pour régler les conditions du mariage d’Hélène-, qu’il lui donna
« des héritages pour composer sa dot, et que si l’acte fut coloré
« du nom de vente, il est certain qu’il n’en reçut pas le prix.
x Sauf la preuve contraire,
« Pour les enquêtes faites et rapportées, être statué ce qu’il
« appartiendra : tous moyens et dépens réservés. »
Un demande au conseil quel doit être devant la Cour de
Kioin le mérite et effet de ce jugement?
�(8)
CONSULTATION
TOUR
Les Héritiers ou Légataires de la ligne pater
nelle de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’ U r r i s e .
I ue conseil soussigné,
Vu le dispositif d’un jugement rendu au tribunal civil de
Rioin, le 3o juillet 1828, contradictoirement entre les consullans, et les enfans d’Hélène Dubois, femme Yalleix, se disant
fille de Jean-Pierre Carraud, et en celte qualité héritière eu
partie dudit sieur Carraud d’Urbisc.
Par lequel jugement, ce tribunal se fondant sur une dér ré talc d’Alexandre III, chapitre V I, et les anciens principes
en matière de légitimation des enfans naturels par le ma
riage subséquent de leur père et mère naturels, a décidé qu’il
V* avait des présomptions suffisamment graves, précises et
concordantes pour décider qu’llélène Dubois, femme Vallcix,
est née en 17 /ïi, de la cohabitation supposée entre Jean-Pierre
Carraud et Marguerite Mercier, depuis unis en mariage (en
17Í)?.), sans avoir ni alors, ni pendant sa durée, reconnu la
dite paternité, et qu’il y avait lieu d’admettre la preuve de
la paternité dudit Jean-Pierre Carraud.
�(9)
Yu le Mémoire à Consulter, par lequel les héritiers et lé
gataires de Carraud-d’ Urbise, en contestant l’état que l’on at
tribue à Hélène Dubois, demandent si l’appel qu’ils ont inter
jette de ce jugement, devant la Cour de Riom, est bien fondé :
Est d’avis de l’affirmative;
Le Code civil, dans le titre de la Paternité et de la Filiation,
promulgué le 2 avril i 8o3, permet aux enfans nés de deux
individus, unis par le mariage, de demander à prouver par
témoins leur filiation contre les auteurs de leurs jours, lors
qu’ils ont été inscrits comme nés de père et mère inconnus,
ou sous de faux noms; mais, d’après l’article 3a3, la preuve;
ne peut être admise que lorsqu’il existe un commencement de
preuves par écrit, émané de celui dont on invoque la pater
nité, ou lorsque des présomptions ou indices résultans des faits
dès-lors constans, sont assez graves pour déterminer l’ad
mission.
L ’action en réclamation d’état est imprescriptible à l’égard
de l’enfant (art. 328); ainsi elle peut être exercée contre ses
parens décédés; l’action ne peut être intentée par les héritiers
de l’enfant qui n’a pas réclamé, qu’autant qu’il est décédé
mineur, ou dans les cinq années après sa majorité, ou qu’il
a commencé cette action, et qu’il n’a pas laissé trois années
sans poursuites, à compter du dernier acte de la procédure.
(Art. 329, 33o).
Voila pour les enfans nés de deux personnes unies par le
mariage. La présomption de droit P aler is est quem justœ nupliœ
demonstran!, les protège contre la suppression de leur état.
À l’égard des enfans nés des individus non mariés, la re
cherche de la paternité est interdite (art. 34o); ils ne sont
�( 10)
légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère,
qu’autant qu’ils sont formellement reconnus (art. 331).
Dans l’espèce, il paraît qu’llélène, avant sa mort, a intro
duit l’instance dont il s’agit, puisqu’aucune fin de non-recevoir
n’est opposée à ses héritiers; il est présumable toutefois, que
cette demande a été faite, depuis la promulgation du Code civil,
bien que nous ayons sous les yeux une consultation en faveur
d’Hélène, du iG ventôse an 10 , qui relate une opposition à
scellés de sa part, un procès-verbal de non conciliation, puis
une instance.
Ces premières poursuites ont du être interrompues pendant
au moins trois années, et dès-lors il faut en conclure que l’ac
tion a été introduite sous l’empire du Code civil.
Si ce point de fait est constant, la première question qui
se présente au fonds, est celle de savoir si cette action est
régie par le Code civil 011 par les lois antérieures.
Les lois n’ont pas d’eiïet rétroactif, en ce sens que celui
qui a un droit acquis au terme des lois, ne peut le perdre par
l’effet de la promulgation d’autres lois.
Hélène avait-elle à cette époque un droit acquis a se dire
enfant, soit légitime, soit même naturel du sieur Carraud?
non assurément-, son acte de naissance ne lui donnait aucun
droit; elle n’avait aucune possession d’état; elle n’avait formé
aucune demande en justice; ou, si elle en avait commencé
une, elle y a renoncé, en n’y donnant aucune suite depuis la
consultation du ^() ventôse an 10 (7 mars 1802).
C’est l'aimée suivante (en avril i 8o3) que fut promulguée la
loi qui défend la recherche tde la paternité.
Celte loi lut faite en vue de mettre fin à des scandales dont
la société et la morale avaient à souffrir, et à des décisions
�( IX)
toujours incertaines, où le mystère, dont le Créateur
a enveloppé la paternité, devait, dans la pensée de ses auteurs,
régir tous ceux qui n’avaient pas alors des droits acquis.
La loi ne distingue pas entre les enfans nés sous l’empire
des législations antérieures, et ceux nés depuis le Code civil.
La loi exige la reconnaissance du père, a dit M. Troncliet,
dans la séance du Conseil d’Etat du i 5 novembre 180 1 (24 bru
maire an 10), séance inédite, et que vient de publier M. Locré
(pag. 95 de sa Législation civile, t. v i.) « La loi l’exige, parce
« que le père seul peut juger si l’enfant lui appartient; or lors« qu’il n’a voulu le reconnaître, ni avant, ni au moment du
« m ariage, c’est une preuve qu’il doutait alors de la paternité. »
Dans la séance également inédite du 17 novembre 18 0 1, où
l’on discuta spécialement la question de la recherche de la pa
ternité, on fit l’observation que, si autrefois cette recherche
était admise à raison de la fréquentation d’une personne du
sexe, l’enfant naturel n’avait droit qu’à des alimens; qu’on doit
être plus sévère quand il s’agit d’attribuer à l’enfant naturel
des droits dans la famille; et qu’enfin la loi du 12 brumaire
an 2, si favorable aux enfans naturels, avait interdit la re
cherche de la paternité non avouée.
M. Troncliet fit la remarque qu’autrefois, une fille était libre
de faire tomber la paternité sur qui elle voulait, et qu’elle
choisissait ordinairement le plus riche de ceux qui l’avaient
fréqucntee; cette manœuvre était presque toujours heureuse;
cependant, dans la vérité, il restait des doutes sur la qualité
exclusive du père, et, indépendamment du danger d’admettre
une preuve aussi incertaine que la preuve testimoniale, c’était
donner trop de poids à la déclaration de la fille. ( V oy. pages
12 0 , 12 1) .
judiciaires
�M. Thibeaudcau ajouta que l’usage de cette action était au
trefois scandaleux et arbitraire: les lois qui y ont mis un terme
ont servi les mœurs. (Ibid, page 122).
Dans l’exposé des motifs de cette loi fait au Corps-Législatif
le 1 1 mars i 8o3, par M. Bigot-Préameneu, il s’exprime ainsi
(page 2 12 ) : Depuis long-temps, dans l’ancien régime, un cri
général s’était élevé contre les recherches de paternité; elles
exposaient les tribunaux aux débats les plus scandaleux, aux
jugemens les plus arbitraires, à la jurisprudence la plus va
riable; l’homme dont la conduite était la plus pure, celui
dont les cheveux avaient blanchi dans l’exercice de toutes les
vertus, n’étaient point à l’abri de l’attaque d’une femme im
pudente, ou d’enfans qui lui étaient étrangers; ce genre de
calomnie laissait toujours des traces affligeantes. »
Ici, l’orateur invoque la prohibition de la loi de l’an 2. «Dans
la loi proposée, ajoute-t-il, celle sage disposition qui interdit
les recherches (le la palernile cl elc* m aintenue; elle ne pourra
jamais être établie contre le père (pie par sa propre recon
naissance, et encore faudra-t-il pour que les familles soient
à cet égard à l’abri de toutes surprises, que celte reconnais
sance ait été laite par acte authentique, ou par l’acte même
de naissance. »
Le tribun Lahary, dans son llapport au tribunal, du 19 mars
8o3, après avoir rappelé tous les débats rapportés dans les
auses célèbres, s’écriait : « Llle cessera enfin celle lutte scan
daleuse et trop funeste aux mœurs; la recherche de la paterternité est interdite.» 11 invoquait aussi l’opinion émise par
le consul Cambacérès, dans le Discours préliminaire à son
projet du Code civil. (l*ag. 2G7 et 268.)
Le tribun Duveyrier, dans le Discours qu’il prononça au
�0 3 )
nom du trilwnat, devant le Corps-Législatif, dans la séance
du 3 mars i 8o3, s’élevait aussi contre l’admission de la re
cherche de paternité.
« On convenait, dit-il (pag. 3 i 8), que la nature avait cou« vert la paternité d’un voile impénétrable $ on convenait que
« le mariage était établi pour montrer, à défaut du signe na« turel, cette,paternité mystérieuse; et c’était précisément hors
« du mariage, qu’on prétendait percer le mystère et découvrir
« la paternité.
« Ces procès étaient la honte de la justice et la désolation
« de la société. Les présomptions, les indices, les conjectures
« étaient érigées en preuves et l’arbitraire en principe.«
Yoilà les égaremens auxquels la loi du 12 brumaire an 2
avait déjà remédié par des mesures efficaces, et que la légis
lation de i 8o3, à une majorité de 2 16 voix contre G, a proscrits
pour toujours. Et c’est 2^ ans après la promulgation d’une loi
aussi sage, que le tribunal de l\iom a admis cette scandaleuse
recherche, sous prétexte de l’existence des anciens principes
et sur la foi de la décrétale d’un pape qui n’a jamais joui de laulorité législative en France!
On se fonde sur un droit acquis, quand il est évident
qu’il n’en existe aucun; on transforme l’action qui eût pu être
exercée par Hélène Dubois, avant la loi de l’an 2, en 1111 droit
sur lequel ni cette loi de l’an 2, ni le Code civil, ne peuvent
avoir d’iniluence sans encourir le reproche de rétroactivité.
Mais les lois (pii déterminent la recevabilité des actions,
saisissent à l’instant même de leur-' promulgation ceux qui
pouvaient avoir droit de les exercer.
M. M erlin, dans scs additions au Nouveau Répertoire>
/. xvi 3 v° E ffet rétroactifsection 3 , agite celte question : Si
�( *4)
toute loi nouvelle, qui ne rétroagit pas expressément, est, par
cela seul, inapplicable à tout ce qui s’est passé avant le mo
ment de sa promulgation et à tout ce qui existe en ce moment.
Le principe de la non-rétroactivité repose sur la garantie due
aux membres de la société contre les caprices du législateur,
pour l’empêcher, soit de violer leur sûreté individuelle, en les
faisant punir aujourd’hui à raison dit fait d’hier, qui n’était pas
défendu, soit d’attenter à leur propriété en les dépouillant de
biens 011 de droits qu’ils avaient acquis sous le nom de lois pré
cédentes; 011 chercherait vainement ailleurs le motif de ce
grand principe. Il faut donc, pour qu’il y ait rétroactivité dans
le sens du Code civil, le concours de deux conditions: la pre
mière, que la loi revienne sur le passé et le change; la seconde,
qu’elle y revienne et le change au préjudice des personnes qui
sont l’objet de scs dispositions.
Telles sont les limites du principe de non-rétroactivité, et ou
voit de suite qu’ils ne s’appliquent pas à l’action des héritiers
$ Hélène.
D’une part, celle-ci ne trouvait pas, dans les anciennes lois,
de texte qui lui garantît le droit de rechercher le mystère de la
paternité*, en sorte qu’un tribunal qui eût rejet té son action,
n’eût pas encouru la cassation. Elle n’avait donc aucun droit
absolu, c’e st-à -d ire , garanti par la loi. La décrétale d’A
lexandre III, quand même elle serait une loi de notre patrie, ne
statue pas sur la légitimation par mariage subséquent. Elle
suppose la reconnaissance de la paternité. Il s’en faut qu’elle, ni
aucune loi d’origine ecclésiastique, autorise cette recherche.
L ’admission de ces actions tenait au pouvoir arbitraire, que
s’attribuaient alors les tribunaux, en l’abscncc de lois écrites;
et l’erreur qui avait entraîné les tribunaux ne pouvait pas se
�( i 5)
justifier. Car, si d'un côte, une femme délaissée et un enfant
abandonné inspirent de l’intérêt, de l’autre c’était une entre
prise téméraire cpie de vouloir percer le mystère de la pater
nité, et d’attribuer, par jugement, à un homme, un enfant qu’il
savait n’être pas le sien. L ’erreur, en pareil cas, était déplo
rable et de nature à soulever les honnêtes gens.
Ainsi, en premier lieu, Hélène n’avait pas de droit pour re
chercher la preuve d’un fait de paternité improuvable et qu’au
cune loi ne l’autorisait à attribuer au sieur Carraud.
D’autre part, elle n’avait pas de droit acquis en vertu des
concessions imprudentes de l’ancienne jurisprudence, lorsque
les lois de l’an 2 et de i 8o3 sont venues fixer un principe si
important dans l’ordre social 5 puisque long-temps après sa ma
jorité elle n’a pas réclamé, et pendant qu’elle pouvait agir;
puisqu’au décès de son père putatif, en 17 8 1 et depuis, elle a
gardé le silence, quoiqu’elle eut droit à la succession, si elle est
ce quelle prétend.
*
Son silence est d’autant plus inexplicable, que la reconnais
sance de maternité faite à son profit, le i 5 fructidor an 2 ,
sous l’empire de la loi du 12 brumaire precedent, la conviait a
rechercher la paternité, au moins dans les limites établies par
cette loi.
Au décès de sa mère naturelle, en 1800, elle a élevé des
prétentions; elle a su qu’une loi était proposée pour régler
l’état des enl'ans naturels; elle a laissé promulguer cette loi
(celle du i/f. iloréal an 1 1 ) sans régulariser son action; elle a
laissé également promulguer le Code civil, dont la prohibition
absolue devait détruire toutes ses espérances; et l’on prétend
encore quelle pouvait dormir en sécurité sur la foi de ses droits
�( IÔ)
acquisj quand aucun droit ne lui était reconnu dans le sens
qu’on prétend aujourd’hui l’exercer!
La loi 7, au Code de Legibus, dit que les constitutions don
nent la forme et l’existence aux affaires futures, mais non aux
faits consommés*, non ad facta p ne teri la revocariy à moins que
le législateur n’y statue spécialement, nisi nominatim et de
prœterito tempore et adliuc pendentibus negotiis cautuni sit.
Il
est évident qu’il n’y avait rien d’accompli ni de consommé
dans l’état d’Hélène, avant la promulgation du Code civil; qu’au
contraire cet état était incertain; que, par conséquent, c’était
une affaire pendante, adhuc pendentibus negotiis.
Maintenant, il sera facile de démontrer que, non-seulement
cette affaire a été soumise à l’empire du Code civil, j>ar cela
seul qu’elle était pendante, mais encore que, par deux lois spé
ciales, elle a été expressément soumise à l’empire des lois suc
cessivement promulguées sur l’état des enfans naturels.
Le décret du 1 2 brumaire an 2 .^ 2 novembre 179 3), par son
article I er, admet les enfans nés hors mariage, et alors eæistans
aux successions de leur père et mere, ouvertes depuis le i/j
juillet 1789. Comme il leur conférait un droit d’hérédité supé
rieur à la quotité admise par les lois antérieures, il y avait ré
troactivité, puisque le sort de ces successions était définitivement
fixé par le décès de leurs auteurs. Aussi la partie rétroactive
de celte loi fut-elle bientôt rapportée (loi du i 5 thermidor an 4,
1 août 1796) mais le principe relatif à la question d’état reste
intact, et la preuve que le droit à établir une filiation laissée in
certaine par l’acte de naissance, n’était pas régi par les lois
existantes à cette époque, quoiqu’il prenne sa source dans la
naissance, c’est que l’article 8 dit : » Pour être admis à l’exercice
« des droits ci-dessus dans la succession de leur père décédé,
�if y V
(*7)
« les enfans, nés liors du mariage, sont tenus de prouver leur
« possession d’état. Cette preuve ne pourra résulter que de
<f la représentation d’écrits publics et privés du père, ou de la
« suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption,
« tant à leur entretien qu’à leur éducation: la même disposition
« aura lieu pour la succession de la mère. »
C’est ce mode restrictif de preuve que l’on appèle la prohibi
tion de la recherche de la paternité, autre que celle avouée par
des actes directs ou indirects. Voyez l’arrêt de la Cour de cas
sation, du 3 ventôse an 10 , sur le rapport de M. Rupérou, pré
sident M. Malleville. (Sirey, 3 -- i ~ i 85, et le Recueil pério
dique de M . D alloz, vol. 1791^ l ’an in , première partie, p. 60G.
Cet arrêt décide positivement et après une discussion solen
nelle, que la loi du 12 brumaire n’a pas seulement réglé les
droits héréditaires des enfans naturels, mais aussi leur état.
C’est de cet article qu’on est parti, quand on a rédigé le Code
civil*, on voit par le projet, que la recherche de la paternité,
autre que la paternité avouée, avait été proposée pour être in
terdite. Le Code civil n’admet pas, comme la loi de l’an 2 , la
preuve de filiation résultant des soins donnés et des écrits pri
vés-, mais à part la forme de la preuve, à l’une comme h l’autre
époque, le législateur s’est cru autorisé à régler la filiation des
enfans alors vivans, qui n’avaient pas obtenu la reconnaissance
de la paternité et de la maternité. Et la preuve, sans réplique,
que telle fut la volonté du législateur, se trouve dans le décret
d’ordre du jour du 4 pluviôse an 2 (23 janvier 17 9 4 ), ainsi
conçu :
« La convention nationale après avoir entendu le rapport de
« son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Ber« trand, tendant à ce qu’il soit rendu un décret qui autorise les
3
»
�( 18)
«
«
«
«
«
tribunaux à juger définitivement les procès en déclaration de
paternité, dans lesquels la preuve testimoniale a été ordonnée et faite antérieurement aux lois nouvelles sur les enfants nés hors mariage, passe à l’ordre du jour motivé sur ce
que les lois n’ont pas d’eiFet rétroactif. »
En exerçant l’action en déclaration de paternité et en se
faisant admettre h la preuve, dans les formes admises antérieu
rement à la loi du i :ï brumaire, la pétitionnaire avait réelle
ment un droit acquis, dont elle ne pouvait plus être dépouillée,
qu'autant que la loi nouvelle aurait formellement aimullé ces
procédures et les aurait mises au néant; iiisi nomhialim et adluic
pendentibus negotiis. C’est en effet ce qu’on aurait pu soutenir,
en vertu de l’article 17 de la loi de brumaire; mais cet article
s’appliquait, non à la question d’état, mais au mode de partage
des successions.
Du reste, il résulte Irès-évidcmment de ce décret, d’ordre du
jour, que la loi du ta brumaire a saisi tous les enfans naturels,
qui n’avaient pas formé encore de demandes en déclaration de
paternité, dans l’état oii ils se trouvaient, et les a soumis à
son empire. L ’article <8 ne laisse aucun doute sur sa généralité,
et son applicabilité a l’espèce, puisqu’il s’occupe expressément
de la recherche de la paternité à l’égard des individus alors dé
cédés, et la succession de Jean-Pierre Carraud se trouvait dans
ce cas, puisqu'il est décédé eu 17 8 1.
Or, à cette époque, Hélène n’avait introduit aucune action en
justice, ni contre son père supposé, ni même contre sa mère;
celle-ci ne l’a reconnue qu’en fructidor de la même année.
Cette reconnaissance est, sans doute valide à l’égard de la
mere, quoiqu'elle n’ait pas été passée chez l’ofiieier de l’etat
civil, puisqu’elle a été passée en forme authentique, et que
�( I9 )
l’arrêté du Directoire, du 12 ventôse an 5, n’a proposé l’annullation que des reconnaissances sous signature privée. Le
rejet de cet arrêté, prononcé par le conseil des anciens, le 12
thermidor an 6 (3o juillet 1798), laisse même à penser qu’une
reconnaissance privée, conforme à l’article 8 de la loi du 12
brumaire, a sufli jusqu’au Code civil de i 8o3. Au reste, la re
connaissance de la mère n’a pas été attaquée comme émanant
d’une personne qui avait perdu l’exercice de sa volonté (elle
avait 80 ans), et qui avait cédé à la crainte d’un procès scan
daleux; mais elle n’a aucun effet relativement à la succession
du père, à cause du mystère de la paternité.
La loi du 13 brumaire rejette la preuve de fréquentation de
la mère, et 11’admct comme preuve de paternité qu’un aveu
formel, ou une suite de soins non interrompus, donnés à titre
de paternité, tant à l’entretien qu’à l’éducation de l’enfant na
turel.
Si nous avions à examiner le jugement du 3o juillet 1828,
dans ses rapports avec la loi du 12 brumaire, nous dirions que
le tribunal a erré en autorisant Hélène ou ses héritiers à
prouver le commerce charnel du sieur Carraud avec Margue
rite Mercier, à l’époque de la conception de l’enfant, puisque
ce genre de recherche, si arbitraire et si scandaleux, est for
mellement interdit par la loi du 12 brumaire, ainsi que l’a jugé
l’arret déjà cité de la Cour de cassation, du 3 ventôse an 10.
Sous ce premier rapport, il devrait être nécessairement réformé.
Ce même jugement admet, comme deuxième chef à prouver
la commune renommée, sur les rapports de paternité qui pa
raissaient exister entre Hélène et Carraud, ce qui est encore
une extension donnée a la rl. 8 de la loi de brumaire.
En troisième lieu, le tribunal admet à la preuve d’aveux ver
�H
c
(2°)
baux émanés du père, tandis que la loi de brumaire exige des
aveux écrits, publics ou privés.
En cpiatrième lieu, quant à la preuve des soins ou des frais
d’entretien et d’éducation, le tribunal ne s’explique pas sur la
circonstance de la non-interruption, ce qui était un point capital
sous l’empire de la loi de brumaire.
Si ce genre de preuve était admis par la Cour royale de
Kiom, les consul “ans seraient donc autorisés à se pourvoir en
violation de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, qui, comme
l’a observé M. Bigot-Préameneu, dans son Discours législatif,
(page 2 1 3), a réglé tout le passé.
Quant à l’avenir, a-t-ilajouté, « l’état et les droits des enfans
« naturels, dont le père et la mère étaient encore cxistans lors
« de la promulgation du Code civil, il fut statué qu’ils seraient
« en tous points réglés par les dispositions de ce Code, et que
« néanmoins, en cas de mort de la mère avant la promulgation,
« la reconnaissance du pere, laite devant un officier public,
(t suffirait pour constater l’état de ces erifans. »
Telle est en effet la disposition de l’art. 1 1 de la loi ; il
est clair que ce décret statuait aussi bien sur l’état que sur
les droits successifs des enfans nés hors mariage, et les pre
nait dans l’état ou il les trouvait.
Il
est aussi singulièrement à remarquer, (pic le décret de
brumaire, en autorisant la preuve de la filiation par des écrits,
même privés, émanés du père, ou par les soins non interrompus
donnés à 1’enfant, lui refusait expressément tout droit dans la
succession des pareils collatéraux; en sorte qu’011 n’aurait pu
s’autoriser des anciens principes sur la légitimation tacite par
mariage subséqnent, pour prétendre à ces successions dès qu’il
existe une disposition prohibitive dans la loi.
�L ’article q est ainsi conçu :
u Les enfans nés hors du mariage, dont la filiation sera
« prouvée de la manière qui vient d’être déterminée par l’ar« ticle 8, ne pourront prétendre aucun droit dans les succes« sions de leurs parens collatéraux, ouvertes depuis le i!\ juillet
« 1789 ’, mais, à compter de ce jour, il y aura successibilité ré« ciproque entre eux et leurs parens collatéraux, à défaut d'hét< ritiers directs. »
A insi, malgré la faveur avec laquelle le législateur de cette
époque traitait les enfans naturels, il ne voulait pas que, par
un genre de preuve si incertain de paternité, ces enfans eussent
les m êm es droits que ceux nés dans le mariage; surtout il n’a
pas voulu qu’ils vinssent dans les successions collatérales ou
vertes avant la promulgation de sc.r décret du 12 brumaire,
et c’est ce que décide virtuellement la loi du i 5 thermidor an 4
(2 août 1796), dont l’article 4 est ainsi conçu: « Le droit de
« successibilité réciproque entre les enfans liés hors le mariage
« et leurs parens collatéraux, et celui donné à ces enfans et
« leurs descendans, de représenter leur père et mère, n’auront
« d’effet que par le décès de ces derniers, postérieurement à la
« publication de la loi du 4 jnin 179^?
seulement sur les suc« cessions ouvertes depuis la publication de celle du 12 bru
maire. »
Or, la succession Carraud d’Urbise, frère du père putatif
d’IIélène, s’est ouverte depuis 1783.
Quant à la question de rétroactivité, le législateur a si bien
cru que l’état des enfans existans, dont le sort n’était pas fixé,
serait réglé par les lois à venir, que par l’art. 10 de celle du
12 brumaire, il a voulu, non - seulement que la quotité de
leurs droits successifs, mais que leur état fut réglé par un Gode
it
�civil qui n’était pas fait, et qui n’a été promulgué que dix ans
après; de telle sorte que les droits de ces enfans ont été sus
pendus pendant cet intervalle; et c’est en vertu de cette dis
position, déjà exhorbitante, que la Cour de cassation, par ses
arrêts des 21 juin 1 8 1 5 (affaire Lanclière) et 12 avril 1820
(affaire Salomon), a annullé des reconnaissances de paternité,
dans des cas non prohibés par les lois de la naissance des enfans et qui l’étaient devenus par les nouvelles. ( Voy. le Recueil
périodique de M . Dalloz} vol. 1820, i re partie, pag. 4o6.)
Venons à la loi du 14 floréal an 1 1 (4 mai i 8o3), contempo
raine du Code civil. On y lit, article i cr, que l’état et les droits
des enfans nés hors mariage, dont les père et mère sont morts
depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2 jusqu’à
la promulgation du Code civil, sont réglés par ce Code.
Dans le système contraire à celui que nous soutenons, il y
aurait donc encore ici rétroactivité, non-seulement en matière
de succession, mais en matière lYétat, puisque les droits des en
fans nés hors mariage, avant la promulgation du Code civil,
sont, par un acte de puissance absolue, places sous la règle
établie parce Code, tandis qu’ils devraient l’être par les lois in
termédiaires.
Le reproche, en effet, serait fondé, surtout sous le rapport
successif, si la loi de brumaire an 2, n’avait pas elle-même averti
tous les Français que leur succesion serait régie par la loi alors
en projet.
Quant à Yctal de ces enfans, nul reproche de rétroactivité ne
peut être imputé au législateur, puisque cet état n’étant pas en
core détermine par jugement ou transaction, il n’y avait pas
droit acquis.
�( a3)
Voyons maintenant l’objection soulevée par M. Merlin, loco
cilatOj sect. 3, art. 7, n° 3, oii il examine spécialement ce qu’il
faut penser de la rétroactivité des lois, dans le cas de paternité
ou filiation naturelle.
« Les qualités de père et d’enfant naturel (dit ce jurisconsulte,
page 235), lorsqu’elles sont établies par des preuves que la loi
reconnaît, produisent en faveur de l’enfant, une action pour se
faire donner des alimens par son père; et comme cette action a
son fondement dans le droit naturel, il est évident que, dès
qu’une fois elle est acquise, une loi postérieure peut bien en
étendre ou en resserrer les effets, soit quant à leur quantum, soit
quant à leur durée, mais non pas la détruire complètement.
Ce que la loi ne peut faire directement à cet égard, peut-elle le
faire, et est-elle jamais censée le faire indirectement? En d’au
tres termes, lorsqu’à une loi qui admettait l’enfant naturel à
prouver sa filiation, soit par témoins, soit par des présomptions
plus ou moins graves, succède une loi qui exige des preuves
d’un autre genre, celle-ci est-elle applicable aux enfans naturels
qui sont nés avant celle-là?
« D’après ce que nous venons de dire sur le mode de preuve
du mariage ou de la filiation légitime, la négative ne paraît pas
douteuse. »
Ici M. Merlin élève une doctrine en opposition manifeste avec
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2,/ et avec l’art. i crde
celle
♦
du i4 fi°i'éal an 1 1 ; car ces lois n’ont fait autre chose que
statuer sur le mode de preuve de filiation des enfans nés hors
mariage, existans lors de leur promulgation.
Le décret d’ordre du jour de l’an 2 prouve clairement que
ne sont exceptés des dispositions de la loi, que ceux qui avaient
�ic o
(4)
antérieurement formé leur action selon les lois et la jurispru
dence existantes.
Que prétend donc M. Merlin, quand il veut que l’enfant
soit admis, apparemment d’après la loi existante, au moment de
sa naissance, à prouver sa filiation ?
Si les hommes étaient ainsi régis par les lois qui gouvernent
le pays, au moment où ils ouvrent leur carrière, sans que les lois
postérieures puissent régler un état non encore assis, le législa
teur serait impuissant pour déterminer l’ordre de la société et
réprimer les abus.
Que la prestation des alimens soit de droit naturel, lorsque
l’état est constaté, rien de plus juste; mais qu’il soit de droit
naturel de prouver le mystère de la paternité par la seule fré
quentation de la mère, ou par des actes que la charité seule a
pu motiver, voilà ce qu’on ne prouvera jamais. C’est parce que
la paternité est un mystère, que la loi a sagement voulu qu’elle
ne pût résulter que d’un aveu authentique du père, et qu’elle
a proscrit l’arbitraire des présomptions.
M. Merlin argumente des principes qui régissent les enfans nés dans le mariage; mais le fait du mariage est un fait
public, d’oii résulte la présomption de paternité. Cette pré
somption, le mari a voulu la subir et elle n’a rien de déraison
nable; il n’y a pas d’incertitude sur le père, quand la femme
n’est pas accusée d’avoir fréquenté un autre que son mari.
La filiation des enfans nés dans le mariage repose donc pré
cisément sur le principe opposé au concubinage; la femme,
dans ce cas, étant libre, il n’y a pas de raison d’attribuer la pa
ternité à l’un plutôt qu’à L’autre.
31. Merlin a été si embarassé qu’il a commencé par dire: Ces
qualités de père et d’enfant naturel, lorsqu'elles sont établies par
�1
( , 5)
des preuves (pie la loi reconnaît, etc. Oui, sans doute, quand elles
sont établies, le législateur ne peut plus, par des lois posté
rieures, remettre l’état en question-, il ne peut que régler la
qualité du droit héréditaire dans les successions non ouvertes.
Mais lorsque ces qualités ne sont pas établies au profit de
l’enfant naturel, dans les formes voulues par les lois, lorsque
par conséquent, il n’existe pas de droits acquis, la loi nouvelle
saisit l’individu qui n’a pas fait constater sa qualité, dans l’état
ou il se trouve; et telle est l’opinion du célèbre publiciste et ju
risconsulte d’Amsterdam, Meyer, auteur du savant et profond
ouvrage sur les Institutions judiciaires des principaux pays de
l’Europe, dans ses Questions transitoires. (Pag. •206 et 207.)
Ses raisons sont, que l’action en déclaration de paternité n’é
tait pas, pour les enl’ans naturels, la suite nécessaire d’un événe
ment antérieur à la loi (pii la prohibe, lorsqu’elle n’est pas fondée
sur la reconnaissance formelle et par écrit du père; qu’elle pou
vait être intentée ou abandonnée au gré des intéressés; qu’elle
dépendait d’un jugement incertain en soi, sans lequel la de
mande aurait été comme non avenue; qu’elle ne peut donc être
considérée comme un droit acquis irrévocablement, à moins (pie
celte action ne soit déjà intentée} que l’intention formelle et po
sitive du demandeur se soit ainsi manifestée, et qu’elle 11e soit
devenue sa propriété irrévocable.
Nous ne connaissons pas l’opinion de Meyer autrement (pie
par ce quen rapporte 31. Merlin. Celui-ci prétend que, dans la
page 94, Meyer ne conteste pas le principe que, sur l’admissi
bilité de tel ou tel mode de preuve d’un fait, il n’y ait pas à
consulter d’autres lois que celles du temps oii le fait s’est passé.
S ’il ne le conteste pas formellement, nous 11e voyons pas qu’il
l’admette; il faudrait avoir le texte sous les yeux pour s’assurer
4
�(a6)
que la contradiction reprochée par M. Merlin à Meyer, existe
réellement.
Quoi qu’il en soit, voyons les raisonnemens que M. Merlin
oppose au passage très-formel de M. Meyer sur la non-rétroac
tivité des lois, au fait dont il s’agit.
« Quel est l’objet direct de l’action en déclaration de pater« nité?C’est principalement, c’est même uniquement, dansbeau« coup de pays, de faire déclarer le père assujetti à l’obligation
« de fournir des alimens à l’enfant qui lui devait le jour.
« Cette obligation, et par conséquent l’action tendante à en
« faire déclarer l’existence, sont-elles la suite nécessaire de la
« conception de l’enfant? Comment ne le seraient-elles pas?
« Nourrir l’enfant à qui on a donné l’être, jusqu’à ce qu’il puisse
« se procurer à lui-même sa subsistance, c’est la première dette
« de la nature; et elle lient tellement à l’essence de la pater« nité, que les animaux e u x - mêmes mettent à s’en acquitter
<( une sollicitude qui leur fait oublier leur propre conservation
« et braver tous les périls. »
Nous répondons : Sans contredit, c’est le premier devoir d un
homme, quand il a donné le jour à un enfant, de reconnaître
sa paternité, et de subir les obligations qu’elle lui impose; mais
si sa conviction intime repousse cette paternité; si, sachant qu’il
n’a existé aucun lien charnel entre lui et la mère, il refuse de
reconnaître celle paternité, et de prendre aux yeux de la société
une responsabilité morale, qui ne sera pas sans influence sur
son avenir, sur le bonheur et les droits d’une épouse délicate et
d enlans parfaitement légitimes, dira-t-on qu’ici le droit naturel
soit pour quelque chose? Et si une loi intervient, qui, pour laire
cesser 1 abus de la recherche de paternités aussi aventureuses,
prohibe la preuve de la seule fréquentation ou la preuve par
�6« !
( 27 )
témoins, quel droit naturel aura été violé? Le législateur aurat-il fait autre chose qu’user d’un droit légitime?
De quoi auront à se plaindre, la mère naturelle qui, pendant
la minorité de son enfant, ou l’enfant lui-même qui, depuis sa
majorité, n’auront pas invoqué la licence du genre de preuve
autorisé par une jurisprudence mensongère, abusive et scan
daleuse, si on les repousse en leur disant: La recherche de pa
ternité, entre personnes libres, est interdite, hors les cas parti
culiers spécifiés dans la loi-, ces cas sont précisément ceux oii il
y a un fait public, comme le rapt équivalent à un mariage
légal.
« Qu’importe, dit 31. Merlin, que cette action puisse être
« intentée ou abandonnée, au gré des intéressés ? De ce que je
« puis renoncer à une action, s’ensuit-il que ce n’est qu’en Fin
it tentant que j ’acquiers le droit de la poursuivre ? »
Oui, sans doute, quand la filiation est un fait plus qu incer
tain-, si on ne le prouve pas selon la forme admise par les lois,
on perd le droit qu’elle donnerait si elle était prouvée.
Deux arrêts de la Cour de cassation, des G juin 1820 et
12 juin 18 25, ont proclamé en principe: « Les lois qui règlent
« l’état des personnes, a dit le premier, saisissent l’individu
« au moment même de leur émission, et le rendent, dès ce mo« ment, capable ou incapable, selon leur détermination. Les
« lois qui régissent la capacité civile des personnes, a répété le
« second, saisissent l’individu et ont effet du jour de leur pro« mulgation. » En cela, elles n’ont aucun effet rétroactif, parce
(pie l’état civil des personnes étant subordonné à l’intérêt
public, il est au pouvoir du législateur de le changer ou de
le modifier, scion les besoins de la société.
M. Merlin pense que ces principes pèchent par trop de géne-
o
�te a
(>8)
ralité. Sans doute, si on les appliquait à des droits acquis par
transaction, jugement ou par action légalement intentée, avant
la loi nouvelle, à cause de la maxime : Qui liabet actionem ad
rem recuperandam, ipsam rem habere videtur.
Mais ces principes s’appliquent évidemment à un état de
meuré incertain.
M. Merlin lui même le concède :
Lorsqu'il s’agit d ’une action que la loi m’accorde par pure
faveur, et a titre de simple faculté.
Telle est bien la recherche de la paternité, hors mariage,
puisqu’il n’y a rien de plus incertain sans l’aveu volontaire du
père; et la preuve que c’était une faveur exhorbitante, ou plutôt
un abus de l’ancienne jurisprudence, c’est qu’aucune loi n’avait
consacré le principe de cette action, et que la Convention, au
moment mémo oh elle appelait les enfans naturels aux mêmes
droits que les enfans legitimes, a réglé le mode de preuve tant
pour le passé, que pour l’avenir, en prohibant la recherche de
la paternité, ailleurs que. dans les actes écrits du père, ou dans
•les faits personnels de lui à l’enfant, en rejetant les preuves
de fréquentation de la mère, etc., etc.
Au surplus, dit M. Merlin, notre question n’en est pas une
pour la France. Le législateur l’a tranchée lui-même de la ma
nière que je l’ai expliqué dans des conclusions du 9 novembre
1809, rapportées au § -x de l’art. Légitimité de 111011 Recueil des
Questions de Droit.
En se reportant surtout à l’arrêt intervenu, au rapport de
M. Cochard, le 9 novembre 1809, on voit que la Cour de cassa
tion n’a approuvé ni désapprouvé la doctrine que Fauteur des
Questions avait professée dans ce long réquisitoire.
�6 o^
( 29 )
Ce savant magistrat a prétendu alors, qu’il fallait distinguer
dans l’état des enfans nés liors mariage, ceux dont les pères
étaient décédés sous l’empire de la loi du 12 brumaire, ceux
dont les pères étaient décédés dans l’intervalle du décret du 4
juin 1793 au 12 brumaire, et ceux qui étaient décédés avant
1793. À l’égard des premiers, il dit qu’on était en droit d’exiger
d’eux une preuve authentique de l’aveu de paternité, bien que
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire se contente d’une reconnais
sance privée. Comme on le voit, c’est la reproduction du sys
tème exposé par le ministre de la justice, dans son Rapport au
Directoire, lé 1 3 ventôse an 5, système rejeté par le conseil des
anciens, le 12 thermidor an 6. Ce rejet n’a pas convaincu
31. Merlin de son erreur, il n’en persiste pas moins à soutenir
(pie lui seul a bien interprété la loi.
L ’art. 8 du décret du 12 brumaire an 2, statue sur la preuve
de filiation des enfans dont les pères étaient décédés, sans dis
tinction entre ceux qui étaient décédés avant ou depuis le
decret du 4 J l,iu 1 7d3- Cela n’empêche pas 31. Merlin de sou
tenir sa distinction, et de prétendre que la preuve de la filia
tion, pour les premiers, pouvait encore se faire par la fré
quentation de la mère, en 1111 mot, par la voie scandaleuse
de la recherche indéfinie, tandis que la loi dit expressément
le contraire.
On sait que 31. 3Ierlin avait un rare talent pour soutenir
des griefs de ce genre, à l’aide d’une argumentation très-subtile*,
en discutant ainsi, il se fondait sur ce qu’autrement, la loi du
t 2 brumaire aurait eu 1111 effet rétroactif trop étendu. 3Iais,
soit qu’il s’agisse de pères décédés sous l’empire du décret du
4 juin 179^5 soit qu il s agisse d individus décédés auparavant,
l’effet rétroactif serait le même, si réellement la loi était ré-
%
�(3o)
Iroactive, quand elle règle l’état encore incertain d’individus
nés hors mariage.
L ’article 8, de la loi de brumaire an a, a fait cesser un abus
de jurisprudence qui n’aurait pas dû exister, et qui n’existait
pas partout. C’est donc une loi déclaratoire, plutôt qu’innovatoire. Elle disposait sur une matière non réglée, et il est de
principe que les lois qui statuent ainsi, ne sont jamais censées
rétroagir, puisqu’elles n’enlèvent pas de droits acquis. Les droits
acquis 11e sont que ceux qui sont garantis par des lois expresses.
On peut, il est vrai, appuyer l’opinion de M. Merlin d’un arrêt
rendu le 14 thermidor an 8; mais des arrêts aussi anciens ont
peu d’autorité aujourd’hui, surtout lorsqu’ils se trouvent contre
dits par des arrêts postérieurs, tels que ceux des 3 ventôse an
10, 26 mars 180G, 6 juin 18 10 , 12 juin i 8 i 5.
La manière tranchante dont est terminé le § 3 de l’art. 8,
sect. 3, de la Dissertation de M. Merlin, qui va jusqu’à dire
que la question agitée ne fait plus de doute, parce cjue le légis^lateur l’avait tranchée de la manière qu’il avait dite, ne doit
donc pas en imposer à ceux qui veulent se reporter aux preuves.
Au reste, les tribunaux se sont plus d’une fois écartés de
l’opinion de M. Merlin; l’ascendant qu’il exerçait par sa logique
et sa science a cessé depuis long-temps, et l’on n’examine plus
aujourd’hui que ses preuves.
Il
a soutenu, dans une Note additionnelle à ses Questions de
Droit, v° Testament, § G, pag. 2G9, que depuis le Code civil, il
n’y avait pas de doute sur ce que le testament mystique, nul
pour défaut de formes, ne pouvait valoir comme testament ologiaphe; mais malgré cette assertion, la chambre des requêtes
de la Cour de cassation, par arrêt du u3 décembre, rapporté
�6II
(30
dans la Gazette des Tribunaux, a rejette le pourvoi des héri
tiers Gauthey, sans délibérer.
On pourrait citer beaucoup d’autres exemples, non pour éta
blir que l’opinion de ce grand jurisconsulte est de peu de poids,
mais pour prouver que, comme un autre, il paye tribut à l’er
reur, et que ses opinions doivent être appréciées d’après la na
ture des argumens et non d’après l’autorité de son nom.
Au reste, même dans l’opinion de M. Merlin, la latitude de
preuve admise par l’ancien droit, pour la filiation des enfans
nés hors mariage, tenait à ce qu’il ne pouvait leur être accordé
que des alimens; du moment qu’on veut établir cette filiation
pour obtenir des droits d’hérédité et même de légitimité, nonseulement dans la succession du père supposé, mais encore dans
celle des parens collatéraux, des actions de cette nature doivent
être assujetties à la rigueur des formes introduites par les lois
postérieures.
Or,rllélène est décédée; elle n’a donc plus besoin d’aliinens*,
ce qu’on réclame aujourd’hui, de son chef, est la succession de
Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère de celui dont la paternité
est recherchée. L ’action dont il s’agit est repoussée, quant au
fonds, par le texte formel de l’art, g de la loi du 12 brumaire
an 2 et par l’art. 4 de la loi spéciale du i 5 thermidor an 4*Quant
a la forme, cette action a été successivement régie par l’art. 8
de la loi de brumaire an 2, par l’art. 1 " de celle du 14 floréal
an 1 1 , et par la prohibition absolue du Code civil.
Les héritiers d’Hélène, fussent-ils recevables dans leur ac
tion et fondés dans leur revendication, d’après la jurisprudence
antérieure aux lois de 17 9 3, resterait a examiner si réellement
Hélène, après avoir prouvé quelle était enfant naturel du sieur
�Uo
( 3. )
Jean - Pierre Carraud, se serait trouvée légitimée, de plein
droit, par le mariage subséquent de ses père et mère.
On invoque encore sur ce point les anciens principes et la
dccrétalc d’Alexandre III. Il est bien vrai que, d’après une opi
nion généralement adoptée, le mariage subséquent des père et
mère d’un enfant naturel, avait pour effet de le légitimer; mais
il fallait certaines formalités, telles que de passer sous le poêle 3
s’il n’y avait eu une reconnaissance antérieure. Voilà ce qui
fut exposé au Conseil d’Etat, dans la séance du i 5 novembre
18 0 1, et ce qui lit rejeter la proposition d’admettre la légiti
mation tacite, ou par reconnaissance postérieure au mariage.
La décrétale d’Alexandre III, qui d’ailleurs est une loi étran
gère, ainsi que Potliier le reconnaît, 11c dit pas que le mariage
aura pour effet de légitimer des enfans naturels, non reconnus
comme tels : c’eut été singulièrement encourager le concubinage,
et accorder une prime à une chose qui était déjà de pure fa
veur, puisque la légitimation par le mariage subséquent, intro
duite dans la législation par Constantin, restreinte par Zénon,
rétablie par la Novelle X IX de Justinien, a toujours été con
sidérée comme faveur.
Potliier dit, il est vrai, que la légitimation s’opère par la
seule lin du mariage, sans que le consentement des père et
mère soit exprimé; mais il ajoute en parlant de l’inutilité de la
cérémonie du poêle: « Quelle n’est pas nécessaire, lorsque
<r les époux les ont reconnus pour leurs enfans, de quelqu’autre
» manière que soit, soit avant, soit depuis leur mariage; en un
« mot, lorsque ces enfans peuvent, de quelque manière que ce
a soit, justifier leur état. »
Potliier ne dit pas «pie, pour jouir de la faveur de la légi-
�(jl'S
(33)
timation, on peut faire un procès en reconnaissance de pater
nité, mais seulement qu’il fallait justifier d’une reconnaissance
de cet état.
Nous ne connaissons aucune décision judiciaire qui ait fa
vorisé les bâtards, au point d’ajouter au scandale de la recherche
d’une paternité toujours incertaine, celui de leur attribuer tous
les honneurs de la légitimité. C’eût été un moyen d’éluder les
lois du temps, qui, de l’aveu de M. Merlin, ne leur accordaient
d’action que pour leur assurer des alimens.
Ce serait créer un moyen d’éluder les prohibitions des lois
de l’an 2 et de l’an 4, dans ce qu’elles ont de salutaire, pour
empêcher les enfans naturels de revendiquer des droits de suc
cession dans les familles collatérales; ce serait renverser tous
les principes de moralité et d’ordre social.
Dès que l’action des héritiers d’Hélène a ce but, elle doit être
proscrite d’autant plus fortement.
Nous n’avons pas relevé, dans le cours de cette discussion, la
circonstance que l’action n’a été intentée que long-temps après
la mort du père, et que les consultans sont fondés à repousser
une calomnie; que le père supposé, loin de vouloir reconnaître
cet enfant, a fait des dispositions qui excluent toute idée de pa
ternité.
Nous n’avons pas, non plus, relevé la bizarrerie qu’il y a d’ad
mettre aujourd’hui, sur une déclaration faite par une femme
octogénaire, dans un temps oh la terreur devait paralyser toute
résistance de sa part, l’application de la maxime : Credilur
virgini.
* !À
�(34)
Mais nous disons avec une grande conviction, que le tri
bunal de Riom, par son jugement du 3o juillet 1828, a faus
sement appliqué la décrétale d’Alexandre III, et les anciens
principes sur la légitimation par mariage subséquent; qu’il a
violé l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, applicable aux re
cherches de paternité dirigées contre ceux qui étaient décédés
sous l’empire des lois antérieures, l’art. 9 de cette loi et l’art. 4
de celle de l’an 4 5 qui défendent l’admission de ces actions ten
dantes à attribuer des droits aux enfans naturels dans la suc
cession des parens collatéraux ;
Que, d’ailleurs, la question est régie par le Code civil; qu’ap
pliquer ce Code à une action née sous son empire, pour un état
non fixé auparavant, et ou il n’existait pas de droit acquis, sera
ne pas violer le principe de la non-rétroactivité des lois et faire
au contraire une juste application de ces lois, de l’art. 1 cr de
celle du 14 floréal an 1 1 , du décret d’ordre du jour du 4 plu
viôse an 2, de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, et des
principes fixés par les arrêts de la Cour de cassation, de l’an
10 , de 1806, de 1 81 0 et 1 8 1 5, précités.
Délibéré à Paris, ce 28 décembre 1828, par les avocats au
Conseil du Roi, et a la Cour de cassation, soussignés:
IS A M B E R T , H E N N E Q U IN , D A L L O Z .
C L E R M O N T-F E R R A N D , DE I.’ IM P R IM E R IE . DE J . - J . V A I S S I E R E ,
rue des G ras, n* 15, maison boisson . 1820.
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Poya. 1829]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Isambert
Hennequin
Dalloz
Subject
The topic of the resource
abandon d'enfant
renonciation à succession
successions
estoc
successions collatérales
enfants naturels
testaments
reconnaissance de paternité
conflit de lois
recherche de paternité
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
rétroactivité de la loi
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour les Sieurs Poya, Rome, dame veuve Abraham et consorts, héritiers ou légataires de l'estoc paternel de Jean-Louis Carraud d'Urbise, contre Les enfans d'Hélène Dubois, se disant fille de Jean-Pierre Carraud, frère du sieur d'Urbise.
Annotations manuscrites. « 19 février 1829, arrêt infirmatif en audience solennelle. Journal des audiences, 1829, p. 337 ? »
[suivi de] Consultation pour les héritiers ou légataires de la ligne paternelle de Jean-Louis Carraud d'Urbise.
Table Godemel : Enfant naturel : 5. l’enfant naturel, né en 1751, baptisé sans désignation de père ni de mère, mais produisant, plus tard, une reconnaissance émanée de sa mère, sans en rapporter une de son père putatif, peut-il prétendre qu’il a été légitimé de plein droit, par le mariage subséquent de ce dernier avec sa mère ?
pour réclamer les effets d’une pareille légitimation n’est-il pas nécessaire de prouver la filiation antérieure au mariage ?
les dispositions des lois romaines sur cette matière s’appliquant à des mœurs et à des usages qui rendaient d’ailleurs, inutile toute reconnaissance, peuvent-elles être invoquées ?
a défaut de la cérémonie du poêle, qui sous l’ancienne législation, tenait lieu, en France, de reconnaissance des enfants nés avant le mariage, et qui était tombée en désuétude, doit-on chercher des éléments de décision dans la jurisprudence antérieure aux lois intermédiaires et au code civil ?
l’ancienne jurisprudence ne présentant, en l’absence d’une loi positive sur la matière, que variation et contradiction, ne doit-elle pas être regardée comme inapplicable ?
ne doit-il pas en être de même de la loi du 12 brumaire an 2, et de celles qui l’ont suivie, quant à son exécution, soit en ce que cette loi de brumaire n’avait trait qu’aux enfants naturels existant alors et agissant en réclamation de paternité ou de maternité contre un individu pris isolément, soit en ce qu’elle n’admettait que le droit de prétendre aux successions ouvertes depuis 1789 ?
n’est-ce pas le cas, au milieu de cette incertitude, et s’agissant de déférer la paternité à un individu décédé en 1781, de recourir au principe consacré par l’article 331 du code civil, considéré, sur ce point, comme l’expression d’une raison générale ?
tout effet rétroactif ne doit-il pas cesser, dès le moment qu’il est reconnu que l’enfant naturel n’avait aucun droit acquis, au moment de la publication du code civil ?
si, dans tous les cas, l’ancienne jurisprudence pouvait être invoquée pour l’enfant naturel, soit à raison de sa naissance (1751), soit à raison du décès de son père putatif (1781), ne devait-il pas alors s’appuyer sur des commencements de preuve par écrit, sur des indices et présomptions graves établissant sa filiation, et rendant admissible la preuve des faits articulés ?
spécialement, pourrait-on admettre, sous l’empire du code civil, une recherche de paternité, à l’occasion d’une naissance arrivée en 1751, et de la part des héritiers de celle qui ayant intérêt à l’existence de cette paternité, ne rapporte aucune reconnaissance, aucun écrit de son père putatif, et qui n’a elle-même intenté son action en réclamation qu’en 1802, c’est-à-dire 51 ans après sa naissance et 21 ans après le décès du père putatif ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-J. Vaissière (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1829
1751-1829
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2618
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
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Riom (63300)
Saint-Pierre-Roche (63386)
Ardeyrolles (village de)
Reyvialle (village de)
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Domaine public
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abandon d'enfant
conflit de lois
doctrine
enfants naturels
estoc
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
Recherche de paternité
reconnaissance de paternité
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
Successions
successions collatérales
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53535/BCU_Factums_G2620.pdf
27b8a24024656c15cae725e128e0b392
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7®îü'j
MÉMOIRE
POUR
L e sieur B O U R N E T , p ro p ri ét a ire , h a b i t a n t de la
• DE RIOM.
v il le d' Iss oir e, A p p e l a n t ;
2e CHAMBRE.
CONTRE
Jean
B O N N A F O U X , p ro p rié ta ire, habitant au
lieu de L u za règ u es 3 com m une de M o lè d e , dépar
tement du C antal ; J e a n V I A L F O N T , secrétaire
i
de la s o u s - p réfectu re de S a in t- F l o u r , et dam e
F rançoise
D E L A R O C H E , son ép o u se;
V IA L F O N T , Jeanne V IA L F O N T ,
H e n r i
sa soeur,
propriétaires , habitans d u lieu de M o lèd e ; J e a n n e
V IA L F O N T
et A n t o i n e
F O U I L L O U X , son
m ari, q u i l ' autorise, propriétaires,
habitans d u
lieu de B o u f e le u f, com m une d ’A u r ia t 3 même d é
partem ent du C a n ta l, intim és ;
EN PRÉSEN CE
D e d ame
.
Amable-H e n r i e t t e D E C H A U V I G N Y D E
B L O T , veuve de M. C l a u d e - E t i e n n e - A n n e t D E S R O I S propriétaire, habitante de la ville de M ou
lins, et de M. A n n e t comte D E S R O I S , propriétaire,
habitant de la ville de P a ri s , rue Bl an c, n° 1 7 5 ,
défendeurs en assistance de cause.
L
orsqu’ en
COTJR ROYALE
1814 un gouvernement nouveau s’établit
en Fra nc e, le prince qui en était le c h e f , après avoir
publié uue charte q u ’ il destinait à rallier toutes les
�v° ήf
'
( - )
opinions, exprima bientôt le vœu d ’effacer ju sq u’aux
dernières traces des haines et des proscriptions qui
avaient affligé tant de Français.
C ’est dans cette sage pensée q u ’il abolit d ’abord
toutes les inscriptions encore existantes sur les listes
des émigrés, et q u ’il proposa ensuite aux chambres
un projet de loi sur la remise des biens non vendus.
Les chambres s’empressèrent de concourir à cet acte
de justice, et la loi du 5 décembre 1814 fut émise.
L e b ut de cette loi était clairement manifesté par ses
expressions ; elle voulait que les biens fussent rendus
en nature à ceux q ui en étaient propriétaires, ou à
leurs héritiers ou ayan t cause.
Ces termes : a u x propriétaires ou à leurs héritiers,
n ’étaieut pas é q u ivo q u es; ceux-là seuls, qui étaient
héritiers naturels des émigrés, avaient droit aux biens
rendus -, des étrangers légataires ou cédataires ne de
vaient pas etre admis à les réclamer, parce q u ’ils
n ’étaient rendus qu'à la famille de l ’émigré, h ses pa-
i
♦
rens les plus proches.
Aussi les tribunaux s’empressèrent-ils, dès l ’origine,
de repousser les demandes de ces étrangers ambitie ux ,
q u i , à l ’aide de titres vagues et généraux, cherchaient
à s’emparer de propriétés
auxquelles ne pouvaient
s’appliquer des actes très-antérieurs à la restitution.
IVlais dans les divers conflits auxquels cette loi bien
faisante autant que juste a donné l i e u ,
toujours il
avait été reconnu q u ’aux héritiers seuls de l ’émigré,
o u , si ses héritiers n ’existaient plus, à ses parens les
plus proches devaient appartenir les biens rendus.
i
�Ü iT v
*
( 3 )
é ilm
4
Jamais on n ’avait hasardé de prétendre que les pa
reils les plus éloignés de l ’émigré, et des païens qui
u ’étaient pas, qui n ’avaient jamais été ses héritiers,
dussent cependant profiter des bienfaits de la loi.
Il était réservé au sieur Desrois, q u i , encore aujour
d'hu i comme,dans une première cause, est l ’adversaire
réel du sieur B o u r n e t , il était réservé au sieur Desrois
de créer un sy stè me, dont le résultat serait de fausser
la loi sous prétexte de l ’interpréter, et d ’enrichir ceux
qui n ’ont rien perdu en privant ceux q u i ont été dé
pouillés.
Déjà ce système, présenté avec tout l ’art possible
par le sieur Desrois l u i - m ê m e devant la C o u r , a ce
pendant
etc proscrit.
Sera-t-il plus heureux aujourd’ h u i , en le reprodui
sant sous le nom des Bonnafoux?
11 nous est permis d ’en douter.
FAITS.
L a contestation a pour objet la succession de ClaudeG ilb ert de l ’Espinasse, émigré depuis 1792 , décédé
eu pays étranger le 6 frimaire an 8.
E n se fixant sur la généalogie, on voit que les aïeux
de C la u de-G il b ert de l ’Espinasse étaient C la u d e-G il bert de Sévérac et Marie-llose Bonnafoux.
Ceux-ci,
•
de leur un io n, avaient eu cinq enfans ,
savoir :
Claude de Sévérac, qui épousa Anne de Fondras, et
en eut un fils nommé Jean-Marie-Claire de Sévérac ,
décédé sans postérité le 2 germinal an 2 -,
.
�ut
( 4 )
François-Alclebert de Sévérac , qui avait épousé
Amable-Henriette C h au v ig n y de B l o t , et qui est aussi
mort sans enfans, le 4 germinal an 4 '•>
Marie et Marguerite de Sévérac, qui étaient entrées
en religion, et dont la survivante est décédée, à ce q u ’il
pa rait, le i i septembre
i
8 i 5;
E n f i n , Catherine-Marie-Louise de Sévérac, qui avait
épousé Guil lau m e de l ’Espinasse : c’est de ce mariage
q u ’était né le sieur C la u d e-G il b ert de l ’Espinasse de
l'hérédité duquel il s’agit.
A la mort de Jean-Marie-Claire de Sévérac, sa suc
cession, régie par la loi du 17 nivôse an 2 , fut divisible
par moitié entre les Fondras, pareils de la ligne mater
nelle, et les Sévérac, païens de la ligne paternelle ; et
comme le sieur de l ’Espinasse fils représentait sa mère
qui n ’existait plus, il devait concourir, avec FrançoisAldebert de
Sévérac,
son o nc le , et avec Marie et M a r
guerite de Sévérac, ses deux
t a n t e s , au
partage
de la
moitié affectée à leur l ig n e 5 en sorte q u ’il lui revenait
un huitième du patrimoine d u .d é iu n t .
C e patrimoine se composait, i° de la terre de Y e r tessère, située dans le département du C a n t a l ; 20 des
trois quarts de celle de Sévérac, située dans le même
dé p a r t e m e n t } 3 ° des trois quarts de celle de $l-Martin,
située dans le département du Pu y-de-D om e.
L e sieur de l ’Espinasse fils,
héritier pour un hui
tième, devait donc obtenir un huitième de la terre de
Vertessère, et trois trente-deuxièmes des deux autres
terres.
Lesmemesquotités appartenaient a Franeois-Aldebert
�de Sévérac, aussi héritier pour un huitième du défunt.
Au décès de François-Aldebert de Sévérac, qui eut
lieu le 9 germinal an 4 > ses seuls héritiers étaient
Marie et Marguerite de Sévérac, ses deux sœurs, et
Claude - G ilb ert de l ’Espinasse, son neveu. C h a c u n
d ’eux était appelé à recueillir le tiers de sa succession ;
et comme cette succession se composait de la terre
d ’A n z a t , d ’ un huitième de la terre de Vertessère, et
de trois trente-deuxièmes des terres de St-Martin et de
Sévérac, il en résultait que les droits du sieur de l ’Espinasse fils, dans les successions de ses deux oncles,
s’ é l e v a i e n t
à un tiers de la terre d ’A u z a t , à quatre
trente-deuxièmes ou à un huitième des terres de SaintMartin et de Sévérac, et à un huitième plus un tiers
de huitiè me, c’est-à-dire à quatre vingt-quatrièmes ou
un sixième de la terre de Vertessère.
Mais, émigré depuis 1 7 9 2 , frappé de mort civile
par la loi du 28 mars 1 7 9 3 , il n ’avait pu alors re
cueillir lui-mème ces deux successions. C ’était à l ’K ta t
d ’exercer scs droits en vertu de 1 article 3 de la loi du
28 mars, qui porte que les successions échues et à
éch o ir a u x ém igrés pendant 5 o a n s , seront recu eillis
p a r la république.
E n l ’an 2 , à la mort de Je an -M ari e - Claire de
Sévérac, ses biens furent mis sous le séquestre, à la
diligence des agens du gouvernement. Il parait q u e ,
postérieurement, un partage fixa les lots de chaque
héritier.
E n l ’an 4 > <1 l ’ouverture de la succession de François
Aldebert de Sévérac, des mesures conservatoires furent
�aussi prises clans l ’intérêt de l ’É t a t ; et le séquestre
fut mis notamment sur le mobilier qui se trouvait
dans les bàtiinens d ’ Au zat.
Mais la veuve de Sévérac (la dame de C h a u v ig n y de
B l o t ) ¿tait usufruitière des biens de son mari pour le
tems de sa viduité,.
Donataire de l ’ u s u f ru i t, elle réclama la main levée
du séquestre, et elle o b t i n t , le i 3 germinal an 4 > un
arrêté de l ’administration départementale du Pu y-d eD ô m e , q u i , en ordonnant cette main levée, l ’autorisa
à se mettre en possession de la terre d ’A u z a t , et la
soumit seulement à faire procéder à un inventaire du
m obilie r, et dresser un état des immeubles.
L ’inventaire des meubles et l ’état des immeubles
furent f a i t s , le 24 germinal an 4 ? et
dame de
C h a u v ig n y a constamment joui, dès cette époque, de
la terre d ’Auza t.
L ’annee s u i v a n t e , le 3 o floréal an 5 , elle a c q u i t ,
au plus vil prix , les droits héréditaires des deux
religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac, droits qui
comprenaient les deux tiers de la terre d ’Au zat.
L e 17 septembre 1 7 9 7 , la dame de C h a u v i g n y
épousa le sieur Desrois. Dès cet instant son usufruit
devait cesser, aux termes de son contrat de mariage;
elle conserva cependant une jouissance à laquelle elle
n’ avait plus droit.
Cependant
le sieur de l ’Espinasse fils mourut à
liurghen en B avi ère , le 16 frimaire au 85 le sieur
G u il la u m e de l’Espinasse son père, qui lui survécut,
était
son plus proche parent et son seul
héritier,
�( 7 )
d ’après la loi du 17 nivôse an 2. Les lois sur l ’éniigration
le p r i v èr e n t de cette succession.
Mais, en l ’an 10, parurent le sénatuscousulte du
16 floréal et l ’avis interprétatif du
9 thermidor.
On sait que le premier de ces deux actes législatifs
amnistia
les émigrés ,
en leur
imposant
quelques
c o n d i ti o n s, notamment celle d ’obtenir un certificat
d ’amnistie ; l ’avis du 9 thermidor étendit cette faveur
aux émigrés décédés, en autorisant leurs héritiers à les
faire amnistier.
L e sieur de l ’Espinasse père o b t i n t , le i 5 ventôse
an 1 1 , un certificat d ’amnistie pour son fils dont il
était l ’ unique héritier. Il est à remarquer q u ’à cette
d er n i è r e
époque, le chapitre du code civil sur les suc
cessions n ’avait pas encore paru. L a
an
2
était encore en vigueur.
J|l>i
du 17 nivôse
*
L ’amnistie prononcée, le sieur de l ’Espinasse père
obti nt divers arrêtés des préfets de la I l a u t e - L o i r e , du
Cail ta l et du Puy-de-Dôme , q u i l ’e n v o y è r e n t ,
en
qualité d ’ héritier de son fils, en possession des biens
de celui-ci.
Mais ces arrêtés diffèrent dans leurs dispositions ,
e t , par suite , dans leurs effets. 4
Les seuls biens à recouvrer dans le département de
la Ila ute-Loire étaient possédés par le fils, au moment
de son émigration. Ils furent restitués au père par un
ar r ê té que prit le préfet de ce département , le 11
germinal au 11.
M a i s , dans les déparlemens du Cantal et du Puyde Dôme se trouvaient les terres de Verlessère , de
�-\n
( « >
Sévérac et d ’A u z a t , dont une partie était échue au
fils l’E^pinasse, en l ’an 2 et en l ’an 4 ? pendant son
émigration.
L e préfet du C antal, par son arrêté du 25 thermidor
an 1 1 , délaissa au sieur de l ’Espinasse ce que l 'É ta t
avait recueilli pour son fils dans les terres de Vertessère
et de Sévérac.
Mais le préfet du département du P u y - d e - D ô m e ,
par arrêté du 7 frimaire an 12,
fit une distinction
entre les biens personnels du fils et ceux qui lui étaient
advenus pendant l ’émigration ; il ordonna , qua nt aux
premiers, la main-levée du séquestre, et le maintint
qua nt aux autres.
C e l t e dernière décision était autorisée par la loi du
8 messidor a n ^ , et par des actes du gouvernement,
des 5 brumaire et 24 frimaire an 9 et 3 floréal an 11.
L e si eur de l ’Espinasse fut donc obligé de s’y résigner;
et il ne put exercer, pour le m o m e n t au moins, les
droits q u ’avait son fils, soit au huitième de la lerre de
St- M ar ti n , soit au tiers de celle d'A nzat. Il parait que
le huitième de St-Martin ayant été déjà réuni à la sénatorerie attachées la cour royale de llioin, cela contribua
à la rigueur de l’ari f l é du préfet du Puy-de-Dôme.
Mais le sieur de l’Espinasse profita dès-lors des biens
qui lui étaient délaissés par l’arrêté du préfet du C a n t a l ,
dont la décision fut aussi définitive, les préfets de
chaque département étant chargés par la loi de pro
noncer sur ces sortes de difficultés.
Ces circonstances furent favorables ïi la dame de
C h a u v i g n y , (jui^ par S011 second mariage avec le sieur
�* \
de cu ju s.
�GÉNÉALOGIE.
»H*0 *3“
J ean
BOINNAFOUX DE BEYSSAT,
M a rg u e rite
) .
DE VERDONNAT.
____________ I____________
JEAM'E,
à
Jeas \ ialfost.
AG>ES,
MARIK-KOSE,
C l a o d e - G i l b e r t DE S É V ¿ R A C ,
JEAN-BAPTISTE,
à
ì
M
J t A K - J o s iP I l U O ISA FO D X .
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CLAUDE,
Roux.
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ondeas.
*í f r a m c o i s -a l d e b e r t , .
I
à ¡» .« ta » W |
HENRIETTE
DE CIIAUWGNY DE C L O T / *
rvuiariée i M. Dtsuois.
CATHERINE,
JE A N ,
Intimé.
1
JX A X -Jo jcru
de
L
a x o c b i.
JEAN-MARIE-CLAIRE, ,
•J- le 3 germin»! an a.
ANTOINETTE,
i
J
ia
»
V
ia lfo r t.
MARGUERITE.
MARIE.
CATHERINE-M ARIE-LOUISE
à
G
u il l a u m e de l ’E î p i s a s s e
H « li gi cU S «S <
CLAUDE-GII.BERT.
de ç u ju t.
M
a R I E - F hA S C O H E ,
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J eas V ialtoxt.
[ n lim tt.
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e A S-Ba î TU TE.
JO S EP H .
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II
•
K
I
v>
cchue
au
�Desrois,
a v ai t
m i e r mari.
perdu l ’ usufruit des biens de son pre
Elle se maintint dans la possession du
tiers
de la terre d ’A u z a t , qui était échu à l ’émigré l ’Espiuasse, et que l’E t a t négligea de réclamer contr’elle,
dans l’ignorance, sans d o u t e , de son convoi ou des
clauses de son premier contrat de mariage.
Cependant* le sieur l ’Espinasse père avait cédé au
sieur Gren ier, à la charge de le garantir des dettes, et ,
pour la somme de 3 ooo fr. , tous les droits qui lui
avaient été délaissés par l ’Etat.
U n e contestation s’étant élevée entre le cédataire et
la dame Desrois, pour le partage des biens de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac , son premier
mari, il fut question de la terre d ’A u z a t , de la posses
sion illégale de cette dame et de la négligence des em
p lo yés de la régie. Mais cela n ’eut pas de suites; le sieur
Grenier étant sans qualité pour réclamer, la dame
Desrois se maintint dans sa jouissance.
Les événemens mémorables de i 8 i 5 produisirent la
restauration. Alors les familles des emigres purent
espérer de recouvrer ceux de leurs biens dont l ’É t a t
était encore en possession.
Un premieractede justice fut fait par une ordonnance
royale du \ juin 18 14 s (1M>> cn réunissant au domaine
de la couronne les biens qui formaient la dotation des
sénatoreries, ordonna q u ’on eu distrairait les propriétés
particulières acquises
par voie de confiscation , et
q u ’elles seraient rendues aux anciens propriétaires.
Par l ’eifet de cette ordonnance, le sieur de l ’Espinasse
père devait recouvrer le huitième de la terre de Saint2
�Martin , qui faisait partie de la dotation de la sénatorerie de Riom.
Bientôt est publiée une loi plus générale, celle du
5 décembre 18 14 s Par laquelle le pouvoir législatif
ordonne que « tous les biens immeubles séquestrés ou
« confisqués pour cause d ’émigration, ainsi que ceux
« advenus à 1 É t a t par suite de partage de successions
« ou presuccessions, qui n ’ont pas été vendus et font
« actuellement
partie
du
domaine p u b l i c , seront
« rendus en nature à ceux q ui en étaient proprié« taires, ou à leurs héritiers ou aya^it cause. »
E n vertu de l ’ordonnance du 4 juin et de la loi du
5 décembre, le sieur de l’Espinasse père avait à récla
mer, soit le huitième de la terre de St-M a rtin , soit le
tiers de celle d ’Auza t.
Dans l ’ignorance de ses droits h ce dernier ob jet, il
n agit (1 abord, que pour le huitième de la terre de
St-Martin.
L e sieur Grenier prétendit alors que les droits du
sieur de l ’Espinasse à celte terre étaient compris dans
la cession q u ’ il lui avait faite, le 18 vendémiaire an
i /j .
C ette erreur fut repoussée d ’abord par le tribunal
d ’Is^oire, ensuite par la cour de lliom.
L e jugement du tribunal d ’issoire considère dans ses
motifs, « que les biens dont il s’agit étaient irrévoca» blement réunis à la dotation du sé nat, deux ans avant
» la cession faite par M. de l ’Espiuasse à M. Grenier;
» ‘ lue, dans la supposition où les biens eussent été
» nominativement compris daus ladite succession , la
�V* •
*
c „
)
m
>
» clause eut ¿té, par les lois existantes, déclarée comme
» non avenue. »
E t , dans son dispositif, le tribunal déclare que la
qualité de représentant d u .sieur C la u d e-G ilb ert de
l ’Espinasse } p o u r l ’objet en question, repose dans la
seule personne du sieur de l ’Espinasse père, et q u e ,
p a r conséquent, il est seu l habile à se pourvoir devant
la commission du gouvernem ent, p o u r être envoyé en
possession des biens restitués p a r ordonnance royale.
Tel est le jugement que la cour de R f o m , chambres
réunies, confirma, purement et simplement en ce point,
par-arrêt du 3 mars 1817.
Depuis, par acte authentique du 29 octobre 1817 ,
le
sieur
de l ’Espinasse, qui avait une affection particu
lière pour le sieur Bournet son parent et son successible, lui a fait donation entre vi fs , de tous les droits
qui résultaient, en sa fave ur , de l ’ordonnance royale
du 4 juin 1 8 1 4 5 île la loi du 5 décembre su ivant, et
de l ’arrêt de la C o u r , du 3 mars 1817.
Cependant cet arrêt avait ordonné que M. de l ’Espinassc con trib u e rait , dans la pioporlion de la valeur
du huitième de la terre de St-M arlin, aux dettes de la
succession du sieur de l ’Espinasse fils.
E n exécution de cetarrêl, il fut procédé à un compte,
lors duquel des débats s’élevèrent. On parla de la terre
d ’ A u z a t ; et le sieur Bournet découvrit alors les droits
de son donateur au tiers de cette terre, et la posses
sion illégitime dans laquelle s’élait maintenue la dame
Desrois.
Il forma aussitôt, devant le tribunal civil d ’ Issoire,
�la demande
en
paYtage des biens de la succession d’Al-
debert de Sévérac, qui étaient situés dans le départe
ment du Puy-de-Dôme, et il en réclama un tiers, comme
représentant le sieur de l ’Espinasse iils, héritier pour
un tiers de cette succession , les deux autres tiers ap
partenant à la dame Desrois, du chef de Marie et de
Marguerite
de Sévérac, dont elle avait acquis les droits.
C ett e action avait pour b u t , principalement, d ’ob
tenir le tiers de la terre d ’Au zat.
E lle fut accueillie par jugement du 19 décembre 1822,
qui condamna la dame Desrois et son mari à rapporter
ou à faire rapporter au partage, i° tous les immeubles
de la succession ; 20 la valeur des dégradations q u ’ils
avaient commises \ 3 ° les jouissances q u ’ils avaient per
çues depuis le 5 décembre 1 8 1 1\.
L a dame et le sieur Desrois interjetèrent appel de ce
jugement.
L e sieur B o u r n e t se p l a i g n i t aussi, par un appel
inc iden t, de ce que la dame et le si eur Desrois n ’ a v a i e n t
pas été condamnés au rapport des jouissances depuis la
date du second mariage.
Devant la C o u r, la daine Desrois n ’épargna rien pour
faire triompher des prétentions illégitimes.
E lle soutint q u ’elle était seule propriétaire du tiers
de la terre d ’A u z a t , réclamé par le sieur Bournet ,
comme du surplus de cette terre.
Il lui appartenait, disait-elle, «Vplusieurs titres :
Co mm e subrogée aux droits du sieur Grenier, à qui
la cession en avait été faite, et avec qui elle avait clleincine truité ;
�Comm e l ’ayant acquis des demoiselles de Sévérac, a
qui ce tiers appartenait ;
Comme exerçant, dans tous les cas, les actions des
demoiselles de Sévérac, qui lui avaient vendu toute la
succession d ’Àldebert de Sévérac, et q u ’elle prétendait
être héritières, pour m oit ié, de l ’émigré l ’Espinasse.
Sous ce dernier rapport, la dame Desrois demandait
à être admise, du chef des dames Marie et Marguerite
de Sévérac, à réclamer les biens rendus par l ’ordonnance
du 4 juin 18 14 ? et Par k' loi du 5 décembre i 8 i 4 ; elle
concluait aussi à ce que le sieur Bournet fut tenu de
rapporter le huitièmede la terre d e S t - M a r l i n , q u ’avait
obtenu le sieur de l’Espinasse père ; elle réclamait la
moitié, soit de ce huitième, soit du tiers de la terre
d ’A u z a t , échus à ' l ’émigré l ’Espinasse.
' Toutes ces questions furent débattues pendant p l u
sieurs audiences, devant la C o u r ; tou tes, elles furent
jugées en thèse, par arrêt du deux janvier 1827 , qui
confirma le ju gem ent , quant à l ’appel principal, et
qui, l ’infirmant sur l ’a p p e l incident, condamna lad amç
Desrois à restituer les jouissances q u ’elle avait perçues,
du jour de son convoi avec le sieur Desrois.
Les motifs de l ’arrêt déclarent que ce serait sans
qualité comme sans dr oit, que la dame Desrois vou
drait retenir le tiers de la terre d ’Auzat, et q u ’elle n’en
avait été ni pu être saisie par la cession que lui avaient
faites les deux dames de Sévérac, le 3 o floréal an 5 .
Cependant
comme l'on contestait au sieur de l ’Es-
pinasse père et au sieur Bournet son donataire la qualité
d ’ héritier unique de l ’émigré, et que l ’on soutenait que
�( r4 )
les clames de SévérajC étaient aussi les héritières de celuici pour la moitié des biens q u ’avait rendus la loi du
5 décembre 18 i 4 ? la C o u r eut à se prononcer sur cette
question, et elle la décida par des motifs aussi puissans
que précis.
E n voici le texte*:
« Considérant q u ’aux termes de celte loi (la loi du
« 5 décembre 18 i 4 ) > les biens dont elle a ordonné la
« remise ont du. être rendus en nature à ceux qui en
« étaient propriétairés, ou à leurs héritiers ou ayant
« cause.
_
J
« Que le sieur G uillaum e de l ’Espinasse, aux droits
« duquel est la partie d ’Allem and , ayant élé reconnu
« et déclaré être le seul représentant
de
Cla u de de
« l ’Espinasse son fils , par le jugement du tribunal
« d ’Issoire et par l ’arrêt de la C o u r , des iG juin 18 iG
« et 3 mars 1 8 1 7 , et ces jugement et arrêt n ’ayant
« pas été a t t a q u é s pa r les pa rt ie s de Bayle , il doit
« demeurer pour constant que le
si eu r G u i l l a u m e de
« l ’Espinasse a été seul appelé à recueillir, du chef de
« Claude-G ilb ert son fils, le bénéfice de la loi du
« 5 décembre 1 8 1 4 ? pour raison de tous les biens
« séquestrés ou confisqués sur ce dernier ;
« C o n s id é r a n t, d ’ailleurs., que le sieur Claude« G il b ert de l ’Espinasse, étant décédé le 1G frimaire
« an 8 , sous l ’empire do la loi du 17 nivôse de l ’an 2,
« et ayant élé amnistié le i 5 ventôse de l ’an 11 ,
« toujours sous l ’empire de la même loi, le sieur de
« l’Espinasse son père a été seul saisi de sa succession >
il suivant lo droit commun ; qu'à la vérité
l ’ e xerci ce
�( '5 )
« de ce droi t, acquis audit sieur de l ’Espinasse père,
»
avait
été suspendu par l'effet des lois sur l’émigia'-
(( t i o n , qui l ’avaient transmis au fisc, mais que les
« droits civils ayant été, depuis, restitués aux émigrés,
« et le sieur l ’Espinasse fils ayant été amnistie , la
« remise, ordonnée par la loi du 5 décembre i B 1 4? de
« ses biens dont l ’E t a t avait été saisi momentanément,
« n ’a pu et du etre faite qu au sieur G uillaum e de
« l ’Espinasse son père, comme seul héiùtier naturel
« au moment de son décès ;
« Considérant, au surplus, et en ce qui touche la
demande
subsidiaire que les parties de Bayle ont formée
seules sur 1 appel ,
« Que le tiers de la terre d ’ Auzat formait, ainsi que
« le huitième de la terre de Saint -Martin , la quotité
« de ces biens que le sieur de l ’Espinasse fils aurait
« recueillis dans les successions de Jean-Marie-Claire
« et de 1^rançois-Aldebert de Sévérac, s’il
« émigré, et que la nation avait
« Q u e , dès
q u ’ il
n ’e û t
r ec ue i ll i e p o u r
pas
lui;
a été reconnu et décidé par les
« jugement et arrêt des seize juin mil huit cent seize
« et trois mars mil huit cent dix -se pt, que le sieur de
« l ’Espinasse père avait e u , seul, le droit de réclamer
« la remise du huitième de la terre de Saint-Marlin ,
« en vertu de la loi du cinq décembre 18 1 4 ? les mêmes
« motifs qui ont fait admettre la réclamation du sieur
« de l ’ Espinassc père par rapport au huitième de la
« terre de Saint-Martin , comme étant l ’ unique héritier
« de son fils, doivent aussi faire accueillir celle que le
« sieur Bournet son donataire a formée,
quant au
�(
)
« tiers de la terre d ’A u z a t , sans être assujetti à aucun
« rapport, respectivement à la terre de S ain t -M arti n ,
« et sans q u ’il y ait d ’autre opération à faire que de
« procéder au partage de la terre d ’A u z a t , et du mobi« lier qui en dépendait, pour en être attribué un tiers
« au sieur Bournet, avec les jouissances, suivant q u ’elles
« seront ci après réglées. »
L a dame Desrois se pourvut en cassation contre
l'arrêt. L e pourvoi fut rejeté par la section des requêtes.
L e sieur Bournet devait donc croire q u ’il était désor
mais à l ’abri de toutes tracasseries.
M ais , sur la revendication de la moitié du bien de
l ’émigré l ’Espinasse, la C our de cassation, examinant
seulement la qualité de la dame Desrois, se borna à
déclarer « q u ’il était reconnu en fait que la cession
« consentie, en floréal an 5 , n ’avait point porté ni pu
« p o rt er sur la succession du fils l’Espinasse, décédé
« seulement en f r i m a i r e a n 8 ; q u ’ e ^ e portait seule« ment sur la succession de François-Ald eb er t de
« Sévérac, et q u e , même sur cette succession , elle ne
« conférait nullement à la cessionnaire le tiers en
« question (le tiers de la terre d ’A u z a t ) ;
« Q u ’ainsi , ne pouvant non plus représenter les
« deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
« la veuve de Sévérac, épouse Desrois, était également
« sans qualité pour eu exercer les droits. »
L e silence de la C o u r de cassation sur le fond du
droit, dont elle n’avait pas à s’occuper, à fait concevoir
a la dame et au sieur Desrois le projet de
renouveler
le
j) roc es sous le nom des héritiers maternels des religieuses,
�( *7 )
Ils ont
t ra i té
avec eux par un acte sous seing privé
q u ’ils ne présentent pa s, de crainte que l ’on n ’en
remarque
le faible prix; e t , agissant sous le nom de
cfcs prétendus héritiers, ils ont formé, soit contr’euxmêmes comme détenteurs de
la
terre d ’A u z a t , soit
contre le sieur Bournet , la demande en partage de la
succession de Claude-Gilbert de l ’Espinasse lils.
C ’est par exploit du 16 août 1828 , que l ’action à
été intentée.
n
Les prétentions que l ’on y élève ne sont pas modiques :
non seulement les demandeurs concluent au partage
de la succession de François-Aldebert de Sévérac; non
seulement ils réclament même le rapport de la portion
de la terre de Saint-Martin , restituée au sieur l ’Espin a s s e
par l ’ordonnance du 4 juin 1 8 1 4 , mais ils veulent
encore
faire confondre dans cette succession tous les
biens provenus au fils l ’Espinasse , de la famille de
Sévérac, qui était celle, disent-ils, de Catherine de
Sévérac sa mère.
T o u t e s ces p r é t e n t i o n s o n t été ac cu ei l li es p a r le t riI,
I llW ' l'Ttr ------ 1 I -
* • -»•
4
hunal d ’ Issoire, qui s’est mis en contradiction directe
avec les décisions q u ’il avait rendues l u i - m ê m e , soit
dans une cause semblable entre le sieur de l ’Espinasse
et le sieur Gren ier, soit, dans la même cause, en ire
le sieur Bournet et la daine Desrois, qui a aussi consi
déré comme inutile même, la lierce-opposilion que les
B o n n a f o u x devaient, il semble, former aux arrêts par
lesquels le sieur de TEspinasse père avait élé déclaré
,seul représentant et unique héritier de son iils.
J^es motifs du jugement examinent lu qualité des
«
�(.8 )
■
demandeurs, l ’exception résultant de la nécessité où
ils étaient de former tierce-opposition aux précédens
arrêts, les effets de la loi du 5 décembre 18 1 4 Ils décident que la qualité est suffisamment justifiée
par les actes produits.
Sur la fin de non recevoir, ils déclarent,
« Que les demandeurs n ’ayant pas'figuré dans les
jugemens et arrêts invoqués contr’eux, ont pu remettre
en question ce qui avait été jugé en leur absence; que
l ’article 474
Code de procédure, qui autorisait les
tierces-opposilions'aux jugemens auxquels on n ’avait
pas été pa rtie, accordait une f a cu lt é , mais n ’imposait
pas une obligation. »
Sur le fonds de la cause, ils jugent,
,
« Q u ’en l ’an 4 > au décès de François Aldeberl de
Sévérac, le tiers de sa succession, dévolu à C laude Gilbert L ’Espinasse, alors émigré, fut recueilli par
l ’E t a t qui le représentait ;
« Q u e , lors de l ’amnistie, le
g o u v e r n e m e n t ne réin-
. tégra le sieur L ’Espinasse père q u e dans les biens qui
avaient appartenu au fils décédé en état d ’émigration,
sans y comprendre le tiers allèrent à ce dernier dans
la succession de son oncle François-Aldebert de Sévérac;
« Q u e , dès-lors, ju sq u’au moment de la p r o m u l
gation de la loi du 5 décembre 18 1 4 > l ’ Etat s’est trouvé
propriétaire légal de ce bien; que cette loi n ’a fait
cesser, que pour l ’aven ir, l ’eiFel des lois sur l'éinigration , ce qui s’induit nécessairement de la substitution
faite dans la rédaction du mol rendu au mot restitué
qui se trouvait dans le projet;
�( i9 )
«
Q u ’en
se pénétrant bien de l ’esprit dans lequel
cette loi a été rendue et de la discussion qui a précédé
son
adoption , on voit que le législateur a voulu
accorder une laveur à l ’émigré, k sa famille ou à ceux
à qui il aurait cédé ses droits après la publication de
la loi, et q u ’en désignant les héritiers, il n ’a eu en vue
que ceux qui auraient recueilli la succession s’ il était
décédé postérieurement au 5 décembre i 8 i 4 ;
« Qu e c’est sans fondement q u ’on a prétendu q u ’en
décidant que les biens rendus doivent être attribués
aux héritiers que l ’émigré, décédé sous l ’empire de la
loi du 17 nivôse an 2 , aurait eus s’il eut survécu à la
publication de la loi de 18 r 4 ? ce serait admettre q u ’ un
individu pût laisser deux successions qui
devraient
être régies par des principes différens; q u ’il est évident,
en eff e t, q u ’on ne peut considérer comme ayant fait
partie de la succession de C l aude-Gilbert de L ’Es pi
nasse, décédé sous l ’empire de la loi du 17 nivôse an a ,
des biens q u i , à l'époque où cette succession s’est
ouverte , appartenaient à l ’E t a t ,
et qui n ’ont été
rendus à la famille de l ’émigré que par une loi de grâce
et de laveur, qui n ’a été promulguée que long-tems
après son décès, et qui, d ’après son texte et son esprit,
ne peut avoir aucun effet rétroactif:
« Q u e , d ’ après les lois alors en vigueur, les parens
du sieur de I/Espinasse fils, au degré successible le
plus rapproché, étaient, au 5 décembre 1 8 1 4 , pour
la ligne paternelle,
le sieur de L ’Espinasse père,
représenté par le sieur lîournet;
et , pour la ligne
maternelle, la dame Marguerite de Sévérac, décédée
�\
( 20 )
1e i i
septembre
i8 i
5,
*
Laissant pour héritiers les
demandeurs en partage.
Par ces m o t if s , le tribunal déclare mal fondées les
exceptions proposées par ledit sieur Bournet, les rejette,
et,
statuant au f ond, donne acte à la dame veuve
Desrois et au sieur JDesrois de la déclaration q u ’ils ont
faite par leurs conclusions signifiées 3 q u ’ ils sont prêts
à faire compte, à qui par justice sera ord onné, des,
jouissances dont ils peuvent être tenus ;
« Ordonne que les parties viendront à partage des
Liens meubles et immeubles dépendant de la succession
de François-Aldebert de Séverac; que la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois, en leurs q ualité s, rappor
teront audit partage i° tous les immeubles de ladite
succession dont ils peuvent
être détenteurs;
i° la
valeur des dégradations qui auraient pu y être com
mises, avec les intérêts à partir du jour où elles a u
raient eu lieu ^ 3 les meubles , effets mobiliers et
créances actives qui font partie de la succession, avec
les intérêts à dater du jour du convoi de ladite dame
de C h a u v ig n y de Blot avec le sieur Desrois; 4 °
valeur
des jouissances des immeubles, à partir de la même
époqu e, avec les intérêts à dater de la première de
mande en partage, introduite par le sieur Bournet
contre les sieur et dame Desrois ;
« Ord on ne, en o u t r e , q u e , du tout ¡1 sera fait
masse pour en être attribués deux tiers à la dame
Desrois, en sa qualité de cessionnaire des dames
Marie
et Marguerite de Sévé rac, et l ’autre tiers a u sieur
B o u i n e t , aymvt cause du sieur Lespinasse père., d ’ une
�p a r t , et à Jean Bonnafcmx et consorts, d ’autre p a r t ,
comme représentant ensemble les parens successibles
dans les lignes paternelle et maternelle du sieur C la u de
Gilbert de l’Espinasse ; p o u r , ledit tiers être subdivisé
entr’eux tous, chacun suivant son amendement dans
la portion de ce dernier ; '
« Ordonne , encore , que les parties viendront à
division et partage des b iens possédés par ledit Bournet,
provenant de la succession de Jean-Marie-Cia ire de
Sévcrac n e v e u , situés dans la commune de S t - M a r i i n
desTTains^t
de
autres, ainsi que de ceux de la succession
Claude-G ilbert
de l ’Espinasse, décédé émigré, q ui
1uTprovénaient de l a famille de S év éra c, pour en être
attrïbueea
cha~cïïn sa portion afférente; auquel partage
chaque co-partageant rapportera les biens meubles et
immeubles
dépendant desdites successions, dont il se
trouve en possession , avec restitution de jouissances et
intérêts, depuis son entrée en jouissance, soit par luimême, soit par ceux dont il serait l ’ hé r i t i e r ou l ’ayant
• ■
cause. »
Tels sont littéralement les termes des motifs et du
dispositif du jugement dont on a retranché seulement
quelques membres de phrase, étrangers aux difficultés
à résoudre.
Il résulte de ce jugement que le tribunal a été
beaucoup plus lo in , peut-être, q u ’ il ne s’en doutait.
E n effet, non seulement il a attribué aux deman
deurs un droit sur le tiers de la terre d ’ Au za t et sur
le huitième de la terre de Saint-Martin , comme ayant
été restitués aux héritiers de l ’émigré l ’Espinasse par
�la loi du 5 décembre 18 1 4 1 mais encore il a condamné
le sieur Bournet à rapporter au partage tous les autres
biens meubles et immeubles provenant de la f a m ille de
Se’véra c; et par conséquent, soit les terres ou les por
tions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui avaient
été restituées au sieur l ’Espinasse p è re , dès le 25 ther
midor an i i , par un arrêté du préfet du C a n t a l ; soit
encore les biens mêmes que pouvait avoir recueillis le
sieur de l ’Espinasse fils dans la succession de la dame
de Séverac sa m è r e , avant son émigration ; ces biens
qui furent également restitués au sieur de l ’EspinaSse
père, par les arrêtés des préfets du Puy-de-Dôme et de
la Ilaute-Loire", des 11 germinal an 11 et 7 frimaire
an 12.
.
C ette étrange largesse n ’est, sans doute, que l ’efTet
d ’une erreur q u ’ont pr od uite , on doit le croire, les
conclusions des demandeurs.
Mais elle prouve, a u m o i n s , q u e le tribunal a été
fort peu a tten ti f aux faits de la cause, comme nous
démontrerons q u ’il a commis les plus graves erreurs en
principes.
L e sieur Bournet a interjeté appel de ce jugement
contre les B o n n a f o u x , demandeurs apparenô.
Il a aussi appelé devant la C o u r la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois son fils, demandeurs réels;
et toutes les questions soulevées devant les premiers
juges se reproduisent aujourd’hui.
C e t appel donne donc lieu à examiner les qualités
des demandeurs, la procédure q u ’ils ont tenue, le foiidement enfin des prétentions q u ’ils élèvent.
�C 23 )
Mais, sur le premier o b je t , on se bornera a faire
que les qualités ne paraissent pas suffisamment
justifiées, en ce sens, au moins, que les Bonnafoux ne
ob s erve r
représentent pas toutes les branches des parens m a
ternels de l ’émigré. On se réserve, d ’ailleurs, devérifier
les actes de famille q ui pourraient être rapportés.
Le second objet exigera quelque discussion.
L e troisième, comme le plus im po rta nt, recevra tout
le développement qui est, il semble, nécessaire pour
faire apprécier sainement les droits des parties.
S Ier. 1
*
i
P rocédure tenue p a r les dem andeurs.
~La procédure des demandeurs a été peu régulière.
Ils se présentaient comme héritiers, pour m oiti é, de
C l a u d e - G il b er t
de l ’Espinasse , d o n t , d ’après eux-
mêmes, ils n ’étaient parens q u ’à un degré très-éloigné.
Ils n ignoraient pas q u e , par plusieurs jugemens et
par plusieurs arrê ts, le sieur de l ’Espinasse père avait
été déclaré seul héritier, seul représentant du sieur
Cla ude -G ilb ert de l ’Espinasse, son fils.
C ’é t a i t , en effet, ce q u ’avait décidé un premier
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire, le i3 juin
18 i <3 , entre le sieur de l ’Espinasse père et le sieur
Gren ier, relativement à la terre de St-Martin , objet
du procès alors comme aujourd ’ hui. Dans le dispositif
du ju g em e nt , le tribunal déclare que la q u a lité de
représentant du sieur C la u d e de /’E sp in a sse, p o u r
l ’objet dont est q u estio n ,
sonne du sie u r de l
repose
’ E s p i n a s s e pfcniî,
dans
la. s e u l e
per
et, par conséquent,
�* 1
( 24 )
q u ’ il est s e ul h a b i l e à se p o u r v o i r d e v a n t la commission
d u G ouvernem entj p o u r être envoyé en possession des
biens restitue's p a r ordonnance royale.
'»
O r , ce jugement fut confirmé par un arrêt solennel
des chambres réunies de la C o u r de Iliom , prononcé
le 3 mars 1817.
C ’est encore ce q u ’avaient jugé et le même tribunal
d ’ Issoire et la même C o u r de R i o m , entre le sieur
Bournet et les sieur et dame Desrois, qui élevaient
les mêmes questions, renouvelées aujourd'hui par euxmêmes sous le nom des Bonnafoux dont ils sont les
cédataires déguisés. Alors aussi la dame Desrois préten
dait que le sieur Bournet n’avait droit , du chef du
sieur de l ’Espinasse père , q u ’à la moitié des biens
restitués par les ordonnances royales et par la loi du
5 décembre 1814 j elle soutenait que la moitié de ces
biens a p p a r t e n a i t aux religieuses de Sévérac dont il
se disait le cédataire ou le c ré an ci er , e t dont il déclarait
exercer les droits; alors, en un m ot, elle agitait toutes
les difficultés qui se présentent aujourd’ hui; et, toutes,
elles furent repoussées par le tribunal et par la Cour,
dans un jugement du
19 décembre 1 8 2 2 , dans un
arrêt du 2 janvier 1 8 27 ; par la C o u r , notam ment,
qui , après les plaidoiries
les plus soignées, après
l ’examen le plus scrup uleux, déclare dans ses motifs ,
« que le sieur G uil la um e de l ’Espinasse a été seu l
« a p p elé à r e c u e illir , du chef de C la u d e - G il b e r t son
« fils, le bénéfice de la loi du 5 décembre 18 1 /|., p o u r
« raison de tous les biens séquestrés ou
« sur ce dernier. »
c o n fis q u é s
�( 25 )
Comment
/
concevoir q u e , sans q u ’il fut pris aucune
voie pour faire disparaître'ces respectables décisions,
un tribunal inférieur ait pu anéantir des droits aussi
solennellement consacrés ?
Mais, a-t-on d i t , ces décisions sont étrangères aux
Bonnafoux et consorts. Elles sont pour eux res inter
alios cictci.
Elles sont étrangères
aux
Bonnafoux ; mais les
Bonnafoux sont-ils les vraies parties de la cause? qui
oserait l ’affirmer? il est co n nu , il est notoire q•*u ’ils «ne
jo u e n t , dans cette nouvelle contestation, que le rôle
salarié de complaisans prête-noms, et que la dame et
le sieur Desrois ont acquis, au plus vil prix , leurs pré
tendus droits, afin de retarder l ’exécution des arrêts
de la justice, et la restitution d ’immeubles dont ils
s’étaient illégalement emparés. C e n’est q u ’en cachant
dans l ’ombre une cession prohibée par la l o i, q u ’ils
traînent encore le sieur Bournet devant les tribunaux.
A u reste, q uoiq u’étrangères aux demandeurs en ce
sens (jue ceujc-ci n ’y avaient pa s ete p a r tie s, les dé
cisions que nous venons de rappeler devaient être atta
quées, de leur part, par la voie de la tierce-opposition.
C ette voie extraordinaire, autorisée par l ’article 474
du Code de procédure comme elle l’était par les anciens
principes, a été introduite précisément pour les cas
où des tiers n’auraient pas été appelés à des jugemens,
à des arrêts qui pourraient leur nuire en att ribua n t à
un autre une qualité, un droit, un immeuble qui leur
appartiendrait.
Ces tiers sont autorisés à former tierce-opposition
4
�( 26 )
à ces décisions rendues hors leur présence, et à débattre
leurs propres moyens, à faire valoir leurs titres devant
le même tribunal qui a déjà eu à prononcer sur les
mêmes questions.
L a loi le vent ainsi dans le b ut de concilier ce qui est
du à la dignité de la justice et ce que réclame l ’intérêt
des parties;
, Ce qui est dû à la d ig n ité de la j u s t i c e , qui serait
compromise si non seulement les mêmes moyens, mais
encore les mêmes droits, la même cause étaient ac
cueillis par tel tribunal et repoussés par tel autre, sans
que celui qui d ’abord s’est prononcé ait été appelé, ou
à reconnaître sou erreur si une discussion plus appro
fondie la lui signalait, ou à consacrer son opinion par
un second jugement si un second examen lui en démon
trait la justice.
Ce que
réclame l ’intérêt des parties ; car il
convenable que ceux auxquels
sont
est
opposés (f^s juge-
mens, des arrêts oii ils n ’ont pas été appelés soient
admis à se défendre eux-mêmes, à présenter sous un
jour plus simp le, peut-être, la cause que ce jugement
a condamnée, à l ’appuyer d ’ une discussion plus forte,
plus entraînante, s’ils en ont le pouvoir; en un m o t ,
à soumettre les observations q u ’ ils croient propies à
ramener le magistrat à une opinion qui leur soit
favorable.
C ’est ce double b ut que la tierce-opposition est
destinée à remplir.
Soutenir q u ’elle n’est pas nécessaire parce que l ’ar
ticle 1 35 i du code civil n ’accorde la force do la chose
�(.,>
jugée
q u ’a u x
'
*Y-
jugemens rendus entre les mêmes parties
et pour le même o b j e t , c’est évidemment méconnaître
l'esprit de cette règle législative; c ’est aussi blesser la
lettre comme le sens de l’ article 474 du code de pro
cédure.
Sans doute l ’autorité de la chose jugée'n’a pas lieu
dans les cas prévus par l ’article
i
3 5 i
du code civ il;
car
si elle existait, il ne serait pas permis, même au tiers,
de la détruire. Mais c’est précisément d ’après le prin
cipe de l ’article 1 3 5 1 , que l ’article 474 du code de
procédure autorise la tierce-opposition. A l ’aide de
cette voie extraordinaire, les intérêts des tiers et le
respect
dù à la justice sont également ménagés, puisque
les tiers obtiennent le droit de sou tenir personnellement
leurs propres intérêts, et que la justice est elle-même
appelée à reviser, avec son impartialité ordinaire, ses“
propres décisions.
Pré tendre , d ’ailleurs, que la tierce-opposition est
in u til e , c est évidemment iaire une injure à la sagesse
du législateur que l ’on accuserait d avoir é t a b l i , dans
l ’article 474 d u c°de du procédure, une formalité abso
lument frustraloire ; c’est même vouloir rayer cet ar
ticle de la loi; car , s’il en était ainsi, quel serait le
plaideur qui ne se dispenserait pas de la règle, ne fùtce même que pour éviter l ’amende à laquelle doit être
condamné le tiers-opposant qui succombe?
La tierce-opposition est sur-tout indispensable lors
que celui qui réclame ne se borne pas à résister à une
action exercée contre lui en vertu d ’ un jugement qui
lui est étranger, mais q u ’ il prend lui-même l ’initiative;
�q u ’il veut obtenir de la justice ce que déjà elle a at
tribué à un autre; que ses efforts tendent à paralyser
les effets de jugemens ou arrêts antérieurs.
O r , C’est précisément ce q u i arrive dans l ’espèce.
L e sieur Bournet a déjà dans ses m ain s, et en vertu
de décisions judiciaires, aujourd’hui définitives, le hui
tième de la terre de Saint-Martin. Il a, de plus, obtenu,
contre le sieur et contre la dame Desrois, des décisions
semblables qui condamnent ce ux -c i à lui délaisser le
tiers de la terre d ’ A u z a t , et à lui restituer de nom
breuses jouissances. C e sont les effets de ces décisions
que tend à anéantir la demande des Bonnafoux. C o m
ment pourrait-elle être accueillie sans une tierce-oppositionPEt comment se f a i t - i l q u ’étant avertis du moyen,
puisque le sieur Desrois l ’in vo q u ait,
les Bonnafoux
n ’aient pas pris la sage précaution de former cette
tierce-opposition devant le tribunal , d ’ Issoire , qui
devait en c o n n a î t r e ? car les arrêts de la C o u r étaient
confirmatifs de jugemens rendus pa r ce t r i b u n a l .
C ette négligence aveugle ou plutôt cette étrange
obstination à ne tenir aucun compte des décisions de
la justice recevra sans doute son prix par l'annulation
de toute la procédure des Bonnafoux et consorts.
Mais, s’il fallait examiner le fonds de leurs pré
tentions, il serait facile d ’en démontrer l ’erreur.
S II.
E xa m en du f o n d des prétentions des intim és.
Les Bonnafoux et consorts, se prétendant héritiers
de l ’émigré C la u de de l ’Espinasse, ont réclamé, °n.
�vertu de la loi du 5 décembre i 8 i 4 j non-seulement
les immeubles rendus par cette lo i, mais encore ceux
qui avaient été restitués antérieurement.
Tou t ce q u ’ils demandaient leur a été accordé, par
une erreur de droit sur le sens de la loi quant aux
objets de la première classe, par une erreur de f a it ,
même dans leur propre sy s tè m e , relativement aux
biens précédemment recouvrés.
Examinons successivement les deux points :
L ’erreur de droit sera facile à démontrer en se fixant
sur les termes comme sur l’esprit de la loi, sur l ’opinion
des auteurs, sur la jurisprudence même des arrêts;
car tous les élémeus de doctrine se réunissent pour
repousser
les prétentions des Bonnafoux.
L a loi du 5 décembre 18 1 4 peut être considérée sous
deux rapports : ou comme un acte de justice, ou comme
un acte de libéralité. Or, sous l’un comme sous l ’autre
de ces rapports, elle ne peut être que favorable au
sieur Bournet.
Considérée comme acte de justice, cette loi a dù
nécessairement diriger ses dispositions en faveur de
ceux auxquels avait nui la confiscation, dont elle avait
pour b ut de réparer les effets, au moins en partie; e t ,
par conséquent, ses avantages ont dù être recueillis par
l ’émigré lui-mêm e, s'il était encore vivant; par l ’ héritier de cet émigré, si celui-ci n’existait plus au mo
ment de la loi. La justice v o u l a i t , en effet, que l ’ hé
ritier profitât de ce q u ’aurait dù recevoir l’émigré luimême, parce q ue, si la remise avait eu lieu avant le
décès de l ’émigré, l’ héritier aurait trouvé dans la suc-
�‘
( 3o )
*
cession, ou les objets remis, ou leur valeur; parce que,
en ce sens, c ’était réellement l ’ héritier qui avait perdu.
O r , c’est précisément ce que la justice prescrivait,
q u ’a entendu faire le législateur.
11 nous l ’apprend lui-même dans deux de ses actes :
dans l ’ordonnance du 21 août 1 8 1 4 , qui a précédé la
loi du 5 décembre, et dans les considérans où sont
indiqués les motifs qui ont dicté cette loi.
Dans l’ordonnance du 2 r a o û t , l ’auteur de la Charte
constitutionnelle, en la rap pelant, fait connaître sa
pensée toute entière, par ces expressions remarquables:
« L e vœu le plus cher à notre cœur est que tous les
» Français vivent en frères, et que jamais aucun sou» venir am er ne trouble la sécu rité qui doit suivre un
» acte aussi solennel. »
C ’est en exprimant ce v œ u , q u ’il annonce une loi
prochaine sur la restitution des biens non vendus des
émigres; et c est en exécution de ce vœu q u ’est pré
sentée et q u ’est adoptée la loi du 5 décembre.
O r , quel était le b ut de celte loi?
L e législateur nous l’apprend l u i- m ê m e dans son
préambule.
Il y déclare q u ’en rendant une prem ière ju s tic e par
l ’ordonnance du
21
a o û t , qui abolissait toutes les
inscriptions encore existantes sur les listes des émigrés,
il a annoncé l ’intention de présenter aux chambres
une loi sur la remise des biens non vendus.
Il
ajoute q u e , dans les dispositions de cette loi, il a
dù concilier un acte de ju s tic e avec le respret dû à des
droits acquis p a r des tiers en vertu des
lo is
existantes.
�r
( 3- )
>3
T e l s sont les m o t i f s s ur l esq ue ls est f on d é e u n e loi
o ù l ’on r e m a r q u e trois p r i n c i p a l e s d is p os i t io n s :
L ’une consignée dans l ’article i er, par laquelle «sont
» maintenus, soit envers l ’É t a t , soit envers les tiers,
» tous jugemens et décisions rendus, tous droits ac» quis avant la publication de la C h ar te constitution» nelle, et qui seraient fondés sur des lois ou actes
» du Gouvernement , relatifs à l ’émigration. » .
L ’autre, contenue dans l ’article 2 , et
qui
est ainsi
conçue :
« Tous les biens immeubles séquestrés ou confisqués
» pour cause d ’ém igrat ion, ainsi que ceux advenus à
» l ’État par suite de partage de successions ou de pré» successions, qui n'ont pas été vendus et font actuel»
lement
partie du domaine de l ’É t a t , seront rendus
» en nature à c e u x qui en étaient propriétaires, ou ci
» leurs héritiers ou ayant cause. »
L a t r o i s i è m e , e x p r i m é e pa r l ’a r t i c l e
\!\,
q u i réserve
a u x c réanci ers des é mi gr é s toutes a ctio ns su r les b i e ns
r e n d u s , en s u s p e n d a n t , s e u l e m e n t j u s q u ’ au i " j a n v i e r
1 8 1 6 , l ’e xerci ce de ces ac ti on s.
Que l ’on combine les motifs qui ont dicté l ’ordon
nance du 21 août avec ceux qui ont préparé la loi du
5 décembre, avec les dispositions littérales de cette loi.
Q u ’y reconnaitra-t-on ?
Que la loi s’est proposé de concilier tous les esprits,
d ’efiacer tous souvenirs a m e r s , de ramener tous les
Français îi une douce concorde, de les engager à vivre
tous en frères.
Que devait-elle faire pour remplir cet heureux b u t ?
y
�,*.V
i r* ‘
vi
l
( 3= )
Elle devai t, sur-tout, être jii9te!
E lle devait donc concilier tous les intérêts, tous les
droits.
,
D o n c , elle devait rendre les biens confisqués à ceux
qui en avaient été privés, c’est-à-dire aux émigrés euxmêmes s’ils étaient encore vivans; à leurs héritiers, si
ces émigrés étaient morts. C ar les héritiers avaient été
réellement privés, comme l ’émigré q u ’ils représentaient,
de tous les biens confisqués sur c e lu i - c i , puisque ces
biens leur seraient parvenus sans la confiscation.
Donc aussi elle devait respecter les droits acquis;
ca r , en les vio la n t, la justice aurait été blessée.
Donc,
enfin,
elle devait protéger les droits des
créanciers des émigrés.
O r c’est précisément tout cela q u ’elle a fait par les
articles cités; puisqu’à défaut de l ’cmigré, la remise a
été faite à son héritier; puisque les droits acquis ont
été maintenus; p u i s q u e les a c ti on s des créanciers ont
été ménagées.
Ainsi
l ’on doit
reconnaître que c ’est à titre de
justice que la remise a été faite.
E t comment pouvoir soutenir q u e , dans l ’intention
du législateur, cette remise a été une pure libéralité,
tandis que dans la loi il parle plusieurs fois d ’actes (le
justice à faire, sans employer une seule fois le nom do
lib é r a lité ?
Co mm en t ne pas réfléchir, aussi, q u e , s’ il s’était
agi d ’ un simple d o n , les actions de tous créanciers,
ou non, n’auraient pas été réservés sur les biens
rendus? c ar ces biens étant devenus, par lu d é c h é a n c e ,
déchus
�( 33 )
libres de dettes dans la main de l ’É t a t , auraient passé
libres aussi'dans celle d ’ un donataire qui n ’aurait pu
être tenu de payer les dettes d ’ un émigré dont il n ’au
rait
pas été le vrai héritier. E t cependant une jurispi u-
dence’ constante a chargé d ’ une contribution propor
tionnelle aux dettes ces héritiers eux-mêmes q u i , avant
la l o i , avaient cédé à un t i e r s , aux risques de celui-ci,
tous leurs droits héréditaires, et q u i , ayant recouvré
par Cette loi les biens non vendus,
refusaient de
contribuer avec leur propre cédataire au paiement des
dettes, sous prétexte que la remise n ’était q u ’une
libéralité. Cela a été ainsi jugé notamment entre le
sieur de l ’Espinasse lui-m«me et le sieur Grenier, par
arrêt de la cour de Riom , du 3 mars 1 8 1 7 ; et cet
arrêt fut confirmé par la cour de cassation, qui depuis
a rendu deux décisions semblables, les 26 juillet 1826
et 24 avril 1827 ( Y . Sirey, 27. 1. 100 et
Mais, d i t - o n , on a substitué dans la loi le mot
rendre au mot restituer, qui était dans le projet.
Q u ’importe? n ’est-ce pas une misérable subtilité que
de trouver dans cette substitution un acte de libéralité
dont la loi ne parle pas, au lieu d ’ un acte de ju s tic e
q u ’elle annonce positivement!
,
Telle ne fut pas, au reste, la pensée qui dicta au
législateur ce léger changement de mots; la cause en
est connue : le législateur craignit que l ’emploi du mot
restituer ne fit supposer q u ’il entendait signaler connue
une spoliation la main-mise nationale sur les biens des
émigrés.
Car 011 restitue ce q u ’on a v o lé ou,pris sans droit.
5
�Ut
k
(
3 4
)
On rend ou l ’on remet ce que l ’on a r e ç u , ce dont
on s’est chargé.
*- E n employant le mot vendre comme étant l ’expres
sion la plus juste et la plus douce, le législateur a voulu
prévenir toute fausse interprétation tendante à ‘flétrir
d ’anciennes lois, qui avaient été sévères sans dou te,
mais que les dangers de l ’E t a t avaient peut-être com
mandées.
C ’est dansce b ut unique, non dans celui d ’indiquer
un don , que l ’on a remplacé le mot restituer, non par
le mot donner, mais par le mot rendre, qui a un tout
autre sens.
L ’on donne à qui l ’on veut, par une pure générosité,
ou par des senlimens particuliers d ’affection.
Mais l ’on ne rend q u ’à celui qui a eu , et q u i , sinon
a la rigueur, au moins en éq uité , a le droit de re
couvrer.
Or, la loi de 1814 n ’ a été le fruit, ni d ’ une affection
spéciale, ni d ’ une générosité c a p r i c i e u s e , qui ait voulu
gratifier, par une étrange préférence, une classe de
citoyens plutôt q u ’une autre ; elle a été dictée par le
sage désir d ’éteindre toutes les haines, en réparant,
autant que possible, d ’anciens maux et de grandes
pertes. L ib éra le, si l ’on v e u t , en ce sens q u ’elle ac
cordait ce q u ’elle pouvait refuser, elle a cherché prin
cipalement à être juste, d ’ une justice politique et civile
tout à la fois; d ’ une ju s tic e ¡)oliti<jue, sa mesure bien
faisante tendant h détruire de funestes germes de dis
corde; d ’ une ju s tic e civile,-en ordonnant que les biens
fussent rendus à ceux-là mêmes qui en avaient été
�( 35 )
les propriétaires, ou à leurs héritiers ou ayant cause.
C ertes, ce ne serait ni faire l ’acte cle ju s tic e annoncé
par la l o i , ni remplir le b ut cle conciliation et (le
c o n c o rd e q u ’elle se proposait, que de rendre les biens
non vendus, non au parent le plus proche de l ’émigré
l ’Espinasse, mais h ses parens les plus éloignés; non
au seul héritier q u ’ il avait laissé, à cet héritier q ui
seul avait pleuré sa mort , q ui seul avait fait réhabi
liter sa mémoire,
qui seul avait accepté les charges
de sa succession, à son malheureux père enfin, encore
existant au jour ou a paru la loi du j decembie i 8 i ^ ;
mais à d ’indifierens collatéraux qui ne s’ étaient jamais
occup és du sort de l ’émigré, q u i ,
peut-être m ê m e ,
avaient toujours ignoré son existence.
On opposera peut-être q u ’au moment de son décès,
en frimaire an 8 ,
le sieur de l ’Espinasse fils était
émigré, q u e , comme tel, il était frappé de mort civile,
et q u ’ainsi il n ’a pu transmettre alors aucun droit à
aucun héritier.
C ette question, s'il était utile de l ’app ro fo ndir ,
présenterait des difficultés d ’autant plus sérieuses ,
q u ’elle a été diversement jugée par la C o u r de cassation
elle-même.
Dans l’ancienne jurisprudence, si l ’on rendait les
'biens confisqués sur un individu mort c i v il e m e n t, la
remise en était toujours faite à l ’ héritier du tems de
la mort naturelle. C ’est ce q u ’avait décidé la C o u r
de cassation par un premier arrêt du 21 fructidor
an 8; et c’est ce q u ’elle a jugé encore par un second
a n ê t , du 21 décembre 1807 , relativement à la suc
�cession d ’un
émigré,
dont la
mort
avait précédé
l ’amnistie. On lit dans l'arrêt ce motif remarquable :
« C ’est Vhéritier légitim e à l ’époque de la mort
« naturelle de l ’émigré, qui a dù recueillir sa succes« sion ( i ) . »
D e p u is, par un arrêt du j
août 1820, la même
C o u r suprême a pensé que la succession de l ’émigré
amnistié après sa mort n ’était censée ouverte q u 'a u
jour de l ’amnistie, et q u ’elle appartenait à l ’ héritier de
cette époque, non à celui qui le serait au moment du
décès de l ’émigré (2).
Mais la question est indifférente pour la cause; car
le sieur de l ’Espinasse serait l ’ héritier légitime et l ’ hé
ritier unique de son fils, le 16 frimaire an 8, date d e l à
mort naturelle; et il le serait aussi exclusivement, le
i 5 ventôse an 11
date de l ’amnistie q ui fit cesser la
mort civile du fils émigré. A cette dernière ép oque,
comme à la p r e m i è r e , la loi du 1 7 nivôse en 2 , seule
en vigueu r, attribuait au père toute la succession d ’ u n
fils qui ne laissait ni enfans, ni frères ou sœurs, ni
d ’autres ascendans.
A i n s i , que la succession du fils émigré amnistié
soit réputée ouverte au moment du décès, ou seule
ment au jo u r de l ’amnistie, dans l ’ un comme dans
l ’autre cas, le père a été le seul héritier de son fils. L u i
( i ) V o i r l e i er a r r û t , d a ns les Q u e s t i o n s d e D r o i t d e M e r l i n , nu m o t
confiscation, § 2. V o i r aussi le r é pe r t o i re d u m ê m e a u t e u r , au m o t
h é r itie r .
(^) Vuir l’ arrût dans le Journal de Sircy, a i . 1. 14.
�( 3 7 )
seul aussi, en cette q u a l ité , avait obtenu en l ’an i l
le certificat d ’amnistie du ills; lui seul, comme unique
représentant de l ’émigré, avait été, lors de l ’amnistie,
envoyé en possession, par les arrêtés des préfets du Cantal,
de la I la u te -L o ir e , du Puy-de-Dô m e, de tous les biens
de l ’émigré qui furent rendus à cette époque; lui seul
a agi, a tr ait é, a acquitté les dettes, comme héritier
de l ’émigré, depuis l ’an 11 ju sq u’au jour de la loi de
i 8 i 4;
lui seul, enfin, au moment où cette loi de
justice a été publiée, était investi et du titre d ’héritier
et des droits attachés à ce titre ;
Comment ne pas reconnaître que c’est aussi lui seul
qui a été appelé par cette loi a recueillir des biens
q u ’elle déclarait ne rendre q u ’à l ’ héritier de l ’émigré?
Que pourrait-on opposer de solide à des observations
fondées sur les faits, sur les termes de la l o i , sur
l ’équité même?
Co mm en t pourrait-on soutenir sérieusement que le
législateur, q ui a déclaré vouloir avant tout être juste,
n ’a cependant pas entendu rendre tous les biens du
fils au père , qui seul en avait été privé par la confisca
tion, et que ce législateur ait eu la bizarre pensée d ’en
rendre moitié à des parens éloignés qui n’avaient rien
perdu et à qui la confiscation u ’avait rien ô t é , puis
q u ’ ils n’auraient rien obtenu ni à la mort du fils, s’il
était décédé integri slatusj ni au momentde l ’amnistie;
la loi des deux époques ne leur accordant aucune part
dans l’ hérédité de l’émigré?
Mais la question peut être examinée avec le même
avantage sous son autre face.
�rY
( 38 )
Que l ’on suppose, si l ’on v e u t , que les biens aient
été rendus par pure lib é ra lité plutôt que par esprit de
justice.
Résulterait-il de là que ce soit à d ’autres q u ’au sieur
de L ’ Espinasse père que la remise en ait été faite?
Non sans doute.
. Les biens seront rendus, dit la l o i , à c e u x q u i en
étaient propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
cause.
A
leurs héritiers! Pour exécuter la loi,
rechercher si, au moment où elle a p a r u ,
il faut
l ’émigré
L ’Espinasse avait ou non un héritier.
S ’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent
être rendus.
S ’il n’en avait pas, c’est à ses parens les plus proches,
à ses successibles, c’est-à-dire à ceux que les lois exis
tantes appelleraient à être ses héritiers, que les biens
devront a p p a r t e n i r .
Mais nous avons vu que dans'
existait,
l ’ espèce u n
héritier
[je sieur de l ’Espinasse père avait ce ti tr e,
ou depuis le iG frimaire an 8 , date du décès du fils,
ou depuis le i 5 ventôse au n , date de son amnistie.
Il en avait été saisi par le bienfait du sénatus-çonsulte
du iG floréal an 10 et du décret du g thermidor suivant ;
il avait été reconnu comme tel par de nombreux actes
administratifs, et notamment par les arrêtés des préfets
de la Ilautc-Loire, du C a ntal, du Puy-de -D ôm e; c’est
eu cette c£11a 1ité q u ’ il avait été envoyé en possession des
biens de son fils, sur la tête duquel ne pesait plus dèslors la dangereuse qualification d ’émigré; il a
exercé
�( 39 ✓
)
seul pendant 10 ans et plus, avant le 5 décembre 18 r 4 ?
les droits d ’ héritier, et en a seul aussi supporté les
charges; il a seul disposé des biens; il a seul acquitté
les dettes de la succession.
Comm ent se ferait-il que ce ne fût pas à lui seul que
s’appliquât le texte comme l ’esprit de la loi du 5 dé
cembre 1814 > et f£ue cette loi, qui dit expressément
que les biens seront rendus a u x héritiers de l ’ancien
propriétaire, eût voulu tout lew.contraire de ce q u ’elle
disait, eût entendu que les biens seraient rendus, non
au sieur de l ’Espinasse père, encore vivant et seul in
vesti, en 1814 s fl u l itre d ’héritier de son fils, mais aux
B o u n a f o u x , qui n ’avaient jamais eu cette qualité, q ui
ne l ’avaient même jamais réclamée, et qui n’en étaient
pas plus saisis alors q u ’antérieurement?
Mais, dira-t-on, ce n ’est pas aux anciens héritiers
que la loi a entendu rendre, c’est 'a de nouveaux hé
ritiers, parens des deux lignes paternelle et maternelle,
qui auraient été successibles d ’après la l o i , si la suc
cession du fils l ’Espinasse s’était ouverte seulement le
5 décembre 18 il\.
Cett e assertion, comment la prouve-t-on?
Que l ’on cite un seul article, un seul mot dans la
loi du 5 décembre qui l’autorise?
Cette loi ne parle pas de su cce ssib le s, elle parle
d ’ héritiers déjà reconnus comme tels.
Elle ne crée pas un nouvel ordre de succession, un
nouveau mode d ’attribution ou de partage des biens ;
elle s’en réfère à l ’ordre déjà existant; elle attribue ce
�qui reste des biens de l ’émigré à l ’ héritier de celui-ci,
à celui qui déjà avait recueilli légalement le surplus de
l ’ hérédité, à celui à qui seul ce reste appartenait, puis
que seul il en avait été privé ju sq u’alors par une re
mise tardive.
Seulement la jurisprudence, plutôt même que la loi
dont le sens a été peut-être un peu forcé, la jurispru
dence a exigé que l ’ héritier légitime fut v i v a n t , pour
lui attribuer la remise, o u , si l ’on v e u t , le bienfait.
Mais aucun arrêt, aucune autorité
n ’est
allée ju sq u’à
décider, ju s q u ’à préjuger, même indirectement, que
l ’ héritier ancien, que l ’ héritier saisi légitimement et
reconnu comme tel en 18 14? s ^ existait encore lorsque
la loi a paru ,
ne fût pas aussi le Seul héritier que
cette loi appelât à profiter des biens dont elle faisait
la remise. Il était réservé aux sieur et dame Desrois
eux-mêmes e t d e faire élever par les Bonnaloux cet é t r a n g e s y s t è m e , que l'aveuglement de
l ’ intérêt ou les erreurs de l ' i m a g i n a t i o n o n t pu seuls
d ’ cl e ve r
enfanter ; qui tendrait à détruire cette maxime si con
nue : sem el hœres sem per lueres; qui établirait deux
successions différentes dans le même in div id u , et q u i ,
en laissant au sieur de l ’Espinasse p è r e , comme seu l
héritier de son fils avant
1 8 t 4 > to u t le patrimoine
recouvré antérieurement, le priverait de la moitié de
son titre pour le
tems
postérieur, et l ’obligerait à
partager les biens obtenus depuis, avec d ’autres héri
tiers, créés tout-à-coup non par la loi qui n ’en parle
pas, mais par les illusions ou les caprices de la
argumentation de quelques jurisconsultes.
vaine
�( 4. )
C ett e création fantastique est en opposition dircctG
avec les termes de la loi de 18 1 4 s qui n’appelle q u ’un
seul ordre d ’héritiers, c’est-à-dire les héritiers déjà dé
clarés
tels et eæislans encore au moment de sa p u b li
cation; qui ne reconnaît, d ’ailleurs, q u ’ une seule suc
cession de l ’émigré, puisqu’en rendant les biens non
vendus aux héritiers, elle a soumis ceux-ci à la charge
proportionnelle des dettes, même de celles dont l’É t a t
était affranchi par la decheance, et dont un simple
donataire de l ’É t a t aurait dû l ’être par le même
motif.
Ces observations, et sur-tout les termes de la l o i,
son b u t , son esprit, repoussent avec force les préten
tions tardives des B on nafoux, dont le silence prolongé
depuis 18 14 n a ^
évidemment rompu en 1829 q u ’à
la demande des sieur et dame Desrois, et moyennant
un modique salaire payé à leur complaisance plutôt
q u ’à la cession secrète de leurs droits illusoires.
L a loi de 1 8 1 4 fournirait au sieur Bournet un ar
gument de p l u s , s'il était nécessaire.
E n effet, dans le préambule, le législateur déclare
formellement q u ’il veut concilier un acte de justice avec
le respect d û 11 d e s d r o i t s a c q u i s p a r d es tiers en
vertu des lois existantes.
Dans l ’article premier, il déclare maintenir, tous
jugem en s et décisions rendus, tous actes passés, t o u s
d ro its
a cq u is
avant la p u b lica tion de la C h â tie
constitutionnelle t et <jui seraient fo n d é s sur des lois
ou des actes du Gouvernem ent rela tifs ii Vém igration.
O r , la qualité de seul héritier (le l ’Espiuasse fils
6
�p X\
'•
( 4 0
était pour le sieur l ’Espinasse père un droit acquis en
vertu des lois existantes.
C et te qualité de seul héritier lui avait été coniérée
ou reconnue par plusieurs actes du Gouvernement, re
latifs à l ’émigration, tels que le certificat d ’amnistie,
délivré à sa demande, et les arrêtés d ’envoi en possession
des biens du fils, rendus en sa faveur; ces arrêtés,
parmi lesquels celui du préfet du C a n t a l , qui reçut
sa pleine exécution, restituait au père, même les terres
de Vertessère et de Sévcrac échues au fils, par suc
cession, pendant son émigration et sa mort civile.
*
Cett e qualité indélébile d'héritier u n i q u e , ce droit
a cquis et consacré par plusieurs actes administratifs non
attaqués et inattaquables, serait un jeu si le système
des Bonnafoux était accueilli; une choquante rétroacti
vité serait admise , et tous les principes nouveaux
comme tous les principes anciens seraient également
méconnus et blessés p o u r favoriser des prétentions que
l ’équité repousse autant que la l e t t r e de la loi.
U n e autre circonstance vient encore à l’appui des
droits du sieur Guil laum e de l ’Espinasse. Il é t ait, en
18 14 > Ie parent le plus proche de l ’émigré son fils; et
sous ce dernier ra p port , n ’eiit-il pas même été alors le
seul héritier reconnu, le seul héritier saisi de ce titre
depuis le a 5 ventôse an i i , date de l ’amnistie de
l ’émigré, il eût d u , d ’après la jurisprudence, recueillir
seul tout le bénéfice de la remise accordée par la loi
du 5 décembre.
Nous verrons en effet, bientôt, que les arrêts
même
invoquas par les Bo nnafoux, ces arrêts rendus dans
�( 43 )
(les cas où l'héritier légitime de l ’émigré n ’existait plus
au moment de la publication de la l o i, ces arrêts ont
attribué tous les biens au parent le plus proche de
l ’émigré, sanstexaminer de quel côté il était parent, à
quelle ligne il appartenait.
Soit, donc, que l ’on considère que l ’émigré l ’Espinasse étant décédé en l ’an 8 ,e t ayant été amnistié en
ventôse an 11 , c’est-à-dire sous la loi du 17 nivôse an
2 , ri; a eu q u ’ un seu l héritier, un seu l représentant,
un seu l ayant-cause 3 savoir : le sieur G uillaum e de
l ’ Espinasse père;
Soit que l ’on fasse attention que le sieur de l ’Espinasse père était encore existant au 5 décembre 1 8 1 4 ,
et q u ’il avait alors un droit acquis à ce titre d ’héritier
u n i q u e , de représentant u n i q u e , d ’ayant-cause de son
fils dont la qualité d ’émigré avait été depuis long-tems
effacée par l ’amnistie;
Soit , enfin , que l ’on réfléchisse que le sieur de
l ’Espinasse père était seul aussi le parent le plus proche
de l ’ancien émigré ,
On sera dans la nécessité de reconnaître que c’est à
lui seul aussi que doivent appartenir les biens rendus
par la loi de iBi/jToutes ces idées sont en harmonie avec les opinions
des auteurs, avec la jurisprudence des arrêts.
M. Merli n, dans ses questions de d ro it, au m o t
con fiscation y § 2 , après avoir rapporté l ’arrèt de cas
sation prononcé le 25 janvier 1 8 1 9 , entre l ’abbé l)uclaux et le marquis D é p i n a y - S a i n t - L u c , fa it , sur cet
arrêt, plusieurs réflexions.
�Il remarque que l ’émigré Dép inay de L i g e r i , mort
long-tems avant la loi, avait laissé pour héritière légi
time sa fille, décédée elle-même cinq ans avant le 5
décembre i 8 i 4 > et dont l ’abbé Duclaux était le léga
taire universel \
Que cette héritière, n’existant pas en 18 t 4 ? n ’avait
pu, ni profiter du bénéfice de la loi, ni par conséquent
le transmettre à son légataire;
E t que les biens rendus avaient été attribué!' au
sieur Dépinay-Saint-Luc., comme étant le p l u s p ro c h e
p a ren t, exista n t en 1 8 1 4 ? de l ’émigré Dépinay de Ligeri.
Mais M. Merlin ajoute d ’ importantes observations :
C e n ’est,
dit-il,
que par une fin de non recevoir
contre l ’abbé D u c l a u x ,
que la question fut jugée en
faveur du sieur Dépinay-Saint-Luc. L ’abbé D u cl aux,
étranger h la famille D é p in a y , n ’avait ni titre ni qua
lité p o u r réclamer les biens rendus.
D ailleurs, p o u r a d m e t t r e la d e m a n d e du sieur de
S a in t-Lu c, il eut f a l l u supposer, s ’il exit eu en tête un
adversaire com pétent ( c ’est-à-dire un héritier vivant
de l ’é m ig r é ) , que le com te D ép in a y de Ligeri avait
laissé d e u x successions (pii s ’étaient ouvertes <i d e u x
époques différentes ; supposition q u i répugne a u x no
tions les p lu s triviales de la ju risp ru d en ce
L ’auteur fait ensuite observer que l ’arrêt cité regarde
la q u a lité d ’héritier com m e indispensable à
tout
membre de la f a m ille des anciens propriétaires 3 q u i
se présente p o u r profiter de la remise.
M. Merlin continue ainsi :
» Il dit bien ( l ’arrêt Du cl aux) que la loi du 5 dé-
�( 45 )
J f ô
« cembre i 8 i 4 est une ^oz p o litiq u e et spécia le ; mais
« il ne va pas jusqu’à dire q u ’elle donne à l ’expression
« héritier, une acception différente de celle que lui at« tribueut les lois ordinaires.
« Il dit bien que cette loi doit trouver son interpré« tation dans les motifs qui l ’ont fait rendre; mais il
« ne s’en suit nullement de là que l ’expression héritier
« soit, dans son texte, susceptible d ’un autre sens que
« celui q u ’il présente par lui-mème. »
M. Merlin termine par penser, en s’appuyant d ’ un
avis du conseil d É t a t , du q thermidor an io^ « que
«
par les mots,
le u r s
h é r it ie r s
,
l ’on doit entendre
« les personnes auxquelles les lois civiles accordent ce
« titre. »
T o u t , dans cette discussion, est précieux pour lu
cause actuelle.
S ’il est vrai que par les mots, leurs héritiers, e m
ployés dans l ’article i de la loi du 5 décembre 18 1 4 ?
on doit seulement entendre les personnes auxquelles les
lois civiles accordent ce titre, il est évident que c est
an sieur Guillaume de l ’ Espinasse seul que ces mots
s’appliquent; parce que c ’était à lui seul que les lois
civiles avaient attribué le titre d ’héritier, soit en l ’an
8 , époque du décès du fils émigré, soit en l ’an i r ,
époque de son amnistie; parce que c’est aussi le sieur
de l ’Espinasse, qui seul avait la qualité d ’hé»ilier de
vant les lois civiles, au moment où fut présentée et
décrétée la loi sur les biens remis.
S ’il est vrai aussi q u ’on ne puisse supposer que le
même individu ait laissé deux successions qui se soient
<
�U
( 46 )
ouvertes à d e u x époques différen tes, et si cette suppo
sition répugne a u x notions les p lu s triviales du droite
c’est encore le sieur de l ’Espinasse père qui doit seul
profiler des biens rendus, paice que ces biens n’ont
pas dû former une succession particulière du fils; parce
q u ’ ils ont dû se rattacher à la succession déjà ouverte
dont ils sont devenus en quelque sorte l ’accessoire, et
parce que le sieur de l ’Espinasse père, qui avait seul
recueilli et dû recueillir la succession à son ouve rt u re ,
était encore vivant en 18 14 » pour recueillir aussi l'ac
croissement que cette succession reçut alors.
E n décider autrement ce serait évidemment dire
que l ’émigré l ’Espinasse a laissé deux successions qui
se sont ouvertes à deux époques différentes; l ’une en
l ’an 8 ou en l ’an 11 , régie par la loi du 17 nivôse an
2 , et attribuée par cette loi au sieur de l ’Espinasse
père comme seul héritier; l ’autre au 5 décembre 1 8 1 4 ?
régie par le Cocl e c i v i l , e t d i v i s i b l e par moitié entre
les deux lignes paternelle et maternelle de l ’émigré.,
c ’est-à-dire entre le sieur de l ’Espinasse père d ’une
p a r t , et les Bonnafoux et consorts de l ’autre.
Indiquer une telle conséquence, c’est suffisamment
démontrer l’absurdité du système des demandeurs.
M. Dalloz dans sa Jurisprudence générale, au mot
ém ig ré, section 3 , art. 2 , § i , r , examine aussi à qui
profite la remise ordonnée par la loi du 5 décembre
1 8 1 4 ; et après avoir dit que la ju risp ru d en ce constante
de la C ou r de cassation a é té fa v o ra b le a u x parens
les />lus p roches, au jo u r de la lo i, ( ce qui cependant
n a été admis par la C o u r de cassation
elle-m êm e
que
�(47)
iff
lorsque ces parens étaient en concours avec des étrangers
cédataires ou légataires universels de l ’émigré ou de ses
héritiers) , l ’arrêtiste se livre lui-inéme à une disserta
tion sur le caractère de la remise faite par la l o i; il
prouve clairement que cette remise n’a p a s é té une
lib é r a litéj mais que l ’É ta l s ’est im posé ce sacrifice
p o u r fa ir e cesser l ’œuvre de la v io len ce , p o u r opérer
une réparation $ il le prouve avec le préambule de la
loi
où le législateur déclare s’être proposé un acte
de ju s tic e : il le prouve avec les termes de l ’article deux
par lequel les biens sont rendus non à la famille des •
émigrés, en général, mais à leurs héritiers ou ayant
cause • il Ie prouve aussi,
l ’ar ti cl e
I er
avec les expressions de
qui a maintenu les droits a c q u is, et par
conséquent les qualités et les titres existans au moment
de la remise; il argumente de la loi du 27 avril 182$
sur l ’in d e m n it é , qui est en opposition avec le système
de libéralité , puisqu’elle attribue l'indemnité
aux
héritiers du jour du décès de l’ émigré; il fait observer
d ’ailleurs , avec beaucoup de justesse, que si la loi
de 18 f 4 avait voulu faire une libéralité, il eut été
inutile de dir e, comme elle l ’a dit dans l’article 3 ,
q u ’îl n’y aurait lieu à aucune remise des fruits perçus;
enfin il ajoute , ce qui est aussi décisif, que la loi ne
contenant aucune disposition expresse qui intervertisse
l'ordre de su ccessib ilité toujours a d o p té , il ne v o it
pas ce q u i p eu t autoriser le ju risco n su lte ou le m a
gistrat à fa ir e de cette lo i une innovation exorbitante
et sans exem p le.
Ces observations sont péremploires, même celle tirée
�\v
Il *
delà
(
48
)
loi de 1825 sur l ’indemnité; car les deux lois
n ’ont de différence q u ’en ce que , d ’après la dernière,
ce sont les héritiers du jour du décès de l ’émigré,
qui profitent de l ’indem nit é, tandis q u e , d ’après la
j u risprudence actuelle delà C o u r de cassation, appliquée
à la loi de 18 r 4 5 c’est aux héritiers du jour de l ’am
nistie que les biens ont été rendus.
M. Sir ey , dans une dissertation par laquelle il a fait
précéder la relation de l ’arrêt Ma la fosse, du 18 février
i8a4? énonce une semblable opinion;
et
dans le rap-
* procheincnt des diverses parties de la loi du 5 décembre
18 14) dans le préambule notamment, où le législateur
d i t , à deux fois différentes, q u ’il se propose un grand
acte de ju s tic e et où l ’on ne voit pas q u ’il s’agisse de
lib éra lité ; dans cet article où il déclare rendre les biens
aux anciens propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
couse, comme dans celui qui conserve ou rétablit toutes
les actions des créanci ers des émigrés sur les biens remis;
dans la combinaison, enfin, des di ffé re nt es di sp osi t io ns
de la loi , M. Sirey trouve la preuve que le système
de la lo i n ’est pas un systèm e de lib é ra lité mais un
systèm e de ju s tic e p o litiq u e , si ce n ’est pas un système
de ju s tic e civ ile.
Ainsi ce sont des idées de justice qui ont princi
palement dominé dans la pensée du législateur. L ’on
ne peut donc pas dire q u ’il ait ordonné la remise à
titre de lib éra lité se u lem e n t, et par une libéralité
aveugle , par une libéralité indépendante de toute
autre impulsion. U n tel système serait en opposition
directe avec les termes positifs do la loi, qui
parlent
�"
( . » )
;(?
d’ actes de ju s tic e à faire, de biens à remettra a u x
héritiers de l ’ém igré. D ’ailleurs, que cette justice ait
été faite par politique ou par uu autre m o t i f ; qu elle
ait été aussi dictée, si l ’on v e u t , par des sentimens de
libéralité , il n’en est pas moins vrai que la remise n’a
pas été une libéralité pure; il n’en est pas moins vrai
q u ’elle a eu pour base principale des sentimens de jus
tice- il n ’en est pas moins vrai q u ’elle dev ait , par
c o n s é q u e n t , être dirigée en faveur de ceux-l'a mêmes
auxquels avait nui la peine de la confiscation-, e t , par
conséquent, en cas de prédécès des anciens propriétaires',
en faveur de leurs héritiers légitimes s’ils étaient encore
vivans, ou en faveur des parens les plus proches, si les
héritiers légitimes étaient aussi décédés au moment de
la loi. C a r , tout en se montrant libéral, il eut manqué
le but de justice q u ’il se proposait, le législateur q u i ,
méconnaissant les droits d ’ un héritier légitime encore
exista n t, aurait attribué tout ou partie des biens ren
dus, à des parens éloignés auxquels la confiscation n avait
pas fait éprouver la moindre perte ni le moindre tort.
L a C o u r de cassation a été bien éloignée elle-même
de commettre une pareille erreur. E n eff e t, si l ’on
parcourt les arrêts q u ’elle a rendus sur la matière, on
reconaitra q u ’ ils consacrent, au lieu de la d e t i u i i e ,
la doctrine que nous avons professee.
Les arrêts s’appliquent à trois cas différons :
i° Au cas où les parens de l ’émigré étaient en con
testation avec des légataires universels, soit de l ’émi
gré, soit (les héritiers de celui-ci;
2° A celui où l’émigré n’avait jamais été amnistié;
7
�’H
-(5°)
3 ° A celui enfin où l ’émigré, étant décédé en 18 14 ,
avant d ’avoir recueilli une hérédité ouverte pendant
sa m ort civile , avait pu cependant en transmettre les
droits à ses propres héritiers.
Dans le premier cas, c’est contre les légataires u n i
versels, dont le titre était antérieur à la l o i, que la
question a toujours été décidée. Elle devait l ’ètre ainsi,
soit parce que l ’on ne donne que ce dont on est pro
priétaire, soit parce que l ’étendue des legs repose toute
sur l ’intention présumée des testateurs. O r , il était
impossible q u ’ un testateur eût pu et eût entendu
léguer des biens qui non seulement ne lui apparte
naient pas lors du te stam en t, mais q ui même ne lui
avaient jamais appartenu , puisqu’ils n ’avaient été
rendus que long-tems après son décès. Tels sont aussi
les principaux motifs qui ont dicté l ’arrêt d ’E p in aySaint -Luc et Du cl aux , du. a 5 janvier 1 8 1 9 , l ’arrêt
R e culot, du 10 février 1 8 2 3 , l ’arrêt Ma la fosse, du
18 février 1 8 2 4 , l ’arrêt May n a r d e t L a Ferté , du 19
mai de la même année (1).
Il est même à remarquer que ces divers arrêts, en
préférant la famille de l ’émigré à des légataires un i
versels dont les titres étaient antérieurs à la l o i, n ’ont
p a s , d ’ailleurs ,
ordonné le partage
des biens
par
moitié entre les pareils des deux lignes paternelle et
maternelle de cet émigré, mais q u ’ils les ont adjugés
( 1 ) C e s arrêts sont da ns tou s les rec uei l s. O n p e u t les vo i r n o t a m m e n t
3,
a 4®} a 4 -
duns la J u r i s p r u d e n c e g é n é r a l e d e D ; t l l o z , au m o t emigre, secti on
article a , § i , et da ns le J o u r n a l d e S i r e y , 1 9 . 1. 7 6 j
1. aG 3 c l 'io'j.
23.
1.
�Jfl
en totalité aux parens les plus proches au moment de
la remise : circonstance qui rend ces arrêts favorables
au sieur (le l’Espina'sse père , parcé q u ’il était , au
moment de la loi de 18 14 ? Ie parent le plus proche de
son fils.
On doit aussi'faire observer que tous les arrêts ont
été rendus dans des espèces où les héritiers légitimes
de l'émigré étaient décédés eu x-m êm es , et n’ avaient
pu, par conséquent, recueillir, à ce titre d ’ héritiers, les
biens qui furent postérieurement remis , ni les trans
mettre à des tiers qui n ’étaient pas même parens de
t • r
1 *émigré.
Aj out ons
q u ’ une
jurisprudence semblable
établie pour l'application de la loi du
s’est
avril i B ?.5
sur l ’indemnité. Par arrêt du 8 février i 8 3 o , la C o u r
de cassation a décidé que la cession, même la plus
générale des droits héréditaires, ne comprenait pas
l ’indemnité accordée par cette loi à l ’ émigré ou à ses
héritiers.
L e second cas à examiner est celui ou 1 emigie
n’avait pas été amnistié et n’a été réintégré dans ses
droits civils q u ’en 18 14- C e cas est celui de l ’arrêt
Dcvenois.
C et a r r ê t , qui a été invoqué par les B o n n a f o u x , ne
décide absolument rien en leur faveur. Pour s’en con
vaincre il suffit de rappeler les faits, et de les comparer
aux motifs de la décision, mais en remarquant que
deux arrêts ont été rendus dans cette cause, le i er, par
déf aut , du 9 mai 1821 ( c ’est celui-là seul que rappor
tent la plupart des recueils)*, le second', contradictoire,
�sur opposition, du 28 janvier i 83 o. O11 le trouve à sa
d a te , au bulletin civil de cassation. Les motifs de ce
dernier arrêt sont sur-tout importans à combiner avec
les faits.
Pierre-René Devenois, décédé le iG octobre 1794?
avait laissé pour héritier Jacques son frère5 mais, celuici étant é m i g r é , l ’É t a t s’empara de la succession.
Jacques Devenois mourut en i 8 o 5 sans avoir été amnist ié ; il ne l ’a été q u ’en i8i/j-. Son héritière naturelle
était la demoiselle Laguerney, morte en 1808, et dont
l ’héritier était un sieur Porcher de Longchamp.
C e l u i-c i, en 1 8 1 4 ? se st présenté comme héritier de
la demoiselle Laguerne y, e t , comme se c r o y a n t , du
chef de celle-ci, héritier de Jacques Devenois auquel il
ne parait pas d ’ailleurs q u ’ il fut même parent; il s’est
présenté et a réclamé les biens rendus par la loi du 5
décembre. Mais un sieur B a zire, q ui é t a i t , en 1 8 1 4 >
le parent le p l u s proche de l ’émigré, a demandé luimême à profiter de la remise.
De là est née la question de savoir si les biens rendus
étaient censés appartenir à l ’ héritier du tems du décès,
ou à celui du tems de l ’amnistie.
C ett e question ,‘ sur laquelle la nouvelle jurispru
dence de la C o u r de cassation s’était fixée par 1111 arrêt
du 7 août 1820 , ne pouvait plus être sérieusement
élevée. Il était naturel que la C o u r , persistant dans sa
doctrine, décidât que l ’ém ig r é, mort civilement au
moment de sa mort natur elle, 11’avait pu rien transïneitre alors, ni par conséquent avoir un héritier;
*l«’ ainsi la succession devait appartenir seulement au
\
�( 53 )
;•
j6[
parent le plus proche au moment de l ’ainnistie, parce
que c’était à cette époque seulement que l ’émigré, re
c o u v r a n t son état ci vil , devait être réputé avoir laissé
une hérédité. Il était conséquent aussi avec ces idées
que la demoiselle Laguerne y, morte en 1808, ne fut
pas considérée comme ayant recueilli une succession
qui était censée ne s’ètre ouverte q u ’en 1 8 1 4 - C ’est
d ’après ces puissans motifs et notamment par le défaut
d ’amnistie avant 1 8 1 4 ? que la C o u r se détermina h
refuser l ’hérédité au représentant de la demoiselle L a
guerney, et à l ’accorder au sieur Bazire, parent le plus
proche de l ’émigré, et par conséquent son héritier en
1814, au momen t où avait cessé la mort civile de l ’émigré.
Que Ton vérifie scrupuleusement ce dernier ar rê t,
et l ’on reconnaîtra q u ’il n ’a aucune analogie avec la
cause actuelle, puisque l ’émigré l ’Espinasse fils avait
été amnistié le
ventôse an 1 1 ,
et que le sieur
l ’Espinasse père, son seul héritier alors, était encore
vivant en 1814 , n ’avait pas perdu sa qualité d ’ héritier
u n i q u e , et était par c o n s é q u e n t apt e, d ’après la loi
civile o r d i n a i r e , et appelé par la loi spéciale du 5 dé
cembre, à recueillir les biens alors rendus.
Le
seul arrêt dont l ’espèce présente une grande
analogie avec la cause actuelle est celui re ndu , le 21
janvier 1 8 2 1 , dans Tafiane de Béthune et Carnin.
Béthune-Sully fils, décéda en 1794 sous la loi du
17 nivôse an 2 , laissant pour unique héritier le comte
de Béthune son père, alors émigré. L ’É t a t qui repré
sentait le père s’empare de la succession. E11 l ’an 1 0 ,
le comte de Bélhune est amnistié; il se remarie , meurt
�%
( 54 )
avant iBi/fj mais laisse (les enfans qui lui survivent, ( i )
Plusieurs des immeubles dont s’était emparé le fisc
au décès de Béthune-Sully fils sont rendus par la loi
de 18 1 4 • Les comtes de C arn in les réclament comme
é t a n t , au décès du fils S u l l y , scs plus proches parens,
après son père, que sa mort civile comme émigré avait
rendu incapable de succéder.
Ces prétentions sont écartées par des motifs remar
quables :
Les biens étaient dévolus au père par la loi du 17
nivôse an 2 ;
L e père en était saisi par le droit com m un ;
C e droit avait é té seulem ent suspendu par l ’effet
des lois sur l ’ém ig rat io n, q ui l ’avaient transmis au
fisc ;
Mais les droits civils ayant été depuis restitués aux
émigrés, la remise, opérée par la loi du 5 décembre
18 14 > n a Pu ¿ire iaite q u ’à la famille du com te
B éthun e com m e ancien p ro p riéta ire , en t/utilité d ’hé
ritier de son f i l s .
C et arrêt présente un cas oii le succès devait paraître
plus douteux même que dans celui qui nous occupe.
E t cependant il déclare que le père émigré était saisi,
suivant le droit com m un , des biens de son fils, quoi
q u ’ il ne les eut pas recueillis, à cause de sa mort civile;
il dit que son droit n a é té que suspendu par la main-
(0
V o i r l 'arvét dans lo j ou r na l d e S i r c y ,
22,
1. 21 , et d a ns la j u
r i s pr ud e nc e g é n é r a l e d e D a l l o z , au mo t émigré, s c c t i o u
p. 8aO.
3;
art. 2. § 1»
�mise du fisc; il décide que cet émigré, en qualité d ’ hé
ritier de son fils , devait être réputé Vancien p r o
priétaire de ces biens qui cependant n’avaient été remis
q u ’après sa mort; il ajoute q u ’il a transmis son droit à
ses propres héritiers.
Tous ces principes s’appliquent littéralement à la
cause du sieur l'Espinasse père, représenté par le sieur
Bournet.
L ’Espinasse fils, émigré, avait été saisi aussi, suivant
le droit c o m m u n , en l ’an 2 et .en l ’an 4 > des biens
de Jean-Marie et de François-Aldebert de Sévérac.
Son droit avait été aussi seulement suspendu par
l ’effet des lois sur Immigration, qui l ’avaient transmis
au fisc.
Mais ses droits civils lui ayant depuis été restitués,
il a transmis, au moment de son amnistie, à son père,
à son seul héritier, tous ses droits aux biens dont son
émigration l ’avait p r i v é \ e t , par conséquent, c’est eu
faveur du père seul, q u ’a pu être faite la remise opérée
eu 1814*
On le voit; soumises au creuset d ’un examen sérieux,
les prétentions des Bonnafoux se dissipent, tandis que
les droits du sieur l ’Espinasse père en sortent intacts,
consacrés, comme nous l’avons d i t , par la loi, par la
doctrine des aut eu rs, par la jurisprudence des arrêts.
L a loi a votilu voulu faire un acte de j u s t i c e , e t ,
par conséquent, rendre à celui qui avait perdu. O r ,
le sieur de l ’Espinasse père avait seul perdu les biens
qui ont été remis; car seul il les aurait recueillis en
l ’an S , en l’an 11 , si la confiscation n’avait pas eu
�lie u , ou si les maux q u ’elle avait causés eussent été
plus tôt réparés.
Se fut-elle même proposé de faire un acte de pure
libéralité, la loi, au moins, a déclaré rendre à llié r itier, de l ’ancien propriétaire; elle n ’a d i t , ‘d ’aill eu rs,
ni explicitement ni implicitement , q u ’elle créait une
nouvelle classe d ’ héritiers; elle n ’a pas dit aussi q u ’elle
rendait les biens à l ’héri ti e r'futur ; e t , s’en référant
par son silence même au droit co m m u n , elle n ’a en
tendu , par le mot h éritier, elle n ’a pu e n t e n d r e que
celui qui déjà était saisi du titre et des droits d ’héritier ,
s’il était vivant lorsqu’elle a paru. O r , le sieur l ’Espinasse père existait alo rs , et seul il était investi de la
qualité d ’héritier de son fils; seul il avait été reconnu
comme te l, soit antérieurement, soit à cette époque,
par les autorités administratives ou judiciaires, par les
créanciers de la succession comme par toutes parties
intéressées. C ’ est d o n c lui seul aussi que désignait la
loi en appelant l ’héritier à profiler des biens r e n d u s .
L a loi de plu£ a déclaré q u ’elle entendait respecter
les droits acquis. O r , au moment où la loi a p a r u , le
sieur de l ’Espinasse père avait un droit a cquis au droit
indélébile au titre d ’ héritier unique de son fils, e t ,
par conséquent, aux avantages attachés à ce titre. Ce
droit acq ui s, la loi l ’a expressément consacré; donc
c’est à lui q u ’elle a remis les biens non vendus.
Enfin , lorsque les héritiers légitimes n’existaient
plus en 18 14 , la jurisprudence interprétant la l o i, a
attribué les biens rendus aux pareus les plus proches
de l ’cmigié.
�( 57 )
Or, le sieur de I’Espinasse père était, à cette époque,
tout à-la-fois et le seul héritier légitime exi stant, et
le parent le plus proche de son fils; c’est donc évi
demment lui seul qui doit recueillir les avantages de
la remise des biens non vendus.
Co mm en t exp liquer, d ’après ces observations, l ’as
sertion de l’avocat de la dame et du sieur Desrois,
qui , après avoir succombé sans adversaire sur un
simple pourvoi, s’est hasardé à dire dans un écrit,
que si le fond de l ’affaire avait été exam iné, l ’arrêt
aurait été cassé.
Assertion imprudente!
œuvre éphémère des désirs
pris pour la réalité ou des illusions de l ’amour-propre,
que l’on a considérées comme le succès.
Assertion irréfléchie! comme si de graves magistrats
livraient au public les secrets de leurs délibérations;
comme s i , lors même que le pourvoi aurait été admis,
une dissertation approfondie et le frottement de la
contradiction n’eùt pas fait jaillir une lumière propre
à éclairer et à guider les esprits même incertains.
C ’est cependant peut-être cette étrange assertion
q u i , imposant au tribunal de première instance, l ’a
déterminé à repousser la doctrine que lui offraient les
deux arrêts rendus par notre C o u r dans cette même
cause; c ’est par elle q u ’il a sans doute été entraîné
dans un tel oubli des principes, que non seulement il
a attribué aux Bonnafoux une partie de la terre d ’ Au zat
rendue par la loi du 5 décembre 18 1 4 , mais q u ’il a
aussi ordonné en leur faveur le rapport au partage,
soit du 8mc de la terre de S a iu t - M a r t in , restitué au
8
�( 58 )
sieur l ’Espinasse père avant cette l o i , soit même de
tous les autres biens meubles et immeubles provenus
de la famille Sévérac, et qui lui avaient été délaissés
irrévocablement depuis plus de dix années par plusieurs
actes administratifs.
L e 8me de la terre de Saint-Martin faisait partie de
la sénatorerie attachée à la C o u r de Riom. Il en fut
détaché, par une ordonnance royale du 4 juin i 8 i 4 >
comme les autres propriétés particulières acquises par
voie de confiscation , que cette ordonnance déclara
restituer aux anciens propriétaires dans l ’état où elles
se trouvaient.
Ainsi, le 4 juin , le sieur de l ’Espinasse père, comme
seul héritier et seul représentant de l ’ancien pro
priétaire, son fils, eut à cet objet un droit acquis,
indépendant de la remise faite par la loi du 5 décembre
suivant. C o m m e n t s’est-il donc fait que le tribunal
ait cru pou voir, en vertu de c e t te loi, faire participer
les Bonnafoux aux avantages d ’une restitution q ui
l ’avait précédée?
L ’erreur du tribunal est encore plus saillante rela
tivement aux autres biens meubles et immeubles pro
venant de la famille Sévérac.
L e sieur de l ’Espinasse père avait été envoyé en pos
session de ces biens, dès l’an i i et dès l ’an 1 2 , en
vertu du certificat d ’amnistie q u ’il avait obtenu , le 5
ventôse an 11 (24 février i 8 o 3 ) , pour son fils alors
décédé.
Des anétés pris, les 11 germinal an 1 1 , 25 thci-
�( 59 )
7^
midor an n , 7 frimaire an 1 2 , par les préfets de la
I l a u t e - L o i r e , du C a n t a l , du Puy-de -D ôm e, lui dé
l a i s s è r e n t , comme au seul héritier de son iils émigré
amnistié, tous les biens que celui-ci avait possédés dans
ces trois départemens. L ’arrêté du préfet du C antal
lui abandonna aussi, par une disposition expresse, les
portions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui
étaient advenues au fils, par succession, pendant son
émigration.
Ces actes administratifs ont toujours été respectés-,
ils ont
r eç u
leur pleine exécution. L e sieur de l ’Espi-
nasse, usant des droits qui lui avaient été conférés, a
cédé, le 8 vendémiaire an i!\ (29 septembre i 8 o 5 ) ,
tout
ce qui lui avait été délaissé , au sieur Grenier qui
lui -même en a disposé à son gré depuis cette époque
reculée.
Par quel aveuglement le tribunal a-t-il cru pouvoir
condamner le sieur de l ’Espinasse à rapporter tous ces
objets au
partage q u ’il
a ordonné?
et co mment,
même dans son s y s t è m e sur le sens de la loi du
5 d é c e m b r e 181/^ ne s’est-il pas aperçu que cette loi
commandait impérieusement, par son article i cr, de ne
porter aucune atteinte a u x droits acquis avant la p u
blication de la Charte constitutionnelle} et qui sei'aicnt
fonde's sur des lois ou des actes du gouvernem ent} rela tifs à Vémigration.
Ne nous étonnons cependant pas trop de cette aber
ration. On sait q ue,
lorsqu’au point de dép art, 011
ne prend pas le droit ch em in, plus on avance, plus 011
s’écarte de la vraie route.
�JS Pt
( « . )
Riais c’est trop nous occuper de ces erreurs secon
daires, q u ’il suffit de signaler pour les faire reconnaître,
ei qui doivent, d ’ailleurs, subissant le sort de l’erreur
principale, être réformées comme elle.
C e l t e réformation est commandée par la l o i , par
l ’équité comme par la justice, par la jurisprudence de
la C our de cassation, comme par celle de la cour de
Rio m.
P a r la l o i , qui considère les biens rendus comme
une partie intégrante, comme
u n accessoire nécessaire
de la succession de l ’émigré, puisqu’elle les soumet à
contribuer aux dettes héréditaires; qui n ’a d ’ailleurs
ni déclaré ni entendu établir deux ordres de succession
dans la même personne, et q u i , rendant les biens à
l ’ héritier de l’ancien propriétaire, les a nécessairement
rendus à celui-là seul sur la tê teduqu el, au moment de
sa publication , reposait ce titre d'hé ritier, à celui-là
seul à qui les c h a r ge s c o m m e les bénéfices de l ’hérédité
avaient été depuis long-tems t r a n s m i s , l o r s q u e , s u r
t o u t , existant au moment de la l o i , il réclamait luii
%
^
4
mêmd'l’es avantages de la remise.
P a r V éq u ité com m e p a r la ju s tic e ; car c ’est l ’équité
du législateur qui a dicté l ’acle de justice q u ’il proclame
dans le préambule même de la loi. Or, l'équité voulait
que l’on effaçât les dernières traces d ’ une confiscation
odieuse, d ’ une confiscation rayée depuis long-tems de
notre législation criminelle, d ’une confiscation vio
l en te , reste affligeant d ’ un tems de discorde et d ’égaremens. L ’équité voulait aussi que l ’acte de justice lut
dirigé en faveur de celui-là seul à qui les biens confis-
�qués avaient été enlevés. Or, quel autre que le sieur
del'Espinasse père, seul héritier de son iils au moment
de son décès, au moment de son amnistie, aurait re
cueilli ces biens si les rigueurs de la confication ne l ’en
avaient
privé ? quel autre
donc doit recueillir les
faibles restes de cette succession?
E n fin p a r la ju risp ru d en ce de la C our de cassa
tion j com m e p a r ce lle de la C ou r de R iom .
Par la jurisprudence de la C our de R io m , qui s’est
manifestée deux fois sur les mêmes questions, dans
cette même cause, en faveur du sieur de l ’Espinasse
père,
q u ’elle
a déclaré seul héritier, seul représentant
de l ’émigré amnistié son fils. L ’un des arrêts fut même
l ’ouvrage solennel des chambres réunies.
Par celle de la Cour de cassation, qui n ’a eu que
dans \i ne «Soule %oacasionv* dans.ia cay&e.jle Béthuue*r\
AM.
S ullyfc.&e.5i P 1P#KWie cIuesUon a l)eu Pl'es id e n t iq u e ,
et qui l ’a résbliïô dans un seti£;*itttrorAble au sieur de
l ’Espinasse. D ’autres arrêts, quoique moins applicables,
csK c,es.
'plus au moment de la l o f * n'ont 'cepeyfnftt
appelé h recdj^lH W è^^iens,1^ (4 4 i9t»^u’un seul parent,
n ’ ex i s ta i t
c’est-à-dire le parent le plus proche de l ’émigré; e t ,
dans la cause, le parent le plus proche est encore le
sieur de l ’Espinasse père.
L e sieur de l’Espinasse, ou le sieur Bournet son
représentant,
peut aussi invoquer
la doctrine
des
auteurs modernes.
Ainsi il réunit en sa faveur les termes et l ’esprit de
la loi, le poids des opinions les plus puissantes, l ’au-
�torité des arrêts les plus respectables, tous les principes
comme toutes les considérations. Pourrait-il craindre,
avec de tels m oyens, de succomber dans sa nouvelle
lutte contre des cédataires de droits litigieux, q u i ,
se déguisant sous le masque de parens éloignés de l ’é
migré amnistié; qui, empruntant le nom de collatéraux
dont un modique salaire a acheté la complaisance,
viennent contester encore des droits évidens et consa
crés déjà deux fois par la justice éclairée de la C o u r ?
BOURNET.
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
Me S A V A R I N , A v o u é-L icen cié.
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A RIOM, CHEZ SALLES f i l s , Seul imprimeur de la C our royale et de la Mairie.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bournet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Savarin
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Le sieur Bournet, propriétaire, habitant de la ville d'Issoire, Appelant ; contre Jean Bonnafoux, propriétaire, habitant au lieu de Luzarègues, commune de Molède, département de Cantal ; Jean Vialfont, secrétaire de la sous-préfecture de Saint-Flour, et dame Françoise De Laroche, son épouse ; Henri Vialfont, Jeanne Vialfont, sa sœur, propriétaires, habitans du lieu de Molède ; Jeanne Vialfont et AntoineFouilloux, son mari, qui l'autorise, propriétaires, habitans du lieu de Boufeleuf, commune d'Auriat, même département du Cantal, intimé ; En présence De dame Amable-Henriette De Chauvigny De Blot, veuve de M. Claude-Etienne-Annet Desrois, propriétaire, habitante de la ville de Moulins, et de M. Annet comte Desrois, propriétaire, habitant de la ville de Paris, rue Blanc, n° 175, défendeurs en assistance de cause.
Annotations manuscrites. « 10 juin 1831, arrêt infirmatif, 2éme chambre. Pourvoi. 22 juillet 1833, Cour de cassation, section civile, rejet. Voir Sirey, 1833-1-676. »
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2620
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2621
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53535/BCU_Factums_G2620.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Molède (15126)
Saint-Flour (15187)
Auriac-l'Eglise (150013)
La Chapelle-Laurent (15042)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Martin-des-Plains (63375)
Mozac (63245)
Vertessère (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
arbre généalogique
doctrine
émigrés
mort civile
rétroactivité de la loi
sénatorerie de Riom
séquestre
successions collatérales
-
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84875f720efadb7daf87e08a6c3b8c51
PDF Text
Text
AVIS A U L E C T E U R .
L a date de l ’avis interprétatif du sénatus-consulte
du 16 floréal, est du 9 thermidor, et non du 19 ther
midor , comme cela a été im prim é, par erreur, à
quelques endroits, notamment à la page 7 de ce
mémoire.
�PRECIS
EN RÉPONSE,
PO U R
B O N N A F O U X , J e a n , V IA L F O N T e t
autres, habitant le département du Cantal,
intimés;
Jean
C O N TRE
Le sieur BO U RNET, propriétaire habitant
la ville d’Issoire, appelant
EN PRÉSENCE
De dame H e n r i e t t e DE CHAUVIGNY DE
B L O T veuve D E SR O Y S et de sieur A n n e t DESROYS.
E n publiant ses moyens contre le jugement du tribunal
d 'Issoire, qui admet les Bonnafoux au partage des biens
rendus par la loi du 5 décembre 1 8 1 4 au x héritiers ou
ayans cause des anciens propriétaires, le sieur Bournet s’est
mis fort à son aise. Il a représenté les intimés comme ayant
élevé une prétention absurde, que la décision des pre
miers juges n’aurait fait que consacrer avec la plus in
concevable légèreté. Suivant lui, c’est un système qui
aurait pour résultat immédiat d’appeler comme ayans
cause d’un émigré, ses parens les plus éloignés, au lieu de
ses héritiers ou de ses parens les plus proches, c’est-à-dire,
COUU ROYAL!-:
DE 111051.
a*
C H A M BRI'.
�K 'A l
( * )
''de fausser la loi sous prétexte de l’ interpréter; et cette
violation de la loi serait encore proposée à la cour contre
l’aütorité de ses arrêts déjà rendus dans la même cause.
Il nous sera facile de démontrer que ce prétendu sys
tème desBonnafoux, repose sur la disposition même de la
loi, sur la jurisprudence constante des Cours royales et de
la Cour de cassation; que leur demande est fondée sur la
doctrine copsacrée par les précédens arrêts de la Cour
qu’a obtenus le sieur Bournet. Nous aurons donc moins
à critiquer ces arrêts, qu’à en invoquer Jes principes;
car, écrits nettement dans ces arrêts, ils y demeurent
inébranlables. Nous démontrerons d’ailleurs que l’appli
cation que le sieur Bournet veut en faire ci lui seu ly
parce qu’il y était seul partie, en l’absence de ses cointéressés, est en contradiction avec le principe qui les
dicte; que c’est lui, et non les Bonnafoux, qui .repous
serait la chose jugée, si son système pouvait être admis;
c’est lui qui détruirait les principes proclamés par la loi
de iBi/f, et les règles ordinaires de l’hérédité. Les Bon
nafoux,au contraire, les invoquent^car eux ou ceux qu’ils
représentent étaient les plus proches parens et héritiers
du défunt au moment où le droit s’est ouvert; et c’est dans
les arrêts de la Cour elle-même qu’ils puisent leurs
moyens de défense. D ’ailleurs, ils sont dans la lettre et
l’esprit de la loi.
La question du procès est de savoir si un émigré étant
mort avant son amnistie, le bénéfice de la loi du 5 dé
cembre 18 14 ( {l uc tout le monde reconnaît n’avoir d’ef
fet que pour l’avenir) appartient à ceux qui auraient dû
succéder à l’émigré le jour de sa mort naturelle, q u o iq u ’à-
�■C3 )
lors il fût en état de mort civile, ou à ceux que la loi ap
pelait à lui succéder au jour de la restitution; c’est-à-dire,
a u x héritiers naturels qui auraient recueilli ses biens, lors
q u e la loi du 5 décembre a été publiée. L e sieur Bournet
soutient le premier système, et le jugement a admis le se
cond sur la demande des Bonnafoux. Tout consiste donc à
rechercher ce qu'a entendu la loi par ces mots '.leurs héri
tiers ou ayons cause. Cette question s’élève entre le dona
taire du sieur de Lespinasse, père de l’émigré, que la loi
du temps de son décès eût appelé à lui succéder pour le
tout, s’il n’eût pas été émigré, et les héritiers collatéraux
de l’émigré, qui étaient appelés à lui succéder pour moi
tié , au moment où les biens qui font le sujet de la contes
tation ont été rendus. C ’est donc sur cette question qu’il
faut fixer spécialement l’attention de la Cour.
Nous pouvons être assez sobres de détails dans le récit
des faits; quant à la discussion, elle sera toute entière pui
sée dans la jurisprudence, où l’on trouve la saine et véri
table entente de la loi. Nous plaçons à côté des faits un
tableau généalogique tel que l’a présenté le sieur Bournet,
enyajoutantquelques indications qui nousparaissent utiles.
F A IT S .
Il s’agit, dans la cause, du sort d’une partie de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac. On voit sur la gé
néalogie qu’il décéda en l’an 4» après avoir recueilli sa
part dans la succession de Jean-Marie-Clair de Sévérac,
son neveu, mort le i germinal an 2. Marguerite et M a
rie Sévérac, sœurs de François-Aldebert, de va ie nt re
cueillir sa succession conjointement avec Claude-Gilbert
1.
�de Cespinasse, qui représentait Catherine-Marie-Louise
deSévérac,sa mère, alors décédée; mais Glaude-Gilbert
était émigré, et en vertu des lois du moment,il était repré
senté par la nation t qui s’était réservé le droit de succéder
à la place des émigrés pendant une période de cinquante
années. Aussi ses biens furent-ils frappés du séquestre.
Toutefois, le séquestre annoncé sur les biens provenus de
François-AIdebert, fut suspendu par une circonstance
particulière. Il avait légué la jouissance de ses biens à la
dame Chauvigny, son épouse, aujourd’hui remariée au
sieur Desroys. O r , ce droit d’usufruit s’opposait à la
jouissance actuelle du gouvernement, qui leva le séques
tre et laissa la veuve en possession.
I l j i ’estpas inutile, pour la suite des faits, de connaître
la composition des deux successions successivement ou
vertes, de Jean-Marie-Clair, et François-AIdebert de Sévérac. Elle est fort bien indiquée au mémoire de J’appelant, page 4 et 5 ; il nous suiiit d’en tracer les résultats.
L e patrimoine de Jenu-Marie-Glair se composait de la
terre de Vertessère et d'une portion de celle de Sévérac,
situées dans le département du Gantai, et d’une portion
de celle de St-Martin, située dans le département du Puyde-Dôme. Il faut faire une différence entre les deux pre
miers objets qui ont été restitués par le préfet du Gantai,
en vertu du sénatus-consulte du 6 iloréal an io , et la terre
de St-Martin qui n’a été rendue que par la loi du 5 dé
cembre i 8 i/}.On voit que Glaude-Gilbert Lespinasse était
appelé h recueillir une partie des biens de Jean-MarieClair, d’abord de sou chef, et ensuite du chef de FrançoisAIdebert.
�ÏÏ'
(. S )
Quant à ce dernier, il laissait dans sa succession la terre
d’Auzat, outre sa part dans les biens de Jean-Marie-Clair;
et Claude Lespinasse était appelé à y prendre une portion
•égale avec Marguerite et Marie Sévérac, ses deux tantes.
C ’est principalement à raison de la terre d’Auzat que s’é
lève la difficulté. Cette terre est demeurée au pouvoir de
la veuve, même après son convoi, quoique, par ce seul
-fait, la jouissance dût cesser de droit, et elle a donné lieu
•à des difficultés judiciaires qu’il faudra connaître. Nous
n’avons pas besoin de nous fixer davantag^sur la quotité
des portions que pouvait amender Claude-Gilbert Les
pinasse, ou, pour lui, le gouvernement, dans ces diffé
rentes natures de biens.
Nous devons noter ici un fait important qui est devenu
le principe de toutes les difficultés auxquelles s’exposa la
dame de Chauvigny, veuve Sévérac. C ’est un point reconnu
en jurisprudence comme en législation, que là nation
,
n’était pas saisie de droit, des successions ouvertes à l’é
migré, pendant sa mort civile; qu’elle ne le devenait que par
l’appréhension réelle, la mainmise surles biens; que,faute
de cette précaution, les successions échues aux émigrés
étaient dévolues aux héritiers républicoles (pour employer
les termes de la législation d’alors). O r, il ne paraissait pas
qu’il y eût eu séquestre effectué sur les biens de FrançoisAldebert, à cause de l’usufruit de son épouse, et on se
persuada qu’aucun acte de l’administration publique ne
les avait mis sous sa main; que conséquemment Margue
rite et Marie de Sévérac, ses deux sœurs, seules héritières
républicoles, avaient été saisies de la totalité, et c’est dans
cet esprit qu’elles traitèrent avec la dame de Chauvigny,
*eur belle-sœur, par acte du 3o floréal an 5.
*Tf
�( 6 5
Par cet acte, elles prirent la qualité de seules et uniques
héritières de François-Aldebert de Sévérac, et, à ce titre,
cédèrent à la dame de Chauvigny tous leurs droits dans
cette succession, sur les biens situés dans la commune
d’Auzat et autres environnantes. Elles en exceptèrent les
droits que François-Aldebert tenait de la succession de
Jean-Marie-Clair de Sévérac; cette réserve frappait ce qui
était advenu à François-Aldebert, dans les terres de Vertessère, de Sévérac et de St-Martin. Marguerite et Marie
Sévérac se lefréservèrent pour les réunir à pareilles por
tions qu’avait chacune d’elles, de son chef, dans les mêmes
biens, et elles exigèrent que la dame de Chauvigny se dé
partît de son usufruit survies portions qui leur provenaient
du chef d’ Aldebert, leur frère, en sorte que la cession
faite, d’ailleurs, moyennant une rente viagère, fut un vé
ritable contrat aléatoire. A u reste, il paraît assez clair que
la dame’de Chauvigny ne visait qu’à réunir dans ses mains
la propriété de la terre d’Auzat, dont elle était déjà usu
fruitière. Munie de cette cession, elle se considéra comnie
‘'seule propriétaire de cette terre, resta long-temps en
possession sans être troublée par personne, et la vendit
par parcelles à un grand nombre d’individus.
Plus tard, comme nous le verrons, Marguerite et Marie
Sévérac vendirent au sieur Grenier les biens et droits
dont elles s’étaient fait la réserve par la cession du 3o flo
réal an 5 .
Claude-Gilbert Lespinasse décéda le 16 frimaire an 8 ,
tq^ijours ou état d’émigration. Il ne laissait ni frères ni
tœurs; mais son père lui survivait. O r, on était régi par la
loi du 17 nivôse an a ; le père eût donc été seul héritier
�( 7 )
s e ^t Pu laisser une succession susceptible d’èlre *
t r a n s m i s e j mais, d’après la disposition des lois sur les effets
de la mort civile, sa succession avait été ouverte au profit
des héritiers qu'il avait au jour de son émigration, et
q u a n t aux biens qu’il avait acquis depuis, à titre successif,
ils auraient également appartenu à ses héritiers, s’ils n’a
vait pas été réservés à la république. O r , Claude-Gilbert
Lespinasse n’avait d’autres biens que ceux qui lui étaient
advenus par les décès successifs de Jean-Marie-Clair et
.François-AldebertdeSévérac,si ce n’est quelques-uns situés
dans le département de la Haute-Loire ; mais ils étaient
tous sous la main de la nation qui les avait séquestrés h son
profit. Le sieur Lespinasse père n’avait donc, alors, de
droits d’aucune espèce, pas même la qualité d’héritier de
son fils, censé mort bien avant la loi du 17 nivôse an 2.
C ’est en cet état que fut rendu le sénatus-consulte du
G floréal an 10, qui, en autorisant l’amnistie des émigrés,
leur rendit tous leurs biens non vendus, réservés ou af
fectés à un service public.
La terre de St-Martin avait été attribuée à la sénatorerie de Riom ; elle était donc exceptée de la restitution.
I,a terre d’Auzat était dans la main delà damede Chauvigny, déjà remariée au sieur Desroys.
On sait que l’avis du 9 thermidor an 10, permit d’ap
pliquer l’amnistie aux émigrés décédés en état d’émigra
tion. L e i 5 ventôse an 11, le sieur Lespinasse père obtint
un certificat d’amnistie pour son fils; après cela, il sollicita
et obtint divers arrêtés d’envoi en possession des biens.
L e 11 germinal an n , les biens du département de la
Ilaute-Loire furent restitués au sieur Lespinasse père,
du
�* par un arrêté du préfet de ce département. Il faut recon
naître, en effet, que le sénatus-consulte, en ordonnant *
la restitution des biens, l’appliquait à ceux qui étaient hé
ritiers présomptifs du défunt au moment de sa publication.
D ’ailleurs ces biens étaient possédés par le fils au mo
ment de son émigration, et il y avait une différence essen
tielle à faire entre ceux-là et ceux échus à l’émigré pen
dant sa mort civile.
Toutefois, un arrêté du préfet du Gantai, du 25 ther
midor an i l , délaissa au sieur Lespinasse père les por
tions échues à son fils dans les terres de Vertessère et de
Sévérac, du chef d’Aldebert et Jean-Marie-Glair de Sévérac.
Quant aux biens situés dans le Puy-de-Dôme, le préfet
n’ordonna la remise que de ceux possédés par le fils, au
moment de son émigration; il réserva tous ceux échus
depuis, comme n’étant pas rendus par le sénatus-consulte:
cela résultait de diverses lois et règlemens, comme en
convient le sieur Bournet, pag. 8 , et c’est un point fort
essentiel à saisir.
Ainsi la question ne resta plus désormais que pour la
terre de Saint-Martin et celle d’Auzat ; tous les autres
biens avaient été restitués à Lespinasse père. Ces deux
propriétés ont donné lieuàdeux procès successifs; d’abord
entre le sieur Lespinasse et le sieur Grenier, son acqué
reur, pour la terre de Saint-Martin; et ensuite entre le
sieur Bournet, donataire de Lespinasse, et la dame Desroys, pour la terre d’Auzat.
L e 18 vendémiaire an 14 , le sieur Lespinasse céda au
sieur Grenier tous scs droits dans la succession de sou fils.
�(9 )
L e s i e u r Grenier, considérant la terre d’Auza t comme ayant
fait partie de la succession du fils, forma, en 1810, une de
mande en partage de cette terre, contre la dame Desroys,
et en réclama le tiers. Avant toute décision, et par acte
sous seing’ privé, du 16 novembre 1811, 1g sieur Grenier
se départit, au profit de la dame Desroys, soit de cette
demande, soit de tous droits sur les successions de JeanMarie-Clair et François-Aldebert de Sévérac. Ainsi, soit ^
du chef de Marguerite et Marie de Sévérac, soit du chef du
sieur Lespinasse, la dame Desroys crut être propriétaire
delà totalité de la terre d’A uzat. C ’est dans cette confiance,
qu’elle l’a vendue; mais elle était dans l’erreur, comme
le démontreront les faits qui vont suivre. Quelque pénible
qu’il puisse être pour elle de rester sujette à des garanties
contre les acquéreurs, c’est une conséquence qu'elle ne
peut éviter; mais il faudra aussi que le sieur Bournet se
résigne à subir celles qui sont attachées à sa propre posi
tion, quelque singulières qu’elles puissent lui paraître. Il
est d’ailleurs fort aisé de reconnaître qu’il ne s’agit pas,
pour lui, d’une perte quelconque, mais d’un bénéfice
plus ou moins grand.
C ’est en cet état que fut rendue la loi du 5 décembre
1814 t
ordonne que tous les biens séquestrés ou
confisqués pour cause d ’émigration, tous ceux advenus à
VÉtat par suite de partage de succession ou présucces
sion ......... seront rendus à ceu x qui en étaient proprié
, à leurs héritiers ou ayans cause. Une commission
taires■
fut nommée pour l’exécution de cette loi.
Bientôt après, le sieur Lespinasse père, comme héritier
de son fils, se pourvut pour obtenir le délaissement de la
terre de Saint-Martin.
2
9
�D e son côté, le sieur Grenier en demanda la délivrance r
prétendant qu’elle était comprise dans la cession de tous
les droits du père à la succession du fils. L e sieur Lespinasse père, disait le sieur Grenier, ne se présente que
comme héritier de son fils. Or, cette qualité-seule repousse
sa demande, car il m’a cédé tous ses droits d’hérédité.
Cette prétention eût été incontestable si Lespinasse
père n’eût pu demander la restitution de la terre, qu’au
titre rigoureux à!héritier de son fils, car il l ’avait cédé au
sieur Grenier. Il fallut donc examiner si cette qualité lui
était nécessaire, et si la remise était faite à celui qui était
l’héritier naturel ou testamentaire de l’émigré au moment
de son décès, ou bien à ceux qui le représentaient,, comme
ses parens les plus proches, et comme étant appelés à lui
succéder au moment de la restitution.
On sent que dans le premier cas, le droit, provenant
d’un fait antérieur à la cessioü, appartenait au sieur
Grenier, céda ta i r e , à ses risques, du titre et des droits de
l’héritier, et que, dans le cas c o n tr a ir e , il ne lui restait ni
titre ni droit. Un arrêté de la commission r e n v o y a les
parties devant les tribunaux, et la cause fut portée devant
le tribunal d’ Issoire.
L é sieur Grenier y soutenait que Lespinasse père avait
été saisi de droit, par le décès de son fils, non-seulcment
des biens qu’il possédait alors, mais de tous les droits et
notions qu’il pouvait exercer, ineme de ceux qui étaient
suspendus parla mort civiteetla confiscation *, que la main
l e v é e du séquestre, la restitution des biens, ordonnées à
posteriori, n’avaient fait que lever l’obstacle qui existait à
la libre exécution des lois générales en matière d’hérédité,.
�yH 'i
«tque les choses reprenaient leur cours, comme si le s é
questre et la confiscation n’eussent jamais existé. O r , didisait-il, Lespinasse père, seul héritier de son fils, avait
réuni dans sa main tous les droits de l’hérédité ; il me les a
cédés; ils m’appartiennent donc, et avec eux la terre de
Saint-Martin, pour la part qui en revenait à mon cédant.
L esie u r Lespinasse, en combattant ce système, pré
sentait une thèse tout opposée; il soutenait d’abord que,
p a r l’effet delà mort civile, Claude-Gilbert Lespinasse,
son fils, n’avait succédé ni à J ean-M arie-Clair, ni à FrançoisAldebert de Sévérac, desquels provenait le huitième de la
terre de Saint-Martin ; que conséquemment il ne les avait
pas recueillis dans la succession de son fils ; d’ailleurs, disaitil, passe pour les biens restitués par le sénatus-consulte
de l’an 10; seul héritier de mon fils, à cette époque, j’en
étais propriétaire, puisqu’ils m'avaient été rendus avant
la cession que je vous ai faite quatre ans plus tard, et ils
peuvent y avoir été compris; mais ceux-ci étaient réservés;
ils ne m’appartenaient pas ; je ne pouvais rien y préten
dre, ni même conserver à leur égard de l’espérance, par
cela seul que la loi les avait exceptés et affectés à un ser
vice public, nous n’avons donc pu avoir ni l’un ni l’autre
la pensée de les comprendre dans notre conyention ; et
quelle que soit la généralité des termes que-nous avons
employés , ils ne peuvent s’appliquer qu’aux droits que
j’avais, et non à ceux qui, ne m’ayant été restitués que
depuis, et encore à titre de faveur et non d’hérédité, sont
tout à fait étrangers à la cession et à la qualité en vertu
de laquelle je vous l’ai consentie.En un mot, disait-il, ce
n’est pas à la succession de mon fils que les biens ont été
�rendus*, c'est à moi, directement, comme à celui-là, qui
seul le représentait au moment de la cession.
Remarquons bien ici que Lespinasse se présentait
comme seul ayant cause de son fils *, que Grenier ne le
contestait pas; qu’au contraire il avait intérêt qu’il le fût,
puisqu’il se présentait comme cédataire ; que ni l’un ni
l ’autre n’avertissait la justice que si la restitution était
directe à l’héritier, il existait d’autres ayans droit de
Claude-Gilbert Lespinasse, au moment de la publication
de la loi du 5 décembre 18 14 j qu’ainsi toute la question
se trouyait dans le plus ou moins d’étendue de la cession,
et non dans le nombre ou la qualité des représentans ou
ayans droit de Claude-Gilbert Lespinasse. En un mot, il
s’agissait de savoir si Guillaume Lespinasse, censé par
toutes les parties le représentant <le la succession de son
fils et son unique ayant droit, avait ou non compris les
biens rendus, dans la cession faite à Grenier, ou si on de
vait les considérer comme rendus directement à celui qui
était ou qu’on considérait c o m m e seul a y a n t droit de l’é
migré, au moment de la restitution.
Ces moyens prévalurent, et un jugement du tribunal
d’Issoire, du iCjuin 1816, adjugea lesbiensà Lespinasse;
il déclara que, nonobstant la cession faite à Grenier, il
était demeuré l’ayant droit de son fils pour tout ce qui
n’avait pas été rendu auparavant, c’est-à-dire, qu’il l’était
resté, nonobstant la cession faite à.Grenier, mais seule
ment comme il l’était auparavant. Si le tribunal d’Issoire
ajouta qu’il était seul représentant de son fils, cette ex
pression posée par opposition à la demande du sieur Grcnicr, ne signifiait autre chose, si ce n’est qu’entre eux
�(13>
deux, seules parties litigantes, seuls dont les droits ou les
intérêts fussent mis en question , Lespinasse était le seul
représentant de son fils, lors de la loi du 5 décembre j 814.
L e jugement ne décidait pas, au surplus, que s’il y avait
d’autres représentans de Claude-Gilbert Lespinasse, ils '
n’auraient pas le droit de demander contre Guillaume ,
d’être admis à participer, pour leur .portion, à une décision
qui leur appartenait évidemment comme à lui; car la seule
chose jugée était que la restitution n’ayant été faite qu’en
1814, et ne se reportant à aucun principe d’hérédité an
térieur, on ne devait pas considérer Guillaume Lespinasse
comme saisi par sa qualité d’héritier de son fils, mais seu
lement comme appelé en qualité d’ayant droit, au moment
de la publication de la loi du 5 décembre 181 4- En un
mot, on adjugeait le profit de la restitution au x héritiers
ou ayans cause de Lespinasse fils, en 181 4 5 contre l’ayant
droit de celui ou ceux qui étaient ses héritiers au G lloréal
an 10. Voilà toute la question qui fut alors jugée.
L e sieur Grenier appela de ce jugement ; il demandait la
réformation de la décision p rin c ip a le q u a n t à l ’a ttrib u
tion de la p r o p r i é t é ; subsidiairemetit, il demandait, comme
en première instance, que le feieur Lespinasse fût assujetti
à contribuer aux dettes de la succession.
Par un arrêt du 3 mars 1817, la Cour confirma le juge
ment, quant à la disposition principale, mais le réforma,
quant au payement des dettes: la Cour ordonna un compte
entre les parties.
L ’une et l’autre se pourvurent en cassation; mais le
pourvoi fut rejeté par-un arrêt du 25 janvier 1819. Ne
nous occupons que de la décision principale, et n’oublions
pas d’observer que si la Cour de cassation se fonda seule-
�ment sur ce qu’il était reconnu par la Cour royale que
les biens en litige n’étaient pas compris dans la cession
faite au sieur Grenier, la Cour royale avait décidé que la
loi du 5 décembre 18 1 4 était une loi de grâce et de fa
veur; que les biens restitués avaient cessé d’appartenir à
l’ancien propriétaire-, qu’ils avaient été irrévocablement
réunis à la sénatorerie, plus de deux ans avant la cession;
que si Lespinasse père les y eût nominativement compris,
la clause eût été réputée non écrite, parce que la loi inter
disait à Lespinasse tout pacte, toute transaction sur des
biens qui appartenaient à autrui. Il est bon, en parcourant
les diverses phrases des instances qui ont été portées de
vant les tribunaux, de ne pas perdre de vue la direction
qui leur était donnée, et les principes qui ont été chaque
fois posés parles arrêts, pour arriver à la décision. Nous
aurons à remarquer plus tard, que celui qui décida la
Cour de cassation, comme les motifs écrits dans les arrêts
postérieurs, militent tous en faveur des Bonnafoux.
' Dans l’intervalle, e t le 27 o c to b r e 1817, le sieur Lesüinasse
avait fait donation au sieur B o u r n e t de tous les
A.
droits dans lesquels il avait été réintégré par la loi du 5
décembre 181 4 >et l’arrêt du 3 mars 1817; et désormais,
ce fut le sieur Bournet qui figura dans les nouvelles pro
cédures.
Les parties passèrent bientôt à l’exécution de l’arrêt;
elles vinrent à compte, et les difficultés qui s'élevèrent fi
rent apercevoir au sieur de Lespinasse que son fils avait
droit à uneportion de la terre d’Auzat, à laquelle il n’a
vait pas pensé jusque-là. Un incident s’éleva, et le notaire
renvoya les parties devant la Cour, où s’établit un nouveau
Jitige. I,e sieur Grenier reconnut., dans çles mémoires Un-
�w
( 15 )
primés, que Ie sieur Lespinasse père , au moment de
la c e s s i o n de l’an 14 ? était exclu de la succession de
Irançois-Aldebert de Sévérac^ comme de celle de JeanMarie-Clair; qu’en conséquence, il ne pouvait rien pré^tendreàla terre d’Auzat, comme cédataire de Lespinasse,
puisqu’elle provenait de François- Aldebert; et par arrêt
du 26 avril 1820, la Cour donna acte au sieur Bournet de
cette déclaration, à l’effet, par Bournet, d’exercer ses
d r o i t s sur cette propriété, à ses risques et périls. Il faut
convenir que le sieur Grenier n’avait pas grand mérite à
faire cette déclaration; d’une part, elle n’était que la consé
quence de l’arrêt déjà rendu contre lui, qui ne pouvait
toutefois préjudicier-aux droits des tiers 5mais quand il eût
e u d e s droits sur A u z a t, dans le principe, il ne lui eussent
plus appartenu, puisqu’il les avait cédés à la dame Desroys, par l’acte de 1810, dont nous avons parlé plus
haut.
C ’est à cette époque que le sieur Bournet fit assigner
les sieur et dame Desroys, et divers acquéreurs de par
tie delà terre d’Auzat; il d em a n d a co n tre les uns le par
tage de la t e r r e , et contre les autres le rapport des por
tions par eux acquises.
- Il n’y eutpointdedifficultéàl’égarddestiers-acquéreurs;
les sieur et dame^Desroys prirent leur fait et cause;
mais à l’égard de ceux-ci, il s’éleva des questions sérieuses.
Les sieur et dame Desroys succombèrent, non parce que
le sieur Lespinasse était le seul ayant droit, mais parcequ’ils étaient sans droit ni qualité pour garder la portion
de la terre d’Auzat échue à Claude-Gilbert, et appréhen
dée par la nation, comme succédant à sa place. Nous en.
serons convaincus par la seule inspection de l’arrêt de k
�( 16 )
Cour, et de celui de la Cour de cassation qui l’a suivi
Cela demande quelques explications.
'
i
Nous avons vu plus haut^ que la dame Desroys était cédataire de tousles droits de Marguerite et MariedeSévérac
sur la terre d’Auzat; qu’elle était encore céda taire de tous
les droits du sieur Grenier. Elle et son époux croyaient, à
ces deux titres, que la propriété du.tiers de celte terre,
provenue de François-Aldebert, ne pouvailleur échaper.
Ils présentaient leurs moyens sous unedouble face.
E t d’abord, disaient-ils, au moment de l’ouverture de
la succession de François-Aldebert de Sévérac, ClaudeGilbert Lespinasse, son héritier pour un tiers, était frappé
de mort civile; il ne pouvait donc- pas succéder à son
oncle. Sa part de cette succession eût pu, il est vrai, être
recueillie par la nation, qui se l’était réservée par les lois
sur l’émigration ; mais il fallait pour cela une appréhension
de fait, une mise en séquestre. Jusque-là, le droit de l’hé
ritier n a tu re l n’était pas paralysé; d’autant qu’en matière
de successions collatérales é c h u e s pendant l’émigration, la’
loi du 8 messidor an 7 et les règlemens p o sté rie u rs a v a ie n t
appelé les héritiers républicoles à succéder à la place de
l’émigré. O r, il n’y a eu ni séquestre ni mainmise de la
nation. Marguerite et Marie de Sévérac, sœurs de Fran
çois-Aldebert, et qui auraient concouru avec ClaudeGilbert Lespinasse, ont donc seules succédé pour le tout:
aussi, en nous cédant leurs droits, elles se sont dites seules
héritières, et nous ont vendu la totalité. La terre d’Auzat
n’a donc pas été rendue par la loi du 5 décembre i 8 i 4 j
elle nous appartient donc indépendamment de toutes dis
positions législatives qui n e sauraient s’appliquer à cette*
propriété; et aussi voit-on que toutes les d e m a n d e s en
�( *71)
partage, tousjles procès n’ont porté ique sur les autres
b i e n s , notamment sur la terre de St-Martin, et que ja
mais depuis i 8 i 4 j et malgré qu’on..ait .constamment
plaidé, on n’a réclamé la terre d’Auzat, parce qu’elle était
soumise à des règles particulières; -t .r . , •
'Mais si on n’adopte pas ce premier moyen, disaient-ils
encore, nous sommes cédataires du sieur Grenier, de tous
ses droits a la- succession d’Aldebert,
relativement à *la
A
terre d’Auzat. O r, si cette terre n’a pas appartenu, en en*
tier, à Marguerite et à Marie de Sévéracy si le , sieur
de Lespinasse a été appelé, comme héritier de son fils,
à en recueillir un tiers, ce tiers se trouve compris dans la
cession que Lespinasse a faite à Grenier, et par consé^
quent dans celle qu’il nous a consentie lui-même.
. En deux mots, disaient ils , le sieur Lespinasse ne peut
avoir droit que comme héritier de son fils, au tiers de la
terre d’Auzat; s’il a un droit, il l’a cédé, et il est,dans nos
mains; s’il n’en n’a pas,,Marguerite et Marie de Sévérac
ont pu nous céder la totalité de la succession d’ Aldebert,,
et elles l’ont fait. Dans l’un et l’autre cas, la te rre d’Auzat
nous appartient en totalité ; nousjen avons disposé de,
bonne foi, et nous ne saurions craindre les suites désas
treuses qui résulteraient contre nousd’un désistement pro
noncé contre nos acquéreurs.
Il est évident que le dernier moyen des sieuv et dame
Desroys, n’était que l’application à la terre d’Auzat,.de
celui déjà invoqué par le sieur Grenier pour la terre de
St-Martin, et qui avait été rejeté par l’arrêt de la ,Gour ;
il nejpouvait donc pas faire fortune. Quant au premier,
il disparaissait devant le fait constant que le séquestre avait
3
�:
( Ù 8 - ) ) .....................................
été' apposé''sui'là^terre d’Àuzat j 'et qu’il n’avait été.levé
que p'àr^l’exfceptibn résultante des droits'd’usufruit de la
veu ve'dé S évérac'A in si la iiiainmisedé la nation avait
restreint'Marguerite et^ftlarie de Sévérac, dans le cercle
de leurs droits personnels; et elles n’avaient recueilli et pu
cédél;';qüe les deux tiers. Restait la question de savoir
à qui la loi de 1814 avait fait’la restitution ; elle se ren
fermait dans ces termes précis : La restitution a-t-elle été
faite:â ceux qui auraient été les héritiers dé l’émigré, le’
6 flotéal an 8') jour dé soù décès, s’il n’eût pas été frappé
dèTimërt civile, é trqui le sont devenusau jour de l’amnistie,
ou à ceux’ qui'étaient'appelés à le représenté!* au moment
où la^'lôi a'ordonné qué lés biens seraient rendus ? C ’était
en effet là-véritable question qui pouvait'se présentery
cdmmëî c’est encore la difficulté à résoudre aujourd’hui;
niais1la Ôoür-n^ëut point à ‘ la décider ; car, réduite à ces
termes 1,'^e!llè ^n’appartenait point à la dame Destoys, q u i,;
éfràngère' à la‘famille dè Sévérac, ne pouvait se présenter
■.
_
:«;i .1 •' _•_. •
que COriime cessionnairc,'sans p o u v o i r user d’aucun droit
pér&mh’eT,1ni pouvoir diré que ni en l’an 10; n i en a8 14 5
elle 'feiït(été a^péléé/de son chef,1à rëprésenter Claude-GilberrLespinabe.1
• ‘-n
■
>
'’Aussi l’arrêt dé là Cour prit-il une toute autre direction
que celle qu’il faut recevoir aujourd’hui dé positions diffé
rentes. Nous allons nôus convaincre qu’en rejetant 1les
moyéns' de fya‘ dame De&oys, il ne préjugea rien contre
les droits des"Bohhafoux, ét'qü’àu contraire il'admit des*
p rin cip e qüi tiiüdctal: à lés apj^üyôr dé toute leur'autorité. '
' N e u f qifèstioris1sont posées dahs cfet arrêt sur l'intérêt'
pi-rnbipa!.J,,i' - ’
!:
s* '' ' - «
■
Z
�-c]cux premières ont'pour unique; objet de rechercher
-si-M arguerite et M arie dé Sévérac ont pu^-se^dire seules
héritières dfA ldebert, com m e profitant de.la,.mort civile
de Claude-G ilbert Lespinasse >’ et si elles ont pu céder en
totalité .»la terre d'Auzat.f;- ! jriui '
mi . :v/hnii-i.r.q
'i L es cinq questions suivantes tendent à savoir si la nation
•aoèté saisie de. plein droit, si ¡çlle a ¡conservé par ¿Je sé
q u e s tr e ;'s i le gouvern em ent est resté saisi jusqu’à la loi
de 18 14*
-"ii
L a huitième's’applique à l’étendue de la cession faite
au sieur Grenier. : ' v
;
La neuvièm e^ enfin, a pour .objet de savoir si Te sieur
B o u r n e t, comme représentant le sieur Lespinasse p è r e ,
«on d o n a te u r, peut profiter seul du bénéfice de cette loi.
O n voit que les huit premières questions n o n t aucun .
trait à la difficulté actuelle, et que la neuvième ne va être
e x a m in é e qu’en considérant Bournet comme représentant
Lespinasse, et en opposant sa qualité, d’ailleurs certaine,
aux prétentions des sieur et dameDesroys.
... . -,
Si nous parcourons les motifs de l ’a rrêt s u r les huit pre
mières q u e s tio n s , nous y voyons la Cour reconnaître
-qu’à la mort de François-Aldebert de Sévérac,- la nation
fut appelée à lui succéder pour .un tiers, par suite de la
- m o r t civile dé Claude-Gilbert Lespinasse j qu’elle opéra
sa mainmise sur les biens-,: que cette mainmise se conserva
sur la nue propriété, nonobstant la mainlevée du séquestrc q u 'e x ig e a l’usufruit de la veuve ; (jue VEtat{est demeuré
hanti jusqu'à la loi du 5 décembre i8 i4 ; que conséquem-inent la cession faite paç,Marguerite et Marie
Sévérac à
-la dame: de Cliauvigny, le 3o florçéajian^, n'q,pu lui çon-
1- . u / 7: -lin ob g'i- :! ,1 -i-j;.- t‘ i ’Ja
�,
,
.
.
.
( ao )
"férer queles deux tiers; que cette dame ne peut davantage
invoquer la' cession du sieur Grenier, qui a reconnu luimême n’avoir aucun droit à la terre d’Auzat’/'
'
Jusque-là’ tout est exclusivement applicable aux faits
particuliers qui intéressaient la dameDësroys, et demeure
tout à fait étranger à la qùestion qui nous occupe; mais il
fallait s’en rapprocher en abordantila dernière question.
Il faut donc appeler un peu plus ¡’’attention sur ces der
niers motifs du jugement.
Ils partent de ce point, que les droits dù gouverne
ment n’ont cessé d’exister que par la promulgation de la
loi du 5 décembre 18 f 4 ? et que
remise a ¿té ordonnée
au profit' des propriétàiresjdeurs héritiers ou ayans cause.
• O n n è voit là encorérien qui nedérivedelaloi elle-même.
TLà Cour dit que Lespinasse , aux droits duquel est le sieur
Bournet, a été reconnu el\déclarë être.le seul représentant
de Claude, son fils; par l’arretdu 3 mars 18 17 , et que
le ju g e m e n t et V arrêt n'ayant pas 1été attaqués p a r le s
sieur et dame Desroys, il >doit demeurer pour constant
que Guillaume Lespinasse a été seul appelé à recueillir le
bénéfice de la loi ;
■y
.. . •
j
Que d?ailleürs Claude1étant décédé le 16 frimaire an 8,
et ayant été amnistiénle i 5 ventôse an 11, sous l’empire
de la loi dû 17 nivôse , le père a été seul saisi de sa suc
cession ; qu’à la vérité son droit avait été suspendu; mais
que lorsque les biëns^dnt élé>rendus, ils n ’o n t pu l’être
qu’à Lespiüasse père',rommefson seul héritier au moment
de son dëiïes. ’ * ^
1 :,u‘
^
Q u’ènfîÜ ^ïts môVne^ hiotifs qüi Qnt fait adjuger à Lespirias^ j4ë£e le hüitiètfiié de îd terre de St-Mdrtin, mili
tent pour lui attribuer le tiers de celle d’Auzat.
�Nous sommes parfaitement d’accord sur ce dernier
motif. Il est incontestable, en effet, que la terre de SaintMartin et celle d’Auzat sont soumises à la môme règle,
comme rendues seulement, l’une et l’dutre, par la loi de
i 8 i 4 >et aussi, les Bonnafoux ont-ils cru devoir les com
prendre l’une et l'autre dans leurs demandes.
Quant aux autres motifs, ils s’appuient principalement
sur la chose jugée : s’ils semblent ensuite aborder la ques
tion , nous ne devons pas p e r d r e de vue que cette question
ne s’agitait qu’entre un héritier ou représentant de ClaudeGilbert Lespinasse, et une autre partie qui ne l’était ni,
ne pouvait l’être ; qu’ainsi la Cour n’avait qu'une chose à
e x a m in e r , celle de savoir si le tiers de la. terre d’Auzat,
échu à Claude-Gilbert Lespinasse, n’ayant été ni pu être
cédé à la dame de Cliauvigny, soit par Marguerite et
Marie de Sévérac, soit par le sieur Grenier, comme cédataire de Lespinasse père, celui-ci, par un droit nou
veau, résultant d’une loi postérieure à la cession, n’était
pas, des deux parties plaidantes, le seul appelé à recueillir
les biens rendus par cette loi. La justice n’examinait pas
si d ’autres héritiers ou ayans cause du propriétaire, pou
vaient y avoir des droits, alors qu’ils n’étaient pas présens
ni appelés pour les faire valoir. Nous nous bornons,
quant à présent, à cette remarqüe qui est nécessaire pour
bien saisir ce qui résulte des faits ultérieurs.
Les sieur et dame Desroys se pourvurent en cassalion ;
ils firent valoir d’abord les moyens qui leur étaient per
sonnels. Sur les premières questions, ils soutinrent que le
tiers de la terre d’Auzat avait été rendu, non par la loi du
.5 décembre 1814 > mais par le sénaîus-consulte du 6 flo-
�*(t
réalan 10; subsidiairement, ils prétendirent que la loi du
5 décembre 18 14 n’était applicable qu’à ceux qui duraient
été héritiers ou ayans cause du propriétaire, au moment
de sa promulgation ; que conéquemment Lespinasse pèrë^
ou Bournet, son donataire, n’était appelé'qu’à la moitié
des biens, comme héritier ou ayâtït cause "seulement du
chef paternel,' et que l’autre moitié était dévolue à M ar
guerite et à Marie de Sévérac; tantes maternelles 'de
Claude-Gilbert, et ses représentàns'fde ce chef. Oi', di
saient les sieur et dame Desroys, nous sommes cédataires
•de-Ma-pguwite et Marie de Sévérac; donc l’arrêt viole ou
applique faussement la loi de ;8i4jenattriljLuantàBQjLumet
la totalité de la portion de Claude-Gilbert Lespinasse,
dans la succession de François-Aldebert de Sévérac? tandis
qu’il nous en reviendrait la moitié.
Ce dernier moyen aurait pu être fort bon , si la cession
de Marguerite et Marie de Sévérac eût été postérieure à
la loi de 18 14 » mais, étant de beaucoup antérieure, elle
ne pouvait attribuer a la d am e D e s r o y s aucun titre, au
cune qualité pour réclamer des biens ou des droits qui
n’étaient advenus à ses cédantes que dix-sept ans après la
cession; elle n’était ni de son chef, ni du chef d’autrui,
ayant cause de Lespinasse fils, a u 5 décembre 18 14 - Cette
circonstance détermina l’arrêt de la Cour de cassation,
sur lequel il est absolument nécessaire de fixer un mo
ment son attention.
Nous ne devons pas douter que cette Cour régulatrice
n’eût abordé le moyen du fond, si elle eût pensé que
Ma rguente et Marie de Sévérac elles-mêmes n’étaient
pas appelées par la loi de 18 14 : c’eût été le seul moyen de
�( - }
.
proclamer la véritable pensée du législateur, et de ramener
à l’exécution de la loi. O r, c’est là’ le but de son institution.
S’arrêter en pareil cas à une simple exception,' c’eût été
employer un moyen évasif, d’autant moins digne d’elle,
que l'arrêt contre-lequel était dirigé le pourvoi semblait
aborder la question, quoique dans un sens tout différent,
comme nous l’avons fait entrevoir. Cependant o d lit dans
l’arrêt de la Cour de cassation, ce motif unique et fort re
marquable sur le second moyen :
•
« Attendu que pour revendiquer subsidiairemen t, non
» pas le tiers, mais bien la moitié du tiers contentieux
» sur la succession de Claude-Gilbert de Lespinasse, la
» veuve de Sévérac, épouse Desroys, étrangère à cette
» succession, se présentait comme subrogée aux droits
» des deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
» ses belles-sœurs, en se fondant à cet effet sur une cession
» rque celles-ci lui avaient faite le 3o floréal an 5 •, mais at» tendu qu’ il est reconnu, en fait, que cette cession
» consentie en floréal an 5 , n’a point porté ni pu porter
» sur la succession de Claude-Gilbert, décédé en frimaire
» an 8 5 q u ’elle portait! seulement sur la succession de
» François-Aldebert de Sévérac, frère des cédantes, dé>> cédé en germinal an 4, et que, même sur cette succession,
» la cession dont il s’agit ne conférait nullement à la ces» sionnairele tiers en question; qu'ainsi, ne pouvant plus
» représenter les deux religieuses , Marie et Marguerite
» de Sévérac, la veuve de Sévérac, épouse Desroys, était
» "sans qualité pour en exercer les droits. » ,
Toutes ces décisions judiciaires consacraient en défini
tif, ce principe non contesté, que la loi de i8 i4 avait fuit
�(=>4 )
une grâce, une faveur, soit aux anciens propriétaires des
biens réservés par lesénatus-consulté, s’ils étaient encore
vivans, soit à leurs héritiers et ayans cause, au momentde,
la loi. Elle les appelait donc directement, non par une res
titution qui eût son principe dans*un droit antérieur, mais
par une sortede libéralité qui ne remontait pas plus loin
que la loi elle-même. C ’est pour cela que les tribunaux
avaient refusé à toutes dispositions antérieures du proprié
taire, à toutes cessions ou transactions, la force de frapper
ces biens qui avaient cessé d’appartenir à l’ancien proprié
taire, parce qu’il en avait été dépouillé irrévocablement.
Or, l’attribution a u x représentans, les saisissait tous, quand
bien même un seul d’entr’eux se fût présenté; car il est de
principe (tout le monde le sait), qu’un seuf des héritiers
qui exerce une action du défunt, conserve les droits de
tous. Ainsi, tout en agissant en son nom personnel, par
suite de la donation de Lespinasse père, et en se faisant
adjuger comme h é r it ie r o u ayant cause du fils, les biens
que venait de rendre la loi, Bournct n’empêchait pas
que les autres ayans droit ne vinssent ensuite réclamer
contre lui la participation à une chose qui leur était com
mune; car il ne pouvait avoir fait prononcer la remise à.
son profit, comme héritier ou ayant droit, sans que la
décision profitât à tous ses cointéressés.
Marguériteet Marie deSévérac étaient décédéespendant
ces discussions': les Bonnafoux qui les représentent, cru
rent que leur droit était suffisamment reconnu par ces ar
rêts, et qu’il leur suffisait, sans avoir besoin d’en demander
la réformation, en tant qu’ils avaient considéré Lespinasse
père comme' sèul héritier, de demander contre son dona-
�,* >
7«’
taire, leur portion d e l à chose commune. TJs assignèrent
soit le sieur Bournet, soit lès sieur et dame Desroys,,pour
v e n ir à partage des Liens délaissés par Jean-Marie-Clair
et F r a n ç o is -A ld e b e r t de Sévérac, et quifseraient advenus
à C la u d e - G ilb e r t Lespinasse, s’il n’eût pas été émigré.
- C ’est sur cette demande qu’est intervenu le jugement
du tribunal civil d’Jssoîre, du 25 août 1829. 11 est presque
littéralement transcrit au mémoire du sieur Baurnet*
page 18 et suivantes. Nous ne le reproduirons pas.
Trois sortes de moyens sont proposés contre ce ju
gement.
i°. Sur les qualités des demandeurs. On se borne à dire*
sur ce point, qu’elles ne paraissent pas suffisamment
justifiées, et qu’on se réserve d’examiner les actes de fa
mille. Nous n’avons donc pas autre chose à répondre à
cette assertion vague, si ce n’est que les qualités sont jus
tifiées par le rapport des actes de famille et des actes de
l’état civil, et qu’ils doivent produire leur effet tant qu’ils
n’auront pas été critiqués valablement.
20. Sur la procédure tenue par les Bonnafoux. On se
plaint de ce q u ’ ils ont été admis à participer à la resti
tution s a n s avoir même formé tierce opposition aux
arrêts de la Cour, qui avaient considéré Lespinasse père
comme seul ayant cause de son fils. Nous avons déjà fait
pressentir le motif pour lequel la tierce opposition nous
avait paru inutile. Nous appuierons davantage sur ce
p o i n t ’, mais il nous semble plus convenable de discuter
d’abord la question du fond, qui est la principale, parce
q u ’ il nous sera beaucoup plus facile ensuite de reconnaître
si lesarrets jugent quelque chose sur la question qui nous
�( 26 )
occupe; s’ils peuvent faire p ré ju d ice su x droits des Bonnafoux, et si au lieu d’avoir à y form er tierce opposition, il
ne leur suffit pas, au contraire, d’en invoquer le bénéfice.
3°. Sur le fond des prétentions des intimés. C ’est là le
seul point qui mérite une discussion sérieuse.
Commençons par bien définir avec la jurisprudence, le
véritable sens de la loi du 5 décembre 181 4 7 voyons
quelles conséquences elle doit naturellement produire, et
nous examinerons ensuite les principales objections qui
nous sont proposées.
Pour bien saisir les résultats delà jurisprudence, il faut
d’abord établir la position extraordinaire créée par la loi
de
Si elle avait voulu, comme la loi de l’indemnité, du 27
avril 1825, faire une restitution à l’émigré en la rattachant
aux droits antérieurs tels qu’ils existaient au 1“ janvier
1792; si elle avait fait cette restitution « à l'ancien pro•» priétaire ou aux Français qui étaient appelés par la
» loi, ou par sa -volonté , à le représen ter à Vépoque de son
» décès, sans quon puisse leur opposer a u cu n e in c a p a c ité
» résultante des lois révolutionnaires, » il n’y aurait eu
rien que de naturel dans son exécution; il aurait fallu re
chercher ceu*x qui étaient désignés par la l o i , ou par
l'émigré lui même, pour lui succéder, pour le représen
ter, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, soit à titre
universel, soit à titre particulier, au jour de sa mort,
parce que les biens restitués, n’auraient pas cessé de repo
ser sur la têle de l’ancien propriétaire; que dès lors ils
auraient pu être compris, et que, de droit, ils auraient été
censés compris dans toutes les attributions ou dispositions
�( 27 )
universelles des biens de l’émigré, dans tous les traités,
c e s s i o n s , transactions relatives à ses droits et conçues en
termes généraux, parce que ses droits n'auraient-été que
suspendus.
1‘ : r 1
O r, da^s ce cas supposé, la cession faite à Grenier, par
Lespinasse père, aurait frappé tous lés biens qui auraient
appartenu ou dû appartenir à son fils, au moins tous les
droits qu’il y amendait*, le sieur Grenier aurait :iobtemi
le huitième de la terre de Saint-Martin, et le tiers de la terre
d’ Auzat, puisque sa cession était générale; et ce tiers d’Au- ,
zat cédé par lui-même à la darne Desroys, qui l’avait no
minativement acquis, n’aurait pas pu lui être ravi par le
sieur Lespinasse p ère, qui n’aurait été ni pu être admis à
reprendre ce qu’il avait vendu.
Mais, par une exception tirée de quelques termes de
cette loi, on a jugé qu’elle avait créé une position toute
spéciale, qu’elle n’avait pas restitué, mais seulement rendu;
que les^biens n’avaient pas oontinué, après le séquestre ,
de reposer sur la tête de l’émigré; mais qu’il en avait été
irrévocablement dépouillé, et que l’État lui faisait une
sorte de grace, une concession bénévole , qui n’aVait
d’autre principe que le mouvement de sa volonté, et qui
n’ayant aucune relation avec un droit antérieurement
existant, ne prenait naissance que du jour même'de sa
promulgation, n'effaçait pas l'incapacité intermédiaire,
et ne pouvait être soumise à toutes les dispositions de
l'homme, ni aux attributions légales, antérieures au 5 dé
cembre 1814. Si donc, parce qu’on a créé une exception,
le sieur Bournet est parvenu à faire mettre en dehors des
actes consentis par Lespinasbe père, au sujet de la succès-
�(ÎSf
'
* *
( 28 )
sion desonfils, toutcequilui étaitrendu parla loi de 1814,
comme étant étranger à cette succession, il faut qu’il ad
mette toutes les conséquences de ce principe, et qu’il ne
rapporte point à la succession du fils, prétendu ouverte
en l’an 8, la remise prononcée par la loi de 1814- 11
n’y aurait pas de doute si Claude-Gilbert Lespinasse eût
vécu à celte époque; il eût recueilli directement, puisque
c’était à lui qu’on donnait: mais il était mort; la loi
l’a p ré v u , et elle devait le prévoir; elle a appelé les
héritiers ou ayans cause. Dès qu’elle ne voulait pas
reconnaître comme ayans cause les cédalaires univer
sels de droits par actes antérieurs, comment aurait-elle
appliqué la qualité ^ ’héritiers à ceux qui la cherchaient
dans une succession que la loi ne voulait pas reconnaître,
et avec laquelle, vraie ou supposée, elle ne voulait pas
entrer en relation?
Et encore, si on pouvait le supposer, à quel jour eûtelle reporté la fixation du 4foit ? Étail-ce au jour de la
mort naturelle de celui qui déjà était mort civilement ?
Comment, en Défaisant partir l’attribution de propriété,
que du 5 décembre 1814> en 11’efTaçant pas Yincapacité
antérieure) aurait-elle pu reconnaître pour héritiers ceux
qui l’auraient été au jour de la mort naturelle, plutôt
que celui qui était appelé par d’autres lois, nu jour de
la mort civile? Eu ce cas, l’attribution à tel ou à tel,
suivant qu’il plairait d’appliquer telle ou telle l o i , aurait
donc été l’effet d’un caprice* plutôt que la dépendance
nécessaire d’un principe ! On tombe en effet dans le
caprice, dans l’abstraction, dans des conséquences indéfi
nissables, quand, à propos d’une exception, on veut re
�pousser le principe môme sur lequel elle a été fondée, et
q u ’on veut revenir au principe général, pour l’appliquer
à celte exception créée précisément pour échapper au
principe.
A u reste,Voyons comment l’a entendu la jurisprudence
des arrêts.
L e premier arrêt es£ celui de Lépinay do St Luc et de
l’abbé Duclaux : il est rapporté dans Dalloz , ann. 1819 ,
pag. 11 3.
Comme dans l’espèce, le sieur de Saint-Luc, émigré,
était m ort avant toute amnistie (en 1799V
Il laissait une fille unique, madame de Sully.
Celle-ci obtint l’amnistie de son père, et se fit envoyer
en possession des biens rendus par le sénatus - consulte :
toutes circonstances absolument semblables î^i celles du
procès actuel. Elle mourut le 3o janvier 1809, après avoir
institué l’abbé Duclaux son héritier universel.
Convenons ici que le sieur abbé Duclaux, légataire
universel, la représentait pleinement, et que si les droits
que lui attribua plus tard la loi du 5 décembre 1814, s’é
taient référés h. la quqjité d’hcritier ou ayant cause, fondée
sur des faits ou sur un droit antérieur à la loi; qu’en un
mot elle se fût appliquée à celui qui était l’héritier au mo
ment du décès, l’abbé Duclaux, seul, en aurait été in
vesti, caria dame de Sully était la seule héritière de son
père, et il était le seul héritier de la dame de Sully. Il en
éleva la prétention. Pour échapper à cette conséquence,
il fallait donc décider qu’on ne devait considérer comme
héritiers on ayans ca u se, que ceux qui se trouvaient
l’être au 5 décembre 1,814, et non ceux qui pouvaient
�\o'à
’
(3o)
rattacher leur droit à une époque antérieure, comme
celle du décès ; il fallait reconnaître comme tels ceux
qu’appelaient les lois en vigueur au 5 décembre 18 14 ? et
non ceux que désignaient autrefois des lois maintenant
abrogées. L e sieur de Saint-Luc, héritier au moment
de la loi, comme plus proche parent existant du sieur de
Saint-Luc, émigré, réclama la préférence; il soutint que
madame de Sully n’avait pas trouvé, en 1799, dans la suc
cession de son p ère, les biens que venait de lui rendre la
loi de 1814 5 qu’elle n’avait pu les transmettre h l’abbé
Duclaux ; qu’il fallaitexaminer quel était, au jour de la
loi de i 8 i 4 j l’héritier appelé comme plus proche parent
existant.
Celle prétention avait été proscrite par un jugement du
tribunal de la Seine et un arrêt confirmatif de la Cour
royale de Paris. 11 avait été jugé que la remise des biens
était une véritable restitution en entier, qui effaçait toute
trace d ’émigration, de séquestre ou de confiscation ; que
les biens étaient dès lo rs censés n'être pas sortis des
mains des anciens propriétaires qui les avaient tran sm is
à leurs héritiers ou ayans cause. C ’était la doctrine de la
simple suspension que le sieur Bournet veut encore faire
prévaloir aujourd’hui. On appliquait ensuite cette doc
trine aux faits particuliers, et on disait que lu dame de
Sully ayant été Vunique héritière du marquis de SaintL u c , et l’abbé Duclaux étant son légataire universel,
il était le représentant universel et l’ayant cause, non-seu
lement de madame de Sully, mais encore du marquis de
Sjiint-Luc.
fin, l’arretajoutait l’argument d’aujourd’hui,
que sans cela il faudrait supposer qu’A deux époques éloi-
�Vi
( 31 )
g n(ie5 l'une de l'autre, il se serait ouvert, au profit de deux
personnes différentes, deux successions du même individu.
Cet arrêt fut cassé, malgré sa logique forte et persuasive.
La Cour de cassation déclara que la loi n'avait fait cesser
les effets de la confiscation que pour l’avenir, mais ne les
avait pas-abolis pour le passé; q u il ne peut être question
de restitution par suite de cette loi, qui n’a réellement
rendu les biens qu’à titre de libéralité; que dès lors ils
n’avaient fait partie ni de la succession du marquis
Lépinay, ni de celle de la dame de Sully ; qu’ainsi, il n’y
avait pas deux successions du même individu; qu’enfin,
ils n ’avaien t pu appartenir ni à madame de Sully nia l'abbé
D u c l a u x , puisque, jusqu’au 5 décembre i 8 i 4 ,ils étaient
irrévocablement réunis au domaine de VElat; l’arrêt ajoute
enfin que la remise était faite non par la voie civile des
successions, mais par la voie naturellé de justice et d'é~
quite.
Il semble que tous ces motifs sont faits pour la cause
actuelle; e t, en effet, les circonstances étaient à peu près
identiques.
Si on avait dû, dans notre espèce, considérer la voie
natu relle des successions, regarder les biens comme ayant
sans cesse appartenu à l’ém igré, et étant restitués aux
véritables héritiers qu’il avait laissés par son décès, les
biens auraient incontestablement appartenu au sieur Lespinasse père; mais alors, comme nous l’avons déjà observé,
ils auraient été compris dans la cession par lui faite au
sieur Grenier; et il aurait fallu les lui adjuger comme
l’arrêt*de Paris l’avait fait au profit du*sicur abbé Duclaux;
mais comme c’était seulement une attribution faite à titre
�( 3» )
de libéralité, le 5 décembre 18 14 >à Claude-Gilbert Lespinasse ou à ses ayans cause, que cette attribution n’était
pas faite par la voie ordinaire des successions, et que le
décès de l’émigré mettait ses ayans cause en ligne, il ne
faut plus aller chercher la voie ordinaire d’une succession
ouverte en l’an 8, alors que, par sa mort civile, l’émigré
n’avait pas de succession, ni invoquer une loi transitoire
qui attribuait au père le droit exorbitant d’une succession
exclusive; il fallait et il faut rechercher quels étaient au
5 décembre i 8 i 4 » d’après les lois existantes, les héritiers
ou ayans cause de Claude-Gilbert Lespinasse; reconnaître
les parens les plus proches en degré qui étaient appelés
par la loi à le représenter. Or, dans la ligne paternelle,
c’était son père; dans la ligne maternelle, ses deux tantes;
voilà les conséquences les plus naturelles, les plus directes,
les plus sûres, et elles ne produisaient pas d’injustice, elles
n’appelaient pas des étrangers pour exclure les parens
les plus proches; car il ne pouvait plus être question de la
succession exclusive du p è re , sous la loi du 17 nivôse an a:
c’était un fait, un droit auquel le p r in c ip e de rem ise des
biens demeurait tout à fait étranger par la disposition de
la loi.
Voyons l’arrêt Devenois, du 9 mai 1821 (Dalloz, 1821,
p. 397) ; il est encore dans les mêmes termes.
Une succession s’était ouverte au profit de Devenois,
émigré. 11 mourut, en i 8 o 5 , sans avoir été amnistié; sn
plus proche parente, habile à lui succéder, était la demoi*
selle Leguerney; elle mourut eu 1808.
Les biens furent,rendus par la loi de 181 4- CJombat
entre l’héritier naturel de~la demoiselle Leguerney, et
�(r 3 3 )
qui, en omettant tous lès faits antérieurs, se serait
trouvé héritier, représentant, oü ayant'cause, si l’on veut,
de Devenois, émigré, en supposant sa succession ouverte
seulement le 5 décembre 1814.
"T ...
<
■. r
'A rrêt de Caen, qui, suivant l’ordre ordinaire des suc
cessions , regarde comme héritier ou ayant cause du sieur
Devenois, la demoiselle Leguerney, qui, en effet, lui au
rait succédé à' l’époque de son décès; mais cet »arrêta est
encore cassé par des motifs qui ne sont *qu’un résumé'de
ceux de l’arrêt de Saint-Luc. La Gourde cassation déclare
enfcore qu’il ne s’agit point de restitution, mais d’une libé
ralité exercée le .5 décembre 181 4 5 qü’elle n’a pu être at-,
tribuée à la demoiselle Leguerney, quoiqu'ellefût au décès
de Jacques Depenois sa plus proche parente. .
. :/
Ainsi, ce n’est pas le plus proche parent, celui qui est
habile à succéder au moment du décès de rémigré, mais
celui ou ceux qui lui succéderaient comme plus proches,
au 5 décembre 1814, qui sont appelés comme ayans cause
de l’émigré, à recevoir une libéralité qu’il ne peut recueil
lir lui-même par suite de son déçès.
>
Si nous jetons un coup d’œil suril’arrêt de Béthune, du
3 janvier 1821, au même volume de 1821, p. 493, nous y
voyons quelques circonstances différentes, mais une dé
cision semblable Les biens sont attribués aux frères consanguinsdu défunt,au préjudice d’héritiers collatéraux éloi
gnés qui prétendaient les exclure, et n’avaient aucun titre
pour cela.Toutefois cet arrêt, de simple rejet parla section
des requêtes, semble fondé sur une interprétation diffé
rente de la loi ; il dit que le droit du père, héritier de son
fils, n’a été que suspendu par les lois sur l’émigrationj
ce lu i
5
�C34)
mais, d’une part, la succession ouverte était celle du fils,
non émigré ; c’était le père qui l’était, et sous ce rap
port j on pouvait dire que le droit de l’émigré n’était que
suspendu jusqu’à son amnistie. O r , il avait été amnistié
vivant, et avait par conséquent repris ses droits successifs.
Ici les circonstances sont diamétralement opposées; la
succession ouverte était celle de l’émigré; il n’a point été
amnistié vivant, il est mort émigré. On doit donc dire
qu’à son égard le droit des héritiers républicoles n’a pas
été seulement suspendu, mais qu’il n’a pas existé, ou qu’iï
n ’a existé que partiellement, pour profiter des remises suc
cessives de certains biens non réservés par le sénatus-consulte de l’an 10.
>■
'
A u reste,- les arrêts postérieurs ont de nouveau con
sacré le principe admis par les deux premiers que nous
avons cités, que le droit de l’émigré avait été irrévocable
ment détruit et non pas suspendu.
Témoin l’arrêt Barbançon, du 16 février 1824. L ’arrêt
de Paris, contre lequel on s'était pourvu, avait déclaré
que « les biens invendus de l’émigré appartiennent à ceux
» qui se sont trouvés les plus proches parens, lors de la
» publication de la loi du 5 décembre 1814, et non aux» héritiers qu'il a laissés en mourant. » Rejet du pourvoi
par la section civile. lia section des requêtes avait admis,
sans doute, par suite du système de simple suspension,
iju’elle semblait avoir embrassé par l’arrêt de Béthuue.
On sent bien que par ces mots : Les plus proches pa
rens, la loi entend toujours cette proximité qui appelle à
succéder, surtout alors qu’il s’agit de leur rendre des
biens; car ce sont ceux-là, chacun suivant leur droit, à
�£®7
■ .
( 35 )
qui doit profiter la remise, puisqu’elle est faite par la 'voie
naturelle de justice et d’équité.
1
Témoin encore l’arret Dupille, du 4 juillet 1825. (Dalloz,
i825, p. 283.) L ’émigré était rentré, avait été rayé, et
était mort en '1812, après avoir disposé, au profit de ses
neveux Dupille, d’une foret confisquée, mais qui ne lui
avait pas été l’endue. Elle le fut par la loi du 5 décembre
18145 e*- ^es Dupille furent mis en possession par la dame
Biencourt, leur tante, qui aurait été héritière par moitié
avec eux. Rien de plus juste si le droit de l’émigré n’avait
été que suspendu ; car, en l’y rétablissant, en effaçant
Vincapacité antérieure, la loi faisait disparaître tout obs
tacle au droit de propriété toujours subsistant de l’émigré,
et sa disposition demeurait valable; mais la dame Biencourt
se ravisa. Trois ans après, elle réclama la moitié; elle lui
fut adjugée, par le motif qu’au moment de la promulga
tion de la loi, elle était pour moitié l’ayant cause de l’é
migré. On voit que les circonstances, ici, sont tout à fait
les mêmes, et qu’en outre il y avait, dans l’affaire Dupille,
des fins de non-recevoir tirées du fait même de la dame
Biencourt, de son consentement à la mise en possession
des Dupille, de sa reconnaissanc^expresse ou tacite de
leur droit exclusif, qui eût existé, en effet, si les mots
ayant cause, dans la loi de 1814, se fussent appliqués à
ceux qui l’étaient au jour du décès de l’émigré ; car ils n’eus
sent pu l'être que parcequel'émigré n’aurait pas cessé d’être
saisi, et qu’alors il aurait pu céder. La Cour rejeta les fins de non-recevoir, et jugea nettement le principe.
Sur le pourvoi, on s’appuyait de la loi de l’indemnité,
L e pourvoi avait été admis; mais la section civile le re5.
�n
( 36)
jeta eücore, ,en maintenant sa jurisprudence sur le véri
table sens de la loi de 18 14 j elle ajouta que la loi de 1825,
en admettant un principe diamétralement opposé relati
vement aux biens vendus,, n’avait rien innové aux dispo
sitions de.celle de *18iA 5 relative aux biens rendus.
Quoi de plus positif?
< Nous pourrions pousser plus loin les exemples de ju
risprudence. Qujil nous suffise de dire qu’elle est uniforme
sür cette question. L ’application à la cause s’en fait d’ellemême. N ’employons donc pas de temps à le démontrer;
bornons-nous à parcourir les principales objections du
sieur Bournet,,et la conviction s’opérera d’elle-même, si
déjà elle n’est complète.,ij(
On dit que la jloi de 181 4 faisait une justice et non une
libéralité. '
A cela, deuxjréponses :
i°. Les arrêts ont répondu par une décision contraire;
■2°. La justice serait due aux ¡véritables héritiers, à ceux
que la loiappelle aumomentoù on veut l’exercer,lorsque
le propriétaire ne vit plus pour en profiter lu i-m ê m e .
On ajoute que,.le père était seul héritier, soit au m o
ment de la mort de.son fils, soit au moment de son am;
nistie... : ;
‘
•
'
* Nous répondons encore:;,
s
. i°. La. succession ,s’éfait ouverte par la mort- civile, et
alors, le pèvef.n’était point, héritier ; pourquoi irait-on
clioisif répqque(lde la mort naturelle, puisqu7alors il 11’y
avait pointj de f>ucqes,sion? N ’publions pas que lu loi de
i 8 z 5 } seule,y a fait cesser l’incapacité, résultante des lois
antérieure^;,que,le ^natuç-çonsuite de l’an 10 ne Tarait
�( 3y )
pas détruite pour les biens qu’elle exceptait de la restitua
tion, et qu’à l'égard de ceux-là, l’incapacité n’a cessé que
par la loi de 18 142°. Qu’importe donc l’amnistie? Elle aproduit ses effets
par la restitution des biens non réservés en l’an io : pour
c e u x -là , pas de difficulté. Le père était seul héritier, seul
ayant cause de son fils, lors de cette remise,par conséquent
il devait seul en profiter; mais dès que la voie civile des suc
cessions n’est pas le point de départ de la loi de 18 14 >
qu'elle n a point (Teffet rétroactif comme le disent encore
les arrêts, qu’elle ne se reporte à aucun principe, à
aucun droit, à aucun fait antérieur à sa promulgation;
d é f a u t de propriétaire, elle appelle ses ayans cause,
au moment où elle parle ; il est évident qu’il faut recher
cher quels sont ces héritiers ou ayans cause au jour de la
promulgation de la loi.
L e père, dit-on, était encore vivant à cette époque; il.
était le plus proche parent, le seul héritier, le seul ayant
cause de son fils.
O ui, sans doute, il serait seul héritier, si la loi se repor
tait à l ’é p o q u e du décès du fils; encore faudrait-il user
pour c e l a d’une loi exorbitante et seulement transitoire;
mais c ’est du droit commun qu’il s’agit, et le père n’est là
que comme plus proche parent de la ligne paternelle, hé
ritier pour moitié, par conséquent; mais les deux tantes
étaient vivantes aussi, et elles étaient héritières’pour l’au
tre moitié, comme plus proches parentes de la ligne ma
ternelle. Pas de doute ce semble sur ce point.
Si le père eût été décédé en
que serait-il arrivé?
On n’aurait pas dit qu’il était plus proçhç parent; car, en
q u
’à
> >2
�ce cas, il eût fallu appeler son propre héritier, puisque
son droit personnel fût remonté au 6 floréal an 8 , jour
qu’on qualifie comme celui de l’ouverture de la succes
sion naturelle; ou au moins au jour de l’amnistie , qu’on
considère comme celui où la succession a été ouverte
légalement. Si cela était impossible, comme l’ont décidé
tous les arrêts, s’il eût fallu, dans ce cas, appeler les plus
proches parens des deux lignes comme les ayans cause
reconnus par la loi, il est évident que la survie du père,
en 1814, ne lui donne d’autres droits que ceux que sa
proximité lui attribuait au moment de la promulgation
de la loi, c’est-à dire, la succession exclusive dans la ligne
paternelle seulement.
L e sieur Bournet croit faire une objection fort sérieuse,
en disant que pour exécuter la loi de 1814, il faut re
chercher si, au moment où la loi a paru, l’émigré avait
ou non un héritier.
S’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent être
•endus.
S’il n’en avait pas, c’est à ses parens les p lu s p r o c h e s ,
ï ses successibles, à ceux que les lois existantes appelle*
aient à être ses héritiers.
Nous aurions besoin de quelque explication sur cet argunent pour le bien saisir. L e sieur Bournet voudrait-il dire
jue pour que les parens les plus proches, au 5 décembre
1814» profitent de la loi, il faut que l’émigré n’ait pas
laissé de parens au douzième degré au jour de son décès?
Mais alors, comment aurait-il, au 5 décembre i8i/|, des
yarens proches que le sicUr Bournet lui-même appelle
les successibles? Il est difficile de concevoir de quelle
ouche ils seraient sortis.
�tu
( 39 )
D ’ailleurs, dans quels termes de la loi, dans quel exem
ple de jurisprudence, aurait-on trouvé le principe de cet te
distinction fort peu intelligible pour nous? L e sieur Lépinay deSamt L u c, lesieurDevenois et autres, n’avaientils pas laissé des héritiers naturels à leur décès ? N ’a-t-on
pas, précisément à cause de cela, agité la question entre
les ayans cause de l’une et l’autre époque? N ’est-ce pas
pour cela qu’il a fallu examiner si'l’émigré était demeuré
saisi ou dépouillé, capable ou frappé d’incapacité dans les
temps intermédiaires? si lui ou son héritier avait p u trans
mettre, céder, donner, avant la-loi de 1814, lesbiens ren
dus par elle seule ? N ’a-t-on pas enfin nettement décidé
qu’ils étaient rendus à ceux qui se sont trouvés les plus
proches parens de l’émigré, lors de la publication de la loi
du 5 décembre 1814, et non aux héritiers qu’ il a laissés
en mourant? (Arrêt Barbançon.)
A u reste, le sieur Bournet est si embarrassé lui-même
pour fixer le principe de cette hérédité de Lespinasse
père, qu’il hésite entre le 16frimaire an 8, date du décès
du f d s , et le 18 ventôse an 1 1 , date de son amnistie. Si
on s’appuie sur le droit commun, ce serait peut-être bien
plutôt l’époque de la mort civile qu’il faudrait consulter;
et si, comme il le faut sans doute, on s’appuie sur le droit
exceptionnel, on reconnaîtra, avec l’arrêt Saint-Luc, que
la remise n’est pas faite par la voie ordinaire des succes
sions , qu’elle est le résultat d’une volonté actuelle de la
loi, et qu’il faut la prendre telle qu’elle est; que la restitu
tion faite par le sénatus-consulte de l’an 10 doit profiter i\
ceux qu’il appelait; la remise de la loi de 1814 à ceux
qu’elle indique ; que les biens qu'elle rend n’ ont pas fa it
�'G 4° )
! partie de la succession de Lespinasse fils, puisqu’alors
ils étaient irrévocablement réunis au domaine de VÉtat ;
. q u’ainsi il n y a pas deux successions du même individu,
et qu’ils ne peuvent appartenir qu’à jceu x; qui se sont
trouvés ses ayans.cause, non-com m e ayant appréhendé
sa succession en l’an 8 ou en l’an 1 1 , mais com m e rétant
les plus proches pour recevoir des biens qui ne lui appar
ten aien t, ni à l’ une ni à l’autre ép o q u e, et qu'on rem et
aujourd'hui à ses .héritiei'SiOU ayans cause, à ceux qui je
représentent.
•
'
On invoque l’art. I er de la loi qui maintient les droits
acquis à des tiers, et on dit que la qualité d’héritier du
sieur Lespinasse était un droit acquis.
Mais, d’une p a rt, puisque la transmission de la loi ne
s’opérait pas p a rla voie ordinaire dûs 'successions, on ne
concevrait pas trop cet argument appliqué à une qualité
d’héritier.
D e l’autre, on voit, à ne pas en doiiter, que cet article
appartenait plus à u n but p o l i t i q u e , qu'aux droits de successibilité attribués par les lois civiles : c’est ce que prouve
le préambule de la loi et la loi elle-même. L e Monarque
a fait cesser la proscription d’une classe recommandable
de citoyens; il veut leur rendre les biens non vendus;
mais il veut concilier cet acte de justice avec les droits
acquis par des tiers en vertu des lois existantes, >avec
l'engagement contracté de maintenir les ventes de biens
nationaux, avec la situation des finances , etc......... E vi
demment cela n’a rien de commun avec la qualité de ceux
à qui la loi va faire la remisé , et que d’ailleurs elle désigne
clairement.
* ! -..p
�(4 0
Comment, au surplus, le sieur Bournet n’a-t-il pas
aperçu qu’il ne pouvait pas être à la fois Yhéritier ou
Yayant cause, et le tiers qui aurait des droits acquis?
C ’est aux héritiers ou ayans cause qu’oryen d ; mais la re
mise n’aura pas lieu à leur profit, quand il se rencontrera
des tiers qui seront préférables à l’héritier, et ils feront obs
tacle à la remise, toutes les fois qu’ils aui’ont des droits
acquis par les lois existantes. Les tiers sont donc ici une
exception posée contre l’héritier , et leurs droits acquis
une exception à la remise des biens.Qui ne voit cela? et
comment peut-on confondre le tiers et 1h é u t ic i, ,pour
n’en faire qu’une seule et même personne?
Nous ne suivrons pas le sieur Bournet dans ses discus
sions ; cela serait fort inutile. Après avoir posé le principe,
et fait connaître parfaitement le sens clair et formel que
présente la loi de 18 14» et qu’a consacré une jurispru
dence positive etnon interrompue , il nous suffit de dire
que si le sieur Lespinasse avait tiré de sa qualité d’héritier'
de son'fils, en l’an 8 ou en l’an 1 1, un droit à des biens
qui n’ont été rendus qu’en 1814 > ce droit successif aurait
passé dans les mains du sieur Grenier, puis de la dame
D e s r o y s , qui étaient des tiers, et qui avaient acquis de
bonne foi; que si, comme on l’a jugé, la cession ne com
prenait pas les terres de Saint-Martin et d’Auzat, parce
que Lespinasse fils en avait été irrévocablement dépouillé,
et qu’elles n’ont été i’endues qu'en 18 14 »ehes ne peuvent
a p p a r t e n i r qu’à ceux qui étaient ses héritiers ou ayanscause au 5 décembre 18 14* H faut nécessairement que ce
point de départ admis par toutes les parties, excepté la
dame Desroys qui l’a contesté, produise toutes ses conséG
�(
4
2
-
quences, au profit du Marguerite et Marie de Sévérac,
que représentent les Bonnafoux. .
Aussi, pour soutenir le système contraire, le sieur
Bournet se refggie-t-il dans ce mot de l’arrêt de Béthune,
que le droit de l’émigré n’avait été que suspendu. Nous
avons fait voir ci-dessus l’espèce de cet arrêt qui n’est
point applicable, et nous avons montré en même temps
que ce système de suspension, indiqué par la section des
requêtes, par arrêt de simple rejet, avait été constam
ment repoussé par la section civile, avant et après l’arrêt
de 1821.
C ’est cependant sur ce point que roule toute la défense
du sieur Bournet; c’est avec ce moyen qu’il croit pouvoir
affirmer que les droits de Lespinasse père sont consacrés
par la jurisprudence des arrêts. Nous ne croyons pas
avoir besoin de rien ajouter pour prouver le contraire.
Les intimés auraient-ils à redouter l’arrêt de la Cour
rendu sur la demande du sieu r Bournet contre la dame*
Desroys? serait-il nécessaire d’y former tierce opposition,
à peine de voir repousser leur demande en partage? enfin
le défenseur des Bounafoux sera-t-il convaincu qu’il ne
doit pas hasarder une plaidoirie qui ne serait quun bou
leversement des principes, comme n’a pas craint de le dire
dans un écrit particulier le sieur Bournet, ou celui qui est
avec lui ou sans lui la véritable partie de la cause? Le défen
seur avoue qu’il n’est pas encore arrivé à cette perfection.
Il ne dira pris que c’est de la part du sieur Bournet une
assertion imprudente, une œuvre éphémère des désirs.... ou
des illusions de Vamour-propre) mais il se croirait fort imprii'
�tf/f
( 43 )
.
>
dentlui-même, s’il se permettait de flétrir a vecce tou de mé
pris., la conviction de ses cliens, et la décision des premiers
juges, surtout dans les termes où se présente la question.
Il croit pouvoir et devoir la soutenir avec bonne fo i, et en
tout esprit de justice et d’équité.
Quant à la prétendue nécessité de la tierce opposition ,
nousavouonsquenousnesoinmespasnon plus convaincus.
L ’arrêt de la Cour décide, non pas que les droits de Lespinasse fils avaient été suspendus, mais que les biens étaient
rendus à ses ayans cause par la loi de j8 i4 , et ne pou
vaient pas être compris dans des cessions de droits antérieuresà 1814, quelquegénéralesqu’ellespussent être, parce
que ces biens n’appartenaient alors ni de droit ni de fait,
à Lespinasse père, comme héritier de sou fils. Il n’avait
pas à décider cette question entre divers héritiers ou ayans
cause de Lespinasse fils, et à faire choix entr’eux, mais
entre Lespinasse père, qui se présentait comme seul
héritier ou ayant cause, et ses propres cédataires qui n’a
vaient d’autre titre que leur cession, d’autre droit que ce
lui qu’elle pouvait produire. Ainsi, en attribuant les biens
aux ayaris cause, comme rendus et censés leur appartenir
seulement au 5 décembre 18x4 , elle a consacré le droit do
tous les ayans cause, qui peuvent successivement se pré
senter pour y prendre part, s’ils établissent leurs droits. II
en est de ce cas comme de celui où un héritier se présentant
comme unique, obtient contre un débiteur de la succes
sion, un jugement qui le condamne à payer une somme
ou à délivrer un immeuble au demandeur comme seul et
uMqiïe'ïïcnlier du déjunt. Est-ce que plus tard d’autres
héritiers ne peuvent pas se présenter? est-ce qu’ilsauraient
besoin, pour être admis, de former tierceopposition au ju-
�, .
( 44 )
gement? Il est bien évident que non. Où donc est la dif
férence ? A u reste, rien ne sera plus facile que de former,
en tant que de besoin, une tierce opposition qui lèvera
cette prétendue difficulté de procédure.
Mais, dit-on, en termes tranchans, nous n’avons encore
aujourd’hui d’autre adversaire que les sieur et dame Desroys; car ils ont traité avec les Bonnafoux dont un modique
salaire a acheté la complaisance.
Nous n’avons rien à répondre à cette assertion, que
nous ne qualifierons pas non plus im p ru d en te. Les B on
nafoux sont seuls en qualité; nous ne connaissons aucun
acte qui les dépouille de leur droit; et quand on suppose
rait qu’ils l’ont cédé, la question serait toujours de savoir
s’il existait réellement au jour de la cession. C ’est donc
toujours leur droit et leur qualité qu’il faut examiner; car
c'est ce droit et cette qualité dont les résultats sont soumis
à la justice. Nous ne nous ferons point ici les apologistes
des sieur et dame Desroys, de la situation fâcheuse où les
a mis une fausse confiance, tout est terminé la dessus. Ils
ont été condamnés, ils ont dû l’être; mais c’est de ce la
même que découle la nécessité de reconnaître que Lespinasse père n’y avait pas droit comme unique héritier
de son fils, et nous ne craindrons pas de dire qu’il faut
examiner telle qu’elle est la question élevée par les
Bonnafoux, et que rien ne peut ni la dénaturer, ni empê
cher l’action de la justice en ce qui les concerne.
M e D E V I S S A C , avocat.
M e Clle C H I R O L , avoué
Clermont imprimerie de THIBAULT LANDRIOT
�L e s A N C IE N S A V O C A T S S O U S S IG N É S , vu le Mémoire
produit, dans l’intérêt du sieur B o u rn e t, devant la Cour royale
de Riom ; le précis en réponse pour les sieurs Bonafoux ; Je
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire , le 25 août 1829;
ensemble la consultation , par eux déjà délibérée , le 10 mars
précédent;
Ne peuvent que persister dans l’opinion q u ’ils ont émise
dans cette précédente consultation, et sont d’avis qu’aucun
des motifs allégués par le sieur Bxjurnet, à l’appui de son a p p e l,
ne saurait prévaloir sur ceux qui ont déterminé le jugement
attaqué.
,, /
La question se réduit à un point bien simple ; il s’agit de sa
voir à qui a profité la restitution opérée par la loi du 5 décembre 1814. Or, il est évident que cette restitution a été faite
à ceux qui étaient héritiers au moment où cette loi a été pro
mulguée. La jurisprudence de la Cour de cassation est formelle
à cet égard : nous ne rappellerons pas les nombreux arrêts que
nous avions cités dans notre première consultation , et dont le
Mémoire dcM *. De Vissac a présenté une analyse aussi exacte
que décisive.
Si la loi du 5 décembre a restitué à ceux qui étaient héritiers
au moment de la promulgation, il est évident qu'il importe peu
q u e , d ’après la loi du 17 nivôse, M. de Lespinassc fut le seul
héritier de son fils, soit au moment où ce dernier est mort,
soit lorsqu’il a été amnistié. Les biens restitués par la loi du
du 5 décembre n’étaient, en cflet, ni à l’une, ni à l’autre de
ces deux époques dans la succession de Claude Gilbert : ils n ’y
sont entrés que par la loi du 5 décembre , et alors existait un
ordre nouveau de succession , d’après lequel moitié seule
ment appartient à M. de Lespinassc, comme représentant de
la ligne paternelle , et l’autre moitié aux daines Marie et
�M a rg u erite, com m e représentant la ligne maternelle. Évidem
m en t, c’est donc dans cette proportion, de moitié seulement,
que la restitution a du profiter à M. de L ’espinasse, ou à son
cessionnaire. C ’est là une conséquence de l’interprétation que
la jurisprudence a donné à la loi du 5 décem bre; o r , recon
naître à M. B o u r n e t, cessionnaire à M. de Lespinasse, avant
1814, le droit à la totalité des biens que cette loi a restitués,
ce serait supposer que ces biens existaient dans la succession,
de Claude G ilb e r t, avant la l o i du 5 décembre ; ce serait opposer
un principe diamétralement contraire à cette lo i, qui, comme
tout le monde le s a it, n’a été q u ’une loi de grâce.
Nous ne croyons pas devoir insister plus long-temps sur une
démonstration que le M émoire de M. De Vissac a rendu évi
dente, et nous ajoutons que rien de contraire à ces principes,
ne résultant des prétendus arrêts rendus , soit avec M. G re
nier , soit avec M. D esrois, ce n’était pas le cas, pour les consultans, de se rendre tiers-opposans à ces arrêts.
Délibéré à Paris , ce 23 avril 1831.
D E L A C R O IX -FR A IN V IL L E .
SC R IB E ,
,
Avocat à la Cour de cassation.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bonnafoux, Jean. 1831]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Chirol
Delacroix-Frainville
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
préfet
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse , pour Jean Bonnafoux, Jean Vialfont et autres, habitant le département du Cantal, intimés ; contre Le sieur Bournet, propriétaire, habitant la ville d'Issoire, appelant ; En présence De dame Henriette de Chauvigny De Blot, veuve Desroys, et de sieur Annet Desroys.
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2621
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2620
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53536/BCU_Factums_G2621.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Molède (15126)
Saint-Flour (15187)
Auriac-l'Eglise (150013)
La Chapelle-Laurent (15042)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Martin-des-Plains (63375)
Mozac (63245)
Vertessère (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
arbre généalogique
doctrine
émigrés
mort civile
préfet
rétroactivité de la loi
sénatorerie de Riom
séquestre
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53574/BCU_Factums_G2818.pdf
115c84b6bbb1a3de273139fa48ce271c
PDF Text
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MÉMOIRE
A L’APPUI D E LA
DU
LOUIS-PIERRE
DEMANDE
SIE U R
BOIROT
DE
LARUAS,
PROPRIÉTAIRE, MAIRE DE LA COMMUNE DE THENEUILLE
CONTRE
1 ° dam e
S o p h ie -M a th ild e
s i o n , É P O U S E D U S IE U R G
DEM EURANT
AVEC
LUI
BOIROT , s a n s p r o f e s
i l b e r t DELAPLANCÏIE ,
AU
C H E F -L IE U
DE
LA
CO M
m une d e B e l l e n a v e s
2°
e t
le
p r ié ta ir e
s ie u r
G ilb e r t
e n L A D IT E
PERSONNEL QUE POUR
■I
DELAPLANCHE,
COM M U N E ,
T A N T EN
p ro
SO N NOM
A U T O R IS E R SON É P O U S E .
lt«®«<c=rri-n ■
C e n’est qu’après avoir épuisé tous les moyens possibles de concilia
tion que le sieur Boirot de Laruas se voit réduit à la pénible
néces-
sité de demander aux tribunaux la justice qu’ils ne sauraient lui refuser.
�C'est en vain q u e, pour
ne pas faire retentir clans le public des dis
cussions qui n’auraient pas dii sortir du sein de la fam ille, il a offert
de terminer h l’am iable, an prix d’immenses sacrifices de sa p a rt, au
prix de l’abandon d’une immense partie de scs droits, une contestation
fâcheuse; c'est en vain qu’il a offert de remettre la décision dune affaire
aussi importante, où son bon droit est évident, à des arbitres nommés
avec plein pouvoir de décider, non-seulement d’après les règles rigoureuses
du droit, mais encore de l’équité.
Toutes ces offres de conciliation o n télé repoussées d’une manière in
jurieuse : les époux Delaplanclie ont exigé du sieur Boirot de Laruas tous
les sacrifices et n’ont voulu en faire aucun. Ils ont refusé constamment
d’acccder h toute proposition d’un arrangement amiable. L e sieur Boirot
de Laruas avait espéré que la réflexion, que des conseils plus sages les
amèneraient à sentir combien ses propositions étaient conciliantes et qu’elles
devaient être acceptées avec empressement; mais le temps n’a rien chan
gé à leur première détermination : ils veulent absolument plaider; ils veu
lent absolument que la malignité publique ait à s’occuper de détails qui
auraient du rester oubliés : ils seront satisfaits.
F A I T S ET G E N E A L O G I E
DES
PARTIES.
L a dame Anne-Pétronille B oirot, épouse en secondes noces de M . Louis
D u ra i, est décédée le n
juin
i 83 /{, laissant une fortune considérable,
tjui peut être évaluée à quatre cents mille francs. Aucun enfant n’est issu
de son premier ni de- son second mariage ; seulement elle a laissé une Jtîle
naturelle qu'elle a légalement reconnue : c'est la dame Sopliic-Matliilde
B o iro t, épouse dit sieur G ilbert Delaplanclie , fils aîné.
�Aux termes de l’article 757 (1) du~code c iv il, la dame Sophie-Mathilde
B o iro t, épouse Delaplanclie, n’a pu recueillir que les trois quarts de la suc
cession de sa m ère, l’autre q u ait a été dévolu, pour m oitié, à la ligne
paternelle de feue madame D u v a l, représentée par le sieur Louis-Pierre
Boirot de L aru as, demandeur, et pour l’autre moitié à la ligne maternelle
de ladite dame.
Les époux Delaplanclie se sont emparés de l’entière succession de feue
madame D u v al. Ji&ur échapper à la prescription de la lo i, et priver le
sieur Boirot de Laruas d’un droit dont maintes fois ils avaient été les
premiers à reconnaître la légimité ; ils ont imaginé de se faire délivrer
par leur m ère, à son lit de m o it , un acte d’adoption q u i, loin de changer
leur position d’une manière favorable, n’aura fait que l’aggraver.
tyfais revenons ¡.uix faits :
De Pierre Boirot de Laruas sont descendues, en ligne directe, les parties
au procès.
( ' ) « Art. 7 5 7 . Le d r o it d e V e n fa n l n a tu rel , sur le s L ien s'd o ses père ou m ère d é c c J è s , est
« r ég lé ainsi qu’il su it : — Si le père ou la m ère a laissé des descendants lé g itim e s , ce droit est
* d ’un tiers d e là portion héréd itaire que V en fa n t n a tu re l a u ra it eue s’il eut été lé g itim e ; il est
“ de la m o itié lorsque le s père ou m ère n e laissent pas d e d escen d an ts, mais bien des ascendants,
* ou des frères ou sœurs ; il est d es tro is q u a rts lorsq ue le s père ou m ère no laissent n i d escen « d a n ts, ni ascend ants, ni frères, ni sœ urs. »
OBSERVATION. L'enfant naturel n’étant p o in t h é r itie r , aux term es d e l'article 7 5 6 du cod e
Clv* l, il n’a qu’un droit r é e l , ju s in r i , à la succession d e scs père ou m ère ; c ’e st-à -d ir e , un
droit qui pèse sur la
p o rtio n due à l ’enfant naturel et dont il est propriélaire du m om ent o ù la
«ucccssion »'ouvre. Mais com m e il n’a pas la sa isin e lé g a le , sa lvo j u r e , il doit aux term es d e l ’artic ,e 7 2 1 du co d e c i v i l , se faire envoyer en possession d e la portion qui lu i revien t dans la su ccès, parce quo la possession d u défunt ne se continue
I enfant naturel.
^
plein droit dans la personne d®
�PIERRE B01R0T
de
jean - jacques
B O IR O T DE L A R U A S ,
marié à élisabetii P E R R IN ,
LARUAS.
c i.aude B O I R O T , marié
à mahie F O U S S A T .
Louis-riERRE B O IR O T de L A R U A S ,
demandeur.
a n n e - fé to o n ille B O IR O T ,
de Cujus.
: r
soriiiE- imatiiilde B O IR O T , fille
naturelle , épouse du sieur G ilb e rt
J
D E L A P L A N C IIE , fils aîné.
Louis-Pierre Boirot de Laruns, demandeur, est fils de Jean-Jacques ,
et petit-fils de P ierre. Anne Pélronille B o iro t, décédée épouse D u v a l, de
C u ju s ,é tait aussi petite-fille de P ie r r e , et fille de Claude.
Il
résulte de cet aperçu que Louis-Pierre Boirot de L aru as, deman
deur , est le seul représentant de la ligne paternelle qui ait des droits dans
la succession de feue Annc-Pétronille Boirot.
Anne-Petronille Boirot se m aria, en premières noces, le I er floréal an
IV (20 avril 17 9 6 ), avec le sieur G ilbert
Esmelin-Deuxaigues. Unique
héritière de Claude , décédé, jouissant de scs droits palerne's, à la
tele
d’une belle foi tune et ayant encore de belles espérances, elle se m ariait, à
l’âge de vingt et un an , avec le fils du premier magistrat de la contrée ,
jeune et liclic comme elle. Ayant reçu une éducation conforme à sa for
tune, connaissant l’imporlance du lien sacré
q uelle allait contracter et
l ’époux auquel elle s’unissait, elle avait (ouïes les chances de bonheur
que peut présenter un mariage bien assorti.
Cependant de tristes divisions ne tardèrent pas à éclater entre les deux
époux. Q uel est celui qui y donne lieu ? La conduite de la dame Esm elinDeuxaigues fut-elle irréprochable? C ’est ce qu'expliqueront les faits suivants.
Quinze mois s’étaient h peine écoulés et les choses en étaient venues
au point qu’ils eurent recours au divorce. Ce fut la dame Esmelin-D< u xaigues qui en poursuivit la demande, sous prétexte d incompatibilité
d’humeur cl de caractère. En exécution de la loi du 20 décembre 1793 >
et par défaut contre le sieur Esm elin-Deuxaigues , l’oilicier de l’état
�civil de la commune de Bellenaves, prononça le 26 messidor, a n V , ( 1 4
juillet 1 7 9 7 ) , la dissolution d’un nuriage contracté quinze mois aupara
va n t, sous des auspices si heureux. (1)
(1 ) Lorsque la dame A m e -P é tr o iiille B o ir o t, épouse du sieu r E sm elin-D euxaigues a déclaré
1
l agent num icipal, faisant fonction d ’officier pu blic d e la com m une de B e llen a v es, par uu acte
d e J a cq u e s, huissier à M ontluçon en date du 11 n ïv o s e , an V , enregistré à C h a m e lle , le 15 du
’«enie m o is , qu’e lle avait provoqué devant lui une a ssem b lée de fam ille sur la dem ande en di"
'vorce avec le sieur G ilbert E sm elin -D eu xaigu es, demeurant à B e lle n a v e s , pour incom patibilité
<1 humeur et de caractère, la dam e E sm elin-D euxaigues qu oiqu’ayant son d o n ic ilc à B e lleu a v es*
habitait alors publiquem ent la v ille de M ontlu ron, avec l'instigateur d e son divorce.
I-. assem blée de faniiile eut lieu en c lfe t, et le divorce
fut prononcé en l ’absence du sieur
E sm elin-D euxaigues, c ’eU -à -d ire p a r d i f a u t , quoiqu’il ait é té sjm m é par acte de
Martin , hu is
s ie r , enregistré à C h a n teile, le 17 m e ssid o r, an V , de «2 trouver le t d m e ssid o r, an Y , à la
m aison com m une de B ellen a v es, pour voir prononcer la dissolution de son mariage.
Mais il im porté de remarquer i c i , que le sieur J a c q u e s , huissier à Montluçon , n’avait pas le
droit d ’i istruïnenter dans l'arrondissem ent de C annai. Ce droit do:it était d ép o u illé son m inistère
a donc dû imprimer à l’acte civil d e divorcé un caractère de n u llit é , ainsi qu’on va le prouver.
« La déclaration du U o i, du prem ier mars 1751 , restreint les huissiers à n’exercer leurs fonc“ lion s que dans l’étendue d e s juridictions où ils sont im m a tr ic u lé s, à p e in e de n u llité et de
“ 5 0 0 livres d'am ande. »
K T rois arrêts de
la cour
de cassation
du
16
floréal , an I X ,
li
vendém iaire
et
12
” nivose an X , ont déclaré nuls d es e x p lo its fait par des hu issiers hors de leurs arrondissement'.
” En c e l a , la cour de cassation a consacré le principe formulé dans la déclaration du R oi. »
Or 1 il résulte bien évidem m ent que d ’après cette déclaralio.l du U o i, le sieur J a cq u e s, liu isSler à M outluçon, n’avait pas le droit d ’exercer ses fonctions dans l ’étendue de la juridiction
de G annat, o ù il n’était pat im m a tricu lé, m ais seu lem en t da:<s la juridiction de M a n tlu çjn , où
était im m atriculé. 11 faut donc en tirer cette conséq uence vraie que son acte du 11 nivose»
1111 V , donné à l ’agent m unicipal de B elle Javes , est radicalem ent nul.
^ y a eucore d eux argum ents à tirer de c e tte circonstance saillante :
k e p re m ie r , c ’est que les huissiers de
Montlùçon , n'ayant pas a lo r s , pas plus qu’aujourd’hui»
t droit d'instrumenter à B e lle n a v e s, c ’est-à -d iro dans le ressort de G annat, l'acte de divorce
Cst nul de pleiu d r o it, parce que le sieur Jucqucs n’avait pas le caractère néceisairo pour venir
déclarer dam son acte du 11 nivose , an V ,
à l’agent m unicipal de la com m une d e B ellenaves >
tI'lc la d a m i E sin elin-D euxaigàes avait p r o v o q u é, devant l u i , une assem b lée
d e fam ille sur sa
da"wa,fc ell ,Jlï01.,a
**u m om ent où l ’acte de divorcé e st nul par c i fa it, le m ariage n’ayant pas cessé d e s u la islc r * on doit eu c o n c lu r e , rationnellem ent, que la naissance
0 |r o t, c sl a u i uuj ll8 culac|^.e d 'a d u l'é r in ité , pour 11e pas
de m ad em oiselle
dire p lu s , ce
Sop hie-M athilde
qui est uti obstacle
Vlllc|l ’le à ce q u ’e lle puisse être adop tée.
^ Lo second a rg u m en t, c ’est la co-inciden.:e singulière de la résidence de l ’h u isû er
de M ont-
’ ayec le fait que la dam e E sm elin-D euxaigucs avait quitté le dom icile conjugal et s ’était
c ,|fuie, avant le divorce pronon cé, avec l'instigateur de sou d iv o ic e , au dom icile de ce d ernier
4 M nitluçou. Cc'tle circnnsin'icc grftvc ex p liq u e
’
pourquoi
la dam e E sm elin-D euxaigucs
rv' ’ ^ uu hu issier de M outluçon et non d ’uu huissier du ressort de Gauuat.
ü’i'Xt
�~G~
'
Anne - Pétronille B o iro t, devint a in si, une fois encore, libre de sa
jœrsonnc, à un Age où l’expérience d'un premier mariage malheureux ,
( elle avait près de a3 ans) , devait lui donner de graves sujets de ré
flexion ,
et la délivrer de] toutes les illu sion s, de toutes les fautes
excusables , jusqu’à un certain p o in t, dans une jeune fdle , mais qui ne
le sont pas chez une femme de 23 ans, sortie des liens d'un premier
mariage , par le divorce. Avec sa fortune et dans sa position sociale ,
elle pouvait faire choix d’un époux digne d’elle , et en remplissant re
ligieusement les devoirs d'épouse et de mère , elle aurait imposé silence à la
*nédisance et prouvé que si son union avec le sieur Esmelin-Deuxaigues,
n’avait pas été heureuse , la faute ne devait pas lui en être attribuée.
Cependant il n’en fut rien. L ibre qu’elle était de tous liens du ma
ria g e , elle devint bientôt m ère. Le 9 p rairial, an v i , (29 mai 1798)5
c’est-à-dire dix mois et quatorze jours, seulement, après son divo rce,
elle accoucha clandestinement, à R io m , dans la maison du sieur V iclo r
D u c h e r , officier de santé, d’un enfant du sexe fém inin, auquel furent
donnés les noms de Sophie Cordon. L e
sieur D uché, qui présenta
l’enfant à l’officier de l'état c iv il, déclara
que Sophie Cordon , était
née d’une fille à lui inconnue , venue depuis quelques temps chez lui.
Sans doute , en quittant son pays , en se rendant sous un nom in
connu dans la ville de R iom , en cachant sous un nom
su p p o sé
l'enfant
à qui elle venait de donner le jour , la dame Anne-Pétronille Boirot avait
pour but de cach er, autant que possible, et son inconduite et sa honte;
niais ce n'était pas son seul but.
L a loi du 20 septembre 1792 , qui avait permis le divorce , p a r con
sentement mutuel , n’avait rien statué sur le sort des enfans qui naî
traient dans un temps plus ou moins rapproché du divorce. En l'absence
de toutes dispositions nouvelles, les règles de l 'a n c i e n n e législation et
de la jurisprudence des parlemens , continuaient à régir leur état. O r ,
dans l'application de ce grand principe : P a ler is e s t , il n’y avait pas ,
comme
aujourd’h u i, une présomption dillég ilim ilè mathématiquement
fixée pour l’enfant , né trois cents jours, ( d ix mois ) , après la dis
�solution du mariage (A rticles 3 i2 et 3 i,5 dit code civ il) ( i) . Suivant les
circonstances les parlements de'claraient légitimes , adultc'rins on naturels,
les enfants ne's de neuf à douze mois après la dissolution du mariage.
L e sieur Esmelin-Deuxaigues pouvait réclam er, comme étant son en
fant le'gitime, sous l’ancienne législation ( i l le pourrait même sons le codé
c iv il) , l’enfant dont la femme divorcée venait d’accoucher clandestinement
V
f
à R io m ,d ix mois et quatorze jours après le divorce. P ar un jugement
contraire sans répliqué, si 1^ naissance lui eut été' connue, il pouvait le
faire déclarer adultérin, et c’est aussi sans doute la crainte d’exposer elle
et son enfant à une action de cette natu re, de la part du sieur EsmelinDeuxaigues , qui détermina la dame Anne-Pétronille Boirot à accoucher
clandestinem ent, et à cacher le nom et le lieu de la naissance^ de sa fille.
, Q uoiqu’il en soit, l’enfant né à Riom le 9 prairial an V I ( 29-mai 1798),
fut mis en nourrice à Bcauregard-Vendon, et élevé par les soins de sa
mère. Bientôt sa mère fit plus encoie : lorsque l’enfant eut atteint l’âge de
quatre ans , elle le retira chez elle, l’avoua et l’éleva publiquement sous le
nom de M aihilde.
L e 12 pluviôse ah X I (2 février 1804 ) , la dame Anne-Pétronille Boirot,
qui avait abandonné celui que l’opinion publiqu eetla dame Anne-Pétronille
Boi rot elle-même déclaraient le père de son enfant, qui était libre et cé
libataire, convola en secondes noces avec le sieur D uval. C ’est ainsi que
volontairement elle s’enleva tous les moyens de légitimer sa fille , et de
réparer une faute désormais irréparable. Dans son contrat de m ariage,
eIle reconnut solennellement Sophie Gordon , élevée par elle sous le nom
de M alhilde , pour sa fille nalurelle.
0 ) A r t . 3 12 du code civ il, « L ’enfant conçu pendant le m ariage a pou», p ir e le m .iri. N éan* •noms cclui-ci pourra désavouer l'enfant s ’il prouve q u e , pendant le temps q u ia couru depuis Ja
* trou c e n t im e ju sq u ’au cent quatre-vingtièm e jou r »vaut la naissance
de cet enfant, il était,-
"Sou pour cause d 'é lo ig n em eiit, soit pnr l'effet de quelque accidunt, dans l'im possibilité p h ysiq ue do
* ro liabilcr avec sa fem m e. »
Art. 3 15 du co d é civ il. « L a 'lé g itim ité de l’en fa n t, né trois cents jours après la dissnlnlion du
"•ai¡lige, l’ourra être contestée. »
�'^ E n 18 16 , Sophie Gordon ^r ou plutôt M alhilde Boirot,:tnv ait atteint
1âge de 18 ans. L ’dfFection de sa m è re , qui n’avait pas eu d’enfant de son
second mariage, dut nécessairement, quoique un peu ta rd , se concentrer
toute entière sur elle. On songea sérieusement à son établissement, mais
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Sophie Gordon avait été nourrie et élevée sous le nom de Màthiidc ;
'elle était co n n u ?d an s'le‘ monde que sous ce'd ern ier nom1.1 Commént la
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qualifier rlans'un acte p u b lic, dans un acte de mariage ? Ceci n’étàit sans
doute qu’une difficulté de formén: on pouvait recourir h'un acte de noto
riété en négligeant l’acte de naissance' de Sophie Gordon. Màis ‘ce qui
eïait plus grave, c'est q'ü’on savait dans le public , et mieux encore dans
la Camille de la dame Arine-Pétrônille B oirot. épouse D u v a l, tous les
'détails clë*la naissance de M a îh ild è , sà 'fille : 011 savait qu'elle était née
a Rióni; que sa naissance et le nom de sa mère avaient été soigneuse
ment cachés ; on savait que cette naissance avait eu lieu dans un 'temps
si rapproche1’d u 'd ivo rce, que plus1 tard une contestation sérieuse, sur
v
1 état de Sophie Gordon , pouvait s’élevér, notamment"de la part des pa
rents au degré successible de la dame Anne-Pétronillc Boirot, épouse
D u v a l, qui viendraient peut-être un jour lui disputer l’entière succession
de cette dame , en prétendant q uelle n’avait droit qu’à des aliments comme
enfanLadullérin, Alorsjon résolut de couper court a jo u te s craintes ul
térieures sous ce rapport , soit dans l’intérêt positif de la demoiselle
M alhilde D o ir o l , soit pour rassurer ceux qui auraient l’intention de de
mander sa main,
,
* On connaissait les bonnes dispositions des parcntsl patcrhels les plus in
téressés , principalement de M . Jcan-Jacques Boirot de L a r u a s , chez le
quel madame Anne-Pétronillc B o iro t, sa nièce, avait t r o u v é un asyle dans
les temps les plus orageux de sa vit*. On s a v a i t que ce respectable vieil
lard tenait à cœur de donner, autant qu’il s e r a i t en l u i , un nom et une
/ainillc à mademoiselle M aihilde Boirot.
Pour parvenir au but que l’on sc proposait, on
, ,
pensa qu il
fallait
faire rectifier l’ncte de naissance du 9 prairial an V I (2 9 mai 1798)5
�On présenta donc requête , à cet ciTet, au tribunal de Hiom. Dans celte
icquête la dame Anne-Petronillc Boirot exposait toutes les circonstances
de la naissance de sa fille, disait comment, dans l’acte de naissance de cette
enfant, le sieur D uclier avait déclaré q uelle était née chez lui d’une
mère inconnue, et lui avait donné le nom de Sophie Gordon . E lle disait
comment elle l’avait fait nourrir et gardée ensuite chez elle; comment
elle Tarait reconnue solennellement pour sa fille naturelle dans son con
t â t de mariage avec le sieur Louis D u rai. E lle demandait enfin que
dans l’acte de naissance du 9 prairial, an , V I , les noms de Sophie-M a-
thildc B o iro t , fussent substitués à ceux de Sophie Gordon , et qu'il fut
dit que Sophie -M a iliild e B oirot , avait pour mère Anne - P et rouille
Boirot.
L e tribunal de Riom rendit un premier jugement par lequel il ordonna
fjue toutes les parties intéressées à contester la rectification seraient mises
cn cause. Parm i ers parties intéressés, devait nécessairement figurer le
s*eur Jcan-Jacqucs Boirot de L aru as, (père du demandeur au procès).
^ intervint, e t, dans les conclusions qu’il prit avec les autres parents
appelés, il dit que toutes les particularités de la naissance, «le l'éducahon de Sophie Gordon , étaient à sa connaissance et déclara « consentir
expressément à ce qu'il f u t dit 'que ladite demoiselle est jille natii3> relle de ladite dame D urai née B o iro t , cl qu'il lui soit donné le
)J prénom de M athilde et le nom de B o ir o t , afin de pouvoir jouir
)} des noms , droits , qualités en résultant , reconnaissant formellement
J> 1l‘ e ladite demoiselle M athilde est l individu né à Riom de la dame
3> I^uval le f) prairial , an V I. »
^ arso n jugement du 28 septembre 181G, le tribunal de ïiioiu ayant *
*811rd aux dires et consentement des tiers intéressés mis en ca u se, et
disant droit à la requête présentée, ordonne que l’acte de naissance du
9 prairial an V I, constatant la naissance d'un enfant du sexe féminin»
c°Wnic né d'une fille inconnue, auquel le sicnr D u ch er, avait donné le
l)lénom tic SQpfrif. C( lu surnom de Gordon , sera rectifié ainsi qu’il suit:
” i° L a Mère de cette fille est Anne-Pétronille B o iro t , fille majeure
d« feu Claude , et de dame Marie-Thér esc F oussat ; 20 Au prénom
de Sophie , on ajoutera celui de M athilde, 3 ° Le surnom de Guidon
cst changé pour le nom de Boirot. Ainsi, la fille naturelle de la partie:
........ s'appellera sophie-Malhildc Boirot, »
�Peu de temps après que l’état de la demoiselle M alhildç B o ir o l , eut
été ainsi fixé d’une manière irrévocable, elle ne tarda pas h se m arier,
avec le sieur G ilbert Delaplanclie, fils aîné. — Les conventions civiles
du mariage furent reçues le 18 février 18 17, par M e Giraudet, notaire
h Bellenaves.
Pendant longues années, la dame D uval, sa fille et son gendre, se mon
trèrent reconnaissants envers le sieur Jean-Jacques Boirot de L aru as, da
cç.qu'i.1 avait donné les mains à assurer l’état et la fortune de la demoi
selle M alhildç Boirot. Aussi, dans toutes les circonstances, soit pendant
la vjedcce respectable vieillard, soit aprèsson décès, ils disaientet répétaient
et à Jacques Boirot et à son fils, (demandeur au procès): « Vous avez
» droit à un huitième dans la succession de madame D urai, nous fa
» savons bien ; nous sçmmes les premiers à le reconnritre; soyez bien
» assurés qu'il n'y aura jam ais de difficulté entre nous à cet égard,
” tout s arrangera ¿1 l amiable et comme vous tentendez . »
Mais lorsque le moment est venu de mettre à exécution ces intentions
,
conciliantes, les époux Delaplanclie oubliant leurs promesses, et surtout
les actes et les événements qui ne changent pas comme les intentions, ont
vou,lu enlever au sieur Boirot de Laruas, la part qui lui revenait dans la suc
cession de la dame D uval. Pour parvenir h ce b u t, ils ont imaginé de
faire adopter par la dame D u val, à son lit de m ort, sa Jillc naturelle •
L e projet, une fois arrêté, à été exécuté avec une incioyable rapidité et
dans le plus profond silence, tant on craignait que le sieur Boirot ins
truit de ce qui se machinait contre lu i, ne portât la lumière jusque dans
la conscience des magistrats.
Le 20 avril 1 834 » l’acte d’adoption fut dresse par monsieur le juge
de paix du canton d'K hreuil, q u i se transporta au domicile de la dame
Annc-Pétronillc B oirot, épouse D uval, alors mourante. L'homologation
de cet acte d’adoption fut surprise h la religion du tribunal de Gannat
Je 2 mai i 83 /j , et de la 'c o u r royale de Riom le
du même mois.
,
�---II —
-A in si en moins de vingt jo u r s , fut consomme devant trois juridictions
différentes, cet acte <jui ne soutiendra pas un seul instant les regards de
t ..^ .................. _
la justice mieux éclairée. ( i)
( I ) II j a , à cet é g a rd , und Irèmarque î:ii[>oila:ite à :ai:e sur la différence qu i e xiste elitre
les résultats d ’un ju gem en t contradictoire
prononcé a jr è s la plaidoirie d es parties et ceu x d'un
jugem ent prononcé sur sim p le req uête.
f-n e ffe t, il arrive qu elq ue fois qu’une partie o’ lient sur requête et sans appeler
p e r so n n e ,
jugem ent qui préjudicie à une autre partie. Far exem p le : un jugem ent qui accorde mal à
propos .la recti'ication d ’un acte d e l ’état civil d ’après l ’ariicle 0 9 du c o d e civil ; uu jugem ent
4 U1» sur l ’allégation fausse de l ’aLseuce d ’une p e is o n h e , non absente , ordonne que d ’après l’ar *
tlcle 112 du c o d j civil et l ’article 8 5 0 du code de procédure c iv ile , qu’il sera pourvu à l ’ad
ministration de scs b ie n s , ou d ’après l ’article 1 1 5 (lu co d e ci vil , q u ’il sera com m is un notaire
r°u r la représenter dans un in v en ta ire, c o m p te, partage ou liq u id a tio n , ou d ’après l ’arlicle 120
*^u c °d e c iv il qiii accorde l ’elivoi en possession.
Sous l’em pire du l'ordonnance de tü ü 7 , la partie qui voulait faire révoquer un jugem ent rendu
Sjr r e q u ê te , devait y former opposition , suivant l ’a n ic le 2 du titre 5 5 . Mais ce m ode d ’action
n C it pas nécessaires a u jo u rd 'h u i, puisque le code c iv il eu obrogeant l'ordonnance (le 1GG7, à
- W i c elte voie et n’en a établi aucune pour ce cas.
Il
faut donc reconnaître quo fi la code de procédure à institué la ti^ c e -o p p o s itio n , c’est en
fjV(-'ur de ceu x qui sont lé sé s par un jugem ent rendu entre d ’autres personnes sur contestation
l'Htre e l l e s , com m e on le voit dans l’a r tù lc
471 du
co d e de procédure civile et v o n p o u r cîux
l ' ù so n t h'scs p a r un ju g e m e n t sur rvquc'tc.
Au surplus Tarliclo 1 0 0 du code c iv i l , ayant d écid é dans une dos esp èces c i-d e s s u s , quo le
j11 geniejit derecliG cation ne peut dans aucun te m p s, ciré opp osé aux parties iu tércs.écs qui c e
d u r a ie n t jo in t r e q u is , ou qui n’y auraient pas été a p p e lé e s, il résu lte évidem m ent q u e , dans ce
CJs> la partie lé sé e peut faire valoir sc9 droiîspar
une sim p le d e m a h d e , eans attaquer le ju g e -
n,ci|t i lequel est r e g a r d é , à son é g a r d , com m e non a v e n u , et l’on d o i t , p u r m ia lo y ie , appli"
'l"ei la m im e d écisio n aux a u ties cas ci-d essas spécifiés , t t ù to u t c e u x oit il a rtc rendu jti./‘-'»iî'uî su r rcqHa C' — A in s i, on pourra dans ces divers c a s , former une dem ande tendante ou
•X'talil.ft.emont d s l'acte dan» «on [rein ier é t a t , ou à la n u llité d e tout t e qui a été fa it, en
C U cu l|oti d» jugem ent rendu dai.s la lautsa supposltiou d'ûLscnce; le tout sans j a ilcr de ce
Juoe» ie u t, ni nK'm e y fui mer opposition.
0an" ,ln jugement q'ii liomologuu 111 acte d'adoption ,• il iljit eu être tic m êm e, c a r t e ju g e
a n t ii é ta u pas contradictoire, puisqu’ il est rendu sur simple requ ête,
les pai lies qui ont un
fr'teiot réel « conte ter l'adoption n’étaiil point eii cd eie non p lu s , 11e peuvent former la sim ple
t l'l>,‘Silion ,
ni |a t>ue-opi'<>itiuu à ce m ’ inc ju gem en t, pareeque «¡icoi-o une fo is, ce j igemoiH
l,c l’eut |,as être op p jsé à d 'S parties qui n'y ont |>.is été appelées. 11 s’ ensuit dé» lors que
!Mr une sf,r(L. d 'cxiep lio li au code de pro céd u re, ces
mêmes
parties n'ayant
|l,rnier tierce opposition , t e jugotnent est à leur ég nd comme »'il
pas lu s J .i d ’y
n’existait p a s, c l à [dus
J,ll? raison, ne so i! e'L-s paî dam l’ uMigation d’ en appeler.
11
est évident qu'il
n’en est p is .a i.iîi des
j igem eus contradictoires,- car on in r p e i t dans
aUUU-‘ caJ former d'opposition à d e Ici 1 jn gem en s : b'ils sont injustes 011 peut en dem ander la
tror"iatiun par a p p e l, s'ils sont en prem ier rcs e u t , et la rétraction ja r req u é;e ciw lo ou c a s|(J.|
,
» s ils s m t en dt'i'nîer itsm rl.
Cette doctrine que la raison d'sccrnc , s.-ulem eut analysée ic i, c il c u s e ij'îc e 'par d eux ju ri» uu*,'iltes c é l é l r c s , I ^ e a u et U o y o u .
�L a dam e-Duval est décédée le onze juin 1834 , et les fe'poux Delaplanche se sont emparés de son entière succession. De nombreuses tentati
ves de rapprochement ont été faites parle sieur Boirotde Laruas; elles ont
été repoussées. C ’est alors qu’après avoir rembli les préliminaires de la con
ciliation qui n’a pu s’opérer, il h fait assigner par acte du 10 septembre
1 835 , les époux Delaplanche devant le tiibunal de Gannat, aux fins de
se voir condamner à lui fuira le délaissement d’un huitième de l’entière
succession mobilière et immobilière de la dame D uval, dont ils se sont
indûment emparés à son préjudice, avec restitution de fiuits et jouissance
|
depuis, le décès de ladite dame.
|
Tels sont les faits , dont l’exactitude sur aucun point ne pourra être
i
|
révoquée en doute , car ils sont tous consignés dans des actes a u t h e n t i q u e s
émanés des adversaires, ou de leurs a u teu rs, ou de jugemens
dans
lesquels ils ont figurés.
Nous allons maintenant examiner les questions qui se présentent na
turellement à juger. Elles se résumentdans lesqua'.rc propositionssuivantes:
i ° L a clio n du sieur Boirol de Laruas est régulière, li a v u la lle m c n l
saisi le tribunal de Gannat de sa demande en délaissement contre lcs
époux Delaplanche. On ne peut lui opposer l'exception tirée de
laulorite de la chose jugée.
a 0 L a loi ne permet pas l'adoption
de l'enfant naturel par le5
père cl mère qui l'ont reconnu. P a r suite est nulle l'adoption fa ilc
le a 5 avril i 834 , au profit de. Iépouse Delaplanche.
3 ° Dans le cas où en thèse générale , ladoption de l'enfant na
turel par les père et mère qui l'ont reconnu , serait perm ise , H n'y a
pas lieu, darrs l'espèce , à l adoption de la dame M athilde B o iro t ,
épouse Delaplanche par sa mère la dame Duval.
4° Enfin , / adoption de lenfant naturel serait i Ue permise et y
aurait il lieu , dans lespèce, « ladoption de la dame Delaplanche ,
le sieur Boirot de L.aruas n'en aurait pas moins droit au huitième
de la succession de la dame Duval.
P R E M IE R E
P R O P O S IT IO N
.,
(
Lj'action du sieur Boirot de Taruas est réguliere. — Il a valablement
saisi le tribunal de Cannai de sa demande en délaissement contre les
époux
Delaplanche. — On ne peut lui opposer l exception tirée df
f fiulorilé de la chose jugée.
fr*
�—-13 —=
Sans
doute les époux Dclaplanchc n’ont pas
fait dresser un aci*
(l’adoption pour ne pas s’en servir. Cependant s’ils ont change d’avis ,
si mieux éclairés sur leurs véritables intérêts , ils ne l’opposent pas au sieur
Boirotde L aru as, alors point de difficulté ; celui-ci est appelé par la loi à
recueillir le huitième d elà succession de la dame Duval; ses conclusions doi
vent nécessairement être accueillies. Le sieur Boirot de L aru as ignorant
et devant ignorer si les époux Dclaplanchc veulent ou non user de cet
acte d’adoption, qui lui est entièrement étranger, et qu'aux termes du
<lroit, il est même censé ne pas connaître , n’a pas dû l’attaquer directe
ment , mais attendre qu’on le lui opposât pour en discuter le mérité.
Pour agir prudemment il s’est borné à dem ander, par action principale,
le délaissement du huitième de la succession de la dame Duval , que la
loi lui attribue.
Ainsi l’action du sieur Boirot de Laruas est régulière dans son principe.
Q ue si les époux Dclaplanchc opposent h ses prétentions l’acte iVadoption du
avril 1 834 î alors le sieur Boirotde L a ru a s, avantde se faire attribuer
la part de la succession de la dame D uval qu’il prétend lui revenir, se mettra
en devoir de faire déclarer accessoirement à l'action principale, ladop
tion nulle et non aeenuc , quant à lu i, de même que dans toute action
en délaissement d’immeubles on en partage , le demandeur connaissant
■ou no connaissant pas , ( peu importe ) , un testament préjudiciable ù
scs in térêts, intente son action principale, comme si le testament n'eXîstait pas , sauf ensuite à demander incidemment devant le tribunal saisi
de son action prim itive, la nullité du testament lorsque cet acte lui est
réellement opposé.
C ’est donc ici que se présente la question de savoir, dans le cas où l'acte
^adoption du n’j
avril i 83 /j, serait sérieusement opposé, si le tribunal
*1° Cannât qui a homologué cet acte d'adoption, peut décider aujour(lh u i qu'il n’y a pas lieu à adoption, après avoir décidé avec la cour
loyale de Ilium qu’il y avait lieu. En d’autres termes: il s’agit de savoir
Ion peut opposer au sieur
Boirot de Laruas l'exception tirée
de
1Hutorité de lr.chose ju g ée, non seulement par le tribunal de Gannat ,
111
rûs encore pur la cour royale de Ilium.
ttn thèse générale, il est de principe incontestable , qu’un tribunal ne
l'eut se réformer lui m êm e, et encore moins réformer un an et d’un
hibunul ou d une cour supérieure; mais ce principe ne reçoit ici aucune
�' application. Les jugemens qui interviennent lors de l ’adoption appar
tiennent à une juridiction toute volontaire , toute gracieuse , qui n’a
pas besoin d’être motivée , et qui est sollicitée et obtenue par ceux-là
seuls qui ont intérêt à l’invoquer en l’absence de tout contradicteur. Ces
jugeiriens ne
terminent aucun p ro cès, aucune contestation , puisqu’il
n’en existe pas ; il ne font que mettre le sceau- légal à l'adoption sans
rien statuer sur sa validité ; ils ne jugent véritablement
rien. Aussi
dès que ces jugemens ne statuent sur aucune contestation ; dès que ces
jugemens ne jugent rien , on ne peut opposer aux tieis qui y sont en
tièrement étrangers , et qui ont intérêt à quereller l'acte d’adoption,
l ’exception de la chose jugée.
Ces principes professés par M e G ren ier, (traité de l'adoption,page G29),
ont été consacrés de la manière la plus formelle , par la jurisprudence
de trois cours royales et do la cour de cassation, notammeut dans la
cause de Sander C . Dugicd , ou la contestation sur la validité de l’adop
tion s’engagea de la même manière que dans l’espèce.
Ces arrêts des cours royales de Colm ar et de D ijon, et lés deux de
la cour de cassation sont rapportés par Dalloz en son
îèpertoire au
mot adoption , page a 8 i , et ail volume de l'année 182G * page 8. —
Ceux de la cour de cassation sont à la date du 5 août 1 8 a 3 et 22 no
vembre i 8 s 5 . E nfin, celui de la cour royale de Nancy , à la date du
i 3 juin 18 2 6 , et rapporté par D a llo z , année 182G, page 200.
Après avoir ainsi établi que rien ne s’oppose à ce que le tribunal de
G an n a t, soit appelé à apprécier la validité de l'acte d’adoption d o n t il
s’a g it, et même que toute autre manièie de procéder eut été i r r é g u l i è r e ,
nous allons passer à l’exapien de notre seconde proposition.
a e P R O P O S IT IO N .
La loi ne permet pas l adoption de îen fan t naturel par les père et
mere qui lotit reconnu. - - P a r suite est nulle ladoption fa ite l^ ¡¿5
avril 1 834 , au profit de la dame Delaplanche.
Quoique celte question ait déjà été résolue dans 1111 sens contraire par
ie tribunal de Gannat et par la cour royale de Ilioin , il est utile de
�— 15*—
l’examiner de nouveau. Grande est la différence de l’examen que font
les magistrats les plus éclairés, les plus consciencieux , d’uns question
discutée dans des intérêts opposés, ou d’ une question qui n’est pas en
d éb ats, qui n’excitent aucune contradiction , et dont la solution no
leur est demandée que comme un acte de juridiction gracieuse.
Dans ce dernier cas , les magistrats ne voyant aucun préjudice à
causer à qui que ce soit, et désireux do renvoyer satisfaits ceux qui
s adressent plutôtàleu r bienveillance qu'à leur justice, se laissent facilement
entraîner à faire fléchir la rigueur des principes en faveur des personnes.
C ’est ce qui explique pourquoi le tribunal de G an n a t, pourquoi la
cour royale de Tîiom , n’ont pas déjà d éclaré, lorsquela question leur a été
£oumise qu'il n’y avait pas lieu à adoption ; c’est ce qui explique pour-:
c[uoi l’on découvre dans les recueils de jurisprudence , un certain nombre
de jugemens et d’arrêts qui ont consacré cette opinion que l'adoption
de lenfant na turel , par le père ou la mère qui l’ont reconnu , est per
mise. Celte observation est si v ra ie ,q u ’on ne,trouve pas un seul exemple,
dans aucun de ces jugemens ou a rrê ts ,d ’une adoption denfant naturel,
par scs père ou m ère, prononcée et maintenue malgré la contradiction,
des tiers intéressés à conte.iter.
Mais l’examen des magistrats est bien différent lorsqu’ils s’agit d’une
Huestion, dont la solution entraîne pour l'une et pour l’autre des parties
contondante, la perte ou le gain d'une somme plus ou-moins considé
rable. On h beau dire que quelle que soit la somme en contestation»
Huellcs que soient les personnes; qu'il y ait ou non des intérêts opposés
Ctl présence, les. principe.) sont toujours les. mêmes; icela)est: vrai sans
doute. M ais lorsqu’ils; ne s’agit que d’accorder une faveur sans aùcuu
Préjudice possible, pour qui q u i ce soit, quoique les principes soient^
^cs mêmes, on ne peut en l’abscncc de toute contradiction:,: en Üabsencc
des parties argumentant d'intérêts opposés, en faire une ctiulci aussinapr
Profondie et une application aussi sévère, que lprsqu'aprcj une discussion
^ clle de personnes et d intérêts, le m agistrat, sait que sa décision va
necessairement enlever à l'une des parties, tout co q uelle attribuera à
‘ autre. 11 ne s’agit ¡dus alors de faveur sans préjudice possible; il ne
Sngit plus de juridiction gracieuse; d s’agit de justice; il s’agit de la
et le jugement n’est rendu qu'après un jugement aussi consciencieux
(111 éclairé.
�— 16 —
Que si l'on prétendait qu'il y à présomption Je la part du sieur Boirot
de Laruas de vouloir faire changer l'opinion du tribunal de G anuat, sur
une question qu’il à déjà décidée, il serait facile de répondre que la cour su
prême a donné plus d’une fois l'exemple d'un pareil changement; qu’il
en est de même pour les auteurs les plus rccommandables, et pour n’en
citer que d eu x, et sur la question même en discussion, (au moins on ne
niera pas l'a-propos) , nous voulons parler de deux jurisconsultes les plus
savants et les plus profonds que notre siècle ait produit. M M . Merlin
et T o u lie r , lorsque la question s’est présentée pour la première fois r
étaient d'avis que l adoption de l'enfant naturel par les père et mère
qui lo n t reconnu était permise. E t cependant, ils sont revenus à une
opinion diamétralement opposée, et même M . Merlin après avoir sou
tenu d’abord l’opinion que nous deflendons, l’avait abandonnée pour re
venir en définitive à sa première manière de voir.
( T o u lie r , 2e édition N ° 988. — M erlin, à son répertoire, toin. 16..
E t D alloz, au mot adoption, page 293. )
Après ces quelques réflexions , examinons la question en elle même :
elle n'est pas neuve ; presque tout a été dit pour ou contre. Aussi tous
nos arguments n'auront pas le mérite d'être présentés pour la première fois,
On
sait que l'adoption qui était en usage chez le peuple romain ,
mais avec des formes et des conditions
qui ne convenaient pas à nos
mœurs et h nos usages, a été introduite, en principe général, dans notre
législation le 18 janvier 1792 par l’assemblée législative. Cette assemblée
célèbre décréta seulement que l’adoption aurait lieu
tracer aucune des règles qui devaient régir la
principe général eut
en F ran ce,
sans
matière» Dès que ce
été in tro d u it, jusques à la promulgation du code
c iv il, grâce à l’anarchie qui , des lois, était passée dans leur application
et surtout dans les m œ u rs, les tribunaux sans consulter la loi romaine
qui ne permettait l’adoption ni des enfans naturels ni des cnftns adul
térins, consacraient, dans presque tous les. cas, la validité de pareilles
adoplioas,.
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,
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�- 1 7 -
Cc scandale eut un terme. L e code civil parut et sans donner une
définition de l’adoption , il permit en g én éral, ( art. 343 et 3{5 , C . C . )
l’adoption aux personnes âgées déplus de 5 o ans, qui n’auraient ni enfants
ni descendants légitimes, en faiveurde l’individu à qui l'adoptant aurait
pendant six ans au m oins, fourni des secours et des soins non inter
rompus , ou encore en faveur de l’individu qui aurait sauvé la vie de
l’adoptant, ( i)
Dans tout le code, les partisans de l’opinion contraire h la nôtre ne
voulurent voir que les articles 343 et 345 ; ils s’emparèrent de ces deux
articles, et soutinrent que si l'enfant naturel et le père qui l’avait re
connu réunissaient les conditions exigées par ces deux a rticles, rien no
s opposait à l'adoption .
En effet, voici le raisonnement que font M M . G ren ier, Dalloz et Dur anton, qui sont les seuls auteurs qui pensent que ladoption de lenfant
naturel par les père
et mère qui l’ont reconnu, est permise: ils sou
tiennent qu’aucune prohibition absolue, qu’aucune exception n’étant faile
dans les articles 343 et 345 , ni ailleurs, à l’égard de l’enfant naturel
%
ct que la loi permettant tout ce qu'elle ne prohibe pas expressément, si
celui qui veut adopter son enfant naturel, a cinquante ans, s’il a donné
Pendant six ans des soins non interrompus h son enfant naturel, si celui-ci
a quinze ans de moins que l'adoptant, rien ne s’oppose à l’adoption.
T el est le seul argument un peu spécieux de ce système, argument
doit découlent plusieurs autres arguments secondaires.
Nous ne voyons pas que ces mêmes articles 343 , 345 et autres, ex
priment formellement que ladoption de ienfant adultérin par ses père
(*) Ar|.
C. C. « I.’adoption n’est perm ise qu’aux personnes J e l’un ou île l ’autre sexe ig é e »
* l'Ius de cinquante ans , qui 11 auront , A I ép o q u e de l'adoption , ni enfants ni descendants lé g i—
1 et qui auront ati m oins quinze ans de plus qu e les individus qu’e lle s se proposent
* d'adopter, ..
d 15 c - C- •• I.a faculté d'adop'cr ne pourra être e x er c é 3 qu’envers l'individu à qui l'on
a"r a > dans sa m inorité et pendant six ans au m o iin , fourni d e s fccours et donné des soin»
10n '" lor>,ompus , ou envers celui qui aurait sauvé la vie à l'adoptant soit dans un c o m b a t,
S°H on *° •■font dos dam mes ou des (lots. — 11 suffira, dans ce d eu xièm e c m , que l'adoptant
0lt ,n:'ic,,,'> plus Agé que l ’a d o p té , sans e n fa n ts, ni descendant» lé g it im e s , et s’il est m arié»
1 UC ,o n c “"joint consente A l ’adoption. »
�_ _ I fr
et m ère, est défendue, pas1plus que pour l'enfant naturel, et cependant
M M . G renier, Dalloz et Duranton sont unanimes pour repousser cette
espèce d’adoption; ils proclament que lenfant adultérin ne peut cire
adopté.
Pourquoi celle différence?'La loi n'est-elle pas aussi muelte pour l’adop
tion de îenfant adultérin , quô pour l'adoption de l'enfant naturels
Pourquoi admettre que l’une de ces adoptions est permise, tandis que
l’autre ne l'est pas ?'
‘ M ais, dit M . D alloz, l’argument d'ànalbgie est essentiellement vicieux:
les erifans'adultérins ne peuvent jamais être légitim és, tandis que les
enfans naturels peuvent l’être-, ( A rt. 33 1 , C . C . ) , ( i) . On reconnaît
donc que ce n’est pas seulement au titre de ladoption , qu’il faut s’ar
rê te r , et que ce n’est pas lh que l’on trouve la raison de décider !... E li !
quoi ! parce que les enfans adultérins ne peuvent être légitimés , ils ne
pourraient être adoptés , et parce que les enfans naturels peuvent être
légitim és, ils pourraient être adoptés !... Mais est-ce que l’adoption et
la légitimaliori sont' choses identiques ? — E st-ce que l’adoption et la
légitimation donnent les mêmes droits ? — Q ue devient donc ce grand prin
cipe que la loi permet tout ce quelle ne défend pas expressément ? Est-
ce que la loi a déclaré tacitement ou expressément que tous ceux qui
pourraient être légitim és, ou ceux-là seuls qui pourraient être légitim és,
pourraient être adoptés ? Il n’en est rien.
Quand on argumente du silence de la loi en faveur des enfans naturels
pourquoi argumenter de ce silence contre les enfans adultérins ? Cela
prouve seulement qu’il’ est impossble aux partisans de ce système d’êtro
conséquents avec eux-mêmes , et qu’il faut admettre ou rejeter ensemble
ces deux sortes d'adoptions. Les adm ettre, cela est impossible. Il ne s’est
pas élevé encore une seule voix en faveur des enfans adultérins .
Il
nous paraît donc démontré que le silence gardé par le législateur
ou chapitre de l'adoption , n’est pas plus prohibitif pour tenfant aduh
( | ) Voy. l'article 331 ci-conlrc , j>agc 19.
�ièrin , que pour l'enfant naturel ", il nous paraît démontré que ce n’est
pas , dans tous les cas ,
au
chapitre seul de l adoption , qu’il faut
s’arrêter pour trouver des motifs tranchants de solution ; mais bien dans
les dispositions spéciales où le législateur a tracé toutes les règles ap
plicables à l’état des en/ans naturels et des enfans adultérins , com
binées avec celles relatives à l'adoption.
E n effet, avant le titre de ladop tion , qu’avait déjà prescrit le légis
lateur pour les enfants adultérins ? Q u ’ils ne pourraient être reconnus
(A rt. 335 , C . C .) ( i) qu’ils ne pourraient être légitimés (A rt. 3 3 1 ,
C* C .) (2) et postérieurement au chapitre des successions irrégulières
qui leur est commun avec les enfans naturels , qu’ils n’auront droit qu’à
des aliments. (A rt. 762 et 7 6 3 , C . C .) . ( 3)
Q u ’avait déjà prescrit le législateur, avant le titre de [adoption^ pour
les enfants naturels, aux mêmes chapitres particuliers et sous les mêmes
rubriques que pour les enfans adultérins? qu’ils ne pourraient être lé
gitimés que par mariage subséquent et antérieurement au m ariage, (A rt.
33 1 et 3 3 3 , C . C .) ( 4) qu’ils ne pourraient être reconnus que par acte
authentique, (A rt. 3 3 4 5 C . C .) ( 5) que reconnus q a ils seraient, ils ne
pourraient réclamer les droits denfants légitim es’, que leurs droits sc-
( I ) Art. 3 3 5 . - - « Cette reconnaissance ne pourra avoir lie u au profit d e s enfans nés d'un
* com m erce incestueux ou adultérin. »
( i ) Art. 3 3 1 . — « I.C8 e iitin i nés hors, m a r ia g e , autres que ceu x nés J ’uu com m erce in ees* tueux ou adultérin , pourront être légitim é» par le m ariage subséquent do leurs père et m è r e
* lorsque ceu x -ci le s auront légalem ent reconnus avant leur m ariage, ou qu’il» le s reconnaîtront
* dans l’acte m ém o d e céléb ration. »
(3 ) Art. 7G2. — » L es dispositions des articles 7 5 7 et 7 3 8 ne sont pas
applicables aux cir:
* fcuis adullérius et incestueux. — I.a lo i ne leur accorde qu e des alim ents. »
Art 7fi3 . _
a Ces alim ents sont r é g l é s , en égard aux facultés du père ou île la m è r e , au
» nom bre et à la qualité des héritiers lé g itim es. »
(* ) Art. 333 . — « L es etifan» Iégilinics par le mariage subséquent auront les m éw cs droits qno
* » ils étaien t nés de ce m ariage. »
(ï>) A it. 3 3 t . -
« J.a reconnaissance d ’un enfant naturel fora faite par un aci« au th en tiq u e,
l lorsq u'elle ue l’aura pas é té dans sou «(.te d e naissance, »
�f r'
— û o—
raient réglés au titre des successions (A rt. 338 , C . C .) ( i ) et enfin,
au chapitre des successions irrégulières , qu’ils ne sont point héritiers
qu’ils n’ont qu’un droit qu’à une quote-part de'termine'e sur les biens des
père et mère qui les ont reconnus, (A rt. 756 et 7 3 7 , C . C .) (a) et qu’ils
ne peuvent par donation ou testament rien recevoir au-delà de ce qui
leur est accordé au titre des successions. (A rt. 908, C . C .) ( 3)
Dans toutes ces despositions, placées parallèlement dans les mêmes
chapitres spéciaux, et pour les en/ans naturels et pour les enfans adul
térins , pas un mot pour les enfans naturels, ni pour les enfans adulté
rins , à l’égard de l’adoption. Ce silence n’indique-t-il pas évidemment
pour les unes et pour les autres, que le législateur s’étant
longuement
occupé , dans des chapitres particuliers et avant celui de l’adoption , de
l ’état des enfans naturels , et des enfans adultérins, et des droits que
les uns et lçs autres pourraient avoir sur la succession de leurs parents,
il a tracé des règles particulières exceptionnelles pour eux, et que par con
séquent les autres règles générales qui régissent l’état des personnes et
leurs droits aux successions de leurs auteurs, ne sont point applicables
ni aux enfans adultérins , ni aux enfans naturels. E n effet, tout est
cxccptionel pour les enfans ncs hors mariage : leur naissance, leur c t a t ,
Jours droits , comme les règles qui régissent le tout.
(1 ) Art. Ï 3 8 . — « l ’enfant naturel reconnu no pourra réclam er les droits d ’enfant légitim e.
» Los droits des enfants naturels seront réglés au titre des successions. »
(2 ) Art. 7 5 0 .
« Los enfants naturels no sont point héritiers ; la loi ne leur accorde de droit
« sur les biens do leur père ou m ère d é c é d é s , que lorsqu’ils ont été légalem ent reconnus. Ello
» ne leur accorde aucun droit sur le» liions d es parents de leur père ou m ére. »
Art 7 5 7 . — « Le droit de l’enfant naturel sur les liiens du scs père ou more d écéd és est rég!»
»• ainsi (|ii il suit : — Si le péro ou la méro a laissé d es descendants légitim es , ce droit est d ’un
» tiers d e la portion héréditaire que l’enfaüt naturel 'aurait eue s ’il *‘ut été légitim e ; il rst do
»
la m oitié lorsque les péro ou piére ne laissent pas de
d e s c e n d a n ts,
m;üs hic» de« ascendants ou
» des frères ou sœurs ; il est des troiw quarts lorsque les père ou inére no laissent ni descendants
» ni ascen d a n ts, ni frères ni scrur*. a
(3 ) Art. 908* — >< I.cs enfans natm els no pourront par donation entre-vifs ou
ff rien recevoir au-delù do co qui leur est accordé au titre des successions* y
par testament j
�0r
tn
— 2 1 —'
M a is, dit encore M . Dalloz : si le législateur avait voulu prohiber
l’adoption des enfans naturels par les père et mère qui les ont reconnus,
il l’aurait fa it, non pas d’une manière indirecte aux litres des successions,
par l’article 908 , C . C .. , qui est inapplicable à l’enfant naturel adopte,
qui a changé d’état, qui cesse d'être enfant n atu rel; mais au titre des
Personnes , par une disposition spéciale.
La réponse à toutes ses objections est facile: nous disons d’abord
que tous les arguments qu’on présente en faveur de l'enfant naturel,
°n peut aussi les faire dans l’intérêt de lenfant adultérin. L e législateur,
au titre des personnes , ne prohibe en aucune façon l’adoption des en-
fa n s adultérins ; ce 11’est qu’au titre des successions que les articles
762 et 76 3 , leurs accordent des aliments, comme les articles 75G, 767 et
9o8, (1) n’accordent qu’une quotité restreinte dans l’hérédité de leurs
auteurs aux enfans naturels reconnus.
Pourquoi, si lenfant adultérin était adopté ne cesserait-il pas, comme
lenfant naturel , d’êlrc enfant adultérin aux yeux de la lo i? Pourquoi
s°n étal ayant changé, ne recevrail-il pas au lieu d’aliments seulement,
la portion qui revient à l’enfant adopté? la raison de décider est abso
lument la même: on résout la question par la question, voilh tout. On
aj°ute en vain que les enfants adultérins ne peuvent jamais devenir lé
s â m e s ; que leur état, leurs droits sont fixés d’une manière irrévocable.
Mais ils sont fixes de la même manière que pour les enfants naturels, dans
les mêmes chapitres spéciaux, sous les mêmes rubriques. Seulement ces
prohibitions sont plus sévères pour les enfants adultérins; seulement ces
prohibitions sont moins étendues pour les enfants naturels, que pour les
enfants adultérins. Le législateur a élé plus favorable aux uns qu’aux
autres, en raison de leur origine plus ou moins scandaleuse, plus ou
moins attentatoire aux bonnes mœurs, et h la sainteté et à la paix du
mariage. Mais quoique moins étendues , ces prohibitions ne sont pas
moins aussi formelles, pour les enfans naturels, que pour les enfanls adul
térins, et l’on ne doit porter atteinte à aucune.
(*) V oy, Ica articles 7 0 2 , 7G 3, 7 5 0 , 7 5 7 et 0 0 8 C. C. pages 1D et 2 3 .
�—22—:
Sous ce premier point de v u e , il y a complète analogie entre les
enfants adultérins et les enfants naturels, et admettre les uns au bénéfice
de l'adoption et rejetter les autres, c’est commettre une erreur qui tient
presque du caprice; c ’est se montrer tout-s-fait inconséquent.
E st-il bien vrai ensuite, que ce soit au titre des successions seule
ment , qu’il y ait prohibition pour l’enfant naturel de rien recevoir audelà de ce que les articles 75G , 757 et 908 (1) lui accordent, et que cette
prohibition ne soit faite que pour l’enfant naturel reconnu , mais non
adopté ? Est-il bien vrai que l’enfant naturel adopté change d’état et
cesse d’être enfant naturel ?
Il
suffit de lire l’article 338 du code c iv il, qui dispose que , « l’en-
» fant naturel reconnu ne pourra réclamer les droits d’enfant légitime ,
» et qui ajoute que ces droits seront réglés au titre des successions , »
pour se convaincre que c’est au titre des personnes que la prohibition
formelle de rien recevoir au-delà de ce qui est attribué par les articles
7 5 6 , 757 et 908 j prend son origine, et est exprimée de la manière la
plus expresse. (1)
L a prohibition frappe do^nc , sans distinction aucune , l'enfant natu
rel reconnu , et s’attache a sa personne. Il suffit encore de lire l’ar
ticle 348 , (2) pour se convaincre qu’alors mèinc l’enfant naturel reconnu
serait adopté, il ne changerait pas d’état, parce que cet article dispose
que l’adopté reste dans sa fa m ille naturelle. S ’il conserve tous scs droits
dans sa famille naturelle, l'enfant naturel , adopté qu'il serait , ne ces
serait doue pas d etre enfant naturel reconnu , mais il ajouterait à cette
première q u a lité, celle denfant adoptif. Les articles 338 , 756 , 7 ^7 1
et 908 ne cesseraient donc pas de lui être applicables, avec d’autant
plus de raison que la prohibition faite à lenfant naturel re c o n n u , de
rien recevoir au-delà de la portion restreinte qui lui est accordée et au
titre des personnes et au litre des successions , a paru- si formelle au
législateur, que quoiqu’il eut disposé (A rt, 3 3 1 et 33 a , C . G . ) , q u e / f« -
fa n t naturel pouvail être légitimé par ^mariage subséquent, lorsqu il
aurait été reconnu, pour éviter l'application des articles 3 3 8 , 75 (J, 757
et 908 à l'enfant naturel reconnu qui a u r a it été légitim é , le législateur
disons nous, a cru dc"voir ajouter, art. 333 , C , C . , que les enfans légi
times par mariage subséquent, auraient les mêmes droits que s ils étaient
nés de ce mariage, (1)
(1 ) Yoy» les art. 331 t 3jt2 y 33*> * 3 3 3 *
(2)
Art.
3(9
j ¿->7 i*t 0 0 4 t
«L 'aibpLo rcslcra dans ta lam illc u alu rcllu .
C, |*0£Cs lij * l ■ t'I
y c o a sc n c r a toiu scs d a / l s ; eter»;
�-23Ce soin si extraordinaire du législateur à régler dans les moindres
détails, tout ce qui touche à la personne et aux droits de succession
conférés aux enfans naturels, rie prouve-t-il pas d’abord que s’il eut été
dans l’intention du législatéur de crée r, outre la reconnaissance et la lé
gitim ation, un troisième moyen en faveur de l'enfant naturel pour acquérir
Un état, une famille et des droits successifs qui lui appartiennent, non
par l'effet seu l, de sa naissance, mais accidenfellement, il eut déclaré
formellement que lès enfants naturels pouvaient être adoptés? Ne prouve-t-il
pas encore qu’alors même que le législateur eut tacitement souffert que
les enfants naturels rentrassent dans leur famille par la porte de l’adoptio n , il n’a pas eu l’intention, dans ce cas, d'attribuer d’autres droits aux
enfcinis naturels reconnus et adoptés , qu’aux enfans naturels reconnus
non adoptés , parccqu'il n’eut pas manqué de cléclàrer, comme pour les
enfants naturels reconnus et légitimés ^que ces enfants naturels adoptés,
auraient sur la succession de l’adoptant, les mêmes droits que s'ils n’étaient
Pas enfants naturels reconnus.
Il
n’eut pas manqué de déclarér que pour eu x, il y avait éxe^ptioti
aux articles 338 , 908 (1) et autres du code civ il, et certes cette déclaratiôii
l’absence de toute prescription de la l o i , autorisant l’adoption des
enfants naturels, était bien plus nécessaire, que dans le cas de la lé
gitimation, où la loi trace elle même les règles de cette légitim ation, q uelle
favorise, q uelle autorise de la manière la plus formelle.
Tou t concourt donc à établir que jamais il n’est entré dans l'intention
du législateur de permettre qué les enfants naturels reconnus, pas plus
que les enfants adultérins, puissent être adoptés. Le silence seul du législa
teur à l'égard des uns et deS autres, au titre de l'adoption , nous semble
décisif.
Les enfantfe nés hors mariage sont dans une position toute exception
nelle: ils n’ont pas de fam ille; ils n’ont aucun droit à la succession de
‘lui que ce soit; ils n’ont pas d’état, nec fam iliam , nec gcnlcm liaient ;
ds ne peuvent sortir de cette position toute exceptionnelle, toute parti
culière, qu'e de la manière formellement prévue, formellement exprimée
par le législateur, Par le fait seul de leur naissance hors m ariage, ils
lle sont pas, comme les enfants légitim es, saisis |de plein droit d'une fa
i l l e ; au contraire, ils sont exclus de toute famille. Pour y rentrer il
�- 24leur faut la permission expresse du législateur, réunie à la volonté aussi
expresse de leurs parents; il leur faut le concours formel et simultané
des parents et du législateur. Le législateur n’a ouvert en faveur des
enfants naturels, eu égard à leurs auteurs, que la reconnaissance et la
légitimation ; il n’a pas parlé de ladoption', les deux premières voies
leur sont ouvertes, l’adoption leur est interdite.
M ais, est-il bien vrai de dire que la loi soit silencieuse, et quelle ne
prohibe pas expressément et littéralement l’adoption des enfans naturels
reconnus. A cet é g a rd , il suffit pour se convaincre du contraire de lire
la loi avec attention , et d’en rapprocher les différentes expressions.
Lorsque le législateur a permis l’adoption , et qu’il a dit que celte
ndoption ne pourrait être faite que par des personnes âgées de cinquante
ans qui n’auraient ni enfants ni descendants légitimes, n’a-t-il pas clai
rement exprim é, suivant l’inlention d e là loi rom aine, suivant la défini
tion de C u ja s , qu’il voulait donner une consolation aux vieillards qui
n’auraient pas eu le bonlicur d’avoir et de conserver des enfants légi
tim es , par le bienfait d’une paternité factice, en l’absence d'une pater
nité réelle. ( L e législateur a dit légitimes , pareeque s'ils sont naturels
il les considère comme n’ayant aucune existence.) En prescrivant que
cette adoption ne pourrait avoir lieu qu’en faveur d’individus auxquels
l'adoptant aurait fourni des soins pendant six ans au moins, ou parce
que sa vie aurait été sauvée, soit dans un com bat, soit dans les flammes,
soit dans les eaux, n’a -t-il pas voulu autant que possible remplacer l’af
fection naturelle qui provient des liens du sang, par celle qui nait de
l'habitude ou de la reconnaissance ?
Ces différentes expressions »'indiquent-elles pas q u e, dans la pensée
du législateu r, l'adoption ne peut avoir lieu qu’entre personnes complè.
tement étrangères l’une envers l’autre, aux liens de la paternité et de la
filiation, comme le prescrivait le dernier état de la législation romaine?
N ’indiqucnt-cllc pas, suivant cet axiome de droit: quod rneum est non
amplius rneum fie r i p o test , que c’est faire jurer les idées et bouleverser
les simples notions du bon sens, que dc«supposcr que celui qui a un fils
naturel légalement reconnu, peut faire absorber, au moyen d’une fiction,
cette qualité de fils naturel , par celle de fils adoptif , et peut ajouter
l'une de ces qualités h l’autre?
�L -a5Est-il besoin de donner une démonstration mathém atique, que telle a
été la volonté bien expresse, l'intention bien formelle du législateur?
Q u’on jette les yeux sur les articles 346 , 347 et 348 du code civil ( i ) ,
on y verra que l’adopté est tenu de rapporter le consentement donné h l’a
doption par ses père et m ère, ou le survivant, ou de requérir leur conseil;
°n y verra que l’adoption confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajou
tant au nom propre de ce dernier; que l'adopté reste dans sa famille natu
relle et y conserve tous ses droits; qu’enfin, l’adoplion n’est permise qu’à ce
lui qui jouit ci’une bonne réputation.
S i le législateur n’avait pas entendu que l'adoption ne pourrait avoir lieu
qu’entre personnes complètement étrangères entr’elles, aux qualités de fils
et de père, toutes les prescriptions de la loi seraient ridicules, absurdes j
et d’une application impossible entre l’adoptant et son fils naturel reconnu.
Com m ent, en effet, l’enfant naturel déjà reconnu pourra-t-àl rapporter
le consentement ou le conseil des père ou mère qui l’ontrreconnu, puisqu il n’en a d’autre que l’adoptant? L e père ou la mère qui voudra adopter
sou enfant naturel, jouerait donc dans l’adoption deux rôles différents,
comme 1c cuisinier-cocher dans lA va re de M olière? Comment l’enfant
*1;*turel pourra-t-il ajouter à son nom le nom de l’adoptant,puisque la recon
naissance le hii a déjà conféré ? Comment restera-t-il dans sa famille natu
relle et y conservera-t-il scs droits, puisqu'il n’a d'autre famille que celle
de l’adoptant? Comment pourra-t-il rester à la fois enfant naturil recon-
nn •>et devenir enfant a d op tif du même p ère, les droits dè l’un et de
1autre étant tout-à-fait différents, tou tàfait contradictoires? Comment
Çnfiu le père et surtout la mère de l’enfant naturel, d'un,enfant conçu
^ * 6 . — » I* adoption ne pou rra, en aucun c a s , avoir listi avanl la m ojorité de l'adopté,
^ a lo p iü # ayant encore scs pere et m ò re, ou l ’un des d e u x , n'a point accom pli sa vingtT ninfe a n n é e , il sofa lenii de rapporter le consentem ent donné A l'adoption
par «es père
è ' e , ou par le su r v iv a n t} e t , s il est majeur dû vingt-i'inq a n s , de requérir teur c o n s e il.n 1' ■
3 4 7 . — « Ij’adoption conférera le nom dé l’adoptant à PadoJjté, en rajoutant au non» propre
" d e c e dern ier.»
^ r1, ^ 4 8 . — « 1,’adopté resiera dans sa fam ille naturelle, et y conservera tous scs droits : néan,n , > le mariage est proliilié entre l’adoptant , l’adopté et scs descendants ; entro le s enfants
p i.» du nivino in d iv id u , entro l’adopté et les enfants nui pourraient survenir à l’ilo p ta n t •
" l ’a i
81 “l’1“ c l 1° conjoint de l ’adoptant, et réciproquem ent entre l ’adoptant et le conjoint de
�lidrs m ariage, peuvent* ils jouir d’une bonne réputation? car il ne s’agit
pas ici (l'une réputation de.'probité^ mais de réputation de moeurs pures
et à l’abri de toute espèce de soupçons ; car ce'n’est qu’à des vieillards de
mœurs pures, et dont la vie n’a été marquée , sous ce rapport, par au
cune tâche , que le législateur n voulu'conférer le bienfait de l’adoption .
ce n’est qu’à eux qu’il a voulu confier des enfants que la nature ne leur
- avait >pas donnes!..',..
A insi, quand oh veut examiner les conséquences du principe professé
p a rle s partisans de l’adoption des enfants naturels, on arrive à l’impossi
bilité, e lle législateur n’a pas voulu exprimer des choses impossibles. Pour
faire toucher du doigt l’impossibilité qu’il faudrait nécessairement imputer
aux prescriptions du législateur, si l’on admettait qu’il a permis l’adoption
.des enfants naturels , nous terminerons ^ sur'cette question , par deux rap
prochements bien simples.
Le législateur .a voulu que l’adopté reste dans sa famille naturelle et
y conserve
tous' scs di-oils': si l’adopté est un enfant naturel reconnu , et
qu’a u x ’ termes de l’article 348 du code civil , ril conserve tous ses droits
dans sa'fam ille naturelle, il ne pourra, par suite des combinaisons des
articles 338, 348 et 908, réclam er, dans aucun cas, les droits d’enfant
légitim é, et obtenir , par la donation ou le testament du pète qui l’aura re
connu, rien'àu-delà de ce qui lui est accordé au titre des successions !...
Cependant aux termes de l’article 35o , l’adopté a , sur la succession de
l’adoptant, lès mêmes droits que ceux qui compèteraient à l’enfant né du
mariage ; de telle so rte, que d’un côté l’erifànt naturel reconnu e t 1adopté ne
pourrait obtenir les droits d’cilfant légitim e, et *jue'de 'l’autre ‘il anrait*los
droits d’un enfunt légitime.
L article 35o est donc matériellement inconciliable dans le sens où l’a
doption des enfants naturels serait permise avec les articles 338, 348 et
908 combinés; et qu’on ne vienne pas dire que l’article 35o dérogea l’ar
ticle 908 dans ce cas spécial.
\
Il
ne s agit pas seulement
de dérogation à l’article 9°8 qui est au
litre des successions , mais aux articles 338 et 348 qui sont au litre des
personnes , et à celui même de / adoption (O* IJ'on scra‘ l donc obligé de
soutenir que les dispositions concernant l'adoption ne sont pas co-rcla*
Y oy. les art. 3 3 3 et 9 0 3 r a8 ° 2 0 , l ’art. 3 4 8 page 2 3 , c l l ’art. 3 3 0 page 2 7 .
�— p , i y -r-
- tivos, nd sont pas, Ofjgées;simultanémentet sont-.destructives les nnes djcs
' auti-es ,.[ce qui^n’e s t pas lpgique ; mais ce qui le, serait, encoie-m oins ,
c’est que si ledégislateur permettait Tadoplion de l’enfant naturel reconnu,
i'il détruirait complètement l’esprit et la conséquence des articles, 33 1 et 33 a.
' Ces [articles ne -permettent la légitimation des enfants naturels que parole
mariage ! subséquent, «t: par l'acte ■
m ôme-de 'célébration dm mariage tics
père et m èie qui les ont reconnus, et nonf postérieurement. O r , si l’adop
tion de l’enfant naturel était permiso et qu'ellei lui donnât les droits d’en■fknt légitim e (ni t. 35 o C . C . ) , ( 0 on pourrait donc, autrement .que. par
l,n mariage subséquent et postérieurement à. ce m ariage, rendre légitim e,
Par l'adoption * celui qu’il ne serait plus permis de'rendre légitime par la
légitimation /seule voie que le code a ouverte, ce; qui est une contradic
tion manifeste à ajouter' h tant d’autres.
A rriver à. celte conclusion c’est avoir établi que jamais il n’est entré
dans l’cspiit du législateur, comme dans l’expression de sa volonté, de
permettre l’adoption de l’enfant naturel, par les pèreiou mère qui l’ont re
connu.
Si l’on veut examiner la question d’un peu plus haut sans s'arrêter* au
texte de tel ou te l-a rticle, on voit que le législateur sYst(occupé , dans
chapitre sp écial, de tous les enfants nés hors m ariage;'qu’il a indiqué
dans. une série de dispositions.'bicn précises, bien formelles, les seuls mo
yens qui ne s’appliquent qu’à eux d’acquérir, de trouver une famille
(i” e leur naissance ne leur donnait pas; que: placés ainsi hors du.droit
c°innuiri , hors rdc toute fam ille, les enfants nés hors mariage sont plus
01,1 moins favorisés: par la d o i, eu égard à leu n naissance, plus- ou moins
,8Çn*KUlensc ; ,que‘ cette loi-est moins sévère pour les enfants1 naturels
pour les enfants adultérins; m ais-qu'elle.est égide.pour tous en ce
s<,nsv quc ces prohibitions, que ces exceptions sont aussi formelles pour les
'mscjuq pour les autres; en ce sens que, dans cette position toute excop'^onndlpj les e n fa n ts adultérins ne peuvent jamais obU nir que des aliments,
et.. l'is Qiifmls naturbls la reconnaissance et la, It;gil ¡million, seulement
Ui,1>s les formes; et'oux conditions- indiquées , prescrites, par la lo i , et, ja-
(1) .A n . 3 S 0 . « I.'adopté ri’oc piorra aucun «lroil île sudcéflsli.iU té'siir t w 't t c n s : .! « - p a r e u »
" 1 "'lopirim ;
do
il aura im- la *ueriiSioi», <V 1’ddoptmit ics.‘im>n'Jps droits Irjur ce iv q i ’y .« ir a it
" 1 « fa u t né on m a r â g e , iniimc .<pond il y îmniit d a u !rcs eitfo n li'd c t c 'lc . dotujcrr • q u a lité , nùj
“■'Jojmis l'ailijp'ion. »
�-
28-
înais l'adoption, parce que non-seulement le législateur n’a pas dit expres
sément que cette voie leur est ouverte ( ce qui était indispensable dans la
position toute exceptionnelle où se trouvent les enfants hors m ariage),
• mais encore parce qu’il résulte d’une foule de dispositions que nous avons
énumérées, que l’adoption de l’enfant naturel par les père et inèrc qui l’ont
reconnu est interdite de la manière la plus formelle. Notre législateuia proscrit cette espèce d’adoption, parce qu’elle encouragerait la dé
pravation des mœurs, et tendrait à augmenter, d’une manière effrayante,
le nombre des enfants nés hors m ariage, déjà si considérable, et qui fini
rait par envahir tous les rangs de la société.
S i, de l’examen de la question en elle-m ême, nous passons aux autorités
qui ont appuyé l’une et l’autre opinion, nous voyons d’un côté, et pour l’a
doption : MM. Grenier et Duranton qui s’expliquent plutôt d’une ma
nière dubitative que positive, e tM . Dalloz ; tandis que nous voyons de
l’autre, et contre l’adoption : M M . T o u lier, M erlin, M alleville v Delvincourt, Loiseau, C h a b o t, Favard de l’Anglade, Rogron ; enfin, tous ceux
qui ont écrit ou exprimé leur opinion sur la m atière, mais notamment
M . Magnin ,dont le traité spécial est tout récent.
M . Favard de l’Anglade, qui traite la question avec quelque étendue
au mot adoption, en son répertoire , rapporte l’opinion de M M . Treilhard
et M alleville, attaché à la commission chargée de rédiger le code civil,
et de laquelle il résulte,de la manière la plus positive, que «les rédac« leurs du code civil n’ont jamais entendu autoriser l’adoption des enfants
« naturels par les père et mère qui les auraient reconnus. » E t, chose re
m arquable, c’est un prétendu p rocès-verbal, découvert par M. L ocré, pro
cès-verbal qui pouvait faire supposer une opinion contraire de la part des
lédactcurs du code c iv il, qui a entraîné, en faveur de l’adoption des enfants
naturels, MM. Merlin, Toulier, Grenier etun grand nombre de cours royales,
unanimes contre eux avant celle découverte. Aujourd’hui que MM. Favard
de l’Anglade, Treilhard et M alleville; M erlin, et T ou lier, et M. le pro
cureur-général Mourre ont fait justice de ce prétendu procès-verbal , les
cours et tribunaux feront comme Toulier et M erlin, et reviendront à leu*'
première unanimité.
Si, de l’opinion des auteurs nouspassonsà la jurisprudence, nous trouvons
un assez grand nombre de cours royales «lui ont consacré l’un et l’auti0
système : les cours de Paris, Nismes , Besançon, Pau, B ourges, Amiens ,
ont constamment refusé d’admettre l adoption des enfants naturels r t '
�_ 2 9-
connus. Les cours de Grenoble , C aën , D ou ai, Rennes , Poitiers, L yo n ,
o n t, aucontraire, admis que celte adoption pouvait avoir lieu. Mais il y
a cela de remarquable que dans aucun des arrêts qui ont admis l’adop
tion , cette adoption n’e'tait contestée par des tiers intéressés. D’où il est
permis d’inférer que la question n’a pas été sérieusement agitée, et que
les cours ont fait acte de juridiction gracieuse, plutôt qu’application des
principes sévères.
Une seule fois la cour de cassation a été saisie d e ’ cette question: on
lui déférait un arrêt de la cour de Nismes qui avait refusé d’admettre
l’adoption. E lle x-ejeta le pourvoi parce que l’arrêt n’étant pas m otivé, et
ne pouvant pas l’être, la cour de Nismes avait pu être déterminée par
les circonstances spécifiées dans l’article 355 du code c iv il, et non parce
que l’adopté était un enfant naturel reconnu. D ’où elle tira la conséquence
qu’il était inutile de s’occuper de la question en elle-même. Cet arrêt.:
est rapporté par MM. F avard d e l’Ànglade et D allozen leurs répertoires
au mot: adoption. Il est h la date du
i 4 novembre i 8 i 5 . M. Boslon-
Castellam oute, conseiller rapporteur dans cette affaire, exprima dans son
rapport une opinion contraire à l’adoption de l’enfant naturel, et M . Fa*
Vard de l’A nglade, président de cliambre à la cour de cassation, qui
devait connaître l’opinion de ses collègues, après avoir rapporté cet arrêt,
ajoute que la décision de la cour de cassation autorise à penser que
l’arrêt d’une cour royale q u i, dans ce cas, approuverait l’adoption, ne
pourrait échapper à la cassation, comme contraire à l’esprit et à la lettre
de la loi.
Nous pensons qu’il est inutile d’insister d’avantage sur cette question:
elle mérite toute l’attention du tribunal; elle a besoin d’être longuement
méditée, car ce n’est qu’après plusieurs années de discussion que M M . Toulier et Merlin qui étaient d’abord d’un avis favorable à l'adoption , ont
passé à une opinion contraire. Le tribunal de G annat, si sa conviction
l’y appelle ne reculera pas devant un pareil exemple donné par de pareils
hom m es!,...
�3mc PROPOSITION.
Dans le cas oh en thcze générale l'adoption de l'enfant n a tu r tt
par les pcre et mère qui lo n t reconnu serait perm ise , il n'y à pas
lieu dans l'espèce à l'adoption de la dame Sophie-M athilde B o ir o t ,
épouse Delaplanche , par sa m ère , la dame B u val.
Nos adversaires, par leur refus obstine de toute conciliation nous ont
amené sur un terrain où la discussion touche directement aux personnes.
Q u’ils s’en prennent donc à eux-mêm es, à eux seuls, si nous invoquons
des souvenirs et des actes, dont la mémoire de leur mère pourrait être
offensée!'.... Quelque pénible que soit la tâche qu’ils nous ont imposée,
nous ne reculerons pas. Mais en nous rappelant que l’on ne doit aux morts
que la vérité, nous nous rappelerons que nous nous devons à nous, d’être
calmes et réserves dans notre langage, même en présence d’injustes adver
saires. Les magistrats sauront apprécier notre modération et jusques à
notre silence.
Tou s les auteurs qui soutiennent que l’adoption de l'enfant naturel par
les père et mère qui l’ont reconnu, est permise, sont les premiers à pro
clamer qu’il faut mettre dans l’application de ce principe de justes ternpéramment. C ’est ainsi que M. Grenier fait des vœux pour que les exem
ples de ces adoptions ne se présentent jamais; c’cst ainsi que M . Dalloz
désire que l’adoption ne soit permise que lorsque les magistrats sont con
vaincus de l'impossibilité de la légitimation par mariage subséquent ; c’est
ainsi que ce dernier auteur pense que l’adoption des enfants naturels ne
Saurait causer de vives alarmes pour les mœurs, puisque les tribunaux >
dispensés, en cette m atière, dém otiver leurs jugements, se trouvent in
vestis par la loi du pouvoir d’empêcher les exemples de ces adoptions de se multiplier aux dépens de la morale publique, et que le pouvoir sa
lutaire et illimité qui leur a été 1ém is-par le législateur, est dénaturé h '
prévenir tous les dangers et à faire cesser toutes les craintes. C ’est encore
ainsi que M M . Grenier et Dalloz s’accordent à proscrire toute adoption !
en faveur de l'enfant entaché d’adultère.
Si jamais ce pouvoir discrétionnaire, illim ité ,
sans motifs à expri
mer comme sans contrôle, fut facile à exercer; si jamais la conscience
�a fait un devoir aux magistrats de déclarer qu’il n’y a pas lieu à adop
tion, certes, c’est dans l’espèce qui est soumise à leur appréciation. Nous
ne craignons pas de dire que si lorsque la familleDelaplanclie voulutemporter
au pas de course , l'homologation de cet acte d’adoption ( arraché à l’a
gonie de leur mère , et qu’elle leur aurait refusé si elle avait conservé le
libre usage de ses facultés et de ses souvenirs ) , les faits avaient été ex
posés fidèlement, tels qu’ils ressortent des actes authentiques, la religion
du tribunal n’aurait pas été surprise d’une manière si étrange.
O n conçoit qu’il est des positions tellement intéressantes, que la rigeur des principes doit en leur faveur faire quelques concessions. Ainsi
une jeune fille de mœurs pures , d’une éducation peu avancée, aura dans
un âge et dans une position où la crédulité est si facile à se laisser en*
traîner , cédé aux solicitations d’un séducteur, riche et adroit , elle aura
cru dans son inexpérience aux promesses si souvent répétées d'une union
prochaine. Mais bientôt elle est détrompée; le séducteur meurt ou l'aban
donne, et il ne reste à la pauvre fille de toutes ses brillantes illusions que
la honte et un malheureux enfant ? ... Q ue si elle remplit alors avec une
noble résignation tous ses devoirs de m ère; que si à force de vertu elle répare
Sa
faute en consacrant sa vie entière, son affection, sa fortune sans, aucun
partage à l’enfant qui fait tour-à-tour sa honte et son bonheur; que si
elle repousse tout autre hymen que celui qui peut légitimer son enfant,
c ’est alors qu’après des épreuves aussi certaines, les magistrats bien con
vaincus qu'il y a eu faute, mais qu’il n’y a pas eu v ic e , qu’il n’y a pas
eu crim e; bien convaincus que cette faute a été réparée, a été expiée
autant que possible, peuvent déclarer qu’il y a lieu à adoption.
Mais ici rien de semblable :
C ’est une femme âgée de vingt-trois ar»s, riche, d’une éducation et
■
d’un rang élevés, qui f.»il prononcer après quinze mois d’un premier malla ge contracté sous les auspices les plus heureux, avec un jeune homme
d u n rang et d une fortune égaux aux siens, un divorce qu’elle poursuit
dans des intentions faciles a ap précier!... C ’est une femme qui n’allcnd
l )ns que ce divorce soit prononcé pour quitter son domicile , et aller
s'établir dans une ville voisine avec l’instigateur du divorce et vivre pu
diquem ent avec celui-ci dans sa m aison!... C ’est une femme qui dix
iinois et quatorze jours seulement après le divorce, met au monde un
�enfant dont elle cache la naissance et ie nom , parce que 'sa conception
ayant pu avoir lieu pendant l’existence du premier m ariage, elle est exposée
à voir déclarer cet enfant, adultérin , aux ternies d*s anciennes lois et
de la jurispiudence des parlements, tant sur les poursuites du sieur Esmelin-D euxaigues, son premier m ari, que sur celles de ses propres parents
intéressés h le repousser de sa fam ille!... C e st une femme qui sentant
combien cette tâche d’adultérinité est difficile à détruire, soit aux yeux
de la lo i, soit aux yeux du p ub lic, fait intervenir plus tard devant les
tribunaux ses parenls, et les fait consentir expressément à ce qu'il soit
dit que cet enfant est son enfant naturel !... C ’est une femme qui dé
laisse l’instigateur de son divorce, celui avec qui pendant l’action en d i
vorce, elle avait fui de son dom icile; celui qu’elle avait déclaré être le
père de son enfant1, qui le délaisse, quoiqu’il fut resté célibataire, quoiqu’il
soit mort postérieurement célibataire, ou qui délaissée par lu i, elle jeune,
riche et belle songe à une autre hym en!... C ’est une femme qui convole
après sept ans d’une liberté dont elle avait si mal profité, en secondes
noces avec le sieur D uval, et renonce ainsi volontairement, d’elle-m êm e,
à toutes les voies qui lui étaient ouvertes pour réparer le vice de la nais
sance de sa fille. C ’est elle qui renonce à la légitimation par mariage
subséquent,puisqu’en épousant un autre que le père de sa fille, elle renonce
à l’adoption, et qu’en outre elle ne se mariait avec le sieur Duval qu’avec
l’espérance d’avoir des enfants légitim es!... C ’est une femme qui n’a fait
aucune espèce de sacrifice, h ses goûts, à ses passions, h ses désirs pour ré
parer sa faute, et qui n’a été ramenée h une tendresse exclusive pour sa
fille que par l’âge et par le hazard !......
A insi, divorce, fuite de l’epouse divorcée avec l’instigateur du divorce,
naissance cachée , naissance d ix mois cl quatorze jours seulement après
le divorce , d’un enfant entaché d'adultérinité, et d’une manière indélébile,
reconnaissance de cet enfant, renonciation volontaire h le faire légitime ,
et même h pouvoir l’adopter , par un convoi en secondes noces avec un
autre que le père de cet enfant, resté célibataire. 'J elles sont les cir
constances accumulées que présente la
cause,
et dont une seule suffit aux
yeux des auteurs pai lisants de l’adoption des enfants naturels pour faire
déclarer, dans l’espèce, cette adoption impossible.
�— 33—
E n présence de pareils faits , et tous ces faits sont prouve's par actes au
thentiques, excepté un seul, celui d e là fuite delà dam cEsmelin-Deuxaigues
avec son séducteur; En présence des articles 355 et 356 du code c i v i l , estil possible de déclarer qu’il y a lieu à adoption , de la part de la dame
D u v al, nous ne disons pas en faveur de la dame Delaplanche, son en
fant n a tu re l, mais en faveur d’utv étranger, en faveur de qui que ce
soit ? E st-il possible de décider que le législateur ait voulu conférer le
bénéfice de l’adoption à celui dont la vie aurait été signalée par de pareils
actes, et qui aurait de pareils préceptes, de pareils exemples à léguer
à son enfant adop tif? Non jamais les magistrats ne consentiront à
porter une pareille atteinte aux lois , aux mœurs et à leur conscience !...
4e PROPOSITION.
l!adoption de lenfant naturel reconnu serait elle perm ise , et y
aurai t - il lieu dans lesp èce, à l'adoption de la dame Delaplanche , le
sieur Doirot de Laruas n'en aurait pas moins droit au huitième ùe la
succession de la dame D ut al.
On doit sentir que nous n’examinons celte proposition que pour épuiser
entièrement la matière* d’autant plus que nous l’avons déjà agitée inci
demment.
Nous avons dit et nous soutenons que l’article 338 , C . C . combiné
*vec les articles 756 , 757 et 908 contiennent une prohibition absolue,
indélébile, attachée h la personne des enfants naturels reconnus , de rien
Recevoir au-delà de ce qui leur est attribué au titre des successions.
Nous avons dit que celte prohibition demeure adhérente à l ’enfant
naturel reconnu, comme la robe de Nessus, h- moins que la main du lé -
8'slateur ne vienne l’ai rad ier !....
Nous avons dit que cette prohibition n’était pas détruite par l’articlo
35 o qui confère à l’adopté les mêmes droits dans la succession de l’adop*ant, que ceux qu’y aurait l’enfant né du m ariage, parce que cet article
^5o est en contradiction formelle avec les
articles 348 cl 3 3 8 , et par
suitc avec les articles 7 5 6 , 757 et 908 du code c iv il, desquels derniers
^ ticles, il résulte que l’adopté ne change pas d’état, veste dans sa famille
naturelle et y conserve tous ses droits.
Nous avons dit que dans celte contradiction palpable entre deux textes
lo i, il était impossible de supposer que les articles 3 4 8 , 3 3 8 , 756 ,
257 et 908 fussent absorbés par l’article 35 o ; qu’il faut donc s’en teniv
�■à la prohibition expressément faite à l’enfant naturel reconnu de rien re
cevoir au-delà de ce que la loi lui accorde, qu’il soit ou nom adopté;
que cela est si rationnel, si positif, que cette prohibition est tellement
adhérente à l a personnne de l’enfant naturel r e c o n n u qu’il faut une excep
tion écrite et formelle du législateur pour l’en débarrasser.
E n effet, le législateur ayant disposé art. 3 3 1 et 332 du code c iv il, que
l’enfant naturel reconnu pouvait être légitimé par mariage subséquent, a
ajouté pour éviter l’application desdits articles 338 , 756 , 757 et 908, à
l’enfant naturel reconnu qui aurait été légitim é, que les enfants légitimés
par mariage subséquent auraient les mêmes droits que s’ils étaient nés
de ce mariage.
Q u ’ainsi pour attribuer, contrairement aux articles p ré cité s, à l’enfant
naturel reconnu, la portion qui revient à l’enfant adopté qui n’est pas
naturel, il faudrait que le législateur eût dit comme pour l’enfant légitimé:
« l 'e nfant naturel reconnu et adopté aura sur la succession de l'adop 3) ta n t , les mêmes droits que s'il n'était pas enfant naturel reconnu. »
Inutile d’insister d’avantage sur cette dernière question. Nous finirons
par une seule réflexion: c’est que dans la moitié de la F ran ce; c ’est-àd ire, dans le ressort des cours royales de P aris, Bourges etc, etc, le procès
actuel n’aurait pas même eu l’occasion de naître. Le sieur Boirot a donc
la conviction que quoiqu’il se trouve justiciable de cette partie de la F ran ce
où un pareil procès a pu commencer, il n’aura d’autre désagrément, que
celui d’avoir été obligé de demander justice.
Par ces différents motifs, le tribunal de Gannat ne fera aucune dif
ficulté de condamner les époux Delaplanche à délaisser au sieur Boirot
de L aru as, le huitième de la succession mobilière et im m obilière de feue
la dame D u val, dont ils se sont indûment em parés, avec restitution de
fruits et de jouissances, à compter du jour du décès et aux dépens.
BOIROT
de
LARUAS.
Me B. P E IG U E , avocat.
• Me GODEMEL avoué.
GANNAT , IMPRIMERIE DE GONINFAURE -A RTHAUD,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Description
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot de Laruas. 1840?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
B. Peigue
Godemel
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire a l'appui de la demande du sieur Louis-Pierre Boirot de Laruas, propriétaire, maire de la commune de Theneuille, contre 1° dame Sophie-Mathilde Boirot, sans profession, épouse du sieur Gilbert Delaplanche, demeurant avec lui au chef-lieu de la commune de Bellenaves ; 2° et le sieur Gilbert Delaplanche, propriétaire en ladite commune, tant en son nom personnel que pour autoriser son épouse.
Annotations manuscrites.
Arbre généalogique.
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
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An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Goninfaure-Arthaud (Gannat)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1840
1798-1840
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2818
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2821
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2821
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53574/BCU_Factums_G2818.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
adoption
adultères
divorces
doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales
-
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07c5ea67f5e53dc9e814536e74a8c0cb
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Text
COUR DE CASSATION.
CHAMBRË
MÉMOIRE
POUR
L ouis- P ierre BOIROT DE LARUAS, propriétaire;
CONTRE
Dame S ophie-M athilde B O IR O T , et le sieur GILBERT
DE L A PLA N C IIE, son m ari; ladite dame Boirot,
fille naturelle et adoptive de demoiselle Pétronille
Boirot, décédée épouse Duval.
QUESTION.
L ’enfant naturel, antérieurement reconnu par sa mère, peut-il
être, dans la suite, par elle adopté?
La Cour royale de R iom, dans l’arrêt dénoncé à la Cour, s’est
prononcée pour l’aff irmative . Félicitons-nous que cette importante
question , objet de si vives controverses, soit destinée cette fois à
recevoir une solution, qui fixera les incertitudes de la jurispru
DKS
REQUETES.
M. L E B E A U ,
C onseiller-R apporteur.
�( 2)
dence, car elle ne pouvait se présenter à la Cour posée dans des
ternies plus explicites.
Les laits de la cause sont, du reste, fort simples.
FAITS.
Dix mois environ après un divorce prononcé pour incompatibilité
d ’humeur, Anne-Pétronille Boirot donna le jour à une fille qui fut
inscrite, aux actes de l’état civil, sous le faux nom de Sophie
G ordon, née de père et mère inconnus.
Cet e n fa n t, d ’abord
élevé clandestinement, f u t , quatre ans
après sa naissance, placé dans la maison de sa m ère, et reçut le
nouveau nom de Mcilhilcle.
En 1804, Pétronille Boirot épousa en secondes noces le sieur
Duval. Dans le contrat, réglant les conventions civiles de ce ma
r ia g e , il est d it, entre autres choses,
que la jeune Mathilde,
désignée d’ailleurs comme fd le de Pétronille Boirot, aura, dans la
succession de sa m è r e , les mêmes droits que les erifans à naître
de l ’union projetée.
En 1 8 1 6 , jugement du tribunal de Riom q u i, sur la demande de
Pétronille Boirot, pour lors épouse Duval, ordonne la rectification
de l’acte de naissance de la jeune Malhilde, et qu’aux noms de
Sophie Gordon restent substitués ceux de M athilde Boirot.
J En 1817, mariage de Mathilde lîoirotavec le sieur de Laplanche.
Mathilde reçoit de nouveau la qualification de fille naturelle; puis
elle est gratifiée d ’une institution générale d’héritier, par sa mère,
la dame D u v a l, née Boirot.
Il devait en être de cette institution comme de la clause du
contrat de mariage de i8o/|; la dame Duval avait sans doute ce
�(5 )
pressentiment, quand elle s’est décidée à aviser à un dernier expé
dient, dans le but d’assurer à sa fille la pleine transmission de ses
biens.
L e 9.5 avril i
834 , elle s’est présentée devant
le juge de paix de
son domicile, et y a déclaré vouloir adopter Mathilde Boirot, sa
fille naturelle. Un ju gem ent, depuis confirmé par la Cour royale de
llio m , a accueilli cette adoption. Dans ces deux actes.on attribue
formellement à l’adoptée le titre de fille naturelle de l’adoptante.
L e décès de la dame Duval est survenu peu de temps après. La
prétendue fille adoptive s'est mise en possession des biens dépen
dant de la succession, évalués, dit-on , à /¡oo.ooo fr. environ.
Le sieur Pierre Boirot de L a r u a s , héritier du côté paternel, a
cru devoir réclamer la part de la succession revenant à cette ligne ;
de là la question du procès.
Le tribunal de Gannat a résolu celte question en faveur de l’e n
fant naturel. L a Cour de Riom a embrassé la même doctrine. Nous
nous bornerons donc à donner le texte fie cet arrêt. 11 porte :
« Considérant que l’on ne trouve dans le Code civil, au titre de
« l’adoption, ni ailleurs, aucune disposition prohibitive de la fa « culté d’adopter les enfans naturels par le père et la mère qui les
<( ont reconnus; —
Que l’on ne pourrait donc déclarer que cette
<* faculté a été interdite qu’en admettant une incapacité et une dé
fi fense qui n’ont point été prononcées par la loi ;
« Considérant que c ’est inutilement que l’on prétend, pour éta-« blir cette incapacité, (pie les principes qui déterminent la nature
« de l’adoption s’opposent à ce (pie les enfans naturels reconnus
k puissent en recevoir le bénéfice; — Que l ’on ne retrouve dans le
« Code civil ni les règles ni les défenses du droit romain, et q u ’on
« y chercherait vainement les conditions qui établissaient q u ’on
« a voulu faire de l’adoption une imilation exacte de la nature; —
« Q u e , d’après les dispositions q u ’il renferme, loin de s’identifier
�(*
)
« avec la famille nouvelle dans laquelle il est admis de manière à
« devenir étranger à celle qu’il avait, l’adopté reste, au contraire,
« dans cette dernière, y conserve tous scs anciens droits, et ne l'ait
« q u ’ajouter le nom de l’adoptant à celui q u ’il avait déjà : — Qu’il
n’est pas exact de dire que l’adoption ne confère à l’enfant wa
tt turel rien de plus que ce que lui avait donné la reconnaissance
« faite par son père; que les liens qui l’unissent à ce dernier après
« l'adoption, sont et plus étendus et plus resserrés en même temps;
« — Q u ’à la place d'une filiation naturelle, il s’est établi une filiation
« nouvelle, plus avantageuse et plus honorable aux yeux de la so
rt c i é î é , et que, dès lors, au lieu d’être indiqué dans les actes de
« l’état civil et dans les relations ordinaires de la vie sous le nom
r< de fils naturel, l’adopté ne le sera plus que sous celui de fils
« adoptif;
(t Considérant qu’on ne peut invoquer les articles
((
548
5/|6 , 347
et
du même Code pour en induire la conséquence que si la
« défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, n’a pas été faite
« au père ou à la mère de ces enfans d’ une manière expresse, elle
<< se trouve du moins implicitement dans la loi; — Que les expres« sions dans lesquelles ces articles sont conçus n’ont rien qui soit
« exclusif des personnes qui n’y seraient pas indiquées; — Que la
« lo i, qui n’était pas uniquement faite pour les enfans naturels,
« n’a dû s’y occuper que des cas ordinaires, laissant sous l’empire
« du droit commun et de ces dispositions générales, ceux q u ’elle
v n’a pas désignés ; — ■
Q u ’on 11e pourrait donc conclure de la ma« nière dont elle s’est exprim ée, q u ’elle a défendu l’adoption des
« enfans naturels, à moins d ’établir qu’elle a créé une exception
« toute particulière contre celte classe d ’ individus;
«■Considérant que la défense d’adopter les enfans naturels re« connus n’existe pas davantage dans les dispositions du Code civil
« sur la légitimation, qui ne permettent pas de c o n f o n d r e l’une
« avec l’autre; que si, par la première, l’enfant reçoit une vie nou-
�( s )
« velle et des avantages qu’ il n’avait pas auparavant, les rapports
« civils et les droits q u ’il acquiert sont cependant bornés à un
« cercle étroit dans lequel la loi n’a pas restreint l’enfant légitimé,
« qui est considéré par elle comme l’enfant légitime et traité comme
« tel ; — Que l'adoption ne conférant ni les droits ni le titre d’en« fant légitime, on doit nécessairement en conclure q u ’elle ne se
« confond point avec la légitimation, et que, par là même, elle n’est
« pas un moyen détourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages
« d ’une légitimation qui ne peuvent lui être assurés que par le nia
it
riage de ses père et mère ;
« Considérant que l’adoption ayant pour but principal et direct
« de créer un état civil entre l’adoptant et l’adopté, en les unissant
« par des rapports de parenté et de famille, et les droits de succes« sibilité réciproque qui en dérivent n’en étant q u ’une conséquence
* « nécessaire, c’est le Code civil, qui a déterminé les règles de cet
« état et de la successibilité même qui en résulte, qu’ il faut inter« roger pour savoir quels sont ceux qui peuvent être adoptés; —
« Que, dès que l ’incapacité que l’on oppose aux enfans naturels
(( reconnus ne s’y trouve ni d ’une manière expresse ni d’une m a« nière implicite, on ne peut la chercher dans les articles 7 5 6 ,
« 7 5 7 , 908 et autres sur les successions qui n’ont statué sur la
« dévolution des biens que d ’après les principes et les règles pré« cédemment établis sur l’état des personnes, sans aucun retour
« sur ces principes et ces règles auxquels la législation n ’a pas
« songé à toucher; — Que les dispositions invoquées, uniquement
« relatives aux enfans naturels comme celles de l ’article
538 , 11e se
« sont point occupés des enfans qui auraient été adoptés; qu’ainsi,
« pour les entendre et les appliquer sainem ent, il ne faut pas les
« séparer de la qualité des personnes pour lesquelles elles ont été
« faites; que c ’est pour les enfans naturels r e c o n n u s , mais restés
« t e l s , qu’elles ont été créées; que si elles sont prohibitives, ce n’est
« évidemment que des droits qui dépasseraient en faveur de ces
�( « )
enfans ceux qu’elles leur accordent, et non des droits dont elles
ne parlent pas et qui seraient la conséquence d ’une qualité ou
d ’un litre sur lequel elles n ’avaient pas h s’expliquer; — Que ce
serait donc manifestement en étendre l’application et les effets à
des personnes et à des cas auxquels elles n’ont pas pensé, que
d’y voir la défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, et de
leur donner par là les droits de successibilité que confère
l’adoption ;
« Considérant qu’on ne pourrait admettre que les dispositions
du Code civil qui bornent les droits des enfans naturels sur la
succession du père qui les a reconnus, renferment la défense, à
ce dernier, de les adopter qu'autant q u ’il existerait entre l’état
d’enfant naturel reconnu et celui d’enfant adoptif, une opposition
qui ne permettrait pas de les confondre en passant du premier
au second ; — Que cette opposilion n’ existe pas; qu’il ne répugne *
ni à la nature, ni à la raison, ni à la loi que des liens de famille
plus étroits, que des rapports civils plus intimes et plus étendus
s’établissent entre le père et le (ils naturel; qu’en usant du béné
fice de l’adoption, le père fait plus q u ’il n’avait fait par la recon
naissance; mais q u ’il ne fait rien de contradictoire à cc premier
acte qui ne pourrait avoir pour effet de l’enchaîner si irrévoca
blement, qu’il lui fût défendu d’améliorer, par les moyens que la
loi indique elle-même, l’état de son enfant;
« Considérant encore, sur les articles relatifs aux droits des enfans
naturels sur la succession de leurs père et m ère, que la loi leur
accorde dons le cas où il n’y a ni enfans légitimes ni héritiers
collatéraux, tons les biens de cette succession ; — Qu’alors l’ inca
pacité, q u ’on fait principalement résulter contre eux, pour l’adop
tion, de la restriction apportée h leurs droits sur ce point, d e v r a i t
nécessairement disparaître, puisque la base fondamentale donnee
à cette incapacité n’existerait p l u s ; — Qu’il faut donc conclure
de cette application de la loi , dont la justesse n e peut être con-
�(7 )
« tcslée, que des prohibitions, qui ne sont ni générales ni abso« lues, ne peuvent renfermer la défense que l’on veut en faire
« résulter;
« Considérant que l’argumentation que l’on a tirée contre l’a« doption des enfans naturels reconnus, de l’article 9 11 du Code
« civil, 11e présente pour raison de décider que la question même
t( q u ’il s’agit de résoudre ; — Qu’en admettant, en effet, q u ’on pût
« faire l'application des dispositions q u ’il renferme à un contrat
« aussi solennel que l’adoption, il faudrait toujours démontrer l’in« capacité de l’enfant naturel reconnu h être admis au bénéfice de
« l’adoption par ses père et mère ;
« Considérant que l'article
366 du
Code civil qu ’on a également
<t invoqué en le rapprochant des articles 90S et g i 1, établit dans le
« cas tout particulier qu’il prévoit, non une manière nouvelle de
« donner ou de transmettre par testament les biens de l’adoptant à
« l’adopté, mais bien un mode nouveau d’adoption que réclamaient
« l’intérêt de l’enfant et la position dans laquelle pouvait se trouver
« placé celui qui voudrait l’adopter; que si, alors, l’enfant acquiert
« des droits de successibilité sur les biens de ce d ern ier, c’est par
« une suite naturelle et nécessaire de l’adoption exceptionnelle
« dont il a été l’objet, et non parce que le testament où elle se
« trouve renferme en sa faveur une disposition de ces biens; —
« Qu’on ne pourrait donc lui appliquer les dispositions des ar« ticles 908 et 9 1 1 , et que ce serait encore la question de savoir
« s’il a pu être adopté ;
« Considérant enfin q u e s i , m algré le silence de la loi et la g é « néralité de ses dispositions , on proscrivait l’adoption des enfans
« naturels par le père et la m ère q ui les ont re c o n n u s , on n ’aurait
« aucun m o ye n , s a u f le pouvoir discrétionnaire des tr ib u n a u x , de
« prévenir celle des enfans naturels non re co n n u s, ou celle des
« enfans adultérins, in c e s tu e u x , dont l’origine ne serait pas attestée
�(8)
« par des faits incontestables; — Que s’il était immoral cependant
u de permettre l’adoption des enfans naturels reconnus , il ne le so« rait pas moins de laisser la liberté d ’appeler, par des moyens dé« tournés , ceux qui n ’ont pas été reconnus ou même ceux qui ont
« une origine plus vicieuse, au bénéfice de l’adoption, et q u ’il
« serait tout à la fois inconséquent et injuste de repousser sur ce
« point les premiers, parce que leur naissance est connue, et d ’ac« cueillir les seconds, parce que la leur est ignoi’ée; — Q u’on ne
« peut opposer, pour justifier une semblable distinction, que les
« enfans naturels non reconnus sont dans le sens légal des étran« gers aux yeux de la loi et de la justice ; — Que le vice de leur
u naissance n’est pas moins réel, pour n’avoir pas été révélé; —
« Que c’est non de l’ignorance où l’on peut être de cette origine ,
k niais de son existence même que l’incapacité qu ’on en fait ré« sulter, dépend; — Q u ’il arrivera néanmoins journellement que
« les enfans qui en sont frappés éluderont les dispositions probi« bitives de la lo i, par cela seul que le secret de leur naissance
« aura été soigneusement c a c h é , tandis que ceux qu’on aura re« reconnus en subiront toutes les rigueurs ; — Q u ’un système qui
« se prêterait si aisément à la violation de la loi et qui consacrerait
« des effets si contraires h la raison et à une exacte justice ne peut
« être admis ;
« Adoptant au surplus et sur les autres questions q u ’a présentées
« la contestation les motifs des premiers juges ;
« L a Cour a mis et met l’appellation au néant; ordonne que le
« jugem ent dont est appel sortira son plein et entier effet, et cou« damne l’appelant à l’amende et aux dépens. »
Cet a rrê t, suivant nous, a faussement appliqué l’art.
5/|3
du
Code c i v i l , et il a formellement contrevenu aux dispositions des
art. 757 cl yo8 du même Code. Telles sont les deux propositions
que nous avons à justifier.
�(9)
DISCUSSION.
On a dit de l’adoption q u ’elle était une imitation de la nature.
Nous répondons hard im ent q u ’elle en est à coup sûr une imitation
pâle et décolorée. Elle se glissa dans nos lois en 17 9 2. Nous
n’avons pas à en re ch e rch e r la raison ; mais on peut dire q u ’asse/.
étrangère à nos m œ u rs, elle a fini par se trouver réduite à ce q u ’elle
doit être
le don irrévocable de la succession.
L ’adoption n’est
rien de plus, selon n o u s , q u a n t au fond des ch ose s, et pour peu
q u ’on veuille écarter la m agie des mots.
Assurém ent nous n’entreprendron s pas de faire l’historique de
celte instituton appliquée au p eup le de R o m e . T o u te fo is , p u is
qu'elle a été présentée parm i nous com m e ayant sa principale source
dans les lois r o m a in e s , nous croyons utile de m ettre sous les yeu x
des m agistrats un exposé som m aire d e celte législation , relative
ment au point de vue q ui nous occupe.
L a question de savoir si l’enfant naturel pouvait être adopté par
ses père et m ère fut agitée et diversem ent résolue sous la législation
romaine.
L’adoption , ch ez les R o m a in s, était une imitation de la nature.
u Elle a clé im a g in é e , dit T h é o p h ile , com m e un m o ye n de con
s o l a t i o n p our ceux auxquels la nature a refusé le b onh eu r d’avoir
des t-ulans, ou q ui ont eu le m alh eur d e les perdre. »
De cette idée semblaient décou ler deux conséquences :
La p r e m iè r e , que celui qui avait déjà une postérité, soit c iv ile ,
soit naturelle, m;us néanmoins constante, 11e pouvait pas a d o p te r;
la loi romaine cependant n ’allait pas j u s q u e -là ; seulement elle d i
sait : N on débet quis p lu ies adrogarc nisi ea ju s ta causa (D. de
5
J d o p t . , I. * , §
5).
2
�( 10 )
La deuxième conséquence était que le père ou la mère ne pou
vait pas adopter, soit un (ils légitime, soit un fils naturel; cai
l’adoption était destinée à suppléer la nature, :r>ais nullement :•
resserrer des liens que la nature aurait déjà formés.
Ce dernier [joint nous paraît avoir été positivement admis par
le droit romain ; on trouve au Digeste des textes qui prouvent
cette vérité. Ainsi , la loi
de Adopdonibus dispose : eurri quem
qv.is adoptant t em ancipatum v eiia adoptionem datum non potest
adopiare.
Aucun autre lexte à notre connaissance ne contredit celui de
la loi ci-dessus.
On a prétendu le contraire. INI. Duranlon, tom.
3 , n. 293, a émis
l’opinion que la loi romaine permettait d’adopter son lils naturel,
et ce jurisconsulte s’est fondé sur la loi 46, au Digeste de ddoptionibus, ainsi conçue :
[ n seivitute me a qucesitu.s m iki fdius in polestalem m eam rédige
beneficio principis p o test, liberlinum t'ameri eam manere non
dubitatur.
On peut se demander si ce n’est pas de l’adoption p er legilimationem q u ’il est question dans cette loi. L ’aiTirmative, soutenue
par M. le procureur général près la Cour lie cassation, dans une
cause 011 il combattait l ’adoption de i’enfant naturel, est encore
corroborée par le texte des Novclles "/| et 8g.
Mais il est une autre réponse a faire à l’argument tiré de la
loi 4 6 , au D- de A d op t. Si l’esclave, devenu libre, peut, d ’après
cette loi, légitimer ou même adopter le fils qu’ il a eu dans l’escla
vage, c ’est que la loi romaine ne considérait pas l’esclave c o m m e
père; elle 11e reconnaissait point la paternité servile : le
père
e s c l a ve
était à peu de chose près réputé étranger.
Donc, suivant la législation du Digeste, un père ne pouvait adopter
son fils naturel quand la paternité et la filiation étaient légalement
�( U
)
constantes. ' Ces principes ont-ils été modifiés par la législation du
Code et des Novelles? Il est facile de s’assurer que non.
Des auteurs ont prétendu que l’empereur Anastnse avait d ’une
manière générale autorisé l’adoption des enfans naturels. Cette
assertion n’est q u ’une erreu r, et voici les faits qui ont pu l’accré
diter.
De telles adoptions avaient eu lieu dans des temps antérieurs à
An aslase, et elles avaient été confirmées p r l'empereur Zénun
(N Welle 8 a, quibus mollis naluralis ejftciantur m i).
Anastase (Cad. de naturalibus Liberis) avait décidé que ceux
q u i, n’ayant pas d ’erfans légitimes, vivaient dans le concubinage,
avaient 011 auraient à l’avenir des enfans issus de ce commerce,
les auraient sous leur puissance comme siens 3 et pourraient les
investir de leurs biens, par dernière volonté, par donation, ou
par tout autre mode de la loi. Il avait étendu le bénéfice de cette
constitution aux fils et filles déjà adoptés par leurs pères.
En ce qui concernait ces derniers, la constitution avait pour
objet de respecter des faits accomplis, beaucoup plus que d’auto
riser de telles adoptions pour l’avenir. Cependant elle fut inter
prétée dans ce dernier sens, et il est vrai de dire que depuis la
constitution d’Anastase comme antérieurement, on avait vu des
pères adopter leurs enfans naturels.
L ’empereur JuMicn voulut arrêter ce désordre, et ramener à
les principes plus sains : par la loi 7, Cod. de naturalibus, il
îonfirma d ’une manière générale
la constitution d ’Anastase en
'.c qui concernait les droits acquis. Il excepta seulement du bénéice de ses dispositions les fruits de l’inceste et de l’adultère ,
lefarium et infestum conjugium . Quant aux simples enfans na
turels, il déclara maintenir de telles adoptions, touché, disait-il,
d’une compassion dont n’étaient pas indignes qui vitio non suo
�( 12 )
Toutefois il eut soin d’ajouter : i n posterum vero sciant omnes,
legitimis matrimoniis legitim am sibiposteritatem quæ rendam , non
adrogationum vel adoptionum pretextus ; quæ u l t e r i u s minime
feren d œ sunl.
On peut lire cette constitution. Les termes en sont remarquables;
l’empereur appuie ses prescriptions, non pas sur les principes qui
régissaient la famille rom aine, et qui, nous en convenons, ne sont
pas tous applicables de nos jours; mais il les appuie sur les règles
de la m orale, et celles-là sont éternelles. Il ne veut pas que par un
subterfuge blâmable on prenne la qualité de père, lorsque la loi
s’y refuse.
3
L ’empereur Justinien ( Novelle 7 4 , ca p.
, de Legilim alione
p e r a d a p lio n em ) déclara expressément maintenir la constitution
qui précède.
8
Néanmoins, comme l’empereur Justin ( JSovelle g ) , il conserva,
seulement pour le passé, la constitution de l’empereur Zenon, ut. illos
quibus ea forte constitutio prodest, non h a c utilitate privaremus ;
il agit de même et par de semblables motifs h l’égard de celle de
l’empereur Anastase, déclarant au surplus approuver la constitution
de son père adoptif.
Non content de ces dispositions si formelles, il ajoute : N ovellc 89 ,
Quibus modis naturales cfficiuntur s u i, e t c . , cap. X I , § 2 ;
adoptionis aulem modum qu i f u i t olim a quibusdam ante nos
im peratoribus super naturalibus probatus non improbus t inve
nientes, secundum
paterna constitutonis virtutem, et nos sicuti
dictum e s t , encladim us , quoniam castitatem non perfecte consideravit et non erit dolens ut quæ
bene
e x c lu sa
su in t
, in rempu-
blicam rursus introducantur.
T el e s t , nous
le croyons du moins , l’historique fidèle de
la législation romaine sur la question soumise en ce moment ¡1
la Cour ; c ’est au nom de la morale, au nom de la décence, que
�( 13 )
les empereurs Justin cl Justinien ont proscrit l’adoption des milans
naturels; ils n’ont pas voulu q u ’elle pût devenir un prétexte pour
introduire des étrangers dans la famille ; enfin ils n’ont pas voulu
qu’on couronnât, par une adoption q u ’ils vont ju sq u ’à qualifier
A'absurde , des désordres qu’ils appelaient fla g itia .
Peut-on établir que lorsque l ’adoption a é t é admise dans noire
droit, il y ait eu la moindre pensée de dérogation aux règles qui
p r é c è d e n t ? C ’est ce que nous devons rechercher. Dans une question
de celte gravité, on nous permettra de jeter un coup d ’œil sur
l’historique de cette institution parmi nous. L es magistrats de la
Cour ne verront, nous l’espérons, dans ce soin, que le simple
désir de ne rien omettre.
On sait à quel propos l ’adoption fut tirée du droit romain pour
prendre place dans nos lois.
L e 18 janvier 1 7 9 2 , l’assemblée législative avait décrété que
son comité de législation comprendrait dans son plan général des
lois civiles* celles relatives à l’adoption.
Le 16 frimaire an
5,
la Convention nationale, à l’occasion d’une
difficulté qui lui était soumise par un ju ge de paix, déclara que l’a
doption avait été solennellement consacrée, et q u ’elle assurait un
droit dans la succession de l’adoptant. Voilà tout ce qui fut fait à
cette époque, nous négligeons les détails inutiles.
Les lois du temps avaient admis le principe de
l’adoption ;
mais elles n ’étaient pas allées plus loin ; aussi lorsque les rédac
teurs du Code civil abordèrent cette matière, ils n’avaient d’autre
précédent, on peut le d i r e , que les constitutions des empereurs
Justinet Justinien. Ces constitutions, on le sait, prohibaient, comme
a b su rd e, indécente et im m orale, l’adoption des enfans naturels par
leurs père et mère.
Un premier projet d'adoption fut présenté au conseil, le 6 frimaire
<m 10 ; 011 y agita la question de savoir si l ’adoption serait une
�i f {S
( 14 )
institut ion politique, une faveur accordée par exception à la loi
commune,;» titre de récompense, aux citoyens qui auraient rendu
de grands services à l’E t a t , ou si elle serait au contraire une insti
tution de droit commun : ce dernier parti obtint la préférence.
Le projet présenté fut l’objet de nombreuses critiques; on lui
reprochait, notamment, de ne pas interdire l’adoption des enfans
naturels, de l’autoriser p a rle silence, et d ’éluder ainsi les dispo
sitions de la lo i , qui réduisaient cette classe d ’enfans h une simple
créance sur la succession de leurs père et mère.
Ces objections reproduisaient le fond des idées de la loi romaine.
iVl. L o c r é , qui était, à ce q u ’il paraît, contraire à la prohibition,
a produit plus lard , à l’appui de sa propre opinion, de prétendus
procès-verbaux non imprimés des séances du conseil d’Etat, et il
a induit de la teneur de ces documeiïs qu'il n ’y avait eu de prohi
bition convenue qu'à l’égard des seuls célibataires; mais q u e , pour
l’homme marié, la prohibition ne lui serait point applicable. C’était
une singulière distinction à notre avis. ¡VI. Locré a soutenu néan
moins qu ’elle avail été ainsi comprise.
E nfin, a-t-il dit, une rédaction nouvelle fut présentée le ] f\ fri
maire; elle contenait un article ainsi conçu : « Celui qui a reconnu
i< dans les termes établis par
la loi un enfant né hors mariage.
*
O ’
« ne peut l’adopter ni lui conférer d ’autres droits que ceux qui ré« sultent de celte reconnaissance; mais, hors ce ca s, il ne sera
« admis aucune action tendant à prouver que l'enfant adopté est
« l’enfant naturel de l’adoptant. » O r, cet article, qui interdisait,
ajoute-t-on, implicitement du moins, l'adoption des enfans naturels
reconnus,, ayant été repoussé, il est permis de conclure que de
telles adoptions sont restées permises.
Tel est le fond du système de M. Locré. Nous n’en parlons q u a
cause du crédit qu’a pu lui prêter la position toute spéciale de son
�( '«5 )
auteur. Nous répondons à ce système q u ’en admettant l’existence
très contestable de ces procès-verbaux , en admettant mênii' leur
lbrce probante, ce qui est encore très contestable, on est toujours
en droit de se demander d où vient que 1 article en question a été
repoussé. E s t-c e
comme trop rigoureux, ainsi que le prétend
M. L o c r é ? Est-ce tout simplement comme superllu, ainsi que le
soutient M. Favard de Langlade?
Cette dernière opinion nous paraît la plus admissible.
Quoi qu’ il en soit, le premier projet avait été critiq u é, parce
q u ’ il gardait le silence sur l’adoption des enfans naturels reconnus.
Les critiques furent renouvelées; le l\ nivôse, M. Tronchet fil la
proposition formelle d’exclure de l’adoption les eafans naturels re
connus; M. Portalis proposa de garder le silence sur ces adop
tions, et l’on doit convenir que le silence ici était très suffisant.
Les travaux furent suspendus et repris le 27 brumaire an 11 ;
les divers projets fnrent de nouveau débattus, et, dans cette même
séance, M. Treilhard , au sujet des enfans naturels, fit entendre ces
paroles remarquables : S 'ils sont reconnus , ils ne peuvent être
adoptés; s'ils ne le sont p a s, leur origine est incertaine.
Cette opinion ne fut combattue par personne ; elle fut pleine
ment embrassée par M. Mallcville : J e suis convaincu, ajouta ce
judicieux magistrat, que si la paternité a été reconnue, les ju g e s
ne peuvent n i ne doivent admettre l'adoption. (Favard de Langlade, Répertoire de législation, v° Adoption, section 2 , § i ,r.)
Après de iongues discussions, dans lesquelles des opinions sou
vent opposées se croisèrent et se com battirent, opinions dont
nous n’avons dû produire que le court a b r é g é , la loi du 29 ger¡niiii.i an 1 1, tit. 8 du liv. 1 " du Code civil, sur l’Adoplion, fut
adoptée et publiée le 12 du même mois. Les assertions de M. Locré
tombent, à notre avis, devant ces explications comme aussi devant
l’économie de la loi, car elle organise l’adoption de manière à la
�( ™ )
rendre incompatible avec les dispositions qui règlent le sort de
l’enfant naturel reconnu.
Observons q u e , depuis le 18 janvier 1792 jusqu’au 12 germinal
an 11 , un grand nombre d ’adoptions avaient eu lieu , avec des
formes et dans des conditions diverses, sans régularité, capri
cieusement, comme dans les temps antérieurs aux empereurs Justin
et Justinien. Il fallait régler le sort de ces adoptions. Ce fut l’objet
de la loi des a
5 germinal, 5 floréal an
11.
Celte loi, dans son article premier, dispose : « Toutes adop« tions faites par actes authentiques, depuis le 18 janvier 1792 ,
« ju squ’à la publication des dispositions du Code civil relatives à
« l’adoption, seront valables, quand elles n ’auraient été accompa« gnées d’aucune des conditions imposées depuis pour adopter et
« être adopté. •
Elle peut êlre comparée aux constitutions des empereurs Justin
et Justinien; celles-ci maintenaient les adoptions faites avant ou
depuis les constitutions de Zénon et d’Anastase, par respect pour
des droits acquis, et tout en flétrissant l’origine des droits q u ’elles
conféraient. La loi des a
5 germ inal, 5 floréal an
1 1 , maintint de
même les adoptions faites depuis le 18 janvier 179 2 , par respect
aussi pour des droits acquis, et sans méconnaître que l’origine de
ces droits se trouvait en opposition avec les principes du nouveau
Code. Ce point est tellement incontestable, q u ’une jurisprudence,
à peu de chose près un iform e, déclara, par la suite, valables,
comme faites depuis le 18 ja n vier 1792 : i° l'adoption d ’un enfant
naturel reconnu; 2° l’adoption par un individu ayant des enfans
légitimes;
3° l’adoption d ’un enfant adultérin
par son père ou sa
mère. Cour de cassation, 24 novembre 1 8 0 6 ,— 24 juillet 1 8 1 1 , —
3
2 décembre 1 8 1 6 , — 9 février 1824.
Toutefois la législation devait tendre à s’épurer, et le nouveau
Code devait, à l’instar des constitutions de Justin et Justinien,
tendre h faire cesser le désordre; pour cela, il fallait repousser, d u
�Cw
)
moins, form a negandi l’adoption des enfans naturels reconnus.
G est, selon nous, ce qui a eu lieu.
Tel a été, pour noire législation, le résumé historique de l’adop
tion; quant aux enfans naturels reconnus, nous avons cherché à
le donner avec le plus de concision possible, tout en désirant
néanmoins le présenter complet.
Passons maintenant h l'examen des textes de la loi, c’est-à-dire
aux moyens de cassation.
Les auteurs qui ont embrassé la doctrine de l’arrêt de Riom ont
été subjugués, on peut le dire, par celte idée unique, q u ’aucune
disposition, dans le Code civil ou ailleurs, ne prohibant l’adop
tion, admettre cette prohibition, serait établir une incapacité qui
pourtant n’est prononcée nulle part. C’est là tout le fond de leur
système.
Nous convenons que nulle part on ne rencontre une disposition
qui interdise littéralement l'adoption des enfans naturels ; mais
est-il vrai qu’on puisse affirmer, d’une manière absolue, que les
actes qui ne sont pas littéralement défendus par la loi sont par
cela même permis? A in si, pour ne pas prendre des exemples en
dehors de notre sujet, la loi n’ a sûrement dit nulle part que les
enfans incestueux ou adultérins ne pourront être adoptés, et ce
pendant les auteurs, sans exception, ne décident-ils pas q u ’une
telle prohibition est plus qu’évidente? C’est que la loi se borne à
indiquer la règle et à poser les principes ; ensuite elle laisse à ses
interprètes le soin d’en déduire les justes conséquences. Comme le
dit avec raison, sur ce point, l’arrêt de R iom , la loi s’occupe des
cas ordinaires, puis elle laisse sous l’empire du droit commun et
de ses dispositions générales ceux q u ’elle n’a pas pris la peine de
spécifier.
Cela posé, si l’on parvient à démontrer que le but de l’adoption
et les principes qui la régissent, que le droit commun et les dispo
�sitions générales du Code en celte matière répugnent à l'adoption
de l’enf’ant naturel reconnu, si l’on rencontre enfin dans le Code
d’autres dispositions tout-à-fait inconciliables avec l’idée d ’une
pareille adoption, il faudra décider que la prohibition existe, tout
aussi bien que si elle était littéralement écrite dans le Code; car
tenir alors pour la prohibition, c’est tout simplement demeurer
fidèle à l’esprit de la législation, et s’incliner devant l’autorité de
la maxime si souvent appliquée, p ro erpressis habentur qnœ ne*
eessario descendant ah expressis.
Jetons un coup d’œil sur quelques dispositions générales.
On a répété pour le Code civil, d ’après le droit romain : L ’adop
tion est une imitation de la nature, sinon complète, au moins aussi
exacte qu'il a été permis de l’imaginer. Partant de ces idées, l'a
doptant doit être plus âgé que l’adopté; en principe, il doit avoir
quinze ans de plus (C o d e c i v i l , art. /f ,
), c ’est-à-dire l’âge
5 3 345
rigoureux de la puberté. De même, nul ne peut être adopté par
plusieurs personnes; ces dispositions sont calquées sur les lois de
la nature sur le développement de la puberté, sur les conditions
physiques requises pour être père et m ère, enfin sur celles de la
paternité et de la filiation qui sont une et indivisible.
Dans le Code civil comme dans le droit romain, l’adoption est
envisagée comme une consolation offerte à ceux qui n’ont jamais eu
d’enfans, ont perdu les enf’ans q u ’ils avaient et n'ont plus l’espoir
d’en avoir d ’autres. L e but de l’adoption est de suppléer au défaut
de la nature, bien plus encore que de créer, ainsi que l’a prétendu
la Cour royale de Uiom , un état qui lie l’adoptant à l’adopté, en les
unissant par des rapports de parenté et de famille.
Cela est si vrai que les art.
345 et 56 1
du Code civil d é c l a r e n t
q u e, soit pour adopter, soit pour être tuteur oflicieux, il faut u’avoir ni enfaus ni descerulans légitimes. A la vérité, la loi se sert
des mots enfans légitim es, expression qui, d ’une part, ne contredit
�( -19 )
nullement l'adoption de l’enfant naturel reconnu, et qui, de l’autre,
semble autoriser le fait d’adoption envers un étranger en cas
d ’existence d’ un enfant naturel, issu de celui qui veut adopter.
Cependant il est douteux qu ’une adoption quelconque pût être
permise à celui qui a déjà un enfant naturel reconnu. M. Berlier, lors
de la présentation au corps législatif du titre de l’adoption, se servit
simplement du mot e n ja n t, sans ajouter de qualification; il est
donc permis de penser que les mots enfans légitimes, dans les ar
ticles précités, signifient enfans dont la filiation est constante ;
d’ailleurs personne n’oserait dire que ceux qui n’ont q u ’un enfant
naturel reconnu aient besoin de demander à la loi la consolation
d’ une paternité fictive. Quant à la question d ’adoption par rapport
à ]’e::fant naturel, nous dirons que M. Delvincourt, t. 1, p. 99 et
5
ü a , définit l’adoption : un acte civil qui établit entre deux per
sonnes des rapports de parenté et de filiation qui n’existaient pas
naturellement; que M. Favard d e L a n g la d e , Répert. de législ., \°
Adoption, f° 2, § 1, la définit : le choix pour enfant de celui qui
n’est pas tel par la nature.
La C o u r royale de R iom objecte q u e , d ’après les dispositions du
Code c i v i l , loin de s’identifier avec la famille nouvelle dans la
quelle il est a d m is, l’adopté re ste, au contraire, dans sa famille
naturelle, y conserve scs d ro its , et ne fait q u ’en a cq u érir de nou
veaux, q u ’il ajoute à ceux q u ’il possédait déjà.
Cela est v r a i, sans doute; mais le Code civil n’en suppose pas
moins que l’adopté a déjà sa propre famille; que sa famille n’est
pas la même que celle où l’adoption va le faire entrer; le Code
parle de père et mère naturels, et impose l’obligation de rapporter
leur consentement à l'adoption (art.
546 );
de plus il dispose que le
nom de l’adopté viendra se joindre à celui de l’adoptant (art. 5 4 7 );
enfin que l'adopté restera dans sa famille naturelle, et y conservera
fses droits.
�( 20 )
Si on essaie d’appliquer ces diverses dispositions à l’adoplion
d’un enfant naturel déjà reconnu, on trouvera i° que la mère qui
doit consentir à l’adoption est la même que celle qui demande
à adopter; 20 que le nom de l’adopté est précisément celui qu’ il a
reçu de la personne même qui va l’adopter;
3° que
le nom d ’adop
tion est celui de la famille à laquelle appartient l’adopté, et. que
cette famille, où il est déjà, est encore celle où pourtant l’adoption
a pour objet de le faire entrer. Ainsi la mère naturelle va devenir
la mère adoptive; le nom de famille que l’on porte déjà deviendra
un nom d’adoption, et la famille où l’on est déjà aussi va se trans
former en famille d’adoption. L e Code a-t-il voulu consacrer de
pareilles anomalies? Une adoption, faite dans de telles conditions,
ne présente-t-elle pas, légalement parlant, une véritable confusion,
une sorte de monstruosité, m ultam absurditatem h aben s, comme
disait Justinien ? N’est-il pas permis de conclure que si les rédac
teurs du Code civil ont supprimé un article qui avait pour unique
objet de repousser de pareilles étrangetés, c’est q u ’ils trouvaient,
dans l’ensemble de la loi, au titre des successions, tout ce qui était
nécessaire pour les réputer proscrites ?
On fait valoir q u ’en proscrivant l’adoption des enfans naturels, à
cause du.fait antérieur de sa reconnaissance, on enlève le moyen
d ’empêcher l’adoption des eniàns naturels non reconnus, fussent-ils
des enfans adultérins ou incestueux, et l ’on ajoute que s’il est con
traire à la morale que l’adoption des enfans naturels reconnus soit
autorisée, il l’est bien plus assurément de laisser une telle latitude
à l’égard des enfans non reconnus, qui ne seraient pas suscep
tibles d ’être avoués. Enfin qu’il y a de l’inconséquence à repousser
l’adoption pour les uns, parce que leur origine est constante, quand
on l’admet par rapport aux autres, par cela seul que la leur est
incertaine.
On ajoute encore q u ’il ne suflit pas, pour justifier une pareille
distinction faite entre personnes d’une origine é g a l e m e n t vicieuse,
�(21 )
d ’iilléguer que l’enfant naturel non reconnu est, dans le sens légal,
un étranger h sa famille; que le vice de la naissance n’en est pas
moins réel, quoique non révélé; que ce n’est pas de l’ignorance
où l’on peut être des rapports qui lient l’enfant et le père naturel
que naît l’incapacité, si cette incapacité existe, mais q u ’elle tient au
fond des choses; d’où il suit que l’adoption de l’enfant non reconnu
n'est ni plus ni moins vicieuse que celle de l’enfant reconnu, et
que si l’on ne peut arriver à proscrire l’une, on ne doit pas tenter
de proscrire l’autre Í
De tout quoi on conclut q u ’un système qui se prêterait si aisé
ment à de telles contradictions, et consacrerait des résultats à la
fois si contraires h la raison et à la justice, ne peut manquer d ’être
repoussé.
La réponse à toutes ces espèces d ’objections se trouve dans ce peu
de mots prononcés par M. Treilhard à la séance du 27 brumaire
an 11 : Les enfans naturels, s'ils sont reconnus, ne peuvent être
a dop tés y s’ ils ne le sont p a s , leur origine est incertaine.
A in si, l’enfant naturel reconnu ne peut être adopté par celui
qui l’a reconnu, précisément à cause de cette reconnaissance,
précisément parce qu’à cause d’elle la parenté et la filiation sont,
aux yeux de la loi, devenues constantes, d’ignorées qivelles étaient.
Voilà pourquoi, dans un tel cas, les magistrats peuvent se refuser
et doivent le faire, à consacrer une adoption qui établirait une
double paternité, une double maternité, une double filiation entre
les mêmes personnes.
Il n’en est pas de même quand il s’agit d’enfans naturels non
reconnus. Aux yeux de la loi, leurs père et mère sont incertains.
Eux-m ême sont, par rapport à la famille à laquelle ils appartien
nent, réputés étrangers, advenœ, comme disait Justinien, ce
q u ’admet sans doute le Code civil, qui ne leur accorde en pareil
«as aucun droit successif, pas même un droit aux alimens.
�4A :"\
( 22)
Voilà tout le secret de ces prétendues inconséquences, de celle
injustice et de cette immoralité qui semblent offusquer si vivement
les magistrats de la Cour royale de Riom. Dans un cas, il y a ori
gine avouée reconnue par la loi. D ’un côté, il y a un enfant naturel,
de l'autre le père naturel, le père reconnu et avoué de ce même
enfant. Dans l’hypothèse contraire, la filiation est incertaine; il n'v
a de certain que le fait de bâtardise; quant à savoir quel est le
père de l’enfant, légalement parlant, il est inconnu.
Il est donc certain que l’enfant naturel reconnu ne peut passer
de cet état à celui d ’enfant adoptif. Ces deux qualités s’entrecho
quen t, et rien n’autorise à penser qu’il ait été dans l’esprit du lé
gislateur q u ’elles aient pu se confondre dans la même personne.
Il y a mieux ; il répugne à la ra iso n , il répugne à la lo i, que
des liens de famille plus étroits, que des rapports civils plus in
times qu’une filiation à un nouveau titre puissent s’établir entre
la mère et l’enfant reconnu. Disons même qu’en appelant à son aide
l’expédient de l’adoption, la mère qui a précédemment reconnu
l’enfant naturel q u ’elle veut s’attacher à titre d ’adoptante, fait quel
que chose de visiblement contradictoire avec son premier a c te , et
ce premier acte, elle ne peut cependant le révoquer.
Poursuivons le cours de la discussion.
L ’adoption a pour objet, dit-o n , de conférer à l’enfant naturel
quelque chose de plus que ce que lui avait donné la simple re
connaissance; les liens qui l’unissaient à sa mère vont devenir
plus étendus et lui créer de nouveaux droits; à la place d ’une
filiation naturelle, il va s’établir une filiation différente, plus avan
tageuse aux intérêts de l’adopté. C’est le langage de la Cour royale
de Riom ; elle aurait pu ajouter que celle filiation va conférer à
l’adopté l’aptitude à succéder, aptitude que sa qualité d ’ e n f a n t na
turel semblait exclure à jamais, sauf le cas de légitimation.
Puis la Cour ajoute que l’adoption n’est point une voie de Irans*
�(23)
mission des biens, mais au contraire un acte qui change l'état
civil de l’enfant naturel et le place dans une condition sociale plus
élevée; qu’à la vérité cet acte exerce une influence sur les droits de
successibilité en faveur de l’adopté, mais que c’est un effet secon*
«faire qui ne peut altérer le caractère principal de l’adoption, en
core moins la faire proscrire à l’égard de l’enfant naturel quand un
pareil changement d ’étal n'est prohibé par aucune disposition de loi.
A cette théorie, suivant nous purement subtile, nous ferons les
réponses suivantes. L ’adoption a quatre principaux effets :
i° Elle confère à l’adopté le nom de l’adoptant. C. civ., 347.
Or l'adopté, c ’esl-à-dire l'enfant naturel reconnu, porte déjà le
nom q u ’il va être question de lui concéder.
y.° L ’adoption établit entre l’adoptant et l’adopté l’obligation de
se fournir des alimeiib. C. civ.,
349-
Or cette obligation existe déjà du père à l’enfant naturel, par le
seul fait de la reconnaissance; l’adoption, sur ce point, n’ajoute
rien «le plus, et ne diminue rien au caractère île l’obligation.
3° L ’adoption
rend tout mariage prohibé entre l’adoptant et l’a
dopté. C. civ., 348.
Cette prohibition existant déjà, d est inutile de la créer.
Reste le quatrième et dernier effet de l’adoption. Elle rend l’a
dopté habile à succéder à l’adoptant aussi pleinement que s’il
était né en mariage. C. c i v . ,
35o.
Nous convenons, par exem ple, que celte capacité n’existait pas
au profit de l’enfant naturel avant l’adoption, et nous a j o u t o n s
même que la foi ¿veillait activement à ce qu’elle 11e lui fût point con
férée par des voies indirectes.
Voyons si tel n’a pas été cependant le but et l’eflet de l’adoption.
E lle, q u i , dans les cas ordinaires, est destinée a produire
quatre effets principaux, n’en produira ici qu’un seul, et e’esl
justement celui que la loi prohibe avec le plus de sévérité, puis-
�qu’elle porte ses prohibitions jusques sur les institutions directes,
indirectes, ou par interpositions de personnes.
On se borne à dire qu’en cas d ’adoption, la transmission des
biens ne doit plus être considérée que comme un effet secondaire,
lequel ne peut influer sur la cause qui l’a produit, c’est-à-dire sur
l’adoption. Nous répondons que la cause et l’effet se touchent par
les côtés les plus intimes; et si le résultat que l'adoption amène à
sa suite est inadmissible, c'est que la cause elle-même l’est aussi.
En fait , l’adoption n ’a dans ce cas spécial d’autre but que d’as
surer la transmission des biens; c’est, au surplus, en général, son
caractère dominant. Le premier c o n su l, après avoir échoué dans
son projet d’assimiler l’adoption à la nature, au point que l’adopté
devînt étranger à sa propre famille, proposait de ne donner à l’a
doption d ’autre effet que celui d ’opérer une addition de nom et une
transmission de biens, sans déranger les rapports formés par la na
ture entre l’adopté et sa. famille naturelle. C ’est l à , suivant nous,
l ’idée qui a prévalu?
Ici l’adoption de l’enfant naturel doit donc être envisagée eu égard
au seul effet qu’elle a produit , le seul d ’ailleurs q u ’on ait voulu
obtenir; et, en revenant sur les faits de la cause, on peut ajouter
que c’est vers ce but unique que la dame Boirot a marché obsti
nément.
Ce b u t, c’était la transmission de ses biens. L a loi autorisaitelle cette transmission? Voilà toute la question. Un autre coup
d’œil jeté sur quelques autres dispositions du Code suffira pour
compléter la démonstration.
Le Code régie avec soin le sort des enfans naturels; il prend un
terme moyen entre une sévérité ou une indulgence e x c e s s i v e s ;
il refuse aux enfans naturels la qualité d ’héritiers, et ne leur
accorde de droits (pie sur les biens de leurs père et mère décédés.
Ces d ro its, sans changer de nature, varient de quotité, selon que
�( 25 )
les héritiers légitimes sont à un degré plus ou moins éloigné ;
enfin, ils s’élèvent à la totalité des biens s'il arrive que les père
et mère de l’enfant naturel ne laissent aucun parent au degré successible.
L e législateur croyait avoir assez fait pour cette classe de per
sonnes; il n’ignorait pas que souvent les fruits d ’un commerce illi
cite usurpent dans l'affection de leurs père et mère une place qui
ne doit point leur appartenir. Il a donc pris de sages mesures pour
comprimer les effets d'une générosité exercée en fraude de la fa
mille. Voilà pourquoi ont été établies/mais qu ’on peut ne pas at
teindre, ^ e sjim ite sc p ^ ilje stir^ rd it de dépasser^
Ainsi il a été admis que l’enfant naturel ou ses descendans seraient tenus d ’imputer, sur les droits qui peuvent leur revenir, tout
ce qu’ils ont reçu de leurs père et mère (C. civ\, art. 760) ;
Que les enfans naturels susceptibles, sous certaines conditions ,
d’être réduits au-dessous de la part réglée par la loi, ne pourraient
néanmoins dans aucun cas recevoir, soit par donation entre-vifs
soit par testament, rien au-delà de celte portion fixe;
Enfin que toute disposition au profit d ’un incapable serait nulle,
soit q u ’on la déguisât sous la forme d ’un contrat onéreux, soi
qu'on la fit sous le nom de personnes interposées (C. civ., art. g i 1)
De telles dispositions sont sévères; mais elles étaient commandée;
par le besoin d ’assurer la prééminence due au mariage. Elles oui
été admises dans ce but. En tout cas, elles révèlent l’esprit dans le
quel est conçue la législation.
Cela posé, voyons où l’on arrive par l’adoption faite au prolit
d'un enfant naturel reconnu. Il était simple successeur à titre sin
gulier d’une partie des biens; l’adoption en fait un héritier dans
toute l’étendue du mot. Il recueillera la totalité du patrimoine, et
il exclura ni plus, ni moins, ni autrement que ne le ferait l’enfant
légitime, les héritiers du sang 011 l’héritier institué. Avec un tel
4
�( 26)
système, que deviennent les art. '¡S'] et 908 du Code civil? Que
devient l’art, g i 1 qui déclare nulle toute disposition faite au profit
d ’un incapable, quel que soit le subterfuge em ployé, et quelle que
soit la dénomination q u ’on ait donnée à la libéralité i — Revenons
donc aux vrais principes. L ’enfant naturel était-il incapable de
recevoir? Son incapacité, si elle existait, ne tenait-elle pas à son
origine? en un mot au vice de sa naissance? Si telles étaient les
causes, ce double accident a-t-il été effacé par l’adoption? En est-il
moins un enfant naturel ? est-il enfant légitimé ? Voilà toujours à
quoi il faut en revenir.
-
------
Soutiendrait-on'^p.ic.l’adoption a-ici un but plus élevé q u ’une
simple et matérielle transmission de patrimoine? Mais q u ’on y
prenne g ard e, déjà il porte le nom de la personne qui l’a adopté,
déjà il est membre de la famille , déjà il est pour sa mère une
consolation à laquelle l’adoption n’ajoutera certainement rien ;
seulement il n’était pas héritier de sa m è re , et partie du patrimoine
de celle-ci devait aller à la famille légitime. Et voilà ce q u ’on a
voulu empêcher.
On le pouvait à l’aide d’une légitimation par mariage subséquent.
On a rejeté et on rejette cette voie. C ’est à l’adoption q u ’on s’ar
rête, et pourquoi à une adoption? Parce que cet expédient assure,
avec moins de gêne personnelle pour l’adoptant, une aussi pleine
transmission de son hérédité que le ferait] une légitimation par
mariage subséquent. A vrai dire, elle n’a d ’autre objet que cette
transmission. N ’est-elle pas dès-lors une donation déguisée? Et que
servira d ’avoir prohibé les autres, si on tolère celle-ci?
La Cour royale de Riom fait à cet égard une distinction qui
est un pur sophisme. Suivant elle : « Les expressions dans les« quelles les articles
756 , ^5^ et
758 sont conçus n’ont rien qui
« soit exclusif des personnes qui n ’y sont pas indiquées. Les dis« positions de ces articles sont uniquement relatives aux enfans
« naturels qui auraient été adoptés ; pour les entendre et les ap-
�(27)
« pliquer sainement, il ne faut pas les séparer de la qualité des
« personnes pour lesquelles elles ont été faites, c’est-à-dire pour
« les enfans naturels recon n us, mais restés tels : si elles sont pro« hibitives, ce n’est évidemment que des droits qui dépasseraient
« en faveur de ces enfans ceux q u ’elles leur accordent, et non des
« droits dont elles ne parlent pas, et qui seraient la conséquence
« d’un titre sur lequel elles n’avaient pas à s’expliquer. »
Ce raisonnement, comme les précédens,repose sur une véritable
pétition de principes ; il ne s’agit pas de savoir si l’on devra faire
application des articles précités à une adoption préjugée valable.
Il ne s’agit pas davantage de disserter sur l’étendue des droits de
l’enfant adoptif en thèse générale; l’unique question, au contraire,
est de savoir si l’enfant naturel est apte à devenir enfant adoptif,
et si une semblable adoption n ’est pas, dans l’exactitude du mot,
un moyen détourné dont le but est d’investir l’adopté de droits
qu’une qualité indélébile le rendait incapable de recueillir.
Est-il besoin de s’arrêter à cette objection, que si la prohibition
eût été dans les prévisions de la loi, on n’eût pas manqué de la
placer au titre même de l’adoption, tandis que c ’est par la simple
voie des inductions qu’on l’a fait irésulter de la combinaison des
art. 756, 757 et 908 au titre des Successions, où il n’y a de réglé
que la dévolution des biens?
Nous répondons que le Code civil, dans le titre sur l’état des
personnes, se borne à régler la capacité des enfans naturels sans
distinction; et, quant aux droits qui leur appartiennent, il renvoie
à un autre titre, celui relatif aux différentes manières d’acquérir
la propriété; et c’est justement dans ce titre que se trouvent et les
56 , 757,
art. ^
758 et les art. 908 et 9 1 1 . L a Cour royale de Riom
feint toujours de délibérer sur les effets habituels de l’adoption,
quand, au contraire, le point mis en question était celui de savoir si
l’adoption dont il s’agit avait été une adoption valable.
Il reste, pour compléter cette discussion, peut-être déjà trop
�( 28 )
prolongée, à examiner un dernier argument reproduit également
dans l ’arrêt.
La Cour de Riom prétend que la défense d ’adopter l’enfant na
turel reconnu ne résulterait pas davantage des dispositions du
Code, touchant la légitimation ; q u ’il y a des différences telles, entre
les effets de l’adoption et ceux de la légitimation, qu’il n’est pas
possible de confondre l’une avec l’autre.
Que, comme l’adoption ne confère ni les droits ni le titre d'enfant
légitime, on devait en conclure q u ’elle ne se confond point avec
la légitimation, et qu e, par là même, elle n’est pas un moyen dé
tourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages d’une légitimation
qui ne peuvent lui être assurés que par le mariage de ses père et
mère.
Ce raisonnement, qui prouve peu de choses en soi, nous fournit
l’occasion d ’une remarque qui a son importance.
La loi, pour maintenir la faveur due au m ariage, déclare que
les enfans naturels, autres que les incestueux ou adultérins, pour
ront être légitimés par mariage subséquent, lorsqu’ils auront été
légalement reconnus avant le m a ria g e , ou qu’ils le seront dans
l’acte même de célébration.
Elle ajoute que les enfans légitimés par le nlariage subséquent .
auront les mêmes droits que s’ils étaient nés de ce mariage.
Il résulte de ces articles et de ceux qui suivent q u ’on rie peut
compter que quatre classes d’enfans naturels, ni plus ni moins :
i° Les enfans incestueux ou adultérins;
2° L es enfans naturels non reconnus;
3° Les enfans naturels reconnus, mais non légitimés;
4 ° Enfin les enfans naturels reconnus et puis légitimés par le ma
riage subséquent de leurs père et mère.
Voilà la nomenclature; mais, ni dans ces articles, ni ailleurs, il
n’est dit q u ’il y aura une cinquième classe d ’enfans naturels, classe
�(29)
qu i, avec le système que nous combattons, deviendrait peut-être
plus nombreuse que celle des cnfans légitim es, tant les adoptions
deviendraient alors fréquentes, classe mixte qui prendra place entre
les enfans reconnus et les enfans légitimés, pour recueillir des avan
tages plus étendus que les premiers, quoique au-dessous de ceux at
tribués aux enfans légitimés. La loi n ’a rien prévu de semblable,
et même à titre d ’inductiou, rien de pareil ne résulte de ses dispo
sitions.
Est ce bien sérieusement, d ’ailleurs, que l’on prétend établir une
différence entre l’adoption et la légitimation, quant au fait de trans
mission des biens paternels ou maternels ? Les eflets de l’une et
de l’autre sont, au contraire, à cet égard, pleinement identiques.
L ’eflet principal de la légitimation, c’est de réparer le vice de nais
sance et de rendre l’enfant légitimé apte à hériter de ses père e l
m ère, tout aussi bien que s’il était légitime; l’effet principal, et,
disons m ieux, l’efFet à peu près unique de l’adoption appliquée à
l’enfant naturel, c’est de le rendre apte à recueillir, dans la succes
sion de ses père et mère, les mêmes droits que s’il était légitime.
Par la légitimation et par l’adoption, c ’est donc toujours à une
question de transmission qu’on arrive:
Concluons : L ’enfant légitim e,
L ’ enfant lé g itim é,
L’enfant adoptif recueillent également la succession de leurs
père et m è r e ; l’enfant naturel reconnu est, au contraire, formel
lement exclu de cette faveur.
L ’en investir par la voie détournée d ’une adoption, c’est mettre à
la merci du père naturel le pouvoir d’effacer, quand il lui plaît,
dans la personne de son fils, et le vice de naissance et l’incapacité
légale que de hautes considérations de décence publique ont fait
attacher à ce vice ; c ’est rendre pour l’avenir presque sans objet,
le titre de la légitimation par mariage subséquent. Pour assurer le
�V x f\
(30)
sort de l’enfant n aturel, au lieu de le légitimer cl de subir ainsi le
jo u g pesant d ’ une union mal assortie, on conférera l’adoption 011
l’on attendra
pour la conférer qu’ il y ait survenance quelcon
que d ’impossibilités au mariage subséquent. Ajoutons que s’il est
admis par la Cour suprême q u ’il est licite d ’adopter son enfant
naturel quoique reconnu; q u ’ainsi la voulu et entendu le Code
civil, c’est qu ’alors de telles adoptions deviendront une règle com
m u n e , et les magistrats q u i , en cette m atière, sont investis d ’un
pouvoir discrétionnaire, ne pourront même en user, dans de telles
circonstances, que de la manière la plus restreinte. II suffira que le
s*1 *
•'
• 1:
•
père naturel vienne étaler ses titres pour que la toute-puissance
du magistrat soit contrainte de s’humilier. Conçoit-on, en effet, que
sous l'empire d ’une loi qui serait déclarée avoir formellement au
torisé l’adoption de l'enfant naturel, un magistrat pût prendre sur
lui de priver le père et l’enfant d ’ u n bénéfice q u ’ils tiennent de la
loi? Ce serait une véritable sentence d’exhérédation.
Quant à nous, nous le disons avec sincérité, notre conviction est
intime. Le Code a proscrit l’adoption des enfans naturels; mais si
le contraire était d écid é, nous n’hésiterions pas à penser que pas
une seule de ces adoptions puisse être refusée. Sous quel prétexte le
serait-elle, des q u ’il serait admis que l’adoption peut être revendi
quée par le père, comme l’exercice d’un droit et même l’accomplis
sement d ’un devoir? Avec un tel système que vont devenir, nous
ne dirons pas la légitimation par mariage subséquent, mais même
l’institution sacrée du mariage ? — La Cour, nous osons l’espérer,
ne voudra point consacrer une doctrine aussi funeste à la morale.
Elle n’a point eu à se prononcer jusqu’ ici d ’une manière déci
8 5 (Sirey, t.
sive. Lors de l’arrêt du i(\ novembre i i
16, 1, p.
45),
il s’agissait d’un refus d’adpption. On s’était pourvu contre l’arrêt
qui constatait ce refus. La Cour déclara le pourvoi non recevable,
et fit très bien selon nous, car il n’y avait nulle nécessité d’antici
per sur la solution du fond.
�La Cour y était cependant vivement sollicitée parle savant et digne
ch e f du parquet. « Cette audience serait à jamais mémorablé, d i« sait ce magistrat, si la Cour pouvait placer du moins ineîdem« ment ou hypothétiquement dans ses motifs la déclaration du
« principe dont elle est animée. Quel beau jour pour la société!
« quel triomphe pour la morale! etc., etc. »
M. le procureur-général, après avoir rappelé q u e , lors de ià dis
cussion du Code au sein du “conseil d’Etat, le ch ef (fu gouverne
ment, le second consul, MM. Tronchet et Portalis s’étaient élevés
avec force contre l’adoption des enfans naturels, ajoute ces propres
paroles : « Deux conseillers d ’Etat, MM. Treilhard et Jaubert,
« m’ont souvent dit : Soutenez * soutenez cette opinion, elle finira
« par triompher devant tous les tribunaux. »
Son savant prédécesseur, M. Merlin, après s’être élevé de même
contre la doctrine aujourd’hui admise par la Cour de R io m , ter
mine la lumineuse discussion qui seHrouve au Répertoire (v° Adop
tio n ), par ce passage o ù , à notre grand étonnement, l’auteur
se m b le , comme à r e g r e t , humilier sa raison sous le joug d’une
nécessité mystérieuse.
Voici comment s’exprime M. Merlin :
« Voilà, je c r o is, tout ce q u ’on peut dire de plus fort pour justi« fier les arrêts ci-dessus cités des Cours d ’appel de Paris, de Nîmes
« et de Besançon. Il ne manquerait même rien à leur justification
(f complète, s’il était bien constant que, dans la discussion du projet
« de Code civil, le conseil d ’Etat eût, sinon manifesté, du moins
« laissé entrevoir l’intention de ne pas autoriser l’adoption des cn« fans naturels légalement reconnus.
« Mais, sur ce point, on interrogerait vainement le recued inti« tulé : Procès-verbal de la discussion du projet de C ode civil au
« conseil d 'E ta t. u
Voilà devant quels prétextes s’incline Me Merlin, après avoir,
�( 32 )
nous osons le d ire, fait justice complète des argumens que nous
combattons avec lui.
Enfin la majorité, nous dirions presque l’unanimité des auteurs
co nnu s, ont proscrit l’adoption des enfans naturels reconnus. De
nombreux arrêts aussi sont intervenus sur la question, et ils sont,
il est v r a i , en sens contraire; mais ceux q u ’on peut nous opposer
ont été rendus particulièrement depuis que le silence de la Cour
suprême a été expliqué comme favorable à l’adoption. Ces arrêts
se multiplient. Il est temps qu’un remède soit apporté, et ce re
mède, nous l’implorons avec confiance de la sagesse de la Cour.
M A N D ARO U X V E R T A M Y ,
A v o c a t à la C o u r d e c a s s a t io n .
IM PRIM ERIE D E
MADAME
PO U SSIN ,
RUE
M IGN O N ,
2.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot De Laruas, Louis-Pierre. 1841?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Louis-Pierre Boirot de Laruas, propriétaire ; contre dame Sophie-Mathilde Boirot, et le sieur Gilbert de Laplanche, son mari ; ladite dame Boirot, fille naturelle et adoptive de demoiselle Pétronille Boirot, décédée épouse Duval.
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Madame Poussin (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1841
1798-1841
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2819
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2818
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2821
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2821
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Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
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adultères
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enfants naturels
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Pater is est
Successions
successions collatérales
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3756d33791b77191c5add45e999d57f8
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COUR DE CASSATION.
rO •*
\o
chambre des requetes,
M. L E B E A U ,
MÉMOIRE
POUR
L o u is - P ie r r e
B O I R O T D E L A R U A S , p ro p riéta ire ;
CONTRE
D am e S o p iiie - M a t h i l d e B O I R O T , et le sieur G I L B E R T
DE L A P L A N C I I E , son m a r i ; ladite dam e B o iro t,
fille n atu relle et adoptive de demoiselle P étro n ille
B o ir o t, décédée épouse Duval.
Q U ESTIO N .
L ’enfant naturel, antérieurement reconnu par sa mère, peut-il
être, dans la suite, par elle adopté?
La Cour royale de R iom, dans l’arrêt dénoncé à la Cour, s’est
prononcée pour l’aff irmativc. Félicitons-nous que cette importante
question, objet de si vives controverses, soit destinée cette fois à
recevoir une solution, qui fixera les incertitudes de la jurispru
c o n s e ille r r a p p o r t e u r
�(2)
dence, car elle ne pouvait se présenter à la Cour posée dans des
ternies plus explicites.
Les faits de la cause sont, du reste, fort simples.
FAITS.
Dix mois environ après un divorce prononcé pour incompatibilité
d’humeur, Anne-Pétronille Boirot donna le jour à une fille qui fut
inscrite, aux actes de l’état civil, sous le faux nom de Sophie
G ordon, née de père et mère inconnus.
Cet enfant,
d ’abord
élevé clandestinement, f u t , quatre ans
après sa naissance, placé dans la maison de sa m ère, et reçut le
nouveau nom de M alhilde.
En 1804, Pétronille' Boirot épousa en secondes noces le sieur
Duval. Dans le contrat, réglant les conventions civiles de ce ma
r ia g e , il est d it, entre autres choses, que la jeune Mathilde,
désignée d’ailleurs comme fd le de Pétronille Boirot, aura, dans la
succession de sa m è r e , les mêmes droits que les enfans à naître
de Vunion projetée.
E n 1 8 1 6 , jugement du tribunal de lliom q u i, sur la demande de
Pétronille Boirot, pour lors épouse Duval, ordonne la rectification
de l’acte (le naissance de la jeune Mathilde, et qu’aux noms de
Sophie Gordon restent substitués ceux de M athilde Boirot.
En 1817, mariage de Mathilde Doirotavcc le sieur de Laplanche.
Mathilde reçoit de nouveau la qualification de fille naturelle; puis
clic est gratifiée d ’une institution générale (l’héritier, par sa mère,
'
la dame D u v a l, née Boirot.
Il devait en être de cette institution comme de la clause du
contrat de mariage de i8o/j; la dame Duval avait sans doute ce
�(5)
pressentiment, quand elle s’est décidée à aviser à un dernier expé
dient, dans le but d’assurer à sa fille la pleine transmission de scs
biens.
L e 9,5 avril i 834 , elle s’est présentée devant le ju ge de paix de
son domicile, et y a déclaré vouloir adopter Mathilde Boirot, sa
fille naturelle. Un ju gem ent, depuis confirmé par la Cour royale de
K iom , a accueilli cette adoption. Dans ces deux actes on attribue
formellement à l’adoptée le titre de fille naturelle de l’adoptante.
L e décès de la dame Uuval est survenu peu de temps après. La
prétendue fille adoptive s’est mise en possession des biens dépen
dant de la succession, évalués, dit-on , à 400,000 fr. environ.
Le sieur Pierre Boirot de L a r u a s , héritier du côté paternel, a
cru devoir réclamer la part de la succession revenant à cette ligne ;
de là la question du procès.
Le tribunal de Gannat a résolu cette question en faveur de l ’en
fant naturel. L a Cour de Riom a embrassé la même doctrine. Nous
nous bornerons donc à donner le texte de cet arrêt. Il porte :
« Considérant que l’on ne trouve dans le Code c i v i l, au titre de
« l’adoption, ni ailleurs, aucune disposition prohibitive de la fa « cuité d’adopter les enfans naturels par le père et la mère qui les
« ont reconnus; — • Que l’on ne pourrait donc déclarer que cette
« faculté a été interdite qu’en admettant une incapacité et une dé
te fensequi n’ont point été prononcées par la loi;
11 Considérant que c ’est inutilement que l’on prétend, pour éta*’
11 blir cette incapacité, que les principes qui déterminent la nature
h
de l’adoption s’opposent à ce que les enfans naturels reconnus
« puissent en recevoir le bénéfice; — ■Q ue l ’on ne retrouve dans le
« Code civil ni les règles ni les défenstís du droit romain, et qu’on
« y chercherait vainement les conditions qui établissaient q u ’on
« a voulu faire de l'adoption une imitation exacte de la n a t u r e ; _
h
Q u e , d’après les dispositions q u ’il renferme, loin de s’identifier
�6
( )
« avec la Camille nouvelle dans laquelle il est admis de manière à
« devenir étranger à celle qu’il avait, l’adopté reste, au contraire,
« dans cette dernière, y conserve tous ses anciens droits, et ne fait
« q u ’ajouter le nom de l’adoptant à celui q u ’il avait déjà : — Qu’il
« n’est pas exact de dire que l’adoption ne confère à l ’enfant na« turel rien de pfus que ce que lui avait donné la reconnaissance
« faite par son père; que les liens qui l’unissent h ce dernier après
« l'adoption, sont et plus étendus et plus resserrés en même temps;
« — Q u ’à la place d'une filiation naturelle, il s’est établi une filiation
« nouvelle, plus avantageuse et plus honorable aux yeux de la so« cié ié , et que, dès lors, an lieu d’être indiqué dans les actes de
« l’état civil et dans les relations ordinaires de la vie sous le nom
« de (ils naturel, l’adopté ne le sera plus que sous celui de fils
« adoptif;
« Considérant qu’on ne peut invoquer les articles 546 , 347 et
u 348 du même Code pour en induire la conséquence que si la
« défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, n’a pas été faite
« au père ou à la mère de ces enfans d’une manière expresse, elle
« sc trouve du moins implicitement dans la loi; — Que les expres« sions dans lesquelles ces articles sont conçus n’ont rien qui soit
« exclusif des personnes qui n’y seraient pas indiquées; — Que la
« lo i, qui n’était pas uniquement faite pour les enfans naturels,
k n’a dû s’y occuper que des cas ordinaires, laissant sous l’empire
« du droit commun et de ces dispositions générales, ceux q u ’elle
<> n’a pas désignés ; — Q u’on ne pourrait donc conclure de la ma« nicre dont elle s’est exprimée, q u ’elle a défendu l’adoption des
« enfans naturels, à moins d ’élablir qu’elle a créé une ex ception
« toute particulière contre cette classe d ’individus;
« Considérant que la défense d’adopter les enfans naturels re« connus n’existe pas davantage dans les dispositions du Code civil
« sur la légitimation, qui ne permettent pas de c o n fo n d r e l’une
« avec l’autre; que si, par la première, l’enfant reçoit une vie nou-
�( s )
« vellc et des avantages qu’il n’avait pas auparavant, les rapports
« civils et les droits qu’il acquiert sont cependant bornés à un
« cercle étroit dans lequel la loi n’a pas restreint l’enfant légitim é,
« qui est considéré par elle comme l’enfant légitime et traité comme
« tel; — Que l’adoption ne conférant ni les droits ni le titre d’en« fant légitime, on doit nécessairement en conclure q u ’elle ne se
« confond point avec la légitimation, et que, par là même, elle n’est
« pas un moyen détourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages
« d ’une légitimation qui ne peuvent lui être assurés que par le ma« riage de ses père et mère ;
a Considérant que l’adoption ayant pour but principal et direct
« de créer un état civil entre l’adoptant et l’adopté, en les unissant
« par des rapports de parenté et de famille, et les droits de succes« sibilité réciproque qui en dérivent n’en étant q u ’une conséquence
» nécessaire, c’est le Code civ il, qui a déterminé les règles de cet
« état et de la successibilité même qui en résulte, qu’il faut inter« roger pour savoir quels sont ceux qui peuvent être adoptés ; —
« Que, dès que l ’incapacité que l’on oppose aux enfans naturels
tf reconnus ne s’y trouve ni d ’une manière expresse ni d’une raa« nière implicite, on ne peut la chercher dans les articles j 56 ,
a 7 5 7 , 908 et autres sur les successions qui n’ont statué sur la
« dévolution des biens que d ’après les principes et les règles pré« cédemment établis sur l’état des personnes, sans aucun retour
« sur ces principes et ces règles auxquels la législation n ’a pas
« songé à toucher; — Que les dispositions invoquées, uniquement
« relatives aux enfans naturels comme celles de l ’article 558 , 11c se
« sont point occupés des enfans qui auraient été adoptés; qu’ainsi,
« pour les entendre et les appliquer sainem ent, il ne faut pas les
« séparer de la qualité des personnes pour lesquelles elles ont été
« faites; que c’est pour les enfans naturels r e c o n n u s , mais restés
h tels, qu’elles ont été créées; que si elles sont prohibitives, ce n’est
h évidemment que des droits qui dépasseraient en faveur de ces
�(6)
<t eniàns ceux qu ’elles leur accordent, et non des droits dont elles
« ne parlent pas et qui seraient la conséquence d ’une qualité ou
« d ’un titre sur lequel elles n ’avaient pas à s’expliquer; — Que ce
« serait donc manifestement en étendre l’application et les eiï’ets à
u des personnes et h des cas auxquels elles n’ont pas p en sé, que
« d’y voir la défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, et de
« leur donner par là les droits de successibilité que confère
« l’adoption ;
« Considérant qu’on ne pourrait admettre que les dispositions
« du Code civil qui bornent les droits des enfans naturels sur la
« succession du père qui les a reconnus, renferment la défense, à
u ce dernier, de les adopter q u ’autanr q u ’il existerait entre l’état
« d’enfant naturel reconnu et celui d’enfant adoptif, une opposition
« q u i ne permettrait pas de les confondre en passant du premier
« au second ; — Que cette opposition n’existe pas; qu’il ne répugne
« ni à la nature, ni à la raison, ni h la loi que des liens de famille
« plus étroits, que des rapports civils plus intimes et plus étendus
« s’établissent entre le père et le fils naturel ; qu’en usant du béné« fice de l’adoption, le père fait plus q u ’il n’avait fait par la recon« naissance; mais q u ’il ne fait rien de contradictoire à ce premier
« acte qui ne pourrait avoir pour cllet de l’enchaîner si irrévoca« bleinent, qu’il lui fût défendu d’améliorer, par les moyens que la
« loi indique elle-même, l’élat de son enfant;
(( Considérant encore, sur les articles relatifs aux droits des enfans
if naturels sur la succession de leurs père et m ère, que la loi leur
n accorde dans le cas où il n’y a ni enfans légitimes ni héritiers
« collatéraux, tous les biens de cette succession; — Qu’alors l’inca« pacité, q u ’on fait principalement résulter contre eux, pour l’adop« (ion, de la restriction apportée h leurs droits sur ce point, devrait
« nécessairement disparaître, puisque la base fondamentale donner
(f it cette incapacité n’existerait p lu s ; — Qu’il faut donc conclure
<t de cette application de la loi , dont la justesse ne peut être con-
�(7)
« testée, que des prohibitions, qui ne sont ni générales ni abso« lues, ne peuvent renfermer la défense que l’on veut en faire
« résulter;
« Considérant que l’argumentation que l’on a tirée contre l’a« doption des enfans naturels reconnus, de l’article 9 11 du Code
« civil, ne présente pour raison de décider que la question même
« q u ’il s’agit de résoudre ; — Qu’en admettant, en effet, q u ’on pût
« faire l’application des dispositions q u ’il renferme h un contrat
« aussi solennel que l’adoption, il faudrait toujours démontrer l’in« capacité de l’enfant naturel reconnu à être admis au bénéfice de
« l’adoption par ses père et mère;
« Considérant que l’article 366 du Code civil qu ’on a également
« invoqué en le rapprochant des articles 90S et 9 1 1 , établit dans le
« cas tout particulier qu’il prévoit, non une manière nouvelle de
«
«
«
«
donner ou de transmettre par testament les biens de l’adoptant à
l’adopté, mais bien un mode nouveau d ’adoption que réclamaient
l’intérêt de l’enfant et la position dans laquelle pouvait se trouver
placé celui qui voudrait l’adopter; que si, alors, l’enfant acquiert
t( des droits de successibilité sur les biens de ce d ern ier, c’est par
« une suite naturelle et nécessaire de l’adoption exceptionnelle
« dont il a été l’objet, et non parce que le testament où elle se
<( trouve renferme en sa faveur une disposition de ces biens; —
« Qu’on ne pourrait donc lui appliquer les dispositions des ar« ticles 908 et 9 1 1 , et que ce serait encore la question de savoir
« s’il a pu être adopté ;
« Considérant enfin que s i , malgré le silence de la loi et la g é « péralité de scs dispositions , on proscrivait l’adoption des enfans
« naturels par le père et la mère qui les ont reconnus , on n ’aurait
« aucun moyen, sauf le pouvoir discrétionnaire des tribunaux, de
« prévenir celle des enfans naturels non reconnus, ou celle des
w enfans adultérins, incestueux, dont l’origine ne serait pas attestée
�(8)
« par des faits incontestables; — Que s’il était immoral cependant
(f de permettre l’adoption des enfans naturels reconnus , il ne le se« rait pas moins de laisser la liberté d’appeler, par des moyens dé« tournés, ceux qui n ’ont pas été reconnus ou même ceux qui ont
« une origine plus vicieuse, au bénéfice de l’adoption, et q u ’il
« serait tout à la fois inconséquent et injuste de repousser sur ce
« point les premiers, parce que leur naissance est connue, et d ’ac« cueillir les seconds, parce que la leur est ignorée; — Q u’on ne
« peut opposer, pour justifier une semblable distinction, que les
« enfans naturels non reconnus sont dans le sens légal des étrau« gers aux yeux de la loi et de la justice ; — Que le vice de leur
« naissance n’est pas moins réel, pour n’avoir pas ci'- révélé ; —
« Que c’est non de l’ignorance où l'on peut être de c lie origine ,
« niais de son existence même que l’incapacité q u ’on en fait ré« sulter, dépend; — Q u’il arrivera néanmoins journellement que
« les enfans qui en sont frappés éluderont les dispositions prolii—
« bitives de la loi, par cela seul que le secret de leur naissance
« aura été soigneusement cach é, tandis que ceux qu’on aura re« reconnus en subiront toutes les rigueurs ; — Q u ’un système qui
« se prêterait si aisément à la violation de la loi et qui consacrerait
« des effets si contraires à la raison et à une exacte justice ne peut
« être admis ;
« Adoptant au surplus et sur les autres questions qu ’a présentées
« la contestation les motifs des premiers juges ;
« La Cour a mis et met l’appellation au néant; ordonne que le
« jugem ent dont est appel sortira son plein et entier effet, et cono damne l’appelant à l’amende et aux dépens. »
Cet a rrê t, suivant nous, a faussement appliqué l’art. 5/|S du
Code c i v i l, et il a formellement contrevenu aux d is p o sitio n s des
art. ? 5 y et y o 8 du même Code. Telles sont les deux propositions
que nous avons à justifier.
�(9)
DISCUSSION.
On a dit de l’adoption qu’elle était une imitation de la nature.
Nous répondons hardiment qu’elle en est à coup sîir une imitation
pâle et décolorée. Elle se glissa dans nos lois en 1792. Nous
n'avons pas à en rechercher la raison; mais on peut dire qu’assez
étrangère à nos moeurs, elle a fini par se trouver réduite h ce qu’elle
doit être le don ‘irrévocable de la succession. L ’adoption n’est
rien de plus, selon nous, quant au fond des choses, et pour peu
qu’on veuille écarter la magie des mots.
Assurément nous n’entreprendrons pas de Caire l’historique de
celte instituton appliquée au peuple de Rome. Toutefois, puis
qu'elle a été présentée parmi nous comme ayant sa principale source
dans les lois rom aines, nous croyons utile de mettre sous les yeux
des magistrats un exposé sommaire de cette législation , relative
ment au point de vue qui nous occupe.
La question de savoir si l’enfant naturel pouvait être adopté par
ses père et mère fut agitée et diversement résolue sous la législation
romaine.
L'adoption , chez les Romains, était une imitation de la nature.
« Klle a été imaginée , dit Théophile, comme un moyen de con
solation pour ceux auxquels la nature a refusé le bonheur d’avoir
des
en fans, ou qui ont eu le malheur de les perdre. »
De cette idée semblaient découler deux conséquences :
La première, que celui qui avait déjà une postérité, soit civile,
suit naturelle, mais néanmoins constante, ne pouvait pas adopter ;
la loi romaine cependant n’allait pas jusque-là; seulement elle di
sait : N on (lebet (juis p/ures adrngare nisi ea jdsta causa (D. de
sfdopt. y 1. ‘ 5 . § 3).
�( ‘10 )
La deuxième conséquence était que le père ou la mère ne pou»
vait pas adopter, soit un fils légitime, soit un fils naturel} car
l’adoption était destinée à suppléer la nature, irais nullement à
resserrer des liens que la nature aurait déjà formés.
Ce dernier point nous paraît avoir été positivement admis par
le droit romain ; on trouve au Digeste des textes qui prouvent
celte vérité. A in s i, la loi 57 de A doplionibus dispose : eum quem
quis adoptant, em ancipatum vel in adoptionem datum non potest
adoptare.
Aucun autre texte à notre connaissance ne contredit celui de
la loi ci-dessus.
On a prétendu le contraire. M. Duranton, tom. 3 , n. 293, a émis
l’opinion que la loi romaine permettait d’adopter son fils n a tu re l,
et ce jurisconsulte s’est fondé sur la loi 46, au Digeste de Adoplio~
nibus, ainsi conçue :
l n servitale mea quœsitus m i/iifdius in poteslatem meam redigi
beneficio principis p o test, libertinum tamen eum m anere non
dubitatur.
On peut se demander si ce n’est pas de l’adoption p er légitima-*
lionem q u ’il est question dans cette loi. L ’aflîrmativc, soutenue
par M. le procureur général près la Cour de cassation, dans une
cause où il combattait l'adoption de l’enfant naturel, est encore
corroborée par le texte des Novelles 74 et 89.
Mais il est une autre réponse à faire à l’argument tiré de la
loi 4 6 , au D. de A d o p t. Si l’esclave, devenu libre, peut, d ’après
cette loi, légitimer ou même adopter le fils q u ’il a eu dans l’escla
vage, c ’est que la loi romaine ne considérait pas l’esclave c o m m e
père; elle ne reconnaissait point la paternité servile : le père esclave
était à peu de chose près réputé étranger.
Donc, suivant la législation du Digeste, un père ne pouvait adopter
ion fils naturel quand la paternité cl la filiation étaient légalement
�( «
)
consentes. Ces principes ont-ils été modifiés par la législation du
Code et des Novelles? 11 est facile de s’assurer que non.
Des auteurs ont prétendu que l’empereur Anastase avait d’une
manière générale autorisé l’adoption des enfans naturels. Cette
assertion n’est q u ’une e rreu r, et voici les faits qui ont pu l'accré
diter.
De telles adoptions avaient eu lieu dans des temps antérieurs à
Anastase, et elles avaient été confirmées par l’empereur Zénon
(JSovelle 82, quibus moclis naturalis ejficiantur sui).
Anastase ( Cocl. de nciluralibus Liberis) avait décidé que ceux
q u i, n’ayant pas d ’enfans légitimes, vivaient dans le concubinage,
avaient ou auraient à l’avenir des enfans issus de ce commerce,
les auraient sous leur puissance comme siens, et pourraient les
investir de leurs biens, par dernière volonté, par donation, ou
par tout autre mode de la loi. Il avait étendu le bénéfice de cette
constitution aux fils et filles déjà adoptés par leurs pères.
E11 ce qui concernait ces d erniers, la constitution avait pour
objet de respecter des laits accomplis, beaucoup plus que d’auto
riser de telles adoptions pour l’avenir. Cependant elle fut inter
prétée dans ce dernier sens, et il est vrai de dire que depuis la
constitution d’Anastase comme antérieurem ent, on avait vu des
pères adopter leurs enfans naturels.
L ’empereur Jullien voulut arrêter ce désordre, et ramener à
des principes plus sains : par la loi 7, C od. de naturahbus, il
confirma d ’une manière générale
la constitution d ’Anastase en
ce qui concernait les droits acquis. Il excepta seulement du bé n é
fice de ses dispositions les fruits de l’inceste et de. l’adultère ,
nefarium et infeslum conjugium . Quant aux simples enfans na
turels, il déclara maintenir de telles adoptions, touché, disait-il,
«l’une compassion dont n’étaient pas indignes qui vitio non suo
faborabant.
�(1*2)
T o u t e f o i s il eut soin d ’a jo u t e r : l a posleruni vero sciant om nest
légitimés malrimoniis legilim am sibi posteritatem quærendam , non
adrogationum vel adoptionum p relextu s y quæ u l t e r i u s minime
fèrendæ sunt.
O n peut lire cette consti t uti on. L e s t e rme s en sont r e m a r q u a b l e s ;
l’e m p e r e u r a p p u i e ses p r e s c r i p t i on s , non pas s u r les pr i nci pes qui
r ég i ss a ie nt la famil l e r o m a i n e , et q u i , n ou s en c o n v e n o n s , ne sont
pas t ous a ppl ic abl es d e nos j o u r s ; mai s il les a p p u i e s u r les règl es
d e la . mor a l e, et celles-là sont ét ernel l es. Il ne veut pas q u e par un
s u b t e r f u g e b l â m a b l e 011 p r e n n e la q u a li té d e p è r e , l o r sq u e la loi
s ’y r efuse.
L ’e m p e r e u r Ju st ini en ( Nove lie 7 4 , cap. 3 , de Légitima tione
p er adaptioneni) d écl ar a e x p r e s s é m e n t m a in t e ni r la constitution
qui précède.
N é a n m o i n s , c o m m e l’e m p e r e u r Just i n (N ovelle 8 9 ) , il c o n s e r v a ,
s e u l e m e n t p o u r le passé, la cons ti tuti on d e l’e m p e r e u r Z e n o n , ut illos
quibus ea fo r te constitutio prodest, non hac utilitate privaremus ;
il a gi t d e m ê m e et par d e s e mb l a bl e s mot i fs à l’é g a r d d e celle d e
l’e m p e r e u r A n u s t a s c , d éc l ar ant au s u r p l us a p p r o u v e r la constitution
d e son p èr e adopt i f.
N o n c ont ent d e ces d isposi tions si f o r m e l l e s , il a j oute : N ovelle 8 i ) ,
Quibus rnodis naturales cfficiuntur su i, e t c . , ca p. X I , § a ;
adoptionis autern modum qui f u i t olim a quibusdam ante nos
im peratoribus super naturalibus probatus non improbus > inve
nientes., secundum
paternas constitutonis virtutem, et nos sicuti
dictum e s t , encladim us , quoniam castitatem non perfecto consideravit cl nqn erit dolc/is ut quæ b e n b e x c l u s a , s u ï s t , in rem p u
blica ni rursus introducán tur.
Tel
est,
n ou s
le c r o y o n s
du
moins,
l ' h i st or i qu e (idèle de
la législation r o m a i n e s u r la qu es ti o n s o u m i s e en ce m o m e n t
à
la C o u r ; c ’est au n o m d e la m o r a l e , .au nom d e la d é c e n c e , q u e
�( 13 )
les empereurs Justin cl Justinicn ont proscrit l'adoption des eufans
naturels; ils n’ont pas voulu q u ’elle pût devenir un prétexte pour
introduire des étrangers dans la famille ; enfin ils n’ont pas voulu
qu’on couronnât, par une adoption q u ’ils vont ju sq u ’à qualifier
d'absurde , des désordres qu ’ils appelaient flag ilia .
Peut-on établir que lorsque l’adoption a été admise dans notre
droit, il y ait eu la moindre pensée de dérogation aux règles qui
p ré c è d e n t ? C ’est ce que nous devons rechercher. Dans une question
de cette gravité, On nous permettra de jeter un coup d ’œil sur
l’historique de cette institution parmi
nous. L es magistrats de la
Cour ne verront, nous l’espérons, dans ce soin, que le simple
désir de ne rien omettre.
On sait à quel propos l’adoption fut tirée du droit romain pour
prendre place dans nos lois.
L e 18 janvier 1 7 9 2 , l’assemblée législative avait décrété que
son comité de législation comprendrait dans son plan général des
lois civiles, celles relatives à l'adoption.
Le 16 frimaire an 5 , la Convention nationale, à l’occasion d’une
difficulté qui lui était soumise par un ju ge de paix, déclara que l’a
doption avait été solennellement consacrée, et q u ’elle assurait un
droit dans la succession de l’adoptant. Voilà tout ce qui fut fait à
cctle époque, nous négligeons les détails inutiles.
Les lois du temps avaient admis le principe de
l’adoption ;
mais elles n’étaient pas allées plus loin ; aussi lorsque les rédac
teurs du Code civil abordèrent cette matière, ils n’avaient d’autre
précédent, on peut le d i r e , que les constitutions des empereurs
Justin et Justinicn. Ces constitutions,on lésait, prohibaient, comme
a bsu rd e, indécente et im m orale, l’adoption des enfans naturels par
leurs père et mère.
Un premier projet d'adoption fut présenté au conseil, le 6 frimaire
an 10; on y agita la question de savoir si l’adoption serait une
�I"
( \h )
institution politique, une faveur accordée par exception h la loi
co m m u n e ,« titre de récompense, aux citoyens qui auraient rendu
de grands services à l’E tat, ou si elle serait au contraire une insti
tution de droit commun : ce dernier parti obtint la préférence.
Le projet présenté fut l’objet de nombreuses critiques; on lui
reprochait, notamment, de ne pas interdire l’adoption des enf'ans
naturels, de l’autoriser par le silence, et d ’éluder ainsi les dispo
sitions de la lo i , qui réduisaient cette classe d ’enfans à une simple
créance sur la succession de leurs père et mère.
Ces objections reproduisaient le fond des idées de la loi romaine.
INI. L o c r é , qui était, à ce q u ’il paraît, contraire à la prohibition,
a produit plus tard , il l’appui de sa propre opinion, de prétendus
procès-verbaux non imprimés des séances du conseil d’Etat, et il
a induit de la teneur de ces documens qu’il n’y avait eu de prohi
bition convenue qu ’à l ’égard des seuls célibataires; mais q u e, pour
l’homme marié, la prohibition ne lui serait point applicable. C’était
une singulière distinction à notre avis. M. Locré a soutenu néan
moins qu’elle avait été ainsi comprise.
Enfin, a-t-il dit, une rédaction nouvelle fut présentée le 1 4 fri
maire; elle contenait un article ainsi conçu : « Celui qui a reconnu
« dans les termes établis par la loi un enfant né hors mariage,
« ne peut l’adopter ni lui conférer d ’autres droits que ceux qui ré« sultent de cette reconnaissance; mais, hors ce ca s, il ne sera
« admis aucune action tendant à prouver que l’enfant adopté est
« l’enfant naturel de l’adoptant. »
Or,
cet article, qui interdisait,
ajoute-t-on, implicitement du moins, l’adoption des enfans
naturels
reconnus, ayant été repoussé, il est permis de conclure que de
telles adoptions sont restées permises.
T el est le fond du système de AI. Locré. Nous n’en parlons q u ’à
cause du crédit qu’a pu lui prêter la position toute spéciale de son
�( «
)
auteur. Nous repondons à ce système q u ’en admettant l’existence
très contestable de ces procès-verbaux, en admettant même leur
force probante, ce qui est encore très contestable, on est toujours
en droit de se demander d'où vient que l'article en question a été
repoussé. E s t -c e
comme trop rigoureux, ainsi que le prétend
INI. L o c r é ? Est-ce tout simplement comme superflu, ainsi que le
soutient RI. Favard de Langlade?
Cette dernière opinion nous parait la plus admissible.
Quoi q u ’il en soit, le premier projet avait clé critiq u é, parce
q u ’il gardait le silence sur l’adoption des enfans naturels reconnus.
Les critiques furent renouvelées; le 4 nivôse, M. Tronchet fit la
proposition formelle d’exclure de l’adoption les enfans naturels re
connus; M. Portalis proposa de garder le silence sur ces adop
tions, et l’on doit convenir que le silence ici était très suffisant.
Les travaux furent suspendus et repris le 27 brumaire an 11 ;
les divers projets furent de nouveau débattus, et, dans cette même
séance,M . T reilh a rd , au sujet des enfans naturels,fit entendre ces
paroles remarquables : S 'ils sont reco n n u s , ils ne peuvent être
adoptés; s’ ils ne le sont p a s 3 leur origine est incertaine.
Celte opinion ne fut combattue par personne ; elle fut pleine
ment embrassée par M. Malleville : Je suis convaincu, ajouta ce
judicieux magistrat, que si la paternité a été reconnue , les ju g e s
ne peuvent n i ne doivent adm ettre Vadoption. (Favard de Lan
glade, Répertoire de législation, v° Adoption, section 2 , § 1 " . )
Après de longues discussions, dans lesquelles des opinions sou
vent opposées se croisèrent et se com battirent, opinions dont
nous n’avons dû produire que le court a b r é g é , la loi du 29 g e r
minal an 1 1 , lit. 8 du liv. 1 " du Code civil, sur l’Adoption, fut
adoptée et publiée le 12 du même mois. Les assertions de M. Locré
tombent, à notre avis, devant ces explications comme aussi devant
l’cconomic de la loi, car elle organise l'adoption de manière à la
�f 16 )
rendre incompatible avec les dispositions qui règlent le sort de
l’enfant naturel reconnu.
Observons q u e , depuis le 18 janvier 1792 jusqu’au 12 germinal
an 1 1 , un grand nombre d ’adoptions avaient eu lieu , avec des
formes et dans des conditions diverses, sans régularité, capri
cieusement, comme dans les temps antérieurs aux empereurs Justin
et Justinien. Il fallait régler le sort de ces adoptions. Ce fut l’objet
de la loi des 25 germ inal, 5 floréal an 1 1.
Cette loi, dans son article premier, dispose : « Toutes adop« tions faites par actes authentiques, depuis le 18 janvier 1 7 9 2 ,
* ju squ’à la publication des dispositions du Code civil relatives à
« l’adoption, seront valables, quand elles n ’auraient été accompa« gnées d’aucune des conditions imposées depuis |>our adopter et
« être adopté. »
Elle peut être comparée aux constitutions des empereurs Justin
et Justinien; celles-ci maintenaient les adoptions faites avant ou
depuis les constitutions de Zenon et d’Anastase, par respect pour
des droits acquis, et tout en flétrissant l’origine des droits q u ’elles
conféraient. L a loi des 25 germ inal, 5 floréal an 1 1 , maintint de
même les adoptions faites depuis le 18 janvier 179 2, par respect
aussi pour des droits acquis, et sans méconnaître que l’origine de
ces droits se trouvait en opposition avec les principes du nouveau
Code. Ce point est tellement incontestable, q u ’une jurisprudence,
à peu de chose près un iform e, déclara, par la suite, valables,
comme faites depuis le 18 ja n vier 1792 : i° l’adoption d ’un enfant
naturel reconnu; 20 l’adoption par un individu ayant des enfans
légitimes; 3° l’adoption d ’un enfant adultérin par son père ou sa
mère. Cour de cassation, 24 novembre 1806, — ¡¿4 juillet 1 8 1 1 , —
2 3 décembre 1 8 1 6 , — 9 février 1824.
Toutefois la législation devait tendre à s’épurer, et le nouveau
Code devait, à l’instar des constitutions de Justin et Justinien,
tendre à faire cesser le désordre; pour cela, il (allait repousser, du
�(17)
moins, form a negandi l’adoption des enfans naturels reconnus.
C est, selon nous, ce qui a eu lieu.
Tel a été, pour noire législation, le résumé historique de l’adop
lion; quant aux enfans naturels reconnus, nous avons cherché à
le donner avec le plus de concision possible, tout en désirant
néanmoins le présenter complet.
Passons maintenant à l’examen des textes de la loi, c’est-à-dire
aux moyens de cassation.
Les auteurs qui ont embrassé la doctrine de l’arrêt de Riom ont
été subjugués, on peut le dire, par celle idée unique, q u ’aucune
disposition, dans le Code civil ou ailleurs, ne prohibant l’adop
tion, admettre celte prohibition, serait établir une incapacité qui
pourtant n’est prononcée nulle part. C’est là tout le fond de leur
système.
Nous convenons que nulle part on ne rencontre une disposition
qui interdise littéralement l’adoption des enfans naturels; mais
est-il vrai qu’on puisse affirmer, d’une manière absolue, que les
actes qui ne sonl pas littéralement défendus par la loi sont par
cela même permis? A in si, pour ne pas prendre des exemples en
dehors de notre sujet, la loi n a sûrement dit nulle part que les
enfans incestueux ou adultérins ne pourront être adoptés, et ce
pendant les auteurs, sans exception, ne décident-ils pas qu ’ une
telle prohibition est plus qu’évidente? C’est que la loi se borne h
indiquer la règle et à poser les principes; ensuite elle laisse à ses
interprètes le soin d’en déduire les justes conséquences. Comme le
dit avec raison, sur ce p o in t, l’arrêt de R iom , la loi s’occupe des
cas ordinaires, puis elle laisse sous l’empire du droit commun et
de ses dispositions générales ceux q u ’elle n’a pas pris la peine de
spécifier.
Cela posé, si l’on parvient à démontrer que le but de l’adoption
et les principes qui la régissent, que le droit commun et les dispo3
�( '18 )
sitions générales du Code en celte matière répugnent h (’adoption
de l’eniánt naturel recon nu, si l’on rencontre enfin dans le Code
d’autres dispositions tout-à-fait inconciliables avec l’idée d ’une
pareille adoption, il faudra décider que la prohibition existe, tout
aussi bien que si elle était littéralement écrite dans le Code; car
tenir alors pour la prohibition, c’est tout simplement demeurci'
fidèle à l’esprit de la législation * et s’incliner devant Fniitorité de
la maxime si souvent appliquée, pro expressis habenlur qaœ ne*
cessario descendant ab expressis.
Jet ons u n c o u p d ’œi l s u r q u e l q u e s disposi tions g é né r al e s .
On a répété pour le Code civil, d ’après le droit romain : L ’adop
tion est une imitation de la nature, sinon complète, au moins aussi
exacte q u ’il a été permis de 1imaginer. Partant de ces idées, l’a
doptant doit être plus âgé que l’adopté; en principe, il doit avoir
quinze ans de plus (C o d e c iv il, art. 343 , 345) , c ’est-à-dire l’âge
rigoureux de la puberté. De même, nul ne peut être adopté par
plusieurs personnes; ces dispositions sont calquées sur les lois de
la nature sur le développement de la puberté, sur les conditions
physiques requises pour être père cl m ère, eniin sur celles de la
paternité et de la filiation qui sont une et indivisible.
Dans le Code civil comme dans le droit romain, l’adoption es!
envisagée comme une consolation offerte à ceux qui n’ont jamais eu
d’enfans, ont perdu les enfans q u ’ils avaient et n’ont plus l’espoir
d’en avoir d ’autres. L e but de l’adoption est de suppléer au défaut
de la nature, bien plus encore que de créer* ainsi que l’a prétendu
la Cour royale de Iliom , un état qui lie l’adoptant à l’adoptéi en les
unissant par des rapports de parenté et de famille.
Cela est si vrai que les art. 5 4 3 et 5 6 1 du Code civil d é c la re n t
q u e, soit pour adopter,, soit pour être tuteur ollicicux, il faut n’a
voir ni enfans ni descendans légitimes. A la vérité, la loi se sert
des mots cni'am légitimes t expression qui, d ’une p art, necontredil
�( <9 )
nullement l’adoption de l’enfant naturel reconnu, et qui, de l’autre,
semble autoriser le fait d’adoption envers un étranger en cas
d ’existence d’ un enfant naturel, issu de celui qui veut adopter.
Cependant il est douteux qu’une adoption quelconque pût être
permise à celui qui a déjà un enfant naturel reconnu. M. Rerlier, lors
de la présentation au corps législatif du titre de l’adoption, se servit
simplement du mot e n fa n t, sans ajouter de qualification; il est
donc permis de penser que les mots enfans légitimes, dans les ar
ticles précités, signifient enfans dont la filiation est constante ;
d’ailleurs personne n’oserait dire que ceux qui n’ont q u ’un enfant
naturel reconnu aient besoin de demander à la loi la consolation
d’une paternité fictive. Quant à la question d ’adoption par rapport
à l’enfant naturel, nous dirons que M. Dclvincourt, t. 1, p. 99 et
, définit l’adoption : un acte civil qui établit entre deux per
sonnes des rapports de parenté et de filiation qui n’existaient pas
naturellement; que M. Favard d c L a n g la d c , Répert. de législ., 1"
Adoption, f° 2, § 1, la définit : le choix pour enfant de celui qui
n’est pas tel par la nature.
La Cour royale de Riotn objecte que, d ’après les dispositions du
Code civ il, loin de s’identifier avec la famille nouvelle dans la
quelle il est admis, l’adopté reste, au contraire, dans sa famille
naturelle, y conserve scs droits, et ne fait q u ’en acquérir de nou
veaux, qu’il ajoute à ceux q u ’il possédait déjà.
Cela est v r a i , sans d o u t e ; mai s le Code civil n ’en s u p p o s e pas
m o i n s q u e l’a d o p t é a d éj à sa p r o p r e f a mi l l e ; q u e sa fami l le 11 est
pas la m ê m e q u e cel l e o ù l’adopt i on va le l ai re e n t r e r ;
le C o d e
parle d e p èr e et m è r e n a t u r e l s , et i mpos e l ’obli gati on d e r a p p o r t e r
l e u r co ns e nt e me n t à l’ado pt ion ( a r t .
3 /|6 ) ; d e plus il d i s po s e q u e le
nom d e l ’a do pt é vi e n dr a se j o i n d r e à celui d e l’a d o pt an t ( a r t . ^ 7 ) ;
enlin q u e l ’a do pt é restera d a n s sa famille na t urel le, et y c o n s e r v e r a
,$es droits.
�( 20 )
Si on essaie d'appliquer ces diverses dispositions à l’adoption
d’un enfant naturel déjà reconnu, on trouvera i° que la mère qui
doit consentir à l’adoption est la même que celle qui demande
à adopter; 20 que le nom de l’adopté est précisément celui q u ’il a
reçu de la personne môme qui va l'adopter; 3° que le nom d ’adop
tion est celui de la famille à laquelle appartient l’adopté, et que
cette famille, où il est déjà, est encore celle où pourtant l’adoption
a pour objet de le faire entrer. Ainsi la mère naturelle va devenir
la mère adoptive ; le nom de famille que l’on porte déjà deviendra
un nom d ’adoption, et la famille où l’on est déjà aussi va se trans
former en famille d’adoption. L e Code a-t-il voulu consacrer de
pareilles anomalies? Une adoption, faite dans de telles conditions,
ne présente-t-elle pas, légalement parlant, une véritable confusion,
une sorte de monstruosité, niullam absurditatem h a ben s, comme
disait Justinien? N’est—il pas permis de conclure que si les rédac
teurs du Code civil ont supprimé un article qui avait pour unique
objet de repousser de pareilles étrangetés, c ’est qu ’ils trouvaient
dans l’ensemble de la loi, au titre des successions, tout ce qui était
nécessaire pour les réputer proscrites?
On fait valoir q u ’en proscrivant l’adoption des enfans naturels, à
cause du fait antérieur de sa reconnaissance, on enlève le moyen
d ’empêcher l’adoption des enfans naturels non reconnus, fussent-ils
des enfans adultérins ou incestueux, et l’on ajoute que s’il est con
traire a la morale que l’adoption des enfans naturels reconnus soit
autorisée, il l’est bien plus assurément de laisser une telle latitude
a 1 égard des enfans non reconnus, qui ne seraient pas suscep
tibles d ’être avoués. Enfin qu’il y a de l’inconséquence à repousser
l’adoption pour les uns, parce que leur origine est constante, quand
on l’admet par rapport aux autres, par cela seul que la leur est
incertaine.
On ajoute encore q u ’il ne suffit pas, pour justifier une pareille
distinction faite entre personnes d ’une origine également vicieuse,
�(21 )
d ’alléguer que l’enfant naturel non reconnu est, dans le,sçns légal,
un étranger h sa famille; que le vice de la naissance n’en est pas
moins réel, quoique non révélé; que ce n’est pas de l’ignorançe
où l’on peut être des rapports qui lient l’enfant et le père naturel
que naît l’incapacité, si cette incapacité existe, mais q u ’elle tient au
fond des choses; d’où il suit que l’adoption de l’enfant non reconnu
n’est ni plus ni moins vicieuse que celle de l’enfant reconnu, et
que si l’on ne peut arriver à proscrire l’une, on ne doit pas tenter
de proscrire l’autre?
De tout quoi on conclut q u ’un système qui se prêterait si aisé
ment, à de telles contradictions, et consacrerait des résultats à la
fois si contraires à la raison et à la justice, ne peut manquer d e tre
repoussé.
La réponse à toutes ces espèces d ’objections se trouve dans ce peu
de mots prononcés par M. Treilhard à la séance du 27 brumaire
an i i : Les enfans n a turels , s’ils sont reconnus, ne peuvent être
a dop tés; s’ ils ne le sont p a s , leur origine est incertaine.
A insi, l’enfant naturel reconnu ne peut être adopté par celui
qui l ’a reconnu, précisément h cause de cette reconnaissance,
précisément parce q u ’à cause d ’elle la parenté et la filiation sont,
aux yeux de la loi, devenues constantes, d’ignorées qu'elles étaient.
Voilà pourquoi, dans un tel cas, les magistrats peuvent se refuser
et doivent le faire, à consacrer une adoption qui établirait une
double paternité, une double maternité, une double filiation entre
les mêmes personnes.
Il n ’en est pas de même quand il s’agit d’enfans naturels non
reconnus. Aux yeux de la loi, leurs père et mère sont incertains.
Eux-m êm c sont, par rapport à la famille à laquelle ils appartien
nent, réputés étrangers, advenæy comme disait Justinien, ce
q u ’admet sans doute le Code civil, qui ne leur accorde en pareil
cas aucun droit successif, pas même un droit aux alimens.
�Voilà tout le secret de ces prétendues inconséquences, de cette
injustice et de cette immoralité qui semblent offusquer si vivement
les magistrats de la Cour royale de Riom. Dans un cas, il y a ori
gine avouée reconnue par la loi. D ’un côté, il y a un enfant naturel,
de l’autre le père naturel, le père reconnu et avoué de ce même
enfant. Dans l’hypothèse contraire, la filiation est incertaine; il n’v
a de certain que le fait de bâtardise; quant à savoir quel est le
père de l’enfant, légalement parlant, il est inconnu.
Il est donc certain que l’enfant naturel reconnu ne peut passer
de cet état 'a celui d ’enfant adoptif. Ces deux qualités s’entrecho
qu en t, et rien n’autorise à penser qu ’il ait été dans l’esprit du lé
gislateur q u ’elles aient pu se confondre dans la même personne.
Il y a mieux ; il répugne à la raison, il répugne à la loi, que
des liens de famille plus étroits, que des rapports civils plus in
times qu’une filiation à un nouveau titre puissent s’établir entre
la mère et l’enfant reconnu. Disons même qu’en appelant à son aide
l’expédient de l’adoption, la mère qui a précédemment reconnu
l’enfant naturel q u ’elle veut s’attacher à titre d ’adoptante, fait quel
que chose de visiblement contradictoire avec son premier a c t e , et
ce premier acte, elle ne peut cependant le révoquer.
Poursuivons le cours de la discussion.
L ’adoption a pour objet, dit-o n, de conférer à l’enfant naturel
quelque chose de plus que ce que lui avait donné la simple re
connaissance; les liens qui l’unissaient à sa mère vont devenir
plus étendus et lui créer de nouveaux droits; à la place d’une
filiation naturelle, il va s’établir une filiation différente, plus avan
tageuse aux intérêts de l’adopté. C’est le langage île ia Cour r o y al e
de Riom ; elle aurait pu ajouter que cette filiation va c o n fé re r a
l’adopté l’aptitude à succéder, aptitude que sa qualité d ’enfant na
turel semblait exclure à jamais, sauf le cas de légitimation.
Puis la Cour ajoute que l’adoption n’est point une voie de Irans-
�( 23 )
mission des biens, niais au contraire un acte qui change I état
civil de l’enfant naturel et le place dans une condition sociale plus
élevée; qu ’à la vérité cet acte exerce une influence sur les droits de ,
successibilité en faveur de l’adopté, mais que c ’est un effet secon-*
daire qui ne peut altérer le caractère principal de l’adoption, en
core moins la faire proscrire à l’égard de l’enfant naturel quand un
pareil changement d ’état n’est prohibé par aucune disposition de loi.
A cette théorie, suivant nous purement subtile, nous ferons les
réponses suivantes. L ’adoption a quatre principaux effets :
i° Elle confère à l’adopté le nom de l’adoptant. C. civ., 547 *
Or l’adopté, c’est-à-dire l'enfant naturel reconnu* porte déjà le
nom q u ’il va être question de lui concéder.
2° L ’adoption établit entre l’adoptant et l’adopté l’obligation de
se fournir des alimens. C. civ., 34gOr cette obligation existe déjà du père à l’enfant naturel, par lé
àeul fait de la reconnaissance; l’adoption, sur ce point, n’ajoute
rien de plus, et ne diminue rien au caractère de l’obligation.
3° L ’adoption rend tout mariage prohibé entre l’adoptant et l’a
dopté. C. civ., 348 .
Ce t te p r oh i b i t i o n e xi st ant d é j à , il est i nu t il e d e la c r é e r .
Reste le quatrième et dernier effet de l’adoption. Elle rend l’a
dopté habile à succéder à l’adoptant aussi pleinement que s’il
était né en mariage. C. civ., 3'5o.
Nous convenons, par exem ple, que cette capacité n'existait pas
au profit de l’enfant .naturel avant l’adoption, et nous ajoutons
même que la loijveillait activement à ce q u ’elle île lui fût point con
férée par des voies indirectes.
Voyons si tel n’a pas été cependant le but et l'effet de l’adoption.
E lle , q u i, dans les cas ordinaires, est destinée à produire
xjualre effets principaux, n’en produira ici qu’un seul, et c’est
justement celui que la loi prohibe avec le plus de sévérité, purs-
�( 24 )
qu’elle porte ses prohibitions jusques sur les institutions directes,
indirectes, ou par interpositions de personnes.
On se borne à dire qu’en cas d ’adoption, la transmission des
biéhs ne dôit plus être considérée que comme un effet secondaire,
lequel ne peut influer s ù r la cause qui l’a produit, c’est-à-dire sur
l'adoption. Nous répondons que la cause et l’effet se touchent par
les côtés les plus intimes; et si le résultat que l'adoption amène à
sa suite est inadmissible, c’est que la cause elle-même l’est aussi.
En f a it , l’adoption n ’a dans ce cas spécial d’autre but que d’as
surer là transmission des biens; c’est, au surplus, en général, son
caractère dominant. -Le premier consul, après avoir échoué dans
son projet d ’assimiler l’adoption à la nature, au point que l’adopté
devînt étranger à sa propre fam ille, proposait de ne donner à l’a
doption d ’autre effet que celui d ’opérer une addition de nom cl une
transmission de biens, sans déranger les rapports formés par la na
ture entre l’adopté et sa famille naturelle. C ’est là, suivant nous,
l’idée qui a prévalu?
Ici l’adoption de l’enfant naturel doit donc être envisagée eu égard
au seul effet qu’elle a produit, le seul d ’ailleurs q u ’on ait voulu
obtenir; et, en revenant sur les faits de la cause, on peut ajouter
que c’est vers ce but unique que la dame Boirot a marché obsti
nément.
Ce but, c’était la transmission de ses biens. L a loi autorisaitelle cette transmission? Voilà toute la question. Un autre coup
d’œil jeté sur quelques autres dispositions du Code suffira pour
compléter la démonstration.
Le Code régie avec soin le sort des enfans naturels; il prend un
terme moyen entre une'sévérité ou une indulgence excessives;
il refuse aux enfans naturels la qualité d ’héritiers, et ne
accorde de droits que sur les biens d e leurs père et mère décédés.
Ces droits, sans changer de nature, varient de quotité, selon que
�(25)
les héritiers légitimes sont à un degré plus ou moins éloigné ;
enfin, ils s’élèvent à la totalité des biens s’il arrive que les père
et mère de reniant naturel ne laissent aucun parent au degré successible.
L e législateur croyait avoir assez fait pour cette classe de per
sonnes; il n’ignorait pas que souvent les fruits d ’un commerce illi
cite usurpent dans l’affection de leurs père et mère une place qui
ne doit point leur appartenir. Il a donc pris de sages mesures pour
comprimer les effets d’une générosité exercée en fraude de la fa
mille. V oilà pourquoi ont été établie^ mais q u ’on pent ne pas at
teindre ^ S c s l u n i t e s q u i l e n i n t ê r m t de dépasser.
Ainsi il a été admis que l’enfant naturel ou ses descendans se
raient tenus d ’imputer, sur les droits qui peuvent leur revenir, tout
cc qu’ils ont reçu de leurs père et mère (C. civ., art. 760) ;
Que les enfans naturels susceptibles, sous certaines conditions,
d’être réduits au-dessous de la part réglée par la loi, ne pourraient
néanmoins dans aucun cas recevoir, soit par donation entre-vifs,
soit par testament, rien au-delà de cette portion fixe ;
Enfin que toute disposition au profit d ’un incapable serait nulle,
soit q u ’on la déguisât sous la forme d ’un contrat onéreux, soit
qu ’on la fit sous le nom de personnes interposées (C. civ., art. 9 1 1 ) .
De telles dispositions sont sévères; mais elles étaient commandées
par le besoin d ’assurer la prééminence due au mariage. Elles ont
été admises dans ce but. En tout cas, elles révèlent l’esprit dans le
quel est conçue la législation.
Cela posé, voyons où l’on arrive par l’adoption faite au prolit
d’un enfant naturel reconnu. Il était simple successeur a titre sin
gulier d’une partie des biens; l’adoption en fait un héritier dans
toute l’étendue du mot. 11 recueillera la totalité du patrimoine, et
il exclura ni plus, ni moins, ni autrement que ne le ferait l’enfant
légitime, les héritiers du sang 011 l’héritier institué. Avec un tel
4
�systèm e, que deviennent les art. 767 et 908 du Gode civil? Que
devient l’art, g n qui déclare nulle toute disposition faite au profit
d ’un incapable, quel que soit le subterfuge em ployé, et quelle que
soit la dénomination q u ’on ait donnée à la libéralité ? — Revenons
donc aux vrais principes. L ’enfant naturel était-il incapable de
recevoir? Son incapacité, si elle existait, ne tenait-elle pas h son
origin e? en un mol au vice de sa naissance? Si telles étaient les
causes, ce double accident a-t-il été effacé par l’adoption?En est-il
moins un enfant naturel ? est-il enfant légitimé ? Voilà toujours à
quoi il faut en revenir.
Sou tiendrai t-on que l’adoption a ici un but plus élev^ÿ q u ’une
simple et matérielle transmission de patrimoine? Mais q u ’on y
prenne ga rd e, déjà il porte le nom de la personne qui l’a adopté,
déjà il est membre de la famille , déjà il est pour sa mère une
consolation à laquelle l’adoption n’ajoutera
certainement rien ;
seulement il n était pas héritier de sa mère , et partie du patrimoine
de celle-ci devait aller à la famille légitime.
Et voilà ce q u ’on a
voulu empêcher.
On le pouvait à l’aide d’une légitimation par mariage subséquent.
On a rejeté et on rejette cette voie. C ’est à l’adoption q u ’on s’ar
rête, et pourquoi à une adoption ? Parce que cet expédient assure,
avec moins de gêne personnelle pour l’adoptant, une aussi pleine
transmission de son hérédité que le ferail| une légitimation par
mariage subséquent. A vrai dire, elle n’a d ’autre objet que cette
transmission. N ’est-elle pas dès-lors une donation déguisée? Et que
servira d ’avoir prohibé les autres, si 011 tolère celle-ci?
La Cour royale de Riom fait à cet égard une distinction qui
est un pur sophisme. Suivant elle : « Les expressions dans les« quelles les articles 7 56 , 757 et y 58 sont conçus n’ont rien qui
« soit exclusif des personnes qui n ’y sont pas indiquées. Les dis« positions de ces articles sont uniquement relatives aux enfans
« naturels qui auraient été adoptés ; pour les entendre et les ap-
�(27)
« pliquer sainement, il ne faut pas les séparer de la qualité des
« personnes pour lesquelles elles ont été faites, c ’est-à-dire pour
« les enfans naturels reconnus, mais restés tels : si elles sont pro« hibitives, ce n’est évidemment que des droits qui dépasseraient
« en faveur de ces enfans ceux q u ’elles leur accordent, et non des
« droits dont elles ne parlent pas, et qui seraient la conséquence
« d’un titre sur lequel elles n’avaient pas à s’expliquer. »
Ce raisonnement, comme les précédens, repose sur une véritable
pétition de principes; il ne s’agit pas de savoir si l’on devra faire
application des articles précités à une adoption préjugée valable.
Il ne s’agit pas davantage de disserter sur l'étendue des droits de
l’enfant adoptif en thèse générale; l’unique question, au contraire,
est de savoir si l’enfant naturel est apte à devenir enfant adoptif,
et si une semblable adoption n ’est pas, dans l’exactitude du mot,
un moyen détourné dont le but est d’investir l’adopté de droits
qu’une qualité indélébile le rendait incapable de recueillir.
Est-il besoin de s’arrêter à cette objection, que si la prohibition
eût été dans les prévisions de la loi, on n ’eût pas mariqué!de la
placer au titre même de l’adoption, tandis que c ’est par la simple
voie des inductions qu’on l’a fait résulter de la combinaison des
art. 756, 757 et 908 au titre des Successions, où il n’y a de réglé
que la dévolution des biens?
Nous répondons que le Code civ il, dans le titre sur l’état des
personnes, se borne à régler la capacité des enfans naturels sans
distinction; et, quant aux droits qui leur appartiennent, il renvoie
à un autre titre, celui relatif aux différentes manières d’acquérir
la propriété; et c’est justement dans ce titre que se trouvent et les
art. 7 5 6 , 75 7, 768 et les art. 908 et 9 1 1 . L a Cour royale de Riom
feint toujours de délibérer sur les effets habituels de l’adoption,
quand, au contraire, le point mis en question était celui de savoir si
l’adoption dont il s’agit avait été une adoption valable.
Il reste, pour compléter celte discussion, peut-être déjà trop
�( 28 )
prolongée, à examiner un dernier argument reproduit également
dans l ’arrêt.
La Cour de Riom prétend que la défense d ’adopter l’enfant na
turel reconnu ne résulterait pas davantage des dispositions du
Code, touchant la légitimation ; q u ’il y a des différences telles, entre
les effets de l’adoption et ceux de la légitimation, qu’il n’est pas
possible de confondre l’une avec l’autre.
Que, comme l’adoption ne confère ni les droits ni le titre d’enfant
légitime, on devait en conclure q u ’elle ne se confond point avec
la légitimation, et que, par là même, elle n’est pas un moyen dé
tourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages d’une légitimation
qui ne peuvent lui être assurés que par le mariage de ses père et
mère.
Ce raisonnement, qui prouve peu de choses en soi, nous fournit
l’occasion d ’une remarque qui a son importance.
La loi, pour maintenir la faveur due au m ariage, déclare que
les enfans naturels, autres que les incestueux ou adultérins, pour
ront être légitimés par mariage subséquent, lorsqu’ ils auront été
légalement reconnus' avant le m a r ia g e , ou qu ils le seront dans
l’acte même de célébration.
Elle ajoute que les enfans légitimés par le mariage subséquent
auront les mêmes droits que s’ils étaient nés de cc mariage.
Il résulte de ces articles et de ceux qui suivent q u ’on ne peut
compter que quatre classes d’enfans naturels, ni plus ni moins :
i° Les enfans incestueux ou adultérins;
2° Les enfans naturels non reconnus;
5° Les enfans naturels reconnus, mais non légitimés;
4° Enfin les enfans naturels reconnus et puis légitimés par le ma
riage subséquent de leurs père et mère.
Voilà la nomenclature; mais, ni dans ces articles, ni ailleurs, il
n’est dit q u ’il y aura une cinquième classe d ’en fans naturels, classe
�(29)
qu i, avec le système que nous combattons, deviendrait peut*être
plus nombreuse que celle des enfans légitim es, tant les adoptions
deviendraient alors fréquentes, classe mixte qui prendra place entre
les enfans reconnus et les enfans légitimés, pour recueillir des avan
tages plus étendus que les premiers, quoique au-dessous de ceux at
tribués aux enfans légitimés. La loi n’a rien prévu de semblable,
et même à titre d ’induction, rien de pareil ne résulte de ses dispo
sitions.
Est-ce bien sérieusement, d'ailleurs, que l’on prétend établir une
différence entre l’adoption et la légitimation , quant au fait de trans
mission des biens paternels ou maternels? Les effets de l’une et
de l’autre sont, au contraire, à cet égard, pleinement identiques.
L ’eflet principal de la légitimation, c’est de réparer le vice de nais
sance et de rendre l’enfant légitimé apte à hériter de ses père e l
m ère, tout aussi bien que s'il était légitime; l’effet principal, et,
disons m ieux, l’efFet à peu près unique de l’adoption appliquée à
l’enfant naturel, c’est de le rendre apte à recueillir, dans la succes
sion de scs père et mère, les mêmes droits que s’il était légitime.
Par la légitimation et par l’adoption, c ’est donc toujours à une
question de transmission qu’on arrive.
Concluons : L’enfant légitime,
L ’ enfant lé g itim é ,
L’enfant adoptif recueillent égalem ent. la succession de leurs
père et m è r e ; l’enfant naturel reconnu est, au contraire, formel
lement exclu de cette faveur.
i
.
‘¡t »..*
L ’en investir par la voie détournée d ’une adoption, c ’est mettre a
la merci du père naturel le p o u v o ir d’effacer, quand il lui plaît,
dans la personne de son fils, et le vice de naissance et ^incapacité,
légale que de hautes considérations de décence publique ont fait
attacher à ce v ice ; c ’est rendre,pour l’avenir presque sans objet,
le titre de la légitimation par mariage subséquent. Pour assurer le
�sort de l’enfant n a tu re l, au lieu de le légitimer et de subir ainsi le
jo u g pesant d ’ une union mal assortie, on conférera l’adoption 011
l’on attendra pour la conférer qu’il y ait survenance quelcon
que d ’impossibilités au mariage subséquent. Ajoutons que s’il est
admis par la Cour suprême q u fil est licite d ’adopter son enfant
naturel quoique reconnu; q u ’ainsi l’a voulu et entendu le Code
civil, c’est q u ’alors de telles adoptions deviendront une règle com
m u n e , et les magistrats q u i , en cette m atière, sont investis d ’ un
pouvoir discrétionnaire, ne pourront même en user, dans de telles
circonstances, que de la manière la plus restreinte. Il suffira que le
père naturel vienne étaler ses titres pour que la toute-puissance
du magistrat soitcontrainte de s’humilier. Conçoit-on, en effet, que
sous l’empire d ’une loi qui serait déclarée avoir formellement au
torisé l’adoption de l’enfant naturel, un magistrat pût prendre sur
lui de priver le père et l’enfant d’un bénéfice q u ’ils tiennent de la
lo i? Ce serait une véritable sentence d’exhérédation.
- Quant à nous, nous le disons avec sincérité, notre conviction est
intime. L e Code a proscrit l’adoption des enfans naturels; mais si
le contraire était d é cid é , nous n’hésiterions pas à penser que pas
ijme seule de ces adoptions puisse être refusée. Sous quel pjrétexte le
serait-elle, dès q u ’il serait admis que l’adoption peut être revendi
quée par le père, comme l’exercice d’un droit et même l’accomplis
sement d ’un devoir? Avec un tel système que vont devenir, nous
ne dirbns pas la légitimation par mariage subséquent, mais même
l’institution sacrée du mariage ? — La Cour, nous osons l’espérer,
nc^fMüdra point aojisacrer une doctrine aussi funeste à la morale.
Elle n’a point eu h se prononcer jusqu’ici d ’ une manière déci
sive. L ors de l’arrêt du a/| novembre i 8 i 5 (Sirey, t. 16, t, p. 45),
' il's’a g issa itd ’un refus d’adoptiôn. On s’était pourvu contre l’arrêt
qui constatait ce refus. La Cour déclara le pourvoi non
recevablc,
•et fit très bien selon nous, car il in’y . avait nulle nécessité d’antici
per sur la solution du fond.
�( 51 >
La Cour y était cependant vivement sollicitée parle savant et digne
ch ef du parquet. « Cette audience serait à jamais mémorable* d i« sait ce magistrat, si la Cour pouvait placer du moins incidem« ment ou hypothétiquement dans ses motifs la déclaration du
« principe dont elle est animée. Quel beau jour pour la société!
« quel triomphe pour la morale! etc., etc. »
M. le procureur-général, après avoir rappelé q u e , lors de la dis
cussion du Code au sein du,,conseil d'Etat, le ch ef du gouverne
ment, le second consul, MM. Tronchet et Portalis s’étaient élevés
avec force contre l’adoption des enfans naturels,(ajoute ces propres
paroles : « D e u x conseillers d’Etat, MM. Treilhard et Jaubert,
« in’ont souvent dit : Soutenez, soutenez, celte opinion, elle finira
« par triompher devant tous les tribunaux. »
Son savant prédécesseur, M. Merlin, après s’être élevé de même
contre la doctrine aujourd’hui admise par la Cour de R i o m , ter
mine la lumineuse discussion qui se trouve au Répertoire (v° Adoption) , , p » » i ù u â l ^ r J f e r a n d
_^
é to f^ ç jr ie ijt^ '^ u t^ jjlljj)
sem ble, comme « r e g r e t , humilier sa raison sous le' joug d’y ne
nécessité mystérieuse.
-'
».v '
f
'
« Voilà, je c’r o is, tout ce q u ’on peut dire deVplus fort pour justi« fier les arrêts ci-dessus cités des Ç ^ iy^ d ’appel (^c^ari^^de
« et de Besançon. Il ne manquenflP inffhe rien, M ? ur j u s t i f i S m S \ \
a complète, s’il était bien constant que, dans la discussion du projet
"
Ic^ onAci,i ^
iV | ^
re3^ 2 jÉ \
« laissé entrevoie l’intention de-ne-pas autoriser l’allopnon l e s en« fans naturels Ifou bm ^it recqn iÿs.
. -• <
■
't.r
« Mais, sur ce point, on 1mmWgbrat^va*iri dmen t le recueil inti« tu 16 : Proccs-vcrbal de la discussion du projet d e C od e civil au
« conseil d 'J ït a t..»
Voilà devant quels prétextes s’incline M® M erlin, après avoir,
• v
�& «sb
( 32 )
nous osons le d ire, fait justice complète des argumens que nous
combattons avec lui.
Enfin la majorité, nous dirions presque l’unanimité des auteurs
c o n n u s, ont proscrit l’adoption des enfans naturels reconnus. De
nombreux arrêts aussi sont intervenus sur la question, et ils sont,
il est v r a i , en sens contraire; mais ceux q u ’on peut nous opposer
ont été rendus particulièrement depuis que le silence de la Cour
suprême a été expliqué comme favorable à l’adoption. Ces arrêts
se multiplient. Il est temps qu’un remède soit apporté, et ce re
m ède, nous l’implorons avec confiance de la sagesse de la Cour.
MANDAROUX V E R T A M Y ,
%
Avocat à la C ou r de cassation.
e u m li n i \
ff . do. Ajujdc' à
A "“*" (A ,
V
l£ M V M
*
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'à* A s ç À * e c w u ïj,
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,
IMPR IME RIE DE
M AD AM E POUSSIN RUE
MI GNO N, 2 .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot De Laruas, Louis-Pierre. 1841?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Louis-Pierre Boirot de Laruas, propriétaire ; contre dame Sophie-Mathilde Boirot, et le sieur Gilbert de Laplanche, son mari ; ladite dame Boirot, fille naturelle et adoptive de demoiselle Pétronille Boirot, décédée épouse Duval.
Annotations manuscrites. « 28 avril 1841, arrêt de la Cour de Cassation, chambre civile, rejette le pourvoi. Journal de la Magistrature et du Barreau, tome 9, p. 290. Sirey, tome 41, p. 273. 16 mars 1843. Arrêt contraire de la chambre civile, après partage. Sirey, 1843-1-177 ».
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Madame Poussin (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1841
1798-1841
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2820
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2818
BCU_Factums_G2821
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2821
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53576/BCU_Factums_G2820.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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adoption
adultères
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doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales
-
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23f916202adcc654278b7e8470c56e63
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Text
-«O »-
EN
DEFENSE
POU R
La Dame
BOIROT et le sieur
LAPLANCHE, son m ari,
S o p h ie -M a t h il d e
dE
G il b e r t
ca x T M ir .
Le sieur L o u is -P ierre B O I R O T .
Une adoption consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être
attaquée par les tiers ?
L’adoption d ’un enfant naturel reconnu est-elle prohibée par
le Code civil?
Telles sont les questions que la cause présente à juger.
La Cour royale de Riom a résolu la seconde par la négative, le 14
mai 1838.
M. Boirot attaque c e t a rrêt à l’aide d ’a rg u m ens q u ’il prétend
puiser dans le texte de la loi et dans les considérations morales.
C' est aussi avec la morale et la loi que nous allons le défendre,
après avoir exposé en peu de mots les faits qui ont donné lieu
au procès , et après avoir discuté la première question.
F A IT S .
Le 27 mai 1798, Anne-Pétronille Boirot, l i b r e a l o r s , donna le jo u r
à une fille qui fut inscrite à Riom comme née de père et mère in
connus, reçut les noms de Sophie Gordon, et, plus tard, fut connue
sous ceux de Sophie-M athilde Boirot.
�V
— 2 —
En ISOi, Pétronille Boirot épousa en secondes noces le sieur
Duval.
Dans le contrai qui contenait les conventions civiles de ce ma
riage, contrat passé en présence de plusieurs parens et amis, et.
entre autres, du sieur Jean-Jacques Boirot de la Ruas, père du
d em andeur en cassation, il fut dit que la jeune Mathilde, désignée
d ’ailleurs comme fille de la future épouse, et dem eurant avec elle,
aurait dans la succession de sa m ère les mêmes droits que les enfans à naître de l’union projetée. Du reste, aucun enfant n’est
issu de-'cé mariage.
En 1816, et s u r la dem ande de la dame Boirot, alors femme
Duval, le tribunal de Riom ordonna la rectification de l’acte de
naissance de la je u n e Mathilde. Les parens fu rent mis en cause;
le sieur Jean-Jacques Boirot était du nombre : ils déclarèrent tous
que Mathilde Boirot était bien la même que celle qui avait été in
scrite à R iom , le 28 mai 1798, sous les noms de Sophie Gordon. —
L 'acte de naissance fut donc rectifié en vertu d ’un ju g e m en t, et
Mathilde Boirot lut légalement re c o n n u e pou r fille naturelle de
Pétronille Boirot, épouse du sieur Duval.
Au mois de février 1817, Mathilde Boirot épousa le sieur Gilbert
de Laplanche. P a r son con trat de mariage, dans lequel on la qua
lifia fille naturelle de Pétronille Boirot, elle lut instituée héritière
universelle de tous les biens meubles et immeubles qui com pose
raient la succession de sa m ère.— La famille entière applaudit à cet
acte. M. Jean-Jacques Boirot de la Ruas, qui était présent à la pas
sation du contrat, y apposa sa signature.
La dame Duval, voyant avec peine que la voie de la légitimation
avait été fermée à sa fille par des circonstances indépendantes de
sa volonté, crut de son devoir de lui conférer au moins l’ado p
tion.
�Après l’accomplissement des formes prescrites par le C o d e , le
tribunal de Gannat déclara qu’il y avait lieu à adoption, et, le 14
mai, la Cour royale de Riom confirma le jugem ent du tribunal de
Gannat.
Ce jugem ent et cet arrêt fu ren t rendus su r les conclusions con
formes du ministère public, qui n ’ignorait pas plus que les juges la
filiation de l ’adoptée, puisque cette filiation était rappelée dans
tous les actes mis sous les yeux des magistrats appelés à prononcer
sur l’adoption.
Peu de temps après l’adoption, la dame Duval d é c é d a ; sa fille ,
la dame de Laplanche, se mit en possession de l’universalité de ¡a
succession, et liquida amiablement les droits du sieur Duval.
Mais, par exploit du 10 septembre 1835, Boirot d e l à Ruas as
signa les époux de Laplanche devant le tribunal civil de G an nat,
pou r se voir condam ner à faire le délaissement, soit de la totalité
de la succession de la dame Duval, pour être procédé plus tard à
la délivrance de ce qui pourrait revenir à la dame de L aplanche,
comme fille naturelle de la dame Duval ; soit, s'ils l’aimaient mieux,
au délaissement, en faveur du sieur Boirot de la Ruas, du huitième
de ladite.succession mobilière et immobilière qui lui appartenait,
disait-il, aux term es d u d r o it, avec restitution des fruits et jouis
sances, a com pter du jo u r d u décès de ladite dame Duval.
Les époux de Laplanche répondirent que ce n'était pas comme
en fan t naturel reconnu par sa mère q u e la dam e de Laplanche
avait recueilli l’universalité de la succession de la dame D u v a l,
mais bien en vertu de l’adoption qui lui avait été conférée par cette
dernière, adoption admise et consacrée par ju gem ent et arrêt irré
vocables.
Le sieur Boirot de la Ruas so u tin t alors que l’adoption conférée
à madame de Laplanche par la dame D uval n ’avait pas pu lui at
tribuer l i qualité d ’héritière universelle de sa mère adoptive, parce
�que, comme fille naturelle de celte dernière, elle ne p o u v a it, aux
termes de la loi, am ender que les trois q u a rts de la succession.
Plus lard, il demanda la nullité de l’adoption, en soutenant qu'il
m anquait à la dame Duval une des six conditions voulues par la
loif c’est-à-dire la jouissance d’une bonne réputation, pour être
apte à adopter sa fille naturelle reconnue, ou l’enfant d’autrui.
La dam e de Laplanche opposa d ’ab o rd l'autorité de la cliose j u
gée, résultant de l’a rrêt d’adoption.
Puis, elle soutint lu validité de l’adoption.
Ce fut en cet étal q u ’intervint, le <7 juillet 1837, au tribunal de
G a n n a t , un jugement q u i, sans avoir égard à la fin «Je non-recevoir, rejeta, au fond, les injustes prétentions du sieur Boirot.
On y lit les motifs suivans :
« E n ce qui touche la demande en nullité de l’adoption de la dame
« de Lâplancke pour inobservation des formalités prescrites par les
« art. 343 et suivans du Code civil, et notamment de celles exigées
« par l ’art. 355 :
« Attendu qu’il a été re c o n n u par le tribunal et par la Cour
« royale de Riom que toutes les formalités imposées à l’adoptant
« au tit. 8 du Code civil, sur l’adoption, avaient été remplies; que,
« par suite de cette reconnaissance, l’adoption de la dame de La« planche a été accueillie;
« Attendu que le sieur Boirot ne reproduit, à l’appui de sa de« mande, d'autres faits que ceux qui existaient avant l’adoption,
« faits qui ont été appréciés soit par le tribunal, soit par la C our
« royale, que dès lors une telle demande, faite sans intérêt, a eu
o évidemment pour but de calomnier la mémoire de l ’adoptante, lors« qu’au contraire il est de notoriété publique que ladite dame, depuis
« son second mariage, s’est toujours comportée de manière à m ériter
* Caffection de son m ari et l ’estime publique.
« lin ^ce qui touche la fin de n o n-recevoir, opposée à la de?.
�6*°)
y
o -« mande principale sur le fondement que l’arrêt d’adoption a ac« quis l'autorité de la chose jugée;
« Attendu que cet arrêt, rendu hors la présence des parties in
et téressées, peut être contesté comme tout a u tre contrat ; que I’ac« tion en nullité reste entière et doit être introduite par la voie or« dinaire, ainsi que l’ont décidé plusieurs arrêts de Cours royales
« et de C o ur de cassation ;
« E n ce qui touche la nullité soulevée contre l’adoption d’un enfant
« naturel reconnu;
« Attendu que l’adoption des enfans naturels reconnus n ’est pas
« défendue par la loi ; q u ’on ne trouve dans le Code civil aucune
« disposition dont on puisse conclure que l’intention du législateur
« ail été de la prohiber.
« Attendu q u o n ne peut pas créer des exceptions qui ne sont pas
a dans la loi, d’où naît l’application de ce principe, que ce qui
« n ’est pas défendu est permis ;
« Attendu q u ’en se reportant à l’opinion des auteiirs, qui ont
« écrit sur la matière et à la jurisprudence la plus m odern e su r
« l’adoption des enfans naturels reconnus, notam m ent à deux
« derniers arrêts de la Cour royale de Paris, la question cesse
« d’être douteuse et se résout en faveur de l’adoption des enfans
« naturels, surto ut d'après l’avis de M. Dalloz qui a écrit le der« nier et qui se trouvait en position de voir sous toutes les faces
« une question si souviint d é b attu e, et qui a déduit les raisons noino breuses qui militent en faveur de l’adoption avec une force irré« sistible. »
Ce jugem ent, frappé d ’appel par le sieur Boirot, a été confirmé,
en audience solennelle et sous la présidence de M. Brion, par a rrê t
de la Cour royale de Riom , du 14 mai 1838, conçu en ces term es :
*
Considérant que l’on ne trouve dans le Code civil, au litre de
« l’adoption ni ailleurs, aucune disposition prohibitive de la faculté*
�— 6 —
« d ’adopter les enfans naturels par le père et la mère qui les ont
« reconnus;
« Que l’on ne pourrait donc déclarer que celte faculté a été inter« dite, qu’en adm ettant une incapacité et une défense qui n ’o nt
« point été prononcées par la loi ;
« Considérant que c’est inutilement que l’on prétend, pour établir
« cette incapacité, que les principes qui déterm inent la n atu re de
« l’adoption s’opposent à ce que les enfans naturels reconnus
« puissent en recevoir le bénéfice;
« Q ue l’on ne retro uv e dans le Code civil, ni les règles, ni les
« défenses du droit romaVp, et q u 'o n y chercherait vainement les
« conditions qui établiraient q u ’on a voulu faire de l’adoption une
® imitation exacte de la n atu re ;
« Que, d’après les dispositions q u ’il renferme, loin de s’identifier
« avec la famille nouvelle dans laquelle il est admis, de manière à
« devenir étranger à celle qu’il avait, l’adopié reste au contraire
« dans cette dernière, y conserve tous ses anciens droits, et ne
« fait q u ’ajouter le nom de l’adoptant à celui qu’il avait déjà;
« Q u’il n’est pas exact de dire que l’adoption ne confère à l ’enfant
a natu rel rien de plus que ce que lui avait donné la reconnaissance
* faite par son père;
« Que les liens qui l’unissent à ce dernier après l’adoption, sont
« et plus étendus et plus resserrés en môme temps ; qu’à la place d’une
« filiation naturelle, il s’est établi une filiation nouvelle, plus avan« tageuse et plus honorable aux yeux de la société, et que, dès
« lors, au lieu d ’être indiqué dans les actes de l’état civil et dans
« les relations ordinaires de la vie sous le nom de fils naturel, il
« ne le sera plus que sous celui de fils adoptif;
a Considérant q u ’on ne peut invoquer les art. 346, 347 et 348
« du même Code, pour en induire la conséquence que si la défense
« d ’adopter les enfans naturels reconnus n ’a pas été faite au père
�« ou à la mère de ces enfans d’une manière expresse, elle se trouve
« du moins implicitement dans la loi;
« Que les expressions dans lesquelles ces articles sont conçus
« n ’ont rien d’exclusif des personnes qui n ’y seraient pas indi« quées ;
« Que la loi, qui n’était pas uniquement faite po ur les enfans
« naturels, n’a d û s’y occuper que des cas ordinaires, laissant sous
« l’empire du droit commun et de ses dispositions générales ceux
• qu’elle n’a pas désignés ;
*
Qu’on ne p o u rrait donc conclure de la maniere d o n t elle s’est
« exprimée, q u ’elle a défendu l’adoption des enfans naturels, à
« moins d’établir q u ’elle a créé une exception toute particulière
« contre cette classe d’individus;
« Considérant que la défense d'adopter les enfans naturels re« co nn us n’existe pas davantage dans les dispositions du Code
« civil su r la légitimation;
« Qu’il y a des différences essentielles et capitales e n tre les
« effets de l’adoption et ceux de la légitimation, qui ne permet«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
tent pas de confondre l’une avec l’a u tre ; q u e s i , pour la prem ière, l’enfant reçoit une vie nouvelle et des avantages qu’il
n ’avait pas a u p ara v an t, les rapports civils et les droits q u ’il acq u ie rt sont cependant bornés à u n cercle étroit, dans lequel la
loi n’a pas restreint l’enfant légitimé, qui est considéré par elle
com m e l’enfant légitime et traite comme tel ;
« Que l ’adoption ne conférant ni les droits, ni le titre d’enfant
légitime, on doit nécessairem ent en conclure q u ’elle ne se confond point avec la légitimation, et que, par là même, elle n'est
pas un m oyen détourné d’appeler l’enfant naturel aux avantages
d ’une légitimation, qui ne peuvent lui être assurés que par le
mariage de ses père et mère ;
« Considérant que l’adoption ayant p our but principal et direct
�de créer un étatcivil entre l’adoptant eLl’adopté, en les unissant
par des rapports de parenté et de famille, et les droits de successlbilité réciproque qui en dérivent n ’en étant q u ’une consé
quence nécessaire, c’est le titre du Code civil qui a déterminé
le» règles de cet état eL la successibilité même qui en résulte,
q u ’il faut interroger p o u r savoir quels so nt ceux qui peuvent
être adoptés ;
« Que dès que l’incapacité q u ’on oppose au x enfans naturels
reconn us ne s ’y trouve ni d ’une m an ière expresse, ni d ’une
manière implicite, on ne peu t la ch e rc h e r dans les art. 75G,
757, 908 et autres sur les successions, qui n ’ont staLué sur la
dévolution des biens que d ’après les principes e t les règles pré
cédemment établis s u r l'état des personnes, sans aucun r e to u r
sur ces principes et ces règles auxquels le législateur n’a pas
songé à to uch er;
« Que les dispositions invoquées uniquem ent relatives aux enfans naturels, comme celle de l’art. 338, ne se sont point occu
pées des enfans qui auraient été adoptés; q u ’ainsi, p o u r les e n
tendre, et les appliquer sainement, il ne faut pas les séparer de
la qualité des personnes p o u r lesquelles elles ont été faites;
que c'est pour les enfans naturels reconnus, mais restés tels,
q u ’elles ont été créées; que si elles son t prohibitives, ce n ’est
évidemment que des droits qui dépasseraient, en faveur de ces
enfans, ceux q u ’elles leur accordent, et non des droits dont elles
ne parlent pas et qui seraient la conséquence d ’u n e qualité ou
d’u n titre sur lesquels elles n ’avaient pas à s’expliquer ;
« Que ce serait donc manifestement en éten dre l'application et
les effets à des personnes et à des cas auxquels elles n 'o n t pas
pensé, que d'y voir la défense d ’adopter les enfans naturels recon
nus, et de leur donner p ar là les droits de s u c c e s s ib ilit é que con
féré l’adoption ;
�« Considérant q u ’on ne pourrait adm ettre que les dispositions du
Code civil, qui bornent les droits des enfans naturels sur la suc
cession du père et de la mère qui les ont reco n n u s, renferm ent
la défense à ces derniers de les adopter, q u ’autant q u ’il existerait
e n tre l’état d ’enfant naturel reconnu e tc e lu id ’enfantadoptif, une
opposition diamétrale, qui ne perm ettrait pas de les confondre en
passant du premier au second ;
« Que celte opposition n ’existe pas ; q u ’il ne répugne ni à la n a
t u r e , n i a la raison, n ià la loi, que des liens de famille plus étroits,
que des rapports civils plus intimes et plus étendus s’établissent
entre le père et le (ils naturel ; q u ’en u sant du bénéfice de l’adop
tion, le père fait plus q u ’il n'avait fait par la reconnaissance,
mais qu’il ne fait rien de contradictoire à ce p rem ier acte qui ne
pouv ait avoir p o u r effet de l’en ch a în er si irrévocablement, qu'il
lui fût défendu d ’améliorer, par les moyens que la loi indique
elle-mème, l’état de son enfant;
« Considérant encore, sur les arl icles relatifs aux droits des enfans
naturels s u r la succession de leur père et mère, que la loi leur ac
corde, dans le cas où il n ’y a ni enfans légitimes, ni ascendans,
ni h éritiers collatéraux, tous les biens de cette succession ;
« Q u’alors l’incapacité q u ’on fait principalement résulter contre
eux, pour l’adoption, de la restriction apportée à leurs droits sur
ce point, devrait nécessairement disparaître, puisque la base fon
damentale donnée à cette incapacité n ’existerait plus;
« Qu’il faut donc conclure de cette application de la loi d o n t la
justesse ne peut être contestée, que des prohibitions, qui ne sont
ni générales, ni absolues, ne peuvent renfermer la défense que l’on
veut en faire résu lter;
« Considérant que l’argumentation que l’on a tirée, contre l’adop2
�« lion des enfans naturels reconnus, de l’art. 911 du Code civil, ne
« p ré s e n te , p o u r raison de décider, que la question même q u ’il s’a« git de résoudre ;
«
«
«
«
« Qu’en adm ettant, en effet, q u ’on p ût faire l’application des dispositions qu’il renferm e à un co n tra t aussi solennel que l’adoption, il faudrait toujours dém ontrer l’incapacité de l'enfant naturel reconnu à être admis au bénéfice de l’adoption p ar ses père
et m ère;
« Considérant que l’art. 36G du Code civil, qu’on a également in« voqué, en le rapprochant des art. 908 et 9 11, établit, dans le cas
« to u t particulier q u ’il prévoit, non une manière nouvelle de dont n e r ou de transm ettre par testam ent les biens de l’adoptant à l’a« dopté, mais bien un mode nouveau d’adoption que réclamaient
» l’intérêt de l’enfant et la position dans laquelle pouvait se trouver
« placé celui qui voudrait l'ado pter ; que si, alors, l’enfant acquiert
c des droits de snccessibilité sur les biens de ce dernier, c'est p ar
« une suite naturelle etnécessaire de l’adoplion exceptionnelle dont
t il a été l’objet, et non pas parce que le testament où elle se trouve
« renferme en sa faveur une disposition de scs biens ;
t Qu’on ne pourrait donc lui appliquer les dispositions des art.
« 908 et 911, et que ce serait encore la question de savoir s’il a pu
« être adopté ;
«
■
«
«
t
c Considérant, en fin, que si, malgré le silence de la loi et la généralité de ses dispositions, on proscrivait l’adoption des enfans naturelspar le père ella mère q u i les ont reco nnu s, on n'aurait aucun
moyen, sauf le pouvoir discrétionnairedestribunaux, de prévenir
celle des enfans naturels non reconnus, ou celle d e s enfans adultérins et incestueux, dont l’origine ne serait pas aitcstcc par des
■ faits incontestables ;
« Que s'il était immoral, cependant, de permettre l’adoption des
�c enfans naturels reconnus, il ne le serait pas moins de laisser la li*
«yb^rté d ’appeler, par des moyens détournés, ceux qui n ’ont pas
<r été reconnus, ou ceux qui ont une origine plus vicieuse, au béné« fifte de l'adoption, et qu’il serait tout h la fois inconséquent et
« injuste de repousser sur ce point les premiers, parce que leur
« naissance est connue, et d’accueillir les seconds parce que la leur
a est ignorée ;
« Qu’on ne peutopposer, pour justifier une semblable distinction,
« que les enfans naturels n o n reconnus sont, dans le sens légal,
« des étrangers aux yeux de la loi et de la justice;
« Que le vice de leur naissance n’en est pas moins réel pour n ’a« voir pas été révélé ;
« Que c’est, non d e l'ignorance où l’on peut être de cette ori« gine, mais de son existence même, que l ’incapacité q u ’on en fait
« résu lter dépend ;
«
«
«
*
« Q u’il arrivera néanmoins journellement que les enfans qui en
sont frappés éluderont les dispositions prohibitives de la loi, par
cela seul que le secret de leur naissance aura été soigneusement
caché, tandis q u e ceux qu’on aura reconnus en subiront toutes
les rigueurs;
« Q u ’un système qui se prêterait si aisément à la violation de
« la loi et qui consacrerait des effets si contraires à la raison et à
« une exacte justice, ne peut être admis;
« Adoptant au surplus, et sur les autres questions q u ’a présen« tées la contestation, les motifs des premiers juges ;
« La cour a mis cl met l’appellation au néant; ordonne que le ju* gement dont est appel sortira son plein et entier effet, et con« damne l’appelant à l’amende et aux dépens. »
Tel est l’arrêt q u ’attaque le sieur Boirot, et que n o us défen
dons.
�DISCUSSION.
Nous diviserons noire discussion en deux paragraphes.
Dans l’un nous traiterons la question de recevabilité de l’action
des tiers en m atière d’adoption.
Dans l’autre nous réfuterons le moyen invoqué par le d em an
deur à l’appui de son pourvoi.
§ I".
NON-RECEVABILITÉ DE l/ACTlON.
Une adoption consommée avec les solennités prescrites par la
loi, p en d an t la vie de l’adoptant, est-elle attaquable par les tiers
après la m o rt de celui-ci ? Les tiers peuvent-ils contester l’état qui
en résulte?
Si celte question paraît, h la Cour comme h no us, devoir être ré
solue négativem ent, il est manifeste que le dispositif de l’arrèl at
taqué, qui rejette la demande du sieu r Boirot, devra être maintenu,
puisqu’il se trouvera conforme d la loi, q u e lq u e soit, d’ailleurs, le
m érite des motifs donnés par la c o u r de Riom à l ’appui de sa déci
sion.
O r, ou nous nous abusons fort, ou le législateur n ’a entendu
so um ettre à aucun recours, à aucun examen ultérieur le» actcs
solennels qui autorisent l’adoption, après q u ’ils ont clé consom
més du vivant de l’ad o p tan t.
Sans doute, au premier aperçu, les m agistrats et les ju r is c o n
sultes, préoccupés d e l à maxime rcs itilcr nliosjuih'cata vcl acta,
�— 13 —
aliis nec nocçre, nec prodesse polest, sont portés à adopter l’opi
nion contraire, qui nous avait d’abord séduit nous-même.
Mais nous croyons q u ’un examen approfondi de l’esprit et des
termes de la loi doit conduire à reconnaître que le législateur a
voulu interdire to ute action aux liers dans la matière spéciale qui
nous occupe.
Cette interdiction ne tient ni à la chose jugée, ni à un défaut de
qualité; mais à un o rd re d ’idées plus élévé; à la nature de l’acte, qui
n’a de judiciaire que les formes; aux exigences de l’institution qui
exige, pour ne pas être frappée de stérilité, u n secret incompatible
avec la procédure ordinaire, et qui, p ou r qu’un acte de bienfai
sance ne devienne pas une cause de diffamation, renferm e lout
dans les mystères de la cham bre d u conseil, n ’admet de confldens
que les magistrats, de co ntradicteu r que le ministère public rep ré
sentant la société entière.
Le Conseil d’Etat,en discutant le titre de l’adoption, avait voulu,
dans le principe, confier les déclarations d ’adoption, soit au pou
voir législatif, soit au gouvernement.
Certes, s'il eût persisté dans cette pensée, il ne fût venu à l’idée
de personne q u ’un pareil acte eut été susceptible d ’un recours
quelconque devant les trib u n a u x !
La n atu re de l’acte a-t-elle changé, parce que des raisons tirées
de ce que les tribunaux auraient plus de facilité pour se p ro cu rer
des renscignemens, et seraient plus aisément abordables que le pou
voir législatif et le gouvernem ent, o nt fait préférer à ces deux
pouvoirs l’autorité judiciaire ? .
Evidemment non.
o
La déclaration d ’adoption n ’en est pas moins restée ce q u ’elle
devait être dès l’origine, un acte souverain, un acte administratif
�d’une nature particulière, re n d u en connaissance de cause, avec le
ministère public, représentant les intérêts de tous, et sous la ga
rantie d ’un double examen parles magistrats les mieux placés pour
apprécier la moralité et l'intérêt social de l'adoption.
Une fois constituée par l'arrêt d’adoption et l’inscription sur les
registres de l’E lat civil, la nouvelle famille, composée de l’adoptant
et de l’adopté, ne devait donc avoir rien à craindre des héritiers de
l’adoptant, pas plus que celle que crée un acte de reconnaissance
d’enfant naturel ou l’absence de désaveu d’un enfant contre lequel
le désaveu eut été possible.
Vainement l’héritier vient-il dire que l’adoption le lèse, q u ’il
n'a pas été partie dans le contrat, et que l'adoption reste à son égard
res inter alios acta.
L a reconnaissance d’u n enfant n aturel lèse aussi les intérêts des
ascendans d o n t elle diminue la réserve, des collatéraux ou des lé
gataires auxquels elle enlève une partie de la succession ; le défaut
de désaveu, dans les circonstances où la preuve exigée par la loi
peut être faite, diminue aussi la part héréditaire et la réserve des
autres enfans légitimes ; et cependant qui oserait prétendre que la
reconnaissance ou la déclaration de paternité peuvent être a tta
quées par les héritiers lésés, sous prétexte q u ’elles s o n t res inter
alios acta ?
Personne assurément, parce que la constitution des familles est
protégée par des règles spéciales qui la mettent à l’abri des actions
ordinaires fondées sur de simples intérêts d’argent, et ne la sou
m ettent q u ’aux seules actions expressément et textuellement ou
vertes contre elles par le législateur.
C’est ainsi que le chapitre 4 du titre du mariage a spécifié les seu
les causes qui donneraient ouverture à l’action en nullité.
La loi a été plus sévère encor« pour Ica déclarations de pater.
nilé.
�Elle a refusé aux héritiers du père tout droit de contester comme
mensongère la reconnaissance émanée de lui, ou de désavouer
l’enfant qu’il a u rait avoué par son silence.
Elle a fait de même p o u r l'adoption opérce suivant les formes
prescrites. Elle y trouvait des garanties bien autrem ent rassuran
tes que celles résultant des formalités qui précèdent le mariage.
Au lieu de l’intervention d ’un simple ofiicier de l’état civil, elle avait
appelé sur l’adoption l’investigation du ministère public, et un dou
ble examen de la p a rt des magistrats ; elle a vu dans cette accumulalion de précautions, un gage suffisant pour l’intérêt social q u i do
mine et fait taire tous les autres, et, en conséquence, elle a ren d u
l’acte d’adoption aussi inattaquable po ur les héritiers de l’adoptant
que la reconnaissance d ’un enfant naturel ou la déclaration de pa
ternité dans l’acte de naissance d’un enfant légitime.
L ’adoption est donc to u t autre chose qu’un jug em ent, quJnn
contrat; c ’est un acte de l’autorité souveraine déléguée exception
nellement à l’autorité judiciaire.
Combien cette volonté d u législateur ne devient-elle pas plus
manifeste encore, lorsqu’on songe aux conséquences q u ’aurait
l’action en n u llité, si elle était ouverte aux tiers.
Toute l’économie de la loi serait bouleversée.
Elle a voulu que l’instruction fût secrète, co m prenant bien que
personne ne voudrait plus adop ter, si, pour être autorisé à faire
un acte de bienfaisance, il fallait s’exposer à voir toute sa vie fouil
lée par la malveillance, et toutes ses actions livrées aux apprécia
tions scandaleuses d’héritiers cupides et mécontens!
O r, le système qu’on veut faire prévaloir aurait pour effet in
évitable de rend re publique toute cette discussion de moralité que le
législateur a renfermée dans le secret de la chambre d u conseil!
Ce danger, certes, n ’a rien de chim érique, et l’exemple n ’est
�pas loin; car, dans l’espèce même, M. Boirol a c ru pouvoir livrer
au scandale d ’une discussion publique la mémoire de celle dont il
dem an dait l’hérilage! E trange système que celui qui prête au lé
gislateur celte immorale pensée de n’accord er à l’héritier la succes
sion qu’il convoite, qu’à la condition de déshonorer son auteur.
La moralité de l'adoptant trouvée suffisante aujourd’hui par le
ministère public, le tribunal c l la Cour royale, pou rrait être d is
cutée de nouveau dans cinquante ans ; c a r , une lois ouvert, le rc-cours rem ettrait en question toutes les conditions de l’adoption ,
puisque nulle limite tic serait (ixée par le législateur; et alors, en
l’absence de l’adoptant décédé, en l’absence des preuves cl des ex
plications que lui seul pouvait fournir, la justification de la m o ra
lité serait peul-elre jugée incomplète ! L’adoptant se trouverait
puni par la (lélrissurc souvent injuste, qui ¡¿’attacherait, par la pu
blicité, ii sa mémoire, des sentimens généreux qui l’auraient animé
pendant sa vie. — El to u t ec qui se serait fait pendant ce demisièclc sur la foi de l'adoption, les m ariages, les arrangem ens de
famille, les p a r t a g e s , to u t serait anéanti; et l’adopté n’aurait pas
même la ressource de réclamer po ur lui et sa famille le bénéfice de
la bonne foi, q u e la loi n’accorde q u ’à l’époux et à scs descen
dais !
Evidemment il faut reculer devant de pareilles conséquences!
ÎS'on, l’adoption ne peut pas être attaquée, après la sanction
qu'elle a reçue du Tribunal de première instance cl de la Cour
royale, su r les conclusions du m inistère public.
Kcgulicr en la forme, le lilre fait présumer l'accomplissement de
lontcs les conditions ; c ’est là une présomption ju r is et de ju r e ,
qui n’adinel aucune preuve contraire.
Par son te x te , la loi n'adinct l'intervention des héritiers
ijnYit un leul c a s , celui où l’iulopi-mt m eurt avant que le* tri
�bunaux aient définitivement p r o n o n c é ; et dans ce cas même, £lle
n ’autorise les héritiers qu’à remettre des mémoires et des observa*
#
t
»
lions au procureur,du roi. (A rt. 3G0 C. civ. )
Si le législateur n’eût pas entendu proscrire l'action des tiers,
après l'adoption consommée, concevrait-on qu’il n ’eût pas orga
nisé une procédure spéciale; qu’il n 'e û t pas exigé le sccrel des discus
sions, indiqué les tiers auxquels le recours sérail ouvert, les con
ditions, les restrictions sous lesquelles ils pourraient en user, les
délais dans lesquels ils devraient l’exerccr!
Le législateur aurait-il donc permis de livrer à la publicité,
après la vie de l’adoptant, les débals plus ou moins diffamatoires
que des collatéraux avides ne sc feraient aucun scrupule de susciter,
alors surtout que les preuves manqueraient pour leur ré p o n d re ,
lui qui avait exige le sccrel, alors même que l’adoptant était là pour
détruire les allégations mensongères?
Aurait-il admis" l'intervention des collatéraux après l’adoption
consommée, lui qui n’avait pas cru devoir l’adm ettre avant la sanc
tion des T ribun au x, parce qu e, disait-on dans la discussion au
Conseil d ’Étal, leur intérêt d ’arg en t ne devait être d ’a u c u n e considéiation en pareille circonstance ?
Aurait-il voulu laisser l’état des adoptés incertain pendant un
temps illimité ? et le livrer non seulem ent aux collatéraux, mais
encore à tous les tiers, donataires, débiteurs ou a u tre s, qui auraient
in térêt à contester la validité de l’adoption?
S’il en était ainsi, qu e de familles dont la position serait en sus
pens ou compromise, et dont les auteurs auraient à subir des actions
qu'on hasarderait souvent, 11e fût-ce que pour obtenir des sacrifices
par crainte d’un scandale public.
�— 18 —
Jusqu’à présent l’opinion générale a protégé les intérêts de toute
nature, engagés dans l’adoption, parce que généralement on a r e
gardé les actes qui la consacraient comme étant hors de toute a t
teinte.
Que la Cour ouvre la brèche et l’on verra à l’instant la foule s’y
précipiter, non par amour d e là morale, mais par 1111 sentiment qui
se devine assez à une époque où la cupidité semble avoir re m
placé tout autre mobile !
L’adoption, d ’abord objet de préventions, a été bientôt mieux coin
prise.
Elle a pris racines en France, où elle produit d ’heureux ef
fets.
Les actes d'adoption se sont fort multipliés depuis trente ans.
Des milliers de familles ont contracté des alliances, des engagemens sous la foi de le u r irrévocabilité.
Ces familles seront-elles trompées pour avoir placé leur co n
fiance dans la logique, la raison, le texte et l’esprit de la loi ?
Nous ne pouvons le craindre, car nous connaissons la sagesse
de la Cour.
Au surplus, si nous avons insisté sur l’inviolabilité des adoptions
consommées, c'est plutôt dans l’inlcrct général que pour le besoin
de la cause de la daine de Laplanche ; car il nous sera facile de
prouver qu’au fond l’arrêt de la Cour de ltiom repose s u r des motifs
conformes to u t à la fois à la loi et à la morale.
�— 19 —
rt
§2.
RÉFUTATION DU MOYEN DE CASSATION.
Suivant le dem andeur en cassation, la cour de Riom aurait, par
cet arrêt, violé les art. 757 et 908 du Code civil, et faussement ap
pliqué l’art 343 du même Code.
P ou r justifier ce rep ro c h e , il a examiné la législation romaine,
celle qui en France a précédé le Code civil, et enfin la législation
qu i nous régit aujourd’hui.
Nous suivrons le même o rd re de discussion.
D roit romain.
P our bien com prendre ce que pouvait être à Rome l’adoption
des enfans naturels, il faut se rappeler qu’elle était dans l’ancien
droit romain la constitution de la famille.
Les enfans d’un même père pouvaient se trouver dans deux posi
tions distinctes; — ou bien sous sa puissance, ou bien hors de sa
puissance.
Il ne pouvait évidemment être question d’adoption q u ’en ce qui
concernait ces derniers ; — les fils de familles, jouissant de toutes
les prérogatives de la légitimité, n ’en avaient pas besoin.
Les enfans placés hors de la puissance de leur père, — pouvaient
se trouver dans cette position par trois causes différentes:
1° Lorsque, nés sous sa puissance, ils en étaient sorti», soit par
émancipation, soit parce q u ’il les avait donnés en adoption ;
2° Lorsqu’ils étaient issus de l’union nomm ée chez les Romains
concubinat, — ils étaient alors appelés filiinaturales par opposition
�> o L r \
~
20 —
aux jilii fa m ilia s, et naissaient sui ju ris et chefs de famille euxmêmes ;
3° Enfin lorsqu’ils étaient nés pendant l’esclavage de leur père,
— quœsiti in servitute patris. Le père esclave, ne jouissant d'aucun
droit civil, n ’avait pas la puissance paternelle; l’unique effet de la
paternité, dans ce cas, était d’interdire entre le père esclave et sa
fille le contubernium tant q u ’ils étaient esclaves, et le mariage, si plus
lard ils devenaient affranchis.
Hors de ces cas, les enfans, n ’ayant pas de père connu, ou en
ayant un que les lois ne permettaient pas d ’avouer, c’est-à-dire un
père adultérin ou incestueux, étaienl nom m és vulgo eoncepti,et la
paternité restait dans ce cas toujours incertaine; — nam nec hipatrem
habere intclliguntur, cum his el etiam (pater) est incertus. (Institutos,
de nuptiis, § 12.)
Des trois classes d ’enfans placés hors de la puissance d e leur
père, il n ’en était pas une dans laquelle celui-ci ne put aller c h e r
c h e r des enfans adoptifs.
Q uanta ceux qui étaienl nés sous sa puissance, el qui en étaienl
sortis, ils y pouvaient re n tre r par l’adoption. Qui patria poteslate
liberatus est, dit Ulpien (1. 12, ff. de A dop.), el postea in potestatem
honeste revertí non polest, nisi adoptione.
Q uant aux enfans natu rels issus du co ncu binat, inviti filii na
turales vel emancipati, dit Modestin (I. 11. § de his qui sui), non rediguntur in patriam potestatem . Divers modes de légitimation, in
dépendam m ent du mariage s u b s é q u e n t, les faisaient passer de
l ’état d ’enfans naturels à celui d’enfans légitimes, el conslituaicnl
à vrai dire, non pas des légitimations dans le sens actuel de ce
mot, mais de véritables adoptions. (C. de N aturalibns liberis. Nov.
12, cap. 4. Nov. 74, cap. 1 cl 2. Nov. 89, cap. 9 cl 10.)
Q u a n ta l’enfant né pendant l’esclavage de son père, la loi 4G,
�fil de Adoptionibus, s’exprim e ainsi : In servitut'e mea quœsitus mihi
filius in potestatem m eam redigi bénéficia principis potest ; libertinnm cum manere non dubitatar.
•
*
« A ssurém ent, dit AI. D uranton, t. 3, p. 284, l’enfant né pendant
« l’esclavage de son père était u n enfant n a tu re l; et cependant
« après l’affranchissement du père, il a pu être adopté par re s e n t
« du prince, c ’est-à-dire adrogé. »
Et, plus bas, le même auteur ajoute que l’adrogation. seul mode r
d ’adoption qui fût compatible avec la qualité de personnes su iju ris.'
qui appartenait aux enfans naturels, était très fréquente du père
naturel à son enfant.
k ces textes si positifs q u ’oppose-t-on ?
1° La maxime quod meurn est, amplius m eum jleri non polest. Le
père naturel, dit-on, ne peut pas devenir par l ’adoplion plus père
q u ’il n e l’est déjà.
L ’argument prouve trop ; car s’il est applicable à l’adoption, il le
sera à la légitimation. Et cependant on ne niera pas que le père
naturel ne put', à Rome aussi bien que chez nous, devenir plus père
par celte voie. '
'
2° La loi 37 au Digeste, de Adoptionibus, laquelle déclare q u ’on
ne pourra pas adopter de nouveau l'enfant adoptif q u ’on aura
émancipé ou donné en adoption à un autre.
Le simple énoncé de cette loi dém ontre q u ’elle est com plète
ment étran gère à la question qui nous occupe. Il n ’y a donc pas
lieu de s’y arrêter.
3° La loi 23, If. de Lib. et<posth., dans laquelle on lit : In omni
ju r e sic observari convenit ut veri patris adoptione filius m n q u a m
inlelligatur, ne imagine naturœ veritas adumbretur.
�— 22 —
Mais il suffit de lire les dix lignes dont se compose cette loi pour
s'apercevoir qu’on prend pour une règle générale ce que Papinien
entend appliquer seulement à un cas particulier. 11 s’agit, en effet,
dans cette loi, de savoir si l’exhérédation formulée contre le fils
de famille, par son père, devra être considérée comme anéantie,
si, depuis, ce fils de famille a été émancipé par son père, puis est
ren tré par l’adrogation sous sa puissance.— Non, répond Papinien ;
car l'adoption ne peut pas diminuer les droits qu ’il a comme enfant
légitime ; il n'a pas acquis un état nouveau, c’est son ancien état
qu’il a repris; videlicel^ ajoute-t-il, pour lever tous les doutes ,
quod non translatus, sed reddilus videretar.
L ’adage que l’on cite veut donc dire que la fiction ne peut rien
enlever à l’enfaut des droits que la réalité lui donne, et nullement
que la fiction ne puisse rien ajouter à ces droits, ce qui est tout
autre chose.
Ce texte doit donc être encore écarté comme les précédens.
Ainsi, dans l’ancien droit romain, il est hors de doute que l’exis
tence du lien naturel ne mettait obstacle ni à l’adoption , ni à la
légitimation même par une autre voie que par mariage subséquent;
ce qui n’élait, à vrai dire, que l’adoption telle que nous l’entendons
aujourd’hui, adoption créée spécialement à Rome p o u r les enfans
naturels.
Mais la question changea de face et acquit un intérêt tout n o u
veau quand l’influence du christianisme eût fait proscrire le concu
binage, et enlevé ainsi aux enfans naturels les droits civils que leur
assurait l’ancienne législation.
La législation sur l’adoption des enfans naturels subit alors de
fréquentes variations.
�— 23 —
,
On voit, en effet, dans la loi 6, au Code de N aturalibus libcris
l’em pereur Anastase donner aux enfans naturels adrogés tous les
droits d ’enfans légitimes, et notam m ent la faculté de recevoir par
donation, par testament, et meme üb intestat, les biens de leurs
pères naturels.
Puis, dans la loi 7 (ibid), l’empereur Ju stin interpréter cette loi
d’une manière restrictive pour le passé, et l’abroger po ur l’avenir.
Puis, Justinien (dans sa Novelle 89, ch. 7), se prononcer contre
l’opinion d’Anastase, quœ naturelles adoptare contribuit, et pour
celle de Justin quœ adoptiones naturalium prohibuit. Justinien re
connaît au reste (Novelle 74, ch. 3 de Legitimatione per adoptionem), que l’ancienne législation était favorable à ces sortes d ’adop
tions. E t nos non latuit, dit-il en effet, quia etiam adoptionis modus
erat antiquités ante nos imperatoribus super naturales ad legüimos
transferendos non improbabilis existim atus
.
Et lui -même, comme le fait observer Godefroy sur la loi 6, au
Code, de Naturalibus liberis, revient plus tard, par voie indirecte,
à l’opinion d’Anastase, lorsque, par sa Novelle 117, il déclare légitime
l’enfant que le père avait appelé son enfant dans un acte public ou
privé, sans ajouter la qualification de naturel.
Nous ferons observer au surplus que la différence entre les ef
fets que l’adoption produisait chez les Romains, et ceux q u ’elle
produit chez nous, ôte presque tout son intérêt à l’examen histo
rique des variations que la législation sur l’adoption des enfans na
turels a pu subir dans le droit romain. Un des résultats principaux
de l’adoption était en effet de conférer à l’adopté les droits d’agnat
dans la famille de l’adoptant, et l’on conçoit sans peine combien le
caractère politique de l ’agnalion a du exercer d’influence sur les
conditions de capacité exigées de l’adopté aux diverses époques.
�-■"’S ■
—
24“ ^-
-
Lé droit romain ne fournit donc rien de décisif su r la questiôn;
et nous ne nous y arrêterons pas davantage, le dem andeur n ’ayant
pas nié lui-même les tergiversations de la loi romaine s u r ce point,
et le peu d ’influence qu’elle doit exercer sur la solution de la dif
ficulté.
Législation intermédiaire.
*-
Avant la révolution de 1789, l’adoption proprement dite était
inconnue en F rance. Ce n ’est que le 18 ja n v ie r 1792 q u ’elle fui
introd uite dans la législation par un décret de l’assemblée législa
tive, qui ordonnait de c o m p re n d re dans le plan général des lois
civiles celles relatives à Yadoption.
Le principe se trouvait ainsi posé.
II fut consacré de nouveau :
P a r la constitution de 1793, qui déclarait « citoyen tout homme
qui adoptait u n enfant. »
P a r le décret de la Convention d u 7 mars 17J3, * qui chargeait
« le com ité de législation de lui p résen te r un proji t de loi s u r les
« enfans appelés naturels et sur Y adoption. »
«
«
«
«
«
Par le décret du 4-6 juin 1793, qui posait en principe que « les
enfans nés hors mariage succéderaient à leurs père et m ère dans
la forme qui serait déterm inée, et ajournait la discussion sur ce
point ju s q u ’a ce que la convention eût e n te n d u son comité de
législation, tant sur le mode d’adoption qu e sur lessuccessions
en général. »
Par le décret du 15-1G frimaire an III, qui réglait provisoirem ent
les effets des adoptions faites antérieurem ent h la promulgation dû
Code civil, q u ’on croyait alors prochaine.
r
�Edfin, par l’a rrê té du gouvernement du 10 floréal an V III, dont
Tari. 10 prescrivait au ministre de l’intérieur d ’envoyer aux pré
fets, po ur les faire passer aux maires, des modèles, conformes à ceux
annexés à l’arrêté, des atctes de naissances, décès, mariages, d iv o r
ces et adoptions, p our assurer l’uniformilé des actes de l’état cjvil
dans to u te la république.
En attendant la loi organique annoncée par tous ces actes .légis
latifs, un grand nombre d ’adoptions eurent lieu. En l’absence de
toute règle légale, on se contentait de déclarer, par acte authen ti
que, qu'on adoptait tel individu pour son enfant, et cette adoption
produisait effet.
Lorsque le titre du Code civil s u r l’adoption eût été prom ulgué,
le 2 germinal an X I, il suscita de graves inquiétudes chez ceux dont
l’adoplion antérieure au Code ne satisfaisait pas aux conditions.qu’il
était v e n u e x ig é r. C'est pour calmer ces inquiétudes que fut ren
due la loi du 29 germinal an X I, don t l’art. Ier est ainsi conçu :
« Toutes adoptions faites par acte authentique, depuis le 17 jan« vier 1792 jusqu’à la publication d u Code civij,, relatives à l’a• doption, seron t valables quand .^elles n ’auraient été accompa« gnées d’aucune des conditions depuis exigées pour adopter,et
« être adopté. »
.i
De 1792 à 1803, il s’était fait un grand nombre d ’adoptions
d ’^nfans naturels. La yalidité.de ces adoptions ne pouvait être d o u
teuse ; l’esprit de la „législation, tout favorable pendant cette
période aux eniàns naturels, ne permettait même pas que la ques
tion fut soulevée. La loi du 25 germinal an XI vint encore confir
mer ces adoptions. Aussi la Cour de cassation déclara-t-elle valables
les adoptions d ’enfans naturels faites avant le Code civil , par
q u a tre arrêts des :
•24 novembre 1806. (Sirey 6,1 ; 586.)
J? ^
/
A
�f
24 juillet 1811. (Sirey 11, 1 ,3 2 9 .)
12 novembre 1811. (Sirey 13, l *j424.)
E t 9 février 1824. (Sirey 24, 1, 195.)
Ainsi, nul doute q u ’au moment de la promulgation d u Codet
l’adoption des enfans naturels ne fut permise par la loi.
1 C’est donc l’abrogation de la loi antérieure que les demandeurs
en cassation ont à faire ressortir du Code civil.
Prononce-t-il en effet cette abrogation ? C’est là ce qu’il nous
reste à exam iner. '
:f!’
' '•
i
f
i
Droit actuel.
R em arquons, avant tout, com m ent la question se présentedevant
la C o u r suprêm e.
Elle n’a pas à exam iner si, dans telles ou telles circonstances,
l’adoption ne doit pas être interdite plutôt que permise au père
naturel.
1
Les considérations d ’espèces ne peuvent être pesées e t appréciées
que par les'Cours royales.
- P ar cela seul qu’ici deux arrêts de Cour royale o nt c ru devoir
l’un autoriser'l’a u tre maintenir l’adoption, il est manifeste que les
circonstances de l’espècc étaient favorables.
L'arrêt attaqué ne pourra donc être cassé q u ’au tan t qu'on devra
poser, dans ses termes les plus absolus, ce principe de droit q ue,
par cela seul q u u ti enfant naturel a été reconnu, il ne peut dans
aucun cas, et quelles que soient les circonstances, être adopté par
celui ou celle de qui émane la reconnaissance.
O r, ce système absolu et tranché nous 'parait en' contradiction
directe a r e c le texte e t l’esprit de la loi.
En principe, tout individu peut adopter et être adopté.
�Ainsi, l’incapacité ne peut résulter que d’une prohibition spé
ciale de la loi.
Celte prohibition existc-t-elle contre l’enfant n atu re l?
Elle n ’est pas écrite dans le texte ; on en convient. Le Code,
dans les articles 340 h 3 4 6 , énum ère toutes les incapacités ; celle
résultant de la filiation naturelle n ’y figure pas.
C’est donc dans l'esprit de la loi qu’il faut l’aller cherch er. ,
Mais d ’abord, en matière d’incapacités, de prohibitions, de pei
n e s , il n ’est point permis de suppléer au silence du texte par des
déductions tirées de l’esprit.de la loi.
Ensuite peut-on prétendre1q u e l’esprit du Code civil repousse
l’adoption des enfans naturels?
Il suffira, p o u r répondre à cette qu estio n , de rappeler ce qui
s ’est passé1dans la/discussion du conseil d ’Etat su r le titre de l’a
doption:1
Lorsqu’on ne connaissait encore de cette discussion que ce qu i
en avait été imprimé dans le recueil des procès-verbaux, il était pos
sible d ’élever des doutes sur l’intention du législateur. Il semblait,
en effet,, que la question ne l'adoption des enlans naturels eût été
seulement effleurée en quelques mots, et q u ’elle n’eût été l’objet
ni d ’un examen sérieux, ni d ’une solution précise. On pouvait s’é
tonner q u ’une question de cette importance e û t été traitée avec
tant de légèreté, et'que les deux partis qui, dans le conseil, soute
naient et com battaient l’adoption en général, se fussent en quelque
sorte entendus pour négliger, ceux-ci leur objection la plus grave,
ceux-là leu r m eilleur argument. L’explication de l’énigme a été
donnée par M. Locré, lors de la publication d u 4me'vohihie dé son
livre sur l’Esprit du Code civil. Ce n ’élait pas la discussion qui
avait été in c o m p lè te , c’était le recueil imprimé des procès-ver
baux qui avait été tronqué. La lacune se trouvait comblée par des
�procès-verbaux dont M. Locré donnait le texte, et qui levaient
toutes difficultés sur la solution adoptée par le conseil.
Voici, en effet, ce qu'on lit dans ces procès-verbaux (voir Locré,
E sprit du Code civil, nouvelle éd itio n , tome 5, page 379):
« Dans la séance du 6 frimaire an X, un article fut mis en dis« cussion, qu i réglait les mesures à prendre préalablement à l’adop« lion d’un enfant qui n aurait pas de parensconnus; que M. Tron« chet attaquü cette disposition comme facilitant l’adoption des
« b âtard s, faisanl'remârquér qu'il ne suffirait p a s , p o u r prévenir
« cet in c o n v én ien t, de ne perm ettre l’adoption que des enfans
« nés de père et de mère inconnus, parce qu’il n é dépendait que
« du père de se ménager la facilité d’adopter son enfant n a t u r e l ,
« en s’abstenant de le reconnaître.
. "i <•
« Le prem ier consul répondit que cependant l’article était
• avantageux sous le point de vue que considérait JM.Tronchet.
« Il répugne à la bonne morale qu’un père, line mère, m êm e pau« vres, se dépouillent de leur qualité et fassent passer leur en« fànt dans une famille étrangère ; mais c ’est au contraire une
• conception heureuse de venir par l'adoption au secours d’un en« fant abandonné, et de l’arraclier à la, dépravation à laquelle son
« .état d ’abandon l ’expose. Mais, d it-o n, il faut craindre de faciliter
« l’adoption des bâtards. Il serait au con traire heureux que l’injus« tice de l’homme qui, par ses déréglemens, a fa it naître un enfant
* dans la honte, pût être réparée sans que les mœurs fussent bles« sées. ,
«
«
*
«
a M. T ronchel répondit q u e les principes de la saine morale
ont fait exclure les bâtards des successions ; q u ’il y aurait de
l’inconséquence à leur imprimer, d ’un côté, cette incapacité, et
à placer, de l ’autre, un moyen de l’éluder. . t,¡ ... .
« Le premier consul dit q u ’il pensait aussi que d o n n er aux bâtards la capacité de succéder, ce serait offenser les mœ urs; mais i
�«
«
«
«
«
«
«
que les m œurs ne sont plus outragées si celle capacité leur est
rendue indirectement par l’adoption. La loi, en les privant du
droit de succéder, n’a pas voulu punir ces infortunés des fautes
de leur père : elle n ’a voulu que faire respecter les m œurs et la
dignité du mariage. Le moyen, ingénieux de les faire succéder
comme tnfans adoptifs, et non comme bâtards, concilie don c
la ju stice et l'intérêt des m œ urs. '
« M. Réal rappelle à Tappuj de ce que vient de dire le premier
« consul que, dans une discussion précédente, le conseil a été plus
« sévère sur les reconnaissances d’enfant , dans la supposition
« que le préjudice q ue les dispositions sur cetté matière pourraient
« causer aux enfans n atu re ls, serait réparé par l’adoption.
« M. Ti;prichet ayant insisté s u r la contradiction q u ’il y aurait
« entre la faculté d’adopter les enfans naturels et la limitation de
< la faculté de disposer à leur égard, M. Bérenger dit que c’était
« dans l’intérêt de la morale q u ’il appuyait l'adoption des bâ« tards.
La discussion se prolongea s u r d ’autres points, et l’article pro
posé fut en définitive adopté.
La question se représenta in terminis quelques jours après.
La section de législation avait p résen té, dans , la séance du
14 frimaire au X, un article ainsi conçu : ;j.
•
..« Celui qui a reconnu, dans les form es établies par la loi, un
* enfant né hors mariage nk peut l’adopter, ni lui conférer d’autres
« droits que ceux qui ré s u lte n t,d e son acte de naissance.; mais,
« hors ce cas, il ne sera admis aucune action tendant à prouver,
•< que l’enfant ad opté est l’enfant naturel de l’adoptant. »
Cet article fut soumis à la discussion, le 16 frimaire an X , et le
procès-verbal de cette séance reud compte de cette discussion en
ces term es:
'
« M. Marmont dit que cette disposition peut com prom ettre l’é-
�\
— 30 —
«
«
«
«
tat dès enfans naturels. Il pourrait arriver, en effet, que, pour
se ménager la faculté de les adopter, leur père différât de les
reconnaître, et que cependant il mourut sans les avoir ni adoptes, ni reconnus.
« M .'Berlier (rapporteur) convient que cet article est trop sé« vère ; le motif qui l’à fait adop ter à la section a été la crainte de
« co n tred ire le projet de loi qui né donne aux enfans naturels
« reco n n u s qu'une créance sur lés biens de leur père.
« M. Em m ery o b s e r v e qu e la créance est le droit com m un, et
« l’adoption le cas particulier. Il dem ande la suppression de
* l’article.
« M. Regnauld, de Saint-Jean d’Angely, dit que la disposition
« rappelée par M. Berlier n 'a p o u r objet que de détruire la légist lation antérieure qui d o n n a it’aux enfanà illégitimes des d ro its
« beaucoup plus' étendus q u ’une simple créaticé.
« L’article est supprimé. »
Aucun doute n ’est possible en présence de cette discussion.'En
p rovoquant la suppression d e l'article qui prohibait l’adoption de
l ’enfant naturel, M. Em m ery a soin d ’expliquer sa pensée : c’est
la prohibition elle-même q u ’il entend repousser; l’in ten tio n du
conseil, en supprim ant l'article, n ’a d o n c rien d ’équivoque. Il a
voulu autoriser l'adoption tout à l a ’fois dans la crain te d’em p ê
ch er, s’il la p r o h ib a it, la reconnaissance des enfans naturels, et
dan's l’intérêt de la justice e t'd e s mœurs.
Aussi, lorsque ces procès-verbaux e u re n t été publiés, presque
tous ceux des jurisconsultes'qui s'étaient jusque-là prononcés con
tre la v a l i d i t é dfe l’adoption1, s’empressèrent-ils de revenir sur une
opinion si évidemment, repoussée par le législateur.
O n'lit dans le Traité d e ' l’Adoptiôn, de M .'Grenier, que lors
q u ’on connaissait seulem ent la discussion telle qu’elle avait été
impriméci^les raisons ne manquaient pas pour repousser l’adop-
�—
31
—
tion ; mais que, depuis la publication faite par M. Locré, ce qui
y est contenu sur' l’adoption a fait les plus vives impressions, le
rejet de l’article proposé par la section de législation prouvant
que la loi a été conçue en ce sens qu’elle n’emportait pas une p ro
hibition textuelle d ’adopter un en fan t naturel q u ’on aurait légale
ment reconnu.
11 '
M. Merlin, avant la publication de l’Esprit d u Code civil, s’é
tait prononcé contre l'adoptioB. Mais la question de la validité
d ’une adoption antérieure au Code civil s’étant présentée le 24 no
vembre 1806 à la Cour de cassation , il saisit cette occasion pou r
r' déclarer q u ’i/ revenait sur sa première opinion, ei que le silence du
Code se trou vant désormais expliqué par le retranchem en t d ’u n
article prohibitif, il ne croyait plus permis de reg arder la recon*
naissance d ’un enfant naturel comme faisant obstacle à l ’adop
tion (voir D alloz, 1806, 1 ,6 7 2 ). Il reproduisit la même opinion
dans l’édition q u ’il d o nn a de son R épertoire, èn 1812. Après
avoir, en effet, rappelé (v° Adoption, § 4) les raisons 'qui avaient
motivé son prem ier avis, il rendit compte des discussions du con
seil d’E lat, publiées par M. L ocré, et ajouta : « Cette partie du
« procès-verbal du Code N apoléon, qui n ’est pas imprimée, ré« pond, comme on le voit, de la manière la plità tranchante', à to u « tes les raisons q u i, du premier ab o rd ,'sem b laien t ap p u y e r l'o« pinion adoptée par les qu atre arrêts ci-dessus rappelés ; et l’on
« doit croire que, si elle e u t été connue plus tôt, ces quatre arrêts
« auraient admis les ad options qu’ils o n t rejetées. »
'
.
11. Merlin, à la vérité, est revenu depuis à cette opinion, qu’en
1812 il trouvait repoussée de la m anière la plus tranchante ; nous
examinerons to u t à l’heure les motifs de ce retour.
Ainsi l’enfant natu re l reco n n u peut être adopté.
Ce droit ne résulte pas seulement pour lui du principe général
�*^=..'32 —
qui l’accorde à tous ceux que la loi n’en a pas 'expressément dé
pouillés.
ûr?f , .1
■
Il résulte encore de rintcntion'ispëcialement manifestée par le
législateur de lui laisser ce droit.
*
' ' ’
11 '
'•
Le silence du législateur aurait suffi ; mais le législateur ne s’est
pas contenté de com prendre d ’un e manière générale l’adoption
des enfans naturels au nom bre de celles q u ’il n ’entendait pas in
terdire ; il en a fait l’objet d ’une discussion particulière, et il a
repoussé la prohibition demandée, en s’appuyant sur les principes
du droit et s u r l’intérêt de la justice et des mœurs.
C e p e n d a n t, en présence du principe général, en présence d e la
discussion du conseil d ’É l a t , o n ù’a pas désespéré de p arv en ir à
faire créer par les tribunaux une incapacité d ’adoption contre l’e n
fant naturel; et, p o u r y arriv er, on a cherché d ’abord à ébranler
l’autorité de cette discussion; puis, supposant l'intention du légis
la te u r incertaine, on a tenté de faire ressortir la prohibition de
l’ensemble des dispositions du C o de, à l’aide d ’une prétendue in
compatibilité entre elles et l’adoption de l'enfant naturel; enfin, on
a essayé de justifier par des considérations de morale et d ’ordre
public cette prohibition si laborieusement établie.
Nous suivrons l’objection dans chacune de ses branches et nous
d ém ontrerons q u ’elle n’est pas plus fondée en fait q u ’en -d ro it, en
droit qu’en morale.
Et d ’a b o r d , quant à l’autorité de la discussion que nous avons
rappelée.
.
•
.)■
.
"
•
O n dit :
1° Rien ne garantit l’authenticité des procès-verbaux rapportés
par Al. Locré ; •
r'
*•2° Dans tous les cas, la séance où fut'repoussé l’article pro
�hibitif de l’adoption des enfans naturels n’était qu'une 'petite séance;
3° Plusieurs faits te n d e n t’à d é m o n tre r que le conseil serait re
venu depuis sur sa première opinion;
4° Enfin, le corps législatif n’ayant connu que les procès-verbaux
imprimés, a dû voter la loi en lui donnant le sens que ces procèsverbaux semblaient lui attribuer.
. Quant au p rétendu défaut d’authenticité : il nous suffit de répon-,
dre que les m inutes de ces procès-verbaux sont aux archives du
conseil d'Etat, où chacun peut les vérifier; elles sont revêtues de
la signature de M. Locré, alors secrétaire-général.
La seconde objection, qui distingue les séances du conseil d ’É lal
en grandes et. petites séances', appartient à M. le procureur-géné
ral Mourre. C ’est lui q u i , le 14 novembre 1815, ayant, à donner *
des conclusions sur un pourvoi forme contre un a rrê t non motivé,
qui avait refusé d’autoriser une adoption d’enfant »naturel, saisit,
cette occasion pour attaquer la validité de ces adoptions, et prétendit-que, quatre membres seulement ayant pris la parole dans la
séance du 16 frimaire an X , c’était bien ce que l’on pouvait appeler
une petite séance.
Nous ferons d 'ab o rd r e m a rq u e r , avec M. Merlin ( Additions
au Répertoire publiées en 1824, voir Adoption), « q u ’il ne résulte
« pas de ce que q u atre membres du conseil d ’Etat seulement ont
« parlé à cette séance s u r la question, que cette séance lut moins
« nombreuse que les autres; encore moins qu’il ne s’y trouvât que
« quatre conseillers d ’E tat, nom bre infiniment au dessous de,cel:ii
« qui était nécessaire pour qu’une délibération pût s’établir. »
Nous ajouterons que la lecture du procès-verbal auth entiq ue de
la séance dont il s’agit, prouve clairement que dix-huit m e m b re s '
au moins y assistaient, puisque dix-huit personnes y ont pris la pa-'"
rôle sur les diverses questions qu’on y a traitées.
•
�M. Mourre s’est donc trom pé et en fait et en droit.
La troisième objection consiste h dire que le conseil d ’Etat serait
revenu, en l ’an XI, sur l’opinion favorable à l’adoption des enfans
naturels q u ’il avait manifestée au commencement de l’a n X , et, pour
établir ce changement d’opinion, on invoque:
1° La circonstance que les procès-verbaux qui constataient l’o
pinion favorable aux enfans naturels o n t été supprimés du Recueil
officiel;
*2° Quelques mots prononcés par M. Treilhard dans la séance du
2 7 brum aire an XI ;
3° Une phrase de l’exposé des motifs présenté par M. Berlier.
Cette objection, plus spécieuse que les autres, lorsqu’on ne l’ap
profondit pas, ne résiste point à un examen attentif.
Quant à Vomission des procès-verbaux : alors même qu’elle n'au
rait porté que s u r ceux qui traitaient spécialement de l’adoption
des enfans naturels, on serait encore peu fondéà y voir une preuve
d ’un changement d ’opinion du conseil. C’est en elfet un procédé
assez inusité dans les assemblées délibérantes, pour constater un
changement d ’opinion, que d’om ettre certains procès-verbaux dans
le Recueil imprimé. L’usage et la raison veulentque ccchangement
soit constaté par les procès-verbaux de la séance où il s’est
manifesté.
Mais l’ob ection tombe complètement devant ce fait qu’on a omis
dans le Recueil, n o n ,p as spécialement les quatre procès-verbaux
relatifs à l ’adoption des enfans naturels; mais vingt et un procès-ver
baux relatifs à toutes les matières du prem ier livre du Code civil
sans d is tin c tio n , c’est-à-dire les procès-verbaux de toutes les
séances tenues par le conseil d ’É tat depuis le 24 brumaire an X ,
jo u r où l’on décida que tous les procès-verbaux antérieurs seraient
imprimés, ju s q u ’au 22 fructidor an X, jo u r où l’on reprit la discus
sion du Code civil après les conférences avec le tribunal.
�M. Locré explique (dans sa législation civile et commerciale,
t. 1er, p. 91), les causes de cette lacune. — D’une part, Napoléon
craignit, surtout après la levée de boucliers du tribunal qui avait
amené la suspension des discussions du Code civil, de livrer aux
commentaires du public les paroles par lesquelles il av ait, dans la
discussion s u r le divorce et sur Je principe de l’adoption, laissé
percer, devant les membres du conseil d ’É ta t, ses préoccupations
sur l’avenir de sa dynastie; — d’a u tre part, ce but même se fut trop
clairement révélé, si les seuls procès-verbaux relatifs au divorce et
à l’adoption eussent été omis ; et, en conséquence, on prit prétexte
de la révision a laquelle donnaient lieu les prem ières conférences
avec le trib u n at, pour ne faire partir l’impression du 2me vol. du
recueil que du procès-verbal de la séance du 22 fructidorvan X ,
•dans laquelle celte révision avait été commencée.
On voit que la mesure était générale, et n’avait nullem ent pour
cause un changement d’opinion du conseil sur telle ou telle ques
tion spéciale.
Mais il y a p lu s; en ce qui concerne l ’adoption, la discussion im
primée a cela de particulier qu’elle se réfère de la manière la plus
formelle à la discussion inédite.
Un effet, le procès-verbal du 27 brumaire an XI (lequel est im prim é), s’ouvre par la présentation du titre de l’adoption par
Berlier, rapporteur. Aucun article prohibitif de l’adoption des enfans naturels reconnus ne figure dans cette rédaction, conformé
ment à la décision prise dans la séance du 1G Irimairc an X.
« Le citoyen Berlier fait o b server, ajoute le procès-verbal, que
« cette rédaction a paru à la section de législation rendre assez
« exactem ent les idées résultant de la discussion établie sur celte
m atière d a n s je s séances des (i, 14 e t . IG f r i m a i r e , et 4 nivôse
« d e r n ie r . »
,,,
,
Il est donc bien évident que loin de vouloir effacer les discussions
i
i
�antérieures sur l’adoption, la section de législation s’était appliquée
à en reproduire l’esprit.
Ce premier argument esl donc complètement dénué de fonde
ment.
Q uant aux paroles de M. Treilhard, une courte explication suf
fira pour réduire à leur ju s te valeur les inductions que l’on
prétend en tirer.
Dans la séance du 27 brum aire an X I, M. T reilhard, répondant à
une objection q u ’on avait souvent faite à l’infetitution du divorce ,■
mais qui ne se reproduisait p l u s ‘dans le sein d u conseil d’E t a t,
parce q u ’elle y avait été Pôbjet d'une discussion, spéciale et d’une
solution définitive, s’exprima ainsi : « L ’inconvénient d é c o u v r i r
« les avantages q u 'u n père veut faire à ses enfans naturels n’a rien
«
«
€
•
de réel. En effet si les enfans sont re c o n n u s , ils ne peuvent être
adoptés; s’il ne le sont pas, le u r origine est incertaine. Pourquoi d’ailleurs l ’auteur de leurs jo u rs serait-il privé de réparer
a i quelque m anière le vice de leur naissance?»
Le regret q u ’exprim ait M. Treilhard de ce que la reconnaissance
mettait obstacle à l’ad o p tio n , s’explique par cette circonstance que
M. Treilhard n’était entré au conseil d ’E tat que le 22 fructidor
an X , et q u ’il ign orait, comme le fait rem arquer M. M erlin, ce
qui s’y était passé dans lé mois de frimaire de la même annce. Mais
la discussion ne pouvait plus s’engager s u r ce point; la question
était épuisée et résolue. Aussi personne, dans cette séance du 27
brum aire an X I, n ’avait fait l’objection à laquelle M. Treilhard ré
pondait, et il y eut comme un accord tacite po ur ne pas le suivre
sur le terrain où il croyait devoir porter le débat. Il aurait suffi d’un
m o t pour le m ettre au fait de ce qui c’était passé avant son entrée
au conseil, et pour lui faire connaître que le désir q u ’il avait ex«
■ primé se trouvait déjà satisfait.
' Il n’y fci donc là q u 'u n incident de discussion, comme il s’en
�-
31
_
prod uirai souvent” clans toutes les assemblées délibérantes.* Si le"
conseil avait eu l’intention de ¡revenir sur sa première décision,
certes les paroles de M. Treilhard lui fournissaient l’occasion de
s’en exp liquer; si personne ne les a relevées, ni dans un sens , ni
dans l’autre, c’est que tout le m onde savait, excepté lui, que la
question était résolue.
Arrivons m aintenant à la troisième objection, prise des paroles
de M. Berlier.
On lit dans l’exposé des motifs du titre de l’adoption : « Cette
« ôondition des services préalables (rendus à l’adopté pendant sa
« minorité' a paru si essentielle dans le principe du co n tra t, et si
« heureuse dans ses effets, q u ’on n ’a pas cru devoir en dispenser
« l’oncle vis-à-vis du n e v e u , comme cela était demandé par quel«• ques personnes. »
Comment a d m e ttre , dit-on, q u ’on n ’ait pas reclamé en faveur
du père ou de la m ère, à l’égard de leur enfant, la dispense quron
réclamait en faveur de l’oncle ?
5‘ La' réponse est bien simple: c’est que les: motifs qui pouvaient
exister en faveur de l’oncle, n ’existaient pas en faveur-du père
naturel.
■
L’oncle, en effet, n ’a légalement aucune obligation à remplir'envers son neveu, su rto u t si celui-ci a conservé son père et sa mère.
On ne peut donc pas, lorsqu’il se présente pour adopter son neveu
devenu majeur, lui faire un reproche de ce qu’il ne lui aurait pas
rendu pendant sa minorité des services dont celui-ci peut-être n’a
vait pas besoin. Mais en est-il ainsi du père et de la mère naturels?"
Le premier et le plus sacré de leurs devoirs, n ’est-il pas de su r
veiller, de nourrir, de protéger leur enfant, surtout pendant la
période de sa vie où il a le plus besoin de leurs secours et de leur
surveillance? De quel droit, s’ils ont manqué à ce devoir, vien
draient-ils demander à la justice la faveur d’être admis à l’adopter?
�Parmi les partisans de l'adoption des enfans natu rels, il n ’est per
sonne qui prétende faire de cette adoption un droit pour le père ou
la mère. Cette adoption perdrait son caractère d ’utilité et de m o
ralité, si elle cessait d ’être une faveur accordée seulement en ré
compense de l’accomplissement de tous les devoirs. Que la recon
naissance soit un droit, rien de plus simple, elle ne fait que constater
un fait dont la vérité est indépendante du plus ou moins de mora
lité des individus. Mais l’adoption n ’est un droit pour personne.
La loi n e la perm et qu’à celui q u i , par sa conduite, a donné des
gages à la société; qui, par ses bienfaits, a donné des gages à l’en
fant. Si donc quelqu’un devait être rigoureusement astreint à la
condition des services préalables , c’était le père ou la mère natu
rels ; de leur p a rt, ces services ne sont pas un bienfait, mais le
paiement d’une dette. Les en dispenser, c’eut été les dispenser
d ’accomplir un devoir.
Ainsi, le trib u n a ta p u , sans inconséquence, réclam er pour l’oncle
une faveur qu’il ne pouvait pas réclam er pour le père naturel.
L’argum ent q u ’on tire des paroles de Berlier dans l’exposé des
motifs, pèche donc p a r sa base.
« Reste cnün la quatrième objection, tirée de ce que le défaut de
« publicité des procès-verbaux relatifs à l’adoption des enfans natu« rels n ’a permis au corps législatif de voir le titr e d e l’adoption que
« tel q u ’il était conçu; que par conséquent il a dû le considérer comme
<t renferm ant, de la part du conseil d’état, des indices non équivoques
« de l’intention de ne pas p erm ettre l’adoption des enfans naturels ;
« et que des lors rien ne garantit q u ’il l’eùt décrété, s ’il l ’eut cru ré« digé dans un au tre sens, «
Cette objection appartient à M. Merlin, et elle seule a motivé son
changem en t d ’opinion en 18 2 i. (Açldit. au Répertoire, v°Adopiion.)
.. Mais com m ent adm ettre que, su rto u ta p rè s les conférences du tri.
Inmat avec la s e c tio n n e législation du conseil d ’Elat, les membres
�— 39 —
du corps legislalif aient pu ignorer la solution donnée par le conseil
à la plus importante des questions que soulevait le titre soumis à son
examen? Et, quand même on l’adm eltrait, comment penser que le
corps législatif ait pu croire qu’il proscrivait l'adoption des enfans
naturels en votant un titre qui posait en principe général la fa
culté d ’ad o p tio n , et ne faisait pour eux aucune exception au droit
commun ?
Ainsi, l’au torité des discussions que nous avons rapportées reste
entière; rien n ’appuie l’opinion que le conseil d ’Etat soit revenu su r
sa première décision toute favorable à l’adoption des enfans naturels;
tout dém ontre, au contraire, q u e , reg ard an t ce point comme défini
tivement résolu, il n’a pas voulu le soumettre à une nouvelle discus
sion.
Aussi n o us sera-t-il aisé d ’établir (et nous entrons ici dans la
seconde partie de l’objection), que rien n ’est plus chimérique que
la prétendue incompatibilité que l’on croit voir entre l’adoption des
enfans naturels et quelques dispositions du Code civil.
Cette incompatibilité, on la cherche dans deux ordres de disposi
tions :
I o Celles relatives aux enfans naturels;
2° Celles relatives à l’adoption.
Occupons-nous d ’abord des premières.
L’objection que l’on prétend tirer de ces dispositions consiste à
dire que l’adoption de l’enfant naturel aurait p o u r résu ltat d ’é lu
der à la fois, et celles qui ont p ou r bu t de placer l’enfant natu rel
dans une position inférieure à celle qu’il aurait eue s’il eût été légi
time, elles prohibitions par lesquelles le lé g islateu rav o u lu leréd u ire
à une position moins favorable que la position même d’u n étranger.
En effet, dit-on, quant à la différence entre l’enfant légitime et
l’enfant, naturel, elle se trouve établie par les art. 3 3 8 ,7 5 6 et 757.
�L’art* 33§ porte : « L’enfant natu rel reconnu ne pourra réclame^
« les droits d’enfant légitime. Les droits des enfans naturels seront
« réglés au titre des successions. »
On trouve ensuite, au titre des s u c c e s io n s , les art. 756 et .757 r
d o n t le premier p o rte: « Les enfans natu rels ne son t point héri■ tiers ; la loi. ne leur accorde de droits s u r les biens de leurs père et
« mère décédés que lo rsqu’ils o n t été légalement reconnus. Elle ne
« leur accorde aucun droit su r les biens des parens de leurs père et
« mère. » E t dont le secoqd règle à, une p a r t moindre que celle de
l'enfant légitime, la p a rt de l’enfant naturel dans la succession du.
père ou de la mère qui l’ont reconnu.
.
j,
>D’autre part, d ’après l’article 908, l’enfant n a tu re l’« ne peut par
« donation e n tre vifs ou par testament, rien recevoir au delà de ce
« qui lui est accordé au litre des successions. •
r *Or, ajoute-t-on, l’adoptioir ayant pour effet de rendre l'enfant
naturel héritier de son père et de lui co nférer capacité pour recevoir
tout ce qui po urrait ê tre donné, soit à un enfant légitime, soit à un
étranger, le do ub le but de la loi se trouve m anqué, si le père n a tu
rel peut adopter son enfant. Ou l’adoption viole l’art. 908, si elle est
un con trat à titre g ra tu il;o u bien,elle l'élude, si elleest un contrat
à titre onéreux. Dans l’un et l’a u tre cas, l'art. 911 la frappe de
nullité.
Nous répondrons à la foisaux deux parties de l’objeelion.
Nous laissons de côlé les argumens que pourraient fournir les
textes mêmes q u ’on invoque. Nous ne voulons pas faire rem arquer
que l’adoption n ’est ni une donation entre vifs, ni un testam ent, et
q u ’elle n ’a pas pour effet de conférer les droits d ’enfant légitim e,
puisqu’elle ne donne q u ’un père ou une mère, sans donner une fa
mille, comme le ferait'la légitimation.
Nous ne voulons pas davantage faire rem a rq u er que ce n ’est pas
dans les lois qui n ’ont pour but que de régler la dévolution des’
�Biens q.i’il faudrait aller chercher, à l’aide d ’inductions, une prohi
bition relative à un changement d 'é t a t , et que si elle n’est pas écrite
dans les lois sur les personnes, c’est qu’en réalité elle n ’existe pas.
Deux réponses plus catégoriques nous paraissent pouvoir être
faites à l’objection.
1° Cette objection ne s’appliquerait qu’à u ne partie seulement
des enfans naturels.
En effet, certains enfans naturels ont capacité pour recevoir,
soit par surcession, soit par donation entre vifs, soit par testament,
la totalité des biens de leur père ou de leur mère; ce sont ceux qui
ne se trouvent en présence d’aucun parent au de£ré successiblc. A
ceux-là, bien évidemment, on ne pourrait pas opposer que les p r o
hibitions légale^ vont être indirectement éludées par l’ad o p tio n ,
p u isq u ’aucurie prohibition légale n e pèse s u r eux. Si donc la ques
tion d ’adoption devait, comme on le prétend, être résolue d ’après les
articles dont on cherche h se prévaloir, il faudrait adm ettre que cer
tains enfans naturels peuvent être adoptés quoique reco n n u s, et
que d ’autres ne le peuvent pas, et que l’incapacité dépendra de la
qualité des parens de leur auteur. A coup sur nos adversaires, qui
prétendent étayer l e u r système par des considérations de morale et
d ’ordre public, repousseraient eux-mêmes cette singulière transac
tion. Donc les argumens tirés des prohibitions relatives à la dévolu
tion des biens, manquent de portée, et ne peuvent servir à r é
soudre la question de princip e, p uisq u’ils ne s’appliqueraient qu’à
certains cas spéciaux.
,
La successibilité, d ’ailleurs, n’est qu’un des effets de radoptiojq,
et ne saurait être confondue avec l’adoption elle-même. Cela est
si vrai que l’adoption peut être interdite, même dans des cas où la
successibilité existerait ; comme l’a décidé la C o ur de cassation en
jugeant, le 5 août 1823 et le 7 ju in 1826, q u ’un étran g er ne peut
jamais être adopté p ar un Français, quoiqùe admis à lui succéder
depuis l’abolition du droit d’aubaine.
6
/
�— 42 —
2° Les articles q u ’on veut opposer n’onl nullem ent le sens qu’on
leur prête.
.
,
,
Sans doute, l’enfant naturel, tant qu il garde ce titre, reste frappé
des prohibitions portées par les art. 767 et 908, et toutes les fois
q u ’il invoquera ses droits d'enfant naturel il les tro uv era restreints
par ces prohibitions.
Mais ces prohibitions q u i limitent les droits dans un certain état
l'empêchent-elles d’acquérir un état nouveau qui lui confère dési
droits plus étendus?
Voilà la véritable question.
O r, cette question est positivement résolue par la loi elle-même.
Non, le vice de naissance de l’enfant naturel n’est pas indélébile;
— non, la loi ne s’oppose pas à ce q u e de l'état d'enfant naturel il
passe à un état plus clev é; — non les prohibitions des a rt. 757 et
908 ne l’em pêchent pas de devenir héritier et de recueillir tous les
biens de ses auteurs, soit par succession, soit par donation, dès
qu’il ne les recueille plus à l’état d ’enfant naturel. — C’est ce qu e
le'C ode répond lui-même à la question posée, en perm ettant la
légitimation.
Ainsi, l’enfanl naturel n ’est pas irrévocablement attach é à son
état d’enfant naturel ; — ainsi, il peut acquérir un état nou
veau; — ainsi d a n s ce nouvel état il est dégagé des re s tric
tions et des incapacités qu'il subissait dans son étal d ’enfant
naturel, sans q u ’on ait îi se dem ander si la légitimation con
stitue u n co n tra t à litre gratuit ou à titre o n éreux , et si elle viole
ou élude des prohibitions q u ’en réalité elle ne viole ni n ’élude, par
la raison q u ’elle les anéantit de plein droit.
C ’est là la différence essentielle et radicale qui sépare l’enfant
naturel de l’en fan t adultérin et in cestueux, à qu i l’a rt. 331 refuse
�— 43 —
la faculté de légitimation, q u ’il accorde au contraire à l’enfant na
turel, interdisant ainsi à l’un une sorte de réhabilitation dont ¡1
ouvre l’accès à l’autre.
Cela posé, il est manifeste que, lorsque l’enfant naturel voudra
s'élever de cet état à im état plus honorable, on ne sera pas admis
à lui opposer que l’état auquel il aspire dev an t avoir p o u r effet de
lever les prohibitions dont il é tait frappé dans son élat d ’enfant
n a tu re l, ces proh ib itions m e tten t obstacle à un changem ent de
position. Il répondrait avec raison q ue si celle objection était fon
dée, elle s ’opposerait à la légitimation tout aussi bien q u ’à l'adop
tion, l’une ayant, to u t com me l ’autre, pour résu ltat de le sous
traire à ces prohibitions ; et q u ’une fois établi que ces prohibitions
disparaissent devant un changem ent d ’état, il ne s’agit'plus que de
savoir si d ’autres raisons s’o pposent à ce changem ent d'état^, —
mais q u ’évidemment ce n ’est pas dans les prohibitions elles-mêmes
q u ’il faut chercher la raison de re n v e rs e r l’état d o n t elles ne sont
q u ’une conséquence.
■’
!1,
. *>if’L
Au surplus, l’enfant naturel, en raiso nn ant a in s;, ne ferait que
r é c la m e r'l’applicalion du principe général qui permet de se rele
ver par un changem ent d ’é la t des incapacités do nt on^peut être
frappé. La Cour suprêm e a fait l’application réitérée de ce prin
cipe, en décidant le 11 janvier 1820(Dalloz, 20, 1, 65), et le
21 août 1822 (Dalloz, 22, 1, 482), .quelle médecin qui épouse
sa malade p en d a n t le cours de sa d ernière maladie, se relève, par
ce ch an g em en td ’état, de l'incapacité dont il est frappé par Kart.909
du Code civil, el devient ainsi capable de recevoir de sa malade
une donation à titre universel. Le médecin à la vérité n ’est re
levé q u ’a u tan t que le ch a n g e m e n t d’étal, n’a pas élé opéré par
lui dan9 le but unique d ’éch a p p er a la prohibition, mais on co m
prend que, devant la C o u r su p rêm e, cette question ne peut pas
�même être soulevée en ce qui concerne l'enfant naturel, le motif
qui a fait dem ander l’adoption étan t-p résu m é légilime, par cela
seul que la Cour royale, qui seule était appelée à l'a p p ré c ie r, a
cru devoir autoriser l’adoption.
Que si, m aintenant, on oppose que la légitimation a été permise
p^r une disposition expresse delà loi,— et q u ’il n ’en est pas de même
.de l’adoption, — nous répondrons par celte raison bien simple que
la légitimation ne pouvant s'appliquer q u ’aux enfans naturels ex
clusivement, il fallait bien q u ’une disposition spéciale vint l’auto
riser pour eux, tandis que l’adoption pouvant s'appliquer et à eux
e t à d’autres, il suffisait q u ’ils ne fussent pas exclus de la disposi
tion générale p o u r qu'ils y fussent com pris.
Que si l’on objecte que les motifs qui ont pu décider le législa
te u r à p erm ettre à ,l’enfant naturel d’a rriv e r à un m eilleur état par
la roie,de la légitimation, ne militaient pas en faveur de l’adoption,
— nous répondrons que le débat sur ce p o in t appartient à l’o r
d re des considérations morales que nous allons examiner tout à
l’heure, et que, q u ant à présent, ne répondant qu’à l’objection
puisée dans les dispositions du Code qui restreignent les droits
des enfans naturels, il nous suffit d ’avoir dém ontré q u ’en principe
ces restrictions ne s’opposent pas à un changem ent d’état, et que
c’est ailleurs, par conséquent, q u ’il faut aller ch e rc h e r les raisons
qui pourraient mettre obstacle à l’acquisition de tel état en parti
culier.
En résumé sur ce point, l’objection tirée dés art. 767 et 908 est
sans p o rté e , et comme applicable à certains enfans naturels seule
m e n t, et comme n’attaq u an t q u ’un des effets de l’adoption au lieu
d’attaq u er l’adoption elle-même, et, de plus, elle est sans fonde
m e n t, comme opposant à un changement d ’état des restrictions
q u e la loi fait disparaître avec l’état ancien d o n t elles étaient la
conséquence.
�Ainsi aucune incompatibilité entre ces restrictions attachées à
l’état de l’enfant n atu re l, et le changem ent d'état qui doit l’y sous
traire.
Abordons maintenant la deuxièm e partie de l’objeclion, — celle,
qui prétend tro u v er une incompatibilité entre l’adoption de l’en
fant naturel et les dispositions du Code civil relatives à l’adop
tion en général.
Celte incompatibilité résulterait, suivant nos adversaires, —
1° des conditions de l’adoption; — 2° des effets que la loi y attache.
Quant a u x conditions : com m ent ad m ettre , dit-on, que la loi
n ’ait pas dispensé'le père natu rel des conditions d’âge, de services
préalables, de moralité q u ’elle imposait aux autres adoptans ?
Nous avons déjà répondu en discutant les paroles de M. Berlier
au corps législatif. Non seulement le législateur, posant les c o n
ditions générales de l’adoption, n ’a pas vu de motifs suffisans pour
en dispenser le père n atu rel,— mais il a vu des raisons particulières
pour l'y soumettre. Il n’a pas voulu faire de l’adoption un d ro it,
mais une récompense.
Quant aux effets de l’adoption: ils sont presque to u s, dit-on, ac
quis à l’enfant naturel par le seul fait de la reconnaissance. Le nom ,
il le porte; les aiimens, il les doit; les prohibitions de mariage , elles
existent. Le seul effet que l’adoption puisse produire , c’est donc la
successibilité.
Nous répondront que dans l’énumération des effets produits par
l’adoption, on oublie le plus important de to u s , et le plus précieux,
sans aucun doute, pour l’enfant naturel ; c’est-à-dire, le passage d’un
étal réprouvé et flétri par la loi à un état honorable el respecté. La
successibilité elle-même peut être acquise à l’enfant naturel avant
l’adoplion; c’est ce qui aura lieu toutes les fois que son père n’aura
pas de parens au degré successible. Qui oserait dire que, dans ce cas,
l'adoption serait sans-intérêt pour l’enfant naturel ?
�— 46 -
L ’argument qu’on prétend tirer contre l’adoption de ce q u ’une
partie de ses effets se trouve acquise par avance, argument déjà si
faible par lui-même, pèche donc par sa base et manque en fait. L ’a
doption a pour l’enfant naturel un intérêt de plus que pour tout
autre ; un intérêt qui subsiste alors même qu’il n ’a pas besoin de l’a
doption pour acquérir la successibilité.
Les prétendues incompatibilités entre l’adoption de Tentant na
turel et les dispositions du Code civil, relatives soit aux droits des
enfans naturels , soit aux conditions et aux effets de l’adoption en gé
néral , sont donc purement imaginaires. Ces dispositions n’ont rien
qui ne se concilie parfaitement avec l’intention manifestée par le lé
gislateur de permettre celte adoption,el nulle inconséquence ne s a u
rait lui être imputée.
Nous pourrions nous arrêter là ; car, après avoir démontré que i’adoption des enfans naturels a pour elle, et le droit commun , et la vo
lonté spécialement manifestée du législateur, nous avons suffisam
ment justifié le rejet du pourvoi.
¡Mais nous ne voulons pas laisser peser sur l’adoption des enfans
naturels le reproche d’immoralité q u ’on lui adresse.
Ce reproche peut se formuler ainsi :
La possibilité pour le père naturel d’adopter son enfant, aura ce
triple résultat :
1° De pousser au désordre par la perspective d ’une réparation fa
cile el assurée ; ;
j
2° La faute une fois commise, de détourner du mariage et même
de la légitimation, par l’espoir d ’avoir les jouissances de la famille
sans en supporter les charges;
■ 3° Enfin , l’adoption une fois faite, de porter atteinte à l’institution
uième du mariage, en m ontrant à tous l’enfant naturel placé sur le
même rang , jouissant des mêmes prérogatives que reniant légitime.
Nous n’hésitons pas à dire que rien n’est moins fonde que ce triple
�reproche, el que la morale, loin de condamner l’adoption des enfans
naturels, y est au contraire toulè favorable.
■ i!
■ i
Elle encouragerait le désordre, dit-on, par la perspective d’une
réparation facile et assurée?
Peut-être concevrions-nous ce reproche, si, au lieu de s’adresser à
la disposition de la loi qui permet au père naturel d’adopter son en
fant, il s’adressait à celle qui'lui permet de le légitimer.
1
Peut-être alors, en effel, serait-on en droit de dire que le désordre
pourra naître de la possibilité même de le réparer sur-le-champ; que
quiconque reculera devant un lien indissoluble, ou même rencon
trera un obstacle momentané à un mariage désiré, formera provisoi
rement une union illégitime q u ’il dépendra toujours de lui de régu
lariser ; que le fils auquel le consentement paternel aura élé refusé,
pourra , s’il peut se flatter de réhab ilitera son gré des relations con
damnées par la loi, vouloir attendre dans le concubinage l’âge où la
loi lui permettra de se passer de ce consentement ; et que le désordre
amenant le d é g o û t, la légitimation ne viendra pas rép arer le mal que
la perspective de la légitimation aura produit.
Nous concevrions ces reproches adressés à la légitimation. Pour
quoi ? C’est que, là, la réparation peut venir immédiatement après la
faute ; c’csl que ceux qui vivent dans le désordre peuvent se dire que
d em ain , aujourd’h u i , s’il leur p la ît, leur position sera régula
risée par leur volonté seule, et sans que personne y puisse mettre
obstacle. C’est, enfin, que cette pensée peut entraîner aisément à
des désordres qui n’emportent avec eux (le conséquences fâcheuses
qu’auLuil q u ’on veut bien accepter ces conséquences.
C ’est précisément cette facilité de réparation el la crainte du d a n
ger q u ’elle entraîne qui a déterminé le législateur à interdire au père
naturel l’espoir de réparer sa faule par des libéralités envers son
enfant.
Mais le danger q u ’aurait présenté la faculté pour le père de donner
�—
48
—
tous ses biens à son enfant n a tu re l, et qui la lui a fait interdire ; ce
danger q u ’offrait la perspective de la légitimation, et qui cependant
n’a pas empêché le législateur de la perm ettre, existe-t-il dans la
perspective de l’adoption ?
N on, évidemment. Quel est l’h o m m e, en effet, qui se senti
rait encouragé au désordre par la perspective si lointaine d ’une
adoption soumise à des conditions si rigoureuses? Cette adoption,
il ne sera peut-être pas en son pouvoir de la consom m er; car les
conditions légales l’assujettissent à des éventualités de plus d’une
nature; à l'autorisation des tribunaux, dont le pouvoir discrétionnaire
peut l’interdire sans même motiver ce refus; aux délais nécessaires
pour que l’adoptant ait 50 a n s , et que l’adopté soit majeur, ce qui
met au minimum à peu près 22 ans entre la réparation et la faute!
On objecte que le père emploiera la voie de la tutelle officieuse,
et pourra ainsi conférer à l’enfant l’adoption par testament même
''
pendant sa minorité.
Mais, p our dem ander la tutelle officieuse de son en fan t, il fau
drait que le père attendît d’avoir lui-même 50 a n s , et q u ’à ce mo
ment, l’enfant n ’eut pas encore atteint 15 ans (art. 3 6 f et 3 6 4 );
il faudrait, de plus, que le père attendît encore 5 ans après le jo u r
où la tutelle lui aurait été conférée, pour adopter l’enfant par acte
testamentaire (art. 366). Et tout cela pourquoi? P o ur rester encore
ju sq u ’à la majorité de l’enfant, non pas dans la position d’un pèré
adoptif, mais dans la position d’un tuteur officieux, qui a bien con
tracté des obligations envers son pupille, mais qui n’a acquis sur lui
aucun d r o it, puisqu’il suffit d’un caprice de l’enfant, à sa majorité,
pour repousser l’adoption , objet de tant de soins et de sacrifices!
De bonne foi, est-ce bien dans cette perspective si lointaine, sou
mise à tant d ’éventualités et d’inquiétudes, au pouvoir discrétion
naire des tribunaux , au caprice de l’en fan t, qu’on prétend trouver
un encouragement au d é s o r d r e ?
�— 49 —
Non , sans doule ; celte perspective préviendrait la faute au lieu
d ’y pousser, si les passions pouvaient prévoir et calculer.
Nous avons donc le droit de dire que l’éloignemenl et la diffi
culté de l’adoption sont plus faits p o u r détourner de la faute que
pour encourager au désordre. L’affection du père s’effraiera plus,
sans aucun doute, des épreuves et des éventualités de l’avenir
q u ’elle ne se rassurera par l’espérance de réaliser un acte soumis à
tant de chances.
Ainsi le danger auquel la prohibition veut parer n ’existe pas.
Mais nous ajoutons q ue, si le danger existait, il faudrait y c h e r
cher un autre remède que la défense d ’adopter les enfans naturels
reconnus.
Le système des adversaires, en effet, frappe h côté du b u t q u ’il
veut atteindre.
Si la possibilité d ’adopter son enfant naturel doit multiplier le
nombre des naissances hors mariage, c’est cette possibilité qu’il
f’auL faire disparaître de la loi.
Mais pour arriver à ce but quel moyen prendre ?
Est-ce, comme on le propose, de proscrire l’adoption de ceux
des enfans naturels qui auraient été reconnus antérieurement par
l’a d o p ta n t?
Evidemment n o n ; le moyen d’éluder la loi serait tro p simple;
pour se conserver la possibilité de l’adoption, on rie ferait pas la
reconnaissance.
Cela fut compris par tout le monde au conseil d’Etal. Aussi un
ou deux orateurs, plus conséquens que nos adversaires avec le
principe d’où ils parlaient, proposèrent-ils de défendre l’adoption
de tout enfant dont le père et la inèrc ne seraient pas connus. C’est
là, en réalité, le seul moyen d ’em pècherun père naturel d ’adopter
son en fan t; c ’est, par conséquent, le seul moyen de décourager le
désordre qu’exciterait, dit-on, la perspective de l’adoption.
Proscrire seulement l’adoption des enfans reconnus, c ’est per7
�— 50 —
mettre l’adoption ap père n aturel, à la condition q u ’il ne reconnaî. tra pas son enfant; c ’est punir la reconnaissance quand on voulait
.punir la paternité elle-même; c’est, en un m ot, laisser à la faute la
perspective qui l’encQurage, en frappant à coté d’elle l’acte de ré
paration c|u’on devrait seul encourager!
Mais ce système, s’il était conséquenlvavec lui-mème, avait le tort
d ’être en contradiction directe avec deux principes qu’admettait
la majorité du conseil d ’état. D’une part, en effet, c'était précisé
ment l ’adoption des enfans sans parens connus qu’elle voulait fa
voriser et propager; d ’a u tre part, loin de voir u n inconvénient et
un danger dans la possibilité pour un père naturel d ’adopter son
enfant, elle n’hésitait pas h y voir un acte digne d’encouragement
et de faveur. « Il serait heureux, disait Napoléon, que l’injustice
« de l’homme qui, par ses déréglemens, à fait naître u n enfant
« dans la honte, p u t être réparée sans que les m œ urs fussent bles« sées ; le moyen ingénieux de les faire succéder comme enfans
« adoptifs, et non comme bâtards, concilie la ju stice et l'intérêt
« des m œurs.» Aussi la majorité se récria-t-elle contre la proposi
tion qui fut en conséquence repoussée.
Le législateur a témoigné par là q u ’il désirait, loin de la crain
dre, l’adoption des enfans naturels par leur père, et q u ’il y voyait,
au lieu d ’un encouragem ent au désordre, la réparation d ’une in
justice.
La morale q u ’invoquent les adversaires est donc précisément cv
qui co n d am n e leur système.
Abordons maintenant le deuxième reproche.
La faute u n e fois commise, dit-on, la faculté d’adopter son e n
fant naturel aura pour résultat de détourner et du mariage, cl
même de la légitimation?
D’abord, en ce qui concerne le mariage, nous dem anderons si
la société doit d ésirer q u ’un homme qui a déjà un en fan t naturel
�cherche à co ntracter un mariage qui le placera entre la nécessité
d ’exclure cet enfant de sa maison, et le danger de le faire asseoir à ,
sa table avec sa femme et ses enfans légitimes.
Quant à la légitimation, de deux choses l’une :
On bien la légitimation sera possible, et alors les tribunaux n’au
toriseront pas l’adoption.
O u bien, la légitimation sera devenue impossible par la m'ort ou
par le mariage soit du père, soit de la mère, ou dangereuse par l’inconduile de l’un o u d e l ’autre ; alors la voie de l’adoption resieseule,
et dans toutes ces circonstances l’objection est sans fondement.
Reste, enfin, le troisième reproche, q u i consiste à dire que ce se
rait porter atleinle à l’institution même du mariage, que de pré
senter à la société un enfan t naturel élevé au rang et investi des
prérogatives de l’en fan t légitime.
’ ’ 1‘
Nous avons déjà signalé dans le co urs de la discussion la co n
fusion dans laquelle on tombe ici.
O n semble croire que la tache de la naissance est indélébile,
et on oublie que la loi elle-même perm et d e ^ ’effacer par la voie de
la légitimation, et d ’élever ainsi réellement les enfans naturels au
ra n g d’enfans légitimes, en leur donnant une famille, avantage,,
(pie n’a pas l’adoption.
O u i, dit-on, mais la légitimation elle-même est un hommag^
rendu à l’institution du m ariage, tandis que l’adoption est un
moyen de s’y soustraire en se donnant pourtant toutes les jo u is
sances de la paternité.
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« . •
i t i r • j < I i i *i
Nous avons ré p o n d u : Toutes les foi$ que la légitimation sera
possible, l’adoption sera refusée.
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A ces argumens qui tro uv ent leur réfutation dans la loi
même, nous pouvons opposer une considération qui a été aussi* si
gnalée au conseil d’Elat, et qui suffirait, suivant nous, p p u r(rç1
'IMll
h".
• . l l l l l ! » 1|||
)
�pousser le système que nous com batlons; c'est qu’il au rait po ur
conséquence d’em pêcher les reconnaissances d ’enfans naturels.
La défense d ’ado pter son en fan t se trouvant, en eiîet, dans ce
système, devenir la peine de la reconnaissance, on ne reconnaîtra
pas l’enfant, afin de se réserver la chance de l’adoption.
Cependant, l’o rd re public est intéressé de près à ce que le plus
grand nom bre possible d’enfans naturels soit reconnu.
L’enfant, qui n ’a point de parens, est exposé à tous les dangers
et à tous les vices; personne n ’a intérêt à le défendre et à le guid er,
car ses m alheurs et ses fautes n’atteignent et ne com prom ettent
que lui.
Mais l’enfant que son père a reconnu et qui porte son nom, a un
guide intéressé à surveiller sa conduite. La reconnaissance a le
double effet de le m ettre à l’abri de la misère, qui conduit au vice;
e t de lui assurer une éducation et des conseils, qui le préservent des
fautes d o n t la h o n te réjaillirait sur le nom de son père.
C’est là, pour l’ordre public, une' puissante garantie que le légis
lateur ne pouvait pas négliger. Tout ce qui peut te n d re à maintenir
les enfans naturels dans l’état d ’isolement et d ’abandon o ù les
laisserait le système que nous c o m b atto n s, doit être considéré
comme essentiellement contraire à l’esprit de la loi.
O n p art d'un faux principe quand on suppose qne le législateur
a pu vouloir rendre inabordables p ou r les enfans naturels les p o
sitions régulières et normales de la société. Il n ’en est rien, et
c’est le contraire qui est vrai; son vœu est et doit être q u ’il y ait le
moins possible dans le pays de ces positions équivoques, qui sont
toujours plus ou moins menaçantes p our l’o rd re public. Aussi se
montre-t-il en toute occasion plus empressé de rég ulariser une de
ces positions anormales que de punir la faute qui l’a créée. C’est
p o u r cela q u ’il veut que l’enfant né hors mariage soit légitimé,
quand il p eut l’ê t r e ; qu e si la légitimation est impossible, il soitj
adopte; et q u ’enfin, dans tous leseas, il soit re c o n n u .
'
�Voilà les devoirs que la loi et la morale imposent. Il n ’est pas p er
mis de dire q u ’on viole l’u n e ou l’a u tre en les accomplissant.
Ainsi, soit q u ’on veuille consulter le droit strict, soit q u ’on
s’attache aux considérations générales qui ont dû déterm iner le
législateur à ne pas créer d’exception, à ne pas exclure de l’adop
tion les enfans naturels, on arrive à ce résultat, que le législateur
a perm is l’adoption des enfans naturels.
Il nous reste maintenant un mol à dire de la doctrine et dè la
jurisprudence.
Les auteurs les plus recommandables ont traité la question, et
ils se sont divisés en deux camps.
L ’adoption des enfans naturels est com b attue par MM. Malleville,
Delvincourl, Favard de Langlade et Chabot. Il faut aujourd’hui
ajouter à ces noms ceux de MM. Merlin et Toullier.
. Nous avons eu occasion, dans le cours de la discussion, de r e
lever les changemens d’opinion de M. Merlin. Nous n ’y reviendrons
pas; nous ferons seulement rem arquer que ce jurisconsulte semble
p lutôt émellre des d o u te s, indiquer des difficultés qu’adopter un
avis bien arrêté.
M. Toullier, en fondant su r deux faits , qui se trouvent tous
d e u x erronés, son re to u r s u r l’opinion q u ’il avait d’abord pro
fessée, nous donne le droit d ’écarter d u débat l’autorité o rd in ai
rem ent si grave de son nom.
Il motive ainsi, en effet, son ch an gem ent d’opinion (t. 2, page
260). «L’adoption des enfans par leurs pères et mères naturels étant
« aussi contraire aux principes de l’adoption q u ’à la m orale et aux
« dispositions bien entendues du Code, a été rejetée et proscrite
« par l’a rrê t de la C o u r de cassation du 14 novem bre 1815, sur
« le s conclusions que d o n n a M. Merlin à cette occasion ; elles s o n t
« avec l’arrêt, rapportées par Sirey, t. 16, 1, 45. »
�M. M erlin, dans les Additions h son l\ép erloire, qui o nl paru
en 1824, signale la confusion dans laquelle tombe M. T o u llie r:
« 11 y a , dit-il, dans ce passage deux erreurs de fait : « 1° l’arrêt
« d e l à G o u r d e cassation du 14 novembre 1815, ne proscrit pas
« celte opinion; il déclare au contraire formellement, q u ’il est
« inutile de s’occu p e r de la question, parce que l’a rrê t attaqué
* n ’était ni ne devait être molivé; 2° je n ’étais plus au parquet de
« la Cour de cassation le 14 novembre 1815. »
Qui peut assurer que M. Toullier e û t changé d ’opinion, s’il
avait su que l’opinion nouvelle q u ’il embrassait, s u r la foi de la
Cour suprêm e et de M. Merlin, n’avait eu en réalité p our elle, ni
M. Merlin, ni la C our su p rêm e?
A l’autorité des noms que nous venons de citer, nous avons à
opposer celle de MM. Grenier (n. 85j, D uranton (t. 3, p. 381 ,
Proudhon (Cours de droit civil, t. 2, p. 139), Locré (Esprit d u
Code civil, t. 4, p. 310), Rolland de Villorgnes (Trailé des enfans
naturels, édition de 1811, n. 145 et 14G), L oiscau(Trailédes enfans
naturels), et D alloz (Jurisprudence générale, t. 1er, p. 293 et 294).
Nous appelons surtout l ’attention de la Cour sur l'opinion déve
loppée par ces trois derniers auleurs.
O n lit en outre dans le Dictionnaire des arrêts m odernes, p u
blié en 1814 (V° Adoption): « M. Locré ayant donné l’analyse
« exacte de tonies les discussions du conseil d’E lat su r les enfans
a naturels, il a été dém ontré qu'il n ’était conform e, ni à l’esprit du
« législateur, ni au texte de ses dispositions, de prohiber l’adop« tion des enfans naturels reconnus. »
Quant à la ju risp ru d en ce, celle des Cours royales est presque
unanime en faveur de l’adoption.
Les arrêts des C ours royales, en matière d ’adoption, se parta
gent en deux classes, suivant q u ’ils sont ou non motivés.
Parmi les arrêts non motivés , ceux qui autorisent l’adoption
�d ’un enfan t par son père n atu re l, manifestent, de la part d e l à
Cour dont ils émanent, une opinion nécessairement favorable à
l’adoption desenfans naturels.
(.eux, au contraire, qui relusenl d’autoriser une pareille adop
tion, ne prouvent rien. Nous l’avons déjà dit, l’adoption d ’un e n
fanl par son père naturel n ’est pas un droit, c ’est une récompense
que celui-ci doit avoir méritée par sa conduite ; c’est de plus une
faveur qui ne doit jamais lui être accordée quand la légitimation
est possible et désirable p our l’enfant. Rejeter sans motifs une de
mande .d'adoption formée p a r un père naturel, ce n ’est donc nulle
ment en contester la légalité, c'est refuser d ’appliquer le principe
à une espèce donnée.
Il ne faut donc com pter comme opposées au principe même
de l’adoption des enfans naturels, que les Cours qui oru rendu
des arrêts motivés su r la question de validité d ’adoptions déjà fai
tes. La seule qui se soil ainsi prononcée à n o tre connaissance est
la C our d’Angers, le 21 août 1839.
L'adoplion des enfans naturels a pou r elle, au contraire,
1° Des arrêts non motivés des Cours de Lyon, Rennes, Poitiers,
Bordeaux, G renoble, D ouai, C aen, R o u en , Bruxelles, cités daus
le Dictionnaire général d ’Armand Dalloz, v° Adoption, n» 31, aux
quels nous ajouterons ceux des Cours d ’O rléans (Dalloz, 1839, 2,
205), de Bordeaux (Dalloz, 38, 2, 10G), et la jurisprudence déjà
ancienne et aujourd’hui bien iixéc de la Cour de Paris ;
2° L’a rrê t si bien motivé de la C our de Riom, qui fait l’objet du
pourvoi que nous discutons.
Quant à la Cour suprême, elle n'a jamais été appelée à fo rm u
ler son opinion sur la question d ’une manière positive. Mais s’il
est permis de tirer quelques inductions des décisions qu’elle a
ren du es en matière d’adoption d ’en fans naturels, peut-être sera-ton autorisé à penser que son opinion est favorable à c ettea d o p tio n .
�Le 24 novem bre 1806, en effet, la Cour de cassation avait à
Statuer su r un pourvoi dirigé contre un arrêt qui avait déclaré va
lable une adoption d ’enfant naturel antérieure au Code civil. M. Mer
lin avait conclu au rejet, en se fondant, e n tre au tre s motifs, sur
ce que cette adoption était perm ise, même sous le Code civil; le si
lence du Code et le rejet de l’article prohibitif proposé au conseil
d’E tat ne permettant pas le doute sur l’in tention du législateur. La
Cour n ’avait pas besoin, pour justifier le rejet du pourvoi, d'invo
q u er les dispositions du Code civil, la loi transitoire du 25 germ i
nal an XI lui suffisait. Cependant elle ne voulut pas laisser échap
per celte occasion de manifester sa pensée s u r l’adoption des enfans natu re ls ; et, aux motifs de son arrêt, puisés dans la loi tran
sitoire, elle en ajouta un ainsi co n çu :
'
« Considérant que la loi qui réduit l’enfant naturel à une por« tion de l’hérédité, et porte q u ’il ne pourra, par donation entre
«
<
«
«
vifs ou par testam ent, rien recevoir au delà de ce qui lui est
accordé à titre de s u ccessio n , n empêcherait pas qu’il ne pût
être plus avantagé par l ’effet de l’adoption si elle a lieu , q u ’ainsi
l’a rrê t a ttaq u é n ’a violé aucune loi ; — Rejette. »
31. Denevers qui, à cette ép o q u e, était greffier de la sec
tion civile de la Cour de cassation , en rapportant cet a rrêt
(1806, 1, 672), déclare, dans une note, que plusieurs membres de
la Cour, et notam m en t le r a p p o rte u r , M Lasaudadc, lui on t
assuré q u e la grande majo rité partageait la nouvelle opinion de
M . le procureur-général M e rlin , et que la C our aurait consacré
cette opinion s’il avait été question d ’une adoption postérieure au
Code civil.
Celte disposition de la Cour peut seule expliquer, en effet, l'in
sertion dans l’arrêt du motif que nous venons de rapporter. On ne
concevrait pas a u tre m e n t le soin que prend la C our suprém p
�de réfuter Ja seule objection spécieuse q u ’on oppose à l’adoption
des enfans naturels sous l’empire d u Code.
Au surplus, et c ’est par là que nous term inons, la Cour s’était
formelli-ment prononcée, même a v a n t les discussions du conseil
d ’E tat, pour l'adoption des enfans naturels.
La commission chargée par le gouvernement de rédiger le pro
jet de Code civil, n ’y avait pas fait figurer, comme on sait, le titre
de l’adoption. Le projet fut ainsi soumis à l’examen du tribunal
de cassation et des Cours d'appel.
Le tribunal de cassation choisit dans son sein u-ne commission
q u ’il chargea de rédiger ses observations s u r le projet présenté.
Ce fui celte commission qui proposa d ’ajouter au titre de la
paternité et de la filiation un chapitre 4, intitulé: des Enfans
adoptifs. Le chapitre se composait des articles 34 à 50 du titre
de la paternité. Le 37e fixait l’âge au dessus duquel on ne pourrait
plus être adopté ; puis il ajoutait : « S o n t exceptés, 1° les enfans,
« abandonnés on sans famille co n n u e; 2» les enfans naturels
« des adoptans par eux re c o n n u s ; 3° ceux q ui sont adoptés
« conjointement par deux époux. Les individus compris dans
« ces trois exceptions peuvent être adoptés à quelque âge q u ’ils
« soient p arvenus, pourvu, dans ce cas, que le père ou la mère
« adoplans aient fourni aux frais de leur éducation, nourriture et
« entretien, au moins pendant les cinq ans qui ont immédiatement
« précédé l’adoption, ce qu i sera constaté par un acte de noto« riété, etc. »
Ainsi, c’est au tribunal de cassation q u ’apparlient l’initiative de ,
la proposition de consacrer, non seulement l’adoption en général,
mais encore l’adoption des enfans naturels en particulier.
L ’enfant naturel r e c o n n u , dans le système du tribunal de cas
sation, pouvait également être adopté, soit par son père,, soit
par sa m ère, et passer ainsi de l’état d’enfant naturel à l’étax
8,
�'
_
58 —
. d'enfant a d o p tif, malgré la prohibition de recevoir qui se tro u
vait déjà dans l’article 13 du titre des Donations, prohibition repro
duite dans l’article 908 du Code civil. La portée de cette p ro
hibition n’est pas là ju g é e par la C o u rs u p rê m e comme nous l’a
vons jugée nous-mêmes, et la présence des deux dispositions dans
le même Code ne fait-elle pas justice de leur prétendue incompati
bilité?
'
'
Ainsi, les seuls précédens de la Cour suprême, sur cette qu es
tion, sont : 1° la proposition de permettre l'adoption des enfans
naturels, en accordan t même à cette adoption une faveur p a r ti
culière, la dispense de la condition d ’âge imposée à toute autre
adoption ; 2° un e réfutation, dans l’arrêt du 2 4 novem bre 1805, de
l’argum ent par lequel on cherchait à établir q u e, depuis le Code
civil, l’adoption des enfans naturels reconnus était interdite.
Nous sommes donc en droit d 'esp érer que ce qui lui a paru moral
autrefois lui paraîtra moral aujourd’hui ; que ce q u ’elle a trouvé
légal, en 1806, ne lui semblera pas prohibé an 1840.
En'résnm é l'adoption n’est pas un droit pour le père ou la mère
aaturels qui veulent l’e x e rc e r ;
Mais elle ne leur est pas interdite.
C ’est aux tribunaux qu’il appartient d ’apprécier les circ o n sta n
ces, et d ’autoriser ou de refuser l’adoption, suivant que l’intérêt
de» m œ u rs, l’intérêt de la société, l’intérêt de l’enfant lui paraîtront
devoir faire pencher la balance d ’un côté ou de l’autre.
C’est assez dire que l’adoption sera refusée toutes les fois que la
légitimation sera possiblë'ou désirable ; m a is q u ’elle devra être p e r
mise toutes les fois que, par sa conduite, le père a u ra mérité cette
faveur.
1f"
�La loi, en effet, conséquente avec elle-même, après avoir
frappé la faute du père dans son affection p o u r l’enfant, a bien com
pris qu’elle pouvait se servir de cette affection même pour obtenir
du père la réparation de ses torts envers la société. La réhabilitation de l’en fan t, offerte comme récom pense à la bonne conduite
du père pendant de longues années, atteignait ce but. Les inca
pacités dont la loi frappe l’e n f a n t'n a tu r e l, et la permission de
l’adopter à des conditions sévères, procèdent donc du même
principe.
Q uant aux objections co n tre l’adoption des enfans naturels re
connus, elles se rangent en deux classes :
1° Les prohibitions formulées par la loi contre l’enfant n atu re l ;
Mais elles,tombent toutes, on est forcé d 'e n convenir, d ev an t un
changement d ’E ta t ; elles s’attachent p ar conséquent au titre d ’en
fant naturel et ne su bsistent q u 'a u ta n t que lui. Elles sont, en un
mot, la punition de celui q u i n’a pas voulu ré p a re r sa faute envers
la société, soit en légitimant son en fan t, soit en m éritant d ’être
admis à l'adopter.
2» Les prétendus dangers de l’adoption ;
Nous avons dém ontré q u ’ils sont chim ériques, et que, d ’ailleurs,
s’ils pouvaient exister, le pouvoir discrétionnaire laissé aux trib u
naux en matière d’adoption d'enfans naturels aurait p o u r infail
lible résu ltat de les p révenir.
Il
faut donc reconnaître que, dans la pensée du législateur, le
p r e m i e r devoir q u ’impose la morale à celui qui a donné le jour à
un enfant naturel, c’est de d o n n e r à son enfant la position la plus
régulière, la plus norm ale qu'il soit possible de lui conférer ; que,
s’il peut le légitimer, il doit le faire ; que, si la légitimation n’est
pas possible, il doil l’ad o p te r; qu’enfin, et dans tous les cas, il
do it le reconnaître.
est l’intérêt de la société to u t aussi bien que celui de la
morale.
�j
Cette pensée du législateur, elle s'est manifestée, soit d an s les
discussions préparatoires du Code civil, par le rejet d'une exception
proposée au principe général qui perm et à tous l’adoption, soit
dans le texte de la loi, par la permission donnée, d ’une m anière
spéciale, de légitimer les enfans naturels, et d’une manière géné
rale, de les adopter, différence qui s’explique par cette considéra
tion que la légitimation ne s’applique qu’à eux seuls, tandis que
l’adoption s’applique à tous. -'i
‘
L’adoption des enfans naturels est donc permise, sinon encou
ragée, par la loi.
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Aussi les exposans et et tous ceux, en fort grand nom bre, qui
se trouvent dans la même position, ne do utent-ils point que la Cour
n e maintienne l’arrêt qui consacre la validité d ’une telle adoption.
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P a r is IM P R IM E R IE E T L IT H O G R A P H IE D E M A U L D E E T R E N O U R U E B A IL L E,U L 9 11
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot, Sophie-Mathilde. ?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en défense pour la dame Sophie-Mathilde Boirot et le sieur Gilbert de Laplanche, son mari, contre le sieur Louis-Pierre Boirot.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie et lithographie de Maulte et Renou (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1842
1798-1842
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2821
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2818
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53577/BCU_Factums_G2821.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
adoption
adultères
divorces
doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53734/BCU_Factums_M0235.pdf
3fc7521144966e16fb27a815dd190eb4
PDF Text
Text
OBSERVATIONS
S O M M A I R E S .
.
\
�Généalogie
RIBAUD.
des
G é n é a l o g i e
d e s
SA M PIG N Y.
G é n é a l o g i e des
E tie n n e D a g o n n e a u
à
M a r ie B ib r ia n t.
P ie r r e V e r n a i s o n .
S é b a s tie n R ib a u d
à
A n n e F erra n d .
G ilb e r t
à
C a th e r in e F i l l a s t r e ,
G iifcrt
i
G ilb e rte ta y n a u d .
I
/V A ^
G il b e r t R i b a u d
à
C la u d in e D e g a n e .
Anne ï.ib au d
à
François B u b o is .
P ierre D u b o is
à
M arguerite D agonneau,
*
f^A^\
O.B, LufeoU
à
F ran ço ise Y ernaison,
jim ab le-M irg u erite,
de c u iu s ,
à
.Anuble S ju b r a n y .
Jacqu es
à
F r a n ç o is e M a y e t ,
J o s e p h R ib a u d
à
î iic h e lle C o u c h a r d .
I
Jacq u es R ib a u d
à
E lizabeth C h o u v ig n y .
J .B , Ribaud,
appthnt.
N ..... R i b a u d
à
N ......L o n g u e i l ,
F r a n ç o is e
A n to in e tte
à
_
G a b r i e l d e S a m p ig n y .
I
i
2
François-CharleSi Jgnace-Jiyacintiie
à
M a r g u e r it e *
à
P ie r r e D u b o is .
E tie n n e
à
M a r g u e r ite G ir a r d .
J . B . D u b o is
à
_
F r a n ç o is e V e r n a is o n .
A n to in e
à
A n t o in e t t e P é lis s ie r .
A m a b le - M a r g u e r it e
à
A m a b le S o u b r a n y ,
G ilb e r te - A n to in e tte ,
fe m m e M a c h e c o ,
J . B . D u b o is .
A m a b le - M a r g u e r it e
J e a n n e - A n to in e tte
à
Michel-Amable Ferrand.
\
DAGONNEAU.
A m a b le S o u b r a n y ,
de cu jus.
âe cujus,
intimée.
�OBSERVATIONS SOMMAIRES
S E R V A N T
DE
R É P O N S E
A C A U SE S E T M O YE N S D ’A P P E L
ET
D’O PPOSITION ;
P O U R dame G i l b e r t e - A n t o i n e t t e
D A G O N N E A U , épouse de J e a n - C h r é t i e n
M A C H E C O , autorisée en justice , habitante
de cette ville de Riom , intimée ;
C O N T R E J e a n - B a p t i s t e R I B A U D -L A C H A P E L L E , habitant du lieu de la Chapelled’Andelot, appelant d’un jugement rendu au
tribunal d'arrondissement de cette ville, le 11
nivôse an 10.
L ’ A P P E L A N T élève une prétention déjà proscrite
par trois jugemens successifs de la premiere autorité judi
ciaire il se croit appelé à la succession de la dame veuve
A
TRIBUNAL
d’appel
.
séantàRiom.
v^ v^ j
�,
, en cette
( 2 ville,
}
. . an 7 ; il
.
Soubrany, décédée
le 27 prairial
convient qu’il ne descend que du quadrisoïeul de la dame
Soubrany ; il ne conteste pas à la branche Sampigny la
moitié affectée à la ligne maternelle ; mais il réclame une
portion dans la moitié affectée à la ligne paternelle, et
veut concourir avec la dame de M aclieco, cousine issue
de germaine de la dame Soubrany, comme descendante
du bisaïeul de la défunte.
L e citoyen Ribaud fait donc renaître la question connue
sous le nom de refente ; il se félicite que cette question
soit enfin soumise à la décision du tribunal d’appel, et
ne doute pas qu’avec le système de représentation à l’in
fini, établi par la loi du 17 nivôse an 2 , il ne parvienne
à ses fins.
Il réclame encore subsidiairement la dot qui fut consti
tuée à Anne Ribaud, femme de François Dubois, bisaïeul de
la dame Soubrany, sous le prétexte que Gilberte Reynaud,
en mariant Anne R ibaud, sa fille , le 16 février 1640,
a voit stipulé la reversion de cette dot à son profit.
La dame dé Maclieco ne devoit pas s’attendre à éprouver
des contestations de ce genre. L ’appelant est sans qualité,
sans droit comme sans intérêt : il sera facile de l’établir.
On voit par l’extrait de la généalogie ci-jointe, qu’en
effet la dame de Maclieco est cousine issue de germaine
de la dame veuve Soubrany de cujus ,• que la dame de
Maclieco descend du meme bisaïeul, tandis que JeanB iptiste Ribaud ne descend que du quadrisaïeul : c’est
un fait convenu.
,
Une foule d’autres parons au meme degré que le citoyen
R ibaud, notamment la dame de L on gu eu il, sa sœ ur,
�( 3 )
'
s’ étoient présentés lors de l’ouverture de la succession ;
depuis, ils ont fait notifier leur département à la dame
de Maclieco. On n’a pas cru devoir les rappeler dans la
généalogie ; mais en supposant que la refente eût lie u ,
ces prétendans étoient en si grand nom bre, que d’après
le calcul le plus exact, et en admettant, comme le sou
tient le citoyen R ib a u d , que la succession fût en valeur
de 300,000 francs, il ne reviendroit pas 300 francs à l’ap
pelant.
Il est vrai qu’il fait sa portion plus grande ; car il s’est
im aginé, dès que tous ces prétendans s’étoient départis ,
que toutes leurs portions d evo ient lui accroître, et alors
il s’attribue le quart de toute la succession. .
Ce n’est pas la seule extravagance du citoyen Ribaud ;
ses prétentions choquent évidemment la disposition de
la loi du 17 nivôse, et bientôt le tribunal d’appel fera
disparoître ce rêve ambitieux, en proscrivant sans retour
toutes ses demandes.
»
Il est difficile de concevoir comment a pu s’élever la ,
question de la refente, d’après la lettre de la loi du 17
nivôse an 2.
L ’article L X X Y I I porte : « L a représentation a lieu
» jusqu’à l’infini en ligue collatérale'; ceux qui descendent
» des ascendans les plus proches du défunt, excluent ceux
» qui descendent des ascendans plus éloignés dans la
» môme ligne. »
Certes, il n’y a pas d ’é q u ivo q u e dans cette disposition
de la loi. L a représentation a lieu ju sq u ’ à Pinfini en
ligne collatérale ; voilà le principe général : il est ensuite
modifié par la seconde partie de l’article. Cette repuéA -2
�.
.
( 4 )
.
sentation n’a lieu qu’entre ceux qui descendent de l’àscendant le plus proche. La loi l’explique bien clairement
dans les articles suivons : « A in si, est-il d it, les descen» dans du père excluent tous les descendans des aïeul
» et aïeule paternels \ les descendans. de la mère excluent
» tous les autres descendans des aïeul et aïeule maternels. »
' Cette première explication ne paroît pas encore suffi
sante ; la loi ne veut laisser aucun doute. E ll e d it, ar
ticle L X X I X : « A défaut de descendans du père, les des
» cendans des aïeul et aïeule paternels excluent tous les
» autres descendans des bisaïeul et bisaïeule de la même
» ligne; de même à défaut de descendans de la mère. » Et
enfin l’art. L X X X I porte : « La môme exclusion a lieu en
» faveur des. descendans des bisaïeux et bisaïeules, ou
» ascendans supérieurs contre ceux des ascendans d’un.
» degré plus éloigné dans la même ligne. ».
Sans contredit, les argumens les plus simples sont les
meilleurs. Comment se fait-il cependant que l’ambition
ou l’avidité aient pu faire naître des difficultés contre la
teneur de ces articles? Quelque clairs qu’ils soient, des,
descendans d’ascendans supérieurs ont voulu concouriravec des descendans d’ascendans plus proches. Ce système'
a eu des partisans éclairés, et le tribunal de cassation a.
été bientôt investi de la question..
V oici l’espèce du premier jugement qui“ a été rendu..
. M arie-Pliilippe W aghenart étoit décédée sans posté
rité le i nivôse an ; la moitié de sa succession, suivant
la loi du 17 nivôse an 2 , fut dévolue à sa ligue pater
n elle, et l’autre moitié à sa ligne-maternelle..
L a portion affectée à la ligne maternelle fut recueillie
sans difficulté par un parent de cette ligne,.
5
5
�5
C )
L a défunte avoit laissé pour parens, dans la ligne pa
ternelle, Jean-Baptiste-François ; et Catherine Chauvet,
épouse d’Adrien-Louis Bourla.
Jean-Baptiste-François descendoit de l’aïeul maternel
de Françoise D utelot, qui étoit grand’mère paternelle de
la défunte de cujus. Catherine Chauvet descendoit, au
contraire, du père de Léon W agh en art, qui étoit aïeul
paternel de la défunte de cujus. Dès-lors Jean-BaptisteFrançois descendoit d’un ascendant de la défunte., plus '
éloigné d’un degré que l’ascendant dont descendoit Qatlierine Chauvet ; et ces deux ascendans, quoique tous deux
dans la ligne paternelle de la défunte , étoient-de deux
lignes ou de deux branches étrangères l’une à l’autre.
Jean-B aptiste-F rançois p réte n d it, co m m e H i b a u d , qu’il
étoit appelé par la loi à recueillir mpitié de la portion
affectée à la ligne paternelle. Catherine Chauvet soutint,
de son cô té , qu’en sa qualité de descendante d’un ascen
dant plus p roch e, elle devoit recueillir toute cette por
tio n , à l’exclusion de Jean-Baptiste-François, descendant
d’un ascendant plus éloigné dans-la même ligne.
Un jugement du tribunal civil,de, Jemmapes , du z 5
thermidor an , accueillit la prétention de Jean-BaptisteFrançois. Sur l’appel, le tribunal civil de la I>3rs infirma
fcelui de première instance , et attribua exclusivement à
Catherine Chauvet la portion affectée h la ligne paternelle.
Demande en cassation de la part de Jean-BaptisteFrançois : requête admise; mais par jugement du 12 bru
maire an 9 , Jean-Baptiste-François fut débouté de sa
demande en cassation.
Cette décision solennelle est entre les mains de tout le
5
A
3.
�. . .
t
C f i ) .............................................
inonde : il est inutile d’en rappeler* lés motifs déjà fort
connus ; on se contentera de rappeler qu’il y est dit que
l’art. L X X V II , en établissant la représentation à l’in fin i,
en détermine à l’instant même l’effet, en posant pour règle
'générale que ceux qui descendent des ascendans les plus
proches du défunt, excluent ceux qui descendent des
ascendans plus éloignés de la même ligne.
■‘ On y observe que le mot ligne appliqué à la succession
'Collatérale, ne désignant qu e la manière dont le collatéral
est lié au défunt, et tout collatéral n’étant jamais lié à un
défunt que de deux manières, ou par le père ou par la
mère de ce d éfu n t, il s’ensuit que le sens propre du mot
ligne en cette'm atière, est d’indiquer uniquement le lien
paternel ou celui maternels.
•
Ce seroit forcer, ajoutè-t-on, lé sens naturel du terme-,,
que de vouloir comprendre dans cette expression prise au
singulier <
} non seulement les lignes paternelles et mater
nelles , mais encore les branches de chacune de ces lignes;
branches qui ne font que des'ramifications ou divisions du
lien paternel ou m aternel, auxquelles on est obligé de
donner les dénominations- arbitraires de lignes secon
daires , par- opposition, à la dénomination' de lignes p r i n
cipales que- l’on donne aux deux premières..
E t d’ailleurs, la transmission des biens par succession,,
quoique subordonnée aux lois positives, a toujours eu
■pour règle fondamentale- la présomption naturelle de>
l’aifeGtion- du défunt en faveur de ses parens les plus
proches ; et la loi du 17 nivôse- elle-même- a pris en.
considération cette présomption naturelle , dans ses dis
positions sur les cliiFérentes espèces de successions..
�m
.
,,
- Depuis ce jugement, la questiori a é t é encore de nou
veau agitée au tribunal de cassation, section des requêtes,
dans l’affaire relative aux successions dçs frères Trudaine,
jugée à Paris le 13 fructidor an ,7 , et à Versailles, sur
l’appel, le 18 ventôse an 8 , toujours contre le système de
la refente. L e pourvoi en cassation contre le jugement
en dernier ressort a été rejeté.
1
•
Enfin un .troisième1jugement du même tribunal, du
13 floréal an -1,0 , ja cassé et annullé un jugement du
tribunal civil de la Seine-Inférieure , qui avoit admis le
système de la refente dans l’espèce qui suit.
Il s’agissoit de la succession de la fille Calais, décédée’
au Havre le floréal an 3 , sans héritiers en ligne directe.
Elle avoit laissé dans la ligne m aternelle, pour parens
collatéraux , les filles Lecacheux, et A nne - Thérèse
Hérouard_
.
Les filles Lecacheux descendoient d’un bisaïeul ma
5
ternel;
Anne - Thérèse Hérouard descèndoit. d’un, trisaïeul
maternel..
'
A n n e-T h érèse Hérouard v o u lo it, comme Ribaud-r
concourir avec les filles Lecacheux, et réclamoit la moitié
de la portion* affectée à la ligne maternelle ': les parties
compromirent devant des arbitres-, à la charge de l’appel..
Anne - Thérèse Hérouard réussit' dans sa prétention
et sur l’ap p el, le jugement arbitral fut confirmé par
lè tribunal civil de la Seine-Inférieure y le 3 . thermidors
an 7 : pourvoi en cassation par les filles Lecacheux. '
- Jugement du 13 floréal an 10 , qui casse et- annuité;
celui de la Seine-Inférieure , comme ayant violé l’article1
L X X V I I de la loi du 17 nivôse an 2..
�.
.
.
c
8
5
.
• - O n peut en Voir les motifs "développés plus au long
<daris:'le',:journal du .tribunal de cassation, ou les; faits
fitr les moyens' sont rappelés avec exactitude.' '
■ Ces décisions me sont pas’ ignorées du citoyen Ribaud;
Tnais il n’est pas effrayé' par des exemples. Suivant lu i,
les jugemejis ne sont bons que pour ceux q u i les
obtiennent ce sont les expressions qu’il emploie. « T ou s1
i»‘les hommes sont sujets à des vicissitudes; et si on a
» jugé hier de telle m anière, on peut juger demain d’une
» autre. »
'
L e citoyen Ribaud compare la loi à. une source claire
tet limpide , qui bientôt obscurcie par le limon lorsqu’elle
forme^ un ruisseau
est .encore plus méconnoissable
lorsqu’elle se jette dans une riv iè r e , et on ne la reconnoît plus lorsqu’elle est dans l’Océan,
.
T o u t le monde , dit - i l , croit la comprendre ; mais
quand elle a passé par les mains des commentateurs, les
interprétations, les difficultés, la l'endent inintelligible.
V oilà ce que le citoyen Ribaud appelle des- moyens :
la jurisprudence m êm e, toujours versatile, n’est qu’un
commentaire plus obscur.
On pourroit lui répondre que la loi la plus sage n’est
jamais sans inconvéniens ; tel est le sort de l’humanité ,
que tout ce qu’elle touche est empreint de ce caractère
d’imperfection qui lui est propre.
Cependant, une des lois les plus sages qui soit sortie
de la convention, est celle qui règle l’ordre des succes
sions. En ne considérant plus l’origine des bien s, pour
en régler la transmission, on a évité des difficultés inex
tricables, soit pour remonter aux estocs, soit pour régler
le payement des dettes.
�'C 9 )
En transmettant les Liens aux parens les plus proches,
on a suivi la loi de la nature, l’affection présumée d’un
parent pour ceux qui lui appartiennent de plus p rès..
C o m m e cette loi n’a pas eu jusqu’ici de commenta
teur , que toutes les explications ont été données par
les législateurs eux-m êm es, elle n’a pu être obscurcie
dans ses dispositions..
Une jurisprudence constante est,le complément d e là
législation, et c’est faire injure aux tribunaux , que de
les accuser de versatilité dans leurs décisions, sur un point
de droit aussi certain..
Aussi le jugement du tribunal c iv il, dont se plaint
le citoyen R i b a u d , n’a-t-il pas varié; il a proscrit une
pretention choquante , et il y a lieu de croire que le
tribunal d’appel confirmera une disposition qui est basée
.sur l’évidence, sur la lettre et l’esprit de la l o i , et sur
les exemples que le tribunal de première instance a eu.
sous les yeux..
L e citoyen Ribaud ne doit pas être plus heureux dans
sa demande relative à la revendication de la dot cons
tituée à Anne R ibau d , bisaïeule de la dame Soubrany«.
: D ’abord, le citoyen Ribaud est sans qualité' pour reven
diquer cet objet. La dot fut constituée en 1640 par G il
berte Reynaud, mère d’Anne Ribaud. La mère qui étoit
alors v e u v e ,. stipula la réversion à son profit dans le cas
où sa fille décéderoit sans enfans , et ses enfans sans
descendans.. L ’appelant ne représente pas Gilbcrte R eynaud; dès-lors il ne pourroit pas réclamer cette consti
tution ; le plus grand vice qu’on puisse opposer, c’est „
sans contredit, le défaut de qualité..
�( 10 )
En point de d ro it, d’après la loi V I , an ff. de jure
dotiurn, jure suceurs uni est y a t r i, ilfaudroit distinguer
la réversion légale de la réversion conventionnelle. La
première , d’après Lebrun et Ricard , n’a lieu qu’en
faveur des ascendans donateurs et non en faveur des
héritiers collatéraux.
A l’égard de la réversion conventionnelle, la question
a été fortement controversée. Plusieurs auteurs ont pensé
qu’à l’imitation de lu loi,/«re succursuni, elle ne pouvoit
avoir lieu qu’en cas de prédécès du donataire ; d’autres
estiment qu’elle a lieu aussi en faveur des héritiers du
donateur, nam plerum que, tamhœredib lis nos tris quàm
7 iobismetipsis cavernus. L o i I X , de pj'obat.
Mais un point sur lequel tous les jurisconsultes sont
d’accord, c’est que la réversion conventionnelle dépend
entièrement de la stipulation des parties ; qu’ainsi il faut
la restreindre à ce qui est exprimé. A in si, par exemple ,
s’il est dit qu’elle aura lieu dans le cas que le donataire
décéderoit sans eiifa n s, plus de réversion , si un enfant
survit; s’il est exprimé sans enfans, ou les evfans sans
descendait.y, plus de réversion, lorsqu’il y a des petitsenlans qui survivent; et, dans tous les cas le retour ne
peut s’étendre au delà. On peut consulter, à cet égard,
Lebrun, Ricard , d’O live, liv. III, chap. X X V I I , et le
dernier commentateur, sur l’art. X X I V du til, X I V de
la coutum e, tom. 2 , pag. 317.
Dans l’espèce particulière, Anne R ibaud, fille de la
constituante, a eu un (ils, Pierre Dubois qui lui a survécu ;
de Pierre Dubois est issu Jean-Baptiste, père del à clamé
veuve Soubrany, de cu ju s, d ès-lo rs il y a eu enfant,
�C 11 )
petit-enfant et arrière-petit-enfant ; par conséquent, plus
de retour.
Un motif également puissant pour écarter toute idée
de^ réversion, c’est qu’il est de règle encore dans notre
c o u t u m e , que la dot mobiliaire estoque et se confond
in secundo gradu dans la personne du petit-fils : voir
le dernier commentateur, art. I V du tit. X I I , tom. i ,
pag. 2.6g. Ici la confusion s’est opérée sur Jean-Baptiste
D ubois, petit-fils d’Anne R ibaud, et père de la dame
veuve Soubrany ; que vient donc réclamer le citoyen
Ribaud ? Sa prétention seroit une chim ère, en admet
tant même qu’il eût qualité.
On se gardera bien de suivre le citoyen Ribaud dans
sa longue dissertation, relativement au x déjuens. Il nous
apprend son secret ; il voudroit éviter l’amende \ il se
plaint surtout de ce qu’il n’est pas le seul qui ait fait
apposer les scellés, qui se soit opposé à la rémotion ; il
n’a pas fait plus de frais qu’un autre ; il trouve injuste
de payer tous les dépens.
Cette discussion intéresse peu la dame de Macheco ;
elle se contentera d’observer que le jugemtfïit dont est
a p p el, prononce une condamnation pure et simple des
dépens personnels au citoyen Ribaud; et que dans l ’exé
cutoire du i ventôse an 10, qui comprend les depens
généralement faits par tous les prétendans droit qui avoient
formé opposition à la rém otion des scelles , on a distin
gué la portion de chacun ; que sur la somme totale
de 1,877 fr*
cent, à laquelle sont calculés et arrêtés
ces dépens, Jean-Baptiste Ribaud, appelant, n’y est com
pris que pour celle de 390 fr. 8 cent.
5
�( 12 )
D e quoi le citoyen R ibaud peut-il donc se plaindre ?
Ses réclamations, sous tous les rapports, sont sans intérêt
comme sans objet ; partout il est sans droit et sans qualité.
'
>
Par conseil, P A G E S , ancien jurisconsulte.
'
D E V È Z E , avoué.
A
De l ’imprimerie de
L
a h
d
R I
0
r i o t ,
d’appel.
M,
seul imprimeur du tribunal
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dagonneau, Gilberte-Antoinette. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
successions
successions collatérales
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Observations sommaires servant de réponse à causes et moyens d'appel et d'opposition ; pour dame Gilberte-Antoinette Dagonneau, épouse de Jean-Chrétien Macheco, autorisée en justice, habitante de cette ville de Riom, intimée ; contre Jean-Baptiste Ribaud-La-Chapelle, habitant du lieu de la Chapelle-d'Andelot, appelant d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de cette ville, le 11 nivôse an 10.
arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1799-Circa An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0235
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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A language of the resource
fre
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Riom (63300)
Vensat (63446)
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coutume d'Auvergne
Successions
successions collatérales
-
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631c96a4009084c19508b208c739610f
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Text
P
R
É
C
I
S
P O U R
P i e r r e ES P A R V I E R D ’ E S T R E S S E S , appelans;
J o s e p h
et
C O N T R E
J ea n -H ugu e s
L
SAIN T-PO L ,
in tim é .
E sieur Saint-P ol veut v e n ir sous deu x titres incom
patibles à la succession de ses bisaïeux.
Son aïeule é toit
dotée par e u x , et il a demandé sa dot après leur m ort.
V i n g t - s e p t ans après l’avo ir o b te n u e , sans alléguer
aucune vo ie de nullité ni de rescision, il a intenté un
procès p ou r demander le partage de ces mêmes suc
cessions.
P o u r l’intelligence de cette demande et des diverses
contestations qui y ont pris leu r s o u r c e , il faut a vo ir
A
�( O
sous les j e u x le tableau g énéalogique des familles Esparvier
et Saint-Pol.
François Lavolpilière,
Françoise de Volonzac,
eurent huit enfans.
r
laris.
Anne Lavolpilière eut deux maris.
2°. François Esparvier de Lodière.
Pierre Bonafos.
François.
I
Anne.
Françoise,
religieuse.
Marc-Antoine
Esparvier.
|
Joseph
Esparvier.
Charles.
Françoise,
Gabriel
Saint-Pol.
I l
I I
I I .1
Quatre de ces enfans sont représentés
par Joseph Esparvier.
Jeanne,
Fr.de Touret.
P ie rre
Esparvier.
Appelons.
Jean-Hugues.
Intim é.
Françoise E sparvier fut mariée au sieur G ab riel SaintP o l le 24 n o vem bre 1718 .
Ses p ère et m ère lui cons
tituèrent en dot 4000 francs , dont m oitié p ou r biens
paternels. L e contrat porte quittance de 1700 francs, dont
700 francs en immeubles : il fut pris des termes p ou r le
surplus.
A n n e L a v o lp iliè re avoit fait un testament le 17 mai
1 7 2 0 , par lequel elle instituoit p our héritier M a rcA n to in e E s p a rv ie r, son iils du second lit. Ce testament
ne se trouve plus q u ’au répertoire du notaire; on ignore
i\ quoi attribuer sa suppression, à moins que l’éclaircis
sement n’en vienne des faits ci-apres.
M a rc -A n to in e Esparvier alla en Espagne, et y contracta
mariage sans l’agréincnt de son p ère; ce qui. lui valut
une haine constant# > q llc François E sparvier conserva
contre lui jusqu’au toinbcau.
�( 3 )
A n n e L a v o l p i l i è r e , sa m è r e , vo u lu t faire nn second
testament la veille de sa m ort : elle fit appeler le sieur
Costerousse, v ic a ir e , et des tém oins, le n ayril 1735*,
et elle dicta un testament par l e q u e l , après quelques
legs et augmentation de dot à ses enfans p u în é s , elle
instituoit p ou r ses héritiers universels Hugues B o n a fo s,
son fils aîné du prem ier lit , et M arc-A n toin e E sparvier,
son fils aîné du second lit.
M ais lorsque le vicaire, rédacteur de ce testam ent, en
cominençoit la l e c t u r e , le sieur François E s p a r v ie r ,
instruit de ce qui se passoit , entra brusquem ent dans
la cham bre de sa fem m e , arracha le testament des mains
du vicaire, et en empêcha ainsi la clôture.
H ugues Bonafos seul rendit p la in te , et un grand
nom bre de témoins furent entendus ; ils déposèrent ce
qui vient d’être dit.
A p r è s décret et in terrogatoire, le procès fut civilisé.
O n mit en cause toutes les parties nommées au testa
ment et intéressées à ce q u ’il fût m ain ten u , c’est-à-dire,
A n n e B o n a fo s, fille à F ran çois, Charles E sparvier, M arcA n to in e E s p a r v ie r , P ierre et Joseph la V o lp iliè r e , frères
de la testatrice.
C e procès fut considérable , et défendu avec chaleur.
François E sparvier disputoit même üi M a rc -A n to in e , son
iils, le droit de succéder à sa mère à aucun titre, com m e
m arié hors de F r a n c e , et ayant perdu la qualité do
citoyen français, suivant une ordonnance de L ou is X I V .
E n fin , le 7 mars 1 7 3 6 , intervint sentence sur procé
dures respectives , q u i , « ayant égard h ce qui résulte
« des dépositions des témoins ouïs dans les inform aA
a
�( 4 )
'tions des 14 et 17 mai 173 5 , condamne François
Espai'vier de L o d iè re à se désister de l’indue possession
et jouissance par lu i faite des biens meubles et im
meubles dépendans de la succession de ladite A n n e de
L a v o l p i l iè r e , son épouse , et en délaisser la libre
jouissance audit Jean-H ugu es B onafos, sieur D alozier,
et audit M a rc -A n to in e E s p a r v ie r , sieur de B la zè re ,
fils de ladite dame, e n q u a l i t é D E s e s h é r i t i e r s ,
avec restitution des fru its, suivant l’estimation qui en
sera faite par e x p erts, sauf à faire distraction sur la
totalité des biens de ladite succession, de la légitim e
telle que de d ro it, qui doit appartenir audit Charles
E s p a r v ie r , autre fils dudit François E sparvier, et de
ladite défunte A n n e de L a v o lp iliè r e ; et attendu la
voie de fait pratiquée p ar ledit François Esparvier \
et l’enlèvem ent par lui fait du testament de ladite A n n e
de L a v o lp iliè r e ,
son
ép o u se ,
le déclare décliu et
p riv é du legs à lui fait par ledit testament ; et avant
faire droit sur les conclusions prises par lesdits P ierre
et Joseph de L a v o lp iliè re o n cles, de mêm e que sur la
part et portion prétendue par ledit François Esparvier,
sieur de L o d iè r e , en conséquence du tra n sp ort,
cession ou subrogation q u ’il prétend lui avoir été
consentie par François de L a v o lp iliè r e , il est ordonné
que les parties contesteront plus a m p le m e n t, dépens
quant à ce réservés : François Esparvier est condamné
en tous les autres dépens. »
François E s p a rv ie rd e L o d iè re m o u ru t le 7 fé v r ie r i7 3 8 ;
et pendant le procès ci-dessus , il avoit fuit un testament
olographe, ab irato ; exprès pour déclarer q u ’il déshé-
�C 5 )
ritoit M a rc -A n to in e E s p a rv ie r, son fils; il institua p o u r
héritier universel Charles E s p a r v ie r , son fils cadet.
Celui-ci se porta héritier bén éficiaire, et fit inventaire
le 28 avril 1738.
Charles E sparvier ne tarda pas à décéder ; et p ou r
dédom m ager son frère de l ’exhérédation du père com
m un , i l l’institua héritier universel, par testament du 18
m ai 1 7 3 8 , et fit à Françoise E sp a rv ier, sa s œ u r; un legs
<le 300 francs.
Com m e les biens de Charles E sparvier p e se compor
soient que de la succession de F ra n ç o is, M a rc -A n to in e
E sparvier imita son f r è r e , en ne se portant q u ’héritier
bénéficiaire ; en conséquence il fit un inventaire le io s e p r
le m b re 1 7 3 8 , consistant au récolem ent du p ré c é d e n t,
et auquel il appela notamment le sieur S a i n t - P o l ,
com m e créancier.
A p r è s la m ort de François E sparvier et A n n e L a •volpilière, le sieur Sain t-P ol auroit eu le droit certaine
m ent de demander le partage de leu r succession ; mais
il avoit aussi la faculté de s’en tenir à la dot constituée
par le contrat de m ariage de 1718.
C ’étoit une option à faire qui décidoit de la qualité
d ’héritier ou créancier; l ’une com m e l ’autre ne perm ettoit plus de varier.
Gabr ie l S a i n t- P o l , m or t en 1738 , avoit institué sa
sœur héritière fiduciaire. E n cette qualité, elle assigna
M a r c - A n t o i n e Esparvier en qualité d ’héritier de ses père
et m è r e , par exploit du 28 juin 1 7 3 8 , po u r payer la
dot constituée à la dame S ain t -P o l, en 1718.
J e a n - Gabriel S a i n t - P o l , fils et héritier de Françoise,
�( 6 )
E s p a r v ie r , loin de ré p ro u v e r ladite d em a n d e, la reprit
lu i-m ê m e , en 1748 , contre M a r c - A n t o i n e E sparvier ;
il conclut au p a yem en t, i° . de 2300 francs p ou r le
reste à payer de la dot de son aïeule ; 20. de 300 fr.
p o u r le legs à elle fait par le testament de Charles Espar
v i e r ; 3 0. au payement d ’ une provision de i 5oo francs,
sauf, a jo u ta -t-il, réserve de demander le partage.
L e 2 septembre 1749 il obtint une sentence qui con
damne M a rc - A n to in e E sparvier à lui payer lesdites
sommes de 2300 francs et 300 fra n cs, et qui lui adjuge
une provision dq 5oo francs.
M a r c -A n to in e en avoit interjeté a p p e l, com m e ne
se croyant pas tenu à payer les 2000 francs constitués par
François E sp a rv ier, dont il n’étoit qu ’ héritier bénéfi
ciaire , du chef de Charles ; mais il se départit de cet /
appel au m oyen du traité ci-après.
*
1
• L e 9 décem bre 1 7 4 9 , les parties transigèrent. M arcA n to in e E sparvier paya au sieur Saint-Pol les 5oo fr.
de p ro v is io n ; et p o u r le payement du surplus de la dot
de Françoise E sp a rv ie r, m ère du sieur S a in t-P o l, M a rc A n to in e E sparvier lui délaissa des fonds à dire d’experts,
ou moyen de quoi les parties se tinrent respectivement
quittes; et le sieur S a i n t - P o l se réserva tous autres
droits que ceux de la sentence , exceptions contraires
demeurant réservées au sieur Esparvier.
P a r une contre - lettre du même jour il fut con
ven u que le sieur Saint-P ol rendroit lesdits héritages au
s i e u r E s p a r v ie r , m oyennant le payement de la somme
u lui d u e , suivant ladite sentence.
< M a rc-A n to in e
E sp arvier m ourut en
1761 , après
�C7 )
a vo ir institué
bénéficiaire.
J o s e p h , qui se porta encore héritier
L e 12 avril 1.765 , trente ans et un jo u r après le
décès d ’A n n e L a v o lp iliè r e , le sieur S a i n t - P o l assigna
Josep h E sparvier en partage, 1°. de la succession de
ladite L a v o lp iliè i’e, son aïeule; 20. de celle de François
E s p a r v ie r , son aïeul ; 3 0. de la succession de Charles
E sp a rv ie r, son oncle.
E n 176 8 , il obtint une sentence par d é f a u t , qui adjuge
ses conclusions.
L e sieur Saint-Pol avoit vendu à un nom m é Coste
rousse , en i 759 et 1 7 6 1 , un p ré à lui délaissé par le
traité de 1 7 4 9 ; mais il avoit eu la précaution de stipuler
aussi une faculté de ra c h a t, p o u r le reprendre quand
le sieur Esparvier le demanderoit.
Le
I er.
juillet 1 7 7 8 , Joseph E sparvier demanda en
effet au sieur S a in t-P o l l ’exécution de la c o n tre-lettre
du 9 décem bre 1 7 4 9 , et le désistement de l ’im m euble
délaissé par le traité du môme jour. P o u r éviter un
circuit d’actio n s, il assigna Costerousse en rapport.
L e 6 septembre 1 7 7 9 , „il intervint une sentence q u i
condamne Costerousse à se désister, à la charge par le
sieur Esparvier d ’acquitter au sieur Saint-Pol les sommes
à lui dues en vertu de la sentence du 2 septembre 1 7 4 9 ,
en payement
desquelles ledit
p ré lui avoit
été
d é
laisse; condamne S a i n t - P o l à la restitution des fruits
perçus pendant sa jouissance et celle de Costerousse, à
dire d’expert 5 ordonne enfin q u ’il sera fait compte et
�.
.
.
.
.
(
8 '}
compensation desdites sommes, et in térêts, avec les jouis
sances , jusqu’à due concurrence.
C e désistement à eu lie u ; la sentence de 1779 a été
e x é c u t é e , et Joseph E sparvier s’est remis en possession
du p ré délaissé pignorativem ent en 1749.
L o r s de la demande de 1 7 7 8 , le sieur Esparvier avoit
pris un autre c h e f de conclusions, fondé sur un acte
étranger a u x successions jusqu’alors en litige.
Françoise E sparvier et G ab riel Saint-Pol a voient eu
Jean -G abrlël et H ugues Saint-Pol. Celui-ci ayant passé
au service d’Espagne avant la m ort de ses père et m è re ,
Jüan-G abriël S a in t-P o l rég it tous les biens.
Hugues S a i n t - P o l, revenù en F ra n c e, fit à Joseph
E sparvier une cession de droits, sous seing p r i v é , en 1760 ;
puis en 1761 il en fit une seconde à son f r è r e , par acte
notarié.
Joseph E sp a rv ier, inform é de ce stellionat, s’en plaignit
à IIu gues S a in t-P o l, qui se repentit sans doute de l ’avoir
t r o m p é , et offrit de l’en dédom m ager autant qu’il étoit
1
en lui.
E n e ffe t , il rem it à Joseph Espnrvier les billets que
lui avoit faits J e a n -G a b r ië l S a i n t - P o l , son frè re , p ou r
p r ix de 6a cession de 1761 ; il sollicita des lettres de
rescision contre cette m êm e cession, et les rem it aussi
au sieur E s p a rv ie r; enfin il ratifia à son p ro fit, par acto
notarié du z 5 avril 1 7 6 9 ,5 a cession de 1 7 6 0 , et lui céda
tous ses droits rescindans et rescisoires contre celle de 1761,
C ’est en vertu de ce dernier acte que Joseph Esparv i c r , par la demande ci-dessus, du icr, juillet 1 7 7 8 ,5 e
subrogea
�( 9 ° . ,
subrogea à la demande en nullité et rescision de Hugues
S a in t - P o l, conclut à la nullité de la cession du 9 janvier
1 7 6 1 , et au partage des successions de G ab riel SaintP o l et Françoise Esparvier', avec toute reddition de
compte et restitution de jouissances.
L e procès fut appointé en droit.
L e sieur Saint-P ol donna une écriture le 27 février
178 3 , p ou r persister dans la demande en partage q u ’ il
avoit form ée en 1 7 6 5 , des'trois successions de François
Esparvier de L o d iè r e , A n n e L a v o lp iliè r e , et Charles
E sparvier-d’Estresses ; il dit q u ’il n ’existoit aucun testa
ment d’A n n e L a v o lp iliè r e , et que quand les informa
tions de 1735 en tiendroient lie u , le testament projeté
seroit nul p ou r n’avoir pas été lu à la testatrice et aux
témoins ; il a r g u a aussi de nullité le testament de Charles
E sp a rv ie r, du 18 mai 1738 , com m e n ’ayant pas été écrit
par le notaire ; enfin il soutint n’avoir point a p p ro u v é
la destination de légitim e faite à Françoise E s p a rv ie r,
par son contrat de mariage de 1 7 1 8 , sons prétexte des
réserves insérées dans sa demande de 1748^ 20. relati
vem ent à la cession d’Hugues S a i n t - P o l , il prétendit
que celle de 1769 étoit un s t e l l i o n a t , et qu’ il n’y avoit
pas lieu à rescision contre la cession h lui consentie
en 1 7 6 1 , parce que Hugues Saint-Pol avoit approuvé
les testamens de ses père et mère.
Dans les écritures en rép o n se, Joseph Esparvier dé
montra que le sieur Saint-Pol avoit parfaitement connu
les informations de 1 7 3 5 , et la sentence de 17 3 6 , lors
qu’ il avoit traité en 1 7 4 9 , et lorsqu’il avoit réclamé la
dot de sa m è re , au lieu de demander le partage.
33
�( 1° )
A l o r s , et par requête du n décem bre 1 7 8 3 , le sieur
Saiut-Pol forma tierce opposition à la sentence du 7
mars 1736.
Il demanda en outre la vérification d’écriture du tes
tament du 18 mai 1 7 3 8 , p our établir que la minute
n’ étoit point écrite de la main du notaire; il demanda
la même vérification du testament de Françoise Espar
v ie r , sa m è re , de 1 7 4 7 , p our établir que celui-ci étoit
écrit de la main du notaire.
Cette double vérification demandée par l ’adversaire fut
ordonnée par sentence du 28 février 1784.
L es choses restèrent en cet état jusqu’au 7 prairial
an 6 , que Joseph Esparvier assigna en reprise.
L e 17 floréal an 7 , le sieur Saint-Pol cita aussi en
reprise des demandes en partage par lui form ées; mais
paroissant revenir ù des prétentions plus justes, il de
manda subsidiairement l ’exécution de la sentence du 2
septembre 1 7 4 9 , portant payement de la dot, et une
provision de 3000 franps, attendu, d it-il, q u ’au moyen
de l’éviction de Costerousse il étoit redevenu créancier du
m ontant des condamnations de ladite sentence.
M ais cette m odération ne fut pas de longue d u r é e ,
et bientôt le sieur S a i n t - P o l
prétendit mêm e s’être
trompé en ne demandant q u ’ un quart de la succession
de François E s p a r v ie r , son a ïe u l, parce q u e , d i t - i l ,
M a r c -A n to in e ayant été déshérité par le testament dudit
F ra n ço is, et le testament de Charles Esparvier se trou
vant n u l, il en i*ésultoit que la succession dudiL Fi’ançois
E sparvier devoit se partager par é g a lité , et par tiers,
entre C h a rle s, Jeanne
et
Françoise E s p a r v ie r , sans
�( 11 )
com pter M nrc - A n to in e qui n ’avoit rien à recevoir.
T e l étoit l ’état de la procédure et 'des prétentions
respectives lors du décès de J ea n -G a b riël S a in t-P o l,
arrivé en l ’an 9.
L es demandes fui’ent reprises le 20 th erm idor an 10.
11 fut question de satisfaire à la sentence de 1 7 8 4 , et
de faire procéder à la vérification requise par Jean G abriël S a in t - P o l; mais son fils notifia, le 1 5 ventôse
an 1 2 , qu ’ayant pris communication des deu x testamens
de 1738 et 1 7 4 7 , il i-econnoissoit que son père avoit
erré sur tous les deux : que le testament de Charles
E sparvier étoit écrit de la main du notaire recevant ;
mais qu ’au contraire celui de Françoise E sparvier étoit
d’ une main é tra n g è re , d ’où il s’ensuivoit q u ’il étoit
inutile de faire ladite vérification.
' P a r requête du 13 messidor an 12 , le sieur Snint-Pol
changea absolument toutes ses conclusions précédentes.
N e pouvant plus com pter sur un tiers , ni mêm e sur
un quart de la succession de François E sp a rv ie r, sonbisaïeul, il vit bien qu’ une légitim e de rigueur seroit
fort inférieui’e aux 2000 francs de dot constitués par
le contrat de 1 7 1 8 , du ch ef dudit François E sp a rv ie r;
en conséquence il imagioa qu ’il p ou vo it reven ir u n e
seconde fois sur ses pas, et déclarer qu ’il se contentoit
des 2000 francs donnés de cet estoc , sans se départir'
néanmoins du partage de la succession d’A n n e de L a v o lpilière ; en conséquence il con clu t, i ° . au partage desi
biens d’A n n e L a vo lp ilière ; 20. à être mis hors de cou r
sur les autres demandes en p artage, et à ce que Josep h
E sparvier fût condamné ù lu i payer a o o e f francs pour.
B 2
�( 12 )
la dot constituée par François E sp a rv ie r; 30. à lui payer
5 o francs p ou r le legs fait à la dame S a in t-P o l, par ledit
François E sp a rv ie r, par son testament du 3 août 173^»
4°. à lui payer 300 francs p ou r le legs fait à ladite dame
S a in t - P o l, par Charles E sp a rv ie r, suivant son testament
du 18 mai 1738.
Cette variation continuelle de conclusions et de m oyens,
et ce retour p o u r moitié à la sentence du 2 septembre 1749*
ne de vo ien t se r v ir, ce sem ble, qu ’à ramener les choses à
leu r prem ier p o in t; car cette sentence ne p ou vo it pas
être en partie chose ju g é e , et en partie chose inutile,
vis-à-vis celui-là même qui l’avoit sollicitée. Cependant
la cause ayant été plaidée au tribunal civ il de Saint-Flour,
le sieur Saint-Pol réussit dans tous les points.
L e jugement dont est ap pel, du 21 mars 1807, a besoin
d’être connu dans ses motifs , dont le grand nom bre est
une p reu ve assez claire de la peine q u ’ont prise les pre
miers juges p ou r donner quelque couleur à leur décision,
à force de raisonnemens.
C o n s id é r a n t q u e la p r e u v e d e la s u p p r e s s io n <Tun te s ta m e n t p e u t ê tr e fa ite
p a r t é m o in s , p a r c e
que c ’ e st u n p u r f a i t , m ê m e u n fa it q u i t ie n t d e la nature
du c r i m e , d o n t la p r e u v e n e p e u t ê t r e fa ite c o m m u n é m e n t q u e p a r té m o in s ;
Considérant qu’une preuve de ce genre doit être faite avec toutes les parties
Intéressées, pour pouvoir leur être légalement opposée ; qu’ainsi si celui qui
demande à faire cette preuve n’a d autre objet que d obtenir des dommagesintérêts contre l’auteur de la suppression du testament, et de le faire priver
de l’avantage que ce testament contenoit à son profit, il suffit qu’elle soit faite
contradictoirement; mais que si elle a également pour objet de faire remplacer
le testament supprimé, par la déposition des témoins, elle doit être faite avec
tous les héritiers présomptifs du testateur;
Considérant que ces principes ont été même reconnus dans l’instance, puisque
le sieur Dalozier, un des héritiers institués par le testament enlevé, appela dan*
la cause terminée par la sçütcnçc de 176 6 , non-seulement les enfans du pre-
�( i3 )
mier lit ¿ ’Anne de Lavolpilière, testatrice, mais encore 'Charles Esparvier-d’Estresses, un des enfans du second lit; d’où il suit que conséquemment au prin
cipe reconnu, il eût dû également appeler en cause, et la dame de T o u rret,
et la dame de Saint-Pol, comme héritiers présomptifs de ladite Anne de LavoJpilière, leur mère;
Considérant, sous ce rapport, que la dame de Saint-Pol n’ayant pas été
partie dans la sentence de 17 6 6 , eût été recevable à y form er tierce oppo
sition; que l’information convertie en enquête ne faisant pas foi à son égard,'
elle eût pu reprocher les témoins, contre-enquêter, demander même une nou
velle enquête; q u e cep end ant le s circon stan ces et les tem ps écoulés d ep u is
exig en t qu'aujourd'hui on ajou te f o i à la d ép o sition d es tém o in s, dès qu’à
raison de leurs dires il n’ est plus possible de les faire entendre de nouveau ;
Considérant que si la dame de Saint-Pol eût été recevable à demander tierce
opposition à la sentence de 1756, ses héritiers ont eu et ont incontestablement
le même d roit; qu’il ne peut résulter contre eux aucune fin de non-recevoir,
de ce que le sieur de Lodière , père de la dame de Saint-Pol, étoit partie
dans la sentence , soit que dans l’état a c tu e l de l’instance le sieur de SaintPol ne procède pas comme son h éritier, et s’en tient à la destination de
légitime faite à la dame de S a in t-P o l, sa fille , soit parce que la présence du
sieur de Lodière dans l’instance terminée par la sentence de 173 6 , n’empèchoit pas que la dame de Saint-Pol devoit y être appelée, celle-ci devant
l ’être comme héritière présomptive d’Anne de Lavolpilière , et le sieur de
Lodière l’ayant été pour les dommages et intérêts auxquels l’exposoit la voie
de fait par lui commise;
Considérant que si le sieur de Sain t-P ol est recevable à former tierce
opposition à la sentence de 17 3 6 , cette opposition peut être au fond bien
ou mal fon d ée, suivant que les dispositions testamentaires de la dame do
Lavolpilière, suppléées p a rla déposition des t é m o i n s , seront ou non jugées
valides et régulières;
Considérant qu’à cet égard il est juste de distinguer les formalités inobservées par le fait de l’enlèvement et suppression du testament , de celles
qui proviendroient du fait de la testatrice, ou de l’officier public chargé de
la rédaction du testament, et qui se trouveroient constatées par la déposition
des témoins; que s’il n’est pas juste que les héritiers institués souffrissent du
fait d’autrui et de l’inobservation de quelques formalités empêchées par l’en
lèvement du testament, il ne seroit pas juste non plus qu’ils se fissent un titre
pour déclarer valide un testament qui, avec l’accomplissement des formalités
empêchées, se trouveroit nul d’ailleurs par d’autres vices indépendans de la
voie de fait commise ;
Considérant qu’avant d’examiner si les dispositions testamentaires constatées
�( 14 )
par la déposition des tém oins, sont ou non valides et régulières sous' le rapport
précédemment envisagé, il convient d’examiner préalablement s i, comme le
prétendent les sieurs de Píiulhine , le sieur de Saint-Pol ou ses auteurs ont
approuvé et acquiescé á ces mômes dispositions ;
Considérant, quant à ce qu’on ne peut approuver ce qu ’on ne connoît
pas, qu’à l’époque de la sentence du a septembre 174 9, et du traité du 9
décembre de la même année, la sentence de iySG n’avoit pas été notifiée au
sieur de S a in t-P o l; qu’elle ne le fut qu’en 1779, long-tem ps après la de
mande en partage formée par le sieur de Saint-Pol ; que lors des sentences et
traité de 1749, il ne s’agissoit point d’une destination portée par le testament
d’Anne de Lavolpilière, mais de la constitution de dot faite à la dame de St.P ol, par son contrat de m ariage; qu’en réclamant le payement de cette dot,
le sieur de Saint-Pol ne donna point au sieur de Paulhine la qualité d’héritier
testamentaire de sa mère , mais la simple qualité d'h éritier et biens tenant d e
sa su ccession ; que lorsque le sieur de Paulhinc-Esparvier prétendit que la
qualité d’héritier testamentaire a lui attribuée par sentence , dont il ne donna
ni date ni copie, étoit suspendue par la voie de l’appel qu’il dit avoir in
terjeté de cette sentence, le sieur de Suint-Pol se restreignit à suivre l’effet
de la demande contre ledit de Paulhine, en la seule qualité de biens tenans
de sa succession ;
Q u’à la vérité tous le s droits du sieu r d e S a in t-P o l étant ouverts p a r le
d ècès d es père e t mère de la dame de Saint-Pol, le sieur de Paulhine eût pu
repousser sa demande, en le forçant à prendre qualité, à se dire et porter héri
tier, ou à renoncer à cette qualité, pour s’en tenir à la destination et constitution
dotale, dont le payement étoit réclam é; mais q u e , au lieu de cela, le sieur
de Paulhine, défendant à la demande par d’autres m oyens, fu t constamment
averti que le sieur de Saint-Pol n entendoit approuver aucunes dispositions
testamentaires , puisqu’il se fit constamment des reserves de se pourvoir en
partage de la succession de la dame de Lavolpilière ;
Considérant enfin que ces réserves expresses consignées dans l’acte de reprise
au g re ffe , du 6 décembre 1748» dans la requête du même jour, dans celle
du i*r. février 1749 > dans la signification de la sentence du 2 septembre
17/ff) , et encore i n d i r e c t e m e n t , dans le traite du g décembre de la mémo
année, excluent toute idée d’approbation de la part dudit sieur de Saint-Pol, d’où
il s’ensuit qu’il est r c c c v a b l c à proposer et faire valoir les nullités dont
peuvent ótre viciées les dispositions testamentaires ;
Considérant à cet égard que sans examiner si avant l’ordonnance de 1 7^5 ,
l e testament devoit ótre dicté et écrit en présence des'témoins, comme sembla
l’exiger l’arrét rapporté par H eiirys, rendu en forme de règlem ent, contre
le* notaires du F o rez, ou s’il suffisoit que les témoins fussent présens, pour
�( i5 )
tm'iir la lecture du testament, en présence du testateur, il est au moins certain
q u e, dans ce dernier cas, le testateur devoit, en présence des tém oins, dé
clarer que le testament lu étoit sa dernière vo lon té; qù’il est constant que
cette déclaration de la dame de Lavolpilière n’est attestée par aucun tém oin,
si ce n’est par le vicaire Costerousse, qui ne dit pas encore qu’elle ait été
faite après l’ expulsion et le départ des témoins; qu’il est également constant
qu’elle ne peut ê t r é suppléée par la réquisition faite par e lle au vicaire Coste
rousse, de faire lecture du testament; que cette déclaration devoit être re
nouvelée après la le cL u re , o u a u moins , dans l’espèce , a u moment où le
testament fut enlevé des mains du vicaire, comme ce dernier le donne à’
entendre dans sa déposition ;
C o n s i d é r a n t enfin que la déclaration du vicaire ne suffit pas pour constater
l’observation de cette essentielle form altié, qu’il faut encore celle de tous
les témoins ;
Considérant que ce vice n’est pas le seul dont fussent infectées les dispo
sitions de la dame de Lavolpilière ; qu’elles l’étoicnt encore du vice de prétérition, en çe que la testratrice n’avoit pas rappelé les dames de Tourret et
de Saint-Pol, ses filles; que la déposition du vicaire à cet égard est encore
contraire à la déposition uniforme de tous les autres tém oins, qui auroient
aussi bien dû retenir les legs faits aux dames de Tou rret et de Saint-Pol»,
que tous les autres legs qu ils mentionnent dans leurs dépositions; qu’au surplus y
d’après même la déposition du vicaire , le legs fait aux dames de Tourret et
de Saint - P o l, ne l’auroit pas été à titre d’institution d’héritier , à la différence
du legs fait au chevalier d’Estresses, également rappelé et par le vicaire et par,
tous les témoins ;
C o n s i d é r a n t que cette prétérition eût di\ suffire et suffit'encore pour faire
annuller les dispositions de la dame de Lavolpilière ; que dès-lors les sieurs de
Paulhine et Dalozier ont été mal à propos c o n f i r m a s ses héritiers par la
sentence de 17 3 6 , et qu’ en recevant le s i e u r de S ain t-P o l tiers-opposant
à ladite sentence, il y a lieu d’ordonner à son profit le partage de la suc
cession, comme ouverte ub intestat.
■E n ce qui touche le payement de la somme de 2000 francs pour la légi
time paternelle de Françoise Esparvier, aïeule du sieur de Saint-Pol, et du
legs de 5o francs à elle fait par le testament du sieur de Lodièrc ;
Considérant qu’outre que le sieur de Paulhine ni le sieur Esparvier do
Blazèdes n e se sont dans aucun temps légalement pourvus contre le te s ta m e n t
du sieur d e Lodière, d u 3 août 1735, ils s e r o ie n t non recevalles, comme l’eût
¿té le sieur d e Blazèdes, leur auteur, à l ’a tta q u e r de n u llit é , ledit d e Blazèdea
¿tant héritier pur e t simple d u sieur E s p a r v ic r - d ’ E s tr e s s c s , son fr è r e ; que
lui-méme avoit a p r o u v é le testament; quoiqu’il eût déclaré ne vouloir accepter1
�(i6)
l’hérédité que sous bénéfice d’inventaire, la succession à lui déférée par*
ledit testament;
Q ue les sieurs de Paulhine n’ayant pas plus de droit que le sieur de Blazèdes,
leur père et aïeul, et celui-ci que le sieur Esparvier-d’Estresscs, son frère ,
ne pouvoient, sous prétexte de l’inventaire fait à la requête dudit sieur d’Estrcsses,
en 173H, après le décès du sieur de L od ière, se prétendre simples héritiers
bénéficiaires de ce dernier, puisque lesdits sieurs d’Estresses n’ont pas usé
dudit inventaire v is -à -v is de la dame de Saint-Pol, sa sœ u r, so it pour ne
l'a v oir ap pelée à l'inventaire com m e créancière de la succession, soit pour
avoir compris dans ledit inventaire le mobilier de la succession d’Anne de
LavoJpilière , n’avoir pas distingué celui propre et personnel au sieur de
Lodière , et s’étre emparés de tout confusément ; jouissance et confusion
qui s’est perpétuée tant dans les mains du sieur de Blazèdes que dans celles
du sieur de Paulhine ;
Q ue la sentence de 1749 n’avoit condamné M arc-Antoine Esparvier, sieur
de Blazèdes, au payement de la dot de la dame de Saint-Pol, qu'en q u a lité
d ’ h éritier et bien tenant d’Anne de Lavolpilière, et ce à raison de la solidarité
d’obligation portée par le contrat de mariage de la dame de S a in t-P o l, et
qu’ elle ne prononce contre lui aucune condamnation, comme héritier du sieur
de Lodière ;
Considérant que l’effet de la condamnation portée par ladite sentence de
174 9 , n’étant plus qu’ un objet de rapport au partage de la succession d’Anne
de Lavolpilière, les héritiers de la dame de Saint-Pol ne peuvent être privés
du droit de requérir contre les héritiers du sieur de Lodière, la condamnation
tant du legs porté par son testament au profit de la dame de Saint-Po!, que de
la dot qu’il lui avoit constituée en la m ariant, et de reprendre, quant à la
d ot, l’effet de la demande qu’ils en «voient formée en 1748, dès qu’ils se dé
partent de leur demande postérieure au partage de lu succession du sieur de
Lodière.
En ce qui touche la demande en payement du legs de 3oo francs, porté par
l e d i t testament d e Charles E s p a r v i c r - d ’ E s t r e s s e s ;
Considérant que la sentence de i 74D 11 cn Pron°nce pas la condamnation ;
que sur la demande qui cn avoit été formée en 1748, elle ordonnoit, à cause
des qualités contestées, une plus ample instruction ;
C o n s id é r a n t , à c e s u j e t , q u e M arc-Antoine Esparvier d e Blazèdes n ’a y a n t
p a s f a it fa ir e d 'inventaire au décès de feu Charles Esparvicr-d’ Estresses, n’a pu
ïe d ir e e t p r é t e n d r e ê tr e s o n h é r it ie r b é n é fic ia ir e ; q u e l u i , e t après lu i les sie u rs
de Paulhine, n e p e u v e n t a v o ir d ’ a u tr e s qualiLés q u e c e lle s d ’ h é r itie r s p u r s e t
s im p le s d u d it c h e v a lie r d ’ E s trcs sc s ; q u e la d e m a n d e c n c o n d a m n a t io n c o n t r e
eux r e p r is e , à fin d e p a y e m e n t d p le g s d e 3oo francs, esi. b ie n f o n d é e , d è s
que
�C *7 )
sieur de Saint-Tol Se départ de la demande e n partage que lu i o u ses
auteurs avoient formi-e de la succession dudit d ’Estresses, sous prétexte de
nullité du testament de ce dernier; que le sieur de Saiiit-lJol ne doit encourir
d’autres peines, à cet égard, que celle des dépens mal à propos occasionnas
par ladite demande en partage.
. E n ce qui touche la demande du sieur de Paulhine, à fin de nullité de la
cession faite à Jean-Gabriël de Saint-Pol par Jean-Hugues de S ain t-P o l, son
frè re , le g janvier 17 6 1, et à lin de partage des successions de père et m ère,
frère , oncle et tante dudit sieur de Saint-Pol ;
Considérant que l’acte de 17^1 renferme l’approbation la plus expresse des
testaméns d e s père et mère dudit cédant; que la nullité du testament du père,
résultante de ce qu’il avoit été reçu par M. le curé, postérieurement à l’ordon
nance de 1735, éto if une nullité apparente, qui devoit être d’autant moins
q u e le
ignorée de Jean-Hugues de S a in t-P o l, cédant, que M arguerite de Saint-Pol,
sa sœur, femme Azalbert, l’avoit déjà fait prononcer par arrêt rendu en 1749,
ainsi que l’ont annoncé les sieurs de Paulhine eu x-m êm es; que la nullité du
testament de la mère , résultante de ce qu’il n’est pas écrit de la main du notaire
recevant, pouvoit être considérée comme une nullité cachée; mais que c’ est
ici d’autant plus le cas de l’application de l’arrêt invoqué par le sieur de SaintP o l, rapporté par Chabrol, sur l’articlc 5o du titre ta de la coutume d’A u
vergne, rendu en semblables espèces, en i 76 8 , contre un sieur de Lavolpilière,
au profit du sieur de Chambona, qu il n’est ni c o n s t a n t ni vraisemblable que
Jean-Hugues de Saint-Pol n’ait eu connoissance de cette nullité qi,ic postérieu
rement à l’acte de 176 1, soit qu’on ne s’en est pas fait un moyen dans les lettres
de rescision prises sous son nom-, soit parce qu’il avoit les moyens de consulter
les minutes, puisque la quittance qu’il avoit antérieurement fournie à son frère,
le 14 mars 1769, d’ une somme de y 58 francs, à compte de ce qui lui avoit été
légué par le testament de ses père et m ère, attestant qu’il en connoissoit, et
la date, et le nom de ceux qui les avoient r e ç u s , soit enfin que d’après les
termes de l’acte de 1761 il est évident que Jean-Hugues de Saint-Pol n’avoit pas
seulement entendu approuver et céder les droits résultans en sa faveur des testarnens, mais tous scs droits successifs, d’après les anciens principes confirmés
par le Code c iv il, l’acte de 1761 n’est pas même susceptible de rescision pour
cause de lésion ;
Considérant encore que l’acte de cession de îyfîi > comme premier en d a te ,'
oit l’emporter sur celui de 176g, nu sieur de Paulhine, par Jean-Hugues de
,aint-Pol; que ce dernier acte suppose une première cession faite au sieur de
Paulhine, sous la date de 1760, dont l’existence à cette époque est d’autant
plus suspecte, qu’oulre que rien ne la constate légalement, c ’est qu’elle préjenteroit Jcan-Iiugues de Saint-Pol comme un stcüionatairc sans pudeur, qin
C
�fi8 )
fa r trois fo ’s se scroit alternativement fait un jeu de tromper son frère, et le
ticur de Paulhine, son cousin, sans cependant qu’aucune des parties ait osé
donner une telle idée de son caractère; que si la première cession de 1760 eût
existé , le fieur de Paulliine se fût empressé de l’opposer à la demande en par
tage du sieur de Saint-Pol, dès qu’elle fut formée; qu'enfin les termes de l’acte
de 176.9, les circonstances dans lesquelles la cession qu’il renferme a été re
cherchée, l’intervention de Jean-Hugues de Saint-Pol, même après la cession
fuite au sieur de Paulhine , la modicité du prix de cette cession , comparé à
celui de la cession de 1761 , le besoin que crut en avoir le sieur de Paulhine
pour combattre et atténuer la demande en partage formée contre lu i, tout
fait présumer qu’elle fu t feinte et simulée, ou que si elle fut réelle, elle ne fut
que le fruit de la suggestion et de la captation ; d’où il résulte que sans s’arrêter
à l’ acte de 17^9, les demandes, soit en rescision de l’acte de 1761 , soit à fin
de partage de la succession de la famille de Saint-Pol, doivent être rejetées.
Finalem ent, en ce qui touche la demande en provision de 3ooo fr. , formée
par ledit sieur de Saint-Pol ;
Considérant qu’ il est certain que scs auteurs ont perçu diverses sommes à
compte de la constitution de dot de Françoise Esparvier, son aïeule, ou intérêts
d’icclles; que sous ce rapport il est censé pourvu ; mais qu’au lieu d’une simple
destination de légitim e, ayant droit au partage égal d’une succession ouverte
dès 173 5 , les sommes reçues peuvent n’être considérées que comme une pro
vision insuffisante, si les contestations qui divisent les parties doivent encore
se prolonger.
Par ces divers m otifs,
L e tribunal faisant droit aux parties, sans s'arrêter ni avoir égard à la cession
prise par Joseph Esparvier, de Jean-Hugues de Saint-Pol, le 25 avril 176g, aux
lettres de récision prises sous le nom dudit de Saint-Pol, contre autre cession
par lui faite le 9 janvier i j Gi > a Jean-Gabriël do Suint-l’ol , son frè re , ni
à la demande en entérinement desdites lettres, formée sous le nom dudit
de Saint-Pol, au ci-dcvant bailliage de V ie , et reprise en ce tribunal par ledit
de Paulhine ; sans s’arrêter pareillement aux demandes de Joseph et Pierre
Esparvier, père et fils, tant à fin de nullité des testamens de Gabriel de SaintPol du Chnyla, et de Françoise Esparvier, son épouse, qu’à fin «le partage de
leurs successions, ainsi que de celle «le Iloch de Saint-Pol, Gabriel, FrançoiscBlizabelh et Anne de Saint-Pol; de toutes lesquelles demandes, fins et con
clusions lesdits Esparvier de Paulhine, pore et fils, sont déboutés; faisant droit
sur la demande contre eux form ée, à fin de jwrtage de la succession d’Anne de
la Volpilière , aïeule et bisaïeule des parties, reçoit, en tant que de besoin,
Jean-Hugues de Saint-Pol, lils et héritier de Je«n-Gabrü:l , tiers opposant n la
sentence du bailliage de V ie , du 6 mars 1756, qui a déclaré Charles Esparvier
�C T9 )
3 e Blazèdes , et Agnès de Pdnafos-Dalozier, héritiers testamentaires de ladite
Anne de Lavolpilière, déclare quant à ce ladite sentence nulle et comme non
avenue; ce faisant, condamne ledit Joseph Esparvier, et Pierre Esparvier fils,
et son donataire , tenancier des entiers biens de la succession d’ Anne de La
volpilière, à venir à division et partage avec ledit de Saint-Pol, de tous les biens
meubles et immeubles provenus de ladite succession, savoir du mobilier suivant
l ’inventaire qui en a été fait ou dû être fait à l’épo'que du décès d’Anne de La
volpilière, sinon, suivant l’état quclesdits dePaulhine seront tenus d’en fournir,
sauf tous contredits, même toute preuve en sus, et des immeubles en nature,
dans les formes voulues par le Code c iv il, pour du tout en être fait six lots
égaux , et l’un d’eux délaissé par la voie du sort audit de Saint-Pol, par re
présentation de Françoise Esparvier, son aïeule, avec restitution des fruits
et jouissances des im m eubles, et intérêts du mobilier , depuis le décès de
ladite Anne , et intérêts d es intérêts à compter de la demande formée au
bailliage de V ie , le 12 avril 17 6 5 , à la charge toutefois par ledit sieur de
Saint-Pol de rapporter audit partage ce qui sera établi avoir été par lui ou
scs auteurs perçu, tant en capital qu’intérêts, de la dot constituée à Françoise
.Esparvier, dans son contrat de mariage avec Gabriel de Saint-Pol du Chayla',
<lu ch ef d e là dame Anne de Lavolpilière, sa mère.;
O r d o n n e que jjour parvenir audit partage, estimation préalable des im
meubles sera faite par un ou trois experts dont les parties conviendront, dans
les trois jours de la signification dtr présent j u g e m e n t ; et faute par les parties
d ’ en convenir dans ledit délai , ordonne qu’il sera procédé à l a d i t e estima
tion par les sieurs Chyrol, Daude et R od ier, experts que le tribunal nomme
dès à présent d’office; lesquels experts procéderont à la division ci-dessus
ordonnée, pour être ensuite les lots formés de la manière voulue par le Code
civil , et estimeront en outre les dégradations et améliorations si aucunes
existen t, et encore année par année la restitution des jouissances du sixième
revenant audit de Saint-Pol, et ce depuis Je décès de ladite Anne de Lavol
pilière ; qu’ il sera procédé au partage ci-dessus, devant M, Loussert, jugccominissaire nommé à cet effet; qu’ il renverra ensuite, s’il y a lieu, les
parties devant tel notaire qu’ il avisera, et qui recevra le serment des experts ;
Au surplus, donne acte à toutes les parties de ce que ledit Jean-Hugues
de Saint-Pol s’est d ép a rti d es d em a n d es en partage formées au bailliage de
[Vie , tant de la succession de François de Lodière et de Charles EsparvicrU’ Estresses ; ce faisant, déboute ledit de S ain t-P o l desdites demandes en
partage ; et statuant sur les conclusions par lui prises le 3 messidor an 1 2 ,
précédemment prises au bailliage de V i e , et sur lesquelles la sentence de
1749 avoit sursis à faire d ro it, condamne lesdits Esparvier de Paulhinc,
père et fils ,
comme h éritiers purs e t sim p les de l'rançois Esparvier i[q
�(
20
)
Lodière , par représentation de Charles Esparvier-d’Estresses', à payer audit
de S.iint-Pol, en derniers ou quittances valables, la somme de 2000 francs,
formant Ja dot paternelle constituée par ledit François de Lodière à
Françoise Esparvier , sa fille , par son contrat de mariage avec Gabriel de
Saint-Pol du Chayla , avec intérêt de cette somme depuis la demande origi
naire qui en fu t formée au bailliage de V ie ; 20. celle de 5 o francs, montant
du legs fait à ladite Esparvier, épouse de Gabriel de S a in t- P o l, par ledit
François Esparvier de L odière, par son testamant du 3 août iy 5 5 , pareille
ment avec intérêt de ladite somme, depuis la demande qui en a été formée le
l 3 messidor an 1 2 ; condamne en outre lesdits Esparvier, comme héritiers
■purs et sim p les de Charles Esparvier-d’Estresses, par représentation de M arcAntoine Esparvier de Blazère, ¿p ayer audit de Saint-Pol, en deniers ou quit
tances valables, la somme de 3oo francs, montant du legs fait à ladite Espar
vier, épouse de Gabriel de Saint-Pol du Chayla, par ledit Charles Esparvierd’Estresses, son frère, par son testament du 18 mai iy 3 8 , avec intérêt de
ladite somme, depuis la demande originaire qui en fut faite au bailliage de V ie ;
C o n d a m n e e n f i n lesdits E s p a r v i e r , père et iils, en tous l e s dépens faits tant au
bailliage de V ie qu’au tribunal civil du département du Cantal, qu’en ce siège*
moins toutefois le cinquième des dépens, depuis la première demande du
partage, formée au bailliage de V ie , jusqu’au 3 messidor an 12, époque à la
quelle ledit de Sain t-P ol s’est départi des demandes en partage des succes
sions de François Esparvier de Lodière et de Charles Esparvier-d’Estresses;
lequel cinquième des dépens , ensemble le coût entier de la sentence du
bailliage de V ie , de 1784* demeurent à la charge dudit de Saint-Pol, suivant
la taxe qui e n sera faite en l a manière ordinaire ;
E t en cas d’nppel du présent jugement , fait audit cas provision audit de
Saint-Pol de la somme de mille livres ;
Ordonne que le présent jugement sera exécuté nonobstant l’appel, et sans
y préjudicier;
S u r le s u r p lu s d e s d e m a n d e s , fin s e t c o n c lu s io n s d e s p a r t i e s , le s m e t h o r s
d ’ in stn n e e.
Sur l’iippel de ce jugem ent, la cour a confirmé la dis
position relative à la provision.
A u jo u r d ’hui le sieur S t.-P o lse trouve payé absolument
de la dot de 4000 francs et des deux legs de 360 fraucs.
E n e f f e t , i° . son aïeul a reçu 1700 francs en argent,
ou biens fonds, dont l ’adversaire est encore détenteur;
�(
21
)
2 °. Son père a reçu 1225 francs, ainsi qu ’il est reconnu
en la sentence du 2 septembre 1 7 4 9 ;
3 0. Il a reçu encox-e une somme de
5oo
francs, suivant
le traité du 9 décem bre 1 7 4 9 ;
4 0. 11 étoit débiteur de Hugues Saint-Pol de 82 0 francs;
et Hugues Saint-Pol ayant cédé cette créance à Josepli
E s p a r v ie r , c e lu i- c i, porteur des effets, a le droit sans
difficulté de les opposer en compensation ;
5°. Il étoit débiteur des jouissances du pré et cham p
abandonné en 1749 , depuis ladite époque jusqu’au désis
tement ordonné par la sentence de 1 7 7 9 ; ces jouissances,
à 200 francs par a n , se porteront à 6000 fran cs, sauf la
déduction des intérêts dûs à l ’adversaire suivant ladite
sentence ;
6°. L e sieur E sparvier est porteur de quittances ou
billets pour prêts signés p n rle sieur Saint-Pol p è r e , p o u r
la somme d’environ 700 francs.
A in s i l’adversaire est nanti d’ une somme de 10945 fr.
lorsqu’ il demande un partage.
Il demande ce partage après avoir demandé et fait
payer une dot constituée à sa bisaïeule.
Sans doute si cette sentence avoit été obtenue pendant
la vie de ceux qui ont constitué la d o t, elle ne seroit
pas une fin de non-recevoir contre l’adversaire.
Mais c’est après la m ort de ceux qui ont fixé cette
d o t , qu’elle a été d em and ée, obtenue et p ayée; dès-lors
il faudroit oublier tous les principes p our admettre le
sieur Saint-Pol à revenir par une nouvelle a c tio n , in
com patible avec la première.
�( 22 )
E n effet, quand une succession s’o u v r e , tous les enfans
du défunt ont le droit d ’y ve n ir par action en p artage,
ou par action en payement de la dot ou légitim e fixée
p a r le défunt.
Dans le prem ier cas , on est héritier et chargé des
dettes ; dans le second cas , on est créancier, et affranchi
Lde toutes charges héréditaires.
Celui qu i ne se présente que p o u r réclam er une dot
con ven tio n n elle, q u i agnovit ju d iciu m d e fu n c ti, ne peut
plus ensuite se présenter com m e héritier et demander un
partage.
Seulement s’ il prétendoit n’a vo ir p a s , dans ce qu’ il a
r e ç u , une légitim e de r ig u e u r , il pourroit la demander;
mais son action ne seroit pas changée ; car ce seroit
encore à titre de créancier q u ’il viendroit à la succession,
et la demande en partage ne lui seroit pas ouverte.
Ici le sieur S a in t-P o l, à l’époque où il pou vo it opter,
après la m ort d’A n n e L a v o lp ilière et François E sparvier,
a choisi la qualité de créancier ; il a forcé Yhéritier de
le payer.
Com m ent auroit-il p u rester lui-m êm e héritier après
cette demande ? Il auroit été son p rop re débiteur.
L e sieur Saint-Pol a donc renonce au droit d’être coh é
ritier , dès l’instant q u ’ il s’est présente contre lh é r itie r
p o u r être payé d’une dot due p a r la succession .
E n vain a-t-il fait des réserves dans des procédures où,
le plus so u v e n t, elles sont de style : ces réserves étoient
démenties par sa demande m êm e, et elles ne peuvent le
relever de son p rop re fa it, qui les rend inutiles : Facta
potentiora su n t verbis , et actu s p rotestation i cojitra riu s
tolllt protcslationenix
�( *3 )
L e sieur Saint-Pol dira-t-il que lors du procès de 17 48 ,
il ne connoissoit pas l’étendue de ses droits ?
M ais on voit par une écriture signifiée par*le sieur
S a i n t - P o l , le 12 avril 1 749, que le procès
mations de 1 7 3 5 , lui étoient conn u s, ainsi
tence de 1736.
D ’ailleurs la sentence de 1748 règle ses
so llicité e, il ne l’attaque pas. 11 l ’a exécutée
et les infor
que la sen
droits; il l’a
par le traité
de 1749 ; et ce traité lui-m êm e n ’a point été attaqué dans
les dix ans.
Ce silence du sieur S a i n t - P o l n’étoit pas un simple
oubli.
A lo r s la
succession étoit
poursuivie par des
créanciers. L e sieur L a c a rriè re , ancien adjudicataire des
biens , ne les avoit rendus qu ’à la charge d ’être rem
boursé de t o u t ; il p o u vo it se remettre en possession;
et voilà pou rqu oi le sieur Saint - P o l laissoit tous les
dangers à la charge de l’héritier. L e sieur saint-Pol étant
m êm e assigné hypothécairem ent par le sieur L a c a r r iè r e ,
com m e détenteur d’immeubles à lui abandonnés p ar
le contrat de 1 7 1 8 , assigna en recours M a r c - A n t o i n e
E s p a rv ie r, et ainsi il se mit à l’abri de toutes recherches.
C ’est seulement après que ces dangers ont passé à force
de démarches et de sacrifices, q u ’il est venu a d p a ra fa s
e p u la s , renier la qualité qu ’il avoit prise p o u r se dire
héritier.
L e sieur S a in t-P o l, qui nedisputoit pas en 1748 au sieur
E sparvier la qualité d ’h éritier en ve rtu de la sentence
de 17 3 6 , veut aujourd’hui la contester, et p o u r cela il
form e tierce opposition à cette sentence.
P eu t - il y être éc o u té , après avoir connu et discuté
cette sentence avant le traité de 1749 ?
�( M )
Est-il môme recevable dans sa tierce opposition, sous
prétexte qu ’ il a dû être appelé à la p ro c é d u re ?
Il s'agissoit de la poursuite d’ un délit; les seuls intéressés
étoient d’une part l’auteur de la suppression du testament,
et d’autre p a r t, ceux qu i étoient nommés dans ce testa
m en t et qui perdoient à sa suppression.
L a dame Saint - P o l , dotée au-delà m êm e des forces
actuelles de la succession , n ’avoit pas d’intérêt d’être
appelée à discuter cette suppression.
Sa dot étoit présumée de droit la rem p lir de sa p ortion ;
et d’ailleurs elle n’étoit pas réputée héritière tant qu’elle
ne renonçoit pas ù cette dot. Com m ent d’ailleurs le sieur
S a i n t - P o l peut-il attaquer une sentence qui a passé en
force de chose jugée v is -à -v is François E s p a rv ie r? Il a
procédé comme héritier dudit E sp a rv ie r, depuis i j 65
jusqu’au 13 messidor an 1 2 , qu ’ il a changé ses conclusions.
O r , la qualité d’héritier est indélébile.
A u x’este, quand la sentence de 1736 to m b e ro it, les
informations de 1735 sufliroient p ou r donner à M a rcA n t o in e E sparvier et à François Bonafos la qualité d’h é
ritier d ’A n n e L a vo lp ilière .
L ’enlèvem ent du testament ne peut pas ôter à l’héritier
appelé le droit q u ’ il tenoit de la volonté du d é fu n t; et
c’est ici le cas d’appliquer la m axim e : P o tiu s id quant
action est quant quod scripturn est. En eiïet, il est de
principe qu’ un titre perdu par accident ou force m ajeure,
est suppléé par la p reu ve testimoniale.
O r , les témoins de 173^ déposèrent avo ir une par
faite connoissance de la teneur du testam ent, tenorem
in strum en ti au divissc (lut percepisse ; et le nom des
héritier^
�C *5 )
héritiers fut tellement co n sta n t, qu ’ils furent confirmés
com m e tels par la justice , en grande connoissance de
cause.
L es premiers juges o n t - i l s pu , sans un arbitraire
r é v o lta n t, ôter à ces héritiers un droit aussi ancienne
ment reco n n u , et réform er aussi légèrem ent une décision
contemporaine , fondée sur des élémens de vérité que
le temps a affa ib lis, mais q u ’il n ’a pas entièrement fait
perdre ?
Rem arquons l ’inconséquence, et des premiers ju g e s,
et de l’adversaire. C ’est en 1736 que la justice donna à
M a r c - A n t o in e Esparvier la qualité d’héritier. Elizabeth
Sain t-P o l la lui confirma dans l’exploit de 1738 -, le sieur
Sain t-P o l lui-m êm e la confirma dans l ’exploit de 1 7 4 8 ,
dans la sentence et le traité de 1749.
E t cependant il est admis , soixante ans a p rè s , h se
rétracter.
Q uant aux dépositions des témoins de 1 7 3 5 , n’est-il
pns d’ un scrupule m inutieux d’y chercher si les légitimes
ont été faites à titre d ’in stitu tion ? Ces témoins ne p o u voient pas connoître des subtilités de droit q u i , au
jo urd’ hui sont proscrites du Code c i v i l , parce q u ’elles
ont été jugées n’avoir aucune importance réelle.
L es témoins ont parlé des legs; et s’ ils y avoient ajouté
quelque chose de plus scientifique, on auroit p u , avec
ra iso n , se défier de leur témoignage.
Enfin il est ridicule d ’exiger que la lecture du testa
ment eût dû être faite, parce que l ’ordonnance l’exige.
Car précisément la suppression eut lieu lors de cette
lecture , et c’est ce que l’ordonnance n’a pas p révu .
Si donc la sentence de 1736 étoit annullée , la qua*.
D
�c
2
6
}
lité ¿ ’héritier se retrouveroit dans les informations, et
aucune prescription ne s’y opposeroit; car le sieur Es par
vi er et ses en fans ont toujours joui des biens et de la
qualité d ’héritier.
Quant à la succession de François Esparvier de L o d i è r e , il est difficile de concevoir comment l’adversaire,
âpres avo ir demandé sa légitime en 1 7 3 8 , puis le par
tage en 1 7 6 5 , a pu revenir h demander la légi tim e,
après avo ir plaidé trente-huit ans p o u r le p a r t a g e , et
surtout comment il a pu faire sanctionner cette étrangô
Variation.
Ce n’est pas qu ’on lui conteste le droit de prendre la
légitime conventionnelle; mais dans le système des pre
miers j u g e s , c’étoit une inconséquence; car si le traité
de 1749 n’étoit pas une fin de n o n - r e c e v o i r , la qualité
d ’héritier une fois prise ne p ou vo it pas être répudiée
p o u r en revenir à une dot qui n’étoit sujette ni aux dettes,
ni aux charges de l’hérédité.
Cette variation du sieur S a i n t-P o l, au lieu d’être prise
au m o t , d e v o i t tourner contre lui.
A u contraire, les premiers juges en tirent parti pour
dire que le sieur Saint-Pol n'étant plus héritier de Fra n
çois E s p a r v ie r , a qualité p o u r former tierce opposition.
Ils ont encore posé en règle générale q u ’on peut tou
jours diviser une d o t , et c’est une erreur.
H o u s s e a u - L a c o m b e , v°. dot , enseigne que la consti
tution dotale est indivisible; et que l’enfant doté ne
p e u t , après la m o r t , s’y tenir pour les biens maternels,
et répudier les paternels. Il cite un arrêt du i 5 juillet
"1745. 11 p ou vo it en citer un autre du 23 févri er 1 6 3 4 ,
�( a7 )
qu’ on trouve au tome i er. du Journ al des audiences.
S o u v e n t, en effet, avec des fortunes inégales, des pères
et mèi*es ont des motifs
égalité.
p o u r constituer une dot par
Ceci a voit lieu dans l ’espèce, où plusieurs actes anté
rieurs à 1700 p rou vent que la fortune du sieur E sparvier
étoit en litige avec celle d’A n n e L a v o lp iliè re , avant m êm e
son mariage : ce seroit un chaos que de v o u lo ir aujour
d ’hui séparer ces deux successions.
A u reste, si le sieur Sain t-P o l obtient 2000 francs'
du chef de son bisaïeul, il sera soumis au com pte du
bénéfice d’in v e n ta ire , et il y auroit m êm e de l’injustice
à obliger le sieur E sparvier à payer com m e héritier p u r
et simple.
M al
propos a-t-il été dît que les inventaires ont
été faits sans appeler les créanciers. Il eût fallu les lire
avant d’alléguer ce fa it; on y auroit v u que précisé
ment le sieur Sain t-P ol a été appelé à tous deux.
✓
Il reste à parler du partage de la succession Saint»
P o l , demandé
en vertu de la succession de H ugues
Saint-Pol.
Q uand on mettroit de côté la cession de 1 7 6 0 , celle
de 1769 suffit.
A lo rs H ugues S a i n t - P o l avoit obtenu des lettres de
rescision contre sa cession de 1761 , et elles étoient
fondées.
Il
n’avoit que cinq ans au décès de son père ; il avoit
quitté la maison en bas âge : il avoit traité avec son
protuleur.
<
Il s’étoit pourvu dans les dix ans.
�( 28)
• O n dit qu ’ il a a p pro uvé le testament de sa mère.
M ais il étoit n u l d’ une nullité latente, puisqu’il n’étoit
pas écrit de la main du notaire ; et l’approbation en.
ce cas n’em pêche pas d’attaquer ensuite le testament.
L a cour l ’a ainsi jugé en thèse dans la cause des
nom m és G rangeon et A c h a r d , par arrêt du 4 pluviôse
an 10.
O n a opposé au sieur E sp arvier qu ’il n’insiste sur ce
partage que par récrim ination de la demande du sieur
Saint-Pol. E h bien ! il avoue franchem ent qu ’on a ren
contré juste. Il ne p ou vo it pas m ieux se ven ger d’ un
procès de mauvaise f o i , qu ’en se défendant avec les
mêm es armes.
^
L e sieur de S a in t-P o l veut le tracasser en demandant
le partage de la plus inextricable des successions, après
avoir accepté une légitim e conventionnelle en temps utile :
il est donc bien licite au sieur Esparvier de le tracasser
l u i - m ê m e , p o u r lui m ontrer combien de tels procès
sont o n éreu x à celui qui est forcé de les soutenir.
L e sieur S a i n t - P o l aura bientôt la conviction qu’il
a intenté un fort mauvais procès , et qu’ il s’est attiré
une demande t r è s - fo n d é e ; accident qu’il faudroit
souhaiter à la plupart des p laid e u rs, pour les corriger
de la convoitise du bien d’a u t r u i, et de la manie des
vieilles recherches.
M e. D E L A P C H I E R , a ncien a vo cat.
Me . D A U D E ,
A
RIO M , de l'im p rim erie d E T
a vo u é licen cié.
h i b a u d - L a NDR i O T ,
im prim eur d e la C o u r d'appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Esparvier d'Estresses, Joseph. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Daude
Subject
The topic of the resource
successions
partage
successions collatérales
mariage hors de France
déchéance de nationalité
généalogie
testaments
Description
An account of the resource
Précis pour Joseph et Pierre Esparvier d'Estresses, appelans; Contre Jean-Hugues Saint-Pol, intimé.
arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1718-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0315
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Flour (15187)
Deux-Verges (15060 )
Rights
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Domaine public
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déchéance de nationalité
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successions collatérales
testaments
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MEMOIRE
P O U R
D E J A X , homme de lo i, habitant de la com
mune de Brioude, appelant ;
J u l ie n
CONTRE
A g n è s D E J A X , et le citoyen P i e r r e D A L B IN E ,
son mari yjuge au tribunal de première instance de
l'arrondissement de Brioude ;
D A L B IN E , M a r i e D A L B IN E ,fille majeure,
et A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert CrozeM ontbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ;
tous enfans dudit P i e r r e D A L B IN E et de ladite
D E J A X , son épouse ,
J oseph
E t encore ladite M a r i e D A L B IN E , veuve Gizaguet,
au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit
Montbrizet-Gizaguet ;
' Tous intimés.
D
actes faits en fraude de la lo i, pour éluder la
prohibition de la loi, doivent-ils être maintenus? Les
juges, établis pour le maintien des lois, doivent-ils en
autoriser l’infraction ? Telle est la question que cette cause
présente.
A
ES
�(2)
Ce n’est pas un seul acte que le citoyen Dejax attaque;
c’est une suite, une série d’actes; tous l’ouvrage de l’am
bition de la dame Dalbine, tous l’effet d’un plan cons
tamment suivi, du plan conçu et exécuté de le dépouiller
de la portion que la loi lui assuroit dans la succession
d’une tante commune.
F A I T S .
D u mariage de Pierre Dejax avec Jacqueline Chassaing, sont issus cinq enfans ; savoir, Julien, V ita l,
Antoine premier, Antoine second du nom , et AnneMarie Dejax, première du nom.
Julien, V ital, et Antoine premier, sont décédés sans
postérité. Il ne s’agit point de leur succession.
Anne-M arie Dejax a contracté mariage avec le citoyen
Tartel; elle a survécu à son mari, et vient elle-même
de payer le tribut. C’est son décès et sa succession qui
donnent lieu à la contestation.
A n toin e D e ja x , second du nom , s’est marié avec M arieTh érèse D elchier.
De ce mariage sont issus quatre enfans :
Vital-François, décédé sans postérité;
Julien Dejax, appelant;
Anne-Marie Dejax, seconde du nom, veuve Peyronnet j
E t Agnès D ejax, épouse du citoyen Dalbine, juge.
Celle-ci a eu , de son mariage avec ledit Dalbine, trois
enfans; A n n e-M arie, qui a épousé, en l’an 3 , Robert
Croze-Montbrizet-Gizaguet; et Joseph, et Marie Dalbine*
Telle est la généalogie des parties»
�Anne-Marie Dejax, première du nom, veuve Tartel,
n’avoit point eu d’enfans de son mariage ; ses quatre
frères, Julien, V ita l, Antoine premier et Antoine se
cond du nom, l’avoient prédécédée. Antoine, second du
nom, laissoit seul des enfans : ces enfans étoient les lieritiers naturels, et les seuls héritiers de ladite Dejax.
Des quatre enfans d’Antoine, second du nom, il n’en
restoit que trois , par le décès de Vital-François.
A nne-M arie D ejax, seconde du nom , s’est mariée
en 1770, avec Emmanuel Peyronnet. Par le contrat de
mariage, la tante lui assura la somme de 3,000 francs,
payable après son décès, en effets de la succession, bien
et dûment garantis.
Julien Dejax, appelant, s’est marié en 1771. Par son
contrat de mariage, elle lui a donné des effets ou créances
mobiliaires évaluées à la somme de 6,000 francs; mais
sans garantie de sa part, même de ses fa its et pro
messes , et entièrement aux risques, périls et fortune
du donataire.
Lu s’est borné le cours de ses libéralités envers la
dame Peyronnet et l’appelant.
1
Il n’en a pas-clé de même pour la dame D albinc.
Par son contrat de mai'iage de 1771 , elle lui a fait
donation du domaine de Fontanes, sous la réserve seu
lement de l’usufruit •, elle lui a donné, en outre, une
somme de 2,000 fv., payable après son décès, en argent,
ou effets de la succession.
Cette première libéralité a été bientôt suivie d’une
seconde.
Le 19 novembre 1778 , elle dispose en faveur de
A 2
�C4 )
Anne-Marie Dalbine , sa petite nièce, de six contrats
de rente foncière, sans autre réserve également que de
l’usufruit. La donation est acceptée par le père.
Peu de temps après, elle eut le malheur de perdre la
vue; la dame Dalbine sut profiter de cette circonstance.
Sous prétexte d’être plus à portée de lui prodiguer ses
soins , elle s’établit dans la maison avec ses enfans.
Elle eut bientôt acquis un ascendant souverain.
Elle géi’a et administra à son gré ; elle percevoit arbi
trairement les revenus et les capitaux.
On va voir la preuve de l’empire qu’elle exerçoit»
Les actes vont se succéder.
i i novembre 1793, premier acte. On appelle un no
taire. La tante déclare devant ce notaire, que les sommes
qui avoient été comptées par ses débiteurs, à différentes
époques , avoient été par elle reçues et employées ; et
que, si les quittances en avoient été fournies par la dame
D albine, sa nièce, c’est parce que la déclarante n’avoit
pu les donner elle-même, étant depuis long-temps privée
de l’usage de la vue*, de laquelle déclaration elle requiert
le notaire de lui donner acte.
28 du même mois de novembre, correspondant au 8
frimaire de l’an 2, procuration générale de la tante à la
dame Dalbine, pour recevoir, non-seulement les revenus,
mais les capitaux des créances, remettre les titres, et faire
quittance de tout ou de partie des sommes, ne pouvant
la constituante , est-il d it, quittancer, étant privée do
Tusage delà vue; se réservant, est-il ajouté, la consti
tuante , de toucher et recevoir elle-même les sommes qui
seront payées par ses débiteurs} de manière que lu datne
�(5)
Dalbine sera censée rüavoir absolument rien reçu en
vertu des présentes ; et par conséquent dispensée de ren
dre aucun compte.
Une pareille procuration étoit une véritable donation,
et en avoit tous les effets.
Bientôt intervint la loi du 17 nivôse an 2 \ la tante
ne pouvoit plus alors avantager cette nièce si chérie : on
imagina une couleur.
La loi du 17 nivôse permettoit de disposer du sixième,
en faveur des non successibles ; on imagina de porter sur
les enfans les libéralités dont la mère n’étoit plus sus
ceptible.
Le 17 germinal an 2, on lui fait souscrire, en faveur
des trois enfans de la dame D albine, une donation du
sixième de tous les biens meubles et immeubles présens,
sous la réserve de l’usufruit. La donation fut évaluée à
une somme de 11,600 fr ., savoir, 10,000 fr. pour les
immeubles, et 1,600 fr. pour les meubles. Il n’y a point
eu d’état du mobilier annexé à la minute, et l’acte ne
dit point, et ne pouvoit dire qu’il en avoit été fait tra
dition réelle, puisque la donation porte réserve d’usu
fruit.
L ’ambition de la dame Dalbine n’étoit pas encore
satisfaite.
Le 17 floréal an 2, on fait consentir un autre acte ,
celui-ci directement au profit de la dame Dalbine. On
prend la couleur d’une vente.
Par cet acte, la tante subroge la nièce, objet de sa
prédilection, à l’acquisition de deux maisons nationales ;
lesquelles, est-il dit, lui avaient été adjugées moyennant
�( 6)
la somme de 2,95o f r . , mais auxquelles elle avoit fa it
des réparations considérables, pour, par la dame D albine, jou ir d'icelles dans Vétat où elles se trouvent, à lacharge par elle de lui rembourser la somme de 1,221 j\
par elle déjà payée ¿1 la nation, et à la charge âe payer eï
la nation le restant de Vadjudication. I<e contrat 11e man
que pas de porter quittance de la somme de 1,221 f r .,
qui devoit être remboursée; il porte aussi quittance des
réparations, évaluées à la somme de 1,220 fr.
Ce n’étoit point assez. 21 vendémaire an cinq, nouvelle
libéralité sous la même couleur.
Cette fois on imagina de faire consentir la vente au
cit. Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, mari d’AiméMarie Dalbine.
Par cet acte, il est dit que la dameDejax, veuve Tartet,
a fait vente à Montbrizet-Gizaguet, i°. du domaine de
Vazeliettes, bien patrimonial; 20. du domaine appelé le
Poux , ayant appartenu aux ci-devant religieuses de
St. Joseph, tel qu’il avoit été adjugé parla nation; 30. de
tous les m eubles, outils aratoires, et généralement de tous
les meubles étant au pouvoir du métayer, comme aussi de
tous les meubles garnissans la maison de maître dudomaine de Vazeliettes , sous la réserve de Tusufruit
de tous les objets vendus. La vente est faite moyennant la
somme de 25,000 francs, dont le contrat, comme de
raison, porte quittance.
Cependant la dame Dalbine continuoit, en vertu de la
procuration du 8 frimaire an 2, de percevoir, et les revenus
des biens, et les capitaux des reinboursemcns qui étoient
faits par les débiteurs.
�6 frimaire an 7 , acte devant notaires , par lequel la
tante, toujours docile aux impressions de la niece, après
avoir rappelé la procuration du 8 frimaire an 2, déclare
que, quoique la dame Dalbine ait fourni quittance aux
débiteurs, ainsi qu’elle y étoit autorisée par ladite procura
tion , c'est cependant elle, déclarante, qui a reçu et
touché les différentes so?nmes , tant en principaux,
intérêts que fra is , ainsi, est-il ajouté , que le montant
du prix de la vente de Vazeliettes par elle consentie au
profit de défunt Gizaguet, le 4 vendémiaire an 5 ,
dont elle a disposé à son gré, soit ¿1 payer partie de ses
dettes contractées, ou à ïentretien de sa maison ou
autrement, attendu que ses revenus sont depuis long*
temps insiiffisans pour fo u rn ir à ses dépenses journa
lières; de laquelle déclaration elle requiert acte.
Enfin, pour couronner cette série de libéralités envers
la même personne, testament du 9 messidor an 8, par
lequel, usant de la faculté que lui accordoit la loi du
4 germinal de la même année, elle a disposé en faveur de
la dame Dalbine, par préciput et avantage , de la moitié
de tous ses biens.
E lle est décédée le 4 vendém iaire an 9 , âgée de quatrevingt-neuf ans.
Après son décès la dame Dalbine a provoqué la pre
mière le partage de la succession ; c’est-à-dire , dans son
sens, des objets dont la défunte n’avoit point disposé par
les actes entre-vifs dont on vient de rendre compte. Elle a
fait citer à ces fins le cit. Dejax et la veuve Peyronnet, par
exploit du 26 germinal an 9.
Le cit. Dejax, de son côté, a fait citer, par exploit du
�(S )
19 messidor de la même année, la dame Dalbineet son
m ari, les enfans Dalbine, c’est-à-dire, Marie Dalbine,
Pierre Dalbine et Anne-M arie D albine, veuve Montbrizet-Gizaguet ;
Savoir : la dame Dalbine et son mari, pour voir déclarer
nul et de nul effet l’acte de subrogation, du 17 floréal an 2,
à l’acquisition des deux maisons nationales; voir dire que
lesdites maisons seroient comprises dans le partage; se voir
condamner à rendre et restituer les loyers depuis la subro
gation , avec intérêts du montant depuis la demande ; pour
voir pareillement déclarer nul le testament du 9 messidor
an 8 , comme non revêtu des formalités prescrites par
l’ordonnance ;
M arie, Pierre, et Anne-Marie Dalbine, veuve Gizaguet, enfans dudit Dalbine, pour voir déclarer nulle et
de nul effet la donation du sixième des biens meubles et
immeubles, du 17 germinal an 2 ;
Et encore la dame Gizaguet, au nom de tutrice de ses
enfans , pour voir déclarer nulle la vente consentie, le
21 germ inal an 5 , du domaine et métairie de Vazeliettes
et du Poux, et des meubles, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis la vente.
Il a encore conclu, contre la dame veuve Gizaguet, à ce
qu’elle fût tenue de rendre et restituer les arrérages par
elle perçus, tant avant qu’après le décès de la défunte, d’un
setier seigle faisant partie d’une rente de deux setiers
seigle , due par Jean Pouglieon.
Il a conclu à ce qu’il fût sursi au partage demandé par
la dame Dalbine, jusqu’à ce qu’il auroit été «tatué sur les
demandes ci-dessus.
Il
�Il a conclu subsidiairement au retranchement et à la
réduction des donations à la moitié des biens, en remon
tant de la dernière à la première.
La cause portée à l’audience sur les deux citations ,
c’est-à-dire, sur celle en partage donnée à la requête de la
dame Dalbine , et sur celle du citoyen D ejax, et avec
toutes les parties, jugement est intervenu le 6 messidor
an 10, qui a débouté le citoyen Dejax de sa demande en
nullité, tant de la subrogation consentie par la défunte
au profit de la dame Dalbine à l’acquisition des deux mai
sons nationales, que de la demande en nullité, formée
contre la veuve Gizaguet, de la vente du domaine de
Yazeliettes et le P o u x, et encore de la demande en nul
lité du testament; a ordonné en conséquence que lesdites
ventes, subrogation et testament, sortiroient leur plein et
entier effet ; a ordonné le partage, pour en être délaissé à
la dame Dalbine, comme héritière testamentaire, une
moitié par préciput, et un tiers dans l’autre moitié comme
successible, et les deux autres tiers de ladite moitié, un au
citoyen D ejax, et l’autre à la citoyenne D ejax, veuve
Peyronnet; auquel partage, est-il dit, chacune des parties
rapportera les jouissances perçues des immeubles, et les
intérêts, revenus, et autres objets dépendans de ladite suc
cession , sauf tous les prélèvemens de droit que chacune
d’elles auroit droit de faire. Il est dit ensuite : Dans la
moitié pour Xinstitution de la dame D albine, sont com
prises toutes lesfacultés de disposer de la défunte,faites
depuis la publication de la loi du 17 nivôse an 2; en con
séquence la disposition du sixièm e, enfaveur des enfans
D albine, demeure sans effet quant à présent, et de leur
B
�( IO )
consentemenths avons m is, sur ce chef> hors d*instance,
sa u f à sc pourvoir contre leur mère> ainsi qu’ils avise
ront. Il est de plus ordonné que, dans le délai d’un mois, à
compter de la signification dudit jugement, le cit. Dejax
sera tenu de faire faire inventaire du mobilier, papiers et
titres de créances laissés par la défunte à l’époque de son
décès, si mieux; n’aime le cit. Dejax s’en rapporter à l’état
qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera censée
faite ledit délai passé. Le jugement oixlonne en outre que
la dame Gizaguet sera tenue de rapporter le contrat de
rente annuelle d’un setier seigle, qui fait partie inté
grante delà succession de la défunte,et de rendre comptey
suivant le prix des pancartes, des années par elle perçues
depuis, sauf au citoyen Dejax à faire raison de ce qu’il a
touché de la même rente.
Sur le surplus des demandes respectives, met les parties
hors de jugement; et, en cas d’appel, ordonne le dépôt
des papiers entre les mains de Belmont, notaire.,
. Condamne le citoyen D ejax aux dépens.
L e citoyen D ejax a interjeté appel de ce jugement ;
et c’est sur cet appel que les parties sont en instance en
ce tribunal.
Le citoyen Dejax a attaqué de nullité divers actes :
i° . La donation faite, en faveur des enfans Dalbine,
du sixième de tous les biens meubles et immeubles
présens ;
2°. L ’acte de subrogation ^du iy floréal an 2 , à l’acqui
sition des deux maisons nationales;
3°. La vente du 21 vendémiaire an 5 , consentie au
citoyen Montbrizet-Gizaguet ;
�Et enfin, le testament de la défunte, du 9 messidor an 8.
- La disposition du jugement qui valide ces actes doit-elle
être confirmée ? On se flatte dé démontrer la négative.
i Donation du 17 germinal an 2.
Cette donation est d’abord nulle quant aux meubles,
faute d'état. Les enfans Dalbine l’ont reconnu eux-memes ;
ils ont déclaré ' qu’ils n’y insistoient pas.
Mais elle est également nulle pour les immeubles ; elle
est postérieure à la loi du 17 nivôse an 2 y qui a interdit
tout avantage en faveur d’un successible, au préjudice
des autres.
On a cru éluder la prohibition, en dirigeant la libé
ralité en faveur des enfans de la dame Dalbine; mais
on s’est abusé;
L ’art. X V I porte, à la vérité, que la disposition géné
rale de la loi ne déroge point à l’avenir à la faculté de
disposer j au profit d’autres que des personnes appelées
par la loi au partage dés successions; savoir , du sixième,
si l’on n’a que des héritiers collatéraux ; et du dixième ;
si l’on a dés héritiers en ligne directe.
Mais ce seroit bien mal entendi*e la lo i, què de penser
qu’ellé a voulu par là autoriser les avantages indirects ;
qu’après avoir défendu d’avantager directement les successibles j elle a permis de les avantager indirectement.
Ce seroit preter une absurdité et une inconséquence au
législateur.
Il est certain q u e, tant que ië successible v i t , ses en
fans ne sont point en ordre de succéder \ il leur fait
B 2
�( 12 )
obstacle. Mais il est certain aussi, que le père'et le fils
ne sont censés, en droit’, faire qu’une seule et même per
sonne. Pa ter et filin s un a eaàemque persona.
La loi, en interdisant tout avantage entre cohéritiers,
n’a fait que rendre générale, et étendre à toute la France,
la disposition des coutumes d’égalité. Or , dans les cou
tumes d’égalité, auroit - on autorisé ce qui auroit paru
l’enfermer un avantage indirect ?
La coutume d’Auvergne défend à la femme de dis
poser, non-seulement de ses biens dotaux, mais encore
de ses biens paraphernaux, au profit de son mari. L ’ar
ticle ajoute, ou autres à qui le m ari puisse ou doive
succéder ,*parce qu’inutilement une personne seroit prohi
bée , si on pouvoit lui donnèr indirectement ce qu’on ne
peut directement.
Et, sans se renfermer dans les coutumes particulières,
on le demande : de droit commun , et suivant les lois de
rapport entre enfans, le père n’étoit-il pas obligé de rap
porter il la succession ce qui «voit été donné au petitfils; et, respectivement, le petit-fds ce qui avoit été donné
au père?
La loi du 17 nivôse en renferme elle-même une dis
position tacite.
On sait qu’elle annulloit toutes les dispositions faites
par personnes décédées depuis le 14 juillet 1789 : elle
autorisoit cependant celui au profit duquel la disposition
annullée avoit été faite à retenir la quotité disponible,
c’est-à-dire, le sixième ou le dixième, suivant que le do
nateur avoit ou n’avoit point d’enfans ; et, en outre, autant
de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il
�(i3)
avoit d’enfans, au temps où il avoit recueilli l’effet de la
disposition.
' L ’article X X I porte que si le donataii’e ou héritier
institué est- en même temps successible, il ne pourra
cumuler l’un avec l’autre, c’est-à-dire, la retenue et la
part héréditaire; il est obligé d’opter.
"Et l’article X X IIporte, L e descendant du successible,
qui n’a aucun droit actuel à la succession, et qui en fait la
remise d’après une disposition annullée, peut profiter de
la retenue, quoique son ascendant prenne part à la même
succession.
- Si le descendant du successible n’avoit pas été regardé,
par la loi même, comme ne faisant qu’un avec ceux dont
il a reçu le jo u r, auroit-il fallu une disposition expresse
pour l’autoriser, en ce cas particulier, à cumuler la re
tenue et la part héréditaire?
L ’article X X V I defend les aliénations à fonds perdu,
qui pourroient être faites à un héritier présomptif ; et
il est ajouté, ou à ses descendons. La loi a donc regardé
bien expressément les enfans du successible comme ne
faisant qu’une seule et même personne avec le successible.
D ira-t-on que la loi ayant parlé des descendans dans
cet article, et n’en ayant pas parlé dans l’art. X V I , elle
n’a pas voulu les comprendre dans ce dernier article ?
Mais il faut penser, au contraire, que si le mot descen
dant n’a pas été expressément compris dans l’art. X V I ,
c’est parce que ce mot a échappé au législateur, lors de
la rédaction de cet article, et qu’ensuite il l’a ajouté à
l’art. X X V I , pour réparer en quelque sorte cette omis-
�( i4 )
siorii E n fin , la question a été expressément jugée dans
la cause de Soulier aîné contre ses puînés.
Soulier aïeul avoit fait une institution de tous ses biens
en faveur de son aîné, sous la réserve de disposer du
quart; lequel quart, à défaut de disposition, seroit néan
moins de la comprise de l’institution. L ’aïeul est décédé
en l’an 7, postérieurement à la loi du 17 nivôse an 2,
mais antérieurement à celle du 4 germinal an 8. Par son
testament il avoit disposé du dixième de ses biens en
faveur d’an des enfans dudit Soulier, son petit-fils. Les
frères et sœurs de Soulier ont attaqué cette disposition -f
comme faite indirectement au profit die l’aîné; et la dis
position a été effectivement déclarée nulle, d’abord en
première instance, au tribunal d’arrondissement de cette
commune) et ensuite sur l’appel en ce tribunal.
«
Subrogation du 17 jlo rca l an 2.
Cette subrogation à l’acquisition des deux maisons na~
tionales, n’est évidem m ent qu’une donation déguisée sOus
le nom de vente.
Ce n’est pas sans doute par la dénomination donnée à
un acte qu’il faut juger de la natiire de l’acte, mais par
l’intention que les parties ont eue.
Ce principe ne sauroit être contesté ; il est enseigné
par tous les auteurs, et consacré par les lois.
Parmi les différons textes de lois, on peut citer la loi
SuJpitius, au digeste, D e donationibus inter virum et
uxoram, et la loi Niidâp au cod. D e contrahenda emp~
tionex
�( i5 )
Papon , sur la loi Suïpitius, s’exprime ainsi : « S i ,
« pour donner couleur à chose que la loi ne permet, 1 on
« prend titre permis, sera toujours l’acte suspect, et juge
« qu’on l’a voulu couvrir de ce pour le faire valoir;
« comme si l’un de deux conjoints interdits et empêchés
« de soi donner , fait, par testament ou conti'at entre-vifs,
« confession que l’autre lui a prêté, ou employé à ses
« affaires, ou délivré, ou remis en ses mains certaine
« somme, ne pourra ledit créancier, ainsi confessé, s’aider
« de telle confession, sans premier faire preuve qu’il a
« fait tel p rêt, ou remis, employé, ou délivré la somme.,
« La simulation, dit le mémo auteur dans. un auti'e
« endroit, se pratique de différentes manières; l’une, et
« première, est de faire paroître, par contrat, chose dont
« néanmoins le contraire est entendu entre parties : ce
« sera acte imaginaire, qui n’aura autre chose que l’ap*
« parence pour le contrat passé entre les parties. Un
« homme empêché, par la coutume du lieu, de donner à
« un autre, pour la volonté qu’il aura de le gratifier,
« simulera de lui vendre à certain p r ix , qu’il confes« sera avoir reçu ( c’est ici précisément notre espèce ) :
« si cette simulation est prouvée, sans doute la vente
« sera nulle, comme le dit Ulpien. »
Et Papon cite ladite loi ISudâ.
« Quoique les parties, dit Ricard, et après lui Chabrol,
« tome II, page 381, aient déguisé du nom de vente une
« donation, elle passe pour un titre gratuit et pour une
« véritable donation ; de sorte qu’elle en reçoit toutes les
« lois, comme elle en a les principales qualités. Ainsi
�( 16 )
« un semblable contrat étant passé entre personnes qui
« sont prohibées de se donner, il sera pris sans difficulté
« pour un avantage indirect, et sujet à la prohibition
« de la loi. »
Ce seroit donc une erreur manifeste de s’attacher à la
dénomination d’un acte, et de ne pas en pénétrer l’esprit.
Vainement les parties ont-elles voulu voiler leur inten
tion, et la présenter sous une autre forme que celle d’une
libéralité : les précautions concourent souvent à la trahir;
et les présomptions qui s’élèvent en foule contre un acte
déguisé, acquièrent bientôt le degré d’une certitude, et
eu provoquent la nullité.
• A ces autorités qu’il soit permis d’ajouter celle du
célèbre Cochin, dans son 177e. plaidoyer : Dans un acte
devant notaires il faut, dit-il, distinguer deux choses, le
fait et l’écriture, scriptum et gestum. La simulation con
siste en ce que les parties déclarent, devant un officier
public, qu’elles font entre elles une certaine convention,
quoique réellement elles en exécutent une contraire.
L ’acte est simulé, si l’on prouve que l’on a eu une inten
tion contraire, et qu’on l’a exécutée. La simulation est un
genre de faux ; mais le faux ne touche pas sur l’acte en luimême. C’est un genre de faux par rapport aux parties,
mais non par rapport à l’officier public.
Et de là, le principe consacré, même par une règle de
d ro it, Plu s valere quod agitur, quàrn quod sirnulatè
concipitur.
S’il est constant que la dénomination d’un acte n’efl
détermine pas toujours la nature; si,malgré la dénomina
tion
�C r7 )
tion que les parties lui ont d o n n ée, on peut l ’arguer de
simulation et de fraude , comment s’établit maintenant
cette simulation et cotte fraude ?
Par les circonstances. .
t raus ex circonstantiis probarî potest, dit D um oulin
sur l’article III du titre X X X I de la coutume de Nivernais.
F raus, dit énergiquement d’Argentré, sur l’article
CGXCVI de la coutume de Bretagne , probatur conjecturis antecedentibus , consequentibus et adjunctis.
Falsissim im i, a jo u te-t-il , quod quidam putaverunt non
nisi instrumentis probarî posse; facta enim extrinsecus
fraudent potiùs probant, quia nemo tarn supinus e s t ,
ut scribi patiatur quœ fraudulenterfacit.
La fraude, dit Coquille, s’enveloppe toujours, et cherche
à se déguiser. Elle ne seroit pas fraude, si elle n’étoit
occulte. De la vient que les seules conjectures et présomp
tions servent de preuve.
Citerons-nous encore Denizard. lies donations indi
rectes, dit cet arrétiste, au mot, avantage indirect, n° 17 ,
sont les plus fréquentes, et la preuve en est beaucoup plus
difficile: aussi n’exige-t-on pas de ceux qui les attaquent,
qu’ils rapportent une preuve complète de la fraude ; de
simples présomptions suffisent, parce qu’on ne passe point
des actes pour constater l’avantage indirect-, au contraire
on cherche avec attention à en dérober la connoissance.
Quelles sont, d’après les mômes auteurs, les principales
circonstances qui doivent faire déclarer un acte simulé ?
La première, si l’acte est passé entre proches. Fraus
inter conjunctas personasfacilè prœsumitur.
C
�( 18 )
La seconde , la non-nécessité de vendre, s’il n’existe
aucun vestige du prix.
La troisième, si les actes sont géminés; alors la pré
somption de simulation acquiert un nouveau degré de
certitude.
En un m ot, comme dit d’A rgentré, dont nous avons
rapporté les expressions, les juges ne doivent pas se fixer
seulement sur l’acte attaqué, ou sur les circonstances qui
ont pu accompagner cet acte au moyen de la passation,
mais encore sur toutes les circonstances antécédentes et
subséquentes.
La parenté, le défaut de nécessité de vendre, le défaut
de vestige du p r ix , tout se rencontre ici. Le notaire
n’atteste point la numération des deniers. Il n’est point dit
que la somme a été comptée au vu et su du notaire ou des
notaires soussignés, ainsi qu’il est même de style, lorsque
l’argent est effectivement compté.
E t si, à ces circonstances, qu’on peut appeler environ
n a n te s , on ajoute les circonstances antécédentes et subsé
quentes ; si l’on juge, pour rappeler les expressions de
d’Argentré, ex adjunctis, et ex antecedentibus et consequentibus, restera-t-il le moindre doute?
La dame Dalbine et son mari ont excipé, en première
instance, et de l’article X X V I de la loi du 17 nivôse, et
de la réponse à la 55e. question de celle du 22 ventôse.
L ’article X X V I de la loi du 17 nivôse déclare nulles,
et interdit toutes donations, à charge 4e rente viagère ou à
fonds perdu, soit en ligne directe, soit en ligne collaté
rale, faites à un des héritiers présomptifs ou ù ses descen-
�( 19 )
dans; et de ce que cet article ne parle que des ventes a fonds
perdu, la dame Dalbine et son mnri n’ont pas manque
d’en induire que cet article, par une conséquence néces
saire , autorise les ventes qui ne sont pas à fonds perdu,
d’après la maxime, Inchtsio unius est exclusif) chenus.
Ils se sont aidés ensuite de la réponse 55e. de la loi du
22 ventôse, qui déclare que la loi valide tout ce qu’elle
n’anmille pas; mais cet article de la loi du 22 ventôse,
qui détermine le sens de l’art. X X V I de celle du 17 nivôse,
bien loin d’être favorable à leur système, leur est con
traire. Voici ce que porte la réponse à la 55e. question :
« A ce qu’en expliquant l’article X X V I de la loi du
« 17 nivôse, relatif aux ventes à fonds perdu faites à des
« successibles, il soit décrété que les ventes faites à autre
« titre, antérieurement à cette lo i, soient maintenues,
« quand elles ont eu lieu de bonne f o i , sans lésion, et
« sans aucun des vices qui pourraient annuller le
« contrat. »
Fixons-nous sur ces dernières expressions.
On voit qu’on n’a pas môme osé mettre en question,
et proposer au législateur de décider si des ventes simu
lées devoient être maintenues. Une pareille question n’en
étoit pas une. Le doute ne pouvoit s’élever qu’à l’égard
des ventes faites de bonne fo i, et non en fraude; des.
ventes sincères, et non des ventes simulées. On voit
même, dans l’exposé de la question, qu’il s’agissoit de
ventes faites antérieurement à la loi.
Que répond le législateur?
« Sur la cinquante-cinquième question, ¿jjue la loi
« valide ce qu’elle n’annulle pas; qu’ayant anéanti, entre
G a
�( 20 )
« successibles, les ventes faites à fonds perdu depuis le
« 14 juillet 1789, sources trop fréquentes de donations
« déguisées, parce que les bases d’estimation manquent,
« elle n’y a pas compris les autres transactions commerv ciales, contre lesquelles on n’invoquoit ni lésion, ni
« défaut de payement. »
Qu’induire de là ? La question qui divise les parties
est-elle donc de savoir si une vente faite de bonne fo i,
à un héritier présomptif, est valable? On ne l’a jamais
contesté, et on en conviendra encore, si l’on veut. Mais
en est-il de même d’une vente qui n’en a que le nom,
qui n’est véritablement qu’une donation déguisée ?
Cette question est sans doute bien diiféi’ente.
Vente du 21 vendémiaire an 5 , du domaine de V a zeîiettes et du P o u x , au citoyen Gizaguet.
Elle est faite moyennant la somme de 25,000 francs,
numéraire métallique, laquelle somme, e st-il dit, la
venderesse reconnaît avoir reçue présentement dudit
Gizaguet.
Mais d’abord à qui persuadera-t-on que le citoyen
Gizaguet ait payé comptant 25,000 francs, dans un temps
où le numéraire étoit si rare ? Et si cette somme avoit été
payée comptant, n’en seroit-il pas resté quelques ves,tiges? la défunte n’en auroit-elle pas fait quelque emploi?
ou si elle avoit gardé cet argent stérile dans son armoire,
ne se seroit-il pas trouvé, au moins en partie, à son décès?
• Mêm<^circonstances environnantes. Point de nécessité
de vendre ; point d’emploi du prix; point d’attestation tic
�( 21 )
la part du notaire, que les deniers ont été comptés sous ses
yeux.
Mais, de plus, réserve de la part de la venderesse de 1 usu
fruit; réserve très-rare dans les ventes véritables, tresordinaire au contraire dans les donations ; réserve qui
seule suffiroitpour faire déclarer l’acte n u l, aux termes de
l’article X X V I de la loi du 17 nivôse.
En effet, une pareille réserve convertit la vente en une
vente à fonds perdu, prohibée par l’article X X V I , à
moins qu’elle n’ait été faite de l’exprès consentement dfes
héritiers.
Circonstances antécédentes et subséquentes.
Première donation du 9 décembre 1771 , envers la
dame Dalbine, du domaine de Fontanes , domaine d’une
valeur considérable, et encore d’une somme de 2,000 fr.
En 1778, seconde donation, à Anne-Marie Dalbine,
aujourd’hui veuve Gizaguet , de six parties de rentes
foncières.
11 novembre 1793, quittance et décharge de toutes les
sommes perçues parla dame Dalbine, provenantes non-seu
lement des revenus, mais encore du remboursement des
capitaux.
8 frimaire an 2, procuration générale et illimitée de
percevoir revenus et capitaux, avec dispense de rendre
compte.
La loi du 17 nivôse intervient, Elle ne peut se faire
donner à elle-même. Qu’est-ce qu’elle imagine ? Elle inter
pose ses enfans.
; Donation, du 17 germinal an 2 , de toute la quotité
�(
22
)
alors disponible, envers les non successiblcs, c’est-à-dire,
du sixième.
La q u o t i t é disponible, o u , pour mieux dire, qu’elle
croyoit disponible, étoit épuisée. Elle imagine un autre
moyen pour envahir le surplus des biens. Subrogation,
du 17 floréal an 2 , moyennant 1,221 fr., d’une part, et
1,200 fr. d’autre, dont le contrat porte quittance ;
Quittance illusoire ! En effet, on a vu que la défunte
étoit aveugle, et presqu’anéantie par l’âge. Elle avoit
donné à sa nièce la procuration la plus ample; elle l’avoit
constituée maîtresse. En supposant que la somme eût été
véritablement comptée , la dame Dalbine se seroit donc
payée à elle-même : elle auroit pris d’une main ce qu’elle
auroit donné de l’autre.
Somme illusoire ! En supposant qu’elle eût été payée,
elle l’auroit été en assignats presque de nulle valeur ;
en assignats qui seroient provenus de la gestion même
qu’elle avoit des biens de la défunte.
C ’est à la suite de ces actes qu’est conçue la vente
du 21 vendém iaire an 5.
6 frimaire an 7 , déclaration de la défunte, attestant
que, quoique la dame Dalbine ait fo u r n i quittance aux
débiteurs, c’est cependant elle déclarante qui a reçu et
touché les différentes sommes, tant en principaux, in
térêts que fr a is.
Et il est ajouté, ainsi que le montant du prix de la
Vente du domaine de Vazeliettes et du P o u x.
Pourquoi cette dernière mention ? Q u ’ e t o i t - i l besoin
de faire déclarer à la défunte que c’étoit elle qui avoit
perçu le prix de la vente? N’étoit-ce pas elle-même
qui l’avoit quittancé dans le contrat ?
�Que la dame Dalbine se soit fait donner une décharge
des sommes dont elle pouvoit craindre qu’on cherchât à
la rendre comptable , des sommes par elle reçues et quit~
tancées ; c’est ce qu’on conçoit : mais des sommes qu’elle
n’a point quittancées ; c’est ce qui ne s’explique pas aussi
facilement.
Cet excès de précaution n’achève-t-il pas de décéler
la fraude ?
Il est dit, dont elle a disposé à son gré, soit à payer
partie de ses dettes, soit à Ventretien de sa maison, ou
autrement : déclaration démentie, i°. par l’existence des
dettes, au moment du décès de la défunte; 2°. par la
réserve de l’usufruit des biens pendant sa vie, même du
domaine vendu ; usufruit plus que suffisant pour subvenir
à sa subsistance.
Enfin, testament du 9 messidor an 8, qui termine cette
chaîne de dispositions.
A-t-on jamais vu une plus grande réunion de circons
tances ?
Tous ces actes s’interprètent l’un par l’autre.
On a cru avoir trouvé une réponse victorieuse.
La lo i, a-t-on d it, ne défend que les ventes h fonds
perdu, faites à des successibles. O r, ic i, la vente n’a point
été faite à fonds perdu ; e t, d’un autre côté, n’est point
faite à un successible, puisque le citoyen Gizaguet étoit
étranger h la défunte, et ne pouvoit jamais venir à sa
succession.
La donation faite au mari ne profite-t-elle donc pas à la
femme?Ne profite-t-elle pas aux enfans communs? Donner
au m ari, n’est-ce pas donner à la femme et aux enfans ? La
�( H' )
loi ne défend-elle donc que les avantages directement
faits aux successibles ? Ne défend-elle pas également les
avantages faits indirectement , et par personnes supposées.
On ne voit dans cette interposition de personnes qu’un
excès de précaution ; et c’est cet excès de précaution qui
caractérise la fraude.
Un jugement du tribunal d’appel du département de
la Seine, du 12 messidor an 9 , conforme aux conclu
sions du ministère public, confirmatif de celui du tri
bunal civil de Chartres, rapporté dans le journal du
palais, prouve assez que la circonstance, que la vente
a été consentie, non à la femme successible, ou descen
dante de successible, mais au mari, n’est pas une égide
contre la nullité prononcée par la loi.
Autre jugement du tribunal d’appel séant à Rouen,
dans l’espèce duquel le contrat portoit que le prix avoit
été payé comptant, en présence du notaire.
Voici la question et les termes du jugement, tels qu’ils
sont rapportés par le journaliste.
« Deux questions ont été posées :
« La première consistoit à savoir quelles sont les con« ditions qui peuvent rendre valable un contrat de vente
« fait par un père, à l’un de ses enfans ou de ses gendres.
« La seconde avoit pour objet de reconnoitre si Le« monnier, acquéreur, avoit rempli les conditions néces« saires pour la validité de son acquisition.
« Le tribunal d’appel de Rouen a pensé, sur la pre« mière de ces questions , que les principes et la juris« prudence, fondés sur l’art. CCC CX X X 1V de la cou« tume de la ci-devant province de Normandie, et l’ar
ticle
�( *5 )
« ticle IX de la loi du iy nivôse an 2, se réunissent pour
« établir qu’un contrat de vente d’immeubles, fait par un
ft père l’un do ses enfans, 11’étoit valable qu’autant que
« l’acquéreur prouvoit qu’il avoit payé le jusle prix de
« la chose acquise, et qu’il justifioit de l’emploi des de« niers de la vente, au profit du vendeur.
« Et sur la seconde question, il lui a paru que L e« monnier n’avoit point rempli les conditions requises
« pour valider son acquisition ; qu’en vain il s’appuyoit
cc sur ce qu’il étoit dit dans le contrat, que le payement
« du prix de la vente avoit eu lieu en présence du notaire ;
« attendu qu’une telle énonciation n’étoit point unepreuve
« de l’emploi des deniers , en faveur du vendeur, mais
« qu’elle étoit plutôt un moyen de couvrir la fraude, selon
« le principe établi par Dumoulin, en ces termes :
« Conclusum quod in venditionefactâjilio velgenero,
« confessio patris non valet de recepto, etiamsi nota
is. rius dicat pretium receptum coram se.
• « D ’après ces considérations, le jugement du tribunal
« civil de l’Eure, qui avoit déclaré la vente valable, a été
« réform é ; et le contrat de vente, passé par le défunt
« H erm ier à L em onnier, son gen dre , a été déclaré frau« duleux et nul. »
Testament du 9 messidor an 8.
Un premier moyen de nullité résulte de ce que le
notaire n’a pas énoncé pour quel département il étoit
établi. Titre Ier. scct. II , art, X II de la loi de ly y i.
Une seconde nullité, de ce qu’il n’a pas désigné le n°.
de la patente. Loi sur les patentes*
D
t
�( 26 )
Une troisième nullité bien plus frappante, et à laquelle
il n’y a point de réponse, c’est le défaut de signature
d’un des témoins numéraires qui n’a signé que par son
surnom , et non par son vrai nom.
L a loi veut que le testament soit signé de tous les té
moins qui savent signer; si le testateur est aveugle, il faut
appeler un huitième témoin également signataire. O r,
celui qui ne signe pas son vrai nom ne signe véritable
ment pas.
Le nom de famille du témoin étoit Croze; son sur
nom , Auvernat : il a signé simplement siuver/zat ; il
devoit signer Ci'oze.
Un décret de l’assemblée constituante, du 19 juin 1790,
art. 11, porte, qu’aucun citoyen ne pourra prendre que
le vrai nom de sa famille.
Autre décret du 27 novembre 1790, pour la forma
tion du tribunal de cassation : ce décret, article X \ III y
porte, qu’aucune qualification ne sera donnée aux par
ties; on n’y insérera que leur nom patronimique, c’està-dire , de baptême, et celui de la famille, et leurs fonc
tions ou professions.
6 fructidor an 2 , nouveau décret de la convention
nationale, par lequel il est prescrit, qu’aucun citoyen
ne pourra porter de nom ni de prénom, que ceux expri
més dans son acte de naissance ; et que ceux qui les ont
quittés seront tenus de les reprendre : loi dont la plus
stricte exécution a été ordonnée par arrêté du direc
toire exécutif, du 19 nivôse an 4.
Mais voudroit-on regarder ces lois comme l’effet de la
révolution, et ne pas s’y arrêter ; on en citera d’antérieures.
�( 27 )
On citera l’ordonnance de Henri II, de i 555 , qui a
enjoint à tous les gentilshommes de signer du nom de
leur famille, et non de celui de leur seigneurie, tous actes
et contrats qu’ils feront, à peine de nullité desdits actes et
contrats.
On citera l’ordonnance de Louis X I I I , de 1629 ,
article GGXI, qui porte les mômes dispositions.
Et, pour remonter à ce qui s’observoit chez les Romains
même, Cujas a conservé dans son commentaire les for
mules des testamens. On y voit que chaque témoin signoit
son nom de famille, après avoir déclaré son prénom : Ego
Joannes...................testarnentum subscripsi; ce qui est
conforme à la loi Singulos, X X X , D e testamentis. Singulos testes, dit cette loi, qui testamento adhibenturproprio chirographo annotare convenit, quis, et cujus testamentum signaverti. Il faut que, par l'acte même, on
puisse savoir quel est celui qui a signé; que l’acte même
apprenne à ceux qui ne connoissent pas le témoin, quel
est ce témoin. Un surnom peut être commun à plusieurs.
Le nom de famille est le seul nom propre et distinctif.
Enfin l’ordonnance exige que tous les témoins signent.
Celui qui ne signe pas par son nom , est comme s’il ne
signoit pas.
Le testament est donc nul ; et on ne peut assez s’étonner
que le tribunal de première instance l’ait déclaré valable ;
qu’il ait pareillement déclaré valables les autres actes entre
vifs, dont on a rendu compte.
. Dans tous les cas, le testament ne pourrait avoir son
entier effet : la loi du 4 germinal an 8 permettoit à la
défunte de disposer de la moitié de ses biens; mais autant
�( .2 8 }
seulement qu’elle n’en auroitpas disposé par des libéralités
antérieures.
Les premiers juges l’ont reconnu eux-mêmes, puisqu’ils
ont inséré dans le jugement: D ans la moitié, est-il dit,
pour Cinstitution de la dame D albine, sont comprises
toutes les facultés de disposer de la défunte ,* mais ils
ont ajouté, fa ites depuis la publication de la loi du
17 nivôse an 2. On ne craint pas d’avancer qu’ils ont erré
en cela. Si la libéralité antérieure à la loi du 17 nivôse an 2,
ou, pour mieux dire, à celle du 5 brumaire an 2, excédoit
la moitié, on ne pourroit pas la faire réduire. Mais si elle
n’excède pas, elle doit être imputée sur la moitié dispo
nible-, et c’est mal à propos que les juges ont distingué les
libéralités antérieures ou postérieures à la loi du 17
nivôse.
Ainsi il faudroit, dans tous les cas, imputer sur la quo
tité disponible, et la donatiap>du domaine de Fontanes,
faite à la dame Dalbine par son'contrat de mariage , et la
donation des six parties de rentes foncières, faite en 1778,
à A n n e -M a r ie D albine-, en tant du m oins que ces dona
tions excéderoient celle faite à la dame Peyi'onnet et au
citoyen D ejax, dans leur contrat de mariage.
Le jugement dont est appel auroit donc encore mal jugé
en ce point.
On voit combien cette cause est importante. Elle n’inté
resse pas seulement le citoyen Dejax ; elle intéresse encore
le public. S’il étoit possible que la dame Dalbine obtînt le
succès qu’elle attend , il n’y auroit plus de rempart contre
l’avidité d’un cohéritier ambitieux. L e s fraudes, déjà trop
communes, se multiplieroient ; la loi seroit sans objet ; la
�(2 9 )
volonté du législateur, impuissante. Comment la dame
Dalbine s’est-elle flattée de faire adopter un pareil système?
comment a-t-elle pu penser que des juges éclairés et
intègres consacreroient une suite d’actes aussi évidem
ment frauduleux ?
P A G E S -M E IM A C , jurisconsulte.
P É R I S S E L , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d R i o t , seul imprimeur du
T rib u n al d’appel. — A n 11.
�
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dejax, Julien. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Périssel
Subject
The topic of the resource
successions
successions collatérales
donations
coutume d'Auvergne
droit intermédiaire
doctrine
nullité du testament
surnoms
défaut de nom patronymique
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
testaments
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
Description
An account of the resource
Mémoire pour Julien Dejax, homme de loi, habitant de la commune de Brioude, appelant ; contre Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal de première instance de l'arrondissement de Brioude ; Jospeh Dalbine, Marie Dalbine, fille majeure, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ; tous enfans dudit Pierre Dalbine et de ladite Dejax, son épouse ; et encore ladite Marie Dalbine, veuve Gizaguet, au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit Montbrizet-Gizaguet ; tous intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1771-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0716
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0931
BCU_Factums_G0932
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Fontanes (domaine de)
Brioude (43040)
Rights
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abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
défaut de nom patronymique
doctrine
donations
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
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nullité du testament
procuration
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Successions
successions collatérales
surnoms
testaments
ventes
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19f14adec5c402938b8990bdb79d844e
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Text
/"
MEMOIRE
¿«¿La
P O U R M . E s c o t , Confeiller en la Cour des Aides de
Clerm ond-Ferrand, & Madame fon E p o u fe , du chef &
~
vs«,
,
m )1
• (M||
10
à caufe d’e l l e , A p p e l a n s & Demandeurs ;
C O N T R E le Sieur A n d r a u d j Confeiller en la Sênéchauf f ee & Siège Préfidial de la même V ille &
fes
Confors, intimés & Défendeurs.
S i l’ on écarte de la préfente affaire, tout ce que le fieur
Andraud y a mêlé d’étranger & tout à la fois d’injurieux
pour M . & M a d ame E f c o t , afin de les rendre s’il pou
v o ir , défavorables aux yeux de la C o u r ; cette même affaire
fe réduit à ces deux queftion
uniques :
Premiérem ent , la renonciation faite en Coutume d’A u
vergne, ( o ù la représentation a lieu à l’infini dans les deux
lignes ) , par Marie - Barbe Garnaud ( dont defcendent ici
e fieur Andraud & fes Conforts ) , dans fon contrat de
mariage paffé en 1 7 1 5 , à tous biens paternels , maternels 3
fraternels , fororiens , & à toutes autres fucceffions directes &
collatérales, ( ce font les mots ) , cette renonciation expreffément dirigée, d’ailleurs, en faveur des mâles & de leurs defcendans réduits ici à la feule perfonne de Madame E f c o t ,
A
■Se
�s’étendoit*elle jufqu’à la fucceifion de Catherine Godivel ou
verte en collatérale dans cette mêmeCoutume d Auvergne au
mois de Décembre 17 8 3 > laquelle fait ici plaider les
parties? E t en conféquence le fieur Andraud 6c fes Con
forts , tous defcendans de Marie - Barbe Garnaud renon
çante , étoient-ils exclus de cette fucceifion , par Madame
E fco t , fille de mâle , de maniéré qu’elle y dût prendre
leurs parts & portions, indépendamment de fa part per-?
Tonnelle ?
Secondement} M . & Madame E f c o t , qui jufqu’au mois
de Juin 1 7 8 5 , ont été dans l’ignorance de fa it la plus
profonde touchant l’exiftence du fufdit contrat de mariage
de Marie-Barbe Garnaud ôc de la renonciation y contenue,
& qui par l’effet de l’erreur où les tenoit cette ignorance
& pendant tout le temps quelle a duré , ont reconnu
pour cohéritiers, le fieur Andraud & fes C o n fo rts, & les
ont en conféquence admis & même appellés à partage ;
M . & Madame E f c o t , difons - n o u s, après être fortis de
leur erreur par la découverte qu’ils ont faite au mois de
Juin 178 6 y du contrat de mariage portant renonciation,
qu’ils avoient ignoré jufqu’alors , ont-ils pu poftérieurement
& conféquemmenc à cette découverte, & fur le fondement
que tout ce qu’ils avoient fait jufques-là étoit le fruit de
Vtrreur de f a i t
j
revenir fur leurs pas, interjetter appel des
Sentences par eux-mêmes provoquées, qui ordonnoient le
partage; & vouloir, en un m o t, exclure le fieur Andraud
& fes Conforts , de tout droit & de toute participation à
cette même fucceifion, au partage de laquelle ils les avoient
appelés & admis auparavant ?
V o ilà , difons - nous , quelles font les deux queftiona
�3
( dégngées de tous hors-d’œuvre ) fur Iefquelles la Coût
a ici à prononcer par fon Artêt à intervenir.
O r , nous foutenon s, & nous établirons ci - après dans
nos m oyens, fous deux fe rio n s féparées, l’affirmative fur
l’une & fur l’autre de ces deux queftions; & enfuice nous
réfuterons fommairement, dans une troifieme fe & io n , les
écarts injurieux du iïeur Andraud.
F A I T S .
C ’eft dans la ville de B e i f e , disante de fix lieues de la
ville de C le rm o n t, & pays de Coutume ( & non pas de
Droit-écrit) de la Province d’A u y erg n e, que s’cft ouverte
en collatérale , au mois de Décem bre 17 8 3 , la fucceflion
de la Demoifelle Catherine G o d iv e l, de laquelle il eft ici
queftion.
T o u s les individus, au nombre de plus de trente s ayant
ou prétendant avoir droit à cette fucceflion , formoienc
cinq clafles ou fouches premières d’héritiers, Iefquelles fe
fubdivifoient chacune en plufieurs branches ou fouches
fecondaires.
E t nous difons , formoient cinq clajfes ou fouches pre
mières ; à raifon de ce que le tronc commun de la parenté
de tous ces individus entr’e u x , & avec la défunte D em o i
felle G o d iv e l, qui étoit J e a n G o d i v e l fon a ïe u l, avoic
eu de deux mariages cinq etifans. Car nous ne parlerons
point d’un fixiem e .enfant ( Guillaume Godivel ) , qui fut
aufl] fils de J e a n , & qui fut le pere de Catherine G odivel
de cujus; non plus que d’un frere & de deux fœurs quelle
A ij
�4
avoit eus, & qui moururent avant elle, & fans poftérité,.
comme elle.
Ces cinq enfans ( de Jean Godivel ) dont les defcendans
aujourd’hui encore vivans , fe diftribuent dans les cituj
clajfes ou Touches qui étoiept appellées par la l o i , à la
fucceflion contientieufe, ( fauf les excluions particulières),
étoient,
i° . H e n r i G o d i v e l , fils unique du premier l i t , d’où
defceïident les héritiers du nom d JAdmirât - Seym ier , de
M a y e t , & de Defcorolles , & faifant la premiere fouche.
2 °.
A n t o i n e t t e G o d i v e l , née du
fécond l i e , 6c qui
eft le chef de la fouche commune à Madame E f c o r , ôc
à fes A d v e r f a ir e s a& u els, le fieur Andraud & fes Con forts,
ainfi qu’aux enfans du nom de Chaffegay i laquelle fou
che eft la fécondé.
5 ° . U ne a u tr e
d em o iselle
G
o d iv el
, fille aufli du
fécond lit de Jean Godivel ; laquelle époufa dans le temps
un fieur E ou d et , & forme la troifieme fouche.
4.0.
L a q u a t r i è m e , remonte ultérieurement à une troi
fieme demoifelle G odivel , aijili fille du fécond lit de Jean.
Godivel , & laquelle fut dans le temps mariée avec un
fieur de la B o u t é e .
50. E n f i n ,
la c in q u ièm e
& dernier fo u c h e , comprend
toute la poftérité vivante d’une derniere Demoifelle Godivel
du nom de J e a n n e , que Jean fon pere eut également de
fa fécondé femme , & qui époufa en fon temps un fieur
Andraud de Saint - Neclaire , de même nom que le fieuc
Andr.ud ici intim é, mais non pas fon parent.
D e toute cette foule de parens de la défunte Demoiielle G o d iv e l, nul ne fut plus emprçiFé que le fieur A n
�s
draud, à recueillir fon opulente fucceilïon; fucceilion q u i,
groflie en effet de celles de fou frere & de fes deux fceurs,
prédécédés, paffoit dans le pays pour un objet de cent
mille écus au moins.
Mais le fieur Andraud avoit depuis long temps calculé,
qu’ayant fix freres ou fœ u rs, il nauroit de fon chef qu’une
très - modique part dans cette fucceiïion ( un trois cent
quinzieme)j au lieu que ÜVIadame E f c o t , qu’ on verra dans
la fe&ion troifieme de nos moyens que cet Adverfaire
voudroit donner ici pour être fans intérêt , y avoit de fon
chef un quinzième , & dans le cas de l’exclufion du fieur
Andraud & de fes C o n fo r ts , un fécond quinzième ; le
tout revenant à 40,000 liv.
L e fieur Andraud chercha donc d’un côté à acquérir,
& il acquit en effe t, à vil prix , dit - on , & à diverfes
époques, les droits de plufieurs autres cohéritiers, foit de
f a branche , foit des branches de fa fauche , foit des bran
ches & des fouches étrangères.
Il auroit même voulu acquérir les droits de Madame
E f c o t , & il en fit la propofition à Moniieur fon mari & à
e l l e ; mais cette propoficion q u i, du côté du prix feul au
roit écé inacceptable, fut à tous égards rejettée. M . &
Madame E fco t céderent cependant par la fuite ces mêmes
droits de Madame E f c o t , mais cela jufqu’à concurrence de
la moitié feulement, ( ce que la Cour voudra bien remar
quer ) à la dame deVoïjfiere, membre de.la dernieredes cinq
• fouches d’héritiers qu’on a vus plus haut
D ’un autre c ô t é , le fieur Andraud fut îe prem ier, 8c
même d’abord le feul de tous les cohéritiers, q u i, malgré
la rigueur de la faifon ( fin de Décembre 1 7 8 3 j , fe cranf-
�porta de la ville de Clermont fa dem eure, en celle de
BeiTe (fituée au pied du Mont-d O r , pays le plus froid dâ
toute l’A u v e r g n e ), où s’étoit ouverte la fucceiïion, dont les
effets, pour l’abfence des héritiers, avoient été mis fousles fcellés par les Officiers de la Juftice du lieu.
L à , le fieur Andraud demanda judiciairement la main
levée de ces fc ellés, la confe&ion de l’inventaire, le féqueftre de l’argent monnoyé, jufqu’au partage ; & dans la
fuite m êm e, ii propofa de faire porter cet argent au bu
reau des Confignations de la Sénéchauifée de Clermont
où il eft Confeiller.
Mais quand M . E fco t pour Madame fon époufe , &
les autres cohéritiers furent auili arrivés à BeiTe , tous
défapprouverent les a£tes judiciaires que le fieur Andraud
avoit déjà provoqués en leur abfence ,
fi ce n’eft la de
mande à ce que les fcellés fuiTent levés , à laquelle ils
acquiefcerent. E t en conféquence ces fcellés l e v é s , inven
taire fut fait, ôc l’argent monnoyé montant à trente mille
& quelques cens liv r e s , ne fut ni féqueftré ni porté aux
Confignations , mais partagé à l’amiable ( le 6 Février
17 8 4 ) . E t ce fut également à l’amiable que , dans un autre
voyage fur les l ie u x , au mois de Décembre de la même
année 17 8 4 , on partagea le mobilier de la fu cceiîion , en
attendant le partage des immeubles.
Mais ii n’eft pas vrai ce que dit & répété le fieur A n
draud dans fes écritures, & dans le Précis qu’il vient de
faire imprimer : « Q ue lors de l’inventaire que fuivit le
» partage de l’argent com ptant, les cohéritiers s’entre-com» muniquerent les titres juftificatifs de leur parenté &
» leurs droits à la fucceifion ; que notamment lui ,
de
fieur
�7
» Àndraud , préfenta & communiqua le contrat de mariage
» contenant renonciation de Marie-Barbe Garnaud fon
» ayeule ; que M . E fco t l u t , examina & approuva ce
a contrat de mariage , ainfi que les titres des autres cohé» ritiers , qui ,
» à partager ».
en confequence } furent admis comme lui
Toutes ces aflertions , difons-nous , font faufiles ; elles
ont été déniées par M . & Madame E fc o t dès le moment
où le fieur Andraud les a avancées en la C our ; ils l ’onc
même défié d’en faire la preuve , comme ce feroit à lui
à la faire puifque c’eiî lui qui allégué ; & il n’a jamais
ofé l’entreprendre.
L e fait e ft, en e ffe t, que tous ceux qui fe préfenterenc
pour prendre part à la fucceffion dont il s’agit , étant de
la même p ro v in ce, on pourroit même dire piefque du même
canton } & s’entre-connoiiTant tous pour parens entr’eux
& avec la défunte , ils fe tinrent réciproquement tous
pour cohéritiers j fans s’en demander les preuves ; & ceux
qui avoient des titres d’exclufion ne s’en vanterent pas.
Il n’y eut que les fieurs Mayet & Defcorolles feuls ,
.qui voulurent écarter le fieur Andraud. Pour cela ils fo r
mèrent contre l u i , le 3 Février 1 7 8 4 , la demande en
fubrogation aux droits qu’il avoit acquis notamment des
fleurs Admirat-Seymier , de la même fouche qu’eux ; & ils
fondèrent cette demande fur ce que le fieur Andraud n’avoit
aucun droit perfonnel
dans la fucceiïïan ,
à laq u elle,
par conféquent, il é t o it , difoiçnt-ils , étranger.
Mais la Cour voudra bien prendre garde que ce n’écoit
point de la renonciation de Marie-Barbe Garnaud , ayeule
du fieur Andraud , que les fieurs Mayet ôc Defcorolles
�8
argumentoient pour l’exclure , comme font aujourd’hui
M . ôc Madame E fco t ; ils argumentoient feulement du con
trat de mariage , contenant auifi une renonciation } d A n
toinette Godivel elle-même , mere de cette Marie-Barbe
Garnaud & c h e f de la fécondé fouche.
E t la C o u r voudra bien aufli obferver q u e , quoique les
prétentions fie le moyen des fieurs Mayet ôc Defcorolles ,
fi le fuccès s’en fut enfuivi , euiient pu envelopper ôc
Madame E fco t & tous les autres membres de la fouche
d 'Antoinette G odivel, dans l’exclufion qu’ils demandoient
contre le fieur Andraud ; néanmoins ils n’attaquoient que
le fieur Andraud feul ; ôc leurs conclurions fe bornoient
à demander d’être fubrogé en fon lieu ôc place pour les
cédions qu’il s’étoit fait faire. E n quoi il les fit déclarer
non-recevables par Sefltencô de la Sénéchauifée de Cler
mont du 5 Juillet 17 8 4 ., confirmée enfuite par Arrêt de
la troifieme Chambre des Enquêtes de la C o u r , du 1 2
Juillet 1 7 8 $ : ôc cela parce que
nette Godivel n’ avoit été faite qu’en
feulement de la renonçante , ôc
Defcorolles ne defeendoient que
la renonciation à'Antoi
faveur des freres germains
que les fieurs M ayet ôc
d*un frere confanguin (a).
Cependant le fieur Andraud prétendroit que cette Sen
tence & cet Arrêt concernant les fieurs Mayet & D e f
corolles , lui ont aiTuré dans la fucceflion dont il s’agit ,
la qualité ôc les droits d’héritier perfonnel , que M , 6c
Madame E fco t lui conteftent ici. Il prend aufli prétexte
(a) Voyez un Mémoire imprimé pour le fieur Andraud en 17 8 5 ,
dans cette ancienne affaire, qui vient d ctte tout récemment produit par
M . & Madame Efcot dans celle-ci.
�9
de cette ancienne conteftation, & de ce que l’avantage
«lu triomphe qu’il y obtint rejailliiToit fur Madame Efcot:
& fur les autres membres de la fouche d 'Antoinette Godiv e l } pour accufer M . & Madame E fco t d’ingratitude 3 en
ce qu’ils veulent, d it - il, le priver de fa part dans une
fucceiïion qu’il a confervée pour tous. E t
enfin, il de
mande à M . & Madame E fc o t io o o liv. pour leur part
contributoire .dans les faux-frais par lui faits contre les
mêmes fieurs Mayet & Defcorolles.
Mais on prévoit combien il nous fera aifé de réduire à
leur v a le u r, dans nos moyens', toutes ces prétentions du
fieur Andraud ; pourfuivons le récit des faits.
L a conteftation particulière , dont on vient de parler ;
& celle que le fieur Andraud foutint pour fe faire nom
mer fequejire de la fucceiïion, malgré les héritiers qui s’y;
oppofoient, avoient néceflairement éloigné le partage défi
nitif de toute cette fucceiïion.
Ces obftacles étant le v é s, M . & Madame E fc o t , q u i ,
conjointement avec le fieur Deshorts & la dame F a u c h e r,
( oncle & tante du fieur Andraud ) avoient provoqué
ce
partage en la SénéchauiTée de C le rm o n t, par les exploits
qu’ils y avoient fait d on n er, dès les mois de M ais 6c
d’Avril 1784-, aux cohéritiers apparens & finguliéremenc
au fieur Andraud , y firent enfin ordonner ce même par
tage par trois Sentences différentes, dont celle qui fut
rendue le 30 Août 1 7 8 ; , eft ( quoiqu’en veuille dire le
fieur Andraud ) la dominante. Ils firent faire enfuice , con*
jointement toujours avec le fieur Deshors &
la dame
F a u c h e r , tous les a£tes préparatoires du partage qui devoit
âttt la pleine exécution de cette Sentence.
B
�10
E t tous ces àftes ( dont le dernier eft du 2 ; F évrier
17 8 5 ) fe faifoient ainfi, du côté de M . & Madame E fc o t ,
par la raifon & dans le tems qu’ils ignoroienc encore la
renonciation qui excluoit le fieur Andraud & Tes Confors.
Mais enfin le moment étoit venu où le contrat de ma
riage de M a r i e '- Barbe G ârnaud , contenant cette renoncia
t io n , alloit être découvert. L a dame de V o iflie r e , cohéritieré perfonnelle de Ton chef., & ceilionnaire comme on
Ta v u , de la moitié des droits de Madame E f c o t , apprit
au mois de Juin de la même année 178<5 , temps auquel
le partage nétoit pas encore com m en cé, que ce contrat
tenu jufqu’alors fi fecret, exiftoit en minute entre les mains
d’ Antoinette P enijfat , veuve du fieur Beflon N o ta ire, fuc"ceflfeur à la pratique & aux minutes du feu fieur Cothon
auili Notaire devant lequel ce même contrat avoic été
paiTé le 2 6 Mars 1 7 i j .
L a dame de Voifliere ayant donc inftruit monfieur &
‘madame E fc o t de cette importante découverte , M . E fc o t
fe rendit au bourg où demeuroit la veuve Bedon , & fe
fit délivrer par le fieur M a ry , N otaire, une expédition collationnée du c o n tra t, fur la minute qu’en repréfenta &
que retira enfuite cette v e u v e , dépofitaire.
O r , on voit par ce contrat de m ariage, qui eft ici la
piece effentielle ,
qu’alors ( 26 Mars 1 7 1 j ) Antoinette
Godivel mere de la
e x ig e o it, d’après la
tionnelle de la parc
des “'fucceilions de
future époufe étoit décédée
Coutume , une renonciation
de cette future époufe pour
l’eftoc maternel. Succédions
: ce qui
conven
l’exclure
de fejîo c
maternel , dont la Cour voudra bien remarquer & ne pas
perdre de vue pour les moyens, qu’il n’y en avoit dans ce
�■
11
mo'ment-là qu’une feule d3échue ( celle de la mere de la fu
ture ; ) & que toutes celles de fes freres & fœ urs, & de tous
fes autres parens collatéraux, ainli que celle de fon ppre ,
étoient à échoir', circonftance décifive contre la grande, o b
jection du fieur Andraud que nous verrons & réfuterons
en fon lieu ; fa v o ir , que la renonciation ici ne frappoit
pas fur* les fucceificns à échoir. L e contrat porte donc
cette renonciation conventionnelle, de Marie-Barbe G arn aud , non-feulement pour les fucceilions de l’eftoc mater
n e l , mais encore pour celles de l’eftoc paternel , quoiqu’à
ce dernier égard la renonciation fût inutile. V o ici com
ment la claufe en eft conçue.
« L e fieur Martin G arn a u d , pere de ladite future époufe^
» lui a conjlitué un trouifeau évalué à 800 l i v . , plus une
» robe de fiançailles fuivant la condition des parties, le tout
» payable lors de la célébration ; & en D&t & C'hancere ,
» pour tous biens paternels & maternels & ce qui peut
» lui revenir du don & legs à elle fait par défunte Barbe
» T io lier fa grand’ mere , la fomme de cinq mille deux
» cens livres ;
»
»
»
»
y>
»
treize cens livres pour biens maternels ou tout ce qu elle peut prétendre fur fes ( lifez
ces ) biens ( maternels ) , piéfens & à venir exprimés ou
non exprimés ; cinq cens livres pour le legs de fa grandmere ; & le furplus , qui eft la fomme de trois mille
quatre cents livres , pour tous biens paternels : laquelle
fomme de ja o o liv. fera payable par ledit fieur Garnaud
sa v o ir ,
>» de fon v iv a n t, jufqua concurrence de y 000 liv. ; & les
» deux cents livres reftantes , après fon décès. M
oyennant
» laquelle conflitution , ladite demoifelle future époufe ,
» autorifée dudit
futur é p o u x , reconnoiiTant être bien
B ij
�12
»
dotée
&
appanée ^ a renoncé
&
renonce à
to u s
b ie n s ,
» paternels, maternels, fraternels , fororiens, & a t o u t e s
» a u t r e s s u c c e s s i o n s > dirc3.es & collatérales * au profit
» des mâles & d e s c e n d a n s d eux *.
Munis de cette piece , contenant une abdication aufli
claire des fuccefllons , principalement à échoir ; telles qu’étoient -d’une part celle du pere , d’autre parc celles des
freres & des fœurs , &
enfin toutes autres fucceflions
collatérales dont en effet il n’y avoir aucune d’échue ;
M . & Madame E fco t interjetterent & releverent, au mois
d’Août de la même année 1 7 8 5 , appel en la C o u r , « de
» la Sentence de la Sénéchauifée de Clermont , du 30
» Août 1 785 y & de tout ce qui avoit précédé & fu ivi : en
■» ce que le fleur Andraud & fes Confors avoient é té , par
> erreur de f a i t , appelés à la fucceflion de la demoifelle
m Godivel , de cujus ». E t c’eft cet appel qui a conduit
les Parties aux pieds de la C o u r , à laquelle M . & Madame
E fco t demandent au fond & au principal ,
*
Q u ’en vertu de la renonciation portée au contrat de
» m ariage, du 26 Mars 1 7 1 $ ) le fieur Andraud & fes Con» fo r s , comme repréfentans Marie-Barbe Garnaud renon» çante , foient déclarés exclus au profit de Madame E fco t
j> de toute part perfonnelle , dans la fucceflion dont il
» s’agit; qu’en conféquence ils foient condamnés à rendre
»
»
»
»
»
avec intérêts à madame E f c o t , tout ce qu’ils peuvent
avoir déjà pris ou reçu à titre de part perfonnelle , dans la
fufdite fucceffion; aux o ffr e s par madame E fc o t de rendre
ou compenfer proportionnellement au fieur Andraud, les
faux-frais de la conteftation qu’il a fait juger contre les
» fleurs M ayet & Defcorolles.
\
�»5
D e Ton côté le fieur Andraud demande pour lui & fes
C o n f o r s , que M . & Madame E fco t foient déclarés nonf.jcevables & mal fondés dans leur appel & dans leurs
demandes, & condamnés à lui payer mille livres pour leur
parc des faux-frais ci-deiTus.
M O Y E N S .
Suivant notre p la n , nous devons ici i ° . établir l’exclu-
fion du fieur Andraud & de fes C o n fo r s , de la fucceifion
G o d iv e l , par l ’effet de la renonciation contentieufe :
î°.
répondre aux fins de non-recevoir du fieur Andraud
contre l’a ppel, & à fes obje&ions fur l’erreur de fait ; 3 0. &
enfin réfuter fes injures, dont il voudroit fe faire des
m o y e n s.
S
e c t i o n
p r e m i e r e
.
L e fieur Andraud & fes Confors exclus en faveur de
madame Efcot j de la fuccejfion dont il s 'a g it , par l'effet
de la renonciation de Marie-Barbe Garnaud.
L e s renonciations conventionnelles des filles qui fe ma
rient , dans la Coutume d’Auvergne , fe règlent pour leurs
objets ôc pour leurs effets , fur la forclufion légale pro
noncée par l’article 2$ du titre 1 2 de cette Coutume.
Forclufion , à I’ i n s t a r de laquelle ces renonciations ont été
i itroduites : comme le dit plufieurs fois le dernier Commenta
teur de la Coutume, (M. Chabrol) fur cet a r t i c l e ^ , feûion y.
O r , f ivant l’article dont il s’agit : « F ille mariée pat
» le pere ou par l’ayeul paternel, ou par un tiers, ou d’elle» même , Iefdits pere ou ayeul paternel & mere vivans ,
* elle ni fes dcfcendans ne peuvent venir à fucceifion de pere ,
L
�» m ere j fr e r e
, }
*4
f œ u r } ni a u t r e q u e l c o n q u e , d i r e c t e
» ou c o l l a t é r a l e
tant qu’il y a maie ou defcendant de
» m âle héritant efdites fucceflions ; foit ledit defcendant
» mâle ou femelle »•
I l n’y avoit donc i c i , comme on l’a déjà o b fe rv é , que
la circonftance du prédécès de la mere de M arie - Barbe
G arnaud (Antoinette G odivel ) qui rendît néceiTaire fa
renonciation conventionnelle , pour opérer fa '!forclufion >
de toutes fucceflions du côté maternel ; puifque fon m a
riage & la Coutum e l’ opéroient de droit pour toutes celles
du côté paternel, dès que c’étoit.fon pere même ( Martin
Garnaud ) qui la marioit.
M ais , cette renonciation conventionnelle de M arie-Barbe
G a rn a u d , & cela tant pour les fucceflions paternelles que
pour les maternelles , éft écrite en toutes lettres
dans
ces mots de la claufe de fon contrat de mariage que nous'
avons rapportée plus haut : « a renoncé & renonce à tous
» biens paternels , maternels , fraternels & fo ro rien s, & à
» toutes autres fucceflions dire&es & collatérales , au
» profit des mâles & defeendans d e u x ».
E t remarquez que cette renonciation , pour les fuccef(ions quelle embrafle
eft comme calquée fur l ’article
ci-deflus de la Coutume. Car Marie-Barbe Garnaud renonce
a tous biens paternels j maternels j fraternels & fororiens ,
& à t o u t e s A U T R E S fucceffions dire de s & collatérales, au
profit des mâles & defeendans d'eux ; ôc l’article de la
Coutume 3 dans le cas de fon application , déclare la fille
m ariée , incapable de venir à fuccejfion de pere ^ mere j
frere , fœur ni autre quelconque , directe ou collatérale ,
tant
y a mâle ou defcendant de mâle.
�O r de cet article , tous les Com m entateurs, d’accord
avec l’ufage & la jurifprudence , ( & avec le fieur Andraud
lui-même , page 3 de Ton Précis) concluent entr’autres
c h o fe s , que la forclufion légale s’étend à to u s les biens des
pere & mere de ¿a f i l l e , & à to u s ceux de leurs parens
collatéraux , p réfen s ou a v e n ir . E t remarquez aufli qu’ils
concluent de la f o r t e , quoique la Coutume ne porte pas
textuellement les m ots, p réfen s & à v e n i r ; mais feulement
ceux de fu c cejjio n q u e l c o n q u e , directe ou c o lla téra le,
ta n t qu il y a m âle ou defcendant de m â l e , h érita n t > &c.
O r fi , dans la partie de la claufe de renonciation dont il
s’a g i t , on ne lit pas les m o ts, fucceilions à écheoir ou f u t u
res ou à v e n i r , on y lit c e u x , to u tes a u tre sfu c c tffio n s directes
& collatérales j
au p r o fit des m âles & defcendans ' d 'e u x .
Ces derniers mots de la renonciation, fynonymes & on
peut dire identiques avec ceux de la Coutume, comprennent
donc également les fucceilions de toute efpece qui étoienc
alors à échoir dans la famille de la renonçante,
>
* comme celle
qui étoit déjà échue ; & par conféquent ils comprennent
la fucceilîon qui nous fait ici plaider, é c h u e , com me
m u s l’avons d i t , 68 ans après la renonciation.
E t c’eii-là la premiere de nos réponfes à la grande objeftion que nous fait aujourd’hui le fieur Andrâud : « que
» cette renonciation ne contient pas littéralement les mots
» fu c cejfio n s à échoir» ; objè&ion dans laquelle nous pou
vons même dire que définitivement il fe retranche.
C a r , d’un c ô t é , il paroît par le Précis de cet Adverfaire
& par fes dernieres écritures , qu’il a abandonné tout ce
qu’il avoit dit dans les premieres , fur les prétendus vicea
de la renonciation en elle-même. Vices qui en effet n’onc
�24
jamais exifté ; cette renonciation étant faite dans les formes
& avec les conditions requifes pour la rendre valable: un
contrat de mariage ; un prix certain & a & u e l, & même
diilinft pour les fucceifions du côté marernel , & pOUE
celles du côté paternel ; & enfin une direction expreffe en
faveur des m âles, qui eft le grand m otif des renonciations
com m e de la forclufion des filles en Auvergne.
D ’un autre c ô té , nous ne regardons pas comme de*
objetlions qui méritent de bien longues réponfes , ce que
le fieur Andraud juge à propos de continuer de dire enco
re aujourd’hui : c o m m e , par exem ple , fes cavillations fur
le ftyle de la renonciation , flyle qui pour être, fi l’on v e u t,
peu élégant & peu concis , & mal orthographié dans le
m ot fe s p o fle iïif, mis pour ces démonftratif-, n’en eft pas
moins pour cela fort intelligible.
E t nous m ettrons, à peu p rè s, dans la même catégorie
les lieux communs que le fieur Andraud débite ( d’après
,
quelques Auteurs combattus par d’a u tre s), fur la prétendue
défaveur des renonciations, lefquelles il dit être odieufes
com m e défendues par les L o ix R o m a in e s, com m e con
traires à l’égalité entre enfans établieipar la nature & par la
lo i civile ; com m e excluant toute demande en fupplémenc
de légitim e ; comme pouvant priver des filles mineures de
biens & de droits à elles déjà acq u is, & partant inaliéna
bles ; comme toujours fo rc é e s , par la crainte qu’ont les
filles de ne pas fe marier ; & enfin com m e étant des armes
sûres entre les mains des p eres, pour bleiTer envers leurs
filles les droits de la nature , & pour les ruiner.
T ou s ces lieux com m u n s, difons-nous, font de facile
réfutation.
�i° . L es renonciations conventionnelles des filles font
d ites, dans nos livres ( & quelquefois par les mêmes A u
teurs ) , tantôt odieufes & tantôt favorables ; fuivant les pays
& fuivant les principes ou les faffe£tions ou les circonftances dans le/quelles les Auteurs ont écrit.
Ainfi , dans les pays dont le D ro it R o m ain fait la lo i
m unicipale, dans ceux où l’égalité entre enfans ne peue
abfolument pas être v io lé e , dans ceux où la mafculinité
& la confervation des familles par le moyen des mâles ;
n’eft: pas en fi grande confidération , & dans ceux enfin
où la Coutum e ne prononce pas contre les fille s, de forclufion
lé g a le , dont encore une fois les renonciations
conventionnelles font l’image ; ces renonciations alors peu
vent être regardée» com m e odieufes ; & c’eft ce qui les a
fait qualifier telles par les Auteurs qu’invoque le fieur A n draud , & ce qui faifoit faire à Lebrun le lo u h a it, répété
dans le premier écrit du fieur A n draud, que la légiilation
daignât les abolir dans toute la France.
M ais en attendant l’accomplifTement de ce vœ u fantafqu e, & que le fieur Andraud , en fa qualité de mâle ayant
des foeurs, ne manqueroit pas fans doute de rétrader dans
l’occafion , il faut ici fe conformer à la légiilation e x is
tante. E t il faut fe rappeler & ne pas perdre de vue que
nous fommes ici en pays de Coutume & non de Droit
écrit de la Province d’Auvergne,
O r dans cette C o u tu m e, l'égalité entre les enfans, même
venans à la fucceilion de leurs pere & m ere, n’eft pas e x i
gée ; l’intérêt des mâles confervateurs des maifons y eft
Singulièrement en crédit ; & enfin la forclufion des filles
qui fe m arient, ôc de leur poftérité, de toutes fucceflions
D
�36
échues & à échoir , en faveur des mâles 6c de leurs defcendans jufqu a extindion , y forme le droit commun &
la réglé générale. Il fuit donc de tout cela, & ceft ce qu'on
peut donner d’ailleuis pour confiant dans le f a i t , que les
renonciations conventionnelles, comme la forclufion légale
des filles, f o n t , dans cette même Coutume d’Auvergne , in
finiment favorables.
2°. Q ue fi l’effet de ces renonciations eit'de pouvoir im
punément donner atteinte à la légitime, ceft encore là un
traie de reifemblance de la renonciation conventionnelle,
avec la forclufion légale de la Coutume ; cette Coutume
au commencement de l’art. 3 J du même tit. 1 2 , portant
en effet « que la fille forclofe ne peut demander légitime
» ni fupplément d’icelle ». Mais c’eft de plus ce que la Cour
a confacré par fes Arrêts pour les renonciations convention
nelles dans tous les pays de fon
re ffo rt, tant coutumiers
que de droit écrit. (V o y e z Henrys & Bretonnier, liv.
queft. 1 1 & 1 2 .)
50. L e s renonciations des filles mineures aux fucceffions
échues & à échoir ne font point nulles, & même ne con
tiennent point de léfion quant aux fucceffions échues, lorfque le prix des renonciations pour ces fuceffions échues en
égale la valeur. O r i c i , outre qu’on ne prouve pas que
Marie-Barbe Garnaud fut mineure à l’époque de fon ma
riage , c’ eft q u e , l’eût-elle é t é , comme il n’ y avoit alors
pour elle d’autres fucceffions échues que celle d’Antoinette
G o d iv e l, fa mere ; quelle n’avoic qu’un fixieme dans cette
fucceflion , ayant alors cinq frétés ou fœurs vivans ; que
les femmes en Auvergne , où il n’y a ni communauté ni
douaire
ne laiifent d’autres biens que leur d o t , & qu’A n
�*7
toinette G odivel n’avoit eu en dot que fix mille livres ;
il ne revenoit dans fa fucceifion, à Marie-Barbe Garnaud
fa fille renonçante, que mille livres. Mais le contrat de
mariage dont il s’agit porte treize cens livres pour le prix
de fa renonciation aux biens m aternels, & l’ on pourroit
encore ajouter à ce prix les huit cent livres de trouiTeau,
fans parler de la robe de fiançailles ; ce prix à l’égard des
biens maternels, defquels feuls il s’agit i c i , excédoit donc
de beaucoup, bien loin de ne pas ég a le r, la valeur des biens
échus ; & cet excédent s’appliquoit de droit à ceux à
échoir.
4.0.
A l’égard des renonciations aux biens ou fucceifions
à échoir, que les filles mineures peuvent faite comme les
majeures, il fuffit pour leur validité qu’elles ayent un prix
quelconque, égal ou inégal aux biens, Ôc quelque modi
que même que puiiTe être ce prix ; pourvu , comme
difent les auteurs, qu’il ne foit pas dérifoire , tel que feroit
la fomme de cinq fols. E t la raifon en eft que l’incertitude
desévénemens rend abfolument impoifible, dans le moment
de la renonciation, l’eflimation de ces fucceiïions à é c h o ir ,
dont l’efpérance peut même ne jamais fe réalifer : ce qui
fait que la léfion ne peut jamais fe préfumer pour la fille
qui les abdique moyennant la d o t , telle quelle, qu’on lui
conftitue dans le moment.
50. Quant à la crainte des filles de ne pas fe marier y nous
ignorons fi c’eft le m otif des renonciations de quelques-unes;
mais nous ofons dire que ce m o tif, vrai ou faux , feroit in~
capable d’affoiblir l'efficacité de leurs renonciations ; &
certainement la Cour ne fera pas d’ un autre avis.
6°. Enfin les Auteurs qui font le moins partifans des
D ij
�28
renonciations , &
Lebrun entr’âutres ( des Suc. liv. 3 ,
chap. 7 , §. 1 , no. 3 .) difenc que «par la préfomption de
» l’affe&ion p a t e r n e l l e , une renonciation à fucceffion future
» doic être regardée comme une difpofition judicieufe
» plutôt que com m e une injufte prédile&ion, par la raifon
» que le pere eft toujours cenfé prendre le meilleur parti
» pour fes enfans ».
Cette raifon en eifec eft un adage univerfel, que les
Légiflateurs n’avoient même pas befoin d’inférer comme il
l’ont fait dans leurs Codes ( patris pietas optimum pro liberis confilium capere in dubio prœfumitur) ; parce qu’il eft
la conféquence immédiate du plus profond fentiment de
la nature, l’amour paternel; c’eft donc calomnier la nature
même que de fuppofer avec le fieur Andraud que des peres
& meres veuillent en blejfer les droits & ruiner leurs filles,
lorfqu’en plaçant ces filles avec une d o t , dans une famille
étrangère, iis les font renoncer aux fucceifions de toute
leur parenté.
Mais le fieur Andraud appuie encore fon obje£tion ( de
l’omiifion du mot à échoir dans la claufe de renonciation
de fon a y eu le), fur deux pafiages qu’il prend dans le
tome premier du Commentateur plus haut cité de la Cou
tume d’Auvergne. L ’ ü h { page 402 vers la fin) portant:
« que la renonciation doit être exprejfe , qu’il ne fufiit pas
» qu’on puiife induire des termes de la c la u fe , que la.fille
» a entendu renoncer; qu’il faut que la renonciation foit
» directe ». E t Vautre (page 4.20 vers le commencement),
où l’Auteur parlant d’une fille qui fe marieroit apres La mort
de fe s pere & mere , dit : « Q ue fi cette fille libre encore
■» de renoncer ou n o n , difoic quelle renonce à toutes fuc*■
�* cejjions diiectes & collatérales, il ne faudroit entendre
» cette renonciation que des fucceifions échues > & elle
» feroic habile à recueillir les fucceifions à échoir, parce
» qu’on n’eft pas préfumé dans le doute s’être occupé des
» chofes à venir ».
M ais le premier de ces partages bien l u , avec fa fu ite,
dans l’Auteut m ê m e , & bien entendu, ne prouve rien ici
pour le Heur Andraud.
Car l’Auteur en parlant là du moment où la fille pro
duit au dehors & exprime fon acte de renonciation , il fe
fert bien des ternies que le fieur Andraud rapporte; mais
cet Auteur ajoute trois lignes plus b a s , pour expliquer fa
p en fée , q u il n e jl pas indifpenfable q u il fo it d it , que la fille
renonce y & qu’une claufe équipoletue qui a la même force
produit les mêmes effets. E t il indique pour fondemens de
fa décifion trois anciens arrêts de la C o u r, & une Sen
tence récente de la SénéchauiTée d’Auvergne à R io m .
L e premier des A h êts (tiré de le V e ft ) , ayant jugé que
la promeffe de fe contenter d'une fomme pour tous biens préfens & à venir étoit une renonciation fufEfante ; & la Sen
tence ayant été rendue dans une efpece où il étoit feule
ment dit par le contrat de m ariage, quau moyen de fa dot
la fille demeureroit privée & forclofe 3 &c.
Il n'eft donc pas vrai qu’il foit de néceifité abfolue qu’une
fille qui renonce fe ferve précifément du mot de renoncer
pour exprimer à cet égard fon intention ; &
une phrafe
équipolente quelle em ploieroit, ayant la même force produiroit les mêmes effets. I l n’ eft pas vrai non plus qu’il faille
que ce foit la fille renonçante q u i , elle m êm e , articule &
prononce fa renonciation. Car dans les efpeces de l’Arrêc
�& de la Sentence ci-d eiïu s, il paroît que c’étoîent les pere
& mere feuls qui avoient p a rlé , dans les phrafes où réfi*
doient les renonciations , jugées fuififantes quoique non
littérales.
O r fi la renonciation, fi l’intention de renoncer peut va
lablement & efficacement s’exprimer par des mots équiva
l a i s ; n’en eft-il p as, à plus forte raifo n , de même des
o b jets, c’eit-à-dire, des fortes de fu cceifio n s, échues ou à
échoir, fur lefquelies les parties entendent que frappe 1*
renonciation quelles ftipulent?
Quant au fécond paflage de M . C h ab ro l, il manque d’ap
plication à l’efp ece, puis qu’il y eft queftion d’une fille qui
renonceroit après la mort de fes pere & mere dont par
conféquent les fucceifions feroient déjà ouvertes à fon profit ;
ce qui ne fe rencontroit pas i c i , du moins quant au pere
de M arie-Barbe Garnaud.
D ’ailleu rs, l’Auteur fuppofe que M e de renonciation
dont il parle, contiendroit feulem ent, ou purement & Am
plement ces mots : renonce à toutes fuccejjions directes &
collatérales ; & il fuppofe en c o re , qu’il y auroit en con>
féquence , du doute fi les fucceifions à échoir font de
com prife de la renonciation : décidant qu’alors elles n’en
font p a s, parce q u e , dit-il, on n’eft pas préfum é, dans le
doute, s’être occupé des chofes à venir.
Mais ici notre a£te de renonciation , comme nous Talions
faire voir dans un m om en t, eft bien loin de ne contenir
que les feuls mots renonce à toutes fuccejjions directes &
collatérales ; il eil bien loin de laiifer du doute fur la
comprife des fucceifions à éc h o ir, quoique ce mot à échoir
ne s’y life pas ; & M . C h ab ro l, enfin 3 ne dit pas que ce
�mot à échoir ne puifTe pas être fuppléé par des équivalens,
auili bien que le mot renoncer pour la renonciation en foi.
T o u t dépend donc fur l’un comme fur l’autre p o in t, de
la maniéré dont les parties ont exprimé leur intention.
Car il n’y a point fut cette matiere.de ce qu’on appelle
termes facramentels * que les L o i x ayent exigés , à peine
de ne pas reconnoître l’intention des Parties ôt la vérité,
dans tous autres termes.
Si donc dans le cas de l’obje&ion actuelle, la claufe
de renonciation eft conçue de forte que tout leâeur raifonnable exempt d’intérêt & de préjugé, y voye clairement
que les Parties ont eu véritablement cette intention que la re
nonciation comprît toutes les fucceifions qui étoient à
échoiry auiïï bien que celles qui étoient échues ; pour lors
il faut dire & juger que les fucceifions à échoir y font
réellement comprifes.
O r , on a vu que la claufe porte d’abord que ce que
le pere donne à fa fille, il le lui donne en dot & chancere;
mais en Auvergne chancere lignifie appanage, & tous deux
portent à l’efprit l’idée d’une forclufion abfolue pour le
préfent & pour l’avenir, de toutes les fucceifions de la
famille de la fille chancerée.
Il eft dit enfuite que fur les j a o o liv. de la dot &
chancere, 1 300 liv. font données à la future pour biens
maternels, ou pour tout ce quelle peut prétendre pour
ces biens, prejens & à venir exprimés ou non exprimés. Q ui
p.ourroit donc méconnoitre - là toutes les fucceifions de
l’eftoc maternel, dont une feule (celle de la mere même)
étoic préfente comme déjà échue , & toutes les autres
étoient à venir comme encore à échoir ?
�$2
On lie après cela dans l ’endroit où la fille elle - même
prononce fa renonciation, que moyennant la dot ci-deflus,
reconnoiflant être bien dotée & appanée, elle renonce à
tous biens p a t e r n e ls , maternels, fraternels ou fororiens} ÔC
à toutes autres fucceffions directes & collatérales.
M ais ne faudroit-il pas s’aveugler foi-même ,
pour ne
pas voir des biens à venir , des fucceflions à échoir, &
pour voir même autre chofe que des biens Ôc des fucceflions
à échoir, dans ces biens paternels, fraternels & fororiens, &
dans toutes ces autres fucceffions directes & collatérales ?
d’après encore une f o is , qu’alors il n’y avoit de biens préfe n s , de fucceflions échues pour la renonçante , que le
legs de fa grand’ mere ôc que la fucceflion de fa mere.
E n fin , ce qui acheveroit ici d’effacer jufqu’à l’ombre des
doutes s’il pouvoit y en a vo ir, c'eft la vocation des defeendans
de« mâles freres de la renonçante, pour recueillir à la place
& au défaut de leurs peres les fucceflions auxquelles elle
déclaroit renoncer. Car ces freres de la renonçante étoient
tous beaucoup plus jeunes qu’e lle ; ôc Gabriel l’un d’e u x i
le feul qui a eu de la poftérité, ( ôc donc Madame E fco t
eft ici la fille ) , ne fut marié que fept ans après elle. I l
n’y avoit donc que des fucceflions à échoir qui pûflent être
recueillies par ces defeendans des freres de la renonçante;
d o n c , appeller ces defeendans pour recueillir dans leur
temps les fucceflions auxquelles elle renonçoit , cétoic
manifeftement ôc néceiTairement apprendre que c’eft à des
fucceflions qui étoient alors à échoir , qu’elle entendoic
renoncer & qu’effedivement elle renonçoit.
Il eft donc démontré par tout ce qu’on vient de lire, que
la renonciation dont il s’a g i t , inattaquable ôc nous pouyons
�3*
vons dire point attaquée en e lle -m ê m e j com prenoit les
fucceiïions alors à é c h o ir , autant pour le moins que celles
qu’il pouvoit y avoir d’échues; & par conféquent l’effet‘s'en
étend aujourd’hui fur la fucceflion G odivel : ce qui n’efl:
pas contefté par le fieur A nd raud , les prémifles fuppofées.
I l faut donc que lui & fes Confors abandonnent à
M adame E fco t les parts & portions qu’ils auroient voulu
prendre dans cette fucceifion ; fi , com m e nous l’allons
maintenant prou ver, ils n’ont point de fins de non-recevoir,
ni d’autres obje&ions valab les, pour s’en défendre.
S
e c t i o n
s e c o n d e
.
L'ignorance, conjîamment d e f a i t , de M . & Madame Efcot,
touchant Vexiflence de la renonciation de Marie - Barbe
Garnaud , écarte toutes fin s de non-recevoir, & toutes
autres objections.
Ic i le fieur Andraud commence par étaler fes prétendues
fins de non-recevoir. Il conteile enfuite la nature de l’ignorance & de l’erreur de M . & M adam e E f c o t , foutenant
quelles ne feroient pas de fa it mais de droit , M . & Madame
E fc o t connoiffant, d it-il, la renonciation. Il ajoute que
Vexception de l’erreur & de l’ignorance , même de f a i t ,
n’efl: pas admiiïïble contre la chofe jugée , l’ordonnance
n’en ayant pas fait un des moyens de requête civile. I l
foutient en fin , que dans l’efp ece, l’ignorance & l’erreur
« auroient été trop groflleres & trop aifées à diffiper, pour
les fuppofer ôt les pardonner à un M agiftrat â g é , qui a
» fon fils Magiftrat ; tandis que l’homme le plus inepte n’y;
» feroit pas tombé ».
E
�Î4
Mais premièrement, les fins de non-recevoir font ici au
tant de chimeres.
N ous avons vu qu’il n’en réfultoit point de l’Arrêt obtenu
contre les fieurs M ayet & D efcorolles ; & il ne pouvoit
pas en réfu lter, à caufe de la différence des efpeces , des
P a rtie s , des titres & des moyens.
Il ne réfultoit pas non plus de fins de non-recevoir de
tous les actes judiciaires ou extrajudiciaires, aflignations ,
fom m ations, lignifications, procès-verbaux, jugemens ou
fentences , acquiefcement à ces fentences , 6c pourfuites
aux fins de les faire exécuter & de parvenir au partage
définitif de la fucceifion ; le tout fait ou provoqué par M*
& Madame E fc o t contre ou avec le fieur Andiaud & les
autres. Car tout cela conccuroit pour le temps avec l’igno
rance & l ’erreur ; tout cela n’ayant point paflfé le 2$
Février 1 7 8 6 ; &
l’ignorance & l’erreur, fa com pagn e,
n’ayant ceifé qu’au mois de Juin fuivant. O r , c’eit une
vraie pétition de principe, que de vouloir donner pour des
fins de non-recevoir contre l'e x c e p tio n de l’erreur & de fes
privilèges, les faits mêmes inglobés dans le cercle de la
durée de l’erreur , & qui précifément en ont été les fruits.
Par les mêmes raifons, il n’en réfultoit pas davantage,
de ce que M . & Madame E fco t auroient, fi l’on v e u t ,
laiffé & même ( on le fuppofe ) commis exprès au fieur
Andiaud le foin du procès Mayet & d’Efcorolles ; ni de ce
qu’ils ne fe feroient pas joints à ceux qui ne vouloient point
du fieur Andraud pour fequeftre ; ni de ce que ce feroic
M . & Madame E fco t qui l’auroient eux-mêmes affiené
>
O 9
en qu-ilitc d3héritier, pour prendre fa part dans la fuccejfion ;
ni de ce qu’ils auroient requis acte de l’adhélion & du
�confemement par lui donné à cette demande; ce qui âuro it, dit-il, formé le contratjudiciaire & communiqué aux
Sentences la force inébranlable de la chofe ju g é e , ces Sen
tences n’ordonnant que ce que M . ôc Madame E fco t avoieti
eux-mêmes demandé.
N ous difons que tout cela encore n’engendre point ici
de fins de non-recevoir contre M . & Madame E f c o t ; par
la raifon toujours que les dates yréfiftent, tour cela ayant
précédé de beaucoup le mois de Juin 1 7 8 5 , époque de
la ceiTarion de l’erreur, par la découverte du titre d’erclufion du fieur Andtaud. Cet Adverfahe ne peut donc pas
alléguer en fa faveur la chofe jugée ni le contrat judi
ciaire y puifque la chofe, laquelle feroit ici de favoir 11
par la renonciation de fon aïeule , il étoit exclus ou non
de la fucceffion G o d i v e l , cette ch o fe, par erreur de fait,
n’étoit point encore controverfée ; ôc puifque le contrat
judiciaire n’eft pas plus compatible avec l’erreur de fa it , que
le contrat volontaire, i àute alors de véritable confentement
dans l’un comme dans l’autre : Quotiiani non videntur qui
errant confentire.
Enfin , le fieur Andraud nous apprend que profitant de
ce que M . ôt Madame E fco t n’avoient pas pris d’Arrêt de
défenfes, il a , nonobftant leur appel, fait faire le partage-,
& p a y é , comme fequeftre, les honoraires des Experts.
Mais quand il nous apprendroit a u ffi, qu’il a , de p lu s,
vendu une partie des immeubles d elà fucceifion, cesentreprifes téméraires faites au mépris de la litifpendance en la
C o u r , 6c abfolument étrangères à M . 6c Madame Efcoc
( res inter alios aâce ), 11e peuvent pas lui fervir de moyens
contr’eux , nemini fraus fua patrocinari debet : 6c tout leur
E ij
�effet fera de groiïïr la maffe des reftitutions qu’il aura à
faire, & de fournir des débats a fou compte de féqueftre.
Secondement , fes obje&ions fur la nature de Yerreur où
étoient M . & Madame E fco t,n ’ont pas plus de folidité que
fes fins de non-recevoir.
D o m a t , d’après les L o i x R o m a in e s, explique parfaite
ment ce que c’cft que l’erreur de fa it 6c que l'erreur de
droit (dans fes L o ix C iviles , premiere partie , livre premier,
titre 18 , §. premier). « L ’erreur ou ignorance de f a i t t
» dic-il, confifte à ne pas favoir une chofe qui efl. L ’erreur
» ou ignorance de droit , confifte à ne pas favoir ce quune
» loi ordonne ». E t il cite , pour exemple de l’erreur de
f a i t , le cas d’un héritier inftitué qui ignoreroit la mort
du teftateur ou l’exiftence du teftament : f i nefciat decej[î(fe
teflatorem 3 aut f i nefciat efje tabulas , in f a c t o errât : &
pour exemple de l’erreur de d r o it , le cas d’un héritier qui
auroit c r u , à R o m e , ne pas pouvoir demander la poffeffion des biens avant l’ouverture du teftament, f i non putet
f e bonorum pojfejfionem petere pojfe antè apertas tabulas > in
j u r e errât.
O r ici ce n’étoit pas le point de droit « qu'une renon» ciation dans le goût de celle de M arie-Barbe Garnaud ,
» exclut en Coutum e d’Auvergne la renonçante & tous
» fes defcendans de toutes les fucceffions préfentes & à
» venir de la famille » , que M . & Madame E fco t igno» roient ; mais c'écoit le fa it même de l’exiftence de la
renonciation de M arie-Barbe Garnaud ; f i nefciat effe. tabu
las : leur ignorance étoit donc non pas de droit > mais de
fa it.
E t c’eft en vain que le fieur Andraud continue de dire
�n
qu'ils avoient cûnnoiiTance de cette renonciation ; ôc que
le contrat qui la contient fut examiné ôc approuvé, avec
tous les titres des autres paren s , par M . E fc o t lu i-m êm e,
lors de l’inventaire, ôc avant le partage de l’argent comptant
du 6 Février 17 8 4 . Ajoutant que fans cette connoiflance
M . E fco t n’auroit pas pu tracer, comme il a fait depuis ,
la généalogie des enfans de Martin Garnaud , ÔC de ceux
de M arie-Barbe fa fille ( ici la renonçante ).
C ar d’abord , pour faire une g én é alo g ie, Ôc une généa
logie que le fieur Andraud accufe même ailleurs d’être
inexad e , & une généalogie de perfonnes auiTi proches pa
rentes de l’époufe du G én éalogifte, que l’étoient ici de
Madame E fc o t tous les defeendans de Martin Garnaud &
de M arie-Barbe fa fille , il n’eil pas néceifaire de connoître
les contrats de m ariage, ni même les baptiftaires de ces
perfonnes ; & il fuffit de connoître les perfonnes mêmes ôc
de vivre ou avoir vécu familièrement avec elles & au mi
lieu d’elles.
A l’égard de la préfentation, de la l«£ture ôc de la vé
rification prétendues faites des titres des différens héritiers
& notamment du contrat de mariage portant la renoncia
tion de Marie-Barbe G arnaud, au mois de F évrier 17 8 4 .,
nous avons déjà dit que c’étoient là autant de faits fuppofés ; ôc ce qui en démontre bien la fuppoficion , c’eft
que les fieurs Mayet ôc Defcorolles , q u i, préfens à l’in
ventaire ôc au partage de 1 7 8 4 , auroient donc été auflî
préfens à la levure du contrat en queftion, n’en ont ce
pendant point argumenté contre le fieur Andraud dans leur
procès en fubrogation , déjà commencé dès Je 3 Février
1 7 8 4 , 6 c terminé feulement le 12 Juillet 1 7 8 j ; Procès o»
�iis avoient uniquement à prouver que le fieur Andraud
n’étoit pas héritier. C e que la renonciation de fon aïeule
en effet ne lui perm etcoit pas d être.
M ais ce qui prouve encore plus la fuppofition donr nous
parlons, & ce qui eft ici d é c ifif, c’eft encore une fois
l’impuiffance du fieur Andraud de faire & même d’entreprendre la preuve des faits. C a r , que le fieur Andraud
ne s’y trompe p o in t, il eft écrit dans les L o ix c iv ile s ,
comme dans les L o ix canoniques } 6c il eft enfeigné pat
D om at ( loco citato ) , que l’erreur qui n’eft pas prouvée
être de f a i t , eft préfumée n’être que de droit ; l’ignorance
étant préfumée , là , où la fcience n’eft pas prouvée. Prafu~>
nûtur ignorantia ubi feientia non probatur.
Troijîemement, que l’exception de l’erreur même de f a it t
ne foit pas ici adm iiïible, parce que l’erreur de fait n’eft
pas m ife , par l’O rdonnance, au rang des ouvertures de
Requête civile, ou fous le prétexte de la chofe ju g ée , c’eft
ce que le fieur Andraud ne perfuadera pas à la Cour.
I l y a une grande différence entre des moyens de requête
civile & des moyens d’appel ; la requête civile eft un des
remedes extrêmes contre les jugemens fouverains ; remede
particulier qui a pu être circonfcrit dans des bornes plus
étroites afin que les Procès ne s’éternifaiTent pas. L ’appel
eft le remede ordinaire & unique contre les jugemens contradi&oires des Tribunaux inférieurs, remede général dont
la L o i n’ a ni déterminé ni pu déterminer les c a s , qui font
in fin is, ôc q u elle a laiffés en conféquence à l’arbitrage des
Ju g es de l’appel. Quand donc il feroit abfolument vrai
( ce que nous n’avons point intérêt d’examiner) que l’erreur
de fait n’eft pas un moyen de requête c iv ile , il n’en feroit
�19
pas moins vrai qu'elle eft un moyen irréfragable d’appel ;
& il ne s’agit ici que d’appel ôr non pas de requête civile.
Pour ce qui eft de la chofe jugée f le fieur Àndraud a
cru voir dans quelques L o i x R o m a in e s , que ce cas n’admettoit point l’exception de l’erreur de fait ; mais on lui a
fait voir que c’étoit feulement devant le même Ju g e qui
avoit rendu la Sentence contre laquelle on vouloic revenir
pour erreur de fa it , ôc non pas quand l ’affaire étoit portée
par appel devant le Ju g e fupérieur. O r , nous fommes ici
devant le Ju g e fupérieur, qui eft la Cour.
Mais de plus , il n’y a jamais eu ici ce qu’on appelle
cho se
ju g é
F. : les Parties plaidantes
la
n’ayant jamais agité
en premiere inftance la queftion ( ici à juger ) de la parti
cipation ou de Vexclujîon du fieur Andraud & Confors de
la fucceifion dont il s’agit ; en forte que quend la Sénéchauifée deClerm ont les a admis à partager cette fucceifion,
ce n’eft point par forme difpojidve, mais feulemenr par forme
fuppofitive , d’après que l’ignorance du titre d’exclufion
faifoit que perfonne ne conteftoic l’admiiTion. C ’eft donc
la Cour feule qui jugera pour la premiere fois la queftion
qui nous fait ici plaider , & qui n’eft née que depuis
l’appel & fur l’appel ; & la Cour la jugera , nous l’efpét o n s , en faveur de M . & de Madame E f c o c , conformé
ment au principe, auiïi écrit dans les L o i x Rom aines , &
enfeigné par D o m a t , que foit en matiere de perte foit en
matiere de gain , l’erreur de fait ne nuit pas. Error fa eîi
nec in damais nec in compendiis obejl.
Quatrièmement enfin, mais le fieur Andraud nous opofe
à fon tour Domat difant ( ibid. N °. p ) qu’il faut confidérer 9 « fi l’erreur de fait feroit fi grojjiere qu’on ne doive
�» pas la préfutner ». E t il prétend que telle auroit été l’er-<
rcur de M . ôc de Madame Efcot.
Mais fans que nous tranfcrivions ici fes préfomptions ,
on va c o n n o î t r e ôc apprécier par nos réponfes, celles fur
lefquelles il infifte 6c compte le plus.
i° . M . ôc Madame E fc o t n’auroient eu la fa c ilité , peutêtre , de lever une expédition du contrat de mariage con
tenant la renonciation de Marie-Barbe G arnaud , ou d’en
demander une copie au fieur A n d raud , ou d’en prendre
communication dans le doflier du fieur Deshorts ôc de la
dame F a u c h e r , qu’autant qu’ils auroient fu que cette re
nonciation exiftoit réellement. O r , comment auroient-ils
pu même foupçonner que Marie-Barbe Garnaud avoit fait
une renonciation que fes defcendans avoient en poche ÔC
qui les écartoit de la fucceflion contentieufe , quand ils
voyoient ces mêmes defcendans fe préfenter avec l’aflurance
la plus impofante pour prendre part à cette fucceflion ?
L e foupçon en pareil c a s , auroit été trop injurieux à trop
de perfonnes pour entrer dans le cœur de M . Efcot. M a is ,
croire à la probité, eft-ce donc une erreur grofliere ?
2°. Pafle qu’il n’ y ait pas un Auvergnat qui ne fâche que
les filles mariées en Coutume d’A u v e rg n e , pere ôc mere
v ivan s, font forclofes3 t lies ôc toute leur poftérité, au pro
fit des mâles ôc de leur defcendance, de toutes fucceilions
à échoir. Mais tous les Auvergnats favent également que
fuivant la même Coutum e les filles & leur poftérité peu
vent être réfervées à l’efpoir fucceflif par leur contrat de
mariage ; ôc que fi la mere eft prédécédée, il faut de la
part de la fille une renonciation pour les fucceilions du
côté maternel. E t ces Auvergnats favent aufli q u e , quoi
qu’en
�41
qu’en dife le fieur Andraud pour le befoin de fa c â u fe , les
expéditions des contrats de mariage des filles, ne fe mul
tiplient pas ; qu’il ne s’en fait prefque jamais qu’une feu le,
qui refte au mari de la fille , comme leur titre commun ,
& qui paffe à leurs defcendans, mais non pas à leurs col
latéraux.
M . & Madame E fc o t à l’ouverture de la fucceffi o n dont
il s’agit q u i, à l’égard de Marie-Barbe Garnaud & de fa
poftérité étoit une fucceffi o n maternelle, pouvoient donc
croire fans ineptie , avec les héritiers des autres branches ,
fur-tout les fieurs Mayet & D e fc o ro lle s, & avec les Juges
des demandes en partage, & avec les défenfeurs des par
ties , & avec tous les Auvergnats enfin qui voyoient ce
qui fe paff o i t , pouvoient c ro ire , difons - n ou s, ou que
Marie-Barbe Garnaud avoit été mariée du vivant de fes
pere & mere avec réfervation aux droits de fuccéder, ou
que mariée après la mort de fa mere, elle n’avoit pas fait
de renonciation,
3°. Quand il feroit vrai que M . & Madame E fc o t auroient connu les contrats de mariage de quelques-unes des
fœurs de Marie-Barbe Garnaud , lorfqu'elles décéderent
fans poftérité; s’eniuivroit-il qu’ils auroient également connu
dans ce temps-là ou dans aucun autre , le contrat de ma.
riage de Marie-Barbe Garnaud elle-même à la fucceifion de
laquelle ils n’avoient rien à prétendre ? ce contrat
de
m ariage, abfolument étranger à la famille particulière de
Madame E fcot , &
qui n’étoit le titre que de la famille
commençante à Marie-Barbe G arnaud, & réfidante aujourd h u i dans le fieur Andraud & fes C o n fo r s ? c e contrat de
mariage, qui n’étoit ni ne pouvoit être du fa it de M . &
F
�42
de Madame Ê fc o t : ce q u i , fuivant encore les L o i x &
D o m a t , eft une circo n fta n c e qui juftifie le rre u r, in alie.nl
f a d i ignorantiâ tolerabilis error efi ? ce contrat de mariage
que M . E icot ne dut point trouver, comme il ne le
trouva p o in t , dans les papiers de Madame fon E p o u fe ,
lorfqu’ils fe marierent en 17 j 3 ; quoique le pere de M a
dame E fc o t ( Gabriel Garnaud ) eut dû payer en qualité
de mâle & d’héritier du pere c om m u n , 200 liv. faifant le
dernier terme de la dot de Marie-Barbe , fa f œ u r , renon
çante : dot qui avoit été entièrement payée depuis long
tem ps, 6r. qui fe feroit même trouvée prefcrite dès 1 7 4 J ?
ce contrat de mariage enfin , dont M . & Madame E fco t n’avoïent jamais eu ni b efo in , ni occafion de prendre connoiflfance, avant l’ouverture de la fucceifion dont il s’a g it ,
temps auquel on le leur a caché avec tant de fo in , & ,
dirons-nous, tant d’artifice ?
4 °.
L ’exemple des fieurs Mayet &
Defcorolles qui
cherchoient dans le contrat de mariage d’Antoinette G odivel
de quoi exclure le fieur Andraud par une renonciation ,
ne fait rien ici contre l’ignorance de M . & Madame E fco t
du contrat de mariage de Marie-Barbe Garnaud. L e s fieurs
M ayet &
Defcorolles pouvoient avoir fu où prendre le
contrat d'Antoinette Godivel ; fans qu’il en réfulte que
M . & Madame E fc o t connuifent ou poifédaifent, ou
fuifent en quel endioic prendre celui de M arie-Barbe G a r
naud. E t répéterons-nous ici que s’il y avoit eu polfibilité
de connoître ce dernier contrat , qui exclut bien plus
évidemment le fieur Andraud que non pas le prem ier,
les fieurs Mayet & Defcorolles eux-mêmes, qui plaidèrent
à outrance le fieur Andraud pendant plus de deux ans ,
n’auroient pas manqué de fe le procurer ?
�'4 ?
y0. L 'intérêt, de M . & Madame E f c o t , à connoître ce
c o n tra t, fi fameux depuis leur appel ôc fi profondément
ignoré d’eux auparavant, ne faurait non plus leur rendre
cette ignorance nuiiible, ôc la rendre ici profitable aux
fieurs Andraud ôc Confors qui la fomentoient par intérêt
a u iïi, mais intérêt, ofons le d ire , coupable; celui d’ufurper une fucceifion qui ne leur appartenoic pas.
L ’obje&ion , d’ailleurs, de l’intérêt, fe rétorque ici en
faveur de M . ôc Madame E fco t. C a r , puifqu’on nous parle
de préem ptions , ( tandis que fuivant les principes il faudroît pour réuiTir contre nous , qu’on nous donnât des
preuves proprement d it e s ) , e f t - i l à préfumer que fans
l’ignorance effedive du contrat en queftion, & fans l’erreur
de fait inféparable de cette ig n orance, M . & Madame
E fco t qui ont des enfans, eufTent voulu laiiTer prendre au
licur Andraud ôc C o n fo r s , une part héréditaire de 40000 1.
qui n’appartenoit qu’à eux ? O n n’eft pas ainfi libéral de
fon bien ôc de fes d roits, quand on les connoit. Nemo
jaciare fuum vellc prcefumitur.
6°. Enfin il eil auffi ridicule qu’inutile d’alléguer fans ceifc
que M . E fco t cil M agiftrat, eil âgé j ôc a fon fils M agiftrat. L ’âge ôc la Magiftrature, non plus qu’aucun é t a t , aucun
rang , aucune place fur la terre , ne mettent à l’abri de
l’erreur de fa it.
L e s préem ptions du fieur Andraud font donc auiTi in
capables que fes fins de non - recevoir & que toutes fes
autres o bjed ion s, d’empêcher ici l’adjudication des demandes
de M . ôc de Madame E fco t.
E ij
�44
S
e
c
t
i
o
n
t
r
o
i
s
i
è
m
e
.
Réfutation des écarts injurieux du. fleur Andraud.
A entendre cet Adverfaire dès le début de fon Précisa
M . E fc o t a manqué ici au foin de ià propre réputation ,
& à fa qualité de Magiftrat ; par la raifon qu’ayant cédé
les droits de Madame fon ép o u fe , l’un & l’autre ne font
p l u s , dans l’affaire , que des prête-noms fans intérêt , ou
n’ont qu’un intérêt très-modique.
Mais , encore une fois , M . & Madame E fco t n’ont
cédé que la moitié des droits de cette derniere dans la
fucceffion dont il s’a g it; ce fait ne nous eft pas contefté.
O r , au moyen de la renonciation qui excluroit le fieur
Andraud &
fes C o n fo r s , ces droits de Madame E f c o t ,
feroient de deux quinzièmes au total
faifant 40,000 liv.
N ’en eft-ce donc pas affez pour que M . & Madame E fc o t
ne puifent pas être accufés de n’être ici que des prêtenoms , ôc fur-tout d'être fans intérêt ?
Mais d’ailleurs , quand , contre la vérité du fait , ils
feroient des prête-noms, qu’en réfulteroit-il pour le jugement
de l’inftance ? R ien . Un Cédant peut, fans blâme , prêter fon
nom à fon ceffionnaire pour la pourfuite des droits cédés.
C ’eft la légitimité ou l’illégitimité des droits qu’il faut
juger , 6c non pas les perfonnes qui les exercent.
E n fécond lieu * le fieur Andraud veut que Monfieur &
Madame E fcot foient ici des ingrats ; parce qu’ils demandent
â le faire, félon lu i, priver de fa portion dans une fuccdfion
pour laquelle il fe feroit facrifié. C ’eft-à-dire, parce quils
�ne veulent pas pas abandonner à lui &
Vraifemblablement vingt mille livres pour
autant pour celui de la dame de Voifliere
E h ! quels font donc enfin les facrifices
à Tes C o n fo r s ,
leur com p te, 6c
leur ceflionnaire.
qu’il voudroit fe
faire payer fi cher f
C ’eft i° . d’avoir été le fequeftre gratuit de la fucceilion ;
ce qui lui auroit fa it , d ir - il , négliger fes propres affaires.
Mais pourquoi donc ambitionnoit-il tellement cette qualité
de fequeftre, que les cohéritiers ne voulant pas la lui dé
férer j il les plaida fortement ôc long-temps pour fe la faire
donner ?
2 °. C ’eft l u i, dit-il en co re, qui foutint feul & à grands
frais le Procès contre les fleurs Mayet ôc D e fc o ro lle s,
dont les prétentions auroient eu l’effet d’exclure de la fucceflion contentieufe la fouche entiere, dont eft, comme
lui , Madame E fcor.
Mais par le Mémoire qu’en 1 785 il donna à la C our
contre les fleurs Mayet ôc D e fco ro lle s, on voit que c’étoit
pour lui-même qu’ilfoutient ce procès : afin de conferver
les ceflions lucratives qu’il avoit p rifes, qui tenoient à la
qualité d’héritier qu’il fe donnoit, ôr aux quelles ni M a
dame E fco t ni les autres individus de la fouche n’avoienc
aucune part.
Au furplus les fieurs Mayet ôc Defcorolles furent con
damnés dans le temps en tous les dépens envers le fieut
Andraud. L es perfonnes qui pouvoient être intéreffées à
fa victoire ne fauroient donc dans tous les cas être rede
vables envers lui que des faux-frais que le combat lui au
roit coûtes. Or par les offres que lui ont toujours faites
ôc que lui font encore à cet égard M . ôc Madame E f c o t ,
ils accompliflent abondamment toute juftice.
�4*5
Quant à la gratuité du feq u eftre , elle n’exifte plus
fi le iïeur Andraud demande à ce fujet ou des falaires , ou des
dédommagemens pour le tort que la geilion des affaires de la
fucceffion auroit fait aux Tiennes. Q u’il porte d o n c , s’il v e u t,
en dépenfe & qu’il /uftifie ces falaires & ces dédommage
o n s , dans le compte qu’il rendra de fon adminiftration ;
& pour lo r s , M . & Madame E fc o t lui feront voir qu’à
cet égard encore ils ne font ni injuftes ni ingrats.
En troifîeme lieu, M . E fco t (dit le Heur Andraud dans
fesécritures) non-leulement a ufé d’ingratitude envers m o i,
mais il a manqué à fa parole, en refufant de me céder les
droits de Madame fon ép o u fe, après me l’avoir p/omis
ôc avoir arrêté avec moi les conventions de ce marché.
L e fieur A ndraud, on croit l'avoir dit, auroit voulu envahir
toute la fucceilion Godivel. D e là fes tentatives auprès des
différens appelés à cette fucceflion pour les engager à lui
céder leurs droits , tentatives qui réuifirenc auprès de plufieurs , & qui échouerent auprès des autres, & notamment
auprès de M . & de Madame E fco t. M ais il n’y eut jamais
de la part de ces derniers , de parole donnée à ce fu je t,
ni de conventions arrêtées avec le fieur Andraud ; & ce
fut dès fa premiere propofition qu’ils l’éconduifirent. V o ilà
toute la vérité.
En quatrième lieu enfin , le fieur Andraud pour com ble ;
a imputé à M . E f c o t , de n avoir eu d’autre but que de le
tracaffer 3 par fon appel & fes demandes ; c’eft la haine
perfonnelle qu’il lui p o rte , qui l’a fait agir ; il a inftruit
conire lui fe u l, laiifant de côté fes Confors ; c’eft même
pour fervir contre lui des haines étrangères, qu’il a choifi
pour ceffionnaire des droits de Madame fon E p o u fe , un
�4:7
des ennemis jurés de lui Heur A n d rau d , un homme qui
lui avoir fait toutes fortes de chicanes , & qui même avoic
cherché à exclure de ia fuccdflion toute la branche d’A n
toinette G o d iv e l, & c .
M ais ici nous demanderions au fieur Andiaud pourquoi
il veut fe figurer qu’on le hait ? D ’abord c’eft un intérêt
de 40000 livres pour M . ôt Madame E fc o t ou pour leur
ceifionnaire, qui les a fait agir contre l u i , 6c non le m otif
d’une haine perfonnelle d’autant plus im aginaire, qu’il die
lui-même ailleurs ( ce qui eft très-vrai ) que M . & Madame
Efcot avoient toujours bien vécu avec lui ? D ’un autre
c ô té , fi c’eft contre lui principalement qu’ils ont dirigé leur
appel & l’inftruûion qui a fu iv i, c’eft qu’il a le principal
rôle dans l’aifaire ; & que fes Confors & lui n’ont qu’un
même intérêt & que les mêmes moyens. E t après to u r,
M . & Madame E fc o t ont rempli vis-à-vis de ces Confors
du fieur Andrand les formes de ¡ ’Ordonnance.
Q uant aux haines étrangères qu’il prétend que M . ôc
Madame E fc o t auroienc cherché à fervir contre lui dans
le choix de leur ceifionnaire , nous ne le comprenons
point. A u dernier trait du fignalement qu’il donne de ce
ceifionnaire, prétendu fon en n em i, nous ne pourrions re
connoitre que le fieur d’E fcorolles ou le fieur Mayet. M ais
ni l’un ni l’autre ne font les ceiïionnaires de M . & de
Madame E fc o t ; &
la feule &
véritable ceifionnaire
( la dame de V oiifiere ) , n a rien de commun avec e u x ,
pas même la branche de parenté.
T outes les déclamations du fieur Andraud contre M . & *
Madame E f c o t , portent donc à faux , & ne fo n t , on le
ré p é té , que des hors-d’eeuvres par lefquels il voudroic
�■48
tâcher de rendre fur-tout M . E fcot défavorable aux yeux
de la Cour. Mais vains efforts ! La réputation de M .
' E fcot & com me homme , & comme Magiftrat > n’a fouffert
aucune atteinte dans cette affaire : la C o u r vient de ,le voir ;
& M . E fcot ne craindroit pas de prendre encore le
Public de Clerm ont & de toute la Province pour Juge entre
fon détracteur & lui.
Monfieur C L É M E N T D E
V E R N E U I L , Rapporteur . . .
M* R E C O L E N E , Avocat.
J U L H I A RD , P r o c .
De l’imprimerie de C H A R D O N , rue de la Harpe ,
vis-à-vis celle Poupée. 17 8 9 .
�
Dublin Core
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Escot. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Clément De Verneuil
Recolene
Julhiard
Subject
The topic of the resource
successions collatérales
coutume d'Auvergne
généalogie
contrats de mariage
estoc
droit romain
droit écrit
renonciation à succession
opinion publique
Description
An account of the resource
Mémoire pour monsieur Escot, conseiller en la Cour des Aides de Clermont-Ferrand, et madame son épouse, du chef et à cause d'elle, appelans et demandeurs ; Contre le sieur Andraud, conseiller en la sénéchaussée et siége présidial de la même ville, et les consors, intimés et demandeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Chardon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1783-1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0108
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Besse-et-Saint-Anastaise (63038)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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contrats de mariage
coutume d'Auvergne
droit écrit
droit Romain
estoc
généalogie
opinion publique
renonciation à succession
successions collatérales