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P A G E S - M E I M A C , avocat en la
cour d’appel de Ri o m ’
C O N T R E
E tie n n e -A n d r é
SA R R E T ,
propriétaire.
Q u o iq u ’ i l ne s’agisse que de compétence, il est cepen
dant nécessaire d ’e x p o s e r en entier les faits.
F A I T S .
J
‘
. Joseph Sarret-Fàbrègues sur les biens duquel l’exposant
poursuit le payement de sa créance, s’est marié en 1745,
a.vec. G e n e v i è v e d e B r o s s in h a c .
Par le.contrat de mariage, les deux époux firent dona
tion de la moitié de leurs biens présens et à venir à celui
des enfans à naître qu’ils choisiroient.
D e ce mariage sont issus cinq enfans, Sarret-Nozières,
François-X avier Sarret-Saint-M am et, Etienne-André'.
Sarret-Saint-Cernin, Marianne et Geneviève.
Sarret-Nozières a prédécédé ses père et: m è re , sans
laisser d’enfans.
1
A
�c o
Marianne a contracté mariage le 8 septembre 1 7 7 7 ,
avec Gabriel Mainard.
G eneviève, avec Découquans de Lacam.
Il fut constitué à chacune 36000 francs du chef du
père, et i 5ooo francs du chef de la mère. L e contrat de
mariage de l’une et de l’autre porte renonciation à la suc
cession future.
Par acte du 14 avril 17 9 1, les pèi’e et mère décla
rèrent qu’ils choisissoient François-Xavier Sarret-SaintMamet, devenu l’aîné par le prédécès de Sarret-Nozières,
pour recueillir l’eifet de la donation de moitié biens pré
sens et à ven ir, portée par leur contrat de mariage.
Par le môme acte ils l u i firent d o n a t io n de l’autre
moitié des b ie n s p ré se n s . Ils n e p o u v o i e n t lui donner
l’autre moitié des biens à venir, parce que ce n’étoit
point par contrat de mariage.
i°. Sous la réserve de l’usufruit.
20. Sous la réserve d’un6 somme de 100000 francs à
disposer, savoir, par le premier d’e?/v ’eux qui viendx-oit
à décéder, de 20000 fr., et par le survivant, de 80000 fr.
3°. A la charge de payer à E tienne-A ndré SarretSaint-Cernin, pour sa légitim e, la somme de 36000 fr.
du chef paternel, et i 5ooo fr. du chef maternel.
40. -4 la charge de payer 200000 f r . de dettes tant
,
chirographaires qu'hypothécaires.
L e père commun est décédé le 31 août 179 2 , avant
,
la mère qui a survécu plusieurs années.
François-Xavier Sarret-Saint-Mamet, donataire, ayant
été porté sur la liste des ém igrés, la nation a mis le
séquestre sur ses biens.
�(
3
)
Bientôt est intervenue la loi du 17 nivôse an 2 , qui
annulloit toutes les dispositions faites par personnes dé
cédées depuis le 14 juillet 1789.
En vertu de cette l o i , les deux sœurs qui avoient
renonce, et E tien n e-A n dré Sarret - Saint - Cernin , ont
provoque contre la nation le partage par égalité.
Ce partage a été ordonné , et les légitimaires mis en
possession de leur lot.
L ’effet rétroactif de la loi ayant été rapporté, le com
missaire du pouvoir exécutif près l’administration cen
trale du département a fait citer les dames Mainard et
de Lacam , et Etienne-André Sarret, au tribunal civil du
Cantal, en nullité du partage, et pour se voir condamner
à se désister des immeubles éclius à leur lo t, avec res
titution des jouissances depuis la publication do la loi
du 5 floréal an 3.
E tienne-A ndré Sarret, et les dames Mainard et de
L acam , n’ont point contesté la nullité du partage.
Etienne-André Sarret a demandé qu’il fût ordonné,
conformément aux lois des 3 vendémiaire an 4 et 18 plu
viôse an 5, qu’il se retiendroit, des biens échus à son lot,
ju s q u ’à concurrence, i°. de la somme de 35000 francs,
à lui destinée pour sa légitime paternelle, qu’il acceptoit
pour éviter à contestation ; a°. de celle de 20000 francs ,
montant de la réserve faite par le père par la donation;
Que Marianne et Geneviève Sarret fussent débou
tées de leur prétention à fin do partage de la réserve
de 20000 francs, à lui attribuée en seul, d’après les dis**
positions des articles 8, 9 et 10 de la loi du 18 pluviôse
an 5 , à raison de la renonciation conventionnelle par elles
A a
�(4)
J o in t au x pièces.
faite dans leur contrat de mariage en pays de non ex
clusion.
Les dames Mainard et deLacam offrirent également de
se désister des héritages échus à leur lot ; mais elles deman
dèrent à être autorisées à se retenir des fonds en paye*
ment de partie de la constitution de dot qu’elles préten
dirent leur être due. Elles demandèrent aussi à être auto
risées à se retenir des fonds en payement chacune d’un
tiers de la réserve de 20000 francs, à laquelle elles pré
tendirent avoir droit, nonobstant leur renonciation.
Jugement du tribunal civil du Cantal, du 20 ventôse
an 6 , qui annulle le partage fait en exécution de la loi
du 17 nivôse ;
Condamne les partageans déchus à se désister des héri
tages à eux attribués par le partage annullé, avec resti
tution des jouissances perçues depuis la publication de la
loi du 5 floréal an 3;
Autorise Etienne-André Sarret à se retenir des fonds
en payement de la somme de 36000 francs, montant de
la destination parternelle.
E t en ce qui concerne la réserve,
A tten du , est-il d it, que, suivant l’article 2 de la loi
du 18 pluviôse an 5 , les réserves faites par les donateurs
ou auteurs des institutions contractuelles, font partie de
la succession a b i n t e s t a t , pour être partagées entre
les héritiers autres que les donataires ou institués;
Attendu que l’effet des renonciations des filles, est de
les foi'clore de la succession , tant q u ’ il y a maie ou des
cendant de maie héritant ; q u e les filles forcloses son t
reiranchécs de la famille, et q u e les mâles seuls viennent
�(5)
à la succession tant en leur propre nom qu’en celui des
filles forcloses;
Attendu qu’il résulte de l’arrêté de l’administration
centrale du département, du 1 4 ventôse an 4 , que lesdites Marianne et( Geneviève Sarret avoient été anté
rieurement payées des dots à elles constituées, puisque
cet arrêté les soumet à en faire le rapport, et que bien
loin de réclamer contre cette disposition, elles ont exé
cuté volontairement cet arrêté contenant partage, en se
mettant en possession des lots à elles attribués par ce
même arrêté ; qu’au surplus le tribunal seroit incom
pétent pour annuller ou modifier cet arrêté;
Déclare lesdites Marianne et Geneviève Sarret non
recevables dans leur demande en retenue de fonds pour
leur; légitime paternelle ;
. Les déclare pareillement non recevables dans leur de
mande en partage de la réserve ;
t Adjuge à Etienne-André Sarret l’entière somme de'
20000 francs, et l’autorise pareillement à retenir des fonds
en payement.
En exécution de ce jugement, il a été procédé à un
nouveau rapport pour expédier audit Sarret des fonds
en payement, et de la légitim e, et de la réserve.
Ce rapport a été homologué par arrêté de l’adminis
tration , du 21 fructidor an 6.
^
Etienne-André Sarret avoit en même temps soumis
sionné , dès les 2 4 et 2 0 floréal an 4 , le surplus des biens
qui étoient échus à son lot par le premier partage.
L e même arrêté du département, du 2 1 fructidor an 6 , Joint aux pièce»,
porte eu conséquence qu'il lui en scrajxiit vente, comme
�( 6
-Join » a u x pièce».
)
,
Voyant soum issionné, coiiformément à la loi du 28 ven
tôse
prix porté par l’estimation des experts.
L e 2 thermidor ah 8 , autre arrêté.
Cet arrêté commence par viser l’invitation faite par
lettre audit Etienne-André Sarret, par le président de
l’administration, de venir prendre communication au
secrétariat des titres de créances déposés par les créan
ciers de la succession, et proposer ses moyens contre ces
titres.
2°. La réponse faite par Sarret, que, quoiqu’il ait pris
partie des biens en payement de la réserve de 20000 francs,
la république ne doit pas moins faire face aux dettes de
son p ère, et qu’il n’est tenu , sous aucun rapport, d’y
contribuer, attendu que la donation qui contient cette
réserve chargeoit le donataire d’acquitter les dettes.
30. Le relevé des titres de créances déposés à l’adminis
tration, montant à la somme principale de 139549 livres
4 sous, y compris une obligation du 27 septembre 1791,
et non compris trois créances litigieuses.
V i e n t a p r è s l ’a r r ê té .
Considérant, est-il d it , que les dettes énoncées audit
re le v é , et contractées, tant par ledit Sarret-Fabrègues
père , que par Sarret-Saint-Mamet fils, ne peuvent être
à la charge dudit Etienne - André S arret, puisque les
titres qui les établissènt sont tous d’une date antérieure
à la donation , excepté seulement l’obligation précitée
du 27 septembre 1791 ; que la somme principale de
139549 liv. 4 sous, montant de ces dettes , est au-dessous
de celle de 200000 francs que ledit Sarret, ém igré, étoit
chargé de payer par ladite donation ; et que la somme
�(7)
de 20000 francs que Sarret père s’étoit réservée , et qui
a été adjugée audit E tienne-A ndré Sarret, ne peut être
affectée au payement de ces dettes ; arrête :
A rt. i er. Les créances donL les titres sont dans ce
moment déposés au secrétariat de la préfecture du Cantal,
sur l’emigré Sarret-Saint-Mamet, sont reconnues et décla
rées etre en totalité à la charge de la nation , comme
représentant cet émigré ; et la liquidation doit en être
faite conformément aux lois qui y sont relatives.
A rt. 2. Sarret-Saint-Cernin ne peut être en conséquence
tenu au payement de ces créances.
C’est sur cet arrêté qu’on fonde le conflit de juridiction.
Par le jugement du tribunal civil du Cantal, dont on
a rendu com pte, Marianne Sarret, épouse Mainard ,
avoit été déboutée de sa demande en retenue de fonds'
pour payement de partie de sa dot qu’elle soutenoit ne
lui avoir pas été payée ; elle a interjeté appel de ce chef.
Cet appel porté en la cour d’appel de Riom , arrêt
q u i, attendu que la contestation intéressoit la nation ,
renvoie devant le conseil de préfecture.
Premier arrrêté du conseil de préfecture, du 28 mes- Joint au* pièces,
sidor an 10, q u i, considérant que l’arrêté du 14 ventôse
an 3 > sur lequel le tribunal civil du Cantal avoit fondé
sa disposition, contenoit une erreur de fait évidente, rap
portant cet arrêté, ordonne qu’il sera délaissé à ladite
Marianne Sarret des fonds , valeur de 1790, jusqu’à con
currence de la somme de 27222 liv. 4 sous 5 deniers, à elle
restée due de ses droits légitimaires paternels, et du mon
tant des intérêts de ladite somme à elle dûs, conformément
à son contrat de m ariage, sous la déduction de la somme
�(S)
Joînt aux pièces.
#
de 600 francs, valeur représentative de la somme de 5ooo
francs, montant d’une boutique dépendante de la succes
sion , et qu’elle avoit vendue en assignats, dans l’inter
valle du partage au rapport de l’effet rétroactif de la loi
du 17 nivôse.
Second arrêté du 18 thermidor an 10 , qui liquide les
droits de ladite Marianne Sarret, en capital, à la susdite
somme de 27222 liv. 4 sous 5 deniers , et les intérêts
dûs depuis l’échéance des termes portés par le contrat
de m ariage, jusqu’au jour, à. 22863 francs ; en total, 5oo 85
liv. 9 sous 9 deniers, sur quoi déduisant la somme de 600 f.
prix de la boutique, et autres deux modiques sommes,
il est déclaré rester dû 48230 liv. 6 so us 1 denier.
En payement il lui est délaissé le domaine de Braqueville, montagne et bestiaux en dépendant, pour la
somme de 46649 livres 1 sou 7 deniers, d’après l’esti
mation des experts ; et elle est autorisée à se pourvoir
à la liquidation générale, pour la somme de i 58 i livres
4 sous 6 deniers restante.
O u connoît la loi du 9 floréal an 3, qui a ordonné le
partage par anticipation des biens des pères et mères viyans
d’émigrés.
lia mère étoit alors vivante, et a encore survécu plu
sieurs années.
Il a été , conformément h cette lo i, procédé au.partage
de sa succession.
Pour procéder ¿1 ce partage, il a fallu liquider son
patrimoine.
D e ce patrimoine faisoient partie les reprises qu’elle
avoit à exercer sur les biens de son mari.
Ces
�, , liquidées
. ( 9 ) par un premier arrêté
Ces reprises ont été
du 19 germinal an 5 (produit par e x tra it), et par un
second arrêté du 21 brumaire an 10 , modiiicatif du pre
mier (également joint aux p ièces), à 33523 francs.
Sur cette somme, il a été délaissé, pour les quatre cin
quièmes x'evenant à la m ère, et aux trois enfans vivans
non ém igrés, la somme de 29711 liv. 16 sous 4 deniers;
ils ont été autorisés à se pourvoir à la liquidation géné
rale pour cette somme.
La nation s’est retenu, pour le cinquième revenant à l’émi
gré , avec d’autres biens, la somme de 3811 1. 3 s. 7 deniers.
L ’émigré Sarret est depuis ren tré, et a été amnistié.
Etienne-André Sarret, en demandant à être autorisé
à prendre le montant de la destination de légitime à lui
faite, en corps h é r é d i t a i r e s , et h prendre la réserve, n’avoit
pas réfléchi qu’il s’exposoit à l ’a c t i o n , soit personnelle,
soit hypothécaire, des créanciers.
Les enfans de ,Me. L am b ert, ci-devant procureur au
parlement de P aris, ont agi contre lui les premiers. Ils
l ’ont attaqué personnellement comme héritier. Cette
demande a fait l’objet d’une instance au tribunal d’arron
dissement du département de la Seine, troisième section.
Etienne-André Sarret s’est défendu principalement sur
l’arrêté de l’administration centrale du département, du
21 thermidor an 8, qu’on a rappelé plus haut, qui avoit
déclaré que toutes les dettes dont les titres avoient été
déposés au secrétariat, montant à 139549 fr., du nombre
desquelles étoitla créance réclamée par les héritiers Lam ' b e r t, étoient à la charge de la nation, et que lui E tienneA ndré Sarret ne pouvoit en être tenu.
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Ce système a été accueilli.
Jugement du tribunal de la Seine, du 27 frimaire an 1 1 ,
q u i, attendu que François Lambert s’est adressé h l’ad
ministration du Cantal, et a produit les titres de créance ;
que par arrêté du 21 thermidor an 8, contradictoire avec
Sarret de Saint-Cernin, l’administration centrale a décidé
que les créances dont il s’agit étoient à la charge de la
république , sans que Sarret-Saint-Cernin puisse en être
tenu ; qu’ainsi l’objet de la demande des héritiers Lambert
est décidé administrativement; les déclare non recevables
dans leur demande, avec dépens.
Depuis est intervenu l’arrêté du gouvernement, du 3
floréal an n , qui auroit fait disparoître la difficulté.
Il est à observer que cet arrêté n’a point été inséré,
par oubli sans d oute, dans le bulletin des lois ; il se
tro u ve, avec l’instruction du ministre des finances , dans
les instructions générales sur l’enregistrement, an 1 1 ,
n°. 146, page 122, tome. 2.
L ’article 11 de cet arrêté porte :
« Tout créancier d’ém igré, rayé, éliminé ou amnistié,
« qui voudra exercer ses droits contre son débiteur,
« pourra réclamer ses titres, s’il les avoit déposés; ils
« lui seront rendus, à moins qu’il n’ait donné quittance,
« et reçu son titre de liquidation définitive. »
L ’exposantjpourévitertoutedifïiculté,pournepasm ême
sc jeter dans la question de savoir si Etienne-André Sarret,
fajsanj. adjuger la réserve, avoit fait acte d’héritier, a
pris la voie hypothécaire, sans entendre cependant se dé
partir de Vaction personnelle, résultante de la qualité
d"héritier. Cette voie étoit autorisée et indiquée par deux
�( II )
arrêts de la cour de cassation, un du 14 nivôse an 10,
rapporté dans le journal de Sircy ; et l’autre du 5 nivôse
an 13 , x'apporté au journal de Denevers, sixième caliier
de l’an 1 3 , page 270.
Il a fait une inscription au bureau des hypothèques,
sur tous les biens adjugés audit Etienne-André Sarret,
pour le payement de sa légitime et pour le payement
de la réserve , et généralement sur tous les biens dépen
dais de la succession dudit Sarret père, autres que ceux
rendus par la nation par soumission ou autrement.
Avant lui d’autres créanciers avoient également fait
inscrire •,
L e tuteur du mineur Roque-M aurel, pour une créance
exigible de 47690 francs;
I.e sieur Cappelle, d’Aurillac , pour 6000 francs ;
La nation, pour une somme de 9600 francs, résultante
d’un contrat de constitution de rente.
On observe que toutes ces sommes ne font point partie
de celles reconnues et déclarées être à la charge dç la
nation, par l’arrêté du 2.1 thermidor an 8.
On joint ici l’extrait des inscriptions.
L ’expnsant, après avoir fait inscrire, a fait citer,^a con
ciliation épuisée, au tribunal d’arrondissement d’Aurillnc,
ledit Etienne-André Sarret, pour voir déclarer les héri
tages par lui jouis, autres que ceux vendus par la nation
par soumission ou autrement, affectés et hypothéqués à sa
créance; en conséquence, se voir condamner à se désister,
si mieux il n’aimoit payer l’entière créance.
D e p u i s , M e. Rnm pon, a v o u é ; Clinpsal, Lathélise^
N o u v e a u , Lagrange, ont également attaqué ledit Etienne-
B 2
�( 12 )
A ndré Sarï'et : ceux-ci ont suivi la même marche que les
enfans Lambert; ils l’ont attaqué personnellement comme
héritier, et comme seul héritier du père.
H éritier, comme s’étant fait adjuger la réserve;
. Seul héritier ; la nation, comme représentant l’aîné, émi
gré, ayant renoncé à la succession pour s’en tenir à la do
nation , et les deux sœurs ayant renoncé par contrat de
mariage : renonciation annullée par la loi du 17 nivôse
an 2, et validée ensuite, en pays de non exclusion, aux
termes de la loi du 18 pluviôse an 5 .
En cet état, arrêté du conseil de préfecture, sur péti
tio n non communiquée d ’E t i e n n e - A r i d r é S a r r e t , q u i,
a p rè s a v o i r r a p p e lé l ’a r r ê t é du 2,1 thermidor an 8 ,
déclare q u ’i l y a conflit de juridiction , et invite le pro
cureur impérial près le tribunal d’Aurillac à requérir
le renvoi de toutes ces demandes , même de la demande
hypothécaire de l’exposant, au conseil de préfecture.
Les motifs sont:
« C o n s id é r a n t que les biens de Joseph Sarret père ont
« passé à la république, par représentation de François« X avier Sarret-Saint-Mamet, grevés de toutes les dettes
« et charges portées par l’acte de donation du 14 avril 1791;
« Qu’il a été reconnu par l’arrêté du conseil de prê
te fecture, du 21 thermidor an 8, que les dettes de Joseph
« Sarret sont à la charge de la nation. ( On auroit dû
« ajouter, jusqu’à concurrence seulement de 200000 f r .,
« ainsi que l’arrêté lui-même du 21 t h e r m i d o r le porte. )
« Q u e de ce nombre sont n o t a m m e n t celles des sieurs
« Rampon , Chapsal, N ouveau, Lathélise et Lagrange;
« que les instances qu’ils ont introduites devant le tribu-
�( 1 3 )'
« nal d’Aurillac ne tendroient qu’à éluder les dispositions
« des lois concernant la liquidation des créances sur l’état,
« et à détruire l’effet de l’arrêté de l’administration cen« traie, du 21 fructidor an 6 , et de celui du conseil de
cc préfecture, du 22 thermidor an 8, qui ont affranchi le
« pétitionnaire du payement de ces dettes;
« Que si ces demandes étoient admises, le tribunal
ce auroit aussi à prononcer sur celle en garantie que le
cc pétitionnaire a formée par sa pétition contre la républi« que, q u i, garante de droit, comme détentrice des biens
cc de l’émigré Sarret, devroit suivre le sort de la garantie,
cc et deviendroit ainsi justiciable du trib u n al, dans une
« matière purement administrative, puisqu’il s’agit de
« régler les créances d’un émigré ;
« Qu’on doit dire la même chose de la demande liy« pothécaire du sieur Pagès-Meimac, q u o i q u e sa créance
ce n’ait.point été soumise à la liquidation, parce que cette
cc demande tend aux mêmes fins , qui est la garantie de
« la république envers le pétitionnaire. »
Ou voit que dans cet arrêté on a cumulé et confondu v
la demande de l’exposant avec celles des autres créan- <
ciers, quoique formées par exploits séparés, et quoique les
conclusions soient entièrement distinctes.
Les motifs sur lesquels l’arrêté est basé s’écartent fu-;°
cilement.
M O Y E N S .
. D é jà , relativement au premier considérant, à l’arrêté
du 21 thermidor an 8, on ne peut l’opposer à l’exposant.
Cet arrêté ne comprend que les créanciers qui ayoient
�( i4 )
déposé leurs titres au secrétariat. La dame Cam bfort,
dont l'exposant est héritier, soit négligence, soit autre
raison , n’avoit point déposé les siens : c’est ce qui est
attesté par le certificat délivré par le secrétaire général,
du 12 frimaire an 13 (joint aux pièces). Cet arrêté n’a
point été rendu avec elle ; il lui est étranger : E s t res
inter alios acta.
20. Eût-elle déposé ses titres , on opposeroit à l’arrêté
de l’administration l’arrêté du gouvernement, du 3 floréal
an 1 1 , sans doute plus fort, qui, par l’article 11 transcrit
plus h au t, autorise t(3tit créancier qui même auroit dé
posé ses titres, à les retirer, à agir contre le débiteur, à
moins qu’il n’ait donné quittance , et x’eçu son titre de
liquidation définitive.
30. Quelque effet qu’on veuille donner à l’arrêté de
l’administration, du 21 thermidor an 8 , il ne peut s’en
tendre que de l’action personnelle, et non de l’action
hypothécaire. L ’administration n’â pu ni iu ger, ni en-
an
10, i"ipporté au jo u r n a l d e Sii’e y , et celui du 5 n i
v ô s e an 1 3 , r a p p o r t é au j o i m i a l d e D e n e v e r s .
�(
^
O n se contentera de transcrire les aUaudus de ce
dernier.
« V u , est-il d it, les articles n et 112 de la loi du
« I er. floréal an 3,
« Considérant qu’il est incontestable , d’après le droit
« commun et d’après la jurisprudence , que le créancier
« hypothécaire est fondé à diriger son action contre le
« possesseur des biens affectés au payement de sa créance;
« Que le possesseur de ces biens est incontestablement
« tenu, par l’effet de l’action hypothécaire , de payer la
« totalité de la créance , ou de délaisser les biens soumis
« à l’hypothèque;
cc Considérant qu e, par l’article 11 de ladite l o i , la
« nation , en se déclarant débitrice des créanciers des
« émigrés , n’a pas altéré l’action hypothécaire qui corn
et pète au créancier sur les Liens possédés par le codé
es biteur non émigré ; qu’il résulte , au contraire , de
« l’article 112 de ladite lo i, que la république n’a éteint
« que dans son unique intérêt l’action en solidarité , à
« raison des créances sur les émigrés ;
« Que la législation est d’autant plus positive sur ce
« point, que le conseil des anciens a rejeté, dans le temps,
cc des résolutions qui tendoient ù faire affranchir indis« tincteinent de la solidarité, les copropriétaires de biens
« d’ém igrés, les débiteurs et les cautions ; qu’on n’a pu
« par conséquent appliquer à des particuliers les dispo« sitions d’une loi qui a eu l’intérêt exclusif de la nation
ce pour objet ; casse. »
L ’exposant seroit même sans action contre la nation
faute d’avoir déposé scs titres,
�S 16 >
L ’article 34 de la loi du 24 frimaire an 6 , n«. 168
du bulletin , avoit révoqué les lois antérieures qui prononçoient la déchéance contre les créanciers qui n’avoient
point déposé leurs titres dans le délai fixé , et les avoit
admis à les produire de nouveau.
Mais la loi du 9 frimaire an 7 , n°. 245 du bulletin,
a prononcé de nouveau la déchéance contre les créan
ciers qui n’auroient point produit leurs titres au 1e1'. ger
minal lors prochain.
Cette loi paroît d’abord ne concerner, par son inti
tulé même , que les créanciers des neuf départemens
réunis ; mais il n’y a qu’à lire l’errata mis au bas du
n°. 2Ô2 du bulletin, où l’on avertit q u ’au lieu des mots,
de la dette des n e iif départemens réun is, qui se trou
vent dans l’intitulé de la loi du 9 frim aire, il faut subs
tituer , de la dette -publique ; ce qui alors a généralisé la
disposition de cette loi.
La pétition d’Etienne-André Sarret tendroit donc à
faire perdre à l’exposant sa créance.
Et qu’on n’objecte pas que l’exposant a h s’imputer
de n’avoir point produit ses titres ; car ce n’est que dans
l’intérêt de la république que la loi a fixé successive
ment diiï'érens délais pour la production des titres, mais
non pour priver les créanciers des droits qu’ils étaient
dans le cas d’exei'cer contre tous ceux qui pouvoient êli*e
tenus de la dette hypothécairement ou autrement. L ’ex
posant étoit d’autant moins tenu de déposer ses titres,
qu’il 11’est pas créancier direct de l’ém igré; qu’il ne l’est
qu’indirectement, à raison de la charge imposée par la
donation, de payer jusqu’àcxjncurrcnce de 200000 francs
de
�( 17 )
de dettes; que le véritable débiteur, le seul qu’il étoit
obligé de connoître, étoit la succession, à laquelle la natiou
a renoncé pour s’en tenir à la donation.
^ “
L e conseil de préfecture donne pour second motif que
ce seroit porter atteinte à l’arrêté du 21 fructidor an 6.
Quel est cet arrêté ? c’est celui qui maintient EtienneA ndré Sarret dans la possession de partie des héritages
à lui échus par le premier partage pour le remplir de
la légitime et de la l’éserve. Mais la nation n’a pu les lui
délaisser que tels qu’ils étoient dans les mains du père ;
c’est-à-dire , grevés des dettes auxquelles ils étoient hypo
théqués. On ne s’oppose pas à ce qu’il jouisse ; mais s’il
veut jouir des biens dépendons de la succession, il faut
qu’il paye.
I.e troisième considérant , pris dans l’intérêt de la
nation par suite de la garantie qu’Etienne-André Sarret
pourroit exercer et a exercée piir sa pétition , n’est pas
plus fondé : il tombe par lef a it .
< On a vu que , par la donation , l’émigré Sarret
n’a été chargé que dé 200000 francs de dettes. La nation
n’est donc tenue que jusqu’à concurrence de 200000 fr.,
et elle doit 200000 francs,
Et ces 200000 francs sont déjà épuisés.
Par l’arrêté du 21 therm idor, la nation a reconnu et
a déclaré être à sa charge 139549 francs en capital de
dettes, dont les titres avoient été déposés : on ne parle
point des intérêts.
A cette somme il faut ajouter celle de 33000 francs
à laquelle ont été liquidées les reprises de Geneviève
Brossinhac , veuve de Sarret-Fdbrègues, sur les biens de
C
�_ ( *8 )
son m a ri, et par conséquent faisant partie de ses dettes.
Il
faut ajouter celle de 27222 francs, que Marianne
S arret, épouse M ain ard, a dit lui rester due de sa
constitution de dot en capital, et les intérêts de cette
somme depuis l’échéance des termes portés par le con
trat de mariage qui remonte à 1777.
Ces intérêts ont été liquidés jusqu’au jour de l’arrêté
par elle obtenu , qui lui a adjugé en payement le do
maine de Braqueville, montagne et cheptel en dépen
dant, à 22863 francs.
Sur ces intérêts il faut déduire ceux échus depuis
la mort du père, arrivée le 31 août 1792. On dit depuis
le décès du p è re , et non depuis la donation ; le père
s’étant réservé l’usufruit des biens donnés, et les inté
rêts pendant la durée d’icelui étant à sa charge.
Quand on déduiroit pour raison de ces intérêts échus
depuis le décès du père , 12000 francs , les intérêts anté
rieurs s’éleveroient encore à plus de 10000 francs; ce
qui porteroit la créance de la dame Mainard, à la charge
de la succession, à plus de 37000 fr.
Cette somme de 37000 fr. d’une p a r t, et 33000 fr.
d’autre, jointe à celle de 139549 f r . , absorbe et au delà
les 200000 fr.
Qu’on ne dise pas que ces deux sommes font partie de
celle de 139549 fr. Pour prévenir cette objection, on a
pris le relevé des dettes qui ont concouru à former celle
de 139549 francs. Ce relevé monte à 162844 francs; mais
la nation a sans doute rejeté celles qui n’ont pas paru
suiïisamment établies. Il est certifié sincère par le secrétaire
général. Et dans ce n o m b r e ne sont point les deux liqui-
�( 19 )
dations ci-dessus ; ce qui est attesté à la suite par le secré
taire général.
L e recours d’Etien n e-A n d ré Sarret contre la nation,
à raison de la demande hypothécaire de l’exposant, est
donc une chimère.
On ne peut pas môme dire que la nation est intéressée
à la liquidation de la créance ; elle n’a pas à craindre qu’on
porte les dettes à plus de 200000 francs : cela lui seroit
indifférent, puisqu’elle ne peut jamais être tenue que
jusqu’à concurrence des 200000 francs ; elle ne peut pas
craindre non 'plus qu’on les enfle pour les porter à la
somme de 200000 francs, puisque déjà elle-m ôm e a re
connu pour plus.
Ce n’est pas comme si la garantie de la nation étoiti/zdéjîme , comme si l’émigré Sarret avoit été indistincte
ment chargé de toutes les dettes existantes à l’époque de
la donation. Il n’a été grevé que de 200000 francs; la na
tion doit 200000 francs, et ne doit pas au delà (*).
En supposantquela nation n’aitpoint rempliles 200000 f.,
c’est à Etienne-André SaiTet à se pourvoir à la liquida' ( * ) Il est à observer que le produit de toutes les ventes des biens
de S a r r e t - Fabrègues ne s’élève, valeur réduite en n u m é r a ir e ,
d ’après l’époque des différens versemens , q u ’à
59566
fr.
55
c .,
suivant l'état délivré par le receveur des domaines nationaux ( joint
aux pièces). A cette somme il faut ajouter celle de 46649 livres
1 s. 7 d . , pour laquelle le domaine de Braqueville et montagne
en dépendant, ont été délaissés à M arianne S a r r e t, et celle de
600 f r . , prix de la boutique par elle vendue ; en t o u t , 106815 fr.
60 centimes ; en sorte que la nation n ’a pas reçu réellement de quoi
3 549 francs.
faire face même' à la somme de 1 q
�( 20 )
tion pour le remboursement de ce qu’il se trouvera avoir
été condamné à payer, au delà de la somme à la charge
de la nation. Il n’y a pas même lieu à litige. La nation ne
doit que 200000 f.; et elle doit 200000 f.; il n’a pas non plus
à craindre qu’on lui oppose la déchéance : son titre pour la
garantie ést la donation qui est le titre même de la nation.
Il
ne devoit pas même tant attendre; il devoit veiller
dès le principe à la conservation de sa garantie.
Mais il ne possède pas moins les héritages affectés à la
créance de l’exposant; il n’est pas moins sujet à la solida
rité : car, comme dit M. M erlin, au mot ém igré, en
traitant cette question, l’hypothèque est solidaire, puis
qu'elle est tota in toto , et tota in qualibet partefu n d i,
sauf le recours.
Une telle action ne peut être du ressort de l’adminis
tration.
Etienne - André Sarret ne peut pas plus se distraire
de la juridiction des tribunaux ordinaires, qu’il ne peut
p a r e r à la d e m a n d e m ê m e .
En ce qui concerne les demandes des autres créanciers,
l’exposant n’y prend point de part : sa cause n’est point
jointe à la leur; sa demande est même différente, puis
qu’ils ont agi par action personnelle, et l’exposant par
action hypothécaire.
P A G È S -M E IM A C .
A R I O M , d e l ’im p rim erie d e L a n d r i o t , seul im p rim eu r d e l a
C o u r d ’appel. — B r u m a ir e an 14,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Pagès-Meimac, Pierre. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions
rétroactivité de la loi
séquestre
créances
Description
An account of the resource
Mémoire pour Maître Pierre Pagès-Meimac, avocat en la Cour d'appel de Riom ; contre Etienne-André Sarret, propriétaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1745-An 14
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0733
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0621
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53928/BCU_Factums_M0733.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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Créances
émigrés
rétroactivité de la loi
séquestre
Successions
-
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MÉMOIRE
EN
TRIBU N AL
ds
CASSATION.
RÉPONSE,
P O U R
J
ean
- B
apti st e
-C
èsar
CHAM PFLOUR-
D ’A L A G N A T , propriétaire , habitant de la
ville de C lerm ont-F errand , département du
P u y - d e - D ô m e , défendeur
C O N T R E
P
B O Y E R , juge au tribunal civil de
l arrondissement de la même ville, demandeur,
i e r r e
Quod genus hoc hominum
VIRG.
Pierre B O Y E R , juge au tribunal d’arrondissement
de Clerm ont, a été long-temps mon procureur et mon
A
�c o
homme d’aflaires; il me servoit avec exactitude, je le
récompensois avec générosité.
Je me croyois quitte envers lu i, de toutes les manières,
lorsque tout à coup il s’est prétendu mon créancier d’une
somme de 23,337 francs 10 centimes.
I l devoit à l’une de ses filles une dot de 20,000 francs;
il expose, dans sa citation, que c’est à moi à payer la
.dot.
U n jugement solennel du tribunal d’appel, séant à
R iom , a réduit les prétentions de Boyer, i°. ¿1 une
somme de 1,800 francs 13 centimes, qui étoit due par
iéu mon frère', et que je ne contestais pas ; 20. à une
somme de 2,400 francs que je paye deux fo is, parce que
malheureusement j’avois laissé le titre entre les mains de
Boyer.
Boyer m’a fait signifier le jugement, avec sommation
de l'exécuter. J ’ai p ayé; il a reçu. Aujourd’hui il se
pourvoit en cassation.
On sent que cette démarche n’a été qu’un prétexte
pour répandre un libelle contre moi. L e jugement du
tribunal d’appel avoit fait grande sensation ; le public
s’étonnoit qu’un homme aussi peu délicat, siégeât parmi
^es magistrats du département.
Il a cru détruire cette première impression, et ne s’est
pas aperçu qu’il augmentoit le scandale par ses écrits.
J ’avois évité toute publicité ; je ne voulois laisser au
cunes traces d’une affaire qui le déshonore ; je m’étois
contenté de faire valoir mes moyens h l’audience, et mon
défenseur avoit eu tous les égards qui pouvoient s’ac
corder avec mes intérêts. Je croyois devoir cette con-
�( 3 )
descendance à un liomme qui avoit eu autrefois ma con
fiance : mais puisque Boyer me force d’entrer en lice ;
puisqu’il cherche à faire suspecter ma loyauté, je ne dois
plus garder de ménagement. Je vais faire connoître cet
homme qui veut que ¿'honneur lui survive, et qui se
dit sans reproche, (i)
Boyer débute par son extrait de naissance; il a soixantesept ans : il pourvoit dire comme V ....., soixante-sept
ans de vertus. 11 aficcte de rappeler souvent qu’il est juge :
un plaisant qui sait l’apprécier, a dit que Couthon Vavoit
nommé parce q u il le connaissait, et que le gouverne
ment îavoit conservé parce q u il ne le connoissoit pas.
Boyer dit qu’il a été mon ami; il m’a dénoncé comme
émigré! Boyer se dit mon a m i, et il m’a fait rembourser
en assignats discrédités tous les anciens capitaux qui
m’étoient dûs!
( i ) U n citoyen de C lerm ont réclam e contre l ’assertion de B o y e r,
et lui fait au contraire de grands reproches : c ’est le cit. Bourdier.
11 devoit à défunt B e ra u d , mon beau -p ère, une rente annuelle de
5 o fr. ; il avoit laissé écouler plusieurs années d’ai rérages : le
citoyen B oyer étoit chargé d ’en poursuivre le recouvrem ent. Bour
dier lui donna douze louis en or à com pte ; mais il n ’eut pas la
précaution de retirer de qu ittan ce, parce que B oyer prom ettoit de
la lui faire donner par la dam e Beraud. B oyer a oublié cette cir
constance : s’ il a une quittance qu’ il la m ontre, a toujours dit le
délicatB oyer : etles douze louis seroient perdus pour le cit. B o u rd ier,
si je n ’avois eu connoissance du fa it. Je les alloue au citoyen B our
dier : c’est encore une somme à ajouter à toutes celles que j ’ai
données à B o y e r , qui voudra bien la regarder com m e une nou
velle marque de reconnaissance,
A 2
�( 4 )
Boyer se dit mon am i; il fut cause de ma réclusion,
et a eu l’atrocité d’insulter à mes malheurs !
Je dois lui rappeler qu’un jou r, cri sa qualité de
commissaire de Couthon , il se rendit à la maison des
Ursulines, où on avoit entassé une foule de victimes. Sa
mission avoit pour objet de séparer les femmes, et de
les conduire dans un autre cachot. Non seulement il se
permit de.les traiter avec une rigueur digne de ces temps
affreux, qui lui convenoient si bien, mais il eut la barbarie
d’y ajouter les sarcasmes, et n’oublia pas son a m i, qu’il
désignoit agréablement sous le nom de sœur César.
M oi Champflour, ami de Boyer!mais l’âge, la fortune,
les goûts ne permettoient point des rapprochemens de ce
genre. Boyer faisoit mes affaires, discutoit mes intérêts;
je payois ses vacations, les momens qu’il a employés pour
moi ne furent jamais stériles. 11 convient lui-mêm e, dans
sa citation, que je lui ai donné des marques de ma recon
naissance , et on sent bien que suivant le dictionnaire de
B oyer, des témoignages de reconnoissance ne sont que
de l’argent.
Enfin, cette amitié ne remonte pas bien lo in , puisque
au l’apport de B oyer, ce n’est qu’en 1.783 ou en 178 4,
que je lu i a i été présenté. Quel luxe d’expressions ! Boyer
n’étoit pas juge alors ; pour être admis dans une étude,
il faut moins de cérémonie que pour être introduit dans
un hôtel.
Mais il se trompe encore, ce n’est qu’en 1786, et aumois
de janvier, que j’ai eu le malheur de le connoître. Je vais
rendre compte des faits qui ont occasionné le procès
jugé à R iom , et donné lieu au mémoire auquel je suis
obligé de répondre.
�Ma famille est ancienne et fort connue dans la ville
que j’habite*, mes ancêtres se sont illustres dans la magis
trature , et l’un d’eux fut annobli pour services rendus a
l’étut. G’étoit autrefois le plus haut degré de gloire auquel
vm citoyen pût parvenir ; il est permis de le rappeler.
M on père m’a laissé une fortune considérable , que
j’ai accrue, loin de la diminuer. La propriété principale
que je possède est située près de Clerm ont, clans un
des plus beaux cantons de la Limagne ; elle ne fut jamais
hypothéquée. J ’ai toujours été à l’abri des besoins, et
en état de soutenir avec dignité le rang où mon nom
et ma condition m’avoient p lacé, dans un temps où il
existait des distinctions parmi les citoyens. Il n’est pas
de propriétaire qui ne soit forcé, dans la v ie , de recourir
à des emprunts. Cette ressource m’étoit ouverte de toute
part, et quoi qu’en dise B oyer, je jouissois du plus grand
crédit.
Boyer , qui ne connoît que l’almanach ou le praticien
français, a eu besoin de lire un roman, pour y copier
un tableau d’infortune ou de détresse, qu’il a bien voulu
m’appliquer; mais personne ne m’a reconnu à ce portrait
touchant.
La charge de receveur des décimes du clergé, apparienoit à ma famille. L e commis qui l’avoit exex’C’ée avoit,
comme bien d’autres, enflé son mémoire. Je fis examiner
les pièces de comptabilité par Boyer, que j’avois chargé
de mes affaires -, le commis se trouve débiteur au lieu
d’être créancier. Boyer fit ce travail comme tout autre
l’auroit fait. Je payai ses soins et son zèle-, je lui iis
�. c 6 )
encore un présent considérable ( 1 ) : il n’y a rien là de
m erveilleu x , et personne ne s’attendrira sur le sort de
B oyer, puisque de son aveu, il a été récompensé de son
travail.
J ’étois et je suis encore créancier des citoyens V ir y ,
mes cousins, pour le montant de la charge de receveur
des tailles, qui venoit également de ma famille. 11 est
connu de tout le département, que j’ai acquis un bien,
provenu des citoyens V ir y , pour avoir les moyens d’être
payé ; et Boyer est absolument étranger à cette affaire ;
je ne l’en ai jamais occupé.
En 1789, j’eus besoin de quelques fonds *, Boyer me
p rêta, le premier novembre de cette même année, une
(1)
Il n ’est pas inutile de détailler ici les différens cadeaux que
j ’ai faits à B o y e r ; vingt couverts d’a rg e n t, dont huit à filets; huit
cueillers à ra g o û t, douze cueillers à café , six salières d 'a r g e n t,
une écuelle d ’argen t, avec son couvercle et assiette, le tout d ’un
travail recherché ; deux porte-huiliers d ’a rg e n t, à b a te a u , trèsbien ornés ; six flam beaux d ’argent , deux cueillers à s u c r e , à
jour ; deux tabatières d ’or pour le m ari et la fem m e'; une m ontre
d ’or à répétition, deux m outardiers et deux cafetières d ’argent ; un
c a b rio le t, un fusil à deux co u p s, deux pistolets et une se lle , cin
quante cordes de bois à b r û le r, une feuillette de B o rd ea u x , tout
Je bois nécessaire pour parqueter sa m a iso n , faire ses alcoyes et
séparations , le tout en planches de n oyer et p o irie r , et tant d ’auIres choses qui ne reviennent pas à m a m ém oire.
En a r g e n t, soixante-dix louis , q u ’on lui fit accepter com m e
bénéfice du jeu , quoiqu’ il n ’eût rien avancé.
J’ai donné en différentes fois à sa servante vingt-cinq louis ; je
ne parle de cette largesse , que parce que je sais (ju’ à m onsieur
çfle en rendait cjuçlijiie ch ose.
�( ? }
somme cle 5,ooo francs, avec intérêts a cinq pour ccnl,
sans retenue. L ’année suivante 1790? je renouvelai mon
billet pour une autre année, à la même échéance, et
le 5 novembre 1790, il me prêta encore une somme
de 2, 5 o o francs. Je lui remboursai cette dernière un
mois après. Je voulus retirer mon b illet; il n’eut pas
le temps de le chercher au même moment ; je négligeai
de le redemander, j’en ai été quitte pour le payer une
seconde fois; mais j’ai appris à être plus exact, et je
suis étonné que Boyer ne se soit pas vanté de ce que
je lui ai cette obligation.
A u mois de juillet 1792, je m’absentai momentané
ment du département pour des affaires importantes.
Boyer répandit que j’étois émigré ; il me dénonça comme
tel, le 27 octobre 1792 ; sa déclaration (1 )contient l’énu
mération de tous les effets actifs que je lui avois con
fiés ; il prend la précaution de faire enregistrer les deux
billets que j’avois souscrits à son profit les 1 et 1 x
novembre 1790, quoique je lui eusse remboursé le
second (2).
Je revins à mon domicile dans les premiers jours de
(1) V o y ez sa déclaration, pièces justificatives.
(2) Je dois rappeler à B o yer , que je lui reprochai devant le juge
de paix et ses assesseurs, qu’en le payant en 1 7 9 3 , il me iaîsoit
rembourser deux fois la som m e de 2,5oo francs. Q ue vous ai-je
rép o n d u , me dit-il ? — Q u 'il falloit vous payer encore une fois !
A lors m ’adressant au'juge de paix et à ses assesseurs, je m ’écriai :
Quelle opinion d evez-vou s avoir d ’un hom m e qui se fait payer
une seconde fois ce qu’il a déjà re çu ? I^e juge de paix et ses asses
seurs sont très-m ém oratifs de ce f a it , et peuvent l'attester.
�( 8 )
mars 1793; Boyer ne m’attendoit pas; je suis instruit de
toutes ses manœuvres. On sent que ce u’étoit pas le moment
de discuter, surtout avec Boyer qui étoit alors en crédit ;
je crus ne pouvoir mieux faire que de le mettre hors
d’intérêt, et dans l’impuissance de me nuire. Je payai
le montant des deux billets, quoique j’eusse remboursé
le second, un mois après sa date, et je n’oubliai pas de
le remercier de sa complaisance : il eût été dangereux
d’aigrir l’ami et le protégé de Gouthon.
Mais Boyer s’étoit encoi’e fait un autre titre de créance;
il me.dit avoir emprunté d’une nommée Martine .Delarbre , une somme de 800 fr. pour le compte de mon
épouse et de ma belle-mère. Comment se pouvoit-il qu’il
eût fait cet emprunt? Il avoit présenté, quelque temps
auparavant, le compte de ces dames, et n’avoit point parlé
de cette somme de 800 francs; s’il la leur avoit donnée,
sans doute il auroit retii'é d’elles une reconnoissance :
ces dames n’en avoient aucune mémoire : point de recon-*
noissance ; mais il la réclam oit, il fallut payer ( 1 ).
(1) À propos de M artine D e la rb re , B oyer lui avoit em prunté
cette somme de 800 fr . le i 5 avril 1790. C ’est le
23
du m êm e
m o is , huit jours après ce billet , qu'il fit le com pte des dames
Beraud et Cham pflour , et il ne fait nulle m ention de cet em
prunt pour leur com pte. Je me suis procuré ce billet des m ains
des héritiers de M artine D elarb re. J'ai rem arqué qu ’il étoit de la
somme de 840 fr. payable dans un an ; la som m e de /to fr. étoit
pour tenir lieu des intérêts. Il contient deux endossemens en
m arge, de la som m e de 4 ° fr* chaque ; Tun , du 12 septembre
1792 ; l’a u tre , du 27 m ai 1793. O n y voit encore , que sur la date
du i 5 avril 1790, B oyer a effacé lç mqt d i x de la fin de la d a te ,
' ‘
Mes
�( 9 )
Mes rapports avec Boyer furent absolument interrom
pus : destitué comme ju g e , il ne fut remis en place
qu’après le 13 vendémiaire ; et pendant sa destitution,
il se déroboit à tous les, regards ; il ne fut pas même
lort en crédit jusqu’au 18 fructidor an 5 ; mais à cette
époque, il reparut avec a u d a c e il étoit cependant hu
milié de ce que je lui avois retiré ma confiance; il me
iil parler par plusieurs personnes pour opérer un rappro- '
chemcnt. Le prétexte fut un arrangement par lui fait
avec feu Champilour-Desmoulins, mon frère, en 1789.
Suivant Boyer, il s’étoit chargé de payer aux créanciers
de mon frère une somme de 12,000 francs; cette somme
n’avoit pas été entièrement comptée, et c e qui a voit été
payé, ne l’avoit été qu’en assignats. Boyer ne vouloit faire
pour y substituer le m ot onze ; ce qui donne au billet la date de
1791 au lieu de 1790. L ’encre qui a trace le trait sur le m ot d i x ,
et écrit le m ot o n z e , l’approbation de la rature et la lettre ini
tiale B , est infinim ent plus noii’e que celle du corps du b illet et
de la signature qui le term ine. Ges changem ens ne paroissent
avoir été faits que lors de l’endossement de la som m e de 40 fr.
du 27 mai 17 9 3 : cet endossement est postérieur au rem bourse
m ent que je lui ai fa it, Il.voulqt alors rem bourser M artine D elarbre
en assignats, sur le prétexte que je l’avois rem boursé de m êm e.
C elte fille lui répondit qu’elle lui avoit donné de l’or provenant
de ses épargnes, et q u ’elle ne lui avoil pas prêté pour m on com p te;
alors il effaça le m ot d ix pour y substituer le m ot onze. 11 avoit
deux objets ; l ’un , de faire croire que cette fille ne lui avoit donné
que des assignats ; l ’a u tre , de rendre plus probable l’em prunt qu ’ il
disoil avoir fait pour ces d a m e s, en lui donnant une date posté
rieure au com pte qu ’il avoit fait avec elles , et qui se trouvoit
trop rapprqclié de Iq dfite du billet pour qu’on ne soupçonnât pas
su délicatesse,
B
�C IO )
"aucun bénéfice sur ces payemens ; maïs comme je lui avoxs
remboursé en assignats les sommes qu’il m’avoit prêtées
en 1790? il étoit juste aussi que je lui comptasse,
d’après l’échelle, de la perte qùe je lui faisois éprouver.
Cette proposition étoit raisonnable; je l’acceptai; mais
j’exigeai qu’il fût passé un compromis, pour nous en
rapporter définitivement ù deux amis communs. L e
compromis eut lieu : Boyer a transcrit cet acte en entier,
page i 5 de son mémoire.
Qui pourroit croire que cette proposition n’étoit qu’un
piège tendu à ma bonne f o i, et que Boyer ne cherchoit
qù’un prétexte pour m’engager à payer encore une fois
les sommes qu’il m’avoit prêtées en 1790? Il crut s’être
fait un titre polir me forcer à lui donner une indemnité;
et bientôt, révoquant le compromis, il me traduisit au
tribunal civil du Puy-de-D ôm e, où il étoit juge.
Mais n’anticipons pas sur les événemens ; il est im
portant de faire connoître l’étrange marché que Boyer
avoit fait avec mon frè re , le 28 mai 1789*
Champflour-Desmoulins, mon frère, étoit un jeune
m ilitaire, généreux, dissipateur, qui avoit dépensé au
delà de sa légitim e, et me devoit encore une somme
assez considérable ( 1 ).
(1) J’ai dans les m ains une quittance de m on fr è r e , de la tota
lité de sa lé g itim e , en date du 1 " avril 17 8 4 ; un billet de l u i ,
du 1 " m ars 1 7 8 9 , par lequel il se reconnolt m on débiteur de
4,fioo fra n c s; et un second, du
25
août 1791 , par lequel il re-
connoît m e devoir la som m e de 15,920 fr. M algré ces avances
considérables, je n ’ai cessé de venir au secours de m on frère dans
tous les Icinps ; j ’ai une foule de lettres de l u i , par lesquelles il
m ’exprim e sa reconnoissance.
�C ïi )
II lui restoit pour toute ressource une creance de
16,000 francs, portant intérêt à 9 et demi pour cent,
sur le prix de la charge de receveur des tailles de
l’élection de Clermont, dont le tiers appartenoit a notre
père. Cette somme étoit due par le citoyen V iry 5 notre
oncle, titulaire de cette charge.
Mon frère avoit des créanciers qui lui donnoient de
l’inquiétude; il communiqua ses craintes à Boyer qui
trouva les moyens de le tranquilliser. Il proposa ù mon
frère de lui faire une cession de 12,000 francs sur l’o
bligation des 16,000 que lui devoit notre oncle V ir y ,
et qui rapportoit i , 5oo francs de revenu : à cette con
dition , il se cliargeoit de payer 12,000 fr. aux créanciers
de mon frère.
Comme Boyer est obligeant et fécond en ressources,
le léger Dèsmoulins accepte sans balancer ; il ne s’agit
que d’appeler un notaire pour consommer la cession.
Mais un actc.de ce genre seroit bien coûteux, entraîneroit des droits, d’enregistrement considérables; il faut
eviter cette dépense, et il -y a un moyen tout simple.
Donnez-moi, dit - il à Desmoulins , une procuration
notariée, pour m’autoriser*à recevoir les 16,000 francs
et les intérêts que vous doit votre oncle ; vous recounoîtrez, par celte p r o c u r a t i o n , que f ai déjà payé les
12.000 fra n cs ¿1 vos créanciers, et vous consentirez,
par la même procuration, que je me retienne cette somme
sur celle que je recevrai de votre oncle V iry.
Ce marché fut conclu : Boyer devint créancier de
12.000 francs, produisant neuf et demi pour cent d’inté
rêts par année, sans avoir donné un sou ; et ce n’est point
B 3
�ici une assertion aventurée ; Boyer l’a reconnu dans le
compromis du 1 5 fructidor an 7-, il a renouvelé cet aveu
'd evan t le juge de p aix , devant les premiers juges, et
devant le tribunal d’appel ; il est condamné par le
jugement à me remettre cette obligation , comme fa ite
■pour cause ¿fausse, ou sans cause -préexistante (1 ).
V i t - o n jamais un homme délicat se nantir d’une
créance aussi importante $ sans bourse délier! et Boyer
veut-il que Thonneur lui survive, lorsqu’il est condamné
i\ remettre une obligation consentie pour causej^ausse !
Je reprends le récit des faits. L e 13 vendémiaire
(1) E n m êm e.tem ps que m on frère sousçrivoit cette ob ligation ,
¡1 avoit donné à B o yer l'état de ses dettes. C ç t état étoit ainsi
conçu :
1“. A M . L a v ille , M .B Ia u d c a u tio n ................................. i , 5oo fr .
A la N anon , cuisinière de m on f r è r e .......................
A D u fra isse -L a p icrre , dom estique de M . d eFlagbeac,
cî . ...............................................................................................
Goo
1,200
M . B o yer , ma c a u t io n .....................................................
2,800
A m adam e S a u z a d e ...................................... .................. 2,900
A C a ze , p e r r u q u ie r .........................................................
5i5
A F a b re , c o n f i s e u r .........................................................
1,218
A l’abbé A u b i e r .....................................................
1,200
A B l a t i n ................................................................................
260
A B r a c h e t, t a i l l e u r ...............................» ......................
3Go
T
o
t
a
l ..........................................................................1 2 , 3 5 5
fi-
V oilà les dettes que devoit payer B oyer ; il n ’en a acquitté
d’autres que celles de C a z e , Fabre et Blatin , que je lui ai allouées.
( E x tr a it (lu livre jo u r n a l de mon fr è r e , dans leq u el il avoit in s
crit les dettes dont B o y e r é to it ch a rgé).
�( 13 )
un 8, Boyer obtient une ccdule du juge de paix de
la section de l’Ouest de Clermont - F errand, où je
suis domicilié. Il y expose , entre autres choses , que
depuis nombre d’années, il m’a rendu des services nota
bles -, qu H a reçu d’abord de m oi des marques de re
connaissance • il n’oublie pas de rappeler que je lui
ai remboursé en assignats des sommes qu’il m’avoit
prêtées en 1790 ; que l’époque des remboursemens de
certaines de ces sommes les assujétissent à l’échelle de
dépréciation, ‘ suivant les conventions des parties; qu’à
la vérité elles avoient compromis entre les mains des
citoyens Costes et Louyrette, mais qu’il peut révoquer
la clause compromissoire, sans anéantir les conventions
ou les aveux ; e t , comme les arbitres n’avoicnl autre
chose à faire qu’un calcul qui seroit pén ib le, il vaut
autant recourir aux voies judiciaires. En conséquence,
Boyer me cite pour me concilier sur les demandes prin
cipales et provisoires qu’il est dans l’intention de former
contre moi.
H me demande au principal, i° . la somme de 8,55ofr.
pour les causes énoncées au compromis; 2°. les intérêts
de cette somme, à compter depuis l’échéance des eiïels;
3°. la somme de 6,200 fr. par lui prétendue empruntée
du citoyen Lescuricr, pour le compte de mon frère,
par obligation du 3 juillet 1789; plu s, la somme de
72 fr. pour le coût de l’obligation de 12,000 fr. 4°. la
somme de 3,180 fr. aussi empruntée du citoyen Bugheon,
le 28 mai 1789 , et qu’il n’a remboursée que le 27
décembre 1792, avec 135 fr. pour intérêts ou frais.
Boyer demande encore une somme de 267 fr. 20. cent.
I
�C *4 )
payée à B latin , négociant, le 8 juillet 1789; celle de
315 fr. payée au nommé Gaze, coiffeur, le 10 du même
m ois; celle de 1,218 fr. donnée à Fabre, marchand:
ces trois sommes payées à la décharge de feu Desmoulins,
mon frère , n’ont jamais été contestées.
Mais Boyer réclamoit aussi une somme de 2,400 fr.
qvi’il disoit avoir donnée au citoyen Lahousse, cafetier,
pour un eifet souscrit par mon frère, et qui étoit échu
le 1 janvier 1789. J ’avois payé cette somme, à Lahousse
depuis long-temps ; l’effet s’est trouvé entre les mains
de B oyer, par une suite de confiance; il a étrangement
abusé de cette circonstance, ainsi que je l’établirai dans
un moment.
E n fin , Boyer demandoit une indemnité pour une
somme de 2,804 fr. qu’il disoit avoir cautionnée, sans
savoir en Javeur de qui.
Telles étoient les demandes principales, et comme
Boyer se trouvoil dans le besoin , pour faire face à la
dot par lui constituée à sa fille cadette, il me cite à
bref d élai, pour être condamné à lui payer, par pro
vision et à bon compte, une somme de 18,000 fr.
Boyer étoit-il doue dans le délire? à qui persuadera-t-il
qu’il a emprunté, pour le compte de mon frère, 6,200 fr.
cî’une part, et 3,180 fr. d’autre, sans se faire donner
aucune reconnoissancc par celui pour lequel il faisoit
les emprunts ? Comment se fait-il qu’il ne l’ait pas même
déclaré aux créanciers ? P o u rq u o i, quand Bugheon a
obtenu contre lui une sentence do condamnation, n’a-t-il
pas déclaré qu’il n’étoit point le véritable débiteur, et
pourquoi n’a-t-il p;is fait dénoncer les poursuites de
Jiuglieon ù mon frère ou à ses héritiers ?
�C l5 )
Répondra-t-il qu’il étoit nanti, au moyen de l’obli
gation qu’il s’étoit fait consentir avant d’etre creanciei ?
Mais cette obligation est contenue dans une procumtion q u il’autorisoit à toucher la somme de 16,000 francs,
et les intérêts à raison de i , 5oo Francs par année ; il ne
devoit se retenir que la somme de 12,000 francs: il etoit
donc tenu de rendre compte de sa procuration; il devoit
donc établir que les sommes empruntées de Lescuner
■et de Bugheon avoient été reçues par mon frère , ou
qu’elles avoient toui'né à son profit. Reçues par mon
frère! mais cela étoit impossible, Boyer ne devoit lui
rien compter ; il ne prenoit l’obligation de 12,000 francs
que pour payer des dettes jusqu’à concurrence de cette
somme. O r , de son aveu, il n’a l'ien payé aux créanciers
de mon frère, si on en excepte les objets minutieux de
Blatin, Caze et F abre, qui ne se portent qu’à 1,800 francs :
mon frère n’a pu toucher ces deux sommes , puisqu’à
l’époque de l’emprunt de Lescurier, Desmoulins étoit
à son régiment -, j’en ai la preuve écrite.
Je demandois sans doute à Boyer une chose raison
nable, et je n’ai cessé de répéter ces offres. Prouvez-moi
que les créances que vous me présentez aujourd’hui ont
été employées pour ‘le compte de mon frère ; qu’il a
touché les sommes ou qu’elles ont servi à payer ses
dettes, et je vous les alloue. Boyer a regardé ces propo
sitions comme une injure, et m’a fait assigner.
N on, ces différentes sommes n’ont point été empruntées
pour mon frère; elles l’ont été pour le compte personnel
de Boyer ; il les prit en 1789, et eut l’adresse de tirer sur
moi la lettre de change de Bugheon , et c’est avec ce
�( 16 )
môme argent qu’il m’a prêté en 1789 et en 1790 la
somme de 8 , 55o francs, dont j’avois besoin ; de sorte que
par un calcul qui n’est pas encore venu dans la tête de
l’agioteur le plus d élié, il retiroit deux fois son argent ,
et par le prêt qu’il m’avoit fait, que je lui ai remboursé,
et en mettant ces deux sommes sur le compte de mon
frère : si ce n’est pas une preuve de délicatesse , c’est au
moins fort adi’oit, et l’expression est modeste.
Boyer embarrassé de répondre à ces argumens, qui
étoient simples, ( et les plus simples sont les meilleurs ) ,
affecta de répandre à l’audience, qu’il avoit dans les mains
un écrit émané de m oi, et que cet écrit étoit accablant.
Mais il le gardoit pour la réplique, afin de bien connoîlre
tout ce que je ferois plaider pour ma défense, et de m’attérer par cette preuve que j’avois moi-même donnée.
Ce fameux écrit parut enfin : c’est une note qu’il a
transcrite au bas de la page 11 de son mémoire.
Je dois encore expliquer ce que c’est que cette note.
A vant d’en venir aux discussions judiciaires, j’exigeois
que Boyer m’instruisît de tous les faits et me fît connoîLre le montant des sommes qu’il disoit avoir emprun
tées pour mon frère.'
Boyer me présente une feuille de papier, et me prie
d’écrire ce qu’il va me dicter. « M . Boyer a emprunté
« pour mon frère ,
« 1°. A M . Buglieon 3,000 francs.
« 20. A M . l'abbé A u b ier 1,800 francs.
« 3°. A M . Lescurier 5,000 francs.
J ’en écrivis bien d’autres; mais à mesure que les
sommes grossissoient, je faisois des objections; je de
mande is
�( *7 ) ‘
, '
mandais comment ccs prétendues créances etoient éta
blies. Eoycr prend de l’hum eur, et retire le papier:
c’est cette même note qu’il a eu l’indignité de produire,
et q-i’il annonçoit comme un moyen accablant. Mais en
quel état le produisit-il? Il ne produisit qu’un papier
coupé, de la longueur de quatre lignes, dont il vouloit
se s e rv ir:1il avoit supprimé le reste, et l’avoit côupé
avec cles ciseaux ( x ).
Pour le coup, ce fut Boyer qui fut attéré, et publi
quement couvert de honte. Malheureusement pour lu i,
la créance de Yabbé A u b ier se trouvoit intercalée entre
Buglieonet Lescurier; et cependant il n’avoit pas demandé
la créance de l'abbé A ubier. S’il avoit supprimé les
autres qu’il ne demandoit plus •, il ne pouvoit pas ôter
celle de l’abbé A ubier; cependant il convenoit qu’elle
ne lui étoit pas due. O r, il n’y avoit pas plus de raison
pour demander celles de Bugheon et Lescurier , quecelle
d’Aubier : celle-ci étoit aussi-bien établie que les autres:
pourquoi ce choix ou cette préférence ? Etoit-ce parce
que les sommes étoient plus considérables?
Qu’on remarque d’ailleurs combien les sommes de
Bughçon et Lescurier cadroient bien avec celles qu’il
xn avoit prêtées eu 1790 î et 011 est bientôt convaincu
du double emploi,
(1) Lorsque les arbitres, qui étoient présens à l'au d ien ce, aper
çurent cette note ainsi défigurée et coupée avec des c ise a u x , ils
firent éclater un m ouvem ent d ’indignation contre l’infidélité du
citoyen B oyer. Plusieurs citoyens de C le r m o n t, qui étoient éga
lement à l ’audience, s’en aperçu ren t, et ont publié que les rieurs
n ’ éloient pas du côté du citoyen B oyer.
G
�C iS )
Je poussai plus loin Boyer sur cette note singulière;
je me rappelai que parmi les sommes qu’il m’ùvoit. fait
écrire sous sa dictée, et sur le môme papier, il^avoit
porté entre autres, une somme de 600 fr. qu’il disoit
avoir payée pour mon frère au citoyen LenormandFlagheac. J ’écrivis au citoyen Flagheac, et le priai de me
dii’e si mon frère avoit été son débiteur, et si Boyer
lui avoit payé cette somme de 600 fr.
I>e citoyen Flagheac me répond que mon frère ne lui
devoit rien, et que Boyer ne lui avoit jamais rien payé.
Je présentai cette lettre à l’audience , et fis interpeller
Boyer sur ce fait. Boyer convint des faits, et répondit
au président qu’en effet il croyoit avoir payé cette somme,
mais qu’il s’étoit trompé.
Boyer croit avoir payé une somme de 600 francs, et
n’en a pas tenu note ! il n’en a pas même retiré des
quittances, lorsqu’il a payé différons créanciers ! Quand
on connoît B o yer, il est impossible de croire à ces
omissions.
On ne croira pas non plus que B oyer, procureur
pendant quarante ans, qui a gagne 300,000 francs de
fortune, ait signé un compromis de confiance ( 1 ) , sans
savoir ce qu’il contenoit : c’est cependant ce qu’il a osé
dire à l’audience sur l’interpellation du président!! !
On ne croira pas davantage que Boyer n’eût pas pris des
reconnoissances de mon Irère, s’il avoit payé pour lui
les sommes qu’il me demande, et celles qu’il ne in’a pas
(1) B oyer a ajoute de sa m ain son p ré n o m , qui avoit été laissé
en blanc dans le double du com prom is que j ’ai en mon pouvoir.
�( l9 )
demandées, lorsque ces prétendus payemens remontent a
1789, et qu’il est établi que mon frère a reste à Clermont
pendant toutes les années 1790 et 1 7 9 1 5 sans que Boyer
lui eût jamais dit un mot de ces emprunts.
C’est ici le cas de parler de la lettre de change de
Laliousse, montant à 2,400 francs, et que j’ai été con
damné à payer par le jugement dont Boyer a imaginé de
se plaindre.
1A
En 1788 mon frère Desmoulins avoit souscrit une lettre
de change de la somme de 2,400 ’francs , au profit du
citoyen Laliousse ; elle étoit payable dans les premiers
jours de janvier 1789. M on frère éprouva une maladie
grave dans le courant de 1788 -, il avoit de grandes inquié
tudes du désordre de ses affaires, et dans son délire ne
cessoit de parler principalement de la créance de Laliousse.
Il 11e revoit que poursuites et contraintes par corps, etc. Je
crus devoir lui mettre l’esprit en repos , et j’imaginai
qu’en lui présentant sa lettre de change, je parviendrois
a diminuer son m al, ou au moins à faire cesser le délire.
Je me rends chez Laliousse; je n’àvois pas alors les fonds
nécessaires pour payer le montant de la dette; je priai le
citoyen Iiiiliousse de vouloir bien me remettre la lettre
de change de mon frère, et j'offris de souscrire à son
profit un effet de pareille somme.
lie citoyen Laliousse s’empressa d’accéder à ces arrangemens; je pris la lettre de change et la portai à mon
frère; j’ai acquitté depuis l’cifet que j’ai souscrit.
M on frère, par une suite de la confiance qu’il avoit
en Boyer , lui remit tous les papiers d’affaires ou de
famille; et parmi ces papiers se trouva la lettre de change
dont Boyer a su faire son profit.
�( 20 )
Boyer n’ignoroit pas que cette lettre de change avoit
été acquittée; mais il lui falloit un prétexte pour s’en
faire payer par moi. M on frère n’existoit plus : il ignoroit les arrangemens que j’avois pris avec Lahousse; en
conséquence il va trouver ce dernier, lui présente la
lettre de change, dont il a reçu le montant, et l’engage
à mettre son acquit au bas de l’effet.
Lahousse n’a pas l’habitude d’écrire ; il prie Boyer de
lui dicter les mots .nécessaires, et celui-ci lui fait écrire
que c’ctoit-rfe.y deniers de lu i Boyer. L e cit. Lahousse,
dont la probité est bien connue, malgré la malignité
de B o y e r, refusa de signer l’acq u it, en se récriant
contre la surprise qu’on vouloit faire à sa . bonne foi.
Boyer retira l’effet sans signature ; il a osé depuis former
la demande en payement de cette somme ; le tribunal
d’appel m’a condamné au payement, sur le fondement
que Boyèr étoit nanti du titre. La rigueur des principes
a enü’aîiié les opinions ; c’étoit bien assez d’avoir à le
juger comme juge, sans le juger comme homme', mais
cet homme est un juge!!!
Mais je demanderai à B o yer, comment et à quelle
époque il a payé cette somme à Lahousse ?
Boyer a d it, en plaidant, qu’il l’avoit acquittée î\
l’échéance : 011 se rappelle que l’échéance étoit au mois
de janvier 1789; cependant ce n’est qu’au mois de mai
suivant, que Boyer se fit consentir par mon frère l’obli
gation de la somme de 12,000 francs; et ce qu’il y a de
plus certain, c’est qu’à l’époque de cette obligation Boyer
n’avoit rien payé pour le compte de mon frère; il étoit
' nanti avant d’être créancier; il en convient lui-même.
�( 21 )
II ne l’a pas pavée depuis, puisque la lettre île change
étoit sortie d’entre les mains de Laliousse , lo n g -temps
avant son échéance. Tous les laits que je viens de mettre
en avant, sont attestés par une déclaration authentique et
enregistrée, de Laliousse’:, déclaration que j’ai produite u
l’audience (i) : aussi,lorsque j’ai satisfait auxeondanmations
prononcées par le jugement en dernier ressort, j’ai sommé
Boyer de me remettre cette lettre de change, afin d’en
poursuivre le recouvrement contre Laliousse; mais Boyer,
qui craint une demande en recours de Lahousse, s’est
refusé à cette remise, quoiqu’il ait reçu l’argent; et ce
refus fait aujourd’hui la matière d’une instance qui est
encore pendante au tribunal d’appel de Riom.
Il est d’autant plus extraordinaire que Boyer ait eu l’impudeur de réclamer le montant de cette lettre de change,
que malgré les arrangemens pris avec mon frère, il a
refusé de payer ses créanciers, et me les a toujours ren
voyés. C’est ainsi que j’ai payé 1,800 francs au citoyen
Dufraisse, que mon frère lui devoit depuis 1786, par
lettre de change renouvelée à chaque échéance, en prin
cipal et intérêts. C’est ainsi que j’en ai payé Lien d’autres,
notamment la créance de la dame Sauzade , et toutes
celles comprises en l’état que j’ai donné en note, à l’ex
ception de celles de F a b rc, Caze et Blalin.
Je pouvois sans doute me dispenser de ces payemens,
puisque mon frère me devoit des sommes considérables :
je l’ai fait pour honorer sa mémoire.
(1) L a déclaration de Laliousse est im prim ée à la suite d u me«noire.
1
�C 22 )
.T’avois présenté nn autre état qui m’avoit été donné
par mon frère, et qui a disparu à l’audience, lorsque je
le communiquai à Boyer : je dois rendre compte de cctte
anecdote que Boyer a encore malignement dénaturée dans
son mémoire.
M on frère avoit fait la note des sommes que j’a vois pré
cédemment payées pour lui, et m’avoitremis cet état pour
ma sûreté ; il étoit sur une demi-feuille de papier com
mun. Comme il étoit écrit en entier de sa m ain , et que
mon frère n’existoit plus , cet état étoit une pièce pro
hante qu’on ne pouvoit contester : je m’en iis un grand
moyen, lors dé la plaidoirie, surtout pour la lettre de
change de Lahousse, parce que mon frère y avoit écrit
que j’avois retiré cette lettre de change, et que j’en avois
payé le montant de mes deniers. Boyer, qui ne connoissoit pas cette pièce, en demanda la communication ; elle
passa dans ses mains , dans celles de son défenseur et de *
tous ceux qui étoient au barreau, qui écoutoient avec
intérêt la discussion de cette cause. X>a pièce subit le plus
rigoureux examen. M on défenseur plaidoit le prem ier,
parce que j’étois appelant : Boyer avoit surpris un juge
ment par défaut, au tribunal dont il est membre, et je
m’étois pourvu par la voie de l’appel pour abréger.
L e défenseur de Boyer prit la parole après le mien ;
il discuta longuement sur cet état qu’il avoit a la main;
pas un mot sur les prétendues ratures ni sur les dates.
L a cause est continuée à une nuire audience; mon
défenseur s’aperçoit avant l’audience que cet état manquoit à mon dossier; lui et moi la cherchons vainement;
jiqiis demandons tous deux avec confiance, soit à Boyer,
v
�( 23 )
soit à son. défenseur, s’ils n’auroient pas retenu cette pièce
par mégarde; réponse négative, l’état ne s’est plus retrouve.
Alors Boyer imagine de faire plaider que c’est moi qui
ai retiré cette pièce, parce que j’en avois falsifié ou rature
les dates. On voit que Boyer ne perdoit pas la tête ; mais
le tribunal, qui avoit saisi tous les détails de cette cause,
avec son attention et sa sagacité ordinaires, n’approuva
pas cette tournure insidieuse, et parut indigné de la mau
vaise foi de Boyer. L e président interpella son défenseur,
et lui demanda comment il étoit possible que ces pré
tendues ratures ou falsifications eussent échappé la veille
au défenseur ou à la partie, lorsqu’ils avoient entre les
mains la pièce sur laquelle ils avoient si longuement dis
cuté, et qu’ils ne se rappelassent ces circonstances que lors
que la pièce avoit disparu. L e défenseur fut également
interpellé sur la créance de Lahousse- : le tribunal lui
rappela la mention qui en étoit faite par mon frère ,
que j’avois acquitté ceLte créance de mes deniers : l’argu
ment étoit serré -, le défenseur en co n vin t, et Boyer fut
jugé par le public. Aujourd’h u i, Boyer ose reproduire
cette calomnie dans son mém oire, lui Boyer, le seul eu
état de nous apprendre ce que la pièce est devenue !
M e blamera-t-on maintenant de m’être refusé à 'payer
une indemnité à Boyer, à raison de la perte qu’éprouvoient
les assignats, lors du remboursement que je lui ai fait?
Mais d’abord, j’ai payé deux fois partie de ces sommes.
2°. J ’ai remboursé, dans le courant de mars 1793, dans un
temps où les papiers avoient encore une grande valeur (1).
(1) Boyer ne peut pas équivoqner sur l ’époque de ce rcm hour-
�Cm )
Il est vrai qu’en m’acquiliant je retirai les effets, que
je déchirai comme inutiles, et il 11e restoit plus de traccs
du remboursement.
Qu’a fait l’ingénieux Boyer, pour me donner plus de
défaveur sur ce remboursement? Il plaide que je ne lui
ai donné ces assignats qu’en messidor an 4.
On lui observe que cela est impossible -, qu’à cette épo
que les assignats étoient retirés de la circulation; alors il
Tépond que c’çst au moins en messidor an 3 : quelle
confiance peut mériter cette assertion ?
30. Je n’ai promis cette indemnité qu’à condition que
le compte seroit fait par les citoyens Costes et Louyrette,
par nous réciproquement choisis : Boyer a révoqué le
compromis.
40. E nfin, je n’ai consenti à cette indemnité qu’autant
qu’elle seroit récipi*oque, et que Boyer m’indemniseroit
lui-même du bénéfice qu’il auroit fait sur les payemens
qu’il disoit avoir faits en assignats pour mon frère. Boyer
n’a rien payé *, il n’y a donc pas de réciprocité.
6cm cnt.
J’cn aî fa it un , clans le m êm e tem p s, au cit. L o u y r e tte ,
l ’un des arb itres, que B o yer lui-m ême pressoit d ’exiger son paye
m en t c l d ’im iter son exem ple , sur-tout à raison de m a prétendue
ém igration.
Depuis le co m p ro m is, il eut la m auvaise foi de prétendre que
le rem boursem ent avoit été fa it beaucoup p l u s tard ( en messidor
ail 4. ) L ’ arbitre L o u y re tte le releva sur cette assertion. L e dé
licat B o ye r se liàta de lui répondre : mais vous avez intérêt de
dire com m e m o i, puisque nous avons été rem boursés dans le m êm e
temps. O n conçoit actuellem ent le m o tif de la grande colère de
B oyer contre L o u y rette.
T els
�(a5).
•Tels furent les moyens que je fis valoir avec sécurité;
mon défenseur y mit toute la dignité qui convenoit à ma
cause, méprisant les commérages, les p r o p o s de taverne
et de café , qui furent prodigués par mon adversaire; je
me contentai d’exposer les faits.
_ Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que Boyer a plaidé
pendant deux grandes audiences ; il se plaint de n’avoir
pns été défendu! et son mémoire est une copie littérale
de sa défense. Il fut couvert, dit-il, par mes vociféra
tions , et le tribunal, ne voulant rien précipiter dans sa
décision, ordonna un délibéré, et n’a prononcé qu’après
le plus mûr examen.
E n fin , il a été rendu un jugem ent, le 27 germinal
an 9, qui a infirmé celui rendu par défaut au tribunal
d’arrondissement de Clermont, i°. quant aux condam
nations prononcées contre m oi, en payement de la somme
de 6,200 francs, montant de l’obligation de Lescurier ,
du 3 juillet 1789, et de celle de 3,180 francs d’a u tr e ,
montant de la lettre de change de Buglieon , du 28 mai
de la même année, intérêts et frais qui leur sont acces
soires ;
1
20. Quant à la condamnation prononcée contre moi
en nouveau payement de la somme de 8, 55o francs que
j’avois déjà acquittée en assignats, et aussi quant à la con
damnation en indemnité de cautionnement d’une obligagation de 2,804 francs, prétendue contractée par Chain»)ilour-Desmoulins, au profit cCune personne inconnue;
3°. En ce que les intérêts ont été adjugés à E o yer,
à compter des époques des payemens; 40. Enfin, en ce
que j’ai été condamné aux dépens; cmendunt, Eoyer est
D
�( 26 )
débouté de toutes scs demandes relatives à ces diiïerens
chefs, sauf à lai à agir en garantie, le cas échéant; (c’està-dire, dans le cas où il seroit recherché pour ce prétendu
cautionnement envers une personne inconnue).
Je suis condamné à payer la somme de i,8ôo fr. 13 cen.
montant des sommes payées à Blatin, Eabre et Caze, que
j’offrois; maisjesuis égalementcondamné à payer les 2,4oof.
montant de la lettre de change de Lahousse, que certai
nement je ne devois pas, et avec les intérêts seulement
du jour de la demande.
Boyer est condamné à son tour à me remettre l’obli
gation de 12,000 francs qu’il s’étoit fait consentir par mon
frè re , comme faite pour cause fa u s se ou sans cause
-préexistante, et devenue sans intérêt comme sans objet.
Tous les dépens, tant des causes principales que d’appel,
sont compensés, à l’exception du coût du jugement auquel
je suis condamné.
Ce jugement, dont Boyer a pris la peine de faire im
primer les motifs et les dispositifs , est principalement
m otivé, relativement aux créances Lescurier et Bugheon,
sur ce que ces deux actes n’établissent que des dettes person
nelles à Boyer, et qu’il ne justifie pas en avoir employé
les sommes à l’acquit des dettes de Champlîour-Desmoulins.
Sur les aveux répétés de Boyer, dans le compromis
devant le juge de p aix, devant le tribunal d’appel, qu’au
moment de cette obligation de 12,000 francs il n’étoit
créancier d’aucune somme, et qu’il devoit seulement l’em
ployer à payer différentes dettes contractées par mon frère ;
Le tribunal a pensé que par une suite naturelle de ce
nantissement, Boyer devoit rapporter les quittances justi-
�( 27 )
ficatives de l’emploi de cette somme, ainsi que les actes,
titres et dôcumens relatifs au compte à faire.
En ce qui touche la demande en nouveau payement de
la somme de 8,55o francs et en indemnité de ce cautionne
ment envers une personne inconnue ;
Il est dit, i °. que cette somme a été par moi payée à Boyer,
et de son aveu, qu’il m’a en conséquence rendu les effets ;
2°. Que la loi veut que les payemens faits et acceptés en
assignats soient irrévocables ;
3°. Que je n’ai consenti à revenir sur ce payement qu’en
considération d’un compte à faire devant des arbitres, et
parce que réciproquement Bôÿer se soumettait à ne ré
péter les sommes qu’il disoit avoir payées en assignats pour
le compte de mon frè re , que suivant la môme propor
tion, et d’après l’échelle ;
4°. Que la révocation du compromis de la part de Boyer
fait cesser mon consentement;
5°. Que la matière de ce contrat réciproque ne subsiste
plus, puisque Boyer n’a fait d’autres payemens que ceux
dont la répétition est jugée ne lui être pas due.
6°. Le tribunal décide , quant à l’indemnité du caution
nement , qu’il n’y a pas lieu à statuer sur une demande
qui n’a pas d’objet présent, sur un cautionnement qui ne
paroît point, et qui est fait au profit d’une personne qu’on
ne désigne -pas.
La condamnation des sommes; dues à B latin , Cazc et*
Fabre, est motivée sur mon consentement; celle de la
lettre de change de Lahousse, sur la circonstance que Boyer
est saisi du titre, ce qui forme en sa faveur une présomp
tion de payement,
-
D a
�C rf)
À l’égard des intérêts que Boyer avoit demandés depui«
l’époque de ses prétendus payeinens , comme ces créances
ne produisoient pas d’intérêt de leur nature, ni par la
convention , ils ne pouvoient être adjugés que du jour de
JLa demande.
B o yer, présent à la prononciation de ce jugement,
croit avoir fait un assez grand profit; il part, criant
à tous ceux qu’il rencontre, qu’il est fort content, qu’il
a gagné son procès.
Cependant il fait signifier ce jugement à mon avoué,
le 5 floréal an 9 , sans approbation préjudiciable, pro
testant au contraire de se pourvoir par la voie de la
requête civile ou de la cassation.
Bientôt il réitère cette signification à mon domicile,
soit,y les mêmes réserves ,* mais il me somme en même
temps d’exécuter ce jugement, quant aux condamnations
qu’il prononce (1).
Je m’empresse de lui faire un acte d’ofFre par le minis
tère de deux notaires, le 12 floréal an 9 , d’une somme
de 4,655 francs 10 centimes, montant des condamnations
en principal et intérêts ; mais je lui fais en même temps
sommation de me remettre les titres, notes et procédures
dont il a fait usage au procès, notamment la lettre de
(1) C es réserves et protestations de B o yer m e rappellent l ’anecdole d'un vieux p ra ticie n , qui voyageant dans les tén èb res, fu t
assailli par un orage violent ; les éclairs lui servoient quelquefois
à sc reconnoître dans l'obscurité. Il s’écrioit ;i chacun : J e t’ accopie en tant que lu m e s e r s , ne voulant faire aucune approbation
préjudiciable.
C om m e l u i , B oyer ne m arche jam ais sans protestations.
�( 29 )
clinnge souscrite par feu mon frère au profit de Laliousse,
et la note dont il s’étoit servi à l’audience, sur laquelle
étoient inscrits les noms de Ijescurier, Vabbé A ubier
et Buglieon, comme créanciei's de mon frère.
Je me réserve, par le même acte , de me pourvoir
ainsi et contre qui il appartiendroit, pour la répétition
du montant de la lettre de change souscrite au profit
du citoyen Laliousse.
Boyer ne laisse pas échapper l’argent; il me restitue
même l’obligation de 12,000 fr. {cellefa ite pour cause
Jausse); mais il refuse de me rendre les autres pièces,
surtout, dit-il, la lettre de change et la, note, sous le
vain prétexte qu’il entend se pourvoir contre le juge
ment du tribunal d’appel, et que ces pièces lui étoient
particulièrement nécessaires.
Il me parut d’autant plus extraordinaire , que B o yer,
qui m’avoit fait sommation d’exécuter le jugem ent, qui
reeevoit le montant des condamnations qu’ il prononce en
sa faveur, voulût se retenir des pièces ou des effets dont
le montant étoit acquitté.
Je pris le parti de me plaindre de ce procédé , comme
d une rébellion à justice ; et dès qu’il s’agissoit de l’exé
cution du jugement, que ma demande en remise de ces
titres en étoit une suite nécessaire, je présentai une re
quête au tribunal d’appel ; je demandai que Boyer fût
condamné à me remettre les titres, ou à restituer les sommes
que je lui avois comptées.
J ’obtins, le 7 prairial an 9 , un premier jugement qui
inc permet de l’assigner à jour fixe sur cette demande.
L e i 5 du même mois, jour capté, il se laissa condamner
�( 3° )
par défaut ; il a formé opposition à ce jugement dans le
d élai, et a fait paroître en même temps son m ém oire, ce
chef-d’œuvre d’iniquité, également injurieux pour m o i,
mes arbitres, mes conseils et les juges ; il m’appi'end, par
ce lib elle, qu’il s’est pourvu en cassation contre le juge
ment du 27 germinal an 9.
Telle est l’analyse exacte de la cause : j’ai peut-être été
minutieux dans les détails ; mais je ne voulois rien omettre
d’important. Il me reste encore à répondre à quelques
faits consignés dans son mémoire -, je laisserai ensuite à
mon conseil le soin de discuter les moyens qu’il propose,
pour obtenir la cassation du jugement dont il se plaint.
Celui dont Boyer a emprunté la plum e, le fait bon et
compatissant! R isum teneatis. B oyer compatissant ! et
les larmes du pauvre arrosent les champs que Boyer a
acquis ou usurpés pendant quarante années de vertus !
Il ne s’agit que de consulter les hal)itans de la commune
de Solignac , que Bo3Ter habite dans ses loisirs ; et le déli
bératoire du conseil, du 9 frimaire an 9 , qui autorise le
maire à poursuivre Boyer en désistement des ruloirs et
communaux dont il s’étoit emparé pour agrandir son pré
de Pasgrand.
Mais pour peindre ma détresse, et rappeler les ser
vices signalés qu’il m’a rendus , Boyer a mal choisi, en
prenant pour exemple la vente d’une de mes maisons.
Qu’on examine cette vente, du 16 janvier 1786 (1); elle
contient deux délégations seulement. Par l’une d’elles,
(1) Je n’avois pas encore été présen té au citoyen B o ye r à celte
époque.
�31 ^
l ’acquéreur est chargé d’acquitter une rente de 300 *-r* au
principal de 6,000 francs ; et certes, un homme obéré ne
va pas choisir le remboursement d’une créance dont le
principal n’est pas exigible ; il paye les plus pressés , sur
tout s’il y en avoit eu qui eussent obtenu des contraintes
par corps.
Un menteur devroit surtout avoir de la mémoire , et
ne pas s’exposer à recevoir un démenti aussi formel.
Boyer veut encore que je lui aie obligation du mariage
de mes filles. J ’en ai trois , toutes établies ; elles ont porté
à leurs maris une fortune au moins égale, et j’estime assez
ines gendres , pour être persuadé qu’ils s’honorent de
m’appartenir.
Boyer a été ma caution pour le citoyen Bonnet (1) ,
(1) B oyer dénature les fa its , relativem ent au citoyen B onnet.
C e n ’est pas l u i , com m e il le prétend , qui a seul souscrit le billet
d ’honneur : nous l’avons souscrit conjointem ent et cum ulativem ent
le 9 août 1790. J’ai heureusem ent conservé le b ille t; il est de la
somme de 27,300 fr. J’en ai acquitté le m o n ta n t, partie en im
m eubles , partie en num éraire. J’ai donné en im m eubles , au m ois
de juillet 17 9 2 , douze jo u rn au x'd e te rre , situés dans les appar
tenances de C le r m o n t, dans le m eilleur ca n to n , près les jardins
des Salles ; plus , une grange située à C lerm ont : les douze jour
naux sont en valeur de plus de 18,000 fr. J’avois refusé de la
grange 5,000 fr. J’ai com pté en outre , en num éraire , la somme
de 8,400 fr a n c s , intérêts co m p ris, à la demoiselle B o m p a rt, 4
qui le citoyen Bonnet avoit cédé la lettre de change. C es payem ens
ont été faits les 21 m essid o r, 21 et
25
therm idor an 6 : j ’en rap
porte les acquits de la demoiselle B om part.
�( 32 )
et quelques autres créanciers dont il fait rémunération.
.Mais Boyer a-t-il été dupe de ses cautionnemens ? Qu’il
le dise , s’il l’ose. Mais de ce que Boyer a été ma caution,
tons ceux qui le connoissent en tireront la conséquence
que je n’étois pas dans la détresse, et que Boyer n’avcnturoit rien lorsqu’il se prétoit à ces arrangemens : je
pourrois en dire davantage ; mais je ne veux pas revenir
§ur des choses consommées, et que j’ai bien payées.
Boyer veut se justifier de la dénonciation qu’il a faite
contre moi , comme émigré ; il dit que sa dénonciation
a été précédée de huit autres. Je n’ai pas vérifié ce fait;
mais ce que je sais bien, c’est que tous ceux qui l’ont fait,
n’ont agi que par les conseils et par les ordres de Boyer;
jusqu’à ma femme et mes filles qu’il persécutoit pour
pallier ses torts : il les conduisit ù R iom , chez le citoyen
Grenier, jurisconsulte éclairé.
Mais ce jurisconsulte étoit alors procureur-syndic du
district de Riom ; et malgré sa moralité bien connue, il
se seroit bien gardé ( surtout devant Boyer ) d’arrêter
une démarche qu’il désapprouvoit. Boyer n’a pu cepen
dant déterminer ma femme et mes enfans à signer la dé
claration qu’il leur avoit rédigée.
E st-il bien étonnant, d’après ces services signales,
que mon retour n’ait pas fait disparoître les bruits de
mon émigration? Il n’en falloit pas tant en 1793; et
j’aurois eu moins d’inquiétude, si j’avois été dans cet état
de détresse que Boyer peint d’une manière si touchante.
On sait qu’il falloit cire propriétaire pour, être- inscrit
sur la liste fatale,
Boyer,
�( 33 )
Boyer! en citant ma sœ ur, femme Blot ( i ) , vous parlez
d’une femme respectable; elle désavoue tous les faits sut
lesquels vous n’avez pas voulu qu’elle fût iuterpellee.
Accoutumée à vivre dans la retraite , loin du tumulte de
la société, elle fit avec effoi't le voyage de Riom , pour
se rendre à l’audience et vous donner un démenti ; elle
assista à une séance de trois heures : vous vous gardâtes
bien de rien dire devant elle; vous craignîtes d’être con
fondu : elle ne quitta qu’après la plaidoirie ; et vous osez
dire que je la iis sortir à dessein ! Si je pouvois être sen
sible à toutes vos calomnies, si elles pouvoient aller jus
qu’à m o i, cette imposture m’afiecteroit plus vivement.
Lorsque vous dites que j’ai connu l’obligation consentie
par mon frè re , avant que vous fussiez son créancier ;
que j’étois chez vous lorsque vous avez souscrit la lettre
de change au profit de Bugheon ; je vous répondrai cn-
( 0 B o ycr prétendit en p la id a n t, que les som m es empruntéesde Bugheon avoient été versées dans le tablier de m a sœ u r, pour
qu’elle les fit passer à D esm o u lin s, m on frère, : ce fait étoit de la
plus insigne fausseté. M a sœur chargea expressément m on défen
seur de le désavouer à l’audience ; elle y vint elle-m ême pour lui
donner un d ém en ti, et lui apprendre qu’il confondoit les épo
ques. L a somme qui avoit été versée ès mains de m a sœ u r , étoit
celle de 2,900 fr. prêtée par la dam e S au zad e, que j’a i'a c q u itté e ,
B oyer ne l ’ayant pas fait.
L a dame Sauzade s’en est expliquée elle-m êm e de celte m an ière
au citoyen B o y e r , lorsqu’il a voulu lui arracher une déclaration
contraire. L a dam e Sauzade répondit à B o y e r , que la som m e
prêtée par le citoyen Bugheon son fr è r e , n ’avoit pas été comptée
à Pesm oulins : elle est toujours prête à attester ce que j’avance,
Ë
�(
3
4
} .
'
core par le mentiris impudentissimè du bon père V a lérien. J ’étois alors brouillé avec mon frère; nous avions
absolument cessé de nous voir. Il est vrai que vous tirâtes
sur moi la lettre de change, que j’en passai l’ordre à
Bugheon ; mais je ne le fis que pour vous servir de dou
blure, suivant votre expression ; et j’atteste sur mon hon
neur, qu’il ne fut point question de mon frère : vous
saviez trop bien que dans ce moment je ne me serois pas
engagé pour lui.
Un des grands argumens de B oyer, pour prouver que
l’emprunt fait à Lescurier n’étoit pas pour son compte,
est de dire qu’il a pris de Baptiste, notaire, une quit
tance du coût de cette obligation.
Il existoit, ajoute-t-il, un concordat entre les notaires
et les procureurs, d’après lequel ils ne devoient pas se
prendre d’argent entre eux. Cela peut être ; mais cette
quittance est pour le droit de contrôle : or, il n’y avoit
pas de concordat entre la régie et les procureurs; et,
lorsque celui qui contracte paye le contrôle, il est d’u
sage d’en x-etirer un reçu, pour que le notaire ne puisse
pas le répéter. Cette précaution ne devoit pas échapper
à Boyer.
M ais, dit-il encore, vous avez au moins connu la
cession que m’avoit faite votre frère, puisqu’elle est
comprise dans un acte de dépôt que nous avons fait
ensemble chez Chevalier, notaire, le premier complé
mentaire an 4.
Sans doute je l’ai connue à celte époque , puisque c’est
précisément sur cette pièce que vous avez renouvelé vos
rapports avecinoi, et nous avons été di/isés, lorsque je
�( 35)
vous en ai demandé le compte. Vous prétendiez en
avoir fourni le montant, à la vérité en assignats; vous
m’offriez de me faire raison du bénéfice, à condition q u i
je vous indemniserois à mon tour du remboursement
que je vous avois fait : c’étoit là le piège que vous me
tendiez ; e t , lorsqu’après plusieurs années de discussion,
j’ai voulu éclaircir ce fa it, il s’est trouvé que vous n’a
viez rien payé, que j’avois été votre dupe; vous avez
cru avoir un titre contre m o i, et vous m’avez fait
assigner.
L ’état dont j’ai fait usage à l’audience, est celui que
vous aviez donné aux arbitres : j’en argumentai pour
prouver votre mauvaise foi ; et les arbitres présens
vous apprirent*que j’avois toujours refusé d’allouer d e,
prétendues créances dont je ne voyois pas l’emploi.
Boyer adresse son mémoire au tribunal de cassation:
en changeant le lieu de la scène , il croit pouvoir répéter
impunément ce qu’il a déjà fait plaider ; il a même le
courage de faire imprimer une lettre qui le couvrit de
confusion‘; c’est le billet sans date, où j'ai projtitué,
par foiblesse, le titre d’ami.
Je dus apprendre au public, lorsqu'il en fit parade ,
les motifs qui l’avoient dicté. C’est après la journée du
18 fructidor. J ’nppartenois à une classe alors proscrite;
j’avois été dénoncé comme ém igré; et quoique j’eusse
obtenu ma radiation, Boyer avoit fait des menaces; il
disoit h tous ceux avec lesquels j’ai des relations, qu’il
vouloit me perdre et qu’il me perdroit.
Ma famille, mes amis, étoient alarmés; 011 m’engage i
à avoir des ménagemens pour un homme dangereux : je
E 2
�cède. Bover étoit alors juge à Riom ; il faisoit des voyages
f'réquens de cette ville à celle de Glcrmont ; il clierchoit
surtout à épargner les voitures ; j’envoyois la mienne à
R iom , je lui écrivis pour l’engager à en profiter, ce qu’il
accepta bien vite : il trouva le billet flatteur; il ne s’attendoit pas à une pareille prévenance ; il a gardé la lettre
pour prouver qu’il ne me demandoit rien que de juste :
voilà sans doute un singulier moyen.
Dois-je relever ces expressions grossières de v o l , de
calomnies, qu’il répète jusqu’à la satiété ? Il me semble
entendre ce voleur qui erioit bien haut de peur qu’on
l’accusât, et qui n’en fut pas moins découvert.
Il est encore ridicule, lorsqu’il prétend que j’écarlois
rafiluence des honnêtes gens qui accouroient chez lui ;
semblable à ce charlatan de la foire, qui s’enroue en criant
de laisser passer la fo u le, et qui n’a jamais pex-sonne.
Il me reproche d’avoir fait des démarches pour le faire
desti tuer de ses fonctions de juge : ai-je besoin de lui rap
peler que sa place est à v ie , à moins que le gouvernement
n’acceptât sa démission ?
Il a la jactance de dire qu’il n’a jamais rien sollicité ;
il a sans doute oublié les lettres qu’il obtint, par importunité, de quelques-uns de ses collègues, lorsqu’il fut dest’tué après le 9 thermidor. Mais Boyer a si souvent manqué
de mémoire dans toute cette affaire, qu’il ne faut pins
s'étonner de rien , pas même de ce qu’il insulte les arbi
tres , quoiqu’il eut choisi le citoyen Louyrette. Mais tous
•deux sont au-dessus de ses injures; tous deux jouissent de
feslime publique, et tous les deux commissent trop bien
B oyer, pour être affectés de ses calomnies ou de sa colère.
�( r , ) __
.
Boyer se permet encore de critiquer ma conduite ; et
rêvant toujours à son affaire, il prétend que j’ai donné
une fête à ma maison de campagne pour célébrer mon
triomphe.
Je suis assez heureux pour avoir des amis ; j’ai le plaisir
de les réunir quelquefois, et dans la belle saison je les con
duis à ma maison de campagne, située à une demi-lieue de
Clermont. Sur la fin de prairial, plus de deux mois après
le jugement, je donnai à dîn er, à Beaumont, à plusieurs
citoyens , parmi lesquels se trouvoient les premiers fonc
tionnaires du département. L a réunion fut joyeuse ; nous
fîmes des vœux pour le gouvernement, pour le premier
magistrat de la république, et Boyer n’est pas un être
assez important pour qu’on daigne s’en occuper, surtout
dans un instant de plaisir et de joie : son nom rappelleroit
des choses que précisément on veut oublier.
Je le livre donc à l ’opinion publique, à lui-même , à
ses remords : j’en ai déjà trop parlé. C’est à mon conseil
qu’il appartient de discuter les moyens de cassation qui
terminent son volumineux et insignifiant mémoire.
Signé, C H A M P F L O U R .
�CONSULTATION.
i i E C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a examiné la
procédure et le jugement rendu contradictoirement,
entre les citoyens Cliampflour et B o y e r, le 27 germinal
an 9 ; le mémoire en cassation du citoyen B o y e r, et
celui en réponse du citoyen Champflour ;
E s t i m e que le jugement du tribunal d’appel est
régulier dans la forme , et qu’au fond il est favorable
au citoyen Boyer, qui ne devoit pas s’attendre à obtenir
la condamnation de la créance du citoyen Lahousse.
L e tribunal de cassation ne pouvant connoître du fond
du procès, on se dispensera d’entrer dans aucun détail
sur les différens chefs de créances réclamées par le citoyen
Boyer ; on s’occupera uniquement des moyens qu’il fait
valoir pour obtenir la cassation du jugement ; et ces
moyens sont si extraordinaix-es, si foibles, qu’on seroit
tenté de croire, comme le dit le citoyen Cliam pflour,
que le pourvoi en cassation n’a été qu’un prétexte pour
distribuer un mémoire contre lui.
En .effet, il s’élève contre le pourvoi en cassation du
citoyen Boyer, une fin de non recevoir invincible. l i a
approuvé le jugem ent, en faisant sommation de l’exé
cuter , en recevant le montant des condamnations qu’il
prononce , et scs réserves doivent être rangées parmi
ces protestations banales, si souvent employées par des
praticiens renforcés, qui 11e manquent jamais d’accepter,
¿■afts se fa ire aucun préjudice.
Il est vrai que le pourvoi en cassation n’arrête p;>s
�l’exécution d’un jugement en dernier ressort. M ais, dans
quel cas les protestations ou réserves peuvent-elles etre
nécessaires ou utiles? Ce n’est jamais que lorsque celui
qui a éprouvé des condamnations, est poursuivi pour le
payement*, alors, s’il croit avoir éprouvé une injustice;
s’il est dans l’intention de se p ou rvo ir, il ne doit payer
que comme conti’aint; il est tenu de protester, de mani
fester son intention , sans quoi il y auroit de sa part un
acquiescement préjudiciable.
Mais , lorsque celui qui a obtenu des condamnations,
en poursuit l’exécution , veut profiter du bénéfice du
jugement qui emporte profit , quoiqu’il ait succombé
sur plusieurs chefs ; dans ce cas , il n’est plus recevable
à attaquer ce même jugement : tout est consommé par
l’acceptation.
O r, le citoyen Boyer, en faisant signifier le jugement
du 27 germinal an 9 , au domicile du citoyen Champflour,
lui a fait sommation de l’exécuter, et commandement de
payer les sommes dont la condamnation étoit prononcée
en sa faveur. L e citoyen Champilour lui en a fait des
offres à son domicile ; le citoyen Boyer a reçu et donné
quittance; tout est donc terminé, et les protestations ou
réserves deviennent insignifiantes.
S’il en étoit autrement, il n’y auroit aucune récipro
cité : le citoyen Champflour seroit obligé de payer des
sommes auxquelles il a été condamné, sans pouvoir se
soustraire ni différer l’exécution du jugement, et donneroit à son adversaire des armes contre lu i, pour faire
casser un jugement dans les chefs où l’adversaire a suc
combé. Il faudroit syncoper le jugement, le casser dans
�( 40 )
une partie, et le laisser subsister dans l’autre : ce seroit
une monstruosité dans l’ordre judiciaire. Si le citoyen
Boyer avoit l’intention de se pourvoir en cassation, il
étoit indispensable de suspendre absolument l’exécution
du jugement, de n’en tirer aucun profit, pour que dans
le cas où le jugement auroit été cassé, les parties eussent
été remises au même état qu’elles étoient avant le juge
m ent, et pussent plaider de nouveau sur tous les chois
de demandes.
Cela devient impossible aujourd’h u i, dans l’état où
en sont les pai’ties : les choses ne sont plus entièi'es, par
le fait du citoyen Boyer ; il y a donc un obstacle insur
montable à sa demande en cassation.
Mais quels sont donc les moyens que propose le cit.
Boyer, pour faire annuller un jugement solennel qui
est le résultat du plus mûr examen ?
Il oppose, iQ. que la cause a été plaidée pendant deux
audiences ; que le 23 germinal il fut ordonné un délibéré
au rapport du citoyen C a th o l, à qui les pièces furent
remises sur le champ, Il ajoute que ce délibéré ne fut
prononcé que le 2 7 , sans rapport préalable ni plaidoirie
de la part des défenseurs; ce qui, suivant lu i, est une
contravention aux articles III et X de la loi du 3 bru
maire an 2 , qui, dans ce cas, exige un rapport à l’au
dience publiquement.
Avant de proposer un pareil moyen, le citoyen Boyer
auroit dû lire plus attentivement le jugement qu’il attaque,
et qu’il a lui-même fait signifier. Ll y auroit vu que les
défenseurs ont été entendus, le jour que le jugement a
été pi’ononcé. Boyer dçvroil surtout se rappeler, puisqu’il
étoit
�(4 0
étoit présent à l’audience; qu’il assistoit Son avoue pour
prendre ses conclusions, lorsque le jugement fut^prononee.
Ce fait, au surplus, est constaté par le •jugement qui ,
sans doute, mérite plus de confiance, que 1’assertion de
Boyer. Il porte expressément ces mots : « L e tribunal,
« après avoir entendu les avoués et défenseurs des parties,
« pendant'dèûx précédentes audiences, et à Vaudience
« de cejourd’h u i, après en avoir délibéré, etc ». Voilà
qui répond , sans doute , à l’objection d’une manière
péremptoire.
- D ’ailleurs, un délijbéré n’oblige point à un rapport,
Joussc, sur l’article III du titre V I de l’ordonnance de
1667 ■
>explique ce que c’est qu’un délibéré. « Il a lieu,
« d it-il, lorsqu’après la plaidoirie des avocats ou des pro« curcurs, l’affaire paroît de trop longue discussion pour
« pouvoir être jugée à l’audience; auquel cas, ou pour
« autres considérations, les juges font remettre les pièces
« sur le bureau, pour en être délibéré sur.le registre,
K sans mémoires ni écritures. L e greiïier les reçoit et les
« présente aux juges, et l’un d’eux s’en charge : 011 en
« délibère ensuite , si le temps le perm et, à l’issue de
« 1 audience , ou du moins le lendemain ou autre jour le
« plus prochain , cl le jugement se prononce à l’audience
« par celui qui a présidé au rapport du délibéré. »
Ces sorles de délibérés sont autorisés par l’article III
du' titre V I , et par l ’article’X du titre X V I I , sans qu’il
soit besoin d’aucun rapport , écriture ni mémoire. A in si,
quand il seroit v r a i, contre la teneur du jugement, qu’il
a été ordonné un délibéré.ès mains de l’un des juges,
F
�( 42)
ce seroit la stricte’exécution de l’ordonnance,loin d’être
.une infraction a la loi»
11 est extraordinaire qu’on veuille citer aujourd’hui la
loi du 3 brum aire, d’après l’arrêté des consuls , qui or
donne l’exécution de l’ordonnance de 1667. Cette ordon
nance est un code de procédure, et la loi du 3 brumaire
an 2 est négative de toute procédure*, l’une ne peut donc
pas exister avec l’autre : l’exécution de l’ordonnance
-abroge donc nécessairement la loi du 3 brumaire , si
funeste dans ses effets.
Il est cependant difficile d’expliquer, même en sup
posant que cette loi fût toujours en vigueur , quel argu
ment le citoyen Boyer pourroit tirer des art. III et X
qu’il invoque dans son mémoire. L e premier n’a aucune
espèce de rajyport à la cause ; il p orte, « que si les parties
« comparaissent, il ne sera notifié au procès que l’exploit
.« de demande et le jugement définitif; si l’une d’elles ne
« comparait point, il lui sera notifié de plus le jugement
u préparatoire : la notification de tout autre acte de pro« cédure en jugement n’entrera point dans la taxe des
« frais. »
On- ne voit pas ce que cet article peut avoir de commun
avec un délibéré. L ’article X n’est pas plus déterminant:
« Les juges cîes tribunaux, porte cet article, pourront,
« comme par le passé, se retirer dans une salle voisine
« pour l’examen des pièces; mais immédiatement après
« cet exam en, ils rentreront à l’audience pour y déli« bérer en public, y opiner à haute voix , et prononcer
« le jugement. Ils pourront encore, si l’objet pnroît
« l’exiger, nommer un rapporteur, qui fera son rapport
�« le jour indiqué dans le jugement de nomination, lequel
c< a p p o rt devra être fait, pour le plus tard , dans le délai
« d’un mois. »
Sans doute le citoyen Boyer ne prétondra pas que le
jugement est nul , parce que les juges n ’ont pas opine
à haute voix. Ce mode, qui a entraîné tant de. dénon
ciations , n’est plus usité. L ’objet de la cause n’exigcoit
pas un rapporteur; il n’y en a point eu de nommé : le
délibéré n’a eu lieu que pour examiner avec plus de çoin
les diilerens chefs de demandes', et le citoyen Boyer doit
se féliciter de cette précaution ; elle lui a valu la con
damnation du billet de Lahoussë, qu’il n’auroit pas ob
tenue si la cause avoit été jugée de suite et sans autre
examen.
A in s i, ce premier moyen de cassation est absurde et
inadmissible, d’après la teneur du jugement, la dispo
sition de l’ordonnance, et même la loi du 3 brumaire.
L e citoyen Boyer oppose, en second lie u , que le ju
gement viole la disposition de l’article I du titre 111 de
l’ordonnance de 1667, pour avoir compensé les dépens,
hors le coût du jugement auquel le citoyen Champilour
est condamné \ il se fonde sur ce que le citoyen Cliampflour est condamné à payer la somme de 4,200 francs,
dont il n’avoit point fait d’olïïes; d’où il tire la consé
quence que tous les dépens étoient h la charge du citoyen
Cham pilour, réputé débiteur.
L e citoyen Boyer n’est pas heureux dans ses a p p l i
cations : il est vrai que l’article qu’il invoque veut que
toute partie qui succom be, soit condamnée aux dépens
F 2
�( 44)
indéfiniment, sans que pour quelque cause que ce, soit,
elle en puisse être déchargée.
Mais le citoyen Champflour a-t-il succombé? L e citoyen
Boyer a formé contre lui huit chefs de demandes princi
pales; ses prétentions se portoient ù une somme de 23,317 f.
10 cent. 11 n’a réussi que sur deux chefs, et il ne lui a été
adjugé qu’une somme de 4,200 fr. O r, il est de règle et de
principe, que si le demandeur perd plus de chefs qu’il n’en
gagne , surtout lorsque ces.chefs n’ont pas occasionné plus
de dépens que les autres, il doit au contraire supporter une
portion des. dépens. C’est ce qu’enseigne Jousse, sur l’art,
de l’ordonnance invoqué par le citoyen Boyer. V oici com
ment il s’explique, nomb. 5. « Lorsqu’il y a plusieurs chefs
« de demandes portés par l’assignation, et que le doman
te deur obtient sur les uns et perd sur les autres, alors il
« faut ou les compenser, si le demandeur perd autant de
« chefs qu’il en gagne, et que ces chefs n’aient pas occa« sionné plus de dépens que les autres , ou condamner la
« partie qui perd le plus de chefs, en une certaine portion
« de dépens; ce qui doit pareillement avoir lieu sur l’appel,
« lorsqu’il y a plusieurs chefs de condamnation portés par
« la sentence dont une des parties s’est rendue appelante,
« sur partie desquels l’appelant vient à obtenir, et à perdre
« sur les autres ».
Dans l’espèce particulière, le citoyen Champflour a
fait infirmer le jugement sur tous les chefs principaux,
et n’a succombé que sur deux objets, dont le premier
n’étoit pas contesté. Tous les chefs de demande étoient
contenus dnns le même exploit, et ont bien évidemment
occasionné autant de frais les uns que les autres. L e
�( 45 )
.
.
citoyen Champflour auroit donc pu rigoureusement
exiger que le citoyen Boyer fût condamné en la majeure
partie des dépens ; cependant ils ont été compenses ,
et le coût du jugement a été entièi’ement à la charge
du citoyen Champflour. Comment donc le citoyen Boyer
a-t-il imaginé de s’en plaindre, et de se faire un moyen
de cassation de ce qu’il a été trop favorablement traité.
L e citoyen Boyer ne s’est pas entendu lui-môme dans
son troisième moyen. Sans doute 011 doit exécuter lit
téralement les conventions des parties, maintenir les
obligations qu’elles ont volontairement contractées.
Mais lorsque les conventions ou les obligations sont
purement conditionnelles, la première règle est que les
conditions soient pleinement accomplies, avant que la
convention, soit exécutée : la condition est la base et
le fondement de la convention-, l’une ne peut subsister
qu’avec l’autre. Il n’est sans doute pas besoin de s’appe
santir sur une vérité aussi,certaine, enseignée par tous
les auteurs; et ce principe ne sauroit être controversé.
O r, quelles sont donc les conventions des parties? En
quoi consistoient les obligations contractées par le citoyen
Champflour? Il promet d’indemniser Boyer du payement
qui l lui a fait en assignats, à condition qu’il seroit fuit
un compte entre les parties, et que Boyer l’indemniseroit
à son tour des sommes par lui payées en assignats pour
le compte du citoyen Champflour-Desmoulins. Ce n’étoit
ici qu’un contrat réciproque ; le citoyen Champflour
n’étoit obligé qu’autant que le citoyen Boyer le seroit
lui-meme. Boyer révoque le compromis passé entre les
parties'*, Boyer n’a fait aucun payement pour le compte
�du citoyen Chnmpflour-Desmoulins, ou, ce qui est la
‘même chose, ceux qu’il prétend avoir faits ne lui sont
point alloués. Il n’y a donc plus de consentement, dès
que Boyer révoque le compromis ; il n’y a donc plus de
réciprocité, dès que Boyer n’a fait aucun payement : il
ne peut plus offrir en compensation aucune indemnité,
et cependant la compensation avoit été la cause première
et essentielle du contrat; elle en étoit la condition prin
cipale, et tellement liée à la convention qui avoit eu
lieu entre les parties, que sans l’accomplissement de la
condition, la convention est demeurée imparfaite. C’est
ce qu’a décidé le tribunal ; c’est ce qui a été parfaitement
développé dans les motifs ; et si Boyer prétend que dans
un contrat synallagmatique et réciproque, le citoyen
Champflour a pu s’obliger sans qu’il s’obligeât lui-même;
qu’il pouvoit se jouer de ses engagemens, tandis que le
citoyen Champflour étoit obligé d’exécuter les siens,
cette prétention paroîtra nouvelle ; mais au moins ne
la regardera-t-on que comme un moyen d’appel, et non
comme un moyen de cassation, parce qu’il n’y a ni vio
lation de form e, ni infraction à la loi dans la décision
du tribunal.
Les lois des 12 frimaire, 5 thermidor an 4, i 5 fruc
tidor an 5, sont également mal appliquées.
Premièrement, le remboursement avoit eu lieu long
temps avant le disci'édit total des assignats, qui a provo
qué la loi du 12 frimaire : Boyer avoit reçu volontaire
ment, et r oient i non f i l injuria.
Les lois des 9 thermidor an 4 et i 5 fructidor an 5 ,
nu se sont occupées que des obligations pures et simples,
�( 47)
et non des conti*ats conditionnels; il étoit donc inuLile
de grossir un mémoire d’une foule de citations qui n’ont
aucune analogie avec la cause, et ne doivent pas occuper
le tribunal de cassation, qui ne peut examiner le fond du
procès.
L e quatrième moyen du cit. Boyer n’est encore qu’un
grief d’appel. Il se plaint de ce qu’on ne lui a pas adjugé
les lettres de change de Bugheon et Lescurier ; il va jusqu’à
dire qu’il auroit pu se faire payer l’obligation de 12,000 f.
quoiqu’il n’en eût pas fourni le montant ; il revient sur
la fameuse note qu’il produisit au tribunal, et qui le cou
vrit de confusion. Il prétend que cette not e, qui émane
du citoyen Cliampflour , prouve que Desmoulins, son
frère, a louché les deux emprunts. Il convient de s’être
obligé à rapporter les quittances justificatives de l’emploi
de 12,000 francs*, mais il prétend avoir prouvé , par ce
fameux écrit, c’est-à-dire, la note qui émane du citoyen
Cliampflour, que Desmoulins, son frère, avojl louché
les deux emprunts, et que lui Boyer a rempli le montant
de l’obligation que Desmoulins lui avoit consentie. Il se
plaint de ce que cette obligation n’a pas été maintenue
par le jugement; la confession de celui qui est muni d’un
pareil titre, ajoute-t-il, ne peut être divisée en matière
civile.
Tout est erreur et confusion dans ce grief, et feroit
craindre qu’il n’y eût de l’égarement chez le citoyen Boyer.
Il se plaint de ce que celte obligation de 12,000 francs
n’a pas été maintenue, et il s’est bien gardé d’en demander
l’exécution. Qu’on lise son exploit inlroductif de l’ins
tance, et tout ce qui a été écrit au procès; o n ’verra que
�. u 8)
loin de conclure au maintien de cette obligation, il a
toujours déclaré qu’il n’en avoit pas fourni le montant.
C ’est d’après ses déclarations réitérées, que le citoyen
C h a m p ilo u r a demandé la remise de cet acte, et le juge
ment l’a ordonné en motivant, sur les aveux de Boyer,
que l’obligation étoit consentie pour cause f a u s s e , ou
sans cause préexistante.
■
A l’égard des lettres de change souscrites par Boyer,
au profit des citoyens Bugheon et Lescurier, rien n’établissoit que l’emprunt eût tourné au profit du citoyen
Çhampflour-Desmoulins ; il n’en a pas reçu le montant ;
il ne devoit pas même le toucher, d’après les conven
tions, puisque ces sommes devoient être employées au
payement des dettes du citoyen Çhampflour-Desmoulins;
çt Boyer n’a payé aucune de ces dettes.
Pour l’écrit prétendu émané du citoyen Champilour,
ce dernier en a suffisamment expliqué l’origine et les
causes dans son mémoire. La forme de cet écri t, la
créance de Tabbé A u b ie r , intercalée entre celles de Les
curier et de Buglieon, et dont le citoyen Boyer n’a pas
demandé le payement, dénotent assez le cas qu'on doit
faire d’un pareil écrit, que le citoyen Boyer auroît dû
précédemment supprimer; mais le jugement ne pou voit
ordonner le maintien de l’obligation de 12,000 francs,
puisque Boyer n’en avoit pas formé la demande : le tri
bunal ne pou voit condamner le citoyen Champ.flour au
payement d’une dette que tout prouve être personnelle
au citoyen Boyer; et enfin, quand le tribunal auroit mal
jugé en celle partie, ce scroit un grief d’appel, et non
un moyen de cassation.
Dans
�( 49 )
.
Dans son cinquième et dernier m oyen, le citoyen Boyer
rappelle une loi du 3 octobre 17 8 9 , qui perm et a l a v e n i r
de prêter de l ’argent à term es fix e s , avec stipulation
d’in té rêts, suivant le tau x déterm iné par la loi , sans
eutendre rien in n o ver au x usages du com m erce.
L e citoyen B oyer argum ente de cette l o i , p o u r p ro u ver
que le jugem ent dont il se plain t auroit dû lu i adjuger
les intérêts de la somme de 4?200 francs qu i lu i a été
allouée , à com pter du payem ent q u ’il d it en a v o ir fait.
L e jugem ent ne lu i adjuge cet in térêt qu ’à com pter de
la demande ; d o n c , suivant le citoyen B o y e r , il y a in
fraction à la lo i du 3 octobre 1 7 8 9 , p ar conséquent ou
v e r tu r e à cassation.
E t range conséquence ! S u ivan t les anciens prin cipes,
l ’argent étoit stérile de sa n a tu re , et ne p o u v o it p rod u ire
d’in té r ê t, lorsqu’il s’agissoit de p r ê t, qu’autant que le p rin
cipal étoit aliéné entre les mains du d é b ite u r , ou qu ’ il
existoit une dem ande judiciaire en payem ent.
L a lo i citée n’a pas d éro g é à ce p rin cip e ; elle a seu
lem ent laissé la faculté, p o u r l’aven ir, de stipu ler l’in térêt
au taux ordinaire , par l’obligation ou le b illet ; c’est-àdire , que lorsque cet in térêt est stipulé par l’écrit ém ané
du d éb iteu r, les tribun au x do iven t l'a d ju g e r, con form é
m ent a la convention ; mais s’ il n’existe aucune stipula
tion , l ’intérêt n’est d û , com m e a u tre fo is, que du jo u r
de la demande.
O r , il n’y a aucune convention de cette nature entre
les p arties, puisqu’au contraire les sommes réclam ées par
le citoyen B o yer étoient contestées ; que d ’ailleurs le
p réten d u p rêt étoit antérieur à la loi*, il y a p lu s , c’est que
G
�( 5° )
dans les emprunts prétendus faits par Boyer, il est même
convenu qu’on avoit calculé l’intérêt qui devoit courir
jusqu’au terme fixé pour le payement, et que cet intérêt
avoit été confondu avec le principal. C’est ainsi que cela
a été pratiqué pour Lescurier et Bugheon, et pour les
sommes adjugées à Boyer; tel est d’ailleurs l’usage abusif
et usuraire qui s’eSt introduit dans le commerce.
Ainsi les prétentions du citoyen Boyer ne tendraient
à rien moins qu’à se faire adjuger l’intérêt des intérêts,
et à faire admettre l’anatocisme dans les tribunaux.
Il
invoque une clause du compromis, où il est dit que
les citoyens Louyrette et Costes, arbitres, feront aussi le
compte des intérêts, conformément à la loi. Mais celte
clause d’usage et de style, ne se rapporte pas à la loi du 3
octobre 1789; elle n’obligeoit les arbitres qu’à compter
les intérêts légitimement dûs , et sans contredit les arbitres,
loin d’adjuger les intérêts de la créanceLahousse , auroient
au contraire rejeté le principal.
Mais le citoyen Boyer a l’évoqué le compromis ; mais
le citoyen Boyer n’a pas exécuté les engagemens qu’il
avoit contractés ; mais le citoyen Boyer ne peut pas argu
menter d’un acte qui n’existe plus, qu’il a lui-même détruit.
L e citoyen Boyer, en terminant son mémoire, annonce
que scs moyens sont encore mieux développés dans sa
requête en cassation; comme la requête n’est communi
quée qu’autant qu’elle est admise, il y a lieu de penser
que le citoyen Cliampflour ne sera pas obligé d’y répondre.
D é l i b é r é à R i o m , p a r l e s anciens jurisconsultes
soussignés, le i 5 vendémiaire an 10.
TOUTTÉE, PAGES.
�( 5i )
Le
c o n s e i l
s o u s s i g n é
est
du même avis par les
mêmes motifs. A Clerm ont-Ferrand, le 30 vendémiaire
an dix.
DARTIS-M ARCILLAC.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a lu attentivement la
présente consultation, est parfaitement du même avis et
par les mêmes raisons. Délibéré à R io m , le 3 brumaii*e
an 10.
ANDRAUD.
�P I È CE S
J U S T I F I C A T I V E S .
D É N O N C I A T I O N
DE
P IE R R E
B O Y E R ’,
A n térieu re à l’inscription du cit. Cham pflour, sur la liste des ém igrés.
E x tr a it des registres , contenant le s déclarations des créanciers
sur ém ig rés, tenus au ci-deva nt d istrict de C lerm on t, n°. 74*
A o , o . a d ’ j i u i vingt-sept octobre m il sept cent quatre-vingtd o u ze, a été déclaré par le procureur syndic du d istrict, q u ’il lu i
avoit été signifié un a c te , en sadite qualité , par le m inistère de
W e l l a y , h u issier, en date de cejourd’h u i, à la requête du citoyen
Pierre B o y e r , avoué au tribunal de district de cette co m m u n e ,
par laquelle il lui est déclaré qu’il étoit bien notoire que depuis
bien des années ledit B oyer avoit eu la confiance de Jean-BaptisteCésar Cham pflour-d’A la g n a t , pour lequel il avoit fa it des affaires
im p ortan tes, et s’étoit p rê té , à son égard , à tout ce que l’on peut
faire pour obliger un galant h o m m e ; q u ’il l ’avoit fait de la m a
nière la plus gén éreu se, ainsi qu’il étoit connu de la fa m ille , 11e
s ’attendant à d ’autre reconnoissance qu ’à celle que se doivent des
amis ; qu’il l ’avoit principalem ent obligé , en souscrivant d iffé rens emprunts faits par ledit C h am pflour, notam m ent un billet de
la som m e de 17,000 francs au profit du sieur R o c h e fo rt, et autres
quatre de
85o francs
ch acu n , le
3
m ars 1 7 9 1 , pour lesquels objets
il y avoit un acte d ’indem nité : 20. d ’un autre de 12,000 fr. prêtés
audit sieur C ham pflour par le citoyen B r u n e i, pour lequel il y
avoit égalem ent indem nité ; qu ’il avoit en outre passé l’ordre de d if
férentes leltres de change tirées sur lui par ledit sieur Charnpflour, dont il étoit dans l’im possibilité de donner
le d é t a il,
attendu qu’il y en avoit à très-longs term es, notam m ent celles
�dos sieurs Bonnet chirurgien, G u y o t de V ic-le-C om te, et- a u lie s, qu i
lui étoit dû à lui-m ême par billet 7,9^0 francs : p lu s , qu il lu i
eto it dû par le d it G ham pjlour-D esm oulins la somme de 12,000
fra n cs par acte devant notaire , lesq u els 12,000 f r . (1) lu i B o y er
avoit emprunte’s pour le s com pter audit Cham pjlour ou à ses créan
c ie r s , e t fo u r n i de se s deniers ce q u i n’ avoit pas é té emprunte ;
m ais que cette somme lu i avoit é té déléguée ci prendre sur les
sieurs de V iiy père et f i l s
par le m êm e a cte du 28 'm a i 1789 ,
lesq u els devaient audit Cham pjlour la som m e de 16,000 fr a n cs
portant quinze cents fr a n cs d’ intérêts ; q u ’i l é to it m êm e porteur\
du titre obligatoire q u i é to it com m un avec le sieu r Champjlour.
a în é e t la dam e B l o t , a u x q u e ls i l étoit dû p a reille som m e.
. Q u ’il avoit été instruit par bru it public que ledit sieur Gésar
Cliam pflour étoit ém igré; q u ’il croyoit devoir prendre les précau
tions qu’exigeoient ses intérêts , e t de faire en conséquence la pré
sente d éclaratio n , avec protestation de faire toutes poursuites néces
saires : lequel acte éloit signé dudit sieur B o yer et de l’huissier.
Q u e M . le procureur-syndic croyoit ne devoir être tenu à autre
chose sur cette sign ification , que de la déposer au secrétariat du
d is tr ic t, pour valoir et servir audit B o yer ce que de raison ;
que les lo is, soit du 8 avril, soit du 2 septem bre d e rn ie r, ne le
rendoient en aucune m anière dépositaire ni surveillant des inté
rêts des créanciers d ’émigrés ; que l ’article V I de la loi du 2
septem bre, prescrivoit au contraire aux créanciers ce q u ’ils avoient
h faire , pour être conservés dans leurs droits , privilèges et hypo
thèques , et être colloqués utilem ent sur les deniers provenans de la
vente des biens des émigrés ; que par conséquent l’acte du sieur
B o yer, q u i, sans être un acte inutile, ne rem plissoit pas néanm oins
(1) O n voit que B o y er ne c o m p to it pas sur m on r e t o u r , lorsqu'il v o u lo it
s'approprier les 12,000 francs énoncés en l'obligation de m o n frère ; q uoique
cette obligation fût consentie de son a v e u , p o u r c a u s e f a u s s e , il ne la portoit pas moins com m e une créan ce légitim e q u ’il vo u loit s’a p p r o p rie r , saut
doute p o u r l'i n t é r ê t d e la n a tio n . Y o i l à ’cet h om m e qui veut que l'h o n n e u r
l u i survive !
�.
(
5 4
}
..
le but de la loi $ur scs intérêts ; et q u ’il ne pouvoit sans autrem ent
se charger, ni sans porter aucun préjudice aux intérêts de la nation
faire la déclaration ci-dessus, et requérir que ledit acte soit déposé
nu secrétariat ; ce qui a été l a i t , sa u f audit B o y e r , s’il le juge à
p ro p o s, à parer aux inconvéniens qui résulteraient de cette décla
ration im parfaite pour ses intérêts ; et au registre a signé
procureur-syndic. N °. 406.
L e d it jour
5
B
e r n a r d
,
décem bre 1 7 9 2 , est com paru au m êm e directoire
de district le citoyen Pierre B o y e r , avoué au tribunal du district
de C lerm o n t, y h a b ita n t, lequel craignant de n ’avoir pas entière
ment* rempli le vœu des décrets par l’acte qu’il a fait signifier
au citoyen Bernard , procureur-syndic de ce d istrict, le 27 octobre
d e rn ie r, a décla ré qu’ i l croyuit devoir la réitérer, e t Vétendre
notamment:sur des objets
qui
doivent
profiter
a
la
républiq ue
,
clans la supposition que J ea n -B a p tiste-C ésa r Cham pjlour-B eaum ont , d o m icilié en cette 'ville ju s q u ’au 14 ou 1 5 ju ille t d ern ier,
s o it ém ig ré, ce que le requérant ignore a bsolu m en t, le sieur
Cham pflour ne lu i ayant a n n on cé son voyage que pour la v ille
de L y o n ,
ne
se
tr o u v a n t
tas sur la
liste des
ém ig rés
,
dans la
q u elle Joseph Cham pjlour son frè re e st inscrit. E n conséqu ence ,
le requérant déclare de nouveau , avec offre d ’ affirm er s}i l en e s t
req u is, ou s i cela p eu t être nécessaire (1) , qu’il est notoire que
depuis huit années il a eu la confiance du sieur Cham pflour , pour
lequel il a fa it des affaires im portantes et heureuses égalem ent
notoirem ent connues ; que par su ite, il s’est prêté à son égard à
tout ce qu ’on peut faire pour obliger un galant hom m e ; q u ’il l’a
lait de la m anière la] plus généreuse, ainsi qu’il est connu de sa
fa m ille, ne s’attendant à d ’autre reconnoissance que celle que se
doivent des amis ; qu’il l’a principalem ent obligé en souscrivant
( l ) Mîi feintne nt l’ un dp mes gendres firent de vains efforts pour arrêter
la d ém arche <Ie B o y e r ; ils offrire n t de le rassurer, par des «ngagemens soli
daires sur leur furtune personn elle, de ;out ce q u ’il pourroit perdre : m.iis
Boyer avoit d ’autres v u e s; il com pto it se faire adjuger m on bien de Be.uw
;npnt.
�( 55 )
.
différens emprunts fa ils par ledit sieur Cliam pflour pour se liquider
envers des créanciers pressans, lesquels il a signé avec lui comme
si les emprunts étoient com m uns , notam m ent cinq billets à ordre.
L e F \ de i 7,000 francs en p rin cip al, au profit du sieur R o clieiort de R io m , et les autres quatre de
3
85 o
francs ch acun, le
mai 1 7 91 , pour lesquels ledit sieur Cliam pflour a fourni le
meme jour une indem nité au requérant dont il a fait le dépôt
présentement.
20. Q u ’il a souscrit avec ledit C ham pilour Un autre billet de
la somme de ia,Goo francs prêtée ù ce dernier par le citoyen
B ru n e i, habitant de cette v ille , du
5
5
m ars 1791 , payable au
mars de la présente année, ignorant le requ éran t, si ledit billet
a été acquitté, pour lequel il y a indem nité du même jo u r, et qu’ il
a également déposé.
6 . Q u 'il a passé l’ordre de différentes lettres de change tirées
en sa faveur par ledit sieur C h am p ilo u r, et dont le requérant a
passé l’ordre en faveur des p rêteu rs, desquels ¡1 est dans l ’im pos
sibilité de donner le détail y en ayant à longs termes et n ’en
ayant pas gardé des notes, com ptant sur la probité et l ’exactitude
du sieur C h am pilour; m ais qu’il en connoit plusieurs, notammeuL
celle du sieur B on n et, chirurgien de cette v ille , dç 8,400 fr a n c s ,
et qui éloit auparavant de 27,300 francs.
4
• Q u ’il a souscrit et accepté deux lettres de change de 3,000 f.
chacune, en faveur du citoyen G u y o t, ’de V ic - le - C o m te , juge du
tribunal du district de B illo m , payable le i " - février 179$, pour
lesquels il y a indem nité du 1 " . février 178 9 , de la part du sieur
C ham pilour , en faveur dudit in stan t, laquelle le requérant a éga
lem ent déposée.
5°. Q u ’il a passé l ’ordre
en faveur du citoyen C h arb on n ier, d ’une
autre lettre de change de la somme de 4>24 ° fr a n c s , tirée par le
sieur C h am p ilo u r, en faveur du req u éra n t, le i 5 m ars 1791 ;
G\ Q u ’il est dû au requérant, i°. la somme de
5, 25o
fr. suivant
le billet consenti par le sieur C h am p ilo u r, le 1 " . octobre 1790 ;
2 . autre somme de 2,5oo f. portée par billet du 11 novem bre 1790;
�( 5G )
5*. enfin d ’une som m e de 400 f . payée en son acquit au citoyen
D essaignes, pour le m ontant d ’un billet de pareille somme , du 22
août 1790» suivant sa q u itta n ce , au dos du 17 janvier 179 1.
T o u s lesquels billets le .requérant a déposé à l’in s ta n t, en exé
cution de l’art. V I de la loi du 2 septembre dern ier, sa u f à les
re tire r, s’il est n écessaire, lesquels ainsi que les indem nités sont
tim brés et non contrôlés.
l i a d écla ré d é p lu s , e t c e
tour
l ’in t é r ê t de
i. a
n a tio n
, sauf
à réaliser sa déclaration à la m u n icip a lité de cette v ille j con
form ém ent à la l o i , q u ’ i l a en ses m ains le s objets suivons , con
cernant le sieur Cham pjlour e t son fr è r e : i°. un dou ble de
traité p a ssé sous sein g privé entre les sieurs A r ta u d -d e-V iry ,
père et fils, et les sieurs Jean-César C bam pflour, Josepli C h am p flo u r, o fficier, et Claudine Cbam pflour et Jean G érard B l o t , son
m a r i, du 14 octobre 17 8 2 , par lequel les sieurs de V ir y se sont
obligés à leur payer la som m e de ,48,000 fr. pour leur portion ,
dans la charge que possédoit le sieur de V i r y , et l’intérêt de cette
so m m e , sans pouvoir la rem bourser de dix années , à com pter de
l’époque du tr a ité , sur le pied de
4 >5 oo
fran cs p ar a n n é e , c ’est-
à-dire, i,5 o o francs c h a cu n , en in térêts, et 16,000 en p rin cip al,
sans préjudice de leurs autres droits ; lequel traité a été suivi d ’une
sentence contradictoire de la ci-devant sénéchaussée de cette v ille ,
du 29 janvier 1 784? portant condam nation de ladite som m e et
des in térêts, sur laquelle som m e de iG,ooo fr. revenant au sieur
C b a m p flo u r, o fficier, il en a cédé au requérant celle de 12,000 f.
par acte du 28 m ai 1 7 8 9 , en sorte q u ’il n ’est plus dû au sieur
Cbam pflour cadet que /¡,ooo ira n c s, et les intérêts de deux années
qui écherront le 14 du présent ;
2°. Q u ’ i l a une procédure contre le sieur de V ir y , père, au nom
des sieurs Cbam pflour et B lo t , au sujet de la com ptabilité des béné
fices de la m êm e charge de receveur des tailles, alors exercée par le
sieur de V i r y , père , dans laquelle le déclarant a fait un projet de
requête qui l’a occupé plus de six m o is, quoiqu’aidé de mém oires
et relevés pris sur les registres-journaux et som m iers pris par le cit.
L o u •/v rctle
�( 57 >
Lonyrette qui y a , de sa p a r t , em ployé au niôilïS trois m o is , sans
désemparer", et qu’il sem b le, d ’après le com pte de clerc à m a ître ,
que le sieur de V ir y est débiteur d ’environ 120,000 fr . envers les
sieurs Cliam pflour et B l o t , le sieur C ham pflour aîné ayant une
portion plus forte que les autres, com m e héritier de son père qui
avoit l’usufruit des biens de la dam e E spin asse, sa fe m m e , e lle s
autres n ’ayant de prétentions effectives sur cette somme que depuis
le décès du sieur Cliam pflour p è re , époque à laquelle la succession
maternelle a été divisée par tie r s , entre les trois enfans venus de
leur mariage , lesquelles pièces le déclarant ne pouvant déposer non
plus que le traité et la sentence, attendu que les deux dites pièces
sont co m m u n es, tan t avec ledit B lot et le déclarant q u ’avec les
irères C liam p flou r, et qu’il en est de m êm e de la procédure, excepté
que le requérant n ’y est que pour son travail qui lui est encore d û ,
offran t cependant de com m uniquer lesdites pièces à qui il appar
tiendra , m êm e avec déplacem ent.
3°.
E n fin , qu’ i l a en ses m ains trois contrats de 'vente sous
seing prive' -3 de d e u x parties de m aison situ ée en ce lte v ille ,
v i s - c i - v i s le s c i- d e v a n t A u g u s t in s } e t d ’ un m oulin sur le
chem in de Clerm ont ,
a lla n t à C liam alières ; les deux pre
m ie r s , du a 5 septembre 1 79° > l
consenti en faveur de Jean
L è b r e , dit M arcillat a în é , et l’autre en laveu r de M agdelaine
C h a rles, veuve de Claude D o n ces, sellier ; et le tro isièm e, du 1'*.
avril 1791 , en faveur d ’H crm cnt Jaco b , tra ite u r, habitant de
celte v ille , m oyennant les prix y én o n cé s, desquels il a pareille
m ent fait le dépôt présentem ent, observant que les objets vendus
appartiennent à ladite B eraud, épouse du sieur C liam pflour a în é ,
com m e faisant partie de la succession du sieur B era u d , son père,
Desquelles déclarations et dépôt le déclarant a requis acte et
récépissé des effets déposes, sans préjudice à lui de tous ses droits
et moyens contre les prêteurs, et au registre a signé B
C op ie certifiée conjorm c :
L A B R Y ,
secrétaire.
II
oyer
.
�d é c l a r a t io n
J
e
du
c it o y e n
l a u o u s s e
.
soussigné recon n ois, déclare et confesse qu’en l’année 1788,
j ’avois prêté au citoyen Cham pflour - D esm oulins, la som m e de
2,400 fr a n c s , de laquelle il m ’avoit fait une lettre de change
p ayable au com m encem ent du m ois de janvier 1 7 8 g ; que long
tem ps avant l’éch éan ce, le citoyen Cham pflour aîné me dit que
son frère D esm oulins étoit inquiet à raison du payem ent de cette
lettre de ch a n g e , et me p ro p o sa , pour le tran q u illiser, de m e
faire lui-m êm e un effet de pareille so m m e , payable à m a volonté ;
ayan t accepté sa proposition pour faire plaisir à lui et à son frè re ,
je lui rem is ladite lettre de change, et il me fit un billet de pareille
so m m e , q u ’il me paya ensuite.
D éclare et co n fesse, en o u tre , que lo n g -tem p s après avoir été
payé du m ontant du b illet représentant ladite lettre de ch an g e,
le citoyen B oyer me présenta la m êm e lettre de ch a n g e, en me
disant : V o ilà un effet dont vous avez été p a y é ; il faut y m ettre
votre acquit ; lequel il me dicta : et com m e il m ’avoit fa it écrire
que c ’étoit des deniers de lui B o y e r, je refusai de le sig n e r; dé
clarant en outre que le citoyen B oyer ne m ’a jam ais rien p a y é ,
ni pour les citoyens C h am pflour, ni pour personne, et que j ’ignore
absolum ent pourquoi celte lettre de change s’est trouvée entre les
m ains de B o y e r , de laquelle je n’avois plus entendu p a rle r, que
depuis l ’année dernière que le citoyen Cham pflour et d ’autres per
sonnes vinrent chez m o i, et m e dirent que le citoyen B oyer prétendoit s ’en faire payer par le citoyen Cham pflour aîné.
C e 29 n iv ô se , an g de la république.
D éclaration de ce que dessus.
LA U O U SSE .
Enregistre à R io n i, le d i x - s e p t germ inal an n e u f, fo lio 48 ,
recto e t verso. Jieçu un f r a n c , p lu s d ix centim es.
P O U G I I O N.
�Saint - A rn aud, le 7 frimaire an 8.
J'ai reçu ta lettre, m on cher C h a m p flo u r, par laquelle tu me
demandes un éclaircissem ent sur une créance de 600 francs que
le citoyen B oyer réclam e de la succession de ton f r è r e , qu’ il d it
n' a voir p a yée au nom de ton fr è r e , je ne puis te dire que ce que
j' ai répondu au citoyen B o y e r, qui est venu m e voir il y a quelque
tem ps, et qui me parla de cet objet. Je cherchai bien à m e rap
peler , et depuis j’ai encore tâché de m e ressouvenir si je n ’avois
pas quelque notion sur ce tte affaire. Je sais que ton frère m ’a dû
plusieurs fois de l’argent qu’il m ’a toujours parfaitem ent payé ;
ainsi je n ’ai rien à réclam er : mais je ne m e rappelle pas que
jam ais il ne m ’ait rien été payé , au nom de D esm o u lin s, par
le citoyen B o y e r; je le lui ai déclaré com m e je te le m ande ic i,
parce que j’e n ’en ai pas la m oindre idée. Je serois aussi fâché
de te faire to rt, que je le serois de porter préjudice à la récla
mation du citoyen B o y e r, à qui j’ai fait la m êm e déclaration que
je te fais là. M ille respects à m adam e de C h am pflo u r; et re ço is,
m on cher a m i, l’assurance de m on bien sincère attachem ent.
L E N O R M A N D .
A R I O M , de l ' im prim erie de L a n d r i o t , seul im prim eu r du
T rib u n a l d ’appel. — A n 10.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour-d'Alagnat, Jean-Baptiste-César. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Champflour
Toutée
Pagès
Dartis-Marcillat
Andraud
Subject
The topic of the resource
créances
assignats
Couthon
émigrés
inventaires
contre-révolution
Blatin
Aubier (abbé)
lettres de change
notables
opinion publique
séquestre
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Jean-Baptiste-César Champflour-d'Alagnat, propriétaire, habitant de la ville de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, défendeur ; contre Pierre Boyer, juge au tribunal civil de l'arrondissement de la même ville, demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
1789-Circa An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0709
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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assignats
Aubier (abbé)
Blatin
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Créances
émigrés
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-
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27c592197791afe49eb2971ab19c8065
PDF Text
Text
; -ï
MÉMOIRE
POUR
Sieur J o s e p h D E G R E IL S D E M ISSILIA C,
appelant d’un jugement rendu par défaut, au
tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse
an 7;
CONTRE
La dame M a r i e D E G R E I L S , sa tante,
intimée.
1
D a n s ces temps m alheureux de troubles et d ’orages
qui fuient déjà, loin de nous , les lois révolutionnaires
ont décidé du sort et de la fortune d ’une foule d’indi
vidus.
Ces lois étoient diversement jugées, exécutées dans
A
•
�( 2 )
toute leur rigueu r, ou quelquefois modifiées, suivant
le caractère ou l’opinion de ceux qui dorainoient alors :
mais on a observé qu’en général les personnes-les plus
opposées à ce système destructeur , sont précisément
celles qui ont voulu tirer le meilleur parti de ces lois
oppressives, et qui en ont en effet profité dans tout ce
qu’elles présentoient d’avantageux à leurs intérêts.
Cette cause en est un nouvel exemple. Un arrangement
avoit eu lieu, depuis loggxjes années, dans une famille
honorable : des filles âgées et célibataires avoient traité
avec leur frère ; elles avoient cédé leurs droits successifs
m o y e n n a n t une somme certaine qui les mettoit à l’abri
de toute inquiétude, et au-dessus des besoins de la vie.
Contentes de leur sort, elles n’eussent jamais osé se
plaindre dans l’ancien ordre de choses, et toute récla
mation eût été vaine.
/
On sent que parmi des gens bien nés on ne prend pas
toutes les précautions légales : les cessions étoient sous
seing privé. La l’évolution arrive; les enfans du cédataire
émigrent ; les Hiens du père sont séquestrés. Quel avan
tage pour lui de n’avoir traité que sous seing privé avec
ses cohéx-itiers !
On peut dissimuler ces actes, demander un partage à
la nation, soustraire une portion des biens. On use de
ce moyen , qui paroît infaillible : les sœurs cédantes
0 obtiennent leur part héréditaire. La mort a frappé plu
sieurs d’èntr’elles*, une seule survit, elle est nonagénaire :
l’exploitation des biens est au-dessus de ses forces; elle
n’a jamais usé du droit ou de la faculté qu’elle avoit
obtenue de l’administration. Mais aujourd’hui elle a
�( 3 )
d’autres idées, d’anciens souvenirs, ou plutôt e’ Ie est
dm gée et séduite par un ambitieux. B ref, elle a pris
goût à la propriété; elle veut que le délaissement qui
lui a été fait soit sérieux ; elle ne craint pas d’accabler
un neveu, un père de famille dont les pertes sont im
menses , et que cette nouvelle prétention réduiroit à la
misère.
La demoiselle de Greils p e u t-e lle espérer quelque
succès d’une démarche aussi téméraire? L ’appelant ne
fait pas cette injure aux magistrats qui doivent prononcer
sur son sort.
F A I T S .
r i anço is de la Volpilière et Marie Vedelène, auteurs
communs des parties, eurent cinq enfans; savoir, Fran
çois, Guillaume, Claude, Honoré et Marguerite.
François, l’aîné, marié à Louise Brugier, a donné le
jour à trois enfans, Gaspard, Madeleine, et Claude, se
cond du nom.
D u mariage de Gaspard de la Volpilière avec demoi
selle Marguerite Cat de Rastinliac, sont issus q u a t r e
enfans; Bertrand, père de l’appelant, M arie, q u i est
l’intimée, Magdeleine et Anne : les trois filles n ’o n t pas
été mariées; l’une d’elles, M agdeleine, est décédée en
l’an 2 ; Anne est morte en l’an 10.
Bertrand de la V olpilière, marié à Jeanne Rastinhac,
a donné le jour à trois enfans; Joseph, a p p e l a n t , marié
a Louise-Rose de P estel, François et Anne : les deux
puînés ne figurent pas dans la cause, ou du moins François
A 2
�( 4 )
ne se montre que sous le nom de sa vieille tante, à qui
la nature a départi un grand brevet de. longévité.
Suivant les énonciations qui se trouvent dans le juge
ment dont est appel, François de la Y olp ilière, second
du nom , aïeul et bisaïeul des parties, étoit donataire de
ses père et m ère, à la charge de payer une légitime
conventionnelle à ses frères et sœ ur, légitime fort audessus des forces réelles des successions.
Un traité du 24 septembre 1694, énoncé dans le môme
jugement, porte délaissement de la part du donataire aux
puînés, d’un d o m a i n e appelé du Bousquet, pour les l’emplir
de leur a m e n d e m e n t .
L e 1 3 juillet 1698, Claude, premier du nom , l’un de
ces puînés, fit donation entre-vifs à François, son frère,
de tous ses biens présens, qui consistoient principalement
dans le quart du domaine du Bousquet, délaissé par l’acte
précédent.
( Mais le donateur grève cette disposition d’une substi
tution en faveur de l’aîné des enfans mâles de son frère;
à son défaut, à la fille aînée, ou tel autre enfant, de
degré en degré, qui seroit encore vivant.
François, donataire, fit son testament en 1716; légua
pour légitime, une somme de 1200 francs à Magdeleine ,
sa fille; celle de 600 francs à Claude, deuxième du nom,
son fils puîn é; institua la dame Brugierj son épouse,
h é r i t i è r e . universelle, à la charge de remettre son hérédité
h Gaspard, son fils aîné.
Gaspard de la Volpilière, après le décès de son père,
devoit être appelé à l’ecueillir la succession de Claude,
premier du nom , son oncle, qui lui étoit substituée.
�( 5 ),
Mais il prédécéda
son
oncle,
et alors * O
A
7 donateur;
i
deleine, sa sœur, en vertu de la clause de la donation
qui appeloit la fille aînée à défaut de l’aîné des mâles,
recueillit le bénéfice de la donation du 13 juillet 1698.
L e 2Ô avril 1747, Bertrand de la Volpilière, frère de
l’intimée, et père de l’appelant, contracta mariage avec
Jeanne Rastinhac : la dame de Brugier, son aïeule, lui
fit donation de tous ses biens, sans autres charges que de
payer à ses sœurs une somme de i 5o francs chacune;
Magdeleine de la V olpilière, tante de Bertrand, lui fait
donation de tous ses biens et droits, et par exprès de la
portion qu’elle amendoit dans le bien du Bousquet, pour
avoir recueilli l’effet de la substitution portée en la do
nation de Claude, premier du nom.
V oilà donc Bertrand de la Volpilière propriétaire de
tous les biens et droits de son aïeule, du quart du do
maine du Bousquet, en vertu de la donation de sa tqnte;
ce qui lui donnoit des prélèvemens considérables sur la
succession de son p è re , dont il amendoit également sa
p ortion, et qui n’étoit rien moins qu’opulente.
C ’est en cet état que le 20 avril l'jBg, il fut passé un
traité sous seing p rivé, entre le sieur Bertrand la V o l
pilière et les dames ses sœurs-, traité qu’il est i m p o r t a n t
d’analiser, pour en faire connoître toute la force, et l’in
fluence qu’il doit avoir dans la contestation s o u m is e a u
jugement de la Cour.
Par cet acte, les trois filles majeures f a i s a n t des vœux
pour la conservation des biens dans leur famille , et
voulant éviter toutes discussions, r e n o n c e n t ail partage
quelles avoient droit de prétendre sur Jcs successions des
�(
6
)
père et m ère, et s’en démettent au profit d e ‘Bertrand la
V o lp iliè re , leur frère.
Cette renonciation est faite moyennant la somme de
35 oo francs, que le frère s’oblige de payer à chacune
d’elles, en sept termes égaux de 5oo francs chacun, avec
les intérêts à compter du jour du traité.
L e premier terme échoira à la volonté des renonçantes,
lorsqu’elles en feront la demande, ou lorsque le cédataire voudra se libérer; mais comme 1 interet est cependant
fixé à i 5o fr. par année, ce qui 11e fait pas précisément
le revenu de la totalité du principal, cet intérêt sera
payé sans retenue.
Il est ajouté : « Afin que mesdites sœurs puissent
« vivre de leurs revenus, et ne touchent point à leurs
« capitaux, je promets payer la somme de ^5o francs en
« trois termes ég a u x , de quatre en quatre m ois, dont
« le premier doit échoir au I er. mai lors prochain, sans
« imputation sur le capital. »
D e plus, le sieur de la Volpilière du Bousquet, cède
et abandonne à ses sœurs, pendant leur v i e , l’entière
jouissance de la maison de Vi'gouroux, de l’écurie, bassecour et jardin potager : les grosses réparations restent à
la charge du cédataire ; tous les meubles doivent aussi
rester aux renonçantes, sauf l’inventaire, mais sans qu’elles
soient tenues à aucune indemnité pour cause de dépé
rissement.
L e frère leur cède encore, pendant leur v ie , vingtcinq à trente charretées de bois que les fermiers de
Roupon et du Bousquet sont tenus de porter, chaquo
année, dans la maison de Vigouroux : il promet de
�( 7 )
faire obliger et contraindre à l’avenir, à cette conduite,
tous métayers ou fermiers.
A u moyen de ces conventions, les demoiselles de la
V olpilièrc tiennent leur frère quitte de tous droits légitim aires, tant paternels que maternels, de ceux échus
des oncles, tantes, aïeuls et aïeules; le sieur Bertrand de
la Volpilièrc devient responsable de toutes les dettes
contractées jusque hui, de même que de toutes créances
légitimes, pour dépenses, réparations, nourriture de ses
sœurs, et généralement pour quelque cause que ce soit.
Cet acte est fait en présence de la famille, et revêtu
de la signature des parties comme des parens, tels que
M M . Lastic de la Vergnette, Lastic de l’Escures , la
T e r risse, etc.
L e 3 mai 1769 , le sieur Joscpli Cat de Rastinliac
fuit son testament olographe, par lequel il institue pour
son héritier universel le sieur Bertrand de la V olpilière,
son neveu.
La cession de droits dont il vient d’être parlé a eu
sa pleine et entière exécution du jour de sa date. Il est
même fait mention dans l’acte que ces arrangemens de
famille avoient eu lieu depuis plus d’un an avant leur
rédaction.
Les demoiselles de la Volpilière firent un inventaire
des meubles, aussi sous seing privé; elles ont r e ç u leurs
intéi’êts, ainsi qu’il résulte d’une foule de quittances,
également sous seing p riv é , dont l’appelant est porteur.
Le i 5 janvier 17775 Joseph de la V o lp iliè re , appelant,
épousa dem oiselle Louise-Rose de Pestel ; son p ere lui
fit donation de la m oitié de ses biens , et promit de
�(8)
n’instituer d’autre héritier que lui dans le surplus, sous
la reserve de ses effets actifs, et d’une somme de 14000 fr.
La dame de Rastinhac , sa mère , fait une semblable
disposition en sa faveur, sous la réserve d’une somme
de 6000 fr. Le contrat contient encore une donation de
la terre de Roupon au profit de l’appelant. '
Tels sont les règlemens de famille : l’union y avoit
toujours régné. Lorsque la révolution arrive, l’appelant
et son frère émigrent : tous les biens du père sont sé
questrés en vertu des lois du temps. Il étoit alors septuagénaire, et se voyoit sans ressource.
Les p a r e n s et les amis conseillent au sieur Bertrand
de G r e i l s de mettre de côté les actes souscrits par ses
s œ u r s , et de leur faire demander le partage des biens
des auteurs communs , pour sauver du naufrage cette
partie, avec d’autant plus de raison qu’on craignoit qu’il
ne fût procédé à la vente des objets donnés au fils aîné,
qui est l’appelant.
On présente une pétition sous le nom de deux sœurs
du sieur Berterand de Greils, qui étoient alors vivantes
(M agdeleine, l’une d’elles, étoit m orte), à l’adminis
tration centrale du département. Cette pétition reste
quelque temps dans l’oubli ; mais enfin après la loi qui
obligeoit les ascendans- d’émigrés de faire le partage avec
la nation, il devint pressant de faire statuer sur la de
mande des sœurs. L ’administration prit un arrêté, le 29
o-erminal an 4 5 Par lequel il est dit que la demande en
partage formée p;ir les demoiselles de Greils ne concerne
pas les corps administratifs : c’est une discussion qui est
toute entière du ressort des tribunaux ; en conséquence
les
�(9)
les demoiselles de Greils sont renvoyées devant les tribu
naux compétens , pour se pourvoir contre leur frère;
et à cet effet sont autorisées à citer le commissaire près
l’administration ; mais en même temps l’arrêté autorise
les Fermiers du domaine de Roupon et de la montagne
de Trilissons , à faire compte provisoirement aux péti
tionnaires, de la moitié des fermages de ces biens.
L e 20 messidor an 4, les demoiselles de Greils citent
leur frère devant le tribunal civil de Saint -F lo u r;
elles assignent pareillement le commissaire du gouver
nement.
Elles concluent à ce que leur frère soit tenu de venir
h division et partage des biens meubles et immeubles
dépendans des successions de Gaspard Greils et Margue
rite Rastinhac, pour leur en être expédié à chacune un
quart, et un tiers du quart revenant à M agdeleine, dé
cédée ab intestat.
Elles demandent la nullité de la substitution prétendue
faite par Claude, leur grand-oncle, le 13 juillet 1698;
elles prétendent que cette substitution n’a pu profiter à
Magdeleine Greils, tante des parties, mais qu’elle a dû
revenir à Gaspard G reils, fils à François, et à ses descendans.
Elles soutiennent n’avoir reçu aucun mobilier ; que
tout celui qu’elles possèdent est le fruit de leur économie.
Cependant l’inventaire qui fut fait, à la suite de leur
cession est entre les mains de l’appelant.
Elles demandent en conséquence le rapport du mobiliei suivant l’inventaire ou suivant la commune renomïn ee, la institution des jouissances, le payem ent des
B,
�( 1° )
dégradations; elles concluent
ce que ces jouissances
leur soient payées en biens-fonds , attendu la maxime :
F ructus augent hozreditatâtn.
Elles demandent aussi, i° . le payement d’une somme
de i5o francs pour chacune d’elles, montant du legs de
Louise Brugier, leur aïeule, et énoncé au conti’at de
mariage de le ur frère; 2°; celle de 100 francs pour les
deux tiers de pareille somme de i 5o francs donnée à
M agdeleine, leur sœur; 3 °* une sotnme de 1000 francs
léguée à chacune d’elles par Joseph Cat de Rastinhac,
dans son t e s t a m e n t du 3 mai 1769 ; 40. les deux tiers
de pareille somme de 1000 francs, du chef de Magde
leine. Toutes ces sommes doivent leur être payées en
biens-fonds.
Elles offrent de tenir en compte la somme de i 5o fr.
qui leur a été payée chaque année par leur frère , de
déduire sur les jouissances celles qu’elles ont faites de la
maison de V igou ro u x, du jardin, et d’un pacage y at
tenant.
On sent que Bertrand de Rastinhac se garde bien de
contester : il ne comparoît pas sur cette demande; la lutte
ne s’établit qu’avec le commissaire du gouvernement.
Celui-ci demande acte de ce que, tant sur la demande
en payement du legs de Joseph Rastinhac, que sur celle
en partage de la succession de Gaspard G reils, il s’en
rapporte à la prudence du tribunal; mais il soutient
qu’avant tout partage il doit être prélevé au profit de
Bertrand G r e i l s , comme donataire de Magdeleine Greils,
sa tante, et de Louise Brugier, son aïeule, i° . le quart
des héritages dépeudaus du domaine du Bousquet, énoncés
�en la donation et substitution de 1694, parce que le
commissaire trouve cette substitution très-valable.
20. Il consent qu’il soit procédé à ce partage des biens
dépendans de la succession de François Greils, aïeul des
parties, consistansdans le surplus du domaine du Bousquet,
celui deR oupon, la maison des Vigouroux et ses dépen
dances, ensemble du mobilier énoncé en l’inventaire
porté au testament de François G reils, pour en être
délaissé un neuvième du chef de Magdeleine Greils,
tante, deux tiers de neuvième revenans à Claude Greils,
dans la môme succession, lesquelles portions revenoient
à Bertrand G reils, comme donataire de sa tante.
30. Que Bertrand Greils sera également autorisé à
p rélever, avant tout partage, les reprises matrimoniales
de Louise Brugier, son aïeule, à la charge néanmoins
de payer à chacune de ses sœurs la somme de iô o fr .
à elles donnée par leur aïeule.
L e commissaire du gouvernement consent que le sur
plus de la succession de Gaspard soit partagé en trois
portions égales, pour en être attribué aux deux deman
deresses chacune un tiers , h la charge de rapporter les
meubles et immeubles dont elles sont en possession,
et de contribuer, dans la proportion de leur amende
ment , aux dettes de la succession.
Mais il s’élève fortement contre la prétention des
deinanderesseâ, qui vouloient qu’il leur fût expédié des
biens-fonds pour le montant de leurs legs, ou pour la
restitution des jouissances ; elles sont simplement créan
cières de deniers pour tous ces objets.
. On ne doit pas dissimuler qu’on trouve dans les faits
B a
�( 12 )
énoncés nu jugement, la mention d’ un exploit sous la
date du 14 juin 1786, et qu’il y est dit que par cet
exploit M arie, Anne et Magdeleine de Greils avoient
formé contre B e r t r a n d , leur frère, au ci-devant bail
liage de V ie , la demande en partage des successions des
père et mère communs , pour leur en être délaissé à
chacune un quart, avec offres de se restreindre à un
supplément de légitime, s’il étoit justifie de dispositions
valables de la part de Gaspard Greils et Marguerite
Rastinhac, père et mere communs.
Cette c i r c o n s t a n c e est assez indifférente, et n’auroit
pas eu b e s o i n d’être relevée, si o n n’étoit prévenu que
l’iutiinée entend s’en faire un moyen.
Quoi qu’il en soit, le 22 ventôse an 7 , fut rendu le
jugement qui est aujourd’hui soumis à l’examen de la
Cour, et dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que d’après la clause insérée dans l’acte
« de 1698, Gaspard la V o lp ilière, fils aîné de François,
« devoit recueillir l’eiîet de la substitution, et après
« son décès, Magdeleine la V o lp ilière, fille aînée dudit
et François;
« Attendu que François et Gaspard la Volpilière ont
« prédécédé Claude, donateur; quelesenfans de Gaspard
« ne se trouvent ni dans la condition ni dans la disposi« tiou ; d’où il suit que Magdeleine la Volpilière a
« recueilli l’effet de la substitiou, surtout Agissant d’une
« donation en collatéral, et hors contrat de mariage;
oc Attendu que Magdeleine la Volpilière et Louise
« Brugier ont valablement disposé de leurs biens au
<r profit de Bertrand Greils, par son contrat de mariage
�( i3 )
« de 1747 5 qu’ainsi il doit être fait distraction , avant
« partage, sur les Liens dont il s’agit, des portions
« revenantes à Magdcleinela Volpilièreet Louise Brugîer;
■« Attendu que d’après tous les principes du droit, Je
« montant des legs est payable en deniers et non en,
« fonds, que d’ailleurs Louise Brugier n’avoit qu’une
« dot mobiliaire ;
« Attendu que les fruits augmentent l’hérédité et en
« font partie , d’où il suit que le légitiinaire a le droit
« de les demander en biens-fonds ;
« Attendu les offres faites par les demanderesses de
« rapporter ce qu’elles ont re çu , et les jouissances par
« elles perçues ;
« Attendu qu’il n’est pas établi que les demanderesses
« aient .fa it aucune cojivention avec Bertrand Greils,
« pour raison des restitutions de jouissances, ni qu’elles
« aient profité d'aucune espèce de mobilier ;
« Le tribunal donne défaut, faute de com paroir,
« contre Bertrand Greils ; et pour le profit, sans s’arrêter
« ni avoir égard à la demande en nullité de la substi« tution portée en l’acte de 1698, dont les demanderesses
« sont déboutées , condamne Bertrand Greils à venir à
ci division et partage avec ses sœurs, des biens meubles
« et immeubles dépendans des successions de Gaspard
« Greils et Marguerite Rastinliac, auteurs communs, pour
« en être expédié à chacune des demanderesses un tiers,
« tant de leur chef que de celui de Magdeleine, leur sœur;
« Ordonne qu’avant partage distraction sera faite au
« profit de Bertrand G reils, i ° . du q u a r t des butimens
« et héritages dépendons du domaine du Bousquet ?
�C 14 )
« délaissés par l’acte de 1694-, 20. du neuvième, et d’un
« autre tiers de neuvième revenant à Bertrand Greils
« dans la même succession, du chef de Louise Brugier,
k comme ayant succédé pour un tiers à Claude la V ol« pilière, son fils; ordonne que les parties conviendront
k d’experts, etc. » Le rapport du mobilier est ordonné
suivant l’inventaire , ou suivant la preuve par commune
renommée, avec l’intérêt de ce mobilier depuis l’ouver
ture des successions.
Bertrand Greils est c o n d a m n é à restituer les jouissances
depuis la m ê m e époque, avec les întcrets de ces jouissances
depuis la d e m a n d e d e 1786.
Les demanderesses sont tenues de rapporter , i° . la
somme de 1 5o francs qu’elles ont touchée chacune depuis
vingt-neuf ans avant la demande de 1786; 20. les deux
tiers de la" même somme touchée par Magdeleine, leur
sœur ; 30. la valeur de dix chars de bois par elles perçus
depuis la même époque; 40. les loyers et restitutions de
jouissances de la maison, jardin et pré situés à V igouroux.
Ces jouissances doivent être compensées jusqu’à due con
currence avec le montant de la restitution qui leur est
allouée ; l’excédent doit leur être ï>ayé en biens-Jbnds
de la succession.
B e r t r a n d Greils est condamné à payer à ses sœurs,
1°. à chacune d’elles i 5o francs, légués par Louise Bruo-ier ; 20. celle de 100 francs pour les deux tiers revenans
à M agdeleine, leur sœur , avec intérêt du tout depuis la
demande ; 30. la somme de 1000 francs ù chacune d’elles,
montant du legs du sieur Cat de Rastinhac ; 40. les deux
�(i5)
tiers de cette somme du chef de Magdeleine, avec intérêt
depuis l’échéance des termes.
Les demanderesses sont condamnées à payer à leur
frère les deux tiers des reprises matrimoniales de Louise
Brugier, les dettes par lui acquittées sur les successions,
avec intérêt depuis la même époque que les restitutions
de jouissances : les sœurs doivent contribuer dans la pro
portion de leur amendement aux dettes non encore ac
quittées.
Sur le surplus des demandes, les parties sont mises hors
d’instance ; les dépens sont compensés, pour être em
ployés en frais de partage et supportés par les parties au
prorata de leur émolument: le jugement est déclaré com
mun avec le commissaire du pouvoir exécutif près l’ad
ministration centrale du département.
Cette opération term inée, le sieur Bertrand de Greils
p ère, crut devoir se rassurer sur les événemens : les lois
devinrent moins rigoureuses-, l’année qui suivit ce juge
ment fut une époque heureuse pour la France. L e héros
magnanime qui nous gouverne parut dans toute sa gloire;
les proscrits furent rappelés, et retrouvèrent une patrie;
enfin le sénatus-consulte de floréal an 10, ordonna la res
titution de tous les biens des émigrés qui n’avoient pas
encore été vendus.
Les sœurs de Greils se félicitèrent elles-mêmes de ces
cliangemens avantageux : leur frère conservoit sa fortune;
elles laissèrent dans l’oubli ce jugement que les circons
tances leur avoient fait solliciter.
Elles n’ont rien réclamé ; l’une d’elles est décédee avant
�C 16 )
s011 frère , qui a vécu jusqu’au 14 avril 1806, et a poussé
sa carrière jusqu'il l’âge de quatre-vingt-cinq ans.
Pendant toute sa vie , le jugement de l’an 7 a resté sans
exécution. Le sieur Bertrand deGreils jouit comme de cou
tum e, donna, à titre de ferm e, pour sept ans, les biens
que convoite l’intimée : ce bail est du 2 nivôse an 9, et
a eu sou exécution. Mais un an après le décès de Bertrand,
et le I er. décembre 1807, M a r i e de Greils a imaginé de
faire signifier ce jugement au sieur Joseph de Greils,
son neveu , trouvé et compris dans une auberge de
Pierrefort.
On lui notifie en même temps le testament d’Anne de
G reils, sa tante , en date du 8 ventôse an 10, par lequel,
usant du bénéfice de la loi du 4 germinal an 8 , elle lègue
en préciput à M arie, sa sœur, la moitié de tous ses biens,
et fait quelques autres legs particuliers fort insignifians ,
puisqu’ayant un frère, elle ne p o u vo it, aux termes de la
même lo i, donner que la moitié de ses biens.
La demoiselle Marie de Greils , par cette signification,
fait commandement à son neveu de satisfaire à ce juge
ment , et de lui payer toutes les condamnations qu’il
prononce en principal, intérêts et frais, tant de son chef
que comme héritière de sa sœur Anne.
L e sieur Joseph de G reils, étonné de cette démarche,
qui est une perfidie , et qu’on a arrachée à la foiblesse
d’une fille nonagénaire , prend le parti d’interjeter appel
de ce jugement par exploit du 12 février 1808.
L ’appelant, par cet acte, rend un compte exact des »
arrangeinens de fam ille, rappelle l’exécution constante
do
�( i7 )
de ces actes, observe que le partage n’a été demande
par ses tantes, que de concert avec leur frère; qu’elles y
avoient été admises contradictoirement avec le commis
saire du gouverment, mais par défaut contre le frè re,
qui étoit alors obligé, pour son propre intérêt, de dis
simuler la cession de 1759.
Mais il a ajouté que jamais ses tantes n’ont réclamé
l ’exécution du jugem ent, qu’elles n’ont fait aucun acte
de propriété sur la portion qui leur avoit été destinée
par le partage national ; que le tout a resté dans les mains
de son p ère, et après sa mort entre celles du fils, son
donataire.
Qu’il est bien fondé à se plaindre de cette démarche
hostile; qu’il entend faire valoir la cession de 17^9,
qu’il a soumise à la formalité de l’enregistrement ; faire
réformer un jugement qui n’a plus d’objet, et qui n’existeroit pas si son père avoit fait connoître la cession de
droits successifs qu’il avoit dans les mains.
La demoiselle de Greils n’a pas moins insisté dans ses
prétentions, ou plutôt celui qui la dirige a fourni des
moyens que la moralité repousse, que l’équité proscrit,
et que la justice ne peut accueillir.
E t d’abord, que toute idée d’opulence et de grandeur
disparoisse au plus léger examen de la valeur des biens
de cette famille.
L e traité de 1694 prouve que François de la Volpilière se plaignoit de ce que les légitimes convention
nelles excédoient la disposition qui avoit été. faite a son
profit; les cohéritiers en conviennent e t acceptent le de-
�( 18 )
laissement du domaine du Bousquet pour les remplir de
tous leui’S droits.
Bertrand de la V olpilière, son petit-fils, n’étoit pas
plus opulent : les dettes étoient considérables, et le bien
m odique; la valeur ne s’élevoit pas à 30000 fr. T out
étoit dans un état de délabrement et de ruine ; les ré
parations nécessaires étoient au-dessus de ses forces. Ces
trois sœurs expriment leux* intention de conserver les
biens h leur frère ; elles prennent des arrangemens en
pleine m a j o r i t é , en présence de leurs parens et d’un
conseil éclairé.
'
Elles c è d e n t tous leurs droits successifs, jus et nomen
Jicercdis ; elles se dégagent de toute inquiétude, des
embaiTas d’une liquidation, du payement des dettes dont
le frère devient seul responsable.
Une convention de cette nature est nécessairement irré
vocable, et ne peut être sujette à restitution ; c’est un
acte aléatoire, incertain dans ses effets, et l’incertitude
de l’événement rend nécessaix’ement le marché égal.
Comment apprécier le gain ou la perte, lorsque l’évé
nement le plus commun peut réduire le cédatairp à un
état fâcheux ? Il ne faut qu’une promesse, un billet ignoré
du d éfun t, pour absorber la fortune qui paroît le plus
s o l i d e m e n t établie. Les créanciers ont trente ans pour
former leur demande, l’action en restitution ne dure que
dix ans; il est donc impossible de vérifier la lésion: une
s e m b l a b l e p r o p o s i t i o n n’a pas, besoin d’un grand déve
loppement. Dans tous les cas, on peut invoquer sur ce
point la doctrine des auteurs, de Legrand sur Troies,
�( i9 )
de Lebrun dans son Traité des successions, au titre des
renonciations, de M . Daguesseau dans son onzième
plaidoyer. Ce magistrat immortel compare le cédataire
de droits successifs à un homme qui marche sur un
feu caché sous la cendre, incedit super ignés suppositos cmere doloso ; il pense qu’on ne peut jamais consi
dérer une cession de droits comme un partage sujet à
restitution, parce que la cession est précisément déné
gative de tout partage, et que celui qui vend ju s et
nomen hœ redis, déclare qu’il ne veut pas être héritier.
Cette doctrine admise dans l’ancienne jurisprudence,
est devenue une règle de droit d’après l’article 889 du
Code N apoléon, qui porte que l’action en restitution
n’est pas admise contre une vente de droits, successifs
faite sans fraude à l’un des cohéritiers, à ses risques,
périls et fox*tunes , par ses auti-es cohéritiers ou l’un
d’eux.
Dans l’espèce, la cession est faite par tous les cohé
ritiers ; elle est aux risques, périls et fortunes du sieur
de Greils. Ses sœurs abandonnent la qualité d’héritières,
elles le chargent de toutes les dettes de la succession ,•
il est donc impossible de revenir contre un acte qui les
met à l’abri de toute incertitude et de toutes recherches.
L a demoiselle de Greils sera forcée de rendre hom
mage à ces principes , puisqu’elle renferme sa défense
dans des moyens de forme et des fins de non-recevoir.
Suivant elle, cette cession de 1769 est nulle; c’est un
acte synallagmatique ; il y avoit quatre parties contrac
tantes , les trois sœurs cédantes , et le frère cédataire.
Cependant il est seulement exprimé que l’acte a été fait
�C 2° )
double, tandis qu’il devoit être quadruple; dès-lors il n’y
a point d’engagement valable.
Ce moyen poarroit-il être sérieusement proposé ? En
général, avant la promulgation du Gode, on tenoit pour
c o n s t a n t , dans l’usage, qu’il suflisoit pour la validité d’un
actesynallagmatique qu’il contînt la mention f a i t double;
011 11’avoit aucun égard, on ne considéroit pas môme
le nombre des parties c o n t r a c t a n t e s ; on n’exigeoit pas
qu’il fût expressément dit qu’il avoit été fait triple., qua
druple , quintuple ou s e x t u p l e : des qu il étoit mentionné
f a i t double, on devoit l’exécuter, parce qu’on supposoit que chacune des parties le connoissoit suffisamment.
Mais pour exiger un double pour chacun, faudroit-il
que chacune des parties eût un intérêt distinct? O r ,
ici il n’y avoit véritablement que deux parties : les sœurs
cohabitoient ensemble, et devoient continuer cette vie
commune; c’étoit le même intérêt, la même habitation,
les mêmes clauses, les mêmes sommes étoient stipulées
pour chacune d’elles ; les trois filles réunies traitoient
avec leur frère dans les mômes intentions, pour la même
chose, pour le môme intérêt; il n’y avoit donc besoin
quô de deux doubles , l’un pour les trois sœurs, afin
qu’elles eussent les moyens d’obliger leur frère à remplir
scs engagerons, et l’autre pour le frère , afin de repousser
toute demande en p a r t a g e de la p a r t de ses sœurs. Dèslors avec deux doubles le but de la loi étoit rem pli,
et l’intérêt des parties contractantes étoit à couvert.
Mais on va plus lo in , on supposera même qu’il n’y
eût dans l’acte aucune mention qu’il a été f a i t double,
Marie de Greils n’en seroit pas mieux fondée dans sa
;
�(21
)
prétention. En effet, le Gode Napoléon, qui a réduit
toutes ces réclamations à leur juste valeur, contient en
l’article 1325, §. dernier, ces expressions remarquables:
« Néanmoins' le défaut de mention que les originaux
« ont été faits doubles, triples , etc. , ne peut être
« opposé par celui qui a exécuté de sa part la conven« tion portée dans l’acte. »
O r , Marie de Greils est bien forcée de convenir que
cet acte de 1 7 % a eu sa pleine exécution : son aveu est
consigné partout, dans l’inventaire, dans les quittances
qu’elle a fournies, dans le jugement même dont est appel,
où elle offre de tenir à compte les i 5o francs qu’elle a
reçus par année , les jouissances de la maison de V igouroux, jardin, écurie, et le bois qui lui a été livré;
de manière qu’il n’y a aucune incertitude sur ce point
de fait.
Eli ! qu’elle ne dise pas que le Code Napoléon fait en
ce point un droit nouveau ; qu’il ne peut avoir d’eflet
rétroactif sur une convention qui remonte à cinquante
ans! D ’abord ce seroit une erreur, parce que le Code doit
régler le sort des actes ordinaires sur lesquels il ne s’élève
des discussions que depuis sa promulgation : et il y a
bien moins de doute, lorsque le Gode ne fait que se ré
férer aux anciennes lois ; il en est alors la meilleure in
terprétation : et dans l’espèce particulière, sa disposition
est tellement raisonnable, qu’il semble qu’on a toujours
dû penser et juger de m êm e, parce que l’exécution des
actes est le guide le plus certain, l’interprétation la plus
sûre qu’on puisse leur donner. D ’ailleurs, dans l’ancien
ordre, il suflisoit de la mention du double, en quelque
�( 22 )
nombre que fussent les contractons, parce que cette men
tion supposoit que chacun avoit dans les mains tous les
moyens d’exécution.
Ainsi disparoît ce premier m oyen , qui ne fait point
honneur à la loyauté et à la bonne foi de l’intimée.
Elle oppose ensuite que le jugement dont est appel
a aujourd’hui passé en force de chose jugée-, elle sou
tient, i° . que l’appel est non recevable, parce qu’il a
été rendu contradictoirement avec le commissaire du
pouvoir exécutif; a°. que le sieur Bertrand Greils l’a
ex’écuté : et on veut faire résulter' un acquiescement, de
ce que le sieur Bertrand Greils a fait le partage avec la
nation , qu’il a pris l’expédition du jugement qu’avoient
retirée ses sœurs, et enfin que par une lettre du 8 vendé
miaire an 8 , il a écrit qu’il ne contestoit pas à ses sœürs
la portion qui leur avoit été attribuée. Il faut examiner
séparément chacune de ces objections.
En premier lieu , comment l’appel du sieur Joseph
de Greils seroit-il non recevable? le jugement est rendu
par défaut, faute de comparoir, contre son père; il n’a
jamais été signifié au sieur Bertrand de Greils.
A la vérité , et quoique l’intimée ne rapporte aucun
exploit de signification , elle veut y suppléer par une
prétendue saisie qu’elle dit avoir faite entre les mains
d’ un débiteur de son frère.
Mais d’abord, dans tout ce qui est rigoureux, rien ne
peut suppléer à une signification ; z°. rien n’empêclie
de faire une saisie-arrêt entre les mains d’un tiers, en
vertu d’un jugem ent, avant qu’il ait été signifié î\ la
partie, parce qu’une saisie-arrêt n’est qu’un acte con
servatoire,
�( 23 )
On va plus loin , on supposera même qu’il ait été
signifié, celte précaution n’en seroit pas plus importante
clans la cause. En effet, la loi du 16 août 1790 dit que
l’appel d’un jugement contradictoire ne sera pas reçu ,
s’il n’a été interjeté dans les trois mois à compter de sa
signification à personne ou domicile.
Il ne s’a g it, dans la lo i, que d’un jugement contra
dictoire , et on ne peut raisonner d’un cas à un autre.
Ij’appel d’un jugement par défaut n’est donc nullement
lim ité; il seroit recevable après les trois m ois, même
dans les dix ans, à compter de sa signification, aux termes
de l’ordonnance de 1667.
Cela est si vrai, que la question s’est élevée, non sur
un premier jugement par défaut, mais sur un second,
également par défaut, qui déboutoit de l’opposition au
premier. On vouloit considérer ce second jugement
comme contradictoire et définitif, dès qu’on ne pouvoit
l’attaquer que par la voie de l’appel; cependant le direc
toire exécutif, par un arrêté très-précis, décida que la
rigueur de la loi ne pouvoit s’appliquer à un jugement
de ce genre, et la jurisprudence des temps se conforma
à cet arrêté, même après la suppression du directoire,
et jusqu’à la promulgation du Code de procédure, qui
établit de nouvelles règles pour l’appel des jugemens
par défaut. La Cour l’a ainsi jugé par p lu s i e u r s arrêts,
notamment dans la cause du sieur Mazeyrut contre les
héritiers Barba t.
Ainsi quand bien même on rapporteroit aujourd’hui
la signification de ce jugement au sieur Roupon luimême , l’appel seroit toujours recevable, car il ne s’est
�(H )
pas écoulé dix a n s ’ depuis l’obtention du jugement jus
qu’à l’appel ; et si on vouloit user des nouvelles dispo
sitions du Gode de procédure, l’appel de Joseph de
Greils est venu dans les trois mois de la signification :
il n’y a donc pas de fin de non-recevoir.
M ais, d it-o n , ce jugement est contradictoire avec la
partie publique, qui représentoit alors le sieur deRoupon.
O ù l’intimée a-t-elle trouvé que le commissaire du gou
v e r n e m e n t représentât lë sieur Bertrand de Greils? Si le
sieur Bertrand de Greils eût été émigré lu i-m ê m e , si
s e s
b i e n s eussent été confisqués au profit de la nation,
on p o u r r o i t rigoureusement dire que; l’émigré a é t é re
présenté par la partie publique.
• Ici le sieur de Roupon étoit seulement ascendant d’é
migré ; ses biens n’étdient nullement confisqüés. Une
loi dé l’an 3 vouloit què les ascendans fissent le partage
de leurs biens, âpres un prélèvement de 20000 francs,
parce que la nation pren oît, à titre de présuccession ,
la portion revenante auxjémigrés. Dans ce cas, la pré
sence du commissaire étort essentielle ou nécessaire, non
pour représenter l’ascendant contre lequel il étoit partie,
mais pour veiller à l’intérêt du gouvernement et pour
empêcher les fraudes.
L e sieur Roupon, au lieu d’être représenté par le com
missaire , avoit au contraire à le combattre ; c’étoit sa
partie adverse, et la plus redoutable, parce que les armes
n’étoient pas égales; et ce combat, cette discussion qui
s’élevoit entre l’ascendant d’émigré et la partie publique,
répugne à toute idée de représentation, puisque les in
térêts étoient si fort opposés.
Le
�(
)
L e jugement dont est appel, est donc purement et sim
plement un jugement par défaut, faute de comparoir,
contre le sieur Roupon -, par conséquent il a pu l’attaquer
par la voie de l’appel ; et son fils, qui le représente, a
eu le même droit que lui.
L ’intimée ose ensuite prétendre que le sieur Bertrand
de Greils, son frère, a acquiescé à ce jugement, et l’a
pleinement exécuté ; elle a conservé fidèlement deux
lettres, dont elle ne rougit pas de faire usage.
Dans l’une, sans date, son frère lui demande l’expé
dition de ce jugement, pour l’envoyer au département,
afin que le partage se fasse avant la fa ta le loi qu'on
nous annonce.
Eli quoi ! ce père infortuné craint qu’on ne le dé
pouille entièrement ; il veut conserver quelques débris
de sa fortune; il presse l’exécution d’un partage qui lui
présente au moins une planche dans le naufrage : il l’é
crit ainsi A ses sœurs ; il leur recommande même de plier
cette pièce devenue si précieuse, pour qiùelle ne se gâte
p a s , et c’est là ce qu’on veut faire regarder comme un
acquiescement! mais n’est-ce pas au contraire la preuve
la plus certaine de la simulation de cet acte : quelle étoit
l’intention du sieur Bertrand de Greils ? de perdre le
moins possible; de damno vitando. Il a assez de confiance
en ses sœurs pour se servir de leur nom , afin^d’arcacher
à la nation une partie de sa fortune; et ses sœurs veulent
en profiter! elles viennent dire â leur frère : vous nous
avez crues sensibles et probes; les plus douces affections,
la confiance la; plus, entière dans les liens du sang vous
ont fait penser que nous compatirions à vos peines, que
ü
�( 2 6 )
nous chercherions à vous soulager; vous vous êtes trom
pé : en vous livrant sans réserve à notre fo i, vous avez
trouvé de nouveaux ennemis, pins dangereux encore que
la nation elle-même : elle vous auroit laissé des alimens;
vous auriez conservé un prélèvement de 20000 francs:
mais nous, nous voulons consommer votre ruine, vous
accabler, réduire un père octogénaire à la misère, ses
enfans au désespoir, et se.s petits-enfans à la charité pu
blique. Voilà ce que veut prétendre l’intimée, et tel est
son langage, en o p p o s a n t un prétendu acquiescement,
N on , la p e r v e r s i t é des hommes ne peut aller jusque là;
ou si la dépravation est portée à ce point, ceux à qui
il r e s te quelques idées de vertu doivent frémir d’indigna
tion et d’horreur............
La seconde lettre, du 8 vendémiaire an 8 , seroit-elle
plus déterminante? Qu’on écoute le langage d’un père
suppliant, qui veut ménager de vieilles filles célibataires,
chez qui le sentiment est au moins émoussé. Il ne se
plaint qu’en tremblant de la saisie - arrêt faite par ses
sœurs sur un bien qui lui appartient. Il ne veut pas
leur disputer les deux tiers que la nation leur a accordés,
il réclame un certain nombre de vaches qui sont à lu i;
et si ses sœurs prennent sur elles de faire saisir son
revenu, il charge son p e tit-fils , porteur de sa lettre,
de passer h Roupon , de dire au métayer de lui apporter
tout de suite cette saisie pour y répondre : ses sœurs dé
duiront leurs moyens, et lui les siens ; mais cela ne l’em
pêchera pas de vivre en bon frère.
Il ajoute avec sensibilité que ses sœurs lui marquent
que leur âge et leurs infirmités ne leur permettent pas
�C 2i )
cles sacrifices. Il leur observe, à son tour, que son âge,
ses infirmités, et la façon avec laquelle la nation l’a
traité, ne lui permettent pas aussi d’en faire. Il veut ce
pendant leur faire voir qu’il est prêt à en faire; il leur
ofFre 600 francs de pension, une charretée de b lé , une
pièce de beurre de cinquante livres, le bois qu’elles de
mandent, et le voyage au vin ,* le tout pendant leur vie
et la sienne.
- S’adressant ensuite à la sœur récalcitrante, « Et vous,
« ma chère sœur de R oupon , calculez bien h combien
« cela va ; plus , 200 francs de taille, la grange que
« je suis obligé de construire, etc. : vous verrez que
« mon tiers se réduit à rien. » Il offre de leur rembour
ser les frais faits à Saint-Flour, etc.
Une lettre confidentielle, écrite dans un moment de
douleur et de chagrin , avec les plus gi’ands ménagem ens, pour n e pas blesser leur a m o u r - p r o p r e ou leur
insensibilité , seroit opposée comme une fin de nonrecevoir ! Mais il n’est pas dessaisi ; il leur offre seule
ment une pension, parce qu’il craint de ne pas pouvoir
lutter avec avantage, dans un temps où les lois existoient
encore dans toute leur rigueur.
Il étoit forcé de respecter, ou au moins de feindre
d’adopter tout ce qui étoit fait, jusqu’à un temps plus
heureux : et on a l’impudence de dire qu’il est non
recevable ! N on , il n’y a pas d’acquiescement, loi’squ’il
n’y a pas de liberté ; il n’y a pas de consentement, lorsqu’il
y a contrainte : et tout ce qu’a pu dire ou écrire le sieur
Bertrand de Greils ne peut lui nuire, parce qu’il n’y a
�( 28 )
pas d’engagement, toutes les fois qu’il n’y a pas l’exer
cice de la volonté.
C’est le texte de toutes les lois, et la doctrine de tous
les auteurs. Et que Pintimée ne dise pas qu’elle ne s’est
prêtée h aucune simulation; qu’elle étoit dans l’intention
de réclamer contre l’acte dé 1769 ; que la preuve en résulte
de l’assignation donnée le 14 avril 1786.
C ’est le comble de la démence : il faut pardonner cette
assertion à sa vieillesse ou à sa nullité; car elle 11’agit pas
par elle-même.
En effet, sa demande de 1786^ puisqu’on en parle,
étoit un acte extravagant : 011 a dém ontré, d’après les
principes, que 'l’acte de^ 1769 n’étoit pas sujet à resti
tution pour cause de lésion.
On prouveroit par lé fait que la lésion même n’existoit pas, d’après la modicité des biens, et les charges dont
ils étoient grevés.
Mais la lésion fû t- elle admissible, l’exploit de 1786
n’est venu que vingt-huit ans après l’acte, et la demande
en institution ne peut avoir lieu que dans les dix ans
k compter de la majorité. Telle est la disposition de
l’ordonnance de 1649, renouvelée p31’ le Code Napoléon,
qui veut même que les actions en nullité soient réduites
à ce ternie, sans préjudiciel’ ni déroger aux statuts qui
auroient abrégé la durée de l’action.
Que signifie donc un exploit fugitif sans aucune suite,
qui n’est pas même précédé de lettres de rescision, qui
étoient alors indispensables; dont la copie a été souillée
dans le tem ps, ainsi qu’on le trouve énoncé dans un
�( «9 )
écrit de défunt Bertrand de G reils, et que se,s sœurs
ont laissé absolument dans l’oubli?
Il faut être bien ingénieux., pour troiiyer dans cet
exploit un moyen d’excuser la conduite du moment,
et prouver qu’il n’y a pas eu de simulation dans le
partage fait avec la nation, en vertu d’une loi promul
guée contre les émigrés et leurs ascendans, et qu’on a
prévue en 17186,.
Honneur au génie de la vieille tante, dont la pré
voyance ou l’esprit prophétique a deviné la révolution,
et qui pourroit obtenir une place à côté de Nostradamus!
La tante dira-t-elle qu’elle veut profiter de l’avantage
d’une loi l'évolutionnaire, pour dispenser ses bienfaits
avec justice , dépouiller l’un pour enrichir l’autre ,
pour marier des nièces, etc.
On la dispense de ce soin obligeant; et l’appelant aussi
a des enfans ! des filles à marier ! il avoit des moyens
honorables d’exister : il les a perdus. Il est époux et père;
ses ressources diminuent, lorsque les besoins augmentent.
Il ne veut être à charge à personne; mais il a droit de
conserver ce qui lui appartient légitimement.
Lorsqu’il réclame ce qui doit lui revenir , ce qui n’est
jamais sorti de ses mains, il n’a jamais élevé de prétentions
déraisonnables. Le legs fait par l’oncle commun, le sieur
Cat de Rastinhac , est échu après la cession ; il n’a pas été
compris dans cet acte ; l’appelant 11e l’a jamais refusé à ses
tantes; mais c’est à quoi doit se borner la demande de
J’intiiW'e ; e t , mieux conseillée, elle in’auroit jamais fait
usage d’un jugemeai de circonstances, dont l’effet est
�( 30 )
f
détruit par le rapport des lois qui l'avoient nécessite , qui
ne fut jamais qu’un remède à un grand m al, et qui ne
doit plus avoir d’effet lorsque la cause n’existe plus.
-,
Signé D E G R E I L S D E M I S S I L I A C .
M e. P A G E S (de R io m ), ancien avocat
G A R R O N
jeune, avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de Thibaud-Landrio t , imprimeur
de la C ou r d’appel. — Décem bre 1808.,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Greils de Missiliac, Joseph de. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
séquestre
renonciation à succession
successions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieur Joseph de Greils de Missiliac, appelant d'un jugement rendu par défaut, au tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse an 7 ; contre la dame Marie de Greils, sa tante, intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1694-1808
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0528
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Bousquet (domaine du)
Roupon (domaine du)
Montagne de Trilissons (domaine de la)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53839/BCU_Factums_M0528.jpg
émigrés
renonciation à succession
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53803/BCU_Factums_M0419.pdf
96ad767d43a4f4ec02b0e429940109ba
PDF Text
Text
\
/
MÉMOIRE
EN RÉPO N SE .
�COUR
I M PÉ R I AL E
MÉ MOI R E
D E RIOM.
EN R É P O N S E ,
POUR
-
...
I re. CHAMBRE.
Audience
.
2- juillet
D am e J e a n n e -M a rie D E C H A M P F L O U R ,
v e u v e d u sieur
de ontr o z i e r sieur J e a n - B â p t i s t e D E C H A M P F L O U R ; dam e M a r i è A n n e- F é l i c i t é D E
F R E D E F O N T , et sieur J e a n J a c q u e s D E
R O C H E T T E , son m a r i ; d e m o ise lle G a Br i e l l e D U R A N D D E P E R I G N A T , et dame
M a r ie D U R A N D , religieuse; tous habitans
P a u l-F ra nçois
M
de la ville de Glermont Ferrand, intimés
'
.
CONTRE
Dame A n n e - E m il ie . D E F E L I X veuve de
sieur C l a u d e - F r a n ç o i s - L é o n
propriétaire à Collongues, arrondissement d’Aix,
département des Bouches-du-Rhône, appelante ;
y
d e
en
PRE
S im ia n e
i
s e n c e
De dame MARGUERITE D E C H A R D O N , veuve
du sieur J a c q u e s - F r a n ç o is de M o n t a n i e r ;
C l a u d e - A n t o in e - J oseph D E C H A R
D O N ; demoiselle A nne D E C H A R D O N
18 io.
�(4)
dame P e k r e t t e D E C H A R D O N , veuve du
sieur V a l l e t t e d e R o c h e v e r t ; tous proprié~
taires7 habitans de la ville de Riom, intimés;
ET
EN
PRÉSENCE
De J ac ques - M a r ie L A V I G N E , et J e a n
P I R E L , habitans de la ville d’Ambert, aussi
intimés.
Q U E S T IO N S .
i°. L es religieux q u i, -par Veffet rétroactif de la loi
du
brumaire an 2 , ont obtenu un droit successif de
la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis ci
rendre cette succession après le rapport de cet effet
rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés
représentés par la république, comme émigrés ?
2.0. L a nation 7 dans ce cas particulier, ri1est-elle pas
censée avoir renoncé à toute recherche, et rCavoir point
voulu user du bénéfice des lois des 9fru ctid o r an 3 r et
3 vendémiaire an 4?
3°. L e sénatus-consulte du 6 flo r éa l an 10 r ia - t - il
rendu aux émigrés am nistiésy ou à leurs héritiers3 que
les biens qui se trouvoient dans les mains de la nation7
p a r la voie du séquestre y au moment de Pamnistie?
5
E s questions sont exactement les m em es q u e celles
1
p i’éseutécs p a r 'la dam e clc Sijuiauc» Il faut, y ajouter
�( 5 )
qu’elle se dit créancière du sieur Hector de SimiaiieJ
mort émigré , et que c’est en cette qualité qu’exerçant
les droits de la république, elle veut faire aujourd’hui
ce qu’elle prétend que la république auroit d û ju ire après
le 9 fructidor an 3 , c’est-à-dire, ôter aux héritiers d’une
religieuse ce qui lüi a été abandonné nationalement, dont
elle a joui dix ans et jusqu’à sa mort. Cette prétention
est si bizarre, qu’il faut être surpris de la voir élever
sérieusement, après tant de lois faites pour-rassurer les
possesseurs des biens transmis y à quelque titre que ce
soit, par la république.
-
• H' J >!) *111:
F A I T S .
:
,
ci
i.:
:
•
La dame Anne D elaire, épouse de M. de Clary , est
décédée le 27 octobre 1791.
Elle avoit institué pour .héritiers, par un testament de
17 8 7 , M . Hector de Simiane, son cousin paternel, et
M . de Chardon, son cousin maternél, à la charge,d’ac
quitter pour 240000 francs de legs.
Hector de Simiane, domicilié à A vign on , étoit sorti
de France à l’époque des troubles du Comtpt. Mais n’y
a y a n t
encore aucunes lois contre les ém igrés, il paroîfc
que M . de Simiane se présenta pour recueillir la suc
cession de Clary; mais en 1792 il fut inscrit sur la liste des
émigrés, et le séquestre fut mis sur ses biens.
Jusqu’au 28 mars 1793? ce séquestre n’étoit qu’une
occupation des biens. Mais la loi du^8 juillet 1793 bannit
à perpétuité les émigrés, et les déclara morts civilement,
Madame de Clary ayoit une sœur religieuse (Jeanne
�5
(-6 )
) : la loi du brumaire an 2 Tappela à succéder,'
puisque madame de Clary étoit morte après le 14 juillet
1789.^11 conséquence j Jeanne de Clary obtint à son profit
la mainlevée du séquestre, fut-déclarée héritière de sa'
sœur, et envoyée ëii possession de tous les biens, par un
arrêté du S nivôfce an 2.
= >* •
c
La loi du 9 fructidor an 3 abolit l’effet rétroactif de
la loi du 17 nivôse. E n vertu de ce changement de légis
lation, on dit que M . de Chardon reprit les biens maternels
de madame de Glary, qui~lui étoient légués par le tes
tament de 1787.
Si le sieur de Simiane eût été régnicole à cette époque,
il n’est pas douteux qu’il n’eût eu aussi le droit de re
prendre les biens paternels dans les mains de Jeanne
Delaire.
• Mais il étoit toujours suu la liste des émigrés *,
' Il étoit mort sans postérité avant la loi du 9 fructidor,
à A sti, et en état d’émigration;
■ Pur conséquent il ne luissoit à ses héritiers que les
biens dont il étoit propriétaire à l’époque de son ’décès.,
c’est-à-dire, le 12 prairial an 3.
C ’est ainsi que la famille elle-même l’entendît'‘à’ cette
époque-, et une circonstance assez singulière va le prouver.
* M . de Simiane mouroit sans enfans : il laissoit deux
héritiers ab intestat ,* l’un étoit le sieur Vidaud de la
T o u r , et l’autre étoit Jeanne D eîaire elle-même.
L e sieur Vidaud de la T o u r avoit seul qualité pour
disputer à la religieuse Delaire la propriété des biens
Glary, et pour prétendre qu ils etoient dans la mnssc de
la succession de Simiane.
Delaîre
�x i y
Bien loin dfen/agiu aipsi, M . Vidaud de la T o u rse
réunit à Jcanne Delaiye pour demander au directoire
executif la. radiation de M . de Simiane , et l’envoi en
possession de ses biens propres situés à: Avignon.
En effet;,/ils obtinrent; une radiation le 28 nivôse an 5.
. Alors, ils prirent la* qualité d’héritiers bénéficiaires de
M. de Simiane; et. en vertu d’un jugement du tribunal
de Vaucluse, du 24 thermidor an , ils firent commettre
•le» sieur Ghambaud, notaire à Avignon^, pour faire l’in
ventaire du mobilier de, la succession.
Il ne vint pas, même à' la pensée du sieur Vidéïud de
la T o u r (seul intéressé, on le rép ète,) de faire com
prendre dans ce mobilier de la succession Simiane
aucuue portion de la succession de madame de Glarjr,
L ’arrêté de radiation n’avoit été qu’une indulgence
éphémère due aux circonstances. Les lois de l’an 3 sur
les émigrés avoient fait des exceptions pour les émigrés
d’A vign o n , et la journée du 18 fructidor an
ramena
les mesures générales de 1793. En conséquence, une loi
du 22 nivôse, an 6 ordonna que les émigrés avignonnais
qui auroient obtenu des radiations par suite de la loi
du 9 fructidor an 3 , seroient réintégrés sur la liste.
L e séquestre fut donc remis sur les biens du sieur dq
Simiane, mais seulement à V aucluse, et il ne fut levé
qu’après l’amnistie générale, du 6 floréal* an 10.
A lors Jeanne Delaire se réunit encore au sieur Vidaud
de. la Tour;, son cohéritier.; ils obtinrent 1a. radiation du
défunt, le 26 frimaire an II*
Ils sollicitèrent l’envoi en possession des biens; et c’est
ici le cas de remarquer encore que M. Vidaud de la T our
5
5
�(8)
n’eut pas plus qu’en l’an n la pensée de se mettre en
possession des biens d’A u vergn e, qu’il ne fît de diligences
qu’à Vaucluse, et laissa la religieuse Delaire en pleine
possession des biens de sa sœur.
Il y a plus : car la religieuse Delaire vendit seule
tous les biens de sa sœur en l’àn 10 , après le sénatusconsulte , et le sieur Vidaud de la T o u r ne s’y opposa
'pas.
- Dans le même temps on cherchoit à empêcher la des
tination que M . le Préfet de Vaucluse vouloit faire d’un
domaine du sieur de Simiane pour une pépinière : le
sieur Vidaud de la T o u r réclamoit contre cette occupa
tion, conjointement avec Jeanne Delaire; et même après
la-mort de Jeanne Delaire il ne crut pas pouvoir vendre
ce domaine sans y appeler ses héritiers.
La dame Delaire, religieuse, est décédée le n messidor
an i i . Les familles de Chardon et Champflour se sont
partagé la succession comme héritières des deux lignes :
elles ont eu à défendre cette qualité dans deux procès ;
mais elles ont fait juger qu’elles étoient héritières, et
elles sont toujours restées en' possession.
La daine Félix de Simiane s’est elle-même adressée à
elles en cette qualité, le 8 février 1808, non pas pour
leur disputer les biens, ni former des demandes hypo
thécaires , mais seulement pour faire liquider à Avignon
ses reprises contre elles, comme héritières du sieur de
Simiane, par représentation de la religieuse Delaire.
Ce seroit peut-être une triche fort difficile pour la dame
Simiane de justifier ces reprises, ¡orsqu’ayant vécu à.
Asti- jusqu’à la mort de> son parent, elle s’est emparée de
tout
�(9)
tout son mobilier, de toutes les ressources qui les faisoient
exister l’un et l’autre hors de France. Et elle vient aujour
d’h u i, comme héritière de sa fille par les lois actuelles >
reclamer la succession de son fils et l’éffet d’un testament
qui a rendu ce dernier créancier, du chef de son père,
du sieur de Simiane, mort à Asti.
Quoi qu'il en soit de ce circuit de qualités, madame
de Simiane procédant comme héritière de sa fille, qui
l ’étoit de son frè re, s’est fait adjuger 296000 fr. pour des
terres vendues de l’estoc de la dame de Seveyrac, aïeule,
p o u r’ des pensions et des ferm ages, sans expliquer le
moins du monde comment tout cela lui est rigoureuse
ment dû.
Les héritiers Chatnpflour, par acte du 18 février 1809, >
répudièrent au greffe d’A vignon la succession du sieur
de Simiane.
Jusque-là on prévoit difficilement comment la dame
veuve de Simiane pourra enfin renverser tout cet ordre
de choses , et s’en prendre aux biens de la religieuse
Delaire. Il paroît qu’elle-même n’auroit pas commencé
cette attaque; mais elle y fut menée par circonstance, et
elle a cru peut-être de bon augure d’être appelée à un
procès par des débiteurs de 92000 fr., qui ne vouloient
se libérer qu’en sa présence. V oici comment la dame de
Simiane a été appelee à ce procès, et quelle est l’origine
de sa réclamation actuelle.
Il paroît qu’en prairial an 10, la dame de Sim iane,
h peine rayée elle-même de la liste des émigrés, s’occupa
B
�( 10 )
d ’a c t e s
conservatoires pour la sûreté de ses prétendues'
reprises : ses/agens'firent en son nom des inscriptions à
A vign on , à Glermont et à A m bert, et même une saisiearrêt entre lés mains des sieurs Lavigne et P ire l, qui.
avoient acheté des immeubles de la religieuse Delaire.
Ces mesures n’avoient rien que de n aturel, puisque,
Jeanne Delairë étoit héritière du sieur de Simiane , et
par conséquent débitrice personnelle de l’adversaire tant
qu’e l l e n e répudieroit pas: Ainsi il ne faut pas regarder,
ces actes de l’an i o comme une prétention semblable à
celle que manifeste aujourd’hui la dame de Sim iane,;
après une répudiation.
En 1809 , les héritiers Delaire assignèrent les sieurs
Lavigne et Pirel en payement de la;somme de 92160 fr .;
prix de la vente à eux consentie par Jeanne D elaire,
en l’an 10 , et des intérêts depuis cette vente.
Les sieurs Lavigne et Pirel ayant en mains une saisiearrêt, en exeipèrent, et demandèrent la mise en cause
de^la >damé de Simiane : elle fut ordonnée ; et la dame
de'Simiane fut'assignée en mainlevée de sa saisie et de
ses inscriptions.
Ses droits n’étoient pas encore liquidés, et elle se hâta
d’obtenir à A vignon un jugement par défaut , le 16
mars 1809.
A lors madame de Simiane se disant créancière se
présenta au tribunal de Glermont pour demander la con^'
iirmation de sa saisie-arrêt; et alors elle éleva , pour la
premièi’e fo is , la prétention que les biens de madame
de Clary appartenoient à Hector de Simiane pour moitié,
qu’ainsi ces biens étoient le gage de scs reprises.
�( II )
Le* tribunal de Clermont n’a point accueilli cette der
mande ; il a annullé la saisie-arrêt et les inscriptions de
la dame de Simiane : son jugement du 9 août 1809 est
fondé sur des motifs très-solides et très-lumineux.
Ils se réduisent à dire que M . de Simiane ayant perdu
les biens Clary par son émigration, et étant mort émi
gré , ses héritiers n’auroient pu les réclamer que si ces
biens s’étoient trouvés dans les mains de la nation lors
de l’amnistie ; mais que la nation ayant été désistée de
ces biens par la religieuse D elaire, et n’ayant pas eu le
droit de les lui redemander, les héritiers de l’amnistié
n’ont dû prendre ses biens dans les mains du gouverne
ment qu’en l’état où la révolution les avoit laissés (i)La dame de Simiane prétend n’avoir pas perdu l’es
pérance de faire réformer cette décision qu’elle trouve
cependant légale dans ses bases mais trop sévère i et
fausse dans ses conséquences.
Il semble cependant difficile que la Cour pût être
plus indulgente, sans blesser les droits des héritiers de
la dame D elaire, et sans porter atteinte aux lois qui les
ont investis de cette succession.
MOYENS.
Les lois qui vont etre citées rappelleront des souvenirs
pénibles, et ramèneront peut-être à des idées de pros
cription et d’injustice, Mais sans s’occuper d’une justifia
(1) Le jugement est transcrit littéralement dans le mémoire
de madame de Simiane,
‘ ■ 1.
B *
�( lï )
cation qui seroit aussi déplacée qu’une critique, il sera
bien permis du moins de demander à la dame de Simiaûè
si elle croit avoir eu un titre plus sacré que Jeanne Delaire, pour lui disputer la succession de sa sœur, et si
les lois de 1793 ont été véritablement une spoliation
dans cette circonstance.
v Madame de Clary n’avoit qu’une sœur; elle n’avoit
pas pu en mourant lui laisser sa fortune, puisque les
religieuses étoient incapables de succéder. Elle pensa alors
à des parens éloignés , et sa mort précéda l’époque de
l’abolition absolue de la vie monastique.
En août 1792 les religieuses furent expulsées de leurs
asiles , et les biens qu’elles possédoient en échange de
■ceux qu’elles avoient abandonnés en renonçant au siècle,
leur furent enlevés avant qu’il fût question de dépouiller
les émigrés de leurs fortunes.
Peu de temps après , les lois qui avoient rendu les
religieuses aü monde leur permirent d’être successibles ;
et alors, il ne faut pas en douter, si madame de Clary
eût vécu , ses intentions eussent été d’accord avec la na
ture et la lo i; sa sœur eût été son héritière.
E h bien ! ce que madame de Clary au tombeau ne pouvoit pas réparer, l’a été par le hasard d’une révolution;
le bannissement de M . de Simiane lui a ôté ce que les
jnânes de sa bienfaitrice lui regrettaient indubitablement ;
et cette sœùr jadis bannie elle-même et morte au m onde,
a retrouvé une fortune à laquelle d’autres événemens
l ’avoient rendue étrangère.
Qui donc osera dire qtie Jeanne Delaire usurpoit,
lorsqu’ une loi lui a donné la fortune de ça sœur ? Madame
�j
.
de Simiane le d it, sinon à elle, au moins à ses héritiers.
Elle va plus loin dans son injustice, car c’est contre eux
qu’elle veut rejeter tout l’effet de l’émigration , tandis
qu’elle veut, elle-même émigrée, avoir été invulnérable.
Elle vient dire aux héritiers de Clary : « Je vous sais
« bon gré de la peine que vous avez prise d’obtenir des
« radiations ; mais sic vos non vobis, je m’en adjugerai
« tout le profit, si vous le trouvez bon. Jeanne Delaire
« a empêché la nation de vendre les biens Clary, vous
« avez empêché l'a vente des biens Simiane; tout cela
« sera mon bénéfice. Je reviens de l’émigration non
ce seulement avec la dépouille du défunt, mais encore
« avec des titres qui absorbent tout le reste, et je pourc< suis des’reprises que la nation française a eu la bonté
« de me réserver intactes. T out ce qui a été vendu est
« perdu pour les héritiers républicoles ; et tout ce qui
« reste est conservé pour moi. »
1 13
Mais ce n’est pas par des réflexions morales qu’il faut
repousser l’attaque de la dame de Simiane ; ce sont les
lois elles-mêmes qui sauront y répondre victorieusement.
La loi du 28 mars 1793 a déclaré morts civilement
tous ceux qui , alors inscrits sur des listes d’émigrés 7
n’étoient point rentrés en France dans les délais accordés
par les lois précédentes.
Il ne s’agit pas de vérifier quelle étoit l’époque de l’ins
cription du sieur de Simiane, et si les émigrés d’A vignon
devoient être exceptés : car le Comtat fut réuni à la France
en 1 7 9 1 3 et par conséquent les lois de 1792 et 1793 les
atteignirent comme les autres Français.
�*4
C;
)
Tout ce qu’il faut savoir, c’est que M . de Simiane
n’étoit pas rentré en France avant le 28 mars 1793. A in si,
aux yeux de.la lo i, M. de Simiane est mort depuis cette
époque.
'
N ’est-ce pas- assez de sa mort civile ? eh bien ! s’il
faut^ y ajouter l’époque de sa mort naturelle, M . de
Simiane est ynort à Asti le 12 prairial an 3.
A lors il étoit encore sur la; liste des émigrés : ainsi
ses biens n’ont pas pu être transmis par lui à ses héri
tiers ■•■naturels>• puisque la loi les avoit déclarés acquis
irrévocablement 'à la nation.
Peut-être bien que si rien n’eût dérangé cet ordre, et
-si la nation eût conservé jusqu’à l’an 11 les immeubles
du sieur de Simiane, ses héritiers en auroient obtenu la
, N
remise lorsqu'ils sont parvenus à le faire rayer de la liste
des émigrés après sa mort : cette mesure étoit une consé
quence de l’amnistie. Le gouvernement n’a voulu retenir
que les bois7 et les perceptions déjà faites : mais aussi ne
voulant être généreux ou juste que dans son intérêt, il
a marqué fortement l’intention que nul possesseur tenant
son titre de l’autorité publique, ne fût inquiété pour
aucune cause.
Voilà ce que la dame de Simiane paroît ne pas vouloir
com prendre; les articles de la loi lui. semblent équi
voques; elle n’y a vu que l’ordre donné aux émigrés de
-maintenir les partages faits avec la république ; et se
mettant ainsi à l’aise , elle a cru s u f f i s a n t de dire que la
religieuse Delaire n’avoit fait a u c u n partage avec la répu
blique ; d’où, elle a conclu que les héritiers de Simiane
ont tuès-bien eu le droit de disputer à cette religieuse
�5
( f )
les biens qu?elle avoit obtenus par un arrêté authentique
du 8 nivôse an 2.
C’est là la "seule ¡prétention sur laquelle la dame de
Simiane insiste ; car elle reconnoît que Mv Hector de
Simiane étant mort en état d’émigration et de mort
civile, n’étoit pas alors propriétaire des biens qu’elle ré
clame : mais elle soutient que si ses héritiers n’étoient
pas successibles à l'heurè de sa m ort, ils le sont devenus
huit ans après, c’est-à-dire, lors du certificat d’amnistie
délivré en l’an 11.
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; Ce point capital de la contestation reçoit deux réponses,
l’une, générale et relative aux effets de l’amnistie d’émi-*
gration ; l’autre, particulière, résultante de la qualité
de religieuse qu’avoit Jeanne de Clary.
Pour être plus clair dans la première réponse, il faut
la faire précéder de la loi elle-mêmé, dont il’ sera facile
ensuite de tirer des conséquences.
L e sénatus-consulte, du 6 floréal an 10 , porte, ar
ticle 16 : « Les individus amnistiés ne pourront, sous
« aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession,
cc succession, ou autres actes et arrangem ensfaits entre
c< la république et les particuliers, avant la présente
cc am nistie. »
A rt. 17. « Ceux de leurs biens qui sont encore dans
« les mains de la nation (autres que les bois et forêts,..,.
« les créances qui pouvoient leur appartenir sur le trésor
« public, et dont l’extinction s’est opérée par confusion
« au moment ou la république a été saisie de leurs
�( i<> )
« biens, droits et dettes actives ) ,' leur seront rendus
« sans restitution de fruits. »
rX ?arrêté des consuls, du'9 thermidor an 10, dit c< qu’il
« est conforme à l’esprit du sénatus- consulte d’étendre
« la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu
« lui-m êm e h o rs ,d’état d’en profiter. S’il eût vécu , il
« seroit rentré dans les biens dont l’art. 17 du sénatus« consulte fait remise aux amnistiés; comment refuser
cc là memejgmce à ses enfans républicoles, et nés ayant
« l’émigration ? »
Si ce que la loi accorde aux enfans de l’émigré doit
s’étendre aussi aux collatéraux, croira-t-on, d’après ce
qu’on vient;de lire, que les héritiers de M . de Simiane
eussent pu demander ses biens à tout autre possesseur
qu’au gouvernement?
Les héritiers Simiane ne l’ont pas cru possible ; ils ont
vu vendre par la religieuse Delaire tous les biens qu’elle
tenoit de la république , et il n’est venu à la pensée de
personne qu’ils fussent fondés à attaquer son titre, en lui
objectant qu’après le 9 fructidor an 3 elle auroit dû rendre
à la république ce que la république lui avoit donné.
A supposer qu’on tienne pour réponse suffisante à ce
fa it, le droit qu’ils auroient eu de s’y opposer ( ce qui
nous ramène à la question), il faudra bien qu’on indique
comment et par quelle voie on auroit pu soi-m êm e
attaquer un actef a i t entre la république et la religieuse
D elaire.
Sera-ce soiis prétexte du rapport de l’effet rétroactif
de*la loi du 17 nivôse ? mais la loi dit que l’amnistié
pourra attaquer l’acte sous aucun prétexte.
]Madame
�( 17 )
Madame deSimiane aura encore quelques efforts de plus
à faire pour prouver que les héritiers de l’amnistié pouvoient rechercher des biens q u i riétoient plus dans les
mains de la natioîi depuis l’an 2. Ce n’est pas qu’elle
n’ait bien prévu cette difficulté, dont elle fait une question
principale en tête de son mémoire ; mais elle l’a éludée,
et l’a laissée à peu près sans réponse.
Répétera-t-elle que la religieuse Delaire a dû rendre
à la nation les biens Clary aussitôt après la loi du 9 fruc
tidor an 3 ? Mais comment une aussi bonne pensée n’estelle venue qu’à madame de Simiane? et comment le fisc,
toujours si en éveil, ne s’en est-il point avisé? Quantum
mutatus ab illo l faudroit-il s’écrier; ou plutôt il faudroit
se croire fort convaincu par cette seule réflexion, que
le fisc n’étoit point autorisé à ôter à Jeanne Delaire les
biens dont elle étoit en possession, puisqu’il ne les de
manda pas.
Ce que la nation n’a pas fait en l’an 3 , la dame de
Simiane voudroit que les héritiers de son mari l’eussent
fait en vertu de l’amnistie, q u i, suivant elle, auroit un
effet rétroactif au temps de la mort et même de l’émi*gration.
Mais aucun effet rétroactif n’est donné à l’amnistie; et
c’est pour cela que le sénatus-consulte veut que l’émigré
vienne prendre dans les mains de la nation seulement,
ce qui y reste.
On a vu à Besançon un sieur Masson, ém igré, dont
les biens avoient été vendus à sa femme pendant même
qu’ il étoit en réclamation, venir après l’amnistie de^
ttiander à sa femme, non pas l’éviction du bien national,
G
�( iS )
mais l l’administration de la communauté. La Cour de
Besançon avoit jugé que l’amnistie avoit rétabli la puis
sance maritale, et par conséquent la communauté comme
si elle n’eût jamais été interrompue rmais cet arrêt a été
cassé le/io juin 1806, par lé motif principal que le sieur
Masson avoit été en état de mort civile jusqu’à sa, radia
tion , et que Vamnistie ri avoit pas eu d'effet rétroactifs
1 -Sans doute'il y a quelque répugnance à penser que
malgré la règle le mort saisit le v if , M. de Simiane',
mort en l’an 3 , n’a eu d’héritiers qu’en-Tan m i . Mais
on conçoit que pendant cette lacune c’est la république
q u ia été héritière intermédiaire; et remarquons qu’elle
n’a pas voulu l’être à titre d’usufruit ou de iidéicommis;
elle n’a pas même voulu qu’on lui succédât par repré
sentation ^ de peur qu’on usât de ses droits ou de ses
omissions pour faire des procès ; elle a déclaré avoir
rempli le degré comme propriétaire, et avec le droit
utendi et abutendi, elle n’a rappelé l’émigré que pour
reprendre rebus integris ce qui restoit dans ses mains ;
et sans lui donner le droit de porter ses regards en arrière
pour rechercher quel étoit le titre de possession de ceux
qui occupoient ses biens, la loi a placé pour lui un mu y
d’airain entre le passé et l’avenir.
' .■V o ilà , ce semble, l’idée la plus juste qu’on puisse se
former de cette législation, et c’en seroit assez peut-être
pour prouver qu’en thèse générale les héritiers Simiane
:in’ont- pas dû contester à Jeanne Delaire le droit de dis
poser des biens de sa soeur. Voyons cependant ce que la
circonstance que’Jeanne Delaire etoit religieuse, ajoutera
àe force à la précédente démonstration.
�*9
(
)
Lorsque l’assemblée constituante, voulant favoriser la
sortie des cloîtres, eut rendu la loi-du 19 février 1*790,
qui permettoit aux religieux des deux sexes de rentrer
dans le monde, il fut nécessaire d’expliquer s’ils deviendroient capables de successions .: alors fut rendue une
seconde l o i, du 26 mars 1790, ainsi conçue":
i A rt. i er. « Les religieux qui sortiront de leurs maisons
« demeureront incapables de successions, et ne pourront
« recevoir par donations entrevifs et testamens. que ’des
« pensions ou rentes viagères.’ »
\ :
* \ ,j[
A rt. 2. « Néanmoins lorsqu’ils ne se trouveront en
« concours qu’avec le fisc, ils hériteront dans cp cas pré*
« J'érablement à lui. »
.o . /j
L a loi du
brumaire an 2 , :art. 4 , dit que rc< les re« ligieux et religieuses sont appelés à Recueillir les s u o
te cessions qui leur sont échues à compter du 14 juillet
« 1789. »
C;.
L ’art. 7 dit qu’audit cas de successions ils rapporteront
les dots constituées par leur profession monastique, et
que leurs rentes et pensions seront éteintes^
.
C ’est en vertu de cette loi que Jeanne Delaire a ré-»
clamé la succession de madame de Clary, sa sœur, dont
elle étoit seule héritière al? intestat. E l l e ew a obtenu
la propriété par arrêté du 8 nivôse ail 2.
•. *
i Lorsque la loi du brumaire an 2 fut rapportée dans
Bon effet rétroactif, le 9 fructidor an 3 , Jeanne Delaire
auroit pu être obligée par M. de Simiane de rendre la
moitié des biens de sa sœ ur, si M . de Simiane eût élé
vivant-, mais il étoit frappé de mort civile : et de morne
5
5
G
3
�( 2° )
que les émigrés ne peuvent pas recueillir les successions
ouvertes pendant leur mort civile, de même ils n’ont pas
d’action pour réclamer le bénéfice d’une lo i; car, suivant
la loi du 12 ventôse an 8, les émigrés ne peuvent mçç-*
quer le droit civil des fra n ça is.
Jeanne Delaire n’avoit donc pas M . de Simiane pour
concurrent , mais seulement le fisc en sa place pour la
moitié paternelle, et M . de Chardon pour les Liens
maternels.
Celui-ci a pris sa portion, parce qu’il étoit républicole; mais le fisc n’a pas pris la sienne, car il en étoit
empêché par l’art, 2 de la loi du 26 mars 1790, ci-dessus
citée.
Il est bien incontestable en effet que si M . de Simiane
ou le fisc étoient mis de côté, Jeanne Delaire se trouvoit héritière de sa sœur : ainsi elle étoit parfaitement
dans l’application de la loi qui l’appeloit à succéder.
A in s i, sans aller plus loin , voilà déjà la religieuse
Delaire avec un titre légal. Elle 11’est pas seulement habile
à succéder, elle n’est pas détenteur provisoire et précaire ;
elle est héritière ; elle occupe les biens pro suo. Car .il
n’y a pas encore d’amnistie , il n’y en aura que dans
huit ans; et le fisc lui a cédé sa place, non pas pour jouir,
mais pour succéder directement et personnellement.
La loi du 9 fructidor an 3 n’a donc rien dérangé au
titre de propriété donné par la nation à Jeanne Delaire.
Cette loi a été expliquée par celle du 3 vendémiaire an 4;
et en même temps que le législateur rend à tous les héri
tiers déchus le droit d’ôter aux personnes rappelées ce
�(
21
)
qu’elles tenoient de l’effet rétroactif, il déclare formel
lement que le fisc n’aura pas le même droit contre les
religieuses.
En effet, l’art.
s’exprime ainsi : « Les partages faits
« entre la république et les personnes déchues , qui
« étoient ci-devant religieux ou religieuses ......... sont
« maintenus, sauf l’exécution de l’art. 7 de la loi du 17
« nivôse (relatif à la confusion des pensions). »
Rien n’étoit plus clair que cette intention de la loi (1).
Cependant madame de Simiane ne veut pas y voir ce
qui est évident : elle se contente de dire que la reli
gieuse Delà ire n’a pas fait de partage avec la république,
d’où il suit que l’article ne la regarde pas.^
Il
suffiroit de répondre que la loi ne peut pas tout
dire, et exprimer tous les cas, et que scire leges non est
earum verba tenere, sed vint ac potestatem. Mais ce
n’est pas même le cas de chercher un sens , car il est
parfaitement rendu.
La loi qui doit être b riè v e , et qui doit prendre pour
exemple ce qui arrive le plus souvent, n’a pas pu sup
poser de prime abord qu’une religieuse se trouveroit
unique héritière. Il n’étoit que trop d’usage que ce
5
(1) Comme cet article prouve qu’en laissant les successions
aux religieuses, et en retenant leurs pensions, la république a
aussi songé à son intérêt, madame de Simiane se récrie, en
disant qu’on ne donne pas une grosse succession pour 5oo fr,
de rente. Elle oublie que dans les loteries on donne 10000 fr.'
pour un écu ; ce qui ne prouve pas pour cela une fausse spécu-.
lation, parce qu’un gros lot n’est pas pour tout le inonde.
�4
22
■
)
fussent les familles nombreuses qui peuplassent les monastères, pour le plus grand avantage d’un héritier prin
cipal. Le plus souvent aussi c’est cet héritier que la
nation a représenté par confiscation , et alors elle a eu
un partage à faire avec les religieux rappelés par l’effet
rétroactif de la loi du 5 brumaire.
Si dans le cas de ce partage la nation s’est interdit
le droit d’ôter au religieux la portion qu’il n’avoit eue
que temporairement, qu’en résulte-t-il autre chose, si
ce n’est que tous /es droits de la nation ont été aban
donnés aux religieux, comme l’avoit déjà dit la loi du
26 mars 1790?
Et comment peut - on demander à son imagination
qu’elle invente une différence entre le cas d’un abandon
par la voie d’un partage, ou d’un abandon par la voie
du délaissement total? N ’est-ce pas toujours la république
qui cède son droit tel quel? et qu’importe de recher
cher s’il étoit universel ou de quotité, lorsqu’il ne s’agit
ici que de savoir si on peut exciper du droit de la ré
publique ?
En un m ot, si M . de Simiane eût v é c u , il est indu
bitable qu’il ne pouvoit troubler Jeanne D elaire, parce
qu’elle étoit héritière avant son amnistie, parce que le
sénatus-consulte ne lui donnoit droit de rechercher des
immeubles que dans les mains de la n a tion , parce que
la remise des biens Clary, faite à Jeanne Delaire en l’an 2,
étoit consolidée par l’art.
de la loi du 3 vendémiaire
au 4 , et enfin parce que les émigrés n’ont pas le droit
de rechercher si la république a eu tort de donner à
quelqu’un ia propriété de ce qui étoit à eux,
5
�( 3 )
Ce que ne pouvoit pas faire M . de Simiane, ses héri
tiers Font pu encore moins quand cette propriété a été
consolidée par une longue possession. Mais madame de
Simiane, qu’est-elle pour vouloir bouleverser tout ce qui
a été iait, et respecté même par le fisc? Elle est un simple
créancier réduit à exercer les droits de son débiteur.
Mais qu’elle explique comment elle veut exercer les droits
d’un émigré mort avant sa radiation, et par conséquent
exercer, du chef de cet ém igré, les droits de la répu
blique qui ne le lui permet pas.
E n fin , et pour comble d’incohérences, madame de
Simiane a débuté par une saisie-arrêt du prix des ventes
faites par Jeanne Delaire après l'amnistie , ce qui est
une reconnoissance évidente du droit de propriété de la
venderesse, et par conséquent une preuve de plus que
toutes les parties intéressées croyoient également à cette
propriété, comme à la chose du monde la moins suscep
tible de contestation.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat,
M e. D E V E Z E ,
licencié avoué.
A R IO M , de l’imp. de T H tB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue des Taules, maison L a n d r i o t , — Juin 1 8 1 0 ,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jeanne-Marie. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
successions
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-Baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Fredefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durant de Pérignat, et dame Marie Durand, religieuse ; tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre Dame Anne-Emilie de Félix, veuve de Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, appelante ; en présente de dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montanier ; Claude-Antoine-Joseph de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perette de Chardon, veuve du sieur Vallette de Rochevert ; tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, intimés ; et en présence de Jacques-Marie Lavigne, et Jean Pirel, habitans de la ville d'Ambert, aussi intimés. Questions . 1°. Les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du 5 brumaire an 2, ont obtenu un droit successif de la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à rendre cette succession après le rapport de cet effet rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés représentés par la république, comme émigrés ? 2°. La nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4 ? 3°. Le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n'a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre au moment de l'amnistie ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0419
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Clermont-Ferrand (63113)
Collongues (06045)
Riom (63300)
Comtat vénaissin
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53803/BCU_Factums_M0419.jpg
Créances
émigrés
rétroactivité de la loi
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53614/BCU_Factums_G2928.pdf
8c832556690cb95b4ac93246fc2f6ade
PDF Text
Text
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Arrêt. Tailhand. 1844?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séquestre
émigrés
forêts
destructions révolutionnaires
droits féodaux
Condé (Prince de)
eaux et forêts
exploitations forestières
glandée
droit de parcours
pacage
domanialité
possession des vides
élevage porcins
triages
forges
Description
An account of the resource
Titre complet : Arrêt de la première chambre, 9 février 1844. Maître Tailhand, président.
document manuscrit.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1844
1661-1844
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
2 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2928
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Bonnet-de-Tronçais (03221)
Tronçais (forêt de)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Condé (Prince de)
destructions révolutionnaires
domanialité
droit de parcours
droits féodaux
eaux et forêts
élevage porcins
émigrés
exploitations forestières
forêts
forges
glandée
pacage
possession des vides
séquestre
triages
-
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DERNIERE RÉPONSE
A LA DEMANDE FORMÉE CONTRE L ’ÉTAT
AU NOM DE S. A. R. Mgr LE DUC D’AUM ALE,
RELATIVEMENT AUX VIDES DE LA FORÊT DE TR ONÇAIS.
L ’administration des domaines a rempli un devoir sacré en défendant
les droits de l’Etat contre des prétentions qui ne sont fondées ni endroit
ni en équité. En répondant au premier Mémoire publié dans l’intérêt de
Son Altesse Royale, les agents du domaine se sont scrupuleusement ren
fermés dans les questions de fait et de droit qui résultaient même des
ont r a p p e l é ces actes, les ont cités
a c t e s p r o d u i t s par l’adversaire; ils
textuellement, et se sont abstenus de toutes réflexions en dehors de la
cause. Le dernier écrit publié au nom du prince semble cependant ac
cuser l’administration de réticence et de mauvaise foi ; cet exemple ne
s e r a p a s suivi. Les agents du d o m a in e , tout en défendant
avec chaleur
et conviction les intérêts qui leur sont confiés, ne s’écarteront pas du s y s
tème de modération q u ’ils ont adopté ; ce ne sont pas des moyens de
considération qui peuvent opérer la décision du procès en litige, et pour
repousser la demande intentée contre l’ Etat, il suffit de s’appuyer sur
les actes et les lois.
On devait naturellement penser qu ’après un jugem ent de première
instance, longuement et fortement motivé, deux longues p la id o irie s
devant la Cour royale, deux mémoires imprimés, la cause était en état
de recevoir une décision, et qu’il ne s’agissait plus que de se présenter
devant les magistrats compétents pour appeler leur attention sur les
moyens invoqués de part et d’autre. L’administration de S. A. R. n’en
a pas jugé ainsi: un nouvel imprimé a été distribué, sans doute pour o b
tenir de nouveaux délais, pour embrouiller la question, détourner l’at
tention des magistrats du véritable point en litige, et égarer l’opinion
�&
'* •
C2 )
publique. Ce nouveau Mémoire ne contenant rien qui n’ait été réfuté
dans la réplique du domaine, on aurait pu se dispenser d’y répondre j
aussi sera -t-o n court dans ces dernières observations, et se contenterat-o n de quelques réflexions sommaires, réservant une réfutation plus
complète, lorsque les parties se retrouveront en présence devant la Cour
royale, et il faut bien l’espérer, pour la dernière fois.
Le contrat d’échange du 26 février 1661 contient l’abandon au prince
deCondé de tout ce qui constituait le duché de Bourbonnais en général
et sans exception, si ce n’est des bois futaies que ce prince ne pouvait ni
couper n i abattre.
L ’administration n’a jamais contesté cette vérité , n'a point altéré le
sens de l ’acte, l'a cité dans son Mémoire textuellement, sans en omettre
un seul m o t; mais, en même temps, elle a ajouté: La forêt royale de
Tronçais n’a pas été comprise dans cet acte d'échange, i° parce que la
législation qui régissait la F rance à celte é p o q u e s ’y o p p o s a i t ; 2 0 parce
que la même f o r ê t n e f a i s a i t p u s p a r t i e intégrante du duché de Bourbon
nais, étant une propriété personnelle des anciens ducs de Bourbon, qui
leur était advenue, non par don de la Couronne, mais par acquisition à
titre privé.
i° La législation du temps s’y opposait: les parties contractaient en
16G1, sous l’empire de l’édit du domaine de février i
566 qui était loi de
l’Etat, et qui proscrivait d’une manière absolue l’aliénation des grandes
forêts, ainsi que des vides qui se trouvaient dans l’intérieur ou aux reins
d ’icelles. Cet édit ne distinguait pas entre les aliénations perpétuelles et
les engagem ents; ce u x-ci étaient regardés comme de véritables aliéna
tions, l'engagiste ayant les mêmes droits qu’ un acquéreur ordinaire ,
pouvant user et abuser, changer, dénaturer les objets à lui engagés, les
aliéner à son tour. De plus, toute aliénation des biens du domaine était
de sa nature révocable, et l’histoire nous apprend que chaque souverain,
à son avènement au trône,se faisait un devoir de révoquer toutes les alié
nations du domaine consenties par son prédécesseur, soit qu’elles fussent
pures et sim ples, soit qu’elles fussent à titre d’engagements. (O rdon
43G, i 483 , i 5 i 7 , i 5 a i , iS a y , i 53y , 1 i>50, ctc.)
L’édit de février i 5GG s’appliquait donc à toute aliénation de grandes
nances de i / io i, 1
forêts de l’Llat, sans distinction entre les aliénations pures et simples et
les aliénations à titre d’engagement.
�(¿ 61
(
3
)
L’acte d ’échange de 166 1, contracté sous l’empire de cet édit, a xld
en respecter les dispositions ; il ne contient aucune dérogation formelle
à la législation existante; ce n’est pas un acte sohnn el émané de l’omni
potence royale, du pouvoir souverain exerçant les fonctions législatives,
mais un simple acte d’administration qui se renfermait dans les limites
légales, ne dérogeait en rien aux lois en vigueur, et concédait au prince
de Condé tout ce qu’il était permis à Louis X I V de lui concéder, tout ce
qui était légalement dans le commerce et non frappé de prohibition.
La législation s’opposait donc à ce que la forêt de Tronçais lût com
prise dans l’acte d’échange de 1 6 6 1, et à défaut de termes formels, con
statant d’ une manière incontestable que Louis X I V a voulu faire un acte
de souveraineté, en violant les lois existantes, la présomption légale est
q u ’il a vo u lu s’y renfermer.
20 La forêt de Tronçais ne faisait pas partie intégrante du duché de
Bourbonnais, en ce sens q u ’elle était possédée par les ducs de Bourbon ,
non comme fief relevant de laCouronn e, assujéli à certaines redevances,
prestations ou servitudes, mais en pleine propriété, comme chose à eux
personnelle, dont ils p o u v a i e n t d i s p o s e r à l e u r v o l o n t é , s a n s être assu—
jétis à a u c u n e formalité envers la Couronne. Confisquée sur le connéta
ble de Bourbon, non comme une dépendance du duché de Bourbonnais,
mais bien par suite de l’arrêt du parlement qui avait prononcé la con
fiscation de tous les biens du connétable, sans aucune distinction, elle
n’a cessé, depuis ce moment, de faire partie du domaine de I’Etat, dit
Coellier de Moret, dans son Histoire du Bourbonnais, dit encore M. L e pècheux, dans sa requête adressée à l’assemblée nationale.
Elle appartenait si bien à l’Etat, que Charles X , alors comte d’Artois,
demanda en
1775, qu’on la
lui accordAt à titre de supplément d’apanage';
sa demande fût rejetée, non pas parce qu’elle avait déjà été engagée h la
maison de C o n d é , mais parce que l’Etat 11e pouvait pas aliéner une
aussi belle forêt.
L ’acte déchange de 1GG1, en concédant au prince de Condé le duché
de Bourbonnais , ne lui a pas concédé tout ce qui avait appartenu au
connétable do
B o u rb o n ,
qui constituait le grand
à
quelque litre que ce
fief
en <liiclic—pairie en 1327.
fût,
mais seulement ce
formant le duché de Bourbonnais, é r ig é 1
�Les actes intervenus depuis , ne peuvent laisser aucun doute sur ce
point, que les forêts royales , régies par l’édit de i
566 ,
n’étaient pas,
n’avaient pas dû être comprises dans l’acte d’échange de 1661 , et que
ce prince lui-m êm e ne pensait pas pouvoir réclamer ces forêts.
Remarquons d’abord que cet acte contient la vente formelle des bois
taillis et de haute fu ta ie , et qu’ensuite vient la réserve des bois de haute
futaie qu’il ne pourra n i couper, n i abattre. Ainsi, d’ une part, les bois de
haute futaie sont vendus au prince, et d’ un autre côté, ces bois de haute
futaie sont réservés au roi. Comment concilier ces deux clauses contra
dictoires? Dans le sens indiqué par les agents du prince, il n'y a pas de
conciliation possible ; la prétendue concession des bois de haute futaie
n’existe p a s , n’est qu ’un leurre, une dérision, un lapsus calami] les
forêts royales couvertes de futaie auraient été cédées au prince de Condé,
sous la condition qu’ il n’en jouirait jam ais, puisque lors m ê m e que les
arbres auraient été coupés et vendus, le sol r e p r o d u i s a n t de nouveaux
arbres, et d e v a n t à p e r p é t u i t é r e s t e r futaie, la réserve aurait été perpé
tuelle, et la cession nulle, suivant cette adage : Donner et retenir ne vaut ;
e lle s agents du prince reconnaissent ( page 4 de la r é p o n s e ), que c’est
ainsi qu’on doit interpréter la convention.
Dans le sens du domaine, tout s’explique, il ne reste aucune obscurité ;
on a cédé au prince de Condé tout ce qui était aliénable dans le duciié de
Bourbonnais, toutes les petites fo rê ts, eu taillis ou bois f u ta ie , sans
exception, sous la seule réserve des arbres (le haute futaie qu ’il ne p o u
vait ni couper, ni abattre; cVst-à-dire, sous la réserve des arbres alors
existants, lesquels demeuraient réservés au roi tant qu’ils étaient sur pied ;
mais cette réserve cessait à mesure que les arbres étaient abattus, soit qu’ils
formassent des bouquets épars dans les héritages abandonnes, soit qu ’ ils
fussent réunis en forêts d'uni: contenance au dessous de cent cinquante
hectares; et une fois ces arbres coupés et e n levés, ce prince devenait
propriétaire libre du sol dans lequel ces arbres avaient été implantés, et
jouissait des taillis qui croissaient à la place de ces arbres futaies enlevés.
C ’est ainsi d’ailleurs q u ’il en a agi pour les trente-trois petites Ibiêls qui
lui ont été assignées en 1G88. Dans le premier système, contradiction
form elle, impossibilité absolue d'expliquer les termes de l’a cte; dans lu
second, clarté, justesse, application facile. Ne doit-on pas toujours in -
�u
( « )
terpréter un contrat dans le sens le plus c la ir , dans celui qui exclut
toute équivoque ?
Si la forêt de Tronçais eût été comprise dans l’engagement de 166 1,
quel sujet de contestation eût pu s’élever entre l ’Etal et les agents du
prince? Quel était le rôle qui restait aux agents des maîtrises? Ils n ’a
vaient plus à s’occuper de la défensabilité ou non défensabilité des bois;
leur garde, leur conservation ne les concernaient plus, car tous les taillis
appartenaient au prince, et ce dernier devait veiller à leur conservation,
comme il l’a fait pour les trente-trois petites forêts qui lui apparte
naient, après l’arrêt de 1688. Les gardes du roi n’avaient plus qu ’ une
chose à faire, surveiller les arbres futaies alors existants ; le roi n’avait
conservé de droits que sur ces arbres ; leur tâche devenait bien facile
à remplir : il suffisait de quelques visites de temps à autre ; le prince au
contraire avait à surveiller les taillis, les vides, les usurpations commises
par les propriétaires riverains, et cependant la forêt continue d e lr e con
fiée exclusivement aux officiers du domaine , sans que le prince ait
nommé un seul agent pour supporter sa part de la surveillance.
L ’administration des biens d e S . A. II. prétend, ( p a g e d e s a r é p o n s e )
5
que les agents du domaine voulurent empêcher le prince de jo uir des
taillis de la forêt de Tronçais ; que ce fût là ce qui donna lieu à l’arrêt
de 167a , et que, par suite de manœuvres de leur part, ils parvinrent à
faire ériger en principe, que l’âge du taillis serait réglé à dix ans au lieu
de trente ans, selon la coutume du pays.
Le procès-verbal de réformation de 1G71 donne un démenti à ce rai
3
sonnem ent, car il établit que la forêt deTronçais contenait 1 8 , oo a r
pents dont
3oo
arpents seulement en bois futaie de bonne nature, 1G60
arpents en vieux chênes sur le retour et en partie étêtés, et
3
1 G, /io ar
pents en vieilles ventes de tous âges, ju sq u ’à neuf et dix ans. Le prince
aurait donc dû jouir de ces 16 ,
34o arpents qui évidemment, dans le sens
qu’on veut donner à l’acte de 1G 6 1, étaient compris dans sa concession,
notamment de toutes les coupes qui avaient été faites depuis dix ans ; et
cependant, il n’est pas a r t i c u l é q u ’il ait fait un seul acte de possession
sur ces coupes, q u ’il ait même manifesté quelque prétention à cet é^ard.
Ni dans l'arrêt de 1672,
ni dans celui de 1688, on ne voit rien qui ait
rapport à la forêt de T ronçais. Celte iorèt, non plus que celles de Les-
�(
6' )
pinasse, Dreuil, Soulangis, Grosbois et Civray , ne sont pas même
nommées.D’après la réponse que nous lisons, on aurait enlevé au prince
6 34o
de Condé, dans la seule forêt de Troncáis, i ,
arpents de bois taillis
auxquels il avait des droits incontestables: on lui en aurait seulement
accordé 4726, auxquels il avait également droit, et cependant il ne se
plaint pas, il ne réclame rien au delà, il se trouve très content de la p o r
tion qu ’on lui assigne; c'est lui qui poursuit l ’homologation du travail
des experts, qui sollicite un arrêt conforme, et rien dans la procédure
ne conslate qu ’il se soit plaint de la lésion énorme que cet arrêt devait
lui faire éprouver.
A i n s i , dès 1672 et 168 8 , le prince de Condé reconnaissait q u ’il n’a
vait aucun droit sur les forêts royales, quoique ces forêts continssent des
taillis de n e u f à dix ans , et quoiqu’on lui eût vendu tous les bois tant
taillis que de haute futaie, sans aucune autre réserve q u e de ne pas
couper les bois de haute futaie; et il l a i s s a i t p ro n o n c e r , ou plutôt, il
sollicitait u n a r r ê t qui le «léponillait des quatre cinquièmes de ce qui au
rait été sa propriété légitim e, s’ il eût entendu alors son acte d’échange
comme on voudrait l’entendre aujourd’hui.
L ’administration des domaines n’a pas discuté l’arrêt du conseil de
167a , parce qu’elle n ’en a pas de copie dans son dossier, et qu’elle ne
le connaît que par la production qu’en a faite l’adversaire; mais , que
porte donc cet arrêt ? Nous allons le citer textuellement, tel que nous
le trouvons à la page
7 de la réponse.
« Le roi en son conseil, conformément audit contrat d ’échange du
aG février 1GG1, et avis du sieur T u b œ u f, a ordonné et ordonne que le
dit sieur prince de Condé jo uira des p âturages, panages, paissons,
glandee et p êc h e , de la coupe des bois taillis dépendant dudit duché de
H ourbonnais, et des amendes provenant des délits d’ iceux , à la charge
que l’adjudication desdits panages sera faite pour chacun an , sans
frais, par les officiers des forêts du H ourbonnais; les fermiers dudit
sieur prince de Conde appelés, lesquels s e r o n t tenus de visiter lesdits fo
rêts pour régler le nombre de porcs qui pourront être inis en chncuned’icelles ès-lieux défcnsahles et permis , dont ils dresseront leur procèsverbal, et à la charge aussi que les coupes desdils bois taillis seront réglées
à l’Age de dix ans , suivant l'etat qui en a clé dressé, et que la vente et r e -
oolement d’ iceux seront faits par lesdits oiliciers, etc. »
�( ^ ;
On prétend tirer un grand avantage de ces mots s conformément audit
contrai d'échange , ledit sieur prince de Condé jouira des pâturages, etc. ;
e to n dit :«la forêt de Troncáis était donc comprise dans l’acte d ’échange
de 1 6 G 1 , p uisqueleprince a joui des pacages de cette forêt, et que l’ar
rêt de 1672 énonce que le droit de pacage est dû conformément au con
trat d’échange.
La conséquence n’est pas rigoureusement j u s t e , car si la forêt de
Troncáis a été cédée au prince par l’acte d’échange de 1661 , à q u o i bon
se faire donner ou confirmer en 1672 le droit de pacage sur cette
même forêt? Le droit de propriété n’em p o rte-t-il pas nécessairement le
droit de pacage? ce dernier droit n’e st-il pas une partie du prem ier?
P e u t-o n concevoir un propriétaire qui n’aurait pas le droit de faire pa
cager ses bestiaux sur sa propriété? D i r a - t - o n q u e la réserve des bois de
haute futaie insérée dans l’acte d’échange nécessitait cet a n êt? Mais cette
réserve ne s’étendait qu’à la défense de couper les bois de haute futaie, et
le pacage des bestiaux ne peut jamais être nuisible aux bois de haute fu
taie; il n’y a que les jeunes taillis qui soient exposés à la dent des ani
m aux, et tous les bois taillis étaient la propriété du prince, sans aucune
réserve. Ce n’est pas dans les taillis qu’on introduit les p o rcs, car il est
rare que les taillis produisent du gland ; pourquoi donc accordait-on
au prince en
1672, un droit qu’il possédait nécessairement depuis 1G61 ,
sur lequel aucune difiicullé n ’avait pu raisonnablement s’é le v e r,
dont la reconnaissance en
1G72 ,
et
impliquait une contradiction formelle
avec le droit de propriété conféré en 1GG1 ?
k s -lie u x dèfensables et perm is, dit le même a rrêt: pourquoi celte res
triction? Il n’y a défense d’introduire de bestiaux dans un bois que
quand ce bois est je u n e , au dessous de cinq ans ; o r , tous les bois de
celte nature, dans le sens de la dem ande, appartenaient au prince de
Condé; il d e v a it profiter même de toutes les coupes de bois futaie,
après l ’enlèvement des arbres réservés.
Le prince se trouvait soumis
sur ce point aux restrictions générales imposées aux propriétaires sur
leurs propres b o is , mais il n’y avait aucune nécessité d’en faire m en
tion dans l’arrêt de 167a ; cette restriction démontre que dès ce momenl,
il y avait des bois do l’Ktat, non dèfensables, soit dès lo r s , soit suscep
tibles de le devenir, qui n ’étaient pas la propriété du p rin ce, et.qup
�par suite, (ous les bois du Bourbonnais n’avaient pas été cédés au
prince par l’acte de
1661.
Les officiers des forêts sont chargés chaque année de faire l'adjudica
tion des pacages dans les bois et forêts du Bourbonnais: pourquoi celte
précaution, si ces forêts sont comprises dans l’acte d’é ch an ge? Si elles
sont la propriété du prince , pourquoi ne jo uira—t-il pas par lui-m êm e
de c e pacage? pourquoi ses agents ne procéderont-ils pas directement
à l’adjudication?O n objecte (p a ge 8 de la réponse), que l’Etat avait un
grand intérêt à surveiller le repeuplement des forêts dont le sol aliéné
temporairement devait, dans un temps plus ou moins é lo ig n é , faire
retour à son profit. Cette objection aurait quelque poids, si la même
mesure avait été appliquée à toutes les autres forêts abandonnées au
p rin ce; mais elle disparait quand on voit q u ’en
1688 ,
les agents de
l’ Elat cessent de s’occuper des trente-trois petites forêts r e c o n n u e s pour
avoir fait partie de l’éch an ge ; que le
prince
j o u i t par lui-m êm e de ces
p e t i t e s f o r ê t s , les fa it g a r d e r par ses a g e n ts, par des gardes à ses gages ,
sans que l’Elat conserve sur elles aucune surveillance autre que celle que
les agents forestiers exercent généralement sur toutes les propriétés
boisées. Mais l ’Etat avait bien le même intérêt à surveiller ces trentetrois forêts, elles devaient aussi faire retour au domaine dans un temps
plus ou moins éloigné. Le prince n’avait également sur elles q u ’un
droit précaire. Pourquoi donc, celte différence? pourquoi cet abandon
coupable de la part de l’administration à l’égard de ces trente-trois
petites forêts, quand elle se montrait si sévère, si rig o u re u se , si tra cassière à l’égard des autres forêts?
On a d i t , dans la première réponse aux observations, que ce droit de
pacage avait été par erreur et abusivement accordé au prince de Condé
par l’arrêt de 167a ; et plus on examine cet a rrê t, plus on se confirme
dans cette opinion. 11 est évident q u ’on a voulu favoriser le prince , en
lui accordant plus que ne lui conférait l’acte d’échange de 1G61, et que,
pour y parvenir, on a été obligé d’em ployer ces mots : conformément au
contrat d'échange ; c a r , ou bien l’acte d’échange comprenait toutes les
forêts du Bourbonnais, sans e x cep tion , et dans ce ca s, l’arrêt de 167a
est r id ic u le , sans o b j e t , un véritable non sens ; ou bien les grandes fo
rêts n’élaienl pas comprises dans le même acte d’é ch an ge , et dans ce
�(
9
)
ca s, l’arrêt de 1G72 accorde au prince un droit qu’il n’avait pas aupa
ravant; mais comme il fallait colorer en apparence cette extension don
née au contrat, on a ju g é convenable d’ajouter ces m ots: conformément
au contrat d'échange, mots qui pouvaient en imposer à une époque où les
propriétés du domaine étaient assez mal administrées, mais qui ne sou
tiendrait pas aujourd’hui un examen sérieux.
On s’appuie encore sur ces mots : le prince jouira de la coupe des
bois taillis dépendants du duché de Bourbonnais , et on ajoute : cela
est-il clair ?E h bien ! si le prince s’appuie sur ce'tte déposition de l’arrêt
de 1 6 7 2 , nous lui répondrons : vous prétendez aujourd’h u i , en 1842,
que ces mots s’appliquent à toutes les forêts du Bourbonnais ! donc
vous avez dû profiter des coupes qui ont pu être faites dans les grandes
forêts. Comment se fait-il donc que dans des temps voisins de cet arrêt,
vous n ’ayez jamais réclamé aucun droit sur la forêt de Tronçais? Votre
arrêt est de 1672 ; il y avait en 1G71, iG ,
34o arpensde bois taillis, dans
Tronçais, de tous âges , même de neuf à dix a n s, et vous ne pouvez pas
articuler un seul fait, n o n p a s d e jo u issa n ce , mais m ô m e de réclama
tions sur ces taillis ! Au moment même où vous obteniez un arrêt aussi
favorable, vous en connaissiez tellement l’e s p r it , que vous laissiez sous
vos y e u x , couper la forêt de T ro n ça is, en 1G71 , la forêt de Gros-Bois
plus tard , celles de Lespinasse et autres; les coupes de ces bois lutaies
faisaient tomber les forêts dans votre domaine, et vous gardiez le silence !
Vous vous gardiez bien d’élever aucune réclamation ! Vous n’exerciez
aucun acte de poursuite, ni de possession , et ce n’est q u ’au bout de
cent soixante-dix ans qu’ il vous vient
l’idée de donner à cet arrêt une
nouvelle interprétation!
Mais il y a [dus , le système de la demande est p r o s c r i t par les termes
mêmes de l’arrêt de 1G72. A la vérité, cet arrêt accorde au prince de
Condé ht coupe des ho
'8
taillis (lu duché de JSoutbonnais, n u is , ajoute
plus bas : suivant l'état qui en a été dressé; or l’état dressé par le com
missaire T u b œ u f , quoique fort large, quoique très favorable au prince ,
ne contenait pas une parcelle de la forêt de Tronçais, ni des autres forêts
royales.
Les agents du prince , en citant avec complaisance les mots :
t jouira de la coupe des bois taillis du duché de Bourbonnais, » se g a r
dent bien de faire remarquer la restriction qui suit ces mots. Ils veulent
�prouver que l’arrêt accordait au prince tous les bois du Bourbonnais, et
malheureusement pour leur système , celte restriction fatale , suivant
l ’état qui e n a é té dressé, vient les démentir et constater qu’on n’a accordé
au prince que la coupe des bois taillis dont l’état est annexé à l’a rrê t,
état qui ne comprend pas les grandes fo rê ts, parce que jamais le roi
n’avait entendu concéder au prince les grandes forêts, propriété inalié
nable aux termes d e l ’édit de i
566.
Sans doute, il semble résulter de l’arrêt de 167a, qu ’ un droit de pa
cage sur les forêts de'l’Etat aurait été accordé au prince de Condé ; s’il
s’agissait en ce moment de statuer sur l'exercice de ce droit de pacage,
il y aurait lieu d’examiner s’il a été légalement accordé, s’il devait ou
non s’étendre à la forêt de Tronr.ais, s'il a été exercé constamment et
sans trouble; de quelle manière il s’exercait ; s’ il n’y a pas eu confusion
entre les mains de l’Etat par suite de la confiscation opérée en 1791 ; si
l’administration a pu et dû en ordonner la suppression en i
83o.
Mais
comme il ne s’agit en ce moment que d ’une question de propriété, et
q u ’on n’invoque le fait de pacage que comme un fait de possession pou
vant conduire au droit de p ropriété, il serait oiseux de s’engager dans
une discussion prématurée. Seulement, la concession, ou si l’on veut, la
reconnaissance, par l’arrêt de
167a , d’ un droit de pacage dans les
forêts de l’Etat, est la preuve la plus forte, la plus convaincante, que ces
mêmes forêts n’avaient pas été cédées au prince par l ’acte d ’échange de
1G61, ou bien il faut dire que les agents du prince ainsi que les m agis
trats qui onl pris part à cet arrêt, étaient les gens du monde les plus
ineptes et les plus ignorants.
L ’arrêt de iGSBest encore plus clair que celui de 167:2. On y ht un
effet que par le règlement de 1672 011 a abandonné au [»rince certains
taillis qui 11e devaient pas lui appartenir, soit parce qu ’ ils sont en lutaie,
soit parce qu'ilb *ont enclavés dans le corps des buis et futaies de S . M . Ainsi
donc, en 1G88, S. .M. avait dans le bourbonnais, des bois et futaies qui
lui appartenaient, m algré l’acte d ’échange de IGGI ! Nous dirons à no
tre lour : K st-ce clair? Ainsi, en
IG72,
le commissaire T u b œ u fv o u s avait
fait la délivrance des taillis auxquels vous pouviez [avoir droit; mais ce
commissaire était allé trop lo in , il avait été beaucoup trop complaisant;
il vous avait attribué des bois qui étaient enclavés dans les bois de Sa
�( H
)
Majesté ; on vous enlève ces bois qui ne pouvaient pas vous appartenir ,
parce qu’ils étaient frappés d’inaliénabilité ; on vous attribue trentetrois petites forêts dont vous pourrez disposer, toutefois après que le ro*
aura fait couper tous les arbres futaies qui s’y trouvent,; car en 1G88, on
1672 , on veut se renfermer scrupuleusement
dans les dispositions de l’acte d ’échange de 1661 , et le prince renonce
n’est pas aussi léger qu ’en
à jamais, pour îui et ses successeurs, à rien demander pour le surplus des
autres bois qui lui avaient été attribués en 1672 ! Que peut-on conclure
de cet arrêt, sinon qu’ il prouve clairement que le.'roi possédait dans le
B o u r b o n n a is des forêts royales non cédées au prince, su r lesquelles ce
dernier 11e pouvait prétendre aucun droit, qui étaient réservées à
Couronne?
Q u ’on rapproche maintenant cet arrêt, qui parle en termes exprès des
bois ou futaies de Sa Majesté, de l’arrêt de 1672 qui accorde un droit de
pacage sur les forêts du roi, et de l’édit de 1
566 qui
prohibe les aliéna
tions des grandes forêts : tout se lie, tout s’e n ch a în e , tout est consé
quent. Le roi, par l’acte d ’échange de 1661 a cédé au prince de Condé
tout ce qui était aliénable d’après la législation, et se réserve tacitem ent,
par la seule iorce de la loi, les grandes forêts inaliénables. L’arrêt de
1672 concède au prince, à lort ou à raison, un droit de pacage sur les
forêts réservées;l’arrêt de 1688 consacre l’existence de ces forêts réser
vées au roi, et réprime l’extension que le commissaire T u b œ u fa v a it don
née aux droits du prince ;tout est clairement expliqué.
Q u ’on adm ette, au contraire, le système de la demande. L ’acte de
1661 accorde au prince tout ce qui constitue l’ancien duché de Bour
bonnais sans exception , en y comprenant les grandes forêts, malgré l’é
dit p ro h ib itif de 1
566 ; puis,
en 1 6 7 a, intervint un arrêt qui concède nu
prince un droit de pacage sur les mêmes forêts dont il a acquis la pro
priété ; ensuite, en 1688, nouvel arrêt qui enlève au prince certains
taillis comme étant enclavés dans les forêts du roi, quoique ces forêts
soient la propriété du prince! Quel gâchis! quelle énigme à deviner !
quelle sagacité pour en découvrir le sens!
On se récrie b e a u c o u p sur ces mots : Forêts royales, forets du roi. On dit
que ces noms étaient donnés indistinctement à toutes les forêts du Bour
bonnais. Celle assertion n’est pas exacte ; sans doute, avant Pacte d’é
�change de 1 6 6 1, toutes les forêts du Bourbonnais étaient forêts royales ,
puisqu’elles appartenaient toutes au roi ; mais à partir de cet acte , on
ne connaissait plus comme forêts royales que celles qui étaient restées
au domaine, et n’étaient pas devenues propriétés du prince de Condé.
Ainsi on disait la forêt royale de Tronçais, de Dreuille, de Lespinasse ,
de G ros-Bois, même quand ces forêts avaient été coupées ; tandis q u ’on
ne disait pas la forêt royale de Champeaux, de Marseauguet, deR igoulet,
etc., quoique ces forêts continssent des futaies, parce que ces forêts
a v a i e n t été cédées au prince, et étaient sorties du domaine de la C o u
ronne. Cette distinction n’est donc pas aussi futile qu’on a l’air de le
croire.
La demande fonde la plus grande partie de ses raisonnements sur une
équivoque. Le prince , d it-o n , a toujours jo u i, depuis 1GG1 ju sq u ’en
i
830 ,
sauf les années passées dans l’émigration, des pacages de l a f o r ê t
de Tronçais ; or, que demande aujourd’hui Son A l t e s s e ? C e s mêmes pa
c a g e s dont la p o s s e s s i o n ne lui a j a m a i s été contestée, qu’on n’ose pas
nier aujourd’h ui, et qui est justifiée par une foule d ’actes qu’on a rap
portés devant la C ou r.
D ’abord, l’administration ne convient pas que le prince ait constam
ment joui sans trouble de ce droit de pacage; sans doute, il en a joui
plusieurs fois, «à plusieurs reprises, soit par l ’ignorance, la négligence ou
la connivence des ofïiciers de l’ Etat; mais en admettant comme vrai ce
qui est contesté, voyons de quelle manière il jouissait, et si celte jo uis
sance a pu lui conférer un titre pour réclamer la propriété de 898 h ec
tares de la forêt de Tronçais.
Remarquons d’abord qu ’ il s’agit en ce moment d’une demande en dé
sistement, non pas de laforêt de Tronçais toute entière; le prince 11eré
clame rien de toute la partie boisée; il ne réclame ni la partie couverte
en futaie, ni les taillis nombreux provenant des coupes successives faites
depuis cinquante-trois ans, quoique, dans son système,lotit lui appar
5 8 hectares de terrain non
tienne légitimement, mais seulement q
boise,
faisant partie du périmètre de la forêt; et pour fonder celte demande, il
dit : L'administration reconnaît, et des actes nombreux le constatent ,
que j ’ai, depuis iGG 1,011 du moins depuis 1G72 ju s q u ’en 179J, et de
5
puis 18 r ju s q u ’en t
83o, jo u i du
droit de paciigusur ces
5 (j8 hectares
�( <3 /
de terrain ; on ne peut donc pas me contester la propriété de ce terrain,
puisque j ’ai en ma faveur uneaussi longue possession.
Qui n e croirait d’aprés cela que Je droit de pacage concédé au prince
par l’arrêt de 1673 et exercé par lui depuis celte époque, soit constam
ment, comme il le soutient, soit par intervalles, comme le prétend l’a d
ministration, s’appliquait spécialement au terrain revendiqué ? Que c’é
tait précisément sur les vides de la forêt que ce pacage avait lieu, et que
c’était le produit de ces mêmes vides qui était versé dans la caisse du
prince? Eh bien! cela n’est pas. On a voulu abuser la Cour et les lecteurs
au moyen de ces mots '.Droits de pacage exercés et pacages revendiqués. La
vérité est que les
598 hectares qu ’on réclame
aujourd’hui, étaient pres-
qu ’étrangers au droit de pacage perçu, ou du moins y entraient pour
une part si faible, qu’ils n’étaient d’aucune considération dans la ferme
qu’on en faisait annuellement.
Les droits de pâturages, panages, paisson, glandée et pêche compris
dans l’arrêt de 1C72, se composaient
1° des droits
de pâturage, pacage
et paisson, expressions synonitnes qui s’appliquaient aux bêtes a u mailles, ou vaches. C e droit ordinairement n’était pas affermé; il n’était
exercé que parles habitants des dix communes usagères qui avaient des
titres en vertu desquels ils pouvaient envoyer chaqueannée leurs bestiaux
pacager dans la forêt de Tronçais, moyennant une redevance annuelle
de cinq sols par tête ; 2° des droits de panage et glandée, consistant à
envoyer un certain nombre de porcs
dans la forêt de Tronçais, lors -
qu’il y avait du gland ou de la faine en suffisante quantité. Les d i x com
munes usagères exerçaient ce droit, aussi moyennant une redevance de
cinq sols par tête; mais lorsque l’année était bonne et que la récolte de
glands e x c é d a i t les besoins des usagers, on affermait le surplus à un a d
judicataire ; 3° enfin du droit de pêche dans les ruisseaux, creux ou ré
servoirs qui pouvaient se trouver dans la forêt de Ironçais. Les terrains
réclamés par S. A.
H. ne contiennent
ni étangs, ni ruisseaux, ni réser
voirs ; cc droit de pêche est donc tout à fait étranger à la demande. Ces
mêmes terrains 11e contiennent pas un arbre, dyne ils ne produisent pas de
g la n d s; donc encore les droits de panajje et glandée SUllt ¿gfllcniCIli
étrangers
ù la demande. L e prince ne peut donc fonder sa demande
que sur /e droit de
pâturage proprement dit ; or, ce droit
de
pâturage
�( 14 )
restreint aux seuls bestiaux des usagers (sauf i’abus que pouvaient en
faire quelquelois les agents de l’administration), était d’une faible impor
tance , car les usagers n’étaient pas nombreux. E h bien ! ce droit, tout
modique qu’il était, ne s’exerçait pas spécialement sur les vides de la
forêt, mais bien en niasse sur la forêt tout entière , sur les futaies sur
les tallis, sur tout ce qui était déclaré défensable. Si les usagers n’avaient
pu envoyer leurs bestiaux que sur les vides, ils n ’auraient pas soutenu de
longs procès pour maintenir leurs droits, car ces vides épars dans la fo
rêt, couverts de mauvaises bruyères et d’ajoncs, ne produisaient même
pas d ’herbe propre à la nourriture des animaux. C’était dans les futaies t
dans les taillis, qu’on conduisait les bestiaux des usagers, dans
ce
qu ’on appelait les jeunes ventes, aussitôt que l’administration e n avait
proclamé la défensabilité. Jamais les vides de la forêt n’ont donné lieu à
une adjudication spéciale ; jumais ils nesont entrés en c o n s i d é r a t i o n daus
le prix de l’adjudication ; jamais iis n’ont été r e g a r d é s comme des pâtu
ra ges, et d a n s les t i t r e s d e s c o m m u n e s usngères, il est constamment ex
pliqué que les habitants de ces communes ont le d r o i t d’euvoyer pacager
leurs best,aux daus les bois iulaies et taillis de la forêt de 'fronçais , è s lieux défensables, sans faireaucune mention des vides.
Ainsi, on peut répondre avec avantage aux prétentions du prince :
Vous revendiquez ces
598 hectares
parce que l’arrêt de
1G72 vous
a c
corde ou vous reconnaît les droits de pâturage, panage, paisson, glandée
et pêche. Mais ce droit de pèche sur lequel vous vous appuyez, vous a u
torisait donc à réclamer tous les cours d’eau, étangs, creux ou réser
voirs qui se trouvaient dans la forêt de Tronçnis? Pourquoi n'en récla
m ez-vou s pas ? Mais ce droit de panage "et glandéc que vous dites avoir
exercé pendant cent cinquante ans sur toute la partie boisée de la forêt
de 'fronçais, vous autorisait donc à revendiquer toutes les parties de
cette forêt qui ont été couvertes de bois, au fur et A mesure que le bois
est coupé ? Comment donc ne réclamez-vous aucune parcelle du terrain
(pii produisait le gland ou la faine? Le droit de pâturage a dù être exercé
par vous de la même manière sur la totalité de la forêt de 'fronçais , il
vous autorisait donc à réclamer la totalité tic celte forêt ! Pourquoi donc
vous restreignez-vous aujourd'hui à
5()8 hectares, quand vous pourri* z
en demander plus de*G ,ooo? Quelle raison pouvez-vous alléguer pour
�( .5 ;
avoir possédé ces
5g 8 hectares plutôt que tout le reste de la forêt ? Com
ment se fait-il que votre prétendue possession s’applique spécialement
et uniquement à ces
5g 8 hectares,
lorsque vous dites avoir possédé le
tout de la même manière, par les mêmes voies, en vertu des mêmes
actes ? Citez-nous un seul acte de possession spéciale sur le terrain que
vous revendiquez; rapportez un seul écrit, un seul fait duquel il puisse
résulter que les vides de la forêt aient été regardés comme ne faisant pas
un seul corps, un tout indivisible avec la forêt elle-m êm e, et alors vous
pourrez faire comprendre comment vous aurez pu acquérir des droits
particuliers sur ces vides, quand vous n’en avez pas sur le reste. Ju squ elà votre prétention est insoutenable.
On ne pouvait, dit la demande, jouir de ces vides qu ’au moyen du pa
cage, et en recevant chaque année le prix de l’adjudication , le prince
exerçait tous les actes de' possession) possibles. Ce raisonnement ne dé
truit nullement l’objection que nous venons de faire, que ces terrains
vides n’ont jamais fait l’objet d’une adjudication séparée, e tq u e leprince
n’en a joui que comme il jouissait du surplus de la forêt qu'il ne reven
dique pas ; mais il manque lu i-m êm e de solidité. Si l ’intervention des
officiers de la maîtrise dans l’adjudication de la glandée se justifiait par
la nécessité de veiller à ce que les bois réservés au roi fussent gardés
avec soin , cette intervention était tout a fait inutile en ce qui concer
nait ces vides ; là, il n’y avait pas d’arbres à conserver, pas de repeuple
ment «à surveiller, puisque le sol lui-même appartenait au prince. Rien
n’cmpêchait que ce dernier n’en jo u it directement, par ses agents seuls,
qu'il n’en lit faire une adjudication séparée, qu’ il n’en usât à sa volonté,
comme il faisait des (erres vaines et vagues en grande quantité dans la
province, et que ses agen's affermaient, amodiaient ou aliénaient ; le
prince en aurait retiré un produit bien autre que celui q u ’ il en retirait
lorsque ces vides se trouvaient confoudus avec la totalité de la forêt de
Tronçais; et scs agents avaientsi peu l’idée que leur maître e û t q u d q u e s
droits de propriété sur ces terrains, que pendant un espace de cent cin
quante ans, 011 ne peut pas citer un seul fait de possession qui s’applique
à ces vides.
On a dit, dans l’intérêt du dom aine, que le a
3 mars 1830 ,
le baron
de Surval, agent du prince de Coudé, avait élevé, pour la première (ois ,
�(
‘0
)
la prétention que la forêt de Tronçais avait été comprise dans l’acte d’é
change de 16 6 1; et là dessus les agents du prince se récrient et incul
pent la bonne foi de l’Etat, en soutenant que dès 1 6 6 1 , le prince a tou
jours joui des pacages, panages, paissons et glandées dans la forêt de
Tronçais; c'est ainsi q u ’on cherche toujours à confondre le pacage avec
le droit de propriété, lorsque ces deux
droits sont évidemment tout à
fait distincts et séparés.
Ledom aine a donc été bien fondé à soutenir :
i® Que le contrat d’échange de 1661 ne comprenait pas les forêts
royales d’ une certaine importance ; il n’y avait pas besoin pour cela que le
contrat contint des réserves expresses ; les grandes forêtsétaienc frappées
d ’ inaliénabilité aux termes de l’édit de 1
566, la
réserve était donc de
plein droit; il aurait fallu, pour q u ’elles fussent comprises dans l’échan ge,
un acte formel, émané de l’autorité royale, agissant c o m m e souveraine ,
sous la forme d’o rd o n n a n ce , édit ou d é c l a r a t i o n , revêtu de la signature
du roi, p o r t a n t dérogation textuelle aux lois existantes ; un tel acte
aurait pu avoir effet ju sq u ’à révocation, mais il n’en a point étéainsi.
Le contrat de 1661 n’est qu’ un simple contrat civil, passé par le roi
comme administrateur des biens du domaine , soumis à toutes les e xi
gences de la législation alors existante, et on ne peut pas, on ne doit pas
supposer que cet acte fût contraire à la loi.
20 Que les arrêts de 1672 et 1688 font connaître et expliquent le con
trat d’échange, et la propriété de forêts réservées au roi.
Toutes les arguties de la demande ne pourront détruire ce fait que
l’arrêt de 1672, en accordant au prince le droit de pacage dans toute l’é
tendue (1rs forêts du Bourbonnais, a reconnu par là qu'il y avait des fo
rêts qui n’avaient pas été cédées au prince par l’acte d’échange de 16 6 1,
et q u ’il n’est pas permis à quiconque a du bousens de supposer q u ’on lui
accordât un droit de pacage sur des terrains qui étaient sa pleine propriété,
en vertu d’un titre antérieur. Que si ou lui accorde par le même arrêt le
droit d’exploiter les taillis dans toutes les forêts dépendant du d u c h é , ce
droit est en même temps restreint par ces mots : Suivant l'clat qui en a vie
dressé ; il est constant q u ’aucune des forêts royales ne se trouvait com
prise dans cet état ; le prince est forcé de reconnaître lui-même, q u ’il n’a
jamais exercé ce droit, quoique de nombreuses coupes aient été faites
�( 1? )
V f
'
dans la forêt de Tronçais,soit à l’époque même où cet arrêt a été rendu,
soit de 1779 à 1792, époque de son émigration, soit depuis son retour
de l’émigration. Ce même arrêt restreint formellement son droit sur ces
bois taillis, à ceux compris dans l’état dressé par le sieur T ubœ u f,
q u i
ne
péchai^ pas par trop de rigueur contre Son Altesse Sérénissime ; q u el’arrêt de 1688, en restreignant encore les effets de l ’arrêt de 16 7 2 , constate
q u e
le
sieur
T u b œ u f a eu tort d’accorder au prince des bois enclavés
dans les bois de S. M. ; que le roi possédait dans le Bourbonnais d’autres
bois que ceux aliénés, et déclare que le prince, n i ses successeurs, ne
pourront
rien
prétendre dans ces bois : o r, si l’arrêt de 1688 enlève au
prince et à ses successeurs toute prétention quelconque sur des bois qui
cependant avaient été reconnus en 1672, comme étant sa propriété , à
plus forte raison d o it-on lui refuser toute prétention quelconque sur des
bois qui ne lui avaient jamais été attribués.
3° Que jamais la forêt de Tronçais n'a fait partie de cetéchange, mais,
au contraire, est toujours demeurée propriété exclusive de la Couronne.
Cela a été démontré de la manière la plus évidente par ce qui a été dit
5
plus h a u t, par l’édit de i GG, par les arrêts de 1G72 et de
1688 , et par
tous les actes qui ont suivi l’acte d’échange.
h° Que les vides existans dans cette forêt n’ont jamais cessé d ’en faire
partie.
Celte proposition n ’avait élé discutée dans la première réplique du
domaine, que parce que, lors des premières plaidoieries devant la Cour
royale, l’avocat du prince, en désespoir de cause, revendiquait ces vides
comme devant être compris sous la dénomination générale de terres
vaines et vagues, et comme tels, donnés au prince, aux termes de l’acte
de 1G61. Il devenait alors important de prouver que ces vides n’étaient
pas des terres vaines et vagues, dans le sens ordinaire de ces mois, mais
qu’ ils étaient parties intégrantes de la forêt royale, compris dansson pé
rimètre, et réputés forêt tout aussi bien que les parlies boisées: Aujour
d’ hui qu’on n’ose plus reproduire les argumentations grammaticales de
l'audience, il devient inutile de discuter un fait qui n ’est pas contesté.
11 ne faut cependant pas conclure d e l à que l’administration recon
naisse que les vides qui existent en ce moment dans la forêt de Tronçais,
soient les mêmes que ceux qui existaient, soit en iGG i, à l’époque du
3
s-
�contrat d’échange, soit en 1 6 7 1 , à l ’ époque de la réformation ; c’est là un
point de fait fort douteu x, sur lequel il n’appartient à personne d e d o n ner une réponse exacte. La iorêt de Tronçais a dû é p ro u ve r plusieurs
changements dans une période de cent quatre-vingts ans. Des parties
alors boisées ont pu être réduites à l’état de vides,
par suite de l’exploi
tation des arbres et de la négligenee des agents forestiers; des vides ont
pu être semés et repeuplés, com m e, en effet, il y a eu des semis ordon
nés et exécutés à différentes époques, et aucune mémoire d ’homme ne
peut rem onter assezhaut pour déposer vérité sur ce fait.
Le procès-
verbal de 1671 signale des vides n o m breu x, sans indiquer leur conte
nance, ni leur situation, et ce point restera toujours dans l’obscurité.
5° Que le p r in ce d e C o n d é n’a ja m a is exercé aucuneaction su rc es vides.
Cette proposition est encore démontrée par ce qui a été dit plus haut
Quel est le seul acte de possession exercé par le prince de Coudé s u r ces
vides? Les a -t-il affermés, cultivés, donnés à bail ou à cens ? les a - t - i l
r e n f e r m é s de fossés, changés de cu lture? Ses gardes ou ses agents ont-
ils dressé un seul procès-verbal contre les usu rpateu rs, à quelque titre
que ce s o it ? Ont-ils exercé un seul acte de poursuite? IN'ou, non, mille
fois non. Seulement, Son Altesse aurait reçu pendant un laps de temps
plus ou moins considérable, le produit du droit de pacage. Mais com m e
on l’a dit, c e n’étaient pas les vides de la forêt qui étaient affermés , c’é
tait la forêt toute entière, c’étaient le pâturage, 2a glandée et la pêche ;
sur la somme de quatre à cinq mille francs que produisaient annuelle
ment ces droits, la glandée seule entrait pour les deux tiers , et dans
Je tiers restant, les vides de la forêt ne figuraient pas même pour un
vingtième. Si le prince de Coudé ne peut retirer aucun avantage de cette
jouissance en ce qui concerne le sol planté en futaies et en taillis, co m
ment peut-il s’en prévaloir seulement pour les vides? Comment la même
cause peut-elle produire des effets différents ? Voilà ce que les agents du
prince n’ont pas pu encore nous expliquer.
0" Que
les agents du prince n’ont pas osé soutenir les conséquences de
leurs raisonnements.
Il n ’y a ici ni inexactitude ni faux raisonnements. Les écritures signi
fiées par les agents du prince font foi q u ’en première instance, ceux-ri
prétendaient que le sol même des forêts royales était engagé sous la
�seule réserve des arbres existants, et qu’à m esurequ’ un arbre futaieétait
coupé, le prince pouvait s’emparer du sol d’où on l’avait enlevé, e t , il
faut bien en convenir, le rédacteur de cette écriture était conséquent
avec l’esprit de la demande; si le prince a un droit à une partie q u e l
conque de la forêt de Tronçais, îl a incontestablement droit à la totalité,
à mesure que les arbres futaies seront coupés ; l’acte d’échangede 1661
est trop clair sur ce point pour prêter à l’équivoque. Mais devant le tri
bunal de Montluçon, l’avocat du prince pressentant l ’impossibilité où il
était de soutenir un tel système, abandonna toute prétention au terrain
couvert de bois futaie, et, plus lard, devant la Cour royale, demanda
acte de ce que le prince renonçait à toute réclamation sur la forêt de
Tronçais, soit futaies, soit taillis ; déclaration irrégulière, sans aucune
valeur, puisqu’elle élaif faite au nom d’ un prince mineur, sans aucune
autorisation de son conseil d’administration.
Le domaine a donc eu raison de dire que les agents du prince ont re
culé eux—mêmes devant les conséquences de leur système et les ont
amoindries à chaque phase du procès.
Dans les documents cilés par les agents du prince et attribués aux
84
agents de l’admininistralion des eaux et forêts en i i , 18 1
5 et
1816 ,
il n ’est question que du droit de pacage ; nulle part on ne reconnaît au
prince un droit de propriété, sur quelque partie que ce soit des forêts
royales, pas plus sur les vides que sur les parties boisées. La lettre de
MM. liaison, Marcotte et Chauvet, du
2 G janvier
1822 , n'est relative
qu'aux droits de pacage, et on peul remarquer en passant que ces mes
sieurs parlent de quatre bois qu ’ ils apppellcnt domaniaux et qu’ils disent
situés dans l’arrondissement deiJannat, tandis que deux de ces bois, les
brosses de la Louere, et les brosses de Vinas, appartenaient au prince e t
étaient situés dans le canton d’IIérisson, arrondissement de Montluçon.
( ’.’est par erreur qu’on dit que les anciens seigneurs de Bourbon avaient
concédé, en 1
375, des droits d ’usag« aux habitants de dix communes li
mitrophes ; c’est bien de 137», à la vérité, (pie datent les premières let
tres patentes accordées à ces communes par Agnès de Bourbon ; mais ces
lettres constatent que ce droit leur appartient et est exercé depuis long
temps en vertu d'anciens litres qui ne sont pas rappelés ; mais la teneur
des lettres de 1 375 constate que ce ne fut pas une concession faite pnr les
�( 20 )
ducs de Bourbon, mais au contraire, la reconnaissance d’un droit légi
time, exercé, non pas sur les vides de la forêt, mais sur les futaies et
taillis, car des vides il n’en est pas dit un mot.
Le fait rapporté (page 12 de la première répliqué), est justifié par le
rapport d’ une déclaration faite le 27 pluviôse an 11, devant le directoire
du district de Cérilly, par les nommés Bouchicot, qu’ ils sont détenteurs ,
à titre d’engagement, des anciens bâtiments de la châtellenie de la
Bruyère-l’Aubépine, suivant une adjudication à eux faite au bureau des
finances deMoulins, le 28 avril 1786. Cet acte sert à prouver que si l’acte
de 1661 comprenait la châtellenie de la üruyère-l’ Aubépine, il y avait
néanmoins dans cette châtellenie des objets dont le prince de Condé ne
jouissait pas, et qui étaient restés la propriété du roi ; comme ces sortes
d'adjudications étaient précédées de longues formalités, d’affiches et de
publications, 011 ne peut pas supposer que les agents du p r i n c e qui ré
sidaient sur les lieux, eussent laissé vendre, au profit du roi, ce qui ap
partenait à leur maître , quelque modique qu ’en fut la valeur.
On repousse l’argument tiré de la production du procès-verbal d e r é formation de 1 6 7 1, et cependant cet argument nous parait puissant. L ’ar
ticle
3 , titre 37, de
l’ordonnance de
1G69 ,
enjoignait aux grands maî
tres, en faisant leurs visites, de faire mention de toutes les places vides
existantes dans les forêts ou aux reins d’icelles ; de désigner celles qui au
raient été aliénées, engagées, ou données à cens, et celles qui, étant li
bres encore, pourraient être repeuplées*
Ce fut en conformité de cette ordonnance qu’eut lieu la réformalion
générale de la forêt de Trouvais. Cette opération fut annoncée par des
affiches, des publications dans toutes les paroisses riveraines; elle dura
plus de deux ans ; le commissaire réformateur Leferon procéda à une
visite scrupuleuse ; il signala de nombreuses anticipations
commises
par les riverains, et l’existence de vides dans les différents cantons ; mais
il ne dit pas (¡tic ces vides avaient été engagés ou aliénés ; au contraire ,
il les signale tous, com m e faisant partie du sol forestier, devant être re
piqués eu glands , ce qui constituait un (rouble aux prétentions du
prince. Ce procès-verbal a élé lu, enregistré et transcrit dans les maî
trises de Moulins, Cérilly et Hérisson, sansaucunc opposition de la pari du
desagen lsdu prince. Depuis, el en i8u8, il a élé décidé par la Cour royale
�( 21 )
de Riom que ce procès-verbal avait force deloi, parce qu’il avait été revêtu
de t o u t e s »es formalités alors nécessaires, et qu’il faisait foi en justice.
Tous ceux qui possédaient les terrains déclarés anticipés pau le com m is
saire Leferon, ont été condamnés à se désister de ces terrains, par le
seul m o tif q u ’ils avaient gardé le silence lors des opérations. Par la
même raison, le prince ne peut pas réclamer aujourd’hui, comme lui
appartenant, des vides qui ont été reconnus, en 1 6 7 1 , n’avoir été ni alié
nés, ni engagés, et être la propriété de l’Elat. On ne peut pas décider ,
en
faveur du prince, autrement qu’on n’a décidé contre les propriétaires
riverain s,
puisque le titre invoqué est le m ê m e; la position des rive
rains était même plus fa vo ra b le , car ils possédaient, e u x , ils possé
daient réellement, comme propriétaires; ils n’avaient jamais été trou
blés , jamais poursuivis, tandis que le prince ne peut invoquer aucun
fait de possession réelle sur les objets qu’ il revendique.
Vainement vient-on dire que le prince n e possédant que précaire
ment, n’avait aucun intérêt à contredire les opérations du réformateur.
C elui-ci ayant reçu mission de constater quelles étaient les parties des
forêts aliénées ou engagées , ses décisions, non contredites dans le délai
v ou lu ,
étaient irrévocables. Ainsi,
lors même qu’en iGGr, on aurait
compris la forêt de Iron çais en tout ou en partie dans l’engagement du
prince de Condé, il suffirait que le procès-verbal de 1671 constatât que
la forêt de Tronçais était libre, et qu’aucune de ses parties n’avait été e n
gagée, pour que le silence gardé par le prince, lors de l’enregistrement
de ce procès-verbal, pût lui être opposé en ce moment comme une fin
de non-rccevoir.
C ’est encore à juste titre que le domaine a fait valoir la concession
faite à M.
N icolas
Hambourg en 1788, comme une preuve que le prince
de Condé ne se croyait aucun droit sur la forêt de Tronçais, et on disait:
I.e prince de Condé se prétend propriétaire de tous les vides de la forêt
île Tronçais ; il articule qu ’ il n’a cessé d ’en jo uir sans aucun trouble , et
cependant, en 1 T88, un arrêt du conseil concède à.M. H ambourg quinze
arpents pour y construire des forges, et lui accorde la jouissance p en
dant trente ans, de tous
les
vides qui se trouvent dans les trois triages
de la l.andc-lilanchc, de la Bouteille et de Montaloyer, pour en tirer
tout le produit qu’ il pourra , à la charge, par le concessionnaire, deles
�(
22
)
ensemencer en glands, cinq ans avant l’expiration de sa jouissance, et
deles rendre en nature de bois.
S’il y a au monde un acte public de propriété, c’est sans doute c e lu ilà ; on ne pouvait pas apporter un plus grand trouble à la jouissance du
prince, puisqu’on le dépouillait ainsi , sans indemnité, de ce qu’il pré
tendait lui appartenir dans ces trois cantons ; sans le consulter et pour
toujours , ces vides, ainsi aliénés au profit de M. Hambourg, étaient en
levés à toujours au prince , puisqu’apiès les trente ans de jouissance
concédés à M. Ram bourg, ils devaient être boisés et retourner à l’Etat ;
et cependant il garde le silence. Les habitants des communes usagères ,
lésés dans leurs droits d’ usage, bien moins encore que le prince de
Conde, ne suivent pas son exem ple, ils réclament ; ils adressent pétitions
sur pétitions aux ministres, au conseil d ’Etat, à l ’assembléenationale;ils
exposent leurs droits, produisent leurs titres, invoquent l e u r jouissance
non interrompue pendant cinq siècles au moins, et ne disent pas un
mot du prince de Condé, qui ne figure en aucune manière dans le p ro
cès. Mais si le prince eût été réellement engagiste de la forêt de Troncáis^
s’ il eût eu un titre légal à faire valoir, ne se serait-il pas empressé de se
réunir aux réclamations de ces dix communes? N’eût-il pas soutenu ses
intérêts personnels en même temps que les leurs ? Les habitants usagers
qui avaient alors à lutter contre un homme habile et fortement protégé ,
n’auraient-ils pas sollicité avec ardeur Son Altesse de se joindre à e u x ,
s’ ils lui avaient reconnu un droit quelconque snr la forêt de 'fronçais ?
!S’auraient-ils pas vivement recherché le patronage d’ un prince aussi
haut placé, et dont l’influence pouvait si bien contrebalancer les pro
tections de M. Ham bourg? Eh b i e n ! non ; les habitants des dix co m
munes n’ont pas même l’idée que ce prince soit engagiste cl que s c s in (érêls soient lésés, ils ne prononcent pas même son nom dans leurs pé
titions, et les agents zélés (lu prince ne forment aucune opposition , lais—
suit M, H am bourgse mettre en possession de ce qui lui a été concédéLes moyens opposés par les agents du p rin c e, à cette concession,
sont vraiment curieux. On avait trouvé commode de nier la concession,
eu première instance; l’avocat du domaine n ’avait pas cette pièce dans
mm )
dossier ; aussi, quoique ce fait fût de notoriété publique, le tribunal
de Montluçon ne put le prendre en considération dans les motifs du j u
�(
=3
)
gement. Devant la c o u r , l’arrêt de 1788 est rapporté : on ne peut plus,
nier , que d it-o n ?
n Malgré l’engagement fait au prince de Condé , du duché de B o u r « bonnais , l’Etat n’en conservait pas moins la faculté de vendre ou aliéa ner tout ou partie de ce d u c h é , en remboursant au prince tout ou
« partie de sa finance d ’e n g a g e m e n t, et c’est précisément ce qui au« r a i t l i e u , si d éjà, à celte é p o q u e , les préludes de la révolution ne
« s’élaient fait sentir, ce qui devait détourner l’attention du prince qui
«• se trouvait appelée sur des objets d ’une importance bien plus grande
« (p a ge 26 de la réponse. ) »
En supposant l’exactitude de ce p rincip e, toujours fallait-il que le
remboursement précédât ou accompagnât la dépossession ; il fallait o b
server certaines formalités , faire connaître au prince sa dépossession ,
faire procéder à une estimation des objets dont on le dépouillait, afin de
connaître qnelle était la somme qui lui était due proportionnellement
dans la finance qu’il avait payée. O r , trouve-t-on rien de semblable
dans la concession Ratnbourg ? le prince a - t - i l été p r é v e n u ? y a - t - i l eu
des pourparlers entre lui et M. Hambourg ? ou entre lui et les agents du
domaine? On n’en trouve nulle part aucune trace. L ’arrêt du conseil qui
prononce cette concession , est du 7 lévrier 1788 ; il a élé enregistré au
greffe de la maîtrise de Cérilly le i
5 avril s u iv a n t , et dès le premier mai
M. Hambourg campe dans la forêt de T ro n ça is, à la téle de cinq cents
o u vriers, bouleversant le terrain q u ’on venait de lui concéder, bâtis
sant, défrichant, fossoyant sans aucune autre opposition que de la part
des usagers qui bataillaient en vain, mais qui du moins , combattaient
de toutes leurs forces, en leur nom , sans parler du prince non plus que
si on ne l ’eût jamais connu.
Il est très facile, cinquante ans après l’é v én em en t, de parler d’ inten
tion , de dire (¡ne le prince de Condé aurait élé remboursé sans la révo
lution ; mais encore faudrait-il donner des preuves , des indices du moins
de ce qui se strait fait. S’il eût été question entre l’ Ktat et le prince de
Condé, d'arrangements, d’indemnité, de remboursement pour la concesM011 Hambourg, il auraitdù en rester des traces ; desoftVes,dcs demandes
ont du être faites de part et d’uutre. H apporte-t-on un seul document
qui y ait Irait? C ’est au mois de février 1788 que la concession a été
�faite , après soumission rendue publique; la mise en possession a eu lieu
im m édiatem ent, et ce n’est que dans le courant de 1 7 9 1 , plus de trois
ans a p rè s, que le prince a ém igré ; en supposant qu ’ il fût alors préocupé
des événements politiques, encore une fois , ce n’était pas lui qui s’o c c u
pait de ses intérêts financiers ; il payait des hommes d’affaires pour g é
rer,
administrer ses biens et non pour faire de la politique; et s’il eût
été iondé à réclamer une indemnité , il ne s’en serait que plus hâté de la
faire liqu ider, afin d’augm enter ses ressources pécuniaires au m o m e n t
de quitter la France.
Mais il est bien avéré,
bien constaté que trois années entières se sont
écoulées depuis la mise en possession de M. R a m b o u rg , et que le prince
de Condé n ’a élevé aucune contestation, rien d em andé, rien opposé ,
tandis que les dix communes usagères, fortes de leurs titres, disputaient
à outrance et dénonçaient au roi lui-même l’illégalité de la c o n c e s s i o n ,
exemple que les agents d u prince n ’ a u r a i e n t p a s manqué de suivre avec
bien p l u s d’a v a n ta g e , si le prince avait eu un litre ¡égal contre l’Elat.
C ’est en 1823
seulement que la concession faite à M. Ram bourg est
devenue définitive. O r , le prince de Condé a v a i t , dès 181/1, été remis
en possession de tous ses biens non vendus; il avait donc intérêt à s’o p
poser à cet arrangement qui
préjudiciait â ses droits ; il avait eu neuf
ans pour faire la recherche de ce dont il avait été dépouillé ; ses agents
avaient connaissance de la concession H am b o u rg ; un procès assez sé
rieux existait entre ce dernier et l’E ta t, devant le conseil d’état, et ce
pendant le prince a laissé consommer la transaction sansy former aucune
opposition ; et lorsqu'il s’est présenté pour réclamer sa part dans le
milliard de l'indem nité, il n’a rien réclamé pour les terrains cédés dé
finitivement à M. Hambourg.
« l.a concession faite à M. Hambourg est un des actes les plus scanda« leux qu’on ait pu se permettre en violation des lois, et il est assez.
« étonnant que l’Klat ose l’invoquer (p a g e a(» delà réponse. ) »
INVst-il pas vraiment extraordinaire d'entendre un pareil langage dans
la bouche des agents du prince? Quoi ! vous soutenez., et vous ave/, fait
plaider devant la cour que le roi Louis XIV a p u , dans un simple acte
notarié, violer facilement une loi positive, formelle, solennelle, que se»
prédécesseurs regardaient comme le palladium du d o m a in e , e n e n g a -
�( f r f ;
(
23 )
géant à perpétuité toutes les forêts royales du duché de Bourbonnais,
et vous osez soutenir quele roi Louis XVI n’a pas pu valablement concé^
d e r , par un arrêt du conseil d’E la t, sous sa présidence, une faible par
tie de la forêt de Tronçais , pour trente années se u lem e n t, à la charge
onéreuse d’y construire des forges , et de semer en glands des terrains
stériles! Quoi! lorsque l’acte d’échange de 16 6 x n’annonce en aucune
manière l’intention de déroger à l’édit de
1
566 ,
vous voulez bien que
cet édit soit foulé aux pieds; vous aviez érigé en principe, qu’en France
la volonté même tacite du roi suffisait pour paralyser les lois les plus
sacrées, et vous venez maintenant attaquer une concession formelle, faite
par le roi en son conseil, avec les formalités accoutumées, et vous criez :
« Le roi n’avait pas le droit d’agir ainsi ! » Vous renversez donc vous
même tout le système que vous avez élevé à si grands Irais ! Et remar
quez cependant la différence: dans le premier cas, Louis X I V aurait
engagé à perpétuité, ou du moins pour un temps illim ité, toutes les fo
rets royales du Bourbonnais , sans considération d’amélioration , sans
aucune garantie pour les inésus et dégradations , tandis que dans le se
cond cas, Louis X V I ne consentait qu’une ferme , un bail de trente a n s ,
sous la condition q u ’on construirait des forges et fourneaux qui demeu
reraient propriété de l’Etat , et qu’on ensemencerait en bois 200 h e c
tares environ qui ne produisaient rien. Dans le premier cas, on aliénait
le fonds lui-m êm e, ce qui était prohibé par l’édit de (
566 ; dans le se
co n d , il ne s’agissait que d’une coupe de bois qui était toujours dans
le domaine du roi
Ce n’est pas q u ’on veuille ici prendre la défense de la concession Ham
b o u r g , ni en soutenir la légalité ou l’opportunité ; on l’a c i t é e , non
comme une chose légale, mais comme un fait qui démontre le peu de
fondement de la demande de S. A. K. Seulem ent, M. Hambourg a pour
lui une concession formelle et non équivoque , appuyée d’ une possession
p u b liq u e , paisible et non interrompue depuis cinquante quatre ans , et
d’une loi postérieure qui tranche toutes difficultés , tandis que S. A. n’a
en sa fa veu r, ni titre, ni possession.
Qu’importe encore que l’arrêt du conseil du trois février 1778, qui
concède à un sieur Moniot la forêt de Gros-ltois, ait été rendu d’ une ma
nière aussi illégale que l’arrêt du 7 février 1788 ? Qu'importe fjue c»'sarrêis
�( 26 )
aient été contraires aux lois ou n o n ? C e n’est pas leur lé g a lité qui est en
question ici ; il ne s’agit pas de savoir si les concessionnaires ont ou non
dilapidé. Ces arrêts
ne sont rappelés que pour constater qu’à diffé
rentes époques , des concessions ont été faites de la part de l’ Etat dans
les forêts royales dont le prince se prétend aujourd’hui en g a giste , et
qu’à aucune de ces époques, le prince n’a élevé de plaintes; que jamais
¡1 ne s’est prétendu lésé dans ses droits , quoique ces concessions fussent
de nature à porter une atteinte grave à ces mêmes droits, s’ ils avaient
existé. Que ces concessions fussent illégales, c’était un motif d é p l u s
pour les agents du prince de s’opposer à leur exécution ; et si elles étaient
tellement en opposition avec la lé g isla tio n , avec les intérêts de l’ E t a t ,
croit-on que les réclamations d’un seigneur aussi puissant que l’était le
prince de C o n d é , lorsqu’ il aurait élevé la voix , à la fois dans l’intérêt
du domaine et dans son intérêt p rivé , n’auraient pas suffi pour em p ê
cher la consommation de ces actes? Si donc il a gardé le silence, c est
qu’ il a reconnu q u ’il n’avait ni droit ni qualité pour réclamer.
Le silence du prince s’est perpétué long-tem ps. A insi, en 1 8 2 8 ,1 e
géomètre Gadoin a été chargé d’arpenter et de limiter la forêt de
Tronçais. Ce géomètre a rédigé un long procès-verbal par lequel il a
signalé de nombreuses anticipations commises par les riverains sur le
sol forestier. Ces anticipations prétendues s'appliquent [jour la plupart à
des vides de la foré*, et embrassent en grande partie les terrains récla
més aujourd’ hui par S. A. Par suite de ce procès-verbal, des demandes en
désistement ont été dirigées au nom de l’Etat contre tous les détenteurs,
et le prince n’est point intervenu , n’a formé aucune demande : cepen
dant, dans le système du prince, c’était lui qui était plutôt intéressé «pie
l'Etat. Il s’agissait précisément des vides sur lesquels l’ Etat n’aurait eu
qu'un droit purement éventuel, incertain et très é lo ig n é , tandis que le
prince avait un intérêt a c t u e l, puisqu’ il se prétendait propriétaire de
ces mêmes vides. Plus de quinze procès ont été intentés par le dom aine,
el ont été suivis tant devant les tribunaux civils de Montluçon et Mou
lins, que devant la Cour royale, et l’administration du prince y est cons
tamment demeurée étrangère, parce qu ’à cette époque, cette administra
tion n’avait pas encore eu l’idée, survenue depuis, on 11e sait comment ,
que la forêt de Tronçais fût comprise dans l’acte d’échange de
i (>(m
�H
( *7 )
C'est bien vainement que la demande cherche à expliquer comment il
se fait qu’au lieu de réclamer la forêt de Tronçais tout entière, elle se
borne à en demander 598 hectares; ses raisonnements entortillés ne la
feront pas sortir de ce dilemme : ou la forêt de Tronçais toute enlière se
trouve comprise dans l’acte d’échange de 1661 , ou elle ne s’y trouve
dans aucune de ses parties ; elle n’a pas pu être scindée , et les parties
vides de celte forêt n'en ont jamais été séparées. Si la forêt vous a été
e n g a gé e , vous avez droit à la totalité de cette forêt, futaie quand elle
cessera de l’être , taillis au fur et à mesure qu’on aura coupé les arbres,
et terrains incultes ou non bo isés, et alors pourquoi ne demandez-vous
que
598 hectares?
En vertu de quel titre , en vertu de quel droit de
mandez-vous une partie de préférence à telle ou telle autre? Vous avez
dit à l’audience que vous ne réclamiez pas tous les vides; qu’il en exis
tait d'autres que vous abandonniez, parcequ’étant situés dans l’intérieur
de la f o r ê t , leur possession causerait quelques collisions avec l’adminis
tration des Eaux ei Forêts ; quelle est donc la base du choix que vous
faites entre les différents vides? Tâchez de vous expliquer plus claire
m ent, et de démontrer quel est le titre sur lequel vous vous appuyez.
Si la forêt de Tronçais n ’est pas comprise dans l’acte d’é ch an ge , comme
les vides de cette forêt ne font qu ’ un seul et même tout avec les parties
boisées, ont toujours été soumis aux mêmes lois, aux mêmes règle
ments, à la même administration , à la même surveillance, qu’ils n’ont
jamais été jouis à part, vous n ’avez 011 votre faveur ni titre, ni possession
pour les
598 hectares
que vous réclamez aujourd’hui.
Pour en terminer avec les objections faites par la demande , et ré
pondre d’ une manière définitive à ses imprimés , on lui dira :
i°. Que le domaine n’a rien avancé qui ne soit parfaitement exact , en
annonçant que la maison de Bourbon a concédé, â différentes époques ,
une grande partiedes terres vaines et vagues qui existaient dans reten
due du duché de Bourbonnais. Il existe, dans les archives départemen
tales, plus de six cents actes d’arrentements, amodiations, sous-engage
ments ou ventes consentis par les agents du prince , et on en a cité un
grand nombre dans la première réponse du domaine. Sans doute, il en
existait d ’autres dont les communes ou même de simples particuliers se
sont emparés , soit avant la révolution de 1789, par la négligence des
�f;-
(
)
agents du prince, soit depuis cette révolution, en vertu des lois de 1791
et 1 793 , mais l’Etat ne peut en être responsable , et le prince n’a aucune
action contre le domaine,
à raison de ces usurpations , car le domaine
lui a rendu tout ce qui se trouvait entre ses mains en 18142®. Que l'explication donnée à l’occasion d e là Lande-Martin , située
dans la forêt de G avray, est parfaitement vraie et résulte de la corresp on
dance de M. Gattier, alors préfet d e là Manche, avec M. l'inspecteur des
eaux et forêts. Ce dernier, dans son rapport à M. le préfet, déclare que
la Lande-Martin est tout à fait distincte et séparée de la forêt de G a
vray dont elle n’a jamais fait partie; que déjà , en 1666, celte lande
était jouie par les habitants de la commune deMesnilbonant qui l’avaient
séparée du bois par des fossés de toute ancienneté ( rapport de M. C h a millard, commissaire réformateur en 1666) ; or, si dès longtemps avant
1666, elle était séparée du sol forestier, si elle ne faisait pas p a r t i e de la
forêt de G avray, elle se trouvait comprise n é c e s s a i r e m e n t dans l’engage
ment consenti au comte de Toulouse en 1678 , puisque ce n’était alors
qu’un terrain vain et vague; il n ’y avait donc aucun motif pour refuser
d’en faire la délivrance à M. Déplacé, cessionnaire des terrains engagés
à la maison d’Orléans. C’est d’après ce rapport que M. le préfet de la
Manche a ordonné la délivrance de la Lande-Martin , qui
n’était
point soumise à l'administration forestière, et on ne peut trop s'éton
ner des allégations contraires conten ues, page 29 de la réponse du
prince, quand on sait q u ’un des agents les plus actifs du prince, celui-la
même auquel est confiée la direction du procès actuel, a été person
nellement en cause dans le procès relatif à la Lande-Martin, et doit avoir
entre ses mains toutes les pièces concernant ce procès. On ne peut en
faire aucune application aux vides de la forêt de 'Fronçais, qui ont tou
jours été reconnus comme faisant partie du sol forestier, et ont été , à
différentes reprises, soumis au repeuplement de la part de l’adminis
tration.
1
« °. Que le domaine a agi avec franchise, lorsqu’ il a dit que les terrains
réclames par le prince dans l’exploit introductif d'instance n’existaient
pas en totalité, tels qu'ils sont désignés dans la dem ande, et voici p ro
bablement ce qui a causé l’erreur des agents du prince. Le tableau pré
senté en 1819 par le directeur des domaines de l’ Allier, a dû nécessaire-
�(
29
)
meut être fautif et inexact , car, à cette époque, la forêt de Tronçais
n’était ni expertisée, ni cadastrée; on n’a pu s’appuyer que sur de vieux
documents qui n’avaient aucune authenticité, ou sur des plans partiels ,
exécutés en 1808, 1809, r 8 io , 1 8 1 2 ,1 8 1 4 et r 8 i6 , à l’occasion de procès
soutenus par l’administration forestière contre des riverains, plans tous
erronés, contradictoires entr’eux, et qu ’on a été obligé d’abandonner ;
l’état fourni par le conservateur, en i
83 i , a
dû être fait d’après le pro
cès-verbal du sieur Gadoin , géomètre chargé par l’administration d ’ar
penter la forêt de Tronçais en
1828; mais cette opération du sieur
Gadoin a donné lieu à de nombreuses contestations. Ce géomètre ,
faisant, ou croyant faire l’application du procès-verbal de 1671 , avait
compris dans le périmètre de la forêt, une grande quantité de terrains
possédés pnr les propriétaires riverains ; ceux-ci ont combattu les o p é
rations du géomètre Gadoin; plus de vingt procès ont eu lieu devant les
tribunaux de Montluçon et Moulins, et même devant la C o u r, et pres
que tous les propriétaires riverains ont gagné leurs procès contre l’Etat ;
en sorte que le plan Gadoin n’est pas plus exact aujourd’hui , en ce qui
concerne le périmètre de la forêt de T ro n çais, que ne l’étaient les plans
de ses prédécesseurs.
Toujours est-il q u e , depuis l’instance e n g a g é e , et même depuis les
plaidoiries qui ont eu lieu devant la c o u r , l’administration forestière a
l'ail procéder à des recherches desquelles il résulterait que toutes les
parcelles réclamées par le prince , à l’exception d'une très petite partie ,
seraient aujourd’ h u i, non enlre les mains du domaine, mais bien entre
les mains de dix à douze propriétaires riverains qui ont ou des litres an
ciens , ou des jugem ents et arrêts récens qui les maintiennent dans leur
propriété. Lors donc que le prince réussirait à faire consacrer un prin
cipe aussi monstrueux (pie celui qu'il in v o q u e , il lui serait impossible
d’obtenir l’abandon des
598
hectares qu’ il réclame , parce que le d o
maine 11e pourrait donner que ce dont il jouit lu i-m ê m e ; une opération
d ’experts sur les lieux deviendrait indispensable ; et en définitive, tout
en gagnant son procès e n d r o i t , Son Altesse se trouverait , eu f a it , n’a
voir plaidé (pie pour un principe. Il est vrai que ce principe une fois
admis , les conséquences pourraient en être immenses par la suite , et
c’est peut-être bien là le véritable , le seul but du procès actuel.
�4°. Que
malgré le délai de deux mois accordé par la Cour pour pro
duire de nouvelles pièces, délai qui s’est étendu à quatorze mois, aucune
production nouvelle n’a été faite de la part de la demande qui cependant
avait tout à prouver, tandis que l’état possesseur n’avait invoqué qu ’ une
seule pièce , le procès-verbal de réformation de 1 6 7 1, pièce qu ’il s’est
empressé de produire et qui, depuis un an, est à la disposition des con
seils et agents du prince. Il n’y a rien de plus commode pour se dispen
ser de rapporter des titres que de recourir à un incendie qui aurait eu
lieu, il y a cent trente ans ; avec cette excuse, bonne ou mauvaise, on a
réponse à tout.
5°. Qu’enfin, on
invoque à tort la générosité du prince de C ondé ( en
1661 ), en faisant remarquer qu’ il cédait au roi le duché d’A lbret pro
duisant un revenu de 49,828 francs, tandis que le duché de B o urbo n
nais ne produisait rien alors. Ce moyen de considération em ployé comme
servant de complément aux moyens j u d i c i a i r e s du prince, n’est pas
mieux fondé que tous les précédents, car l ’histoire nous apprend que
l’acte d’échange de 1661 fut im p osé au roi par le traité de paix de 1659 ,
sollicité par les Espagnols dans les rangs desquels le prince de Condé
portait les armes contre la France , et malgré l’opposition du cardinal
Mazarin ; et il est positivement dit dans l’acte d’échange lui-même, que
les revenus du duché de Bourbonnais étant en ce moment touchés par
Anne d’Autriche, mère de Louis X IV , à titre de d o u a ir e , le prince de
Condé, en attendant que ces revenus soient devenus libres, recevra an
nuellement de l'Etat une rente double du revenu dont il était privé. Qui
donc se montrait généreux dans ce contrat ?
30 décembre 1842
Moulin», imprimerie de P A DESROSIERS
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aumale. 1842]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séquestre
émigrés
forêts
destructions révolutionnaires
droits féodaux
Condé (Prince de)
eaux et forêts
exploitations forestières
glandée
droit de parcours
pacage
domanialité
possession des vides
élevage porcins
triages
forges
Description
An account of the resource
Titre complet : Dernière réponse à la demande formée contre l’État au nom de Son Altesse Royale Monseigneur le Duc d'Aumale, relativement aux vides de la forêt de Tronçais.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Typographie de P. A. Desrosiers (Moulins)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1842
1661-1842
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2927
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2924
BCU_Factums_G2925
BCU_Factums_G2926
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53613/BCU_Factums_G2927.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Bonnet-de-Tronçais (03221)
Tronçais (forêt de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Condé (Prince de)
destructions révolutionnaires
domanialité
droit de parcours
droits féodaux
eaux et forêts
élevage porcins
émigrés
exploitations forestières
forêts
forges
glandée
pacage
possession des vides
séquestre
triages
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53612/BCU_Factums_G2926.pdf
819a3fba3c0e9cc6ab32403335f4b9d8
PDF Text
Text
w
RÉPONSE
A LA RÉPLIQUE
COUR ROYALE
DE
RIO M
A FF A IR E
concernat
LA F O R Ê T D E T RO N ÇA I S
(Allier).
FAITE PAR LE DOMAINE DE L’ÉTAT,
REPRÉSENTÉ PAR M. LE PRÉFET DE L’ALLIER,
Aux observations
PRESENTEES
de S .
A.
R.
DANS L ’ I N T É R Ê T
Mgr l e
Duc
D ’A U M A L E ,
A L ’O C C A S IO N
De la R éclam ation de T errains vagues au x abords de
la F o re t Tronçais.
------ -»«=saT=-tegmrO==»---------
L'administration de S. A. R. monseigneur le duc d’Aumale, en
produisant un écrit intitulé : Observations pour S. A. R . monsei
gneur le duc d ’A um ale, à l ’occasion d ’une demande form ée en son
nom, contre l'administration des domaines et forêts, en restitution
de terrains vains et vagues aux abords de la forêt de Tronçais, n’a
eu pour but que d’éclairer la question pendante devant la cour de
Riom, et de donner des justifications tendantes à prouver que la
réclamation n’avait rien d’insolite, étant fondee autant sur le droit
que sur l’équité.
E lle a produit ses moyens, rendu compte des faits, et cité les ac
tes avec une fidélité scrupuleuse ; elle devait donc s’attendre a une
S . A. K. Mgr le Duc d’A n
m a le , appelant.
L e Domai ne de l’Ë t a t ,
intimé.
�__ 2 _
semblable conduite de la part de son adversaire, qui n’a pas com
plètement suivi la même marche.
On n’a pas l’intention, ici, de suivre pas à pas l’administration
des domaines dans la voie qu’elle s’est ouverte ; on s’occupera seule
ment de signaler les erreurs, de rétablir les omissions importantes,
et de redresser les raisonnements dont les conséquences sont fausses
ou vicieuses. On se bornera donc ù citer divers passages de l’écrit
publié par le domaine, en y faisant, autant que possible, une courte
réplique.
Avant tout, il est indispensable de se bien fixer sur trois points
principaux :
1° Quels sont les droits appartenant au prince de Condc résul
tant du contrat d’échange du 20 février 16G1 P
2° Quels sont les modifications apportées à ce contrat par l’arrêt
du 17 mai 1672 ?
3° Enfin, et c’est l'a la question, la forêt de Tronçais faisait-elle
partie du duché de Bourbonnais au moment de l’engagement P
Pour la solution de cette dernière question, on renvoie aux piè
ces citées dans les Observations , qui démontrent de la manière la
plus évidente, que la foret de Tronçais était une dépendance du
duché dès avant 1 3 7 5 ;— Qu’ainsi, quel que fût le titre en vertu du
quel le connétable de Bourbon possédât cette forêt au moment de la
c onfiscation opérée en 1531, cette même forêt n’en faisait pas moins
alors partie intégrante du duché, avec lequel elle ne formait qu’un
seul tout ; que forcément elle s’est trouvée comprise dans l’engage
ment de 1001, puisqu’il comprend tout le duché et scs dépendances
sans aucune réserve , rt que la foret «le Tronçais n’en est pas nom
mément exceptée ni aucune autre.
C’est un point désormais incontestable et acquis à la cause; toutes
�les dénégations du domaine, toutes les subtilités qu’il établit, ne
sauront le faire changer.
Quant aux deux autres questions, c’est en citant le texte des actes
qu’on doit s’éclairer ; or, c’est ce que l’administration des domaines
n’a pas fait.
Voici d’abord la clause du contrat d’échange du 26 février 1661,
par lequel le prince de Condé est devenu engagiste du duché de
Bourbonnais :
« E t au moyen de ce que dessus, lesdits seigneurs-commissaires,
« en vertu dudit pouvoir à eux donné par sa majesté et au nom
*< d’elle, ont, en contre échange et pour récompense desdits duché
« d’AIbret, terres et seigneuries y annexées et autres droits ci« dessus ;— cédé, délaissé, quitté et transporté, et par ces présentes
«• cèdent, quittent, délaissent et transportent audit seigneur prince,
« présent, stipulant et acceptant pour lui, les siens et ayant-cause,
« promettent fournir et faire valoir, garantir de tous troubles, hyt pothèques, débats et empêchements quelconques.
« Ledit duché de Bourbonnais, scs appartenances et dépendan« ces, soit métairies et domaines, moulins, rivières, étangs, bois
«
«
«
«
«
<
«
«
taillis cl de haute futaie , prés, vignes, terres labourables et non
labourables, vaines et vagues, dîmes, terres, champarts, cens,
rentes, droit de commise, servitudes, mortailles, confiscations,
aubaines, déshérences, fiefs, foi et hommage et vassalités, greffes,
et tous autres droits généralement quelconques appartenant audit
duché de B o u rb o n n a is, sans aucune chose en excepter , réserver
ni retenir, en ce qui en reste à engager, fors pour le regard des bois
do haute futaie qu’il ne pourra couper ni abattre .........................................
<
Déclarant lesdits seigneurs-commissaires, que l’intention de
« sa majesté est, qu’au présent délaissement dudit duché de Bour« bonnais, soient comprises les châtellenies île Moulins, Bourg-lc-
�—
4
—
« Comte, Cérilly, Lssel, L a Bruière, la Chaussière, Bécey, Cheva« gnes, Riousse et Chantclle. »
Il résulte donc de la lettre de ce contrat, que tous tes droits uti
les , toutes les dépendances, tous les reueiius, tous les produits du
duché, s a n s a u c u n e e x c e p t i o n , étaient attribués au prince de Condé,
sauf, toutefois, l’exploitation de la haute futaie exclusivement réser
vée au roi. Mais,là sc borne l’exception, et l’administration des do
maines a beau équivoquer, il est impossible de trouver une autre
restriction.— Ainsi, forcément, il faut, bon gré malgré, admettre que
tout ce qui dépendait du duché de Bourbonnais, sans aucune excep' tion , si ce n’est celle de l’exploitation de la haute futaie, appartenait
au prince.
Il suit de l'a que si la forêt de Tronçais dépendait du duché, comme
de fait elle en faisait partie dès avant 1375, tous les droits utiles qui
s’v rattachaient, sauf toujours l’exploitation delà haute futaie, étaient
lapropriété exclusive du prince de Condé.
Vainement l?administration des domaines viendra dire, comme
elle le fait, pages 12 et 13 de sa R épliqu e -.— «Si la foret «le Troncais
« eût été comprise dans l’engagement de 1601, d’après les termes
» généraux de cet acte, chaque portion de cette foret non couverte
« de futaie ou qui aurait cessé de l’être, serait devenue la propriété
« du prince, qui n’aurait pas souffert qu’on portât atteinte à scs
« droits en repeuplant. »
De ce que le bois de haute futaie était coupé, il ne s’en suivait pas
que lesol fût un terrain vague et sans culture; le taillis devait repous
ser, et le prince avait un grand intérêt à 1e laisser se reproduire pour
en jouir. Le domaine du roi se serait opposé d’ailleurs, à ce qu’on
défrichât, et il aurait eu raison, car un terrain planté de (>ois n’est pas
un terrain vaque.— C’est lorsqu'il était en cet état que le prince avait
le droit d’y établir une autre culture, si bon lui semblait, et de le
"»ustraire à l’action forestière; mais après la confection d’une coupe
�de bois, il n’est pas possible de soutenir avec raison, que le sol est
improductif, puisque ce sol contient dans son sein les éléments de
reproduction qui se développent dès l’année suivante ; aussi jamais
le prince n’a-t-il élevé une pareille prétention qui eût été ridicule.
S’il n’a pas joui du taillis dans la foret de Tronçais, la raison en
est toute simple: — c’cst qu’on ne lui en a pas laissé le temps, et que
les intrigues des agents du domaine sont venues tout d’abord para
lyser son droit.
En effet, l’échange est de 1661, et c’est peu d’années après que
des discussions fort sérieuses s’élevèrent enti’e les agents du prince
et ceux du domaine, qui voyaient avec peine leurs fonctions à peu
près annidées par cet échange ; dès lors, ils employèrent tous les
moyens imaginables pour ressaisir leur importance. Aussi, c’est par
suite de leur mauvais vouloir que fut rendu l’arrêt de 1672, dont il
va être parlé ci-après ; et encore bien que cet arrêt consacre les
droits du prince de Condé d’une manière éclatante, néanmoins les
agents du domaine parvinrent, par surprise, à y faire établir un
principe inconnu jusque-là, en réglant Page du taillis a dix ans, au
lieu de trente ans, selon la coutume du pays.
Le procès-verbal de réformation du 11 février 1671 met en évi
dence la raison pour laquelle les agents du domaine ont agi ainsi,
pour empêcher le prince de jouir du taillis dans la forêt de Tronçais,
comme il en avait le droit.— Ce procès-verbal constate (pie la forêt
contient 18,300 arpents; que dans ce nombre il y a, I o 300 arpents
en futaie de bonne nature.
( Le prince ne pouvait pas exploiter cette quotité, par la raison
que c’était une futaie.)
2® 10(10 arpents en vieux chênes sur le retour et en partie étêtés.
( Le prince ne pouvait pas encore exploiter pour son compte celte
quotité, puisque ce n’était pas l'a du taillis, mais de vieux chênes que
l’on regardait comme futaie. )
�r v
—
G
—
« 3° E t 16,340 arpents exploités en vieilles ventes (le tous âges ,
« ju squ ’à n eu f et dix a n s , lesquels il était à propos de récéper pour
« tenir lieu de ventes ordinaires de ladite forêt. »
Or, comme cette quotité se trouvait soumise au droit du prince,
les agents du domaine se sont empressés d’opposer des difficultés a
l’exploitation et ont enfin obtenu, subrepticement, ({ue Page du taillis
fût réglé a dix ans. — Par l'a ils ont enlevé au prince le droit qui
lui appartenait sur ces 16,340 arpents, qu’ils ont fait considérer
comme futaie; en sorte que toute la forêt de Tronçais, en ce qui
concerne l’exploitation des b o is, s’est trouvée soustraite à l’action
résultant du contrat d’échange. — Les agents du prince ont vaine
ment réclamé contre cette spoliation ; on leur a répondu qu’il y
avait chose jugée !...
Voilà ce (pie l’administration des domaines se garde bien de faire
connaître; elle aime mieux raisonner par supposition.
Mais de ce que le prince n’a pas pu, par la force des choses et par
suite des cantonnements faits postérieurement, exercer son droit de
taillis sur la forêt de Tronçais, cela ne le [»rivait en aucune façon
des autres droits résultant du contrat d’échange, et confirmés par
l’arrêt de 1672 ; aussi a-t-il continué d’en jouir.
C’est ici le lieu de faire connaître le dispositif de cet arrêt que le
domaine s’est abstenu de citer, d’examiner ni de discuter; — il qua
lifie l’arrêt, de « /légué te présentée au roi par le prince <le Coudé,- »
afin de donner à penser que son dispositif est la demande formée
par le prince et non pas une décision judiciaire, Conséquemment il
lie prend pas la peine d’en apprécier ni la lettre ni l’esprit, et quand
il est forcé de le citer, c’est seulement pour dire que subrepticement ,
ou p ar erreu r , on a accordé au prince des droits de palnragc équi
valent à des droits d'usage, mais qu'on ne lui a pas reconnu des
droits de propriété.
Cet arrêt est cependant assez important pour qu'on (’examine avec
�—
7
attention, car il contient la décision de la question relative à la ré
clamation de S . A. Iî., s’il est reconnu que la forêt de Tronçais
faisait partie du duché de Bourbonnais.
Voici son dispositif :
« Vu ladite requête, ledit contrat d’échange du 26 février 1661
« et l’avis du sieur Tubeuf ; — oui le rapport du sieur Colbert, con« seiller ordinaire au conseil royal, contrôleur général des finances;
r< — le roi en son conseil, — conformément audit contrat d'échange
« du 26 février 1661 et avis du sieur Tubeuf, a ordonné et ordonne
« que ledit sieur prince de Condé, jou ira des pâturages, panages,
« paissons, glandées et pêche; de la coupe des bois taillis dépendant
t dudit duché de Bourbonnais et des amendes provenant des délits
« d’iceux, a la charge que l’adjudication desdits panages sera faite
i par chacun an, sans frais, par les officiers des forêts de Bourbon« nais, les fermiers dudit sieur prince de Condé appelés, lesquels
« seront tenus de visiter lesditcs forêts ¡jour régler le nombre des
« porcs qui pourront être mis en chacune d’icelles, ès lieux défen« sables et permis, dont ils dresseront leur procès-verbal, et à la
« charge aussi que les coupes desdits bois taillis seront réglées à
« l’âge de dix ans , suivant ljfitat qui en a etc dressé, et que la vente
« et récolement d’iceuv seront faits par lesdits officiers, sans aucuns
« frais, les fermiers dudit sieur prince appelés, qui seront tenus de
« laisser les anciens baliveaux et les modernes, à peine d’en répon« dre en leur propre et privé nom. v
Cet arrêt établit donc une chose bien formelle : c’est que confor
mément au contrai d'échange , le prince avait droit au pacage, etc.,
cl à la coupe des taillis dans tous les bois et forêts dépendant du
duché de Bourbonnais. — Ainsi, ce n’est pas un droit nouveau qu’on
lui confère subrepticement ou par erreur, c’est un dvoil de propriétâ
préexistant dans lequel on le confirm e; droit résultant au courrai
d ’échange de 1061 — C’est la un fait clair, précis, contre lequel
�—
8
—
toute équivoque est impossible et dont l'administration des domaines
aurait pu se convaincre si elle avait pris la peine d’examiner avec
bonne foi et impartialité l’arrêt de 1672.
Que cet arrêt fixe, comme il l’a fait, contrairement aux usages
reçus en Bourbonnais, l’âge du taillis à dix ans, ce n’est pas la la
question; c’est une restriction arbitraire, abusive, apportée dans le
résultat pécuniaire qui appartenait au prince, mais ce n’est pas une
restriction à son droit au taillis sur la totalité des foi'êts dépendant
du duché. — Ce droit rapportera moins, il est vrai,mais il s’exercera tou
jours sur la même étendue , au fur et à mesure des coupes de futaie.—
Remarquons bien, cl 011 ne saurait trop insister l'a-dessus, que l’arrêt
de 1672 signalé par l’administration des domaines à plusieurs repri
ses, comme interprétant le contrat d'échange et n’accordant abusi
vement au prince (¡uc des droits de pâturage et de p êch e , dit for
mellement : que c o n f o r m é m e n t au contrat d'échange de 1GG1, le
prince jou ira
de
B
de
o u r b o n n a is,
la
coupe
des
bo is
t a il l is
dépendant
du
duché
etc. — Cela est-il clair? — Est-ce l'a une jouissance
accord ce abusivement et subrepticement? — N’est-ce pas au contraire
la reconnaissance la plus formelle, la plus explicite que l’on puisse
faire , que l’exercice de cette jouissance émanait du contrat d’é
change et que c’est conformément à la lettre de ce contrat que le
prince est maintenu dans la propriété qui lui a été cédée?
Ce même arrêt de 1672 charge, il est vrai, les officiers des forêts de
faire chaque année, et sans frais, l’adjudieation des partages dans les
bois et forêts du duché de Bourbonnais; mais qu’cst-cc que cela
prouve? — Rien; sinon «pie l’état avait un grand interet a surveiller
le repeuplement «les forêts, dont le sol aliéné Icmporaircmentdcvait,
dans un temps pinson moins éloigné, faire retour a son profit. —
C’est dans cette vue que tes agents de l’administration devaient fixer
chaque année, concurremment avec les agents du prince, le nombre
des porcs admis au panage, pour que la semence du gland et de la
�î
—
9
y
—
faîne,, fût laissée en quantité suffisante pour la reproduction. —
Ainsi, c’est tout simplement une mesure d’administration et de con
servation <jui a été prescrite, dans la prévision de la rentrée en pos
session des bois et forêts. — Que l’administration des domaines ne
vienne donc pas signaler cette mesure comme prohibitive des droits
cédés au prince, car elle n’en est, au contraire, qu’ une conséquence,
eu égard à la précarité de ces droits.
D’après cela, s’il est prouvé, comme on le pense, que la forêt de
'Fronçais ainsi que les autres grandes forêts dans lesquelles le prince
de Condé a exercé des droits de pacage et autres, dépendaient du
duché de Bourbonnais, tout est jugé, puisqu’alors ces forêts se trou
vaient virtuellement comprises dans l’engagement de 1661, fait sans
aucune réserve, si ce n’est celle de la futaie. — Dès lors aussi la ré
clamation de S. A. H. est justifiée, malgré l’étrange assertion
faite par le domaine (page 7 de sa Réplique), qu’il existait dans
le duché de Bourbonnais des bois qui n'avaient pas été cédés au prince
par le contrat d'échange , et qui demeuraient réservés au roi.
Oïi le domaine trouve-t-il cette réserve énoncée, même implicite
ment, dans le contrat de 1661 P — On lui porte le défi d’en justifier.
»
Maintenant on va parcourir les principales allégations faites par
le domaine.
Page 3 de la Réplique, le domaine dit :
« Le 23 mars 1830, 1« baron de Surval, intendant général des
« domaines et finances du prince de Condé, élevant, pour la prem ière
fois, la prétention que la forêt de Tronçais avait été comprise
« dans l’échange de 1001, réclama la remise des terrains vains et
« vagues aux abords de cette foret, etc. »
On a souligné dans ce p a ra g ra p h e , les mots : pour la prem ière fois ,
afin de faire voir jusqu'il quel point on peut ajouter foi aux assertions
du domaine.— Or il est bon île savoir cpie depuis le contrat d ecluinge
«
2
,
�\tr)
—
10
—
jusqu’au moment tic l’émigration, la maison de Condé avait joui
des pacages, panages, paissons et glandées provenant de la forêt de
Tronçais, comme le prouvent plusieurs documents, et notamment un
bail du 11 septembre 1781, énoncé dans les observations déjà pro
duites devant la Cour en faveur de S . A. H. (pièce 16). — (v)ue de
puis 1815 le prince de Condé a été réintégré dans la jouissance de
ces mêmes droits, en vertu de son contrat d’échange, ainsi que l’ad
ministration des forêts l’a elle-même reconnu positivement par plu
sieurs actes émanés d’elle, notamment en ce qui concerne la forêt de
Tronçais.— (V oir les pièces n°* 10, 11, 12, 13, 14 et 15, citées pages
18, 19, 20 et 21 des Observations déjà produites.)
Pages 4 et 5 de cette Réplique, le domaine s’exprime ainsi : —
« C’est avec les pièces mêmes produites par l’adversaire, que le do
it inaine espère démontrer de la manière la plus convaincante :
« 1° Oue le contrat d’échange de 1661 ne comprenait pas les fo« rets royales du bourbonnais d'une certaine im portance. »
Oii donc le domaine a-t-il découvert cela dans le contrat d’é
change? — Le texte de ce contrat a été ci-dessus rapporté ; — il com
prend tout ce qui dépendait du duché — sans aucune exception , et
on ne conçoit pas comment le domaine a pu trouver des réserves là
où il n’en existe pas.— Ainsi, quelle que fût l'importance des bois et
forêts, ces objets étaient compris dans l’engagement, sauf l’exploi
tation de la futaie.
« 2° Oue les arrêts du conseil de 1672 à 1688 font connaître et
« expliquent le contrat d’échange et la propriété des forets réservées
« au roi ; »
On a vu plus haut le texte de l’arrêt du 17 mai 1 6 7 2 ; or ce texte
ne mentionne nullement des réserves de forêts an profil du roi; il
se borne à maintenir le prince de Condé dans la jouissance pleine et
entière des droits résultant «lu contrat d’échange de 1661, et notam
ment dan» le droit d'exploiter le taillis dans toutes tes forêts depen-
�—
11
—
dant du duché. — Voilà l’explication du contrat de 1661, et on voit
que ce n’est pas du tout celle donnée par le domaine.
Quanta l’arrêt du 14 août 1688, il n’explique en aucune façon le
contrat d’échange de 1661, dont il ne s’occupe pas ; encore moins
l’arrêt du 17 mai 1G72, dont il ne dit pas un m ot; il contient sim
plement l’homologation de deux projets de règlements ou cantonne
ments, que le prince de Condé a acceptés de guerre lasse (encore
bien qu’ils lui fussent très préjudiciables), pour se soustraire à l’in
fluence fâcheuse des agens du domaine dans l’exploitation du taillis.
Or c’est pour ravoir ce droit de taillis dans toutes les forêts du du
ché, qu’on abandonnait au prince une certaine quantité de bois, en
pleine jouissance et sans contrôle. — Ainsi, la conséquence que le
domaine veut tirer de cet arrêt est entièrement fausse et ne porte
sur rien. — A la vérité l’arrêt dit qu’au moyen de l’abandon fait au
prince, le surplus des bois taillis appartiendra entièrement 'a sa ma
jesté, sans (pie le duc de Bourbon ni ses successeurs puissent y rien
prétendre ; — mais il est évident que l’effet de cette stipulation n’a
pour objet que le surplus des bois taillis auquel le prince avait droit
et qu’il abandonnait, c’cst-iinlire à l’exploitation de ce taillis ; —
qu’ainsi cette stipulation ne peut en aucune façon s’appliquer aux
autres droits dérivant du contrat d’échange et de l’arrêt de 1672;
— que dès lors tous ces autres droits sont restés dans leur intégrité
pour être exercés par le prince, qui les a effectivement fait valoir
tant avant l’émigration que depuis la restauration, et particulière
ment dans la foret de 'fronçais.
Si véritablement cette foret, et d’autres détenues par le domaine,
n’avaient pas fait partie de l’engagement, on se demande comment
il serait possible que l’administration des forêts, si susceptible alors
et aujourd’h u i, ait laissé a la maison de Condé une jouissance, pres
que deux fois séculaire, de droits dont elle n’était pas propriétaire?
Kn définitive le domaine est d’accord avec S. A. H. sur ce point,
�—
12
-
que l’on a tout pris au prince de Condé sans lui rien donner en com
pensation.
« 3° Que la forêt de Tronçais n’a jamais fait partie de cet échange,
« mais, au contraire, est toujours restée propriété exclusive de la
« couronne. »
On ne reviendra pas ici sur ce qui a déjà été dit à ce sujet et sur
les preuves qui ont été fournies dans les observations faites en faveur
de S. A. H., § IV , page 13 et suivantes, établissant de la manière la
plus irréfragable que la forêt de Tronçais était une dépendance du
duché de Bourbonnais. On renvoie donc à la lecture de ce para
graphe pour toute réfutation de l’assertion faite par le domaine.
« 4° Que les vides existant dans celte forêt n’ont jamais cessé d’en
« faire partie.
j>
S’ils avaient cessé de faire partie de la forêt de Tronçais, on ne les
réclamerait pas aujourd’h u i, puisqu’alors ils auraient été restitués
au prince. — Ce dernier jouissait des pâturages que produisaient ces
vides, et peu lui importait qu’ils fussent ou ne fussent pas distraits
de la forêt; l’essentiel était d’avoir un produit. — Mais aujourd’hui
que le ministre des finances, sous l’inspiration de l'administration
des forêts, a retiré arbitrairement à S . A. H. les droits qui lui ap
partenaient dans les forêts du Bourbonnais en prétendant que ce
n'étaient (pie des droits d'usage, il y a lieu de réclamer la propriété
des vides, sauf à intenter plus tard une nouvelle action pour faire
restituer les autres droits appartenant à S. A. U. dans les forêts du
Bourbonnais, et dérivant tant du contrat d’échange de 1001, (pie de
l'arrêt du 17 mai 1072.
On est donc d’accord que les vides réclamés n’ont jamais cessé de
faire partie de la forêt de 'Fronçais, en ce sens seulement qu’ils n’en
ont pas été distraits, et que le prince, «pii en percevait les produits,
n’avait aucun motif pour en demander matériellement la séparation,
�—
13
-
encore bien qil’il en eût le droit. — Il n’a pas usé de ce d ro it, et
voila tout.
« 5° Que le prince de Condé n’a jamais exercé aucun droit de pos« session sur les vides. »
Ou’est-ce que c’est donc que de percevoir les produits de ces vi
des, si ce n’est exercer un droit de possession?
En vérité, on joue ici sur les mots.
Page G de son argumentation, le domaine dit : — « A prendre cet
« acte à la lettre (le contrat d’échange de 1661), il semblerait d’a<( bord que les prétentions de S . A. sont fondées, et que tout ce
« qui se trouvait compris dans les dépendances du duché de Boui •< bonnais a fait partie de l’échange dont il s’agit. Dans ce système,
« qui e'tait celui soutenu par les agens du prince en première ins« tance, les forêts royales étaient elles-mêmes engagées sans aucune
«
«
«
«
réserve, si ce n’est celle des arbres existant. On verra bientôt
qu’un tel système entraînerait des conséquences telles, que les
agens du prince n’ont pas osé les soutenir et les ont abandonnées
successivement à mesure qu’elles se développaient. »
Il y a ici inexactitude et faux raisonnement.
D’abord, qu’est-ce que le domaine entend par forêts royales? —
Toutes les forets du duché de Bourbonnais étaient royales , puisque
tout le duché était un domaine de la couronne.— Ainsi la distinction
que veut faire ici le domaine est une subtilité inventée pour la
cause.
lin second lieu, ces forêts n’étaient pas engagées avec la réserve
seulement des arbres existants , mais avec celle de la fu taie , ce qui
est bien différent, car telle forêt était en grande partie aménagée
en futaie, ce qui ôtait au prince la possibilité d’exploiter ces por
tions souvent considérables et comportant quelquefois la presque
totalité d’une forêt.
Kn troisième lieu, on a soutenu en première instance, comme
�on soutient aujourd'hui, que toutes les forêts du duché se trouvaient
comprises dans rengagem ent, sans déserter aucune des conséquences
résultant de celle proposition. Ainsi donc, il y a inexactitude à pro
clamer que les agents (lu prince n’ont pas osé soutenir ces consé
quences, et les ont abandonnées successivement à mesure qu'elles se
développaient.— Ou a seulement dit, en répondant aux objections du
domaine, que S. A. II. ne réclamait pas le sol de ces forêts planté
et en rapport , mais qu'il prétendait avec raison que les droits de
pacage, panage, etc., lui appartenaient, ainsi que les terrains vains
et vagues , laissés à l'état d’inculture depuis plus d'un siècle, comme
ceux réclamés dans la forêt de Fronçais.
Page 7, le domaine dit : — « En admettant le système soutenu au
« paragraphe précédent (qu e toutes les forêts du duché étaient
« comprises dans l'engagement), le prince de Condé était cngagisle
(i de toutes les forêts du Bourbonnais ; les bois taillis et de haute futaie
« lui appartenaient; il pouvait en jouir, faire et disposer comme de
« chose lui appartenant. Une seule exception était apportée à l’uni« vcrsalité de ses droits : il ne pouvait couper ni abattre les bois de
« haute futaie; il pouvait donc exploiter les taillis, jouir seul des
« panages et glandées sans le concours des officiers des maîtrises ;
<t il pouvait établir des gardes en son nom pour la conservation de
« scs droits.
« dépendant 011 voit qu'aussitôt après l'échange consommé, des
« contestations s'élevèrent relativement à la jouissance des bois tail« lis et des droits de pacage, panage, glandée, amendes, etc.; on voit
« <pie les fermiers du prince, troublés dans leur possession, deman< dent la résiliation de leurs baux. D'où pouvaient provenir ces
« troubles? Evidemment de ce que les fermiers voulaient étendre
* les droits cédés au delà «les limites «le la concession ; évidemment
* de ce qu’il V avait doulc sur l'étemlne «les droits cédés, parce
« qu'indépendamment «les bois taillis compris dans l’acte d'échange
�*
—
15
—
* de 1661, il en existait dans le Bourbonnais qui n’avaient pas été
* cédés au pi’ince et qui demeuraient réservés au roi ; parce que les
« limites n’étaient pas bien établies entre ces deux sortes de bois;
« que les fermiers du pi’ince voulaient exercer indûment des droits
« sur les bois non compris en l’acte d’échange, et que les officiers
« des maîtrises étendaient trop loin les forêts réservées.
« Aucune contestation n’était possible, dans le sens qu’on veut
« donner à l’acte de 1661. Tant que le prince 11e coupait pas les bois
« de haute futaie, les officiers des maîtrises 1 1e pouvaient élever
« aucun débat.
« Ils n’ avaient pas à s’en m êler, sauf à eux à surveiller la conscr
it vation des arbres réservés, arbres auxquels la dent des bestiaux ne
« pouvait faire aucun mal. Cependant des contestations s’élevèrent :
« elles ne peuvent avoir pour objet que l’explication, l’interpréta« tion de l’acte d’échange de 1 6 6 1 ; et c’est alors qu’est rendu l’ar« rèt du conseil du 1 7 mai 1 0 7 2 .
« Cet arrêt ordonne que le prince jouisse des pâturages, panages.
« paissons, glandées et pêche dans les forêts du roi situées en Bour<( bonnais, et que le sieur TubcuF, intendant du Bourbonnais, dresse
« un état des bois taillis abandonnés au prince. »
Quand on lit ces divers paragraphes et qu’on se laisse impression
ner par le ton d’assurance avec lequel ils sont débités, 011 serait
porté à croire que le domaine ne dit «pie la vérité et rien que la
vérité ; il n’en est rien cependant, et tout ceci est inexact.
D’abord 011 fera remarquer que dans le dernier paragraphe qui
vient d’être transcrit, et en parlant des dispositions de l’arrêt du 17
mai 1672, le domaine a commis sciemment une omission importante,
en n’énonçant «pie les droits de pâturages, etc., sans parler aucune
ment îles droits de taillis dans toute l'étendue du duché , qui sont
précisément ceux dont il Faut s’occuper ; encore n'a-t-il parlé de
�f
—
16
—
ccu\ tic pâturage et autres, que pour dire plus tard, que ceux-ci
n’avaient été accordés au prince que subrepticement et par erreur ,
tandis que l’arrêt porte 'a son début, que c’est conformément au con
trat d ’échange de 1001 que le prince est maintenu dans la jouissance
do tous lesdits droits, y compris ceux au taillis.
Tous les autres raisonnements du domaine sont a contrario sensu.
— En effet, l’acte d’échange cède au prince tous les biens et droits d é
pendant du duché de Bourbonnais sans aucune exception, si ce n’est
la réserve de la haute futaie au profit du roi. C'est là la seule et uni
que réserve, et encore une fois on porte le défi au domaine d’en
trouver un autre résultant soit du contrat d’échange, soit de l’arrêt du
17 niai 1072. — Donc, toutes les grandes et petites forêts dépendant
du duché étaient attribuées au prince engagiste, et la distinction que
veut faire le domaine en prétendant qu'il y avait des forets apparte
nant au roi et non engagées, est au moins puérile.— Non, il n’ y avait
pas, dans le duché, de forêts non engagées; toutes l’étaient, quelle
que fût leur contenance; et si parfois on se servait des expressions
forêts du roi, c’était uniquement pour désigner celles de ces forêts,
ou les parties desdites forêts, qui se trouvaient en futaie.
Le prince, nonobstant les officiers à ses gages, ne pouvait jouir
des droits qui lui appartenaient dans les forêts, sans supporter le
concours des officiers des maîtrises, car ceux-ci devaient veiller a ce
que les agents du prince de Coudé ne fissent rien pour déranger
l'aménagement adopté; ne pussent opérer que les coupes permises,
et n’empêchassent le repeuplement du sol forestier par l’exercice
illimité du panage.— Comme tout ce dont jouissait le prince devait
faire retour îi l’état dans un temps plus ou moins éloigné, le do
maine avait un grand intérêt à faire contrôler par des agents, à lui,
la conduite des agents du prince.— C’est de ce contact que sont nées
toutes les difficultés: du côté du prince, pour soutenir ses droits, et
du côté des olficiers des maîtrises pour les ressaisir, en faisant du
�/.cl«!, afin tic reconquérir leur importance.— De l'a ces discussions, ces
collisions sans cesse renaissantes, non pas sur les limites des bois cé
dés au prince uo réservés au roi , eonnne le dit le domaine, mais unique
ment sur l ’âge du taillis , que par une prétention étrange, inconnue
jusqu’alors dans la contrée, les officiers des maîtrises prétendaient
fixer à dix ans , afin de faire rentrer dans leur administration une
plus grande quantité de futaie. Il n’y avait donc pas doute sur la
limite des droits, mais dissidence sur l’âge jusqu’auquel le bois était
réputé taillis.— C’était trente ans, suivant les usages accoutumés.—
De plus, il y avait aussi dissidence sur la manière dont le panage pou
vait être exercé.— On voit donc que des contestations étaient possi
bles, puisqu'elles ont. eu lieu, mais on se trompe étrangement sur
leurs motifs.
On demeure convaincu de tout cela quand 011 lit la requête pré
sentée au roi, en son conseil, par le prince de Condé, et a l’occasion
de laquelle l’arrêt du 17 mai 1672 a été rendu.
\ oici ce qu'on y trouve après l'énoncé du contrat d'échange, des
droits cédés, el de la réserve de la haute futaie : « — C’est la seule réa serve fia haute futaie) quiaitété faite par ledit contrat, suivant lequel
« il (le prince) doit jouir de tous les revenus dudit duché et de toutes
<r les dépendances d’icclui, tout et ainsi que la défunte Heine-mère en
« jouisait; tellement que c'est ¡1 juste titre que ledit sieur prince a
« joui paisiblement jusqu'à présent des paturages, panages, paissons,
« glandées, amendes, confiscations, de la pcche et de la ('basse, et
« de la coupe des hois taillis dudit duché et des amendes provenant
« des délits d'iceux. Néanmoins les olficicrs de la réformation des eaux
« et forêtsont troublé ledit sieur prince, et empêchent les fermiers de
« jouir desdits droits, el notamment en l'année dernière 1071, ce (pii
« lui a causé un li é grand préjudice, parce que lesdits droits étant très
« considérables et faisant la plus grande partie des fruits et revenus
« duditduché, les fermiers ont voulu abandonner leurs Fermes ;
�« mais, depuis peu, le sieur Tubeuf, commissaire départi dans les
« provinces du bourbonnais et Iierry (et non pas intendant du
« Bourbonnais , comme le qualifie le domaine), ayant pris connais-
t sance de ces contestations cl entendu les officiers de ladite réfor« malion et ceux du prince (1), il a été d’avis de lui laisser la jouis« sance libre desdils pâturages, panages, paissons , glandées, pêche;
« DE LA COUPE DE TOUS I,ES BOIS T A I L L I S DÉPENDANT DUDIT DUCHÉ, et
« des amendes provenant des délits d’iceux ; celle des coupes de la
« haute futaie appartenant'a sa majesté, 'a cause de la réserve qu’elle
« a faite de ladite futaie, par ledit contrat d’échange, ce qui fait
« voir que le trouble (pii a été fait audit sieur prince, est un effet
« de la haine que lesdits officiers des eaux et forêts ont conçue contre
« les ferm iers. »
Le domaine dit, page 9 : — « Il est à remarquer (pie, dans tous
• ces arrêts (celui de 1072 et celui du 14 août 1688), les forets de
« T ronçais, (irosbois, Dreuille, Lespinasse et Civray ne sont pas
« mêmes nommées. » — et il infère de l'a qu’elles n’étaient pas com
prise dans l'engagement.
Le fait (pie signale le domaine n’a rien d’élonnant d’après ce (pii
vient d’être dit, et il aurait dù le comprendre : — c’est qu’il ne s'esl
pas trouvé dans ces forêts, au moment du cantonnement fait en 1087
et 1088, de bois taillis au dessous de dix ans ; ou (pie, mieux encore,
pour éviter des contestations futures, on s’est attaché à donner au
prince des bols isolés, pour que ses officiers et scs gardes n'eussent
aucun contact avec ceux des maîtrises. — On voulait opérer une sciseion, et on a pris une mesure rationnelle. — Voilà pourquoi les fo
rêts susdesignées ne sont
( I)
('c ri
|k i s
nommées dans l’arrêt de 1088; celui de
prouve, n n lg ré l’.ijtertion contraire «lu domaine, que le prince avait
nom me de* officier« pour d irig e r l’cxerrirp de
engagement.
d roit* dans 1« foréls so u m i« « A v m
�—
19
—
1672 n’avantpas eu à s'en occuper. — Toutefois, on doit faire obser
ver ici que la preuve <jue le prince avait des droits dans ces forêts,
c’est qu’il a continué de jouir de ceux de pacage et panage, ainsi qu ’il
résulte des procès-verbaux des agents du domaine, notamment de
l’état dressé le 9 octobre 1815. où la forêt de Dreuille et celle de
l ronçais sont désignées comme étant de celles dans lesquelles le
prince a droit d’exercer des droit de pacages et de panage. (Voir
page 20 des Observations et la pièce n° 13.)
Dans un autre procès-verbal du 6 septembre 1 8 1 5 , dont une
ampliation a été envoyée à l’administration du prince par M. Nièpce,
conservateur des forêts à Moulins, on lui indique le nombre des
porcs qu’il peut faire mettre au panage dans les forêts de Munay,
Moladier, Bois-Pelan, Bagnolet, Grosbois et Civray , toutes désignées
comme étant des forêts royales, « dans lesquelles, est-il dit, ces
sortes de produits appartiennent à monseigneur le prince de Comté,
« dans le duché de Bourbonnais. »
l'ar la lettre d’envoi de ce procès-verbal, le conservateur dit : —
« J ’ai l’honneur de vous adresser copie d’un procès-verbal, dressé
<c par M. Moroge, sous-inspecteur forestier de l’arrondissement de
« Souvigny, portant reconnaissance de l’état de la glandée dans les
* bois de son altesse sérénissime, monseigneur le prince de Comté,
« dépendant de son duché de Bourbonnais. » Cette lettre est du 9
septembre 1 8 1 5 , n" 4 2 8 8 , 10e conservation.
\ oil'a un énoncé émane de l’administration des forêts elle-même,
qui vient merveilleusement à l’appui de ce qu’on a dit ci-dcssus, à
«
savoir, «[ne toutes les forêts du duché, grandes et petites , se trou
vaient comprises dans 1 engagement.
¡Nous savons bien que le domaine prétend (pie la reconnaissance
de droits, faite par un de scs employés, ne peut lier l'administra
tion, et qu’une erreur ne crée pas un droit ; toutefois l’erreur pa
rait s’être prolongée pendant bien long-temps, puisqu'elle est presque
�—
20
—
deux fois séculaire ! .... Néanmoins si le domaine, ou son organe,
parle ainsi de la reconnaissance faite par un employé de l'adminis
tration des forêts (notez que c’est un conservateur), voyons ce qu’il
dira d’une pareille reconnaissance, se rattachant à d’autres bois, faite
p ar l’administration des forêts elle-m êm e , en personne.
O r, voici ce que cette administration écrivait à M. de Galigny,
intendant général des biens de son altesse sérénissime monseigneur
le duc de Bourbon :
ADMINISTR ATION D ES FO R E T S.
l r c DIVISION.
iV° 18.
—
Aliénations.
DÉPARTEMENT DE I.’Al.I.IETi.
« Paris, le 26 janvier 1822.
« Monsieur,
« L’administration des forêts est dans l’intention d’aliéner, en
« exécution de la loi du 25 mars 1 8 17, dans l’arrondissement de
« (rannat, département de I’Allicr, quatre parties de bois dans les« (¡licites monseigneur le duc de liourbon a des droits de pacage et
« de panage.
« Ces sont les bois dits :
« Beatidouin, d’une contenance de. . .
31 h. 02 a.
« Le Magotirant, de....................................
25
50
<( Les Brasses tic la Loucrc, de................
171
.‘17
« E t les Brasses de V cnas, de................ 2 4 1
«
D’après les renseignements que nous nous sommes procurés
<t sur ces bois, il est certain qu’il serait très avantageux de les ven« dre avec la faculté de défrichement; tandis qu’en réservant les
« droits de son altesse sérénissime et sans la faculté du défrichement,
« le trésor ferait une perte qui s'élèverait à moitié eu sus................
�‘• é h
—
21
—
..................................mais cette faculté pourrait amener l’anéantisse<c ment des droits de son altesse sérénissime.
« Ces diverses circonstances, dont nous vous prions de donner
« connaissance au p rin ce, nous font désirer de savoir s i, dans fin « térêt de l'état , son altesse sérénissime veut bien consentir a
<c (pie les bois dont il s'agit, soient vendus avec la faculté du défri« cl tentent, sauf, par la caisse d ’amortissement, à tenir compte des
« dioits, en faisant à leur égard l ’application de la loi du 14 ven« tôse en V I I , ou s ’ils doivent être vendus avec la charge de ces
i droits.
« Etant pressés pour l’aliénation des b o is, nous vous prions,
« monsieur, de nous inform er le plus tôt possible des intentions de
« son altesse sérénissime.
a Nous avons l’h on neu r, etc.
u Les administrateurs des forêts.
« Signé R aison, Marcotte et C hauvet. »
Son t-cc des employés ordinaires qui ont fait une reconnaissance
aussi e x p licite, concernant des bois autres que ceux abandonnés au
prince par les cantonnements de 1G87 et 1G 88? — N’cst-ce pas
l'adm inistration elle-même «jui l’a faite par l’organe «le ses adminis
trateurs ? — Le domaine les traitera-t-il aussi avec le dédain «pt'il
emploie envers un conservateur f E l cela ne prouve-t-il pas, contmc
on ne saurait cesser de le répéter, q^*’ toutes les forêts du d u ch é .
grandes et petites , étaient comprises dans rengagem ent?
C’est ici le ras de faire rem arquer, qu’à mesure «pie le domaine
a vendu <l«:s bois avec faculté de défrichem ent dans le Hourbonnais,
il a imposé la condition d éfaire le rachat des droits «le pacage, e tc..
«|ui appartenaient au p rin ce, lequel rachat a été lait ettectivem ent,
�«>*>
suivant divers actes authentiques reçus par les notaires de Moulins
et autres lieux.
Enfin, tout cela ne prouve-t-il pas, avec la dernière évidence,
comme on l’a déjà expliqué plusieurs fois, que par cette clause, insé
rée dans l’arrêt du 14 août 1088 : — « moyennant quoi le surplus
« des bois taillis cédés nu suppliant , par l’état arrêté en 1672, par
« le sieur Tubeuf, dem eurera entièrement à sa m a jesté , sans que
t ledit seigneur duc de Bourbon, ni scs successeurs, y puissent rien
« v prétendre ; » — on n’a entendu stipuler que sur les bois taillis
uniquement , sans s’occuper des autres droits appartenant au duc
de Bourbon d’après le contrat d’échange, et dont la reconnaissance
ainsi que le mode d’exercice avaient d’ailleurs été réglés par l’arrêt
du 17 mai 1672.
Ce droit de taillis s’exercait sur une étendue de 5 6 ,000 arpents de
bois et forêts existant dans le Bourbonnais, d’après les réformations
de 1672 à 1688; ainsi en prenant pour hase cette quotité afin de la
comparer aux droits de pacage, de panage, etc., exercés par le prince
en vertu du contrat d’engagement, on reconnaîtra bien vite que,
grandes et petites, toutes les forêts du Bourbonnais, suns exception ,
étaient soumises à ce droit.
En effet, les états dressés par le domaine indiquaient que le prince
devait exercer lcsdils droits sur 5 1 ,3 5 0 arpents environ, notam
ment dans les forêts de M oladier, M essarges , fJagnolet, Grosbois,
Civray, 'Fronçais, Lespinassc, Drcuillc, C hàteau-f'harles , inversât*
Mat ernai, toutes au dessus de 500 hectares, ci. . .
5 1 ,3 5 0
Les bois cédés au prince, d’après les cantonnements,
contenaient 4,726 arpents, ci.............................................
4,726
I otal égal, sauf 77 arpents.
.
.
.
5(5,07(5
Or, si on déduisait sur cette quantité les 11,000 hectares ou
2 2 ,0 0 0 arpents que comporte la forêt de Tronçais, comment arrive
rait >011 au chiffre résultant des reformations?
�«
—
23
—
Cela prouve donc com plètem ent, que cette forêt était comprise
dans l’engagement. — Si elle n’en avait pas fait partie, comme le sou
tient le domaine, à quel titre alors, depuis 1661, le prince aurait-il
joui des droits de pacage, panage, etc. f — Le domaine est forcé de
reconnaître que c ette jouissance a eu lieu; mais qu’il justifie donc en
vertu de quel titre elle se serait perpétuée pendant près de deux siè
cles, si ce n ’est en conformité du contrat d’engagement.— 11 est vrai
qu’il affirme, nonobstant les dispositions précises du contrat de 1661
et de l’arrêt de 1672, que c’est abusivement et par erreur !...
Ouant à la propriété de la forêt de Troncáis, comme dépendance
du duché de Bourbonnais, on n’a jamais prétendu, comme le dit
l’avocat du domaine (page 11), que l’abandon de cette forêt eût été
fait au connétable de Bourbon par diverses communes; au contraire,
on a dit positivement que la forêt de Troncáis appartenait en pro
priété aux seigneurs de Bourbon, qui avaient accordé en 1375, c’cstà-dire cinquante et un ans après que le Bourbonnais fut érigé en
duché-pairie par Charles IV , des droits d’usage dans cette forêt à dix
communes limitrophes; qu'ainsi les lettres patentes des ducs de
Bourbon, accordant ou confirmant ces droits d’usage, étaient an
térieures de cent cinquante-deux ans à la mort du connétable de
Bourbon. ( Voir pages 17 et 18 des observations faites en faveur de
S . A. II.)
Si cette forêt a été confisquée en 1523 et réunie au domaine eu
1531, ce n’est pas comme une propriété privée , mais bien comme
une dépendance du duché. — Kn supposant même un instant qu’elle
eût été acquise depuis l’érection de ce duché, ce que rien ne justifie,
elle ne s’y serait pas moins trouvée réunie, car toutes les fois qu'un
seigneur augmentait par acquisition les biens de sa seigneurie, ils y
étaient incorporés. — I-:» distinction que veut faire le domaine est
plus (pie subtile; rien ne vient à l’appui de son raisonnement; les
faits et les actes sont contre lui, et le document qu’il invoque, signé
du sieur Lepescheux, députe près I assemblée nationale par les coin-
�mimes usagères, 11c clil rien de ce qu'il veul y trouver; il se borne à
énoncer que la forêt de fron çais a etc confisquée en 1523 sur le
connétable de Bourbon qui la possédait en pleine propriété.— ■C’est
d’ailleurs de cet temanière, et en toute propriété, que la totalité du
duché appartenait à la maison de Bourbon, sous la mouvance de la
couronne, par suite de la donation qui fut faite de partie des biens
composant ce duché, par Charles-le-Sim ple, au chevalier \ymard,
en 922.
Le domaine (pajje 12 de sa Réplique) prétend que la châtellenie
de La Bruyère, dont la forêt fie Tronçais dépendait, n’était pus com
prise dans l’engagement, et il en tire la preuve de ce que les terrains
occupés auparavant par les château, basse-cour et fossés, ont été
vendus, en avril 1780, au profit du roi, sans l'intervention du prince
de Condé. — D’abord ce fait n'est pas démontré; mais en admet tant
qu’il existe comme on l’annonce, cela ne prouverait rien, si non t[ue
le prince n’a pas été informé de cette vente, ou n'a pas voulu élever
de réclamations pour un objet de si peu d'importance, puisqu’il ne
s’agissait tout au plus que d’une couple d'arpents de terrain couverts
de décombres. — Ce qui est vrai, ce qui est hors de doute, malgré le
svstèmc adopté par le domaine, c’est que la châtellenie de La Bruyère
était nommément comprise dans l’enftajjemcnt, et, pour s’en assurer,
son avocat n'avait qu’à lire l’acte de 1001 , il y aurait mi, à rémuné
ration des objets cédés, l’énoncé suivant : <
— « Déclarant lesdits sei« «fiieurs-commissaires, que l’intention de sa majesté e s t, qu'au
" prése n t délaissement dudit duché de Bourbonnais, soient cnmpri-
>< ses , les châtellenies de Moulins, Bourp-le-i .ointe, Cerillv, l ssel,
*» La flritièrc, la Chaussière, etc. »
Le domaine, pour prouver (pie le prince n'avait aucun droit dans
!;t forêt de Tronçais, d it(p a "c 1N) «put lors de la réfornialion de
celle fnrêl, en 1071, les commissaires délégués désignèrent les dif
férents vidft*. qui s’v trouvaient, en indiquant le mode de repeuple
ment. et que le prince il’» lait aucune protestation à cet éjjard. —
�'
SÇI
—
25
Singulier raisonnement en vérité: le prince ni ses agents n’avaient
aucunement à se préoccuper tic ce que disaient ou écrivaient les
agents du domaine, et c’était seulement au moment de l’exécution
qu’ils pouvaient contester. Or les vides signalés en 1671 comme de
vant être repiqués, sont restés, pour la presque totalité, en état d’in
culture, (le terrain vague , sans aucun repiquage. On n’a donc eu
aucune opposition à former, et c’est parce que ces vides étaient en
core à l'état de terrain vain et vague au moment de la réclamation,
(pie la revendication en a été faite.
Mais dit encore le domaine ( p . 1 9 ) : « Par acte du 7 février 1788,
a le roi concéda à M. Hambourg, dans la forêt de Fronçais, l’exploi(t tation de quarante coupes sur une étendue de 5,1 1 2 arpents
« 40 perches; et pendant trente ans la jouissance des vides exis« tant dans les triages de Landes-lès-.Vuches, Monlaloycr et la Bou« teille, pour les coupes être exploitées et les vides être employés à
« l’établissement, des forges et usines qui s’v trouvent aujourd’hui.
M ..........................................................................................................................
< ('cite concession, temporaire dans l’origine, est devenue définitive
« au moyen d’une transaction autorisée par une ordonnance royale
.< du 10 décembre 1823, postérieurement à la rentrée du prince de
« Condé, et à laquelle cependant il n’a formé aucune opposition. »
Ce raisonnement n’a rien de concluant, car, en premier lieu,
malgré l’engagement fait au prince de Condé, du duché de Bour
bonnais, l’état n’en conservait pas moins la faculté de vendre ou
aliéner tout ou partie de ce duché en remboursant au prince tout
ou partie de sa finance d’engagement, et c’est précisément ce qui
aurait eu lieu si déjà, à cette époque, les préludes de la révolution ne
s’étaient fait sentir, ce qui devait détourner l’attention du prince
qui se t rouvait appelée sur des objets d’une bien autre importance.
Depuis la rest mration, cl d’après la loi du 5 décembre 1814, on
ne devait rendre aux émigrés que les biens non vendus; le prix des
0
�-
26
—
autres se liquidait dans l’indemnité; et comme les agents du prince
avaient perdu la trace de tous ses biens à la recherche desquels ils
étaient sans cesse, il n’y a rien d’étonnant qu’on ait omis de porter
dans lebordereau d’indemnité ce qui pouvait être dit à ce sujet.— Ainsi
rien de plus naturel «pie l’oubli de la concession faite à M. Ham
bourg, après vingt-cinq années d’émigration et de troubles révolu
tionnaires.
Mais puisqu’il est ici question de la concession faite au sieur Ham
bourg, cl que le domaine cile cette concession comme un fait à
opposera la réclamation de son altesse royale; il est bon d’en
dire ici deux m ots, car c’est un des actes les plus scandaleux qu’on
ait pu se permettre en violation des lois, et contre lequel cependant
l'administration des domaines n’a pas élevé une seule observation.
— Vussi cette concession a-t-elle fait jeter les hauts cris u toute la
province, et c’est à cause d’elle, a cause des déprédations commises
à son sujet dans la fo ret, que les dix communes qui y exerçaient
des droits d’usage, députèrent le sieur Lepeschcux a l’assemblée na
tionale, en 1790, afin de présenter un mémoire justificatif de leurs
droits méconnus et usurpés.
l/i concession, en effet, parait avoir été obtenue par des moyens
qu’on n’est pas appelé ici a examiner; toutefois elle a eu lieu en viola
tion de l’ordonnance de 1009, et notamment du règlement du 9 août
qui défendaient d'aliéner aucune forêtd e fn taieou partie d'icelle,
et d'établir aucune forge, fourneaux , e tc., sinon en vertu de lettres
patentes bien et dûment vérifiées dans les cours , fi peine de 300 francs
d amende ., de démolition des forges , fourneaux , etc . , et confiscation
îles bois , charbons , mines et ustensiles servant à leur usage.
Or M. Hambourg n’a point obtenu les lettres patentes qui de
vaient être vérifiées dans les cours , qui, certainem ent, sc seraient
refusées à leur enregistrement.
- \ la vérité, l’arrêt de concession
dispense de remplir cette formalité; mais le pouvait-il, puisqu'elle
�—
27
-
était substantielle, de l’essence du contrat et formellement ordonnée
par la loiP — M. Hambourg a coupé à son profit cinq m ille cent
douze arpents quarante perches de futaie superbe, contrairement
aux lois, sans la moindre observation de la part des officiers des
maîtrises, tandis que précédemment ces mêmes officiers avaient fait
une guerre si injuste, si acharné au prince à cause du taillis auquel
cependant il avait des droits incontestables.—On ne veut pas expli
quer ces faits; 011 s’était même abstenu d’en parler dans les obser
vations déjà produites, et on ne les signale ici que par suite de la
citation, au moins extraordinaire de la part du domaine, de la con
cession dont il s’agit, comme étant un fait à opposer au prince..
One le domaine vienne ensuite énoncer dans son argumenta
tion (page 1 9 ), également comme preuve contre la demande de
S. À. H., un autre arrêt du 3 février 1778, qui concède la forêt de
Grosbois. — On lui répondra que celte concession par laquelle on
abandonne trois m ille arpents de fu taie magnifique , est tout aussi
scandaleuse que celle dont on vient de parler, ayant été faite d’une
manière aussi illégale à un sieur M oniol, qui se fit subroger un sieur
L cv ach er , qui lui-même rétrocéda cette concession h un sieur ffnj,
dont les affaires étaient régies par le syndic de ses créanciers, ce qui
indique qu’il était en état de faillite. — Or, ce même sieur Orv ob
tint ensuite un arrêt du conseil qui lui concéda encore l’exploitation
de quatre autres forets en fu taie , à la charge de construire deux
fourneaux qui n’ont jamais existé qu’en projet, ce qui n'a pas em
pêché les coupes d'avoir lieu.
Tout cela pratique dans 1111 court espace de temps, 1 1 c sent-il pas
l’agiotage, la m altôtc?— Et c’est avec les forêts de l’état qu’on ali
mente de telles m anœ uvres!...
Page 2 0 , le domaine s’exprime ainsi : « En suivant l’argumentation
« ries agents du prince, on 11e peut trop s’étonner (pie la demande
« ait été aussi restreinte; car il en résulterait que la foret de T ron-
�v
—
28
—
« cais, comprenant 2 2 ,0 0 0 arpents ou 11,000 hectares, n’avait, en
«
«
«
<
1071, que 150 hectares de futaie ; d'où naît la conséquence (pic le
prince aurait droit à 10,8o0 hectares, et qu’en se restreignant, on
ne sait pourquoi, à 598 hectares, il fait don à l’état de 10,252
hectares. Encore une fois, pourquoi une demande aussi res-
* freinteP »
Est-ce là une question sérieuse, et comment est-il possible de rai
sonner ainsi, en présence des actes par lesquels le prince a renoncé
à l’exercice du droit de taillis dans les forets autres (pie celles à lui
abandonnées en entier par les cantonnements de 1087 et 1G88P —
V quel titre viendrait-il réclamer aujourd’hui 10,252 hectares de
terrains couverts de bois? — Si ces terrains étaient à l’état de landes ,
de terrains vains et vaques , et qu’ils fussent ainsi depuis un temps
immémorial, nul doute qu'ils auraient été revendiqués; mais en
état de coupes ou de produits, il faudrait avoir perdu toute espèce
de bon sens pour en demander la restitution. — Voilà pourquoi on
s’est borné à la réclamation des 598 hectares.
Il
n’y a donc ni restriction ni don de la part du prince, «pii
s’est borné à l’exercice strict et rigoureux d’un droit qui lui appar
tenait.
Pour en finir avec les objections faites par le domaine, on lui
dira :
1° Ou’il avance un fait complètement inexact, en annonçant (pic
la maison de Bourbon a concédé à diverses époques toutes les terres
vaines et vaques qui existaient dans l'élendue du duché de Bourbon
nais. — One les portions de ces terres cédées par le prince, ne com
portent qu'une très faible partie de la totalité, et que le surplus est
aujourd’hui détenu parles diverses communes du bourbonnais, qui
se les sont attribuées comme biens communaux.
2» <hic l’explication qu'il donne à l’occasion de la lande Martin ,
située dans la forêt de(lavray (M anche), et restituée à la coiripa.
�—
29
—
gnie duCotcnlin, comme cessionnaire de la maison d’Orléans, est
complètement erronnée, attendu que cette lande est dans la foret
elle-m êm e, entourée des bois de cette forêt, à travers laquelle il faut
Faire un assez long trajet pour arriver à ladite lande ; qu’elle a tou
jours fait partie du sol Forestier jusqu’au moment où la remise en a
été Faite à la compagnie du Cotentin, qui a Fait abattre à son profit
divers arbres restés sur cette lande, comme débris de la forêt; que.
jusqu’au moment de cette remise l’administration forestière louait,
le pacage a son profit et en percevait le produit; qu’enfin les fossé?
creusés autour de cette lande n’avaient été ouverts que pour empê
cher les bestiaux fie pénétrer dans les parties boisées, et non pas
comme marque distinctive <pie la lande ne faisait pas partie du sol
forestier; ces fossés servaient d’ailleurs à l’écoulement des eaux qui
auraient fait dépérir les bois.
3° Que malgré la nouvelle dénégation faite sur l’existence des
vides réclamés dans la forêt de Tronçais, ces vides n’en subsis
tent. pas moins; qu’ils ont été reconnus et indiques par le domaine
lui-même dans l’état dressé le 17 juillet 1819, par le directeur
dans le département de l’Allier, et intitulé : — « Tableau des ter<c rains vaques , landes, marais, terres incultes de toute nature, pos« sî'.dks PAR le domaine à l'époque du 1er ju illet 181 il. » — Dans le
quel état se trouvent désignés les terrains réclamés par son altesse
royale; qu’en outre, par la lettre écrite par 31. le conservateur des
forêts de l’ VHier à 31. le préfet du même département, le 27 oc
tobre 1831, au sujet de la soumission faite de ces terrains au nom de
son altesse royale, 31. le conservateur reconnaît positivement toutes
les parcelles, sauf une dont la quotité avait été mal énoncée; laquel le
lettre se termine ainsi : « — H me paraît résulter de ce qui précède,
« que sur les 000 hectares 30 ares de vides et clairières réclamés à
» titre d’engagement, // en existe évidemment .VJl hectares •)(> cett>< tiares faisant partie de la forêt de T ron çais , possédés par l’état. »
�Comment est-il possible après cela, d’opposer une dénégation ?
4° Que des recherches ont effectivement été faites dans les diverses
archives, comme l'énonce le domaine, pour se procurer des docu
ments au soutien de la demande faite au nom de S. A. R .; — que ces
recherches ont eu pour résultat de fournir une partie des pièces
énoncées dans les Observations, et qui présentent beaucoup plus
d'importance que le domaine ne voudrait leur en accorder, lui qui
ne produit rien ; qu’enfin ces recherches auraient été beaucoup plus
fructueuses, surtout à la cour des comptes, si un incendie qui a eu
lieu en 1720, n’avait détruit une partie des archives de
cette
cour.
On clora cette discussion déjà trop longue, en faisant observer que
dans les biens donnés en échange par le prince de Condé, il s’en
trouvait pour une valeur de 100,474 fr. qui lui appartenait person
nellement et non pas à titre d’engagement ; que cependant on ne
lui a jamais tenu compte de cette valeur; qu’en outre le duché d’Albret, par lui cédé, produisait un revenu net de 4 9 ,8 2 8 fr., tandis
que le duché de Bourbonnais ne produisait rien alors.
Imprimerie et Lithographie de MAULDE et RENOU, rue B A IL L E U L 9 E T 1 1 7 5 5
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aumale. 1842]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séquestre
émigrés
forêts
destructions révolutionnaires
droits féodaux
Condé (Prince de)
eaux et forêts
exploitations forestières
glandée
droit de parcours
pacage
domanialité
possession des vides
élevage porcins
triages
forges
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse à la réplique faite par le domaine de l’État, représenté par le préfet de l'Allier, aux observations présentées dans l'intérêt de Son Altesse Royale Monseigneur le Duc d'Aumale, a l'occasion de la réclamation de terrains vagues aux abords de la forêt de Tronçais.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie et lithographie de Maulde et Renou (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1842
1661-1842
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2926
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2924
BCU_Factums_G2925
BCU_Factums_G2927
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53612/BCU_Factums_G2926.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Bonnet-de-Tronçais (03221)
Tronçais (forêt de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Condé (Prince de)
destructions révolutionnaires
domanialité
droit de parcours
droits féodaux
eaux et forêts
élevage porcins
émigrés
exploitations forestières
forêts
forges
glandée
pacage
possession des vides
séquestre
triages
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53611/BCU_Factums_G2925.pdf
89f2afb5301801670ad42c8ab9e38b49
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Text
RÉPLIQUE
AUX OBSERVATIONS
FAITES
P o u r S. A. R. Mgr le D u c
d
’A
u m a le
,
appelant,
CONTRE
L E D O M A I N E DE L’ É T A T ,
REPRÉSENTÉ
PAR
M.
LE P R É F E T
I)E
L ’ ALLIER.
Par contrat passé devant Mes Boulard et Quarré, notaires à Paris, le
26 février 1 6 6 1, S. A. R. Monseigneur le prince de Condé a cédé, à titre
d'échange, à Sa Majesté le roi Louis XIV, le duché d ’ Albret et la baronnie
de la Durance, qu ’ il possédait, partie de son chef, et partie à titre d ’enga
gement.
En contre-échange, le roi a cédé au prince, à titre d’engagement, le
duché de Bourbonnais, avec tontes ses dépendances, dont jouissait
alors la reine douairière, Anne d ’Autriche, veuve de Louis XIII.
P a r ce t acte, le roi cède au prince le duché de Bourbonnais, ses ap
partenances et dépendances, soit métairies et domaines, moulins, riviè
res, étangs, bois taillis et de haute futaie, p rés, vignes,
bourables et non
labourables,
terres la
vaines et vagues, dîmes, terrages,
cham part, cens, renies, droits de commises, servitudes, mortailles et
confiscations, aubaines et desherence, fiefs et foi, hommage et vassalités,
greffes et tous autres droits généralement quelconques, appartenant a u
dit duché de Bourbonnais, sans aucune chose en excepter, réserver ni
�fft
2)
retenir, en ce qui reste à engager, sauf pour le regard des bois de haute
futaie, qu ’il ne pourra couper ni abattre.
Le prince s’est mis en possession des objets qui lui ont été cédés : un
procès-verbal de prise de possession a dû être dressé, des inventaires ont
dû être faits.
D ’après ce contrat d ’échange, la pleine propriété des taillis appartenait
au prince; il n’y avait de réserve que pour les bois de haute futaie, que
le prince ne pouvait couper ni abattre ; du reste, il était libre de faire des
objets cédés tout ce qui lui convenait.
Cependant, dès 16 7 1, dix ans après l’acte d ’échange, des difficultés s’ é
levèrent entre l’administration des domaines et les agents du prince, re
lativement à la jouissance de différents bois que ces agents prétendaient
avoir été compris dans l’échange, ce qui était dénié par les officiers des
maîtrises.
Le 17 mai 16 7 2 , une enquête est présentée au roi en son con
seil , et le 1 a
août su iv a n t, en
exécution
d ’un
arrêt du conseil
d’E t a t , un état des bois concédés au prince de Condé est dressé par le
sieur Tubeuf, intendant du Bourbonnais, commis à cet effet. Dans cet
état ne figure pas la forêt de Tronçais en tout ou en partie ; seulement,
l’arrêt du conseil décide que ce prince jouira du d/vit de pacage dans
les forets de Sa Majesté.
De nouvelles difficultés s’étant élevées à l’occasion de l’exécution de
l’arrêt du 12 août 167a, une nouvelle instance eut lieu devant le conseil
d ’Etat : deux projets de règlement furent arrêtés par des commissaires
nommés à cet effet, et un arrêt du conseil du
août 1G88, en h om olo
guant ces deux projets, attribue au prince les bois taillis qui y sont dési
gnés, en réservant néanmoins les futaies qui pourront s’v trouver, et se
termine ainsi :
« Moyennant quoi, le surplus des bois taillis cédés au suppliant par l’état
« arrêté en 167a par le sieurTubeuf, demeurera entièrement à Sa Majesté,
« sans que ledit sieur duc de Bourbon et ses successeurs y puissent rien
« prétendre. »
Il n’est nullement question de la forêt de Tronçais dans ces règle
ments, et depuis i(jGi , comme auparavant, cette forêt a toujours été
administrée, gardée, gérée par l’ K la t, à l’exclusion des agents du prince.
�(
3
*w *,
)
En 1792, monseigneur le prince de Condé ayant émigré, le duché de
Bourbonnais, compris dans l’acte d ’écliange de 1661, fut mis sous le sé
questre et réuni au domaine de l’Etat.
Par suite de la loi du
5 décembre r 8 i 4 , les biens non vendus qui avaient
appartenu au prince de Condé, lui furent restitués; et dans cette restitu
tion, furent compris les objets étant entre les mains de PEtat, comme
ayant fait partie du duché de Bourbonnais.
Le
23 mars i 83o , l e baron
de Surval, intendant général des domaines
et finances du prince de Condé, élevant, pour la première fois, la préten
tion que la forêt deTronçais avait été comprise dans l ’échange de 16 6 1,
réclama la remise de terrains vains et vagues aux abords de la forêt de
Tronçais, et fit soumission de payer le quart de la valeur de ces terrains,
en exécution de la loi du i/j ventôse an 7.
Cette demande, renouvelée après la mort du prince par l’administra
teur des biens de monseigneur le duc d ’Aumale, héritier testamentaire
du dernier duc de Bourbon, fut rejetée par un arrêté du préfet de l’Allier,
du iG juillet 1832, approuvé par le ministre des finances, le 1 " octobre
suivant.
L’ administrateur des biens du prince fit alors assigner M. le préfet de
F Allier, comme représentant l’Etat, à comparaître devant le tribunal de
Montluçon, pour s’entendre condamner h la restitution de
5q 8 hectares
de terres vaines et vagues, situées aux abords de la forêt de Tronçais, aux
olires de payer à l’ Etat le quart de la valeur desdits terrains.
Le Domaine soutint en première instance que la forêt de Tronçais n ’a
vait jamais fait partie de l’ échange de 1661, et il le prouva en produisant
l’arrêt du conseil de 1G72, l’arrêt du conseil de 1688, une concession
faite, en 1788, par FEtat, a MM. Hambourg-, le domaine repoussa les pré
tentions du prince, en démontrant que l’ Etat avait toujoursjoui des vides
de la forêt comme de la lorêt elle-même, et que le prince, n’ayant en sa
faveur ni litre, ni possession, n’ayant point été dépouillé des terrains ré
clamés par Follet des lois sur Fémigration, ne pouvait invoquer les dis
positions de la loi du
ventôse an 7.
O s moyens de défense eurent un plein succès devant le tribunal de
Montluçon qui, par jugement du \f\ août 18/|(), rejeta la demande for
mée au iK'in de S. A. B .
�w»
(4)
Appel ayant été interjeté devant la Cour de I\.Loin, les plaidoiries avaient
été entamées et terminées, lorsque la Cour, voulant éclairer sa religion et
s’entourer de tous les documents nécessaires, mais sans entendre rien
préjuger sur les moyens invoqués de part et d ’autre, réservant au co n
traire toutes les questions, tant de fait que de droit, ordonna, par l’arrêt
interlocutoire du i4 décembre rS ^ i, que dans les trois mois le prince
justifierait, soit p a r le procès-verbal de prise de possession du duché, soit
par toute autre pièce, que la forêt de Tronçais dépendait dudit duché au
moment de l’ engagement.
Trois mois et plus se sont écoulés sans que les agents de S. A. aient ju s
tifié d ’aucunes pièces; et cependant la plus grande latitude leur a été don
5
née : depuis i 8 1 , les archives départementales, les archives générales
du royaum e ont été mises à la disposition des
agens du prince de
Condé et de ses successeurs ; toutes les portes leur ont été ouvertes, aucun
moyen ne leur a été refusé; s’ ils ne rapportent rien aujourd’hui, c ’est
q u ’ ils n’ ont rien trouvé de favorable à leur cause. L ’Etat ne soutient pas
ses droits avec mauvaise foi, et si le prince eût justifié d ’un seul acte qui
eut établi la justice de ses réclamations, un acquiescement à la demande
eût été la suite immédiate de celte production.
F/administration des Domaines avait invoqué devant la Cour le procèsverbal de réformation de la forêt de Fronçais, opéré en 1ÎÎ71 ; l’adver
saire en a demandé la production : l’administrai ion s’est empressée de
satisfaire à ce vœu. Ce procès-verbal est depuis long-temps à Riom; co m
munication en a été donnée aux agents de S. A.
Un mémoire imprimé a été distribué de la part deM. Lacave I.aplagne,
administrateur des biens de S. A. II. Dans l'intérêt du Domaine, on va
répondre à ce m ém oiie, en adoptant la même marche, en le suivant dans
tousses raisonnements; et c ’est avec les pièces même produites par l'ad
versaire ({lie le Domaine espère démontrer, de la manière la plus con
vaincante ,
i" Que le contrat d’ échange de i (»(>■ne comprenait pas les forêts roya
les du liou rbon naisd’une certaine importance;
v»° Que les arrêts du conseil de iii7 u à 1688 font
connaître et
expliquent le contrat d ’échange et la propriété des forêts réservées
au roi ;
�( 5)
3° Que
la forêt de 'Fronçais n’a jamais fait partie de cet é c h a n g e ,
niais, au contraire, est toujours restée propriété exclusive de la Cou
ronne ;
° Que les vides existant dans cette forêt n’ont jamais cessé d ’en faire
4
partie ;
" Que le prince de Condé n’ a jamais exercé aucun droit de possession
5
sur les vides;
6° Que la loi de l’ an 7 n’est pas applicable à l’espèce.
§1".
Origine du duché de Bourbonnais.
L’histoire 11e fournit sur ce point que des données fort obscures. On
pense que Bourbon fut érigé en seigneurie par Clovis Ier, en 609, puis en
baronnie, par Charletnagne, en 770. Charles-le-Sim ple en fit don à
Aymard 011 Adhemard, parent de IIugues-le-G rand, en 9 13 , sans doute
pour acheter sa protection auprès de ce puissaut comte qui faisait sou
vent la guerre au souverain.
34
Il fut érigé en duché-pairie, non pas en 1 ^ , mais bien au mois de
décembre 1327, par Charles-le-Bel, en faveur de Louis
1er,
fils ainé de
R obert-de-France; il fut séquestré sur Charles de Bourbon, connétable
de France, à la demande de Louise de Savoie, mère de François I", qui
prétendait y avoir des droits du ch ef de Marguerite de B o urbon,sa mère;
enfin, après la mort du conuelable et de Louise de Savoie, il fut réuni à
la Couronne par François I", fut attribué successivement au douaire de
plusieurs reines, et engagé à Louis II, prince de Condé.
§11EchtiW’e entre le Hoi et le prince de ('onde.
5
Dès l’année 1i» 1, le prince de Condé, se laissant diriger par des c o n
sidérations d ’ambition personnelle, avait abandonne la co u r ; et après
avoir causé quelques troubles à l’aris, s’était joint aux Espagnols et taisait
la guerre à son pays. Le traité des Pyrénées, signe en
après huit
�(6)
«.nuées de guerre civile, stipula formellement des avantages pour le prince
de Condé, malgré l’opposition du cardinal Mazarin, qui ne pouvait lui
pardonner tous les embarras q u ’il lui avait causés; mais le cabinet espa
gnol ayant menacé de donner au prince des places fortes dans les Pavsbas, Mazarin pensa q u ’il valait mieux faire au prince un établissement
au centre de la France et loin des frontières. Telle fut la cause de Pacte
d ’échange du 26 février 1G61. Le prince de Condé ne subit pas la loi : il
la dicta; il 11e fit pas de sacrifices : il obtint des avantages; c ’était un
puissant seigneur révolté qui faisait acheter sa soumission , et l’acte d ’é
change rappelle qu ’il est fait en exécution des promesses faites au prince
par le traité paix.
Le duché d ’Albret et la baronnie de la Durance étaient loin de valoir le
d u c h é d e Bourbonnais; et si les commissaires ont reconnu, qu ’en 16G1,
la dépense excédait le revenu, c ’est qu’à cette époque, les droits utiles
étaient perçus par Anne d ’ Autriche, mère du roi, qui en jouissait pour
son douaire; et le prince de Condé eut soin de stipuler, q u ’en atten
dant q u ’il fut mis en possession du revenu attaché au duché, il lui serait
payé une rente annuelle double du revenu q u ’il aurait eu droit de per
cevoir.
Le prince 11e faisait donc aucun sacrifice; au contraire, il gagnait
chaque année tant que le revenu n’était pas réuni au fonds.
P a r c e l acte d ’éclumge, ainsi q u ’on l’a dit, le roi cède en conlr’ échan
ge, au prince le duché de Bourbonnais, ses appartenances et dépendan
ces, métairies, domaines, moulins, rivières, étangs, bois taillis et de
hante futaie, prés, vignes, terres, labourables et non labourables, vaines
et vagues, dimes, terres, champarts, cens, rentes, droits de commises,
servitudes, tnortailles, confiscations, aubaines, déshérences, fiefs, foi et
homm age et vassalité, greffes et tous autres droits généralement quel
conques
appartenant
audit
duché
de
Bourbonnais, sans
aucune
chose en excepter, réserver ni retenir, en ce qui reste à engager, sauf
pour le regard des bois de haute futaie, q u ’il ne pourra couper ni abattre.
A prendre cet acte à la lettre, il semblerait d ’abord que les préten
tions de Son Altesse sont fondées, et que tout ce qui se trouvait compris
dans les dépendances du duché de Bourbonnais a fait partie de l’échan
ge dont il s’agit. Dans ce système, qui était celui soutenu par les agents
�( 7 )
du prince, en première instance, les forêts royales etaient elles-mêmes
engagées sans aucune réserve, si ce n’est celle des arbres existants. On*
verra bientôt q u ’un tel système entraînerait des conséquences telles que
les agents du prince n’ont pas osé les soutenir et les ont abandonnées
successivement, à mesure qu ’elles se développaient.
§ 1HArrêt du 17 mai 1672. — Arrêt du i/j août 1688.
En admettant le système soutenu au paragraphe précédent, le prince
de Condé était engagiste de toutes les forêts du Bourbonnais ; les bois
taillis et de haute futaie lui appartenaient ; il pouvait en jouir, faire et
disposer comme de chose à lui appartenant. Une seule exception était
apportée à l’ universalité de ses droits : il ne pouvait couper ni abattre les
bois de haute futaie ; il pouvait donc exploiter les taillis, jouir seul des
panagesetglandées sans le concours desofficiersdes maîtrises ; il pouvait
établir des gardes en son nom pour la conservation de ses droits.
Cependant 011 voit qu ’aussitôt après l’échange consommé, des co n
testations s’élevèrent entre
les officiers de ces maîtrises et les agents
du prince, relativement à la jouissance des bois taillis et des droits de
p a c a g e , p an age, glandée, amendes, etc. On voit que les fermiers du
prince, troublés dans leur possession, demandent la résiliation de leurs
baux. D’où pouvaient provenir ces troubles? évidemment de ce que les
fermiers voulaient étendre les droits cédés au delà des limites de la
cession ; évidemment de ce q u ’il y avait doute sur l’ étendue des droits
cédés, parce qu ’indépendamment des bois taillis compris dans l’acte d ’éch a n g ed e 1GG1, il en existait dans le bourbonnais qui n ’avaient pas été
cédés au prince et qui demeuraient réservés au roi ; parce que les limites
n’ étaient pas bien établies entre ces deux sortes de bois, que les fer
miers du prince
v o u la ie n t
exercer indûment des droits sur les bois non
conqu is en l’acte d ’échange, et que les officiers des maîtrises étendaient
trop loin les forêts réservées.
Aucune contestation n’ était possible, dans le sens qu ’011 veut donner
à l’acte île iGGi . Tant que ce prince ne coupait pas les bois de haute fu-
�y*
(8)
taie, les officiers des maîtrises ne pouvaient élever aucun débat. Tous les
bois taillis appartenaient au prince ; il pouvait en disposer à sa volonté,
couper même les baliveaux sur taillis, lorsqu’ils n’avaient pas atteint l’ âge
de 60 ans, temps requis pourêtre réputés futaie; il pouvait affermer le droit
depacage, panage etglandéesansl’intervention des ofiiciersdes maîtrises.
Car, encore une fois, le roi ne s’était réservé que les bois de hautefutaie,
et l’exercice des droits dont 011 vient de parler ne pouvait préjudiciel- en
rien aux bois de haute futaie; les officiers des maîtrises n’ avaient pas à
s’en m ê le r , sauf à eux à surveiller la conservation des arbres résen’és a r
bres auxquels la dent des bestiaux ne pouvait faire aucun mal. Cependant
des contestations s’élevèrent : elles ne peuvent avoir pour objet que l’ex
plication, l’interprétation de l’acte d’ échange de 1661 ; et c ’est alors q u ’est
rendu l’arrêt du conseil du 17 mai 1G72.
Cet arrêt ordonne que le prince de Condé jouisse des pâturages , panageSj paissons, glaridée et pêche dans les forêts «lu roi situées en Bourbon
nais, et que le sieur Tubeuf, intendant du Bourbonnais, dresse un état des
bois et taillis abandonnés au prince.
En exécution de cet arrêt, le sieur T u b e u f dressa un état des taillis qui
deviennent la propriété du prince, s’élevant en totalité à
arpents.
L eprin ce de Condé 11e réclama pas contre l'arrêt du 17 mai 1G72, ni
contre le règlement opéré par le sieur lu b e u f. O11 a soin de dire, dans le
mémoire imprimé, que le prince était occupé alors à la guerre de Hol
lande, et blessé au passage du Rhin. Maistout le inonde sait que les prin
ces 11e s'occupent jamais personnellement de la gestion de leurs affaires.
Le prince de Condé, homm e de guerre, avant tout, ne pouvait apporter
le soin convenable à ses a lia ires d ’intérêt ; mais il avait un conseil, des
agents actifs et bien payés qui administraient sa fortune, et si l’ arrêt eût
été contraire aux intérêts du prince, ses agents eussent bien songé à récla
mer.
Quoiqu'il en soit, les officiers des maîtrises réclamèrent eux-mêmes con
tre le règlement opéré par le sieur Tubeuf; ils prétendirent q u ’on avait
compris à tort, parmi les taillis abandonnés au prince, î/îm/W.» enclavés dans
les forets de Sa Majesté.
Sili ces réclamations', M M . de la Nu/.anchère, grand maître des eaux et
forêts, et lé v rie r , lieutenant général du domaine du Bourbonnais, rédigé-
�frri
( 9 )
re n td e nouveaux procès-verbaux, les i8 o c to b re 1686 et a g o cto b re 1687,
par lesquels
33 petites forêts, contenant
ensemble 4726 arpents, furent
abandonnées en entier au prince de Condé, et sur ces procès-verbaux inter
vient, le t/j août 1688, un arrêt du conseil d ’état qui, les homologuant, au
torise le prince à se mettre en possession des 4726 arpents de bois qui lui
sont abandonnés, et à nom m er directement des gardes ; moyennant quoi
le surplus des bois taillis, cédés au suppliant par l’état arrêté en 1672 par
le sieur T u b e u f, demeurera entièrement à Sa Majesté sans que ledit sieur
duc de Bourbon , ni ses successeurs y puissent rien prétendre.
Il est à remarquer que dans tous ces a rrê ts, les forêts de T ro n ça is,
Gros-Bois, Dreuille , Lespinasse et Civray ne sont pas même nommées.
Que peut-il résulter de ces deux arrêts ?
i" Que l’acte d ’écliange de 1661 ne cédait pas au Prince de Condé
tous les bois quelconques situés en Bourbonnais -, mais il en était qui
restaient réservés au R o i, et nous en donnerons la raison au § VII ciaprès.
a° Que si l’acte d ’échange eut contenu tous ces bois généralement
qu elco n ques, sous la seule réserve de ne pas couper ni abattre les futaies,
il n’aurait pu s’élever aucune contestation sur la jouissance des taillis,
des droits de pacage, panage, glandée, e t c . , puisque le prince devait
jouir du tout, dans toute son étendue, sans réserve.
3° Que
les bois eussent dû être gardés aux frais du Prince, ainsi que
l’arrêt de 1G88 l’a ordonné pour les bois taillis qui lui ont été concédés.
4° Que l’arrêt de
1G88 eût été d ’ une injustice révoltante équivalant à
un acte de confiscation, puisqu’en concédant au Prince
47 '-*^ arpens
de
bois taillis, dont il ne pouvait prendre possession q u ’après que le Roi
aurait fait enlever le bois futaie, 011 ne lui concédait rien de nouveau , et
q u ’en lui enlevant tous les autres taillis énoncés dans le règlement de
T u b e u f, 011 portait une atteinte notable à l’acte d ’échange qui lui donnait
un droit sur le tout.
r»° Q u ’on ne peut expliquer cette étrangeté que par cette considération
que les grandes forêts du Bourbonnais 11e faisaient pas parlie de l’acte
d ’échange, étaient restées la propriété du Roi, c’ est-à-dire de l’Étal,alors
confondu avec la personne du Roi.
�( ï<* )
6° Enfin que ce$ arrêts de 167a et 1688 n’ont pas modifié l’acte d ’é
change de 1661., mais l’ont expliqué.
7“ Que le droit de jouir des pacages , panages et glandées des forêts
dq B ourbonnais, concédé au Prince de Condé par l’arrêt du conseil de
1672, prouve surabondamment que ces forêts n’avaient point été com
prises dans l’engagement ;
car l’abandon de la propriété emporte néces
sairement le droit de p a c a g e , et ce droit n’ayant rien de contraire à la
réserve,des bois de haute futaie, il était tout-à-fait dérisoire de les con
céder à celui qui était déjà propriétaire du fonds.
§ IV.
La forêt d e ï r o n ç a i s a toujours, dit-on , fait partie du Duché de Bour
bonnais , et conséqueinment s’est trouvée comprise dans l’engagement
de 1661.
L ’administration des domaines 11’a pas affirmé d ’une manière solen
nelle que jamais la forêt de Tronçais n ’avait fait partie du Duché de Bour
bonnais, et son avocat n ’a pas tenu le langage absurde q u ’on lui prête.
L ’avocat de l’administration a plaidé que, d ’après une ancienne tradi
tion, dont il ne pouvait justifier l’origine, la forêt de Tronçais ne faisait
pas partie du duché de Bourbonnais. Ce duché était constitué de diffé
rentes parties arrachées, par l’importunité des courtisans, à la faiblesse
des rois de France. Seigneurie en
3 7
5o«j,
baronnie en 770, duché-pairie en
1 * , il était possédé par la maison Bourbon à titre de grand fief relevant
immédiatement d e là Couronne, et com m e tel, soumis à de certaines con
ditions de service militaire, de foi et hommage, etc.; et il était réversible
à la Couronne en cas «l’extinction de la famille à laquelle il appartenait.
I*a forêt de Tronçais parait avoir été la propriété privée de quatorze c o m
m unes ou
paroisses sur le sol desquelles elle était située; et com m e les
frais de garde absorbaient, et au-delà, les revenus q u ’on en pouvait tirer,
et qu'elle était en proie aux dévastations de tous les habitants, les c o m
munes propriétaires en abandonnèrent la propriété aux dues de Bourbon
qui , dès - lors , la possédèrent , non
pas comme une dépendance
de leur d u c h é , mais bien com m e une propriété privée qui leur était
�( r, )
•
advenue autrement que par les dons du souverain, et n ’était soumise à
aucune des conditions imposées aux possesseurs de fiefs.
Ce ne fut pas au connétable de Bourbon que fut fait cet a b a n d o n ,
com m e le dit l’auteur du Mémoire imprimé pour Son Altesse , mais bien
à un de ses ancêtres, et antérieurement même à l’érection en duchépairie.
11 serait impossible de rapporter la preuve de Ce fait, qui rémonte à plus
de cinq cents ans, mais il est de notoriété publique dans le pays; il est re
laté, dans un Mémoire présenté à l ’Assemblée nationale, et signé par le
sieur Lepescheux, député du district de Cérilly. En plaidant devant la
Cour, l’avocat de l’administration, qui n ’avait qu ’une copie libre et non
signée de ce Mémoire, trouvée dans des papiers de famille, ayant voulu
s’en aider, l’avocat de Son Altesse rejeta ce document comme n’ayant au
cune authencité ; mais, com m e on le relate dans le Mémoire imprimé,
et q u ’il parait que les agents du prince en possèdent une copie authenti
que, ce fait doit passer pour constant.
Cette forêt a été confisquée et réunie au domaine de l’Etat en 1
523,
non pas comme une dépendance du duché de Bourbonnais, mais parce
que l’édit de confiscation, rendu contre le connétable de Bourbon, p o r
ta it s u r
tous les biens, sans exception, du coupable, soit q u ’il les tînt à
titre de fiefs, soit qu’ il les possédât à titre privé; et depuis cette réunion,
la forêt de Tronçais n’a jamais cessé de faire partie du domaine de la
Couronne, jamais elle n ’en a été détachée ; l’acte d ’échange de 1661
contenait bien la cession du duché de Bourbonnais, circonstances et dé
pendances, mais ne contenait pas tout ce qui avait appartenu aux ducs
\le Bourbonnais, à quelque titçe que ce fût.
Les documents rapportés par le prince sont tout à fait insignifiants,
l ’eu importe que des historiens aient placé la forêt de Tronçais dans les
dépendances du duché de Bourbonnais ; ces historiens n’ étaient sans
doute pas des jurisconsultes ; et ce qui prouve d ’ailleurs que leur témoi
gnage 11e peut avoir que peu de valeur, c’est qu'ils diffèrent entre eux
sur rétendue, sur la valeu r, c’est qu'ils annoncent qu elle a été primiti
vement coupée en
cinq ans après l’acte d ’échange. On voit même
dans 1111 de ces documents que la forêt de Tronçais est totalement vendue,
c’ est-à-dire coupée, à peu de chose près.
�( 12 )
Enfin, on prétend tirer une induction favorable au prince de ce que
ces documents disent que la forêt de Tronçais dépendait de la châtellenie
de la Bruyère-FAubépin, et que celte châtellenie dépendait elle-même du
duché de Bourbonnais. Or, par acte du 18 avril 178G, les terrains occu
pés auparavant par les château, basse-cour, cour et fossés d e là BruyèreFAubépin, ont été vendus par la chambre du domaine, au profit du roi,
sans l’intervention du prince de Condé. Ainsi, ces bâtiments n’ étaient
donc pas compris dans l’ engagement de 1G61.
Il est inutile d ’examiner les différents actes cités dans ce Mémoire et ser
vant à établir que la fo rè l de Tronçais appartenait aux ducs de Bourbou
dès le XIIIesiècle ou au commencement du XI Vesiècle. Ce fait est re co n n u ,
mais 011 soutient q u ’elle ne lui appartenait qu ’à litre privé, et qu ’ elle
n ’a pas fait partie de l’engagement de 1GG1.
On n’a jamais nié que le Prince n’ ait exercé des droits d ’ usage sur les
pacages de la forêt de Tronçais ; ces d ro its, qui lui ont été concédés, sans
doute abusivement, par l’arrêt de 1G72,11’ont pas été contestés avant la
révolution, mais ces droits étaient eux-mêmes la preuve que ce Prince ne
s’est jamais considéré com m e propriétaire du sol forestier.
Com m e propriétaire, il eut eu le droit de jouir com m e bon lui semblait
i° des v id e s , qu’ il aurait pu aliéner , a rre n te r, c u ltiv e r , défricher, e t c . ;
des taillis qu ’ il pouvait c o u p e r , en observant les règlements ; des paca
ges dont il aurait pu user, soit par lu i-m êm e, soit en les afTermant d irec
tement par ses agents. Au lieu de ce la , 011 voit q u ’il ne peut ¡tas toucher
aux taillis; la forêt est coupée presque en entier , en iGGG , si on en croit
un document invoqué par le Prince: dès lors le sol tombe dans son do
maine , aux termes de l’acte de 1GG1 ; et cependant on voit que le Prince
n’exerça ni par lui-mème, ni par ses a g e n ts, aucun acte sur ces f o r ê t, fu
taie , bois-taillis, ou vides ; il n’ a poitiL de gardes en son nom , la forêt
est administrée par l’htat, surveillée par les olliciers de F Etat,les paca
ges sont affermés chaque aimée directement par l’ Etat ; seulement le prix
en est payé dans la caisse du Prince, en conformité de l’arrêt de 107a ;
peut-on voir là aucun des caractères du droit de propriété? Nest-ce pas
au contraire une preuve que ce Prince n’avait d ’autre droit que celui
accordé par l’arrêt de 1G7U, etqu’il ne pouvait réclamer davantage ?
Si la forêt de Tronçais eut été comprise dans rengagement de 1GG1 ,
�( i3 )
d ’après les termes généraux de cet acte, chaque portion de' cette forêt non
couverte de futaie ou qui aurait cessé de l ’être, serait devenue la pro
priété du Prince, qui n’ aurait pas souffert q u ’on portât atteinte à ses
droits en repeuplant. Eh b ie n ! depuis 1671 jusqu’à présent, l ’adminis
tration forestière n’a cessé de faire des actes de p ro p rié té , soit par des
repeuplem en ts, soit par l’ouverture des routes , soit par des concessions
à des particuliers, sans opposition du Prince de Condé.
Si depuis 1815 jusqu’en 1
83o l’administration a laissé jouir ce Prince de
ce même droit de pacage et g la n d é e , ce fait s’explique suffisamment par
l’esprit de réaction du temps, par l’ignorance où l’on était des titres qui
formaient ces droits, par la persuasion où l’on était que l’arrêt du Conseil
de 1G72 avait conféré au Prince 1111 droit irrévocable; mais l’ignorance
d’ un fonctionnaire public 11e peut pas fonder une fin de non recevoir
contre les droits de l’ état; quinze ans d ’erreur ne suffisent pas p our opé
rer la prescription, et l’ administration a sagement fait d’abolir en 1831
un droit accordé abusivement et contraire aux lois du royaum e; au sur
plus, cette jouissance invoquée par le Prince 11e peut s’appliquer q u ’au
droit de pacage, et com m e ce d r o it , tout à fait contradictoire avec le
le droit de propriété réclamé par le P rin ce , n ’est pas en question aujour
d ’h u i, il est inutile de s’y appesantir plus long-temps.
§ V.
Règlements de 1G7» et 1G88.
O11 a déjà répondu à ce paragraphe lorsqu’on a traité le §
111. On
n’a
jamais prétendu que les deux règlements dont il s’ agit eussent modifié ou
détruit les termes de l’acte d’ échange de 16G1. Si cela é ta it, il faudrait
bien s’y conform er, puisque ces règlements ont été exécutés sans récla
mation pendant 1 :k> ans. On a dit et 011 répète que ces arrêts et règle
ments servent à expliquer l’esprit du contrat de iGGr .N ’oublions pas que
sans mienne exception ni
rcsi ivc, sont donnés au Prince, et toutes les futaies, sous la seule excep
dans le contrat de iGGi tous les bois taillis,
tion des bois de haute futaie qu ’il ne pourra couper ni abattre.
O r, lorsqu’ après une clause aussi générale, on v o it, en 1G72, un ar
�( <4 )
rêt du Conseil qui accorde au Prince un droit de pacage dans les forêts
du R o i , et qui lui fixe les bois taillis qui lui appartiendront ; lorsqu’on
vo it, en 1688, un autre arrêt revenant sur celui de 16 7 2 , retirer au
Prince des taillis q u ’on lui avait c é d é s , par le motif q u ’il y a eu erreur ;
que ces bois sont enclavés dans les bois de Sa Majesté, et dire q u ’ au moyen
de la nouvelle indication q u ’on lui fa it , le surplus des bois taillis qui lui
avaient été cédés demeurera entièrement à Sa Majesté, sans que le duc
de Bourbon et ses successeurs y puissent rien prétendre , quelles autres
interprétations peutron donner à ces arrêts, sinon celles-ci :
Vous n ’aurez aucun droit, ni vous, ni vos successeurs, à tels et tels bois
taillis, quoique situés en Bourbonnais; donc 011 ne vous avait pas donné
p a r l’acte d ’échange tous les bois taillis situés en Bourbonnais. Les taillis
qui restent la propriété du r o i , sont enclavés dans les forêts de Sa Ma
jesté; doncSaM ajesté avait en Bourbonnais des forêts autres que celles
comprises dans votre acte d ’échange ; et com m e vous avez accepté l’arrêt
du règlement de 1688 qui désignait nommém ent et spécialement tous le
bois qui vous étaient attribués, com m e vous n’avez élevé aucune r é c la
mation , il s’en suit naturellement que vous 11e pouvez demander aujour
d’hui que les bois énoncés dans l’arrêt de 1688 qui a réglé définitivement
les droits des parties.
Cet arrêt doit être regardé com m e une espèce de partage ou de bor
nage entre le roi et le prince, li a dit au dernier: Le roi possède en Bour
bonnais des bois autres que ceux qui vous ont été cédés : il peut y avoir
confusion poui'distinguer ce qui appartient à chacun d e v o n s ; déjà le
com m issaireTuheufa procédé au partage, mais il a commis des erreurs
q u ’il faut redresser. Voilà votre lot : vous aurez, droit à trente-trois petites
forêts dont la désignation suit; cela seulement vous app artient, et vous
n’avez aucun droit à ce qui reste.
Vainement l’auteur du Mémoire auquel on répond veut donner le
change à la justice, en disant que cet arrêt n’avait d ’autre but que de ré
gler un mode dVxploilation ; que c ’était un échange entre le prince et l’Ktat ; (jne le prince acceptait des forêts en échange de taillis, sur lesquels il
renonçait; on ne conçoit un échange que toutes les fois que chacune des
parties contractantes donne quelque chose du sien ; o r, i c i , que donnait
d o n c l’ Klat? Rien ; ca rd a n s le système du prince, tout lui appartenait, les
�( I 5,
petited forêts com m e les grandes ; t o û t , sauf le bois d e haute futaie. L’ E
tat ne lui donnait pas les trente-trois petites forêts, puisqu’ elles étaient la
propriété du prince. Aux termes de l’acte de 1GG1 ¿on ne lui donnait rien;
car l’arrêt énonce formellement que le prince ne pourra en prendre pos
session q u ’après que le roi aura fait couper et enlever tous les; bois futaies
qui s’y trouvent, ce qui pourra se faire' en quatre ans ; ainsi^ dans cet ar
rêt , on ne déroge pas à l’acte de 1661 ; au co ntraire, on l’exécute rigou
reusement. Ainsi, ce prince-ne reçoit r ie n , absolument rien ; 011 lui donne
ce qui est à l u i , ce qu ’on reconnaît lui appartenir ; et le prince cède des
taillis qu ’il prétend lui appartenu1, mais qui font corps avec les forêts de
Sa Majesté. On demande si un tel acte peut être qualifié d ’étrange? L ’une
des parties donnait tout et 11e recevait rien. On ne conçoit pas davantage
q u ’on puisse qualifier cet arrêt de simple mode d ’exploitation ; il ne s’a
git pas d ’exploitation , lorsque le prince s’interdit toute espèce de préten
tions, pour lui et ses successeurs , sur des taillis q u i , dans le système sou
tenu aujourd’h ui, étaient sa propriété exclusive.
§ VI.
De nombreux vides existaient-ils dans la forêt do Tronçais, en 1G61 ?
On ne com prend pas bien quel intérêt s’attache à la solution de cette
question. Jamais l’administration forestière 11’a nié Inexistence de vides
dans
la forêt de Tronçais, soit à l’ époque d e 're n g a g e m e n t de 1661, soit
avant, soit depuis.
D’après les principes qu ’on a éinis plus h au t, la forêt de Tronçais
n’ayant pas été comprise dans l’engagement de 1G 6 1, les vides q u ’elle
peut contenir n ’ont pas pu y être compris non p lu s, car ils' ont toujours
fait partie de la forêt; ils ont été compris dans son périmètre', eiltotiré» d<*
bornes, soumis à la surveillancedel’administration forestière, et doivent
suivre le mêm e sort.
Si l’on suppose la question de principe jugée en faveur du prince, il res
terait à examiner une question de fait bien importante. Il ne s’agirait pas
de savoir s’il y avait ou non des vides dan« la forêt de Tronçais, en 1GG1 ,
mais de savoir si ces terrains réclamés par le piince aujourd’hui^ sont
identiques avec ceux qui étaient vides en 1GG1, cl à la1charge de qui la
preuve de ce fait doit cire mise.
�(
16
)
Et c ’est ici le moment de faire une observation sur le peu de confiance
que les agents du prince mettent dans les m oyenspar eux invoqués; jus
qu’à présent, ils ont soutenu que la forêt deTronçais faisait partie de l’en
gagement de 1661 , et que le prince et ses successeurs n’avaient jamais
perdu leurs droits à cette propriété ; si cela e s t , si leurs raisonnements
sont concluants, ils ont le droit de réclamer non seulement les vides,mais
encore les taillis, mais encore le sol couvert de futaies, à mesure que les
futaies disparaîtront, ce qui doit infailliblement arriver dans un temps
plus ou moins reculé. D ’après les principes qu’ils invoquaient, ils étaient
conséquents avec eux-mêmes. Lorsque dans leurs écritures signifiées en
première instance , ils élevaient cette prétention, leur confiance diminuait
à mesure q u ’on approchait du dénoûm ent; car en plaidant devant le tri
bunal de Montluçon, ils ne parlaient plus du sol en futaie, mais seulement
des taillis et des vides; devant la C o u r , ils se sont restreints aux vides ,
sans pouvoir donner aucune raison de la distinction qu’ ils consentaient à
faire. Telle est la rigueur des principes invoqués dans cette affaire , que si
les agents du prince sont fondés , ils doivent réussir pour la totalité des
forêts domaniales du Bourbonnais (il y en a cinq), et leur restriction aux
vides seuls est un non sens ; et s’ils ne sont pas fondés , ils n’ont droit à
rien. 11 n’y a pas ici de transaction possible : ou aucune parcelle de la forêt
de Tronçais n’est comprise dans rengagem ent de 1GG1 , ou le sol tout en
tier d e là forêt s’ y trouve com pris; toutes les distinctions q u ’011 voudra
faire 11e reposeront sur rien ; et on défie de justifier d ’une manière plausi.
b le la restriction au principe rigoureux énoncé en l’acte de 1GG1 .Mais les
agents du prince ont cherché 1111 autre moyen d ’attirer les vides d elà fo
rêt, en les qualifiant de terres vaines et vagues; or , disent-ils , l’acte d ’é
change de iGf>i contient les terres vaines et vagues ; donc le prince peut
aujourd’hui réclamer les vides de la forêt deTronçais qui ne sont que des
terres v a in es
et vagues : la question de droit se trouve donc transformée
en une question grammaticale.
D’abord, s i , com m e on l’a soutenu plus h a u t , la forêt de Tronçais n’ a
pas été comprise dans l’acte d ’échange , on 11e pourra pas soutenir que les
vides de cette forêt en aient été détachés pour être cédés au prince. On
entend par vide d'une f o r ê t , une pal lie du sol forestier qui 11e se trouve
pascouverte de bois, accidentellement ou par toute autre caiise , mais
tftùn’en fait pas moins partie du sol de la Ibrét.
�( ll )
On entend, en général, par terres vaines et vagues, des terrains incultes,
a bandonnés, sans clôture , à la merci du premier venu , et sans aucune
espèce de revenu productif. Un terrain clos soit de fossés , soit de buis
sons, renfermé même par des b o r n e s , cesse d ’être une terre vaine et va
gue, lors même qu’il resterait inculte pendant des siècles ; en Bourbon
nais il existe un assez grand nombre d ’héritages clos, dont une partie seu
lement est susceptible de culture, et l’autre partie couverte de rochers ou
cailloux, n’ a jamais été cultivée; et jamais l’idée n’est venue à personne
d ’appeler cette partie inculte une terre vaine et vague. Une terre vaine
et vague n ’appartenait pas à une personne privée : elle était, suivant les
différentes coutumes, la propriété ou du roi ou du seigneur féodal, ou de
la com m une sur le territoire de laquelle elle était située; mais les terrains
non couverts de bois existant soit au milieu des forêts, soit autour de la
fo r ê t, enfermés de fossés, séparés des autres propriétés par des bornes ,
n ’étaient pas des terres vaines et vagues proprement dites: ils faisaient
partie des forêts , étaient compris dans leur périmètre, et nommés foret,
com m e la forêt elle-même. Ils n ’étaient point abadnonnés au premier venu,
leur propriété n’ était pas incertaine, et il n’ était pas permis d ’y mener pa
cager les bestiaux, sans payer une redevance. Il y avait donc des caractè
res bien distincts entre ces terres vaines et vagues en général, et les vides
des forêts. Le contrat de 1GG1 concède au prince d e C o n d é les terres vai
nes et vagues du duché de Bourbonnais, c ’est-à-dire tous les terrains en
friche, non renfermés, » ’appartenant à personne en particulier, abandon
n é s; c’est là ce qu’on entendait par cette expression ; et si l’on demandait
où étaient situés ces terrains vains et vagues, on répondrait que le prince
et ses successeurs ont consenti plus de Goo actes d ’aliénation de ces sortes
de terrains. Dans l'ancienne maîtrise de Cérilly seulement, 011 en trouve
5
quatorze réalisés en iGG , 1GG8, iGG<), 1G70, 1G75, 1G8/1, 170a, 1708 ,
177G et 1 78G, comprenant des parcelles de terres vaines et vagues p ro ve
nant des com m unes d ’Ainay-le-Château, Cérilly, Saint-Bonnet-le-Désert
et Charenton ; m a i s jamais le prince d e C o n d é n’a arrenté une seule parcellesituée dans le périmètre d e là forêt de Tronçais, parce (pie jamais il
5
ne s’est cru propriétaire , jamais , pendant i/j ans, il 11 a ete cleve au
cune prétention à cet égard.
3
�( ‘8 )
Comprendre les terrains non boisés, situés dans une forêt, dans la dé
nomination générale de terres vaines et vagues, serait donner à cette ex
pression une extension contraire à l’usage, à la raison et à l’intention des
parties, manifestée par les actes qui ont suivi de près l’acte d ’échange
de 16 6 1 .
En effet, l ’ordonnance de 16*69, a r t-
titre 27, enjoignit aux grands
maîtres, en faisant leurs visites, de faire mention de toutes les places v i
des, non aliénées ni données à cens ou afleages, et d ’indiquer leur avis
pour le repeuplement. En exécution de cette ordonnance, il fut procédé,
en 1 6 7 1, à la réformation de la forêt de Tronçais, qualifiée foret royale.
Et dans le procès-verbal dressé par Jean Leferon, commissaire à ce dé
parti, et Hurault de Saint-Denis, grand maitre des eaux et forêts, on lit
dans chaque triage de la forêt de Tronçais :
i° Garde l’Àrmananche, contenant trois cents arpents, la moitié entiè
rement ruinée, sans aucun rejet, pour le repeuplement de laquelle il fau
dra repiquer des glands dans les endroits nécessaires.
■
>.°Goûte d ’Ardent, pour le repeuplement de laquelle il faudra repiquer
des glands dans les places vides.
Et ainsi de suite. Dans chaque canton de la forêt de Tronçais où se
trouvent des vides, MM. les commissaires disent qu ’il faudra repiquer des
glands, repeupler.
Or, ce procès-verbal, fait en 16 7 1, a été lu, publié à Moulins, Cérilly,
Hérisson, sans que les agents du prince de Coudé y aient formé opposi
tion ou aient élevé aucune réclamation ; il avait lieu dix ans seulement
après rengagement de 1661 ; ces commissaires devaient mentionner les
>ides engagés, et ils n’hésitont pas à dire qu ’il faut repeupler toutes les
places vides.
Donc, à cette époque, personne ne pensait que les vides d e l à forêt
de Tronçais pussent être compris dans l’acte d ’engagement de 1661, ce
procès-verbal ayant été revêtu des formalités ordonnées par les 'lois de
l'époque, et devenu loi de l’ Etat, il a été regardé par la Cour elle-même
comme étant valablement opposé à toute personne qui ne l’a point at
taqué.
Ce procès-verbal, au surplus, a été exécuté constamment, et toujours,
à quelque époque que ce soit, l’ Etat a considéré les vides de la forêt de
�( i9 )
Tronçais com m e sa propriété exclusive, et en a disposé ainsi, sans o p p o
sition de la part du prince. Ainsi, plusieurs arrêts du conseil, ren
dus à plusieurs intervalles, ordonnent de repeupler les vides de cette
forêt.
Ainsi, une décision du grand m aître, rendue en 1774» porte q u ’il
sera pourvu incessamment au repeuplement des vides de la forêt de
Tronçais.
Un autre arrêt du conseil d ’Etat, du
de
G rosbois,
3 février
1778, concède la forêt
qui se trouve tout à fait dans la mêm e conditition
que la forêt de T ro n ça is, à la charge de repeupler 196 arpents de
vides.
Un autre arrêt du conseil, du
i /j
septembre
1 7 7 9 , ordonne la
mise en coupe de la forêt de Tronçais pendant quarante années, et
décidé en même temps qu’il sera pourvu au repeuplement de 16 11
ar
pents de vides.
Par acte du 7 février T788, confirmé par ordonnance du 17 mars
suivant, le roi concéda à M. Nicolas Hambourg, dans la forêt de Tron
5
çais, l’exploitation de quarante coupes sur une étendue de n a arpents
4o perches; et, pendant o ans, la jouissance des vides existant dans les
3
triages de I .andes-les-Auches, Montaloyer et la Bouteille, pour, les coupes,
être exploitées, et les vides être employés à l’établissement des forges et
usines qui s’y trouvent aujourd’hui, e là la charge d ’ensemencer en glands,
les dix dernières années de sa jouissance, toutes les places vides existant
dans ces trois cantons. Cette concession, temporaire dans l’origine, est
devenue définitive au
moyen
d ’une transaction autorisée par une
ordonnance royale du 10 décembre
83
i u , postérieurement à la ren
trée du prince de Condé, et à laquelle cependant il n’a formé aucune opsition.
Il est donc clairement prouvé que jamais le prince de Condé 11’a cru
être propriétaire engagiste des vides de la (orêtde fronçais, et que 1 Etat,
au contraire, a toujours agi comme propriétaire exclusif de ces mêmes
vides, en les comprenant dans les biens non engagés, en ordonnant leur
repeuplement, en les concédant, soit à temps, soit à perpétuité, sans au
cune opposition de la part du prince.
La prétention qu’ il élève aujourd’hui est donc tout à fait nouvelle, re-
�( 20 )
%
I •>
#
•
poussée par le texte du contrat, par l’ exécution donnée a ce contrat, parun silence de cent cinquante ans, et par les faits nombreux qui lui sont
contraires.
Du moment que les agents du prince reconnaissent qu’ils ne peuvent
avoir aucun droit sur le sol planté en futaie, non plus que sur les taillis,
0*11 ne peut comprendre comment ils auraient des droits sur le terrain
non boisé en ce m o m en t, mais qui peut l’avoir été à une époque quel
conque ; et, dans tous les cas, ce serait encore à prouver que ces vides
qu ’ils réclament aujourd’hui sont identiquement les mêmes que ceux qui
existaient à cet état de vides en 1661, preuve qui deviendrait impossi
ble, car l’état de la forêt de Tronçaisa éprouvé de notables changements
5
depuis 1 o ans ; des cantons vides ont été re p e u p lé s, des cantons boisés
ont été coupés et attendent le repeuplement; la justice n’ aurait aucun
moyen p our reconnaître la vérité, et il est évident que la preuve testimo
niale est inadmissible.
En suivant les argumentations des agents du prince, 011 11e peut trop
s’ étonner que la demande ait été aussi restreinte, car il en résulterait que
la forêt de Tronçais, comprenant 22,000 arpents ou 11,000 hectares,
5
n’avait, en 1 6 7 1, que i o hectares de futaie; d ’où naît la conséquence
85o hectares, et qu ’en se restreignant, 011
à 5g 8 hectares, il fait don à l’Etat de 10, 25 a hectares.
que le prince aurait droità i o ,
ne sait pourquoi,
Encore une fois, pourquoi une demande aussi restreinte?
Le point de droit combattu , il devient inutile d ’aborder le point de
fait.
C e p e n d an t, deux mots, en passant, sur la demande en elle-même. Il
parait qu ’elle a été construite sur un projet de procès-verbal d ’arpentage
de la forêt de Tronçais; car, depuis l’appel interjeté , MM. les agents-forestiers ont cherché à reconnaître les parcelles de lorrains réclamées par
le P rince, et ils doivent déclarer q u ’il leur a été impossible d ’en faire
l’application sur le lerrain; ou bien 011 demande ce que l’état ne possède
p as, ou bien il y
erreur, contusion dans les confins et les situations.
On demande précisément le terrain occupé par les usines de M. Rambo u rg , terrain qui a fait l’objet de la concession de 1788 et de la tran
83
saction de 1 a ; deux domaines possédés par M. M ichel, ancien ban
quier à Moulins, par lui acquis de M. d e S in é l y , prétendus usurpés sur
�( 2r )
la forêt de Tronçais, et qui font l’objet d ’un procès pendant devant la
C o u r; d ’autres propriétés devenues depuis lo n g -te m p s propriétés pri
vées et qui ne sont plus dans les mains de FEtat.
Dans le cas ou les principes invoqués par l ’Etat ne triompheraient pas
devant la C o u r , il faudrait nécessairement une application de la demande
sur les lieux ; mais on pense qu ’il est inutile en ce moment de faire va
loir ce m o y e n , les droits de FEtat étant trop clairement établis, pour
q u ’il y ait lieu à une application.
§ VII.
Législation domaniale concernant les terrains enclos dans les forets de
FÉtat.
C ’est avec confiance que FEtat a soutenu que la législation sous l’em
pire de laquelle a eu lieu l’acte d ’engagement de 1G61 , 11e permettait pas
l’aliénation des forêts d ’une certaine étendue, non plus que des terrains ,
marais, vides enclos dans les forêts.
C ’est en vain que l'on prétendrait établir une distinction entre les
aliénations perpétuelles et les aliénations à titre d ’engagement; ces der
nières avaient les mêmes effets que produisaient les premières: l’engagiste pouvait jouir comme bon lui semblait, s o u s - e n g a g e r , échanger,
distraire, changer l’ état dos lieux. Cela est si vrai, que dans le duché
de bourbonnais, plus de Goo actes de cette nature ont eu lieu de h part
des engagistes, et le rédacteur de ce Mémoire a lui-même vendu , il y a
peu d ’années, un héritage, que son aïeul avait acquis en 177a du Prince
de Condé. Les iuconvéniens attachés aux concessions perpétuelles se
retrouvaient dans les ventes à titre d ’engagement ; et si, en prescrivant
les aliénations des places vides dans les forêts, 011 avait en vue, com m e
011 le dit dans le mémoire , d ’empêcher que les forêts royales ne fussent
grevées de servitudes intolérables, 011 11e voit pas comment une c o n
cession à titre d ’engagement n’aurait pas produit les mêmes inconvénients.
L’article
3 du titre •i']
de l’ordonnance de 1GG9, d it-o n , p rouve que
ces sortes d ’aliénations étaient permises, puisqu’il ordonne de faire men-
�•’
(•rç
(
W
0.1
)
tion des vides non aliénés ; donc , a jo u te-t-o n , les vides pouvaient
être aliénés valablement.
Cet article prouve seulement que des vides avaient pu être aliénés
avant l’ édit de 1
566 , et alors
ces aliénations auraient été respectées, des
vides auraient pu aussi être aliénés dans les petites forêts ; on sait que la
jurisprudence admettait une distinction importante entre les grandes et
les petites forêts.
Au surplus, une telle aliénation ne se présumait pas; il aurait fallu
q u ’elle fut formellement exprimée , et le contrat d ’engagement de 1661 ,
ne parlant que des terres vaines et vagues en g é n é r a l, sans énoncer nom
mément ces vides des forêts, il n’ était pas permis de comprendre ces vi
des dans les terres dont nous avons parlé plus haut. Jamais les maîtrises
n’ont entendu classer les vides des forêts dans les terres vaines et va
gues; ils n’ont jamais été compris dans les dispositions des lois de 1791 et
r 793 , et il est inoui qu ’aucune commune , sous l’empire de ces lois, ait
réclaméla propriété des terrains vides compris dans le périmètre des forêts.
Dans le Mémoire auquel on répond , on a cité un arrêté du préfet de la
Manche du 18 avril 1
83 a, par lequel un M. Joseph Constant de Place, agis
sant com m e directeur d ’une C om p a g n ie, concessionnaire des domaines
engagés à la maison d’O rléan s, a été envoyé en possession d ’un videcontenant
5ohectares environ , appelé la lande Martin,
faisant partie de la
forêt d e G a v r a y , et soumissionné par cette Compagnie, en vertu de la loi
du 14 ventôse an V I I , et on trouve une parfaite analogie entre cette es
pèce et celle soumise à la Cour.
Il y aurait analogie , en effet, si on s’en tenait au texte de l’arrêlé qui ne
donne aucun motif delà décision. La demande de cette Compagnie n’a
pas éprouvé de contestation de la part de l’ IUtat, et 011 en trouve le motif
dans leS archives de l’administration forestière; c’est que d ’après le pro
cès-verbal de réformation d e là forêt de G avray, dresse en 1666, il est re
connu que le canton Piérieux, non boisé , a toujours été séparé de la forêt
par des fossés laits de toute ancienneté ; ainsi, dès 1666 , le canton de la
lande Martin ne faisait pas partie du sol forestier, dont il était séparé par
des fossés de toute ancienneté; c ’est que l’ inspecteur des eaux et forêts
consulté en 18 'b , a déclaré que cette partie, n’avait jamais appartenu au
sol lori’slior.
�En est-il de mêmeaujourd’hui pour les vides réclamés,lorsque ces vides
ont toujours
fait
partie intégrante de la forêt de fro n ç ais ; q u ’ ils sont ren
fermés dans son périmètre, séparés par des bornes des propriétés voisi
nes, compris dans le procès-verbal de 1671 , constamment reconnus par
les agents
fo re stie rs
cédés par l’ Etat,
, soumis au repeuplement par plusieurs arrêts, co n
pour
être repeuplés. Ce moyen disparait comme tous les
autres.
§ VIII.
Les agents du prince n ’ont jamais joui des vides q u ’il réclame.
Nous avons démontré que la forêt de Tronçais 11’était pas comprise
dans l’acte d ’échange de 1G6 x. Le prince de Condé a-t-il pu acquérir
par prescription la propriété des vides qu’ il réclame ? Cette question n’est
pas même soulevée dans le M ém o ire, et cependant, elle était importante,
car en supposant que les terrains réclamés se trouvassent compris
dans l’acte d ’échange, le prince n’aurait-il pas pu perdre par la prescrip
tion une partie de ses droits?
On a énuméré plus haut les nombreux faits de possession exercés sur
ces terrains par l’Etat.
Ilssontdélimitésen i
36c), 167001
1671 , reconnus com m e faisant par-
partie d e là forêt de T ro n ça is, et soumis au repeuplem ent, com m e n ’é
tant pas aliénés, ni engagés , et le procès-verbal qui le constate est lu, pu
blié aux audiences des maîtrises de Moulins, Cérilly, Hérisson, sans ôpposilion de la part du prince ni de ses agents, dix ans après l ’acte d ’é
change.
Ils sont séparés par des bornes des propriétés voisines et enclavés dans
le périmètre de la forêt.
Ils sont, à différentes reprises, par des arrêts du conseil, soumis au
repeuplement. Des parties de la forêt sont vendues, et les adjudicataires
soumis à repeupler.
IJ11 aménagement est fait dans la forêt de Tronçais en 1779, et on sou
met l'adjudicataire à ensemencer les vides.
En 1788, une concession est faite à M. Hambourg; on lui donne pour
�( 24 )
trente ans, tous les vides de trois cantons de la forêt de Tronçais, à la
charge par lui de les repeupler dans les dix dernières années de sa co n
cession ; et le prince garde le silence.
83
Cette concession, temporaire dans l’ origine, devient définitive en i a ;
et le prince ne réclame pas.
En présence de tous ces faits, qui indiquent une propriété pleine, ab
solue, une possession publique, paisible, exclusive, non interrompue,
quels sont les faits de possession que peut invoquer le prince ?
Pendant une période de cent cinquante ans, il a aliéné toutes les terres
vaines et vagues du Bourbonnais; il n’a pas touché un seul des vides de
la forêt. Jamais les gardes ne se sont introduits sur ces vides; jamais ils
n’ ont fait une setde démonstration de propriété; jamais les agents les
plus zélés du prince n’ont élevé la voix pour combattre les prétentions
de l’administration des domaines, qui se disait, dans des actes solennels,
propriétaire exclusive de la forêt ; jamais ils ne se sont opposés à aucune
mesure prise par l’ administration, et tendant à diminuer l’étendue de
ces vides ; il ne se sont jamais récriés contre le repeuplement, contre les
concessions temporaires "ou perpétuelles
de ces vides.
Quels sont
les faits de possession qui ont été plaidés, tant en première instance
qu’en appel ? il n’y en a q u ’ un seul : le prince a joui du droit de
pacage.
Le jugement du tribunal de Montluçon a fait justice de ce moyen, et
les motifs qu ’il en a donnés ne souffrent pas de réfutation ; mais on ne
peut s’empêcher de faire une réflexion.
Le prince de Condé a joui du droit de pacage depuis l’arrêt de iGya
jusqu’en 1792, époque de son émigration.
Il ne l’exeroait pas par lui-même, ainsi qu ’on l’a dit plus hau t, mais
chaque année les ofliciers de la maîtrise donnaient en adjudication le
droit de pacage , panage et glandée pour toute la partie défensable
d e l à foret de Tronçais, futaie, bois taillis et vides, sans distinction,
et le produit était versé dans la caisse du prince, ou partagé entre lui
el l’ Ktat.
Or, ce revenu se composait, comme 011 vient de le dire, du pacage
et de la glandée ; la glandée y entrait chaque année pour les deux tiers
uu m oins,car c ’est là le principal revenu; et le pacage des vaches dans
�fri*»
la forêt est peu important. Or, ces deux tiers ayant pour objet le pro
duit des glands, auraient dû conférer au prince de C ondé un droit de
possession sur les chênes qui produisaient ces glands; et cependant 011
convient q u ’il n’en a aucun. Le tiers restant représentait le droit de p a
cage sur tous les cantons défensables de la forêt ; et en supposant q u ’il y
eût sur 11,000 hectares 4,000 hectares non défensables, et c ’est beaucoup
dire, restaient 7,000 hectares dont le prince retirait tout le produit;
comment donc n ’a-t-il pas acquis la possession des futaies et des taillis
sur lesquels s’exercait le droit de pacage? Et on convient qu ’ il n’en a pas.
Et comment donc ce même droit, qui ne peut rien opérer sur les futaies,
rien sur les taillis, peut-il operer un droit de propriété sur
5g 8 hectares
seulement, laissant en dehors 10,402 hectares sur lesquels il s’est exercé
simultanément? Comment un fait de possession, exercé sur la généralité
d ’ un immeuble, peut-il créer un droit sur la dix-huitième portion, sans
en créer un semblable sur les dix-sept autres, lorsque, d ’ailleurs, il a
été exercé de la même manière sur le tout collectivement? Pourquoi la
possession frappe-t-elle spécialement et exclusivement sur les 598 hec
tares réclamés, et ne frappe - t - elle pas sur le reste? Ou le prince de
Condé a prescrit le tout 011 il n’a rien prescrit. Il faut dire, avec vérité,
qu’ aucun fait de possession n’a été articulé contre l’Etat, et qu’il est d é
montré, au contraire, que l’Etat a toujours possédé exclusivement lés
vides dont il s’agit depuis 1G61 jusqu’en 1792, époque de rémigration
du prince.
Quant à la possession que ce prince a exercée depuis son retour dé
f émigration, c’est-à-dire depuis 1 8 1
5 ju squ’en i 83o,
outre q u ’elle est
la même qu ’avant la révolution et qu ’elle ne s’est jamais exercée spé
cialement sur les terrains réclamés, on peut dire q u ’elle a été le résultat
de l’erreur; il suffit de lire la correspondance de l’agent du prince avec
l'administration, pour être convaincu qu ’on a cru l’agent du prince sur
sa parole; q u ’on 11c* s’est pas donné la peine de lire l’acte d ’échange de
1GG1 ; qu ’on a agi avec incurie et par le seul motif que le prince perce
vant , avant la révolution, le droit de p acag e , devait le percevoir
après ; 011 ne peut pas se faire un litre d ’ une telle condescendance , et
d ’ailleurs, elle 11e peul servir à r ien , d’après les raisons déduites plus
haut.
A
�riç)j
< ,0 )
§ ix.
La loi du 14 ventôse an 7, peut-elle être invoquée par le prince?
Pour pouvoir invoquer la disposition de cette loi, il fallait être en
possession du domaine qu ’on désirait conserver ; or, on a vu qu ’en
1792 le prince de Condé n’ était point en possession des vides de la forêt
de Tronçais; que l’Etat n’avait jamais cessé d ’en être propriétaire, d ’en
jo uir à titre exclusif, sans opposition de la part de personne : donc il n ’v
a pas lieu à l’application de cette loi, non plus que de toutes les autres
lois rendues sur la matière.
La loi du
5 décembre
i
8 i/ j n ’est pas plus favorable aux prétentions
du prince. Cette loi remettait aux émigrés les biens non vendus dont ils
avaient été dépouillés par l’effet des lois révolutionnaires. Eli bien ! le
prince de Condé, avant son émigration, ne possédait pas la forêt de 'Fron
çais, ni aucune partie de cette forêt ; il 11e possédait pas notamment les
vides existant dans les trois cantons de Monlalover, les landes Blan
ches et la Bouteille, puisque c ’était M. Hambourg qui en était le déten
teur en vertu de la concession de 1788. Ce 11'est pas en vertu des
lois
sur l’émigration que ces terrains ont
de l’Etat : donc la loi du
5
décembre 18 1
fait partie du
4 n’a pas pu
domaine
en ordonner la
restitution.
I)e tout ce qui précède, il résulte clairement :
i° Que la forêt de Tronçais n’a jamais fait partie de l’ acte d ’echange
de 1661, soit parce qu’ elle ne faisait point originairement partie du duché
de Bourbonnris, mais qu’elle appartenait aux anciensducs, à litre privé,
sans donner lieu à aucune redevance envers le roi, et que, confisquée
sur le connétable de Bourbon et réunie au domaine de l’ Etat, elle 11’cn
a jamais été séparée depuis; soit parce que les dispositions de l’édit de
5
1 (jf> s’opposaient aux aliénations des grandes forêts; soit enfin parce
que les actes qui ont suivi ont fait connaître <|ne le roi s’était réservé des
forêts autres que celles cédées au prince.
u° Que l’arrêt dérèglem ent de 1G7U, en concédant au prince de C om b
le droit de jo uir des pacages dans les forêts du roi, fait suffisamment con
naître que ce prince 11’élait pas propriétaire de ces forêts, piiisqu’aulre-
�( 27 )
ment on lui aurait accordé un droit que nul ne pouvait lui refuser, et
dont la concession exclut nécessairement toute possession antérieure.
3° Que l’arrêt du conseil de
1688 a fixé définitivement et sans retour les
droits du prince dans les bois et iorêts qui couvraient le Bourbonnais , et
que le prince 11e pouvait rien réclamer dans tous les bois et forêts qui ne
se trouvaient pas compris dans cet arrêt.
4° Que les vides existant dans
gagement de
t 661
la forêt de Tronçais au moment de l’en
, ne sont rien moins que les vides actuels survenus par
5
les exploitations qui ont eu lieu dans la forêt de Tronçais depuis 1 o ans.
5° Q u’il y a une différence entre les vides d ’une forêt et les terres vaines
et vagues; que les vides d ’ une forêt compris dansson périmètre, entourés
de fossés ou séparés par des bornes des propriétés voisines, délimités
dans un p rocès-verb al, font corps avec la forêt dont ils dépendent, et ne
peuvent jamais être confondus avec des terres vaines et vagues, situées
ç à e t l à , non cultivées, non closes, non abandonnées au premier occu
pant , et qu’ 011 ne peut pas confondre les vides réservés par la législation,
avec les terres vaines et vagues cédées au prince par le contrat de 1661.
G0Que jamais le prince de Coudé 11’a élevé aucune prétention sur la fo
rêt de Tronçais, non plus que sur les vides qui en dépendent; que depuis
1761 ju squ’à 1792, l’administration des domaines a toujours exercé sur
cette forêt le dominium plénum sans restriction, sans réserve, au vu et su
des
agents
du prince, sans aucune opposition de leur part.
7“ Que le prince de Condé n’a jamais exercé aucun acte de possession
u t i l e sur les vides qu’ il réclam e, et que la jouissance des droits d ’ usage
qu ’ il invoque comme un fait a l’appui de sa possession , est tout à fait insi
gnifiant , puisqu’il portait sur la généralité de la forêt de T ro n ça is, tandis
que les agents du prince reconnaissent que ce fait 11e peut avoir aucune
influence sur les dix-sept dix-lmilièmes de la propriété , et qu ’il suit né
cessairement de là qu’ il ne peut en avoir davantage sur l’autre dix-hui
tième.
8" Que le prince de Coudé n’étant pas, n’ayant jamais été engagiste de la
forêt de Tronçais, ne peut invoquer les dispositions de la loi du i/j ventôse
an VII, non plus que des lois postérieures, et que sa demande doit être
rejetée.
<)" l’nfin que le prince de Condé n’étant pas en possession des terrains
�* v»,
( 28 )
q u ’il réclam e aujourd’h u i, au m om ent de son ém igration, et n’en ayant
pas été dépouillé par l’effet des lois révolutionnaires , ne peut d ’aucune
m anière invoquer la loi du
5 décem bre 1814 qui s’est bornée à restituer aux
émigrés leurs biens non vendus, réunis au dom aine de l’Etat, par les lois
sur l’ém igration.
On aurait pu étendre beaucoup plus loin la discussion de la dem ande
form ée sous le nom du prince, mais on a cru devoir se borner à répondre
au M émoire im prim é, sans date ni signature, sous le nom de S. A. R . Lors
de la plaidoir i e qui aura lieu incessamm ent, on se réserve de com battre
les m oyens qui seront présentés d ’une m anière plus com plète ; les droits
d e l’ Etat sont certains, clairs, positifs ; ils reposent sur des actes, sur des
faits précis et incontestables. Les défenseurs d e l’Etat prennent l'engage
m ent de suivre leur adversaire sur tous les terrains où il voudra les co n
duire , de répondre à toutes les objections qui leur seront faites, et de dé
m ontrer que le jugem ent du tribunal de Montluçon est à l’abri de toute at
taque.
Montluçon , 1er juillet 1842.
M O U L IN S T Y P O G R A P H IE D E P A
D ESN OYERS
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aumale. 1842]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séquestre
émigrés
forêts
destructions révolutionnaires
droits féodaux
Condé (Prince de)
eaux et forêts
exploitations forestières
glandée
droit de parcours
pacage
domanialité
possession des vides
élevage porcins
triages
forges
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique aux observations faites pour Son Altesse Royale Monseigneur le Duc d'Aumale, appelant, contre le domaine de l’État, représenté par monsieur le préfet de l'Allier.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Typographie de P. A. Desrosiers (Moulins)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1842
1661-1842
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2925
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2924
BCU_Factums_G2926
BCU_Factums_G2927
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53611/BCU_Factums_G2925.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Bonnet-de-Tronçais (03221)
Tronçais (forêt de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Condé (Prince de)
destructions révolutionnaires
domanialité
droit de parcours
droits féodaux
eaux et forêts
élevage porcins
émigrés
exploitations forestières
forêts
forges
glandée
pacage
possession des vides
séquestre
triages
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53610/BCU_Factums_G2924.pdf
b31230f1a5594e462d832ea4156a3379
PDF Text
Text
OBSERVATIONS
POUR
S. A. R. Mgneur
l e
Duc D ’ A U M A L E ,
A L ’ OCCASION D’ u n e DEMANDE FO RM EE EN SO N N O M
CONTRE
L’ADMINISTRATION DES DOMAINES ET FORÊTS,
F.N RESTITUTION DE TERRAINS VAINS ET VAGUES
AUX ABORDS DE LA FORÊT DE TRONÇAIS
(A llie r ).
FAITS QUI ONT DONNÉ LIEU A L’ INSTANCE.
Par contrat passe devant MMES Boulard et Quarré, notaires à
Paris, le 26 février 1661, S. A. S. monseigneur le prince de Condé
a cédé à titre d’échange, à sa majesté le roi Louis X I V , le duché
d’ A lbret et la baronnie de Durance, qu’ il possédait partie de son
chef et partie a titre d’ engagement.
—
En contre-échange le roi a cédé au prince , a titre d’ engage
ment, le duché de Bourbonnais avec toutes scs dépendances, dont
jouissait alors la reine douairière Anne d’ Autriche, veuve de Louis
X III.
Ce duché fut séquestré, en 1702, sur S. A. S. monseigneur Louis-
�Henri-Joscph de Bourbon, prince de Condé * alors en émigration.
Par suite d’ une ordonnance royale du 24 mai 1814, et de la loi
du 5 décembre suivant, les biens non vendus, qui avaient appartenu
au duc de Bourbon, prince de Condé, lui furent restitués; dans cette
restitution ont été compris tous les objets étant entre les mains de
l’ Etat, comme ayant fait partie du. duché de Bourbonnais.
Le 23 mars 1830, M. le baron de Surval, intendant général des
domaines et finances du prince, réclama en son nom la remise de
terrains vains et vagues, aux abords de la forêt de 'Fronçais, comme
dépendant de-son engagement du duché de Bourbonnais, et fit en
même temps la soumission de payer le quart de la valeur de ces
terrains, en exécution de la loi du 14 ventôse an 7.
res la mort du prince de Condé, arrivée le 27 août 1830, M .
le baron de Surval tenoiivela la démandé au nom de sa succession,
dévolue par testament à S. A. R. monseigneur le duc d’ Aumale.
Ap
L’administration des domaines et forets, consultée sur cette de
mande, prétendit qu’elle ne devait pas être admise, par la raison que
le prince n’avait droit qu’aux terrains vains et vagues, étant dans
la plaine, et non pas aux vides des forets, qui appartenaient privativement h l’Etat.
—
En conséquence, par arrêté du préfet de l’ Allier, du 16 juil
let 1832, approuvé par lç ministre de&finances le 1er octobre suivant,
la demande fut rejetée.
D’après cette.décision, M. Borel de Brétizcl, administrateur des
biens de S. A. H. monseigneur le duc d’ Aumalc, fit assigner, le 11
juillet 1838,
M.
le préfet de l’ Allier, comme représentant l’ Ktal, à
comparaître devant le tribunal de Montluçon, pour s’ entendre con
damner à la restitution des terrains dont il s’ agit.
L’administration des domaines et forets prétendit d’abord qu’ elle
ne détenait aucun des terrains réclames, si ce n’ est cependant
une parcelle. — Toutefois, forcée «l’ abandonner ce système de
dénégation, par la représentation de documents émanant d’ elle-
�même, cette administration imagina un autre plan de'défense:
— Elle posa en fait, sans cependant rien produire à l’ appui,■'que la
forêt de Tronçais n'ayant jamais fait partie de /’ engagement de
1661, ni du 'duché de Bourbonnais , il n’ y avait consequemment au
cune remise à opérer des terrains qui se trouvaient dans son en
ceinte.
Le tribunal de Montluçon adopta ce système, et par jugement
du 14 août 1840, il proscrivit la demande soutenue au nom de
S. A .R .
C’est la réformation de ce jugement qui est aujourd’ hui demandée
devant la Cour royale de Riom.
Déjà cette Cour, par un arrêt interlocutoire, en date du 14 dé
cembre 1841, a décide que, dans les trois mois'du jour de la pronon
ciation de cet arrêt....... le prince justifierait soit parle procès-ver
bal de prise’de possession du duché, soit par toute autre pièce, que
la forêt de Tronçais dépendait dudit duché au moment de l'enga
gement.
La Cour de Riom a donc subordonne' la solution des questions dé
battues à la production de documents de nature à éclairer sa reli
gion sur le véritable état des faits anciens.
L’ administration de S. A. R. s’ est en conséquence livrée à des re
cherches nombreuses, à l’effet de découvrir toutes les pièces relatives
à la contestation ; mais elle n’a pu se procurer les inventaires et
proccs-verbaux de prise de possession qui devaient être dressés aux
termes de l’ acte d’échange de 1001. — On ne retrouve pas ces in
ventaires dans les archives du prince ni dans celles du royaume ;
s’ ils ont existé, leur absence s’ explique par les divers transports et
déplacements de titres au moment de la confiscation des biens de
la famille de Conde, et plus encore par l’ incinération d’ un grand
nombre de pièces en exécution des lois révolutionnaires. — Toute
fois il n’ est pas inutile de rappeler fque ces pièces étaient toujours
dressées en double expédition. Le domaine doit donc en avoir une à sa
�disposition, et tout porte à croire que, si ces documents eussent été
favorables à sa cause, il les aurait produits à l’appui de sa défense.
— On ajoutera que la réclamation en a été faite à l’ administration
centrale, et que là on a répondu que ces pièces devaient se trouver
entre les mains de M. le directeur des domaines à Moulins.
Il serait possible cependant que ces actes fussent restés aux ar
chives du duché d’Albret, car l’administration de S. A. R. est in
formée que les inventaires relatifs à l’échange de Sédan et Bouillon
contre le duché d’ Albret ont été vus il y a quelques années, à l’ oc
casion de discussions contentieuses portées devant la Cour royale de
Pau, au sujet de ce duché, lequel a fait partie de l’ échange de
1661. — Des renseignements vont être demandés à cet égard.
A défaut de ces documents importants, l’administration de S. A.
R. a rassemblé toutes les pièces qui ont rapport à la question de
fait sur laquelle il s’ agit de statuer, et elle espère, au moyen de leur
représentation et de leur analyse, être parvenue à démontrer de ia
manière la plus évidente :
1° Que le contrat d’ échange de 1661 comprenait tous les droits
et biens qui se rattachaient au duché de Bourbonnais ;
2° Que ce contrat n’a été modifié par l’arrêt de 1688 ci-après
énoncé, qu’ en ce qui concerne l’exploitation des bois ;
3° Que la foret de Tronçais faisait partie de l’ engagement du
duché de Bourbonnais, dont elle était une dépendance, ainsi que
toutes les autres forêts royales étant dans sa circonscription ;
4» Qu’ enfin au moment de l’engagement, il cxistaitde nombreux
terrains vains et vagues dans cette forêt.
§ I".
Origine du duché de Bourbonnais.
Le Bourbonnais est un démembrement de l'ancienne province du
[lerry ; ce démembrement eut lieu en 022, sous le règne de Charles
�4
—
a
—
le Simple, qui en fit don la même année au chevalier Aymard, fon
dateur du prieuré de Souvigny, sous la mouvance immédiate de la
couronne.
Il fut érigé en duché-pairie en 1324 par Charles IV, dit le Bel, en
faveur de Louis Ier de Bourbon , fils aîné de Robert de France,
sixième fils de saint Louis et de Béatrix de Bourgogne. Dès lors
Louis Iir de Bourbon prit le titre de duc de Bourbon.
En 1523, ce duché passa, par succession, en la possession de Su
zanne de Bourbon, mariée à Charles III de Bourbon qui fut fait con
nétable de France en 1515, et auquel tous les biens de Suzanne de
Bourbon, sa femme, furent dévolus après le décès de cette dernière,
morte sans enfants, aux termes de son contrat de mariage. Mais
Louise de Savoie, duchesse d’ Angoulème, mère de François 1er,
ayant prétendu que les biens de Suzanne de Bourbon devaient lui
appartenir comme représentant Marguerite de Bourbon, sa mère,
un long procès eut lieu à ce sujet devant le parlement de Paris, qui
ordonna le séquestre de tous les biens litigieux.
Ce fut alors que le connétable de Bourbon, mécontent, quitta la
France pour s’ attacher au service de l’empereur Charles-Quint ; con
tribua puissamment au gain de la bataille de Pavie, où il fit prison
nier François Ier, et ensuite fut tué devant Rome, en 1527, le 6 niai.
François Ier, après le décès de Marie-Louise de Savoie , sa m ère,
confisqua le duché de Bourbonnais ainsi que tous les autres biens de
la succession de Suzanne de Bourbon, et les réunit au domaine de la
couronne par une ordonnance de janvier 1531.
Depuis, la jouissance de ce duché passa en diverses mains, notam
ment : 1° de Catherine de Médicis, veuve de Henri II, pour partie de
sa «lot et de son douaire;
2° D’ Elisabeth d’Autriche, veuve de Charles IX , pour son douaire ;
3° De Marie de Mcdicis, veuve de Henri IV , aussi pour son
douaire;
4° Et d’ Anne d’ Autriche, mère de Louis X IV , qui en avait encore
�—
6 —
jouissance au moment où, le 26 février 1661 , le roi Louis X IV le
aida, à titre d’échange, au prince de Condé, contre le duché d’ Albret
et la baronnie de Durance, que ce dernier possédait tant en propre
qu’à titre d’ engagement.
§H .
Échange entre le roi et le prince de Condé.
On sait dans quelles circonstances a été consommé l’échange du
26 février 1661, circonstances qui rendent son exécution encore
plus sacrée. (Pièce n° 1.)
Désirant réunir à la couronne de France les principautés de Sedan
et de Raucourt, que possédait le duc de Bouillon, Louis XIII avait en
tamé avec ce dernier une négociation afin de pratiquer un échange ;
mais il mourut en 1043 avant de l’ avoir consommé définitivement ;
les négociations furent reprises plus tard par Louis X IV son fils.
Le duc de Bouillon voulait, en échange des principautés île Sedan
et de Raucourt, le duché d’Albret et la baronnie de Durance, que le
prince de Condé détenait à titre d’ engagement et d’acquisitions
privées, et pour lesquels il avait versé à l’ Etat une finance de
402,21 1 liv.
Le duché d’ Albret avait une valeur réelle : il produisait, net de
joutes charges, 40,828 liv. 3 s. 8 d ., et le duché de Bourbonnais
ne produisait rien, puisqu’ en 1661 les commissaires nommés pour
en faire l’estimation (1) ont reconnu que la dépense excédait la re
cette de 83 liv. 4 s. 6 d. par année. Toutefois le prince de Condé
sacrifie scs intérêts à ceux de l’ Iitat ; il cède le duché d’ Albrct et la
baronnie de Durance, et en échange on lui donne, au même titre
d'engagement, le duché de Bourbonnais. (Pièce n° 8.)
<l'Ormcssoo, d 'A lig r e et de M orangis.
�7 6f
—
7 —
Pour bien apprécier la cession faite au prince de Condé, il est in
dispensable de connaître les termes du contrat du 26 février 1661,
passé devant Me‘ Boulard et Quarré, notaires à Paris. Voici donc la
clause textuelle de cet échange :
« Et au moyen de ce que dessus , Iesdits seigneurs commissaires,
« en vertu dudit pouvoir à eux donné par Sa Majesté et au nom d’ elle,
« ont, en contr’ échange et pour récompense desdits duché d’ A lbret,
« terres et seigneuries y annexées et autres droits ci-dessus cédés,
« délaissé, quitté et transporté et par ces présentes cèdent, quittent,
« délaissent et transportent audit seigneur prince, présent, stipu« lant et acceptant pour lui et les siens et ayant-cause, promettent
t fournir, faire valoir, garantir de tous troubles, hypothèques, dé« bats et empêchements quelconques,
« Ledit duché de Bourbonnais, ses appartenances et dépendances ,
« soit métairies et domaines, moulins, rivières , étangs, bois taillis
«
«
«
«
cl de liante futaie, prés, vignes, terres labourables et non labourables, vaines et vagues, dîmes, terres, champarts, cens,
rentes, droit de commise , servitudes , mortaillcs , confiscations ,
aubaines , déshérences, fiefs, foi et hommages et vassalités, gref-
« fes et tous autres droits généralement quelconques, appartenant
« audit duché de Bourbonnais, sans aucune chose en excepter, réser* ver ni retenir, en ce qui en reste à engager , fors pour le regard
« des bois de haute futaie qu'il ne pourra couper ni abattre. »
« Déclarant Iesdits seigneurs commissaires , que l’ intention de sa
« Majesté est, qu’ au présent délaissement dudit duché de Bourbon* nais, soient comprises les châtellenies de Moulins, Bourg-le« Comte , Ccrilly, Ussel, La Bruière, la Chàussièrc, Béccy , Che« vngnes, llioussc et Chantelle. »
On voit donc que tous les droits' utiles, tous les revenus de
quelque nature qu’ ils fussent ; en un mot tous les produits du duché
de Bourbonnnais, sans aucune exception, étaient cédés au prince de
�—
8 —
Condé, sauf toutefois les bois de haute-futaie dont il ne pouvait au
cunement disposer, et exclusivement réservés au roi. Mais l'a se borne
l’ exception. Le roi a entendu céder et le prince acquérir, tout cc
qui dépendait de cc duché, sauf la haute futaie. C’ est l'a un point
incontestable et qui ressort avec la plus grande évidence de la lettre
et de l’esprit du contrat. Ainsi toutes les terres vagues , de quelque
nature qu’ elles fussent, qu’ elles se trouvassent dans la plaine ou
dans les forets , faisaient forcément partie des biens cédés , puis
qu’ elles étaient renfermées dans la disposition générale qui ne de
vait subir qu’ une seule exception , celle de la haute futaie, c’ està-dire son exploitation, car les termes « qu’ il ne pourra couper ni
* abattre » l’ indiquent positivement.
D’après une énumération aussi générale, aussi nette, aussi pré
cisé, le prince devait s’attendre à jouir paisiblement des objets à
lui cédés; mais il n’ en a pas été ainsi, et 011 va voir jusqu’ à quel
point la malveillance des officiers des maîtrises a porté atteinte à la
production des revenus.
En effet, à peine cet échange est-il consommé, et pendant que
le prince prodigue son sang et sa vie à la tête des armées de l’ État,
on lui reprend la seule partie du Bourbonnais qui pouvait produire
des revenus : — les bois; et cela, sous le prétexte controuvé, inconnu
jusqu’alors dans le Bourbonnais, mis en avant par les officiers des
maîtrises, qu’ il n’y avait de taillis dans cette province que jusqu’à
l’âge de dix ans, tandis que la coutume était de considérer les bois,
comme taillis, jusqu’à l’àgc de trente ans.
Les officiers des maîtrises, plus empressés ¡1 montrer du zèle qu’à
rendre au prince la justice qui lui était due, ont arbitrairement in
terprété les volontés du roi et l’ acte de 1601, en empêchant d’abord
le prince de jouir des taillis dans la totalité des forêts du Bourbon
nais, comme il en avait le droit, et ensuite de jouir de la coupe des
baliveaux des petites forêts à lui abandonnées postérieurement, en
entier et sans réserve, ainsi qu’ on le verra ci-après. — Les agens
�du prince réclamèrent, et leurs observations donnèrent lieu à un
arrêt du 17 mai 1672, dont il sera ci-après parlé.
§ III.
Arrêt du 17 mai 1672. — Cantonnements des 18 octobre 1686l e*
29 octobre 1687. — Arrêt d’homologation du 14 août 1688.
Les fermiers du prince de Condé,. continuellement contrariés par
les officiers des maîtrises dans la jouissance des bois taillis et des
droits de pacage, panage, glandée , amendes des délits dans les
bois, ainsi que de pèche et de chasse, se trouvèrent enfin forcés de
demander la résiliation de leurs baux.
Le prince, pressé par cette circonstance, présenta au conseil de
Sa Majesté une requête tendante à être maintenu dans ses droits.
Sur cette requête intervint un arrêt du conseil, le 17 mai 1672),
ordonnant que (l'iècc n. 2.),
« Conformément audit contrat d’échange du 20 février 1661, et
« avis du sieur Tubeuf, ledit sieur prince de Condé jouira desdits
« pâturages, panages, paissons, glandée et pêche ; de la coupe
« des bois taillis dépendant dudit duché de Bourbonnais, et'des
« amendes provenant des délits d’ iceux, à la charge que’ l’adjudicâ« tion desdits panages sera faite par chacun an, sans frais, parties
< officiers des forêts de Bourbonnais, les fermiers dudit sieur prince
« de Condé appelés, lesquels seront tenus de visiter lesdites forêt»
« pour régler le nombre de porcs qui ¿pourront être mis en chacune
« d’ icelles, ès-licux défcnsables et permis, dont ils dresseront leur
« procès-verbal; et à la charge aussi que les'coupes desdits bois
« taillis seront réglées à l’âge de<dix ans, suivant l’état qui en a
« été dressé, et que latente et récolcment’td’ iceux sera faitepar
« lesdits officiers, sans"aucuTis frais, lesdits fermiers dudit sieur
« prince, nppolés, qui seront tenus de laisser les anciens baliveaux
�rt v-
—
10 —
« et les modernes, à peine d’en re'pondre en leur propre et privé
« nom. »
Cet arrêt, qui paraissait être tout à l’avantage du prince, eut ce
pendant un effet désastreux par le soin qu’ avaient eu les officiers
de la maîtrise d’ y faire insérer la condition que les coupes de bois
taillis seraient réglées, contre l’ usage établi en Bourbonnais , à l’âge
de dix ans.
Sur cet arrêt, ordonnance de M. Tubeuf qui nomme le sieur La
Presle, maître particulier des eaux et forêts, et le procureur du roi,
pour constater par un procès-verbal de visite, le nombre d’arpents
de taillis âgés de dix ans, qui se trouvaient alors dans les forêts du roi
en Bourbonnais. — Le résultat de cette visite fut d’ établir que les
bois taillis comportaient 4,739 arpents seulement.
Par là le prince de Condé éprouvait une lésion énorme, puisqu'il
se trouvait alors en Bourbonnais, d’après les reformations de 1672 !i
1088— 56,000 arpents de bois, qui, étantdivisés en coupes réglées îi
l’âge de trente ans, devaient donner au prince une jouissance an
nuelle de 1,866arpents de taillis, tandis que les 4,739 arpents divisés
en coupes réglées à l’âge de dix ans, restreignaient sa jouissance
annuelle à 474 arpents environ.
Occupé alors à la guerre de Hollande où il commandait un corps
d’ armée ; blessé au passage du Rhin le 12 mai 1672 par suite de Fimprudcnce du jeune duc de Longuevillc qui y fut tué , le prince de
Condé ne songea pas à réclamer contre cette disposition de l’arrêt
qui lui causait un si grand préjudice. — C’est alors que les officiers
de la maîtrise des eaux et forêts, enhardis par son silence, ne tardè
rent pas a élever de nouvelles difficultés.
Ils prétendirent que partie des taillis désignés dans le règle
ment avaient plus de dix ans, et que ceux dont on ne pouvait
contester au prince la jouissance , étant enclavés dans les bois réser
vés au r o i, il y avait nécessairement confusion dans l’exploitation.
Sur ces allégations MM. de la Muzanchèrc, grand-maître des eaux
�y6j
—
tI
—
et forets, et Février, lieutenant général du domaine de Bourbonnais,
rédigèrent de nouveaux procès-verbaux de cantonnements, les 18
octobre 1686 et 29 octobre 1687, par lesquels 33 petites forêts
contenant ensemble 4,726 arpents, devaient être abandonnées en
entier au prince, en contre-échange de son droit de taillis sur toutes
les forêts du Bourbonnais. (Pièces n. 3 et 4.)
(les deux procès-verbaux ayant été agréés , est intervenu un arrêt
du conseil homologatif, en date du 14 août 1688 , et dont voici le
dispositif :
<
Le roi étant en son conseil, conformément à l’ avis du sieur de
« la Muzanchère, a ordonné et ordonne que lesdits projets de régle* ment desdits bois taillis du 18 octobre 1686 et 29 octobre 1687 ,
« que Sa Majesté a agréés, seront exécutés selon leur forme et te« neur ; à l’ effet de quoi ils demeureront annexés à la minute du
« présent arrêt; ce faisant, que le sieur duc de Bourbon, comme en«
«
«
«
gagiste du Bourbonnais, jouira des bois y mentionnés, a commencer en l’année 1689, aux charges clauses et conditions y portées,
et conformément à l’ ordonnance du mois d’août 1669 et arrêts
rendus en conséquence ; moyennant quoi l e s u r p l u s d e s b o i s t a i l -
*
lis
cédés au suppliant par l’état arrêté en 1672 par le sieur de
« Tubcuf, demeurera entièrement à Sa Majesté sans que ledit sieur
€ duc de Bourbon ni scs successeurs y puissent rien prétendre. (Pièce
n. S.)
Il n’était guère possible de traiter plus défavorablement un
prince qui, en consentant a l’ échange du Bourbonnais contre le
duché dWlbrct et la baronnie de Durance, qu’ il possédait à titre
d’ engagement, il est vrai, mais auxquels il avait réuni des propriétés
patrimoniales considérables, s’ etait prêté, avec autant de zele que
de désintéressement, au désir que le roi avait de réunir h sa cou
ronne les principautés de Sedan et de Baucourt.
En effet, déjîi par l’ arrêt de 1672, en fixant l’àge des taillis à dix
ans, on avait dérogé formellement a l’échange de 1601, qui attri-
�—
12 —
huait au prince la jouissance de tous les taillis du Bourbonnais, dans
56,000 arpents de bois, sans réserve, ni distinction d’âge; et, comme
on l’a déjà dit, les forêts dans le Bourbonnais étaient réputées taillis
jusqu’ à l’àge de trente ans.
De plus, par. l’ari’êt de 1688, on donnait au prince, en récompense
de son droit de taillis, 4,726 arpents seulement, divisés en trentetrois petites forets isolées, éloignées les unes des autres, dispersées
dans tout le duché, ce qui devait nécessiter autant de gardes qu’ il y
avait de forêts.
Enfin on luitdonnait comme taillis en valeur, des bois dégradés
et .presque entièrement détruits; on lui donnait même les bruyères
Géraud, de la contenance de 173 arpents, tandis qu’ il était prouvé
par le terrier des Basscs-Marches que ces bruyères n’ appartenaient
point au roi, mais à plusieurs particuliers qui en avaient passe dé
claration au terrier. Aussi y la vente des bois taillis cédés au prince
n’ a-t-elle produit, depuis 1731 jusqu’ en 1780 (cinquante années),
que la modique somme de 13,777 livres 16 sols 8 deniers, ce qui
fait,, année.commune, 275 livres 11 sols 1 denier, tandis que l’ entre
tien des gardes et leurs gages coûtaient 2,580 livres par an ; en sorte
que ces seuls frais dépassaient les revenus annuels de 2,304 livres
8 sols 10 deniers. — Il n’ y a donc pas eu ni récompense ni contreéchange, par les règlements de 1686 et 1687, et il en résulte que le
prince a abandonné à peu près gratuitement son droit de taillis sur
toutes les forets du Bourbonnais. (Pièce n. 3.)
L’ estimation des biens cédés, par le prince de Condé a été por
tée a ......................................................................
508,686 Iiv.
La .finance par lui, payée originairement à
rÉtat était de.........................................................
402,211
Ainsi, il y axait une différence* pour .ee qui
lui appartenait en propre, de.............................106,474 liv.
» s.
11
y s.
Et cependant jamais on' n’ a tenu compte au prince de cette diffé
rence,-ce qui eût été juste nénnmoins surtout ponr réduire d’autant
�ir r
—
13 —
le montant du quart payé au domaine, en exécution de la loi du
14 ventôse an VII. Cette considération devrait au moins militer au
jourd’ hui en faveur de la demande, faite par S. A.. R. le duc d’ Àumale.
En outre, par le barrage que pratiquaient dans les forêts les offi
ciers de la maîtrise, et notamment dans celle de Tronçais, ils empècliaient le prince de jouir des pacages et glandées dans cette forêt,
en maintenant le barrage pendant trente, quarante et cinquante
ans, pour arrêter l’introduction des bestiaux.
Par suite de cette manière d’agir, le prince de Condé a perdu en
revenu, depuis 1706 jusqu’en 1776, une somme de 154,885 livres,
par la privation des pâturages dans la seule maîtrise de Cérilly.
§ IV .
La forêt de Tronçais a toujours fait partie du duché de Bourbonnais,
et conséquemment s’est trouvée comprise dans l'engagement
de 1661.
L’ administration des domaines et forêts a, procédé en première
instance, comme elle avait fait administrativement, c’est-à-dire par
dénégation. — Ce système est assurément fort commode, puisqu’ il
dispense de justification de pièces et de frais de raisonnement.
Elle a affirmé d’ une manière solennelle que jamais la forêt de
Tronçais n avait fait partie du duché de Bourbonnais; qu’ainsi cette
forêt n’avait pu ni dû se trouver comprise dans l’ engagement de
1 661 ;— ides lors, a-t-elle dit, la demande formée au nom de S. A. R.
est insolite, incompréhensible, insoutenable.
Par l’organe de
nistration a cite
son
avocat, homme de mérite assurément, l’admi
com m e
pièce, décisive un procès-verbal de réforma-
tion de. la forêt de iTronçais, dressé en 1600; cependant comme
elle s’ est abstenue de le produire soit en première instance, soit en
appel, cela donne à penser qu’ il ne contient rien de ce que (’ admi
nistration voudrait y trouver.
�—
Ii —
Cette dernière, pour prouver que la forêt de Tronçais ne faisait
point partie du duché de Bourbonnais, a dit que cette forêt appar
tenait originairement à diverses communes, qui en étaient proprié
taires; mais que, pour arrêter les dilapidations qui s’ y exerçaient
journellement, et trouver un protecteur puissant, ces communes
firent avec le connétable de Bourbon un traité par lequel elles lui
cédèrent la toute propriété de la forêt, en s’y réservant des droits
d’ usage; — qu’ ensuite cette forêt arriva dans les mains de l’ Etat,
au moyen de la confiscation qui eut lieu sur le connétable pour
crime de félonie.
En admettant cette version comme vraie, ce qu’on est loin de re
connaître, elle déciderait la question contre l’administration des do
maines et forêts; car, si le connétable de Bourbon, qui était alors
propriétaire du duché de Bourbonnais, y avait réuni la forêt de Tron
çais, il est hors de doute qu’ en ce cas elle aurait fait partie de ce
duché au moment de la confiscation prononcée par François Ier, en
janvier 1531. — Ainsi cet argument, qu’ on regardait comme victo
rieux, prouverait au contraire que la réclamation est fondée, puis
que la forêt se serait trouvée comprise dans l’ engagement — Se
rait-il d’ ailleurs possible d’accepter une semblable version, en se re
portant aux temps de la féodalité, où la presque totalité des terres, et
surtout des forets, étaient possédées par les seigneurs dans l’ctendue
de leurs seigneuries? — Ce qui est hors de doute, c’ est que la forêt
de Tronçais était comprise dans la circonscription du duché, car elle
faisait partie de la châtellenie de la Bruïère (depuis la Bruïère l’ Aubépin), qui était une de scs dépendances, et qui avait j>our chef-lieu
un château-fort situé à l’ entrée de cette foret, à un quart de lieue
de la ville de Cérilly. — Ce château ayant été totalement ruiné, le
ehcf-licu de la châtellenie fut transporté à Cérilly, où existait une
maîtrise des eaux et forêts.
On trouve la preuve du fait que la forêt de Tronçais dépendait
de la châtellenie de la Bruïère, dans un état et dénombrement des
�J
7 ï »
—
15 —
châtellenies du duché de Bourbonnais, dressé par le sieur de Lingendes. — A la vérité cet état est sans date, mais les énonciations
qu’ il contient et le caractère de l’ écriture, donnent la certitude qu’ il
doit être de 1660 ou 1661, car il indique les revenus jusqu’ en 1659.
— Il a d’ailleurs été inventorié comme 41e pièce de la cote 862 de
l’ inventaire fait par le domaine le 18 ventôse an VII, après Immi
gration du prince de Condé, ce qui lui donne un caractère authen
tique. Cette pièce est intitulée : « Etat et dénombrement des chà« tellenies du duché de Bourbonnais. » (Pièce n. 6.)
Puis vient ensuite la désignation suivante :
LA CH\TELLENIE DE LA BRUIÈRE.
« La forêl de Tronçais , qui autrefois a valu dix mille livres en
« temps de paissons et glandées, à présent presque ruinée et dé« gradée ;
« 1En futaie , arpents , 29,8000.
« En taillis , arpents , 200.
« Affermée en 1655 , six vingts livres ;
« En 1656 , deux mille cinq cents livres ;
« En 1657, deux cents livres;
« En 1658, sept vingts livres;
« En 1659 , deux cents livres. »
Voilà donc qui est bien positif: la foret de Tronçais faisait partie
de la châtellenie de la Bruière, qui elle-même était une dépendance
du duché de Bourbonnais, car son nom iigure dans le contrat d’é
change de 1661.
On trouve encore cette même justification dans un état général de la
consistance du duché de Bourbonnais au 1« avril 1766, dressé par le
sieur (iodin, lieutenant général de police de la ville de Bourbon-l’ Arcliambault, et inventorié comme 5e pièce de la cote 859 de l’inven
taire dont il vient d’ être parlé. Or, dans cet état se trouve un
�^
' 1^
—
16 —
chapitre destiné à constater le produit des pacages, panages et
glandées appartenant au prince de Condé dans les forêts du roi,
conformément au contrat d’échange du 1er février 1661 et à l’arrêt
du conseil du 14 août 1688. — Ce chapitre , à l’article de la maîtrise
de Cérilly, comprend la forêt de Tronçais, comme contenant 18,285
arpents avec cette annotation :
•
La forêt de Tronçais, qui est la plus considérable de tout le du« ché, est totalement vendue, à peu de chose p r è s (l); les autres
« sont de même; en sorte qu’ il reste très peu de bois à exploiter, et
« comme elles sont en partie barrées, les pacage et panage dont
« S. A . S. a la jouissance est très difficile et les frais d’adjudication
*< sont considérables et coûtent autant que si le tout était libre. »
(Pièce n. 7.)
Une autre preuve que la forêt de Tronçais dépendait du duché de
Bourbonnaisi résulte d’ un extrait littéral.i délivré aux archives du
royaume, d’ une pièce qui s’y trouve déposée, section historique, série
K , carton 1153, et intitulée : Domaine du Bourbonnais, conte
nant les énonciations suivantes :
« Dans l’étendue dudit duché il y a de très belles forêts entre les« quelles la forêt de Tronçais;est la plus renommée , en laquelle I
« y a nombre d’ officiers inutiles de même qu’ aux autres forêts de la
« province, auxquels Sa Majesté paie de gros gages et ne servent à
• rien qu’à ruiner scs bois et forets.
« La forêt de Tronçais a 7 lieues de longueur et 3 de largeur, mais
<( a été grandement ruince depuis 15 ou 16 ans, à cause qu’ on en a
« vendu plus de 2,000 arpents de bois dans ladite foret, de plus beau
« et plus franc bois de France. »
« La grande forêt de Tronçais consiste en dix gardes, joignant en<( semble 30,000 arpents, etc. (Pièce n. 8.)
<i) 0>f.(~ri-<liro <|ue;le* coupct «ment élt ailjofàen.
�—
17 —
Enfin , un mémoire pour les habitants des paroisses usagères de la
forêt de Troncáis, présenté à l1Assemblée nationale et signé du sieur
Lepeschcux, député du district de Cérilly et des paroisses usagères,
vient de nouveau administrer la preuve que la Forêt de Trônçais dé
pendait du duché de Bourbonnais, car on y trouve, dès le début, le
paragraphe suivant :
« La forêt de Tronçais contenant 19,000 arpents, appartient à la
« nation depuis 1523, par confiscation pour crime de félonie commis
« par le connétable de Bourbon, quila possédait en pleine propriété.»
A l’appui de leur réclamation, ayant pour but de faire cesser les
dilapidations causées dans la forêt par le sieur Rambourg, les usagers
ont produit diverses pièces, et entre autres les suivantes :
« 1• Extrait du premier titre connu des habitants des dix parois« ses usagères de la forêt de Tronçais, consistant dans les lettres des
«
«
«
«
gens des comptes du duc de Bourbonnais, de l’an 1375, par lesquelles il est mandé au maître des eaux et forêts de Bourbonnais,
de souffrir et laisser jouir lesdits habitants du droit d’usage , pâturage, panage et droits a eux appartenant en ladite forêt, c’est à
« savoir, etc.
« 2° L’ avis des réformateurs envoyés en Bourbonnais, du 1er sep« tembre 1071 , par lequel il est dit que, vu les pièces et titres des
t dix p a r o is s e s usagères de la forêt de Tronçais, notamment les
« lettres des gens des comptes du duc de Bourbonnais, du 8 août
« 1440, faisant mention desdites lettres de 1375 , etc., etc.
« Expéditions en forme de toutes ces pièces ont été produites au
« conseil et remises h M. Deforges, administrateur des domaines, le
« 17 janvier 1790. » (Piece n° 9.)
D’ après ces diverses citations, il est facile de Se convaincre que
j’ allégation de l’ administration des domaines et forets est complètejnent erronée, et que la forêt de Tronçais a toujours fait partie inté
grante du duché de Bourbonnais , puisque les usagers dont il vient
f être párle tiennent l(iur titre du Uuc-de Bourbonnais , dès l’ année
�1375 , c’ est-'a-clire 51 ans après que le Bourbonnais fut érigé en du
ché-pairie, par Charles IV ; — Donc, dès avant cette époque, la fo
rêt de Tronçais était possédée propriétairement par les seigneurs de
Bourbon , les plus puissants de toute la province de Bourbonnais.
Que devient après cela, la prétention si inconsidérément soutenue
par le domaine, que les dix communes dont il vient d’être parlé,
avaient cédé la propriété de cette forêt au connétable de Bourbon P
— Au contraire, c’ est 152 ans avant la mort de ce dernier, qu’ un
de ses ancêtres avait concédé à dix communes voisines, des droits
d’usage dans l’ une de ses forêts. — Ceci se comprend parfaitement,
puisqu’ alors, comme on l’ a fait observer ci-dessus, à cette époque
de féodalité, une grande partie du sol de la France appartenait aux
seigneurs.
L’administration des domaines et forêts ne pouvait pas ignorer que
la foret de Tronçais était une dépendance du duché de Bourbonnais,
car elle-même l’ a reconnu de la manière la plus formelle.
En effet, depuis la restauration et par suite de la remise faite au
duc de Bourbon, prince de Condé, des droits de pacage et glandée
qui lui appartenaient dans les forêts royales du Bourbonnais, l’ ad
ministration lui indiquait chaque année les cantons où ces droits de
vaient s’ exercer ; or voici les énonciations comprises dans les procèsverbaux de visite et dans les diverses pièces émanant de l’ adminis
tration des forêts :
I" Procès-verbal du 13 février 1815, dressé par M. Dubouys, ins
pecteur des eaux et forêts à Montluçon, certifié conforme par
M. Niepce, conservateur du dixième arrondissement forestier. (Pièc e
n. 10).
Ce procès-verbal contient les énonciations suivantes:
« Pour satisfaire au désir de l’agent de M. le prince de Condé, dont
« nous a fait part M. le conservateur de cette division par sa lettre
»< du 30 janvier dernier, et qui consiste à faire mettre en adjudica« lion l’exercice du droit de parcours qui appartient à S. A. S. dans
�? »
'■7 P
—
19 —
« les forêts domaniales de son duché de Bourbonnais, nous nous
« sommes mis en devoir de suivre successivement les différentes fo« réts de cette inspection. Nous avons commencé par la forêt de
« Tronçais, où étant, etc. »
Suit la désignation des cantons où le pacage devait s’ exercer; —
Puis on ajoute :
« Nous pensons, d’après l’ effet de la glandée qui vient d’ avoir
« lieu, qu’ il ne peut au plus être introduit dans les cantons déten
te sables sus-indiqués, que le nombre de 600 bêtes aumailles ou che« valines, pour le compte de monseigneur le prince de Condé ; et
« dès lors déterminons qu’ adjudication sera faite seulement de
« cette quantité, pour être introduite pour le compte de S. A . S. au
« pacage dans les cantons défensables de ladite forêt de Tronçais,
« pendant le cours de 1815, outre les droits des usagers. >
2° Procès-verbal dressé le 5 septembre 1815 par le sous-inspectcur des forêts de l’arrondissement de Montluçon, à cause de l’ab
sence par maladie de M. Dubouys, inspecteur; lequel procès-verbal
contient la visite de la forêt de Tronçais et de celle de Dreuille
pour le panage. (Pièce n° 11.)
Il y est dit : « Nous avons reconnu que la forêt de Tronçais pou< vait supporter le quart d’ une glandée ; — en conséquence nous
< estimons qu’ il peut être introduit dans cette forêt 160 porcs,
« indépendamment de ceux qu’ ont le droit d’ y mettre les usagers. »
Ce procès-verbal, avec un autre relatif à l’arrondissement de
Gannat, ont été envoyés à l’ agent du prince à Moulins, avec une
lettre dont voici la copie :
�DIXIÈME CONSERVATION, N° 11300.
• Moulins, le 15 septembre 1815.
* A monsieur Collot, conseiller de préfecture, agent de S. A. S.
« monseigneur le prince de Condê.
« Monsieur,
« Je vous adresse ci-joint deux
copies certifiées de procès-
« verbaux de visite de la glandée et de la faine existant dans les
« forêts dépendantes de / ’engagement de S. A . S. monseigneur le
« prince de Condé, dans les arrondissements de Montluçon et de
c Gannat. — Je vous prie de les examiner et de me faire part des
« observations dont ces actes vous paraîtront susceptibles.
« J ’ ai l ’ h o n n e u r e t c .
« Le conservateur du dixième arrondissement forestier,
Signé,
N iepce. ï
(Pjèçe n° 12,.)
3 ° É t a t d r e s s é e t c e r t if ié p a r M . D u b o u y s , i n s p e c t e u r d e s e a u x e t
fo r ê ts à M o n t lu ç o n ,
t io n
le
9 o cto b re
1 8 1 6 ., d u . p r o d u i t d e l ’ a d ju d ic a
d u p a n a g e d a n s le s f o r ê t s r o y a l e s d e
c e t a r r o n d is s e m e n t, et
e n v o y é à l ’ a d n ü n is t r a t ip p d u p j - j n q ^ d q Ç q n d ç j p o u r l a p e r c e p t i o n d u
p rix , d e s , a d ju d ic a t i o n s ,
—
I al. f o r ê t id c, T w r i Ç W ,
Ç çA
,•
c ç l j p d ^ S q ^ ç m ^ i s . et, c e l l e
d e (I ) r e u i l l e .
( P i è c e n® 1 3 , )
4« Procèsrvçrbal du 20 février 1810, dressé par M. Dubouys susn°rçniç,.ct,diW^
Nicpcc^consenrateur, a été
adressée à l’administration du prince de Condé. (Pièce n° 14.)
Ce procès-verbal contient les énonciations suivantes :
« Sur la demande de l’agent de S. A . S. monseigneur le prince
« de Coudé, tendant h faire mettre en adjudication l’exercice du
f droit de parcours qui appartient à S. A. dans les forêts doma« niai es de son duché...
�77)
—
21
—
* Nous avons commencé par la forêt de Tronçais, ou étant,
« etc.... (Suit la désignation des triages où le pacage devra être
exercé, montant à 4,700 hectares.)
« Nous pensons qu’ il peut être introduit dans lesdits cantons dé« fensables sus-indiqués, le nombre de 600 bêtes aumailles ou che« valines, pour le compte de monseigneur le prince de Condé , et
« dès lors déterminons que l'adjudication sera faitet seulement de
« cette quantité pour être introduite pour le compte de S. A ., au
< pacage dans les cantons défensables de ladite forêt de•Tronçais ,
« pendant le cours de l’année 1816, outre les droits, des .usagers. »•
5° Etat dressé et certifié le 4 mars 1816, par M. Dubouys, ins
pecteur des eaux et forêts à Montluçon, contenant la désignation
des forêts domaniales dans lesquelles il sera procédé à l’ adjudica
tion des pacages pour l’ ordinaire de 1816, au «profit? du prince'de
Condé. — Cet état comprend la forêt de Tronçais, avec cette obser
vation :
« On a livré au parcours dans cette forêt tous les cantons dt>* fensables susceptibles de pacage sans inconvénient, et ils sont
« détaillés dans le procès-verbal d’ établissement de ce pacage pour
« 1816, sous la date du 20 février, présent mois. » (Pièce n» 15.)
Cet état comprend en outre le vide de Thiolais, situé au triage de
la Goutte d’ Ardant, dépendant de la même forêt de Tronçais, avoisinant la ville de Cérilly. — Ce vide est l’un de ceux réclamés.
Il est inutile de citer d’autres procès-verbaux- dressés par l’ad
ministration des forêts, dans lesquels- cette administration1a reconnu
de la manière.la plus expresse que la forêt de Tronçais était'une•
dépendance du duché de Bourbonnais', cl qu’ i» ce titro le prince deCondé avait la faculté d’ y--exercer, «les droits,, résultant de son con
trat d’ engagement. Les procès-verbaux et documents que«l’on vient
d’ énoucer suffisent poupétablir cc>faiti de façon à ne laisser aucun
doute.
Le. droit de pacage.avait toujours été exercé |>ar le prince de
�f p '- ï
—
22 —
Coude dans toutes les forêts domaniales dépendant du duché de
Bourbonnais, notamment dans la forêt de Tronçais, et on repré
sente un bail par lui consenti des pacage et glandée de cette forêt
au profit du sieur Anjouhannet, le 11 septembre 1781. (Pièce n° 1G.)
II demeure donc démontré sans réplique, que la forêt de Tron
çais était une dépendance du duché de Bourbonnais dès avant 1376 ;
qu’elle n’ est arrivée entre les mains du domaine de la couronne
qu'avec ce duché et par suite de la confiscation opérée sur le conné
table de Bourbon ; qu’ enfin elle s’ est trouvée comprise forcément,
dans l’engagement fait au profit du prince de Condé, par le contrat
d’échange du 26 février 1661, qui comprend tous les biens du duché.
Ainsi c’ est à tort que l’administration des domaines et forêts a
soutenu, sans aucune preuve, que cette forêt n’ avait jamais fait
partie de l’ engagement, n’étant pas une dépendance du duché de
Bourbonnais.
§ V.
Les règlements de 1086 et 1687, ainsi que l’arrêt d’homologation du
14 août 1688 n’ont porté atteinte à aucun des droits cédés par le
contrat (rengagement, et n’ ont statué que sur le mode d'exploita
tion des taillis.
L’administration des domaines et forêts a prétendu en première
instance que les procès-verbaux de règlement pour l’exploitation
des bois, ainsi que l’ arrêt d’ homologation de ces règlements, avaient
modifié et réduits les droits cédés au prince de Condé par le contrat
de 1061, et on a principalement insisté sur ces mots qui terminent
l’arrêt du 14 août 1088 :
« Moyennant quoi (l’abandon de 4,720 arpents de bois au profit
« du prince), le surplus des bois taillis ccdes au suppliant (le duc
« de Bourbon) par l’état arrêté en 1072 par ledit sieur T u bcu f, de~
�7*6' " ^
T
—
23 —
« meurera entièrement à Sa Majesté, saris que ledit sieur duc de
« Bourbon et ses successeurs y puissent rien prétendre. »
On a soutenu que ces derniers mots anéantissaient toutes préten
tions quelconques que le duc de Bourbon pourrait élever sur les fo
rêts délaissées au roi, et qu’ ainsi la forêt de Tronçais étant de ce
nom bre, en supposant qu’ elle fit partie du duché, le duc de Bour
bon ne pouvait plus y rien réclamer.
C’est là une erreur manifeste , car la stipulation qui vient d’ être
rapportée ne peut s’ entendre que pour les bois taillis, objet de la sti
pulation, et non pas des autres droits résultant du contrat d’ échange,
qui sont restés dans leur intégrité primitive et à l’égard desquels on
n’ avait d’ ailleurs aucune raison de traiter. On établissait un mode
d’ administration , d’ exploitation des bois, pour empêcher à l’ avenir
les collisions entre les officiers du prince et ceux de la maîtrise ; et
on stipulait qu’ au moyen de l’abandon des trente-trois petites forêts
en faveur du prince pour son droit de taillis, il n’ aurait plus droit
au taillis dans le surplus des forêts. Cela résulte évidemment et
forcément de la construction de la phrase oii il est dit : « Moyen<t nant quoi le surplus des bois taillis, cédés au duc de Bourbon par
« l’ état arrêté en 1672 par le sieur T u bcuf, demeurera entièrement
« a Sa Majesté, sans que ledit sieur duc de Bourbon et ses successeurs
« 11 puissent rien prétendre. »
Prétendre à quoi ? au surplus des taillis dont le roi disposera seul.
Mais là s’ arrête la convention ; on ne stipulait que sur ce droit et
tous les autres sont restés dans leur entier. Autrement on se serait
exprimé d’ une manière bien plus explicite, en faisant renoncer le
prince à toute espèce de droits, non pas au taillis, mais à tout ce qui
se rattachait aux forêts réservées.
Ix)iu de là ; les autres droits du prince dans les forêts du roi sont
restés comme par le passé, et ce qui le prouve de la manière la plus
évidente, c’ est qu’ il a continué de jouir jusqu’ au moment de l’ émigralion, des pacages, panages, paissons et glandées dans toutes les forêts
�du roi et notamment dans celle de Tronçais ; que depuis la restaura
tion il a également joui des mêmes droits, dont la restitution lui a
été faite en vertu de son contrat d’échange, et qu’ enfin ce n’ est qu’ en
1831 , le 7 octobre, que, par un arrêté du ministre des finances,
l’administration des domaines et forêts, considérant le droit de pacage
comme un droit d’usage, en a fait prononcer la cessation.
Ainsi il résulte clairement de ce qui vient d’être dit, que l’arrêt
du 14 août 1688 n’a porté aucune atteinte, aucune restriction aux
droits cédés au prince par le contrat de 1661, et qu’ il n’ a fait que
régler le mode d’exploitation des taillis, en stipulant que le prince
ne pourrait rien prétendre sur ceux qui se trouvaient dans les forêts
autres que les trente-trois dont l’abandon lui était fait en entier.
Maintenant il reste encore un point important à établir : c’ est
qu’au moment de l’engagement il existait de nombreux terrains vains
et vagues dans l’intérieur et aux abords de la forêt de Tronçais, no
tamment dans les triages où sont situés ceux réclamés aujourd’ hui,
ce qui donne la preuve qu’alors, comme à présent, ces terrains vains
et vagues étaient dépourvus de bois. Cette démonstration va faire
la matière du paragraphe suivant.
§ VI.
Au moment de l’engagement, de nombreux terrains vains et vagues
existaient dans la forêt de Tronçais.
L’administration des domaines et forêts s’ est appuyée en première
instance (sans cependant en faire la production alors) sur un proccs-vcrbal de réformation dressé parle grand-maître des eaux et forêts
du Bourbonnais, en l’anncc 1671. Ce procès-verbal, dont on a justifié
(lepuis, portant pour première date celle du 11 février 1671 et pour
dernière celle du 13 août 1672, ne contient rien qui puisse ctayer
sérieusement le soutien du domaine ; mais un autre procès-verbal,
'<lont l’ administration n’ a pas parlé, quoique Payant entre scs mains,
�N -*
—
25 —
et qui a précédé celui du 11 février 1671, s’ exprime d’une manière
fort claire sur l’ existence de vides ou places vagues dans la forêt de
'Fronçais. Il contient la visite et le bornage de cette forêt ainsi que
de plusieurs autres forêts domaniales du Bourbonnais, et a été com
mencé le 28 février 1670, c’ est-à-dire une année avant celui cité par
l’administration des domaines et forêts.
Ce procès-verbal a été dressé par M. Jean Leferon, conseiller du
roi, départi par Sa Majesté pour la réformation générale des eaux
et forêts dans les généralités de Blois, Tours, Poitiers, Bourges
et Moulins, et par M. Florimond Hurault de Saint-Denis, grandmaître enquêteur et général réformateur des eaux et forêts de
France pour les généralités sus-indiquées.
Il
constate qu’ un plan de la forêt de Tronçais a été fait en 1665,
qu’ il a été représenté au moment de la visite par le sieur Fleury,
arpenteur à Orléans, employé à la réformation ; que cette forêt, d’ un
seul tenant, contient 18,300 arpents à 22 pieds pour perche (non
compris 1,081 arpents et demi prétendus usurpés), et divisée en
neuf gardes, qui sont :
1® Garde de l ’Armenanche, contenant 2,400 arpents (non
compris 559 arpents de terre, prés et bois, prétendus usurpés par
les rivagers de la forêt), « pour la plus grande partie mal plantés en
« vieux chênes et mauvais bois ruinés et abroutis par le pacage des
« bestiaux.
« Et dans une portion de cette garde appelée le Buisson de l’ Ar« mcnanchc, contenant 300 arpents, la moitié est entièrement rui« née sans aucun r e jet, pour le repeuplement de laquelle il fau« drait repiquer des glands dans les endroits nécessaires. »
No ta .
La demande formée au nom du duc d’ Aumale contient
la
réclamation d’ un terrain vague dans ce triage; et on voit par l’énonciation qui précède, qu’ il existait alors plus de la moitié de 300 ar
pents dont le bois était ruiné, et sans aucun rejet, ce qui signifie
que le terrain était vain et vague.
A.
-Jt
�—
2G —
2° Garde de la Goutte d’ Ardent, contenant 1,395 arpents (non
compris 96 arpents de bois, terres et prés, prétendus usurpés par
les rivagers), « mal plantés de vieux estots et grabans de chêne, la
« plupart morts, étêtés et ébranchés, et de méchants bois ruinés et
« abroutis, tant à cause du pacage tles bestiaux que du feu qui y
« aurait été mis ordinairement pour la plus grande commodité du
« pacage, et par les ventes exploitées dans ladite garde, qui sont
« entièrement perdues sans aucun rejet, pour le repeuplement
« de laquelle il faudrait piquer des glands dans les places vides. »
N o ta.
Deux parcelles de terrains vagues, contenant ensemble 128
hectares 14 ares, ont été réclamées dans ce triage.
3° Garde du Meslier, contenant 2,020 arpents (non compris 405
arpents et demi de terre et bois prétendus usurpés par les rivagers).
— « Nous avons reconnu que cette garde a été entièrement exploi« tee en vieilles ventes, qui sont perdues, ruinées et abrouties par
« le pacage et parle feu, avant la plupart des arbres morts, pourt ris et atteints par le feu, y ayant même plusieurs arbres abattus,
« ainsi que dans les deux gardes précédentes. Nous estimons qu’ il
« faut faire recéper et piquer des glands dans les lieux vides. »
N o t a . Il y a dans ce canton trois places vagues, contenant ensem
ble 74 hectares; mais comme elles sont d’un accès peu facile et si
tuées d’ ailleurs dans le cœur de la forêt, on ne les a point récla
mées, afin d’éviter des difficultés qui seraient nées au moment de
l’exploitation de ces terrains.
4° Garde de la Jarnjc, contenant 2,316 arpents (non compris
109 arpents et demi de bois et terre, prétendus usurpés par les
riverains de ladite garde), « laquelle aurait été exploitée entiè« renient en vieilles ventes, depuis quarante et cinquante ans jus« qu’ à dix, entièrement perdues, ruinées et abrouties, tant par le
« pacage continuel des bestiaux que par le feu qui est mis ordinai« renient en ¡celles, dans lesquelles restent quelques vieux estots
« et grabans de chêne, la plupart étêtés, ébranchés, pourris, morts
�—
27
—
« ou secs et atteints du feu, et autres méchants bois, même plu« sieurs arbres et bois secs gisants par terre, laquelle garde nous
« estimons être nécessaire de faire recéper, a la réserve des meil« leurs chênes qui pourront se trouver, pour servir de baliveaux ;
« même de repiquer des glands dans les lieux vides. »
¡Nota. Il a été réclamé un terrain vague de 31 hectares aux abords
de ce triage.
5° Garde de Moral, contenant 2,460 arpents (non compris 162
arpents un tiers, prétendus usurpés par les rivagers).
i Nous avons reconnu (ju’icelle garde aurait aussi été exploitée en
« vieilles ventes de tous âges, jusqu’à neuf et dix ans, qui sont entiè< renient perdues, ruinées et abrouties, tant par le pacage conti« nuel des bestiaux que le feu mis ordinairement en icelles, dans
« lesquelles restent plusieurs estots et grabans de chênes, tant de
« baliveaux qu'autres arbres abandonnés par les marchands, la plu*
«
«
<
part étêtés, ébranchés, pourris, morts ou atteints du feu, quelques bouleaux, trembles et autres morts-bois, la plupart abroutis,
laquelle garde nous estimons à propos de faire recéper et d’y reserver les meilleurs chênes qui s’ y pourront trouver pour bali-
u veaux, même de piquer des glands dans les places vides et enc droits nécessaires pour le repeuplement d’ icelle. »
0° Garde de la Lande Blanche, contenant 2,214 arpents, y compris
80 arpents qui joignent ladite garde et ci-devant dépendant de la
garde de Pczegu ; en ce non compris 215 arpents trois quart de terre
et héritages prétendus usurpés par les riverains de ladite garde.
« Nous avons reconnu que le quart d’ icellc étant du côté de la
« «rarde de iMomt, aurait été exploité en vieilles ventes qui sont
« entièrement perdues, ruinées, abrouties et gâtées du feu, dans
« lesquelles restent quelques vieux estots et grabans de chêne sur
« le retour , étetés, ébranchés et morts la plupart, sous lesquels il y
a plusieurs charmps étruissés ; bouleaux, trembles et mort-bois.
« Et les trois autres quarts étant du côté de la garde de Pezegu,
�« mal plantes en vieux chênes, la plupart étêtés, ¿branchés, morts,
« pourris et atteints du feu, dans lesquels trois quarts ont été
« faites plusieurs ventes à l’estimation de 200 arpents ou environ,
€ qui ont été choisis et justes par places dans les meilleurs endroits,
« qui sont entièrement ruinés, abroutis et gâtés du feu ; laquelle
« garde il est à propos de faire recéper, y réserver les baliveaux et
« piquer des glands dans les lieux vides , comme dessus. »
N o t a . Il a été réclam é dans ce triage quatre parcelles de terrains
v ag u e s, sises aux abords et contenant ensem ble
267
hectares
70
ares.
7° Garde de Pezegu, contenant 1,200 arpents du canton des Loges
qui sont joints à la garde de la Lande Blanche, et non compris 97
arpents prétendus usurpés par les rivagers de ladite garde.
« Laquelle garde de Pezegu, ayant marché et traversé, nous avons
« reconnu qu’ icelle aurait été exploitée en vieilles ventes de tous âges
« jusqu’à neuf et dix ans,,qui sont entièrement ruinées et abrouties
« et en partie atteintes du feu, sur lesquelles restent quelques vieux
« chênes sur le retour, étêtés, ébranchés, morts et atteints du feu;
« laquelle garde il est 'a propos de recéper et y réserver les
« meilleurs arbres pour baliveaux et piquer deglands/es lieux vides. »
Garde de Montalayer , contenant 1,415 arpents, non compris
»5 arpents d’ héritages prétendus usurpés par les rivagers de ladite
garde.
• Laquelle ayant visitée et traversée , nous avons reconnu ¡celle
« avoir été exploitée en ventes de tous âges jusqu’ à neuf et dix ans,
« qyi sont entièrement perdues, ruinées et atteintes du feu , dans
« lesquelles restent quelques baliveaux de chêne sur le retour, la
« plupart étêtés, ébranchés et atteints du feu. Nous estimons à
« propos que ladite garde doit être rccépéc, à la réserve des meilleurs
• arbres qifi pourront scrvii de baliveaux, et d*y piquer des glands
• dans les places vides. »
�—
29 —
N o t a . Il a été réclamé une parcelle de terrain vague aux abords de
ce triage, contenant 59* hectares.
9» Garde de la Bouteille, contenant 2,880 arpents (non compris
408 arpents prétendus usurpés par les particuliers riverains de
ladite garde.
« Laquelle garde de la Bouteille ayant circuit et traversée ,
« nous aurions reconnu icelle avoir été exploitée la plus grande
« partie en ventes de tous âges jusqu’ à neuf et dix ans, qui sont
« entieremént perdues, ruinées et atteintes du feu, dans lesquelles
« restent plusieurs baliveaux de chêne sur le retour, la plupart étè« tés, ébranchés cl atteints du feu, et l’autre partie étant dans les
« cantons de la Bouteille et de la Menestère, assez bien plantée
« en jeune futaie de chênes jusqu’à l’ estimation de 300 arpents1
« qui peuvent être conservés pour fournir aux ventes ordinaires
« de la haute futaie de ladite forêt, et le surplus de ladite garde
« à recéper, à la réserve dos baliveaux et piquer des glands, comme
« dessus. »
N o t a . Il a été réclamé une parcelle de terrain vague aux abords
de ce triage, contenant 105 hectares 5 2 ares.
« Nombre total de ladite forêt de Tronçais, 18,300 arpents (non
« compris 1,981 arpents et demi prétendus usurpés par les rivet rains) ;
« Savoir : en bois de futaie de bonne nature, qui doivent être
(( conservés, 300 arpents;
« En vieux chênes sur le retbut*, la plus grande partie étêtés,
« ébranchés et atteints du feu, '1,000 arp'énts;
« E t 10,340 a r p e n ts 1exploite» en vieilles ventes de tous âges,
« jusqu’ à neuf
e t d ix a n s ,
lesquels 10,340 arpents il est à propos
« de reèéper, s’ il *plait à Sa Majesté, pour tenir lieu de ventes or« dinaircs de ladite fo^êt, de fdiic piquer de glands les bruyères
« et plab'cs vides qui sont en icelle.
�*
Tous lesquels recepages seront faits en quatre-vingts années, à
« raison de 200 arpents, tant pleins que vides, par chacun an. »
On voit par les différents paragraphes qui viennent d’ être trans
crits, que la forêt de Tronçais était, à cette époque, en si mauvais
état, qu’ elle ne contenait que 300 arpents de futaie; que tout le
surplus était en taillis ou en vieilles ventes mal exploitées, et <pie,
dans tous les triages, il y avait de nombrcnx terrains vagues, sans
production forestière.
Ce procès-verbal répond d’une manière complète 'a l’allégation
erronée de l’administration des domaines et forêts, qu’au moment
de l’ engagement du duché de Bourbonnais il n’ existait pas de ter
rains vagues dans la forêt de Tronçais.
Cette administration a prétendu qu’ en admettant qu’ il y eût des
terrains vagues dans l’ intérieur ou aux abords de la forêt de Tronçais,
ces terrains ne pourraient être attribués à l’engagiste , attendu que
ce sont des vides et non pas des terrains vains cl vagues.
Mais ici on joue sur le mot, car il y a similitude parfaite entre ces
deux natures de terrains, et la différence ne consiste que dans l’ ex
pression.
Kn effet, le mot vide emporte naturellement avec soi la même
idée que présente» l’esprit le mot générique de terrain vain et vague,
et tous deux indiquent des portions de territoire incultes ; la diffé
rence de leur dénomination ne dérive que de celle de leur position
respective.
Un terrain inculte au milieu d’ une
fo r ê t
s’ appelle vide, parce que
ce mot est celui qui dépeint le mieux aux sens l’état actuel de l'ob
jet qu’ on veut désigner, relativement aux objets qui l’ entourent.
Un terrain inculte, non renfermé
dans
une forêt, s’appelle terre
vainc et vague, parce que ce terrain, n’ ayant pas de limite visible, est
en quelque sorte vagant dans l’ espace. Il faut donc conclure de
rette définition, que les vides de. forêts et les terres vaines et va
gues sont une seule et même chose avec une dénomination différent«:
�7V )
^
l
—
31
—
Cela résulte d’ailleurs bien clairement de l’édit de février 1566 et de
l'ordonnance des eaux et forêts de 1669, qui se servent indifférem
ment de la dénomination de vides et de celle de terrains vains et
vagues, pour désigner dans les forêts les portions de terre non
plantées en bois. Comme aussi cela résulte encore de la loi du 14
ventôse an VII, qui, dans le § III de l’art. 5, excepte de la révocation
les inféodations de terres vaines et vagues, non situées dans tes
forêts, ce qui signifie qu’ il peut en exister dans leur intérieur.
S v II.
Observations sur la législation domaniale concernant les terrains
vains et vagues (la)is l’ intérieur des forêts.
L’administration des domaines et forêts a prétendu que l’ édit de
1566, en disposant que les terres vaincs et vagues, ainsi que les
palus et marais endos dans les forêts du ro i, ne pourraient êtrealiénés , repoussait les prétentions élevées par S. A.. R. à l’égard
des biens de même nature enclos dans les forêts du Bourbonnais
appartenant aujourd’ hui à l’ Ktat; — mais en se servant d’ un pareil
moyen, l’administration donnerait à penser qu’ elle ignore com
plètement qu’ elle est la législation qui régit actuellement les biens
soumis à sa surveillance ; c’ est pourquoi on va dire ici quelques mots
de cette législation , afin seulement d’ en constater l’ existence.
L’édit de 1566 ne s’ occupant que des concessions qui pourraient
être faites« perpétuité, les prohibitions qu’ il renferme ne peuvent
pas s'appliquer au cas d’ une concession temporaire. Pour en être
convaincu il suffit de remarquer que les motifs qui mettaient obsta
cle aux aliénations perpétuelles des terrains vagues, enclos dans les
forêts du roi, ne s’ opposaient pas aux aliénations temporaires de ces
mêmes terrains, comme on va l’établir tout à l’ heure ; or, toute loi
«levant s’ interpr-ter par ses motifs, ce serait donner un sens évi-
�demment vicieux à l’édit de 1566, que d’ appliquer ses dispositions
à des cas qu’ il n’a pas entendu réglementer.
Cet e'dit n’a voulu que soustraire les forêts royales aux servitudes
qui les auraient perpétuellement grevées, s’ il avait été permis d’a
liéner à perpétuité les terrains vagues compris dans leur enceinte.
— Ce grave inconvénient, le seul qu’ on ait pu vouloir éviter,
n’ existe pas dans une concession temporaire, et encore moins dans
un engagement, essentiellement révocable de sa nature par le rem
boursement de la finance versée à l’ État.
Or, puisque le roi Louis X IV a pu donner à titre d’ engagement
et qu’ il a effectivement abandonné à ce titre, au duc de Bourbon ,
toutes les terres vaines et vagues (lu Bourbonnais sans aucune res
triction , il faut bien reconnaître aussi que les terrains vains et
vagues ou les vides, comme on voudra les appeler, situés aux abords
de la forêt de Tronçais, et même dans son intérieur, sont compris
dans l’ acte d’échange du 26 février 1661, par cela seul qu’ ils n’ en
sont pas exceptés.
S’ il était besoin de prouver plus amplement que l’édit de 1566
n’a point irrévocablement frappé d’inaliénabilité les vides, c’ est-àdire les terres vagues situées dans les forêts du r o i, cette preuve se
trouverait dans l’ art. 3 du titre 27 de l’ ordonnance des eaux et
forêts, de 1669, ainsi conçu :
« Les grands-maîtres faisant leurs visites, seront tenus de faire
< mention dans leurs procès-verbaux de toutes les places vides non
« aliénées, ni données à titre de cens ou afféage, qu’ ils auront
« trouvées soit dans l'cnclos soit aux reins de nos forêts, pour être
« jxmrvu, sur leur avis, à la semence et repeuplement, »
Cet article, en imposant aux grands-maîtres l’ obligation de desi
gner les vides non aliénés, suppose donc, non seulement que les
vides pouvaient être aliénés, mais encore qu’ ils pouvaient l’ être va
lablement ; car les aliénations de biens inaliénables de leur nature
devant être regardées comme non avenues, l’ ordonnance de 1669
�n’aurait fait aucune distinction entre les vides aliénés et ceux qui ne
l’ étaient pas.
Si de l’ancienne législation on passe à la nouvelle, on retrouve
encore à l’ égard des vides, les mêmes règles et les mêmes principes.
La loi du 22 novembre 1790 reconnaissant que le domaine public
avait été livré, dès l’origine, a d’abusives déprédations , déclara ré
vocables toutes les aliénations qui pouvaient en avoir été faites ;
mais elle confirma par son art. 31, les aliénations des terrains vains
et vagues autres que ceux enclos dans les forêts. Ainsi ces der
niers biens, comme tous ceux aliénés, furent soumis au rachat per
pétuel , qui est encore la preuve d’ une aliénation légalement con
sentie ; elle est aussi la preuve que ces biens pouvaient être engagés,
puisque l’engagement était de sa nature essentiellement rachetable.
Plus tard, la loi du 3 septembre 1792 ayant révoqué positive* ment les aliénations que celle du 22 novembre 1790 avait seule
ment déclarées révocables, les aliénations des terrains vagues dans
les forets nationales furent effectivement annulées ; mais cette même
loi de 1792 ayant aussi décidé que les détenteurs à titre d'engage
ment ne pourraient être dépossédés « quaprès avoir préalablement
« reçu , ou été mis en mesure de recevoir leur finance, » et mon
seigneur le duc de Bourbon n’ayant jamais était remboursé de celle
qu’ il a fournie à l’ État, les vides ou terrains vagues dépendant de la
forêt de Tronçais ont continué de droit de rester entre scs mains.
Depuis lors, la loi du 14 ventôse an VH a été promulguée, et elle
régit en partie aujourd’ hui les domaines aliénés à titre d’engagement
ou d’échange avec l’ Etat.
Cette loi dispose en principe que :
*
Toutes les aliénations du domaine de l’ État, même celles qui
« ne contiennent aucune clause de retour ou de rachat, faites poste« rieurement à l’ édit de 1500, demcurentdéfinitivcment révoquées. »
Toutefois le § 3 de l’art. 5 excepte de la révocation les inféo
dations ou accnscmcnts de terrains vains et vagues, autres que ceux
5
�7° ^
—
3i
—
enclos dans les forêts ou situés à 715 mètres d'icelles ; et l’art. 15
porte qu'à l’égard de ces mêmes terrains enclos dans les forêts ou
en étant distants de 715 mètres, il sera définitivement statué par une
résolution particulière.
La loi du 14 ventôse établit donc bien positivement trois choses
qu’ il importe de constater ici :
La première, que les vides ne sont que des terrains vains et
vagues, puisqu’ ils sont désignés de cette manière dans la loi;
La seconde, que ces mêmes terrains étaient essentiellement alié
nables, car s’ ils ne l’avaient pas été, la loi n’ aurait pas eu à s’ occuper
de leur sort futur, et elle aurait prononcé de suite la nullité de leur
aliénation ;
Et enfin la troisième, que la propriété de ces terrains n’était point
enlevée à l’ engagistc , qui verrait plus tard, et par une résolution
particulière du gouvernement, quels seraient les droits qu’ il aurait
la faculté d’exercer.
Mais qu’ a-t-il été statué à cet égard?
Là se réduit toute la question.
Elle est décidée par l’art. 10 de la loi du 11 pluviôse an XII qui
a réglé le sort des concessionnaires de forêts et des terrains enclos
dans leur intérieur.
Cet article est ainsi conçu :
« A l’égard des aliénations ou engagements, accnsements, sous« aliénations et sous-inféodations de terrains enclavés dans les forêts
« dont il s’agit (celles dont les. aliénations étaient révoquées par les
« lois des 3 septembre 1702 et 14 ventôse an VU), au en étant dis« lants de moins de 715 m ètres, le sursis porte par la dernière par« lie de l’art. lî> de la loi du 14 ventôse an VII est révoijué, et les
« autres dispositions de la même loi leur son applicables. »
il lésulte donc bien clairemenL de cette disposition que S. A . II.,
comme engagiste de toutes les terres vaines et vague» dépendant du
duché «le bourbonnais, avait droit aux terres de cette nature qui
�—
35 —
se trouvaient dans le périmètre de la forêt de Troncáis, ainsi qu'aux
terrains vagues étant dans son intérieur.
Cette disposition de la loi du 11 pluviôse an XII reproduite
d’ailleurs dans l’ article 116 de celle du 28 avril 1816 , qui admet 'a
soumissionner conformément a la loi du 14 ventôse an VII, non seu
lement les concessionnaires ou engagistes de terrains vains et va
gues dans l’ intérieur des forêts ou situés à moins de 715 mètres (fi
celles, mais aussi les concessionnaires ou engagistes des forêts ellesmêmes, encore bien que leur étendue soit de plus de 150 hectares;
quotité au delà de laquelle les lois des 14 ventôse an VII et plu
viôse an xii, avaient fixé la prohibition.
Cet article 116 est conçu en ces termes :
<
A l’ égard des biens à restituer qui consisteraient en domaines
« engagés , la loi du 11 pluviôse an XII et le § Il de l’ art. 15 de la
« loi du 14 ventôse an VII sont rapportés : les possesseurs réinté« grés ne seront assujettis qu'à l'exécution des dispositions de celte
« dernière loi.
O rces dispositions consistent, d’après l’art. 14, à fournir une
soumission indiquant la nature et la situation des biens réclamés,
avec offre de payer au domaine le quart de leur valeur. C’ est précisé
ment ce qui a eu lieu, tant par la soumission générale déposee à la
préfecture de l’A llier, le 3 février 1820, que par celle spéciale
du 21 mars 1831.
I
ne chose digne de remarque, c’ est que si le prince de Condé
n’avait pas accepté les cantonnements, si désastreux pour lu i, faits
en 1686 et 1687, et eût continué de jouir du taillis auquel il avait
droit sur toutes les forets du duché de Bourbonnais, son arrièrepetit-fils le duc de Bourbon, prince de Condé, décédé le 27 août 1830,
aurait eu droit à la réclamation des 56,000 arpents de bois et forêts
qui dépendaient de ce duché, en exécution de la loi du 28 avril
1816.
Si a tout ce qui vient d’être dit il fallait encore joindre une preuve
�36
—
décisive résultant de la jurisprudence administrative qui a Fait appli
cation des lois, on pourrait citer l’ exemple suivant qui est d’ une
identité parfaite avec la réclamation de S. A. R.
Voici le fait qui y a donné lieu. Il se rattache il l’ engagement des
biens domaniaux situés dans l’ ancien bailliage du Cotentin, en BasseNormandie, consenti en faveur du comte de Toulouse, le 18 sep
tembre 1697, et aux droits duquel se trouve aujourd’ hui la maison
d’Orléans.
Par le contrat d’ engagement toutes les terres vaines et vagues du
Cotentin, sans aucune exception, ont été cédées au comte de Tou
louse ; mais il a été fait la réserve au profit du roi, des bois taillis
et de haute-futaie.
Dans l’ intérieur de la forêt de Gavray, arrondissement de (Ionlances , se trouvait un vide contenant 50 hectares environ, appelé
la Lande Martin, faisant partie du sol forestier, et sur laquelle
lande il existait jadis du bois.
Ce vide fut,réclamé comme terre vaine et vague par une soumis
sion spéciale déposée à la préfecture de la Manche.
La soumission a été admise; et par un arrêté de M. le préfet du
7 octobre 1831 , sanctionné par le directeur général des domaines,
la remise de cette lande a été ordonnée comme faisant partie de l’en
gagement qui attribuait au comte de Toulouse toutes les terres vaincs
et vagues du Cotentin.
En conséquence, et par un autre arrêté du même préfet, du 18
avril 1832, la maison d’ Orléans a été envoyée en possession définitive
de cette lande, au moyen du paiement du quart desn valeur, qu’ elle
a versé au domaine.
Comme on vient de le dire, cet exemple est parfaitement iden
tique avec la réclamation des terres vagues de la forêt de Troneais ,
à l’exception seulement que le comte de Toulouse n’ avait pas droit
aux bois ; et il prouve que si la réclamation de S. A R. monseigneur
le duc d’ Auinale a été rejetée en première instance, c’ est par une
�interprétation vicieuse du contrat d’échange du 26 février 1661,
ainsi que par une fausse application des lois des 14 ventôse an V II,
11 pluviôse an XII et 28 avril 1816.
De tout ce qui précède il résulte :
1« Que la forêt de Tronçais a toujours fait partie du duché de
Bourbonnais et qu’elle en était une dépendance dès avant 1375,
puisque à cette époque, c’ est-à-dire 51 ans après son érection en
duché-pairie, Louis II, troisième duc de Bourbon, accorda des
lettres-patentes à dix communes avoisinant cette forêt, pour leur
conférer des droits d’usage dans son intérieur, droits dont elles
ont joui jusqu’à ce jour ;
2® Que lesréglements de 1686 et 1687, ainsi que l’ arrêt de 1688
qui les a homologués, n’ ont eu pour effet que de fixer un mode
d'exploitation des bois taillis entre /’État et le prince de Condé, sans
aucunement porter atteinte aux droits qui avaient été conférés à ce
dernier par le contrat d’échange du 26 février 1661; lesquels
droits, notamment ceux de pacage et de panage, il a continué
d’exercer dans la forêt de Tronçais, jusqu’ en 1831, époque à la
quelle ces droits lui ont été arbitrairement enlevés par une simple
décision ministérielle, provoquée par l’administration des domaines
rt forêts ;
3 ’ Que l’arrêt du conseil de 1672 n’a pas accordé à tilt c nouveau,
et comme droits d'usages, au prince de Condé, les pâturages, pacage,
paissons, glandées, etc., dans les bois du duché de Bourbonnais,
ainsi que les amendes des délits qui y seraient causés, mais bien
comme maintien des conditions de l’acte d’ échange primitif, qui
concédait de plus tous les bois taillis; concession modifiée, quant à
ces bois taillis seulement, par l’ arrêt du conseil de 1688. La jouis
sance de ces droits de pâturage, etc., prouve, par l'exécution, que
les deux parties contractantes ont donné au contrat, que tel était le
sens qu’ il présentait.
�—
38
—
En effet, si l’on admet l’ interprétation restrictive donnée par
l'administration des domaines à ces expressions de l’ arrêt de 1688 :
« sans que ledit sieur duc de Bourbon ni ses successeurs y puissent
« rien prétendre » , comment aurait-on laissé la maison de Bourbon
jouir des droits de pâturage, etc. ?
4« Qu’au moment de l’ engagement il existait de nombreux vides
dans la forêt de Tronçais, notamment dans tous les triages où des
terrains vagues ont été réclamés par S. A. R. monseigneur le duc
d’ Aumale, ainsi qu’ il est démontré par le procès-verbal de réforma
tion de cette forêt, dressé le 28 janvier et jours suivants de l’année
1670, c’ est-à-dire neuf années après le contrat d’ engagement ;
5° Enfin, que les vides et les terrains vains et vagues ne forme a
qu’une seule et même espèce de biens désignés par deux mots dif
férents ; que seulement le mot vide est plus spécialement employé
par les agents forestiers pour désigner des terrains où le bois
manque, mais que la loi se sert indifféremment de l’ une ou de l’autre
de ces expressions pour indiquer le même résultat. Qu’ ainsi c’ est à
tort et sans raison plausible, que l’administration des domaines et
forêts a cherché à équivoquer sur les mots vides et terrains vagues,
présentant exactement la même idée et le même sens.
En définitive, si, comme on a lieu de le croire, ces divers points
sont clairement établis et justifiés, la cause de S. A. R. est jugée, et
des lors les allégations, les sophismes, les dénégations dont l’ admi
nistration des domaines et forêts a étayé sa défense, doivent être
entièrement écartés.
IM P R IM E R IE E T LIT H O G R A P H IE D E M A U LD E E T R E N O U
R U E LA R T H E U F 9 ET 1 1
2413
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aumale. 1842]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séquestre
émigrés
forêts
destructions révolutionnaires
droits féodaux
Condé (Prince de)
eaux et forêts
exploitations forestières
glandée
droit de parcours
pacage
domanialité
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour Son Altesse Royale Monseigneur le Duc d'Aumale, a l'occasion d'une demande formée en son nom, contre l'administration des domaines et forêts, en restitution de terrains vains et vagues aux abords de la forêt de Troncais (Allier).
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie et lithographie de Maulde et Renou (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1842
1661-1842
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2924
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2925
BCU_Factums_G2926
BCU_Factums_G2927
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53610/BCU_Factums_G2924.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Bonnet-de-Tronçais (03221)
Tronçais (forêt de)
Bourbonnais (duché du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Condé (Prince de)
destructions révolutionnaires
domanialité
droit de parcours
droits féodaux
eaux et forêts
émigrés
exploitations forestières
forêts
glandée
pacage
séquestre
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53551/BCU_Factums_G2714.pdf
2b8b0ee9bb699c886182dc66bcfb838b
PDF Text
Text
7
/
s*.-r
M
É
M
O
I
R
en r épo n se.
E
�EN RÉPONSE ;
M. J a c q u e s D E L S U C , p r o p r ié t a ir e et
an cie n n o t a ir e , habitant du lieu de Sain t-
P ou r
P a r d o ux - L a t o u r , intimé ;
C o n tr e M . J e a n -M a rie
N E Y R O N -D E S A U L -
N A T S , propriétaire, habitant au lieu de StGenès, appelant d'un jugement par défaut
rendu au tribunal civil d Issoire, le 27 juil
let 1827 ,
1
L
1
•
A contestation so ulevée entre les p arties, est relative à u n
droit d ’usage, dans u n e fo rê t appartenant à M . Desaulnats,
L e titre co nstitutif de ce d ro it a déjà fait n a îtr e , devant la
C o u r , de sérieuses discussions, et appelé u n examen sévère.
Mais u n arrêt in te rlo c u to ir e a fixé décid ém ent l ’état de la
c a u s e ; la p re u v e ordonnée est essentiellem ent p ré ju d icie lle ;
l ’arrêt porte sur le p rin c ip e qu i était contesté, et a u q u el se trouve
sub ordo nne le fond de la décision ; i l ne s’agit donc p lu s qu e
de r e c h e r c h e r si la p re u v e a été faite dans les termes et avec le s
c onditions imposées par les magistrats.
�(
2
)
T e l sem blerait être l ’u n iq u e p oint de v u e sous le q u e l les
débats do iv en t a ctu e lle m e n t s’engager.
T o u te fo is , d ’autres prétentions viennent de su rg ir : l ’a p p e la n t,
in q u ie t d u résultat p ré p a ré p a r les e n q u ê te s, s’efforcerait a u jo u r
d ’h u i de rem ettre en question tout ce q u e la C o u r paraît avoir
ir ré v o ca b le m e n t d é cid é ; il v o u d ra it soum ettre à u n e n o u v e lle
discussion des titres a n cie n s, sur lesquels il y a cliose j u g é e ; il
Voudrait contester l ’existence d u d roit d ’usage en lu i-m ê m e , et
d o n n e r la vie à u n e partie d u p rocès à janjais éteinte.
S ’il fallait m êm e ra p p e le r toutes les prétentions de M . D esauln a ts, il en ré sulterait q u e la possession de M . D e ls u c n ’est pas
é t a b li e ; e lle ne serait entourée d ’a u c u n e des circonstances p r o
pres à lu i im p rim e r u n e force lé g a le ; ce n ’est q u ’a ccid e n te l
le m e n t , et p ar suite d ’ une toléran ce de ve n u e dangereuse entre
les mains de M . D e l s u c , q u e ce lu i-ci a urait c h e r c h é à c o lo r e r
u n titre ir r é g u lie r en la f o r m e , et no n souten u d ’un e véritable
possession.
L à ne s’ari’êteraient pas les griefs de l ’appelant.
S u b s id ia ir e m e n t , i l d éterm in e à priori les ob ligations de
M . D e lsu c , <?t p réten d rait ne pas r e tro u v e r dans les tém oignages
r e c u e illis p ar M. le conseiller-co m m issaire, ces éléinens conser
vateurs d ’u n d roit d’ u sa g e , c ’e st-à -d ire , les faits successifs de
d é livra n ce p ar le p r o p r ié ta ir e , et le p a y e m e n t de la red eva n ce
par l ’usager.
C e p e n d a n t, et à toute f in , si l e d r o it p o u v a it être établi ,
M . Desaulnats en ré cla m e ra it la re strictio n , e u égard au titre
q u i le r e n f e r m e , et au domaine q u i doit en p rofiter.
V o i l à , en r é s u m é , les prétentions de l ’appelant : nous avions
besoin de les é n o n cer de suite, p a rce q u ’elles seront im m édiate
m e n t mises en regard avec les faits et actes"du p ro cè s, dont l ’e x
posé sim p le et fidèle retracera la lim ite q u e la C o u r a en tendu
poser entre la c a u s e , telle q u ’ elle se d é v e l o p p a i t devant e ll e , à
�(3)
la p re m iè re a u d ie n c e , et la cause telle q u ’elle est encore à ju g e r .
L e s magistrats ont p ris la p ein e d ’e x a m in e r , dans les plus
grands détails, tous les titres anciens invoqués dans l ’intérêt de
M . Delsuc et c e u x opposés p a r M . D esaulnats; cette investiga
tion s’est éten d u e sur la fo rm e des actes, co m m e sur la nature
et l ’effet des conventions y relatées; les m oyens respectivem ent
p ro d u its à l'a p p u i de ch a q u e p rétention ont été p are ille m en t
a p p ré cié s; l ’arrêt in terlocu to ire en fait fo i.
C e n ’est q u ’après a vo ir r e c o n n u et p ro cla m e l ’existence d u
d roit d ’ usage p o u r
31 . D e l s u c , q u e la question de savoir s’il avait
été conservé par u n e possession lé g a le , a d éterm in é la p re u v e
o rd o n n é e p ar la C o u r .
A ce seul p o i n t , à ce seul fait est v e n u se rattacher la néces
sité d ’ un in te r lo cu to ir e . M . D e ls u c y a-t-il co m p lètem en t satis
fa it? c ’est là l ’objet a ctu e l du procès. L e s autres difficultés n ’exis
tent p lu s entre les parties.
•
N o u s verron s b ie n tô t q u e si des ob ligations étaient imposées
à l ’in tim é , il les a«largement r e m p lie s ; il aurait m ê m e dépassé
les ex ig e n ces de l ’arrêt.
L e d roit d'usage a été lé g a le m e n t co n se rvé : nous a Ilo n s(|B K ^
q^ M ^ e d é m o n tre r.
FA IT S.
L e sieur D e lsu c est p ro p riéta ire d ’u n dom aine appelé de la
G u iè z e , a u q u e l sont attachés les droits contestes d’usage et de
c h a u ffa g e , dans la forêt de la R o c h e , appartenant a u jo u r d 'h u i
a u sieur Desaulnats ; le titre g énérateur de ces droits est sous
signature p r iv é e , et en date d u 17 dé ce m b re iG 54 *
L a concession iaîle p a r le sieur de la B a r g e , seigneur de
L a r o c h e , et alors propriétaire de la fo r ê t du m êm e n o m , est
c o n ç u e en ces termes :
« A v o n s , p ar ces présentes, in v estiet investissons Jean F u m â t ,
1.
�(
4
)
» ferm ier de ladite seigneurie de L a r o c h e , ci-p ré se n t, de nos bois
ü> et forêts appelés de la M a lg u iè ze et de L a r o c h e , dépen dan t
» desdites seigneuries de L a r o c h e -, p o u r en jo u ir p o u r son usage,
des maisons, p o u r les ténemens des villages de G u iè z e et de
j> Pissol, soit p o u r son ch auffage et réparations q u ’il p o u rr a it faire
>> dans lesdits tén e m e n s, à la ch a rg e q u ’il sera tenu de p a y e r an» n u e lle m e n t , à ch a q u e fête S t-N ico la s d ’h iv e r , la quantité d ’u n
» setier d ’avoine qu*il sera tenu d ’ap p o rte r audit L a r o c h e , a
A u p ie d <le cet a c te , o n lit les mots suivans:
« E t en foi de c e , nous sommes soussignés et ledit FumaL^ ^ il
« ch â te a u de la B a r g e , 17 dé ce m b re iG 34 .
» ^Signé L abar Ge .
» E t p o u r u n s e t ie r , m esure de L a r o c h e ,
» S ig n é F u m â t . »
C e lt e re con n a issan ce , co n trô lé e et insinuée ù L a t o u r , le
avril
172G, a été d é p o sé e , le 8 d é c e m b r e
5o
r y g i ^ p a r le sieur
G a b r ie l R e b o u l de F o n f r e y d e , habitant de la v ille d e C l e r m o n t ,
au n o m b re des m inu tes d u sieur C h assaigne, ç o ta ire en la m êm e
v i l l e ; le sieur B leton p è r e , l ’ un des p ropriétaires du dom aine de
J a J B ^ c z e , n ’a pas été é tra n g er à c e dépôt.
I l est facile de v o ir q u e , p a r ces stipulations , co m m e
l ’ indication d ’ une é p o q u e a n n u e lle de p a y e m e n t de r e d e v a n c e ,
sans en fix e r d ’ailleurs la d u ré e , cette concession était re vê tu e
d u caractère de p erp é tu ité ; et c ’est aussi dans ce sens q u ’e lle a
constam m ent r e ç» u son e x é cu tio n .
S i q u e lq u e s actes p ro d u its e t rem on tant à u n e é p o q u e assez
r e c u l é e , n e p arlen t pas en termes exprès des droits d ’usage, soit
en faveur d u p ro p rié ta ire d u dom aine de la G u i è z e , soit à la
ch a rg e d u seign eur de L a r o c h e , o n p e u t * e x p l iq u e r aisément
ce silence avec les clauses elles-m êm es de ces actes. O n p e u t
é galem ent opposer des titres n o m b r e u x et positifs sur ces d roits,
toujours re co n n u s et toujours exercés.
�( S )
In te rro g eo n s successivement ces différens actes.
L e 21 ju ille t 1657 , les seigneuries de L a r o c h e et de la Tar»
tière ont été vend ues par le sieur C risto ph e-F ran çois de la B a r g e ,
au sieur A n to in e N e y r o n de Buisson ; o n n ’y ra p p e lle pas ex p li
citem ent , il est "vrai, les droits d ’usage, mais il y est déclaré que
tout est vendu , ainsi que lesdites seigneuries ont été jouies par le
seigneur vendeur et ses prédécesseurs, sans en rien retenir n i ré
server, et l ’o n in d iqu e <les b a u x à ferme consentis, no tam m ent
à Jean F u m â t.
O n vo it q u e l ’état des ch oses, tel q u ’il avait été précédem m ent
établi p ar le seign eur v e n d e u r , éiait respecté ; e t , si les clauses
d e l ’acte ne sont pas fo rm e lle m e n t énonciaiives d u droit ou de
la ch a rg e actuellem ent en lit ig e , elles n ’en sont pas exclusives;
•ce titre n ’émanait pas au surplus de l ’usager; il n ’y était pas
.partie.
D e 1657
xi
1 7 2 9 , pendant soixante-douze ans, il n ’est p ro d u it
-aucun acte dans le q u e l le d roit d ’ usage ait été rappelé.
O n sait seulem ent q u ’au
4 avril 1 7 2 9 , é p o q u e à la q u e lle le
fo n d é de p o u v o ir du sieur F u m â t a fferm a, p o u r six années con
sé cu tives, m o ye n n an t 65 o fr. a r g e n t, le dom aine de la G u i è z e ,
;à A n n e t P la n e s, ot à Jean et A n to in e G o i x , p ère et f ils , c e u x - c i
(le s G o i x ) éta ie n t les anciens ferm iers; car ils sont désignés eu
la qu alité de laboureurs, habitants au domaine de la G uièze.
L e b a i ll e u r , après a vo ir fourni le détail des im m eu bles donnés
à f e r m e , se contente de-dire q u e le tout est affermé-, ainsi et de
môme que ledit domaine aurait été jo u i les années*précédentes par
lesdits G o ix . Cette circo n sta n c e , q u e les mêmes preneurs , à
l ’e x ce p tio n d ’u n s e u l , co ntinu aient u n e jouissance dont les ser
vitudes actives et passives le u r étaient parfaitement c o n n u e s ,
-rendait in u tile toute e x p lic a tio n précise sur les droits d ’ usage ;
aussi le bail n ’en fait pas m e n tio n , et ne devait p as, dans la p o
s itio n p a rtic u liè r e des p a r tie s , en faire m ention.
�(
6
)
I l laisse à la ch a rg e d u b a i ll e u r le p ay e m e n t de tous les c e n s ,
rentes et tailles dus sur le d o m a in e , avec ob lig atio n d ’en garantir
les p r e n e u r s ; de là en co re d é co u la it la dispense de s’e x p liq u e r
sur le p ayem ent d u setier d ’a v o in e , m ontant de la red eva n ce
a n n u e lle stip u lée dans l ’acte d u 17 d é ce m b re iG 54-.
C e p r e m ie r b a il d u 4- a v r il 1 7 2 g , a été re n o u v e lé à l ’e x p ir a
tion des six an n ées, le
3 o mars 1 7 5 5 , en fa ve u r d ’À n n e t Planes
s e u le m e n t , l ’u n des ferm iei’S, m o y e n n a n t G60 fr . a r g e n t, p o u r
trois o u six années. I l y a m êm e silence su r les d r o i t s , m êm e
o b lig a tio n de la p art d u b a ille u r , rela tive m en t au p ay e m e n t ;
mais il est égalem ent déclaré q u e le tout est afferm é, tout ainsi
et de même que ledit domaine et trente-deux têtes d ’herbages ont
été jo u is , les années précédentes, pa r ledit P la n es.
U n troisièm e b a il fut consenti p o u r t r o i s , six o u n e u f années,
le 17 mars 1 7^ 0 , p a r !a dem oiselle G a b r ie lle F u m â t , à A n t o in e
P la n e s , f i l s d ’A n n e t , p ré c éd e n t ferm ier. L a connaissance q u e le
p r e n e u r avait p a r l u i - m ê m e des objets q u ’il affermait et des
bénéfices y attach és, fut ra p p e lé p ar ces mots : T out ainsi que
ledit preneur, son défunt p èr e , et les autresprécédens ferm iers en
ênt jo u i.
A cette é ji o q u e , lo dom aine de la G u i è z e , ainsi q u ’il
én o n cé a u x différens b a u x ci-dessus r a p p e lé s , était afferm é avec
tous les h éritages dépen dan t d ’u n autre dom aine appelé d ’A u z a t ,
d o n t la fam ille F u m â t était aussi p ro p rié ta ire ; ces d e u x domaines
p o u v aie n t être alors ré u n is à u n e seule et m êm e fei'ine; mais des
afctes p ostérieurs attestent q u e cette e x p loita tio n c o lle c tiv e et
sim ultanée des d e u x p ro p riétés entre les m êm es m ains, n ’a pas
été de lo n g u e d u r é e , et i l n ’existe au p rocès a u c u n élém en t
q u i conduise à penser q u e les droits d ’usage attrib ués a u d o
m aine de la G u i è z e , aient p ro fité , p ar d o u b le e m p l o i , au d o
m a in e d ’A u z a t.
L e fait r e la t i f à l’exp lo ita tio n séparée , q u i se tro u v e d ’a cco rd
�(
7
)
avec les souvenirs des vieillards de la co m m u n e , se ¡mise dans un
acte sous seing prive', d u 5 i mai 1757 , ratifié'le
23 janvier 1768 ;
c ’test la vente p a r sieur A u g u s t in D a u p h i n , c h e v a lie r , seign eu r
de Cazelles le M o n t e l- d e - G e la t , au sieur Jean B u r i n , du dom aine
d ’A u z a t , paroisse de S t - P a r d o u x , tout ainsi et de même que Jean
R o u x , fe r m ie r , en a j o u i, suivant bail du G novembre 1754..
D ès l ’année 17^ 4 , le fe rm ie r d u dom aine de la G u iè z e n ’était
d o n c p lu s celu i d u dom aine d ’A u za t ; A n to in e Planes, q u i jouissait
d e l ' u n et de l ’a u tre en v e r tu du bail d u 17 mars i j 5o , consenti
p o u r tro is, six ou n e u f a n n é e s , a v a it , à la fin d ’un trien n a l, sti
p u lé de n o u velles c o n v e n t io n s , p ar suite desquelles le dom aine
d ’A u z a t avait été détaché de c e lu i de la G u iè z e , et afferm é sé
p a r é m e n t, le 6 n o ve m b re 17^4» a Jean R o u x .
A l ’e xp ira tio n d u bail d e 17 ^ 0 , ces d e u x domaines (en ce
q u i to u c h e la p ro p rié té ) passèrent en d ’autres mains.
P a r acte d u 29 mars 1 7 5 8 , la dem oiselle G a b r ie lle F u m â t ,
alors épouse d u sieur A n to in e de B o n n e t , stipulant en q u alité
d e dame et maîtresse de ses b ien s paraphei’n a u x , v en d it au
sieur B u r i n , se ign eu r de S t - P a r d o u x , devenu p ro p riéta ire d u
dom ain e d ’A u z a t , c e lu i de la G u i è z e , et les tre n te -d e u x têtes
d ’herbages.
L a vente est consentie avec les servitudes dues et a c c o u t u m é e s ,
et autres, ses circonstances et dépendances, tout ainsi et de mêm e
q u ’ il était co m p o sé , et q u e ladite dam e o u ses auteurs en avaient
jo u i o u d û j o u i r , ou le u rs ferm iers, et par exprès ledit sieur de
S t-P a r d o u x , pour l'avoir fa it exploiter l’ année dernière, et Antoine
P lanes , précédent ferm ier, suivant le bail du 17 mars
>'t‘Çu
M ou lin , notaire.
L e sie u r de S t- P a r d o u x déclare q u ’un e expédition de ce bail
lu i a été remise p a r la dame venderesse, q u i p r o m e t , d é p l u s ,
f o u r n ir les litres q u ’e lle p e u t a vo ir , en o u tre sa lo n g u e et paisible
possession et de ses a u teu rs, d ’u n temps im m é m o ria l, des susdites
choses ve n d u e s, et p lu s q u e suffisantes à p rescrire.
�( 8 )
,
. _
II afferm a, p a r acte d u 14 mars 1 7 7 $ , à F ran ço is S e r r e es
A n to in e G a t i n i o l, Son g en d re, habitant à A u g ero lles,, p o u r trois,
six et n e u f années, le dom aine de la G u i è z e ; et c o m m e ces prg-n e u rs , étrangers à la c o m m u n e , entraient p o u r la p re m iè re fois
dans la p r o p r i é t é , il le u r fut im p o sé , en term es e x p r è s , l ’obli-t
gation de p a y e r au seign eu r de L a b r o , u n setier avoine et u n e
p o u le c h a q u e , pour droit cCinvestison dudit domaine, dans la fo r ê t
de L aroche, et de passer dans les planchers de la § mn 8e deux,
arbres qu’ ils devaient prendre dans la mêmeforêt.,
V o i l a le droit d ’usage et la redevance y attachée f o r m e lle m e n t
é n o n cé s; ce n ’était pas là u n e in n o va tion a u x clauses desprem iers,
b a u x continu és avec les mêmes ferm iers ou leurs enfans; c ’était u n e
nécessité de la position d u p ro p rié ta ire avec de n o u v e a u x f e r
m iers pris hors la c o m m u n e , et dès lors ign ora n t l ’éten due
des droits et des charges d u dom aine dans le q u e l ils entraient.
P a r ce b a i l, les p reneurs étaient égalem ent tenus de d é liv r e r c h a
q u e a n n é e , au b a ille u r , qu atorze chars de bois à b r û le r , à p re n d re
dans la forêt de L a r o c h e ; mais cette c h a r g e ^ in d c p e n d a n t e des
droits attribués au dom aine de la G u i è z e , dérivait e xclu sivem en t
d ’autres droits concédés a u dom aine d e B u isson, dont le sieur
*
L u r i n , b a i l l e u r , était aussi p ro p riéta ire. Ces derniers droits sont
ç n c o r e e xercés et non contestés p a r le sieur Désaulnats.
I l é t a i t , sans d o u t e , perm is au sieur B u r in d ’ im poser à son fer^
xnier de la G u iè z e l ’ob ligation d e p q r t c r dans sa maison le bois
q u ’il p o u v ait perso nnellem ent p r e n d r e , co m m e u s a g e r , à raison
de son dom aine d u B uisson; ce transport était jine augm entation
d u p rix d u b a il, et n ’aggravait pas 1? servitude du p ro p rié ta ire de
la forêt, relativem en t a u x droils d ’usage de la G u ièze: les qu atorze
chars de bois étaient j>i’is no n en vertu des droits attachés au d o
m a in e de la G u iè z e , mais seulem ent en v e r tu des droits d ’usage,
plors et en co re appartenant au dom ain e d u B u isson.
C ’est p eu de mois après ce b a i l , et le 19 o c to b r e 1773 , cjue
�sieur B u r i n , seign eu r de S t - P a r d o u x , maria sa fille avec le sieur
A le x a n d r e B leton , et lu i constitua en dot une somme de 8,ooo fr.
q u i fut payée au m o y e n d u délaissement, en toute p r o p r ié té , d u
dom aine de la G u i è z e , com posé de m aison, grange et é ta b le s ,
])rés, terres, bois, pacages, frau x et c o m m u n a u x , avec le droit
d ’ usage, est-il d i t , et prendre du bois dans la forêt Laroche, tout
ainsi et de même que ledit sieur B u rin p ère, ou ses ferm iers, en ont
jo u i ou du jou ir.
.
L e p rix d u d o m a in e, fixé à la somme de 19,860 f r ., dépassait
de b e a u c o u p la consti tution de dot de 8,000 fr. ; aussi le 'g e n d re
f u t ch argé de p a y e r la différence.
I l est à r e m a rq u e r q u e dans ce délaissement, n ’étaient pas
com pris ,
i°. L e d roit de pacage et défrichem en t au co m m u n al appelé
llen ardèche. Plateaux et V e r g n e d u M a s, ainsi qu e les trented e u x têtes d ’h erb ag e s, faisant ci-devant partie d udit d o m a in e ;
2 \ U n petit héritage appelé la M a y , p récéd em m en t aliéné.
Ces exceptions dim inuaient l ’étendue d u dom aine , et restrei
gnaient fortem ent les droits concédés au nouveau pro priétaire.
T o u te fo is, les droits d ’usage et de cliaulïage étaient ici f o r m e lle
m ent rappelés, et ce qu i devait au besoin le u r im p rim e r u n e
grande consistance , c ’est q u e parm i les témoins assistant au c o n
trat de m ariage/figu rait le sieur Jean Caquet, capitainedes chasses
et poches de la terre de L a b r o , représentant d u propriétaire de
la forêt de L a r o c h e , et co ntradicteur légitim e de l'u sag e r; il ra
tifiait, par sa présence, tout ce qu i était déjà établi et se trouvait
consigné relativem ent à ces-droits d ’usage et de chauffage : il
laissait aux énonciations faites en ce contrat de mariage toute le u r
vé rité et toute le u r force. Aussi n ’est-ce pas sans doute sérieu
sement q u e le sieur Desaulnais a p r é t e n d u , dans son m é m o ire ,
q u ’à cette é p o q u e , 011 ne doit.p as être surpris de vo ir des p ro
priétaires de domaines voisins de la fo r ê t tenter de s’ attribuer de tels
3
�( 1 0 -)
droits; le propriétaire de la fo r ê t habitant assez loin de là , ne pouvaitqup faiblem ent surveiller sa propriété, et s ’ assurer de la vigilance
ou de la fidélité de ses gardes.
L a réponse à ces allégations, assez singulières dans la b o u c h e de
l ’a p p e la n t , se tro u vera it éci’ite dans le contrat de m ariage q u i
v ie n t d'être ra p p e lé , et dans les clauses y relatées; mais i l e s t ,
d ’ailleurs , des faits aussi précis h ra p p e le r, et q u i p o u v a ie n t être
à la connaissance d u sieur Desaulnats.
L e bois de L a r o c h e était incontestablem ent le bois des m o n
tagnes le m ie u x su rv e illé ; il n ’avait jamais été co m p ris dans les
b a u x à ferm e de la terre de C h a r t r e i x , et des autres propriétés
d u sieur d e L a b r o , qu i s’en était réservé spécialem ent l ’a d m i
nistration et la su rv eilla n ce : à cet effet , il
dans son ch âteau
avait
établi ,
de L a b r o , le sieur Jean C a q u e t , avec le
titre d e capitaine des chasses et p êc h e s de la terre de L a b r o ;
c e lu i- c i v eillait à la conservation de la f o r ê t , délivrait le bois
a u x usagers, et recevait les délivrances a u x q u e lle s ils étaient
ten us; c ’était à la fois, il faut le d i r e , u n se rvite u r a c t if et u n
h o m m e p ro b e et sévère.
C o m m e n t, dès lors, adm ettre lé g è re m e n t q u e des droits d ’ usage
p ouvaien t être fa cile m e n t c r é é s , ou au m oins q u e des tenta
tives aient été pratiquées dans ce b u t , par les p ropriétaires des
dom aines voisins de la f o r ê t , et q u e l ’absence d u sie u r L a b r o
ait laissé p lu s de facilité a u x entreprises?
D e pareilles insinuations sont co m p lè te m en t démenties par les
fonctions de su rv eilla n ce et de p ro te c tio n , p a r tic u liè r e m e n t co n
fiées au sieur C a q u e t , dont le caractère et les h abitudes devaient
insp irer autant de confiance au p ro p riéta ire de la fo r ê t, q u e de
earanties aux usagers.
D
o
D ’autres actes émanés du n o u v e a u p r o p r ié ta ir e , le sieur B le t o n , vie n n e n t se r é u n ir à tout ce, q u i avait été p ré c éd e m m e n t
la it, et en consacrer la m êm e e x é c u tio n . L e 9 mars 177/1, il a
�affermé p o u r trois ou six années , m o yen n an t i , o 5 o fr. a r g e n t , à
F ra n ço is S e r r e et A n to in e G a tin iol , son g e n d re , ancien fe r
m i e r , le domaine de la G u ib ze, sans en rien réserver ni retenir,
à l ’e x ce p tio n des objets délaissés à titre de ferme à A n to in e Planes,
et q u i n ’étaient pas de In c o m p ris e d r fp i’ésent b ail.
L e s p reneu rs étaient expressément ob ligés de p a y e r chaque
année , et sans a u cu n e d im in ution du p rix de le u r b a i l , la rente
due p o u r / inveslison des Lois, et de passer d e u x poutres sur les
bâtiinens du d o m a in e, suivant l ’indication d u -b a ille u r ; la nature
et la v a le u r de la rente
à p a y e r ne furent pas in d iq u é e s, p u isqu e
les ferm iers étaient les mêmes q u e c e u x de l ’année p récéden te ,
et q u e dans ce bail avaient été d ’abord inséi’es les détails les plus
p récis en ce point.
O n p ro d u it u n e quittance sous la date d u
3 o mars 177^ , f o u r
le p rix de-la ferm e de l ’année 1 7 7 3 , dans la q u e lle il est énoncé
q u e les ferm iers d e v a ie n t , de p lu s , ra p p o rter les quittances de
la dîm e du c u ré , et c e lle d u sieur de L a b r o , p o u r les bois.
L e m êm e dom aine de la G u iè ze fut afferm é, par acte d u
3o
mars 17 7 8 , à Joseph et Jean R o u x , q u i fu re n t astreints fo rm e l
lem en t à jîayer la rente d u e au sieur de L a b r o , p o u r raison du
d r o it d ’investison de ce d o m a in e, dans la forêt de L a r o c h e ,
laquelle rente, est-il d i t , consiste en un setier d ’avoine.
Il résulte des actes p roduits p ar le sieur D e sa u ln a ts, q u e la
seign eurie de L a r o c h e et la fo rê t en dépen dan t, ont été vendues
le 17 août 178/; , par le sieur de L a b r o , à u n sieur I3rassier, et
q u e des difficultés ont été soulevées par le sieur N e y r o n de la
T a n iè re ,
lig n a g er.
parent du v e n d e u r , qu i voulait e x e rc e r le retrait
U n traité sous la date du 10 ja n v ie r 178 5 , mit fin à cette c o n
testation. L e sieur de L a b r o , en délaissant la terre de L a r o c h e
au sieur de la T a n i è r e , déclara le s u b r o g e r a tous ses d r o its,
sans néanmoins aucune garantie dans tout ce qu i était rela tif a u x
2.
�12
)
droits d ’ usage qu i pouvaient, être dus dans le bois de L a r o ch e , et lu i
céda les redevances dues par les usagers , p o u r s’en faire p a y e r
co m m e il aviserait.
P e n d a n t la ré v o lu tio n , le séquestre national fut apposé sur la
terre de L a r o c h e , et co m m e le sieur N e ÿ r o n de la T a r t iè r e était
p la c é sur la liste des é m ig ré s, le G o u v e rn e m e n t se m it én posses
sion de la fo rê t de L a r o c h e , et se tro uva ainsi en ra p p o rt d irect
avec les usagers.
L e sieur B leto n s’empressa de faire valo ir, auprès de l'a u torité
adm inistrative, les droits attachés à son dom ain e de la G u i è z e , et
ne tarda pas h en o b te n ir l’ e x e r c ic e , co m m e p ar le passé.
I l avait d ’a bo rd satisfait a u x e xigen ces des lois de p o lic e sur
les forêts (celles des 2<S ventôse an
il
et 14. ventôse an 32), en
d é p e çan t, sur ré cé p issé , ses titres au secrétariat de la p réfectu re.
O n sait q u e la co m m u n e ou le p a r tic u lie r ayant d roit d ’usage
dans les lorêts nationales, ne p o u v a it , après ce dépôt co nstaté,
être privé de son droit d ’usage , et e m p ê ch é dans son e x e rc ic e .
C ’est dans ce sens q u e le préfet du P u y - d e - D ô m e re n d it, en
ternies g é n é r a u x , u n a r r ê t é , sous
date d u 18 t l i e r m ij o r an 12;
et en ex é cu tio n d ’ i c e l u i , la d é livra n ce et distribution de bois a u x
usagers de la forêt de L a r o c h e e u t lieu , p o u r l ’ordinaire de
l ’an i/|, ainsi q u ’ il résulte d ’ un procès vei’bal rédigé le 29 fruc
tid o r an 10 , par l ’inspecteur des eaux et fo r ê ts , le sieur B o u tarel ; il y déclare avoir m a rq u é cent arbres s a p in s , dans le
canton app elé de C h a n la g o u x , près Charlane, et (ait re m a rq u e r
q u e si ce n o m b re excède do
25 ce lu i de l ’ordinaire de l ’an i3 ,
c ’est qu e les besoins sont plus pressans , et ne d o iven t pas se r e
n o u v e le r p ério d iq u e m e n t.
Parm i les usagers qui ont été admis à cette d é livra n ce , on r e
m a rq u e , au n° 7, le sieur B l e t o n , de T a u v e s , qu i n ’eut p oint
p a r t , est-il d i t , à la distrib u tio n de l ’ord in a ire de l ’an i 5 , p o u r
réparations de son domaine de la G u ièze , et a u q u e l dix arbres
sont a ctu ellem en t délivrés.
�( 1 3 }
C est à p eu près à c e lle é p o q u e , q u e le sieur A m a b le -C a b riè 'l
R e b o u l , représentant de Jean et autre Jean F u m a i , avec lesquels
avaient élé passés deux actes, l ’un d u 1 5 janvier 1 56 1 , et l ’autre
i n v o q u é dans la cause , celu i d u 17 décem b re 160/1 , présenta au
p ré fe t et à l ’administration forestière l ’expéditio n de ces acles,
déposés dès le 8 d é ce m b re 1791 , dans l ’étude d u sieur Cliassaigne , notaire à C l e r m o n t , afin de se fui»e m a in ten ir dans la
possession des droits d ’usage que ces mêmes titres lu i conféraient.
L e conservateur des eaux et forêts tle la d ixièm e division , ap
p elé à s e p r o n o n c e r sur le mérite de cette réclam ation, l ’a ccu e illit
dans son e n t i e r , ainsi q u ’il ré su lte 'd e son a vis, d u 27 d écem b re
1806; on y vo it q u ’il a soigneusem ent exam iné les titres p r o
d u its; q u ’ il a consulté préalablem ent les agens forestiers de la
lo calité , et c ’est après ces examens et ces formalités prélim inaires,
q u ’il estime que le sieur R e b o u l doit être m aintenu dans la pos
session des droits d ’usage accoî’dés aux F u m â t , p o u r le u r c h a u f
fage et p o u r l ’entretien de le u r p ro p riété située dans les villages
D e lm a s - T o u r r e , de G u iè z e e t P i s s o l, à la ch arge de p ay e r ch a q u e
a n n é e , à la S aint-N icolas, entre les mains du r e c e v e u r des d o
m aines, le p r ix de d e u x setiers d ’a v o in e , m esure de L a t o u r , et
m êm e de p a y e r tous les arrérages de cette redevance qu i p o u
vaient être dus.
D e p u is , co m m e avant cet a v is , qui devait profiter au sieur
B le t o n , à raison d u dépôt d u litre du ^ d é c e m b r e 1G04, les dé
livrances co ntinu èren t en faveur des usagers : on r a p p o r te .d e u x
p ro cès v e r b a u x des 26 ju illet 1807 et
5 août 1808 , constatant des
délivrances p o u r réparations de son dom aine de la G u iè z e . L ’un
de ces p rocès v e rb a u x , ce lu i du 5 août 1808, récem m ent d é
c o u v e rt , n ’avait pas encore été p ro d u it : il y est e x p liq u é qu e la
position des usagers est actu e lle m e n t devenue plus favorable ;
q u ’à la décision p rovisoirem ent ren d u e par arrêté du p r é fe t, du
j 8 therm idor an 1 2 , a succédé une décision d éfin itive, ren d u e
�!
(
4
.)
p ar le conseil de p ré fe ctu re , au p ro fit d e l à p lu p a r t des usagers;
et q u o iq u e l ’insp ecteur des eaux et forêts n ’eût pas été officielle
m e n t p ré v en u de cette d e rn iè re d é c is io n , il c r u t d e vo ir écarter
des droits d ’usage les individus dont il avait lu i-m êm e p ro v o q u é
1 éloignem en t par ses co nclusions. L e s délivrances ont été en effet
opérées dans ce sens.
O n a déjà v u q u e f dès les p rem iers m om ens de la mainmise
d u G o u v e r n e m e n t sur la fo rê t de L a r o c h e , et de sa su rv eilla n ce
p ar l ’administration f o r e s tiè r e , les droits du sieur B leton fu re n t
r e c o n n u s , et l ’e x e rc ic e en fut lé g a le m e n t m aintenu.
Il faut actu e lle m e n t r e c h e r c h e r q u e lle a pu être la c o n d u ite du
sieur N e yro n -D e sa u ln ats , après a vo ir fait le v e r le séquestre et
r e c o u v r é sa p ro p rié té . N o u s allons la t ro u v e r c o n fo r m e au titre
de l ’iisager et à son a n cie n n e possession. E t d ’a b o rd , constatons
l ’é p o q u e où la réin tég ration dans la p ro p rié té de L a r o c h e a été
effectuée. O n est d ’acco rd sur ce p o in t : c ’est en l ’année 1809.
S ’ il fallait en c ro ire le sieur N e y r o n -D e s a u ln a ls , il ignorait
alors la consistance et les charges de sa propriété, il savait va gue
ment q u ’ elle était grevée de divers usages.
T e l l e p o u rra it être, sans d o u te , la position ordinaire d ’ un n o u
v eau p ro p rié ta ir e ; mais telle 11’était p as, dans le cas p a r tic u lie r ,
ce lle du sieur D esaulnats, qu i re tro u va it auprès de lu i tous les
m o ye n s de s’é cla irer, et a d u en p ro fite r. L a p ré te n d u e ign oran ce
dont on veut bien le gratifier, dans cette circon sta n ce , n ’est e llem êm e q u ’un e p récau tion oratoire h ab ile m e n t e m p lo y é e , et
dont la portée est facile à saisir : iftfa lla it, par a v a n c e , justifier
le sieur Desaulnats dans ses actes u lté r ie u r s , e x p liq u e r les faits
successifs de d é liv ra n ce volontaire ; il fallait e x p l iq u e r les r é c e p
tions annuelles d ’a v o in o , co m m e p rix de la redevance. Ces faits
d e v a ie n t'ils ê trc considérés co m m e l’e x é c u tio n d ’ un titre et d ’un e
possession r e c o n n u e , o u ,
a u c o n t r a i r e , n ’ être q u e la suite
d ’ une ig n o ra n ce q u i n’avait p u en co re s’é c la ir e r?
�(
>5
)
C ’était là l'e x c u s e q u ’on cntendaitse ménager; mais il n ’y avait
pas de débats à so u le ve r, de questions à poser sous ce r a p p o r t ,
ni d ’excuse à a c c u e i ll ir : il suffisait de savoir ce qu i s’était passé
en 180g.
. L e sieur M a n a r a n ch e , attaché en qu alité d ’h o m m e d ’aiFaires
au sieur Desaulnats p ère, depuis 178 1, habitait la maison de SaintP a r d o u x ; il régissait les biens, prélevait les revenus et surveillait
la forêt de L a r o c h e . O n 11e d é livrait d u bois a u x usagers qu e
d ’après ses o rd re s; il reste mêm e dans les souvenirs des h abhans
de la c o m m u n e , q u ’il ne faisait les délivrancés q u ’après avoir r e
c o n n u les besoins, et q u e l’usager inexact à p a y e r la redevance
é p r o u v a it lu i-m ê m e à son tou r des len teu rs, lo r s q u ’il réclam ait
d u bois.
L e sieur M anaranche était en co re l'agent du sieur D ésa u ln a is,
et résidait dans sa m a is o n , à l ’é p o q u e de la levée du séquestre
su r la forêt de L a ro ch e .
C o m m e n t admettre raisonnablement q u ’un serviteur aussi zélé
et aussi in stru it, n'aura pas fait connaître à son m a ître ,
dès
l ’année 1809, la consistance et les charges de la fo rê t; ne lui aura
pas in d iqu é les usa g ers, les droits q u ’ ils exerçaient avant le séques
t r e , et les redevances a u x q u e lle s ils étaient assujettis? C o m m e n t
admettre q u e le sieur D e sa u ln a ts, so ig n eu x de ses intérêts et h ab ile
à les d é fe n d r e , n ’aura pas r e ç u de son agent tous les renseigneinens
q u ’il pouvait désirer, et n ’aura pas co n n u le n o m b re exact des usa
gers, ce u x q u ’ il devait a ccu e illir, et c e q u ’ild e v a h leu r dem ander?
V o i l à , il se m b le , des circonstances propres à écarter la p r é
tendue ign o ra n ce d u sieur Desaulnats, ign orance q u i , "dans tous
les ca s, n ’aurait p u long-tem ps se p ro lo n g er, p uisque les documens étaient n o m b r e u x , fa cile sà re tro u ve r et saisir, et par suite,
l ’investigation devait être p ro m p te et rapide.
C ’est aussi, on p eu t le d i r e , en grande connaissance de cause,
q u e le sieur Desaulnats a successivement lait d élivrer du bois
�au sieur B leio n p è r e , soit p o u r l ’usage de sesbâtim ens, soit p o u r
son c h a u ffa g e , et a r e ç u , des ferm iers de ce d e r n ie r , les setiers
d ’avoine qui représentaient le p r i x de la concession.
Ces délivrances qui n ’avaient rien de p ré c a ir e ni de provisoire,
ont e u lie u p en dan t près de d ix ans, depuis i8 o c )à 1 8 19 : il est
bien vraisem blable q u e , dans ce laps de tem ps, le sieur D e sa u lnats n ’aurait pas m a n q u é de vérifier les titres attributifs d u droit
dont s’a g it , si déjà il n ’avait e u la p ré c au tio n de s’assurer de le u r
teneur, et de p re n d re auprès de ses agens tous les renseignemen9
nécessaires.
I l faut a jo u ter q u e si c e t ex a m en o u si ces renseignem ens
avaien t été contraires à la possession de l ’ usager, le sieur Desaulnats aurait refusé les délivrances a n n u e lle s , o u aurait eu le soin
de constater ce p r o v i s o ! ^ q u ’il p rétend a c tu e lle m e n t le u r c o n
server. C o m m e n t p o u r r a it-o n c r o ir e à u n e tolérance ou b i e n
v e illa n ce d ’aussi lo n g u e d u r é e , entre voisins, en présence des inte'rêts d u sieur Desaulnats.
L e s choses étaient en cet état, lo rsq u ’u n e saisie im m o b iliè re
fut p ra tiq u ée sur les im m e u b le s du sieur B leto n , ù la req u ête des
h éritiers d u d u c de Castries: le ca h ie r des charges indiquait le
dom ain e d e la G u iè z e et un e m ontagne co m m e objets à vendre ,
11e ra p p ela it p a s , en termes e x p r è s, le d roit d ’usage qu e les p o u r suivans pouvaient fort b ie n ne pas co n n a ître ; m a is il é la itd é c la r é
q u e le dom ain e était ven d u tel q u ’ il se co m p o se , avec ses servi
tudes actives et passives, et q u e les adjudicataires p re n d ra ie n t les
biens tels q u ’ ils se t r o u v e n t .*
I l est mêm e à r e m a rq u e r q u e les poursuivans , m al éclairés sur
la vé rita b le éten due d u d o m a in e, om iren t de c o m p re n d re dans
l'e x p ro p ria tio n d e u x h éritag e s, q u i, depuis, ont été vendus p ar le
pieur B leton , e io n t, par co n sé q u en t, d im in u é d ’autant ce dom aine.
L ’adju dication a été faite le i 5 n o v e m b re 1 8 1 9 , m o ye n n an t
lu som m e de 17,000 fi\, à M . le d u c de Castries, q u i bientôt, par
�' 7 ).,
l ’interm édiaire des son fondé de p o u v o i r , s u b r o g e a , dans^ les
m êm es termes et au m êm e p rix , le sieur D e ls u c , à tous les droits
q u i ven aien t de lu i être attribués.
.D ès ce m o m e n t, le sieur Desaulnats se trouva en présence du
sieur D e lsu c ; il fit p o u r lu i ce q u ’il avait fait p o u r le sieur
Bleton ; il continu a les délivrances constamment acco rd é es, d e
puis la concession de iG 5 4 , a u x diiïerens propriétaires d u d o
m aine de la G u iè ze . D e son .côté, le sieur D e l s u c , en recevant
le b o is , s’empressa de faire porter successivement chez le sieur
Desaulnats, les setiers d ’avoine représentatifs du p rix de la co n
cession.
C e t état de chose q u i , par lu i- m è m e , n ’avait rien de p ro v i
so ire , et n ’était réellem en t q u e la reconnaissance d ’un droit jus
q u ’alors incontesté, cessa tout à co u p en 1827 > P ar 1° refus du
sieur Desaulnats à d é liv re r lê bois nécessaire au sieur D e l s u c ,
p o u r la réparation de ses bâliinens de la G u iè ze .
C ’est là l ’origin e de l ’instance actuelle.
L e sieur D elsu c fait n o tifie r , le 2 3 mars 1 8 2 7 , au sieur D e
saulnats, i°. l ’acte d ’investison d u d roit d ’ usage, consenti, le 17
d é ce m b re iC 5 /|, par Jean de la B a r g e , seign eur de L a r o c h e , à
Jean F u m â t f 2". le contrat de vente consenti au sieur B u r i n , le
27 mars 1758 ; 5 °. le contrat de mariage de la demoiselle B u rin , d u
19 octo bre 1770. 11 expose ensuite q u e , par l ’acte de iG 3 4 , leseig n e u r de L a r o c h e avait investi, « à titre de p erp é tu e lle inves» tison, Jean F u m â t , à son bois app elé de L a r o c h e , p o u r d ’i» ce lu i en p re n d re et em porter par ledit F u m a i et les siens, à
» p e r p é tu ité , tant p o u r son chauffage q u e p o u r c lo r e et fermer
» ses h éritag es; q u e ledit F u m â t était autorisé à p ren d re du
» bois de sapin p o u r bâtir et édifier maisons, granges, étables,
» m o u lin s et autres édifices, etc. ; q u ê t a n t lu i-m êin e aux droits
» de ce dernier, et sur le p oint de construire un bâtim ent dans le
» dom aine de la G u i è z e , il a le d r o i t , a u x termes de l ’acte d ’in-
3
�( i 8 )
» vestison s u s - é n o n c é , de p re n d re dans le b o is de L a r o c h e , ap» p'arienant au sieur Desaulnats, tous les bois en sapin nécessaires
» p o u r la co n stru ctio n d u d it b â tim e n t, a u q u e l le sieur D e lsu c
» se p ropose de d o n n e r u n e lo n g u e u r de 24 m ètres
» mètres (78 p ie d s ) , et un e la r g e u r de 11 mètres
33 ce n ti-
(33 p ie d s).»
L e sieur D e lsu c somme le sieur Desaulnats de d é cla r e r s’il e n
te n d , ou n o n , m a r q u e r o u faire m a r q u e r p a r son fore stie r, les
a r b r e s , essence s a p i n , nécessaires à cette co nstru ctio n ; le sieur
D esaulnats refuse de répondi'e et de signer.
C ’est alors q u e , p a r u n e x p lo it sous la date d u 29 m ars 18 2 7 ,
i l y a e u citation en co n cilia tio n su r la dem ande tendante à faire
co n dam n er le sieur Desaulnats h d é liv r e r au sieur D e l s u c , ainsi
q u ’il v ien t d ’être é n o n c é , le bois nécessaire à la co n stru ctio n
d ’u n b â tim e n t, suivant les dimensions déjà rappèlées.
L e s parties ne p u r e n t s’accorder*au b u r e a u de p a i x , et u n e as
signation do n n ée a u x mêm es fins, saisit le trib u n a l c iv il d ’Issoire.
U n ju g e m e n t r e n d u p ar d é f a u t, le 27 ju ille t 18 27, après c o n
clusions signifiées, a a dju gé la dem ande d u sieur D e ls u c .
C ’est de cette décision q u e le sieur Desaulnats a interjeté
a p p e l devant la C o u r ; il a ré p o n d u à u n interrogatoire sur faits
et a rticle s, q u e le sieur D e lsu c avait fait o rd o n n e r p a r arrêt d u
i 3 a oû t 1829.
L e sieur Desaulnats a v o u e , dans son interi’o g a t o ir e , q u e lq u e s
d élivra n ces de b o is de chauffage o u autres, ainsi q u e la ré ce p tio n
de p lu sieu rs s e tie r sd ’avoine. C o m m e n t , en e ffe t, était-il possible
d e contester ces d e u x faits, si faciles à p r o u v e r ? M a is, tout en
les reconnaissant, il entend le u r conserver un caractère to u t
à fait p r o v i s o i r e , et su b ord o n n é à l ’exam en u lt é r i e u r d u titre
s u r le q u e l le sieur D e lsu c vo u la it a p p u y e r ses droits. I l croit
même Vavoir prévenu q u e si le d roit n ’était pas f o n d é , l ’u n p a y e
rait l ’avoine et l ’autre le boiS.
L e système de réserve embrassé p a r le sieur D esaulnats, dans
�(> 9 )
son interrogatoire, s’est constam ment re p ro d u it dans tout le cours
d u procès. C e p e n d a n t, il faut b ie n le d ir e , si un e retenue cal-*
c u lé e , u n e p ru d e n ce r e m a rq u a b le p e u v e n t sft trouver dans le
langage d u sieur D esa u ln a ts; s’il sait e x p liq u e r avec u n e sage
m esure les actes q u ’il a p u f a ir e , il est so u ven t, dans ces actes
eux-m êm es, u n dém enti fo rm e l à la pensée ou à la volonté que
l e u r auteu r vo u d ra it y rattacher. N o u s aurons l ’occasion de le
faire a p e r ce v o ir au m o m ent de la discussion de la cause.
C ’est Te i 5 'mars i 85 o q u e la C o u r a r e n d u l ’arrêt in t e r lo c u
t o ir e , sur l ’e x é cu tio n d u q u e l les parties sont actuellem en t en
contestation. T o u s les m o yens en droit et en fa it, et m êm e c e u x
en la fo r m e , fu r e n t lo n g u em en t discutés et soigneusem ent e x a
m in é s; l ’existence en elle-m êm e d u droit d ’usage et de cliaufiage
appartenant au sieur D e l s u c , fu t re co n n u e et p ro c la m é e ; il ne
s’éleva de d o u t e , dans l ’esprit des m agistrats, q u e sur son ex e r
c ice pen d an t les trente années antérieures à la demande. C ’est à la
p re u v e de cet e x e rc ic e q u e le dispositif de l ’arrêt a été resti'eint.
V o i c i les termes dans lesquels i l est c o n ç u (1) :
( i ) M . Désaulnats n’a cru devoir rappeler dans son M é m o i r e , que certaios
motifs de l'arrêt interlocutoire, propres à colorer ses prétentions. N o u s en in
diquons ici tous les motifs ; ils serviront de réponse à plusieurs moyens in
voqués dans l ’intérÊt de l ’appelant; ce sera abréger d’autant la discussion.
« E n ce qui to u ch e , est-il d i t , la validité ou invalidité de l ’actc du 17 dé
cem bre i 63^, et l ’ effet qu’a dû avoir cet a c t e , lequel porte concession d’un
droit d’usage dans les bois appelés de M a lguiè ze.et L a r o c h e , dépendans de
la seigneurie de L a r o c h e , pour en j o u i r , par le concessionnaire, pour son
usage des maisons; pour ses ténemens des villages de Guièze et P issol; pour
chauffage et réparations q u ’il pourrait faire dans lesdits téneinens, moyennant
les charges qui y sont énoncées ;
» Considérant q u e , quoiqu’il ne soit pas dit par cet acte que la concession
est faite à pe rp étu ité, on ne peut douter qu’elle n’ait dû avoir ce caractère ;
» Q u ’en effet il y est dit : « N o u s soussigné Jean- 13aptiste de la B a r g e , set-
3.
�( 20 )
« L a C o u r o r d o n n e , avant de faire droit a u x p arties, ei sans
•» p ré ju d ice des m o y e n s , tant de fait q u e de d roit, qui le u r sont
» respectivem ent réservés , q u e le sieur D e ls u c p ro u v e r a , tant
gneur dudit lieu et de L aroche, a v o n s , par ces présentes, investi et investissons
Jean F u m a i , notre fermier de ladite seigneurie de L a r o c h e , de nos Lois et
fo r êts , etc. ; »
» Q u e ces te rm e s , avons investi et investissons, ne compatissent guères avec
une simple faculté de percevoir un droit d'usage qui n’ eût élé que tem poraire;
que ces expressions se trouvent dans les actes anciens portant concession de
propriété d’immeubles à titre de cens , laquelle concession était toujours per
pétuelle ; que d’ailleurs si la concession dont il s’ agit n’ eût été que temporaire,
on n ’ eût pas manqué de le stip u le r , en marquant l ’époque de la durée de la
concession ;
» Q u ’ on voit ensuite que la concession est faite sous la condition que le.
concessionnaire sera tenu de payer un chacun an , à chaque jour de St-JVico!as
d 'h iv e r , un setier d ’a vo in e, qu’ il sera tenu de porter audit L a r o c h e ; que cctle
obligation générale et indéfinie, imposée au concessionnaire de porter la re
devance chaque année, à un jour in d iq u é, suppose nécessairement la p erp é
tuité de la prestation, parce qu’on ne peut raisonnablement supposer qu’on
n ’ eût pas limité la prestatio n , par la mention de sa d u ré e , si la concession
n’eût dû ôtre que tem poraire;
» Q u on^ne peut pas plu? supposer que la concession ne dût avoir lien que
pour le temps que J ea n F u m â t devait Ctre ferm ier de la terre de L a r o c h e ,
parce qu’ il est bien sensible que les mots noire ferm ier de la seigneurie île La
roche , ne sont em ployés que par forme de désignation de l'in dividu, mais non
par form e de restriction de la durée de la c o n c e s sio n , au temps pendant lequel
J ean F u m ât devait ôtre fermier ; qu’ une pareille restriction ne peut se suppléer
sans courir le risque de détruire une c o n v e n tio n , lorsque tout annonce un
esprit différent ;
» Considérant qu’ on ne peut pas attaquer cet acte de nullité en la forme ,
sur le fondement qu’ il n ’est pas dit qu’ il ait été fait d o u b le , et qu’ il ait élé
approuvé par les parties ; ce qui a lieu ordinairement pour les actes sous seing
privé ;
» Q u e d’aborJ
»
¡1 est
dii dans l ’a c t e , en f u i de quoi nous sommes soussignés; ce
�( 21 )
« p ar titres q u e par té m o in s, q u e , dans le cours des (renie années
» qu i ont p récéd é la dem ande, il a , lu i ou c e u x qu ’il représente,
» e x e rc é le d roit d ’usage q u ’ il réclam e sur le bois de L a ro clie ,
qui se rapporte an concédant et ledit F u m â t ; que l ’extrait de cet acte , délivré
par C hassaigfle, notaire à C l e r m o n t , chez lequel il fut déposé le ÎÎ décembre
1 7 9 I i ap p reud que l ’acle était revêtu de la signature de L a Barge , qui était
celle du concédant; et que par forme de l ’approbation de l'a cte, la signature
de F u m â t , qui était le concessionnaire , est précédée de ces mots : Pour un selier
avoine, mesure de Larorhe;
» Considérant que les vices de forme qui pourraient exister dans un acte de
cette ancien n eté, et à une époque où l’expérience apprend que la jurisprudence
n ’était pas fixée avec précision sur les formalités des actes sous seing privé ,
qui pouvaient être syuaitogmatiques , seraient couverts par des mentions con
tenues dans des actes postérieurs qui supposent l ’existence réelle du droit d’u
sage en question ;
» Q u e c ’est ce qui résulte d’ un traité du i o janvier 1 7 8 5 , reçu Baptiste et
son co n fr èr e, notaires à C l e r m o n t , lequel traitij, fait entre le sieur D um as de
L a b ro , le sieur Brassier et le sieur N e y ro n de la T a r t i è r e , représenté par le
sieur N e y ro n Desaulnats , apprend que sur une vente faite par le sieur de Labro
«u sieur B rassier, de la terre de L a r o c b e , dont faisaient partie les bois sujets
au droit d’usage dont il s’a g ît, le sieur N e y r o n de la Tartière avait exercé un
retrait lignager contre ledit B ra ssie r ; qu’ il s ’était élevé des contestations à ce
su jet, e n iie lesdits sieurs de L a b r o , Brassier et N e y ro n de la T a r t i è r e , qui
prirent fin par ce traité, dont le résultat fut le délaissement fait de la terre de
Laroci/e au sieur N ey ro n de la T a rtiè re ; qu’on voit dans ce traité une clause
qui p o r t e , article
3 , que
le sieur de L ab ro entendant subroger le sieur de la
T a r t i è r e , sans néanmoins aucune garantie, dans tout ce qui est relatif aux droits
d’ usage dans les bois de L a r o c h e , lui a cédé les redevances dues par les pré
tendus et soi-disant usagers, à l’ effet par ledit sieur de la Tartière de s’en faire
payer c o w n e il a v is e r a , pour les redevances échues et m im e celles à écbeoir à
l ’a v e n ir , le tout à scs périls , risques et fortune , com m e dessus est dit ;
» Q u e cette clause prouve incontestablement qu’ il existait des droits d’usage
, qui étaient le prix de certaines redevances, ou qu’au moins ces droits d’usage
étaient réclamés ; çt on peut présumer facilement que celui en question était
�» a u v u , a u s u , et d u consentem ent d u p ro p riéta ire d u bois
» p ré te n d u assujetti au» d r o i t , ou de c e u x q u ’il représente.
» Q u e le sieur D e lsu c p ro u v e ra é g a le m e n t , et de la m êm e
du n o m b r e , d’après les titres précédem m ent rappelés et ceux dont il sera parlé
dans la suite.
*
» C onsidérant que le sieur N e y ro n -D é sa u ln a ts ne peut tirer aucune induc
tion de ce q u e , dans une vente notariée qui a été faite le 27 juillet 1657 , par
le sieur C hristophe-Fra nçois de la B a r g e , au profit de M . G eorges N e y r o n ,
prieur de B riffon s , représenté par le sieur N e y r o n - D é s a u ln a ts , de la terre de
la Tartière et de la seigneurie de L a r o c h e , et domaines en d ép en d a n t, il n ’ est
fait aucune mention des droits d’usage auxquels les bois des terres vendues
eussent été assujettis ;
1
» Q u ’ un pareil silence ne saurait avoir assez de f o r te pour porter atteinte à
un droit qui serait déjà établi en faveur des tiers, sur l ’objet qui serait vendu;
que d’ailleurs il est dit à la suite de la clause portant vente des deux seigneuries
de la Tartière et de L a r o c h e , le tout ainsi qu’elles ont été jouies par le seigneur
vendeur et scs prédécesseurs, sans en rien retenir ni r é serve r; que de cette
dernière clause il résulte que l ’on a entendu vendre les biens tels qu’ ils se com
portaient, et par conséquent avec leurs droits actifs et passifs ;
» Q u e d’ailleurs l ’acte de 1 7 8 5 , dont il est ci-dessus pa rlé , prouve bien que
les biens étaient assujettis à des droits d ’usage ; qu’ on pourrait d ire, il est vrai,
que dans l ’intervalle de 1657 à 1785 , ces droits avaient disparu , par rachat ou
autrement; mais que c ’ est là une sim ple présomption qui est c o m b a ttu e 'p a r
les circonstances;
» Considérant qu’ on ne peut non plus tirer aucune induction de ce q u e ,
dans l ’acte d’adjudication du domaine de la G uièze faite au duc de Castries sur
le sieur TUcton, partie saisie, le i 5 novem bre 1 8 1 9 , il n ’est point fait mention
du droit d’usage qui devait appartenir à l ’adjudicataire sur les forêts de
Laroche !
» Q u ’on ne doit pas perdre de vue le principe qu’un droit d’usage n ’est
point un droit personnel, mais un droit r é e l , inhérent aux biens et bâtimens
pour l ’usage desquels il a été concédé; qu’ il ne peut être vendu seul et séparément;
en sorte qu’ il suit toujours les biens et bâtimens qui ont été l ’objet de sa
destination ;
» Q u e d’ailleurs il n’est pas étonnant que l ’adjudication n’ en fasse pas men-
�» m a n i è r e , q u e , dans le même espace de temps, ledit sieur D elsu c,
» ou c e u x q u ’il re p ré se n te , ont p a y é .la redevance, p r i x
du
tîon ; que le duc de Castries , créancier thi sieur B l e t o n , propriétaire du do
maine de la G u i è z c , et qui faisait vendre ce domaine sur expropriation forcée ,
était uniquement occupé de faire mettre à fin cette expropriation ; et qu’il en
tendait que ce domaine fût adjugé tel qu’il se c o m p o rta it, et avec tous les droits
actifs et passifs qui s’y rattachaient; que c’ élait là où se terminait son in té r ê t;
que cela devait être a in si, parce que tous les titres qui établissaient des droits
en faveur des biens saisi* étaient au p o u v o i r , non du duc de C a s tr i e s , mais
bien au pouvoir du sieur B l e t o n , partie saisie, qui ne pouvaitpas être forcé à les
r e m e tt r e , et que cet état de choses est prouvé de la manière la plus positive
par une clause'de la vente du domaine de la G u iè z e , faite par le. duc de Castries
qui en était devenu adjudicataire, ou par le sieur C h a r o la is, son fondé de
p o u v o ir s, au profit du sieur D e l s u c , par acte notarié du 12 févrfer 1821 , dans
laquelle clause il est dit que le sieur D elsuc se pourvoira ainsi qu’ il avisera,
po ur se procurer les titres de propriété dudit d o m a in e , le sicuç Charolais dé
clarant qu’il n’ en existe aucuns dans ses mains e l dans celles de M . le duc de
Castries ;
» D e tout quoi il résulte que le droit d’usage dont il s'agit a toujours suivi
naturellement le domaine de la G u i è z e , parce qu’il n’y a eu aucune renoncia
tion ou abdication directe ou indirecte de la part de ceux qui en étaient p r o
priétaires, ni de la part de celui qui l ’avait fait saisir et adjuger, et qui avait
"intérêt de le 'c o n s e r v e r , bien loin de le laisser perdre ;
» Considérant que dans plusieurs titres subséquens, le droit d ’usage dont il
s ’agit est rappelé par ceux qui avaient intérêt et qui n ’avaient d’autre, titre à
faire valoir que celui de iG 3£; que par acte notarié du 19 mars 1 7 5 8 , dame
G a brielle F u m â t , épouse du sieur de B o n n et, qui représentait les sieurs F u m â t ,
en faveur desquels ce droit d’ usage avait été constitué, com me maîtresse de ses
biens paraphernaux, vendit au sieur Jean B u rin -D u b u isson , le domaine de la
G u iè z e ; qu’ il y fut stipulé que la vente était faite avec les servitudes dues et
a ccoutum é es, et a u tres, ses circonstances et dépendances, sans réserve au
cune , tout ainsi et de m êm e qu’ il est c o m p o s é , et que ladite dame et ses auteurs
en ont joui ou dû jo u ir , ou leurs fermiers ;
» Q u e le 19 octobre 1 7 7 3 , le môme sieur Burin-Dubuisson ayant m arié
�(
'a 4
)
» droit d ’usage p réten du ; sa u f a u sieur N e y r o n - D e s a u ln a t s , fa
» p re u v e co n tra ire. » .
.
demoiselle Marie B u r i n , sa fille, a v tc le sieur Alexandre B l e t o n , lui consti
tua en dot le môme domaine de la G u i è z e , et qu’ il y esl dit avec le droit
d ’usage , et prendre du bois dans la forât de Laroche , tout ainsi et de même
que le sieur B u rin on ses fermiers en ont jou} ou dû jouir;
» Q u e par acte notarié j du
mars de la m êm e année 1 7 7 3 , le sieur B urin
avait affermé le domaine de la G uièze à François S erre et An toin e G atiniol ;
qu’ on y voit la charge imposée aux fermiers de payer au sieur de L a b r o , un
setier d’avoine et une p o u le , pour droit d’ investison dudii domaine dans la
forêt de L a r o c h e; qu’ il est ajouté que les preneurs seront en outre tenus du
passer deux arbres dans le plancher de la grange , qu’ ils prendront dans ladite
forât ;
« Q u e la m êm e charge est encore imposée pour le m êm e droit d’investison ,
par le sieur B l e t o n , par un bail de ferme du mêm e d o m a in e , par lui fait
devant notaire,, le g mars 1774., aux mêmes fermiers ci-dessus, et par un autre
bail <le ferme fait aussi devant n o ta i r e , en faveur des nommés H o u x , le
20 mars 177 8;
» Considérant qu’ en 1791 , et à raison de l’ inscription du nom du sieur
N e y n n de la T a n i è r e sur une liste d’é m igrés, le séquestre national ayant été
apposé sur la terre de L a r o c h e , le G ou v ern e m e n t s’étant mis en possession et
jouissance de cette terre et de ses dépendances, lou s ceux qui prétendaient
Sire usagers dans la forêt de L a r o c h e , du nombre desquels était le sieur B l e t o n ,
réclamèrent le droit d’usage en question , contre l ’administration des biens
séquestrés; que les usagers dans la forêt de L a r o c h e , qui avaient déposé leurs
titres a>i secrétariat de la préfecture , en exécution d une loi du 28 ventAse
an 1 1 , furent maintenus provisoirement dans leur droit de chauffage et autres
usages, par un arrêté de la préfecture du département du P u y - d e - D ô m e , du
18 thermidor an 1 a ; qu’ en conséquence de cet a rr ê té , il fut fait aux usagers
une distribution de différens arbres , par un acte fait par l ’ inspecteur des fo r êts,
err date du 29 fructidor ari i 3 , dans Içquel on voit figurer le sieur B le to n pour
tine certaine quantité d’a rb r e s , pour réparations à faire dans son domaine de la
G u iè z e ; le tout néanmoins sous la véserve des droits da G ou v e r n e m e n t; qu’ on
voit encore dan* un autre acte du
25 juillet
1 8 0 7 , une nouvelle distribution
�(
a5 )
E n exé cu tio n de cet a r rê t, les parties ont respectivem ent fait
p r o c é d e r à l ’audition des témoins ; nous aurons à exam iner les
enqu êtes et à en constater les résultats.
entre les usagers, parmi lesquels est compris le m im e sieur B le to n * au n° 6 ,
pour chauffage pour son domaine de la G u iè z e , et au n° 1 8 , po ur réparations
à faire au même dom aine;
» Q u e le sieur D elsu c a avancé et soutenu que les mômes délivrances de bois
d i chauffage et de construction avaient eu lieu , selon ses besoin s, pendant les
années suivan tes, jusqu’à sa demande ;
» Considérant q u e , d’après cet état de choses , il doit demeurer pour certain
que le sieur D elsuc a , en sa fa veu r, de son chef ou de ceux qu’il représente,
un titre quî lui donnerait droit à l ’usage qu’il réclame ;
» Mais considérant q u e , suivant la jurisprudence, ce titre ne suffit pas pour
l ’ établissement d’un pareil d roit; qu’ outre ce t i t r e , il doit Être fondé sur une
possession trentenaire, postérieure au titre; parce qu’à défaut de cette posses
sio n , ce litre serait prescrit, et que cette prescription aurait opéré l'affranchis
sement du d r o i t , quand même il aurait été établi long-temps auparavant;
» Considérant encore q u e , suivant cette même jurisprudence, pour que la
possession soit val.ible et puisse opérer son e f fe t, il faut qu’ elle soit accom
pagnée de la délivrance du b o i s , faite du consentement du propriétaire, et de
la prestation de la redevance moyennant laquell« la concession du droit d’usage
,9 été faite dans le principe ;
» Considérant que le sieur D elsuc ne rapporte ni la preuve par écrit du con
sentement donné à chaque d élivrance, p a r l e propriétaire, ni la preuve du
pa y em en t de la redevance, i chaque délivrance, et qu’ il offre seulement de
prou ver par tém oins, soit le consentement à la délivrance, soit le payement de
ia redevance, et c e , dans le cours de trente années avant la demande;
» O r , considérant que toutes les mentions contenues dans tous les actes cidessus énoncés , doivent être regardées , au m o i n s , comme autant de conimencemens de preuve par écrit du consentement à la délivrance et du payement
de la redevance ; q u ’on doit encore attribuer le même effet aux décisions
prises par l'administration , qui ont maintenu le sieur B l e t o n , ou ceux qu’ il
r e p r é s e n te , dans l ’exercice du droit d’ usage dont il s’a g it, m im e quoique ces
décisions n’ aient été que provisoires et prises sous la réserve des droits du
4
�I l s’agit
ü a ctu e lle m e n t de r e c h e r c h e r ,
i". Si au m ilieu des faits et actes d e la cause , tels q u ’ ils ont été
r a p p e lé s , si dans le u r com binaison avec les dépositions des té
m oins eniencfiis, le sieur D e lsu c a co m p lè te m en t satisfait au v œ u
de l'arrêt de la C o u r .
'
2°. Q u e l est l ’état présent d u dom ain e? L ’étendue et dim ension
p rim itiv e m e n t assignées a u x bâ tim e n s, seront-elles changées p ar
les réparations d u sieur D e l s u c ?
L a position d u p ro p riéta ire grevé d u d ro it d ’u s a g e , sera-t-elle
a g g ra v é e p ar suite des recon struction s et réparations du sieur
D elsu c?
§ P r. L a prcm 'e imposée au sieur D elsuc a t-elle é té fa ite P
T e l le est, il no us s e m b le , la question u n iq u e de la cause, la
seule q u i ait été re te n u e p ar la C o u r , et d o n t la solution doive
a c tu e lle m e n t fixer l'attention. I l n ’existe p lu s d ’in certitu d e sur
le d roit d ’usage et de c h a u ffa g e , qu i était d ’a b o rd co n testé : il
n ’est p lu s de doute à so ulever sur l’existence d u titre en lu i-m ê m e .
Il doit demeurer certain, on t dit les magistrats dans l ’ un des
motifs de le u r décision , que te sieur D elsuc a , en sa fa v e u r , de
son c h e f ou de ce u x q u ’ il représente, un titre qui lu i donne droit à
l'usage qu'il rcclnme.
V o ilà u n e disposition définitive et in a tt a q u a b le : e lle place
do rén a v an t, à l’abri de tou te discussion n o u v e l l e , la réalité d u
droit qui a etc r e c o n n u , et l ’on p eu t ineinc ajo u ter q u e , sous
f
G o u v e r n e m e n t, puisque, d’après les circonstances, il ne dépendait pas du
sieur M e lo n , ou de ceux iju'il r eprésente, d’ exercer autrement leurs droits, :
. .. Par tous ces motifs ,
» La Cour , etc. «
�( 27 )
ce r a p p o r t , l ’arrêt n ’a p lu s ?e caractère d ’un arrêt in terlo cu to ire ;
il devient contradictoire , ordinaire et définitif.
I l est vrai q u ’u n e p re u v e a été o r d o n n é e , celle de savoir si
le sieur D elsuc a e x e rc é u n e possession dans u n délai déterm iné;
mais cette p re u v e est essentiellement jir é ju d ic ie lle , p u is q u ’elle
repose sur le p rin c ip e d u droit q u i était controvex’sé entre les
p a r tie s , et
auquel se tro u v e évidem m en t s u b o r d o n n é le fond de
la décision. P eu im p orte la qu alificatio n d ’in te r lo c u to ir e im p ri
m ée à l ’a r r ê t; e lle lu i app artient, sans d o u te , dans le résultat
qu i g ît en p r e u v e ; mais il n ’ en est plus de m e inc dans le ré
sultat d é d u it de l ’exam en des litre s, et q u i a c o n d u it à l’econnaître et p ro c la m e r les droits d u sièur D elsuc.
C ’est sous ce dernier p o in t de vue q u e la décision ne p e u t
p lu s être attaquée.
P l u s i e u r s arrêts de C ou rs royales ont déjà accepté ce! te d istin c
t io n , et la C o u r de R io m l ’a elle-m êm e posée, le 10 février i 83 i ,
dans la cause d u sieur R e y n a u d , co n tre B o hat-Lam y.
A i n s i , il n ’est p lu s perm is a u sie u r Desaulnais , co m m e il l ’a
fait, de reprendre le p r o c è s , tel q u ’il se présentait à la p rem ière
a u d ie n ce ; tout exam en critiq u e sur les titres invo qués p a r le
sieur D e ls u c , et qui tendrait à contester ses droits en eux-mêmes,
est désormais interdit : il y a cliose ju gée sur ce p o in i ; elle doit
ê lre respectée : la discussion reste e n tiè re , seulem ent sur les té
m oignages respectivem ent p ro d u its; ce sont les seuls élémens à
in terro g e r et à débattre.
C e t état de la cause ainsi f i x é , doit être respecté avec d ’au
tant plus de raison, q u e l ’arrêt de la c o u r atteste q u e les titres
o n t été successivement et sérieusement examinés ; q u e la réponse
a été fo u rn ie à tous les m o y e n s , com m e à toutes les objections.
I l suffit, p o u f s’en c o n v a i n c r e , de consulter les n o m b r e u x mo
tifs donnés sur ch a cu n des actdl présentés'à l ’appui des p ré te n
tions respectives des parties.
4.
�( 2* }
V o y o n s d o nc q u e lle était la p reu ve à faire par le siëur Del-'
s u c , et q u elle s conditions y étaient attachées.
II devait p r o u v e r ,
i°. Q u e dans le cours des trente années qui ont p récédé la de
m ande , il a v a it , lu i o u c e u x q u ’il représente, exei-cé le droit
d ’usage q u ’il réclam e sur le bois de L a r o c h e , au v u , au su et d u
consentem ent du p ro priétaire ;
2°. Q u e dans le même espace d e tem p s, il a p a y é la r e d e v a n c e ,
p r i x d u droit d ’ usage.
C ’est h ces d e u x faits p rin c ip a u x q u e la p re u v e était ram enée ;•
l ’e x e rc ic e d u droit d ’usage, ainsi q u ’ il était c o n d itio n n é , et le
p ay e m e n t de la redevance. Cette démonstration n ’était m êm e pas
e x ig é e p o u r tous les ans; il suffisait de la re tr o u v e r dans le cours
des trente années antérieures à la dem ande.
L a dem ande ayant été formée en 1-827 , il fallait dès lors
r e m o n te r ju sq u ’en 1797 p o u r r e m p lir le voeu de l ’arrêt in te r lo
cu to ire ; c ’est dans ce laps d e temps de 1797 à 1 8 2 7 , q u e les té
m oins devaient déposer des faits relatifs à la d é livra n ce et au
p ay e m e n t de la redevance.
^
Ces faits se rattachaient à trois époques bie n distinctes.
L a prem ière co m p ren ait l ’e x e rc ic e de la possesion à éta b lir
p ar le sieur B leton , alors p ro priétaire d u dom aine de la G u i è z e ,
p en d an t la su rv eilla n ce de l'adm inistration des e a u x et forêts ,
ju s q u ’à l ’année 1809, o ù le sieur N e yron -D e sa u ln ats fit lever l e
séquestre et re co u vra sa p ropriété.
L a d e u x iè m e é p o q u e co m p ren ait en co re la possession du sieur
B l e t o n , à justifier depuis 1809 ju s q u ’au jo u r de l ’adju dication
et revente d u dom aine (en 1819 et 1 8 2 1 ) , en faveur d u d u c
de Castries, ou q u o iq u e ce s o i t , d u sieur D e lsu c.
L a troisième é p o q u e , plus re stre in te , s’ était é c o u lé e ju sq u ’au
jo u r d e la d e m a n d e , et devait ra p p e le r les faits personnels au sieur
D e lsu c. Cette p re u v e ainsi resserrée duns cette p ério d e de temps.,
�( 29 )
pouvait se faire tant par titres q u e par témoins ; e t, à Cet égard ,
il est, avant les témoins q u i seront interrogés p lu s tard , des élémens d ’appui à in v o q u e r par le sieur D e l s u c , et qui se puisent
dans lesdiiFérens actes par lui produits.
A peine les lois de p o lic e sur les bois et forêts , celles des 2S
v e n t o s e a n 11 et in v e n t ó s e an 12 ont-elles p a r u , q u ’u n arrê té ,
d u préfet du P u y -d e -D ô m e , sous la date d u 18 th e rm id or an 12,
a m aintenu provisoirem ent les usagers dans l ’exei’cice de le u r
dro its, ju squ’à décision contraire, à la ch arge p ar e u x de justi
fier d u dépôt de leurs titres, avec récépissé d u secrétariat.
C e lte formalité de dépôt des litres * dont l ’in e x é cu iio n semblait
entraîner d é ch é an ce ,’ n ’a pas é t é , com m e on sa it, exactem ent
r e m p lie p a r les com m unes et par
les p a rtic u lie rs ayant d roit
d ’ usage ; on sait aussi qu e les autorités administratives n ’ont pas
v ig o u re u s em e n t frappé de déch éan ce les usagers retardataires ;
il en est u n grand n o m b re q u i ont été relevés de cette déch éan ce :
on le u r a donné toutes les facilités possibles; on a re co n n u le u rs
d r o it s , toutes les fois q u e l ’occasion s’est p résen tée; et le C od e
forestier lui-m êm e r e n f e r m e , dans son art. 6 1 , u n nouveau délai
de d e u x années, en faveur des usagers q u i, depuis q u in ze ans, n ’a
vaient pas usé d u bé n éfice q u e la loi le u r a cco rdait.
T o u te fo is , tlès les p re m ie rs m om ens de la p u b lication des lois
de ventôse an n
et an 12 , des délivrances de bois avaient e'ié
r é g u liè re m e n t faites a u x usagers de la forêt de L a r o c h e . Il résulte
en effet d’un procès verbal dressé le
29 fru ctid o r an*i 3 , p a r le sieur
B o u t a r e l , insp ecteur des eaux et forêts, q u ’il a v a it , à cette époque,
distribu é d u bois p o u r l ’ordinaire de l ’an i/f. Le m êm e procès
v e rb a l constate u n e d élivra n ce précéden te p o u r l ’an i 5 , dont
les besoins, est-il d i t , avaient été plus pressons, et dépassaient de
-vingt-cinq arbres les besoins de l ’an i/J.
P a rm i les personnes a ya n t pris part à
cette délivrance de bois
p o u r l ’an i/j, on re tr o u v e au n° 7 le sieur B leton , qui n ’avait pas
�p ro fit 4 dë la d istribu tion de l ’an i 5 , et q u i r e ço it pour les répa
rations de son domathe de la G u ièze, d ix arbres m arqués depu is le
n°
3 6 . . . jusques et co m p ris le n° 46.
II est vrai q u e ce p rocès verbal c o n t i e n t , au p rofit du G o u
ve rn e m e n t, telles réserves et restrictions de d r o i t , si le cas y
é c l i e t , après le ju g e m e n t q u e devait p r o n o n c e r l e conseil de p ré
fe ctu re su r les diverses p ro duction s de litres faites par les d ifierens usagers dénom m és audit p ro cès v e r b a l ; mais u n avis d u
co n se rva te u r des eaux et forêts, re n d u le 27 d é ce m b re 1 8 0 6 ,
statua sur le m é rite des titres des i 5 jan vier i 5 6 i et ^ .d é c e m b r e
i 6 5 4 , q u i avaient été sim ultaném en t déposés a u secrétariat de
la p r é l e c t u r e , par le sieur G a b r ie l R e b o u l , le m êm e q u i déjà
avait déposé ces litres, en 1791 , en l ’étu de d u notaire Chassaigne.
I l fut alors re c o n n u q u e ces actes étaient r é g u li e r s , q u ’ils a c c o r
daient a u x F u m â t des droits d ’usagé et de chauiFage dans la
f o r ê t de L a r o c h e , et q u e Jeurs représentons devaient êti’e m ain
tenus dans la possession de ces droits , à la ch a rg e de m a rq u e et
de d élivran ce , et de p a y e r la r e d e v a n c e , ainsi q u e tous arrérages
q u i p ouvaien t en être dus.
L e bén éfice de cet avis d u conservateu r des e a u x et forêts
n'était pas u n iq u e m e n t r e c u e i ^ i p ar le sieur R e b o u l ; il ne lu i
était avantageux q u ’à raison d u titre d u i 5 janvier i 5 6 i , p o u r
les p ro priétés p r o v e n a n t des F u m â t , et situées dans les vil-t
la g e s d e D e lin a s-T ou rre et P i s s o l , tandis q u e le dépôt de l ’autre
titre du 17 d é c e m b r e iG 5 4 , fait en m êm e temps q u e c e lu i de
i 5 Gi , profitait e x clu siv e m e n t au sieur B l e t o n , co m m e r e p r é
sentant aussi les F u m â t , p o u r son dom aine de la G u iè z e .
"
C ’est en e x é cu tio n de cet avis fa v o r a b le , q u e les délivrances
on t c o n tin u é p o u r les années 1808 et 1809, et ont été faites,
no tam m ent au sieur B le to n , co m m e ayant des droits d ’usage et de
ch auffage , ainsi q u ’ il résulte de d e u x p rocès v e r b a u x sous Iqi
date des 2 5 ju ille t 1807.01
5 août 1808,
�( 3 -i )
C e d e rn ie r p ro cès verbal , no n rapporté à la prem ière a u
d ie n c e , apprend q u e la position des usagers n ’avait plus rien de
pro visoire en i 8 o 3 ; q u ’a cette é p o q u e , vine décision définitive
avait été re n d u e par le conseil de p ré fe c tu r e , et avait enfin fixé
la position des usagers. Si toutefois, com m e il convient de le
faire o b se r v e r , l ’insp ecteur des eaux et forêts, lors de son trans
p o r t , avec le
sous in s p e c te u r , le garde général et les gardes p a r
t ic u lie r s , dans la forêt de L a r o c h e , p o u r assister à la m a rq u e
et d é livra n ce des b o is , d é cla re , en ce mêm e p ro c è s v e r b a l , qu e
la décision d u conseil de p réfectu re ne lu i était pas co n n u e
officiellement, il n ’en constate pas moins l ’existence des disposi
tions p rin c ip a le s; il in d iq u e surtou t les élém ens personnels de
déterm in ation qu i devaient le g u id e r p ou r les distributions de
b o i s a fa ir e , et qui se p u isaien t, no n-seulem ent dans l ’opinion
p u b l iq u e signalant les
faux « s a g e r s , dont il avait lu i- m ê m e ,
p a r ses conclusions devant l ’autorité administrative , p ro v o q u é
l ’é lo ig n e m cn t, mais encore dans ses propres renseigneinens et
l ’exam en des titres de ch a q u e prétendant droit.
Il
est juste d e dire q u e ce procès verbal de 1828, com m e tous
c e u x pro duits par le sieur D e ls u c , n ’ont été considérés par l'arrêt
de la C o u r , q u e co m m e des com m en cem ens de p re u ve par é c r it,
p a r c e q u ’jls r e n fe r m e n t, dpns le u r c o n t e x t e , des réserves au
p ro fit d u G o u v e r n e m e n t , et sem blent ainsi n ’avoir q u ’ un effet
p ro v is o ir e ; cependant il faut b ie n aussi rem a rqu er qii’à cette
é p o q u e , le sieur B leto n était dans l ’im possibilité d ’e x e rc e r autie m e n t ses droits : il ne dépendait pas de lu i de se placer dans
u n e position différente; il se trouvait e n ch a în é vis-à-vis l ’autorité
administrative , avec la q u e lle il devait nécessairement se m e u re
e n ra p p o rt, p o u r la conservation de ses droits : c ’est elle qui ,
p a r la force de® lois transitoires, était appelée à exam iner les
titres et j u g e r le u r validité ; c ’est elle q u i , p ar une décision pres
q u e so u v e ra in e , maintenait les usagers en possession, ou les re
poussait à jamais.
�( S * ) '
'
L e sieur B leton dut r e m p lir les prescriptions de ces lo is ; il y
a satisfait p a r lu i-m ê m e , o u p a r le sie u r R e b o u l , stipulant dans
u n intérêt c o m m u n , lors d u dépôt de titres au secrétariat de la
p r é fe c t u r e . U n avis favorable du conservateur des eaux et forêts
considéra ces titres co m m e incontestables, et en consacra tous
les effets. I l était^reconnu q u e les représentans des F u m â t , en
ve rtu des actes de i 5 6 i et i 6 5 4 , devaient être m aintenus dans
la possession des droits d ’usage et de chauffage.
Si. u n e co n d ition était imposée à l 'e x e r c i c e de ces d r o it s ,
s a v o ir , le p ay e m e n t de la red eva n ce et des arrérages q u i p o u
vaient être du s, on ne p e u t contester l ’e x é c u tio n de cette c o n
dition , inséparable de la d é liv ra n ce d u b o i s , p u is q u e ces d é l i
vrances ont eu lie u à p lu sieu rs fois, ainsi q u ’il appert des différens
p ro cè s v e r b a u x de l ’an i 3 , i/fj 180 7, 1808; e tc ., car il y avait
o b lig ation , de la part des agens d i f G o u v e r n e m e n t , de p e r c e v o ir
la redevance au fu r et à m esure de ch a q u e distribution de bois ;
et des délivrances successives n ’auraient p u s’effe ctu e r sans le
p a y e m e n t du p r i x de la concession.
L e sieur Bleton a d o n c f a i t , pendant la d o u b le surveillance
des autorités administrative et forestière, tout ce q u ’il lu i était
possible de faire p o u r la constatation et la conservation de ses
d r o its; il les a e xercés dans les termes et suivant le m ode im r
posés p ar les lois et p ar les actes de l ’é p o q u e : «en agissant au*
tre m en t ; il se fût exposé à un e d é ch é an ce .
.
F a u d ra -t-il lu i adresser a u jo u r d ’h u i le r e p r o c h e d ’avo ir exc>
c u té la l o i , et de s’ être co n fo rm é a u x mesures indiquées p a r les
autorités com pétentes en cette m atière ?
D ’a ille u r s , ces actes a d m in istratifs, ces procès v e r b a u x des
agens forestiers, s’ ils n ’ont été retenus au p rocès q u e co m m e des
co m m e n ce m e n s de p re u v e p a r é c r i t , ils sont fa cile m e n t corrorb o ré s par les enquêtes. C ’est là q u e la p résom ption déjà acquise
a u sieur D e l s u c , p résom ption q u i tendait à faire cro ire à H
�( 33 )
conservation d ’un droit dont la C o u r avait p ro cla m é l ’e x isie n c e
p a r son a r r ê t , v ie n t r e c e v o ir son com plém ent.
l’en ferm é
dans
Tout y
sera
ces tém oignages : la d é livra n ce , com m e les
m o ye n s de l ’attester ; l ’em p lo i d u marteau destiné à m arqu er les
a r b r e s, com m e le p a y e m e n t de la re d e v a n c e ; e n f i n , la déclara
tion d u p ro p riéta ire de la forêt , portant q u e la délivrance
v a la it, à e lle s e u le , u n e qu ittance. O n y verra constam ment le
p ro p rié ta ire de la f o r ê t , o u ses agens , en présence des ferm iers
d u dom aine de la G u i è z e , assister a u x distributions d u b o i s ,
ne les contester jamais, et im p rim e r ainsi fo r c e et e x é cu tio n a n
n u elles a u x titres de l ’usager.
L e s tém oins produits p a r le sieur Desaulnats lu i-m ê m e v ie n
d ro n t rapp eler l ’expression de l ’op in ion p u b l i q u e , en î-econnaissant d e s 'd r o its q u e la p lu p a r t d ’entr’e u x on t toujours vu
e x e rc e r
sans opposition. C ’est aussi sous la promesse de ces
résultats ,* q u e l ’on p e u t in te r r o g e r , avec co n fia n c e , les déposi
tions re cu e illie s, et dire p a r avance q u e le sieur D e l s u c , q u i
n ’avait à p ro u v e r q u e qu elq u e s faits isolés, et passés dans le cours
des trente années avant la demande , est re m on té a u delà d u
term e fixé p a r l ’arrêt j il a surtou t co m b lé l ’intervalle des .deux
é p o q u e s, p ar des faits p lu s n o m b r e u x et p lu s détaillés q u e c e u x
mis à sa charge.
E n e ffe t , au lie u de s’a rrêter à l ’année 1 7 9 7 , p o in t de départ
r i g o u r e u x de la p r e u v e à f a i r e , et q u i co m p ren d le temps d u
sé q u e s tr e , le sieur D e lsu c a v S u lu dém o ntrer q u ’avant la m ain
mise d u G o u v e r n e m e n t, il y avait e u , co n tra d ictoire m e n t avec
le sieur L a b r o , ancien p ro p rié ta ire de la fo rê t de L a r o c h e ,
e x e rc ic e des droits d ’usage attachés au dom aine de la G u iè ze .
A v a n t d ’entendre les témoins sur ces actes conservateu rs, pas
sés sous leurs y e u x , on p e u t , en ce q u i con cern e le sieur L a b r o ,
ra p p e le r surabondam m ent la p re u v e écrite au p ro c è s , de la
reconnaissance d u droit ; elle se p u ise dans le contrat de mariage
�* s.
( 3 4 }
d u 19 o c to b r e 17 7 ^ , ce lu i de la dem oiselle B u r i n , fille de Jean
B u r i n , seign eu r de S t- P a r d o u x , avec le sieur Bleton , r e c e v e u r
des domaines. O n sait q u e les p ère et frère de la f u t u r e , en lu i
délaissant la p ro p rié té d u d o m ain e de la G u iè z e , y rattachèrent
f o r m e lle m e n t le droit d ’ usage j' et de prendre du lois dans la fo r ê t
de L a roch e, tout ainsi et de même que ledit B u rin p ère , ou ses
ferm iers, efiiont jo u i ou du jou ir.
U n e p are ille stip u la tio n , u n iq u e m e n t faite entre les m e m b re s
d ’ une m êm e fa m ille , ne p o u v ait sans d o u te être attrib u tiv e d 'a u
cu n droit sur la forêt de L a r o c h e , si déjà il n ’existait et n ’avait
r e ç u u n e e x é c u tio n lé g a le ; ce n ’ était pas là u n lien p o u r le p r o
priétaire grevé de la s e r v itu d e , et q u i n ’aurait pas assisté au
contrat de m a r ia g e , p o u r en a p p r o u v e r ou co n tre d ire les c o n
v e n tio n s ; mais telle nétait p as, en ce m o m e n t, vis-à-vis le sieur
de L a b r o , la position des parties contractantes; elles a g issaien t,
elles in d iq u a ie n t et précisaient leurs d ro iissu r la forêt de Laroche-,
en présence d u seign eu r lu i - m ê m e , o u q u o i q u e ce so it, d u
sieur C a q u e t , son a g en t, h abitant au ch âteau de L a b r o , avec la
q u alité dè capitaine des chasses et p êches de la terre d ç L a b r o .
C e c o n tra d ic te u r lég itim e a co m p a r u au contrat de m a riag e ;
il en a laissé é c r i r e , sans op position a u c u n e , toutes les clauses
relatives à la forêt q u ’il était spc'cialement ch a rg é de s u r v e ille r ,
et dont il devait b ie n connaître les usagers. Il n ’a pas contesté
le d ro it é n o n cé dans un acte so le n n e l; il a fait p lu s , il l’a for
m e lle m e n t a p p r o u v é par sa présence et p ar son silence. .L e sieur
C a q u e t , serviteu r zélé et d évo ué aux intérêts de son maître , n ’a u
rai t-il pas, à l ’in stan t, repoussé les prétentions de la fam ille
B u t i n , si u n titre a n c i e n , soutenu d ’un e lo n g u e possession,
n ’avait re n d u in u tile toute co n tra d ictio n à ce sujet?
. Aussi l ’ indication de ce droit incontesté, et de ses ch a rg e s,
a-t-elle successivement été insérée dans les b a u x à ferm e de 177^
et 1 7 7 8 ; et la C o u r e lle -m cm e , en im p rim a n t l'a u torité de la
�( 35 \
chose ju g é e , à l ’exisicn ce com m e à l ’e xercice légal des droits
d usage dans la forêt de L a r o c lie , depuis l ’année iG 5 /|, jo u r où
le droit a pris naissance, ju s q u ’en l ’année 1 7 9 7 , p oint de départ
des trente années de possession à p ro u v e r avant la d e m a n d e , la
C o u r , disons-nous, n ’a e ntendu p erm ettre dorénavant que la
cr itiq u e des tém oignages r e cu e illis dans le c e rcle p ar elle tracé.
C on sulton s donc les enquêtes.
P lu sie u rs témoins déposent des faits qu i se sont passés à l ’ép o q u e
o ù le sieur de L a b r o était en co re propriétaire de la forêt de
L a r o c h e ; c ’est, com m e on le v o it , rem on ter au delà des e x i
gences de l ’arrêt interlocutoire.
^
L e p rem ier de l'enq uête d ir e c te , P ierre C h a n e t , actuellem ent
âgé de soixante-seize ans, déclare q u ’il était d o m e stiq u e , il y
a en viron cinq uante ans ( c ’est-à-dire, en 1 7 8 0 ) , chez G a t i n i o l ,
fe rm ie r du dom aine de la G u iè ze : à cette é p o q u e , il est allé
p lusieurs f o is , d'après les ordres de son m a î t r e , ch e r c h e r du
bois dans la forêt de L a r o c h e . L a d élivra n ce a été e ffe c tu é e , à
c h a q u e f o is , par le nom m é S t-Jean, garde d u sieur de L a b r o ;
e lle portait tantôt sur du bois m ort a b a tt u , tantôt sur des arbres
m o r t s , mais en co re sur p i e d , q u e le g a r d e , à défaut de m a rtea u ,
m arqu ait avec la cognée d u t é m o in , en lu i défendant de c o u
p e r d ’autres arbres.
Cette d é p o sitio n , bien positive au moins p o u r les droits de
ch a u ffa g e , a été co rro b o ré e p ar ce lle du p re m ie r tém oin de la
co n tin u ation de l ’e n q u ê te , et ce lle d u d e u x iè m e témoin de
l ’enquête directe. C e d e r n ie r , Joseph C h a n e t , a été aussi le d o
m estique du ferm ier G a li n io l, en 1 7 7 2 , h u it ans avant l ’entre'e
de P ie r r e C h an et dans Je même d o m a in e; il est a llé , com m e
l u i , p ren d re souvent du bois de chauffage dans la forêt de .La
r o c h e ; il agissait avec la plus grande co n fian ce, car le ferm ier
lu i avait dit de n ’avoir au cu n e i n q u ié iu d e , M. Bleton ayant
droit dans celte forêt.
5.
�.
(
36
)
L e tém oin ajoute q u e si d u bois d ’usage o u de constru ction
n ’a pas été p r i s , c ’est q u e , p en dan t le temps de son s e r v i c e ,
a u c u n e réparation n ’a été faite dans le dom aine ; cependant il a
e n te n d u le fe rm ie r a n n o n c e r 'q u e lq u e f o is q u ’il y avait nécessité
de ré p a re r le sol de la maison d ’h a b ita tio n , et q u ’à cet e ffe t, il
faudrait a lle r c h e r c h e r d u bois dans la forêt de L a r o c h e .
V o i l à trois témoins d o n t les déclarations précises et c o n c o r
dantes sur les mêmes fa its, attestent positivem en t q u ’à l ’ép o q u e
où le sieur de L a b r o était e n co re p ro p rié ta ire de la forêt de
L a r o c h e , les droits attachés a u dom aine de la G u iè z e s’ex e rçaient dans l e u r p lé n itu d e . C ’est en présence d u garde d u sieur
d e L a b r o , c ’ est avec son consentem ent, et su r l ’indication p a r
l u i donnée de certains a r b r e s , q u e l ’usager faisait a n n u ellem en t
sa p rovision de bois de ch a u ffa g e . Si à cette é p o q u e , a u c u n bois de
co n stru ctio n n ’a été réclam é, c ’est seulem ent parce q u e la nécessité
d ’u n e réparation n ’élait pas d even u e u rg e n te. T o u te fo is , Joseph
C h an et déclare a vo ir parfaitem ent conservé le so u ven ir q u e le
f e r m ie r se p roposait d ’a lle r c h e r c h e r d u bois p o u r re m e ttre à
n e u f le sol de la maison d ’h abitation .
O n c o n ç o it , en e ffe t, q u e le d ro it d ’usage n ’est jias a stre in t,
p o u r sa co n s e rv a tio n , à u n e x e r c ic e a n n u e l et constam m ent r é
p é t é ; il se m aintient p a r le besoin de la ré p a r a tio n , q u i p e u t ne
se faire sentir q u ’à des intervalles é lo ig n é s; il renaît à ch a q u e
fois avec le besoin lu i-m ê m e ; tandis q u e le d ro it de chauffage
est de toutes les années, et co m p o r te des faits successifs de dé
liv r a n ce dans la m êm e p ério d e de temps.
A p r è s la constatation de ces faits de d é liv ra n ce , rem ontant a u x
années 1772 et 1780 , ¡faits q u e le sieur D e ls u c n ’était pas tenu
de p r o u v e r , nous arrivons à l ’c p o q u e o ù le sieur N e y r o n de la
T a r t iè r e , représenté a u jo u r d ’h u i p a r l e s ie u r N e y r o n - D e s a u ln a t s ,
est d e ve n u p ro priétaire de la te r r e de L a r o c h e . C ’est le 10 ja n
v ie r 1 7 8 5 , q u ’u n traité fait entre le sieur D u m as de L a b r o , le
�( 37 )
sieur Brassier et le sieur N e y r o n de la T a r liè r e , a assure' la m u
tation de p r o p r i é t é ; p ar l ’une des clauses, le sieur de L a b r o
entendait su b ro g e r le sieur de la T a r li è r e , sans néanmoins a u
c u n e g aran tie, dans tout ce qu i était r e la tif aux droits d ’usage
dans la forêt de L a r o c h e , et lu i cédait les redevances dues par
les usagers, à l ’eiTet de s’en faire p a y e r com m e il aviserait; le
tout à ses risques et périls.
Cette clause de non-garantie contre l ’ancien p ro p rié ta ire d é
m o n tre é vid em m en t que les litres constatant les droits d ’usage
et le montant des redevances dues p ar les u sa g e r s, ont passé dans
les mains d u sieur de la T a r t iè r e , lors de
1 acte de 1 78 6 ; la r e
mise de ces titres devenus inutiles au sieur de L a b r o ,• a d û suivre
nécessairement la transmission de la p ro p r ié té ; c ’était la consé
qu e n ce forcée de la clause de non-garantie ; car si l ’on mettait
h la ch arge du n o u ve a u p ro p rié ta ire tous les droits d ’u s a g e , il
fallait aussi q u ’on lu i fo u rn it tous les titres et p a p ie rs, au m o y e n
desquels il p o u rra it repousser des prétentions illégitim es ou
exagérées. L e sieur de la T a r tiè r e , en acceptant cette p o s itio n ,
conservait d o n c par-devers lu i les élemens propres à écarter tout
ce q u i tendi’ait à la ren d re p lu s mauvaise.
C e tte [explication ré p o n d ra it p ar avance , s’il était b e so in , aux
induction s présentées p a r le sieur Desaulnats, et résultant de ce
qu e le sieur D e lsu c n ’aurait r ie n d é co u v e rt sur l ’existence de
son d ro it ( ce q u i n ’est p lu s a u jo u r d ’h u i susceptible de contesta
tions) dans les archives d u sieur de L a b r o ; on pressent q u e cette
d éco u verte était devenu e impossible p ar le fait m êm e de la r e
mise de tous les p ap iers, notes et docum en s p rovenant du sieur
de L a b r o , entre les mains d u sieur N e y r o n de la T a r l i è r e , au
jo u r d u traité d u 10 ja n v ie r 1785.
T e l l e n ’est pas d ’a ille u r s, nous l'avons déjà d i t , la question
actu e lle d u procès.
A l ’é p o q u e o ù ce traité fut c o n s o m m é , et mêm e dès l ’année
�i 38, }
1781 , le sieur M anaranclie était établi dans la maison d u sieur
Desaulnats p è r e , à S t - P a r d o u x , e n qu alité d ’agent d'affaires :
c ’est lu i qu i percevait les p rix de fermes d ’ un grand n o m b re de
do m ain es, les renies d u village des A u ln a t s , les cens de la terre
de Cros et de la T a n i è r e , les redevances des usagers dans les fo
rêts de L a r o c h e et de C li i r o u z e ; il faisait m a r q u e r et d é liv r e r ,
en sa p ré se n c e , les bois destinés a u x usagers , etc.
U n e co m p ta bilité à la ,fo is considérable et c o m p li q u é e , e x i
geait des écritu re s assez r é g u liè re s : le sieùr Desaulnats p è r e ,
h o m m e in s tr u it, adm inistrateur h a b ile et é c o n o m e , résidait à
p ein e six mois de l’année dans ses p ro priétés de m o n tag n e ; mais
son agent d ’affaires lui rendait c o m p te , au mois u n e fois p ar a n ,
des recettes et d^s dépenses. C ’est aussi parm i les registres et les
n o m b r e u x papiers retro uvés dans la succession d u sieur Desaul
nats p è r e , et q u i étaient si décisifs p o u r la cause de l ’i n t i m é , que
le sie u r Desaulnats fils a d u connaître à la fois, et le d roit q u 'il
conteste a u jo u r d ’h u i , et le p ay e m e n t de la red eva n ce qui en
consacrait l’e x e r c ic e .
j ■ •
On^cônçoit son intérêt h re ten ir et d issim u ler toutes ces piqces
de c o n v ic t io n ; mais des déclarations de témoins vo n t su p p lé e r
fa c ile m e n t à ce silence.
I l en est deux- qui ra p p e lle n t notam m ent des délivrances faites
h l’é p o q u e o ù le sieur M an aran clie était l ’h o m m e d'affaires de
la maison D esaulnats; leurs dépositions ont été vive m en t atta~
. quéds ; tous les efforts de l ’investigation la p lu s scru p u leu se ont été
épuisés, dans l’ intention de les d é p o u i ll e r d e la confiance q u ’elles
m éritaient
ju stem ent.
Cette attaque se co m p re n d
a isém e n t,
lo r s q u ’ on sait qu e ces d e u x tém oins! en parlant de faits p erso n
nels , satisfaisaient ainsi à la d o u b le e x igÎ7e n c e de l’arrêt in terlo cn to ir e ; car ifs déposaient, en m êm e tem ps, sur la d élivran ce du
b o is , et sur le payem ent de la redevance. Q u e lle s ont été ces dépositions? c ’est ce q u ’ il im p orte d ’abord
�(V )
de connaître : nous p ou rro n s ensuite a p p récier les reproches.
L é g e r D u f a u d , troisième témoin de l ’enquête d i ie c t e , âgé de
cin q u an te ans , est le fils d ’ un ancien ferm ier du domaine de la.
G u i è z e , dans le q u e l il est entré à l ’âge de h u it ans, c’est-à-dire,
en 17 8 8 ; il y a d em euré pendant onze ans, c ’est-à-dire, jusqu’en
1 7 9 9 ; il déclare q u e , dans cet in te r v a lle , il est a l l é , non-seule
m ent p re n d re très-ordinairement d u bois de chauffage dans la
forêt de L a r o c h e , soit en p ré se n c e , soit en l'absence du g a rd e ,
mais en co re q u e d e u x ou trois ans après l ’entréè dans ce do m ain e,
en 1790 o u 1 7 9 1 , on eut besoin d ’ un p a r c , et q u e la délivrance
du bois a été laite par lé no m m é T a iJ e t , garde du sieur D esaulna ts; il en fu t'd e mêm e p o u r la réparation d u sol de la grange :
la d élivra n ce d u bois a été faite p ar le mêm e g a rd e , à un e ép o q u e
q u e le tém oin f ix e , u o is ou quatre ans avant sa sortie du d o
maine. . •
I l ne p e u t assurer si ce garde m arquait lès arbres d ’u n m a r
teau forestier ou de toute autre em p rein te , p arce q u ’éiant encore
je u n e , et plus spécialem ent ch argé de la surveillan ce des be s
t ia u x , il laissait a u x do m estiqu es, plus robustes qu e lui,, le soin
d ’abattre les arbres qu i le u r étaient m arqués. Mais il déclare se
ra p p e le r p ositivem en t q u e le bois n ’était jamais abattu ni enlevé
h ors la présence o u sans l ’autorisation du garde.
L e troisième tém oin de la co ntinu ation de l ’e n q u ê te , p arle de
faits semblables de délivrance d ’usage. Jean B r u g e a i l , âgé de
67 a n s, déclare en effet q u ’il y a trente-sept ou tre n te -h u it ans,
et p eu t-être p lu s , étant au service du sieur Bleton , à T a u v e s,
ch ez le q u e l il a d em eu ré onze ans, les ferm iers de la G u iè ze vin
re n t p ro ve n ir le sieur B leton q u e la-toiture de la grange du d o
maine avait été abattue par les vents : c e lu i- c i se
rendit aussitôt
à S a in l- P a r d o u x , en rapporta u n b ille t d u sieur M a n a r a n c h e ,
h o m m e d ’affaires d u sieur Desaulnats, qu i l'autorisait- à faire
c o u p e r le bois nécessaire aux réparations ; ce b ille t fut r c n '« pu
�t é m o i n , avec re com m a n d a tio n d ’a lle r p r é v e n ir le ch a rp e n tie r
d u sieur B le t o n , et les gardes de la forêt. L e s arbres ont été
m arqués par les gardes, et enlevés p ar les soins d u ch a rp e n tie r
et d u tém oin.
U n e d e u x iè m e fois, la maison e lle m êm e d u fe rm ie r ayant eu
besoin de ré p a ra tion s, le sieur B le to n ob tin t égalem ent l ’autol’isation de faire c o u p e r , dans la fo rê t de L a r o c h e , le bois qui
lu i était nécessaire; ce bois à été aussi m a r q u é et enlevé.
.L e s ferm iers d u dom ain e avaient l ’o r d r e le p lu s exp rè s, d onné
p a r le sieur B l e t o n , de n e jamais c o u p e r des arbres v i f s , sans
q u ’au p réalable ils n ’eussent été m a rq u és suivant les indications
d u p ro p r ié ta ir e de la forêt.
_
T e lle s sont, en substance, les d e u x dépositions des tém oins
critiq u és p ar l ’appelant. D ès q u ’on les co n n a ît) i l est facile de
c o m p re n d re l ’intérêt d u sie u r D esaulnats.à en alFaiblir la fo rce ;
mais il n ’est pas moins facile h eu reu se m e n t de repousser les c o n
tradictions q u ’on a b ie n v o u j u le u r p rê te r .
L ’ un de ces tém oin s, L é g e r D u f a u d , n 'a u ra it p u , a dit l ’a p
pelant , v o ir la d é livra n ce de bois de co n stru ctio n p a r le garde
T a l l e t , puisque ce garde était alors mort depuis plusieurs années ;
il avail été assassiné, dès 1792 , dans la jo r ê t même de Laroche :
Vacte de son décès le prouve.
A cet é g a r d , il est u n e d istin ctio n à f a ir e , et q u e le tém oin
lui-mêtne n ’a pas m an q ue de déposer. II r a p p e lle d e u x faits sé
parés de d é livra n ce d ’usage p ar le garde T a l l e t , et in d iq u e d e u x
épo ques différentes.
U n e p rem ière fois, d e u x o u trois ans après son entrée dans
le dom aine de la G u iè z e ( c ’était en 1790 o u 1 7 9 1 p u is q u e l ’e n
trée rem ontait à 1788) , T a l l e t , g a rd e d u sieur Desaulnats p è r e ,
et r e c o n n u com m e t e l , avait d istribu é du bois p o u r la co n stru c
tion d ’un p arc. Il est hors de doute q u e ce p re m ie r fait est an
té rie u r au décès de T a l l e t , qu i n ’a e u lie u q u ’en 1792 ; il n ’y a
�( 4i )
'
d o nc là a u cu n e contradiction ni r é e lle , ni apparente : la d écla
ration reste ici dans toute sa force.
Il est vrai q u e le m êm e tém oin parlerait d ’ une a u tre délivrance
faite p ar le m êm e g a rd e , p o u r les réparations d u sol de la grange,
trois 011 qu atre ans avant sa sortie d u d o m a in e , et q u i viendrait
se p la ce r vers l ’année 179S ou 1799, é p o q u e du séquestre.
L ’im possibilité de cette d é livra n ce serait dès lors attestée, à
Cette é p o q u e , p ar le décès d u garde. C o m m e n t, s’é c r ie - t- o n ,
ajo uter confiance à la déposition d ’un tém oin si complaisant P
L a réponse à cette observation qui paraît ju ste en e lle-m ê m e ,
au p re m ie r aspect, se puise dans les détails fourn is p a r le tém oin
lu i- m ê m e : on r e m a rq u e d ’abord q u e si l ’e r r e u r sur le temps
p récis de la d é livra n ce est é v id e n te , elle p e u t cependant ne pas
e n le v e r à l ’existence du fait m atériel toute sa r é a lit é ; d ’un autre
•côté, l ’âge en co re tendre de ce tém oin , au m om ent o ù les distri
bu tion s ont eu li e u , n'a d û lui laisser q u ’un so uven ir p e u fidèle
sur la date; tandis q u ’au c o n tra ir e , des circonstances p lu s faciles
à re ten ir frappaient nécessairem ent l ’esprit d ’ un enfant : c ’était
la présence du m êm e garde assistant à d e u x délivrances; c ’était
l ’objet de ces délivrances profitant a u m êm e dom aine h ab ité p a r
le tém o in , l ’un e servant a la construction d ’un p a r c , l ’antre à la
réparation d u sol de la gran ge.
V o ilà les impressions jîrem ières et durables q u i se sont natu
rellement. placées dans la m ém oire et ont p u s u r v i v r e , in d é p e n
dam m ent de la vérité de la d a te; de pareilles impressions servi
r a ie n t , au b e so in , à rectifier la date faussement énoncée. Les
d e u x faits ont pu se succéder à p eu d ’in te r v a lle , et les deux dis
trib ution s être l ’œ u v r e du garde T a lle t. C ’est ce q u e le souvenir
d u témoin a dû conserver co m m e chose certaine et positive; c est
aussi ce q u ’il faut a d m e ttre , sans q u e le démenti de la date d o n
née pat- le tém oin puisse l ’e m p orter.
Au. su r p lu s , le p re m ie r fa it, r e la tif à la d é livra n ce de bois
6
�( 42 )
p o u r u n p a r c , esi hors de toute contestation ; il reste au p ro c è s,
p o u r a ccr o îtr e les faits déjà p ré c é d e m m e n t é ta b lis , et attester
l ’e x e rc ic e c o n tin u des m êm es droits d ’usage, a u v u , au s u , et d u
co n se n te m e n t d u p ro p rié ta ire de la fo r ê t.
Q u a n t à la déclaration d u d e u x iè m e t é m o i n , Jean B r u g e a il ,
q u i ra p p e lle ra it des faits de d é livra n ce rem on ta n t exclusivem ent,
ainsi q u ’o n le p r é t e n d , à 1792 o u 1 7 9 3 , c ’ est-à-dire, a u c o m
m e n c e m e n t d u séqu estre, et q u i auraient e u lie u de la part d u
sieur M a n a r a n c lie , agent d ’affaires d u
sieur D e sa u ln a ts, on a
d it et l ’ on devait dii’e avec raison ( e n adoptant u n p are il p o in t
de d é p a r t ) , q u e le sie u r M an aran clie n ’avait évid e m m en t a u c u n e
autorisation à d o n n e r à cette é p o q u e , p u is q u e c ’était le sieur
B le t o n lu i-m ê m e q u i , c o m m e r e c e v e u r des dom aines, régissait
la f o r ê t séquestrée.
M a is u n e sim p le e x p lic a tio n fo u rn ie p a r le tém oin lu i-m ê m e ,
lo rs de sa dé p o sitio n , rép o n d a it e n co re à l ’o b je c tio n de l ’ap p e
lant. I l suffit, en e lf e t, de lir e attentivem ent cette d é p o sitio n ,
p o u r lu i co n server toute la fo rce et to u te la co nfiance q u i d o i
v e n t l ’e n t o u r e r ; c a r i e tém oin n e s’est pas u n iq u e m e n t restreint
à fix e r ces délivrances émanées d u sie u r M a n a r a n clie , à tre n te sept o u tre n te -h u it ans é co u lés au jo u r d e la déclaratio n ; il a aussi
a jo u té ces m o ts, et peu t-être plus : il a d o n c laissé u n e plus g ra n d e
la titu d e à la déterm in atio n vraie de l ’é p o q u e o ù les délivrances
ont été faites; et p o u r la r é g l e r avec p lu s de c e r t it u d e , c ’est l u i m ê m e q u i c o m m e n c e , avant d ’e x p o se r les faits à sa connaissance,
d ’a n n o n ce r q u ’il y a trente-sept o u tren te-h uit a n s , et peut-être
p lu s , a-t-il a jo u té , q u ’ élant au service d u sieur B l e t o n , il a v u
les fe rm ie rs de la G u iè z e a r r iv e r à T a u v e s , et p r é v e n ir q u e la
to itu re de la grange avait été a battue p a r les v e n t s , etc.
L e tém o in n ’a d o n c pas resserré dans le c e r c le de la p é r io d e
r e te n u e p a r l ’a p p e la n t, ce q u i était à sa connaissance perso nnelle,
et ce q u i pouvait c o n c e r n e r soit le sieur B l e t o n , soit le sieur
�( 43 )
M anaran clie. L a m é m o ire d ’u n c u lt iv a t e u r , toujours p lus fidèle
sur les circonstances des faits dont il d é p o se , qu e sur le u r date
p ré c ise , n ’était pas m ê m e en défaut dans ce cas p a r t ic u lie r ,
p u is q u e Jean B r u g e a i l , en se présentant devant le conseillercom m issaire, avait pris la p ré c au tio n de tém oigner de son em
barras h fixer avec ce rtitu d e l ’é p o q u e de ces faits; c ’est ce qui
e x p liq u e , après u n e in d ica tion a p p ro x im a tiv e de trente-sept ou
tren te-h uit ans, ces m o ts, et peut-être plus.
C ’en est assez, sans do ute, p o u r effacer e n c o r e , sous ce n o u ve a u
r a p p o r t , les critiques de l ’a p p e la n t; un e le c t u r e p lu s attentive
les aurait d ’abord écartées.
A i n s i , de tous ces prem iers faits d é c o u le la p re u v e acquise et
incontestable q u ’au j o u r d u séquestre de la forêt de L a r o c h e , en
i j ( j i , les droits d u sieur B leto n étaient entiers p o u r le chauffage
co m m e p o u r l ’ usage.
Ont-ils été conservés pendant la d u ré e d u séqu estre; c ’est ce
qu i ne p e u t d o n n er lie u à a u cu n e difficulté.
D e n o m b r e u x p ro cè s vei’b a u x sont rapportés ; ils justifient des
délivrances faites au sieur B leto n q u i , p a r lu i o u le sieur R e b o u l,
agissant dans u n intérêt c o m m u n , avait e u le soin de déposer son
titre au secrétariat de la p ré fe ctu re . L a m ain ten ue dans la pos
session avait été déterm in ée p ar l ’avis d u conservateur des eaux
et forêts, e t, en e x é cu tio n d ’i c e l u i , les distributions de bois d ’u
sage et de chauffage avaient co n tin u é.
T o u t e f o i s , il faut le recon n aître , ces d é liv r a n c e s, co m m e on
l ’a d i t , sem blent être provisoires seulem en t : les procès verbaux,
.ainsi q u e les actes administratifs pro duits dans la cause, r e n
fe rm e n t, au p ro fit d u p ro p r ié ta ir e , telles réserves et restrictions
de droit, s i le cas y éch et; mais il im p orte de rapp eler i c i , ce
q u ’on a déjà fait r e m a rq u e r a ille u r s , qu e ces réserves, tout à fait
m omentanées et presque de f o r m e , ont d û s’évan o uir b ie n t ô lj
p a r l ’ effet d ’u n e décision définitive q u e le conseil de p réfectu re
�( h\ )
'
avait r e n d u e , et qui se tro u ve é n o n cé e au d e rn ier p rocès verbal
de d é liv r a n c e , ce lu i du
•
5 août 1808.
D ès ce m om ent ( l'in s p e c t e u r des eaux et forêts le déclare lu i-
m êm e dans ce p ro c è s v e r b a l) , la situation des usagers qui ont fa it
les dépôts de titres, en conformité de la lo i du 28 ventôse an 1 1 , et
qui avaient été provisoirement adm is, par un arrêté du préfet du
P u y -d e -D ô m e , du 18 thermidor an 1 2 , à jo u ir des droits que ces
dépôtsfaisaient présum er, est devenue plusfavorable, par la décision
positive que le conseil de préfecture a rendue en fa v e u r de la plupart
des usagers.
L e sieur B leto n se trouvait n a tu re lle m e n t p la cé dans cette si
tuation in d iq u é e p ar l ’in sp ecte u r des e a u x et forêts; il devait dès
lo rs en r e c u e illir tous les avantages : c o m m e n t, en e ffe t, auraitil p u m a n q u e r a u x p re scrip tio n s de lo is , q u ’en sa qu alité de
r e c e v e u r des domaines et de régisseur de la forêt de Laroclie., il
était tenu de co n n a ître m ie u x q u e j^ersonne?
C ’éiait p o u r l u i u n e nécessité d ’intérêt et de p o s itio n , q u e de
se m ettre en m esure vis-à-vis l ’a u to rité adm inistrative.
M ais il y a plus e n co re : et la C o u r s’est empressée de le d écla
r e r p ar l ’ un des m otifs de son arrêt : c ’est q u e le sieur B le to n ne
p o u v ait pas e x e r c e r a u tre m e n t scs droits. S era it il d o n c a u jo u r
d ’ h u i f r a p p é , p arce q u ’il a u r a it e x é c u t é , p o u r la conservation
de la c h o s e , les o b lig atio n s rig o u re u se m e n t imposées p ar la loi
du temps? F a u d ra it-il ê tr e , à son é g a r d , p lu s sévère q u e la loi
e lle -m ê m e ?
Dans tous les cas, ces délivrances provisoires, si l ’on v e u t , p r é
sentent ce caractère précieuJc q u ’on ne peut le u r e n le v e r ; c ’est
q u ’elles arrivaient à la suite d ’autres d élivrances légalem ent fa i
tes; c ’est q u ’a 1 é p o q u e du séqu estre, en 1791 , les droits du sieur
B le to n étaient a
1 a b ri de toute p re sc rip tio n ; c ’est q u e le u r e x e r
c i c e depuis 1791 ju s q u ’en 1 8 0 9 , é p o q u e de la réin tégration de
1 ancien p r o p r i é t a i r e , dans les termes c l avec le m ode déterm inés
�( -'|5 )
p ar les lois transitoires, a conservé au passé tout son b é n cfic e, et
a revêtu d ’une présom ption légale et perm anente des droits mis
à p ro fit en p résence de l ’E iat ou de ses agens, légitimes contra
dicteu rs, et q u i n ’ont p r o n o n c é a u cu n e déchéan ce.
C ’esL au moins le résultat q u ’ il faut a cce p te r , au m ilieu de cette
in ce rtitu d e de législation , pendant la d u ré e du séquestre. Il nous
Suffit de savoir qu e le sieur Bleion l ’a traversé ave c des droits
toujours intacts, toujours exercés; com m e ils p o u v a ie n t , co m m e
ils devaient l ’être à cette épo que.
E n 1809, à la rentrée du sieur Dcsauînats dans la forêt de L a
r o c h e , l ’o rd re déjà établi a été co m p lètem en t r e sp e cté ; le n o u
veau p ro p rié ta ire n ’a pas c h e r c h é à contester les droits du sieur
B l e i o n , ni ce u x des autxcs usagers, dont il avait lu i-m ê m e une
parfaite connaissance. T o u s les p ap ie rs, tous les litres destinés à
l ’é cla ire r sur le n o m b re des usagers, co m m e sur l'éten d u e de
le u rs droits e i de leurs ch a rg e s, s’étaient retro uvés dans la su c
cession du sieur Desaulnals p è r e , et indépen dam m ent de ces renseignem ens faciles à r e c u e i lli r , l ’appelani avait e n co re auprès de
l u i , en 180g, le sieur M a n a r a n c lie , ancien s e r v ite u r , décédé
seulem en t en 1 8 1 2 , q u i , pen dan t longues années, avait p r é c é
d e m m e n t fait m a r q u e r et délivre r le b o is, et p erçu les redevances
des usagers.
E n vain s’est-on c o m p lu à présenter l ’appelant com m e in h ab ile
à ju g e r , dès les prem iers m oin ens, les droits du sieur B le io n , et
c e u x d ’autres réclam ans; en vain a-t-on dit qu’ en se montrant alors
trop sévère, il eût crainl d ’être injuste ; il crut donc devoir accorder
du l/ois, en attendant q u 'il p û t vérifier les titres.
U ne p a re ille c o n d u it e , lo u ie laudative d ’ailleurs p o u r le sieur
Desaulnals , p o u r r a -t-e lle être a c c u e illie sans opposition ? faudrat-il admettre avec c o n fia n c e , q u e le p re m ie r sentiment d ’ un
p ro p rié ta ir e , justement soigneux de ses intérêts, h abitué à les r é
g l e r avec o rd r e , h ab ile à les
p ro tég er,
ait été aussi empressé
�< 40 ) _
.
c l aussi b é n é v o le ? faudra-t-il re co n n a ître de b o n n e f o i, q u e la
crainte d ’u n e injustice ait d o m in é l ’esprit d u sieur Desaulnats ,
lo r s q u ’il n ’avait pas p ré a la b le m e n t v é r ifié , ainsi q u ’il v e u t bien
le d i r e , le titre justificatif’ de sa p ré te n tio n ?
F a u d r a - il c ro ir e enfin , q u e l ’appelant a r é p u d ié tous les avan
tages de sa p o s i t i o n , en 1809; q u ’il ait n é g lig é de co n su lte r tous
les anciens re gistres, tous les papiers de fa m ille entre s e s m a in s r
et q u ’il n ’ait pas m êm e in terro g é celu i q u i p o u v ait tout lu i d ir e ,
to u t lu i a p p r e n d r e , le sieur M a n a ra n ch e ?
Y o i l à , il fa u t en c o n v e n i r , de n o m b r e u x élém ens à la portée
de l ’a p p e la n t, et q u i devaient fixer incessamment la position des
usagers à son égard. E h b ie n , à l’en c r o ir e , ils auraient éclairé n o n
pas un sentim ent de ju stice, le p r e m ie r q u ’ils d evaient faire naître,
mais u n sentim ent de b ie n v e illa n c e q u ’o n ne dem andait p a s,
p a rce q u ’on l ’a cco rd ait co m m e u n e faveur.
L ’é lo g e , nous ne craignons pas de le d i r e , p e u t avo ir sans d o u te
son cûlé séduisant : mais la vérité m ise au gran d j o u r , ne lu i
d o n n e r a it - e lle pas q u e lq u e fo is u n dé m e n ti?
N o u s allons e n co re no us en a p e r c e v o ir , en p a rco u ra n t r a p i
dem en t les dépositions des tém oin s, sur les délivrances faites p a r
le sieur D e sa u ln a ts, depu is 1809; c a r i e caractère q u i les en toure
p r o u v e r a évid em m en t q u ’elles n ’avaient rie n de p ro visoire, et qu e
le p ro p rié ta ire de là f o r ê t , en les e f fe c t u a n t , entendait r é e lle
m ent consacrer la reconnaissance d ’un d ro it ju s q u ’alors e x e r c é ,
et no n pas fa ire des concessions m om entanées à des rapports de
b o n voisinage.
I l suffira de r a p p e le r q u e lq u e s dépositions des n o m b r e u x té
m o in s déposant sur ces faits.
L e c in q u iè m e tém oin de l ’e n q u ê te d i r e c t e , an cien g ard e de la
fo rê t de L a r o c h e , et q u i , p lu s tard , après la levée d u séqu estre,
passa au service de M . Desaulnats pendant c in q années, dépose
q u e lo rsque ce lu i- c i avait été réin té g ré dans sa p r o p r ié té , il lu i a
�(
47
)
e ntendu dire au n o m m é Chassagne , fermier- du dom ain e de lu
G u i è z e , q u i lu i demandait d u bois de c o n s t r u c t io n , qu’ il ne lu i
en marquerait p oin t, tant qu’ il ne payerait pas la redevance.
C o m m e on le v o i t , le d roit d ’ usage n ’était donc pas conlesté
en lu i-m ê m e ; le sieur^DesauInats le reconnaissait, au co n tra ir e ,
fo rm e lle m e n t, p u is q u ’il n ’en faisait dé p e n d re l ’e x e rc ic e qu e d ’un
fait perso nnel au fe rm ie r , celu i du p ay e m e n t de la red evance.
N o u s verron s b ie n lô t qu e ce p ay e m e n t a été effectué avec
e xa ctitu d e . U n e seconde circonstance est ra p p e lé e p ar le m êm e
tém oin : e lle est rela tive à un autre fe rm ie r d u do m ain e, appelé
Goigou-Baraille -, il e u t besoin de bois p o u r réparation des bûtim e n s , depuis la p o rte de la g ran ge , au-dessus de la maison , j u s
q u ’au f o u r : la délivrance en fu t opérée p a r le sieur Desaulnats
et p ar M i c h e l, son d o m e stiq u e , remplissant égalem ent auprès
de lui les fonctions de g a r d e , et d 'h om m e de confiance.
L e tém oin n ’affirme pas, il est vrai, q u e M . D esaulnais était
présent à cette d é liv r a n c e , mais il assure qu e M i c h e l a m arqu é
et d élivré le b o is, ce q u i devait être facile p o u r ce d e r n i e r ; car,
dit le d é p o s a n t, lorsque M . Desaulnats était absent, son domestique
M ich el était porteur du marteau propre à marquer le Lois.
L e d om estiqu e avait en effet la p lu s grande confiance de son
m aître : c ’est lu i q u i , depuis plusieurs a n n ées, connaissait le
n o m b r e et les droits des usagers : c ’est lu i qu i rem plaçait le sieur
D esaulnats, et m a r q u a it, en son a b se n c e , a\ec le marteau fo
restier laissé entre ses m ains, les arbres de chauffage et d ’usage.
A u s s i, q u e l q u e soit le doute à é le v e r sur la présence du sieur
D e sa u ln a ts, a u j o u r de la d élivran ce faile au ferm ier G o i g o u ,
p o u r les réparations des bâtim ens de la G u i è z e , il faudra toujours
r e c o n n a îtr e q u ’il y a ce rtitu d e acquise p ar la déclaration du té
m o i n , sur la présence d u dom estique M i c h e l , représentant en ce
p o in t le p ro p riéta ire de la f o r ê t, et caractérisant la d é livra n ce
q u ’il e ffe c tu a it , p a r le signe le m oins é q u i v o q u e , l ’e m p rein te du
m arteau d o n t il était le p o rte u r.
�I
( 4.8 )
L e h u itiè m e tém o in , ferm ier du dom aine il y a q u in ze a n s ,
et qu i était a llé à plusieurs fois dans l ’arrière saison, c h e r c h e r d u
Lois de chauffage, atteste égalem ent q u e ce bois avait été m a rq u é
p ar M i c h e l , désigné par lui co m m e garde du sieur D esaulnats,
et q u i se servait à cet effet d ’ un marteau forestier.
T e l était d o n c l’o rd re établi p a r l ’a p p e la n t, en son a b s e n c e ,
afin de satisfaire a u x besoins des usagers, q u e des circonstances
im p ré v u e s, surtout p o u r les bois de c o n s t r u c t io n , p o u v a ie n t faire
naître tout à co u p ; ils tro uvaient sans re ta rd , auprès d u garde
M i c h e l , les m o yen s d ’o b te n ir
ré g u liè re m e n t ce q u e le sieur
Desaulnats n ’aurait p u le u r refuser.
L e septième tém oin, qu i est en co re u n an cien fe rm ie r, parle de
b o is de chauffage m arqués et d é livrés par le sieur D esaulnats; il
avait d ’a b o rd d é cla ré q u e c e lu i- c i lu i avait aussi d é liv r é d u bois
p o u r réparations a u x bâtim ens du d o m a in e ; mais en co n su lta n t
m i e u x ses so u ven irs, il dépose q u e ce bois de co n stru ctio n a été
r é cla m é et r e ç u p a r le sie u r B le t o n , sans p o u v o ir toutefois se
r a jip e le r par q u i il fut m a rq u é et d é livré .
Cette différence établie p ar certains tém oins, qu an t a u x p e r
so nnes, p o u r r e c e v o ir le bois de ch auffage o u d ’usage, se c o m
p r e n d aisément par la destination de l ’objet d é liv ré , et l’intérêt d u
p ro p r ié ta ir e d u d o m ain e dans l ’u n o u l ’autre cas. S ’agissait-il d u
bois de ch auffage? le fe rm ie r était a p p e lé en p re m iè re l i g n e , à
s’ en o c c u p e r ; il devait faire p o u r l ’h iv e r la provision du dom aine;
ce soin le tou ch a it p a r tic u liè r e m e n t; c ’était en q u e l q u e sorte sa
chose p r o p r e . S ’agissait-il, au c o n t r a ir e , d u bois d ’usage? la
position ri’était p lu s la mêm e; il fallait alors rép a rer u n bâtim ent
d o n t la conservation ne devait intéresser q u e seco ndairem en t le
f e r m i e r , et intéresser p lu s sp écialem ent le p ro p riéta ire : la p ré
sence de c e lu i- c i, qu i n ’était pas d ’ailleurs d ’o b lig a t io n , p o uvait
dans ce ca s, n a tu r e lle m e n t in te r v e n ir avant c e lle d u ferm ier.
C ’est ce qu i est a rriv é dans les circonstances indiquées pur le
�^
( 4 9 )
septième tém oin. I l a r e ç u , en sa qu alité de ferm ier, le bois de
ch a u ffa g e , et le sieur B le t o n , intéressé à surveiller le c h o ix des
a rb re s, a r e ç u le bois d ’usage. Cette e x p lic a tio n , qu i doit s’a p
p liq u e r à d ’autres déclarations de tém oins, p e u t faire com prendre
aisément q u e tous les ferm iers q u i se sont succédés dans le do
m aine de la G u ie z e , n ’ont pas toujours assisté à la m arque et dé
liv r a n ce im médiate d u bois destiné aux réparations; ils n ’arrivaient
’ souvent dans la forêt qu e p o u r ex p lo ite r les a rb re s, c ’est-à d i r e ,
p o u r c o n s o m m e r l ’opération p réalablem ent et contradictoirem ent
arrêtée entre le p ro priétaire d u domaine et celu i de la forêt. I l
fa u t en co re ajouter qu e la nécessité d u bois d ’u s a g e , n ’a pas d û
se faire sentir aussi souvent q u e ce lle d u bois de chauffage.
L e s n e u v iè m e et d ixièm e témoins de l ’en qu ête directe p arlen t
de faits co ncernant à la fois la possession du s ieur B leto n et ce lle
d u sie a r D e lsu c ; ils constatent tous d e u x des délivrances de bois
de chauffage et d ’usage : c ’était tantôt le sieur Desaulnats q u i fai
sait m a rq u er et dé livre r le bois en sa p ré se n c e , tantôt le garde M i
c h e l se u l, entre les mains d u q u e l était déposé le marteau forestier.
L e n e u v iè m e tém oin dit a vo ir e u beSoin, à d e u x lois, de bois
d e co nstru ctio n p o u r ré p a re r d ’a b o rd le sol de la g ra n g e , et
ensuite u n e petite étable : les réparations ont été faites p a r le
ch a rp e n tie r G a y : dans les d e u x circon sta n ces, on avait p ris dans
la forêt de L a r o c h e , le bois qu i avait été préalablem ent m arqu é.
Ces d e u x témoins s’accordent à dire q u e l ’ex e rc ic e des droits
appartenant a u dom aine de la G u i è z e , n ’a jamais été contesté par
le sie u r Desaulnats lu i-m ê m e , q u i n e réclam ait q u ’u n e chose
à c h a q u e dem ande en d é liv ra n ce , s a v o ir , le p ayem en t de la
r ed eva n ce. A p e in e ce p a y e m e n t , s’il avait été retardé p ar la
n é g lig e n ce d u. f e r m i e r , était-il e f f e c t u é , q u e la délivrance s’e x é
cutait sans a u c u n e autre opposition.
P a rm i les autres témoins de l ’enqu ête directe, il en est encore
d e u x q u i v ien n en t à l ’ap p u i des mêmes faits, déjà si b ie n cons-
7
�( 5° )
tatés. L ’u n d ’e u x , le o n z iè m e , fe rm ie r du dom aine depuis Iiuit
ans, dépose q u e , pendant les qu atre p rem ières années, il est allé
p re n d re d u bois de c h a u ffa g e , d e u x fois par a n , au printem ps
et h l ’autom ne. S i x délivrances lu i on t été faites p a r le sieur
D e sa u ln a ts, et d e u x autres p ar son garde M i c h e l.
I l ajoute q u ’à u n e é p o q u e où les vents avaient abattu u n e
quantité d ’arbres assez co n sid érab le p o u r entraver le passage
des hom m es et des b e s tia u x , le bois q u i fu t alors d é liv r é p o u r
le c h a u ffa g e , avait été p r é c é d e m m e n t du marteau par le
sieur Desaulnats.
C ette p ré c au tio n d u p ro p rié ta ire de la fo r ê t, répétée à c h a q u e
d é liv r a n c e , d é m o n tr e , co m m e on p eu t aisém ent le p ressen tir,
q u e , dans cette circo n sta n c e , co m m e dans toutes les autres déjà
r a jip e lé e s , la distribu tion d u b o is , au m ilie u des dégâts o c ca sionés p ar les vents, n ’était pas sim plem ent faite à litre de b o n
AToisinage; car a u trem en t à q u o i bon l ’e m p rein te d u m a r t e a u ?
E l l e ne devenait ici néccssaii’e q u e p a rce q u ’en consacrant u n
d r o i t , e lle consacrait u n e ch a rg e.
L ’autre tém o in , le d o u z iè m e , est le n o m m é G a y , ch a rp e n tie r ;
il a , co m m e on le sait, été ch a rg é de différentes réparations a u
dom aine de la G u iè z e .
I l dépose q u e , p o u r faire ces réparations au sol de la g ra n g e
ci à l’habitation m êm e d u fe rm ie r, sur le d e r r iè r e , à l ’aspect de
n u i t , les bois on t été pris , il y a h u it o u n e u f a n s , dans la fo rê t
de L a r o c h e , et marqués par M . Desaulnats et son g a r d e , en sa
présence ( d e lu i d é p o s a n t ), et en c e lle du sieur D e l s u c , sans
n éanm oins afiirmer q u e celui-ci était p ré s e n t; mais il p en ch e ce
p en d an t à cro ire q u e M . D e ls u c a d û assistera c e lle opération ,
p arce q u ’on ne m arqu ait pas ord in a irem en t du bois en son a b
sence.
C e n o u v e a u fait de d élivran ce , aussi bien caractérisé, sera-t-il
égalemeint considéré p a r le sieur Desaulnais, co m m e l ’elfel d ’un e
�to lé ra n ce , ou le résultat d ’un bo n voisinage? U n e sim ple obser
vation repousserait de semblables explications. Si ce fait eût
a p p a ru seul au p r o c è s , il remplissait le voeu de l ’arrêt in te r lo
c u t o i r e , en ce qu i co n ce rn e la délivrance d u bois d ’usage, qui
ne se re p ro d u it pas annu ellem ent. Il aurait attesté q u e , clans le
cours des trente années antérieures a la dem an de, la délivrance
d u bois de, construction avait été fa ite , au m om ent de la néces
sité, au v u , au su, et du consentement du propriétaire; dès lors la
p re u v e mise à la ch arge de l’in tim é, sous ce rapport, était a c c o m
p lie .
Mais le sieur D elsu c n ’est pas r é d u it, co m m e on-a p u le v o ir ,
à in v o q u e r un fait u n iq u e de d é liv r a n c e , soit p o u r le droit d ’u
sage, soit p o u r le droit de chauffage. C e lu i q u i vient d ’être r a p
p e lé p ar le tém oin G a y , se ré u n it à tous les faits n o m b r e u x
déclarés par les autres témoins; ils s’enchaînent m u tu e lle m e n t ,
et co n tin u e n t, de l ’ un à 1 a u tre , cette possession légale q u i n ’a
jamais été in t e r r o m p u e , et qu e les anciens , com m e les n o u v e a u x
pro priétaires de la forêt de L a r o c h e , ont toujours respectée.
C ’est ainsi q u ’une seule et m êm e possession, ce lle des sieurs
B leto n et D elsU c, se trouve successivement établie p ar ra p
p o r t au sieur de L a b r o , au g o u v e rn e m e n t, et au sieur Desaulnais.
L e provisoire p e u t-il co m p orte r un e p areille d u r é e ? L a tolérance
est-elle aussi lo n g u e m e n t g én éreu se?
U n état incertain p o u r le p ro p rié ta ire, et bie n v eilla n t p o u r
l ’usager, aurait p u , sans d o u te , se co m p re n d re pendant quelques
a n n ées; mais lorsque le môme d ro it, reposant sur u n titre an
c i e n , s’e x e rc e p u b liq u e m e n t et co n tra d icto ire m e n t, pendant
p lu s de d e u x s iè c le s , il n ’est plus possible d ’associer le provisoire
à la validité du litre , et à la fa veu r d ’une possession entourée
d ’un aussi lo n g temps.
UèeonnaissonS-le d o n c ; e t , sans q u 'il soit besoin d ’interroger
de n o u ve a u x témoins , notam m ent les d eu x ièm e , quatrièm e et
7
*
�( 5 2 }
six iè m e de la co n tin u a tio n d ’e n q u ê te , présentant les mêm es r é
sultats, reconnaissons q u e le sieur D e ls u c a co m p lè te m en t ju s
tifié la m a in ten u e de ses d ro its, q u an t à la d é livra n ce d u b o is ,
p a r u n e x e rc ic e c o n t in u , et c o n n u d u p ro p r ié ta ir e de la forêt.
T o u r s les faits déclarés p ar les té m o in s, sont p r é c is , positifs et
p ro ba n s ; ils s’ab u te n t t o u s , sous ce p o in t de v u e , ave c la p r e u v e
im posée p ar l ’arrêt in te r lo c u to ir e ; ils en rem plissent les e x i
g ences.
I l est surtou t ici u n e r e m a rq u e im p orta n te à p oser, c ’est q u e la
p r e u v e de ces d élivra n ces successives, au v u , au s u , et du conseil'
tement du propriétaire, n ’ est affaiblie, en a u c u n e m a n iè r e , p a r
l ’e n q u ê te c o n tra ir e . L a p lu p a r t des tém oius entendus à la r e
q u ête d u s i e u r D e sa u ln a ts, o n p e u t d ire p resq u e tous, n e savent
rie n sur la contestation a c tu e lle ; le u rs déclarations tendraient
se u lem e n t ( et c ’est là l ’ensem ble de cette e n q u ê te ) , à la ire
co n n aître les bo n n es dispositions d u sieur D esaulnats, à l ’é gard
d e ses voisins, en le u r p erm ettan t facilem ent de p re n d re d u b o is
q u i, su iva n td e u x tém oins, n ’était pas m a r q u é avant la r é v o lu t io n ,
et q u i , depuis, l ’avait tou jou rs é té ; mais ces bo n n es dispositions,
h o n o rab le s p o u r le sie u r D esaulnats, p e u v e n t être a g réées, sans
p o r t e r d ’a ille u rs atteinte a u x droits d u sieur D e ls u c ; u n e dis
t r ib u tio n b é n é v o le de b o is de c h a u ffa g e , se c o n ç o it aise'm enten
certain temps des années , et p o u r certaines gens.
I l n ’y a là a u c u n e in d u c tio n à re te n ir co n tre l ’ intim é.
I l en d o it être de m êm e de ce q u e le q u atriè m e tém oin a p u
f a i r e , dans ses p ro p re s c o n v e n a n c e s , p a r r a p p o r t a u sieur D e saulnats; s’il fa u t l ’en c r o ir e , il avait élevé la p ré te n tio n d ’u n
d ro it d ’usage, et o b te n u provisoirement de l ’app elant q u e lq u e s dé
liv ra n c e s , en attendant l ’e xam en de ses d r o it s : il a u ra it m êm e
p a y é la r e d e v a n ce ; mais en i 8 i 5 o u 181G, c e t état p ré c aire n ’a
p lu s e u lie u ; le tém oin n ’a ya n t pas tro uvé son t i t r e , a cessé spon
tanément de ré cla m e r d u bois.
�(
53)
y )
V o ilà en co re u n fait assez insignifiant dans la cause, et q u i , en
le supposant e x a c t , reste exclu sivem ent personnel au tém o in ; iï
n ’apporte a u cu n e conséqu en ce contre les droits du sieur D e lsu c ;
la position n ’est p lu s la m ê m e , com m e il est facile de le rem ar
q u e r : il suffit, a u s u r p l u s , de d ire q u e le titre n ’est pas ici perdu,
et q u e les caractères des n om breuses délivrances faites à l'intim é
n e présentent rien de p ré c a ire .
P e u im p o rte e n fin , q u e le second t é m o in , déposi taire des pa
piers relatifs à la terre de L a b r o , à la q u e lle était attachée la forêt
de L a r o c h e , a it, d ’après la demande d u sieur D e l s u c , exam iné
les titres, p o u r savoir si u n e fa m ille F u m â t n ’avait pas q u elq u e s
droits sur cette f o r ê t, et q u ’il n ’ait rien d é co u v e rt ; cette r e c h e r
c h e , in u tile m e n t f a i t e , n e saurait n u ir e a u succès de l ’action
D e l s u c , p u is q u ’i l p ro d u it le titre des F u m â t dont il est l ’ayant
d r o it, et justifie l ’e x e rc ic e des droits en résultant.
A i n s i , to u t a été p r o u v é , quant à la d élivran ce d u bois de
chauffage et d ’usage, non-seulem ent dans le cours des trente an
nées antéi’ieures à la d em an de, mais p o u r des temps p lu s r e c u
lés : T u n e des conditions de l ’arrêt in te r lo cu to ir e d u 1 5 mars i 85 o
a été re m p lie .
A c t u e l le m e n t , il faut d ém o n trer q u e le p ay e m e n t de la rede
v a n c e , élém en t inséparable d u d ro it d ’u sage, tel q u ’il était
c o n fé ré p a r l ’acte d u 17 d é ce m b re 160/1., a suivi ou pre'cédé la
d é liv r a n c e ; c ’est la seconde co n d itio n dont l ’accom plissem ent
devait être p ro u v é p a r le sieur D e l s u c , a u x termes de l ’arrêt
in terlo cu to ire .
P a rc o u r o n s rapidem ent les dépositions des témoins sur cette
partie d u procès.
L e troisième de l ’en qu ête d ir e c te , L é g e r D u f a u d , qui se t r o u
vait dans le dom aine en 1788, dépose q u ’on payait annu ellem ent
la r e d e v a n c e , en h iv er o u au co m m e n ce m e n t d u p rin tem p s; il se
r a p p e lle avoir entendu d ire p ar son p è r e , tantôt q u ’il revenait de
�( 54 )
p o rte r l ’avoine due p o u r cette redevance au sieur M anaran ch e
liom m e d ’aiFaires d u sieur D e sa u ln a ts, tantôt q u ’il fallait p re n d re
la ju m en t d u d o m a in e , et a lle r p o rte r cette avoine audit sieur
Manare* nch e.
L e troisième tém oin de la co n tin u ation d ’e n q u ê t e , dont la
déclaration se rapp orte à la m êm e é p o q u e , atteste égalem ent le
p ay e m e n t a n n u el de la redevance ; il l ’a portée lu i- m e m e à S ain tP a r d o u x , lie u d ’habitetion d u sieur Desaulnats et de son h o m m e
d'affaires.
U n e circon stance p ro p re à fix e r les,souvenirs d u tém oin est
r a p p e lé e par lui ; il a va it, u n e a n n é e , fait m esu rer l ’avoine ré
co lté e dans le dom aine de l a G u i è z e , e t , de son côté , le fe rm ie r
avait mis un sac à l’é c a r t , p o u r le p o r t e r a S a in t-P a rd o u x ; mais
il le négligea , et l ’année suivante , le sieur M a n a ran ch e é c r iv it
au sieur B le t o n , p o u r le p ré v en ir de ce t o u b li. C ’est alors q u e
le d é p o sa n t, d ’après les ordres de son m a îtr e , se rendit à Ja
G u i è z e ; y fit m esurer d e u x setiers d ’avoine q u ’il ch argea sur u n e
ju m e n t. C ’est aussi lu i-m ê m e q u i les porta à S a i n t - P a r d o u x , au
sieur M a n a r a n c h e , dont q u itta n ce lu i fu t donnée et rapportée
au sieur B leton .
V o i l à , il faut en c o n v e n ir , d e u x dépositions b ie n précises et
concord an tes sur le p ay e m e n t de la re d e v a n ce , avant l ’apposition
d u séquestre sur la forêt. E lle s présentent ce p o in t de vu e assez re
m a r q u a b le , c ’est q u ’en retraçant des faits personnels à c h a c u n des
tém o in s, et q u i ne laissent a u c u n d o u te sur la lib é ra tio n a n n u e lle
d u prix «le la co n ce ssio n , il y est lait m ention d u soin p a r tic u
lie r de l ’agent d ’alfaircs, le sieur M a n a r a n c h e , à ne laisser eiï’e c tu e r les d élivrances q u ’au fur et à mesure du p ay e m e n t de la
red eva n ce. U ne p rem ière d élivran ce p o uvait a vo ir li e u , sans e x i
g e r à l ’instant et p réa la blem en t q u e l ’ usager r e m p lît cette o b l i
gation ; mais avant la sècb'nde , l ’o u b l i , s’ il avait été com m is , était
aussitôt r a p p e lé ; il fallait im m édiatem ent le réparer : c ’était lu
condition p re m iè re d ’ une n o u v e lle d istribu tion .
�(
55
)
C o m m e n t c ro ire dès lors a u n o n -p a y e m e n l, à la suite des n o m
breuses délivrances soit au sieur B l e i o n , soit au sieur D elsue ,
délivrances attestées p a r tous les tém oins? C ’est ce q u ’il est impos
sible d ’admettre. L a présom ption contraire serait toute de droit ;
e lle m iliterait ici avec l ’intérêt du p ro p r ié ta ir e , qui l ’averiissait
suffisamment, à c h a q u e dem ande de l ’u s a g e r , s’il y avait eu silence
des témoins sur ce point.
M a i s , dans le cas p a r tic u lie r rapp elé p ar le troisième témoin
de la co n tin u ation d ’e n q u ê te , il n ’est pas nécessaire de r e c o u r ir
à ces'p réso m p tion s; le p ayem en t a été certifié par u n e qu ittance
fo u rn ie au d é p o sa n t, et q u ’il a lu i-m êm e remise au sieur JBlcton.
Jusque-là l ’e x e rc ic e du d roit a été légal ; la possession s’est m ain
tenue avec toutes les conditions déterminées par l ’a c te d e c o n c e s
sion de i G 3 4 , et retenues p a r la décision de la C o u r .
A l lo n s plus en avant, et -voyons ce qui s’est passé au temps d u
séquestre sur la forêt de L a r o c h e . A cette é p o q u e , le sieur Bleton , en sa q u alité de re ce ve u r des domaines , était l ’adm inistra
te u r de la forêt ; il aurait mêm e été c h a rg é , à en ju g e r par q u e l
ques actes, de r e c e v o ir le p rix des concessions faites aux diiférens
usagers. E n acceptant cet ordre de c h o s e s , le sieur B leio n a dû
s’ en a cq u itte r r é g u l i è r e m e n t , et ne pas o u b lie r de co m p re n d re
dans le r e co u v r e m e n t ce q u ’il était perso nnellem ent tenu de
p a y e r. U n e n é g lig e n ce à cet égard eût été un m anquem ent à des
d e vo irs, dont il connaissait toute l ’é te n d u e , et q u ’011 ne p eu t
g ratuitem ent lu i supposer.
M a is , on le dem an de, q u e l p o u v ait être l ’intérêt du sieur Bleton dans les payeinens de redevance imposée a u x droits d ’usage
d u dom ain e de la G u iè z e ? devait-il en profiter jiersonnellem e n t?
N o n , sans d o u te : il ne jouissait pas par lu i-m ê m e de ce d o
m a in e , q u ’il avait constam ment affermé , com m e de n o m b r e u x
tém oins.en dépo sent, et l ’un e des conditions expresses du bail
�(
56
)
(le sieui’ B leton fils , troisième tém oin de l ’e n q u ê te co n tra ire , le
déclare) était de p a y e r au sieur D esaulnatsj en sus d u p r i x , u n
setier d ’a vo in e p o u r les droits d ’usage. O r , q u e l le q u e p û t être la
b ie n v e illa n c e d u r e c e v e u r des dom aines "vis-à-vis les ferm iers d u
do m ain e de la G u i è z e , il n ’avait a u c u n bé n éfice à attendre de
l ’in e xactitu d e de ses ferm iers : ce u x -ci étaient, au co ntraire ,
co m m e le p ro p rié ta ire , puissam m ent intéressés à satisfaire soi
gneusem en t à le u rs o b l i g a t i o n s , afin d ’o b te n ir l ’e x é c u tio n de
l ’o b lig a tio n c o r r é la t iv e , la d é liv ra n ce de bois.
Il faut b ie n e n c o r e r e m a r q u e r q u e ces délivrances étaient r é g u
liè re m e n t faites par l ’in sp ecteu r des eaux et forêts , en p résen ce
d u so u s-in sp ec te u r, d u garde g é n é ral et des gardes particuliers.
S i des p ayem ens n ’avaient pas été effectués, i l y avait aussitôt
p lu s d ’un e v o ix p o u r r é c la m e r , et les délivrances n e p ou v aien t
être ré e lle m e n t faites q u e p a r la connaissance acqu ise , o u p a r
la ju stification p ré a la b le d u p a y e m e n t de la re d e v a n ce . O n doit
c o n c lu r e de là q u e toutes les d élivra n ces attestées a u x différens
p rocès v e r b a u x p ro d u its dans la ca u se , em p o rten t avec elles la
dém onstration lé g a le de l'a cq u itte m e n t de la re d e v a n ce . L ’Etat
o u ses agens présens à ch a q u e d é l i v r a n c e , n ’a u ra ie n t pas alors
m a n q u é de la suspendre à l ’égard des usagers en retard de p a y e r
le p r ix de le u r concession.
F e r a -t-o n u n r e p ro c h e au sieur B l e t o n , o u q u o i q u e ce s o i t ,
au sieur D e lsu c qu i le re p ré se n te , de n e r a p p o r te r a u c u n e q u it
ta n c e , pas m êm e c e lle r e ç u e par le troisième tém oin de la co n
tin uation d ’e n q u ê t e , et remise au sieur B leto n ? C e r e p r o c h e
p e u t facilem en t s’écarter p ar cette c ir c o n s ta n c e , q u e la maison
de ce d e rn ie r a été in cen d iée le
25 août 1 8 2 8 , et q u ’au m ilie u du
désordre occasioné par u n p areil é vé n e m e n t, des papiers im p ortan s, des do cum en s p r é c ie u x , des quittances on t p u disparaître.
Si cette ex p lic a tio n , d ’a illeu rs b ie n p r o b a b le , devait tomber4
devant u n inventaire des papiers d e l à fam ille B l e t o n , et n ’énori'
�(
*7 )
çant a u cu n e qu ittance , il faudrait alors en reve n ir a u x clauses
des différons b a u x d u dom aine de la C u iè z e ; là on verrait q u e le
fe rm ier était seul tenu de p a y e r a n n u ellem en t la re d e v a n ce , et
p ar su ite , devait séul re tir e r et ga rd er les quittances. C ’était la
lib é ra tio n d ’ une ch a rg e imposée vis - à-vis un tiers. L e propi iétaire d u dom aine n ’était pas astreint à r é cla m e r et conserver ces
q u itta n c e s , p arce q u ’à ses y e u x , Ja d é livra n ce successivem ent
laite du bois de chauffage et d ’ usage, dénotait suffisamment l ’a c
q u itte m e n t de la redevance. S i un obstacle avait surgi , c ’est
co n tre le fe rm ie r q u ’il se serai): r e to u r n é , et lu i
aurait d e
m andé la p re u v e d u p a y e m e n t; c ’en était assez p o u r laisser la
qu itta n ce entre les mains d u fe rm ie r, partie p r in c ip a le et inté
ressée à en su r v e ille r la c o n se rv a tio n , soit p o u r la m o n tre r au
p r o p r ié ta ir e d u d o m a in e , ce qu i p ro u va it l ’e x é c u tio n d u b a i l ,
soit p o u r en justifier auprçs du p ropriétaire de la fo r ê t, ce q u i
assurait les réclam ations de bois.
A i n s i , q u elle s que soient les idées à a cce p te r dans ces p r e
m iers temps d ’o r a g e , au m o m ent du séquestre sur la forêt de
L a r o c h e , à u n e é p o q u e o ù les lois étaient e n co re transitoires,
e tle s m o yen s d ’e x e r c è r ré g u liè re m e n t les droits en co re incertains,
il faut cependant recon n aître q u e l ’ordre c o m m e n c e à se réta
b l i r p a r l ’arrêté d u p r é fe t, du j 8 t,hei-midor an 12 , donnant e x é
c u tio n a u x lois de p o lic e de ventôse an 11 et 12 , sur les forêts.
Dès ce m o m e n t , l ’autorité p u t co n ven ab lem en t a g i r , ré p r im e r
les usu rp a tion s, et sanctionner les droits a pp u yés de titres vala
b l e s .- C ’est dans cette dernière catégorie q u e le sieur B leto n fut
im m édiatem en t placé. Dès l ’an i 5 , des délivrances de bois lu i
avaient é té p ro v iso ir e m e n t faites. D èsil’année
i.8q0, il fut m ain
t e n u , par u n avis favorable du conservateur des eaux et forets,
dans la possession de ses droits d ’usage et de chaufl"ag e > en ^,n >
d ’autres p ro cès v e r b a u x de d é liv r a n c e , de 1807 et 1 S 0 8 , sont
venus co n sa cre r définitivem ent un ex e rc ic e l é g a l , c est-a-dire,
8
�. ( 58 )
des délivrances constam m ent suivies d u p ay e m e n t de la re d e
v a n c e . C e sont là des actes administratifs et forestiers q u i reste
ro n t au p ro cès co m m e pièces probantes. L e u r n o m b r e dispense
de la p r o d u c t io n des q u itta n c e s, soit p arce q u ’elles ont d û rester
entre les mains des fe r m ie r s , soit p arce q u e les délivrances ont
d û sim ultaném en t c o n c o u r ir avec le p a y e m e n t d e l à redevance.
L e s o b lig ation s étaient ici corrélatives. L a d é livra n ce de bois
faite au sieur B le to n , em p ortait a vec e lle en m êm e temps la r e
connaissance d ’ un d ro it q u ’on ne p o u v a it alors e x e r c e r a u t r e
m ent , et l ’acq u itte m e n t de la ch a rg e q u ’o n n e p o u v ait jamais se
dispenser de payei'.
C ’est ainsi q u e les choses ont d û se passer ju s q u ’en 1809, é p o q u e
de la ré in té g ration d u sieur Desaulnats dans la p ro p r ié té de la fo
r ê t de L a r o c h e .
E c l a ir é p a r les registres et papiers de fa m ille mis à sa disposi
tio n , co m m e p ar les renseignem ens d u sieur M a n a r a n c h e , alors
e x is ta n t, sur la v é r ita b le p osition des usagers, sur le u r s droits
et leurs titres, le sie u r Desaulnats s’empressa d e r e c e v o ir le p r i x
des délivrances q u ’ il ne p o u v a it contester au sieur B leton .
O n a déjà v u q u e de n o m b r e u x tém oins déposaient de ces d é li
vrances ; il ne reste p lu s q u a r e c h e r c h e r dans les e n q u ê te s , si le
p a y e m e n t de la re d e v a n ce est aussi b ie n constaté.
U n e d é clara tio n im p ortante à saisir, dès le p r e m ie r e x a m e n ,
est c e lle d u d ix iè m e t é m o i n , de M a r ie E r a g n e , fem m e de F r a n
çois S e y c h a l , ferm ier d u dom ain e de la G u iè z e . P e n d a n t la p r e
m iè re année de l ’acq u isitio n d u sieur D e ls u c , e lle avait engagé
son mari à dem an der a u sie u r Desaulnats u n e qu itta n ce de l ’a
v o in e q u ’ il lu i avait p o rté e : q u e lle f u t sa r é p o n s e ? Q u ’ en h ù
délivrant du bois, c ’était sa quittance.
C e lt e réponse , q u e les faits successifs de d é livra n ce c o n firm en t
p le in e m e n t , e x p l i q u e , dès l ’entrée de c a u s e , la co n d u ite d u
6ieur D esaulnats, vis-à-vis les ferm iers d u dom aine de la G u i è z e ;
�( % )
c était de ne pas le u r d o n n er u n e quittance de l ’avoine q u ’ils
lu i p o r ta ie n t; il y suppléait aussitôt, en faisant la délivi’ance ;
e lle était en ellet u n acte vo lo ntaire d u p ro priétaire de la fo rê t;
elle devait être aussi u n signe caractéristique d u p a y e m e n t, sur
tout lo r s q u ’ e lle se re p rod u isait pen dan t p lusieurs années. Ce
m o d e d ’agir étant c o n n u , il n ’est p lu s d ’e x ig e n ce à faire valoir
co n tre le sieur D e l s u c , s’il ne p r o d u it pas de p iè c e accusant
littéralem ent la ré cep tion de q u e lq u e s seiiers d ’avoine ; les f e r
m iers d u dom aine de la G u iè z e en auraient in u tile m e n t ré cla m é
d u sieur D esa u ln a ts, qu i n ’était pas dans l ’h ab itude d ’en fou rn ir.
L a circonstance rapp elée p a r ce dixièm e t é m o i n , ne fait pas
seulem en t naître ces l’é ile x io n s, mais e lle do n n e aussi la m esure
des m o yen s opposés p ar le sieur Desaulnats co n tre l ’in tim é, car
il lu i fait positivem ent le sin g u lier r e p r o c h e de ne pas représen
ter a u jo u r d ’ui la qu ittance q u ’il n ’a pas v o u lu lu i-m ê m e d o n n er.
C ’est-à-dire , q u ’avec ce s y s tè m e , les droits d u sieur D e lsu c
seraient livrés à la discrétion de son a dversaire, d o n t le lana
ens de sa situao acoe varierait a u f u r et à m esure des cliancem
o
tio n . T a n tô t i l recevrait l ’avoine des fe rm ie r s, et le u r fe ra it, en
l’e m p la ce m e n t de q u it t a n c e , les délivrances de b o is ; tantôt il
viendrait so u ten ir q u e les délivrances n o n a p p u yées de q u itta n c e ,
n e sont pas suffisantes p o u r co n stitu er la possession lé g a le de
l ’ usager. D e pareils m o yens p ortent h eu reu sem en t avec e u x le u r
désaprobation ; les in d iq u e r c ’est déjà les flétrir.
S i d o n c le sieur Desaulnats n était pas dans l ’h ab itu d e de f o u r
n i r la qu itta n ce de l ’a v o in e , i l s’agit de consulter au m oins les
tém o in s sur la réalité des livraisons. A cet é g a r d , les déclarations
sont aussi n om breuses q u e positives.
L e c in q u iè m e tém oin de l ’en q u ê te d irec te , ancien garde de la
f o r ê t de L a r o c h e , et p lu s tard , au service d u sieur Desaulnats,
l ’a e ntendu d ire (c o m m e on l ’a déjà r a p p e lé ) , au n o m m é C hass a i g n e , fe rm ie r d u d o m a in e , q u i lu i demandait d u bois de
8
.
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( Go )
.
c o n s t r u c t io n , q u ’il ne lu i en m a rqu era it p o i n t , tant q u ’ il ne
p a y e ra it p a s la redevance. L e tém oin n ’a pas vu p o rte r l ’avoine
chez
D e sa u ln a ts, mais il a o u ï dire q u e cette redevance était
payée.
L e s'x ièm e tém oin , fils d u n o m m é Cbasisagne, désigné dans la
d é iL u a t io n p ré c é d e n te , fo u rn it des détails p r é c i s , et q u ’il était à
m êm e du Lien c o n n a îtr e , sur les livraisons d ’avoine
II dépose
q u e dans le co urs des trois années de jouissance du dom aine de
la G u i è z e , son père ne piiya p o i n t , la p re m iè re a n n é e , la re d e
vance ; niais à la Seconde a n n é e , le garde de la f o r ê t , app elé
G è n e sl, refusa de lü i d é liv r e r d u L o i s , s’il né se libérait pas.
C ‘est alors q u ’il j>aÿit à M . Desaulnats la quantité d ’ iin Setier
a v o in e ; il n ’y W t pas de p ay e m e n t p o u r la troisièm e a n n é e ,
p a rce q u e ce feriiïith’ ‘¿ôi'tit d u dom ain e avant l'é p o q u e fixée
p o u r cet olijét.
L e septième t'émôÎri'|iarle aussi d ’u n refus d u sieur D esaulnats,
il y a seifce'ans, à liv r e r d u bt>is!d e ;coristrüctiôn , si la red eva n ce
•
r
n ’ éiaii pas p a y é e ; le déposant porta Iui-mêm bïhi ebâteilu un setier
d ’avoine q u i IVu m ésiire’et recti p a r le homitié R i b e y r e , domes
tiq u e d u siéitr DèSaulnrits, et é e l u i - c i fit blors la d élivra n ce
ré cla m é e .
L a p lu p a rt1des paydinèris de la r e d e v a n c e :ont été reçus par le
sleü r Desaiiliiiits; “c ’ést ce (pii résulte hotariitiiént des déposi
tions des n e u v iè m e et on zièm e tém oins de l ’en q u ê te directe.
O n pelit ég alem eh t cBrièulter lés décldratidris dès liiiitiènie et
ti e i i l ù m c ‘ de la hiêmè éhJpiète ; ils constatent lès inêriteS faits
de ‘rccCptîbn d ’a i b l n e ^ H r les bôihtribs de coilfiririée de l ’a p p e
lant.
A p i'tt fa v ô ir fait c ’d riniiîtrc dès tém oignages aussi positifs, aussi
'détaillés èt n o m b r e u x £ilr le pnyétnent de la rédévarice , et q u e
l ’ en qu êté coiWVaire, 'm ü é tte e n fc e 'p o h it, n'a pli dès lors déhiéntir
b u ;iU(5u i i c r , , îl" iie p c ’u t 'jlliis a ctu e lle m e n t s’é le v e r le m oindre
�( G I )
■doute sur la conscrvalion des droits d’ usage et de chauffage at
tachés au dom aine de la G u iè z e . T o u t est évidem m ent p r o u v é ,
soit avec les titres invoqués dans l ’ intérêt du sieur D e ls u c , soit
avec les élém ens fournis p ar les enquêtes.
S i , à l ’entrée du p r o c è s , l ’existence d u d ro it était contestée,
les titres repoussés co m m e in a p p lica b les , les faits de possession
c o m m e n o n perlin en s et ne p ouvant être f o u r n is , la question
n ’est plus restée la m êm e à l’audien ce de la C o u r ; là , u n e lo n g u e
discussion a jeté la lu m iè re sur la véritable difficulté d u procès.
C e n ’ est p lu s le d ro it en lu i m êm e qu i devait être co n te sté , c ’est
son e x e rc ic e légal pendant le cours des trente années antérieures
à la dem ande q u ’il fallait p ro u v e r.
L e sie u r D e lsu c a-t-il satisfait à la p re u v e telle q u ’elle était
c o n d itio n n é e ? A-t^il établi co n cu rre m m e n t la d é livra n ce des
b o is d ’usage et de chauffage , et le p ayem en t de la r e d e v a n c e ,
au v u , nu su , et du consentement ctu propriétaire de la forêt ?
C e tte q u e s t io n ;est résolue co m p lètem en t par les résultats des
e n q u ê te s ;
ils attestent q u e la possession de l ’in tim é , dont la
d ém onstration n e s’est pas arrêtée au c e r c le posé par l ’a r r ê t ,
et q u i est re m on té e b ie n au delà des trente a n n ées, se trouve
caractérisée p ar tous les élém ens conservateurs en celte m atière,
c ’e st-à-d ire , par le p ay e m e n t de la redevance et p ar des d é li
vrances a n n u e lle m e n t faites p a r le p ro p rié ta ire de la fo rê l. Cette
possession a été c o n t in u e , p u b l i q u e , et à titre de propriétaire
d u dom ain e de la G u ieze.
L ’arrêt in te rlo cu to ire (le la C o itr est-il actuellem en t re m p li?
c ’est ce q u ’il est perm is de d écid er en faveur du sieur D e l s u c ,
et dès lors la dem ande se tro u ve co m p lètem en t justifiée.
L ’a p p e la n t, justem ent in q u ie t des résultats apportés p ar les
enqu êtes , ch e rch e ra it subsidiairem ent à faire réd u ire le d roit
d ’u sa g e ; est-il en co re fond é dans cette n o u v e lle prétention? C e
sera l ’ob jet d ’ un exam en rapide.
�( 6 0
§ II. Q u e l est l ’état présent du domaine de la G u ièzeP L ’étendue
et dimension primitivement assignées a u x lâtim ens , seront-elles
changées par les réparations du sieur D elsuc P
L e sieur Desaulnats l ’a dit avec raison : c ’est dans le titre
c o n stitu tif d ’un droit d ’usage q u ’on d o it r e c h e r c h e r et son ob jet
et son éten due. L à , tout a été p r é v u , q u an t à l ’état a ctu e l des
bâtim ens et à le u r agrandissem ent fu t u r ; l à , le p ro p rié ta ire de
la forêt a p u re stre in d re , à sa v o lo n té , les droits co n cédés, o u ,
au c o n tr a ir e , l e u r d o n n e r u n e extension p lu s grande q u e les
besoins du m om ent.
C ’est d o nc le titre d u sieur D e ls u c q u ’il faut d ’a b o rd consulter,
p o u r se faire un e idée exacte de la concession et de sa m esure.
O r , q u elle s sont les conventions insérées dans l ’acte d u 17 dé
c e m b r e iG 5 4 ?
O n y r e tr o u v e u n e investison de la forêt de L a r o c h e , en faveur
de Jean F u m â t , fe r m ie r de la se ign eu rie de L a r o c h e , p our en
jo u ir pour son usage des maisons, pour les ténemens des villages de
G uièze et P is s o l, soit pour son chaiiffage et réparations q u ’ il pour
rait fa ire dans lesdits ténemens, à la charge, etc.
D e u x droits essentiellem ent distincts sont ici rappele’s : le d roit
de ch auffage et celu i d ’ usage. L e p r e m i e r , lo r s q u ’il est ainsi sp é
cifié, co m m e dans l ’espèce, doit être lim ité à la d é liv r a n c e d u b o i s
à b r û l e r , tandis q u e le d roit d ’ usage n ’a d ’autres bo rnes q u e celles
qu i sont prescrites par les titres de concession et la possession,
o u les règlem ens sur la p o lic e des forêts. A u s s i, toutes les fois
q u e les actes de concession co m p re n n e n t en m êm e temps le
d r o it d ’ usage et de c h a u f fa g e , il faut recon n a ître q u e l ’usager a
la fa c u lté de ré cla m e r n o n - s e u le m e n t le bois nécessaire à son
c h a u f f a g e , mais en co re le bois d o n t il p e u t a v o ir besoin p o u r
réparations o u constructions.
Ces p rincip es ont ré ce m m e n t x’e çu le u r a p p lica tio n dans l ’af-
�6
{ 63 ) .
f a ir e M i g n o t , co n tre les liai»tans de Riom-ès-Montagnes, et autres.
( A r r ê t , C o u r d e R i o m , 2e c h a m b . , 10 juin i 8 3 i.)
S i d o n c le sieur D e ls u c , co n tra irem en t au titre du 17 d é
ce m b re iG 3 4 , était a u jo u rd 'h u i dans l ’ intention de construire
u n nouveau b â tim e n t, o u m êm e d ’éla rg ir les bases sur lesquelles
les anciens bâtim ens sont éta b lis, il est h ors de doute q u ’en exa
m inant l ’étendue de ses droits, et lu i opposant son acte de c o n
cession , on p o u r r a it lu i d ire q u e celu i à q u i un e servitu d e est
d u e , ne p e u t en user q u e suivant son titre, sans p o u v o ir r ie n fa ire
p o u r l ’aggraver.
Mais telle n ’est pas p ré se n te m e n t, telle n ’a jamais été la p r é
tention de l ’in t im é ; il possède, dans les dépendances d u d o
m a in e de la G u i è z e , d e u x bâtimens q u i se com posent d ’un e
m aison destinée à l ’habitation d u f e r m ie r , et à seize toises d ’i n
t e r v a l le , d ’un e gran ge et écurie. V o i l à les seuls bâtim ens q u i
existaient à l ’é p o q u e de la concession de iG 3 /| ; il n ’en a été
co n stru it a u c u n autre.
L a sim ple inspection atteste (et cela ne p eu t être d o u te u x p o u r
le sieur D e s a u ln a ts ), q u e ces bâtim ens sont fort anciens : le u r
c o n stru ctio n p r e m iè r e , qu i re m o n te vraisem blablem en t à p l u s de
d e u x siècles , a été faite d ’un seul je t ; le u r vétusté se trahit fa
cile m en t. O n re con n a ît en effet, soit à la m a ç o n n e r ie , soit à la
d irec tio n des fenêtres et j o u r s , co m m e à l ’état de la c h a r p e n t e ,
q u e ces bâtim ens n ’ ont jamais été ni p lu s , ni m oins grands q u ’ils
n e sont a u jo u r d ’h u i.
Q u e lle est m aintenant la dem ande d u sieur D e ls u c ? a-t-elle
p o u r b u t d ’adjoin dre de n o u velles constructions aux anciennes,
o u m êm e d ’a gran dir celles a ctu ellem en t existantes? N o n , sans
d o u t e , et c ’est ici q u e la méprise d u sieur Desaulnats a été grande.
L ’intim é est se u lem e n t o b lig é de recon stru ire ou de réparer
les g ran ge et é cu r ie qu i tom bent en r u in e ; mais il n'excédera pas
d ’un e seule lig n e , soit en lo n g u e u r , soit en la r g e u r , les d im en -
o's
�/
( G4)
sions déjà ëiablies. O n bâtira sur les mêmes fon d em en s, et tout
sera r e p r o d u i t , co m m e p a r le p a ssé , dans les mêmes p roportion s.
I l ne s’agit d o n c pas d ’un e n o u v e lle c o n stru ctio n sur un p o in t
o ù e lle n ’au ra it jamais e x is té , ainsi q u e le sieur D e sa u ln a tsji
v o u l u le faire c ia in d r e ; c ’est sim p le m e n t la réparation d 'u n e an
cie n n e c o n s t r u c t io n , q u ’ il était im possible de retarder p lu s lo n g
temps.
A v a n t de c o m m e n c e r la ré p a ra tio n , le sie u r D e ls u c a d û p r é
v e n ir l’appelant ; il lu i a fait c o n n a îtr e , p ar acte e x tra -ju d icia ire ,
d u 20 mars 1827 , q u e l bâtim ent il entendait reco n stru ire o u r é
p a r e r , q u elle s en étaient les d im e n sio n s, afin q u e .celui-ci p û t
v o ir p ar lu i-m êm e si l ’entreprise était u rg e n te o u io r t u t i l e , et
si e lle était selon la q u alité de l ’usager.
C ’était la m a rch e p rescrite p ar les articles i 5 et i/jde la .coutume
d u N iv e rn a is ,f o r m a n t le d r o it c o m m u n en ces matières. Le^ sa
vant co m m e n ta te u r de celte C o u t u m e , G u y - C o q u i l l e , o b se rv e ,
à ce s u j e t ,
*
Q u e le seigneur a intérêt de connaître quel bâtiment ; car s’ il voulait
fa ir e bâtiment non nécessaire ou de plus grande étoffe .que la qualité de^
Cusager ne porte, le seigneur lu i pourrait le refuser; aussi, pour sa
voir quelle sorte de bois et e n quelle qualité V.usager en aura besoin.
A in si le sieur Desalnats, averti .par la som m ation CAtra-judi•ciaire d u 25 mars 1 8 2 7 , a c l e >
Pr «m >er m o m e n t , h portée
d ’a p p ré c ie r la nécessité de la r é p a r a tio n , et d ’en constater par
lui-m iîm e la vé rita b le é ten d u e. I l lu i a été fa cile de recon n a ître
q u e les anciens bâti mens d u dom aine de l a G u i e z e n ’elaient pas
•c h a n g é s ; q u e c ’était p o u r le u r état p r im it if q u e lo droit d ’ usage
était'tiniqueinent r é c la m e , et q u e la re co n stru ction .p ro jetée n ’ag-.
•gravait, sous a u c u n r a p p o r t , la servitu de d u e .p a r le .p ro p rié taire
de la forêt d e 'L a r o c h e .
Ces e x p lic a tio n s , in tu ile s, sans d o u te , p o u r 'le .sie u r iDçsaul*
‘ jiats q u i devait très-b ien savoir à q u o i.s ’en tenir su r ;les répara»
�C 65 )
tions d ô n t s’a g it , tém oigneront a u moins à la C o u r des disposi
tions réelles d u sieur D e ls u c , à ne pas dépasser les lim ites fixées
p a r son titr e , et à r é g le r ses entreprises p ar la m esure de ses
droits. L e s anciens bâtim ens, près de s 'é c r o u le r , seront re co n s
truits sur les mêmes bases, d ’après les mêmes dimensions ; voilà
la cause de la réclam atio n faite par Je sieur D elsuc ; v o ilî aussi
les motifs de l ’a c c u e i ll ir , p u isq u e l’état an cien est respecté dans
les jn o p o r tio n s p rim itiv e m e n t éiablies.
I l est en co re d ’autres craintes manifestées p ar le sieur Desaulnats, à l ’occasion de ces réparations ; il sera facile de d ém o n trer
é g alem en t q u ’elles n ’ont a u cu n fondem ent.
O n p réten d q u e le dom aine de la G u i è z e , p o u r la totalité d u
q u e l le d ro it d usage est dem an dé, est be a u c o u p p lu s co n sid é
r a b le a u jo u r d ’hui q u ’ il ne l ’était en iG 5/|.. O n r a p p e lle ce qui
s’est passé en 1 7 2 9 , jet l ’on dit q u ’à cette é p o q u e le sjeu r F u m â t
avait r é u n i , dans la mêm e main d u m êm e f e r m i e r , a son d o
m aine de la G u i è z e , tous les héritages dépendant d ’ un autre do
maine appartenant aussi au sieur F um ât.
E h b i e n , en supposant ces faits e x a c t s , q u e lle in flu e n ce a p p o r
teraient-ils,dans les réparations telles q u e le sieur D e lsu c entend
les faire ? Q u e signifierait l ’accroissemepit d u dom aine de la
G u i è z e , çi les re con stru ction s actuelles ne se p ro p o r tio n n e n t pas
avec la n o u v e lle éten d u e de la p r o p r ié té de l !i n t i i n é , mais d o i
v e n t rester, au c o n t r a ir e , avec les dimensions de bâtim ens, telles
q u ’elles existaient en iG 5 4 ?
1:
L a position d u s ie u r Desaulnats ne -pourra dès lprs en soufTrir,
p u is q u e l ’agrandissement ne porterait ré e lle m e n t q u e su r le ter
rain en c u lt u r e . M ais
il y a p l u s , c ’est qup d ’autres idpes se p résen
t e n t, et q u ’elles sont m êm e l«s seulep à a cce p te r. O n a c r u devQj’r
r aiso n n er dans l'h y p o th è s e o ù le dom aine d ’A u z a t serait encore
r é u n i à ce lu i de la G u i è z e ; si pela éta it, il aurait fyllu r e c o n
naître q u e les bâiitnen? d ’A u z a t , bien p lu s vastes q u e ceuje de la
9
�G u i è z e , se tro u va ie n t fo rcé m en t co m p ris dans cette r é u n i o n , et
q u ’ainsi les récoltes des d e u x dom aines se distribu aient n a t u r e l
lem en t dans le u rs bihimens respectifs : mais tel n ’est plus, depuis
lo n g u e s an n ées, l’ état des clioses; les d e u x d o m a in e s, soumis
m o m en ta n ém en t à u n e seule et m êm e e x p lo ita tio n , s o n t, depuis
1 7 6 4 , com m e on l ’a in d iq u é dans l ’exposé des faits, séparés et
jouis p a r d e u x ferm iers difierens.
L e dom aine d ’A u z a t reste d o n c étra n g er à cette contestation.
Q u a n t au d o m ain e de la G u iè z e , il est a u jo u r d ’h u i m oins c o n
sidérable q u ’il ne l ’était a u tre fo is , m a lg ré les adjo nctions assez
récentes d ’un petit p ré et d ’u n e teri’e ; ces o b je ts, en v a le u r de
3 ,o o o fr., com p en sent b ie n fa ib le m e n t les pertes é p ro u vé e s p a r le s
réd u ctio n s faites lors d u co n trat de m a riag e d u 19 o c to b r e 1 7 7 5 .
O n v o it dans ce contrat q u e les sieurs B u r in p ère et fils , en
délaissant en toute p ro p r ié té , à le u r fille et soeur, le d o m ain e
de la G u i è z e , ave c ses droits d ’ usage et de ch a u ffa g e , en e x c e p
tèrent néanm oins le d roit de pacage et d é fr ic h e m e n t dans le
co m m u n a l lien a rd cch e , P la te a u x et V e r g n e d u M a s , ainsi q u e
les têtes d ’h e rb a g e faisant ci-devant partie d u d it dom aine , et u n
p etit h éritage app elé la M a y , tout qu oi, est-il d i t , est aliéné cidevant, et ne f a it point partie du susdit délaissement.
C e n ’est pas tout ; à l ’é p o q u e de l ’e x p r o p r ia tio n d u d o m a in e ,
d e u x héritages n ’ont pas-été co m p ris dans la saisie, et ont été
ven d us par le sieur Bletori.1
O n d em a n d e a c tu e lle m e n t si les m inces acquisitions faites p ar
le sieur D e l s u c , p e u v e n t se u lem e n t r e m p la c e r les réd u ctio n s
q u i vie n n e n t d ’être signalées.
E n fin , u n e d e rn iè re ob je ctio n est soulevée par le sieur D esauln a ts; il p ré te n d q u e le sie u r D e ls u c a a c q u is , avec le dom ain e
de la G u i e z e , q u a ra n te -u n e têtes d ’h e r b a g e , et q u ’il les fait
c o n so m m e r en été p ar ses bestiaux.
L ’np2>eliuu sait m ie u x q u e p e r s o n n e , q u e tous les co rp s de
�( p7 )
d o m a in e , dans les m ontagnes d ’A u v e r g n e , ont besoin, p o u r ê ire
co m p le ts , d ’u n pacage fort éten d u. L e délaissement du dom aine
de la G u i è z e , p orté au contrat de mariage d u 19 o c to b re 1770 ,
atteste positivem ent q u e des têtes d ’h erb ag e en faisaient a u t r e
fois p a rtie ; il n ' y aurait d o n c pas a u jo u r d 'h u i d ’augm entation
sous ce rapport.
Ces pacages situés sur la ch aîn e des monts D o r e , sont q u e l
q u efo is à la distance d ’u n e , de d e u x et m êm e de trois lieues
de la m é ta ie rie; les vaches laitières y sont co nduites au m ois de
m a i , et ne r e v ie n n e n t à la ferme q u ’au mois de n o v e m b re sui
vant.
A cette é p o q u e , fa u t-il, co m m e l ’a p ré te n d u le sieur D e sa u lna ts, des bâlim en s p lu s vastes p o u r lo g e r ces b estiau x étrangers,
a - t - il d it, a u x besoins d u dom aine?
M ais (et c ’est la p re m iè re réponse à toutes les craintes p e u
fondées de l'a p p e la n t) , les bâlim ens ne sont pas ch a n g és, ils ne
le seront pas p ar les réparations à i a i r e , et ils r e ç o iv e n t, com m e
p a r le passé, les bestiau x si p eu étrangers a u x besoins du domaine,
q u ’ils en conrposent le p rin c ip a l r e v e n u .
D ’a ille u r s , il y a nécessité de lo g e r les bestiaux en n o m b re
suffisant p o u r co n so m m e r les fourrages r e c u e illis dans ce d o
m a in e ; e t , sous ce n o u ve a u r a p p o r t , il im p orte de ra p p e le r q u e
les bâlim en s de la G u i è z e , dont la co n stru ctio n p rim itiv e r e
m onte à p lu s de d e u x siècles, ne co m p o rte n t q u e la dim ension
a b so lu m e n t nécessaire p o u r co n te n ir les récoltes du dom ain e et
les bestiau x q u i d o iv en t les co n som m er.
C ’en est assez sans doute p o u r rassurer le sieur Desaulnats, q u i
n ’a pas c r u d e v o ir é le v e r jamais la m êm e difficulté à l'é g a rd des
v in g t dom aines a u q u els il f o u r n it , c o m m e à celu i de la G u i e z e ,
le bois d ’u s a g e , et q u i tous ont leurs m ontagnes et des bestiaux
en ra p p o rt avec l ’é te n d u e des pacages.
I l fa u t d o n c l e re con n a ître : le sieur D e l s u c , justem ent fondé
�( C8 )
_
dans sa dem ande en d é li v r a n c e , a d û la form er et la so u te n ir
devant l ’a u to r ité ju d ic ia ir e .
U n t i t r e , dont la date embrasse a u jo u r d ’h u i près de d e u x
siè cle s, r e n fe rm e les droits d ’usage et de ch auffage dans la forêt
de L a r o c h e ; des actes n o m b r e u x les ont constam m ent rapp elés;
u n e possession légale en a conservé toute la force , toute l ’éten
due.
L e s p ropriétaires d e là forêt, en se succédant l ’un à l ’a u t r e , ont
respecté des droits aussi clairem en t établis, aussi constam m ent et
aussi p u b liq u e m e n t exercés.
L ’état, en s’em parant de la forêt., exam ina les titre s, s’e n q u it
de la possession et de ses caractères; il a r e c o n n u le d r o i t , il a
lait les délivrances.
L ’ancien p ro p rié ta ire lu i-m ê m e , en accep tan t le b ie n fa it d ’une
r é in té g r a t io n , s’est empressé d e c o n tin u e r l ’o rd re établi ; il a fait
en gran de connaissance de ca u se , des délivrances a n n u e lle s , et
r e ç u le p ay e m e n t de la redevance.
U n d ro it d ’usage et de c h a u ffa g e , ainsi p ro té g é par la fa ve u r
d ’un
lo n g tem p s, ainsi caractérisé p ar la
ch a în e no n in ter
r o m p u e de n o m b r e u x actes et de n o m b r e u x faits de possession
lé g a le , d e va it-il être contesté?
C ’est au m o m ent o ù les réparations de bâtim ens m enaçant
m i n e , ont fait r é c la m e r la d é liv r a n c e des bois de c o n s t ru c t io n ,
q u e le p rocès a surgi ; alors tout a été mis en q u estio n : l ’existencc
co m m e la conservation d u d r o i t , l ’a p p lica tio n d u titre c o m m e
les effets de la possession.
U n arrêt de la C o u r , en fixant l ’état de la contestation , a d é
cidé q u e le d ro it était c e r t a in , q u e le titre p ro d u it donnait d r o it
à l ’u s a g e , tel q u ’il était dem andé. Si u n doute seul a p ré v a lu , a u
m ilie u des débats de l ’a u d ie n c e ; s’il a frap p é l’esprit d e s m agis
trats, et passé dans le u r dé cision in t e r lo c u to ir e ; si , e n ijn , il a
fa llu ju stifier q u e le d r o i t , tel q u ’il était r e c o n n u , nvait été
«
�( 6 9 )
e x e r c é , pendant les trente années antérieures à la d e m a n d e , au
v u , a u s u , et d u consentem ent d u p ro p rié ta ire ?
C e tte q u e stio n , la seule r e te n u e au p r o c è s, est décidém ent r é
so lue p ar les enquêtes. E lle s ont évidem m en t p ro u v é l ’exe rc ic e
lé g a l d u d roit c o n c é d é en 1 6 3 4 ; e lle s e n o n t dém ontré la conser
vation p a r des faits gém inés de possession, au v u , au s u , et du
consentement du propriétaire de la fo r e t.
T o u t e s les condition s imposées par l ’arrêt in t e r lo c u to ir e , ont
d o n c été rem plies. T o u t e fo is , le sieur D e lsu c se serait-il f a i t il
lusion? o u s’em p arant d u langage de son adversaire, ne serait-il
pas m i e u x fo n d é q u e lu i à dem ander quelle est celle des parties
que la ju stice et l 'équité protègent?
Mais c ’est a u x lu m iè re s, c ’est à la sagesse de la C o u r , q u e la
solution définitive de cette contestation déjà si l o n g u e , ap p a r
tient actu e lle m e n t. L ’in tim é doit attendre avec respect et co n
fiance, u n e décision dont il ne saurait craindre les résultats.
D E L S U C aîné.
. P . C . T A I L H A N D fils, avocat.
T A I L H A N D , a voué-licencié.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsuc, Jacques. 1831]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delsuc
P. C. Tailhand fils
Tailhand
Subject
The topic of the resource
droit d'usage
séquestre
biens nationaux
bois
coupe de bois
droit de chauffage
pacage
droit de bâtissage
eaux et forêts
émigrés
témoins
communaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour M. Jacques Delsuc, propriétaire et ancien notaire, habitant du lieu de Saint-Pardoux-Latour, intimé ; contre M. Jean-Marie Neyron-Des Aulnats, propriétaire, habitant au lieu de Saint-Genès, appelant d'un jugement par défaut, rendu au tribunal civil d'Issoire, le 27 juillet 1827.
Table Godemel : Usage (droits d') : 2. dans la contestation relative à un droit d’usage de prendre des bois de construction dans les forêts de la Malguièze et de Laroche appartenant au sr Désaulnats ; celui-ci prétend que ce droit ne résulte pas des titres produits, ni de la possession ; qu’il serait éteint par non usage ; et que, dans tous les cas, il ne pourrait être éxigé pour la réparation ou reconstruction de la grange qui fait l’objet de la contestation, parce qu’elle n’aurait été construite qu’après l’acte de concession du 17 décembre 1764, et après diverses augmentations faites au domaine de la Guièze, qui appartient à Delrue ; demandeur en délivrance. Quid ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1831
1764-1831
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
69 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2714
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2712
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53551/BCU_Factums_G2714.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Tour-d'Auvergne (63192)
Augerolles (63016)
Auzat (domaine d’)
Lagièse (domaine de)
La Roche (forêt de)
Pissols (village de)
Buisson (domaine du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens nationaux
bois
communaux
Coupe de bois
droit d'usage
droit de bâtissage
droit de chauffage
eaux et forêts
émigrés
pacage
séquestre
témoins
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53549/BCU_Factums_G2712.pdf
22750a9fd41b35ca133ea1c7f10a76ab
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
M . J e a n - M a r i é N E Y R O N - D E S A U L N A T S , pro
priétaire , habitant au lieu de St-Genès, a p pe la nt
d'un jugement par d éfau t} rendu au tribunal civil
d ’Issoire, le 27 juillet 1 8 2 7
CONTRE
M .
J
a c q u e s
D E L S U C , propriétaire et ancien no ta ir e,
h a b i t a n t d u lieu d e S t - P a r d o u x - L a t o u r , Intimé.
U n droit d’usage, réclame par M. D elsuc, dans une forêt appar
tenant à M.D ésaulnats , est l’objet du procès.
Le sieur Delsuc invoque un titre et une longue possession accom
pagnée de paiement de redevance.
Le titre sur lequel il s’appuie est tellement équivoque, qu’il s’en
est servi seulement devant la cour. Jusques-là il s’était fondé sur
un autre titre , qu’il est, aujourd’h u i, obligé d’abandonner.
Ce titre, au reste, et les droits qui pourraient en résulter ne lui
ont jamais été transmis, et ne l’avaient même pas été à ceux qu’il
prétend représenter.
Q u a n t à la possession qu’il allègue, elle n’est pas établie ; la déli
vrance prescrite par les lois forestières pour donner à la possession
un eff e t légal, le paiement de la redevance , exigé aussi pour faire
COUR ROYAL
D E IUOM.
I re CHAMBRE.
�( o
considérer cette possession comme le résultat d’un droit reconnu ,
la continuité nécessaire pour en consacrer les avantages, en un mot,
aucun des caractères propres à rendre, en pareille matière, une
possession valable et utile, aucune des conditions que veulent les
principes et la jurisprudence, ne se rencontrent dans les faits dont
déposent les nombreux témoins qu’a fait entendre M. Delsuc.
Tout ce que démontre clairement l’ensemble de cette cause ,
c’est que ce droit d’usage, qui était attaché , dit-on , à un domaine
appelé de Laguièze , était resté, pendant un demi-siècle au
moins, sans exercice ; que dans la suite un nouveau propriétaire
du domaine, qui cependant n’avait pas acquis l’usage, chercha à lui
donner une v ie , une consistance qu’il n’avait jamais eue, ou qu’il
avait perdue depuis long-tems; que ces tentatives furent, sur-tout,
réitérées , et accompagnées d’un commencement de succès dans un
tems où la forêt était frappée du séquestre national ; que depuis la
réintégration de cette forêt dans les mains du propriétaire, des rela
tions de voisinage et d'affaires avaient déterminé celui-ci à consentir
à quelques délivrances provisoires, en attendant que les titres eussent
été communiqués et les droits vérifiés , et que c’est à l’aide de ces
vagues élémens, et en abusant d’une tolérance que l’on devait croire
sans danger, qu’aujourd’hui le sieur Delsuc veut s’arroger un usage
auquel, il ne saurait se le dissimuler, il n’a réellement aucun droit.
Il fait plus; il cherche même à donnera ce prétendu droit une étendue
que ne comporteraient, ni le titre dont il argumente, ni la compo
sition de l’ancien domaine.
FAITS.
La forêt de Laroche, dans laquelle le sieur Delsuc veut exercer
un droit d’usage, était une dépendance de la propriété seigneuriale
de Laroche, et fut l’objet des deux actes qu’on a successivement fait
valoir dans le cours du procès. L ’un de ces actes est du i 5 janvier
1 56 1 ; l’autre du 17 décembre i 63 /f
Par le premier, le sieur Jean de Laroche, alors propriétaire de
cette forêt, concéda à Jean F umat, clerc du village du mas Del Tourr c,
le droit, ¡tour lui et les sien s, à perpétuité , de p ren d re, couper,
�( 3 )
.
m ,
et emporter au villageDelm asDelTourreeta ses appartenances, du
bois de la forêt de la Malguièze et de Laroche, tant pour son chauf
fage d’un feu seulement, que pour clore et fermer ses héritages, et
pour tous autres usages, avec cette convention, qu’il ne pouvait
prendre du bois de sapin que pour bâtir, édifier et réparer maisons,
granges, étables, moulins, et autres édifices.
Le prix de la convention fut de 20 fr., dont l’acte porte quittance,
et de deux cartons de cens et rente annuelle.
Cette concession perpétuelle, mais restreinte au village Del Mas
Del Tourre, fut suivie en 1634-> l l décembre, d’une autre con
cession qui ne semblait que temporaire, qui est contenue, non dans
un acte authentique comme le premier, mais dans un acte sous seing
privé, par lequel le sieur De La Barge, alors propriétaire de la forêt,
investit le sieur J e a n Fumât son ferm ier, est-il dit, d’un droit
dans cette forêt pour son usage des maisons , pour ses tènemens
des villages de Guièze et Pis sol, soit pour son chauffage et
réparations qu’il pourrait faire dans lesdits ténemens, à la charge
de payer chaque année la quantité d’un setier d’avoine qu’ il
serait tenu de porter audit Laroche.
Cet acte qui n’est pas fait double, qui ne déclare pas la concession
perpétuelle, qui ne parle que de simples réparations et non de
constructions à faire, qui rappelle seulement les maisons de Fumât
dans les deux villages , sans indiquer d’autres bûlimens, tels que
granges, étables, moulins, etc., cet acte ne paraît pas avoir reçu
une exécution soutenue ; rien n’établit même qu’il en ait reçu
aucune; et ce qui est constant, c’est que de 1729 à 1773, l’on ne
trouve absolument aucune trace qui indique que personne ait songé
à l’exécuter.
C ’est, en effet, ce que démontrent plusieurs baux successifs du
domaine de la Guièze , dont le premier remonte au 4 avril 172g.
Par ce bail, le sieur François Fumât, procureur d’office au
bailliage de Montaigut-le-Blanc, et y habitant, donna à ferme pour
six années a Annet Plane et à Jean et Antoine G a y s, son domaine
de la Guièze et trente-deux têtes d’herbagès de la montagne de
Montaigut.
�Le preneur s’oblige à clore et à bien cultiver les héritages; on
le soumet aussi à entretenir les bàtimens de menues et légères
u
réparations.
Et cependant on ne lui parle pas du droit d’usage qui aurait été
attaché au domaine , d’un droit qui lui aurait fourni son bois de
chauilage comme celui dont il devait a voir besoin pour les réparations.
Aussi ce fermier n’est-il pas chargé de payer la redevance qui
aurait été le prix de l’usage.
C’est à la charge du bailleur seul, que, d’après une stipulation
expresse du b ail, demeurent les cens et les rentes comme les impôts
dont était grevé le domaine.
A l’expiration de ce premier bail, un second fut consenti pour
trois ou six années, par acte du 3o mars 1755 , par le même sieur
François Fum ât, eu faveur d’Annet Plane, l’un des précédons
fermiers. L ’on y remarque le même silence sur le droit d’usage et
sur la redevance , en même tems que la même charge imposée au
preneur de clore les héritages et d’entretenir les bàtimens.
Un troisième bail fut consenti pour trois, six ou neuf ans, le
17 mars 1750, par la demoiselle Gabrielle Fumât à Antoine Plane,
fils d’Annet, fermier antérieur.
Le preneur est chargé de clore les prés, d’entretenir les bàtimens
de menues et légères réparations , de payer les impôts, mais en
diminution du prix du bail.
On n’y parle encore, ni du droit d’usage, ni de la redevance.
11 est évident que si un droit d’usage avait été attaché au domaine,
ce droit, destiné au chauffage de ceux qui y auraient habité et aux
réparations à faire aux bàtimens, eût été déclaré au fermier pour
qu’il l’exerçât; il est évident encore que la redevance qui en était le
prix eût été aussi mise à sa charge.
Le silence de ces baux, dont le dernier à duré jusqu’en 1758 ,
démontre clairement que le droit n’existait pas, soit que la concession
de i6 7>4 fût seulement temporaire, soit qu’011 y eût renoncé depuis
long-tcms.
La lecture de ces divers baux donne lieu à une autre observation
fort importante.
�( 5 )
Le domaine de la Guièze est aflerme avec tous les héritages d é
pendant d’un autre domaine appelé d’A u z a t, le tout apparte'
teliant au sieur Fum ât, est-il dit.
Ainsi le domaine de la Guicze, qui ne se composait autrefois, et
notamment en iG 3/f, que d’héritages situés dans les dépendances du
village de la G uièze, avait reçu , dès 172 g, un accroissement consi
dérable par l’adjonction de tous les héritages qui composaient un
autre domaine situé à Auzat.
O11 concevra facilement que cet accroissement et la réunion dans
les mains du même fermier de trente-deux tètes d’herbages, objet
indépendant aussi du domaine et du ténement de la G uièze, durent
rendre nécessaire l’augmentation des bàtimens, et par conséquent
beaucoup plus onéreux pour la lorôt de la Roche, un droit d’usage
qui primitivement aurait été restreint aux besoins d’un très-petit
domaine.
Le bail de 1750 venait d’expirer, lorsque le domaine delà Guièze
changea de maître.
Par acte du 29 mars 1758 , la demoiselle G abri clic Fumât, alors
épouse d’un sieur Bonnet, vendit ce domaine et les trente-deux tètes
d’herbages à M. Jean Burin, seigneur de Saint-Pardoux.
Le domaine fut vendu avec ses servitudes dues et accoutumées ,
ses circonstances et dépendances, ainsi qu’il était composé , et que
la dame Bonnet et ses auteurs en avaient joui ou du jo u ir, ou leurs
jerm iers , et par exprès ledit sieur de St.-Pardouæ pour l’avoir
fa it exploiter l’année dernière, et Antoine P la n e , précédent f e r
m ier} suivant le bail du 17 mars 1760, reçu M oulin, notait e.
Il est dit plus bas que le sieur de Saint-Pardoux a déclaré avoir
une expédition du b ail, que lui avait remise la dame Bonnet, lors
de la retraite du fermier Antoine Plane.
Dans cette vente il n’est encore fait mention, ni d’aucun droi1
d’usage dans la foret de la Hoche, ni de la redevance qui en aui’ait
été le prix.
C’est dans un bail du 14 mars 1773 , qu’il est parlé pour la pre
mière fois d’un droit d’investison pour le domaine de la G u ièze,
dans la forêt de la Roche.
�(6 )
Par ce dernier b ail, ce même M. Burin , acquéreur en 1758 , à
qui il n’avait été vendu aucun droit d’usage, et qui n’avait reçu aucun
titre justificatif d’un tel d ro it, voulut s’en arroger u n , à l’aide de
quelques clauses qu’il inséra dans l’acte ; mais , comme il n’avait
aucun titre en son pouvoir, dans son ignorance, soit sur la consis
tance du droit m êm e, soit sur la redevance qui devait en être le
p r ix , les clauses qu’il dicta n’étaient en harmonie avec aucun des
actes de i 56 i ou de 1634.
Il soumit ses fermiers à lui délivrer chaque année quatorze chars
de bois à brûler, à prendre dans la forêt de la Roche ; comme s i,
en supposant même qu’un droit de chauffage eût été attaché à ce
domaine, il pouvait être permis de conduire et de faire consommer
ce bois ailleurs que dans le domaine même.
Les fermiers furent aussi chargés de payer au seigneur de Labro
un setier avoine et une poule, chaque année , pour droit d’investison du domaine dans la forêt de Laroche.
Et néanmoins, dans les actes que l’on invoque aujourd’h u i, s’il
était parlé d’uu setier d’avoine , il n’était pas au moins question de
poule.
L ’année même de ce bail, le domaine de la Guieze fut délaissé
par le sieur Burin à sa fille qu’il mariait avec le sieur Bléton. Dans
le contrat de mariage qui est du 17 octobre 1773, le domaine fut
cédé en paiement de la dot de la demoiselle Burin , avec le droit
d ’usage r e t prendre du bois dans lafo r e t de L aroche, tout ainsi
et de même que ledit Burin ou ses ferm iers en ont jo u i ou du
jo u ir , est-il dit.
D ’ailleurs , on n’énonce pas de redevance , quoique le prix du
domaine soit fixé à 19,860 fr., tandis que la dot n’était que de la
somme de 8,000 fr. Le gendre s’oblige à payer la différence.
Aussi le domaine est-il délaissé avec promesse de garantir,
fournir et fa ire valoir, de tous troubles et évictions généralement
quelconques , sans qu’aucune charge soit imposée pour le droit
d’usage ; circonstance qui indique combien peu étaient claires et
déterminées les idées du sieur Burin sur l'existence, l’étenduC et les
�Si)
conditions du prétendu droit qu’il déclarait abandonner avec
domaine.
L e sieur Bléton, nouveau possesseur, afferme le domaine le
g mars 1774? *1 charge le fermier R epayer, chaque année, la
rente due pour l’im estison du bois , sans en indiquer la nature
et la valeur.
La même charge est imposée dans un autre bail du 20 mars 1778 ;
mais cette fois-ci 011 déclare que la redevance annuelle consiste en
un setier d’avoine. Au reste, le titre constitutif du droit n’est visé
dans aucun de ces baux.
O11 verra dans la suite combien a été imparfaite la preuve qu’a
voulu faire le sieur Delsuc , soit de l’exercice du droit d’usage aux
époques de ces divers baux , soit du paiement regulier d’une rede
vance, ce qui aurait été le principal caractere dun véritable droit
de ce genre.
Oue des propriétaires de domaines voisins delà forêt aient tenté,
d’ailleurs, de s’attribuer de tels droits , on n’en sera pas surpris si
l’on considère que le propriétaire de la forêt, habitant assez loin de
là , ne pouvait que faiblement surveiller sa propriété et s’assurer de
la vigilance ou de la fidélité de ses gardes ; si l’on fait attention aussi
que le bois étant alors d’une valeur presque nulle et d’un débit
difficile , une surveillance rigoureuse présentait peu d’intérêt -, si
l’on remarque enfin que la forêt était réellement soumise à d’autres
droits d’usage; ce qui ne permettait pas toujours de vérifier si fous
ceux qui s’y introduisaient étaient de vrais usagers, et ce qui était
très-propre à favoriser les entreprises de ceux qui cherchaient à se
créer des usages.
La seigneurie de Laroche et la forêt qui en dépendait avaient été
vendues le 17 août 1784, par le sieur de Labro à un sieur Brassier.
Le sieurNeyronde la Tanière, parent du vendeur, exerça le retrait
lignager; il fut subrogé à la vente , par acte du dix janvier 1785.
L ’acte porte que l’acquéreur n’aurait à exercer aucune action en
garantie contre l’ancien propriétaire, à raison des droits d’usage qui
pouvaient êtx’e dus dans le bois de Laroche.
Le sieur Neyron la Tarlière, qui n’avait acquis cette propriété
�•>
C S ).
q ne pour le sieur Noyron Désaulnalts, fut placé sur la liste des émi
grés ; et cette circonstance fit mettre sous le séquestre national la
forêt de Laroche : elle y est restée jusqu’à la fin de l’année 1809.
Durant cet intervalle, comme auparavant, il 11e paraît pas qu’il
ait été payé aucune redevance pour le prétendu droit d’usage que
l’on réclame 5 car l’on 11’en rapporte pas de quittance.
Cependant la forêt fut peu respectée par les habitans des lieux
voisins. Abondonnée en quelque sorte dans les premiers tems du
séquestre, beaucoup de prétendus usagers s’y introduisaient et y
prenaient du bois, sans délivrance, sans contrôle.
Dans la suite, et lorsque parut la loi du 28 ventôse an 1 1 , sur la
police des forêts de l’Etat, quelques-uns de ceux qui se croyaient
des droits d’usage déposèrent leurs titres au secrétariat du dépar
tement, comme le prescrivait la loi.
t
Parmi ces prétendus usagers , l’on doit remarquer AinableGabriel Ileboul, représentant de Jean et autre Jean Fumât, avec
lesquels avaient été passés les actes des i 5 janvier i 56 i et 17 dé
cembre 1654.
Le sieur Reboul, qui seul avait ces actes en son pouvoir, après
les avoir déposés dès le 8 décembre 179 1, dans l’étude du sieur
Chassagne, notaire à Clermont, en relira une expédition qu’il pré
senta au préfet et à l’administration forestière, afin de se faire atttribuer les droits d’usage que ces actes rappelaient. 11 obtint même du
conservateur des eaux et forêts de la 1o®division un avis favorable ,
ci la charge de verser, chaque année, entre les mains du receveur
des domaines, le prioc de d eu x setiers d'avoine, mesure de
Lalour, et même de payer tous les arrérages de celte redevance
qui pouvaient être dus.
Cet avis n’eut cependant aucune suite ; M. Reboul n’obtint rien,
et même ne réclama plus, à ce qu’il parait, soit que le droit lui parut
trop équivoque, soit qu’il considérât la redevance comme trop
onéreuse.
<
Mais le sieur Bléton père était alors receveur des domaines. Les
titres déposés par le sieur Reboul lui furent connus ; et comme le
Je droit d’usage lui avait été indiqué dans son contrat de Inariago
�de 177s , il crut pouvoir profiter de cette découverte, et il réclama
lui-méme ce droit pour son domaine de la Guièze. 11 réussit à se
faire comprendre, en i8 o5 , en 1807 et en 1808, dans plusieurs
délivrances accordées provisoirement, en attendant que les titres
des usagers lussent vérifiés et leurs droits reconnus.
Mais ces délivrances lurent laites sous la réserve expresse des
droits du gouvernement.
Quelqu’insignifianlcs qu’elles soient pour établir le droit d’usage ,
on les invoque néanmoins aujourd’hui, quoique l’inspecteur forestier
lut sans qualité pour reconnaître un tel droit, et quoiqu’il n’ait été
payé alors aucune espèce de redevance.
Ce fut à la fin de 1809, que le sieur Neyron-üésaulnats parvint à
faire lever le séquestre et à recouvrer sa propriété.
11 en ignorait et la consistance et les charges ; il savait vaguement
qu’elle était grevée de divers usages. Beaucoup d’usagers se pré
sentèrent ; la plupart n’avaient pas de titres , mais ils en certifiaient
l’existence ; ils promettaient de les rapporter incessamment. Le
sieur Ncyron-Désauhials ne crut pas devoir se montrer trop diffi
cile dans ces premiers terns. Il suivit l’exemple de l'administration ,
et fit comme elle quelques délivrances provisoires, mais sans tirer
à conséquence, et en attendant que les titres des usagers lui fussent
produits.
C ’est ainsi qu’il délivra du bois pendant pendant plusieurs années
à certains voisins, auxquels il en a , dans la suite, refusé, après avoir
assez long-tcms réclamé leurs titres, qu’ils ne lui ont pas produits
ou qui se sont trouvés vicieux.
C ’est ainsi qu’il a fait, notamment, diverses délivrances au sieur
Bléton, quoique scs titres ne lui fussent pas connus, mais avec lequel
il avait des rapports de voisinage et de bienveillance réciproque.
Les fermiers du sieur Bléton ont même conduit chez le sieur
Désaulnats quelques setiers d’avoine , en attendant que les droits
respectifs fussent réglés.
Dans ces circonstances , les immeubles du sieur Bléton furent
frappés d’une saisie immobilière; et, le 1 5 novembre 1819, le do
maine de la Guièzc et quarante-une tètes d’herbages de la montagne
�( 10)
de Montaigut furent vendus judiciairement, au faible prix de
17,100 fr., somme inférieure de plus de 2000 fr. à celle à laquelle
avait été évalué le domaine seul, près de 5o ans auparavant, dans le
contrat de mariage du sieur Bléton père, avec la demoiselle Burin ,
le 19 octobre 1773.
Dans le détail des objets vendus, il n’est pas fait la moindre men
tion du droit d’usage ;
Dans le cahier des charges, l’adjudicataire n’est soumis au paie
ment d’aucune rente, d'aucune redevance.
L ’adjudication avait été faite au duc de Castries.
Le sieur Delsuc lui fut bientôt après subrogé par un fondé de
pouvoir, au môme prix et aux mêmes conditions.
Le sieur Delsuc, devenu propriétaire du domaine de Laguièze,
invita le sieur Désauluats à lui délivrer du bois dont il avait besoin.
Celui-ci pouvait-il s’y refuser? Le sieur Delsuc était le plus proche
voisin du sieur Désaulnats. Il existait entr’eux journellement des re
lations de tout genre. Le sieur Désauluats consentit donc à lui faire
des délivrances provisoires, en attendant que les droits du sieur
Delsuc fussent examinés. C elui-ci fit, de son côté, porter chez.
M. Désaulnats quelques setiers d’avoine qui ne furent aussi reçus
que conditionnelleineut, et sans que le droit fût reconnu.
Cependant ce provisoire devait avoir un terme; et les droits du
sieur Delsuc ne paraissant pas justifiés au sieur Désaulnats, il y eut
refus de délivrance de bois : alors commença le procès.
Le 23 mars 1827 , le sieur Delsuc fait signifier au sieur
Désaulnats, 10 l’acte d’investison d’un droit d’usage, consenti le
i 3 janvier i 56 i , parle sieur de Laroche à Jean Fumât, ensemble,
est-il dit, l’acte de ratification de ce droit, du 17 décembre 16545
20le contrat de vente consenti au sieur Burin , le 27 mars 1758 ;
5 ° le contrat de mariage de la demoiselle Burin, du 19 octobre 1773.
Il expose ensuite que , par l’acie de i 56 i , Jean Fumât avait été
autorisé à prendre, dans la foret, du bois de sapin pour bdtir et
édifier ma ¿sons, granges, étcibles, moulins et autres édifices, etc.;
qu il est aujourd’hui auæ droits du sieur Fum ât ; qu’ il est sur le
point de construire un bâtiment dans le domaine de la Guièze ,
�et qu’ il a le droit, a u x termes de Pacte d’investison sus énoncé,
de prendre dans le bois de Laroche et de Malguièze , apparte
nant au sieur Désaulnats, tous les bois en sapin nécessaires
pour la construction dudit bâtim ent, auquel le sieur Delsuc se
propose de donner une longueur de 24 mètres 55 centimètres
(78 pieds), et une largeur de 11 mètres (55 pieds).
En conséquence, le sieur Delsuc somme le sieur Désaulnats de
lui délivrer les arbres nécessaires à cette construction.
Cette sommation fut suivie d’une cédule en conciliation , du
29 mars 1827 , fondée sur l'acte du i 5 janvier i 56 i , et tendante
à faire condamner le sieur Désaulnats à délivrer au sieur Delsuc le
bois nécessaire à la construction d’un bâtiment ayant les dimensions
qui viennent d’être indiquées.
Le sieur Delsuc ne comparut au bureau de paix que par son fondé
de pouvoir; et la conciliation n’ayant pas eu lieu, une assignation
fut donnée aux mêmes fins, toujours en vertu de celte prétendue
concession, du i 5 janvier i 56 i la seule qui soit rappelée dans
l’exploit d’ajournement, comme dans la cédule en conciliation.
Des conclusions sont signifiées dans les mêmes termes, le 27
juillet 1827 ; et un jugement par défaut, obtenu le même jour, par
le sieur Delsuc, lui adjugea sa demande, en se motivant aussi uni
quement sur l’acte du 1 5 janvier 1 56 r.
Le sieur Désaulnats interjeta appel de ce jugement devant la
Cour ; il a répondu à un interrogatoire sur faits et articles qu’a de
,
mandé le sieur Delsuc ; il y a parlé de quelques délivrances de bois
de chauffage ou autres qu’il avait accordées provisoirement au sieur
Delsuc ; il a reconnu aussi avoir reçu quelques setiers d’avoine ,
mais sans entendre attribuer aucun droit, seulement en attendant que
les titres fussent vérifiés et les difficultés résolues.
La cause portée à l’audience du i 5 mars i 85 o, le sieur Delsuc ,
q u i, jusqu’alors, avait invoqué seulement l’acte d’investison du 1 5
janvier i 56 i , parce que cet acte seul pouvait justifier l’exagération
de sa demande , se ravisant un peu tard , fit principalement usage
du second acte, du 17 décembre 1 634 î al° rs
C ou r, s’occupant
moins de l’étendue du droit que pouvait concéder ce second acte,
�que tie sa validité et de son exécution, ordonna, « avant de faire
« droit aux parties, et sans préjudice des moyens, tant de fait que
« de droit qui leur sont, est-il d it, respectivement réservés, que le
« sieur Delsuc prouverait, tant par litres que par témoins, que,
« dans le cours des trente années qui ont précédé la demande, il
<; avait, lui ou ceux qu’il représente, exercé le droit d’usage qu’il
« réclame sur le bois de Laroche , au v u , ou su et dre cousenle« ment du propriétaire du bois prétendu assujetti au droit, ou de
« ceux qu’il représente ;
« Que le sieur Delsuc prouverait également, et de la même tna<( nière, que, dans le même espace de teins , ledit sieur Delsuc, on
«• ceux qu’il représente, ont payé la redevance, prix du droit
« d’usage prétendu j sauf au sieur Neyron-Désaulnats la preuve con« traire. »
Les motifs particulièrement applicables à celte disposition inter
locutoire sont ainsi conçus :
« Considérant que, suivant la jurisprudence, ce titre (celui de
« iG34) ne suiïit pas pour l’établissement d’un pareil droit; qu’outre
« le titre, il (le sieur Delsuc) doit être fondé sur une possession
(<
■trentenaire, postérieure au titre ; parce qu’à défaut de cetie pos« session, le titre serait prescrit, et que (être prescription aurait
« opéré l'affranchissement du droit, quand même il aurait été établi
« long-tems auparavant ;
« Considérant encore q ue, suivant cette même jurisprudence ,
« pour que la possession soit valable et puisse opérer son effet, il
« faut qu’elle soit accompagnée de la délivrance du bois, faite du
« consentement du propriétaire , et de la prestation de la rede«■vance, moyennant laquelle la concession du droit d’usage a été
« faite dans le principe ;
« Considérant que le sieur Delsuc ne rapporte, ni la preuve par
« écrit du consentement donné à chaque délivrance par le pro« priétaire, ni la preuve du paiement de la redevance, à chaque
« délivrance, cl qu’il offre seulement de prouver par témoins, soit
« Je consentement à la délivrance , soit le paiement de la redevance,
« dans le cours des trente années avant la demande j
�A y
« O r , considérant que toutes les mentions contenues dans tous
« les actes ci-dessus énoncés doivent être regardés comme autant de
« commencemensdepreuveparécritduconsentementàladélivrance
« et du paiement de la redevance; qu’on doit encore attribuer le
« même effet aux décisions prises par l’administration , qui ont
« maintenu le sieur Blé ton ou ceux qu’il représente dans l’exercice
« du droit d’usage dont il s’agit, même quoique ces décisions n’aient
« été que provisoires et prises sous la réserve des droits du gouver« nement, puisque, d’après les circonstances, il ne dépendait pas
« du sieur Bléton, ou de ceux qu’il représente, d’exercer autre<f ment leurs droits. »
En exécution de l’arrêt, des enquêtes respectives ont été faites.
Nous aurons à les discuter.
Tels sont les faits d’après lesquels nous avons à examiner ,
i° Les titres et les droits du sieur Delsuc ;
20 S’il a exercé une possession légale du droit d’usage qu’il
réclame ;
5° Quels seraient, au reste, l’objet et l’étendue de ce droit
d’usage.
§ I"
E xa m en des titres et des droits du sieur Delsuc.
Le sieur Delsuc invoquait d’abord un seul litre, un acte d’investison du i 5 janvier 1 56 1.
C’est cet acte seul qui est rappelé, soit dans l’exploit introductifde
l’instance, soit dans les conclusions prises, soit dans le jugement
dont est appel.
Et cependant cet acte est absolument étranger au domaine de la
Guièze auquel le sieur Delsuc veut rattacher le droit qu’il réclame.
Car la concession du 1 5 janvier 1 56 1 est faite seulement pour des
propriétés situées au village Del Mas Del Tourres. Il y est dit que
le seigneur de la lloche investit, à titre de perpétuelle vestison
Jean Fum ât, du droit de prendre, couper et emporter par ledit
Fumât et les siens , à
ses appartenances ;
p erp étu el
, au village D el Tourres, et à
�Il rinSrcst.it aussi du droit de prendre du sapin dans la même forêt
pour bâtir et édifier maisons, granges, étables , moulins et autres
édifices , iceu x réparer, et fa ire dudit bois de sapin, tant pour
les réparations desdits bdtirnens, qu’autres ses affaires.
Cette concession e st, comme on le v o it, des plus larges ; elle
s’applique, soit au bois ordinaire pour le chauffage et la clôture des
héritagesj soit au bois de sapin nécessaire pour réparer; soit, et ce
qui est bien plus important, à tout le bois de sapin dont Fumât
pourrait avoir besoin pour bâtir et édifier m aisons, granges,
é tables, Moulins et autres édifices ; en sorte qu’il était loisible à
Fumât, d’après la généralité des termes de la concession, de faire,
aux dépens du bois de la forêt, toutes les constructions qu’il aurait
jugées utiles.
Mais le droit concédé est restreint au village Del Mas Del Tourres,
et à ses appartenances ; il ne s’étend pas au-delà des limites de ce
village; il n’y est aucunement question du village de la Guièze. O r,
ces deux villages et leurs ténemens étaient autrefois, comme aujour
d’hui, absolument distincts; donc, l’acte de i 56 i n’est pas appli
cable au village de la G u icze, où le sieur Delsuc est propriétaire.
Cet acte de i 56 i ne peut lui servir de titre. Comment se
fait-il donc qu’il n’ait agi pendant tout le cours de l’instance qu’en
vei'tu de cet acte? et qu’après s’être borne à rappeler dans la som
mation qui avait précédé le procès, un autre acte du du 17 décembre
i 634 > qu’il présentait seulement comme la ratification du premier,
il n’ait fondé ses réclamations dans la cédule en conciliation comme
dans l’exploit d’ajournement, dans ses conclusions et dans le juge
ment, que sur cet acte isolé de i 56 i , sur cet acte qui 11’attribuait
aucun droit d’usage pour le domaine de la Guièze ?
Cette singularité trouve son explication dans quelques obser
vations.
Par l’acte de i 65 /\, le seigneur de la Barge investit Jean Fumât
son fermier, des bois de Malaguièze et Laroche, pour en jo u ir
pour son usage des maisons , pour ses ténemens des villages de
Guièze cl Pissol, soit pour son chauffage et réparations.
|.l n’est pas dit dans cet acte, comme dans le premier, que la
�( .5 )
k f
concession est perpétuelle , et qu’elle est accordée pour le sieur
Fumât et les siens.
Il n ’y est pas stipulé, comme dans le précédent, qu’elle aura lieu,
non seulement pour l’usage des maisons et ténemens , ce qui ne
s’entend que du chauffage , mais encore pour bâtir et édifier
meusons, granges, ètables , moulins e t autres édifices.
Il n’y est parlé que de réparer , ce qui ne signifie évidemment
pas faire des constructions nouvelles et considérables, ce qui ne
peut s’entendre que d’entretenir les constructions déjà existantes.
Or, le sieur Delsuc voulait faire construire un nouveau bâtiment
et un bâtiment considérable , puisqu’il doit avoir 78 pieds de
longueur sur 33 pieds de large : car tel est l’objet du procès.
S’appuyer sur l’acte de 1634-» ç’eût été manquer son b u t, soit à
cause de l’obscurité de ses termes sur la durée de la concession,
soit parce qu’il n’y était parlé d’usage que pour réparer et non
pour construire. Pour éviter ces difficultés , c’est l’acte seul de
1 56 1 qu’il invoque; c’est d’après l’acte seul de 1 56 1 qu’il obtient,
par défaut, il est v r a i, ce qu’il demande.
Mais devant la C o u r, le change ne sera pas pris, et le titre de
ï 5 6 i sera nécessairement déclaré étranger au domaine du sieur
Delsuc , puisque ce domaine n’est pas situé dans les dépendances
Del Mas Del Tourres , auquel Mas s’applique exclusivement l’acte
de i 56 i .
Ainsi disparaît ce premier titre servant de base à la demande que
nous contestons.
A l’audicncc de la Cour, lesieur Delsuc a invoquél’actc de 1634.
Mais, en supposant même , ce que les circonstances rendent fort
douteux, que l’usage dont il est parlé dans ce second acte doive être
perpétuel, limité à de simples réparations à faire , le droit d’usage
concédé par ce titre n’autoriserait pas à réclamer du bois pour une
vaste construction, telle que celle qu’on se propose.
Au reste, tel qu’il est, le droit concédé par cet acte a-t-il été
transmis au sieur Delsuc? avait-il été transmis, avant lui, aux sieurs
Burin et Bléton?
La négative est démontrée par tous les baux qui ont précédé
-/0
v,
�( «6 )
l’époque à laquelle le domaine de la Guieze passa de la famille
Fumât aux familles Burin et Bléton. INous voulons parler des baux
des 4 avril 1729, 5o mars 1755 , 17 mars ly S o , baux qui se sont
prolongés pendant environ trente ans, et dans aucun desquels il
n’est fait mention, ni d’aucun droit d’usage attaché au domaine sur
la foret de Laroche, ni d’aucun paiement de redevance.
Ce silence est une preuve non équivoque que dans la pensée du
bailleur, comme dans celle du preneur, il n’était dû au domaine de
la G uieze, ni droit de chauffage ni droit d’usage pour réparations,
sur la foret de Laroche. Car si un tel droit avait existé, le fermier
en aurait été prévenu, puisqu’il en aurait dû jouir; et s’il eût été
autorisé à en user, il aurait été aussi nécessairement chargé de
payer la redevance annuelle qui aurait élé le prix de sa jouissance.
Cependant on ne lui impose aucune charge de redevance.
Au contraire , c’est le bailleur q u i, par les expressions vagues
cl générales de ces baux, demeure chargé de tous les cens et rentes
dont le domaine pouvait être grevé.
La conséquence de tout cela est simple ; c’est que le droit d’usage
n’était pas exercé ; c’est que la redevance n’était pas payée, soit que
la famille Fumât eût considéré comme temporaire seulement la
concession faite en 1654 par le seigneur de Laroche à Jean Fumât,
alors son ferm ier, est-il dit; soit que le prix annuel du droit
d’usage parût, à celte famille plus onéreux que n’était utile l’usage
même à un époque où le bois, sur-tout dans le voisinage des forêts,
était sans aucune valeur.
Quelle que soit, au reste, la cause du silence des actes et des
faits, il n’en est pas moins vrai qu’on ne trouve absolument aucune
trace de l’exercice de ce droit d’usage, pendant les cent années
antérieures au 29 mars 1758 , date de la vente que fit là demoiselle
Fumât, épouse Bonnet, au sieur Burin , du domaine de la Guieze ,
pour lequel ce droit est aujourd’hui réclamé.
Mais jetons les yeux sur cet acte de vente. Y trouverons-nous
quelque chose qui rappelle le droit, qui l’indique même, quoique
un peu vaguement?
l'ion; nous 11’y trouverons rien, absolument rien.
�Que l’on se fixe sur les termes de cette vente (nous les avons rap
portas dans l’exposé des faits); l’on y verra que le domaine est vendu
au sieur Burin dcSt-Pardoux, tel que celui-ci en avait jo u i l’année
dernière, et tel qu’en avait joui aussi Antoine Plane, précédent
ferm ie r, suivant le bail du 17 mars i^So , reçu Moulin, notaire.
Ainsi c’est au dernier bail de 1 qSo , que l’acquéreur est renvoyé
pour connaître la consistance du domaine ; et il est ajouté qu’une
expédition du bail a été remise à cet acquéreur.
O r, le bail est muet sur le droit d’usage et sur la redevance. Le
fermier ne jouissait pas de cet usage ; il ne payait aussi d’après le
bail aucune redevance.
Comment donc supposer que la dame Fumât ait entendu vendre,
et que le sieur Burin ait entendu acquérir un droit dont ils n’ont pas
parlé, un droit accompagné d’une charge à laquelle l’acquéreur n’a
pas été soumis?
Comment présumer aussi que le sieur Burin, qui avait joui du
domaine, l’année antérieure à la vente, n’y eut pas fait exprimer le
droit d’usage, si réellement il l’avait exercé ?
Certes, ce silence des baux de 1729, 1755 et iqSo sur l’usage
et la redevance, aurait frappé l’attention de la Cour , si ces baux lui
avaient été connus lors de l’arrêt interlocutoire (i); elle aurait, sur
tout, remarqué avec surprise qu’il n’en était pas fait la moindre
mention dans le dernier bail de 1760 auquel la vente se référait; et
considérant l'inexécution plus que séculaire de la concession pré
tendue perpétuelle de 1654, peut-être eût-elle regardé comme inutile
d’ordonner la preuve de l’exécution postérieure qu’alléguait le sieur
Delsuc.
Le silence de ce bail sur le droil d’usage, explique pourquoi il
11’a pas été produit par le sieur Delsuc , qui l’avait à sa disposition
aussi bien que la vente.
Ajoutons une observation importante.
Ces titres que l’on invoque aujourd’hui, ces actes de i 56 i et de
i 634 n’étaient pas dans les mains des familles Burin et Bléton ;
ils ne leur avaient pas été remis par la dame Fum ât, lors de la
(1) Le sieur D csaulnats s'est procuré des expéditions de ces baux à l'aide d’ uu couijK üioire,
�( 18}
vente. Ces actes se trouvaient au pouvoir de la famille Reboul qui
représentait la famille de Fumât pour d’autres propriétés. Ce fut un
sieur Reboul qui les déposa, le 8 décembre 1791 , dans l’étude de
M e Chassagne, notaire ; ce fut aussi un sieur Reboul qui, pendant le
séquestre de la forêt de la R oche, et lors de la publication de la loi
du 28 ventôse an 11 , déposa , dans son propre intérêt, et comme
représentant de Jean Fumât, au secrétariat de la préfecture du Puyde-Dôme , l’expédition de l’acte de dépôt constatant l’existence des
actes des i3 janvier i 56 i et 17 décembre i 63 /f. C’est ce qu’atteste
un avis donné, le 17 décembre 1806, parle conservateur des eaux
et forêts de la 10e division.
Et ce qu’il y a de remarquable, le sieur Reboul n’a rien obtenu et
ne demande rien, tandis que la famille Burin et Bléton, qui n’avait
pas de ttres, qui n’avait pas fait de dépôt a la préfecture, mais qui
fut instruite, sans doute, du dépôt fait par le sieur Reboul, réclama
et obtint quelques délivrances de bois, seulement provisoires, il est
vrai. Sic vos non vobis mcllijicatis opes.
Ce fut pendant la durée du séquestre national, que furent décou
verts par la famille Bléton ces actes de i 56 i et i 654 qui étaient
restés jusques là dans l’obscurité et sans exécution; qui ont été remis,
il y a peu d’années, au sieur Delsuc, devenu adjudicataire sur saisie
immobilière du domaine de la Guièze, et sur lesquels celui-ci se
fonde aujourd’hui pour réclamer un droit d’usage qui ne lui a pas été
vendu , pas plus qu’d ne l’avait été à la famille Burin, et pour oilrir
comme prix du droit une redevance annuelle dont il n’a pas été
chargé. Car l’adjudication du 1 5 novembre 1819 est aussi muette
et sur le droit et sur la redevance.
Ainsi point de transmission, ni au sieur Burin ni au sieur Delsuc,
des droits d’usage que pouvaient avoir les Fumât en vertu des actes
de 1561 et i 654 J point d’exécution d’ailleurs de ces actes, pendant
un siècle et plus, antérieurement à la vente faite au sieur Burin , du
domaine de la Guièze; point d’énonciation même du droit et de la '
redevance dans aucun acte authentique ou sous seing-privé, anté
rieur à 1770.
Comment le sieur Delsuc pourrait-il prétendre, et que ce droit
a cté conservé, et qu’il en est propriétaire ?
�( T9 )
Dirait-on qu’il est rappelé dans des baux de 177^ , de 1774* de
1778, et dans le contrat de mariage de la demoiselle Burin avec le
sieur Bléton ?
Mais tous ces actes, étrangers au propriétaire de la forêt de la
Roche, ne peuvent être invoqués contre lui.
Mais si l’usage avait été légalement exercé , si une redevance avait
été réellement et régulièrement payée 011 en trouverait quelques
traces écrites ; des quittances plus ou moins anciennes seraient rap
portées. O r, l’onne produit rien, on 11e présente aucun écrit, aucun
commencement de preuve écrite émanée des anciens propriétaires
de la forêt, qui indique soit l’existence du droit, soit le paiement de
la redevance. Et certes dans de telles circonstances les sieurs Burin
et Bléton avaient trop d’intérêt à retirer des quittances de la rede
vance comme preuve de leurs droits, pour ne pas en exiger s’ils
l’eussent réellement acquittée.
Cependant c’est à la preuve testimoniale seule , à laquelle le sieur
Delsuc s’ost vu dans la nécessité d’avoir recours pour se procurer
des argumens, afin de suppléer et aux preuves écrites que la loi
paraît e x ig e r, et même , en quelque sorte , aux titres dont il est
dépourvu.
Nous verrons si cette preuve est assez forte, assez caractéristique,
assez positive, pour attribuer au sieur Delsuc un droit qu’il a vai
nement cherché à faire ressortir de ses titres, qui le repoussent par
leur silence.
§ H.
L e sieur D elsuc a -t-il exercé une possession légale du droit
d’usage ?
Nous avons ci-dessus transcrit les termes de l’arrêt interlocutoire
rendu par la Cour.
Nous y avons vu que la Cour avait décidé q ue, suivant la juris
prudence , un titre ne suffisait pas pour l’établissement d’un droit
d’usage ; qu’outre ce titre, le droit devait être fo n d é sur une pos
session trentenaire, postérieure au titre, parce qu’ ci défaut de
cette possession , ce titre serait prescrit.
Que, suivant cette même jurisprudence} pour que lapasses-
�( 20 )
s ion soit 'valable et puisse opérer son e ffe t, il faut qu'elle soit
accompagnée de la délivrance du bois, fa ite du consentement
du propriétaire, et de la prestation de la redevance, moyennant
laquelle la concession du droit d’usage a été faite dans le principe.
Ainsi l’usager même qui a un titre positif doit prouver trois choses
pour en réclamer l’eiTet :
i° Qu’il a possédé le droit qu’il réclame ;
2° Qu’il a payé la redevance qui en était le prix ;
5° Qu’il a reçu du propriétaire la délivrance du bois.
La simple possession, non accompagnée des deux conditions
prescrites, serait sans force, sans eiTet légal, et n’empêcherait pas
le cours de la prescription, c’est-à-dire de l’extinction du droit.
Cette doctrine , consacrée par la Cour, a été empruntée, soit des
auteurs les plus recommandables, soit d’une jurisprudence qui n’est
pas équivoque.
Le paiement de la redevance est une condition nécessaire, indis
pensable pour la conservation du droit de l’usager. C ’est ce qu’en
seigne Fréminville dans sa pratique universelle des droits seigneuï’iaux, tome 5 , page 22G.
« Il est certain, dit-il, que le seigneur peut prescrire la servitude
« de l’usage , lorsque l’usager ne paye pas la redevance.
v Le droit d’usage est une véritable servitude, qui 11e peut se
«■soutenir qu’en remplissant régulièrement par l’usager ses obliga« lions annuelles ; il ne lui sert de rien de se maintenir en jouissance
« et en possession de son usage. Celte possession, par elle-même,
« ne lui donne aucun droit, c’est la redevance. Ce n’est donc pas
« la jouissance qui acquiert, et conserve le droit, c’est la prestation
«■de paiement qui renouvelle le titre, suivant la loi : qui enini in
v tam longo prohæoque spatio ju s minime consecutus e s t , serd
t< pæmtentid ad pristinam servitulem desiderat.
Selon Coquille, cité par l'auteur, il faut même, pour conserver
le droit, que la prestation soit faite au seigneur ou à, son receveur
comptable, qui en ait com pté, et non pas ¿1 un ferm ier, qui a
toujours les tnaius ouvertes pour recevoir, et n’ a pas grand in-
�térct au droitfon cier du seigneur, et dont le fa it ne peu t nuire
au seigneur pour la possession ou pour la prescription.
Ces principes sont d’une grande sagesse. Ils ont pour but de mé
nager les intérêts légitimes du propriétaire comme ceux de l’usager,
de faire connaître avec certitude au propriétaire du bois l’exercice
des usages qui grèvent sa propriété , et de prévenir les entreprises
obscures et les spoliations clandestines qui ne se pratiquent que trop
souvent dans les forets.
C ’est dans le même but qu’a été prescrite la délivrance que doit
obtenir tout usager, délivrance qui s’opère par une marque faite
avec le marteau du propriétaire sur le bois que celui-ci livre ou fait
livrer à l’usager.
Cette délivrance est d’autant plus indispensable, que l’usager peut
seulement exiger le bois qui lui est nécessaire ; qu’il faut donc véri
fier d’abord l’étendue de scs besoins, et que trop souvent il serait
disposé à prendre largement et à excéder de beaucoup le nécessaire,
s’il lui était permis d’agir sans contrôle , et si son arbitraire était sa
seule règle.
Aussi la nécessité de la délivrance préalable par le propriétaire à
l’usager a-t-elle été établie par diverses ordonnances de nos rois ;
aussi a-t-on toujours considéré comme délit le fait des usagers qui,
sans délivrance préalable, coupaient et enlevaient le bois auquel des
titres leur donnaient droit ; aussi de nombreux arrêts ont-ils con
damné à des amendes, à des dommages-intcrêls, les tisagers qui
négligeaient de se soumettre à cette importante condition.
On peut citer, sur cette question, une savante dissertation de
M. Merlin, dans son répertoire, au mot usage (droit d’).
On peut voir aussi, dans tous les recueils, de nombreux arrêts
qui ont puni comme délits des usages exercés sans cette formalité de
rigueur , quelque certains d’ailleurs que fussent les droits des
usagers (i).
L ’omission de cette formalité, impérieusement ordonnée, en
traîne la prescription du droit d’usage, parce que, quelque possession
(1) Voir notamment des arrêts.
�( 22\
défait qu’ail eue l’usager, celte possession, dépourvue descaracteres
propres à la rendre valable, cette possession qui n’aurait été qu’une
suite de délits , celte possession illégale, doit être considérée comme
n’ayant pu interrompre la prescription, ni empêcher l’extinction du
droit d’usage.
Telle est la conséquence que déduit M. Merlin de la doctrine
qu’il professe ; telle est celle qu’ont adoptée plusieurs arrêts de la
Cour de Riom, et qu’a consacrée la Cour de cassation elle-même,
par sa jurisprudence. On peut citer notamment l’arrêt Bertrand, du
a5 août 1826; l’arrêt Locard, du 4août 1828, et l’arrêt Romeuf, du
20 juin 1827. La Cour de cassation, par arrêt du 27 janvier 182g ,
a rejeté le pourvoi qui avait été formé contre l’arrêt Locard.
L ’application de ces principes à la cause de M. Désaulnats doit
repousser la prétention du sieur Delsuc ; car celui-ci n’a prouvé,
ni le paiement de la redevance , prix du droit d’usage dont il s’agit,
ni la délivrance faite par le propriétaire à l’usager.
Déjà, en discutant les litres du sieur Delsuc et des sieurs Bléton
et Burin, ses prédécesseurs, nous avons remarqué qu’antérieure
ment à 1773, il n’existait aucune trace de l’exercice du droit de
l’usage , ni du paiement de la redevance.
Nous avons vu en effet que pendant le siècle qui a précédé cette
époque, et notamment depuis 1729, aucun bail et absolument au
cun acte, même purement énonciatif, n’avait rappelé ni le droit
d’usage ni la redevance qui en était le prix.
Si l’on se fixe sur ce qui est postérieur à cet acte, l’on voit bien
que le droit est indiqué dans les baux de 1775 , de 1774, de 1778;
niais il reste encore incertain si réellement on a usé du droit; il
reste aussi incertain, et c’est le point principal, si la redevance an
nuelle a été payée ; aucune quittance 11’est produite pour constater
les paicinens ; aucun acte absolument ne les énonce.
Et cependant les anciens propriétaires de la forêt donnaient des
quittances aux usagers qui s’acquittaient. C ’est ce que prouve la
déposition du sieur Ilenoux, un des témoins de l’enquête contraire,
ancien usager de la forêt. Ce témoin déclare avoir parmi scs papiers
des quittances attestant le paiement de la redevance.
�( =3 )
Et cependant encore le sieur Delsuc n’a épargné aucun soin,
aucune recherche pour se procurer des preuves du paiement de
cette redevance; ils’est adressé, parl’intermédiaire d’un de ses parons,
au sieur Culhat, dépositaire des papiei’s de la famille Labro, de cette
famille à laquelle appartenait avant 1785 la forêt de Laroche; il a
examiné les registres, les papiers de cette famille, et néanmoins
il n’a rien découvert, ou au moins on doit le penser ainsi puisqu’il
n’a rien produit.
En vain, pour écarter ou affaiblir le défaut de représentation de
quittance, le sieur Delsuc a-t-il rapporté à l’audience de la Cour un certificat d’incendie attestant que la maison du sieur Bléton,
ancien prétendu usager, avait été la proie des flammes.
La présomption du brûlement des quittances disparaîtra aujour
d'hui que M. Bléton fils, deuxième témoin de l’enquête contraire,
a déclaré non seulement qu'aucun papier de la succession de son
père n'avait été brûlé, mais encore que lors de l'inventaire des
papiers de cette hérédité, il 11e se trouva rien qui eût rapport à la
redevance, prix du droit d’usage.
Ainsi, point de quittance de la redevance avant 1775; point de
quittance aussi depuis 1773 jusqu'au moment où l'émigration du
sieur Neyron de la Tartière fil séquestrer la forêt de Laroche ;
Point de quittance encore pendant la durée du séquestre qui
s'est prolonge de 1792 à 1809;
Poin d'émargement de paiement dans les registres des préposés
des domaines de l’Etat ;
Enfin aucune preuve légale du paiement de cette redevance n'est
produite, non seulement pour les trente années, mais encore pour
les cent ans qui ont précédé l'époque à lrquelle M. Désaulnats a
recouvré ses bois.
De là on doit conclure, si la doctrine ci-dessus développée est
exacte , que le droit d'usage était depuis long-tems prescrit et anéanti
au moment où M. Désaulnats, en 1809, est rentré dans ses bois. Nous
examinerons bientôt si ce droit perdu a été recouvré depuis.
Pour repousser l'argument, on invoquera sans doute quelques
dépositions de témoins qui parlent du paiement de la redevance.
�............... ( ?4 )
L'objection sera facile à détruire.
Cinq témoins de l’enquête directe et autant de témoins de l’enquête
contraire ont parlé de faits antérieurs à 1809.
Sur ces dix témoins, deux seulement que le sieur Delsuc à fait
entendre parlent du paiement de la redevance.
Trois des plus anciens témoins, qui sont restés, avant 1789,
dans le domaine de la G uièze, parens ou domestiques des anciens
fermiers, non seulement 11’ont pas vu payer la redevance ; mais ils
n’en ont pas même entendu parler. Ce sont les xer et 2e de la pre
mière enquête et le 1er de la continuation.
Semblable déclaration sur celte redevance par cinq témoins de
l’enquête contraire, les 5% 6e, 7% 9e de l’enquête contraire, et le
I er de la continuation de cette enquête. Deux de ces témoins sont
également restés dans le domaine à ces époques anciennes ; un autre
a été domestique du sieur Neyron ; cependant ils n’ont jamais vu
porter la redevance d’avoine ; ils n’ont même jamais entendu pai’ler
de cette redevance.
Le 9e témoin de l’enquête contraire dit qu’un ancien fermier lui a
déclaré qu’il ne donnait pas d’avoine.
Les deux seuls témoins qui parlent de la redevance , sont le 3e de
l’enquête directe , et le 3e aussi de la continuation d’enquête ;
L ’un d’eux , âgé de 5o ans, nommé Léger Dufaud; l’autre , âgé
de 67 ans, nommé Jean Bruglial. (1)
Léger Dufaud déclare qu’il était âgé de 8 ans, lorsque son père
devint fermier du domaine de la Guièze ou il resta 11 ans.
(t Quant à la redevance , d it-il, il sait qu’on la payait annuelle« m e n t , en hiver, ou au commencement du printems; parce que
« tantôt il a entendu dire à son père qu’il revenait de porter l’avoine
« due pour celte redevance à M. Manaranches, homme d’affaires
« de M. Désaulnats ; tantôt qu’il fallait prendre la jument du
« domaine, et aller porter cette avoine au même M. Manaranches.
Une telle déposition, fondée sur des souvenirs d’une personne
(1) Il y a un autre témoin , le /j1»*, qui <lit avoir vu deux fois les gariles Madceuf et Fa\i¡»ières venir chercher île l’ avoine. Ces parties étaient ceux de l’ Ëtat pendant le séquestre.
lie fait signalerait un abus, non un paiement légal.
�( >5 )
ftgée seulement de huirans lors des ouï-dire qu’elle retrace, une
telle déposition qui s’applique à une cliose qui devait peu fixer
l’attention et frapper l’esprit d’un enfant de liuit ans , peut paraître
assez extraordinaire. Elle surprendra sur-tout si on la compare à
celle du septième témoin de l’enquéle contraire, q u i, étant, à la
même époque, dans le domaine, où il servait comme domestique,
n’a cependant eu aucune connaissance de la redevance, et ne l’a
jamais vu porter.
Au reste , le témoin ne dit pas avoir vu porter l’avoine ; il déclare
seulement avoir entendu dire qu’on revenait de la porter ou qu’il
fallait aller la porter.
O r, quelle confiance aura-t-on dans un simple oui-dire, si l’on
se rappelle celte règle de Loisel : oui-dire va par vdle ; en un
muids de ouï-dire, il n’y a pas de plein. Un seu l œ il a plus de
crédit que d eu x oreilles n’ ont d ’a u d i vi.
Remarquons aussi que s’il était vrai que l’avoine eût élé portée
au sieur Manaranches, celui-ci eût donné une quittance; car elle
eût été nécessaire au fermier pour prouver au propriétaire du do
maine que la redevance avait été acquittée.
O r, aucune quittance n’est produite ; aucune quittance n’a été
trouvée dans les papiers du sieur Bléton père, lors de l’inventah'e
qui en a été fait. (Voir la déclaration du sieur Blélon fils, troisième
témoin de l’enquête contraire).
Remarquons enfin q u e, selon la déposition du témoin, il serait
entré au domaine de la Guièze en 1788 , et y serait resté onze ans ,
c’est-à-dire jusqu’en 1799 ; et que c’est pendant ces onze ans que la
redevance aurait élé portée annuellement au sieur Manaranches,
homme d’ailaires du sieur Désaulnats.
Mais la forêi de Laroche fut séquestrée à la fin de 1792 , à cause
de l’émigration de M. Neyron de la T anière, qui en était seul le
propriétaire apparent ; et depuis le séquestre qui s’est prolongé jus
qu’en 1809, c’est au bureau des domaines qu’aurait été payée la
redevance, si réellement 011 avait acquitté celte charge. O r, il
11’apparaît aucune quittance du receveur, et ses registres de celte
époque ne font mention d’aucun paiement ; c’est en effet ce qu’at-
�( *6 )
teste un certificat délivré à M. Désaulnats, par le receveur des do
maines.
Combien de motifs de suspicion s’élèvent contre cette étrange
déposition ?
Nous en ferons remarquer quelques autres encore dans la partie
de la déposition du témoin , où il parle de l’exercice de l’usage.
L ’autre témoin, Jean Brughal, qui parle aussi delà redevance, nous
apprend qu’il est entré au service du sieur Bléton, il y a trente-sept
ou trente-huit ans, ce qui remonte à 1792 ou 1795, c’est-à-dire à
l’époque même où la forêt de Laroche fut séquestrée, et où elle
cessa, par conséquent, d’être régie par le sieur Neyron-Désaulnats
ou par son homme d’affaires, pour être placée sous l’administration
des agens du domaine.
Cependant ce témoin parle de la redevance, comme l’ayant por
tée une fois à M. Manaranches, qui avait écrit à M. Bléton, pour se
plaindre de ce que son fermier Dufaud avait négligé de la payer.
11 ajoute qu’après la fin du bail de Dufaud, il régit deux ans le
domaine, et porta, ces deux années , l’avoine de la redevance au
sieur Manaranches.
Enfin il déclare que celui-ci lui donna des quittances qu’il remit
au sieur Bléton.
Pour faire apprécier la sincérité de cette déposition, quelques
observations seront suffisantes.
On remarquera, d’abord, sa contradiction avec celle de Léger Du
faud, précédent témoin, qui atteste l’exactitude du service annuel delà
redevance. Mais ce qui est plus digne d’attention, c’est la partie de
la déclaration de Brughal, où il parle de l’avoine qu’il aurait portée
au sieur Manaranches pendant deux années de suite , après l’époque
où le fermier Dufaud avait quitté le domaine.
Ce fermier, entré dans le domaine eu 1788, y était resté 11 ans,
c’est-à-dire jusqu’à 1799.
A lors, depuis long-tems la forêt de la Roche était sous le séquestre
national, et administrée par les préposés de l’Etat, c’est-à-dire par
le sieur Bléton père lui-même, en qualité de receveur des domaines.
O r, c’cst précisément pendant ce tems-là que le témoin, si on
�( 27 )
veut l’en croire, aurait porté de l’avoine , deux années de suite, au
sieur Manaranclies, qui lui en aurait fourni quittance.
Comment expliquer cette assertion? Et quelle confiance avoir
dans des dépositions de témoins qui ont si évidemment altéré la
vérité dans des points aussi essentiels? y/& uno disce omnes.
Le témoin, lorsqu’il a parlé, avait oublié le séquestre national; il
a hasardé tout ce qu’il a cru utile à celui dans l’intérêt duquel il dé
posait. Aveuglé par son propre zèle, il a voulu tromper la justice;
sa déposition est indigne de confiance.
Comment concilier, au reste, ce qu’il atteste sur les quittances
que lui aurait données le sieur Manaranclies , en 1799 et en 1800 ,
avec la circonstance qu’il ne s’en est pas trouve dans les papiers du
sieur Bléton p ere, inventoriés après son décès, quoique cependant
le sieur Bléton fils ait déposé que dans l’inventaire auquel il a pré
sidé , il peu t certifier que rien d’ essentiel n’a été omis , notam
ment des quittances de la redevance dont il est question, qu’il
n'aurait pas manqué d ’y faire comprendre s’ il s’ en f u t trouvé,
et quoique ce témoin irréprochable ajoute qu’il n’ a rien trouvé qui
se rapportât à celte redevance.
Cependant, c’est sur les dépositions de ces deux seuls témoins, que
le sieur Delsuc peut s’appuyer pour la preuve des paiemens de la
redevance.
Puisque toutes les circonstances signalent comme invraisemblables,
et plus que suspectes, ces deux dépositions isolées ; puisque l’allé
gation des deux témoins est démentie par la déclaration d’un grand
nombre d’autres témoins, plusieurs desquels étant au service des
anciens fermiers du domaine , étaient plus à portée de connaître ce
qui s’y passait, et qui n’ont cependant jamais entendu parler de la re
devance ; puisque cette allégation est détruite par le défaut de rapport
de toutes quittances de la redevance, par l’absence aussi d’émarge
ment, dans les registres des receveurs des domaines, de tout paie
ment qui leur aurait été fait, il faut reconnaître qu’il n’est pas prouvé
que la redevance ait été payée ; qu’il n’est pas établi, par conséquent,
que le droit d’usage ait été légalement execule, et qu’ainsi, comme
l’enseigne Fréminville, comme l’ont décidé les motifs de l’arrêt
�( =8 )
interlocutoire , le droit d’usage était éteint en 1809 , lorsque
M. Désaulnats a obtenu la main-levée d’un séquestre que l’erreur
avait fait mettre sur la forêt de Laroche.
Ce premier moyen suffirait au succès de la cause deM. Désaulnats.
Mais on peut y ajouter celui du défaut de délivrance du bois
destiné aux besoins de l’usager.
L ’on se rappelle la doctrine professée par tous les auteurs, établie
par la jurisprudence, adoptée par les motifs foi’mels de l’arrêt
interlocutoire sur la nécessité de la délivrance à faire par le
propriétaire à l’usager; et l’on n’a pas oublié que c’est en consé
quence de ces motifs, que la Cour a soumis le sieur Delsuc à
prouver que l’usage avait été exercé, au v u , au su et clu consen
tement du propriétaire de la fo ret de L a ro ch e, ou de ceucc qu’ il
représente.
O r , en nous fixant sur une longue série d’années antérieures
à 1809, époque de la cessation du séquestre, la preuve ordonnée
a-t-elle été faite ?
De nombreux témoins ont été entendus sur ce fait. Plusieurs
parlent du bois de cliauflagc pris par les fermiers du domaine de la
Guicze. Trois témoins parlent aussi du bois pris pour réparations ;
mais aucun de ces divers témoins 11e dit que le bois était marqué ou
qu’il ait été pris au vu, au su et du consentement du propriétaire.
T ou s, à l’exception de trois, reconnaissent qu’il 11’y avait eu ni
marque ni délivrance. Ils ne se rappellent pas si le bois pris pour
des constructions était marqué.
L ’un des témoins, le sixième de l’enquête contraire , dit qu’avant
la révolution, il a été domestique du sieur Désaulnats, et que celuici, qui était très-facile, laissait prendre du bois à tout le monde,
sans qu’il fût marqué ; il ajoute qu’il 11’a même jamais vu de marteau.
Le témoin dit aussi que, depuis la révolution, la forêt était au
pillage , et que prenait du bois de chauffage et d’usage qui voulait.
V
oilà à quoi se réduisent les preuves de l’exercice du prétendu droit
d’usage, soit avant la révolution, soit pendant son cours. Certes , il
serait dilïîcile d’y reconnaître l’exercice régulier et légal d’un droit
réel ; on 11e peut y voir que des actes de clandestinité, de tolérance,
�( 29 )
ou de voie de fait, qui ne peuvent pas fonder une possession
légitime.
Les témoins ne se rappellent pas davantage d’avoir rencontré le
garde.
Mais il est trois témoins isolés, dont les dépositions doivent
donner lieu à quelques observations.
On remarquera cependant que l’un d’eux, qui est le premier de
l’enquête , ne parle que dubois abbattu ou sec marqué par le garde,
non du marteau du propriétaire , mais seulement d’un coup de
hache; ce qui n’était ni légal ni propre à prévenir les abus de
l’usager ; car la marque d’un coup de hache n est pas fort difficile
à imiter.
Une telle délivrance, à laquelle rien ne prouve que le proprié
taire ait jamais consenti, une délivrance aussi peu soigneuse est
d’autant moins caractéristique d’un fait de possession de l’usager ,
qu’elle pouvait bien être un acte de complaisance du garde , q u i,
à ce qu’il paraît, d’après le témoin lui-même, mangeait de tems en
teins t'hez les voisins de la forêt, et sans doute chez les propriétaires
du domaine de la Guieze.
Le bois de chauffage, dont parle uniquement ce témoin, pouvait
paraître au garde d’une assez faible valeur pour ne pas se faire
scrupule d’en laisser prendre aux fermiers du domaine.
Quant aux deux autres témoins, qui disent que du bois de cons
truction a été marqué par les gardes pour l’usage du domaine, il
est à remarquer que ce soin ces mêmes deux témoins qui ont déposé
avec tant de complaisance sur le fait du paiement de la redevance ,
et dont il est impossible de ne pas considérer comme suspectes
autant qu erronnées les deux obligeantes dépositions.
L ’un de ces témoins, Léger Dufaud , entré dans le domaine
en 1788 , et qui en est sorti en 1 799, déclare que trois à quatre ans
avant sa sortie , du bois de construction fut délivré et marqué par
le nommé Tallet, garde de M. Désauliiats, pour réparer le sol de
la grange du domaine.
On reconnaîtra que cette déposition est d’une étrange vérité, en
remarquant, d’une part, qu’à l’époque signalée, le domaine était
�( 3° )
sous le séquestre national, et par conséquent sous la surveillance des
gardes forestiers de l’État, et en apprenant aussi que ce Tallet était
alors mort depuis plusieurs années ; il avait été assassiné, dès 1792,
dans la forêt même de Laroche; l’acte de son décès le prouve.
L ’aulre témoin, Jean Brughal, entré au service de M. Blélon, en
1792 ou en *795, c’est-à-dire au commencement du séquestre,
prétend aussi que dans le cours des onze ans de son service, des
arbres furent délivrés et marqués par les gardes , pour réparer une
grange abattue, et ce sur la demande de M. Bléton, et sur l’autori
sation du sieur Manaranches, agent d’affaires de M. Désaulnats. Et
cependant cet agent d’affaires n’avait évidemment aucune autorisa
tion à donner durant un séquestre, pendant lequel c’était le sieur
Bléton lui-même , qui, comme receveur des domaines, régissait la
forêt séquestrée.
On voit combien peu sont dignes de confiance ces dépositions
isolées, sur lesquelles cependant s’appuierait toute la preuve de la
délivrance exigée par la lo i, pour l’exercice légal du droit d’usage.
Ainsi l’on doit reconnaître que celte preuve n’est pas faite , et que
rien n’établit que ceux que représente le sieur Delsuc aient exercé
ce droit, avant 1809 , au v u , au su et du consentement clupro
priétaire de la forêt.
Et cependant l’arrêt a exigé celte preuve ;
Et cependant le sieur Delsuc s’y était soumis.
Donc, puisqu’il n’y a pas satisfait, sa réclamation doit être rejetée,
parce que son droit s’est éteint, faute du paiement de la redevance,
ou pour ne pas avoir obtenu du propriétaire de la forêt la délivrance
du bois qui lui était nécessaire, o u , enfin , pour ne pas avoir usé de
son d roit, au v u , au su et du consentement de ce propriétaire.
Le sieur Dclsuc argumenterait-il des délivrances qui lui ont élé
faites pendant la durée du séquestre ?
L ’argument tomberait devant quelques observations.
Ces délivrances ont toutes été provisoires seulement; toutes ont
été faites avant que les titres et les droits des usagers eussent été
examinés et confirmés par le conseil de préfecture ; toutes émanent
d’un inspecteur, trop instruit pour ne pas savoir qu'il n’était pas
�appelé à régler les droits et à être le juge de la validité des titres,
ni de la conservation ou de l’extinction de l’usage. Ces délivrances
précaires ne peuvent donc être d’aucune influence dans la cause ;
elles sont d’autant moins justificatives de l’usage, que dans les proccsverbaux même qui les contiennent, l’inspecteur forestier a eu la
prudence de faire , au profit du Gouvernement, telles réserves et
restrictions de droit} s i le cas y échet, est-il dit, après le jugement
qu’aura prononcé le conseil de préfecture sur les diverses pro
ductions de titres faites par les usagers.
Ainsi les délivrances provisoires laissent intacts les droits res
pectifs ; et si le droit d’usage n’avait jamais existé , ou s’il n’existait
plus, ces délivrances ne lui ont pas donné la vie.
O r , nous avons prouvé que, dès avant 1809 ou même dès avant
1789, le droit fort équivoque d’ailleurs du sieur Bléton, ou de ses
prédécesseurs, avait été anéanti, parce que jamais il 11’avait été lé
galement exercé, et que jamais il 11’avait été accompagné du paie
ment de la redevance qui en était le prix. Ce prétendu droit ne gre
vait donc plus la forêt de Laroche, lorsqu’à la fin de 1809, cette
forêt fut rendue à M. Neyron-Désaulnats, son ancien propriétaire.
Pour le faire revivre, il eût fallu à l’usager, ou un nouveau titre,
ou une possession légale de trente ans. Le sieur Dclsuc peut-il in
voquer l’un ou l’autre des deux moyens ?
Examinons ce qui s’est passé depuis 1809.
Lorsque M. Désaulnats recouvra sa forêt, un grand nombre de
personnes se présentèrent à lui comme usagers. Leurs droits
n’étaient pas établis, mais ils en certifiaient l’existence; ils disaient,
les uns, avoir égaré leurs titres , les autres les avoir déposés au
secrétariat de la préfecture; tous promettaient d’en justifier inces
samment ; beaucoup d’enlr’eux avaient reçu , pendant la durée du
séquestre, quelques délivrances provisoires qui pouvaient être
considérées comme un indice de leurs droits.
Le sieur Désaulnats, qui, privé depuis près de vingt ans de sa
propriété , n’en connaissait pas bien ni les droits ni les charges ,
pouvait-il se montrer trop sévère dans ces premiers teins? il eût
�( 3 0
craint d’ètre injuste. Il crut donc devoir accorder du bois en atten
dant qn’il pût vérifier les titres.
Parmi les réclamans était M. Bléton, alors propriétaire du
domaine de la Guièze. M. Bléton et M. Désaulnats avaient
entr’eux des relations créées et entretenues par un bon voisinage et
par des circonstances qui se rattachaient môme à la main-levée du
séquestre.
M. Bléton avait aussi obtenu des délivrances provisoires.
M. Désaulnats ne pouvait pas être rigoureux à son égard.
Mais il entendait que le provisoire ne serait maintenu définitive
ment qu’après la vérification des titres et des droits.
Le domaine de la Guièze ayant été vendu, et le sieur Delsuc en
étant devenu propriétaire, le sieur Delsuc qui avait journellement
avec le sieur Désaulnats des relations d’affaires , le provisoire se
prolongea entr’e u x, mais aussi sous la promesse réitérée que des
titres justificatifs seraient produits , examinés et appréciés, et sans
que, de part ni d’autre, on entendît, l’un s’attribuer, l’autre concédef
un droit définitif.
C ’est par suite de ce provisoire, que quelques setiors d’avoine
ont été portés à différentes époques, à Saint-Pardoux, chez le sieur
Désaulnats , presque toujours en son absence, par les métayers ou
fermiers de la G u ièze, les sieurs Bléton et Delsuc ayant voulu sans
doute envoyer cette légère indemnité pour le bois qu’ils recevaient
de teins en tems. Si des reçus n’ont pas été donnés, c’est parce que
le sieur Désaulnats était rarement présent lors de la remise de
l’avoine , ou qu’on ne lui en demandait pas; car il en aurait donné
sans difficulté, niais en expliquant dans les quittances les intentions
communes, et en se faisant les réserves nécessaires (i).
Ainsi se sont écoulées quelques années, pendant lesquelles une
confiance réciproque n’a pas permis de penser à prendre aucune
précaution contre les conséquences que l’on veut tirer aujourd’hui
de ce provisoire.
( i)C e p e n d a n i, peu <le lenis après l'acquisition du sieur Delsuc, le sieur Désauluals refusa
une quittance au fermier de celu i-ci, qui la demandait pure et simple.
*
�( 33 )
Mais enfin cela devait avoir un terme : des titres attributifs ou
conservatifs du prétendu droit, des titres formels n’étant pas pré
sentés , le sieur Désaulnats a refusé du bois , et alors est né le
procès.
Aujourd’hui, qu’a prouvé le sieur Delsuc, par son enquête? Que
du bois lui avait été accordé à différentes fois; qu’il avait aussi été
porté de l’avoine chez le sieur Désaulnats.
Mais tout cela était déjà connu dans la cause. Tout cela avait été
déclaré par le sieur Désaulnats lui-même dans son interrogatoire,
sauf les exagérations de certains témoins , q u i, comme ce n’est que
trop le malheureux usage, sont allés au-delà de la vérité , soit par
infidélité de mémoire, soit par toute autre cause.
Rien donc de moins important que cette partie de l’enquête. Car
ce n’est point pour des faits postérieurs à 1809, pour des faits déjà
constans dans la cause, que l’enquête avait été ordonnée par la Cour;
elle eût été absolument inutile. C ’est pour les faits antérieurs, c’est
pour la preuve du paiement de la redevance et de la délivrance légale,
soit avant 180g, soit avant 178g, que l’enquête a été jugée nécessaire,
parce que les faits étaient allégués avec insistance par le sieur Delsuc,
qui présentait à l’appui de ses allégations des baux qui pouvaient
leur prêter quelque appui.
Et cependant nous avons vu combien peu les allégations avaient
été justifiées, nous avons vu même que des baux plus anciens encore,
auxquels se rattachait la vente du 27 mai’s 17 58 ^ démontraient que
le droit d’usage réclamé 11’avait pas été vendu au sieur Burin, et
que celui-ci n’avait p u , en conséquence, le transmettre au sieur
Bléton ; nous avons vu enfin que ce prétendu droit n’avait jamais été
légalement exercé par la famille Burin et Bléton, et que , lorsqu’on
supposerait même que quelquefois du bois aurait été pris par leurs
métayers dans la forêt de Laroche, c’eût été sans que la délivrance
en fût faite, sans que cette délivrance s’opérât par l’cmpreiute du
marteau du propriétaire, et sans même que le prétendu usage eût
été exercé au v u , au su et du consentement du propriétaire de
la forêt, comme 011 avait offert de le prouver.
Dans de telles circonstances, le droit ayant été depuis long-tems
5
�(3 4 )
anéanti, pourrait-on considérer les faits postérieurs à 1809, comme
l’ayant fait renaître ?
Non , sans doute, à moins qu’un nouveau titre émané du proprié
taire ne l’eût renouvelé, ou qu’une possession trentenaire et légale
ne put tenir lieu d’une concession nouvelle.
Nous disons une possession légale; c’est-à-dire une possession
continue , non à titre précaire, mais à titre de propriétaire du droit,
une possession caractérisée par le paiement de la redevance et par
des délivrances annuelles faites par le propriétaire de la forêt, une
possession, enfin, qui se fût prolongée pendant tout le tems nécessaire
pour acquérir la servitude, c’est-à-dire pendant les trente ans que la
loi exigeait pour suppléer au nouveau titre.
O r, c’est évidemment ce que n’ofire pas l'enquête.
Nous avons déjà indiqué le résultat des dépositions relatives aux
faits antérieurs à 1809; et nous avons vu qu’elles n’établissaient rien
de positif en faveur du prétendu usager.
Quant aux faits postérieurs, quelque caractérisés qu’ils fussent,
ils seraient insuffisans pour rendre l’existence à un droit d’usage
antérieurement éteint, puisque ces faits ne remonteraient pas, à
beaucoup près, aux trente ans nécessaires pour acquérir le droit
par la prescription.
Mais parcourons ce que disent les témoins sur ce qui s’est passé
depuis 1809.
Le cinquième témoin de l’enquête directe parle d’un seul fait de
délivrance de bois, marqué, dit-il, par le sieur Désaulnats ou
Micliel, son domestique. Le témoin ne peut cependant affirmer la
présence de M. Désaulnats.
Le sixième témoin déclare que son père, fermier pendant deux
ans et demi à la G uièze, prit pendant deux années du bois de chauf
fage ; il le prit sans qu’il lui fût marqué ; il ne dit pas même que ce
fût du consentement du propriétaire. Il ajoute qu’il ne remit pas
d’avoine la première année ; qu’il en remit un setier la seconde,
parce qu’un garde nommé Guest refusa de lui délivrer du bois, s’il
ne payait pas cette redevance.
Cette déposition indique le peu d’exactitude du pVétendu paie
ment de la redevance , et fait voir qu’en supposant l’existence du
�( 35 )
d roit, le propriétaire de la forêt, qui n’avait aucun moyen d’exiger
la redevance, aurait été absolument à la discrétion de l’usager de
qui il dépendait de payer ou de ne pas payer cette redevance, selon
qu’il lui aurait plu de prendre du bois ou de s’en abstenir.
On doit conclure de là qu’un tel usage était nécessairement pré
caire ; carie propriétaire ne pouvait pas être lié, si l’usager ne
l’était pas lui-mêine. Si donc il y a eu quelquefois des délivrances
de bois et des paiemens momentanés de redevance , cela ne pouvait
être que provisoire, comme l’a déclaré M. Désaulnats.
Le septième témoin, dont la déposition a des vai’iations, parle
du refus que lit, dans une circonstance, M- Désaulnats, si on ne
lui payait pas de redevance. Il dit qu’il porta un setier d’avoine, et
qu’alors on lui donna du bois de chauffage.
11 parle aussi du bois de construction reçu par M. Bléton ; il
ignore par qui ce bois fut marqué et délivre.
D ’autres témoins parlent encore de bois de chauffage, et quelquesuns de bois de construction, qui aurait été pris dans la forêt. Peu
de témoins seulement disent que ce bois leur était délivré. Un d’eux
déclare qu’il était marqué à l’avance. Le neuvième dit avoir, la
première année, demandé du bois de son propre mouvement,
INI. Delsuc ne lui ayant pas donné d’ordre, parce qu’il n’avait pas de
titre.
Plusieurs disent aussi avoir porté de l’avoine. Aucun n’a reçu de
quittance. Le dixième dit en avoir demandé une fois, de crainte
que M. Blcton n’en exigeât.
11 est bien certain que le sieur Désaulnats se serait empressé à
donner cette quittance, mais en y insérant les conditions et les ré
serves nécessaires.
L ’on remarquera que la plupart des témoins qui parlent d’avoine
par eux portée au sieur Désaulnats avaient été les fermiers des
sieurs Bléton ou Delsuc, et qu’ils déposent en quelque sorte dans
leur propre cause sur le fait de l’avoine, s’ils s’en sont fait tenir
compte, quoiqu’ils ne l’eussent réellement pas remise à M. D é
saulnats.
Le dixième témoin de l’enquête directe dépose d’un fait qui
prouve combien le sieur Delsuc doutait lui-même de la réalité du
f/5
�( 3 6 )
droit d’usage qu’il réclame. Il avait des réparations à faire à sa
maison du domaine de la Guièze ; et, au lieu de se faire délivrer du
bois par. le sieur Désaulnats, il en prit dans une forêt dont il est luimêine propriétaire, appelée Bois de la Jarrige.
Ce fait est aussi attesté par le cinquième témoin de la continuation
de l’enquête directe, et par le deuxième témoin de la continuation
de l’enquête contraire.
Le onzième témoin, aussi fermier à la Guièze, demanda un jour
à M. Désaulnats de la rame pour clore les héritages. Le sieur Dé
saulnats lui dit ne pas en avoir, mais lui permit de prendre des
écoudards ou des croûtes de rouleau, enlevées par la scie.
Tous ces faits annoncent la facilité du sieur Désaulnats, tant qu’on
n’exigeait pas du bois de lui à titre de droit, tant qu’il espérait qu’on
justifierait enfin des titres annoncés.
Cette facilité, il la montrait à l’égard de plusieurs autres habitans
des lieux qui, cependant, n’avaient aucun droit d’usage. C’est ce
qui aurait été clairement démontré par l’enquête, si le sieur Delsuc,
a qui la connaissance de cette vérité de fait paraissait dangereuse s
ne s’était pas opposé aux interpellations que le sieur Désaulnats a
voulu faire faire sur ce point à plusieurs des témoins même de l’en
quête directe, notamment au prem ier, au cinquième et au huitième
témoins.
Le sieur Désaulnats désirait que l’on demandât aux témoins s’il ne
leur avait pas fait à eux-mêmes et ci d'autres personnes des déli
vrances de bois, sans qu’ elles eussent des droits d’uscige dans
la fo r ê t, et sans même en exiger de paiement, mais seulement
par des considérations de bon voisinage.
La question n’a pas été faite, parce que le sieur Delsuc s’y est
opposé, sous prétexte qu’elle ne se rattachait pas directement aux
faits retenus par l’arrêt.
Cependant un fait semblable est rapporté par les 4 e et 5®témoins
de l’enquête contraire. Il s’applique au noimné Antoine Gardelle,
qui , pendant le séquestre, avait été compris dans le tableau des
usagers auxquels l’inspecteur forestier avait fait des délivrances pro
visoires. Quoique ce Gardetle n’eût pas trouvé le titre,qu’il annon
çait , M. Désaulnats lui a délivré provisoirement du bois, cl cela,
�C 37 )
pendant plusieurs années ; et il a reçu aussi de lui la redevance qu’il
disait devoir. Mais le droit n’étant pas justifié, la délivrance à cessé.
C ’est ce qu’attestent, soit Gardette lui-même, soit le témoin qui
lui succède.
L ’exemple de Gardette est absolument conforme à ce qui s’est
passé avec le sieur Delsuc. Pour l’un comme pour l’autre, le sieur
Désaulnats a été officieux et facile ; pour l’un comme pour l’autre, il
n’avait entendu faire qu’une concession provisoire ; pour l’un comme
pour l’autre , il avait été convenu que l’usage cesserait si des titres
justificatifs et conservatifs du droit n’étaient pas rapportés. La con
vention a été exécutée à l’égard de Gardette; le provisoire a même
été interrompu. Le sieur Delsuc , au contraire , veut le rendre dé
finitif.
Y
parviendra-t-il? lui qui n’a acquis aucun droit d’usage par
l’adjudication de 1819, et qui 11’a aussi été chargé d’aucune rede
vance indicative d’un tel droit ; lui dont les prédécesseurs même
en propriété, les sieurs Burin et Bléton, n’avaient également acquis
aucun droit de ce genre, puisque la vente de 1758 11’en énonce pas,
et que le bail de 1750, auquel cette vente se réfère, écarte même
l’idée de tout droit d’usage attaché au domaine vendu ; lui qui n’a
pas prouvé que ce droit d’usage eût été légalement exercé dans
aucun tems, ni avant ni depuis 1789, puisqu’il 11e rapporte aucune
quittance du paiement de la redevance qui en était le p rix , puis
qu’il n’est pas établi qu’il ait été fait jamais de délivrance par le pro
priétaire au prétendu usager, ni même que celui-ci ait exercé ce
droit, au v u , au su et du consentement du propriétaire de la
foret ; lui enfin qui voudrait profiter d’une tolérance, d’une com
plaisance de bon voisinage , pour s'attribuer sur le sieur Désaulnats
un droit onéreux, 1111 droit q u i, en supposant même qu’il eût existé
dans le dix-septième siècle, aurait depuis long-temps été anéanti par
* la renonciation tacite de l’usager; celui-ci, à une époque où le bois
était sans valeur, ayant sans doute voulu s’affranchir de la redevaucc
annuelle qui en était le prix.
La réclamation du sieur Delsuc doit donc être rejetée.
Mais en supposant qu’il eût un droit d’usage sur la forêt, exami
nons en quoi ce droit devrait consister.
�(38
)
S iii.
Quels seraient l’objet et l’étendue du droit d’usage ?
C ’est dans le titre constitutif d’un droit d’usage qu’on doit re
chercher et cet objet et cette étendue.
Le sieur Delsuc présente deux titres, l’un du i 3 janvier i 56 i ,
l’autre du 17 décembre i 634 *
Nous avons démontré déjà que l’acte de i 56 i était étranger à la
cause ; qu’applicable seulement aux propriétés que Jean Fumât
possédait alors au village Del Mas Del Tourres, il ne pouvait être
invoqué pour un domaine situé au village de la G uièze, dont il 11e
parle pas.
C ’est donc sur l’acte seul de 1634 q116 l’on
se fixer, en con
sidérant même comme concédé valablement et à perpétuité le droit
d’usage qui y est énoncé.
O r , que porte cet acte? L ’investison de la forêt de Laroche en
faveur de Jean Fumât, pour son usage des maisons, pour ses ténemens des 'villages de la Guièze et Pissol, soit pour son chauf
fa g e et réparations , qu’ il pourrait fa ire dans lesdits ténemens.
II est inutile de nous occuper du village de Pissol, où le sieur
Dclsuc ne possède rien des anciennes propriétés de Jean Fumât (1).
Le village ou le ténement de la Guièze sont seuls à considérer,
parce que ce village ou ténement est dans la cause le seul objet du
droit réclamé.
Quant à l’étendue du droit, il est fixé par les termes mêmes de
l’acte : pour chauffage et pour réparations, y est-il dit.
O r c’est un principe élémentaire, que celui à qui une servitude
est due, ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir rien
faire pour l’aggraver (argument de l’article 702 du Code civil).
Ce principe s’applique notamment aux droits d’usages dans les
bois. L ’usage accordé pour une maison ne peut être étendu à plu
sieurs. L ’usage attribué à une mélaii’ie ou à un domaine ne peut être
(1) Les representans des Fumât) quant au domaine de Pissol, n'ont jamais considéré
JUcLe
de i 63 4 comme leur attribuant aucun droit d'usage,
�( 3g )
réclamé .que pour ce domaine , et seulement tel qu’il existait au mo
ment de la concession ; il ne peut être étendu à de nouveaux bàtimens , à de nouvelles propriétés qui auraient été réunies à l’ancien
domaine ; car ce serait évidemment aggraver la condition du fonds
dominant, c’est-à-dire du propriétaire de la forêt.
Toutes ces vérités élémentaires sont professées comme telles par
tous les auteurs qui se sont occupés de servitudes comme par tous
ceux qui ont traité des droits d’usage dans les bois.
Le sieur Delsuc paraît cependant les méconnaître; car le domaine
de la Guièze, pour la totalité duquel il réclame un droit d’usage ,
est beaucoup plus considérable aujourd’hui qu’il ne l’était en 1654.
En effet, les baux produits par M. Désaulnats, ces baux anté
rieurs à la vente faite le 29 mars 1768, par la demoiselle Fumât au
sieur Burin, tous ces baux nous apprennent que, des 1729, le sieur
Fumât avait réuni dans la main du même fermier à son domaine de
la G uicze, tous les héritages dépendant d’un autre domaine
appelé d’ A u za t, appartenant aussi au sieur Fumât. C’est ce
qu’on lit dans les baux des 4 avril 1729, 5 omai 1755, 17 mars 1750.
Et remarquons que le sieur Burin acheta en 1758 ces deux
domaines ; car la vente lui en fut faite en se référant au dernier bail
du 17 mars i j 5o.
Ainsi, ce n’est plus seulement pour le petit domaine primitif de
la Guicze que le droit d’usage est réclamé; c’est pour un gros
domaine qui s’est accru notamment de l’augmentation de tous les
héritages qui formaient autrefois le domaine distinct appelé d’Auzat.
D’autres adjonctions ont aussi été faites à cet ancien domaine par
des acquisitions successives qui embrassent la totalité du tellement
de la Guicze. Autrefois il existait un village dans ce tellement. Ce
village est rappelé dans l’acte même de i 634 - Dans ce village, se
trouvaient nécessairement plusieurs habilans ; car on ne donne pas
le nom de village à une propriété isolée. Ce nom 11e convient qu’à
une agglomération d’habitations. Les divers habilans devaient avoir“
chacun la propriété d’une portion quelconque du ténement. Le
contraire ne peut se supposer, sur-tout pour un pays de montagne.
Or aujourd’hui le ténement entier est la propriété du sieur Delsuc.
�( 40 )
Aujourd’hui tous les bâtimens qui sont sur ce ténement lui appar
tiennent; et c’est pour le ténement entier, c’est pour la totalité de
ces bâtimens qu’il réclame le droit d’usage en litige, sans remarquer
que nécessairement aujourd’hui il y a plus de bàtimens pour ce
domaine qui a reçu et qui reçoit encore de grands accroissemens,
qu’il n’en fallait pour les besoins du petit domaine que possédait
Fumât en i 634 Nous disons que ce domaine reçoit encore des accroissemens ;
c’est ce que nous apprend môme le onzième témoin de l'enquête
directe, qui parle d’un pré et d’une terre récemment acquis par le
sieur D elsuc, qui en a défriché, dit-il, trois septerées.
Il est fort bien, sans doute, que M. Delsuc augmente ses pro
priétés ; mais il ne serait pas juste que cette augmentation aggravât
le droit d’usage dû à l’ancien domaine, et que le sieur Désaulnats
dut fournir tous les bois nécessaires, soit à construire, soit à réparer
des bâtimens qui ont dû être augmentés dans la proportion de l’aug
mentation des héritages annexés au domaine.
Une autre observation est également digne d’attention.
Le sieur Delsuc a acquis avec le domaine de la Guicze quaranteune tètes d’herbages de la montagne de Montaigut. Ces quaranteune têtes d’herbages, il les fait consommer, en été, par des bestiaux
qu’il loge, en hiver, dans les bâtimens de son domaine de la Guièze;
et l’on conçoit que pour loger cette quantité assez considérable de
bestiaux étrangers aux besoins du domaine, il lui faut des bâtimens
plus vastes.
Les bâtimens ont dû même recevoir une grande augmentation
dès le tems où l’on avait réuni à l’ancien domaine, non-seulement
tous les héritages dépendant du domaine d’Auzat, mais encore
trenle-deux lêtes d’herbages de la montagne de Montaigut ; et celle
double réunion remonte au moins à 1729, ainsi que le constate le
bail de celte époque.
Comment pourrait-on soumettre le sieur Désaulnats à souffrir un
usage que l’on étendrait ainsi à tous les besoins que produisent et à
tous les bâtimens qu’exigent des accroissemens qui "ont plus que
�(4 0
double l’ancien domaine, et qui aggraveraient ainsi de plus du
double l’ancien droit concédé par l’acte de 1654 *
Telle est pourtant la prétention du sieur Delsuc. C’est, ce qu’an
nonce au moins la demande en délivrance qui a été l’origine et la
cause du procès actuel.
Par les actes qui ont précédé ou introduit l’instance, le sieur
Delsuc a déclaré qu’il était sur le point de construire un bâtiment
dans le domaine de la Guièze ; il a prétendu avoir le droit de prendre
dans la foret de Laroche le bois nécessaire à cette construction, et
il a demandé qu’on lui en délivrât la quantité suffisante pour un bâ
timent d’une longueur de 26 mètres 32 centimètres, ou 78 pieds,
et d’une largeur de 11 mètres , ou 53 pieds.
L ’acte de 1654 ne l’autorisait, sous aucun rapport, à faire une
telle réclamation.
En effet, i° l’ancien domaine de la Guièze, tel qu’il existait en
i 6 3 4 , avant tous les accroissemens qu’il a reçus, notamment en
1729, n’avait pour tout édifice qu’un seul bâtiment sous le même
toît, dont une partie servait de logement au fermier, et une autre
partie d’établerie ; la partie supérieure de cette établerie formant la
grange, ainsi que cela est d’usage sur les lieux. Ce bâtiment suffi
sait aux besoins d’un domaine alors peu considérable, et où l’on
ne plaçait ni les bestiaux nécessaires à l’exploitation du domaine
d’Auzat, ni ceux qui consomment, l’été, les têtes d’iierbages que
l’on a réunies au domaine.
Le sieur Delsuc, au moment actuel, a , dans le lénement de la
G u ièze, beaucoup plus de bâtimens qu’il 11e lui en faudrait pour
l’exploitation de l’ancien domaine. S’il lui plaît de faire de nouvelles
constructions dans ce ténement, il n’a pas le droit d’exiger de
M. Désaulnats qu’il lui en fournisse les matériaux; car, en supposant
même que le titre parlât de bois de construction, il est certain que
cela ne pourrait s’entendre que pour les bâtimens nécessaires aux
besoins du domaine, tel qu’il existait autrefois, et non pour ceux
d’un domaine beaucoup plus considérable.
a0II est à remarquer même que l’acte de 1634- n’accorde pas de
droit d’usage pour des constructions à faire ; il ne parle de bois que
�( 4* )
pour chauffage ou pour réparations. Une telle concession ne s’ap
plique évidemment pas à des constructions nouvelles et à des cons
tructions aussi considérables que celles que veut faire le sieur Delsuc.
Réparer n’est pas construire ; ce n’est pas établir de nouveaux biitiinens, c’est seulement entretenir les anciens.
La demande en délivrance du sieur Delsuc a donc été peu réflé
chie ; et l’on doit penser que s i, au lieu de s’appuyer comme il l’a
toujours fait, sur l’acte de i 5G i qui ne s’applique pas au domaine
de la Guièze, il se fût fixé sur le seul titre qui parle de ce domaine,
sur l’acte de i 634 » sans doute il aurait reconnu qu’il n’élait pas au
torisé à demander du bois pour construire , aux dépens du sieur
Désaulnats, un vaste bâtiment de 78 pieds de longueur sur 33 pieds
de largeur, et que le droit d’usage qu’avait obtenu Jean Fumât, ce
droit d’usage limité, soit par les termes même de l’acte, soit par le
peu d’étendue et de valeur du domaine de la Guièze, lors de la
concession, lui permettait seulement de réclamer du bois pour ré
parer la seule maison désignée dans l’acte de concession, où il n’est
parlé ni de grange ni d’autre édifice, ni même du droit de bâtir ou
de construire.
On le voit donc : le sieur Delsuc s’est fait illusion ; sa demande
en délivrance est contraire au titre même qu’il invoque ; cette de
mande, qui est cependant le fondement de tout le procès actuel,
devrait donc être rejetée , même lorsqu’il ferait considérer le droit
d’usage porté par l’acte de i 63 /|. comme lui ayant été réellement
transmis, et comme ayant été légalement conservé. Il devrait suc
comber dans l’action qu’il a formée, sauf à lui à user, dans la suite,
conformément et dans les limites de l’acte de i 634 >du droit d’usage
que cet acte confère.
T el serait, sans doute, clans l’instancc actuelle, le sort de la ré
clamation hasardée par le sieur Delsuc , lors même qu’on lui recon
naîtrait un droit d’usage.
Mais ce droit lui appartient-il? lui a-t-il été vendu? avait-il été
vendu au sieur Burin en 1758?
C ’est ce que la lecture des ventes ne permet pas de supposer.
En 1758, le sieur Burin achète le domaine de la G u icze, tel qu’il
�( 43 )
_ ctait designé dans un bail de 1750, tel qu’en jouissait l’ancien fermier.
O r, le bail était muet sur le droit d’usage, et le fermier n’en jouissait
pas.
En 1819, le duc de Castries devient adjudicataire du domaine;
et peu de tems après il le revend au sieur Delsuc; et l’adjudication
et la revente sont silencieuses aussi sur le droit d’usage et les rede
vances.
On n’en sera pas surpris, si l’on se rappelle les faits, et si l’on
reconnaît, en remontant à un siècle et plus , qu’il n’existe aucune
trace du paiement de la redevance ; que l’exercice légal du droit
n’est pas prouvé ; qu’aucune possession , caractérisée par une dé
livrance faite à l’usager, n’a été établie.
Ainsi, le sieur Delsuc veut obtenir ce qui ne lui appartient pas ;
il veut se procurer un bénéfice auquel il 11 a pas droit. C erlat de
lucro captando.
' Le sieur Désaulnats, au contraire, refuse de payer ce dont il n’est
pas débiteur. Il résiste à un droit d’usage, dont l’unique prix aurait
été une redevance annuelle que l’usager n’a pas servie; à un droit
dont sa foret n’est pas grevée ; à un droit dont elle aurait été af
franchie, par le fait de l’usager lui-même, depuis plus d’un siècle; à
un droit, enfin , auquel 0n voudrait même aujourd’hui donner une
extension arbitraire. L e sieur Désaulnats veut éviter une perte :
C ertat de damno vitando.
Quelle est celle des parties que la justice et l’équité protègent ?
NEIRON D E SA U L N A T S.
M e ALLEM AM D, Avocat.
M® MARIE , Avoué-licencié.
RI O M , de l'imprimerie de S A L L E S
fils
,
près le Palais de Justice.
�
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Title
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Factums Godemel
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Neyron-Desaulnats, Jean-Marie. 1828?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Neiron des Aulnats
Allemand
Marie
Subject
The topic of the resource
droit d'usage
séquestre
biens nationaux
bois
coupe de bois
droit de chauffage
pacage
droit de bâtissage
eaux et forêts
émigrés
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Jean-Marie Neyron-des Aulnats, propriétaire, habitant au lieu de Saint-Genès, appelant d'un jugement par défaut, rendu au tribunal civil d'Issoire, le 27 juillet 1827 ; contre M. Jacques Delsuc, propriétaire et ancien notaire, habitant du lieu de St-Pardoux-Latour, Intimé.
Table Godemel : Usage (droits d') : 2. dans la contestation relative à un droit d’usage de prendre des bois de construction dans les forêts de la Malguièze et de Laroche appartenant au sr Désaulnats ; celui-ci prétend que ce droit ne résulte pas des titres produits, ni de la possession ; qu’il serait éteint par non usage ; et que, dans tous les cas, il ne pourrait être éxigé pour la réparation ou reconstruction de la grange qui fait l’objet de la contestation, parce qu’elle n’aurait été construite qu’après l’acte de concession du 17 décembre 1764, et après diverses augmentations faites au domaine de la Guièze, qui appartient à Delrue ; demandeur en délivrance. Quid ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie De Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1828
1561-1828
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2712
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2714
BCU_Factums_G2710
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53549/BCU_Factums_G2712.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Tour-d'Auvergne (63192)
Auzat (domaine d’)
Lagièse (domaine de)
La Roche (forêt de)
Pissols (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens nationaux
bois
Coupe de bois
droit d'usage
droit de bâtissage
droit de chauffage
eaux et forêts
émigrés
pacage
séquestre
témoins
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AVIS A U L E C T E U R .
L a date de l ’avis interprétatif du sénatus-consulte
du 16 floréal, est du 9 thermidor, et non du 19 ther
midor , comme cela a été im prim é, par erreur, à
quelques endroits, notamment à la page 7 de ce
mémoire.
�PRECIS
EN RÉPONSE,
PO U R
B O N N A F O U X , J e a n , V IA L F O N T e t
autres, habitant le département du Cantal,
intimés;
Jean
C O N TRE
Le sieur BO U RNET, propriétaire habitant
la ville d’Issoire, appelant
EN PRÉSENCE
De dame H e n r i e t t e DE CHAUVIGNY DE
B L O T veuve D E SR O Y S et de sieur A n n e t DESROYS.
E n publiant ses moyens contre le jugement du tribunal
d 'Issoire, qui admet les Bonnafoux au partage des biens
rendus par la loi du 5 décembre 1 8 1 4 au x héritiers ou
ayans cause des anciens propriétaires, le sieur Bournet s’est
mis fort à son aise. Il a représenté les intimés comme ayant
élevé une prétention absurde, que la décision des pre
miers juges n’aurait fait que consacrer avec la plus in
concevable légèreté. Suivant lui, c’est un système qui
aurait pour résultat immédiat d’appeler comme ayans
cause d’un émigré, ses parens les plus éloignés, au lieu de
ses héritiers ou de ses parens les plus proches, c’est-à-dire,
COUU ROYAL!-:
DE 111051.
a*
C H A M BRI'.
�K 'A l
( * )
''de fausser la loi sous prétexte de l’ interpréter; et cette
violation de la loi serait encore proposée à la cour contre
l’aütorité de ses arrêts déjà rendus dans la même cause.
Il nous sera facile de démontrer que ce prétendu sys
tème desBonnafoux, repose sur la disposition même de la
loi, sur la jurisprudence constante des Cours royales et de
la Cour de cassation; que leur demande est fondée sur la
doctrine copsacrée par les précédens arrêts de la Cour
qu’a obtenus le sieur Bournet. Nous aurons donc moins
à critiquer ces arrêts, qu’à en invoquer Jes principes;
car, écrits nettement dans ces arrêts, ils y demeurent
inébranlables. Nous démontrerons d’ailleurs que l’appli
cation que le sieur Bournet veut en faire ci lui seu ly
parce qu’il y était seul partie, en l’absence de ses cointéressés, est en contradiction avec le principe qui les
dicte; que c’est lui, et non les Bonnafoux, qui .repous
serait la chose jugée, si son système pouvait être admis;
c’est lui qui détruirait les principes proclamés par la loi
de iBi/f, et les règles ordinaires de l’hérédité. Les Bon
nafoux,au contraire, les invoquent^car eux ou ceux qu’ils
représentent étaient les plus proches parens et héritiers
du défunt au moment où le droit s’est ouvert; et c’est dans
les arrêts de la Cour elle-même qu’ils puisent leurs
moyens de défense. D ’ailleurs, ils sont dans la lettre et
l’esprit de la loi.
La question du procès est de savoir si un émigré étant
mort avant son amnistie, le bénéfice de la loi du 5 dé
cembre 18 14 ( {l uc tout le monde reconnaît n’avoir d’ef
fet que pour l’avenir) appartient à ceux qui auraient dû
succéder à l’émigré le jour de sa mort naturelle, q u o iq u ’à-
�■C3 )
lors il fût en état de mort civile, ou à ceux que la loi ap
pelait à lui succéder au jour de la restitution; c’est-à-dire,
a u x héritiers naturels qui auraient recueilli ses biens, lors
q u e la loi du 5 décembre a été publiée. L e sieur Bournet
soutient le premier système, et le jugement a admis le se
cond sur la demande des Bonnafoux. Tout consiste donc à
rechercher ce qu'a entendu la loi par ces mots '.leurs héri
tiers ou ayons cause. Cette question s’élève entre le dona
taire du sieur de Lespinasse, père de l’émigré, que la loi
du temps de son décès eût appelé à lui succéder pour le
tout, s’il n’eût pas été émigré, et les héritiers collatéraux
de l’émigré, qui étaient appelés à lui succéder pour moi
tié , au moment où les biens qui font le sujet de la contes
tation ont été rendus. C ’est donc sur cette question qu’il
faut fixer spécialement l’attention de la Cour.
Nous pouvons être assez sobres de détails dans le récit
des faits; quant à la discussion, elle sera toute entière pui
sée dans la jurisprudence, où l’on trouve la saine et véri
table entente de la loi. Nous plaçons à côté des faits un
tableau généalogique tel que l’a présenté le sieur Bournet,
enyajoutantquelques indications qui nousparaissent utiles.
F A IT S .
Il s’agit, dans la cause, du sort d’une partie de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac. On voit sur la gé
néalogie qu’il décéda en l’an 4» après avoir recueilli sa
part dans la succession de Jean-Marie-Clair de Sévérac,
son neveu, mort le i germinal an 2. Marguerite et M a
rie Sévérac, sœurs de François-Aldebert, de va ie nt re
cueillir sa succession conjointement avec Claude-Gilbert
1.
�de Cespinasse, qui représentait Catherine-Marie-Louise
deSévérac,sa mère, alors décédée; mais Glaude-Gilbert
était émigré, et en vertu des lois du moment,il était repré
senté par la nation t qui s’était réservé le droit de succéder
à la place des émigrés pendant une période de cinquante
années. Aussi ses biens furent-ils frappés du séquestre.
Toutefois, le séquestre annoncé sur les biens provenus de
François-AIdebert, fut suspendu par une circonstance
particulière. Il avait légué la jouissance de ses biens à la
dame Chauvigny, son épouse, aujourd’hui remariée au
sieur Desroys. O r , ce droit d’usufruit s’opposait à la
jouissance actuelle du gouvernement, qui leva le séques
tre et laissa la veuve en possession.
I l j i ’estpas inutile, pour la suite des faits, de connaître
la composition des deux successions successivement ou
vertes, de Jean-Marie-Clair, et François-AIdebert de Sévérac. Elle est fort bien indiquée au mémoire de J’appelant, page 4 et 5 ; il nous suiiit d’en tracer les résultats.
L e patrimoine de Jenu-Marie-Glair se composait de la
terre de Vertessère et d'une portion de celle de Sévérac,
situées dans le département du Gantai, et d’une portion
de celle de St-Martin, située dans le département du Puyde-Dôme. Il faut faire une différence entre les deux pre
miers objets qui ont été restitués par le préfet du Gantai,
en vertu du sénatus-consulte du 6 iloréal an io , et la terre
de St-Martin qui n’a été rendue que par la loi du 5 dé
cembre i 8 i/}.On voit que Glaude-Gilbert Lespinasse était
appelé h recueillir une partie des biens de Jean-MarieClair, d’abord de sou chef, et ensuite du chef de FrançoisAIdebert.
�ÏÏ'
(. S )
Quant à ce dernier, il laissait dans sa succession la terre
d’Auzat, outre sa part dans les biens de Jean-Marie-Clair;
et Claude Lespinasse était appelé à y prendre une portion
•égale avec Marguerite et Marie Sévérac, ses deux tantes.
C ’est principalement à raison de la terre d’Auzat que s’é
lève la difficulté. Cette terre est demeurée au pouvoir de
la veuve, même après son convoi, quoique, par ce seul
-fait, la jouissance dût cesser de droit, et elle a donné lieu
•à des difficultés judiciaires qu’il faudra connaître. Nous
n’avons pas besoin de nous fixer davantag^sur la quotité
des portions que pouvait amender Claude-Gilbert Les
pinasse, ou, pour lui, le gouvernement, dans ces diffé
rentes natures de biens.
Nous devons noter ici un fait important qui est devenu
le principe de toutes les difficultés auxquelles s’exposa la
dame de Chauvigny, veuve Sévérac. C ’est un point reconnu
en jurisprudence comme en législation, que là nation
,
n’était pas saisie de droit, des successions ouvertes à l’é
migré, pendant sa mort civile; qu’elle ne le devenait que par
l’appréhension réelle, la mainmise surles biens; que,faute
de cette précaution, les successions échues aux émigrés
étaient dévolues aux héritiers républicoles (pour employer
les termes de la législation d’alors). O r, il ne paraissait pas
qu’il y eût eu séquestre effectué sur les biens de FrançoisAldebert, à cause de l’usufruit de son épouse, et on se
persuada qu’aucun acte de l’administration publique ne
les avait mis sous sa main; que conséquemment Margue
rite et Marie de Sévérac, ses deux sœurs, seules héritières
républicoles, avaient été saisies de la totalité, et c’est dans
cet esprit qu’elles traitèrent avec la dame de Chauvigny,
*eur belle-sœur, par acte du 3o floréal an 5.
*Tf
�( 6 5
Par cet acte, elles prirent la qualité de seules et uniques
héritières de François-Aldebert de Sévérac, et, à ce titre,
cédèrent à la dame de Chauvigny tous leurs droits dans
cette succession, sur les biens situés dans la commune
d’Auzat et autres environnantes. Elles en exceptèrent les
droits que François-Aldebert tenait de la succession de
Jean-Marie-Clair de Sévérac; cette réserve frappait ce qui
était advenu à François-Aldebert, dans les terres de Vertessère, de Sévérac et de St-Martin. Marguerite et Marie
Sévérac se lefréservèrent pour les réunir à pareilles por
tions qu’avait chacune d’elles, de son chef, dans les mêmes
biens, et elles exigèrent que la dame de Chauvigny se dé
partît de son usufruit survies portions qui leur provenaient
du chef d’ Aldebert, leur frère, en sorte que la cession
faite, d’ailleurs, moyennant une rente viagère, fut un vé
ritable contrat aléatoire. A u reste, il paraît assez clair que
la dame’de Chauvigny ne visait qu’à réunir dans ses mains
la propriété de la terre d’Auzat, dont elle était déjà usu
fruitière. Munie de cette cession, elle se considéra comnie
‘'seule propriétaire de cette terre, resta long-temps en
possession sans être troublée par personne, et la vendit
par parcelles à un grand nombre d’individus.
Plus tard, comme nous le verrons, Marguerite et Marie
Sévérac vendirent au sieur Grenier les biens et droits
dont elles s’étaient fait la réserve par la cession du 3o flo
réal an 5 .
Claude-Gilbert Lespinasse décéda le 16 frimaire an 8 ,
tq^ijours ou état d’émigration. Il ne laissait ni frères ni
tœurs; mais son père lui survivait. O r, on était régi par la
loi du 17 nivôse an a ; le père eût donc été seul héritier
�( 7 )
s e ^t Pu laisser une succession susceptible d’èlre *
t r a n s m i s e j mais, d’après la disposition des lois sur les effets
de la mort civile, sa succession avait été ouverte au profit
des héritiers qu'il avait au jour de son émigration, et
q u a n t aux biens qu’il avait acquis depuis, à titre successif,
ils auraient également appartenu à ses héritiers, s’ils n’a
vait pas été réservés à la république. O r , Claude-Gilbert
Lespinasse n’avait d’autres biens que ceux qui lui étaient
advenus par les décès successifs de Jean-Marie-Clair et
.François-AldebertdeSévérac,si ce n’est quelques-uns situés
dans le département de la Haute-Loire ; mais ils étaient
tous sous la main de la nation qui les avait séquestrés h son
profit. Le sieur Lespinasse père n’avait donc, alors, de
droits d’aucune espèce, pas même la qualité d’héritier de
son fils, censé mort bien avant la loi du 17 nivôse an 2.
C ’est en cet état que fut rendu le sénatus-consulte du
G floréal an 10, qui, en autorisant l’amnistie des émigrés,
leur rendit tous leurs biens non vendus, réservés ou af
fectés à un service public.
La terre de St-Martin avait été attribuée à la sénatorerie de Riom ; elle était donc exceptée de la restitution.
I,a terre d’Auzat était dans la main delà damede Chauvigny, déjà remariée au sieur Desroys.
On sait que l’avis du 9 thermidor an 10, permit d’ap
pliquer l’amnistie aux émigrés décédés en état d’émigra
tion. L e i 5 ventôse an 11, le sieur Lespinasse père obtint
un certificat d’amnistie pour son fils; après cela, il sollicita
et obtint divers arrêtés d’envoi en possession des biens.
L e 11 germinal an n , les biens du département de la
Ilaute-Loire furent restitués au sieur Lespinasse père,
du
�* par un arrêté du préfet de ce département. Il faut recon
naître, en effet, que le sénatus-consulte, en ordonnant *
la restitution des biens, l’appliquait à ceux qui étaient hé
ritiers présomptifs du défunt au moment de sa publication.
D ’ailleurs ces biens étaient possédés par le fils au mo
ment de son émigration, et il y avait une différence essen
tielle à faire entre ceux-là et ceux échus à l’émigré pen
dant sa mort civile.
Toutefois, un arrêté du préfet du Gantai, du 25 ther
midor an i l , délaissa au sieur Lespinasse père les por
tions échues à son fils dans les terres de Vertessère et de
Sévérac, du chef d’Aldebert et Jean-Marie-Glair de Sévérac.
Quant aux biens situés dans le Puy-de-Dôme, le préfet
n’ordonna la remise que de ceux possédés par le fils, au
moment de son émigration; il réserva tous ceux échus
depuis, comme n’étant pas rendus par le sénatus-consulte:
cela résultait de diverses lois et règlemens, comme en
convient le sieur Bournet, pag. 8 , et c’est un point fort
essentiel à saisir.
Ainsi la question ne resta plus désormais que pour la
terre de Saint-Martin et celle d’Auzat ; tous les autres
biens avaient été restitués à Lespinasse père. Ces deux
propriétés ont donné lieuàdeux procès successifs; d’abord
entre le sieur Lespinasse et le sieur Grenier, son acqué
reur, pour la terre de Saint-Martin; et ensuite entre le
sieur Bournet, donataire de Lespinasse, et la dame Desroys, pour la terre d’Auzat.
L e 18 vendémiaire an 14 , le sieur Lespinasse céda au
sieur Grenier tous scs droits dans la succession de sou fils.
�(9 )
L e s i e u r Grenier, considérant la terre d’Auza t comme ayant
fait partie de la succession du fils, forma, en 1810, une de
mande en partage de cette terre, contre la dame Desroys,
et en réclama le tiers. Avant toute décision, et par acte
sous seing’ privé, du 16 novembre 1811, 1g sieur Grenier
se départit, au profit de la dame Desroys, soit de cette
demande, soit de tous droits sur les successions de JeanMarie-Clair et François-Aldebert de Sévérac. Ainsi, soit ^
du chef de Marguerite et Marie de Sévérac, soit du chef du
sieur Lespinasse, la dame Desroys crut être propriétaire
delà totalité de la terre d’A uzat. C ’est dans cette confiance,
qu’elle l’a vendue; mais elle était dans l’erreur, comme
le démontreront les faits qui vont suivre. Quelque pénible
qu’il puisse être pour elle de rester sujette à des garanties
contre les acquéreurs, c’est une conséquence qu'elle ne
peut éviter; mais il faudra aussi que le sieur Bournet se
résigne à subir celles qui sont attachées à sa propre posi
tion, quelque singulières qu’elles puissent lui paraître. Il
est d’ailleurs fort aisé de reconnaître qu’il ne s’agit pas,
pour lui, d’une perte quelconque, mais d’un bénéfice
plus ou moins grand.
C ’est en cet état que fut rendue la loi du 5 décembre
1814 t
ordonne que tous les biens séquestrés ou
confisqués pour cause d ’émigration, tous ceux advenus à
VÉtat par suite de partage de succession ou présucces
sion ......... seront rendus à ceu x qui en étaient proprié
, à leurs héritiers ou ayans cause. Une commission
taires■
fut nommée pour l’exécution de cette loi.
Bientôt après, le sieur Lespinasse père, comme héritier
de son fils, se pourvut pour obtenir le délaissement de la
terre de Saint-Martin.
2
9
�D e son côté, le sieur Grenier en demanda la délivrance r
prétendant qu’elle était comprise dans la cession de tous
les droits du père à la succession du fils. L e sieur Lespinasse père, disait le sieur Grenier, ne se présente que
comme héritier de son fils. Or, cette qualité-seule repousse
sa demande, car il m’a cédé tous ses droits d’hérédité.
Cette prétention eût été incontestable si Lespinasse
père n’eût pu demander la restitution de la terre, qu’au
titre rigoureux à!héritier de son fils, car il l ’avait cédé au
sieur Grenier. Il fallut donc examiner si cette qualité lui
était nécessaire, et si la remise était faite à celui qui était
l’héritier naturel ou testamentaire de l’émigré au moment
de son décès, ou bien à ceux qui le représentaient,, comme
ses parens les plus proches, et comme étant appelés à lui
succéder au moment de la restitution.
On sent que dans le premier cas, le droit, provenant
d’un fait antérieur à la cessioü, appartenait au sieur
Grenier, céda ta i r e , à ses risques, du titre et des droits de
l’héritier, et que, dans le cas c o n tr a ir e , il ne lui restait ni
titre ni droit. Un arrêté de la commission r e n v o y a les
parties devant les tribunaux, et la cause fut portée devant
le tribunal d’ Issoire.
L é sieur Grenier y soutenait que Lespinasse père avait
été saisi de droit, par le décès de son fils, non-seulcment
des biens qu’il possédait alors, mais de tous les droits et
notions qu’il pouvait exercer, ineme de ceux qui étaient
suspendus parla mort civiteetla confiscation *, que la main
l e v é e du séquestre, la restitution des biens, ordonnées à
posteriori, n’avaient fait que lever l’obstacle qui existait à
la libre exécution des lois générales en matière d’hérédité,.
�yH 'i
«tque les choses reprenaient leur cours, comme si le s é
questre et la confiscation n’eussent jamais existé. O r , didisait-il, Lespinasse père, seul héritier de son fils, avait
réuni dans sa main tous les droits de l’hérédité ; il me les a
cédés; ils m’appartiennent donc, et avec eux la terre de
Saint-Martin, pour la part qui en revenait à mon cédant.
L esie u r Lespinasse, en combattant ce système, pré
sentait une thèse tout opposée; il soutenait d’abord que,
p a r l’effet delà mort civile, Claude-Gilbert Lespinasse,
son fils, n’avait succédé ni à J ean-M arie-Clair, ni à FrançoisAldebert de Sévérac, desquels provenait le huitième de la
terre de Saint-Martin ; que conséquemment il ne les avait
pas recueillis dans la succession de son fils ; d’ailleurs, disaitil, passe pour les biens restitués par le sénatus-consulte
de l’an 10; seul héritier de mon fils, à cette époque, j’en
étais propriétaire, puisqu’ils m'avaient été rendus avant
la cession que je vous ai faite quatre ans plus tard, et ils
peuvent y avoir été compris; mais ceux-ci étaient réservés;
ils ne m’appartenaient pas ; je ne pouvais rien y préten
dre, ni même conserver à leur égard de l’espérance, par
cela seul que la loi les avait exceptés et affectés à un ser
vice public, nous n’avons donc pu avoir ni l’un ni l’autre
la pensée de les comprendre dans notre conyention ; et
quelle que soit la généralité des termes que-nous avons
employés , ils ne peuvent s’appliquer qu’aux droits que
j’avais, et non à ceux qui, ne m’ayant été restitués que
depuis, et encore à titre de faveur et non d’hérédité, sont
tout à fait étrangers à la cession et à la qualité en vertu
de laquelle je vous l’ai consentie.En un mot, disait-il, ce
n’est pas à la succession de mon fils que les biens ont été
�rendus*, c'est à moi, directement, comme à celui-là, qui
seul le représentait au moment de la cession.
Remarquons bien ici que Lespinasse se présentait
comme seul ayant cause de son fils *, que Grenier ne le
contestait pas; qu’au contraire il avait intérêt qu’il le fût,
puisqu’il se présentait comme cédataire ; que ni l’un ni
l ’autre n’avertissait la justice que si la restitution était
directe à l’héritier, il existait d’autres ayans droit de
Claude-Gilbert Lespinasse, au moment de la publication
de la loi du 5 décembre 18 14 j qu’ainsi toute la question
se trouyait dans le plus ou moins d’étendue de la cession,
et non dans le nombre ou la qualité des représentans ou
ayans droit de Claude-Gilbert Lespinasse. En un mot, il
s’agissait de savoir si Guillaume Lespinasse, censé par
toutes les parties le représentant <le la succession de son
fils et son unique ayant droit, avait ou non compris les
biens rendus, dans la cession faite à Grenier, ou si on de
vait les considérer comme rendus directement à celui qui
était ou qu’on considérait c o m m e seul a y a n t droit de l’é
migré, au moment de la restitution.
Ces moyens prévalurent, et un jugement du tribunal
d’Issoire, du iCjuin 1816, adjugea lesbiensà Lespinasse;
il déclara que, nonobstant la cession faite à Grenier, il
était demeuré l’ayant droit de son fils pour tout ce qui
n’avait pas été rendu auparavant, c’est-à-dire, qu’il l’était
resté, nonobstant la cession faite à.Grenier, mais seule
ment comme il l’était auparavant. Si le tribunal d’Issoire
ajouta qu’il était seul représentant de son fils, cette ex
pression posée par opposition à la demande du sieur Grcnicr, ne signifiait autre chose, si ce n’est qu’entre eux
�(13>
deux, seules parties litigantes, seuls dont les droits ou les
intérêts fussent mis en question , Lespinasse était le seul
représentant de son fils, lors de la loi du 5 décembre j 814.
L e jugement ne décidait pas, au surplus, que s’il y avait
d’autres représentans de Claude-Gilbert Lespinasse, ils '
n’auraient pas le droit de demander contre Guillaume ,
d’être admis à participer, pour leur .portion, à une décision
qui leur appartenait évidemment comme à lui; car la seule
chose jugée était que la restitution n’ayant été faite qu’en
1814, et ne se reportant à aucun principe d’hérédité an
térieur, on ne devait pas considérer Guillaume Lespinasse
comme saisi par sa qualité d’héritier de son fils, mais seu
lement comme appelé en qualité d’ayant droit, au moment
de la publication de la loi du 5 décembre 181 4- En un
mot, on adjugeait le profit de la restitution au x héritiers
ou ayans cause de Lespinasse fils, en 181 4 5 contre l’ayant
droit de celui ou ceux qui étaient ses héritiers au G lloréal
an 10. Voilà toute la question qui fut alors jugée.
L e sieur Grenier appela de ce jugement ; il demandait la
réformation de la décision p rin c ip a le q u a n t à l ’a ttrib u
tion de la p r o p r i é t é ; subsidiairemetit, il demandait, comme
en première instance, que le feieur Lespinasse fût assujetti
à contribuer aux dettes de la succession.
Par un arrêt du 3 mars 1817, la Cour confirma le juge
ment, quant à la disposition principale, mais le réforma,
quant au payement des dettes: la Cour ordonna un compte
entre les parties.
L ’une et l’autre se pourvurent en cassation; mais le
pourvoi fut rejeté par-un arrêt du 25 janvier 1819. Ne
nous occupons que de la décision principale, et n’oublions
pas d’observer que si la Cour de cassation se fonda seule-
�ment sur ce qu’il était reconnu par la Cour royale que
les biens en litige n’étaient pas compris dans la cession
faite au sieur Grenier, la Cour royale avait décidé que la
loi du 5 décembre 18 1 4 était une loi de grâce et de fa
veur; que les biens restitués avaient cessé d’appartenir à
l’ancien propriétaire-, qu’ils avaient été irrévocablement
réunis à la sénatorerie, plus de deux ans avant la cession;
que si Lespinasse père les y eût nominativement compris,
la clause eût été réputée non écrite, parce que la loi inter
disait à Lespinasse tout pacte, toute transaction sur des
biens qui appartenaient à autrui. Il est bon, en parcourant
les diverses phrases des instances qui ont été portées de
vant les tribunaux, de ne pas perdre de vue la direction
qui leur était donnée, et les principes qui ont été chaque
fois posés parles arrêts, pour arriver à la décision. Nous
aurons à remarquer plus tard, que celui qui décida la
Cour de cassation, comme les motifs écrits dans les arrêts
postérieurs, militent tous en faveur des Bonnafoux.
' Dans l’intervalle, e t le 27 o c to b r e 1817, le sieur Lesüinasse
avait fait donation au sieur B o u r n e t de tous les
A.
droits dans lesquels il avait été réintégré par la loi du 5
décembre 181 4 >et l’arrêt du 3 mars 1817; et désormais,
ce fut le sieur Bournet qui figura dans les nouvelles pro
cédures.
Les parties passèrent bientôt à l’exécution de l’arrêt;
elles vinrent à compte, et les difficultés qui s'élevèrent fi
rent apercevoir au sieur de Lespinasse que son fils avait
droit à uneportion de la terre d’Auzat, à laquelle il n’a
vait pas pensé jusque-là. Un incident s’éleva, et le notaire
renvoya les parties devant la Cour, où s’établit un nouveau
Jitige. I,e sieur Grenier reconnut., dans çles mémoires Un-
�w
( 15 )
primés, que Ie sieur Lespinasse père , au moment de
la c e s s i o n de l’an 14 ? était exclu de la succession de
Irançois-Aldebert de Sévérac^ comme de celle de JeanMarie-Clair; qu’en conséquence, il ne pouvait rien pré^tendreàla terre d’Auzat, comme cédataire de Lespinasse,
puisqu’elle provenait de François- Aldebert; et par arrêt
du 26 avril 1820, la Cour donna acte au sieur Bournet de
cette déclaration, à l’effet, par Bournet, d’exercer ses
d r o i t s sur cette propriété, à ses risques et périls. Il faut
convenir que le sieur Grenier n’avait pas grand mérite à
faire cette déclaration; d’une part, elle n’était que la consé
quence de l’arrêt déjà rendu contre lui, qui ne pouvait
toutefois préjudicier-aux droits des tiers 5mais quand il eût
e u d e s droits sur A u z a t, dans le principe, il ne lui eussent
plus appartenu, puisqu’il les avait cédés à la dame Desroys, par l’acte de 1810, dont nous avons parlé plus
haut.
C ’est à cette époque que le sieur Bournet fit assigner
les sieur et dame Desroys, et divers acquéreurs de par
tie delà terre d’Auzat; il d em a n d a co n tre les uns le par
tage de la t e r r e , et contre les autres le rapport des por
tions par eux acquises.
- Il n’y eutpointdedifficultéàl’égarddestiers-acquéreurs;
les sieur et dame^Desroys prirent leur fait et cause;
mais à l’égard de ceux-ci, il s’éleva des questions sérieuses.
Les sieur et dame Desroys succombèrent, non parce que
le sieur Lespinasse était le seul ayant droit, mais parcequ’ils étaient sans droit ni qualité pour garder la portion
de la terre d’Auzat échue à Claude-Gilbert, et appréhen
dée par la nation, comme succédant à sa place. Nous en.
serons convaincus par la seule inspection de l’arrêt de k
�( 16 )
Cour, et de celui de la Cour de cassation qui l’a suivi
Cela demande quelques explications.
'
i
Nous avons vu plus haut^ que la dame Desroys était cédataire de tousles droits de Marguerite et MariedeSévérac
sur la terre d’Auzat; qu’elle était encore céda taire de tous
les droits du sieur Grenier. Elle et son époux croyaient, à
ces deux titres, que la propriété du.tiers de celte terre,
provenue de François-Aldebert, ne pouvailleur échaper.
Ils présentaient leurs moyens sous unedouble face.
E t d’abord, disaient-ils, au moment de l’ouverture de
la succession de François-Aldebert de Sévérac, ClaudeGilbert Lespinasse, son héritier pour un tiers, était frappé
de mort civile; il ne pouvait donc- pas succéder à son
oncle. Sa part de cette succession eût pu, il est vrai, être
recueillie par la nation, qui se l’était réservée par les lois
sur l’émigration ; mais il fallait pour cela une appréhension
de fait, une mise en séquestre. Jusque-là, le droit de l’hé
ritier n a tu re l n’était pas paralysé; d’autant qu’en matière
de successions collatérales é c h u e s pendant l’émigration, la’
loi du 8 messidor an 7 et les règlemens p o sté rie u rs a v a ie n t
appelé les héritiers républicoles à succéder à la place de
l’émigré. O r, il n’y a eu ni séquestre ni mainmise de la
nation. Marguerite et Marie de Sévérac, sœurs de Fran
çois-Aldebert, et qui auraient concouru avec ClaudeGilbert Lespinasse, ont donc seules succédé pour le tout:
aussi, en nous cédant leurs droits, elles se sont dites seules
héritières, et nous ont vendu la totalité. La terre d’Auzat
n’a donc pas été rendue par la loi du 5 décembre i 8 i 4 j
elle nous appartient donc indépendamment de toutes dis
positions législatives qui n e sauraient s’appliquer à cette*
propriété; et aussi voit-on que toutes les d e m a n d e s en
�( *71)
partage, tousjles procès n’ont porté ique sur les autres
b i e n s , notamment sur la terre de St-Martin, et que ja
mais depuis i 8 i 4 j et malgré qu’on..ait .constamment
plaidé, on n’a réclamé la terre d’Auzat, parce qu’elle était
soumise à des règles particulières; -t .r . , •
'Mais si on n’adopte pas ce premier moyen, disaient-ils
encore, nous sommes cédataires du sieur Grenier, de tous
ses droits a la- succession d’Aldebert,
relativement à *la
A
terre d’Auzat. O r, si cette terre n’a pas appartenu, en en*
tier, à Marguerite et à Marie de Sévéracy si le , sieur
de Lespinasse a été appelé, comme héritier de son fils,
à en recueillir un tiers, ce tiers se trouve compris dans la
cession que Lespinasse a faite à Grenier, et par consé^
quent dans celle qu’il nous a consentie lui-même.
. En deux mots, disaient ils , le sieur Lespinasse ne peut
avoir droit que comme héritier de son fils, au tiers de la
terre d’Auzat; s’il a un droit, il l’a cédé, et il est,dans nos
mains; s’il n’en n’a pas,,Marguerite et Marie de Sévérac
ont pu nous céder la totalité de la succession d’ Aldebert,,
et elles l’ont fait. Dans l’un et l’autre cas, la te rre d’Auzat
nous appartient en totalité ; nousjen avons disposé de,
bonne foi, et nous ne saurions craindre les suites désas
treuses qui résulteraient contre nousd’un désistement pro
noncé contre nos acquéreurs.
Il est évident que le dernier moyen des sieuv et dame
Desroys, n’était que l’application à la terre d’Auzat,.de
celui déjà invoqué par le sieur Grenier pour la terre de
St-Martin, et qui avait été rejeté par l’arrêt de la ,Gour ;
il nejpouvait donc pas faire fortune. Quant au premier,
il disparaissait devant le fait constant que le séquestre avait
3
�:
( Ù 8 - ) ) .....................................
été' apposé''sui'là^terre d’Àuzat j 'et qu’il n’avait été.levé
que p'àr^l’exfceptibn résultante des droits'd’usufruit de la
veu ve'dé S évérac'A in si la iiiainmisedé la nation avait
restreint'Marguerite et^ftlarie de Sévérac, dans le cercle
de leurs droits personnels; et elles n’avaient recueilli et pu
cédél;';qüe les deux tiers. Restait la question de savoir
à qui la loi de 1814 avait fait’la restitution ; elle se ren
fermait dans ces termes précis : La restitution a-t-elle été
faite:â ceux qui auraient été les héritiers dé l’émigré, le’
6 flotéal an 8') jour dé soù décès, s’il n’eût pas été frappé
dèTimërt civile, é trqui le sont devenusau jour de l’amnistie,
ou à ceux’ qui'étaient'appelés à le représenté!* au moment
où la^'lôi a'ordonné qué lés biens seraient rendus ? C ’était
en effet là-véritable question qui pouvait'se présentery
cdmmëî c’est encore la difficulté à résoudre aujourd’hui;
niais1la Ôoür-n^ëut point à ‘ la décider ; car, réduite à ces
termes 1,'^e!llè ^n’appartenait point à la dame Destoys, q u i,;
éfràngère' à la‘famille dè Sévérac, ne pouvait se présenter
■.
_
:«;i .1 •' _•_. •
que COriime cessionnairc,'sans p o u v o i r user d’aucun droit
pér&mh’eT,1ni pouvoir diré que ni en l’an 10; n i en a8 14 5
elle 'feiït(été a^péléé/de son chef,1à rëprésenter Claude-GilberrLespinabe.1
• ‘-n
■
>
'’Aussi l’arrêt dé là Cour prit-il une toute autre direction
que celle qu’il faut recevoir aujourd’hui dé positions diffé
rentes. Nous allons nôus convaincre qu’en rejetant 1les
moyéns' de fya‘ dame De&oys, il ne préjugea rien contre
les droits des"Bohhafoux, ét'qü’àu contraire il'admit des*
p rin cip e qüi tiiüdctal: à lés apj^üyôr dé toute leur'autorité. '
' N e u f qifèstioris1sont posées dahs cfet arrêt sur l'intérêt'
pi-rnbipa!.J,,i' - ’
!:
s* '' ' - «
■
Z
�-c]cux premières ont'pour unique; objet de rechercher
-si-M arguerite et M arie dé Sévérac ont pu^-se^dire seules
héritières dfA ldebert, com m e profitant de.la,.mort civile
de Claude-G ilbert Lespinasse >’ et si elles ont pu céder en
totalité .»la terre d'Auzat.f;- ! jriui '
mi . :v/hnii-i.r.q
'i L es cinq questions suivantes tendent à savoir si la nation
•aoèté saisie de. plein droit, si ¡çlle a ¡conservé par ¿Je sé
q u e s tr e ;'s i le gouvern em ent est resté saisi jusqu’à la loi
de 18 14*
-"ii
L a huitième's’applique à l’étendue de la cession faite
au sieur Grenier. : ' v
;
La neuvièm e^ enfin, a pour .objet de savoir si Te sieur
B o u r n e t, comme représentant le sieur Lespinasse p è r e ,
«on d o n a te u r, peut profiter seul du bénéfice de cette loi.
O n voit que les huit premières questions n o n t aucun .
trait à la difficulté actuelle, et que la neuvième ne va être
e x a m in é e qu’en considérant Bournet comme représentant
Lespinasse, et en opposant sa qualité, d’ailleurs certaine,
aux prétentions des sieur et dameDesroys.
... . -,
Si nous parcourons les motifs de l ’a rrêt s u r les huit pre
mières q u e s tio n s , nous y voyons la Cour reconnaître
-qu’à la mort de François-Aldebert de Sévérac,- la nation
fut appelée à lui succéder pour .un tiers, par suite de la
- m o r t civile dé Claude-Gilbert Lespinasse j qu’elle opéra
sa mainmise sur les biens-,: que cette mainmise se conserva
sur la nue propriété, nonobstant la mainlevée du séquestrc q u 'e x ig e a l’usufruit de la veuve ; (jue VEtat{est demeuré
hanti jusqu'à la loi du 5 décembre i8 i4 ; que conséquem-inent la cession faite paç,Marguerite et Marie
Sévérac à
-la dame: de Cliauvigny, le 3o florçéajian^, n'q,pu lui çon-
1- . u / 7: -lin ob g'i- :! ,1 -i-j;.- t‘ i ’Ja
�,
,
.
.
.
( ao )
"férer queles deux tiers; que cette dame ne peut davantage
invoquer la' cession du sieur Grenier, qui a reconnu luimême n’avoir aucun droit à la terre d’Auzat’/'
'
Jusque-là’ tout est exclusivement applicable aux faits
particuliers qui intéressaient la dameDësroys, et demeure
tout à fait étranger à la qùestion qui nous occupe; mais il
fallait s’en rapprocher en abordantila dernière question.
Il faut donc appeler un peu plus ¡’’attention sur ces der
niers motifs du jugement.
Ils partent de ce point, que les droits dù gouverne
ment n’ont cessé d’exister que par la promulgation de la
loi du 5 décembre 18 f 4 ? et que
remise a ¿té ordonnée
au profit' des propriétàiresjdeurs héritiers ou ayans cause.
• O n n è voit là encorérien qui nedérivedelaloi elle-même.
TLà Cour dit que Lespinasse , aux droits duquel est le sieur
Bournet, a été reconnu el\déclarë être.le seul représentant
de Claude, son fils; par l’arretdu 3 mars 18 17 , et que
le ju g e m e n t et V arrêt n'ayant pas 1été attaqués p a r le s
sieur et dame Desroys, il >doit demeurer pour constant
que Guillaume Lespinasse a été seul appelé à recueillir le
bénéfice de la loi ;
■y
.. . •
j
Que d?ailleürs Claude1étant décédé le 16 frimaire an 8,
et ayant été amnistiénle i 5 ventôse an 11, sous l’empire
de la loi dû 17 nivôse , le père a été seul saisi de sa suc
cession ; qu’à la vérité son droit avait été suspendu; mais
que lorsque les biëns^dnt élé>rendus, ils n ’o n t pu l’être
qu’à Lespiüasse père',rommefson seul héritier au moment
de son dëiïes. ’ * ^
1 :,u‘
^
Q u’ènfîÜ ^ïts môVne^ hiotifs qüi Qnt fait adjuger à Lespirias^ j4ë£e le hüitiètfiié de îd terre de St-Mdrtin, mili
tent pour lui attribuer le tiers de celle d’Auzat.
�Nous sommes parfaitement d’accord sur ce dernier
motif. Il est incontestable, en effet, que la terre de SaintMartin et celle d’Auzat sont soumises à la môme règle,
comme rendues seulement, l’une et l’dutre, par la loi de
i 8 i 4 >et aussi, les Bonnafoux ont-ils cru devoir les com
prendre l’une et l'autre dans leurs demandes.
Quant aux autres motifs, ils s’appuient principalement
sur la chose jugée : s’ils semblent ensuite aborder la ques
tion , nous ne devons pas p e r d r e de vue que cette question
ne s’agitait qu’entre un héritier ou représentant de ClaudeGilbert Lespinasse, et une autre partie qui ne l’était ni,
ne pouvait l’être ; qu’ainsi la Cour n’avait qu'une chose à
e x a m in e r , celle de savoir si le tiers de la. terre d’Auzat,
échu à Claude-Gilbert Lespinasse, n’ayant été ni pu être
cédé à la dame de Cliauvigny, soit par Marguerite et
Marie de Sévérac, soit par le sieur Grenier, comme cédataire de Lespinasse père, celui-ci, par un droit nou
veau, résultant d’une loi postérieure à la cession, n’était
pas, des deux parties plaidantes, le seul appelé à recueillir
les biens rendus par cette loi. La justice n’examinait pas
si d ’autres héritiers ou ayans cause du propriétaire, pou
vaient y avoir des droits, alors qu’ils n’étaient pas présens
ni appelés pour les faire valoir. Nous nous bornons,
quant à présent, à cette remarqüe qui est nécessaire pour
bien saisir ce qui résulte des faits ultérieurs.
Les sieur et dame Desroys se pourvurent en cassalion ;
ils firent valoir d’abord les moyens qui leur étaient per
sonnels. Sur les premières questions, ils soutinrent que le
tiers de la terre d’Auzat avait été rendu, non par la loi du
.5 décembre 1814 > mais par le sénaîus-consulte du 6 flo-
�*(t
réalan 10; subsidiairement, ils prétendirent que la loi du
5 décembre 18 14 n’était applicable qu’à ceux qui duraient
été héritiers ou ayans cause du propriétaire, au moment
de sa promulgation ; que conéquemment Lespinasse pèrë^
ou Bournet, son donataire, n’était appelé'qu’à la moitié
des biens, comme héritier ou ayâtït cause "seulement du
chef paternel,' et que l’autre moitié était dévolue à M ar
guerite et à Marie de Sévérac; tantes maternelles 'de
Claude-Gilbert, et ses représentàns'fde ce chef. Oi', di
saient les sieur et dame Desroys, nous sommes cédataires
•de-Ma-pguwite et Marie de Sévérac; donc l’arrêt viole ou
applique faussement la loi de ;8i4jenattriljLuantàBQjLumet
la totalité de la portion de Claude-Gilbert Lespinasse,
dans la succession de François-Aldebert de Sévérac? tandis
qu’il nous en reviendrait la moitié.
Ce dernier moyen aurait pu être fort bon , si la cession
de Marguerite et Marie de Sévérac eût été postérieure à
la loi de 18 14 » mais, étant de beaucoup antérieure, elle
ne pouvait attribuer a la d am e D e s r o y s aucun titre, au
cune qualité pour réclamer des biens ou des droits qui
n’étaient advenus à ses cédantes que dix-sept ans après la
cession; elle n’était ni de son chef, ni du chef d’autrui,
ayant cause de Lespinasse fils, a u 5 décembre 18 14 - Cette
circonstance détermina l’arrêt de la Cour de cassation,
sur lequel il est absolument nécessaire de fixer un mo
ment son attention.
Nous ne devons pas douter que cette Cour régulatrice
n’eût abordé le moyen du fond, si elle eût pensé que
Ma rguente et Marie de Sévérac elles-mêmes n’étaient
pas appelées par la loi de 18 14 : c’eût été le seul moyen de
�( - }
.
proclamer la véritable pensée du législateur, et de ramener
à l’exécution de la loi. O r, c’est là’ le but de son institution.
S’arrêter en pareil cas à une simple exception,' c’eût été
employer un moyen évasif, d’autant moins digne d’elle,
que l'arrêt contre-lequel était dirigé le pourvoi semblait
aborder la question, quoique dans un sens tout différent,
comme nous l’avons fait entrevoir. Cependant o d lit dans
l’arrêt de la Cour de cassation, ce motif unique et fort re
marquable sur le second moyen :
•
« Attendu que pour revendiquer subsidiairemen t, non
» pas le tiers, mais bien la moitié du tiers contentieux
» sur la succession de Claude-Gilbert de Lespinasse, la
» veuve de Sévérac, épouse Desroys, étrangère à cette
» succession, se présentait comme subrogée aux droits
» des deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
» ses belles-sœurs, en se fondant à cet effet sur une cession
» rque celles-ci lui avaient faite le 3o floréal an 5 •, mais at» tendu qu’ il est reconnu, en fait, que cette cession
» consentie en floréal an 5 , n’a point porté ni pu porter
» sur la succession de Claude-Gilbert, décédé en frimaire
» an 8 5 q u ’elle portait! seulement sur la succession de
» François-Aldebert de Sévérac, frère des cédantes, dé>> cédé en germinal an 4, et que, même sur cette succession,
» la cession dont il s’agit ne conférait nullement à la ces» sionnairele tiers en question; qu'ainsi, ne pouvant plus
» représenter les deux religieuses , Marie et Marguerite
» de Sévérac, la veuve de Sévérac, épouse Desroys, était
» "sans qualité pour en exercer les droits. » ,
Toutes ces décisions judiciaires consacraient en défini
tif, ce principe non contesté, que la loi de i8 i4 avait fuit
�(=>4 )
une grâce, une faveur, soit aux anciens propriétaires des
biens réservés par lesénatus-consulté, s’ils étaient encore
vivans, soit à leurs héritiers et ayans cause, au momentde,
la loi. Elle les appelait donc directement, non par une res
titution qui eût son principe dans*un droit antérieur, mais
par une sortede libéralité qui ne remontait pas plus loin
que la loi elle-même. C ’est pour cela que les tribunaux
avaient refusé à toutes dispositions antérieures du proprié
taire, à toutes cessions ou transactions, la force de frapper
ces biens qui avaient cessé d’appartenir à l’ancien proprié
taire, parce qu’il en avait été dépouillé irrévocablement.
Or, l’attribution a u x représentans, les saisissait tous, quand
bien même un seul d’entr’eux se fût présenté; car il est de
principe (tout le monde le sait), qu’un seuf des héritiers
qui exerce une action du défunt, conserve les droits de
tous. Ainsi, tout en agissant en son nom personnel, par
suite de la donation de Lespinasse père, et en se faisant
adjuger comme h é r it ie r o u ayant cause du fils, les biens
que venait de rendre la loi, Bournct n’empêchait pas
que les autres ayans droit ne vinssent ensuite réclamer
contre lui la participation à une chose qui leur était com
mune; car il ne pouvait avoir fait prononcer la remise à.
son profit, comme héritier ou ayant droit, sans que la
décision profitât à tous ses cointéressés.
Marguériteet Marie deSévérac étaient décédéespendant
ces discussions': les Bonnafoux qui les représentent, cru
rent que leur droit était suffisamment reconnu par ces ar
rêts, et qu’il leur suffisait, sans avoir besoin d’en demander
la réformation, en tant qu’ils avaient considéré Lespinasse
père comme' sèul héritier, de demander contre son dona-
�,* >
7«’
taire, leur portion d e l à chose commune. TJs assignèrent
soit le sieur Bournet, soit lès sieur et dame Desroys,,pour
v e n ir à partage des Liens délaissés par Jean-Marie-Clair
et F r a n ç o is -A ld e b e r t de Sévérac, et quifseraient advenus
à C la u d e - G ilb e r t Lespinasse, s’il n’eût pas été émigré.
- C ’est sur cette demande qu’est intervenu le jugement
du tribunal civil d’Jssoîre, du 25 août 1829. 11 est presque
littéralement transcrit au mémoire du sieur Baurnet*
page 18 et suivantes. Nous ne le reproduirons pas.
Trois sortes de moyens sont proposés contre ce ju
gement.
i°. Sur les qualités des demandeurs. On se borne à dire*
sur ce point, qu’elles ne paraissent pas suffisamment
justifiées, et qu’on se réserve d’examiner les actes de fa
mille. Nous n’avons donc pas autre chose à répondre à
cette assertion vague, si ce n’est que les qualités sont jus
tifiées par le rapport des actes de famille et des actes de
l’état civil, et qu’ils doivent produire leur effet tant qu’ils
n’auront pas été critiqués valablement.
20. Sur la procédure tenue par les Bonnafoux. On se
plaint de ce q u ’ ils ont été admis à participer à la resti
tution s a n s avoir même formé tierce opposition aux
arrêts de la Cour, qui avaient considéré Lespinasse père
comme seul ayant cause de son fils. Nous avons déjà fait
pressentir le motif pour lequel la tierce opposition nous
avait paru inutile. Nous appuierons davantage sur ce
p o i n t ’, mais il nous semble plus convenable de discuter
d’abord la question du fond, qui est la principale, parce
q u ’ il nous sera beaucoup plus facile ensuite de reconnaître
si lesarrets jugent quelque chose sur la question qui nous
�( 26 )
occupe; s’ils peuvent faire p ré ju d ice su x droits des Bonnafoux, et si au lieu d’avoir à y form er tierce opposition, il
ne leur suffit pas, au contraire, d’en invoquer le bénéfice.
3°. Sur le fond des prétentions des intimés. C ’est là le
seul point qui mérite une discussion sérieuse.
Commençons par bien définir avec la jurisprudence, le
véritable sens de la loi du 5 décembre 181 4 7 voyons
quelles conséquences elle doit naturellement produire, et
nous examinerons ensuite les principales objections qui
nous sont proposées.
Pour bien saisir les résultats delà jurisprudence, il faut
d’abord établir la position extraordinaire créée par la loi
de
Si elle avait voulu, comme la loi de l’indemnité, du 27
avril 1825, faire une restitution à l’émigré en la rattachant
aux droits antérieurs tels qu’ils existaient au 1“ janvier
1792; si elle avait fait cette restitution « à l'ancien pro•» priétaire ou aux Français qui étaient appelés par la
» loi, ou par sa -volonté , à le représen ter à Vépoque de son
» décès, sans quon puisse leur opposer a u cu n e in c a p a c ité
» résultante des lois révolutionnaires, » il n’y aurait eu
rien que de naturel dans son exécution; il aurait fallu re
chercher ceu*x qui étaient désignés par la l o i , ou par
l'émigré lui même, pour lui succéder, pour le représen
ter, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, soit à titre
universel, soit à titre particulier, au jour de sa mort,
parce que les biens restitués, n’auraient pas cessé de repo
ser sur la têle de l’ancien propriétaire; que dès lors ils
auraient pu être compris, et que, de droit, ils auraient été
censés compris dans toutes les attributions ou dispositions
�( 27 )
universelles des biens de l’émigré, dans tous les traités,
c e s s i o n s , transactions relatives à ses droits et conçues en
termes généraux, parce que ses droits n'auraient-été que
suspendus.
1‘ : r 1
O r, da^s ce cas supposé, la cession faite à Grenier, par
Lespinasse père, aurait frappé tous lés biens qui auraient
appartenu ou dû appartenir à son fils, au moins tous les
droits qu’il y amendait*, le sieur Grenier aurait :iobtemi
le huitième de la terre de Saint-Martin, et le tiers de la terre
d’ Auzat, puisque sa cession était générale; et ce tiers d’Au- ,
zat cédé par lui-même à la darne Desroys, qui l’avait no
minativement acquis, n’aurait pas pu lui être ravi par le
sieur Lespinasse p ère, qui n’aurait été ni pu être admis à
reprendre ce qu’il avait vendu.
Mais, par une exception tirée de quelques termes de
cette loi, on a jugé qu’elle avait créé une position toute
spéciale, qu’elle n’avait pas restitué, mais seulement rendu;
que les^biens n’avaient pas oontinué, après le séquestre ,
de reposer sur la tête de l’émigré; mais qu’il en avait été
irrévocablement dépouillé, et que l’État lui faisait une
sorte de grace, une concession bénévole , qui n’aVait
d’autre principe que le mouvement de sa volonté, et qui
n’ayant aucune relation avec un droit antérieurement
existant, ne prenait naissance que du jour même'de sa
promulgation, n'effaçait pas l'incapacité intermédiaire,
et ne pouvait être soumise à toutes les dispositions de
l'homme, ni aux attributions légales, antérieures au 5 dé
cembre 1814. Si donc, parce qu’on a créé une exception,
le sieur Bournet est parvenu à faire mettre en dehors des
actes consentis par Lespinasbe père, au sujet de la succès-
�(ÎSf
'
* *
( 28 )
sion desonfils, toutcequilui étaitrendu parla loi de 1814,
comme étant étranger à cette succession, il faut qu’il ad
mette toutes les conséquences de ce principe, et qu’il ne
rapporte point à la succession du fils, prétendu ouverte
en l’an 8, la remise prononcée par la loi de 1814- 11
n’y aurait pas de doute si Claude-Gilbert Lespinasse eût
vécu à celte époque; il eût recueilli directement, puisque
c’était à lui qu’on donnait: mais il était mort; la loi
l’a p ré v u , et elle devait le prévoir; elle a appelé les
héritiers ou ayans cause. Dès qu’elle ne voulait pas
reconnaître comme ayans cause les cédalaires univer
sels de droits par actes antérieurs, comment aurait-elle
appliqué la qualité ^ ’héritiers à ceux qui la cherchaient
dans une succession que la loi ne voulait pas reconnaître,
et avec laquelle, vraie ou supposée, elle ne voulait pas
entrer en relation?
Et encore, si on pouvait le supposer, à quel jour eûtelle reporté la fixation du 4foit ? Étail-ce au jour de la
mort naturelle de celui qui déjà était mort civilement ?
Comment, en Défaisant partir l’attribution de propriété,
que du 5 décembre 1814> en 11’efTaçant pas Yincapacité
antérieure) aurait-elle pu reconnaître pour héritiers ceux
qui l’auraient été au jour de la mort naturelle, plutôt
que celui qui était appelé par d’autres lois, nu jour de
la mort civile? Eu ce cas, l’attribution à tel ou à tel,
suivant qu’il plairait d’appliquer telle ou telle l o i , aurait
donc été l’effet d’un caprice* plutôt que la dépendance
nécessaire d’un principe ! On tombe en effet dans le
caprice, dans l’abstraction, dans des conséquences indéfi
nissables, quand, à propos d’une exception, on veut re
�pousser le principe môme sur lequel elle a été fondée, et
q u ’on veut revenir au principe général, pour l’appliquer
à celte exception créée précisément pour échapper au
principe.
A u reste,Voyons comment l’a entendu la jurisprudence
des arrêts.
L e premier arrêt es£ celui de Lépinay do St Luc et de
l’abbé Duclaux : il est rapporté dans Dalloz , ann. 1819 ,
pag. 11 3.
Comme dans l’espèce, le sieur de Saint-Luc, émigré,
était m ort avant toute amnistie (en 1799V
Il laissait une fille unique, madame de Sully.
Celle-ci obtint l’amnistie de son père, et se fit envoyer
en possession des biens rendus par le sénatus - consulte :
toutes circonstances absolument semblables î^i celles du
procès actuel. Elle mourut le 3o janvier 1809, après avoir
institué l’abbé Duclaux son héritier universel.
Convenons ici que le sieur abbé Duclaux, légataire
universel, la représentait pleinement, et que si les droits
que lui attribua plus tard la loi du 5 décembre 1814, s’é
taient référés h. la quqjité d’hcritier ou ayant cause, fondée
sur des faits ou sur un droit antérieur à la loi; qu’en un
mot elle se fût appliquée à celui qui était l’héritier au mo
ment du décès, l’abbé Duclaux, seul, en aurait été in
vesti, caria dame de Sully était la seule héritière de son
père, et il était le seul héritier de la dame de Sully. Il en
éleva la prétention. Pour échapper à cette conséquence,
il fallait donc décider qu’on ne devait considérer comme
héritiers on ayans ca u se, que ceux qui se trouvaient
l’être au 5 décembre 1,814, et non ceux qui pouvaient
�\o'à
’
(3o)
rattacher leur droit à une époque antérieure, comme
celle du décès ; il fallait reconnaître comme tels ceux
qu’appelaient les lois en vigueur au 5 décembre 18 14 ? et
non ceux que désignaient autrefois des lois maintenant
abrogées. L e sieur de Saint-Luc, héritier au moment
de la loi, comme plus proche parent existant du sieur de
Saint-Luc, émigré, réclama la préférence; il soutint que
madame de Sully n’avait pas trouvé, en 1799, dans la suc
cession de son p ère, les biens que venait de lui rendre la
loi de 1814 5 qu’elle n’avait pu les transmettre h l’abbé
Duclaux ; qu’il fallaitexaminer quel était, au jour de la
loi de i 8 i 4 j l’héritier appelé comme plus proche parent
existant.
Celle prétention avait été proscrite par un jugement du
tribunal de la Seine et un arrêt confirmatif de la Cour
royale de Paris. 11 avait été jugé que la remise des biens
était une véritable restitution en entier, qui effaçait toute
trace d ’émigration, de séquestre ou de confiscation ; que
les biens étaient dès lo rs censés n'être pas sortis des
mains des anciens propriétaires qui les avaient tran sm is
à leurs héritiers ou ayans cause. C ’était la doctrine de la
simple suspension que le sieur Bournet veut encore faire
prévaloir aujourd’hui. On appliquait ensuite cette doc
trine aux faits particuliers, et on disait que lu dame de
Sully ayant été Vunique héritière du marquis de SaintL u c , et l’abbé Duclaux étant son légataire universel,
il était le représentant universel et l’ayant cause, non-seu
lement de madame de Sully, mais encore du marquis de
Sjiint-Luc.
fin, l’arretajoutait l’argument d’aujourd’hui,
que sans cela il faudrait supposer qu’A deux époques éloi-
�Vi
( 31 )
g n(ie5 l'une de l'autre, il se serait ouvert, au profit de deux
personnes différentes, deux successions du même individu.
Cet arrêt fut cassé, malgré sa logique forte et persuasive.
La Cour de cassation déclara que la loi n'avait fait cesser
les effets de la confiscation que pour l’avenir, mais ne les
avait pas-abolis pour le passé; q u il ne peut être question
de restitution par suite de cette loi, qui n’a réellement
rendu les biens qu’à titre de libéralité; que dès lors ils
n’avaient fait partie ni de la succession du marquis
Lépinay, ni de celle de la dame de Sully ; qu’ainsi, il n’y
avait pas deux successions du même individu; qu’enfin,
ils n ’avaien t pu appartenir ni à madame de Sully nia l'abbé
D u c l a u x , puisque, jusqu’au 5 décembre i 8 i 4 ,ils étaient
irrévocablement réunis au domaine de VElat; l’arrêt ajoute
enfin que la remise était faite non par la voie civile des
successions, mais par la voie naturellé de justice et d'é~
quite.
Il semble que tous ces motifs sont faits pour la cause
actuelle; e t, en effet, les circonstances étaient à peu près
identiques.
Si on avait dû, dans notre espèce, considérer la voie
natu relle des successions, regarder les biens comme ayant
sans cesse appartenu à l’ém igré, et étant restitués aux
véritables héritiers qu’il avait laissés par son décès, les
biens auraient incontestablement appartenu au sieur Lespinasse père; mais alors, comme nous l’avons déjà observé,
ils auraient été compris dans la cession par lui faite au
sieur Grenier; et il aurait fallu les lui adjuger comme
l’arrêt*de Paris l’avait fait au profit du*sicur abbé Duclaux;
mais comme c’était seulement une attribution faite à titre
�( 3» )
de libéralité, le 5 décembre 18 14 >à Claude-Gilbert Lespinasse ou à ses ayans cause, que cette attribution n’était
pas faite par la voie ordinaire des successions, et que le
décès de l’émigré mettait ses ayans cause en ligne, il ne
faut plus aller chercher la voie ordinaire d’une succession
ouverte en l’an 8, alors que, par sa mort civile, l’émigré
n’avait pas de succession, ni invoquer une loi transitoire
qui attribuait au père le droit exorbitant d’une succession
exclusive; il fallait et il faut rechercher quels étaient au
5 décembre i 8 i 4 » d’après les lois existantes, les héritiers
ou ayans cause de Claude-Gilbert Lespinasse; reconnaître
les parens les plus proches en degré qui étaient appelés
par la loi à le représenter. Or, dans la ligne paternelle,
c’était son père; dans la ligne maternelle, ses deux tantes;
voilà les conséquences les plus naturelles, les plus directes,
les plus sûres, et elles ne produisaient pas d’injustice, elles
n’appelaient pas des étrangers pour exclure les parens
les plus proches; car il ne pouvait plus être question de la
succession exclusive du p è re , sous la loi du 17 nivôse an a:
c’était un fait, un droit auquel le p r in c ip e de rem ise des
biens demeurait tout à fait étranger par la disposition de
la loi.
Voyons l’arrêt Devenois, du 9 mai 1821 (Dalloz, 1821,
p. 397) ; il est encore dans les mêmes termes.
Une succession s’était ouverte au profit de Devenois,
émigré. 11 mourut, en i 8 o 5 , sans avoir été amnistié; sn
plus proche parente, habile à lui succéder, était la demoi*
selle Leguerney; elle mourut eu 1808.
Les biens furent,rendus par la loi de 181 4- CJombat
entre l’héritier naturel de~la demoiselle Leguerney, et
�(r 3 3 )
qui, en omettant tous lès faits antérieurs, se serait
trouvé héritier, représentant, oü ayant'cause, si l’on veut,
de Devenois, émigré, en supposant sa succession ouverte
seulement le 5 décembre 1814.
"T ...
<
■. r
'A rrêt de Caen, qui, suivant l’ordre ordinaire des suc
cessions , regarde comme héritier ou ayant cause du sieur
Devenois, la demoiselle Leguerney, qui, en effet, lui au
rait succédé à' l’époque de son décès; mais cet »arrêta est
encore cassé par des motifs qui ne sont *qu’un résumé'de
ceux de l’arrêt de Saint-Luc. La Gourde cassation déclare
enfcore qu’il ne s’agit point de restitution, mais d’une libé
ralité exercée le .5 décembre 181 4 5 qü’elle n’a pu être at-,
tribuée à la demoiselle Leguerney, quoiqu'ellefût au décès
de Jacques Depenois sa plus proche parente. .
. :/
Ainsi, ce n’est pas le plus proche parent, celui qui est
habile à succéder au moment du décès de rémigré, mais
celui ou ceux qui lui succéderaient comme plus proches,
au 5 décembre 1814, qui sont appelés comme ayans cause
de l’émigré, à recevoir une libéralité qu’il ne peut recueil
lir lui-même par suite de son déçès.
>
Si nous jetons un coup d’œil suril’arrêt de Béthune, du
3 janvier 1821, au même volume de 1821, p. 493, nous y
voyons quelques circonstances différentes, mais une dé
cision semblable Les biens sont attribués aux frères consanguinsdu défunt,au préjudice d’héritiers collatéraux éloi
gnés qui prétendaient les exclure, et n’avaient aucun titre
pour cela.Toutefois cet arrêt, de simple rejet parla section
des requêtes, semble fondé sur une interprétation diffé
rente de la loi ; il dit que le droit du père, héritier de son
fils, n’a été que suspendu par les lois sur l’émigrationj
ce lu i
5
�C34)
mais, d’une part, la succession ouverte était celle du fils,
non émigré ; c’était le père qui l’était, et sous ce rap
port j on pouvait dire que le droit de l’émigré n’était que
suspendu jusqu’à son amnistie. O r , il avait été amnistié
vivant, et avait par conséquent repris ses droits successifs.
Ici les circonstances sont diamétralement opposées; la
succession ouverte était celle de l’émigré; il n’a point été
amnistié vivant, il est mort émigré. On doit donc dire
qu’à son égard le droit des héritiers républicoles n’a pas
été seulement suspendu, mais qu’il n’a pas existé, ou qu’iï
n ’a existé que partiellement, pour profiter des remises suc
cessives de certains biens non réservés par le sénatus-consulte de l’an 10.
>■
'
A u reste,- les arrêts postérieurs ont de nouveau con
sacré le principe admis par les deux premiers que nous
avons cités, que le droit de l’émigré avait été irrévocable
ment détruit et non pas suspendu.
Témoin l’arrêt Barbançon, du 16 février 1824. L ’arrêt
de Paris, contre lequel on s'était pourvu, avait déclaré
que « les biens invendus de l’émigré appartiennent à ceux
» qui se sont trouvés les plus proches parens, lors de la
» publication de la loi du 5 décembre 1814, et non aux» héritiers qu'il a laissés en mourant. » Rejet du pourvoi
par la section civile. lia section des requêtes avait admis,
sans doute, par suite du système de simple suspension,
iju’elle semblait avoir embrassé par l’arrêt de Béthuue.
On sent bien que par ces mots : Les plus proches pa
rens, la loi entend toujours cette proximité qui appelle à
succéder, surtout alors qu’il s’agit de leur rendre des
biens; car ce sont ceux-là, chacun suivant leur droit, à
�£®7
■ .
( 35 )
qui doit profiter la remise, puisqu’elle est faite par la 'voie
naturelle de justice et d’équité.
1
Témoin encore l’arret Dupille, du 4 juillet 1825. (Dalloz,
i825, p. 283.) L ’émigré était rentré, avait été rayé, et
était mort en '1812, après avoir disposé, au profit de ses
neveux Dupille, d’une foret confisquée, mais qui ne lui
avait pas été l’endue. Elle le fut par la loi du 5 décembre
18145 e*- ^es Dupille furent mis en possession par la dame
Biencourt, leur tante, qui aurait été héritière par moitié
avec eux. Rien de plus juste si le droit de l’émigré n’avait
été que suspendu ; car, en l’y rétablissant, en effaçant
Vincapacité antérieure, la loi faisait disparaître tout obs
tacle au droit de propriété toujours subsistant de l’émigré,
et sa disposition demeurait valable; mais la dame Biencourt
se ravisa. Trois ans après, elle réclama la moitié; elle lui
fut adjugée, par le motif qu’au moment de la promulga
tion de la loi, elle était pour moitié l’ayant cause de l’é
migré. On voit que les circonstances, ici, sont tout à fait
les mêmes, et qu’en outre il y avait, dans l’affaire Dupille,
des fins de non-recevoir tirées du fait même de la dame
Biencourt, de son consentement à la mise en possession
des Dupille, de sa reconnaissanc^expresse ou tacite de
leur droit exclusif, qui eût existé, en effet, si les mots
ayant cause, dans la loi de 1814, se fussent appliqués à
ceux qui l’étaient au jour du décès de l’émigré ; car ils n’eus
sent pu l'être que parcequel'émigré n’aurait pas cessé d’être
saisi, et qu’alors il aurait pu céder. La Cour rejeta les fins de non-recevoir, et jugea nettement le principe.
Sur le pourvoi, on s’appuyait de la loi de l’indemnité,
L e pourvoi avait été admis; mais la section civile le re5.
�n
( 36)
jeta eücore, ,en maintenant sa jurisprudence sur le véri
table sens de la loi de 18 14 j elle ajouta que la loi de 1825,
en admettant un principe diamétralement opposé relati
vement aux biens vendus,, n’avait rien innové aux dispo
sitions de.celle de *18iA 5 relative aux biens rendus.
Quoi de plus positif?
< Nous pourrions pousser plus loin les exemples de ju
risprudence. Qujil nous suffise de dire qu’elle est uniforme
sür cette question. L ’application à la cause s’en fait d’ellemême. N ’employons donc pas de temps à le démontrer;
bornons-nous à parcourir les principales objections du
sieur Bournet,,et la conviction s’opérera d’elle-même, si
déjà elle n’est complète.,ij(
On dit que la jloi de 181 4 faisait une justice et non une
libéralité. '
A cela, deuxjréponses :
i°. Les arrêts ont répondu par une décision contraire;
■2°. La justice serait due aux ¡véritables héritiers, à ceux
que la loiappelle aumomentoù on veut l’exercer,lorsque
le propriétaire ne vit plus pour en profiter lu i-m ê m e .
On ajoute que,.le père était seul héritier, soit au m o
ment de la mort de.son fils, soit au moment de son am;
nistie... : ;
‘
•
'
* Nous répondons encore:;,
s
. i°. La. succession ,s’éfait ouverte par la mort- civile, et
alors, le pèvef.n’était point, héritier ; pourquoi irait-on
clioisif répqque(lde la mort naturelle, puisqu7alors il 11’y
avait pointj de f>ucqes,sion? N ’publions pas que lu loi de
i 8 z 5 } seule,y a fait cesser l’incapacité, résultante des lois
antérieure^;,que,le ^natuç-çonsuite de l’an 10 ne Tarait
�( 3y )
pas détruite pour les biens qu’elle exceptait de la restitua
tion, et qu’à l'égard de ceux-là, l’incapacité n’a cessé que
par la loi de 18 142°. Qu’importe donc l’amnistie? Elle aproduit ses effets
par la restitution des biens non réservés en l’an io : pour
c e u x -là , pas de difficulté. Le père était seul héritier, seul
ayant cause de son fils, lors de cette remise,par conséquent
il devait seul en profiter; mais dès que la voie civile des suc
cessions n’est pas le point de départ de la loi de 18 14 >
qu'elle n a point (Teffet rétroactif comme le disent encore
les arrêts, qu’elle ne se reporte à aucun principe, à
aucun droit, à aucun fait antérieur à sa promulgation;
d é f a u t de propriétaire, elle appelle ses ayans cause,
au moment où elle parle ; il est évident qu’il faut recher
cher quels sont ces héritiers ou ayans cause au jour de la
promulgation de la loi.
L e père, dit-on, était encore vivant à cette époque; il.
était le plus proche parent, le seul héritier, le seul ayant
cause de son fils.
O ui, sans doute, il serait seul héritier, si la loi se repor
tait à l ’é p o q u e du décès du fils; encore faudrait-il user
pour c e l a d’une loi exorbitante et seulement transitoire;
mais c ’est du droit commun qu’il s’agit, et le père n’est là
que comme plus proche parent de la ligne paternelle, hé
ritier pour moitié, par conséquent; mais les deux tantes
étaient vivantes aussi, et elles étaient héritières’pour l’au
tre moitié, comme plus proches parentes de la ligne ma
ternelle. Pas de doute ce semble sur ce point.
Si le père eût été décédé en
que serait-il arrivé?
On n’aurait pas dit qu’il était plus proçhç parent; car, en
q u
’à
> >2
�ce cas, il eût fallu appeler son propre héritier, puisque
son droit personnel fût remonté au 6 floréal an 8 , jour
qu’on qualifie comme celui de l’ouverture de la succes
sion naturelle; ou au moins au jour de l’amnistie , qu’on
considère comme celui où la succession a été ouverte
légalement. Si cela était impossible, comme l’ont décidé
tous les arrêts, s’il eût fallu, dans ce cas, appeler les plus
proches parens des deux lignes comme les ayans cause
reconnus par la loi, il est évident que la survie du père,
en 1814, ne lui donne d’autres droits que ceux que sa
proximité lui attribuait au moment de la promulgation
de la loi, c’est-à dire, la succession exclusive dans la ligne
paternelle seulement.
L e sieur Bournet croit faire une objection fort sérieuse,
en disant que pour exécuter la loi de 1814, il faut re
chercher si, au moment où la loi a paru, l’émigré avait
ou non un héritier.
S’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent être
•endus.
S’il n’en avait pas, c’est à ses parens les p lu s p r o c h e s ,
ï ses successibles, à ceux que les lois existantes appelle*
aient à être ses héritiers.
Nous aurions besoin de quelque explication sur cet argunent pour le bien saisir. L e sieur Bournet voudrait-il dire
jue pour que les parens les plus proches, au 5 décembre
1814» profitent de la loi, il faut que l’émigré n’ait pas
laissé de parens au douzième degré au jour de son décès?
Mais alors, comment aurait-il, au 5 décembre i8i/|, des
yarens proches que le sicUr Bournet lui-même appelle
les successibles? Il est difficile de concevoir de quelle
ouche ils seraient sortis.
�tu
( 39 )
D ’ailleurs, dans quels termes de la loi, dans quel exem
ple de jurisprudence, aurait-on trouvé le principe de cet te
distinction fort peu intelligible pour nous? L e sieur Lépinay deSamt L u c, lesieurDevenois et autres, n’avaientils pas laissé des héritiers naturels à leur décès ? N ’a-t-on
pas, précisément à cause de cela, agité la question entre
les ayans cause de l’une et l’autre époque? N ’est-ce pas
pour cela qu’il a fallu examiner si'l’émigré était demeuré
saisi ou dépouillé, capable ou frappé d’incapacité dans les
temps intermédiaires? si lui ou son héritier avait p u trans
mettre, céder, donner, avant la-loi de 1814, lesbiens ren
dus par elle seule ? N ’a-t-on pas enfin nettement décidé
qu’ils étaient rendus à ceux qui se sont trouvés les plus
proches parens de l’émigré, lors de la publication de la loi
du 5 décembre 1814, et non aux héritiers qu’ il a laissés
en mourant? (Arrêt Barbançon.)
A u reste, le sieur Bournet est si embarrassé lui-même
pour fixer le principe de cette hérédité de Lespinasse
père, qu’il hésite entre le 16frimaire an 8, date du décès
du f d s , et le 18 ventôse an 1 1 , date de son amnistie. Si
on s’appuie sur le droit commun, ce serait peut-être bien
plutôt l’époque de la mort civile qu’il faudrait consulter;
et si, comme il le faut sans doute, on s’appuie sur le droit
exceptionnel, on reconnaîtra, avec l’arrêt Saint-Luc, que
la remise n’est pas faite par la voie ordinaire des succes
sions , qu’elle est le résultat d’une volonté actuelle de la
loi, et qu’il faut la prendre telle qu’elle est; que la restitu
tion faite par le sénatus-consulte de l’an 10 doit profiter i\
ceux qu’il appelait; la remise de la loi de 1814 à ceux
qu’elle indique ; que les biens qu'elle rend n’ ont pas fa it
�'G 4° )
! partie de la succession de Lespinasse fils, puisqu’alors
ils étaient irrévocablement réunis au domaine de VÉtat ;
. q u’ainsi il n y a pas deux successions du même individu,
et qu’ils ne peuvent appartenir qu’à jceu x; qui se sont
trouvés ses ayans.cause, non-com m e ayant appréhendé
sa succession en l’an 8 ou en l’an 1 1 , mais com m e rétant
les plus proches pour recevoir des biens qui ne lui appar
ten aien t, ni à l’ une ni à l’autre ép o q u e, et qu'on rem et
aujourd'hui à ses .héritiei'SiOU ayans cause, à ceux qui je
représentent.
•
'
On invoque l’art. I er de la loi qui maintient les droits
acquis à des tiers, et on dit que la qualité d’héritier du
sieur Lespinasse était un droit acquis.
Mais, d’une p a rt, puisque la transmission de la loi ne
s’opérait pas p a rla voie ordinaire dûs 'successions, on ne
concevrait pas trop cet argument appliqué à une qualité
d’héritier.
D e l’autre, on voit, à ne pas en doiiter, que cet article
appartenait plus à u n but p o l i t i q u e , qu'aux droits de successibilité attribués par les lois civiles : c’est ce que prouve
le préambule de la loi et la loi elle-même. L e Monarque
a fait cesser la proscription d’une classe recommandable
de citoyens; il veut leur rendre les biens non vendus;
mais il veut concilier cet acte de justice avec les droits
acquis par des tiers en vertu des lois existantes, >avec
l'engagement contracté de maintenir les ventes de biens
nationaux, avec la situation des finances , etc......... E vi
demment cela n’a rien de commun avec la qualité de ceux
à qui la loi va faire la remisé , et que d’ailleurs elle désigne
clairement.
* ! -..p
�(4 0
Comment, au surplus, le sieur Bournet n’a-t-il pas
aperçu qu’il ne pouvait pas être à la fois Yhéritier ou
Yayant cause, et le tiers qui aurait des droits acquis?
C ’est aux héritiers ou ayans cause qu’oryen d ; mais la re
mise n’aura pas lieu à leur profit, quand il se rencontrera
des tiers qui seront préférables à l’héritier, et ils feront obs
tacle à la remise, toutes les fois qu’ils aui’ont des droits
acquis par les lois existantes. Les tiers sont donc ici une
exception posée contre l’héritier , et leurs droits acquis
une exception à la remise des biens.Qui ne voit cela? et
comment peut-on confondre le tiers et 1h é u t ic i, ,pour
n’en faire qu’une seule et même personne?
Nous ne suivrons pas le sieur Bournet dans ses discus
sions ; cela serait fort inutile. Après avoir posé le principe,
et fait connaître parfaitement le sens clair et formel que
présente la loi de 18 14» et qu’a consacré une jurispru
dence positive etnon interrompue , il nous suffit de dire
que si le sieur Lespinasse avait tiré de sa qualité d’héritier'
de son'fils, en l’an 8 ou en l’an 1 1, un droit à des biens
qui n’ont été rendus qu’en 1814 > ce droit successif aurait
passé dans les mains du sieur Grenier, puis de la dame
D e s r o y s , qui étaient des tiers, et qui avaient acquis de
bonne foi; que si, comme on l’a jugé, la cession ne com
prenait pas les terres de Saint-Martin et d’Auzat, parce
que Lespinasse fils en avait été irrévocablement dépouillé,
et qu’elles n’ont été i’endues qu'en 18 14 »ehes ne peuvent
a p p a r t e n i r qu’à ceux qui étaient ses héritiers ou ayanscause au 5 décembre 18 14* H faut nécessairement que ce
point de départ admis par toutes les parties, excepté la
dame Desroys qui l’a contesté, produise toutes ses conséG
�(
4
2
-
quences, au profit du Marguerite et Marie de Sévérac,
que représentent les Bonnafoux. .
Aussi, pour soutenir le système contraire, le sieur
Bournet se refggie-t-il dans ce mot de l’arrêt de Béthune,
que le droit de l’émigré n’avait été que suspendu. Nous
avons fait voir ci-dessus l’espèce de cet arrêt qui n’est
point applicable, et nous avons montré en même temps
que ce système de suspension, indiqué par la section des
requêtes, par arrêt de simple rejet, avait été constam
ment repoussé par la section civile, avant et après l’arrêt
de 1821.
C ’est cependant sur ce point que roule toute la défense
du sieur Bournet; c’est avec ce moyen qu’il croit pouvoir
affirmer que les droits de Lespinasse père sont consacrés
par la jurisprudence des arrêts. Nous ne croyons pas
avoir besoin de rien ajouter pour prouver le contraire.
Les intimés auraient-ils à redouter l’arrêt de la Cour
rendu sur la demande du sieu r Bournet contre la dame*
Desroys? serait-il nécessaire d’y former tierce opposition,
à peine de voir repousser leur demande en partage? enfin
le défenseur des Bounafoux sera-t-il convaincu qu’il ne
doit pas hasarder une plaidoirie qui ne serait quun bou
leversement des principes, comme n’a pas craint de le dire
dans un écrit particulier le sieur Bournet, ou celui qui est
avec lui ou sans lui la véritable partie de la cause? Le défen
seur avoue qu’il n’est pas encore arrivé à cette perfection.
Il ne dira pris que c’est de la part du sieur Bournet une
assertion imprudente, une œuvre éphémère des désirs.... ou
des illusions de Vamour-propre) mais il se croirait fort imprii'
�tf/f
( 43 )
.
>
dentlui-même, s’il se permettait de flétrir a vecce tou de mé
pris., la conviction de ses cliens, et la décision des premiers
juges, surtout dans les termes où se présente la question.
Il croit pouvoir et devoir la soutenir avec bonne fo i, et en
tout esprit de justice et d’équité.
Quant à la prétendue nécessité de la tierce opposition ,
nousavouonsquenousnesoinmespasnon plus convaincus.
L ’arrêt de la Cour décide, non pas que les droits de Lespinasse fils avaient été suspendus, mais que les biens étaient
rendus à ses ayans cause par la loi de j8 i4 , et ne pou
vaient pas être compris dans des cessions de droits antérieuresà 1814, quelquegénéralesqu’ellespussent être, parce
que ces biens n’appartenaient alors ni de droit ni de fait,
à Lespinasse père, comme héritier de sou fils. Il n’avait
pas à décider cette question entre divers héritiers ou ayans
cause de Lespinasse fils, et à faire choix entr’eux, mais
entre Lespinasse père, qui se présentait comme seul
héritier ou ayant cause, et ses propres cédataires qui n’a
vaient d’autre titre que leur cession, d’autre droit que ce
lui qu’elle pouvait produire. Ainsi, en attribuant les biens
aux ayaris cause, comme rendus et censés leur appartenir
seulement au 5 décembre 18x4 , elle a consacré le droit do
tous les ayans cause, qui peuvent successivement se pré
senter pour y prendre part, s’ils établissent leurs droits. II
en est de ce cas comme de celui où un héritier se présentant
comme unique, obtient contre un débiteur de la succes
sion, un jugement qui le condamne à payer une somme
ou à délivrer un immeuble au demandeur comme seul et
uMqiïe'ïïcnlier du déjunt. Est-ce que plus tard d’autres
héritiers ne peuvent pas se présenter? est-ce qu’ilsauraient
besoin, pour être admis, de former tierceopposition au ju-
�, .
( 44 )
gement? Il est bien évident que non. Où donc est la dif
férence ? A u reste, rien ne sera plus facile que de former,
en tant que de besoin, une tierce opposition qui lèvera
cette prétendue difficulté de procédure.
Mais, dit-on, en termes tranchans, nous n’avons encore
aujourd’hui d’autre adversaire que les sieur et dame Desroys; car ils ont traité avec les Bonnafoux dont un modique
salaire a acheté la complaisance.
Nous n’avons rien à répondre à cette assertion, que
nous ne qualifierons pas non plus im p ru d en te. Les B on
nafoux sont seuls en qualité; nous ne connaissons aucun
acte qui les dépouille de leur droit; et quand on suppose
rait qu’ils l’ont cédé, la question serait toujours de savoir
s’il existait réellement au jour de la cession. C ’est donc
toujours leur droit et leur qualité qu’il faut examiner; car
c'est ce droit et cette qualité dont les résultats sont soumis
à la justice. Nous ne nous ferons point ici les apologistes
des sieur et dame Desroys, de la situation fâcheuse où les
a mis une fausse confiance, tout est terminé la dessus. Ils
ont été condamnés, ils ont dû l’être; mais c’est de ce la
même que découle la nécessité de reconnaître que Lespinasse père n’y avait pas droit comme unique héritier
de son fils, et nous ne craindrons pas de dire qu’il faut
examiner telle qu’elle est la question élevée par les
Bonnafoux, et que rien ne peut ni la dénaturer, ni empê
cher l’action de la justice en ce qui les concerne.
M e D E V I S S A C , avocat.
M e Clle C H I R O L , avoué
Clermont imprimerie de THIBAULT LANDRIOT
�L e s A N C IE N S A V O C A T S S O U S S IG N É S , vu le Mémoire
produit, dans l’intérêt du sieur B o u rn e t, devant la Cour royale
de Riom ; le précis en réponse pour les sieurs Bonafoux ; Je
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire , le 25 août 1829;
ensemble la consultation , par eux déjà délibérée , le 10 mars
précédent;
Ne peuvent que persister dans l’opinion q u ’ils ont émise
dans cette précédente consultation, et sont d’avis qu’aucun
des motifs allégués par le sieur Bxjurnet, à l’appui de son a p p e l,
ne saurait prévaloir sur ceux qui ont déterminé le jugement
attaqué.
,, /
La question se réduit à un point bien simple ; il s’agit de sa
voir à qui a profité la restitution opérée par la loi du 5 décembre 1814. Or, il est évident que cette restitution a été faite
à ceux qui étaient héritiers au moment où cette loi a été pro
mulguée. La jurisprudence de la Cour de cassation est formelle
à cet égard : nous ne rappellerons pas les nombreux arrêts que
nous avions cités dans notre première consultation , et dont le
Mémoire dcM *. De Vissac a présenté une analyse aussi exacte
que décisive.
Si la loi du 5 décembre a restitué à ceux qui étaient héritiers
au moment de la promulgation, il est évident qu'il importe peu
q u e , d ’après la loi du 17 nivôse, M. de Lespinassc fut le seul
héritier de son fils, soit au moment où ce dernier est mort,
soit lorsqu’il a été amnistié. Les biens restitués par la loi du
du 5 décembre n’étaient, en cflet, ni à l’une, ni à l’autre de
ces deux époques dans la succession de Claude Gilbert : ils n ’y
sont entrés que par la loi du 5 décembre , et alors existait un
ordre nouveau de succession , d’après lequel moitié seule
ment appartient à M. de Lespinassc, comme représentant de
la ligne paternelle , et l’autre moitié aux daines Marie et
�M a rg u erite, com m e représentant la ligne maternelle. Évidem
m en t, c’est donc dans cette proportion, de moitié seulement,
que la restitution a du profiter à M. de L ’espinasse, ou à son
cessionnaire. C ’est là une conséquence de l’interprétation que
la jurisprudence a donné à la loi du 5 décem bre; o r , recon
naître à M. B o u r n e t, cessionnaire à M. de Lespinasse, avant
1814, le droit à la totalité des biens que cette loi a restitués,
ce serait supposer que ces biens existaient dans la succession,
de Claude G ilb e r t, avant la l o i du 5 décembre ; ce serait opposer
un principe diamétralement contraire à cette lo i, qui, comme
tout le monde le s a it, n’a été q u ’une loi de grâce.
Nous ne croyons pas devoir insister plus long-temps sur une
démonstration que le M émoire de M. De Vissac a rendu évi
dente, et nous ajoutons que rien de contraire à ces principes,
ne résultant des prétendus arrêts rendus , soit avec M. G re
nier , soit avec M. D esrois, ce n’était pas le cas, pour les consultans, de se rendre tiers-opposans à ces arrêts.
Délibéré à Paris , ce 23 avril 1831.
D E L A C R O IX -FR A IN V IL L E .
SC R IB E ,
,
Avocat à la Cour de cassation.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bonnafoux, Jean. 1831]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Chirol
Delacroix-Frainville
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
préfet
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse , pour Jean Bonnafoux, Jean Vialfont et autres, habitant le département du Cantal, intimés ; contre Le sieur Bournet, propriétaire, habitant la ville d'Issoire, appelant ; En présence De dame Henriette de Chauvigny De Blot, veuve Desroys, et de sieur Annet Desroys.
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2621
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2620
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53536/BCU_Factums_G2621.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Molède (15126)
Saint-Flour (15187)
Auriac-l'Eglise (150013)
La Chapelle-Laurent (15042)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Martin-des-Plains (63375)
Mozac (63245)
Vertessère (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
arbre généalogique
doctrine
émigrés
mort civile
préfet
rétroactivité de la loi
sénatorerie de Riom
séquestre
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53535/BCU_Factums_G2620.pdf
27b8a24024656c15cae725e128e0b392
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Text
7®îü'j
MÉMOIRE
POUR
L e sieur B O U R N E T , p ro p ri ét a ire , h a b i t a n t de la
• DE RIOM.
v il le d' Iss oir e, A p p e l a n t ;
2e CHAMBRE.
CONTRE
Jean
B O N N A F O U X , p ro p rié ta ire, habitant au
lieu de L u za règ u es 3 com m une de M o lè d e , dépar
tement du C antal ; J e a n V I A L F O N T , secrétaire
i
de la s o u s - p réfectu re de S a in t- F l o u r , et dam e
F rançoise
D E L A R O C H E , son ép o u se;
V IA L F O N T , Jeanne V IA L F O N T ,
H e n r i
sa soeur,
propriétaires , habitans d u lieu de M o lèd e ; J e a n n e
V IA L F O N T
et A n t o i n e
F O U I L L O U X , son
m ari, q u i l ' autorise, propriétaires,
habitans d u
lieu de B o u f e le u f, com m une d ’A u r ia t 3 même d é
partem ent du C a n ta l, intim és ;
EN PRÉSEN CE
D e d ame
.
Amable-H e n r i e t t e D E C H A U V I G N Y D E
B L O T , veuve de M. C l a u d e - E t i e n n e - A n n e t D E S R O I S propriétaire, habitante de la ville de M ou
lins, et de M. A n n e t comte D E S R O I S , propriétaire,
habitant de la ville de P a ri s , rue Bl an c, n° 1 7 5 ,
défendeurs en assistance de cause.
L
orsqu’ en
COTJR ROYALE
1814 un gouvernement nouveau s’établit
en Fra nc e, le prince qui en était le c h e f , après avoir
publié uue charte q u ’ il destinait à rallier toutes les
�v° ήf
'
( - )
opinions, exprima bientôt le vœu d ’effacer ju sq u’aux
dernières traces des haines et des proscriptions qui
avaient affligé tant de Français.
C ’est dans cette sage pensée q u ’il abolit d ’abord
toutes les inscriptions encore existantes sur les listes
des émigrés, et q u ’il proposa ensuite aux chambres
un projet de loi sur la remise des biens non vendus.
Les chambres s’empressèrent de concourir à cet acte
de justice, et la loi du 5 décembre 1814 fut émise.
L e b ut de cette loi était clairement manifesté par ses
expressions ; elle voulait que les biens fussent rendus
en nature à ceux q ui en étaient propriétaires, ou à
leurs héritiers ou ayan t cause.
Ces termes : a u x propriétaires ou à leurs héritiers,
n ’étaieut pas é q u ivo q u es; ceux-là seuls, qui étaient
héritiers naturels des émigrés, avaient droit aux biens
rendus -, des étrangers légataires ou cédataires ne de
vaient pas etre admis à les réclamer, parce q u ’ils
n ’étaient rendus qu'à la famille de l ’émigré, h ses pa-
i
♦
rens les plus proches.
Aussi les tribunaux s’empressèrent-ils, dès l ’origine,
de repousser les demandes de ces étrangers ambitie ux ,
q u i , à l ’aide de titres vagues et généraux, cherchaient
à s’emparer de propriétés
auxquelles ne pouvaient
s’appliquer des actes très-antérieurs à la restitution.
IVlais dans les divers conflits auxquels cette loi bien
faisante autant que juste a donné l i e u ,
toujours il
avait été reconnu q u ’aux héritiers seuls de l ’émigré,
o u , si ses héritiers n ’existaient plus, à ses parens les
plus proches devaient appartenir les biens rendus.
i
�Ü iT v
*
( 3 )
é ilm
4
Jamais on n ’avait hasardé de prétendre que les pa
reils les plus éloignés de l ’émigré, et des païens qui
u ’étaient pas, qui n ’avaient jamais été ses héritiers,
dussent cependant profiter des bienfaits de la loi.
Il était réservé au sieur Desrois, q u i , encore aujour
d'hu i comme,dans une première cause, est l ’adversaire
réel du sieur B o u r n e t , il était réservé au sieur Desrois
de créer un sy stè me, dont le résultat serait de fausser
la loi sous prétexte de l ’interpréter, et d ’enrichir ceux
qui n ’ont rien perdu en privant ceux q u i ont été dé
pouillés.
Déjà ce système, présenté avec tout l ’art possible
par le sieur Desrois l u i - m ê m e devant la C o u r , a ce
pendant
etc proscrit.
Sera-t-il plus heureux aujourd’ h u i , en le reprodui
sant sous le nom des Bonnafoux?
11 nous est permis d ’en douter.
FAITS.
L a contestation a pour objet la succession de ClaudeG ilb ert de l ’Espinasse, émigré depuis 1792 , décédé
eu pays étranger le 6 frimaire an 8.
E n se fixant sur la généalogie, on voit que les aïeux
de C la u de-G il b ert de l ’Espinasse étaient C la u d e-G il bert de Sévérac et Marie-llose Bonnafoux.
Ceux-ci,
•
de leur un io n, avaient eu cinq enfans ,
savoir :
Claude de Sévérac, qui épousa Anne de Fondras, et
en eut un fils nommé Jean-Marie-Claire de Sévérac ,
décédé sans postérité le 2 germinal an 2 -,
.
�ut
( 4 )
François-Alclebert de Sévérac , qui avait épousé
Amable-Henriette C h au v ig n y de B l o t , et qui est aussi
mort sans enfans, le 4 germinal an 4 '•>
Marie et Marguerite de Sévérac, qui étaient entrées
en religion, et dont la survivante est décédée, à ce q u ’il
pa rait, le i i septembre
i
8 i 5;
E n f i n , Catherine-Marie-Louise de Sévérac, qui avait
épousé Guil lau m e de l ’Espinasse : c’est de ce mariage
q u ’était né le sieur C la u d e-G il b ert de l ’Espinasse de
l'hérédité duquel il s’agit.
A la mort de Jean-Marie-Claire de Sévérac, sa suc
cession, régie par la loi du 17 nivôse an 2 , fut divisible
par moitié entre les Fondras, pareils de la ligne mater
nelle, et les Sévérac, païens de la ligne paternelle ; et
comme le sieur de l ’Espinasse fils représentait sa mère
qui n ’existait plus, il devait concourir, avec FrançoisAldebert de
Sévérac,
son o nc le , et avec Marie et M a r
guerite de Sévérac, ses deux
t a n t e s , au
partage
de la
moitié affectée à leur l ig n e 5 en sorte q u ’il lui revenait
un huitième du patrimoine d u .d é iu n t .
C e patrimoine se composait, i° de la terre de Y e r tessère, située dans le département du C a n t a l ; 20 des
trois quarts de celle de Sévérac, située dans le même
dé p a r t e m e n t } 3 ° des trois quarts de celle de $l-Martin,
située dans le département du Pu y-de-D om e.
L e sieur de l ’Espinasse fils,
héritier pour un hui
tième, devait donc obtenir un huitième de la terre de
Vertessère, et trois trente-deuxièmes des deux autres
terres.
Lesmemesquotités appartenaient a Franeois-Aldebert
�de Sévérac, aussi héritier pour un huitième du défunt.
Au décès de François-Aldebert de Sévérac, qui eut
lieu le 9 germinal an 4 > ses seuls héritiers étaient
Marie et Marguerite de Sévérac, ses deux sœurs, et
Claude - G ilb ert de l ’Espinasse, son neveu. C h a c u n
d ’eux était appelé à recueillir le tiers de sa succession ;
et comme cette succession se composait de la terre
d ’A n z a t , d ’ un huitième de la terre de Vertessère, et
de trois trente-deuxièmes des terres de St-Martin et de
Sévérac, il en résultait que les droits du sieur de l ’Espinasse fils, dans les successions de ses deux oncles,
s’ é l e v a i e n t
à un tiers de la terre d ’A u z a t , à quatre
trente-deuxièmes ou à un huitième des terres de SaintMartin et de Sévérac, et à un huitième plus un tiers
de huitiè me, c’est-à-dire à quatre vingt-quatrièmes ou
un sixième de la terre de Vertessère.
Mais, émigré depuis 1 7 9 2 , frappé de mort civile
par la loi du 28 mars 1 7 9 3 , il n ’avait pu alors re
cueillir lui-mème ces deux successions. C ’était à l ’K ta t
d ’exercer scs droits en vertu de 1 article 3 de la loi du
28 mars, qui porte que les successions échues et à
éch o ir a u x ém igrés pendant 5 o a n s , seront recu eillis
p a r la république.
E n l ’an 2 , à la mort de Je an -M ari e - Claire de
Sévérac, ses biens furent mis sous le séquestre, à la
diligence des agens du gouvernement. Il parait q u e ,
postérieurement, un partage fixa les lots de chaque
héritier.
E n l ’an 4 > <1 l ’ouverture de la succession de François
Aldebert de Sévérac, des mesures conservatoires furent
�aussi prises clans l ’intérêt de l ’É t a t ; et le séquestre
fut mis notamment sur le mobilier qui se trouvait
dans les bàtiinens d ’ Au zat.
Mais la veuve de Sévérac (la dame de C h a u v ig n y de
B l o t ) ¿tait usufruitière des biens de son mari pour le
tems de sa viduité,.
Donataire de l ’ u s u f ru i t, elle réclama la main levée
du séquestre, et elle o b t i n t , le i 3 germinal an 4 > un
arrêté de l ’administration départementale du Pu y-d eD ô m e , q u i , en ordonnant cette main levée, l ’autorisa
à se mettre en possession de la terre d ’A u z a t , et la
soumit seulement à faire procéder à un inventaire du
m obilie r, et dresser un état des immeubles.
L ’inventaire des meubles et l ’état des immeubles
furent f a i t s , le 24 germinal an 4 ? et
dame de
C h a u v ig n y a constamment joui, dès cette époque, de
la terre d ’Auza t.
L ’annee s u i v a n t e , le 3 o floréal an 5 , elle a c q u i t ,
au plus vil prix , les droits héréditaires des deux
religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac, droits qui
comprenaient les deux tiers de la terre d ’Au zat.
L e 17 septembre 1 7 9 7 , la dame de C h a u v i g n y
épousa le sieur Desrois. Dès cet instant son usufruit
devait cesser, aux termes de son contrat de mariage;
elle conserva cependant une jouissance à laquelle elle
n’ avait plus droit.
Cependant
le sieur de l ’Espinasse fils mourut à
liurghen en B avi ère , le 16 frimaire au 85 le sieur
G u il la u m e de l’Espinasse son père, qui lui survécut,
était
son plus proche parent et son seul
héritier,
�( 7 )
d ’après la loi du 17 nivôse an 2. Les lois sur l ’éniigration
le p r i v èr e n t de cette succession.
Mais, en l ’an 10, parurent le sénatuscousulte du
16 floréal et l ’avis interprétatif du
9 thermidor.
On sait que le premier de ces deux actes législatifs
amnistia
les émigrés ,
en leur
imposant
quelques
c o n d i ti o n s, notamment celle d ’obtenir un certificat
d ’amnistie ; l ’avis du 9 thermidor étendit cette faveur
aux émigrés décédés, en autorisant leurs héritiers à les
faire amnistier.
L e sieur de l ’Espinasse père o b t i n t , le i 5 ventôse
an 1 1 , un certificat d ’amnistie pour son fils dont il
était l ’ unique héritier. Il est à remarquer q u ’à cette
d er n i è r e
époque, le chapitre du code civil sur les suc
cessions n ’avait pas encore paru. L a
an
2
était encore en vigueur.
J|l>i
du 17 nivôse
*
L ’amnistie prononcée, le sieur de l ’Espinasse père
obti nt divers arrêtés des préfets de la I l a u t e - L o i r e , du
Cail ta l et du Puy-de-Dôme , q u i l ’e n v o y è r e n t ,
en
qualité d ’ héritier de son fils, en possession des biens
de celui-ci.
Mais ces arrêtés diffèrent dans leurs dispositions ,
e t , par suite , dans leurs effets. 4
Les seuls biens à recouvrer dans le département de
la Ila ute-Loire étaient possédés par le fils, au moment
de son émigration. Ils furent restitués au père par un
ar r ê té que prit le préfet de ce département , le 11
germinal au 11.
M a i s , dans les déparlemens du Cantal et du Puyde Dôme se trouvaient les terres de Verlessère , de
�-\n
( « >
Sévérac et d ’A u z a t , dont une partie était échue au
fils l’E^pinasse, en l ’an 2 et en l ’an 4 ? pendant son
émigration.
L e préfet du C antal, par son arrêté du 25 thermidor
an 1 1 , délaissa au sieur de l ’Espinasse ce que l 'É ta t
avait recueilli pour son fils dans les terres de Vertessère
et de Sévérac.
Mais le préfet du département du P u y - d e - D ô m e ,
par arrêté du 7 frimaire an 12,
fit une distinction
entre les biens personnels du fils et ceux qui lui étaient
advenus pendant l ’émigration ; il ordonna , qua nt aux
premiers, la main-levée du séquestre, et le maintint
qua nt aux autres.
C e l t e dernière décision était autorisée par la loi du
8 messidor a n ^ , et par des actes du gouvernement,
des 5 brumaire et 24 frimaire an 9 et 3 floréal an 11.
L e si eur de l ’Espinasse fut donc obligé de s’y résigner;
et il ne put exercer, pour le m o m e n t au moins, les
droits q u ’avait son fils, soit au huitième de la lerre de
St- M ar ti n , soit au tiers de celle d'A nzat. Il parait que
le huitième de St-Martin ayant été déjà réuni à la sénatorerie attachées la cour royale de llioin, cela contribua
à la rigueur de l’ari f l é du préfet du Puy-de-Dôme.
Mais le sieur de l’Espinasse profita dès-lors des biens
qui lui étaient délaissés par l’arrêté du préfet du C a n t a l ,
dont la décision fut aussi définitive, les préfets de
chaque département étant chargés par la loi de pro
noncer sur ces sortes de difficultés.
Ces circonstances furent favorables ïi la dame de
C h a u v i g n y , (jui^ par S011 second mariage avec le sieur
�* \
de cu ju s.
�GÉNÉALOGIE.
»H*0 *3“
J ean
BOINNAFOUX DE BEYSSAT,
M a rg u e rite
) .
DE VERDONNAT.
____________ I____________
JEAM'E,
à
Jeas \ ialfost.
AG>ES,
MARIK-KOSE,
C l a o d e - G i l b e r t DE S É V ¿ R A C ,
JEAN-BAPTISTE,
à
ì
M
J t A K - J o s iP I l U O ISA FO D X .
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CLAUDE,
Roux.
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F
ondeas.
*í f r a m c o i s -a l d e b e r t , .
I
à ¡» .« ta » W |
HENRIETTE
DE CIIAUWGNY DE C L O T / *
rvuiariée i M. Dtsuois.
CATHERINE,
JE A N ,
Intimé.
1
JX A X -Jo jcru
de
L
a x o c b i.
JEAN-MARIE-CLAIRE, ,
•J- le 3 germin»! an a.
ANTOINETTE,
i
J
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»
V
ia lfo r t.
MARGUERITE.
MARIE.
CATHERINE-M ARIE-LOUISE
à
G
u il l a u m e de l ’E î p i s a s s e
H « li gi cU S «S <
CLAUDE-GII.BERT.
de ç u ju t.
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a R I E - F hA S C O H E ,
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II
•
K
I
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cchue
au
�Desrois,
a v ai t
m i e r mari.
perdu l ’ usufruit des biens de son pre
Elle se maintint dans la possession du
tiers
de la terre d ’A u z a t , qui était échu à l ’émigré l ’Espiuasse, et que l’E t a t négligea de réclamer contr’elle,
dans l’ignorance, sans d o u t e , de son convoi ou des
clauses de son premier contrat de mariage.
Cependant* le sieur l ’Espinasse père avait cédé au
sieur Gren ier, à la charge de le garantir des dettes, et ,
pour la somme de 3 ooo fr. , tous les droits qui lui
avaient été délaissés par l ’Etat.
U n e contestation s’étant élevée entre le cédataire et
la dame Desrois, pour le partage des biens de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac , son premier
mari, il fut question de la terre d ’A u z a t , de la posses
sion illégale de cette dame et de la négligence des em
p lo yés de la régie. Mais cela n ’eut pas de suites; le sieur
Grenier étant sans qualité pour réclamer, la dame
Desrois se maintint dans sa jouissance.
Les événemens mémorables de i 8 i 5 produisirent la
restauration. Alors les familles des emigres purent
espérer de recouvrer ceux de leurs biens dont l ’É t a t
était encore en possession.
Un premieractede justice fut fait par une ordonnance
royale du \ juin 18 14 s (1M>> cn réunissant au domaine
de la couronne les biens qui formaient la dotation des
sénatoreries, ordonna q u ’on eu distrairait les propriétés
particulières acquises
par voie de confiscation , et
q u ’elles seraient rendues aux anciens propriétaires.
Par l ’eifet de cette ordonnance, le sieur de l ’Espinasse
père devait recouvrer le huitième de la terre de Saint2
�Martin , qui faisait partie de la dotation de la sénatorerie de Riom.
Bientôt est publiée une loi plus générale, celle du
5 décembre 18 14 s Par laquelle le pouvoir législatif
ordonne que « tous les biens immeubles séquestrés ou
« confisqués pour cause d ’émigration, ainsi que ceux
« advenus à 1 É t a t par suite de partage de successions
« ou presuccessions, qui n ’ont pas été vendus et font
« actuellement
partie
du
domaine p u b l i c , seront
« rendus en nature à ceux q ui en étaient proprié« taires, ou à leurs héritiers ou aya^it cause. »
E n vertu de l ’ordonnance du 4 juin et de la loi du
5 décembre, le sieur de l’Espinasse père avait à récla
mer, soit le huitième de la terre de St-M a rtin , soit le
tiers de celle d ’Auza t.
Dans l ’ignorance de ses droits h ce dernier ob jet, il
n agit (1 abord, que pour le huitième de la terre de
St-Martin.
L e sieur Grenier prétendit alors que les droits du
sieur de l ’Espinasse à celte terre étaient compris dans
la cession q u ’ il lui avait faite, le 18 vendémiaire an
i /j .
C ette erreur fut repoussée d ’abord par le tribunal
d ’Is^oire, ensuite par la cour de lliom.
L e jugement du tribunal d ’issoire considère dans ses
motifs, « que les biens dont il s’agit étaient irrévoca» blement réunis à la dotation du sé nat, deux ans avant
» la cession faite par M. de l ’Espiuasse à M. Grenier;
» ‘ lue, dans la supposition où les biens eussent été
» nominativement compris daus ladite succession , la
�V* •
*
c „
)
m
>
» clause eut ¿té, par les lois existantes, déclarée comme
» non avenue. »
E t , dans son dispositif, le tribunal déclare que la
qualité de représentant d u .sieur C la u d e-G ilb ert de
l ’Espinasse } p o u r l ’objet en question, repose dans la
seule personne du sieur de l ’Espinasse père, et q u e ,
p a r conséquent, il est seu l habile à se pourvoir devant
la commission du gouvernem ent, p o u r être envoyé en
possession des biens restitués p a r ordonnance royale.
Tel est le jugement que la cour de R f o m , chambres
réunies, confirma, purement et simplement en ce point,
par-arrêt du 3 mars 1817.
Depuis, par acte authentique du 29 octobre 1817 ,
le
sieur
de l ’Espinasse, qui avait une affection particu
lière pour le sieur Bournet son parent et son successible, lui a fait donation entre vi fs , de tous les droits
qui résultaient, en sa fave ur , de l ’ordonnance royale
du 4 juin 1 8 1 4 5 île la loi du 5 décembre su ivant, et
de l ’arrêt de la C o u r , du 3 mars 1817.
Cependant cet arrêt avait ordonné que M. de l ’Espinassc con trib u e rait , dans la pioporlion de la valeur
du huitième de la terre de St-M arlin, aux dettes de la
succession du sieur de l ’Espinasse fils.
E n exécution de cetarrêl, il fut procédé à un compte,
lors duquel des débats s’élevèrent. On parla de la terre
d ’ A u z a t ; et le sieur Bournet découvrit alors les droits
de son donateur au tiers de cette terre, et la posses
sion illégitime dans laquelle s’élait maintenue la dame
Desrois.
Il forma aussitôt, devant le tribunal civil d ’ Issoire,
�la demande
en
paYtage des biens de la succession d’Al-
debert de Sévérac, qui étaient situés dans le départe
ment du Puy-de-Dôme, et il en réclama un tiers, comme
représentant le sieur de l ’Espinasse iils, héritier pour
un tiers de cette succession , les deux autres tiers ap
partenant à la dame Desrois, du chef de Marie et de
Marguerite
de Sévérac, dont elle avait acquis les droits.
C ett e action avait pour b u t , principalement, d ’ob
tenir le tiers de la terre d ’Au zat.
E lle fut accueillie par jugement du 19 décembre 1822,
qui condamna la dame Desrois et son mari à rapporter
ou à faire rapporter au partage, i° tous les immeubles
de la succession ; 20 la valeur des dégradations q u ’ils
avaient commises \ 3 ° les jouissances q u ’ils avaient per
çues depuis le 5 décembre 1 8 1 1\.
L a dame et le sieur Desrois interjetèrent appel de ce
jugement.
L e sieur B o u r n e t se p l a i g n i t aussi, par un appel
inc iden t, de ce que la dame et le si eur Desrois n ’ a v a i e n t
pas été condamnés au rapport des jouissances depuis la
date du second mariage.
Devant la C o u r, la daine Desrois n ’épargna rien pour
faire triompher des prétentions illégitimes.
E lle soutint q u ’elle était seule propriétaire du tiers
de la terre d ’A u z a t , réclamé par le sieur Bournet ,
comme du surplus de cette terre.
Il lui appartenait, disait-elle, «Vplusieurs titres :
Co mm e subrogée aux droits du sieur Grenier, à qui
la cession en avait été faite, et avec qui elle avait clleincine truité ;
�Comm e l ’ayant acquis des demoiselles de Sévérac, a
qui ce tiers appartenait ;
Comme exerçant, dans tous les cas, les actions des
demoiselles de Sévérac, qui lui avaient vendu toute la
succession d ’Àldebert de Sévérac, et q u ’elle prétendait
être héritières, pour m oit ié, de l ’émigré l ’Espinasse.
Sous ce dernier rapport, la dame Desrois demandait
à être admise, du chef des dames Marie et Marguerite
de Sévérac, à réclamer les biens rendus par l ’ordonnance
du 4 juin 18 14 ? et Par k' loi du 5 décembre i 8 i 4 ; elle
concluait aussi à ce que le sieur Bournet fut tenu de
rapporter le huitièmede la terre d e S t - M a r l i n , q u ’avait
obtenu le sieur de l’Espinasse père ; elle réclamait la
moitié, soit de ce huitième, soit du tiers de la terre
d ’A u z a t , échus à ' l ’émigré l ’Espinasse.
' Toutes ces questions furent débattues pendant p l u
sieurs audiences, devant la C o u r ; tou tes, elles furent
jugées en thèse, par arrêt du deux janvier 1827 , qui
confirma le ju gem ent , quant à l ’appel principal, et
qui, l ’infirmant sur l ’a p p e l incident, condamna lad amç
Desrois à restituer les jouissances q u ’elle avait perçues,
du jour de son convoi avec le sieur Desrois.
Les motifs de l ’arrêt déclarent que ce serait sans
qualité comme sans dr oit, que la dame Desrois vou
drait retenir le tiers de la terre d ’Auzat, et q u ’elle n’en
avait été ni pu être saisie par la cession que lui avaient
faites les deux dames de Sévérac, le 3 o floréal an 5 .
Cependant
comme l'on contestait au sieur de l ’Es-
pinasse père et au sieur Bournet son donataire la qualité
d ’ héritier unique de l ’émigré, et que l ’on soutenait que
�( r4 )
les clames de SévérajC étaient aussi les héritières de celuici pour la moitié des biens q u ’avait rendus la loi du
5 décembre 18 i 4 ? la C o u r eut à se prononcer sur cette
question, et elle la décida par des motifs aussi puissans
que précis.
E n voici le texte*:
« Considérant q u ’aux termes de celte loi (la loi du
« 5 décembre 18 i 4 ) > les biens dont elle a ordonné la
« remise ont du. être rendus en nature à ceux qui en
« étaient propriétairés, ou à leurs héritiers ou ayant
« cause.
_
J
« Que le sieur G uillaum e de l ’Espinasse, aux droits
« duquel est la partie d ’Allem and , ayant élé reconnu
« et déclaré être le seul représentant
de
Cla u de de
« l ’Espinasse son fils , par le jugement du tribunal
« d ’Issoire et par l ’arrêt de la C o u r , des iG juin 18 iG
« et 3 mars 1 8 1 7 , et ces jugement et arrêt n ’ayant
« pas été a t t a q u é s pa r les pa rt ie s de Bayle , il doit
« demeurer pour constant que le
si eu r G u i l l a u m e de
« l ’Espinasse a été seul appelé à recueillir, du chef de
« Claude-G ilb ert son fils, le bénéfice de la loi du
« 5 décembre 1 8 1 4 ? pour raison de tous les biens
« séquestrés ou confisqués sur ce dernier ;
« C o n s id é r a n t, d ’ailleurs., que le sieur Claude« G il b ert de l ’Espinasse, étant décédé le 1G frimaire
« an 8 , sous l ’empire do la loi du 17 nivôse de l ’an 2,
« et ayant élé amnistié le i 5 ventôse de l ’an 11 ,
« toujours sous l ’empire de la même loi, le sieur de
« l’Espinasse son père a été seul saisi de sa succession >
il suivant lo droit commun ; qu'à la vérité
l ’ e xerci ce
�( '5 )
« de ce droi t, acquis audit sieur de l ’Espinasse père,
»
avait
été suspendu par l'effet des lois sur l’émigia'-
(( t i o n , qui l ’avaient transmis au fisc, mais que les
« droits civils ayant été, depuis, restitués aux émigrés,
« et le sieur l ’Espinasse fils ayant été amnistie , la
« remise, ordonnée par la loi du 5 décembre i B 1 4? de
« ses biens dont l ’E t a t avait été saisi momentanément,
« n ’a pu et du etre faite qu au sieur G uillaum e de
« l ’Espinasse son père, comme seul héiùtier naturel
« au moment de son décès ;
« Considérant, au surplus, et en ce qui touche la
demande
subsidiaire que les parties de Bayle ont formée
seules sur 1 appel ,
« Que le tiers de la terre d ’ Auzat formait, ainsi que
« le huitième de la terre de Saint -Martin , la quotité
« de ces biens que le sieur de l ’Espinasse fils aurait
« recueillis dans les successions de Jean-Marie-Claire
« et de 1^rançois-Aldebert de Sévérac, s’il
« émigré, et que la nation avait
« Q u e , dès
q u ’ il
n ’e û t
r ec ue i ll i e p o u r
pas
lui;
a été reconnu et décidé par les
« jugement et arrêt des seize juin mil huit cent seize
« et trois mars mil huit cent dix -se pt, que le sieur de
« l ’Espinasse père avait e u , seul, le droit de réclamer
« la remise du huitième de la terre de Saint-Marlin ,
« en vertu de la loi du cinq décembre 18 1 4 ? les mêmes
« motifs qui ont fait admettre la réclamation du sieur
« de l ’ Espinassc père par rapport au huitième de la
« terre de Saint-Martin , comme étant l ’ unique héritier
« de son fils, doivent aussi faire accueillir celle que le
« sieur Bournet son donataire a formée,
quant au
�(
)
« tiers de la terre d ’A u z a t , sans être assujetti à aucun
« rapport, respectivement à la terre de S ain t -M arti n ,
« et sans q u ’il y ait d ’autre opération à faire que de
« procéder au partage de la terre d ’A u z a t , et du mobi« lier qui en dépendait, pour en être attribué un tiers
« au sieur Bournet, avec les jouissances, suivant q u ’elles
« seront ci après réglées. »
L a dame Desrois se pourvut en cassation contre
l'arrêt. L e pourvoi fut rejeté par la section des requêtes.
L e sieur Bournet devait donc croire q u ’il était désor
mais à l ’abri de toutes tracasseries.
M ais , sur la revendication de la moitié du bien de
l ’émigré l ’Espinasse, la C our de cassation, examinant
seulement la qualité de la dame Desrois, se borna à
déclarer « q u ’il était reconnu en fait que la cession
« consentie, en floréal an 5 , n ’avait point porté ni pu
« p o rt er sur la succession du fils l’Espinasse, décédé
« seulement en f r i m a i r e a n 8 ; q u ’ e ^ e portait seule« ment sur la succession de François-Ald eb er t de
« Sévérac, et q u e , même sur cette succession , elle ne
« conférait nullement à la cessionnaire le tiers en
« question (le tiers de la terre d ’A u z a t ) ;
« Q u ’ainsi , ne pouvant non plus représenter les
« deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
« la veuve de Sévérac, épouse Desrois, était également
« sans qualité pour eu exercer les droits. »
L e silence de la C o u r de cassation sur le fond du
droit, dont elle n’avait pas à s’occuper, à fait concevoir
a la dame et au sieur Desrois le projet de
renouveler
le
j) roc es sous le nom des héritiers maternels des religieuses,
�( *7 )
Ils ont
t ra i té
avec eux par un acte sous seing privé
q u ’ils ne présentent pa s, de crainte que l ’on n ’en
remarque
le faible prix; e t , agissant sous le nom de
cfcs prétendus héritiers, ils ont formé, soit contr’euxmêmes comme détenteurs de
la
terre d ’A u z a t , soit
contre le sieur Bournet , la demande en partage de la
succession de Claude-Gilbert de l ’Espinasse lils.
C ’est par exploit du 16 août 1828 , que l ’action à
été intentée.
n
Les prétentions que l ’on y élève ne sont pas modiques :
non seulement les demandeurs concluent au partage
de la succession de François-Aldebert de Sévérac; non
seulement ils réclament même le rapport de la portion
de la terre de Saint-Martin , restituée au sieur l ’Espin a s s e
par l ’ordonnance du 4 juin 1 8 1 4 , mais ils veulent
encore
faire confondre dans cette succession tous les
biens provenus au fils l ’Espinasse , de la famille de
Sévérac, qui était celle, disent-ils, de Catherine de
Sévérac sa mère.
T o u t e s ces p r é t e n t i o n s o n t été ac cu ei l li es p a r le t riI,
I llW ' l'Ttr ------ 1 I -
* • -»•
4
hunal d ’ Issoire, qui s’est mis en contradiction directe
avec les décisions q u ’il avait rendues l u i - m ê m e , soit
dans une cause semblable entre le sieur de l ’Espinasse
et le sieur Gren ier, soit, dans la même cause, en ire
le sieur Bournet et la daine Desrois, qui a aussi consi
déré comme inutile même, la lierce-opposilion que les
B o n n a f o u x devaient, il semble, former aux arrêts par
lesquels le sieur de TEspinasse père avait élé déclaré
,seul représentant et unique héritier de son iils.
J^es motifs du jugement examinent lu qualité des
«
�(.8 )
■
demandeurs, l ’exception résultant de la nécessité où
ils étaient de former tierce-opposition aux précédens
arrêts, les effets de la loi du 5 décembre 18 1 4 Ils décident que la qualité est suffisamment justifiée
par les actes produits.
Sur la fin de non recevoir, ils déclarent,
« Que les demandeurs n ’ayant pas'figuré dans les
jugemens et arrêts invoqués contr’eux, ont pu remettre
en question ce qui avait été jugé en leur absence; que
l ’article 474
Code de procédure, qui autorisait les
tierces-opposilions'aux jugemens auxquels on n ’avait
pas été pa rtie, accordait une f a cu lt é , mais n ’imposait
pas une obligation. »
Sur le fonds de la cause, ils jugent,
,
« Q u ’en l ’an 4 > au décès de François Aldeberl de
Sévérac, le tiers de sa succession, dévolu à C laude Gilbert L ’Espinasse, alors émigré, fut recueilli par
l ’E t a t qui le représentait ;
« Q u e , lors de l ’amnistie, le
g o u v e r n e m e n t ne réin-
. tégra le sieur L ’Espinasse père q u e dans les biens qui
avaient appartenu au fils décédé en état d ’émigration,
sans y comprendre le tiers allèrent à ce dernier dans
la succession de son oncle François-Aldebert de Sévérac;
« Q u e , dès-lors, ju sq u’au moment de la p r o m u l
gation de la loi du 5 décembre 18 1 4 > l ’ Etat s’est trouvé
propriétaire légal de ce bien; que cette loi n ’a fait
cesser, que pour l ’aven ir, l ’eiFel des lois sur l'éinigration , ce qui s’induit nécessairement de la substitution
faite dans la rédaction du mol rendu au mot restitué
qui se trouvait dans le projet;
�( i9 )
«
Q u ’en
se pénétrant bien de l ’esprit dans lequel
cette loi a été rendue et de la discussion qui a précédé
son
adoption , on voit que le législateur a voulu
accorder une laveur à l ’émigré, k sa famille ou à ceux
à qui il aurait cédé ses droits après la publication de
la loi, et q u ’en désignant les héritiers, il n ’a eu en vue
que ceux qui auraient recueilli la succession s’ il était
décédé postérieurement au 5 décembre i 8 i 4 ;
« Qu e c’est sans fondement q u ’on a prétendu q u ’en
décidant que les biens rendus doivent être attribués
aux héritiers que l ’émigré, décédé sous l ’empire de la
loi du 17 nivôse an 2 , aurait eus s’il eut survécu à la
publication de la loi de 18 r 4 ? ce serait admettre q u ’ un
individu pût laisser deux successions qui
devraient
être régies par des principes différens; q u ’il est évident,
en eff e t, q u ’on ne peut considérer comme ayant fait
partie de la succession de C l aude-Gilbert de L ’Es pi
nasse, décédé sous l ’empire de la loi du 17 nivôse an a ,
des biens q u i , à l'époque où cette succession s’est
ouverte , appartenaient à l ’E t a t ,
et qui n ’ont été
rendus à la famille de l ’émigré que par une loi de grâce
et de laveur, qui n ’a été promulguée que long-tems
après son décès, et qui, d ’après son texte et son esprit,
ne peut avoir aucun effet rétroactif:
« Q u e , d ’ après les lois alors en vigueur, les parens
du sieur de I/Espinasse fils, au degré successible le
plus rapproché, étaient, au 5 décembre 1 8 1 4 , pour
la ligne paternelle,
le sieur de L ’Espinasse père,
représenté par le sieur lîournet;
et , pour la ligne
maternelle, la dame Marguerite de Sévérac, décédée
�\
( 20 )
1e i i
septembre
i8 i
5,
*
Laissant pour héritiers les
demandeurs en partage.
Par ces m o t if s , le tribunal déclare mal fondées les
exceptions proposées par ledit sieur Bournet, les rejette,
et,
statuant au f ond, donne acte à la dame veuve
Desrois et au sieur JDesrois de la déclaration q u ’ils ont
faite par leurs conclusions signifiées 3 q u ’ ils sont prêts
à faire compte, à qui par justice sera ord onné, des,
jouissances dont ils peuvent être tenus ;
« Ordonne que les parties viendront à partage des
Liens meubles et immeubles dépendant de la succession
de François-Aldebert de Séverac; que la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois, en leurs q ualité s, rappor
teront audit partage i° tous les immeubles de ladite
succession dont ils peuvent
être détenteurs;
i° la
valeur des dégradations qui auraient pu y être com
mises, avec les intérêts à partir du jour où elles a u
raient eu lieu ^ 3 les meubles , effets mobiliers et
créances actives qui font partie de la succession, avec
les intérêts à dater du jour du convoi de ladite dame
de C h a u v ig n y de Blot avec le sieur Desrois; 4 °
valeur
des jouissances des immeubles, à partir de la même
époqu e, avec les intérêts à dater de la première de
mande en partage, introduite par le sieur Bournet
contre les sieur et dame Desrois ;
« Ord on ne, en o u t r e , q u e , du tout ¡1 sera fait
masse pour en être attribués deux tiers à la dame
Desrois, en sa qualité de cessionnaire des dames
Marie
et Marguerite de Sévé rac, et l ’autre tiers a u sieur
B o u i n e t , aymvt cause du sieur Lespinasse père., d ’ une
�p a r t , et à Jean Bonnafcmx et consorts, d ’autre p a r t ,
comme représentant ensemble les parens successibles
dans les lignes paternelle et maternelle du sieur C la u de
Gilbert de l’Espinasse ; p o u r , ledit tiers être subdivisé
entr’eux tous, chacun suivant son amendement dans
la portion de ce dernier ; '
« Ordonne , encore , que les parties viendront à
division et partage des b iens possédés par ledit Bournet,
provenant de la succession de Jean-Marie-Cia ire de
Sévcrac n e v e u , situés dans la commune de S t - M a r i i n
desTTains^t
de
autres, ainsi que de ceux de la succession
Claude-G ilbert
de l ’Espinasse, décédé émigré, q ui
1uTprovénaient de l a famille de S év éra c, pour en être
attrïbueea
cha~cïïn sa portion afférente; auquel partage
chaque co-partageant rapportera les biens meubles et
immeubles
dépendant desdites successions, dont il se
trouve en possession , avec restitution de jouissances et
intérêts, depuis son entrée en jouissance, soit par luimême, soit par ceux dont il serait l ’ hé r i t i e r ou l ’ayant
• ■
cause. »
Tels sont littéralement les termes des motifs et du
dispositif du jugement dont on a retranché seulement
quelques membres de phrase, étrangers aux difficultés
à résoudre.
Il résulte de ce jugement que le tribunal a été
beaucoup plus lo in , peut-être, q u ’ il ne s’en doutait.
E n effet, non seulement il a attribué aux deman
deurs un droit sur le tiers de la terre d ’ Au za t et sur
le huitième de la terre de Saint-Martin , comme ayant
été restitués aux héritiers de l ’émigré l ’Espinasse par
�la loi du 5 décembre 18 1 4 1 mais encore il a condamné
le sieur Bournet à rapporter au partage tous les autres
biens meubles et immeubles provenant de la f a m ille de
Se’véra c; et par conséquent, soit les terres ou les por
tions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui avaient
été restituées au sieur l ’Espinasse p è re , dès le 25 ther
midor an i i , par un arrêté du préfet du C a n t a l ; soit
encore les biens mêmes que pouvait avoir recueillis le
sieur de l ’Espinasse fils dans la succession de la dame
de Séverac sa m è r e , avant son émigration ; ces biens
qui furent également restitués au sieur de l ’EspinaSse
père, par les arrêtés des préfets du Puy-de-Dôme et de
la Ilaute-Loire", des 11 germinal an 11 et 7 frimaire
an 12.
.
C ette étrange largesse n ’est, sans doute, que l ’efTet
d ’une erreur q u ’ont pr od uite , on doit le croire, les
conclusions des demandeurs.
Mais elle prouve, a u m o i n s , q u e le tribunal a été
fort peu a tten ti f aux faits de la cause, comme nous
démontrerons q u ’il a commis les plus graves erreurs en
principes.
L e sieur Bournet a interjeté appel de ce jugement
contre les B o n n a f o u x , demandeurs apparenô.
Il a aussi appelé devant la C o u r la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois son fils, demandeurs réels;
et toutes les questions soulevées devant les premiers
juges se reproduisent aujourd’hui.
C e t appel donne donc lieu à examiner les qualités
des demandeurs, la procédure q u ’ils ont tenue, le foiidement enfin des prétentions q u ’ils élèvent.
�C 23 )
Mais, sur le premier o b je t , on se bornera a faire
que les qualités ne paraissent pas suffisamment
justifiées, en ce sens, au moins, que les Bonnafoux ne
ob s erve r
représentent pas toutes les branches des parens m a
ternels de l ’émigré. On se réserve, d ’ailleurs, devérifier
les actes de famille q ui pourraient être rapportés.
Le second objet exigera quelque discussion.
L e troisième, comme le plus im po rta nt, recevra tout
le développement qui est, il semble, nécessaire pour
faire apprécier sainement les droits des parties.
S Ier. 1
*
i
P rocédure tenue p a r les dem andeurs.
~La procédure des demandeurs a été peu régulière.
Ils se présentaient comme héritiers, pour m oiti é, de
C l a u d e - G il b er t
de l ’Espinasse , d o n t , d ’après eux-
mêmes, ils n ’étaient parens q u ’à un degré très-éloigné.
Ils n ignoraient pas q u e , par plusieurs jugemens et
par plusieurs arrê ts, le sieur de l ’Espinasse père avait
été déclaré seul héritier, seul représentant du sieur
Cla ude -G ilb ert de l ’Espinasse, son fils.
C ’é t a i t , en effet, ce q u ’avait décidé un premier
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire, le i3 juin
18 i <3 , entre le sieur de l ’Espinasse père et le sieur
Gren ier, relativement à la terre de St-Martin , objet
du procès alors comme aujourd ’ hui. Dans le dispositif
du ju g em e nt , le tribunal déclare que la q u a lité de
représentant du sieur C la u d e de /’E sp in a sse, p o u r
l ’objet dont est q u estio n ,
sonne du sie u r de l
repose
’ E s p i n a s s e pfcniî,
dans
la. s e u l e
per
et, par conséquent,
�* 1
( 24 )
q u ’ il est s e ul h a b i l e à se p o u r v o i r d e v a n t la commission
d u G ouvernem entj p o u r être envoyé en possession des
biens restitue's p a r ordonnance royale.
'»
O r , ce jugement fut confirmé par un arrêt solennel
des chambres réunies de la C o u r de Iliom , prononcé
le 3 mars 1817.
C ’est encore ce q u ’avaient jugé et le même tribunal
d ’ Issoire et la même C o u r de R i o m , entre le sieur
Bournet et les sieur et dame Desrois, qui élevaient
les mêmes questions, renouvelées aujourd'hui par euxmêmes sous le nom des Bonnafoux dont ils sont les
cédataires déguisés. Alors aussi la dame Desrois préten
dait que le sieur Bournet n’avait droit , du chef du
sieur de l ’Espinasse père , q u ’à la moitié des biens
restitués par les ordonnances royales et par la loi du
5 décembre 1814 j elle soutenait que la moitié de ces
biens a p p a r t e n a i t aux religieuses de Sévérac dont il
se disait le cédataire ou le c ré an ci er , e t dont il déclarait
exercer les droits; alors, en un m ot, elle agitait toutes
les difficultés qui se présentent aujourd’ hui; et, toutes,
elles furent repoussées par le tribunal et par la Cour,
dans un jugement du
19 décembre 1 8 2 2 , dans un
arrêt du 2 janvier 1 8 27 ; par la C o u r , notam ment,
qui , après les plaidoiries
les plus soignées, après
l ’examen le plus scrup uleux, déclare dans ses motifs ,
« que le sieur G uil la um e de l ’Espinasse a été seu l
« a p p elé à r e c u e illir , du chef de C la u d e - G il b e r t son
« fils, le bénéfice de la loi du 5 décembre 18 1 /|., p o u r
« raison de tous les biens séquestrés ou
« sur ce dernier. »
c o n fis q u é s
�( 25 )
Comment
/
concevoir q u e , sans q u ’il fut pris aucune
voie pour faire disparaître'ces respectables décisions,
un tribunal inférieur ait pu anéantir des droits aussi
solennellement consacrés ?
Mais, a-t-on d i t , ces décisions sont étrangères aux
Bonnafoux et consorts. Elles sont pour eux res inter
alios cictci.
Elles sont étrangères
aux
Bonnafoux ; mais les
Bonnafoux sont-ils les vraies parties de la cause? qui
oserait l ’affirmer? il est co n nu , il est notoire q•*u ’ils «ne
jo u e n t , dans cette nouvelle contestation, que le rôle
salarié de complaisans prête-noms, et que la dame et
le sieur Desrois ont acquis, au plus vil prix , leurs pré
tendus droits, afin de retarder l ’exécution des arrêts
de la justice, et la restitution d ’immeubles dont ils
s’étaient illégalement emparés. C e n’est q u ’en cachant
dans l ’ombre une cession prohibée par la l o i, q u ’ils
traînent encore le sieur Bournet devant les tribunaux.
A u reste, q uoiq u’étrangères aux demandeurs en ce
sens (jue ceujc-ci n ’y avaient pa s ete p a r tie s, les dé
cisions que nous venons de rappeler devaient être atta
quées, de leur part, par la voie de la tierce-opposition.
C ette voie extraordinaire, autorisée par l ’article 474
du Code de procédure comme elle l’était par les anciens
principes, a été introduite précisément pour les cas
où des tiers n’auraient pas été appelés à des jugemens,
à des arrêts qui pourraient leur nuire en att ribua n t à
un autre une qualité, un droit, un immeuble qui leur
appartiendrait.
Ces tiers sont autorisés à former tierce-opposition
4
�( 26 )
à ces décisions rendues hors leur présence, et à débattre
leurs propres moyens, à faire valoir leurs titres devant
le même tribunal qui a déjà eu à prononcer sur les
mêmes questions.
L a loi le vent ainsi dans le b ut de concilier ce qui est
du à la dignité de la justice et ce que réclame l ’intérêt
des parties;
, Ce qui est dû à la d ig n ité de la j u s t i c e , qui serait
compromise si non seulement les mêmes moyens, mais
encore les mêmes droits, la même cause étaient ac
cueillis par tel tribunal et repoussés par tel autre, sans
que celui qui d ’abord s’est prononcé ait été appelé, ou
à reconnaître sou erreur si une discussion plus appro
fondie la lui signalait, ou à consacrer son opinion par
un second jugement si un second examen lui en démon
trait la justice.
Ce que
réclame l ’intérêt des parties ; car il
convenable que ceux auxquels
sont
est
opposés (f^s juge-
mens, des arrêts oii ils n ’ont pas été appelés soient
admis à se défendre eux-mêmes, à présenter sous un
jour plus simp le, peut-être, la cause que ce jugement
a condamnée, à l ’appuyer d ’ une discussion plus forte,
plus entraînante, s’ils en ont le pouvoir; en un m o t ,
à soumettre les observations q u ’ ils croient propies à
ramener le magistrat à une opinion qui leur soit
favorable.
C ’est ce double b ut que la tierce-opposition est
destinée à remplir.
Soutenir q u ’elle n’est pas nécessaire parce que l ’ar
ticle 1 35 i du code civil n ’accorde la force do la chose
�(.,>
jugée
q u ’a u x
'
*Y-
jugemens rendus entre les mêmes parties
et pour le même o b j e t , c’est évidemment méconnaître
l'esprit de cette règle législative; c ’est aussi blesser la
lettre comme le sens de l’ article 474 du code de pro
cédure.
Sans doute l ’autorité de la chose jugée'n’a pas lieu
dans les cas prévus par l ’article
i
3 5 i
du code civ il;
car
si elle existait, il ne serait pas permis, même au tiers,
de la détruire. Mais c’est précisément d ’après le prin
cipe de l ’article 1 3 5 1 , que l ’article 474 du code de
procédure autorise la tierce-opposition. A l ’aide de
cette voie extraordinaire, les intérêts des tiers et le
respect
dù à la justice sont également ménagés, puisque
les tiers obtiennent le droit de sou tenir personnellement
leurs propres intérêts, et que la justice est elle-même
appelée à reviser, avec son impartialité ordinaire, ses“
propres décisions.
Pré tendre , d ’ailleurs, que la tierce-opposition est
in u til e , c est évidemment iaire une injure à la sagesse
du législateur que l ’on accuserait d avoir é t a b l i , dans
l ’article 474 d u c°de du procédure, une formalité abso
lument frustraloire ; c’est même vouloir rayer cet ar
ticle de la loi; car , s’il en était ainsi, quel serait le
plaideur qui ne se dispenserait pas de la règle, ne fùtce même que pour éviter l ’amende à laquelle doit être
condamné le tiers-opposant qui succombe?
La tierce-opposition est sur-tout indispensable lors
que celui qui réclame ne se borne pas à résister à une
action exercée contre lui en vertu d ’ un jugement qui
lui est étranger, mais q u ’ il prend lui-même l ’initiative;
�q u ’il veut obtenir de la justice ce que déjà elle a at
tribué à un autre; que ses efforts tendent à paralyser
les effets de jugemens ou arrêts antérieurs.
O r , C’est précisément ce q u i arrive dans l ’espèce.
L e sieur Bournet a déjà dans ses m ain s, et en vertu
de décisions judiciaires, aujourd’hui définitives, le hui
tième de la terre de Saint-Martin. Il a, de plus, obtenu,
contre le sieur et contre la dame Desrois, des décisions
semblables qui condamnent ce ux -c i à lui délaisser le
tiers de la terre d ’ A u z a t , et à lui restituer de nom
breuses jouissances. C e sont les effets de ces décisions
que tend à anéantir la demande des Bonnafoux. C o m
ment pourrait-elle être accueillie sans une tierce-oppositionPEt comment se f a i t - i l q u ’étant avertis du moyen,
puisque le sieur Desrois l ’in vo q u ait,
les Bonnafoux
n ’aient pas pris la sage précaution de former cette
tierce-opposition devant le tribunal , d ’ Issoire , qui
devait en c o n n a î t r e ? car les arrêts de la C o u r étaient
confirmatifs de jugemens rendus pa r ce t r i b u n a l .
C ette négligence aveugle ou plutôt cette étrange
obstination à ne tenir aucun compte des décisions de
la justice recevra sans doute son prix par l'annulation
de toute la procédure des Bonnafoux et consorts.
Mais, s’il fallait examiner le fonds de leurs pré
tentions, il serait facile d ’en démontrer l ’erreur.
S II.
E xa m en du f o n d des prétentions des intim és.
Les Bonnafoux et consorts, se prétendant héritiers
de l ’émigré C la u de de l ’Espinasse, ont réclamé, °n.
�vertu de la loi du 5 décembre i 8 i 4 j non-seulement
les immeubles rendus par cette lo i, mais encore ceux
qui avaient été restitués antérieurement.
Tou t ce q u ’ils demandaient leur a été accordé, par
une erreur de droit sur le sens de la loi quant aux
objets de la première classe, par une erreur de f a it ,
même dans leur propre sy s tè m e , relativement aux
biens précédemment recouvrés.
Examinons successivement les deux points :
L ’erreur de droit sera facile à démontrer en se fixant
sur les termes comme sur l’esprit de la loi, sur l ’opinion
des auteurs, sur la jurisprudence même des arrêts;
car tous les élémeus de doctrine se réunissent pour
repousser
les prétentions des Bonnafoux.
L a loi du 5 décembre 18 1 4 peut être considérée sous
deux rapports : ou comme un acte de justice, ou comme
un acte de libéralité. Or, sous l’un comme sous l ’autre
de ces rapports, elle ne peut être que favorable au
sieur Bournet.
Considérée comme acte de justice, cette loi a dù
nécessairement diriger ses dispositions en faveur de
ceux auxquels avait nui la confiscation, dont elle avait
pour b ut de réparer les effets, au moins en partie; e t ,
par conséquent, ses avantages ont dù être recueillis par
l ’émigré lui-mêm e, s'il était encore vivant; par l ’ héritier de cet émigré, si celui-ci n’existait plus au mo
ment de la loi. La justice v o u l a i t , en effet, que l ’ hé
ritier profitât de ce q u ’aurait dù recevoir l’émigré luimême, parce q ue, si la remise avait eu lieu avant le
décès de l ’émigré, l’ héritier aurait trouvé dans la suc-
�‘
( 3o )
*
cession, ou les objets remis, ou leur valeur; parce que,
en ce sens, c ’était réellement l ’ héritier qui avait perdu.
O r , c’est précisément ce que la justice prescrivait,
q u ’a entendu faire le législateur.
11 nous l ’apprend lui-même dans deux de ses actes :
dans l ’ordonnance du 21 août 1 8 1 4 , qui a précédé la
loi du 5 décembre, et dans les considérans où sont
indiqués les motifs qui ont dicté cette loi.
Dans l’ordonnance du 2 r a o û t , l ’auteur de la Charte
constitutionnelle, en la rap pelant, fait connaître sa
pensée toute entière, par ces expressions remarquables:
« L e vœu le plus cher à notre cœur est que tous les
» Français vivent en frères, et que jamais aucun sou» venir am er ne trouble la sécu rité qui doit suivre un
» acte aussi solennel. »
C ’est en exprimant ce v œ u , q u ’il annonce une loi
prochaine sur la restitution des biens non vendus des
émigres; et c est en exécution de ce vœu q u ’est pré
sentée et q u ’est adoptée la loi du 5 décembre.
O r , quel était le b ut de celte loi?
L e législateur nous l’apprend l u i- m ê m e dans son
préambule.
Il y déclare q u ’en rendant une prem ière ju s tic e par
l ’ordonnance du
21
a o û t , qui abolissait toutes les
inscriptions encore existantes sur les listes des émigrés,
il a annoncé l ’intention de présenter aux chambres
une loi sur la remise des biens non vendus.
Il
ajoute q u e , dans les dispositions de cette loi, il a
dù concilier un acte de ju s tic e avec le respret dû à des
droits acquis p a r des tiers en vertu des
lo is
existantes.
�r
( 3- )
>3
T e l s sont les m o t i f s s ur l esq ue ls est f on d é e u n e loi
o ù l ’on r e m a r q u e trois p r i n c i p a l e s d is p os i t io n s :
L ’une consignée dans l ’article i er, par laquelle «sont
» maintenus, soit envers l ’É t a t , soit envers les tiers,
» tous jugemens et décisions rendus, tous droits ac» quis avant la publication de la C h ar te constitution» nelle, et qui seraient fondés sur des lois ou actes
» du Gouvernement , relatifs à l ’émigration. » .
L ’autre, contenue dans l ’article 2 , et
qui
est ainsi
conçue :
« Tous les biens immeubles séquestrés ou confisqués
» pour cause d ’ém igrat ion, ainsi que ceux advenus à
» l ’État par suite de partage de successions ou de pré» successions, qui n'ont pas été vendus et font actuel»
lement
partie du domaine de l ’É t a t , seront rendus
» en nature à c e u x qui en étaient propriétaires, ou ci
» leurs héritiers ou ayant cause. »
L a t r o i s i è m e , e x p r i m é e pa r l ’a r t i c l e
\!\,
q u i réserve
a u x c réanci ers des é mi gr é s toutes a ctio ns su r les b i e ns
r e n d u s , en s u s p e n d a n t , s e u l e m e n t j u s q u ’ au i " j a n v i e r
1 8 1 6 , l ’e xerci ce de ces ac ti on s.
Que l ’on combine les motifs qui ont dicté l ’ordon
nance du 21 août avec ceux qui ont préparé la loi du
5 décembre, avec les dispositions littérales de cette loi.
Q u ’y reconnaitra-t-on ?
Que la loi s’est proposé de concilier tous les esprits,
d ’efiacer tous souvenirs a m e r s , de ramener tous les
Français îi une douce concorde, de les engager à vivre
tous en frères.
Que devait-elle faire pour remplir cet heureux b u t ?
y
�,*.V
i r* ‘
vi
l
( 3= )
Elle devai t, sur-tout, être jii9te!
E lle devait donc concilier tous les intérêts, tous les
droits.
,
D o n c , elle devait rendre les biens confisqués à ceux
qui en avaient été privés, c’est-à-dire aux émigrés euxmêmes s’ils étaient encore vivans; à leurs héritiers, si
ces émigrés étaient morts. C ar les héritiers avaient été
réellement privés, comme l ’émigré q u ’ils représentaient,
de tous les biens confisqués sur c e lu i - c i , puisque ces
biens leur seraient parvenus sans la confiscation.
Donc aussi elle devait respecter les droits acquis;
ca r , en les vio la n t, la justice aurait été blessée.
Donc,
enfin,
elle devait protéger les droits des
créanciers des émigrés.
O r c’est précisément tout cela q u ’elle a fait par les
articles cités; puisqu’à défaut de l ’cmigré, la remise a
été faite à son héritier; puisque les droits acquis ont
été maintenus; p u i s q u e les a c ti on s des créanciers ont
été ménagées.
Ainsi
l ’on doit
reconnaître que c ’est à titre de
justice que la remise a été faite.
E t comment pouvoir soutenir q u e , dans l ’intention
du législateur, cette remise a été une pure libéralité,
tandis que dans la loi il parle plusieurs fois d ’actes (le
justice à faire, sans employer une seule fois le nom do
lib é r a lité ?
Co mm en t ne pas réfléchir, aussi, q u e , s’ il s’était
agi d ’ un simple d o n , les actions de tous créanciers,
ou non, n’auraient pas été réservés sur les biens
rendus? c ar ces biens étant devenus, par lu d é c h é a n c e ,
déchus
�( 33 )
libres de dettes dans la main de l ’É t a t , auraient passé
libres aussi'dans celle d ’ un donataire qui n ’aurait pu
être tenu de payer les dettes d ’ un émigré dont il n ’au
rait
pas été le vrai héritier. E t cependant une jurispi u-
dence’ constante a chargé d ’ une contribution propor
tionnelle aux dettes ces héritiers eux-mêmes q u i , avant
la l o i , avaient cédé à un t i e r s , aux risques de celui-ci,
tous leurs droits héréditaires, et q u i , ayant recouvré
par Cette loi les biens non vendus,
refusaient de
contribuer avec leur propre cédataire au paiement des
dettes, sous prétexte que la remise n ’était q u ’une
libéralité. Cela a été ainsi jugé notamment entre le
sieur de l ’Espinasse lui-m«me et le sieur Grenier, par
arrêt de la cour de Riom , du 3 mars 1 8 1 7 ; et cet
arrêt fut confirmé par la cour de cassation, qui depuis
a rendu deux décisions semblables, les 26 juillet 1826
et 24 avril 1827 ( Y . Sirey, 27. 1. 100 et
Mais, d i t - o n , on a substitué dans la loi le mot
rendre au mot restituer, qui était dans le projet.
Q u ’importe? n ’est-ce pas une misérable subtilité que
de trouver dans cette substitution un acte de libéralité
dont la loi ne parle pas, au lieu d ’ un acte de ju s tic e
q u ’elle annonce positivement!
,
Telle ne fut pas, au reste, la pensée qui dicta au
législateur ce léger changement de mots; la cause en
est connue : le législateur craignit que l ’emploi du mot
restituer ne fit supposer q u ’il entendait signaler connue
une spoliation la main-mise nationale sur les biens des
émigrés.
Car 011 restitue ce q u ’on a v o lé ou,pris sans droit.
5
�Ut
k
(
3 4
)
On rend ou l ’on remet ce que l ’on a r e ç u , ce dont
on s’est chargé.
*- E n employant le mot vendre comme étant l ’expres
sion la plus juste et la plus douce, le législateur a voulu
prévenir toute fausse interprétation tendante à ‘flétrir
d ’anciennes lois, qui avaient été sévères sans dou te,
mais que les dangers de l ’E t a t avaient peut-être com
mandées.
C ’est dansce b ut unique, non dans celui d ’indiquer
un don , que l ’on a remplacé le mot restituer, non par
le mot donner, mais par le mot rendre, qui a un tout
autre sens.
L ’on donne à qui l ’on veut, par une pure générosité,
ou par des senlimens particuliers d ’affection.
Mais l ’on ne rend q u ’à celui qui a eu , et q u i , sinon
a la rigueur, au moins en éq uité , a le droit de re
couvrer.
Or, la loi de 1814 n ’ a été le fruit, ni d ’ une affection
spéciale, ni d ’ une générosité c a p r i c i e u s e , qui ait voulu
gratifier, par une étrange préférence, une classe de
citoyens plutôt q u ’une autre ; elle a été dictée par le
sage désir d ’éteindre toutes les haines, en réparant,
autant que possible, d ’anciens maux et de grandes
pertes. L ib éra le, si l ’on v e u t , en ce sens q u ’elle ac
cordait ce q u ’elle pouvait refuser, elle a cherché prin
cipalement à être juste, d ’ une justice politique et civile
tout à la fois; d ’ une ju s tic e ¡)oliti<jue, sa mesure bien
faisante tendant h détruire de funestes germes de dis
corde; d ’ une ju s tic e civile,-en ordonnant que les biens
fussent rendus à ceux-là mêmes qui en avaient été
�( 35 )
les propriétaires, ou à leurs héritiers ou ayant cause.
C ertes, ce ne serait ni faire l ’acte cle ju s tic e annoncé
par la l o i , ni remplir le b ut cle conciliation et (le
c o n c o rd e q u ’elle se proposait, que de rendre les biens
non vendus, non au parent le plus proche de l ’émigré
l ’Espinasse, mais h ses parens les plus éloignés; non
au seul héritier q u ’ il avait laissé, à cet héritier q ui
seul avait pleuré sa mort , q ui seul avait fait réhabi
liter sa mémoire,
qui seul avait accepté les charges
de sa succession, à son malheureux père enfin, encore
existant au jour ou a paru la loi du j decembie i 8 i ^ ;
mais à d ’indifierens collatéraux qui ne s’ étaient jamais
occup és du sort de l ’émigré, q u i ,
peut-être m ê m e ,
avaient toujours ignoré son existence.
On opposera peut-être q u ’au moment de son décès,
en frimaire an 8 ,
le sieur de l ’Espinasse fils était
émigré, q u e , comme tel, il était frappé de mort civile,
et q u ’ainsi il n ’a pu transmettre alors aucun droit à
aucun héritier.
C ette question, s'il était utile de l ’app ro fo ndir ,
présenterait des difficultés d ’autant plus sérieuses ,
q u ’elle a été diversement jugée par la C o u r de cassation
elle-même.
Dans l’ancienne jurisprudence, si l ’on rendait les
'biens confisqués sur un individu mort c i v il e m e n t, la
remise en était toujours faite à l ’ héritier du tems de
la mort naturelle. C ’est ce q u ’avait décidé la C o u r
de cassation par un premier arrêt du 21 fructidor
an 8; et c’est ce q u ’elle a jugé encore par un second
a n ê t , du 21 décembre 1807 , relativement à la suc
�cession d ’un
émigré,
dont la
mort
avait précédé
l ’amnistie. On lit dans l'arrêt ce motif remarquable :
« C ’est Vhéritier légitim e à l ’époque de la mort
« naturelle de l ’émigré, qui a dù recueillir sa succes« sion ( i ) . »
D e p u is, par un arrêt du j
août 1820, la même
C o u r suprême a pensé que la succession de l ’émigré
amnistié après sa mort n ’était censée ouverte q u 'a u
jour de l ’amnistie, et q u ’elle appartenait à l ’ héritier de
cette époque, non à celui qui le serait au moment du
décès de l ’émigré (2).
Mais la question est indifférente pour la cause; car
le sieur de l ’Espinasse serait l ’ héritier légitime et l ’ hé
ritier unique de son fils, le 16 frimaire an 8, date d e l à
mort naturelle; et il le serait aussi exclusivement, le
i 5 ventôse an 11
date de l ’amnistie q ui fit cesser la
mort civile du fils émigré. A cette dernière ép oque,
comme à la p r e m i è r e , la loi du 1 7 nivôse en 2 , seule
en vigueu r, attribuait au père toute la succession d ’ u n
fils qui ne laissait ni enfans, ni frères ou sœurs, ni
d ’autres ascendans.
A i n s i , que la succession du fils émigré amnistié
soit réputée ouverte au moment du décès, ou seule
ment au jo u r de l ’amnistie, dans l ’ un comme dans
l ’autre cas, le père a été le seul héritier de son fils. L u i
( i ) V o i r l e i er a r r û t , d a ns les Q u e s t i o n s d e D r o i t d e M e r l i n , nu m o t
confiscation, § 2. V o i r aussi le r é pe r t o i re d u m ê m e a u t e u r , au m o t
h é r itie r .
(^) Vuir l’ arrût dans le Journal de Sircy, a i . 1. 14.
�( 3 7 )
seul aussi, en cette q u a l ité , avait obtenu en l ’an i l
le certificat d ’amnistie du ills; lui seul, comme unique
représentant de l ’émigré, avait été, lors de l ’amnistie,
envoyé en possession, par les arrêtés des préfets du Cantal,
de la I la u te -L o ir e , du Puy-de-Dô m e, de tous les biens
de l ’émigré qui furent rendus à cette époque; lui seul
a agi, a tr ait é, a acquitté les dettes, comme héritier
de l ’émigré, depuis l ’an 11 ju sq u’au jour de la loi de
i 8 i 4;
lui seul, enfin, au moment où cette loi de
justice a été publiée, était investi et du titre d ’héritier
et des droits attachés à ce titre ;
Comment ne pas reconnaître que c’est aussi lui seul
qui a été appelé par cette loi a recueillir des biens
q u ’elle déclarait ne rendre q u ’à l ’ héritier de l ’émigré?
Que pourrait-on opposer de solide à des observations
fondées sur les faits, sur les termes de la l o i , sur
l ’équité même?
Co mm en t pourrait-on soutenir sérieusement que le
législateur, q ui a déclaré vouloir avant tout être juste,
n ’a cependant pas entendu rendre tous les biens du
fils au père , qui seul en avait été privé par la confisca
tion, et que ce législateur ait eu la bizarre pensée d ’en
rendre moitié à des parens éloignés qui n’avaient rien
perdu et à qui la confiscation u ’avait rien ô t é , puis
q u ’ ils n’auraient rien obtenu ni à la mort du fils, s’il
était décédé integri slatusj ni au momentde l ’amnistie;
la loi des deux époques ne leur accordant aucune part
dans l’ hérédité de l’émigré?
Mais la question peut être examinée avec le même
avantage sous son autre face.
�rY
( 38 )
Que l ’on suppose, si l ’on v e u t , que les biens aient
été rendus par pure lib é ra lité plutôt que par esprit de
justice.
Résulterait-il de là que ce soit à d ’autres q u ’au sieur
de L ’ Espinasse père que la remise en ait été faite?
Non sans doute.
. Les biens seront rendus, dit la l o i , à c e u x q u i en
étaient propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
cause.
A
leurs héritiers! Pour exécuter la loi,
rechercher si, au moment où elle a p a r u ,
il faut
l ’émigré
L ’Espinasse avait ou non un héritier.
S ’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent
être rendus.
S ’il n’en avait pas, c’est à ses parens les plus proches,
à ses successibles, c’est-à-dire à ceux que les lois exis
tantes appelleraient à être ses héritiers, que les biens
devront a p p a r t e n i r .
Mais nous avons vu que dans'
existait,
l ’ espèce u n
héritier
[je sieur de l ’Espinasse père avait ce ti tr e,
ou depuis le iG frimaire an 8 , date du décès du fils,
ou depuis le i 5 ventôse au n , date de son amnistie.
Il en avait été saisi par le bienfait du sénatus-çonsulte
du iG floréal an 10 et du décret du g thermidor suivant ;
il avait été reconnu comme tel par de nombreux actes
administratifs, et notamment par les arrêtés des préfets
de la Ilautc-Loire, du C a ntal, du Puy-de -D ôm e; c’est
eu cette c£11a 1ité q u ’ il avait été envoyé en possession des
biens de son fils, sur la tête duquel ne pesait plus dèslors la dangereuse qualification d ’émigré; il a
exercé
�( 39 ✓
)
seul pendant 10 ans et plus, avant le 5 décembre 18 r 4 ?
les droits d ’ héritier, et en a seul aussi supporté les
charges; il a seul disposé des biens; il a seul acquitté
les dettes de la succession.
Comm ent se ferait-il que ce ne fût pas à lui seul que
s’appliquât le texte comme l ’esprit de la loi du 5 dé
cembre 1814 > et f£ue cette loi, qui dit expressément
que les biens seront rendus a u x héritiers de l ’ancien
propriétaire, eût voulu tout lew.contraire de ce q u ’elle
disait, eût entendu que les biens seraient rendus, non
au sieur de l ’Espinasse père, encore vivant et seul in
vesti, en 1814 s fl u l itre d ’héritier de son fils, mais aux
B o u n a f o u x , qui n ’avaient jamais eu cette qualité, q ui
ne l ’avaient même jamais réclamée, et qui n’en étaient
pas plus saisis alors q u ’antérieurement?
Mais, dira-t-on, ce n ’est pas aux anciens héritiers
que la loi a entendu rendre, c’est 'a de nouveaux hé
ritiers, parens des deux lignes paternelle et maternelle,
qui auraient été successibles d ’après la l o i , si la suc
cession du fils l ’Espinasse s’était ouverte seulement le
5 décembre 18 il\.
Cett e assertion, comment la prouve-t-on?
Que l ’on cite un seul article, un seul mot dans la
loi du 5 décembre qui l’autorise?
Cette loi ne parle pas de su cce ssib le s, elle parle
d ’ héritiers déjà reconnus comme tels.
Elle ne crée pas un nouvel ordre de succession, un
nouveau mode d ’attribution ou de partage des biens ;
elle s’en réfère à l ’ordre déjà existant; elle attribue ce
�qui reste des biens de l ’émigré à l ’ héritier de celui-ci,
à celui qui déjà avait recueilli légalement le surplus de
l ’ hérédité, à celui à qui seul ce reste appartenait, puis
que seul il en avait été privé ju sq u’alors par une re
mise tardive.
Seulement la jurisprudence, plutôt même que la loi
dont le sens a été peut-être un peu forcé, la jurispru
dence a exigé que l ’ héritier légitime fut v i v a n t , pour
lui attribuer la remise, o u , si l ’on v e u t , le bienfait.
Mais aucun arrêt, aucune autorité
n ’est
allée ju sq u’à
décider, ju s q u ’à préjuger, même indirectement, que
l ’ héritier ancien, que l ’ héritier saisi légitimement et
reconnu comme tel en 18 14? s ^ existait encore lorsque
la loi a paru ,
ne fût pas aussi le Seul héritier que
cette loi appelât à profiter des biens dont elle faisait
la remise. Il était réservé aux sieur et dame Desrois
eux-mêmes e t d e faire élever par les Bonnaloux cet é t r a n g e s y s t è m e , que l'aveuglement de
l ’ intérêt ou les erreurs de l ' i m a g i n a t i o n o n t pu seuls
d ’ cl e ve r
enfanter ; qui tendrait à détruire cette maxime si con
nue : sem el hœres sem per lueres; qui établirait deux
successions différentes dans le même in div id u , et q u i ,
en laissant au sieur de l ’Espinasse p è r e , comme seu l
héritier de son fils avant
1 8 t 4 > to u t le patrimoine
recouvré antérieurement, le priverait de la moitié de
son titre pour le
tems
postérieur, et l ’obligerait à
partager les biens obtenus depuis, avec d ’autres héri
tiers, créés tout-à-coup non par la loi qui n ’en parle
pas, mais par les illusions ou les caprices de la
argumentation de quelques jurisconsultes.
vaine
�( 4. )
C ett e création fantastique est en opposition dircctG
avec les termes de la loi de 18 1 4 s qui n’appelle q u ’un
seul ordre d ’héritiers, c’est-à-dire les héritiers déjà dé
clarés
tels et eæislans encore au moment de sa p u b li
cation; qui ne reconnaît, d ’ailleurs, q u ’ une seule suc
cession de l ’émigré, puisqu’en rendant les biens non
vendus aux héritiers, elle a soumis ceux-ci à la charge
proportionnelle des dettes, même de celles dont l’É t a t
était affranchi par la decheance, et dont un simple
donataire de l ’É t a t aurait dû l ’être par le même
motif.
Ces observations, et sur-tout les termes de la l o i,
son b u t , son esprit, repoussent avec force les préten
tions tardives des B on nafoux, dont le silence prolongé
depuis 18 14 n a ^
évidemment rompu en 1829 q u ’à
la demande des sieur et dame Desrois, et moyennant
un modique salaire payé à leur complaisance plutôt
q u ’à la cession secrète de leurs droits illusoires.
L a loi de 1 8 1 4 fournirait au sieur Bournet un ar
gument de p l u s , s'il était nécessaire.
E n effet, dans le préambule, le législateur déclare
formellement q u ’il veut concilier un acte de justice avec
le respect d û 11 d e s d r o i t s a c q u i s p a r d es tiers en
vertu des lois existantes.
Dans l ’article premier, il déclare maintenir, tous
jugem en s et décisions rendus, tous actes passés, t o u s
d ro its
a cq u is
avant la p u b lica tion de la C h â tie
constitutionnelle t et <jui seraient fo n d é s sur des lois
ou des actes du Gouvernem ent rela tifs ii Vém igration.
O r , la qualité de seul héritier (le l ’Espiuasse fils
6
�p X\
'•
( 4 0
était pour le sieur l ’Espinasse père un droit acquis en
vertu des lois existantes.
C et te qualité de seul héritier lui avait été coniérée
ou reconnue par plusieurs actes du Gouvernement, re
latifs à l ’émigration, tels que le certificat d ’amnistie,
délivré à sa demande, et les arrêtés d ’envoi en possession
des biens du fils, rendus en sa faveur; ces arrêtés,
parmi lesquels celui du préfet du C a n t a l , qui reçut
sa pleine exécution, restituait au père, même les terres
de Vertessère et de Sévcrac échues au fils, par suc
cession, pendant son émigration et sa mort civile.
*
Cett e qualité indélébile d'héritier u n i q u e , ce droit
a cquis et consacré par plusieurs actes administratifs non
attaqués et inattaquables, serait un jeu si le système
des Bonnafoux était accueilli; une choquante rétroacti
vité serait admise , et tous les principes nouveaux
comme tous les principes anciens seraient également
méconnus et blessés p o u r favoriser des prétentions que
l ’équité repousse autant que la l e t t r e de la loi.
U n e autre circonstance vient encore à l’appui des
droits du sieur Guil laum e de l ’Espinasse. Il é t ait, en
18 14 > Ie parent le plus proche de l ’émigré son fils; et
sous ce dernier ra p port , n ’eiit-il pas même été alors le
seul héritier reconnu, le seul héritier saisi de ce titre
depuis le a 5 ventôse an i i , date de l ’amnistie de
l ’émigré, il eût d u , d ’après la jurisprudence, recueillir
seul tout le bénéfice de la remise accordée par la loi
du 5 décembre.
Nous verrons en effet, bientôt, que les arrêts
même
invoquas par les Bo nnafoux, ces arrêts rendus dans
�( 43 )
(les cas où l'héritier légitime de l ’émigré n ’existait plus
au moment de la publication de la l o i, ces arrêts ont
attribué tous les biens au parent le plus proche de
l ’émigré, sanstexaminer de quel côté il était parent, à
quelle ligne il appartenait.
Soit, donc, que l ’on considère que l ’émigré l ’Espinasse étant décédé en l ’an 8 ,e t ayant été amnistié en
ventôse an 11 , c’est-à-dire sous la loi du 17 nivôse an
2 , ri; a eu q u ’ un seu l héritier, un seu l représentant,
un seu l ayant-cause 3 savoir : le sieur G uillaum e de
l ’ Espinasse père;
Soit que l ’on fasse attention que le sieur de l ’Espinasse père était encore existant au 5 décembre 1 8 1 4 ,
et q u ’il avait alors un droit acquis à ce titre d ’héritier
u n i q u e , de représentant u n i q u e , d ’ayant-cause de son
fils dont la qualité d ’émigré avait été depuis long-tems
effacée par l ’amnistie;
Soit , enfin , que l ’on réfléchisse que le sieur de
l ’Espinasse père était seul aussi le parent le plus proche
de l ’ancien émigré ,
On sera dans la nécessité de reconnaître que c’est à
lui seul aussi que doivent appartenir les biens rendus
par la loi de iBi/jToutes ces idées sont en harmonie avec les opinions
des auteurs, avec la jurisprudence des arrêts.
M. Merli n, dans ses questions de d ro it, au m o t
con fiscation y § 2 , après avoir rapporté l ’arrèt de cas
sation prononcé le 25 janvier 1 8 1 9 , entre l ’abbé l)uclaux et le marquis D é p i n a y - S a i n t - L u c , fa it , sur cet
arrêt, plusieurs réflexions.
�Il remarque que l ’émigré Dép inay de L i g e r i , mort
long-tems avant la loi, avait laissé pour héritière légi
time sa fille, décédée elle-même cinq ans avant le 5
décembre i 8 i 4 > et dont l ’abbé Duclaux était le léga
taire universel \
Que cette héritière, n’existant pas en 18 t 4 ? n ’avait
pu, ni profiter du bénéfice de la loi, ni par conséquent
le transmettre à son légataire;
E t que les biens rendus avaient été attribué!' au
sieur Dépinay-Saint-Luc., comme étant le p l u s p ro c h e
p a ren t, exista n t en 1 8 1 4 ? de l ’émigré Dépinay de Ligeri.
Mais M. Merlin ajoute d ’ importantes observations :
C e n ’est,
dit-il,
que par une fin de non recevoir
contre l ’abbé D u c l a u x ,
que la question fut jugée en
faveur du sieur Dépinay-Saint-Luc. L ’abbé D u cl aux,
étranger h la famille D é p in a y , n ’avait ni titre ni qua
lité p o u r réclamer les biens rendus.
D ailleurs, p o u r a d m e t t r e la d e m a n d e du sieur de
S a in t-Lu c, il eut f a l l u supposer, s ’il exit eu en tête un
adversaire com pétent ( c ’est-à-dire un héritier vivant
de l ’é m ig r é ) , que le com te D ép in a y de Ligeri avait
laissé d e u x successions (pii s ’étaient ouvertes <i d e u x
époques différentes ; supposition q u i répugne a u x no
tions les p lu s triviales de la ju risp ru d en ce
L ’auteur fait ensuite observer que l ’arrêt cité regarde
la q u a lité d ’héritier com m e indispensable à
tout
membre de la f a m ille des anciens propriétaires 3 q u i
se présente p o u r profiter de la remise.
M. Merlin continue ainsi :
» Il dit bien ( l ’arrêt Du cl aux) que la loi du 5 dé-
�( 45 )
J f ô
« cembre i 8 i 4 est une ^oz p o litiq u e et spécia le ; mais
« il ne va pas jusqu’à dire q u ’elle donne à l ’expression
« héritier, une acception différente de celle que lui at« tribueut les lois ordinaires.
« Il dit bien que cette loi doit trouver son interpré« tation dans les motifs qui l ’ont fait rendre; mais il
« ne s’en suit nullement de là que l ’expression héritier
« soit, dans son texte, susceptible d ’un autre sens que
« celui q u ’il présente par lui-mème. »
M. Merlin termine par penser, en s’appuyant d ’ un
avis du conseil d É t a t , du q thermidor an io^ « que
«
par les mots,
le u r s
h é r it ie r s
,
l ’on doit entendre
« les personnes auxquelles les lois civiles accordent ce
« titre. »
T o u t , dans cette discussion, est précieux pour lu
cause actuelle.
S ’il est vrai que par les mots, leurs héritiers, e m
ployés dans l ’article i de la loi du 5 décembre 18 1 4 ?
on doit seulement entendre les personnes auxquelles les
lois civiles accordent ce titre, il est évident que c est
an sieur Guillaume de l ’ Espinasse seul que ces mots
s’appliquent; parce que c ’était à lui seul que les lois
civiles avaient attribué le titre d ’héritier, soit en l ’an
8 , époque du décès du fils émigré, soit en l ’an i r ,
époque de son amnistie; parce que c’est aussi le sieur
de l ’Espinasse, qui seul avait la qualité d ’hé»ilier de
vant les lois civiles, au moment où fut présentée et
décrétée la loi sur les biens remis.
S ’il est vrai aussi q u ’on ne puisse supposer que le
même individu ait laissé deux successions qui se soient
<
�U
( 46 )
ouvertes à d e u x époques différen tes, et si cette suppo
sition répugne a u x notions les p lu s triviales du droite
c’est encore le sieur de l ’Espinasse père qui doit seul
profiler des biens rendus, paice que ces biens n’ont
pas dû former une succession particulière du fils; parce
q u ’ ils ont dû se rattacher à la succession déjà ouverte
dont ils sont devenus en quelque sorte l ’accessoire, et
parce que le sieur de l ’Espinasse père, qui avait seul
recueilli et dû recueillir la succession à son ouve rt u re ,
était encore vivant en 18 14 » pour recueillir aussi l'ac
croissement que cette succession reçut alors.
E n décider autrement ce serait évidemment dire
que l ’émigré l ’Espinasse a laissé deux successions qui
se sont ouvertes à deux époques différentes; l ’une en
l ’an 8 ou en l ’an 11 , régie par la loi du 17 nivôse an
2 , et attribuée par cette loi au sieur de l ’Espinasse
père comme seul héritier; l ’autre au 5 décembre 1 8 1 4 ?
régie par le Cocl e c i v i l , e t d i v i s i b l e par moitié entre
les deux lignes paternelle et maternelle de l ’émigré.,
c ’est-à-dire entre le sieur de l ’Espinasse père d ’une
p a r t , et les Bonnafoux et consorts de l ’autre.
Indiquer une telle conséquence, c’est suffisamment
démontrer l’absurdité du système des demandeurs.
M. Dalloz dans sa Jurisprudence générale, au mot
ém ig ré, section 3 , art. 2 , § i , r , examine aussi à qui
profite la remise ordonnée par la loi du 5 décembre
1 8 1 4 ; et après avoir dit que la ju risp ru d en ce constante
de la C ou r de cassation a é té fa v o ra b le a u x parens
les />lus p roches, au jo u r de la lo i, ( ce qui cependant
n a été admis par la C o u r de cassation
elle-m êm e
que
�(47)
iff
lorsque ces parens étaient en concours avec des étrangers
cédataires ou légataires universels de l ’émigré ou de ses
héritiers) , l ’arrêtiste se livre lui-inéme à une disserta
tion sur le caractère de la remise faite par la l o i; il
prouve clairement que cette remise n’a p a s é té une
lib é r a litéj mais que l ’É ta l s ’est im posé ce sacrifice
p o u r fa ir e cesser l ’œuvre de la v io len ce , p o u r opérer
une réparation $ il le prouve avec le préambule de la
loi
où le législateur déclare s’être proposé un acte
de ju s tic e : il le prouve avec les termes de l ’article deux
par lequel les biens sont rendus non à la famille des •
émigrés, en général, mais à leurs héritiers ou ayant
cause • il Ie prouve aussi,
l ’ar ti cl e
I er
avec les expressions de
qui a maintenu les droits a c q u is, et par
conséquent les qualités et les titres existans au moment
de la remise; il argumente de la loi du 27 avril 182$
sur l ’in d e m n it é , qui est en opposition avec le système
de libéralité , puisqu’elle attribue l'indemnité
aux
héritiers du jour du décès de l’ émigré; il fait observer
d ’ailleurs , avec beaucoup de justesse, que si la loi
de 18 f 4 avait voulu faire une libéralité, il eut été
inutile de dir e, comme elle l ’a dit dans l’article 3 ,
q u ’îl n’y aurait lieu à aucune remise des fruits perçus;
enfin il ajoute , ce qui est aussi décisif, que la loi ne
contenant aucune disposition expresse qui intervertisse
l'ordre de su ccessib ilité toujours a d o p té , il ne v o it
pas ce q u i p eu t autoriser le ju risco n su lte ou le m a
gistrat à fa ir e de cette lo i une innovation exorbitante
et sans exem p le.
Ces observations sont péremploires, même celle tirée
�\v
Il *
delà
(
48
)
loi de 1825 sur l ’indemnité; car les deux lois
n ’ont de différence q u ’en ce que , d ’après la dernière,
ce sont les héritiers du jour du décès de l ’émigré,
qui profitent de l ’indem nit é, tandis q u e , d ’après la
j u risprudence actuelle delà C o u r de cassation, appliquée
à la loi de 18 r 4 5 c’est aux héritiers du jour de l ’am
nistie que les biens ont été rendus.
M. Sir ey , dans une dissertation par laquelle il a fait
précéder la relation de l ’arrêt Ma la fosse, du 18 février
i8a4? énonce une semblable opinion;
et
dans le rap-
* procheincnt des diverses parties de la loi du 5 décembre
18 14) dans le préambule notamment, où le législateur
d i t , à deux fois différentes, q u ’il se propose un grand
acte de ju s tic e et où l ’on ne voit pas q u ’il s’agisse de
lib éra lité ; dans cet article où il déclare rendre les biens
aux anciens propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
couse, comme dans celui qui conserve ou rétablit toutes
les actions des créanci ers des émigrés sur les biens remis;
dans la combinaison, enfin, des di ffé re nt es di sp osi t io ns
de la loi , M. Sirey trouve la preuve que le système
de la lo i n ’est pas un systèm e de lib é ra lité mais un
systèm e de ju s tic e p o litiq u e , si ce n ’est pas un système
de ju s tic e civ ile.
Ainsi ce sont des idées de justice qui ont princi
palement dominé dans la pensée du législateur. L ’on
ne peut donc pas dire q u ’il ait ordonné la remise à
titre de lib éra lité se u lem e n t, et par une libéralité
aveugle , par une libéralité indépendante de toute
autre impulsion. U n tel système serait en opposition
directe avec les termes positifs do la loi, qui
parlent
�"
( . » )
;(?
d’ actes de ju s tic e à faire, de biens à remettra a u x
héritiers de l ’ém igré. D ’ailleurs, que cette justice ait
été faite par politique ou par uu autre m o t i f ; qu elle
ait été aussi dictée, si l ’on v e u t , par des sentimens de
libéralité , il n’en est pas moins vrai que la remise n’a
pas été une libéralité pure; il n’en est pas moins vrai
q u ’elle a eu pour base principale des sentimens de jus
tice- il n ’en est pas moins vrai q u ’elle dev ait , par
c o n s é q u e n t , être dirigée en faveur de ceux-l'a mêmes
auxquels avait nui la peine de la confiscation-, e t , par
conséquent, en cas de prédécès des anciens propriétaires',
en faveur de leurs héritiers légitimes s’ils étaient encore
vivans, ou en faveur des parens les plus proches, si les
héritiers légitimes étaient aussi décédés au moment de
la loi. C a r , tout en se montrant libéral, il eut manqué
le but de justice q u ’il se proposait, le législateur q u i ,
méconnaissant les droits d ’ un héritier légitime encore
exista n t, aurait attribué tout ou partie des biens ren
dus, à des parens éloignés auxquels la confiscation n avait
pas fait éprouver la moindre perte ni le moindre tort.
L a C o u r de cassation a été bien éloignée elle-même
de commettre une pareille erreur. E n eff e t, si l ’on
parcourt les arrêts q u ’elle a rendus sur la matière, on
reconaitra q u ’ ils consacrent, au lieu de la d e t i u i i e ,
la doctrine que nous avons professee.
Les arrêts s’appliquent à trois cas différons :
i° Au cas où les parens de l ’émigré étaient en con
testation avec des légataires universels, soit de l ’émi
gré, soit (les héritiers de celui-ci;
2° A celui où l’émigré n’avait jamais été amnistié;
7
�’H
-(5°)
3 ° A celui enfin où l ’émigré, étant décédé en 18 14 ,
avant d ’avoir recueilli une hérédité ouverte pendant
sa m ort civile , avait pu cependant en transmettre les
droits à ses propres héritiers.
Dans le premier cas, c’est contre les légataires u n i
versels, dont le titre était antérieur à la l o i, que la
question a toujours été décidée. Elle devait l ’ètre ainsi,
soit parce que l ’on ne donne que ce dont on est pro
priétaire, soit parce que l ’étendue des legs repose toute
sur l ’intention présumée des testateurs. O r , il était
impossible q u ’ un testateur eût pu et eût entendu
léguer des biens qui non seulement ne lui apparte
naient pas lors du te stam en t, mais q ui même ne lui
avaient jamais appartenu , puisqu’ils n ’avaient été
rendus que long-tems après son décès. Tels sont aussi
les principaux motifs qui ont dicté l ’arrêt d ’E p in aySaint -Luc et Du cl aux , du. a 5 janvier 1 8 1 9 , l ’arrêt
R e culot, du 10 février 1 8 2 3 , l ’arrêt Ma la fosse, du
18 février 1 8 2 4 , l ’arrêt May n a r d e t L a Ferté , du 19
mai de la même année (1).
Il est même à remarquer que ces divers arrêts, en
préférant la famille de l ’émigré à des légataires un i
versels dont les titres étaient antérieurs à la l o i, n ’ont
p a s , d ’ailleurs ,
ordonné le partage
des biens
par
moitié entre les pareils des deux lignes paternelle et
maternelle de cet émigré, mais q u ’ils les ont adjugés
( 1 ) C e s arrêts sont da ns tou s les rec uei l s. O n p e u t les vo i r n o t a m m e n t
3,
a 4®} a 4 -
duns la J u r i s p r u d e n c e g é n é r a l e d e D ; t l l o z , au m o t emigre, secti on
article a , § i , et da ns le J o u r n a l d e S i r e y , 1 9 . 1. 7 6 j
1. aG 3 c l 'io'j.
23.
1.
�Jfl
en totalité aux parens les plus proches au moment de
la remise : circonstance qui rend ces arrêts favorables
au sieur (le l’Espina'sse père , parcé q u ’il était , au
moment de la loi de 18 14 ? Ie parent le plus proche de
son fils.
On doit aussi'faire observer que tous les arrêts ont
été rendus dans des espèces où les héritiers légitimes
de l'émigré étaient décédés eu x-m êm es , et n’ avaient
pu, par conséquent, recueillir, à ce titre d ’ héritiers, les
biens qui furent postérieurement remis , ni les trans
mettre à des tiers qui n ’étaient pas même parens de
t • r
1 *émigré.
Aj out ons
q u ’ une
jurisprudence semblable
établie pour l'application de la loi du
s’est
avril i B ?.5
sur l ’indemnité. Par arrêt du 8 février i 8 3 o , la C o u r
de cassation a décidé que la cession, même la plus
générale des droits héréditaires, ne comprenait pas
l ’indemnité accordée par cette loi à l ’ émigré ou à ses
héritiers.
L e second cas à examiner est celui ou 1 emigie
n’avait pas été amnistié et n’a été réintégré dans ses
droits civils q u ’en 18 14- C e cas est celui de l ’arrêt
Dcvenois.
C et a r r ê t , qui a été invoqué par les B o n n a f o u x , ne
décide absolument rien en leur faveur. Pour s’en con
vaincre il suffit de rappeler les faits, et de les comparer
aux motifs de la décision, mais en remarquant que
deux arrêts ont été rendus dans cette cause, le i er, par
déf aut , du 9 mai 1821 ( c ’est celui-là seul que rappor
tent la plupart des recueils)*, le second', contradictoire,
�sur opposition, du 28 janvier i 83 o. O11 le trouve à sa
d a te , au bulletin civil de cassation. Les motifs de ce
dernier arrêt sont sur-tout importans à combiner avec
les faits.
Pierre-René Devenois, décédé le iG octobre 1794?
avait laissé pour héritier Jacques son frère5 mais, celuici étant é m i g r é , l ’É t a t s’empara de la succession.
Jacques Devenois mourut en i 8 o 5 sans avoir été amnist ié ; il ne l ’a été q u ’en i8i/j-. Son héritière naturelle
était la demoiselle Laguerney, morte en 1808, et dont
l ’héritier était un sieur Porcher de Longchamp.
C e l u i-c i, en 1 8 1 4 ? se st présenté comme héritier de
la demoiselle Laguerne y, e t , comme se c r o y a n t , du
chef de celle-ci, héritier de Jacques Devenois auquel il
ne parait pas d ’ailleurs q u ’ il fut même parent; il s’est
présenté et a réclamé les biens rendus par la loi du 5
décembre. Mais un sieur B a zire, q ui é t a i t , en 1 8 1 4 >
le parent le p l u s proche de l ’émigré, a demandé luimême à profiter de la remise.
De là est née la question de savoir si les biens rendus
étaient censés appartenir à l ’ héritier du tems du décès,
ou à celui du tems de l ’amnistie.
C ett e question ,‘ sur laquelle la nouvelle jurispru
dence de la C o u r de cassation s’était fixée par 1111 arrêt
du 7 août 1820 , ne pouvait plus être sérieusement
élevée. Il était naturel que la C o u r , persistant dans sa
doctrine, décidât que l ’ém ig r é, mort civilement au
moment de sa mort natur elle, 11’avait pu rien transïneitre alors, ni par conséquent avoir un héritier;
*l«’ ainsi la succession devait appartenir seulement au
\
�( 53 )
;•
j6[
parent le plus proche au moment de l ’ainnistie, parce
que c’était à cette époque seulement que l ’émigré, re
c o u v r a n t son état ci vil , devait être réputé avoir laissé
une hérédité. Il était conséquent aussi avec ces idées
que la demoiselle Laguerne y, morte en 1808, ne fut
pas considérée comme ayant recueilli une succession
qui était censée ne s’ètre ouverte q u ’en 1 8 1 4 - C ’est
d ’après ces puissans motifs et notamment par le défaut
d ’amnistie avant 1 8 1 4 ? que la C o u r se détermina h
refuser l ’hérédité au représentant de la demoiselle L a
guerney, et à l ’accorder au sieur Bazire, parent le plus
proche de l ’émigré, et par conséquent son héritier en
1814, au momen t où avait cessé la mort civile de l ’émigré.
Que Ton vérifie scrupuleusement ce dernier ar rê t,
et l ’on reconnaîtra q u ’il n ’a aucune analogie avec la
cause actuelle, puisque l ’émigré l ’Espinasse fils avait
été amnistié le
ventôse an 1 1 ,
et que le sieur
l ’Espinasse père, son seul héritier alors, était encore
vivant en 1814 , n ’avait pas perdu sa qualité d ’ héritier
u n i q u e , et était par c o n s é q u e n t apt e, d ’après la loi
civile o r d i n a i r e , et appelé par la loi spéciale du 5 dé
cembre, à recueillir les biens alors rendus.
Le
seul arrêt dont l ’espèce présente une grande
analogie avec la cause actuelle est celui re ndu , le 21
janvier 1 8 2 1 , dans Tafiane de Béthune et Carnin.
Béthune-Sully fils, décéda en 1794 sous la loi du
17 nivôse an 2 , laissant pour unique héritier le comte
de Béthune son père, alors émigré. L ’É t a t qui repré
sentait le père s’empare de la succession. E11 l ’an 1 0 ,
le comte de Bélhune est amnistié; il se remarie , meurt
�%
( 54 )
avant iBi/fj mais laisse (les enfans qui lui survivent, ( i )
Plusieurs des immeubles dont s’était emparé le fisc
au décès de Béthune-Sully fils sont rendus par la loi
de 18 1 4 • Les comtes de C arn in les réclament comme
é t a n t , au décès du fils S u l l y , scs plus proches parens,
après son père, que sa mort civile comme émigré avait
rendu incapable de succéder.
Ces prétentions sont écartées par des motifs remar
quables :
Les biens étaient dévolus au père par la loi du 17
nivôse an 2 ;
L e père en était saisi par le droit com m un ;
C e droit avait é té seulem ent suspendu par l ’effet
des lois sur l ’ém ig rat io n, q ui l ’avaient transmis au
fisc ;
Mais les droits civils ayant été depuis restitués aux
émigrés, la remise, opérée par la loi du 5 décembre
18 14 > n a Pu ¿ire iaite q u ’à la famille du com te
B éthun e com m e ancien p ro p riéta ire , en t/utilité d ’hé
ritier de son f i l s .
C et arrêt présente un cas oii le succès devait paraître
plus douteux même que dans celui qui nous occupe.
E t cependant il déclare que le père émigré était saisi,
suivant le droit com m un , des biens de son fils, quoi
q u ’ il ne les eut pas recueillis, à cause de sa mort civile;
il dit que son droit n a é té que suspendu par la main-
(0
V o i r l 'arvét dans lo j ou r na l d e S i r c y ,
22,
1. 21 , et d a ns la j u
r i s pr ud e nc e g é n é r a l e d e D a l l o z , au mo t émigré, s c c t i o u
p. 8aO.
3;
art. 2. § 1»
�mise du fisc; il décide que cet émigré, en qualité d ’ hé
ritier de son fils , devait être réputé Vancien p r o
priétaire de ces biens qui cependant n’avaient été remis
q u ’après sa mort; il ajoute q u ’il a transmis son droit à
ses propres héritiers.
Tous ces principes s’appliquent littéralement à la
cause du sieur l'Espinasse père, représenté par le sieur
Bournet.
L ’Espinasse fils, émigré, avait été saisi aussi, suivant
le droit c o m m u n , en l ’an 2 et .en l ’an 4 > des biens
de Jean-Marie et de François-Aldebert de Sévérac.
Son droit avait été aussi seulement suspendu par
l ’effet des lois sur Immigration, qui l ’avaient transmis
au fisc.
Mais ses droits civils lui ayant depuis été restitués,
il a transmis, au moment de son amnistie, à son père,
à son seul héritier, tous ses droits aux biens dont son
émigration l ’avait p r i v é \ e t , par conséquent, c’est eu
faveur du père seul, q u ’a pu être faite la remise opérée
eu 1814*
On le voit; soumises au creuset d ’un examen sérieux,
les prétentions des Bonnafoux se dissipent, tandis que
les droits du sieur l ’Espinasse père en sortent intacts,
consacrés, comme nous l’avons d i t , par la loi, par la
doctrine des aut eu rs, par la jurisprudence des arrêts.
L a loi a votilu voulu faire un acte de j u s t i c e , e t ,
par conséquent, rendre à celui qui avait perdu. O r ,
le sieur de l ’Espinasse père avait seul perdu les biens
qui ont été remis; car seul il les aurait recueillis en
l ’an S , en l’an 11 , si la confiscation n’avait pas eu
�lie u , ou si les maux q u ’elle avait causés eussent été
plus tôt réparés.
Se fut-elle même proposé de faire un acte de pure
libéralité, la loi, au moins, a déclaré rendre à llié r itier, de l ’ancien propriétaire; elle n ’a d i t , ‘d ’aill eu rs,
ni explicitement ni implicitement , q u ’elle créait une
nouvelle classe d ’ héritiers; elle n ’a pas dit aussi q u ’elle
rendait les biens à l ’héri ti e r'futur ; e t , s’en référant
par son silence même au droit co m m u n , elle n ’a en
tendu , par le mot h éritier, elle n ’a pu e n t e n d r e que
celui qui déjà était saisi du titre et des droits d ’héritier ,
s’il était vivant lorsqu’elle a paru. O r , le sieur l ’Espinasse père existait alo rs , et seul il était investi de la
qualité d ’héritier de son fils; seul il avait été reconnu
comme te l, soit antérieurement, soit à cette époque,
par les autorités administratives ou judiciaires, par les
créanciers de la succession comme par toutes parties
intéressées. C ’ est d o n c lui seul aussi que désignait la
loi en appelant l ’héritier à profiler des biens r e n d u s .
L a loi de plu£ a déclaré q u ’elle entendait respecter
les droits acquis. O r , au moment où la loi a p a r u , le
sieur de l ’Espinasse père avait un droit a cquis au droit
indélébile au titre d ’ héritier unique de son fils, e t ,
par conséquent, aux avantages attachés à ce titre. Ce
droit acq ui s, la loi l ’a expressément consacré; donc
c’est à lui q u ’elle a remis les biens non vendus.
Enfin , lorsque les héritiers légitimes n’existaient
plus en 18 14 , la jurisprudence interprétant la l o i, a
attribué les biens rendus aux pareus les plus proches
de l ’cmigié.
�( 57 )
Or, le sieur de I’Espinasse père était, à cette époque,
tout à-la-fois et le seul héritier légitime exi stant, et
le parent le plus proche de son fils; c’est donc évi
demment lui seul qui doit recueillir les avantages de
la remise des biens non vendus.
Co mm en t exp liquer, d ’après ces observations, l ’as
sertion de l’avocat de la dame et du sieur Desrois,
qui , après avoir succombé sans adversaire sur un
simple pourvoi, s’est hasardé à dire dans un écrit,
que si le fond de l ’affaire avait été exam iné, l ’arrêt
aurait été cassé.
Assertion imprudente!
œuvre éphémère des désirs
pris pour la réalité ou des illusions de l ’amour-propre,
que l’on a considérées comme le succès.
Assertion irréfléchie! comme si de graves magistrats
livraient au public les secrets de leurs délibérations;
comme s i , lors même que le pourvoi aurait été admis,
une dissertation approfondie et le frottement de la
contradiction n’eùt pas fait jaillir une lumière propre
à éclairer et à guider les esprits même incertains.
C ’est cependant peut-être cette étrange assertion
q u i , imposant au tribunal de première instance, l ’a
déterminé à repousser la doctrine que lui offraient les
deux arrêts rendus par notre C o u r dans cette même
cause; c ’est par elle q u ’il a sans doute été entraîné
dans un tel oubli des principes, que non seulement il
a attribué aux Bonnafoux une partie de la terre d ’ Au zat
rendue par la loi du 5 décembre 18 1 4 , mais q u ’il a
aussi ordonné en leur faveur le rapport au partage,
soit du 8mc de la terre de S a iu t - M a r t in , restitué au
8
�( 58 )
sieur l ’Espinasse père avant cette l o i , soit même de
tous les autres biens meubles et immeubles provenus
de la famille Sévérac, et qui lui avaient été délaissés
irrévocablement depuis plus de dix années par plusieurs
actes administratifs.
L e 8me de la terre de Saint-Martin faisait partie de
la sénatorerie attachée à la C o u r de Riom. Il en fut
détaché, par une ordonnance royale du 4 juin i 8 i 4 >
comme les autres propriétés particulières acquises par
voie de confiscation , que cette ordonnance déclara
restituer aux anciens propriétaires dans l ’état où elles
se trouvaient.
Ainsi, le 4 juin , le sieur de l ’Espinasse père, comme
seul héritier et seul représentant de l ’ancien pro
priétaire, son fils, eut à cet objet un droit acquis,
indépendant de la remise faite par la loi du 5 décembre
suivant. C o m m e n t s’est-il donc fait que le tribunal
ait cru pou voir, en vertu de c e t te loi, faire participer
les Bonnafoux aux avantages d ’une restitution q ui
l ’avait précédée?
L ’erreur du tribunal est encore plus saillante rela
tivement aux autres biens meubles et immeubles pro
venant de la famille Sévérac.
L e sieur de l ’Espinasse père avait été envoyé en pos
session de ces biens, dès l’an i i et dès l ’an 1 2 , en
vertu du certificat d ’amnistie q u ’il avait obtenu , le 5
ventôse an 11 (24 février i 8 o 3 ) , pour son fils alors
décédé.
Des anétés pris, les 11 germinal an 1 1 , 25 thci-
�( 59 )
7^
midor an n , 7 frimaire an 1 2 , par les préfets de la
I l a u t e - L o i r e , du C a n t a l , du Puy-de -D ôm e, lui dé
l a i s s è r e n t , comme au seul héritier de son iils émigré
amnistié, tous les biens que celui-ci avait possédés dans
ces trois départemens. L ’arrêté du préfet du C antal
lui abandonna aussi, par une disposition expresse, les
portions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui
étaient advenues au fils, par succession, pendant son
émigration.
Ces actes administratifs ont toujours été respectés-,
ils ont
r eç u
leur pleine exécution. L e sieur de l ’Espi-
nasse, usant des droits qui lui avaient été conférés, a
cédé, le 8 vendémiaire an i!\ (29 septembre i 8 o 5 ) ,
tout
ce qui lui avait été délaissé , au sieur Grenier qui
lui -même en a disposé à son gré depuis cette époque
reculée.
Par quel aveuglement le tribunal a-t-il cru pouvoir
condamner le sieur de l ’Espinasse à rapporter tous ces
objets au
partage q u ’il
a ordonné?
et co mment,
même dans son s y s t è m e sur le sens de la loi du
5 d é c e m b r e 181/^ ne s’est-il pas aperçu que cette loi
commandait impérieusement, par son article i cr, de ne
porter aucune atteinte a u x droits acquis avant la p u
blication de la Charte constitutionnelle} et qui sei'aicnt
fonde's sur des lois ou des actes du gouvernem ent} rela tifs à Vémigration.
Ne nous étonnons cependant pas trop de cette aber
ration. On sait q ue,
lorsqu’au point de dép art, 011
ne prend pas le droit ch em in, plus on avance, plus 011
s’écarte de la vraie route.
�JS Pt
( « . )
Riais c’est trop nous occuper de ces erreurs secon
daires, q u ’il suffit de signaler pour les faire reconnaître,
ei qui doivent, d ’ailleurs, subissant le sort de l’erreur
principale, être réformées comme elle.
C e l t e réformation est commandée par la l o i , par
l ’équité comme par la justice, par la jurisprudence de
la C our de cassation, comme par celle de la cour de
Rio m.
P a r la l o i , qui considère les biens rendus comme
une partie intégrante, comme
u n accessoire nécessaire
de la succession de l ’émigré, puisqu’elle les soumet à
contribuer aux dettes héréditaires; qui n ’a d ’ailleurs
ni déclaré ni entendu établir deux ordres de succession
dans la même personne, et q u i , rendant les biens à
l ’ héritier de l’ancien propriétaire, les a nécessairement
rendus à celui-là seul sur la tê teduqu el, au moment de
sa publication , reposait ce titre d'hé ritier, à celui-là
seul à qui les c h a r ge s c o m m e les bénéfices de l ’hérédité
avaient été depuis long-tems t r a n s m i s , l o r s q u e , s u r
t o u t , existant au moment de la l o i , il réclamait luii
%
^
4
mêmd'l’es avantages de la remise.
P a r V éq u ité com m e p a r la ju s tic e ; car c ’est l ’équité
du législateur qui a dicté l ’acle de justice q u ’il proclame
dans le préambule même de la loi. Or, l'équité voulait
que l’on effaçât les dernières traces d ’ une confiscation
odieuse, d ’ une confiscation rayée depuis long-tems de
notre législation criminelle, d ’une confiscation vio
l en te , reste affligeant d ’ un tems de discorde et d ’égaremens. L ’équité voulait aussi que l ’acte de justice lut
dirigé en faveur de celui-là seul à qui les biens confis-
�qués avaient été enlevés. Or, quel autre que le sieur
del'Espinasse père, seul héritier de son iils au moment
de son décès, au moment de son amnistie, aurait re
cueilli ces biens si les rigueurs de la confication ne l ’en
avaient
privé ? quel autre
donc doit recueillir les
faibles restes de cette succession?
E n fin p a r la ju risp ru d en ce de la C our de cassa
tion j com m e p a r ce lle de la C ou r de R iom .
Par la jurisprudence de la C our de R io m , qui s’est
manifestée deux fois sur les mêmes questions, dans
cette même cause, en faveur du sieur de l ’Espinasse
père,
q u ’elle
a déclaré seul héritier, seul représentant
de l ’émigré amnistié son fils. L ’un des arrêts fut même
l ’ouvrage solennel des chambres réunies.
Par celle de la Cour de cassation, qui n ’a eu que
dans \i ne «Soule %oacasionv* dans.ia cay&e.jle Béthuue*r\
AM.
S ullyfc.&e.5i P 1P#KWie cIuesUon a l)eu Pl'es id e n t iq u e ,
et qui l ’a résbliïô dans un seti£;*itttrorAble au sieur de
l ’Espinasse. D ’autres arrêts, quoique moins applicables,
csK c,es.
'plus au moment de la l o f * n'ont 'cepeyfnftt
appelé h recdj^lH W è^^iens,1^ (4 4 i9t»^u’un seul parent,
n ’ ex i s ta i t
c’est-à-dire le parent le plus proche de l ’émigré; e t ,
dans la cause, le parent le plus proche est encore le
sieur de l ’Espinasse père.
L e sieur de l’Espinasse, ou le sieur Bournet son
représentant,
peut aussi invoquer
la doctrine
des
auteurs modernes.
Ainsi il réunit en sa faveur les termes et l ’esprit de
la loi, le poids des opinions les plus puissantes, l ’au-
�torité des arrêts les plus respectables, tous les principes
comme toutes les considérations. Pourrait-il craindre,
avec de tels m oyens, de succomber dans sa nouvelle
lutte contre des cédataires de droits litigieux, q u i ,
se déguisant sous le masque de parens éloignés de l ’é
migré amnistié; qui, empruntant le nom de collatéraux
dont un modique salaire a acheté la complaisance,
viennent contester encore des droits évidens et consa
crés déjà deux fois par la justice éclairée de la C o u r ?
BOURNET.
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
Me S A V A R I N , A v o u é-L icen cié.
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A RIOM, CHEZ SALLES f i l s , Seul imprimeur de la C our royale et de la Mairie.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bournet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Savarin
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Le sieur Bournet, propriétaire, habitant de la ville d'Issoire, Appelant ; contre Jean Bonnafoux, propriétaire, habitant au lieu de Luzarègues, commune de Molède, département de Cantal ; Jean Vialfont, secrétaire de la sous-préfecture de Saint-Flour, et dame Françoise De Laroche, son épouse ; Henri Vialfont, Jeanne Vialfont, sa sœur, propriétaires, habitans du lieu de Molède ; Jeanne Vialfont et AntoineFouilloux, son mari, qui l'autorise, propriétaires, habitans du lieu de Boufeleuf, commune d'Auriat, même département du Cantal, intimé ; En présence De dame Amable-Henriette De Chauvigny De Blot, veuve de M. Claude-Etienne-Annet Desrois, propriétaire, habitante de la ville de Moulins, et de M. Annet comte Desrois, propriétaire, habitant de la ville de Paris, rue Blanc, n° 175, défendeurs en assistance de cause.
Annotations manuscrites. « 10 juin 1831, arrêt infirmatif, 2éme chambre. Pourvoi. 22 juillet 1833, Cour de cassation, section civile, rejet. Voir Sirey, 1833-1-676. »
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2620
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2621
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53535/BCU_Factums_G2620.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Molède (15126)
Saint-Flour (15187)
Auriac-l'Eglise (150013)
La Chapelle-Laurent (15042)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Martin-des-Plains (63375)
Mozac (63245)
Vertessère (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
arbre généalogique
doctrine
émigrés
mort civile
rétroactivité de la loi
sénatorerie de Riom
séquestre
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53511/BCU_Factums_G2525.pdf
ea5940860eb4781043a191a03bfa40e8
PDF Text
Text
v
/
v
\
y
L
PRECIS
Le sieur
EN R É P O N S E ,
COUR ROYALE
POUR
2 . Chambre.
A m é d é e - E liz a b e t h - L o u is
D E R IO M .
B aron
D E M A I S T R E et la dame D E M O N T
J
B L I N , s o n épouse, intimés;
CONTRE
Sieur
P h i l i p p e
C h a r le m a g n e
V A N -
D U E R N E . et la dame M A R É C H A L
j
son
épouse s appelans.
I L ne fut jamais de cause plus simple que celle des
sieur et dame de Maistre; la connoissance des faits, si
on les expose avec exactitude, suffit pour en démontrer
la justice. Les sieur et dame V anduerne, qui ont cru
j
�I V'
I ----------------- ¡ T V l l
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^
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'
^
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devoir publier un mémoire, fussent .donc tombés dans
un inconvénient fort grave, s’ils se fussent bornés à les
montrer tels qu’ils sont, tels que la justice doit les voir ;
aussi, se sont-ils efforcés de leur donner une couleur, de
les présenter sous une forme apprêtée. Pour se faire
une cause, il a fallu dénaturer le sens des actes, expo
ser des principes que les législateurs et les jurisconsultes
se garderoient d’avouer, et en faire des applications
inexactes.
\
Il y a, sans doute, un peu de témérité à jouer un
semblable rôle; il y a, il faut le dire, quelque chose
de despectueux pour la justice; mais que n’oublie-t-on
pas quand on a l’imagination exaltée par un rêve de
plusieurs millions ? C’est cet intérêt majeur qui seul peut
expliquer comment les sieur et dame Vanduerne ont
s’abandonner à l’idée d’un semblable procès. Il est
Nsi doux de penser qu’on pourroit devenir maître d’une
terre de six cent mille francs au moins, et obtenir la
restitution de cent vingt-six ans de jouissances qu’une
imagination exaltée peut aller , dans son délire, jusqu’à
espérer qu’il l’obtiendra. Que sait-on? . . . . Les frais sont
si peu de chose en comparaison des résultats, qu’on peut
avoir l’idée de tenter la fortune ! si par hasard on
pouvoit réussir, on auroit à se reprocher de ne l’avoir
pas fait! et, d’ailleurs, la crainte de lY:vènemcnt, quelque
peu fondée qu’elle soit, l’ennui d’un procès dont le
cours est si désagréable et dont les suites seroient si
terribles, en supposant tout, peuvent engager le pos
sesseur légitime à un sacrifice ; quelque peu considé
rable qu’il fû t, iir outre-passeroit de beaucoup les frais;
�*
9
d'ailleurs, si le possesseur est maintenu, comment s’y
prendra-t-il pour répéter ses dépens ? fera-t-il, pour ce
modique intérêt,la dépense d’un voyage à Bruges? sur
quoi les prendra-t-il, quand il y sera? n’auroit-il pas
plus de bénéfice à les abandonner ? On risque donc peu
de chose en faisant un procès et ce seroit sottise de
ne pas l’entreprendre. T el a été, sans doute, le calcul
des sieur et dame Vanduerne.
Les intimés n’ont pas pensé qu’aucune considération
pût leur commander un sacrifice pécuniaire. Porteurs
de titres authentiques soutenus d’une possession de plus
d’un siècle, ils se croyent légitimes propriétaires, et ne
croyent rien devoir à leur propre sûreté; ils ne sont
pas obligés à des sacrifices par la position do leurs ad
versaires et les circonstances qui entourent le procès j
les sieur et dame Vanduerne, sans doute, n’ont pas
besoin dJeux, et les intimés ne doivent aucun égard à
une prétention ambitieuse autant qu’irréiléchie ; il faut
donc aborder franchement la question, si toutefois, après
l’exposé des faits, on peut se faire une question.
Il est constant que la terre de Bompré, qui fait le
sujet du procès, provient de Claude Maréchal. Il vivoit
sur la fin du 17e. siècle; il étoit mort néanmoins avant
le 2.5 janvier 1692.
A son décès, il laissa quatre enfans ; Françoise, dont
nous ne parlerons que cette seule fois, parce qu’ayant
embrassé la vie monastique, elle fut, par la mort civile,
exclue de la succession de son père ; Jeanne, représen1 *
�C 4
)
tée par les intimés ; Claude-Bernard, auteur des appelans, et M arc, décédé sans postérité.
Le 25 janvier 1692, Jeanne épousa Nicolas Revanger;
elle se constitua tous ses biens par une clause générale,
et la dame Jacquinet de Pannessières, sa mère, lui fit
donation entre-vifs de tous ses biens et droits, même
des créances qu’elle avoit contre la succession de son
mari ; elle lui fit donation aussi de tous les biens qu’elle
laisseroit à son décès , à la charge des légitimes de
Claude et M arc, scs deux frères.
La dams Maréchal mourut peu de temps après, le
18 septembre 1693 ; sa succession, comme celle du père,
se trouvoit dévolue à ses trois enfans, Jeanne, GlaudeBernard et M arc; mais Jeanne, comme donataire de
tous les biens présens, avoit le droit de les retenir sans
prendre part à la succession; d’un autre côté, les biens
du père étoient obérés de dettes ( près de 300,000 fr. ) ; la
mère ayant des reprises plus considérables encore et que
Jeanne pouvoit exercer comme donataire universelle,
il faut reconnoître que ces deux successions furent la
chose qui dut l’occuper le moins; mais comme il ne lui
suffisoit pas de les négliger, et qu’en succession directe
surtout, la maxime la mort saisit le v i f a un effet
immédiat lorsqu’on n’en repousse pas l’application , la
daine Revanger se présenta leaô novembre suivant devant
la sénéchaussée de Bourbonnais, et y déclara renoncer
aux successions de ses père et mère, pour s’en tenir
à sa donation ; le juge lui en donna acte et prenant
en considération l’intérêt du fils (, Marc ) qui étoit en
core m ineur, ordonna qu’il seroit pourvu de tuteur et
�(
5
)
de curateur. Il est utile de remarquer ici que depuis
le 25 novembre 1693, la dame Revangcr n’est pas re
venue contre sa déclaration, et que sa répudiation n’a
été attaquée ni critiquée par personne ; c’est déjà quel
que chose pour repousser une prétention uniquement
fondée sur ce qu’elle seroit présumée posséder ccmtne
cohéritière ; toujours est-il vrai que dès le jour de cette
répudiation, les deux successions reposèrent en entier
sur la tête de Claude-Bernard et Marc Maréchal.
Les biens étoient saisis réellement par la dame F eydeau, veuve du sieur le Maistre, président des enquêtes
du Parlement de Paris, et un sieur Quesmas, procu
reur, l’un et l’autre créanciers du père. Le fils arrêtait
les poursuites par des incidens ; des procédures longues,
coûteuses, alloient dévorer une partie de la substance
des ci'éanciers, lorsqu’il parut plus convenable, soit h
eux, soit aux conseils des deux frères M aréchal, de
prendre des mesures qui fussent dans l’intérêt de tous.
Le 27 mars, il fut passé entre les saisissans, faisant
tant pour eux que pour les autres créanciers , et ClaudeBernard Maréchal, majeur de coutume ou émancipé ,
un traité sur lequel les appelans ont longuement disserté
pour établir que c’étoit un acte sans effet réel, quoi
qu’il eût eu un résultat immédiat, suivi d’une exécution
de plus d’un siècle, sans le moindre trouble ni la plus
petite réclamation. Bornons-nous h faire connoître l’acte
tel qu’il est* nous n’en citerons cependant que les parties
essentielles, à cause de son étendue.
On en expose d’abord l’objet 5 c’est « d’éviter la
« multiplicité des procédures, la dissipation des biens . . . .
« et le déiv'vi'Mpr»— '
h.Q f1ê(Tueni<,r' 7 "
�(
«
«
«
«
6
)
d’état q u i sont obtenues par ledit sieur de Bompré
fils, qu i n’y peut rien prétendre, attendu le grand
nombre des dettes qui absorbent et au delci la valeur
des biens. »
On passe ensuite à la disposition : « L e sieur Maré« chai a quitté, cédé, rem is, transporté, délaissé et
« abandonné tous ses droits successifs sur les biens
a meubles............. et immeubles..................délaissés par
« ses père et m ère, même les actions rescindantes et
« rescisoires, à la réserve de ce q u 'il peut prétendre
« sur Vacquisition Jaite de la dame de Longueval.
« Ces derniers mots sont une preuve qu’il ne cède pas tout.
« Pour lesdits créanciers en jciuir à dater de la Saintk Martin dernière ; pour quoi, les subroge en tous ses
c< droits, privilèges et hypothèques.' Les revenus qu’il
c< n’aura pas perçus appartiendront aux créanciers.
« Il est stipulé, pour l’intérêt des créanciers entr’eux,
« que les saisies réelles et mobilières demeureront en
a leur force et v 'îr tu , et tous les créanciers dans tous
« leurs droits, privilèges et hypothèques, L E S U N S A
k l ’ e n c o n t r e d e s a u t r e s . » On a longuement glosé
sur cette stipulation qui démontre, dit-on, que l’actc
ne transmettoit aux créanciers aucune p ro p r ié té , puis
qu’ils se réservoient la saisie, leurs privilèges et hypo
thèques ; on a voulu faire entendre qu’ils se réservoient
tout cela contre Maréchal, leur céJant, et on a omis
ces termes si précieux : Les uns à Vencontre des autres.
Il est évident, d’ailleurs, que la réserve étoit nécessaire,
i° . dans l’intérêt des saisissans, premiers opposans res
pectivement aux autres créanciers, parce que la vente
ne diminuoit rien de leurs droits de préférence j 2°. à
�(
7
)
cause de la minorité du vendeur, et jusqu’à sa ratifi
cation. Mais, poursuivons:
« S’il se trouve d’autres bi°ns meubles, effets et im« meubles , ils appartiendront aux créanciers.
« L e présent délaissement et abandonnement fait
« pour le prix et somme de quatre mille livres, que
a lesdits créanciers, tant pour eux que pour les autres,
« promettent lui bailler E T P A Y E R , par forme de
a gratification, sur les biens de ses père et mère ,
« quoique la totalité d’iceux ne soit pas suffisante pour
cc payer leurs dettes; ladite somme payable en la ville
« de P a r is , un mois après sa majoritéy et après qu’il
« aura ratifié ces présentes et fait ratifier à la dame
« son épouse, et sans qu’‘aucun des créanciers puisse
« faire saisir ladite somme de 4,000 livres -,........... et
« où ils le feroient, lesdits sieur et dame comparons
« seront tenus de fa ire lever lesdites saisies et en
« rapporteront mainlevée , ......... mais ne seront tenus
« de faire lever les saisies qui pourroient être fa ite s
cc à la requête de ses créanciers particuliers. »
Maréchal « s’interdit d’obtenir dorénavant aucunes
« lettres d’état, et d’user de celles qu’il a déjà obte« nues ; ................ et s’il venoit à s'en servir, il sera
« privé de ladite somme de 4,000 livres ; la rendra,
« s’il i’a reçue, et payera 3,000 livres de dommages« intérêts;
cc E t en considération de toutes ces conventions, les
cc saisissans s’obligent, en outre, à payer à Maréchal,
« dans quinze jo u rs, une somme de 1,000 livres qui
« sera prise sur le prix des récoltes de Cannée der-
�(
2
)
« n ière, à ïeffet de quoi la vente sera incessament
« faite , ........................bien entendu que le payement
« des 4,000 livres promises audit sieur Maréchal sera
« fait des deniers provenans desdits biens abandonnés,
« soit des revenus, soit des fonds. »
Il est facile de se fixer sur l’objet et les conséquences
de cet acte.
On y voit un délaissement de certains biens qui
appartiendront aux créanciers, avec droit de jouir
depuis un terme antécédant.
Ce délaissement est fait pour'un prix convenu; les
biens sont cédés, délaissés , abandonnés, etc............. ils
appartiendront aux créanciers.
lie cédant s’en î-éserve quelques-uns; il ne traite pas
avec scs créanciers personnels ; donc ce n’est pas un
simple abandonnement pour se décharger de ses dettes.
T out en stipulant, tant pour eux que pour les autres
créanciers du père, les deux seuls qui traitent s'obligent
personnellement à payer ce prix et à garantir de toutes
saisies que pourroient faire ces autres créanciers.
Ils ajoutent un supplément de prix, et c’est pour
l’intérêt du sieur Maréchal , et non par aucune condi
tion restrictive, qu’ils s’obligent de le payer sur les
récoltes de l’année précédente, et pour c e , de les vendre
incessamment ; de m êm e, la clause qui l’oblige a payer
les 4,000 livres sur les deniers provenant des biens,
soit des revenus ou des fonds, est toute dans l’intérêt de
M aréchal; c’est un privilège qu’on lui accorde sur
le produit des biens, mais cela ne peut jnmais tourner
contre lu i, puisqu’on stipule en même temps quU sera
payé
�(
9
)
payé au préjudice de tous les créanciers, et nonobstant
que les dettes surpassent la valeur des biens, et qu’au
reste on s’y oblige personnellement.
N ’en disons pas davantage ; tout le monde peut qua
lifier un acte semblable, quand on le connoît tel qu’il
est. Voyons ceux qui l’ont suivi.
Ce premier acte ne lioit pas les créanciers; ainsi il
n’eût pas eu de grands avantages pour la dame le
Maistre, si on ne le leur eût pas rendu commun, puisque
chacun d’eux auroit pu poursuivre la vente et ramener
au point qu'on avoit voulu éviter. Quesmas, qu’on peint
comme un procureur avide de procédures, y eût trouvé
son compte, sans doute ; mais il se présenta tout bonnemen comme un créancier légitimequi ne demandoit
autre chose que de toucher sa créance, même en accor
dant des termes et des facilités, et qui fuyoit les frais
de saisies au lieu de se ménager adroitement le moyen,
d’entasser des procédures par lui - même ou par autrui,
et de consumer en frais, à son bénéfice personnel,
une partie notable du gage commun de tous les créan
ciers.
Le i 5 janvier 1695, huit créanciers souscrivirent vo
lontairement à l’acte du 27 mars 1694; soit refus de
la part des autres, soit difficulté de les réunir à de
grandes distances, on n’avoit pas eu leur consentement;
mais la dame le Maistre et le sieur Quesmas qui avoient
besoin de terminer avec tous les intéressés, obtinrent,
le 13 juin 1695, une sentence des requêtes du palais
qui. homologua le traité avec ceux qui l’avoient sous~
%
�( IO )
crit, et poim't d’assigner les rtfusans pour vo :r déclarer
la sentence commune avec eux.
L e sieur Maréchal acquéroit sa majorité le 17 juin;
il avoit intérêt de son côté à la ratification du traité,
pour toucher 5,000 liv. auxquels, sans cela, il n’avoit
aucun droit; il fit,dans le même temps, et hors la -pré
sence des créanciers, les actes nécessaires pour y par
venir. Il faut les connoître.
L e 20 juin, il passe devant notaires à Paris un acte
où il comparoît seul et où il déclare autoriser son épouse
à ratifier le contrat du 27 mars 1694, et à s’ obliger,
solidairement avec ledit sieur son époux, à son entière
exécution , et, par ladite ratification, se désister de toutes
prétentions qu’elle pourroit avoir et demander sur les
choses abandonnées.
L e 30 du même mois, la femme passe à Tournay
un acte où elle figure encore seule et sous l’autorisation
résultante de l’acte précédent; elle s'oblige solidaire
ment avec son m ari, et déclare ne prétendre aucun
droit ni choses quelconques sur les susdits biens et
choses délaissées par,sondit mari.
Enfin, pour achever sur ce point, le 27 août, Maré
chal se présente devant deux notaires à Paris; il dépose
en leurs mains son extrait baptistaire du 17 juin 1670,
pour prouver sa majorité ; les actes des 20 et 30 juin précé
dent; ratifie l’acte comme majeur, en ce qui le concerne;
donne quittance de 3,117 liv. payées par le fermier judi
ciaire, sur les4,000 liv.; se réserve le surplus* etx'econnoît
avoir reçu les 1,000 livres de supplément dès le 24 mai
�C 11 )
1694. A insi, sauf le payement du surplus des 4,000 liv.,
tout est consommé quant <\ lui par ce dernier acte. .
Pendant que Maréchal se mettoit en mesure pour
tenir les promesses qu’il avoit faites en minorité, la dame
le Maistre et Qucsmas avoient dû en faire autant pour
remplir leurs obligations.
Le 19 août, ils avoient obtenu une seconde sentence
aux requêtes du palais ; ils demandoient, i°. que le traité
de 1694 fut homologué contre les créanciers refusans;
20. que le fermier judiciaire fût tenu de payer à Maré
chal la totalité de la somme qui lui étoit due en vertu
de ce traité.
Claude Maréchal demandoit lui-même le payement
de ses 4,000 livres.
E t un sieur Priés, c r é a n c i e r , q u i se trouvoit des der
niers en ordre, demandoit que les sommes payées ou
promises à Maréchal fussent supportées par tous les
créanciers, au marc le franc de leurs créances, au lieu
d’être prélevées et de frapper en entier sur les derniers
créanciers hypothécaires.
Remarquons ici que vingt-sept créanciers étoient assi
gnés; qu’on voyoit figurer parmi eux Jeanne Maréchal
et le sieur R evanger, son mari; qu’ainsi, après avoir
répudié sans condition, et se trouvant en présence de
Claude-Bernard Maréchal qui avoit abandoné ses droits
moyennant un prix, de Quesmas et de la dame le Maistre
qui étoient à ses droits, ils n’élevoient aucune préten
tion sur les bii'ns du sieur Maréchal père; qu’ils figuroient uniquement comme créanciers, et qu’ainsi leur
qualité fixée contradictoirement avec tous les intéressés,
(
2
*
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.
.( ■ • >
devenoit publique et indélébile, quand bien môme ils
eussent pu la changer auparavant.
A u reste, la sentence homologua le traité, en décla
rant commune à tous les créanciers assignés la sentence
précédente ; elle ordonna le payement à Maréchal des
4,000 livres, et sur la demande de Priés, elle porte :
« Jo in t la contestation à Tordre, pour y être, en ju
te géant, pourvu ainsi qu’il appartiendra. »
Ces dernières expressions sont précieuses; elles ne
laissent pas de doute sur la pensée du juge, que la tra
dition des biens se trouvoit consommée au profit de
tous les créanciers, par le résultat de cette sentence.
A u reste, observons que par son effet immédiat, les
sieur et dame Hcvanger furent investis, comme créan
ciers et devenus acquéreurs , d’un droit quelconque
à la proj)riété des biens qu’ils avoient refusés comme
héritiers. Ce fut donc en leurs mains un nouveau titre
sans relation avec l’ancien qui ne résidoit plus sur leur
tête; titre nouveau qui auroit interverti la cause de leur
possession, quand bien mêm e, ce qui n’est pas, ils auroient continué de la garder après la répudiation.
A la vérité, la circonstance qu’ils étoient acquéreurs
ou cédataires, comme on voudra, seulement pour une
portion, aui-oit suffi pour que ce ne fût q u ’un com
mencement de titi’e à la propriété du tout ; mais aussi nous
allons voir que ce titre reçut bientôt sa perfection par des
actes ultérieurs, passés avec ceux-là seuls quipouvoient
désormais prétendre droit aux biens, quant à la portion
de Claude-Bernard Maréchal, savoir, ses créanciers de
venus propriétaires.
�C 13 )
Ce qui ne pouvoit avoir effet que pour la portion
de Claude, s’appliqua bientôt à celle de Marc Maréchal;
par acte passé devant notaires à M oulins, le 26 du
racine mois d’août, et dans lequel on voit figurer les
sieur et dame Revanger, seulement comme créanciers,
dépouillés de toute autre qualité, en face de leur pré
tendu cohéritier; celu i-ci, qui ne les considère plus
comme tels, se dépouille en leur faveur de la pro
priété de ses biens, et les leur abandonne dans les
mêmes termes et sous les mêmes conditions ( quoique
pour un moindre prix ) que venoit de le faire Claude
Bernard, son frère, majeur comme lu i, et débiteur
comme lui de créances plus considérables que la valeur
de ses biens.
A in si, indépendamment d’une répudiation non ré
tractée, la dame Revanger fut reconnue par ses deux
frères uniquement comme leur créancière, et agissant
en cette qualité.
Nous n’avons pas à nous occuper ici d’une contesta
tion qui s’éleva, à ce qu’il paroît, entre la dame le
Maistre et les autres créanciers, sur la prétention qu’elle
avoit de les forcer à prendre des biens fonds en paye
ment de leurs créances : on dit qu’elle succomba sur
cette prétention, et cela peut être*, car il étoit difficile,
hors le cas d’une volonté réciproque , d’imaginer un
mode de payem ent plus extraordinaire et moins suscep
tible d’exécution; et il ne faudroit pas s’étonner que les
autres créanciers s’y fussent refusés, et qu’ils eussent
obtenus de ne pas y être forcés. M ais, où les conduisoit cette résistance ? Ils trouvoient toujours dans les
�( i4 )
personnes de la dame le Maistre et de Qucsmas des
obstacles insurmontables à leurs vues. Ceux-ci, créanciers
hypothécaires, premiers en ordre de collocation, ne
couroient aucun risque. Qu’on vendit les biens volon
tairement, ce que peut-être on ne trouvoit pas à faire, ou
qu’on continuât les poursuites en saisie réelle, ce qui exposoit les derniers créanciers à tout perdre, Quesmas et
la dame le Maistre dévoient toujours être payés. En cet
état de choses, on songea à se débarasser de ces deux créan
ciers. Ils s’y prêtèrent, et le 10 décembre 1697 fut passé à
Moulins un acte par lequel les sieur et dame Revanger
et les Farjonnet, créanciers, s’obligent solidairement a
payer ces créances. I>e sieur R e va n g er y figure tant
comme mari que comme fondé de procuration de son
père qui étoit créancier de son chef; on voit par la
suite de l’acte que ses créances s’élevoient à 10,800 liv.;
celles des Farjonnet à 138,000 liv ., et ce, non compris les
intérêts et les trente-cinq autres créances. Quoiqu’il en
soit, Quesmas et la dame le Maistre consentent à re
cevoir, l’un 4,000 liv. et l’autre 5oo liv. par an jusqu’à
extinction de leurs créances; ils s’obligent à faire ap
prouver l’accord par tous les créanciers; mais comme
il faut vendre et que Quesmas et la dame le Maistre,
abandonnant la gestion, ne seront plus à même de se
défendre de rien, il est stipulé que dans le cas où
le prix de la vente ne suffirait pas, les créanciers coutractans payeront ce qui s"1en défaudra, sans garantie
ni institution de deniers.
Après cet acte, et par requête du 14 février 1698,
les Revanger , Farjonnet et autres créanciers qui y
�C 15
)
parties, démandèrent contre Quesmas et la dame
le Maistre, et le commissaire aux saisies réelles, qu’il fût
exécuté suivant sa forme et teneur; qu’ils fussent auto
risés à jouir des biens, et qu’il fût fait défense au commis
saire aux saisies réelles de les troubler dans cette jouissance.
Les 10 mars et 10 juillet suivant, ils obtinrent d’abord
aux requêtes du palais, puis aux requêtes de l’hôtel,
deux sentences qui l’ordonnèrent ainsi ; et ces deux
sentences furent exécutées sans contradiction.
Il importeroit très-p eu , sur cette partie des faits,
que les sieur et dame Revanger eussent arrangé tout
cela pour tirer meilleur parti des créanciers, après s’être
débarassé des deux plus difficiles; on pourroit mêm e,
sans danger, admettre pour un moment cette supposition,
qu’ils avoient préparé de longue main tous ces actes
dans leur intérêt personnel, pour conserver les biens
sous un titre plutôt que sous un autre, avec le moins
de frais possible. Tout cela seroit sans conséquence, car
il ne s’agit ici que d’une difficulté unique, la seule que
les appelans osent élever ( si toutefois c’est une difficulté ),
celle de savoir si les sieur et dame Revanger ont in
terverti leur titre; s’ils ont joui comme cohéritiers ou
comme acquéreurs; et certes, pour décider cette ques
tion, il est fort inutile de rechercher, après cent vingtsix ans, à quel prix ils se sont débarassés des créanciers.
La seule chose qui intéresse pour cet objet, est de recon
noitre si les deux frères Maréchal ont conservé des droits
après les actes dont nous venons de parler, et si la dame
Revanger, donataire universelle de sa mère et créancière
de sommes considérables, a pu réunir sur sa tête la to
talité de la fortune. L ’a-t-elle fait? si elle l’a fait, a-t-elle
étoient
�pQO
( I6 )
possédé les biens légitimement et animo dom ìni? si elle
les a possédés, a-t-elle transmis à ses enfans cette pos
session ? ceux-ci, la recevant de bonne foi et la conti
nuant de même, ont-ils à craindre, après cent vingt-six
an,s, que cótte possession leur soit aussi inutile que le
titre et le titre que la possession, et qu’on leur arrache
les biens en leur faisant restituer tout le bénéfice de la
jouissance ? C’est cette dernière partie des faits et sa consé
quence qui vont former le complément de cette proposi
tion que nous avons posée du premier m ot, qu’il ne fut
jamais de cause plus simple que celle des sieur et dame
de Maistre ; à quoi nous pourrons, ce semble, ajouter
dans quelques instans q u ’il n’en fut jamais de plus dif-*
ficile, de plus déplorable que celle des sieur et dame
Vanduerne ; et voilà pourquoi des moyens entortillés
avec une narration inexacte, présentent de leur part
des résultats aussi peu positifs, qu’ils ont donné, sans
doute, de travail à une imagination sophistique.
Qu’on ne doute pas que les sieur et dame Revanger
n’ayent pris, après les sentences de 1698, le seul parti
prudent qui leur restoit, celui de payer les créanciers;
aucun cl’eux n’a rien réclamé depuis. Qu’on ne dise pas
que ces créanciers étoient imaginaires, ils figurent au
nombre de trente-sept dans les actes et les sentences.
Qu’on ne se figure pas enfin que les sieur et danjo de
Maistre seraient en peine de justifier le payement do
ces créances. Il no seroit pas dilficile d’établir quelles
s’élevoient en principal à près de 3°0;000 livres; que
la majeure partie des terres qui cornposoient Ja fortune
fut délaissée en payement aux créanciers, ou vendue
pour
�C *7
)
pour les payer ; enfin, que les reprises de la dame Revnnger, plus considérables à elles seules que toutes les autres
dettes de la succession, outre-passoient la valeur de co
qui resta entre ses mains.
Mais les intimés se garderont d’établir aucune discus
sion sur ces points secondaires et qu’ils croyent inutiles
à examiner ; ils ne chargeront pas cette cause de détails
qui y sont étrangers dans l'état où elle se présente ;
encore une fois, cela n’est pas la question, et l’intérêt
de l’homme qui soutient une cause juste, claire dans ses
faits, forte dans ses preuves, est que l’esprit du juge
ne soit pas un seul instant éloigné de la^question.
O r , pour y rester constamment, il nous suffit de dire
qu’après avoir réuni sur leur tête la propriété des biens,
en désintéressant tou9 les a u t r e s c r é a n c i e r s , les sieur et
dame Revanger voulurent consolider cette propriété dans
leurs mains, par l’autorité de la justice.
Le 8 octobre 1717? ils firent assigner une partie des
créanciers aux requêtes du palais ; la femme se présenta
comme donataire universelle de la dame sa m ère,
yeuve de Claude Maréchal, et qui avoit renoncé ¿1 la
communauté stipulée en leur contrat de mariage ,* elle
persista donc toujours dans sa qualité de créancière de
son père, jusqne-là reconnue par tout le monde comme
l’unique dans laquelle elle avoit procédé.
Sur cette requête, fut l’enduc le 2.6 novembre T7I 7
une sentence contradictoire avec un créancier, et par dé
faut contre les autres ; elle est ainsi conçue :
« La cour, parties comparantes ouïes, par vertu du
« défaut donné contre les défaillans, en conséquence des
3
�( 18 )
« payemens faits par les parties de Guillauniet (les sieur
« et dame R evanger), aux créanciers de défunts Claude
« Maréchal et Marie Jacquinet, des subrogations et
« réunions en leur personne des droits des créanciers}
« ordonne que la propriété des terres de Bornpré,
« Loutaud................avec leurs circonstances et dépen« dances, demeureront et appartiendront incommuta« blement, avec les fruits et revenus, auxdites parties de
« Guillaumet, depuis le 10 décembre i6$J qu’ ils en
« sont en possession................ce faisant, fait pleine et
« entière mainlevée de la saisie réelle et des oppositions ;
« ordonne qu’elles seront rayées des registres.
Sans beaucoup de commentaires, demandons ici aux
sieur et dame Vanduerne, car c’est le moment, sans
doute, où ils ont pris que la déclaration de propriété
n’étoit prononcée que comme conséquence d’une dis
position principale, conséquence q u e, suivant eux, il
ne faut pas séparer de son principe, ni rendre plus
puissante que lui, ou si, au contraire, cette déclaration
de propriété n’est pas elle-méme la disposition prin
cipale, la disposition unique de la sentence. A u reste,
tout évident que cela est, nous aurons à y revenir.
Cette sentence fut signifiée à procureur le I e r dé
cembre; la signification à domicile n’est pas rapportée,
et il ne faut pas s’en étonner beaucoup ; elle est, d’ailleurs,
assez inutile; mais il faut tenir pour certain qu’elle fut
faite dans le même temps, car tous les créanciers n’ayant
pas été parties dans cette sentence, ils furent appelés
aux requêtes du palais par (de nouvelles assignations
des 8 et 9 avril 1718, et le 30 juin, une nouvelle sentence
�{. *9 ;
fut rendue contre le surplus des créanciers; elle déclara
commune avec eux celle du 25 novembre précédent; et
comme l’original de la signification i) domicile fut écrit
sur l’expédition même, il y est encore joint aujourd’hui.
Certes, Claude-Bernard et Marc Maréchal, dépouillés
de tous leurs droits depuis 1695, par un consentement
volontaire, n'avoient que faire d’assister à ces sentences^';
aussi, n’y furent-ils point appelés, mais bien tous leurs
créanciers, seules parties intéressées depuis ces actes de
délaissement, vente ou abandon, comme on voudra les
qualifier. Ces sentences furent bientôt exécutées; le 23
septembre 1718 la saisie réelle et les oppositions furent
rayées, en vertu des actes passés devant notaire et des
sentences de la Cour ; cette exécution qui consistait
dans un fait lé g a l, fut accompagnée d’un autre fait
public, authentique, la possession exclusive, conforme
au titre sans douts, par conséquent, ayant pour prin
cipe la propriété incommutable transférée ou confirmée
par la dernière sentence, comme conséquence des actes
qui l’avoient précédée.
Cette possession commencée en 1697, et dont le carac
tère jusqu’à 1717 n’étoit pas incertain, quoique moins
positif, s’est exercée encore pendant cent seize ans
contre les Maréchal qui n’avoient plus paru de
puis 1695 , et une quadruple prescription setoit ac
complie sur la tête de la demoiselle de M ontblin qui
représente les sieur et dame R evanger, lorsque le
16 mars 1814, les sieur et dame Vanduerne l’ont assignée
dans la personne du sénateur comte Garnier, son tuteur.
3
*
�( 20 )
Cette redoutable assignation étoit assez difficile à ré
diger, car on vouloit lui donner des motifs, et il falloit
sortir do l’embaras où on étoit jetté par des titres ré
guliers et une possession si long-temps prolongée. A u
reste, elle est assez curieuse et il ne faut pas omettre
d’en rendre compte.
La dame Vanduerne expose qu’elle représente ClaudeJBernard M aréchal; elle dit que la dame Jacquinet,
mère du sieur Maréchal avoit été sa tutrice ; qu’en
mariant sa fille au sieur Revanger et lui remettant ses
biens, elle les chargea solidairement de continuer la
tutelle; qu’en conséquence, les Revanger et leurs représentans n’ayant pu tenir les biens q u ’au môme titre de
tuteur, ce titre est précaire et fait obstacle à toute
prescription.
Ne se fiant pas trop à ce premier moyen qui n’est
pas exact en f a it , ils disent que si les sieur et dame
Revanger n’étoient pas tuteurs, ils étoient cohéritiers
de Claude-Bernard Maréchal ; qu’ils jouissoient en vertu
d’ un titre commun, par indivis, par conséquent, pour
tous les ayant droits ; second obstacle à la prescription.
Que le vice de la possession s’est perpétué jusqu’à
ce jour, et qu’en conséquence , il faut considérer comme
nulle toute espèce de jouissance.
Passant ensuite aux prétentions que doit favoriser ce
système, ils disent qu’outre les droits personnels de
Claude, ils ont encore à exercer la portion qu’ils amen
dent dans ceux de Marc et de Françoise, et ils de
mandent le partage pour leur attribuer tout cela.
�( 21 )
E t comme Claude, leur auteur, étoit laine* des mâles,
en coutume de Bourbonnais, ils demandent prélève
ment du droit d’aînesse.
Enfin, pour arriver au résultat, ils déclarent pour
leur prélèvement, qu’ils se contenteront de l’appliquer
sur le principal manoir, qui est la terre et château
de Bom pré, et h mobilier qui en dépend ; ils récla
ment le partage de toutes les terres sorties de la famille,
avec attribution au lot des défendeurs, de toutes celles
qui ont été aliénées ; la restitution des jouissances depuis
1694, y compris les dîm es, cens et rentes , jusqiCci
Vabolition ; enfin, comme le procès doit coûter des
fr a is considérables, ils demandent vingt-quatre mille
francs de provision pour y fou rn ir.
Si après avoir fait connoîtrc le fond des demandes,
nous les oublions pour n'en voir que les moyens, tenons
dès à présent pour constant que la cause est réduite à
l’examen d’une seule question. Les demandeurs reconnoissent que si la prescription a commencé, elle n’a point
été interrompue, puisqu’ils ne l’allèguent pas ; ils se
bornent à prétendre qu’elle a été empêchée par la nature
même du titre; parce que le possesseur et ses descendans ont joui comme tuteurs ou comme cohéritiers, et
ils mettent en principe qu’une jouissance semblable ne
peut jamais, et dans aucun cas, opérer de prescription ;
ce qui est, ou autant vaut, dire nettement. que l’action
en reddition de compte et celle en partage, sont de
leur nature imprescriptibles. C’est cette législation par
ticulière:, sans doute, aux sieur et dame Vanduerne,
qu’ils ont délayée; dans leurs imprimés.
ç
�C 22 )
Nous allons brièvement, et autant seulement quu
peut être utile, en parcourir les propositions; elles dis—
paroîtront à l’aspect des véritables principes, au premier
regard de la justice.
Nous nous éloignerions grandement du plan que nous
avons adopté et qui semble commandé par la nature
même des choses, si nous suivions les appelans dans leurs
divisions et sous divisions d’articles et de paragraphes 5
nous pourrions, sur chaque proposition, isolément, dé-?montrer qu’elle est erronée; mais nous entreprendrions
sans fruit une discussion longue et fastidieuse. V o y o n s la
cause dans son ensemble, et abordons franchement les
véritables questions.
t
, Nous allons supposer que la dame Revanger n’a eu
d’autre principe de possession que sa qualité de donataire
de sa mère, même d’héritière de son père, quoiqu’elle
ait • répudié , et que sa répudiation n'ait jamais été
attaquée. En carressant ainsi le système favori des sieur
et dame Vanduerne, nous les servirons sans doute à leur
goût 7 et nous simplifierons beaucoup la discussion ,
puisque les six paragraphes de leur premier article, c’est-r
à-dire , les quarante premières pages de leur mémoire
seront chose absolument inutile à réfuter , et que, suppo
sant vrai tout ce qui y est écrit, ces vérités seroient sans
conséquence.
Nous reconnoîtrons d’abord la vérité de ce principe,
que celui qui possède en vertu d’un titre précaire, et
dont la possession n’a pas d’autre cause, ne peut jamais
prescrire, et ainsi nous arriverons à la quarante-cin-*'
�(
*3
)
quièmepage de la consultation, sans avoir d’autre réponse
à faire ; mais nous nous étonnerons en pensant qu’on ait
pris tant de peine à prouver des principes positifs ,
comme s’ils étoient contestés, et mis tant de légèreté à'
en poser les conséquences, comme si celles qu’on en
tire étoient justes et avouées; en sorte que le juge, une
fois pénétré du principe, n’auroit plus qu à prononcer
les conséquences, sans avoir autrement besoin de les
examiner. Montrer la difficulté là où elle ne peut ê tre ,
et où on est sur de convaincre, et éloigner l’œil du magis
trat de la difficulté réelle en lui présentant celte partie sca
breuse comme non susceptible de contestation, ce peut
être de l’art, mais ce n’est pas tout à fait de la rectitude.
C’est après avoir prouvé et bien.appuyé d’autorités
ces principes généraux et incontestables, que la posses
sion précaire ne constitue jamais la prescription, qu’on
commence à la page 45 à s’occuper de la cause; deux
propositions fort simples et sur lesquelles on veut per
suader par une apparente bonhomie qu’on n’a besoin
ni d’autorités, ni d’efforts, ni de logique, contiennent tout
ce qu’on à écrit directement sur la cause.
L a possession des sieur et dame Revauger étoit vi
cieuse, dit-on, par deux raisons essentielles.
La première est l’indivision. La dame Revanger, mise
en possession par sa mère de tous les biens paternels
et maternels, a joui des biens indivis dans lesquels elle
n’amendoit qu’une portion ; un partage poitçoii seul
¿faire cesser là cop rop riété , et la coutume de Bour
bonnais, article 2 6 , étoit en ce cas un. obstacle à la près-
�( H )
cription ; Vindivision avertissait ’p erpétuellement les
sieur et dame Revangcr et leurs héritiers in infinitum
qu’ils n’étoient pas propriétaires des portions de ClaudeBei’nard Maréchal ; ils n’ont donc pu les prescrire.
La seconde raison se tire de ce que, chargée par le
contrat de mariage de tous les engagemens de la tutelle
qui pesoit sur la téte de sa m ère, la dame Revanger ne
jouissoit des portions des autres qu’avec un titre pré
caire et comme un véritable administrateur; cette ad
ministration ne pouvoit cesser que par un compte rendu
et délivrance à chacun de sa part des biens ; cette dé
livrance n'ayant pas eu lieu, la possession des sieur et
dame R e v a n g e r s’est perpétuée jusques dans leur posté
rité, à titre d’administrateurs.
Ces deux propositions ainsi isolées, sont faciles à dé
truire ; un souille va les anéantir en les examinant l’une
après l’autre. Elles sont si bizarres, si incohérentes,
qu’elles ne peuvent pas soutenir la plus petite réflexion.
Posons d’abord le principe ; c’est de là qu’il faut partir.
La prescription a été introduite comme un moyen,
nécessaire à la tranquillité des familles : lorsquo le terme
en est accçmpli, elle fait présumer que le possesseur est
légitime propriétaire ; elle le défend contre les attaques
tardives qui pourroient renverser sa fortune ; elle arrête
en cela les calculs de la méchanceté et de la mauvaise
foi, et voilà pourquoi elle est qppelée la patrone du
genre humain.
Mais ce principe, admis sans restriction, eût produit
des majux plus gçajjds ençorç qije ceux qu’on vouloit
éviter
�c 25 )
éviter ; il eût été l’éceuil de la bonne foi, de la confiance?
de lafoiblesse; pour l'empêcher, les législateurs ne l’cnt
admis que sous trois exceptions.
La première -a été prise de ce que la possession n’ayant
commencé qu’à un titre précaire, et le possesseur ne
faisant qu’user des droits d’autrui, ne possédant que pour
autrui, il ne peut pas acquérir une prescription qui
suppose qu’il a possédé pour lui-mêine, anirno dom ini;
la loi déclare donc qu’une semblable cause empêche la’
prescription.
’
La seconde a été prise de l’état d’incapacité de ceux
dont les biens sont possédés par des tiers, mais qui ont
commencé à prescrire ; elle ne veut pas quon puisse
tirer avantage de leur foiblesse, et cette cause suspend.
E nfin , la présomption légale que produit la prescrip
tion ne pouvant exister que par un silence prolongé
pendant le temps nécessaire à son accomplissement, l’in
terpellation judiciaire du créancier, ou la reconnoissance:
écrite du débiteur, constitue une troisième exception ;
c’est là la cause qui interrompt.
E t c’est ainsi que, fournissant aux possesseurs de bonne
foi ( ce qui s’entend de la bonne foi légale ) le moyen
de se préserver de toutes recherches après un certain
tem ps, la loi apporte à leur droit un sage tempérament
toutes les fois qu’il a été exercé contre des individus qui
ne pouvoient pas se défendre.
N ous n’avons à examiner que le premier cas ; mais
nous avons dû parler des deux autres pour les montrer'
tous sous le même point de vue, afin qu’on puisse bien
reconnoître le motif de la .règle, celui des exceptions,
4
�discerner si on s’y trouve, et aussi pour nous assurer
dès à présent que ces trois exceptions étant les seules
admises, la prescription doit être considérée comme
accomplie dans le cas où nous sommes, si elle a pu com
mencer , puisque les appelaus ne peuvent articuler ni
suspension ni interruption.
Nous n’avons pas besoin de remonter bien haut pour
reconnoitre la doctrine qui doit nous guider. Le Code
civil, art. 2236, contient en deux lignes toute la subs
tance des anciens principes.
Ceux qui possèdent p o u r a u t r u i , ne prescrivent
jamais.
C ’est à ce caractère qu’il faut reconnoitre ceux-là seuls
qui ne peuvent prescrire ; aussi la doctrine des législa
teurs du monde se trouve-t-elle toute renfermée dans
ces deux mots qui font anthitèse avec l’article : Pour
prescrire, il faut posséder animo domini. Ne nous épui
sons pas en recherches; si la dame Revanger et ses
représentans ont possédé pour autrui, point de consé
quence à en tirer pour eux; s’ils ont possédé pour eu x,
animo dom ini, avec l'esprit de propriété, ils ont prescrit.
Voilà notre boussole; c’est celle que la loi nous donne,
en nous avertissant que celui qui s’en écarte, ira se
briser sur des écueils.
Revoyons maintenant les deux propositions des oppclans ; d’abord l’indivision q u i, dit-on, n a u roit pu cesser
que par un partage; l’art. 26 de la coutume de Bour
bonnais , et la conséquence qu’on en a tirée que le par
tage n’ayant pas été fait, l’indivision a continué, et a
Rmpêché la prescription.
�( 27 )
Cette proposition nmo't en elle-même quelque chose
de b:en étrange, si elle étoit vraie dans le sens des
appelans. Après l’avoir admise, faute de pouvoir en dis
cerner le vice, l’homme qui, sans eonnoître la science
du droit, auroit néanmoins quelque teinture des prin
cipes jointe à un jugement sain, se demanderoit bientôt
à lui-même: « Que signifient donc, en ce cas, les lois
« de tous les temps qui veulent que le cohéritier qui
« laisse jouir son cohéritier, et qui oublie pendant trente
« ans de demander le partage, en soit exclus parce que
« l’action en piirtage se prescrit par trente ans, lorsqu’il
« n’y a ni suspension ni interruption? est-ce que les lois
« peuvent renfermer des contradictions aussi palpables ?
« comment s’y prendre, en ce cas, pour les exécuter, même
« pour leur obéir ? » N ous n’.iurions pas de peine à con
vaincre cette ûmehonnête, mais sans expériences en affaires;
nous en aurons moins encore pour nous faire entendre
des magistrats qui distribuent la justice.
Tout gît dans l’explication de ces trois mots : Jouir
pour autrui. Elle seroit facile sans aucun secours ; mais,
pour ne pas encourir le reproche de nous abandonner
au raisonnement , c’est dans le répertoire même des
appelans que nous allons puiser ; c’est l’article 26 de la
coutume de Bourbonnais qui va tout expliquer.
« Quand aucunes choses sont tenues et possédées en
« commun et par indivis , l ’on ne peut acquérir ni
« prescrire le droit l’un de V a u t r e .......... par quelque
îc temps que ce soit. »
Ici, la loi se concilie bien avec elle-même; elle ne dit
pas que le coheritiex* qui jouira seul de la succession
�(28)
commune, ne prescrira pas contre les autres, mais q u j
ceux qui jouiront en commun et par indivis, ne pour
ront prescrire l’un contre l’autre le droit l’ un de
Vautre. « La raison, dit M. Auroux sur cet article,
« c’est que celui qui reconnoît posséder une chose com« m im e, soit par succession ou autrement, reconnoît,
« par conséquent, le droit de ses communs, et qu’on
« ne prescrit point contre son titre ;
« Mais, pour faire une application sûre de notre ar-*
« ticle, il fa u t que la chose soit reconnue commune
« par celui qui la possède. »
Ainsi, cela s’applique à plusieurs, jouissans ensemble
et par indivis, et qui p eu v en t toujours demander le
partage Yun contre Vautre, « même à un héritier q u i,
« jouissant seul, fait part aux autres communs des bé« néfices de la jouissance qu’il exerce, ou qui reconnoît
« par écrit qu’il n’a joui que pour eux ; » mais celui
qui jouit seul et sans en faire part à autrui, ne jouit pas
par indivis; il jouit, au contraire, fort divisément, exclu
sivement y et prescrit par cela seul le droit d’autrui.
« U in d iv is, dit M . A uroux sur ce même article 2 6 ,
« n’est une reconnoissance de la nécessité qu’il y a dç
« faire partage qu'au respect de ceux qui jouissent
« par indivis et non à Yégard d'un cohéritier q u i n ’a
a aucune possession. C’est p ou rq u oi, si on suppose que
« dç quatre cohéritiers il y en ait un qui ait gardé le
« silence pendant trente ans, et que les trois autres ayent
« jo u i par indivis de toute la succession, celui qui a
« gardé le sileuce pendant trente ans ne sera plus re« ccvable à demander sa part. »
�( ^9 )
Puisqu’il faut aux sieur et dame Vanduerne des au
torités pour leur apprendre ce que c'est que jouir par
indivis, ils ne récuseront pas celle-là, sans doute, pas
plus que celle de Semin et du président D uret, toujours
sur le même article, non plus encore que ce principe
universel que le cohéritier qui vit dans la maison
commune , quoiqu’un autre jouisse , se trouve placé dans
l’exception, parce qu’alors il jouit par indivis ; et ils
avoueront peut-être que notre législation ne reconnoissant pas d’héritiers nécessaires, ne conserve pas le
droit des successibles contre leur volonté, et que leur
silence suffit pour que leur droit se perde et s’éteigne
à jamais.
Voilà des principes, sans c l o u t e ; n o u s ne craignons
pas de l’affirmer, et la Cour ne les repoussera pas ; que les
sieur et dame Vanduerne, arrivant de Bruges, en Bour
bonnais, les yeux un peu épaissis par le désir d’une
grande possession, eussent lu l’art. 26 de la coutume,
réduit à son texte et dégagé de tout commentaire, et
qu’ils n’eussent pas bien compris les mots jouis en co?nmun
et par indivis, cette idée seroit encore supportable;
mais que dans un écrit en forme de consultation, signé
par des jurisconsultes, on soutienne que parce qu’on n’a
jamais fait de partage on peut toujours le demander, et
que le cohéritier qui s’est abstenu de la succession, qui
n a jamais jou i, qui n’a jamais vécu dans la maison com
mune, qui, au contraire, s’en est éloigné, et s’est abstenu
de prendre part aux biens depuis cent vingt-six ans
peut, sans aucun moyen d’interruption, demander un
partage et cent vingt-six ans de jouissances ; qu’en un mot,
�( 30 )
son droit est conservé par le fuit même que la loi admet
comme exclusif de tout droit, c’est ce que l'esprit se
refuse à croire, pendant que les yeux le lisent distinc
tement.
Nous n’entasserons pas ici les autorités pour prouver
ce que la loi dit impérieusement depuis des siècles, et
ce que le- Code civil ne fait que répéter, art 816.
« Le partage peut toujours être demandé , même
« quand l’un des cohéritiers auroit joui séparément de
partie, des biens de la succession, s’il n’y a eu un acte
« de partage ou une possession suffisante pour a cqu érir
« la prescription. »
Cet article, joint ù l’art 2.2.62., n’a fait que poser le
principe général que l’action en partage se prescrit
par trente ans ,• il fixe, d’ailleurs, une question de droit
qui avoitété controversée par les jurisconsultes, celle de sa.voir si entre des cohéritiers qui ont joui divisément pen
dant un certain temps, dix ans, par exemple , on pouvoit
se soustraire au partage sans en rapporter un acte;
doctrine qui avoit été repoussée par la saine partie des
docteurs, notamment Lebrun; et il érige en loi parti
culière ce qui jusque là n’ayoit été reconnu que comme
une conséquence des principes généraux, savoir, que
trente ans de jou issa n ce séparée sont nécessaires pour
dispenser un cohéritier de rapporter un acte de partage,
Il est donc inutile que nous opposions aux appelans
l’autorité des plus célèbres auteurs, sur un point qui
étoit de doctrine universelle ; nous ne leur produirons
ni Domat, ni Pothier, ni môme Dunod qu’il ont fort
imprudemment invoqué ; nous croirioiis faire injure
�C sO
aux ministres de la justice, en accumulant les citations
pour prouver qu’une jouissance séparée de trente ans
opère la prescription de l’action en partage , et nous
aurons un peu plus de respect pour les lumières d’une
Cour souveraine; mais nous ne saurions nous dispenser
d’insister sur une autorité que les sieur et dame Vanduerne ne mépriseront pas; sur laquelle, sans doute,
ils n’élèveront ni doute ni soupçon; celle de leur propre
consultation. lie principal motif qu’on invoque pour
prouver que madame Revanger, ni ses descendons, n’ont
pas pu prescrire, est celui-ci ( page 46 ).
0
' a L ’indivision avertissait perpétuellement les sieur et
dame Revanger et leurs héritiers in injînitum , qu’ils
n’étoient pas propriétaires des portions revenant à ClaudeBernard Maréchal; par conséquent, ils n’ont j «mais pu
les posséder anuno dornim. »
' A rrêton s-n ou s un instant.
On a senti le besoin de dire que le cohéritier qui jouit
pour la succession, est averti par quelque chose qu’il
ne jouit pas pour lui-même; car la prescription étant
fondée sur ce principe qu’on jouit animo dom ini,
il faut qu’un fait quelconque lui apprenne , et à ses
héritiers in injmitum, qu’il jouit pour autrui ou avec
autrui. Demandons ici aux sieur et dame Vanduerne
ce que c’est que cette indivision qui avertit perpétuellenient, si ce n’est un fait positif qui démontre
q u ’on ne jouit pas p o u r s o i , ou si cela s’applique au
cohéritier qu i, r e s t é seul dans la maison commune, ne
fait part de sa jouissance à personne ; dispose en maître
�( 32 )
et à son profit personnel de toute la succession; s’ap
proprie exclusivement les revenus ; vend les immeubles
sans en rendre compte à personne? Si cet héritier,
disposant en maître , jouissant exclusivement , ne
possède pas animo dom ini, quel sera donc celui à qui
on appliquera ces expressions? dans quel cas un cohé
ritier pourra-t-il prescrire la portion des autres? Sou
venons-nous bien que la pi'escription tient lieu de titre;
que la. possession trenténaire fait présumer de droit la
transmission de l’immeuble à titre gratuit ou onéreux,
et consolide la propriété incommutable sur la tête de
celui qui a prescrit; en sorte que sa possession eût-elle
commencé par une usurpation qui eût pu être roconnue si une demanda eût été signifiée api'ès vingt-neuf
ans onze mois et vingt-neuf jours, elle est devenue lé
gitime après l’expiration d’un jour de plus; elle le dis
pense de rapporter un titre, et l’affranchit même de
l’exception de mauvaise foi ( article 2262 ). O r, et abs
traction faite de tous les actes, sentences et arrêts qui
ont été passés oy. obtenus depuis 1694 jusqu’en 1718 ,
qulon nous dise comment madame Revanger et ses
descendans eussent dû jouir autrement qu’ils n’ont fait,
pour acquérir une possession réelle et attendre la prescrip
tion? n’ont-ils pas joui pour eux exclusivement? ont-ils
jamais reconnu Vindivision^ un fait matériel quelconque
les a-t-il jamais avertis qu’ils n’avoient qu’une jouissance
précaire, qu’ils possédoient en commun et par indivis ?
se sont-ils jamais occupés de leurs cohérities prétendus?
enfin, ne prouve-t-on. pas le contraire de tout cela en
leur
�( 33 )
leur demandant aujourd'hui cent vingt-six ans de resti
tution de jouissances ?
C ’est trop en avoir dit, sans doute, sur cette première
partie, si claire, si évidente, et qui repousscroit si hau
tement la prétention des sieur et dame de Vanduerne,
même en supposant vrai tout ce qu’ils avancent.
Nous ne devons pas être longs sur le second m oyen,
ou plutôt sur la seconde face de ce m oyen , celle qui
représente la dame Revanger jouissant comme tutrice
et ne pouvant prescrire parce qu’elle n’avoit d’autre
titre que celui d’administrateur; les mêmes principes
s’y appliquent avec autant d’exactitude.
A vant to u t, fixons-nous sur un. fait essentiel.
La dame Vanduerne agit comme représentant Claude*
Bernard Maréchal ; c’est principalement de son chef
qu’elle tiendrait le droit qu’elle exerce, s’il pouvoit lui
appartenir; aussi, s’est-elle crue obligée à prétendre que
la dame Revanger , par son contrat de m ariage, et
comme condition expresse de sa donation, avoit été
chargée de tous les engagemens de la tutelle, et que
ces engagemens portoient tout à la fois sur les biens de
Claude-Bernard et Marc Maréchal, ses deux frères. Le
contrat de mariage à la main, nous attaquerous cette
proposition dans ses fondemens, et nous démontrerons
que ce moyen n’est qu’une illusion.
Mais la supposant aussi exacte q u ’elle l’est p eu , quelle
conséquence faudroit-il en tirer? Aucune, sans doute;
c a r, si la demande en partage se prescrit par trente ans
du jour où la jouissance commune a cessé, il en est de
5
�( 34 )
même de l’action en reddition de compte du mineur
contre son tuteur.
Tant que la minorité dure, la qualité de tuteur.ré
side sur la tête de celui qui en a été légalement investi;
le mineur non émancipé n’a pas de capacité, person
nelle; il ne peut paroître en son propre nom à aucun
acte; c’est son tuteur qui reçoit et quittance pour lui,
qui paye et agit pour lu i, qui le représente, en un
mot, dans toute espèce d'affaires; et c’est cette différence
de qualités de l’enfant mineur ou majeur, cette grande
distinction faite par la loi elle-même de ceux qui sont
sui <vel alieni ju r is , qui fait la ligne de démarcation
entre l’époque ou le tuteur ne prescrit pas et celle où
commence la possession utile qui opère la prescription.
L e mineur est-il encore sous la puissance de son tuteur,
celui-ci administre, jo u it pour autrui; est-il sorti de
cette puissance, le tuteur ne peut plus le représenter ^
les actes qu’il feroit en cette qualité sont nuls, respec
tivement au pupille, quand bien même le tiers qui traite
avec le tuteur ignoreroit le changement d’état. A ussi,
s’il continue de jouir, le principe de sa possession change
comme l’état et la qualité des personnes ; il jouit pour
lui-m êm e; l’enfant, devenu majeur, n’a d’autre droit
que de lui demander com pte, et trente ans de possession
écoulés sans interruption légale, effacent à jamais ce droit.
Nous ne grossirons pas ce précis de citations plus qu’inu
tiles pour prouver un principe positif; mais nous de
manderons si dans l’ancien droit, il s’est jamais élevé
d’autre question que celle de savoir si certaines actions
�( 3* )
du mineur contre son tuteur duroient trente ou seu
lement dix ans après la majorité. Toutes ces questions
qui ne prouvent que mieux la vérité de notre proposi
tion, sont tranchées par l’articie 475 du Code civil, qui
réduit à dix ans la prescription de toutes les actions du
mineur contre son tuteur, et y enveloppe l’action en
reddition de compte.
Remarquons, au reste, combien il est étrange d’en
tendre dire ici à la dame Vanduerne, comme elle l’a
fait sur le moyen d’indivision, que parce que le compte
n’a jamais été rendu, ou parce qu’on a resté plus de
trente ans utiles sans le réclamer, on peut le demander
encore, c’est-à-dire, que la demande n’a d’autre appui
que le moyen même qui la repousse.
A in si , en fussions nous réduits là , madame Revanger
et ses descendans auroient joui pour eux et non pour
autrui, auroient possédé utilement, auroient prescrit,
quatre fois prescrit, puisque la prescription n’a été ni
suspendue ni interrompue.
Mais madame Revanger n’a jamais été chargée de
gérer la tutelle de Claude-Bernard Maréchal qui avoit
* cessé avant son mariage, et le contrat de 1692, au con
traire , la charge taxativement et exclusivement de gérer
et administrer, au lieu de sa m ère, la tutelle et ad
ministration de Marie-Marc M aréchal, son fils mineur;
comment donc s’en servir à raison des biens de ClaudeBernarcl ?
Cela est vrai, disent les appelans, page 4 7 , « mais
« Claude Bernard n’avoit pas obtenu sa portion dans
sc la succession de son p ère ......... aucun compte de
5*
�« tutelle ne lui avoit été rendu, aucun partage de la
« succession n avoit étéj'a it ; elle étoit donc restée ink divise ; la daine Revanger s’est donc chargée d’admi<f nistrer la portion appartenante à Vaîné, puisque tout
« étoit dans Vindivision.
« Cette administration ne pouvoit cesser que par un
« compte rendu..»
Une conséquence obligée de cet argum ent, c’est que
l’action n’a eu d’autre durée que celle de la reddition du
compte ; c'est bien évidemment celle qui résulte de cet
av<iu échappé au conseil des appelans, que tout cela
pouvoit finir par un compte rendu.
Mais , et toujours de leur aveu, ce moyen ne scroit rien
sans l’indivision ; ce n’est donc encore que le moyen de
Yindivision , si pauvre, si pitoyable, présenté sous une
autre face. Et si nous voulons nous occuper un peu plus
de l’embaras des appelans, remarquons bien que le
moyen d’indivision qu’ils appellent au secours de la tu
telle, 1 air a paru à eux-m êm es si foible, que pour le
faire paroitre quelque chose , ils ont cru devoir l’établir,
d’abord sur ce que la dame Revanger, en vertu de
son contrat de mariage, avoit été mise en possession
par sa jn ère de toits les biens paternels et maternels,•
de ceu x-ci, en lu i faisant la donation entre-vifs ' et
de ceu x -là , parce qu'une des conditions de la donation étoit qu’elle administrerait conjointement avec
son m ari la tutelle dont avoit été chargée la donatrice.
.A insi, dans les mains de la dame Revanger, la.
�( 37 )
totalité des biens se trouvait indivise, parce que la lé
gitime des frères n’en avoit pas été séparée. ( page 48).
D ’où il est aisé de voir que l’indivision est un m oyen,
parce quelle est fondée sur une charge d’administrer.
E t la qualité d’administrateur est un m oyen , parce
qu’elle étoit accompagnée d’indivision.
En sorte que chacun de ces prétendus moyens ne
pouvant se soutenir par lui-même, se trouve néanmoins
assez fort pour supporter l’autre, et lui donner une va
leur qu’il n’a pas à lui seul. Une qualité d’administra
teur qui n'existoit pas devient quelque chose, parce
qu’il y avoit indivision; et cette indivision dont on n’a
perçoit aucune trace, reçoit son existence et sa force de
la qualité d’administrateur qui étoit impuissante sans elle !
Bravo ! M. Vanducrne.
._
.
;
N ’ajoutons rien de plus à ces moyens si précis, à
ces principes contre lesquels on n’auroit cru néces
saire de rien écrire, s’ils n’étoient appuyés que de la
signature de la partie ; mais pourquoi avouer par son
silence des principes, des applications qui émanent de
jurisconsultes plus ou moins connus ? Ici , le dédain
n’est plus permis ; il faut répondre. Après ce peu
de mots, tenons pour certain qu’en admettant en leur
entier quarante-quatre pages de mémoire des appelons,
ils n’en seroient pas moins dépouillés de tout droit par
une prescription inexpugnable.
M ais que nous sommes loin d’avouei' que la dame
Revanger n’ait eu d’autre principe de possession que
celle d’un tuteur ou d’un cohéritier qui possède en com
mun et par indivis. La prescription n’est pas ici le seul
�moyen; nous n’en avons pas besoin pour déroger au titre’;
elle est, au contraire, Je plus ferme appui des titres;
elle a été exercée conformément à la volonté des par
ties exprimée dans des actes, aux ordres des tribunaux
écrits dans des arrêts ; elle n’est plus dès lors que le
soutien de la vérité.
S’il est vrai que celui qui détient une chose à un
titre précaire ne peut pas la prescrire, tant qu’il la
possède pour autrui ( art. 2236 ) , il ne l’est pas moins
que la prescription commence, lorsqu’il intervertit la
cause de sa possession ( art. 2238 ) , parce que si on
ne peut pas se changer à soi-même la cause de sa pos-»
session, on -peut prescrire contre son titre, en ce sens
qu’ on prescrit la libération de Vobligation que Von a
contractée ( art. 2241 ).
Nous avons prouvé qu’à supposer vicieux le principe
de la possession , il se trouvoit interverti soit par la
séparation des cohéritiers et l’interruption de la jouis
sance commune, soit par la cessation de la tutelle; il
nous reste à prouver, dans le cas particulier, qu’une
intervention d’un autre genre auroit également fait cesser
le vice, ou plutôt que le vice n’avoit jamais existé.
i°. Quant à la cause tirée de la jouissance par indi
vis, elle suppose nécessairement que la dame Hevanger
avoit joui com m e h éritière , et qu’on peut lui opposer
cette qualité ; mais comment user d’un semblable moyen
lorsqu’on lit, dans une foule d’actes authentiques, que
sa mère étant morte le 18 septembre 1693, elle renonça
le 2,5 novembre suivant, tant à sa succession qu’à celle
du père ( que la mère avoit détenue jusqu’alors ) , et
�Ç 3? A
que cette renonciation, judiciairement faite et qui n’u
jamais été attaquée d ep u is,-fu t, au contraire, recon
nue et approuvée, soit par ses frères, dans des actes
publics où elle figura seulement comme créancière,
soit par les autres créanciers de la succession , dans
des traités authentiques, soit par l’autorité judiciaire,
dans les quatre sentences de 1695, 1717 et 1718 ?
cette renonciation n’est-elle pas aujourd’hui un acte dix
fois inattaquable; n’a-t-elle pas fixé sans retour la qua
lité de la dame Revanger; et les héritiers de ClaudeBernard Maréchal ne sont-ils pas, plus que toute autre
personne, non recevablcs à vouloir imprimer la qualité
cohéritiers à ses descendans?
2°. Quant à la tutelle, il y a encore peu de loyauté
dans cet argument. Lorsqu’on détruit le fait principal
qui le fonde ( la tutelle de Claude-Bernard Maréchal ) ,
et qu’on fait disparoître le moyen d’indivision, à quoi
se réduit-il? on le demande, n’est-il pas détruit dans
sa base?
Tout cela seroit donc encore plus que suffisant pour
repousser l’action des sieur et dame Vanduerne, et nous
n’aurions pas besoin d’examiner les caractères des actes
de 1694 et 1695; car on doit bien remarquer que nous
n’en avons pas usé jusqu’ic i, si ce n’est pour établir
que la répudiation de la dame Revanger avoit été
c o n n u e , approuvée et exécutée contradictoirement avec
toutes les parties intéressées. Mais nous pouvons aller
plus loin encore ; et après avoir supposé vraie la pro
position majeure et prouvé qu’on en tiroit de fausses con
séquences, ne craignons pas de l’attaquer ouvertement
�(4 0
elle-même, et de prouver que quand bien même il y
auroit eu besoin d’actes autres que la répudiation, qui
eussent positivement interverti la cause de la possession,
ces actes existent, et ces actes, émanés des auteurs des appelans, approuvés et exécutés partons les créanciers, sanc
tionnés enfin par la justice, mettant dans la même main le
titre de propriété et une possession de cent vingt-six ans,
forment un bouclier indestructible contre la folle et témé
raire demande qui nous occupe.
Que se passe-t-il après la mort de la dame Maréchal?
Les biens de son mari étoient couverts de dettes;
elle laissoit à la dame Revanger des créances contre sa
succession.
Le i 5 novembre 1693, la dame Revanger, sa fille,
renonce à la succession du père.
Immédiatement, les biens sont saisis par Quesmas et
la dame le Maistre.
Le 27 mars 1694, Qaude-Bernard Maréchal aban
donne ses droits aux saisissans, tant pour eux que pour
les autres créanciers. N ’examinons pas encore, si l’on
veut, les caractères de cet acte, mais souvenons - nous
bien que Claude-Bernard, n'espérant rien de la succes
sion, cède ou abandonne les biens aux saisissans, moyen
nant un prix pour lequel ces deux créanciers consentent
une obligation personnelle, même une garantie du fait
des autres créanciers.
Les 13 juin et 19 août i 6g 5 , deux sentences homo
loguent cet acte avec les créanciers.
lies 20 ,30 juin, 19 et 27 août, Claude-BernardMaréchal
Ratifie cet acte, le fait ratifier par son épouse et reconnoît
dans
�(4 0
dans un acte Judiciaire que la dame Revanger n’agissoit
plus que comme créancière.
Le 26 août, Marc Maréchal, à son tour, abandonne
ses droits aux créanciers moyennant un p r ix , et sa sœur
figure dans cet acte comme créancière.
Le 10 décembre 1697, les créanciers s’unissent pour
désintéresser Quesmas et la dame le Maistre ; ils les
payent et restent à leurs droits.
Le 14 février 1698, les sieurs et dame Revanger, Farjonel et autres, agissant dans tous ces actes comme créan
ciers, demandent l’autorisation de jouir des biens, nonobs
tant la saisie, et l’obtiennent par deux sentences des
10 mars et 10 juillet suivans.
Enfin, après avoir payé tous les créanciers, soit en
argent, soit en immeubles, la dame R e v a n g e r se présente
aux requêtes du palais comme créancière de Claude Maré
chal, son père, et procédant envers la masse des autres
créanciers; elle obtient, non comme héritière, sans doute,
mais par abnégation de cette qualité et seulement comme
exerçant les créances de sa m ère, deux sentences con
tradictoires , lesquelles qui ordonnent que la propriété
des biens demeurera, et appartiendra incommutablement auxdits Revanger; fait pleine et entière main
levée de là saisie réelle et des appositions.
E t en vertu de ces sentences, la saisie est rayée.
Voilà comment la dame Revanger, créancière de son
chef de plus de 300,000 francs en capital, non compiis
les droits d’autrui q u ’elle avoit acquis, parvient à conser
ver quelque chose d’une succession qui alloit être dévo
rée en frais de toute espèce, et y parvient en désin-
6
�( 42 )
téress.int tout le monde et en se chargeant à elle seule
d’une liquidation à laquelle, il est vrai, elle ¿toit inté
ressée , mais qui ne lui en coûte pas moins vingt-un ans
de soins, de peines et de travaux de toute espèce.
Qu’importeroit alors que les actes de 1694 et 1695
eussent ou n’eussent pas la valeur d’une vente? qu’ils
ne fussent qu’un simple abandon, même précaire, à des
créanciers ? seroient - ils moins une procuration pour
vendre et se faire payer sur les deniers? et oseroit-on
dire que la cession de biens qui décharge un débiteur
de tous ses engagemens, quelqu’énormes qu’ils soient,
n’est qu’une simple procuration ? D ’ailleurs, qu’importe ?
Les créanciers qui pouvoient vendre volontairement ou
judiciairement, à leur g ré , propriétaires ou procureurs
fondés, comme on voudra, n auroient pas moins vala
blement transmis la propriété des biens à la dame R evanger par un simple acte; à plus forte raison cela est-il
valable lorsque, du consentement de tous, cette fixation
de propriété, sur la tête d’un seul, est revêtue de l’au
torité imposante de la justice.
Mais comment douter que l’acte ne fût réellement
translatif de propriété, lorsqu’on y lit toutes les expres
sions qui maintiennent cette transmission ; lorsqu’on y
voit toutes les conditions essentielles au contrat de vente;
lorsqu’en ne-pédant q u ’une partie de ses biens à deux
créanciers de son père, Maréchal reçoit de ces deux créan
ciers l’obligation personnelle de lui payer un prix quel
conque,nonobstant toutes saisies, sauf celles des créanciers
personnels du vendeur, qui, sans doute, eussent eu des
droits sur les biens du père, si ces biens eussent été plus
�(
43
)
que suffisans pour acquitter les dettes de la succession.
A u reste, deux réflexions tranchent tout. E lle sont
extrêmement simples.
Quelques doutes qu’on pût permettre d’élever sur le
caractère des deux actes de 1694 et 1695, il n’en est
pas moins vrai que dans une cause dont tout le moyen
est tiré d’un prétendu vice de possession, il faut con
venir que la répudiation, jointe aux deux actes et aux
sentences qui les ont suivies et où sont parties les frères
Maréchal, constituent l’interversion de possession la plus
évidente, la plus formelle qü’on puisse invoquer, et
excluent la pensée d’une jouissance commune et par
indivis. Premier argument q u i, sans doute , restera
long-temps sans réponse.
L ’autre, que les sentences de 1 7 1 7 et 1 7 1 8 , rendues
avec les ayans droit et représentans, in ilia re, des frères
Maréchal, et signifiées dans leur temps, portant attri
bution ou confirmation de la propriété incommutable
au profit de la dame Revanger ; rien aujourd’hui ne
peut ébranler l’autorité de la chose jugée ; et certes, ce
ne sera pas après avoir souffert cent six ans d’une pos
session conforme à ces sentences, qu’on parviendra à
renverser l’ouvrage d’une partie intéressée, qui fit le bien
de tous avec l’autorité de la justice.
E n voilà, sans doute, plus qu’il n’en faut ; cependant,
disons encore deux mots pour achever de satisfaire le
cœur , car depuis long-temps l’esprit doit être convaincu.
Remarquons que Quesmas et la dame le Maistre ,
créanciers premiers en ordre, consentent à des termes
longs, sans intérêt pour le payement de leurs créances,
�( 44 )
pour se débarasser de tout, ce qui suppose qu’il n’y
avoit pas un si grand avantage à faire vendre ou à s’ap
proprier les biens.
Remarquons que dans l’acte de 1694 Claude-Bernard
Maréchal ne traite pas avec ses créanciers personnels,
dont les créances demeurent à sa charge, ce qui n’eût
pu être adopté, ni dans son intérêt propre, ni dans
celui de ses créanciers, si ceux dela succession n’en eussent
pas entièrement absorbé les biens.
Remarquons enfin qu’une très-petite partie des biens
seulement resta à la dame R evan ger, et que la terre
de Bom pré,dont la valeur actuelle est un objet d’envie
pour les appelans, a été plus que doublée depuis 1718,
par des acquisitions considérables des successeurs de la
dame Revanger; qu’ainsi elle ne lui resta pas alors en
payement de ses créances dans toute l’étendue qu’elle
a aujourd’hui. .
E t avec ces légères observations, croyant avoir tout à la
fois repoussé les paradoxes, réduit à rien les moyens de
droit, et démontré le vide des moyens de défaveur qu’on
veut rejeter sur les auteurs de la dame de Maistre, nous
aurons la pensée d’avoir plus que rempli notre tâche, et
nous te minerons, sans prétention comme sans apprêt,
une discussion qui n’exige pas qu’on sorte de cette simpli
cité qui est toujours le meilleur moyen d’une cause de
ce genre.
M e. d e V IS S A C , avocat.
M e. B R E S C H A R D , avoué-licencié.
T H I B A U D , Imprimeur du R o i , de la Cour royale et libraire, à Riom.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maistre, Amédée-Elizabeth-Louis de. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Breschard
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour le sieur Amédée-Elizabeth-Louis Baron de Maistre et la dame de Montblin, son épouse, intimé ; contre sieur Philippe-Charlemagne Van Duerne et la dame Maréchal, son épouse, appelans.
annotation manuscrite : « 13 juillet 1820, journal des audiences, p. 316. »
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2525
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2522
BCU_Factums_G2523
BCU_Factums_G2524
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53511/BCU_Factums_G2525.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournai (Belgique)
Bayet (03018)
Barberier (03016)
Bompré (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53510/BCU_Factums_G2524.pdf
5370f3c5aad552151a99b10e567947fe
PDF Text
Text
OBSERVATIONS.
- !: y
’
‘ ' '
.
• •r
L e Mémoire de monsieur et madame de Maistre suppose que,
par les actes d 'a bandonnement datés de 1694 et 1 6 9 5 , l e s frères
Maréchal ont vendu à leurs créanciers les biens composant les
successions des sieur et dame M a r é c h a l, père et mère. Les con
sultations qui précèdent, réfutent suff isamment cette fausse inter-*
prétation qu ’on voudrait donner aux deux actes,
i
I l en est de même de la transaction de 1697 , et des sentences
de 1 7 1 7 et .17 18 q ui ont prononcé la main-levée de la saisie réelle
des biens abandonnés; les jurisconsultes l ’ont complètement dé
montré , chacun de ces titres est une nouvelle preuve que l ’abandonn ement duquel ils se rapportent n'est pas une vente, et que
par eux-mêmes ils n ’ont pas pu opérer translation de propriété.
Mais il ne sera pas inutile d ’ajouter quelques observations sur
certains faits allégués par les adversaires.
Ils disent ( voyez page 9 de la p ièce justificative) que les sieur
et dame Revanger n ’ont jamais été chargés, par leur contrat de
mariage , de gérer et administrer la tutelle de Marie-Marc M aré
chal. Voici textuellement la clause de ce contrat où l ’obligation
dont il s’agit est imposée com m e condition de la donation faite
au profit de la dame R evanger.
�( a )
* Ladite future sera tenue, au lieu de la darne sa m cre, de
» toutes lés garanties auxquelles elle s’est engagée, de gérer et
» administrer en son l i e u t conjointement avec le sieur futu r, la
» tutelle et administration de Marie-Marc M aré ch a l, son fils
» m in e u r, et de l'exécution de tous les autres contrats par elle
» passés, même de l ’événement de tous procès et instances aux» cjucls elle peut avoir intérêt ; sau f à ladite dame future à en
» retirer p ro fit, sJil ch ééhdt »r:
■
!'
,fr:
II.
.. Les adveisaircs disent encore ( voyez page 3 de la picce justi—
ficaùvc ) que les dettes qui grevaient la succession de Claude
M a r é c h a l, excédaient de beaucoup l ’actif héréditaire qu’il avait
laisse.
¡11
o i
A quoi donc se montaient ces dettes? On n’a , sur ce point ,
que la déclaration des adversaires q u i, dans des conclusions
signifiées le 20 février 1 8 1 5 , font monter le total des dettes ù près
de deux cent m ille li v r e s , sa n s, pointant, en justifier une Seule,•
ils s’expriment^en ces te r m e s: 0
-
i ;;
« Attendu que, par la transaction du 1 0 décembre 1697 , les
» sieur et dame Revanger se sont obliges à payer à la dame le
» Maistre et au sieur Qucsmais toutes
les
sommes qui leur
» seraient d u c s , tant en principaux qu’intérêts et frais ; et que ,
)> moyennant celle obligation et popr la valeur d ’icclle, ils ont
» été mis en possession des biens saisis. ' '' ' •
) >l
1
» Attendu qu'ils ont acquitté toutes les dettes dont les suc» cessions des sieur, et dame Maréchal étaient g r e v é e s , et q u i j e
» sont élevées à pi'ès de deux cent /tulie livres; t
,
;; ¡,
’
r( f
[j
» Attendu que l ’acte du 10 décembre 1G97 ayant reçu soi! « n -
'
�(5 )
» tière exécu tion , les sieur cl darne Rcvangcr sont entrés en
» possession des terres de Botnprè, Perccnnat, Ncaux et autres ».
D ’un autre côté, il est constant et avoué (v o y e z page 8 de la
pièce justificative ) que la seule terre seigneuriale de Rom pre
est d’ un revenu annuel de quarante mille livres , quoique la sup
pression du régime féodal ait diminué son produit des cens ,
rentes et droits seigneuriaux qu’on trouve énoncés dans les actes
d’abandonnement. Cette terre seule valait donc beaucoup plus que
les deux cent m ille livres de dettes prétendues? Par conséquent
l’actif héréditaire de Claude Maréchal excédait considérablement
ic passif en ne considérant que la terre de B o m pré j com bien
cette vérité devient frappante si on joint à ccltc terre tous les
autres objets compris dans rabandonnement !
Ainsi , p ou r moins de deux cent m ille livres qu'ils auraient
payées aux créanciers, les sieur et daine Rcvangcr se seraient e m
paré des deux successions paternelle cl maternelle , dont la pre
mière se composait de plusieurs terres parmi lesquelles, i tait celle
de lio m p r é , q u i , seule , avait une valeur infiniment au-dessus de
toutes les dettes qu’on suppose avoir existé; car il est à remarquer
qu’aucun des actes du procès n’indique la quotité des préten
dues dettes ; tout annonce au contraire qu’on a pris bien soin de
Ja cacher aux frères M a ré c h a l, pour les efirayer davantage,
déterminer l’aîné à consentir rab an d o n n e m e n t, et confirmer le
plus jeune dans la résolution de prononcer des vœux monas
tiques.
III.
M onsieur et madame de Maistre prétendent ( voyez page G de
la pièce justificative ) que lors des sentences de 1.717 et 1 7 1 8 , les
�( 4 )
sieur et dame R evanger firentt assigi
assigner Claude B ernard et M arieM arc Maréchal. Ce fait est absolument controuvé.
D ’abord Marie-Marc M a r é c h a l, entré en religion depuis près
de vingt-deux a n s , était mort civilement et ne pouvait pas être
appelé en justice. A l ’égard de son fr è r e , la lecture des deux
sentences suff it pour p rou ver qu'il n’y a point été partie. O n y
voit seulement que l es sieur et dame R evanger ont assigné des
créanciers qualifiés d’opposans à la saisie rée lle, un autre créan
cier qualifié de subrogé à la poursuite de cette saisie, et un cura
teur aux biens abandonnés et saisis. Il résulte de là que la saisie
réelle avait subsisté nonobstant les actes d ’abandonnem ent, et
qu ainsi ces a c tes n ’avaient jamais été considérés com me des con
trats de vente. On voit aussi que les deux sentences dont il s’agit
ont été rendues sans y avoir appelé C laude-B ernard M aréchal ;
et com me elles n ’ont jamais été signifiées ni a lui ni à aucun de
ses descendans , elles s o n t , pour ces derniers , des titres clan
destins , q u i , par conséquent, sont incapables d’opérer la pres
cription , com m e le démontrent les jurisconsultes.
L e Chevalier V A N D U E R N E .
D E L '’ IM PR IM E R IE STÉRÉOTYPE DE LAURENS A ÎN É .
\
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Van Duerne. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Van Duerne
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations.
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Laurens Aîné (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2524
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2522
BCU_Factums_G2523
BCU_Factums_G2525
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournai (Belgique)
Bayet (03018)
Barberier (03016)
Bompré (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
-
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2321d47d679cd3812fe14bbc56032581
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Text
PIÈCE JUSTIFICATIVE
L e Mémoire et la Consultation, qu'on vient de lire , sontfondés
sur la défense opposée par M. et Madame de Maistre , à la
demande formée contre eux, par M. et Madame V an Duerne
pour prouver q u 'en effe t on a répondu exactement au système
des adversaires ; on a cru nécessaire de donner copie entière
du Mémoire q u 'ils ont f a it imprimer et distribuer en première
instance.
COPIE DU MÉMOIRE
P our M .
C ont re
et Madame de M A I S T R E , à Paris ;
M. et Madame V A N D U E R N E , de Bruges.
Un grand d o m a in e , la terre de B o m p r é , situé dans l'ancien
Bourbonnais , est de v e n u , depuis 12 0 années, la propriété exclu
sive de celle des branches de la famille M a r é c h a l, qui s’est unie
à celle de Revanger de Chassignoles ; il s’y est perpétue par une
transmission continue jusqu'à mademoiselle de M o n tb lin , der
nier rejoton des Re vang er , épouse aujourd’hui de M. le baron
de. Maistre. L ’autorité antique de la chose jugée , le laps d’ un
long tem ps, tout ce qui rend un droit parfait et irr é v o c a b le ,
s'était réu ni pour compléter celui de M. de Maistre durant près
�C2 )
d’un siccle el d em i.
ÎSuI
t r o u b l e , n u lle réclam ation : tout à
c o u p , ellfe reçoit de F l a n d i a , par le ministère d 'u n h u is s ie r ,
l ’extrait d ’actes n o m b r e u x de b aptêm e et de m ariage , qui lui
apprennent q u e , dans B r u g e s , se trouve une dam e V a n D u e rn e ,
descendant aussi bien qu’elle de la fam ille de M aréch al L ’exploit
g é n é a lo g iq u e présent;; l’identité d ’o rig in e c o m m e source d ’un
droit incontestable su r les biens de m adam e de M a is t r e , et finit
p a r une d em ande en partage de la terre de B o m p r é , soit-disant
in d iv ise. A la suite arrive bientôt la n o u v e lle prétendante : elle
s ’établit en F r a n c e , su r les li e u x , à côté de la terre ,
y exerce sa
s u r v e illa n c e , se plaint d ’a b u s , m enace de destitution , jo u it par
a v a n c e , et juge seule le p rocès.
1 1 y a ign o ran ce et légèreté dans cette conduite de m ad am e
V a n D u e r n e ; elle n ’a v u que ses ti t i c s , c ’est un t o r t ; elle
devait s’in fo rm e r de ceux de m ad am e de M aistre : il n ous suf
fira de .les e x p o s e r , p o u r
établir q u ’ils
n e sont susceptibles
d ’au cu n e critique.
V e r s la fin du d ix-septicm c s i è c l e , la terre de B o m p r é a p p a r
tenait à C la u d e M a r é c h a l , qui en était seign eu r j il avait épousé
M a r ie Ja c q u in c t de Pann cssièrc , et quatre enfans étaient nés de
ce m aria ge ; J
eanne
, F
r a n ç o is e ,
M ar c et C l a u d e - B e r n a r d .
C lau d e M aréch al de B o m p r é m o u ru t dans un âge peu avan ce ,
la terre de B o m p r é se trouvait dans sa succession ; il
laissait
b eaucoup do dettes cl trois héritiers , Jeanne , Marc et ClaiulcUcrnard. T o u s les trois étaient c n c o rc m in eurs ; la dam e Ja c q u in c t
de P a n n c s s iè r c , le u r m c r e , devint leur tutrice. Q u a n t à Frn nç o i s e , c lic avait fait des v œ u x ,
et sa profession de foi l ’avait
retranchée du m o n d e cl de sa fa m ille .
J e a n n e M aréchal épousa le sieur N icolas R c v a n g c r de C h assi¿'tiolcs; le.contrat de m ariage f u t ’ passé le a 5 ja n v ie r iGga., par-
�( s )
devant M® Cantat , notaire à M oulins. L a dame Jacquinct de
Pannessière y intervint et disposa , au profit de la future , dû
l'universalité des biens qu’olle laisserait à son décès : elle lui
donna notam m ent, est-il dit dans l ’acte , tous les droits , n o m s ,
raisons , actions et créances q u e lle pouvait avoir à prétendre sur
les biens qui avaient appartenu audit défunt messire Claude Ma
réchal son époux , seigneur de B o m b ré , soit pour la restitution
de ses biens dotaux... , soit pour les créances qu’elle pouvait
avoir acquittées sur lesdits biens , etc.
L a dame de Pannessière survécut peu à cette donation ; elle
6 3
mourut Je 18 septembre i g . Ainsi les successions paternelle
et maternelle se trouvaient ouvertes ; elles étaient dévolues aux
trois héritiers , Jeanne , Marc et Claude-Bernard.
Mais Jean ne Maréchal avait d’autres droits que ses deux frères ;
du chef de sa mère , et en vertu de son contrat de mariage , el!e
était créancière de la succession paternelle.
Le
novembre iGq , elle se présenta devant le lieutenantgénéral de la sénéchaussée du Bourbonnais , et renonça , tant h
25
5
la succession de son père qu’à celle de sa m è re , déclaran t, est-il
dit dans l’acte de renonciation , qu’elle s’en tient à la donation
universelle et générale qui lui a été faite par la daine de Jacquinct
sa m ère, en son contrat de mariage du
25 janvier
»692.
Jean n e Maréchal de Bom pré perdit donc tout droit de p ro
priété sur les biens héréditaires; elle fut réduite à scs créances.
L a terre de Bom pré passa exclusivement n M arc et à Claude*
B e r n a r d ; ils ne la conservèrent pas long-temps.
Les dettes qui grevaient la succession de Claude Maréchal de
B o m p r é , auteur c o m m u n , excédaient de beaucoup l'actif héré
ditaire qu'il avait laissé. La terre de Bompré avait élé mise en
saisie immobilière ; les créanciers s’étaient unis ; ils s’étaient fait
envoyer en possession des biens, eu qualité de séquestres; ils
réso lu ren t , pour 11c pas consommer leur gage en frais multipliés,
1.
�(4)
pour en devenir eux-mêmes propriétaires , et le vendre à leur
gré, d ’acheter les droits successifs des deux héritiers, M arc et
GJande-Bernard de Bom pré.
6 4
L e 37 mars i g * ac,e passé devant l’Evêque et V a le t , n o
taires au châtelet de P a i i s , entre Claude-Bernard Maréchal dç
Bo m pré , d’une part
et madame la présidente le Maistre et le
sieur Q uesm ais, d’autre part; ces derniers, tant en leurs noms ,
et com m e créanciers des sieur et dame de Bom pré décédés ,
qu'au nom et dans l’intéièt des créanciers 11011 comparans.
I l est dit dans cet acte, que les parties, p ou r éviter la multi
plicité des procédures , la dissipation des biens desdits » eur et
dame de Bom pré et le dépérissement d’iceu x, par le» fréquentes
lettres detat qui sont obtenues par ledit sieur de B o m p ré fils ,
qui n’y peut rien prétendre, attendu le grand nom bre des dettes
desdits défunts sieur et dame de B o m p ré , qui absorbent au-dela
de la valeur desdits b ie n s , lesquels, pour la plus grande p a rtie ,
sont saisis réellement aux requêtes du palais et aux requêtes de
l ’h ô te l,
Son t volontairement convenus de ce qui s u i t , savoir : que ledit
sieur de Bom pré , en ladite qualité d ’héritier desdits défunts
sieur et dame de Bom pré , ses père et mère , a présentenient céd é,
quitté , tran sporté, délaissé et abandonne auxdits sieur et dame
créanciers comparans et acceptant, tant pour eux , que pour les
autres créanciers non comparans , tous et chacun de scs droits
successifs,
p a rtie s, portions et prétentions, exprimés et non
exp rim és, que ledit sieur de Bom pré a , ou peut avoir à pré
tendre sur les biens , meubles et immeubles , bsstiaux et effets ;
tant vifs que m o r t s , délaissés par lesdits sieur et dame de Bom pré
scs père et mère , scs parts et portions dans les terres et seigneurie
de Bom prc , L o u ta u t, et dans les autres biens délaissés par scs
�•
0
9
(5 )
dits défunts père et mère , situés dans la province de B o u rb o n
nais ; plus la terre et seigneurie deN eau , situés dans la province
de INivernois, droits d’aînesse et de légitim e, etc.
Cette cession de droits successifs fut faite par Claudc-Bernard
Maréchal , moyennant la som m e de quatre mille livres. L ’acte
d’abandon fut homologué aux requêtes du palais à P aris, par
deux arrêts des
3 juin
6 5
i 6g 5 ,
et ig août i g .
Le 27 du même mois d’août
Claude-Bernard Maréchal
se présenta de nouveau devant les mêmes notaires , produisit son
acte de naissance, constatant qu’ il était majeur, ratifia, en tant q u e ,
de besoin , l’acte dont nous venons de transcrire une partie, et rap
porta même un acte , par lequel Catherine Ilaccart son épouse ,
ratifiait , confirmait et approuvait le contrat d’abandon ; enfin ,
il donna quittance pour solde du p rix de quatre m ille livres qui
lui avaient été promises.
L e 26 août 169*5, par devant Clore cl Croisier, notaires royaux
à M o u lin s, Marc Maréchal fil de même abandon et transport de
ions ses droits su ccessifs, aux c ré an cie rs, moyennant douze cents
livres , dont il donna quitiance.
A in s i, la famille Maréchal était tout-à-fait dépossédée de la
terre d e.B om pré : Jean ne avait abdiqué les droits q u e lle y avait
eus dans le principe , en ren o n ç an t, le a
5
novem bre 1 6 9 3 , à la
succession de son pfere. Marc et Claude-Bernard Maréchal avaient
cédé les leurs aux créanciers , et en avaient reçu le prix.
J e a n n e ne tarda cependant pas à rentrer dans la te rre , mais n o u
plus u titre de succcssiblc.
Com m e créancière de la succession paternelle, du ch e f de sa
m è r e , elle avait figuré parmi les créanciers u n is , qui s'étaient
�_.
*
rail envoyer en possession des liions, en qualité de séquestres, et
qui avaient ensuite acquis les droits successifs de Marc et de ClaudeBe rnard. L ’union des créanciers était propriétaire. Jean ne Maré
chal et son m a r i , le sieur Revanger de Chassignoles , n’avaient
d o n c , pour devenir propriétaires eux-mêmes, qu’à se faire céder
les droits de l'u n io n ; c’est ce qu’ils firent.
Ils commencèrent par payer un grand nombre de créanciers,
et ensuite ils se firent reconnaître en justice com m e administra
teurs-séquestres des biens ; ils entrèrent en possession de la terre
de B o m p ré , le 26 juillet j Gc)7 ; puis ils s’occupèrent de régulariser
leurs droits.
L e 1 0 d écem b re 1 6 9 7 , devant C le rc et Bazin , notaires à M o u
lin s , intervint un e transaction entre eux et les autres créanciers
un is
-, les p a y e m e n s d e jà faits p a r M . et m ad am e R e v a n g e r de Chas-
sinoles furent recon nu s : ils en firent de n o u v e au x , dont il le u r fut
d o n n é q u itta n c e , et e n fi n , ils contractèrent l ’obligation de p a ye r
dans des termes s tip u lé s , l’intégralité du su rp lu s. D e leu r c ô t é ,
les créanciers unis les su b ro g ère n t dans tous leu rs d ro its.su r les
biens héréd itaire s, ci n o tam m en t su r la terre de B o m p r é . O n cru t
n écessaire de faire h o m o lo g u e r la transaction en justice , avec
quelques créanciers qui n ’y avaient pas c o m p a r u , et elle fut h o m o
loguée en e f f e t , p a r doux arrêts du 1 o‘ m ars et du 1 0 juillet t 6 g S ,
l ’nu des requêtes du p a lais, l ’autre des requêtes de l’hôtel.
lijtiOn, M . et madame Revanger ayant satisfait à toutes leurs
obligations, ayant désintéresse tous les créanciers, les assignèrent,
tant aux requêtes du palais qu’aux requêtes de l ’h ô t e l, pour voir
dire, qu’en vertu de la transaction, ils demeureraient définitive
ment propriétaires des biens ; ils assignèrent en même temps
Claude-Bernard cl Marc Maréchal. L e 2
5 novembre
1 7 1 7 cl le
5o
juin 1 7 1 8 , intervinrent deux arrêts, qui les déclarèrent pr.opric-
�(1 )
taires incommutables J e la terre de B o m p ré ; e t , en exécution
de ces deux arrêts , les saisies réelles et les oppositions existantes
sur les biens furent radiées de tous registres , comme on le voit
par un certificat du garde des criées, eu date du 2 septembre 1 7 1 8 .
5
C ’est depuis cette époque, que la propriété de la terre de B o m pré a été consolidée dans la famille'de Ucvangcr de Chassignoles;
elle s’y est perpétuée sans interruption, elle y a fait constammei, t
la matière des constitutions dotales accordées aux aînés ; enfin
elle est arrivée jusqu'à la dame de Maistre.
On v o it , par ce peu de m o ts, que les droits de madame de
Maistre reposent sur la transaction du 1 0 décembre 1697 , sur
les arrêts du 10 mars et du 10 juillet 1G 98, qui l ’ont h om olo
25
5
guée, et sur ceux du
décembre 1 7 1 7 et du o juin 1 7 1 8 ,
qui ont déclaré M . et madame de Ucvangcr de Chassignoles, p ro
priétaires incom mutables; on voit e n fin , qu'à ces titres inatta
quables, se joint une possession plus que centenaire , non inter
rom pue, p aisib le, pu bliq u e, non é q u iv o q u e , à titre de p r o p rié
taire , possession qui suffirait à elle seule pour crcer un droit
définitif.
Com ment se fait - il donc que madame de Maistre est trou
blée dans sa propriété ? Ecoutons
maintenant madame V an
Duerne.
E lle fonde tous ses droits sur ce qu'elle descend en ligne directe
au quatrième ou cinquième degré de Claude-Bernard M a ré ch a l,
seigneur de B o m p ré , et de Catherine Haccart son épouse , et elle
ajoute : Ma ri e J a c q u in c t de Pannessicrc était chargée de la tutelle
de Marc et de C l aude -Bernard ; o r , en mariant sa fille Jeanncî
avec Nicolas Revang er de Chassignoles, elle chargea les époux, par
leur contrat de m a r ia g e , du
25 janvier
1 G 9 2 , de continuer la tu.-
�f lï
(8 )
Ielle de M arc et de Claude - B e r n a r d , cl d ’administrer tous leurs
biens. C ’est à ce titre unique de subrogés à la tutelle, que les sieur
et dame Revanger ont possédé et administré la terre de Bom pré.
Us ont joui depuis cette époque ; mais , d'une p a r t , ils n'ont j a
mais rendu compte des fruits; d ’autre p a r t, ni e u x , ni leurs
héritiers, n’ont jamais pu prescrire la propriété, parce qu’ils n’ont
jamais pu changer leur titre : et voilà p o u rq u o i, continue madame
V an D uerne, madame de Maistre, qui représente M. et madame
Revanger, doit restituer la terre de B o m p r é , et les fruits depuis
16 9 2 : voilà aussi pourquoi madame V an Duerne, qui est ClaudeBernard Maréchal tout vivant, est prête à recevoir les fruits depuis
1 2 6 ann ées, et la terre m ê m e , qui ne vaut guère que quai’ante
mille livres de rente.
C ’est là tout le procès ; c’est à ce petit con te, qui paraît flatter
infiniment l’imagination orientale de M . et madame V an Duerne,
que M. et madame de Maistre ont à répondre.
O n pourrait dire à madame V a n D u erne, que si elle établit suffi
samment qu’elle descend de Claude - Bernard Maréchal , rien
ne p r o u v e , du moius , qu’elle soit maintenant sa seule et uni
que descendante; mais nous ne voulons pas pointiller avec elle.
11 y
aurait, à côté de madame V an D u e rn e , di x , vingt héritiers
<le Claude-Bernard , elle n ’aurait à réclamer que le quarantième
de la terre de B o m p ré , que sans doute il lui serait encore fort
agréable de recevoir le quarantième de quarante m ille livres de
l’ente , et tous les fruits 11011 acquis à madame de Maistre par
la prescription.
N ous pouvons sans crainte attaquer directement son système.
E lle suppose, en prem ier lieu, que monsieur et madame de R e v a n g e r , représentés par madame de Maistre , ne sont entrés en
�(9 )
possession (le la terre de B o m p ré , que comme subrogés à la tu
13
telle de M arc et de Claudc- erriard, donl Marie Jacquiuct de
Pannessicre élail chargée.
Nous avons établi le con traire, et c e la , par des actes, par des
arrêts qui ne sont susceptibles d’aucune critique. E lle cite Je
5
contrat de mariage du a janvier 1692. Nous l’engageons à le
relire ; elle 11 y trouvera rien de ce q u elle avance : elle ne trou- '
vera ni dans cet acte , ni dans aucun a u tre , que M. et madame
Revanger aient jamais été chargés par la dame de Pannessière,
de continuer la tutelle de M arc
et de Claude-Bernard.
E lle suppose , en second lieu , que Claude-Bernard , aux droits
de qui elle se p la c e , aurait pu revendiquer la terre de Rom pre
sur M , et madame Revanger : elle veut maintenant exercer scs
actions, elle réclame de son c h e f; nous Ja renvoyons à l’acte
d'abandon du 27 mars 1694. E lle y verra que Claude-Bernard
Maréchal a ccdé tous ses droits successifs, soit sur la terre de
R o m p r e , soit sur les autres biens paternels el maternels ; qu’il
a reçu ce p r i x , qu’il en a donné quittance pour solde j. que même
la dame Catherine H acc art, son épouse , a ratifié le c o n tra t, <m
ce qui pouvait la con cern er, et qu’ainsi Claude-Bernard M aré
chal n ’aurait aucun droit à exercer, s’il pouvait se présenter luilïlême. O r , madame V an Duerne qui veut se mettre en son lieu
et p la c e , conviendra sans doute avec nous q u e lle ne peut pas
avoir plus de droits que lui.
C ’est là le m ol delà c a u s e , c ’est dans cet acte du 27 mars 1694 ,
qu’est principalement la décision du procès; il nous dispenserait seul
de tout autre m oyen : il faut que madame Van Duerne l ’ajtaque
et. le lasse annuller avant tout , ainsi que les décisions judiciaires
qui l ’ont h o m o lo g u é , si elle veut élever des prétentions sur Ja
terre de Bom prc ; et e n c o r e , en supposant q u e lle vînt à réussir,
3
�( 10 )
n ’aurait-elle pas renversé tous les obstacles qui la séparent de la
terre? Il faudrait ensuite qu'elle fit a n n u lle r la transaction de 1697
et les quatre arrêts qui s ’y rattachent. Il faudrait enfin q u ’elle
détruisît les effets d’une possession plus que centenaire, fondée
sur des titres et sur l’autorité de la chose jugee.
Nous laissons à madame V an D uerne le soin d’ entreprendre ce
petit ouvrage ; j u s q u e - l à , la demande qu’elle a formée pourra
justement être taxée de ridicule.
E lle a la même origine que madame de Maistre , voilà tout;
madame de Maistre s’en réjouirait sans doute, si l ’exploit qui lui
a signifie une parente nouvelle ne lui avait appris en même
temps , que la nouvelle parente ose demander ce qui ne lui appar
,
tient pas.
Ce mémoire est signé, M A U G U I N , avocat.
A Paris , de l ’imprimerie de D on dey - D u p r é , rue de SaintLou is , n° 4 6 , au Marais.
DE L’IM PRIM ERlE STÉREOTYPE DE LAURENS AI N E R UE DU POT-DE-FER ? N0«1 4
\
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Maistre. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mauguin
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièce justificative. Copie du mémoire pour monsieur et madame de Maistre, à Paris ; contre monsieur et madame Van Duerne, de Bruges.
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Laurent Aîné (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2523
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2522
BCU_Factums_G2524
BCU_Factums_G2525
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53509/BCU_Factums_G2523.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournai (Belgique)
Bayet (03018)
Barberier (03016)
Bompré (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53508/BCU_Factums_G2522.pdf
3f30e154d96ba07147758651358afada
PDF Text
Text
TT
f r f .
S */ ;!
4
■'l"l;i'
"I
*1;
t
MEMOI RE
A CONSULTER,
ET
l
CONSULTATION.
.
/
Madame M a r é c h a l de Bompré, épouse
de Monsieur le Chevalier V A N D U E R N E :
P our
Madame de M o n t b l i n , épouse de
Monsieur le Baron de M A IS T R E .
C ontre
�k W l W W W M W M t V W i m W U W M V A Ï l V V l W B V M W l l T O i m i 'W V K H M M l w . l M i w H V W W l M V V H V « « * »
MÉMOIRE A CONSULTER,
P o u r Monsieur et Madame V A N D U E R N E ,
appelans ;
C ontre
Monsieur et Madame de M A IS T R E y
intimés,
Q u e l q u e lo in que soit l’époque où se sont ouvertes les succes
sions que réclame madame Van D uerne, ses droits n’en sont pas
moins fondés et légitimes , s’ils n ’ont été détruits par aucune
espèce de prescription. C’est ce qui résultera des faits dont on
va rendre compte.
F A IT S .
Claude M aréch al, éc u y e r , seigneur de Bompré , en Bour
bonnais , épousa Marie Jacquinet de Pannessière ; leur contrat
de mariage, du 19 décembre 1667 établit entre eux communauté
de biens.
Il s eurent quatre enfans., Jean n e, Claude- B ernard, Françoise
et Marie-Marc.
Le père m o urut au mois de septembre 1 6 8 8 , laissant ses
x
�( 2 )
cufans en minorité. On dit que Françoise étüit déjà entrée en
religion, en soi te que la mère fut tutiice de sa fille aînée et de
ses deux fils.
A l’âge de vingt ans, Claude-Bernard alla demeurer a Tournay,
en Flandre, o ù , l ’année suivante, il se maria , sans l’assistance
de sa mère ; ce mariage opéra son émancipation.
On destinait Marie-Marc h la vie monastique, de manière que
la mère portait toute son affection à Jeanne , sa fiile aînée ,
comme on le voit par l ’union qu’elle lui fit contracter avec
Nicolas Revanger , fils d’un conseiller au présidial de Moulins.
E n effet, le contrat de mariage, qui est du a 5 janvier 1692,
porte donation universelle et entre-vifs de tous les biens de
sa m ère, et de tous les droits que la donatrice avait à exercer
sur la succession du seigneur de Bom pré , son mari.
Les conditions de cette donation sont d’abord une pension
alimentaire, au profit de la donatrice, et l’acquittement de
toutes ses dettes , à la commodité de la donataire ; ce qui fait
présumer qu’il n’existait point de dettes, surtout aucune n ’étant
énoncée.
.
De plus , la donataire s’oblige de garantir sa mcrc de toutes
recherches relatives aux contrats qu’elle peut avoir passés, en
qualité de tutrice de ses enfans : elle avait vendu des biens qui
leur appartenaient, comme héritiers de leur père.
La donataire , en o u tre , est tenue de 'la légitime de ses
frères ", cl enfin les deux futurs époux sont chargés conjointement
de eércr
et administrer la tutelle de Maric-Marc Maréchal.
O
A l’égard de Claude-licrnard Maréchal, il s’était émancipé par
mariage; mais la succession du père n’ayant pas été liquidée,
la part qu’il y avait se trouvait indivise avec les parts de sa sœur
cl de son frère. Ainsi la charge d'administrer los biens du mi-
�t 5 )
ncur en tutelle, comprenait nécessairement-l’obligation de gérer
ceux du mineur émancipé, jusqu’au moment du partage.
‘
E n exécution de celle donation universelle et entre-vifs , les
nouveaux époux sont mis en possession de tous les biens pa
ternels et maternels, ainsi que de tous les titres et papiers, pour
s’en servir , est il d it, en temps et lieux.
Cette possession de tous les biens indivis , parmi lesquels était
la seigneurie de Bompré , n’éprouve aucun changement jusqu’au
décès de la mère donatrice, c’est-à-dire, jusqu’au 18 septembre
16 9 3 .
Le 25 novembre suivant, la dame Revanger , sur le refus
que fait son mari de l’autoriser , se présenie seule devant le
lieutenant-général de la sénéchaussée de M oulins, accompagnée
d’un procureur qu’elle s’est constitué pour curateur, et déclare
renoncer aux successions de ses père et m ère, pour s'en tenir
à la donation portée en son contrat de mariage.
Les deux successions en conséquence deviennent la propriété
exclusive de Claude-Bernard Maréchal, et de son frère MariéMarc Maréchal.
L ’aîné de ces deux héritiers n'ayant plus à craindre sa mère ,
dont il s'était éloigné à cause des dégoûts qu’elle lui avait fait
éprouver , arrive de Flandre au château de Bompré , pour re*
cueillir sa part dans la succession de sou père. Il lui revenait
aussi dans Ja succession maternelle , sa légitime et sa préiogative d’aînesse sur les fiefs : ces deux objets n’avaient pu êiic com
pris dans la donation universelle faite à sa sœur.
On l’crtVaye par la crainte d’une multitude de prétendus
créanciers, qui , dit-on, poursuivaient, à Paris , devant les re
quêtes du palais et les requéles de l’hôtel , l ’expropriation de
tous les biens putcrncls et maternels. On le conduit dans celte
1.
�( 4 ) •
capitale, où il est livre à un procureur au parlement, qui
dirigeait les procédures. II cède aux instances réitérées , et le
27 mars i 6 ç)4 ¡1 signe un acte d’abandonnement de tous ses
Liens et droits successifs provenant de scs père et mère défunts , au
profit de la dame le Maistre et du procureur Quemais , qui se
disent créanciers poursuivans , et qui déclarent stipuler tant
pour eux que pour les autres créanciers non-comparans.
Rien ne justifie les qualités des deux poursuivans , ni leur
pouvoir de traiter au nom des autres créanciers ; ceux-ci ne
sont pas même n om m és, et nulle des prétendues créances n’est
énoncée.
Dans l'acte du 27 mars iGg 4 , particulier à Claude-Bernard
Maréchal , il se réserve expressément et ne cède pas les objets
que son père avait acquis de la dame de L on g eval,n i les sommes
que cette dernière pouvait devoir à ia succession paternelle.
On lui promet pour prix de son consentement au traité, une
somme de quatre mille livres , niais seulement à titre de grcitification /-attendu , dit-on, que la valeur des biens fcst plus
qu'absorbée par les dettes. Il est stipule, au surplus, que celte
gratification ne sera payable qu’à sa majorité, après qu’il aura
donné sa ratification à l’abandonncment ; en attendant , les
intérêts de cette somme lui seront payés.
1
Chose remarquable encore : il est ajoute que la gratification
et les interdis ne seront payés que sur le produit des revenus
Ou sur le fond des biens. Celle condition est répétée plusieurs
fois , tant les créanciers étaient résolus à ne pas s’obliger per
sonnellement au payement de la gratification promise.
Us ont bien soin aussi de stipuler que l’abandonnement n’em
pêchera pas de subsister les saisies réelles , mobilières , et les op
positions ; c’est une conséquence de riulcniion où ils sont de
�ê
(5)
ne pas s’obliger personnellement pour raison des biens mis à
leur disposition. Ne voulant pas les acquérir, il était juste qu’ils
conservassent la qualité de créanciers et le droit de poursuivre.
Par la même raison, ils ajoutent que les frais à faire en dili
gences et poursuites pour l’exécution du traité, ne seront pris
que sur les biens ; jamais ils ne s’obligent eux-mêmes, ils n'ac
quièrent donc pas; ils entendent au contraire que des poursuites
seront nécessaires de leur part pour obtenir leur payement.
Leur inteution est si formelle de rester créanciers après le
traité , qu’ils font renoncer Claude-Bernard Maréchal à toutes
lettres détat. On sait que , dans l'ancienne législation , c’était
un moyen d’empêcher les créanciers d’exproprier leurs débiteurs.
Daus le cas où Claude-Bernard Maréchal apporterait un obstacle
à l’expropriation , il se soumet à restituer la gratification de
quatre mille livres avec les intérêls, et à payer en outre une
indemnité de trois mille livres , plus, à être déchu de toutes
prétentions sur les biens de ses père et mère.
Apres ce traité , Claude-Bernard Maréchal aurait donc encore
pu arrêter les poursuites de ses créanciers. Il conservait donc
encore des droits sur les successions qu’il mettait à leur dispo
sition ; ce n’était donc pas une vente qu’il faisait , mais une
simple cession volontaire , un abandonnement.
Quoi qu'il en soit, sa majorité était arrivée depuis deux mois;
et il allait incessamment donner sa ratification et celle de son
épouse } comme il s y était obligé, lorsque Ton jugea convenable
de faire homologuer l’abandonncment du 27 mars 169 4 , avec
plusieurs créanciers qui n’y avaient pas comparu. La sentence
d'homologation rendue par les requêtes du pa'lais à Paris , est
du 19 août iGq 5 , et Claude-Bernard Maréchal 11’y a point été
appelé.
�(G )
Néanmoins ce dernier ratifia son abandonncment, par acte du
27 août i 6g 5 , et présenta un pouvoir que lui avait donné son
épouse, pour adhérer au même abandonncment ; ce qu’il fit
comme il l’avait promis. E n même temps il reçut la giatification stipulée.
L a veille du jour où cette formalité se passait à P a r is , par
les insinuations du procureur au Parlejnent, c’cst-à-dire, le
2.6 août i 6q 5 , on faisait signer à Moulins un pareil abandonnement par Marie-Marc Maréchal. On n ’avait pas eu besoin de
faire circonvenir par un procureur au parlement , ce mineur
qui faisait son noviciat dans un couvent de bénédictins ; devant
bientôt renoncer au m onde, il consentit à signer autant par
complaisance , que par indifférence, pour des biens qu ’il allait
prochainement répudier.
Son acte d’abandon est absolument semblable à celui qu’on
avait surpris à l ’inexpérience de son Ircre, sauf que celui-ci avait
fait réserve de ce qui provenait de la dame de Longeval, et que
l ’autre ne s’était rien réservé : on en conçoit aisément la raison
de la part d ’un néophyte religieux. On lui promit pourtant
une somme de douze cents francs, mais toujours à titre de
gratification , et avec stipulation expresse qu’elle ne pourra être
prise que sur les revenus des biens abandonnés. On ne voit
pas que celte somme lui ait été payée ; en avait-il besoin daus
sa retraite monastique ?
Il faut d ire aussi qu'il ne lui est pas imposé la condition do
n ’apporter aucun obstacle à la vente des biens par des lettres
d’état. O11 n’avait rien de semblable à craindre d'un jeune homme
qui voulait mourir au monde : 011 le soumet seulement à la
peine de rendre la gratification, s’il occasionnait quelqu’cmpcchcjneni à la vente des biens.
Pareillement 0.1 crut inutile d? lui faire promettre de ratifier
�( 7 )
en majorité; cette époque trop éloignée ne devait jamais arriver,
puisqu’il était à la veille de prononcer ses vœux. E n effet, son
entrée en religion cul lieu peu après; en sorte que toute ratifi
cation devint impossible.
« Par la mort civile de Marie-Marc Maréchal, ses droits dans
les successions de ses père et mère passèrent à son frère aîné
Claude - Bernard Maréchal; c’est avec lui seul que les traités
d’abandonnement devaient s’exécuter, comme étant devenu l ’u
nique héritier des sieur et dame Maréchal de Bompré.
Pressée de retirer le fruit des manœuvres par lesquelles elle,
était parvenue à obtenir de ses frères un abandon, la dame
Bevanger voulait que chaque créancier fut tenu de prendre des
biens en payement de ce qui lui était dû. Elle avait formé sa
demande à cet effet , conjointement avec quelques prétendus
créanciers ^ ses affidés; mais la dame le Maistre , en qualité de
poursuivante, et plusieurs autres, s y étant opposés, une sen
tence rendue aux requêtes du palais, le 26 mars 1697 , rejeta
sa prétention et- condamna les demandeurs aux dépens que
la dame le Maistre fut autorisée à employer en fra is de criées.
Cette sentence a donc jugé que les actes des 27 mars i 6g 4 et
26 août i Gg5 ne contenaient pas vente parles héritiers Maréchal;
car si les créanciers eussent été les propriétaires des biens cédés,
il n’y aurait eu réelhment que le partage pour sortir d’indivision,
lin proscrivant cette voie , les requêtes du palais ont décide' que
les actes d’abandonnement 11’avaienl pas enlevé la propriété des
biens aux héritiers M a ic c h a l , cl qu’ainsi la vente devait en etiv
faite aux crie'cs.
Cependant les sieur et dame Bevanger , qui ne craignaient
rien lant que de voir vendre les biens, .et surtout la seigneurie
de Bom prc, chcrchercut d’abord à *,’y maintenir , en se faisant
�(8)
n-ommer par justice administrateurs - séquestres , au rao;s d«
juillet de la même année 1697.
Ce n’était pas assez : il fallait écarter totalement les deux
poursuivans. C’est ce qui fit l’objet d’une transaction passée le
10 décembre suivant On y voit les sieur et dame Revanger ,
et un sieur Farjo n el, qui spnt cautionnés par les sieurs Revanger,
p ère, et Farjonel, fils, ils s'obligent solidairement à payer à la
dame le Maistre et au procureur Quemáis, tout ce qui peut
être dû à ces derniers en capitaux, intei'èts et frais , à raison
de 4jOûo liv. p a r a n , pour la dame le Maistre, e t d e 5 ooliv. par
an pour M e de Quémais.
Ces deux créanciers poursuivans n’agissent plus comme dans
l ’acte d abandonnemeut f.ùt par Claude-Bernard M a r é c h a l , tant
pour eux que pour les créanciers non-comparans ; ils ne stipulent
que pour ce qui les concerne personnellement. 11 n’est point
dit non plus dans celtc transaction combien il leur est dû,
ni à quel titre. Il est à remarquer qu’aucun acte , aucun juge
ment concernant celte affaire , n ’énonce en quoi consiste la
créance d’un seul des prétendus créanciers.
Au moyen des garanties que fournissent les sieur et dame
Revanger et le sieur F a rjo n el, père , ils sont subroges aux droits
des deux créanciers poursuivans, la dame le Maistre et le p ro
cureur Quémais.
t
Muuiü de jeette transaction , les sieur et dame Revanger, non
comme acquéreurs, niais c o m m e se disant créanciers de celle
de la succession du seigneur de Rompre ci son épouse, ob
tiennent aux requêtes du palais et aux requêtes de rhô.lcl , les
10 niai et 10 juillet i Gq8 , deux sentences qui les autorisent à
exécuter la transaction de 1G97, e t, en conséquence, à jouir
(des biens pour en employer les fruits au paiement des créan-
�1
( 9 )
ciers : en nièmc temps , il en ordonne que le commissaire aux
saisies-réelles les laissera jouir.
Quel devait être l’eflet de ces deux senlences qui déclaraient
commune , avec les autres créanciers, la transaction du 10 dé
cembre 1697 ? C’était seulement d’autoriser les sieur et dame
Revanger et le sieur Farjonel , père, à continuer les poursuites ,
en leur qualité de subrogés aux droits de la dame le Maistre et
du procureur Quémais. 11 n’en pouvait rien résultèr contre
Clauùe-Bernard Maréchal, qui n ’était point partie dans la tran
saction, ni dans les sentences qui en ont ordonné l’exécution.
Il n’en fallait pas moins suivre avec lui , comme devenu seul
héritier de ses père et m è re , l’effet des actes d’abandonnement,
c’est-à-dire, comme l’avait jugé la sentence du 26 mars 16 9 7 ,
procéder à la vente des biens aux criées , à la requête des créan
ciers poursuivans ou de leurs subrogés.
E n ont-ils agi ainsi? Won : les sieur et dame Revanger sont
rcste's en possession, sans faire usage de leur subrogation; et,
chose singulière, aucun des autres prétendus créanciers n'a élevé
la moindre réclamation pour faire procéder à la vente des objets,
q u i , disait-on, étaient leur gage. N’e st-o n pas bien fondé à
soupçonner de fraude tout ce qu’ont fait les sieur et dame Revanger, pour obtenir l’abaudonnement des biens, et pour ensuite
se perpétuer dans leur possession ?
«
Claude-Bernard Maréchal n’était pas aussi patient que ses pré
tendus créanciers, il faisait de fréquens voyages en bourbonnais.
Toujours de nouveaux prétextes empêchaient de lui rendre compte
de la liquidation des dettes de scs père et mère, liquidation qu’il
avait confiée aux créanciers représentes par la dame le Maistre
et le procureur Quémais , à qui les sieur et dame Rcvangcr
.avaient été subrogés. Il ne pouvait donc s’adresser qu’à ces dej--
^
2
�( 10 )
niers , surtout puisqu’il les trouvait en paisible possession de tous
les biens, dont aucun n’ayaitété vendu.
Résolu enfin de terminer, Claude-Bernard se rendit, en 1 7 1 6 ,
au château de Bom pré, ce fut pour la dernièie l'ois. Sa disparition
subite mit fin à ses importunités, qui devenaient à cette époque
'u n peu trop sérieuses pour les sieur cl dame Revanger. Nous 11c
parlerons pas des bruits qui coururent sur la cause de cet événe
ment; il en restait encore , il y a peu de temps, une fûchcuse
tradition.
On a vu que depuis vingt ans la possession des biens était
restée paisible entre les mains des sieur et dame Revanger ; il
11’avait plus été question de poursuivre la prétendue saisie-réelle ,
du moment ou ils avaient été subrogés aux droits des poursui
vons ; aucun créancier n’avait paru lésé par ce long silence. Com
ment se fait-il que la catastrophe de Claude-Bernard Maréchal
éveille des inquiétudes , que sa sœur et son beau-frère ne pa
raissent pas avoir conçues jusqu’alors, sur les formalités à rem
plir pour terminer le mandat contenu dans les actes d’abandonnement? C’est que du vivant de Claude-Bernard il était impossible
de finir avec l u i , sans lui rendre compte de ce que scs biens
étaient devenus dans les mains de scs créanciers. Ou n’avait
d'autre m o y e n , quand i] écrivait, ou qu'il se présentait, que
de tromper sa bonne foi sous toutes sortes de prétextes, plus ou
moins spécieux, qui le déterminaient à attendre.
M ais, après sa m ort, il laissait une veuve chargée de plu
sieurs cnCans en bas-Agc; ollo était fort éloignéo , et un voyage
dans le Bourbonnais ne lui était pas praticable. D ’ailleurs ,
elle l'cùt entrepris sans succès ; elle manquait des renscignemens nécessaires, qui ne se trouvaient que dans des papiers
disparus avec son mari. Le moment était donc favorable pour
/
�( 11 )
former une sorte d'obstacle , en cas d’une réclamation dans
l ’avenir par la famille de Claude-Bernard Maréchal.
En conséquence , dès l’année qui suivit la disparition fa
tale de cet infortuné, les sieur et dame Revanger rompent le
long silence qu’ils avaient gardé ; ils demandent aux requêtes
du palais la main-levée d’une saisie réelle, oubliée depuis vingt
a n s ; ils se fondent sur l'exccution de la transaction du 10
décembre 1 6 9 7 , et allèguent avoir désintéressé tous les créan
ciers , tant les poursuivans que les prétendans opposaus. Sur
celte demande , quelques créanciers comparaissent pour y
adhe'rer, d’autres font défaut.
11 ne fut donc pas difficile aux sieur et dame Revanger,
sam rien justifier, d’obtenir, le 25 novembre 17 1 7 , ' une
sentence q u i , attendu la subrogation et réunion des droits
des créanciers dans les mains des demandeurs , fair main-levée
de la saisie réelle, et les déclaré propriétaires incommutables
des biens saisis.
Ils avaient toujours parlé d’un grand nombre de créanciers,
sans jamais énoncer aucune des sommes qui pouvaient être
ducs ; ceux qui avaient élé appelés à cette première sentence,
ne paraissant pas assez nombreux , les sieur et dame Revanger
en firent assigner d’autres, l ’année suivante. Comme ce 11’était
pas des créanciers sérieux, aucun ne comparut ; et le 5o juin
1 7 1 8 , une sentence par défaut, déclara la précédente com
mune avec eux.
Aucune de ces sentences n’a été rendue avec Claude-Bernard
Maréchal ; 011 s’csl bien gardé de l ’appeler , ni lui , ni sa
v e u v e , ni scs enfans ; jamais elles 11c leur ont été signifiées;
en sorte qu’iuijourd’liui , pour la représentante de ClaudeBernard Maréchal , elles sont res inter alios acta , cl 11e peu
vent par conséquent lui être opposées.
�( »2 *)
Ce qu’avaient prévu les sieur et dame Revanger est arrivé.
La veuve de Claude - Bernard Maréchal, dans l’impuissance
d ’avoir des renseignemens suflisans pour réclamer ses biens du
Bourbonnais , passa quelques années dans des recherches qui
étaient encore infructueuses, lorsque, succombant sous le poids
de ses chagrins, elle alla rejoindre, dans la tom be, son mari
qu’elle n’avait cessé de pleurer.
Des enfans, dont l’éducation n’était pas encore achevée, étaient
trop jeunes pour s’occuper de leurs droits sur les biens qui
leur appartenaient en France. Il resta dans la famille de ces
orphelins , des souvenirs de toutes les injustices dont leur père
et mère s’étaient plaints souvent; mais ce ne fut qu'après bien
des années et par suite de divers événemens amenés par la
révolution , . que les descendans de Claude-Bernard Maréchal
parvinrent à sé procurer des titres capables d’être présentés
en justice.
Madame Van Ducrne , autorisée de son m ari, ayant découvert
que les biens de sou tuteur étaient restés dans les mains des
sieur et dame Revanger, qui les avaient transmis par successions
directes jusqu’à mademoiselle de Montblain , a réclamé contre
, cette dernière, devenue depuis épouse du baron de Maistre.
La demande en revendication a été portée au tribunal de pre
mière instance de Ganat , où un jugement par défaut, faille de
plaider, fut surpris contre monsieur et madame Van Ducrne , le
22 mai 18 18 . Il est motivé sur ce que les demandeurs , en ne so
présentant pas pour plaider , sont censés abandonner leur action.
Par exploit du 6 août suivant, monsieur et madame Van Ducrne
ont interjeté appel de ce .jugement devant la cour royale de
Rioin , où la cause se présente dans le même état qu'elle étuit
eu première instance.
�( ’3 )
Monsieur et madame de Maistre avaient fait imprimer un mé
moire où ils conviennent que la terre de Bompré leur vient en
ligne directe des sieur et dame Revanger. Ils ne peuvent pas se
dissimuler que, si ces derniers l’avaient recueillie à titre de co
héritiers, aucune prescription n ’aurait pu courir contre le s r e présentans de Claude-Bernard Maréchal. E n effet, l ’article aG
de la coutume de Bourbonnais porte, que nul ne peut prescrire
les poriions de ses copropriétaires, par quelque laps de temps
que ce puisse être.
C'est pourquoi monsieur et madame de Maistre imaginent de
soutenir que la dame Revanger, ayant renoncé aux successions de
ses père et m è r e , pour s'en tenir à la donation universelle
portée en son contrat de m ariage, elle a cessé d ’avoir aucun
droit sur ces deux successions , qui ont passé en totalité aux deux
frères Maréchal. O r , ceux-ci , par les actes de 1694 et 1 6 9 3 ,
ont vendu» tous leurs droits successifs à leurs créanciers; et ces
derniers en ont fait la vente aux sieur et dame Revanger par la
transaction de 1697. E n exécution de cette transaction, les sen
tences de 1 7 1 7 et 1718 ont déclaré les sieur et dan?e Revanger
propriétaires incommutables des biens : d o n c, c’est à titre d’acque'reurs qu’ils les ont possédés; donc , la prescription de trente ans
et plus a rendu inattaquable leur possession continuée dans leur
postérité.
'
On voit que ce système est fondé uniquement sur la suppo
sition que les actes de iGg4 et
i (hj5
sont des ventes. Si donc ce
ne sont que de simples abandounernens faits aux créanciers,
pour leur faciliter les moyens de se payer, il en résultera que
les héritiers Maréchal n’ont pas cessé dYtrc propriétaires desbiens
qui leur revenaient dans les successions de leurs père et m ère,
'• et que ct’s biens sont restés indivis entre les héritiers et leur sœur ,
�( i .4 )
qui y avait droit par la donation contenue en son contrat de
mariage.
‘
S i , d’un autre côté, la transaction de 1G97 ne contient qu’une
subrogation aux droits de deux créanciers seulement, il est évi
dent que les sieur et dame Revangcr ne sont pas devenus acqué
reurs , mais tout au plus subrogés aux droits des créanciers ,
qui n’étaient que mandataires , pour se payer sur les biens dont
ils avaient accepté la cession volontaire.
Dans ces circonstances , les jurisconsultes sont invités à s’expli
quer sur la légitimité de la réclamation de madame Y an Duerne ,
dont la qualité de descendante en ligne directe de Claude-liernard
Maréchal n’est pas contestée, et ne peut p a s l e t r e , d’après les
actes authentiques de sa généalogie,
L e chevalier V AN D U E R N E .
p c L ’ i M P n i M r . n i n s t î h é o t y v e d e l a u r e n s a 1k é > h u e d u i*O T -D E - *E n , m», i / <t
�CONSULTATION.
Conseil, soussigné, qui a pris lecture d’un mémoire à
c o n s u l t e r pour monsieur et madame Van Duerno, des pièces qui y
sont énoncées, et d’un Mémoire imprimé pour monsieur et m a
dame de Maistre,
L
e
Est d'avis que madame Y a n Duernc , comme représentant
Claude Bernard Maréchal, son bisaïeul, est fondée à revendi
quer les biens que ce dernier a recueillis des successions de scs
père et m ère, et qui se trouvent dans la possession de madame
de Maistre, à qui ils sont échus par une suite de successions di
recte venues des sieur et dame Revanger, ses auteurs.
Il est de principe que l ’héritier est considéré comme la con
tinuation de la personne du défunt ; qu'ainsi telle qu’est la pos
session de ce dernier, telle est celle de ses héritiers in infinitum , comme disent tous les docteurs , et notamment Pothier
en son Traité de la possession, n° 57 ; D o m a t, Titre de la pos
session et des prescriptions, section 4, n° 18. C ’est en confir
mation de cette ancienne législation, que le Code c iv il, article
2 2 3 7 , a consacré cette vérité, qui est écrite également dans les
lois romaiscs : usu capere hcrcs 11011 p o lcrit , quod dcfunctus non
potmt : idem juris est cimi de longd /¡ossessione qiuvritur. L .
1 1. f f . de dà’crs/s temporibus prvscript.
11 u ’est donc pas douteux que madame de Maistre possède la
�( Ifl )
terre de B o m p r’ , qui lui vient par héritage des SiC’j r ei dame
Revanger, au môme titre que ceux ci Tout possédée et trans
mise à leur postérité.
Maintenant examinons de quelle nature était la possession
des sieur et dame Revanger; ensuite nous verrons si cette pos
session bien caractérisée a pu donner, cours à la prescription.
A h tîc le
I er.
Quelle a été la possession des sieur et dame Revanger.
L ’oniGiNE de celle possession est la donation faite à la dame
Revanger par son contrat de mariage.
Après le décès de sa mère donatrice, la dame Revanger re
nonce aux successions de scs père cl mère , pour s’eu tenir ¿1 sa
donation.
*
Les deux frères, devenus seuls héritiers de tous les biens pa
ternels , ainsi que de la legitime coulumière cl feodale dans les
biens maternels, font, en 1694 et ^ 9 5 , abandonnement de
tous leurs biens cl droits successifs à leurs créanciers.
Au mois de juillet 1 6 9 7 , les sieur et dame Revanger se font
nommer administrateurs-séquestres des biens saisis.
L e 10 décembre suivant , esl passée une transaction , par la
quelle les deux créanciers poursuivans consentent la subrogation
de tous leurs droits , au profit des sieur et dame Hevanger et d’un
sieur Farjonel , lesquels s’obligent solidairement à les payer in
tégralement.
En 1 7 1 6 ,
Claudc-Dcrnard
M aréchal, resté seul héritier de
scs père e t,m ère, depuis que son frère est entré en religion ,
vient en Bourbonnais réclamer le compte que lui devaient ses
créanciers ou leurs subrogés; mais il disparaît sans avoir obteuif
justice.
�( »7
)
Profitant de cette catastrophe, les sieur et dame Revanger
rompent leur long silence de vingt ans , et , sans appeler ni
Claude-Bernard Maréchal, ni sa veuve et ses enfans, font pro
noncer la main-levée de la saisie-réelle , et déclarer qu’ils sont
propriétaires incommutables, par deux sentences des requêtes
du palais, rendues en 17 1 7 et 1 7 1 8 , avec des créanciers désin
téressés , dont la plupart ne comparaissent pas.
C ’est dans cet état que la terre de Bompré et scs annexes est
restée en la possession des sieur et dame Revanger, et est parve
nue, à titre de succession , jusqu’à madame de Maistre.
E x a m in o n s de quelle n ature était la possession des sieu r et
d am e R e v a n g e r à chacune de ces époques.
§• I-
De la donation.
E
n
exécution de la. donation u n iv e rse lle et e n tre -v ifs, portée
en son contrat de m ariage , la d am e R e v a n g e r est entrée en p o s
session de tous les biens m aternels : ils étaient indivis entre elle
et scs frères.
E u effet, la donation universelle des biens maternels ne pou
vait pas comprendre la légitime des deux fils M aréch al, ni la
prérogative de l ’aîné sur les fiefs. Ces objets, il est vrai , ne
pouvaient leur être livrés qu’au décès de la donatrice, mais la
nue propriété ne leur en appartenait pas moins.
Quant aux biens paternels , la dame Revanger s'en est mise
également en possession, en vertu de la clause qui, dans la do
nation , la chargeait , conjointement avec sou m a r i, de gérer
et adm inistrer, au lieu et place de la donatrice, la tutelle de
Marie-Marc Maréchal. Cette administration comprenait néces
sairement aussi la portion de Claude-Bernard M aréchal, puisque
3
F»
�(
)
Ja succession paternelle n’avait été ni liquidée, ni partagée entre
les trois enfans.
Ainsi les biens paternels et maternels étaient en état d’indivision
eutre les mains de 1a dame Revanger; car scs frères y avaient
des droits comme elle. Un partage potTvait seul faire cesser l’in
division.
S-
II-
D e la renonciation a u x successions.
Après que la dame Revanger, en jGg^, eût renonce aux suc
cessions de ses père et mère défunts , pour s’en tenir à sa dona
tion , la possession qu’elle1 avait des biens maternels , comme
donataire, n’a point changé de nature. Ces mêmes biens n’en
étaient pas moins indivis avec ses frères , pour leurs légitimes
coutumière et fcodale. La seule différence est que , par le décès
de la mère donatrice, ces. deux sortes de légitimes étaient deve
nues exigibles. Ainsi les portions des deux frères Maréchal dans
les biens de leur m è r e , sont encore restées indivises en la
possession de leur sœur.
Il en a été de même des biens paternels. E n vertu de sa do
nation , la danic Revanger avait droit à la communauté d ’entre
son père, et sa mère, et à exercer les reprises de sa mère sur ces
mêmes biens , qui, du reste, appartenaient aux deux fils Maré
chal , seuls héritiers de leur père depuis la renonciation de leur
sœur. Les biens paternels , après celte renonciation , oui donc
coulinué d’étre possédés par la dame Revanger dans un état
d ’indivision.
I)e p lu s , elle avait etc chargée de les gérer cl administrer au
lieu et place de lu mère tutrice, qui l’avait ainsi ordouné comme
condition de sa donation. L a dame llevangcr tenait donc les
�( «9 )
biens paternels, non-seulement à titre d’indivision , mais encore
à titre précaire d’administration.
Ce litre précaire s’étendait également aux portions légitimaires
que les deux frères Maréchal avaient dans les biens 'maternels ;
car ces portions indivises faisaient partie de la tutelle que la dame
Revanger s’était obligée à gérer et administrer.
ii
A in s i, après sa renonciation aux successions de ses père et
mère , elle a continué de posséder , à titre d’indivision et à titrç
précaire, les biens paternels et les biens maternels. Donc , tant
que sa possession a conservé ce double caractère , la prescription
n’a pu commencer, comme on le verra par la suiie.
§•
III.
Des actes cVabandonnement.
Il n’existait ni liquidation , ni partage des biens paternels et
vmaternels possédés par Ja dame R evan ger, lorsque scs deux
frères , prenant qualité d’héritiers de leur père et mère , ont
abandonné leurs droits successifs à leurs créanciers, par actes
passés, pour Claude-Bernard Maréchal, le 27 mars 169 4 , et
pour Marie-Marc Mare'chal, le 26 août i 6g 5 .
On connaît en droit la cession judiciaire , qu’on nomme aussi
cession forcée , parce que le débiteur obtient un jugement qui
force ses créanciers à la recevoir.
L a cession volontaire est celle que les créanciers acceptent
volontairement, par acte passé d’accord avec le débiteur, 011 la
uonunc alors abandonnement.
Jamais la cession judiciaire ou forcée ne peut être conside'rée
comme une vente ; elle n’est qu’un mandat donne aux créan
ciers , pour so payer sur les biens , soit par les revenus , soit
par le prix de la vente qu’ils sont autorisés à poursuivre.
3.
�( 20 )
Q u a n d les créanciers acceptent v o lon tairem en t les biens du
débiteur , il peut y a v o ir aliénation ; et alors c ’est un e vente ,
q u i,
p o u r être v a la b le , doit a v o ir tous les caractères essen
tiels à ce genre de contrat.
S i la
con ventio n .n’exp rim e pas
u n e vente fo rm ellem en t , si le débiteur s’est contenté de mettre
ses biens à la d isposition de ses créanciers ,
c’est un
sim p le
ab an d on n em en t , c’est-à-d ire , u n consentement à ce que les
créanciers se p ayen t s u r les biens q u ’on les autorise à ven d re.
Cette espèce de m andat étant purem ent v o lo n ta ir e , est suscep
tible des diverses con d itio n s q u ’il plaît aux parties de stip u le r;
m a i s , dès q u e l ’aliénation des biens ab an d on n és n ’y
est pas
c la ire m e n t e x p r i m é e , 011 11e peut pas l’y su p p léer, parce q u e ,
p o u r o p é re r une exp ro p riatio n volon taire , il faut q u ’il a p p a
raisse in d u b ita b le m e n t, d ’un c ô t e , la volon té de v e n d r e , de
l ’autre , la volo n té d ’ac q u érir.
A i n s i , q uan d cette do ub le v o lo n té 11’est pas e xp rim ée, quelles
,
que soient
d ’ailleurs les conditions convenues
biens
créanciers n’est toujours q u ’un aban d on n em en t. 11
aux
la rem ise des
11e p r iv e le débiteur que de la jo u issan ce des objets q u ’il ab an
d o n n e , et n u llem en t de le u r p ro p riété. E l l e cesse d e lu i a p
p a rte n ir à l ’épo q u e seulem en t o ù les créanciers , usant du p o u
v o ir qui le u r est conlié , fo nt p ro c é d e r à la vente.
Cette vérité est trop c o n n u e , p o u r q u ’il soit besoin de l ’a p
p u y e r de nom b reuses autorités. C iton s celle de P o tliie r ,
q u i,
dans son T ra ité du d o m ain e de pro priété , n° 3 7 3 , s’e x p ri me
en 1ces termes :
« U n d ébiteur qui fait à scs créanciers une cession et nban*
» don de scs b i e n s , soit en ju s t ic e , s o i t lun t r a n s a c t i o n , ne
„ perd pas par cet ab an d on le d o m a in e de propriété des c h o ie s
» qui lu i ap p a rtie n n e n t, c om prises dans cet a b a n d o n , ju sq u ’à
» ce
q u ’en exécution de cet ab an d on , elles ay cn l etc vendues et
�»
»
*
»
( 21 )
livrées aux acheteurs. Cet abandon n’est censé être autre
chose qu'un pouvoir qu’il donne à ses créanciers de jouir
de ses biens et de les vendre pour se payer de leurs créances , tant sur les revenus que sur le prix. »
Pour appuyer son opinion, qui n'est que l’expression de la
jurisprudence la plus constante , notre célèbre jurisconsulte
invoque la loi 3 au digeste de cessionc bonorum , qui porte :
Is qui bonis cessit anlè reruni venditionem , utique bonis suis
non caret.
C’est sur le même fondement que la cession et l ’abandonnem en t, lors du régime féodal , ne donnaient pas ouverture au
droit de lods et vente au profit du seigneur. « Il n’y a pas
» de mutation, dit llcnriqu ct, dans son Code des Seigneurs,
j> et]Hauls Justiciers, chapitre 6 , question 55 ; les créanciers,
» ajoute - 1» i l , ne sont que des régisseurs, ils ont seulement
a procuration de vendre, et le débiteur n’est que dépossédé
» sans être exproprié. »
Voyez aussi Guyot , Traité des fiefs, chapitre a , n° io. Poquet de Livoniarc , sur la même matière , rapporte un arrêt
du parlement de Paris, en date du 16 septembre 1G60 , qui
a jugé qu’un débiteur n’est point privé de la propriété des biens
qu’il a cédés à ses créanciers.
A in si, nul doute qu’une cession de biens faite judiciairement,
ne puisse jamais être qu’un mandat. La cession volontaire, ou
autrement d i t , l’abandonnement n’est également qu’ un pouvoir
donné aux créanciers , à moins qu’il ne contienne expressé
ment les caractères d ’un contrat de vente.
Les actes des 37
sions volontaires ,
des caractères du
ciers y manifestent
mars 1G9Î cl aG août îGçp , sont des ces
des abandoiinemcns. L ’on u y trouve aucun
contrat de vente; au contraire, les créan
l'intention formelle de n’être pas acquéreuis ,
�( 22 )
et de conserver leur quaüte de créanciers sur les biens aban
donnés. Ces actes ne sont donc que de simples mandats. Pour
en être convaincu , il suffit de jeter les yeux sur leurs prin
cipales dispositions; comme ils sont rédigés l’un et l’antre de
la même manière, tout ce qu’on dira de l ’abandonncmcnt fait
en
par Claude-Bernard Maréchal, s’appliquera nécessai
rement à rabandonnement fait en i 6g 5 p ar sou frère MarieMarc Maréchal.
i ° Après l’éuumération des objets abandonnés , il est dit :
« P o u r, par lesdits sieurs et dames créanciers , jouir desdils
» biens , meubles et im m eubles, et exercer les droits et actions
» qu’ils aviseront bon être. »
Il n'est pas ajouté que les créanciers en disposeront comme
de chose à eu x appartenante. C'est la clause ordinaire qui
caractérise l’expropriation du vendeur au profit de l’acquéreur.
Les créanciers ne sont donc investis que de la faculté de jouir
des meubles et im m eubles, et d’exercer les droits et actions ,
comme ils aviseront bon être , parce qu’il ne s’agit que de
leur faciliter les moyens de sc p ayer, suivant les règles pres
crites en matière de simple abandonneraient.
2° Les créanciers stipulent ensuite que les saisies mobilières,
immobilières et les oppositions demeureront dans leur force et
vertu. Ils n'entendaient donc pas faire une acquisition ; car
elle aurait nécessairement éteint toutes saisies et oppositions sur
les vendeurs. On n’aurait pas pu continuer de saisir contre
eux ce qui aurait cesse «le leur appartenir. D ’un autre côté, les
créanciers ne pouvaient pas poursuivre la saisie de choses qui
seraient devenues leur propriété. On voit par cette clause, qu'ils
n’avaient d ’autre but que de parvenir à sc payer sur les biens
sans obstacle de la part de leurs débiteurs ; c’est-à-dirô que. ceux-ci
lie faisaient pas une vente, mais un simple abandonuemeut.
/
*
�( 23 )
- 5° C’est pour celte raison que le débiteur promet de remettre
aux créanciers tous les titres et papiers concernant les biens et
droits délaissés , cédés et abandonnés , et cu ’on ne se sert pas
de l’expression vendus ; car il ne s’agissait*pas d’une vente , mais
d’un délaissement, d'une cession , d’un abandonnement.
Aussi est-il ajouté qu’il sera fait inventaire des titres, et qu’au
bas madame de Maistre s ’en chargera. Jamais dans un contrat
de vente , l’acquéreur ne se charge envers le vendeur des titres
remis par ce dernier , parce qu'ils deviennent la propriété de
l ’acquéreur. Madame de Maistrc, en s’engageant à représenter
les titres des biens cédés , n’entendait donc pas faire une acqui
sition.
4° Une clause postérieure porte que le présent délaissement et
abandonnem ent , et non pas la présente vente, est faite moyen
nant quatre mille livres pour Claude-Bernard Maréchal , et seu
lement douze cents livres pour son frère ; mais ces deux sommes
ne sont promises que par forme de gratification , à prendre sur
les biens cédés. Cette condition caractéristique du traité y est rap
pelée plusieurs fois. D ’abord, à l’occasion des intérêts des quatre
mille livres promises à Claude-Bernard M aréch al, on lit que ces
intérêts seront pris sur les fruits recueillis l’année précédente; et
dont, en conséquence, la vente sera faite incessamment. Plus bas ,
il est ajouté : « bien entendu que le payement des quatre mille
» livres, promises audit sieur Maréchal , sera fait des deniers pro» venant desdits biens abandonnés, soit des revenus, soit des
* fonds ».
La même stipulation se trouve pour les douze cents livres de
gratification promises à Marie*Marc Maréchal ; elles ne doivent être
prises que sur les revenus des biens ccdcs.
Pouvflit-on exprimer plus clairem en t que les so m m e s p r o m ise s
n ’étaient pas le p r ix d ’une v e n te , mais celui du consentem ent que
�( 24 ) ‘
Jcs débiteurs voulaient bien donner à ce que les créanciers pus
sent, sans empêchement, disposer des biens pour se payer ? 11 est
de l’essence de la vente que l’acquéreur soit obligé personnel
lement au payement du prix convenu ; i c i , les créanciers répè
tent plusieurs fois qu’ils n’entendent pas s’engager personnelle
ment , que les sommes qu’ils allouent à leurs débiteurs ne sont
pas un prix de vente , mais seulement des gratifications ; qu’à
cet effet elles ne seront pas acquittées de leurs deniers , mais
uniquement sur le produit des biens cédés. Ce n’était donc pas
une vente qu’entendaient faire les parties, ce n’était qu'une ces
sion volontaire, un simple abandonnement.
5° Le but des créanciers n'était évidemment que d’obtenir un
libre cours aux poursuites qu’ils faisaient pour être payés , sans
craindre les obstacles que leurs débiteurs pouvaient y apporter.
Ce motif est exprimé bien clairement dans le préambule des
deux a ctes, et plus spécialement dans celui fait avec Claude-Ber-
nard Maréchal. On y déclare que les parties se sont déterminées
à traiter, pour éviter la multiplicité des procédures, la dissipa
tion des biens, leur dépérissement, p a r les fréquentes lettres
d ’état qui sont obtenues p a r ledit sieur de Bompré , fils .
En conséquence, l'une des conditions auxquelles les créanciers
paraissent mettre le plus d’importance, est celle où Claude-Bernard Maréchal renonce à toutes lettres d'état obtenues cl ¿1 obtenir ,
sous peine d'etre privé et déchu de ladite somme de quatre
mille livres et des intérêts ii lui ci-dessus promis , et de toutes
prétentions qu'il pourrait avoir contre
su r les biens desdits
sieur et dame de Bompré , et même de payer auxdits sieurs et
dames créanciers la somme de trois mille livres de peine , sans
qu elle puisse être réputée comminatoire.
Des lettres d’état, dans l ’ancienne législation, étaient des dé
fenses faites aux créanciers de poursuivre leurs débiteurs. Le
�C 25 )
Roi accordait cc secours à ceux qu’il jugeait mériter de l'indulgence.
Si les créanciers de Claude - Bernard Maréchal s’étaient re
gardés comme acquéreurs , auraient-ils pris tant de soin de le
faire renoncer à toutes lettres d’état ? Elles n’avaient aucun efl’et
sur les contrats de vente. Us savaient donc que la cession , qui
était faite par Claude-Bernard Maréchal, ne le privait pas de sa
propriété, et qu’ils devaient rester ses créanciers. Voilà pourquoi
ils craignaient que leur débiteur les entravât dans la poursuite de
leurs droits.
f
Si la convention faite avec lui eût été une vente, auraientils stipule qu’il n’aurait plus de gratification à espérer? Devenus
propriétaires incommutables des. biens aliénés à leur profit, les
créanciers seraient restés nécessairement débiteurs du prixicon
venu , et dans aucun cas , J e vendeur n’aurait pu être p a y é de
la faculté de s’en faire payer.
Ce 'qui achève de convaincre rpue les créanciers ne se regar
daient pas comme acquéreurs , c’est qu’ils font renoncer ClaudeBernard Maréchal à toutes prétentions sur les biens cédés } s’il
viole sa promesse de ne pas recourir à des lettres d’état. 11 con
servait donc des droits sur les biens ; il n’en faisait donc pas la
vente; ce notait donc qu’un abandonnemcM , un simple mandat.
La peine à laquelle il se soumet de payer trois nsille livres
d’indemnité, n’est pas pour le cas où il ne livrerait pas les choses
par lui cédées ; c’était seulement pour le cas où , contre sa pro
messe , il obtiendrait des lettres d’etat. Ceux à qui il rcmenait
ses biens restaient donc scs créanciers ; ils craignaient donc la
suspension do leurs poursuites par des leitrcs d ’étal, qui ne
s’accordaient qu’aux débiteurs menacés d expropriation. Par le
traité , Claude-licriiiud Maréchal n’était donc pas exproprié; scs
créanciers conservaient donc le droit d’exercer leurs créances sur
Jcs biens cédés ; ils n’en faisaient donc pas l’acquisition.
4
�( ’G )
6° Les parties ajoutent que 'toutes diligences et poursuites
pour l’exécution du traité, et pour son homologation , seront
faites au x f i a is desdita biens , et chacune constitue , à cet cfiet,
un procureur à Paris, et un procureur à Moul ins.
S ’il eût été question d’une vente , la seule exécution entre les
vendeurs et les acquéreurs, eût été, d’une part, de payer le
prix convenu, et, de l’autre, de donner quittance; car les
objets cédés étant saisis, se trouvaient sous la main des créan
ciers, la tradition en était effectuée. 11 n’y aurait donc eu lieu
à aucune diligence, à aucune poursuite ultérieure. La consti
tution des procureurs au parlement de Paris, cl à la sénéchaussée
de Moulins , n'c&t eu aucun o b je t, surtout quand on voit que
ces procureurs ne sont chargés ni de p a y e r, ni de recevoir.
On conçoit au contraire que le traité n’étant quu’n simple
abandonnement, les créanciers ne pouvaient disposer des biens
qu’en qualité de mandataires responsables; et qu’ainsî des for
malités de poursuites leur étaient nécessaires pour parvenir à
à sc payer sur les biens abandonnés.
L a clause dont 011 parle est donc une preuve que les créan
ciers ne sc regardaient p a i comme acquéreurs de ces mêmes biens ,
et que les héritiers Maréchal n’en avaient pas perdu la propriété.
Ÿ Veut-on «ne nouvelle preuve que l'abandon était fait uni
quement pour faciliter la vente? Q u ’on lise la dernière clause
du traité : il y est dit que si Claudc-Bcrnard Maréchal fo rm e
aucun empêchement, directement ou indirectement à la vente
et disposition des b ien s , il demeurera déchu des sommes à lui
prom ises , et restituera celles qu’il pourrait avoir reçues, et p a r
corps , comme provenant d'effets saisis en justice.
L ’abandonncmcnl de Marie-Marc Maréchal porte aussi q u e ,
s’il fait aucunement obstacle à la venlc, il sera tenu de rendre la
gratification qui lui est promise.
�( 27 )
Pour l'exécution du traité, on devait donc procéder à la vente
des.biens; les débiteurs cedans y conservaient donc des droits >
en vertu desquels ils auraient pu former des empècbemens à
cette vente. L a gratification promise n’était donc pas le prix d’une
acquisition à payer par les créanciers , puisqu’elle était à prendre
uniquement sur les biens. C’est pour cela qu’on la déclare p ro
venant de deniers mis sous la main de la justice. L a saisie res
tait subsistante après le traité ; donc il n’était pas. un contrat
d’acquisition ; c’étail évidemment un abandonnement , qui ne
donnait aux créanciers que le pouvoir de vendre les biens , et
qui interdisait au débiteur la faculté de s’opposer à la vente que
voulaient en faire les créanciers pour se payer de leurs créances.
8 ° Après avoir examiné séparément les clauses caractéristiques
des deux actes
il n’offrira pas
mot n’y est pas
qualifient ni de
convention faite
de 1694 et i 0 q 5 , considérons leur ensemble :
davantage les apparences de vente. Ce dernier
écrit une seule fois; jamais les parties ne s’y
vendeurs, ni d’acquéreurs. Continuellement, la
entre les créanciers et leurs débiteurs est appelée
ou délaissement, ou abandon , ei les biens qui en font l’objet
ne sont pas désignés autrement que comme biens cédés, délais
sés, abandonnés, parce qu’en clFet les héritiers Maréchal ne
faisaient pas une vente, mais une cession, un délaissement, un
abandonnement.
Cette attention de ne point énoncer les mots vente et acqui
sition , cadre parfaitement avec toutes les clauses qu’on vient
d analyser, et d ou il resulte que les créanciers ont l'intention
lrès-formcllc de n ’être point considérés comme des acquéreurs,
mais comme voulant continuer la poursuite de leurs créances sur
les biens mis à leur disposition.
La preuve la plus convainquante-, s’il était possible d’ajouter
4-
�( =8 )
à celles qu’on a dcjà de celte vérin; , c’est que les deux actes
dont il s’agit n'expriment aucune espèce de libération en faveur
des héritiers Maréchal. Cependant , s’ils eussent réellement vendu
leurs biens à leurs créanciers , il serait arrivé que ceux-ci auraient
acquitté leurs’ débiteurs , soit du total des dettes , soit au moins
jusqu’àdue concurrence de la valeur des biens. 11 était impossible
qunl se fût opéré une vente , sans y exprimer de combien les
vendeurs se libéraient tinvers les acquéreurs.
P a s un seul m ot n ’est dit à ce su je t; les créanciers acceptent
l ’ab an d on des biens , et ils ne s’expliquent d ’aucune m anière
s u r l'effet que doit a v o ir cette cession v o lo n t a ir e , par rapp ort à
la
libération des cedans. A ssurém ent on ne prétendra pas que
c e u x -c i eussent entendu v e n d r e , sans fixer la so m m e dont ils
Se seraient trouvés déchargés. O r , il n ’u été spécifié ni la quotité
" des d ettes, ni la v a le u r des biens ab an d o n n és.
11 faut en c o n
c lu re nécessairem ent q u ’il n y a pas eu de vente, l o u l débiteur
q u i vend des biens à son c ré a n c ie r , p o u r se lib érer, fait exp rim er
la v aleu r des choses q u ’ il c è d e , et la quotité de i a d ette, dont
l'acquittem ent est r e c o n n u .
. ^
C'est donc un simple abandonnement qui a été fait aux créan
ciers , non pour les rendre acquéreur^, mais pour qu'ils eussent
à se payer sur les biens, soit par les revenus, soit, en cas
d’insutlisance, par la vente des fonds. C’est pourquoi on ne s’est
pus occupé d’évaluer les objets abandonnes , ni d’exprimer ce
ilunt les débiteurs se trouveraient libérés. La quotité dos dettes
acquittées pai^suile de cet abandonnement, devait dépendre de
ce que les créanciers toucheraient, soit par la perception des
fruits, soit par le produit des ventes qui pourraient avoir lieu.
En attendant qu'il y ait eu des aliénations opérées pttr les créan
ciers, en vertu du pouvoir qu’ils en avaient, les débiteurs cétlans restaient propriétaires : ils notaient que dépossédés cl »ou
�C 29 )
pas expropriés : ls qui bonis cessit, anlù rerutn venditioncm ,
utique bonis suis non caret. L . 3 , D. de cessionc bonorurn.
g 0 Une autre circonstance , qui achève rie démontrer que les
deux actes de iGg 4 et i 6g 5 ne sont pas des contrats de vente ,
c’est la perception du droit de contrôle. On sait q u e , dès l ’ori
gine , ce droit a été divisé en droit fixe cl droit proportionnel.
Tous acics contenant mutation de propriété mobilière ou im m o
bilière, étaient assuje'tis à un droit proportionné à la valeur des
objets aliénés ; tous ceux qui ne contenaient pas expropriation
de la part d’une partie au profit de l ’autre, ne devaient qu’un
droit fixe.
O r, pour l’acte du 27 mars i 6g 4 , passé à P aris, et celui du
aG août iGg 5 , passé à M oulins, il n’a été perçu qu’un droit fixe
de quarante sols. Les parties ne les ont donc présentés que
comme étant simple abandonnement, et les agens du fisc 11e les
ont pas non plus considérés comme opérant translation d e p r o - „
priété des mains des débiteurs dans celles des créanciers.
io° A tant de preuves que les actes de iGg{ et i 6 g 5 ne con
tiennent qu'une simple cession , et nullement un coutrat de vente,
se joint l’autorité de la chose jugée.
L ’abandonnemcnt des biens saisis devait en faciliter la vente ,
sans obstacle de la part des débiteurs. Celle vente 11e pouvait
être laite que judiciairement aux criées , parce que les héritiers
Maréchal, qui étaient restés propriétaires des biens par eux cédés,
n'avaient pas donné pouvoir d’en disposera l’amiable. Les créan
ciers eux-mêmes avaient formellement exprimé que l’abandonnement n'empêcherait pas les saisies de conserver leur force et
vertu; c’était positivement convenir que la vente n’aurait lieu
que par la contiuuation des poursuites commencées.
Celte marche contrariait sans doute les projcls des sieur et
�r
C So )
dame Revanger, qui voulaient se perpétuer dans la possession
des biens. La voie de l’adjudication leur faisait courir la chance
de n’être pas les derniers enchérisseurs. Un partage, où chaque
créancier aurait pris des biens pour une valeur proportionnée à
ce qui lui était dù , leur était plus convenable : c a r , selon toutes
les apparences, il y avait peu de créanciers sérieux , et il eût
cté plus facile de s'arranger avec e u x , pour les désintéresser.
L a dame le Maistre ayant mis pour condition dans l’acte
d ’abandonnement, par elle accepté, que les poursuites de saisie
seraient continuées, s’opposait au partage. 11 paraît que le sieur
Revanger ne put s’empêcher de reconnaître l’irrégularité qu’il y
aurait de ne pas faire vendre en justice des biens dont il n’avait
etc fait qu'une simple cession aux créanciers. Son épouse , au
contraire, s’obstina dans sa prétention; mais il refusa de l ’auto
riser à contester sur ce point, comme il avait refusé de l’autoriser
’ à renoncer aux successions de ses père et mère.
E n conséquence, la dame Revanger, seule et avec l'autorisa
tion du j u g e , forma une demande à fin de partage. Quelques
soi-disant créanciers se joignirent à e l l e , et d’autres s’unirent à
la dame de Maistre pour soutenir que les héritiers Maréchal
n'avaient pas été dépouillés de la propriété des biens dont ils
ïi’avaient fait qu’un simple abandonnèrent ; qu'ainsi, les créan
ciers n’avaient pa/s droit de se partager les biens; ils s’exposaient
à voir leurs opérations attaquées , s’ils ne suivaient pas exacte
ment la marche convenue par les actes de cession. Le but uni
que du traité fait avec les débiteurs saisis , avait etc d’enlever à
Cîaude-Iîernard M aréchal, tout prétexte de s’opposer à l ’aliéna
tion de scs biens pour l’ucquillcmcnt des dettes. Agir comme s’il
avait vendu les objets qu’il avait simplement abandonnes, c’é
tait lui fournir de justes motifs de contestations.
Ce$ moyens triomphèrent, et par sentence des requêtes du
�palais, en date du 26 mars 1697 , la dame Revanger et scs
partisans furent déboutés de leur demande à fin de partage, et
condamnés aux dépens; que madame le Maistre fut autorisée à
passer en fr a is de criées.
On ne peut pas objecter que , par celte sentence , le partage a
été jugé impraticable en nature. Les demandeurs avaient conclu
à ce que des experts fussent nommés pour procéder à l’estima
tion des biens et à la formation des lois. Les juges n ’onl pas
nicme accue lli ce préalable.
S'ils eussent pensé que les Créanciers étaient devenus proprié
taires des biens cèdes, ils n'auraient pas pu se dispenser de faire
droit aux conclusions tendant à une nomination d’experts, pour
reconnaître si le partage en nature était possible. C’est seulement
après un rapport qui aurait prononcé négativement, que la
demande afin de partager en nature aurait pu être rejetée. Bien
plus , dans ce dernier cas. m êm e, c'est par voie de licitafa’on que
les parlies auraient été obligées de procéder; tandis que c’est aux
criées quelles ont été renvoyées.
11 est donc évident que le seul point jugé par la sentence du
26 mars 1 6 9 7 , est que les créanciers n’étaient pas devenus acqué
reurs des biens à eux abandonnés ; qu’ainsi, l’action en partage
ne leur appartenait pas. C ’est pourquoi, le tribunal des requêtes
du palais n’a pas même voulu savoir si les biens étaient parta
geables en nature ; il a ordonné, non pas une licitation , ce qui
eût été admettre le droit de faire un partage, mais la continua
tion des poursuites aux criées.
11 a donc et« jugé contradictoirement avec la dame Revangcr,
que l’abandounomcju conl <>7ni par ses deux frères , n'élail point
une vente faite aux créauciers, lesquels, par conséquent ,
�n'avaient pas pu sc partager les biens cédés, nj même les liciter
entre eux; ils n’étaient autorisés qu'à les faire vendre judiciaire
ment.
Ainsi les clauses mêmes des deux actes d’abandonnement, et
l’autorité de la chose jugée, démontrent qu'ils ne sont pas des
contrats de vente , et que les héritiers ¡Maréchal, après les avoir
signés, n'ont pas cessé de conserver la propriété des objets cédés.
11 suit de là que la possession qu’en avaient conservée les sieuret
dame Revanger, continuait delre la même, c’est-n-dirc par iudivis et précaire , tant que les créanciers ne faisaient pas usage de
leur mandat pour vendreles biens compris dansl’abandonnemenl.
§ IV .
Nomination d'administrateurs-sêqiieslrcs .
N ’ayant pas pu obtenir le partage des biens abandonnés aux
créanciers, les sieur et dame Revanger se sont occupés d’em
pêcher que la vente en lût faite aux criées, comme l’avait o r
donné la sentence du 26 mars 1697. Ils commencèrent, suivant
que, l ’annonce le mémoire imprimé contre la dame Van Duerne,
par se faire nommer en justice administrateurs - séquestres des
biens saisis. C’est du 26 juillet suivant que date leur possession
en vertu de ce nouveau titre.
On sent bien que cette autorisation de retenir les biens, en
qualité d’administrateurs-séquestres, ne dépouillait pas les héri
tiers Maréchal de leur propriété. Les parts qu’ils avaient dans
ces mêmes biens n’en restaient pas moins indivises entre eux
et les sieur et dame Revanger ; ces derniers qui en nvaient
déjà l’administration, comme tenus des obligations de la tutrice,
�C 33 )
ajoutaient seulement à ce titre précaire, un autre titre de la
même nature, en se faisant nommer administrateurs-séquestres
des biens saisis.
Ainsi par celte nomination, contraire à toute idée de vente,
les rapports qui s'étaient établis entre les héritiers Maréchal et
ies sieur et dame llevanger n’ont point subi de changement :
ceux-ci sont restés possesseurs de biens qui étaient indivis , et
qu’ils administraient à titre doublement précaire.
§ v.
De la transaction du 10 décembre 1697,
\
Sans doute que le but des sieur et dame R evan ger, en se
faisant nom m er, au mois de juillet 1697 , administrateurs des
biens saisis, était d’en retarder la vente judiciaire, afin d’avoir
le temps de désintéresser les créanciers qui dirigeaient les pour
suites de saisie réelle. Ils se joignent donc au sieur F a rjo n el,
p e r e , et prenant la qualité de créanciers des sieur et dame Ma
réchal , père et m ère, lont une transaction le 10 décembre 1G97,
avec la dame le Maistrc et le sieur Q uesm ais, procureur au
parlement. Ces derniers n’agissent plus tant pour eux que pour
les autres créanciers non comparans, comme ils avaient fait eu
acceptant l ’nbandonnement consenti par Claude-Bcrnard Maré
chal ; ils ne stipulent qu’en leur propre et privé n o m , en qualité
de créanciers poursuivans la vente des biens saisis.
Les sieur cl dame Revanger et le sieur Farjonel, père, décla
rent que les poursuites faites sur la saisie réelle, et la sentence du
mois do mars précédent , qui avait rejeté la demande en partage,
les ont déterminés àoffrir de rembourser intégralement les deux
créanciers poursuivans. Us 11c mettent à celte proposition qu’uno
5
7
�( 5.4 )
seule condition , c’est que les poursuites pour les décrets , ins
tances et procès demeureront en surséance.
Au moyen des obligations solidaires et des garanties qui leur
sont consenties , la dame le Maistre et le procureur Quesniais
consentent à recevoir leur payement par à-compte de quatre
mille francs pour l’une , et de cinq cents francs pour l’autre y
chaque année , pendant lequel temps il sera sursis a u x pour
suites des décrets , instances et procès.
Les obligés solidaires doivent faire agréer le sursis ; et s’ils
n ’y parviennent pas , la dame le Maistre et le procureur Quesmais pourront continuer les poursuites, instances et procès y
comme ils auraient pu fa ir e auparavant ces présentes.
Néanmoins , les obligés solidaires s’engagent , soit à payer
les deux créanciers poursuivant , soit à leur parfaire ce que
la continuation des poursuites, au cas qu’elle ait lieu, n’aurait
pu leur procurer pour solder intégralement leurs créances : à
cet effet, les deux poursuivans subrogent à leurs droits les obligés
solidaires, mais sans aucune garantie, ni restitution de deniers.
De plus , les deux poursuivans consentent que les obligés
solidaires touchent les revenus des biens saisis , et retirent les
sommes provenant des baux judiciaires, lesquelles sont entre les
mains du commissaire aux saisies réelles.
E n fin , il est convenu qu’il ne pourra être procédé à la vente
des biens saisis , sans la présence de la daine le Maistre et
du procureur Quesinais; et que le prix en sera remis, savoir:
les deux tiers à l'u n e , et le tiers à l’autre.
Telle est, en substance, la transaction du 10 décembre 1697,
par laquelle ou prétend que les sieur et dame Rcyangcr ont ac-
�( 55 )
quîs des créanciers, les biens abandonnés à ces derniers parles
deux frères Maréchal. D’abord , on a vu , dans le paragraphe I I I ,
que les héritiers Maréchal n’ont pas fait de vente à leurs créan
ciers, qui, par conséquent, n'ont pu revendre ce qu’ils n’avaient
pas acheté. La transaction elle-même prouve que les créanciers
n’étaient pas propriétaires des biens que les héritiers Maréchal
n’avaient mis à leur disposition qu’à titre d’abandonnement.
E n effet , elle rappelle la sentence qui avait repoussé la de
mande en partage , et déclaré que le décret, ou autrement dit ,
la saisie réelle des biens abandonnés continuerait d’être pour
suivie. Les sieur et dame Revanger reconnaissent eux-mêmes
que telle a été la de'cision de cette sentence , puisque , pour
condition a 1 offre qu’ils font de payer les deux créanciers saisis6ans , ils exigent que la poursuite du décret soit suspendue.
Les deux poursuivrais ne se regardent pas davantage comme
propriétaires des biens , puisqu’ils se réservent d’en poursuivre
la saisie par eux commencée , si le sursis ne pouvait avoir lieu.
11 résulte de là que les parties qui transigeaient ne regardaient
pas l’abandonncmcnl fait par les héritiers Maréchal comme une
veute , puisque les biens abandonnés n’en devaient pas moins
être poursuivis en justice , par,les créanciers qui avaient accepte
l’abandonnement.
La déclaration des sieur et dame R evan ger, concernant la
sentence qui avait rejeté la demande en partage des biens aban
donnes , est une adhésion formelle à cette décision. La condi
tion qu’ils imposent de surseoir à la continuation des poursuites
ordonuées parcelle sentence, estim e reconnaissance formelle
que les créanciers avaient droit de poursuivre les biens à eux
abandonnes, et que par conséquent ils n’en étaient point acque5.
�,
( 36 )
reurs. En effet , s’ils en fussent devenus propriétaires , les
poursuites du décret forcé auraient été anéanties; ils n’auraient
eu à procéder entre enx que par voie de partage , seul moyen
de faire cesser l'indivision entre des co-propriétaires. Par suite
de l’action en partage , si les Liens n’étaient pas susceptibles
d’être divisés en nature, il n’y avait lieu qu'à une licitation,
et nullement à la continuation des poursuites de la saisie faite
antérieurement sur les débiteurs à qui Jes biens saisis auraient
cessé d’appartenir.
Ainsi , non-seulement il a etc jugé avec les sieur et dame
Revanger , par la sentence du 26 mars 1 6 9 7 , que l’abandonnement consenti p a rle s frères Maréchal n’était pas une vente,
mais encore les sieur et damo Ilevanger ont reconnu eux-mêmes
cette vérité, par la transaction du 10 décembre de la même
année. O r , sile s créanciers qui ont accepté rabandonnement
des biens , 11’cn sont pas devenus acquéreurs , ils n'ont pas pu
les revendre ; cl , en effet, la transaction dont il s'agit n’est pas
un contrat de vente.
D ’abord , la dame le Maistre et le sitfur Quesmais , qui transi
gent avec les sieur et dwine Revanger et le sieur iu r jo n c l , porc,
n ’agissent qu'en leur privé nom ; cependant s’ils eussent entendu
faire la vente des biens abandonnés , ils auraient stipulé tant
pour eux que pour les autres créanciers non comparons, puisqnc
les biens auraient également appartenu à ceux-ci, dans le cas ou
l'abandonnemcnt, fait au piolit de tous , cùi été une vente.
En second lieu, la dame le Maistre et le sieur Quesmais ne
transigent que sur leurs créances personnelles; ils s'assurent des
moyens d ’en être payés , et ne s’occupent nullement des autres
créanciers qui auraient pourtant été co-propriélaircs des biens ,
si l'ubandomicmeni ciii clé une vente.
�( 57 )
Troisièmement, la dame le Maistrc et le sieur Quesmais ne
livrent pas les biens saisis, comme ils auraient fait, s’ils eussent
entendu les revendre ; ils se contentent de subroger à leurs
'''■ droits de créanciers poursuivans , ceux qui s’engagent solidaire
ment à les rembourser intégralement.
D o n c , la transaction du 10 de'cembre 1697 n ’est pas une
vente faite par la dame le Maisire et le sieur Quesmais aux
sieur et dame Revanger; elle subroge seulement ces derniers aux
droits de poursuivre le décret force , pour parvenir à la vente des
biens abandonnes. Les subrogés qui étaient en possession des'
biens saisis n’ont point fait usage de leur subrogation pour les
faire vendre; ils ne sont donc restés en possession , que comme ils
l ’étaient avant la transaction , c’est-à-dire, à titre de co-propriétaires par indivis avec les héritiers ¡Maréchal , et au double titre
précaire d’administrateurs de tutelle et de séquestres.
Les sentences qui ont homologué cette transaction , et autorisé
les sieur et dame Revanger, en qualité de créanciers de la succes
sion du sieur de Rompre, à jouir des biens de ladite succession
pour l ’usage qu’ils demandaient, savoir : pour acquitter les dettes
avec les fruits , comme ils s’y obligeaient par la transaction
de iC)97,n’oi t rien changé à la nature et aux effets de cetacte; elles
prouvent au contraire qu’ils n’entendaient nullement avoir ac
quis les biens : qu’ainsi les abandonnemens n’étaient pas des
ventes; et que la transaction, faite ensuite avec les créanciers
saisissans , n’était pas une revente. Au surplus ces sentences,
comme la transaction elle m êm e, sont choses étrangères aux
héritiers M aréchal qui n’y ont point ¿lé panics.
�C 38 )
§• V I.
Main levée de la saisie réelle.
Il est à présumer que la dame le Maistre et le procureur
Quesmais étaient les seuls créanciers sérieux ; car la transaction
faite avec eux a tellement assuré aux sieur et dame llevanger la
possession des biens saisis, qu’ils en sont restés les détenteurs ,
sans qu’aucun autre créancier les ait forcés à suivre la procédure
de vente. On voit aussi dans la transaction q u e , si la vente de
quelques objets saisis était effectuée , la totalité du prix serait
re m ise , en déduction de leurs créances , savoir : les deux tiers
à la dame le Maistre, et l’autre tiers au sieur Quesmais ; ce
qui prouve que d'autres créanciers n ’avaient rien ù y prétendre.
De p lu s , il parait, par des conclusions signifiées à monsieur
et madame Van D u c rn c , le 20 février i 8 i 5 , que la saisie faite
à la requête des poursuivans, le 17 novembre 16 9 2 , était pour
avoir payement d’un capital de vingt-deux mille livres seulement;
il en résulte que les dettes dont étaient grevés les biens saisis,
étaient loin d’absorber leur valeur.
Voilà ce qui explique pourquoi les sieur et dame Revangar
tenaient à ne pas les laisser vendre, et pourquoi, après avoir
assuré le remboursement des deux créanciers saisissans , ils
n ’ont point cté troublés dans leur possession par d ’autres créan
ciers.
D e v e n u seul héritier de ses père et mère , depuis que son frère
avait prononcé scs vœux monastiques, Claude-Bernard Maréchal
était donc le seul qui inquiétât sa sœur et son beau*frere , par
de fréquens voyages au chûteau de Rompre , pour avoir compte
des biens abandonnés. Mais scs importunites , qu’on éludait
�( 59 )
chaque fois sous différons prétextes , p riren t fin lors de sa d ern ière
apparition en B o u r b o n n a i s , dans l’année 1 7 1 6 .
Sa mort clandestine , la disparition des titres et renseignemens
qu’il avait apportes avec l u i , le domicile éloigné de sa veuve
et de scs enfans, paraissent des circonstances favorables aux sieur
et dame Revanger , pour obtenir, sans contradicteur légitime ,
un litre apparent de propriété sur les biens qu’ils détenaient à litre
précaire.
Depuis vingt ans que la transaction du 10 décembre 1697 leur
avait assuré le silence des deux créanciers poursuivans, il n’avait
plus été question de la saisie réelle, qui n était plus à craindre;
c'est seulement dans le courant de l’année qui a suivi la dispax’ition de Claude-Bernard M aréchal, qu’ils imagiuent de former
une demande en main-levée de celte saisie, contre des créanciers
désintéressés, dont la plupart ne comparaît pas.
Par celte demande , les sieur el dame Revanger reconnaissent
que la saisie réelle, qui datait du 17 novembre 1 6 9 2 , n’avait
pas cessé de subsister, soit après 1 abandonnement des frères
Maréchal, soit après la sentence qui a rejeté la demande en par
tage des biens abandonnés , soit après la transaction qui a suivi
cette sentence. C’était donc reconnaître que les créanciers n’étaient
pas devenus acquéreurs des biens mià à leur disposition. Ces'’
biens 11'ayant été aliénés ni parles créanciers, eu vertu du pouvoir
qu’ils en avaient re ç u , ni par leurs subrogés, étaient donc restés
la propriété de Claude-Bernard Maréchal, comme devenu seul
héritier de scs père et mère.
D an s celte position , les sieur et dam e R ev an g er étaient-ils r e
devables à d e m a n d e r la m ain -le v é e de la saisie réelle ? L a r a is o n
de douter est q u ’ ils .'laissaient
c o m m e su b rog és au x c ré an cie rs,
li n e ffe t, la scntcncc rend ue s u r le u r d e m a n d e , le 2 5 n o v e m b r e
�( 4« )
17 i r , aux requêtes du palais, porte expressément : que la main
levée leur est accordée } vu les subrogation et réunion dans leurs
mains des droits des créanciers poursuivons et opposons.
Mais ce qui fait décider que les sieur et dame Revanger avaient
intérêt à obtenir la radiation de la saisie réelle , c’est qu’ils étaient
co-propriéiaires des biens saisis , lesquels étaient indivis entre eux
et Claudc-Bernard Maréchal.
A in s i, cette sentence, et celle rendue le 5o juin 1 7 1 8 , portant
que la précédente est commune avec les créanciers qui n’y avaient
pas figuré, n’ont pas eu d’autre eflet que de dégrever les biens ,
tant de la saisie réelle, que des oppositions. 11 n’en est pas r é
sulté que l’indivision ait cessé entre les co-propriélaires.
E n vain voudrait-on tirer argument de ce qu’après avoir or
donné la radiation de la saisie, ces sentences déclarent les sieur
et dame Revanger propriétaires incommutables ? Cette déclaration
n’est pas une disposition , mais la. simple énonciation de la con
séquence, qui résultait du dégrèvement des biens. Naturellement,
ceux qui obtenaient ce degrèvement , devenaient propriétaires
incommutables. C’est donc avec raison que les sieur et dame
Revanger ont été déclarés n’avoir plus à craindre les créanciers
saisissans et opposans ; ¡1^ devenaient effectivement propriétaires
incommutables des portions qui leur appartenaient, comme leurs
co-propriétaircs le devenaient également des autres portions ; la
main-levée profitait également aux uns et aux autres.
En déclarant l’incommutabilité de la propriété, les scntcnccs
n ’ont pas l’ait ccsscr l’indivision ; elles n’ont pas pu dépouiller
les co-propriétaircs absous, pour transmettre leurs portions aux
co propriétaires présçns ; ceux-ci n’ont pas cto déclarés seuls pro
priétaires , car il n’était question que d’une main-levée de saisie
�C 4* )
r c e lle , et nullement de savoir à qui appartenaient les Liens saîsi'7
D ’ailleurs les paities intéressées à défendre leur co-propriété, n'a
vaient pas été mises en cause. Si donc il était possible de considérer
les deux sentences comme ayant porté une disposition spoliatrice,
on ne pourrait pas les opposer aux repiésentans de Claude-Bernard
Maréchal ; ce serait pour eux res inter alios acta.
Ainsi, il n’est pas douteux que les deux sentences de 1 7 1 7 et
1 7 1 8 n'ont eu d’autre effet que de débarrasser les biens de toutes
saisies et oppositions , et que les sieur et dame Revanger ont
continué de les posséder par indivis et à titre précaire.
A r t i c l e
II.
L a possession des sieur et dame Hevanqer et de leurs descendant
n ’a pas p u produira la prescription.
I . es biens revendiqués aujourd’hui sont situés dans le ressort
de la coutume de Bourbonnais ; c’est donc à scs dispositions qu’il
faut se référer, pour savoir s’ils ont pu être acquis p a r la pres
cription ; car le Code civil, dans son dernier article, veut que les
prescriptions commencées avant sa publication, soient réglées par
les anciennes lois.
Suivant l’art. a 3 de la coutume de Bourbonnais , l’on ne peut
prescrire les biens et droits immobiliers que par trente ans. A
cette disposition s’appliquent les principes du droit c o m m u n ,
puisés dans les lois romaines, ainsi que l ’explique A u r ou x des
l'ommicrs , savant commentateur de cette coutume.
L e premier de ces principes est que la possession seule pen
dant trente a n s, suffit pour accomplir la prescription, sans
G
�( 42 )
qu’il soit besoin de titre. Celui qui a joui aussi long-temps,
sans trouble , est censé avoir acqnis de bonne fo i, à moins que
Je contraire ne soit prouvé ; voilà pourquoi , lorsqu’il n’y a
pas de tilre, la partie qui oppose la prescription, n’a autre
chose à dire si ce n’est : possideo quia possideo.
Mais s’il est représente un litre, quelqu’ancicn qu’il so it, il
fait disparaître loule présompiion , cl le possesseur est jugé ou
légitime propriétaire, ou sans droit pour conserver l ’héritage,
selon que le tilre produit, soit par l u i , soit par le réclamant,
est ou non de nature à transmettre la propriété.
Tel est le second principe du droit commun sur la prescription
de trente ans ; il a toujours reçu son application dans les cou
tumes qui n’ont aucunes dispositions contraires , comme celle
du Bombonnais; c’est ce qu’attesie Auroux des Pommiers , dans
son Commentaire, sur Tart.
23 de cette coutum e, n° 52 et
suivans.
C'est de ce principe que s’csl formée la règle si commune : a d
primordium tituli poslerior semper fo n n alu r cvcnlus. Elle est
tirée de la loi première au Code de irnpon. lucrati. dcscript. et
n’est que la confirmation de la loi cliirn , au digeste de adquir.
vel arnitl. possess. où on lit : origo nanciscendœ possessionis
exquirendu est; il faut rechercher l ’origine de la possession. S ’il
n’y a pas de titre, elle est présumée de bonne fo i; si un titre
esi représenté, il faut s’y référer.
On peut voir sur ce principe incontestable le Répertoire uni
versel de Merlin , nu mot Prescription , section r, §. V I , art. 2.
« On ne peut pas présum er, dit*il, que celui qui jouissait, il y
» a cinquante ou cent ans , en vertu d’un b a il, ou à tilre d’en» gagement, a il, par la suile, interverti le tilre de sa posscs-
�C 43 )
» sion et soit devenu acheteur , donataire , échangiste , e tc ., du
» bien qui lui était primordialement affermé ou engagé. »
A celte occasion, le même auteur tfte le fameux arrêt de Paris',
du 21 avril i 5 5 i , rapporté dans le recueil de D u lu c , livre 9 ,
titre 5 . Cet arrêt a condamné levêque de Clermont à rendre à la
reine Catherine de Médicis , la seigneurie de la ville de Clermont,
quoique depuis plusieurs siècles elle fut possédée par les évêques
de cette ville, 11 était prouvé par le titre originaire que cette sei
gneurie avait élé donnée en garde à un évêque de Clermont par
Jea n de Bourbon que représentait la reine.
C’est sur le même fondement que repose l’incapacité de l’usager
et de l’usufruitier , de prescrire la propriété même par la posses
sion la plus longue. « Tant qu’il porte sa qualité d’usager (dit
» Coquille), il ne peut acquérir droit de propriétaire. »
D u m o u l i n , s u r la cou tum e de P a r i s , titre I , §. X I I , g lo se 7 ,
an m ot Prescription , dit expressém ent que la possession plus que
c e n te n a ire , ne peut p ro d u ire la p r e s c r ip t io n , si le titre n est pas
c elu i d’un propriétaire.
D ’Argcntréc, qui n’est pas toujours de l’avis de D u m o u lin ,
embrasse le même sentiment en ces termes : ciim apparet titulus ,
ab eopossessioncslegem accipiunt; dès qu'il parait un titre , il fait
loi pour juger de la nature de la possession.
I.a possession n’est rien , dit encore M o rn a c , sur la loi i 5 ,
au digeste de publiciancl in rem actionc, si elle esl contraire au
litre : si contra tilulurn jiossessum est.
Après ces diverses citation s, le savant auteur du R é p e rto ire u n i
v ersel de ju ris p ru d e n c e ajoute q u ’ il serait aussi facile que superflu
d ’a c c u m u lc r s u r ce point un p lu s gran d n o m b r e d ’a u to r ilé s ; « de
6.
�»
»
»
u
»
»
C 44 )
leur concours, dit i l , de leur nombre, de leur unanimité, s’esr
forme cet axiome, le plus connu comme le plus sage de noire
droit français : a d primordium tiluliom nis j'orniatur evenlus.
II y a des siècles que celle maxime forme la règle des tribunaux
on v o it, en parcourant les arrêtistes , quelle a servi.de base à
une multitude d’arrèts ».
*
L ’auleur du Répertoire rappelle ensuite sept ou huit arrêts ,
qui ont jugé que la possession la plus longue n ’était d’aucune
considération, quand le titre qui lui avait servi de fondement
elait vicieux , c’est-à-dire incapable de transmettre la propriété.
« A in si, ajoute-t-il , si j’ai possédé pendant un siècle, el qu’on» recouvre un litre précaire, 011 présume que j’ai- toujours posn sédé au même titre j et dès-lors je 11e puis demeurer en pos—
» session , du moment où le propriétaire s y oppose. »
On ne peut donc pas douter, comme nous l’avons annoncé,,
que le titre qui est représenté ne rende ineilicace la possession
la plus ancienne , s’il n'est pas de sa nature translatif de pro
priété, parce qu’il démontre que la possession n’a pas commencé
de bonne foi ; ce qui s'entend , lorsque le possesseur n’a pas eu
jtts/a opinio acquisili dominii. On dit alors que le] tilre est
vicieux ; cl le vice , comme 011 l’a démontré dans l’article précé
dent, se perpétue de succession en succession, in infinilum ,
parce que l'héritier élanl la continuation de la personne du
défunt, celui qui a commencé à posséder un bien , en vertu d’uu
titre qui ne lui en attribuait pas la propriété , est censé vivre dans
sa postérité, qui aux yeux de la loi est la même personne.
Examinons donc si les titres, sur lesquels 1 héritière des .sieur
et dame Revanger appuie sa longue possession , sont ou non
translatifs de propriété , nous y trouvons deux vices essentiels,,
�( 45
)
dont un seul suffirait pour établir que les auteurs de cette hé
ritière n’ont pas pu posséder de bonne f o i , c’est-à-dire , en qua
lité de propriétaire, animo domini , les héritages réclamés.
L e premier de ces vices est l ’indivision. E n effet, la dame
R e v a n g e r, eu vertu de son contrat de mariage , a été mise en^
possession par sa mère de tous les biens paternels et maternels ;
de eeux-ci, parce qu’il lui bü était fait donation universelle et
entre-vifs; de ceux-là parce qu’une des conditions de la dona
tion était qu’elle administrerait conjointement avec son m ari
la tutelle dont avait été chargée la donatrice.
Dans les biens maternels se trouvaient la légitime coutumière
des deux frères Maréchal , et la légitime féodale de l’ainé :
ces deux sortes de légitimes n’avaient pas pu être comprises
dans la donation. A in s i, dans les mains de la dame Revanger,
la totalité des biens de sa mère sc nouvaii indivise, puisque
les portions légitimaires de ses deux frères n’en avaient pas été
séparées.
La renonciation de la dame Revanger à la succession de
sa m ère, n’a pas pu changer par la suite cet'état d’indivision,
.puisque la renonciation n ’a été faite que pour s’en tenir à la
donation.
»
A l ’égard des biens du père , décédé dès avant le mariage
de la dame Revanger, ils appartenaient évidemment pour un
tiers à elle , et pour chacun un tiers à scs deux frères’. Il est
vrai que postérieurement elle a renoncé à la succession de son
père ; mais comme c’était pour s'en tenir à la donation que sa
mcrc lui avait faite de l’unîvcrsalilé de scs biens, droits et ac
tions , elle avait à reprendre sur cette succession la part de
sa mère dans la communauté qui avait existé entre cotte dernière
�( 46 )
et sou mari. Elle a v a it, en o u tre , à exercer les reprises ma
trimoniales de sa mère qu’elle représentait. Les biens paternels
dont elle avait pris possession , étaient donc, comme les biens
maternels, dans un état d’indivision entre elle et ses deux frères.
Un partage pouvait seul faire cesser la copropriété ; et ja
mais il n’p existé de partage. O r , suivant le droit commun ,
celui qui possède par indivis, ne peut jamais prescrire les portions
de ses co-propriétaires. Il y avait des coutumes qui disposaient
autrement, mais elles établissaient un droit exorbitant.
Au reste, sans nous appesantir sur la question de savoir quel
était effectivement le droit commun sur ce point, il sufiira de
dire que la coutume du Bourbonnais décide formellement, que
l’indivision est un obstacle perpétuel à cc que la prescription
s’opère au profit du possesseur par indivis. L ’article 26 de cette
coutume s’exprime en ces termes :
« Quand aucunes choses sont tenues et possédées en com» mun et par indivis , l’on ne peut acquérir ni prescrire le
» droit l’un de l ’autre, au pétitoirc ou possessoire, par quel» que laps ou espace de temps que ce soit. »
A in s i, par la soûle raison que les biens dont les. sieur et
dame Revanger ont été mis en possession, étaient indivis entre
eux et les héritiers M aréchal, jimais cette possession n’a pu
leur servir ù prescrire les portions qui appartenaient dans ces
mômes biens aux deux frères Maréchal, et qui, depuis la mort
civile du plus jeune, sont devenues la propriété de l'aine, ClaudeBernard Maréchal. L ’indivision avertissait perpétuellement les
sieur et dame Revanger cl leurs héritiers in in/m it uni , qu’ils
n’étaient pas propriétaires des portions revenant à Claude-Bernard Maréchal. I'ar conséquent, ils n’ont jamais pu les pos*scd.cr animo ¿lomini.
�( 4 0
,
Un second vice qui se rencontre dans Ja possession com
mencée p arles sieur et dame Revanger, et continuée par leurs
descendans , résulte de ce que leur contrat de m ariage, qui est
le titre fondamental de cette possession , les chargeait conjointe
ment de tous les engagemens contractés par la mère donatrice , à
l ’occasion de la tutelle qui lui avait été déférée, et dont elle leur
remôltait l'administration.
Maric-Marc Maréchal, il est v ra i, était le seul enfant de la
donatrice qui fût resté en tutelle; mais Claude-Bernard M aré
chal , quoiqu émancipé par mariage, n’avait point obtenu les
portions qui lui revenaient de la succession de son père ; au
cun compte de tutelle ne lui avait été rendu ; aucun partage
de cette succession n ’avait été fait ; elle était donc restée indi
vise entre lui , son frère et sa sœur. En se chargenut de tous les
cnGaeemens
de la mère tutrice,' et d’administrer Ja tutelle du
o O
plus jeune de scs frcrcs, la dame Revangerse chargeait néces
sairement aussi d’administrer Ja portion appartenant à l’aîné de
ses frères, puisque le tout était dans un état d’indivision.
Depuis la renonciation que la dame Bevanger a faite aux deux
successions paternelle et maternelle, après le décès de sa mère,
elle n'est pas moins resiéc en possession de tous les biens indivis;
par conséquent elle a continué d’administrer, tant ce qui lui
appartenait dans ces mêmes biens, en qualité de donataire du
chef de sa m ère , que ce qui appartenait à scs deux frères, en
leur qualité de k'gitimaiies sur les biens maternels , et d’héritiers
des biens paternels.
Cette administration ne pouvait cesser que par un compte rendu,
et délivrance de la part revenant dans les biens, soit aux deux
frères Maréchal , soit à l’aîné après la mort civile du plus jeune.
Jamais cette opération n’ayant eu lieu , la possession des sieur et
�( 48 )
dame Revanger s’est perpétuée jusque dans leur postérité, à litre
dadministrateurs des portions appartenant à C laude-Bernard
Maréchal.
O r , la qualité d'administrateur ne confère qu’un titre pré
caire , c’est-à dire, un titre par lequel on ne possède pas pour soi,
mais pour celui à qui la chose appartient. Voila pourquoi il est
de principe qu’ un tuteur, un dépositaire, un mandataire, enfin
un administrateur quelconque ne peut jamais prescrire les biens
qui lui sont confiés, quoiqu’ancienne que soit sa possession ;
il est continuellement averti par son titre , que sa possession
n ’est pas celle d’un propriétaire.
Cette vérité est trop connue pour avoir besoin d’autorité ;
on peut voir au surplus l ’ othier, en son T r a i t é de la possession
et de la prescription; D om at, au titre où il traite de la même,
matière; D u n o d , dans son excellent Traite d e l à prescription.
] c Code civil a consacré ce même principe dans sou article
2256 , non pour introduire un droit nouveau, mais pour con
firmer l'ancienne législation, q u i, d’après les lois romaines,
avait interdit la faculté de prescrire par aucun laps de temps ,
à quiconque n'était possesseur qu’à litre précaire, non animo
domini.
De cette discussion il faut conclure que les titres , en vertu
desquels a commencé la possession des biens revendiqués, étant
représentés, il n’est plus possible de fonder la prescription sur
le seul laps de temps; c’est la nature de ces titres qu’il faut
consulter, pour savoir s’ils ont été capables de transmettre la
propriété des objets réclamés.
On vient de prouver qu’il s’y rencontre deux vices, dont un
seul suffirait pour empêcher à jamais de prescrire : l’u n , fondp
�(49 )
spécialement sur l'article 26 de la Coutume du Bourbonnais, est
l ’état d’indivision où étaient les biens à l’origine de la possession, et
où ils sont constamment restés dans les mains des sieur et dame
Revanger et de leur postérité. L ’autre est la qualité d’adminis
trateurs que ces .derniers ont eue pour les portions indivises ap
partenant aux héritiers Maréchal; qualité qui constitue un titre
précaire, qui, d’après les principes les plus certains , n’a jamais
permis à la prescription de courir au profit des sieur et dame
Revanger et de leurs desceudans.
Réponse a u x Objections.
L e s adversaires de M. et madame V an Duerne ne peuvent
se dissimuler toute la force des principes qui lour refusent la
prescription. C'est pourquoi, en désespoir de cause, ils imaginent
un système qui , suivant eux, couvrirait les deux vices inhérens
au titre de leur possession.
i ° On dit que ies deux frères Maréchal ont vendu leurs droits
successifs à leurs créanciers, par actes des 27 mars 1694 et
26 août 1 6 9 5 ; q u e, dès-lors, ils ont perdu toute prétention sur
les biens de leurs père cl mère. D où 1 011 conclut que madame
Van Duerne, qui les Représente aujourd’hui, est nou-recevable
dans sa demande en revendication.
Réponse. Ou a vu dans l’article prccedent, §. l l l , que , par
les deux ailes de 1694 et 1 6 9 5 , les héritiers Maréchal n’ont
rien vendu à leurs créanciers, que ces deux actes 11c contiennent
qu ’un simple abandonnemeut , dont tout l ’cilct élait de donuer
aux créanciers le pouvoir de se payer sur les biens abandonnés,
soit par la perception des fruits , soit sur le prix de la vente.
On ne répétera pas ici toutes les preuves qui ont été tirées de*
7
�( 5o )
deux actes m êm es, et de ce qui en a été la suite, pour démon
trer q u e , loin de trouver les caractères d’un contrat de vente
dans ces deux actes, on remarque l'intention formelle, de la part
des créanciers, de 11’être.pas acquéreurs / et, au contraire, de
conserver leur qualité de créanciers poursuivans la saisie réelle
des biens laissés à leur disposition.
Si donc les héritiers Maréchal n'ont pas e'té expropriés par
rabandoiinement qu’ils ont consenti , s’ils sont restés co-proprie'taires des biens par eux cédés, pour les portions indivises
qui leur appartenaient , la possession qu’en avaient les sieur et
dame Revanger continuait d’être, après rabandonnement, comme
elle était auparavant, c’est-à-dire, par indivis, et à titre pré
caire.
Il est à remarquer, au su rp lu s, que Claudc-Bernard M aré
chal n’a pas même abandonné la totalité de ses droits successifs.
11 s’est expressément réservé les objets que son pere avait acquis
de la dame Longeval. Ces objets au moins seraient restés possé
dés par les sieur et dame Revanger, en état d’indivision, et à
titre précaire.
n® On insiste, et on soutient que, même en supposant aux actes
de 1694 cl 1695 la nature d’un simple abandonncmcnt , les
créanciers avaicnl du moins le pouvoir de les vendre, cl rfu’en
cilct ils les ont vendus aux sieur et dame Revanger et au sieur
F a rjo n c l, père, par transaction du 10 décembre 1697. O r , dit011, depuis ce contrat d'aliénation, les sieur et dame llcvnnger
‘ont commencé une possession anima dom ini , qui a été capable
de iairc courir la prescription.
fti'fjonsc. 11 est faux que les créanciers à qui rabandonnement
des biens avait été consenti, les ayent vendus par la transaction
�( 5i )
de 1697. 11 a été démontré dans l'article précédent, §. V , que
cette transaction n’était pas le fait de l’union des créanciers; quo
les deux seuls poursuivans y figurent , et seulement en leur
propre et privé 110m; que loin de stipuler comme vendeurs, ils
se réservent expressément la {acuité de suivre le décret forcé ,
si le sursis à leurs poursuites n’était pas consenti par les autres
créanciers ; qu’enfin , ils se bornent à subroger à leurs droits les
sieur et dame Revanger, et le sieur F arjo u el, qui s'obligent soli-,
dairement à les rembourser.
L a transaction dont il s’agit n’était donc pas un contrat de
vente par les créanciers ; autrement la saisie réelle faite par eux
eut cessé d’exister par cc seul fait. O r , on a vu au même article,
§. V I , qu’il n’avait été que sursis aux poursuites par celte tran
saction, et que la saisie subsistait encore en 1 7 1 7 , puisqu’à cette
époque les sieur et dame Revauger en ont fait eux-mêmes pro
noncer la main levée.
A in si, par la transaction de 1 697, ils étaient encore, comme
a u p a r a v a n t , possesseurs par indivis et à titre précaire, des por
tions de Claudc-Bernard Maréchal, qui avait réuni sur sa tête les
droits de son frère entré en religion. Il est résulté seulement de
cette transaction que les sieur et dame Rcvanger ont augmenté
leurs droits sur les biens indivis , par leur subrogation aux droits
des deux créanciers poursuivans.
5“ Ab an d on nant encore la transaction de 16 9 7 , et pressés prr
l ’é v id e n c e , les adversaires se retranchent dans la sentence du a 5
n o v e m b r e 1 7 1 7 , suivie de celle du 3o juin 1 7 1 8 , qui a o rd o n n e
l ’exécution d e la précédente. E u donnant niain-levee de la saisie
r é e ll e , la p re m iè re de ces sem ences a déclaré les sieur cl dam e
R c v a n g e r propriétaires iu c o m m u tab lc s des biens qui avaient ét«
saisis.
7*
/
�(52 )
‘ On prétend qu’au moins à partir du jour de ce prononcé ,
les sieur et dame Revauger ont commencé une possession à titre
de propriétaires -, ce qui a dù faire courir Ja prescription.
Réponse. Il ne faut pas confondre dans un jugement les dis
positions qui statuent sur l’objet de la demande, avec l’énoncé
des conséquences qui en doivent résulter. Ce qui est essentielle
ment disposition fait sans doute loi entre les parties qui ont été
appelées au jugement ; mais ce qui est déclaré seulement , comme
conséquence , ne doit avoir que l'elfet qui résulte naturellement
de Ja décision.
De quoi s’agissait-il lors de la sentence de 1 7 1 7 ? D’obtenir
m ainlevée de la saisie réelle, attendu les subrogation et réunion
des droits des créanciers dans les mains des sieur et darne Revanecr.
O On ne soumettait au tribunal aucune contestation relative à la propriété •, c’est pourquoi les créanciers, saisissans
et opposans , avaient été les seuls assignes sur la demande.
Assurément ils n'avaient qualité que pour défendre relativement
à la radiation de la saisie , pour la consentir ou la contester.
Ils étaient parfaitement étrangers à tout ce qui pouvait con*
cerner la propriété des biens saisis.
La sentence de 1 71 7 n’ayait donc de disposition à rendre que
concernant la main-levée requise ; elle l ’a prononcée, parce
que nul créancier n’a élevé de contestation sur ce point. Si la
semence a ensuite, ajouté, qu'en conséquence d e l à radiation de
la saisie , les demandeurs demeuraient propriétaires ¡ucommutablcs , celte déclaration n'était pas une décision , mais une expli
cation de l 'cilcl que devait avoir Ja radiation. D onc, cet cllctne
doit s’entendre que jusqu'à concurrence des droits des deman
deurs , sans leur eu attribuer aucun nouveau.
O r , les d em and eurs n ’étaient pas p ropriétaires de la totalité
�%
(55 )
des biens saisis; par conséquent , en les déclarant , par suite de
..la radiation prononcée, propriétaires inconimutables , cela vou
lait d ire , pour la portion qui leur appartenait. Aussi ne voit on
pas que la sentence ait déclaré les sieur et dame Revanger pro
priétaires libres de la totalité des biens , mais simplement que
leur propriété, telle qu'elle consistait , se trouvait libérée. C’est
ce qu’on a établi plus au long , dans le §. V I de l’article précédent.
Ainsi la sentence de 17 17 n’est pas un litre en vertu duquel
les sieur et dame Revanger ayent pu posséder, animo domini,
les portions indivises qui 11e leur appartenaient pas.
«s
Mais supposons que celle sentence ait déclaré par voie de dé
cision, çt non par simple conséquence, l’incommulabililé de la
propriété des sieur et dame Revanger; supposons encore que
la même sentence ait spécilié qu’elle entendait leur attribuer la
totalité des biens, et non la seule portion qui leur appartenait;
car il faudrait ces deux circonstances réunies pour que l ’argument
des adversaires fût même spécieux ; dans celte double suppo
sition , bien gratuite assurément, ils ne pourraient pas tirer plus
d’avautage de la scnlcncc donl il s’agit : deux moyens s’y oppo
seraient.
Premier moyen. Un principe incontestable est que celui qui
possède d’une manière incapable de faire courir la prescription,
ne peut pas se changer à lui-même son titre; il faut pour ce
changement le concours d’une volonté étrangère à la sienne :
nullà extrinsecùs accidente causa , uemo sibi causant posscssionis mutare potest. L. 5. au digeste , de adquirendd et rctin.
possess. Le Code civil a consacré cette décision dans son ar
ticle aa/jo , c o m m e confirmation de l’ancienne législation. La
raison en est que le titre représenté empêche perpétuellement le
cours de la prescription, quand il 11’est pas accompagné de cette
�(54 )
bonne foi capable de donner au possesseur de la.chose, la con
viction qu’il a acquise : justa opinio acquisiti dominii. Celui qui
ne tient une chose qu’au nom d’un autre , et qui se ferait un
nouveau tilre à lui-même, n’aurait pas le moindre prétexte <Je
croire être devenu le propriétaire de cette même chose.
T el serait pourtant le cas où se seraient trouvés les sieur et
dame Revanger, si la sentence de 1 7 1 7 était comme on vient de
la supposer. Elle serait évidemment leur ouvrage à eux seuls,
du moins dans la partie qui, comme conséquence de la main
levée , déclare la propriété incomniutable.
E n effet , si cette déclaration n’a pas spécifié que les sieur
et dame Revanger n’étaient propriétaires que jusqu’à concur
rence de ce qui leur appartenait , c’est qu'ils n ’avaient pas
mis en cause leurs co-propriétaires ; c’est qu’ils s’étaient présentés
comme les seuls débiteurs saisis , qui , comme tels, avaient
désiutéressé leurs créanciers. Ils ont donc trompé la religion
du tribunal p a rle u r propre fait; ils étaient seuls en cause sur
ce p o in t, leurs créanciers n’y étaient qu’en raison de la main
levée de la saisie , et encore pour cet objet , ils étaient sans
iutérèt , puisqu’ils avaient été payés.
O11
devrait donc , dans la supposition faite, en ce qui con
cerne la conséquence de la radiation de la saisie, regarder la
sentence de 1 7 1 7 , comme un jugement rendu sur requête,
sans contradicteur, et qui eït toujours considéré c o m m e 1 ou
vrage de celui qui l'obtient. Si d o n c , celui qui possède, dans
une certaine qualité, fait prononcer, par un pareil jugem ent,
que sa possession est à un titre différent, il sc change évidem
ment son titre à lui-même, sans le concours d’aucune autre
volonté; ce qui est absolument inefficace pour la prescriptiou.
E n vain dirait-011 que la volonté des juges est intervenue
�#
( 55 )
lors de la sentence de 1 7 1 7 , et qu’ainsi le changement
a eu lieu extrinsecùs accidente causa. Ils n’onl eu de
que pour statuer sur la m ain-levée de la saisie
parce que c’était le seul objet soumis à leur décision,
sur lequel il y avait légitimes contradicteurs.
de titre
volonté
réelle ,
le seul
A l ’égard de la conséquence résultant de celte décision , les
juges n’ont eu aucune volonté. Ce qu’ils ont déclaré leur a été
dicté, sans contradicteur, par les demandeurs; ils n’ont pas
porté une décision , ils ont seulement expliqué ce que devenaient
les biens après la radiation de la saisie. Cette explication était
donc l ’ouvrage des seuls demandeurs ; c’est véritablement un
titre qu’ils se sont fait à eux-mêmes , et qui , par conséquent,
est incapable de changer celui en vertu duquej ils possédaient.
Second moyen. Ce n est pas assez pour opérer lTnterversion
de titre , qu’une volonté étrangère ait consenti un litre nouveau
en faveur du possesseur -, il faut eucore que les véritables pro
priétaires , contre qui il s’agit de faire courir la prescription ,
a ie n t e u connaissance du changement^ arrivé dans la possession t
autrement, le nouveau titre est clandestin ; ce qui le rend in
capable de faire courir la prescription.
« La clandestinité , dit Dunod , est un obstacle à la prescrip» tio n , parce que celui qui se cache pour jouir en son nom ,
» est présumé de mauvaise foi : Clandestinum factum sem per
» preesumitur dolosum , loi pénultième , au Digeste pro socio.
L e même auteur dit que l’on est possessèur clandestin , quand
on fait une chose à l’insu de celui qui n’aurait pas manqué de
s'y opposer , 011 quand ou ne la lui a pas dénoncée , lorsqu’il
est intéressé à la connaître. Cette décision est tirée de la loi 3
§. 7 , au Digeste ; quod vi mit clùm. Elle est conçue en ces
�termes: Cliim f acere vicleri, Cassius scrib it , eum qui celavit
adversarium , neqiie ci denunciavit; si modo ejas timuit controversiam , a lit timere debuil.
La loi 6 au Digeste de adquircndd et amitt. possess. , porte
également que le possesseur clandestin est celui qui jo u it , à
l ’insu de la partie dont il craint l’opposition ; ignorante eo
quem sibi conlroversiarn facturum suspicabatur.
' D ’après ces autorités, Dunod cite pour exemple d’une in
terversion de titre, le cas où un fermier achète d’un autre que
de celui dont il tient son bai l , les héritages tenus à ferme- S ’il
fait connaître au véritable propriétaire le changement survenu
dans la possession, comme s’il refuse de payer le prix du bail ,
cl que le bailleur resic dans le silence , la prescription aura
son cours. De là il faut conclure q u e , si le fermier laissait son
bailleur dans l’ignorance du changement, la possession en vertu
du nouveau titre serait clandestine, et par conséquent clic serait
incapable d’efiectucr la prescription.
L ’application de ces principes incontestables se fait facilement
à l’espèce dont il s’agit. Supposons que la sçnlcncc de 1 71 7 ait
disposé par voie de décision, des portions qui appartenaient à
Claude Bernard Maréchal, au profil des sieur et dame Revanger,
même avec le concours d’une volonté étrangère à celle de ces
derniers. supposition évidemment gratuite, il n’eu sérail pas
moins vrai que ce nouveau titre serait intervenu à l’iusu de la
seule partie intéressée u s’y o pposer, puisque ni Claude-licrnard
M aréch al, ni sa veuve , ni ses enfans n’y ont été appelés. Cette
sentence serait un titre clandestin que les sieur et dame Uevanger
auraient obtenu, ignorante co quem sibi controversiam facturum
suspicabantur.
�« 1 7
C 57 >
Jam ais celte sentence n'a été mise à la connaissance des
parties intéressées, par les sieur et dame R evan ger, ni par leurs
descendans. Us sont toujours restés dans le cas du détenteur
clandestin , qui celavil adversarium , nçque ci denunciavit.
Ainsi la sentence de 1 71 7 , fut-elle ce qu'on la suppose ,
n’aurait jamais pu opérer une interversion de titre, parce quelle
est. toujours restée clandestine par rapport à CJaude-Bernard
Maréchal et à ses représentais. E l l e aurait donc élé constam
ment impuissante, pour changer la nature de la possession des
sieur et dame Revanger.
Cette possession, qui était originairement par in d ivis, et à tiire
précaire, n ’a éprouvé aucun changement, ni par la renonciation
de la dame Revanger aux successions de ses père et mère, ni par
l’ahandonnement consenti par scs frères, ni par la transaction
quelle a faite avec deux des créanciers, ni enfin par la main-levée
de la saisie réelle.
Les biens, et notamment la terre de R om p re, dont les sieur
et dame Revanger sont entres en possession à titre d indivision
et à titre précaire, sont passes a leur postérité dans le même état
des choses , par voie de succession, jusqu’à madame de Maistre.
Cette dernière , comme héritière des sieur et dame Revanger , n’a
pas d’autres droits queux sur les biens réclamés. Elle ne peut
pas opposer, plus qu’ils ne le pourraient eux-mêmes , la longue
possession, puisque la donation qui l’a commencée , est repré
sentée, et (pie, loin d’attribuer à la donnt.iirc la propriété des
biens reclamés, elle atteste que les auteurs de madame de Maistre
11c les ont possédés que par indivis, cl a titre précaire d’admi
nistrateurs.
Les actes qui ont suivi celte donation, it commencer de la re-
8
�it*
( 58 )
noncialion de la dame Revanger aux successions de ses père et
mere, jusqu’à la main-levée de la saisie réelle des biens indivis,
n’ont pas opéré l’interversion du titre originaire de la possession,
qui est restée constamment la même.
Délibéré à Paris ce 24 septembre 1 S 1 9 ,par les anciens avocats
soussignés.
P. L E P A G E .
B O U R R É E D E C O R B E R O tf.
MUMWWVVWVWV'JWKVm’.U\VWMM
V\WWHVU\VWVVWW\%
T / a n c i e k a v o c a t s o u s s i g n é , qui a vu i ° un acte de délaisse
ment fait par Claude Bernard Maréchal, le 27 mars 1694 ; 2°une
transaction du 10 décembre 1 697 ; 5' deux sentences des requêtes
du palais, des 25 novembre 1 7 1 7 et 5 o juin 1 7 1 8 ; un mémoire
à consulter pour M. et madame Van D u e rn e , contre INI. et
madame de iNlaisire, et la consultation délibérée, par M e* L e
page et Bourrée de Corberon , le 24 septembre 1 8 1 9 ; ainsi
qu’un mémoire imprimé pour M . et madame d e M a istre , signe
par Me. Mauguinj
E s t i m e , que les droits de madame Van Duerne sont parfai
tement établis dans la consultation délibérée par M*'. Lepage
r i Bourrée de Corberon , et que les moyens de droit développés
par ces jurisconsultes doivent assurer le succès de sa demande.
Toute la cause peut se réduire à deux questions de droit.
La première, l ’acte du 37 mars 1G94 est- i I un acte de vente, ou
seulement 1111 contrat d’ahamlnuncinnnt qui n’a pas irausftré aux
créanciers de Claude-Bernard Maréchal la propriété des im
meubles cédés, mais qui les a constitués simplement mandataires
dans leur propre chose , à l’ellct de vendre ces immeubles pour
«'il employer le prix au payement de leurs créances ? La seconde ,
si l’acte du 27 mars 1G94 ne peut pas être considéré comme
translatif de propriété à l ’égard des créanciers qui ont iiguré
dans l’acte : cette propriété peut-elle être établie, soit par les
actes postérieurs intervenus par suite et comme conséquences de
l ’acte du 27 mars 1G 9 , soit par -la longue possession des auteurs
�(59 )
de M. cl madame de Maistre depuis la dale de cet acte jusqu’à
c:e jou r?
•
S u r ¡a première question , le soussigné n’hésite pas à décider
que l’acte du 27 mars 1694 11/est point un contrat de vente d’im
meubles , ni même de droits successifs, mais un simple acte
d’abandonnement , qui 1111
dépossède le cédant } lequel a
conservé sur sa tête la propriété des biens, en constituant les
cessionnaires ses mandataires dans leur propre chose , a la
charge de r e n d r e compte. C’est ce que la consultation de M es. Lepafre et Bourrée de Corbcron a démontre jusqu a 1evidencc ; ou
ne^pourrait rien ajouter aux raisons solides et judicieuses don
nées par ces jurisconsultes , et que le soussigné adopte dans leur
entier. 11 se bornera à Jaire remarquer que le caractère prin- 1
cipal du contrat de vente , et sans lequel ce contrat ne peut pas
exister, est la stipulation d ’un prix qui soit l’équivalent de la
chose vendue. Sine pretio nul la venditio est .- L e g. 2 , §. 1 ,
f f . de conlrahcnd. em pt.; o r , . 011 ne trouve dans l ’aclc du 27
mars 1G94 aucune stipulation de prix , car on ne peut pas
considérer comme stipulation du prix la clause qui porte : « que
« le présent délaissement et abandonnempnt faits par ledit sieur
« de Bom pré, pour le prix et somme de quatre mille francs,
« q u e l e s d i t s premiers et derniers créanciers , tant pour eux que
« pour les autres , promettent lui payer , pur form e de gratiji« cation sur les biens de sesdits père et marc. »
D ’ab ord, cette clause se réfère non pas à une vente, mais
à un acte de délaissement et d’abandonnement fait par ClaudeBernard Maréchal ; eusnite les créanciers ne s'engagent pas pul'erncnt et simplement à payer au cédant celle somme de qua'rc
mille francs, et de leurs propres deniers, mais seulement sur
Ifls biens cédés et abandonnés ; c’est à-dire , qu’ils s'obligent, sur
le produit de la vente des biens , à payer à Claude-Bernard M a
réchal la somme de quatre mille francs avant de Jui rendre
leurs cou»pics de l ’emploi des sommes provenant de cette vente ,
et (pii étaient destinées à payer les créanciers.
11
est si vrai «pie, pur l’acte du 27 mars tC>g.{, l’ intention des
parties n’était [»as de transférer aux créanciers la propriété des
l»iens , que par une clause expresse de cet acte les saisies qui
«vaient été faites sur le cédant à la requête de quelques créanf ,'’i s , ont été formellement maintenues sur lui-m êm e, ce qui
�( 60)
est incompatible avec l’idée de la dépossession de Claude-ber
nard Maréchal , ou de la translation de la propriété à des
tiers.
,
E nfin, on ne pourrait pas même prétendre que le prix de la
vente faite par Claude-bernard ¡Maréchal était dans sa libération
envers les créanciers , car cette libération n’est aucunement sti
pulée; et que si le produit de la vente des biens abandonnés
avait été insuffisant pour payer les créanciers , ceux ci auraient
eu le droit de poursuivre leur débiteur, qui, par l’acte lui-même,
avait renoncé à faire usage de toutes lettres d’état ou de répit
qu ’il aurait obtenues , ou qu’il pourrait obtenir dans la suite.
S u r la seconde question , le conseil soussigné estime , que les
actes postérieurs à l'acte du 27 mars 1694 , et particulièrement
la transaction du 10 décembre 1697 , et les sentences des requêtes
du palais, des 25 novembre 1 7 1 7 et 3o juin 1 7 1 8 , ne peuvent
être considérés comme des titres nouveaux et sans connexité
avec l’acte primitif du 27 mars 4
19
6
ces actes se réfèrent tous
à un contrat d’abondonnement, et n’en sont que les conséquences;
o r , si le contrat d’abandonnement ne transfère pas la propriété,
si le cédant continue à rester propriétaire , il ne cesse pas de
l’être par des actes qui ne sont que des modifications , des suites
du contrat d’abandonneme n t , et qui n’ont pu lui enlever le droit
de demander compte du mandat qu’il a donné par ce contrat.
Qua nt a la possession des auteurs de M. et madame de Maistre,
cette longue possession , qui serait plus que suffisante pour leur
avoir acquis la prescription, si elle n’avait commencé par un
titre; vicieux et qui ne pouvait servir de fondement à la pres
cription , ou, si la cause de cette possession vicieuse avait pu être
légalement changée ou intervertie, elle ne peut pas protéger et
couvrir les possesseurs actuels p a r les raisons qui ont été déduites
dans la consultation délibérée par M '1. Lepage et B ourrée de
C orberon. , et auxquelles le soussigné se réfère.
Délibéré à Paris p a r le jurisconsulte soussigné, ancien a v o c a t
à la cour de Cassation , le 17 avril 1820.
G . DARD.
d e l 'i m p r i m e r i e s t é r é o t y p e d e L a u r e n s a i n é r u e d u p o t d e f e r n 1 4
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Van Duerne. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lepage
Bourrée de Corberon
Dard
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, pour monsieur et madame Van Duerne, appelans ; contre monsieur et madame de Maistre, intimés. [suivi de] Consultation.
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Laurent Aîné (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2522
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2523
BCU_Factums_G2524
BCU_Factums_G2525
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53508/BCU_Factums_G2522.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournai (Belgique)
Bayet (03018)
Barberier (03016)
Bompré (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53432/BCU_Factums_G2203.pdf
1a0ffbf0c2c3da61e0df5b2c761295b7
PDF Text
Text
RÉPLIQUE
COUR
IMPERIALE
DE RIOM.
2,e. CH A M BR E.:
POUR
M . l e P r é f e t d u d é p a r t e m e n t d u P u y -d e -d ô m e ,
exerçan t les d ro its d u G o u v ern em en t fran ç ais, et à ce
t it r e , ceu x du b aro n D ’H O M P E S CH , lieutenantg é n é ra l des arm ées d’A n g le te r r e , diligen ces de M . le
D ire cte u r des d o m a in e s, ap p elan t ;
CONTRE
Sieur F r a n c o i s L E R A S L E , intimé.
L ’on demande au sieur le Rasle pourquoi, dans son m ém oire,
il signale com m e son adversaire principal M. le D irecteur des
dom aines, tandis que le véritable appelant est M. le Préfet.
Ce n est qu’à ce dernier que l’on doit répondre.
L e sieur le Rasle ne sauroit prendre sur lui de dissimuler tout
son dépit de trouver encore à qui parler. Il a réussi dans un procès
évidemment in juste; il s’étoit empressé d’en faire signifier le
jugement tant à avoué qu’à dom icile ; par là il couroit à la
2
�(4)
chose jugée, parce qu’il étoit certain que le baron d’Hom pesch,
n ’ayant plus l’exercice des droits civils en France, ne pourroit
pas user de la voie de l’appel.
Mais Son ^Excellence le Ministre des finances, exactem ent
inform é de l’état des choses, a brisé les combinaisons du sieur
le R asle, en prescrivant les mesures nécessaires. M. le préfet du
P u y-d e-D ô m e a ordonné l’apposition du séquestre, et l’appel
en son nom.
Cela dérange les calculs du sieur le Rasle. Mais on n’est pas
toujours heureux. Il est impossible que le jugement du tribunal
civil de Clermont soit confirmé.
L e sieur le Rasle se trompe en disant, pages 8 et io d e son
mémoire , que, par son arrêt du 8 juin 18 11, la Cour a élagué
les fins de non-recevoir, et a réduit la cau se, i°. au compte
demandé à la dame veuve de Chabannes ; 2°. au bénéfice de la
séparation des patrimoines.
Cet arrêt porte : A tten d u l 'insuffisance de Vinstruction sur
Jes droits respectifs des p a rties, e t notamment sur le compte
que peut devoir la veuve de Chabannes à la succession béné
fic ia ir e de son m a ri;
L a C o u r , sans rien préjuger-sur le fo n d , ordonne., etc.
T o u t est donc encore en tier, dès que la Cour dit expressé
ment qu’elle, né préjuge rien. Son arrêt n’est que préparatoire.
Cela p o sé , M. le Préfet du Puy-de-Dôm e a donc pu et d û ,
dans son mémoire im prim é, traiter toutes les difficultés de
l’affaire.
.
.• •• i/i no« • .F> . .......... §.•
'
:• V .
: . ’ '
•
.i > 'JlisGrifoion -àe: la\ d a m e veu ve de C h a b a n n e s .
j Observons ¡d’abord qu’au tribunal civil de Clerm ont, l’affaire
a com m encé par la demande en nullité qu’en a formée le baron
d ’Hom pesch, tant contre la dame veuve de Chabannes, que
contre ses subrogés.
�(5)
Cette nullité est motivée , i°. prô noti d eb ito } 2°. pour e r r e u r - ^
dans l’énonciation de la date du contrat de ïnariage de la dame
veuve de Chabannes.
:
La dame veuve de Chabannes et ses subrogés se sont retran
chés dans le m oyen de la distinction des patrimoines.;
D e son c ô té , le baron d’Hompesch a invoqué l’inscription,
hypothécaire de Frédéric de Chabannes. L e 6ieur le Rasle a
voulu s’approprier l’effet de cette même inscription, en Vertu
de la subrogation du 29 ventôse an i 3 .
V oilà comment le combat s’est engagé.
>
Sur le premier m oyen contre l’inscription de la dame veuve
de Chabannes, sur le m oyen pro non debito , nous n’exam i
nerons pas pièce à pièce les divers actes dont le sieur le Rasle
parle dans son mémoire. Plusieurs sont de simples copies sur
papier libre, et dès-lors ne méritent aucune foi.
A in si, à ce qui a été d i t , nous ajouterons seulement que
l’inventaire fait après le décès de M arie*Jacques*G ilbert de
Chabannes a in é , m entionne, i°. un bail à ferm e du domaine
de M ad ic, consenti par la dame veuve de Chabannes, à Jean»
Antoine D utour , m oyennant 2,000 francs argent, et six brasses
de foin par an ; 20. un autre bail à ferme du domaine de
C urton, consenti par la dame veuve
de Chabannes à Jean
Beron , moyennant 3 , 5oo francs par an.
Nous convenons qu’étrangers à la famille de Chabannes , et
la mère et le fils se coalisant, nous ne pouvons nous procurer
les titres retenus par eux.
.
,
Mais , dans cette position, les considérations doivent être
comptées pour beaucoup.
Jean^Frédéric d e Chabannes est entièrement ruiné. L e s 5 o
frim aire et 8 nivôse an i3 , il a déposé son bilan au greffe
du tribunal Vte com m erce, à Paris.
Entre la mère et le f i l s fra u s fa cile prcosumibur. En pareil
Cas, des circonstances et des indices valent des preuves ; êt
en est-il de plus puissans que ceux qui suivent?
3
�( 6 }
, E st-il croyable que la mèro eût gardé le silence depuis le 26
septembre 1780* époque du décès de son m ari, jusqu’au 26
ventôse an n » ici est, 17 mars 1800, jour de son inscription aux
hypothèques? Il y a là une révolution de vingt, trois années.
R este-t-on pendant vingt-trois ans sans demander sa dot, son
douaire , son droit d’habitation, etc. ?
La dame veuve de Chabannes habitoit avec Joan-Frédéric ,
son fils; elle vivoit aux dépens de ce dernier. E st-il vraisem
blable qu’elle soit encore créancière des vingt années de douaire
et d’habitation comprises dans son inscription hypothécaire?
T out est contre la réalité de la créance. L ’invraisemblance
contre les articles du douaire et de ^habitation , conduit à
suspecter justement tous les autres objets.
. T o u t porte à penser que la dame veuve de Chabannes est
entièrem ent désintéressée. Il y en a sûrement des quittances ;
mais le moyen de les d écouvrir, dès que la mère et le fils sont
d’accord pour ne pas les indiquer !
L ’inscription hypothécaire n’a été faite qu’un jour franc avant
celui de la transcription de la vente du domaine de Rochel'ort,
puisque l’inscription est du 26
du 28. N e peut-on pas dire que
de F ré d é ric , qui en m enaçoit le
s’ en plaint au tribunal civil de
im prim é, page 6.
ventôse , et la transcription
cette inscription est du fait
baron d’H om pesch ? Celui-ci
Clerm ont, dans un mémoire
L e moyen de forme contre cette inscription n’est pas une
critique de syllabes, aucupium syllabarum , comme l'objecte
assez légèrement le sieur le Rasle.
Il avoit d abord présenté la chose comme lapsus ca l am i }
aujourd’hui il en tait aucupium syllabarum'. mais il n’y prendra
personne.
Ce n’est pas aucupium syllabarum qu’invoqueizles disposi
tions substancielles de la loi du 11 brumaire an 7 , qui veut
absolument que le titre de créance ( quelle qu’en soit la n atu re,
fut-il un contrat de mariage, comme dans la cause actuelle)
�■aolt énoncé dans une inscription hypothécairG par sa véritable
date de jo u r, mois et année.
’
y
~
iiü
Ce n’est, pas aucupium syllabarum qu’invoquer un arrêt da
cassation ( celui du 7 septembre 1807 ) , qui l a jugé ainsi .trèsexpressément.
Il est vrai q u e , dans l’espèce de cet arrêt, l’erreur dans la
date du titre n’étoit pas le seul m oyen de nullité : 1 inscription
n’avoit été faite qu’au nom des h éritiers. Guillaudin ( sans
leurs prénoms, professions et domiciles ) , en vertu d’une sen
tence du châtelet de Paris, datée du i 3 septembre 1777 ( elle
étoit du i 3 novembre 1777 )•
*’
Mais le second m otif de cet arrêt porte égalem ent sur les
deux vices. Il juge que les deux choses sont également essen
tielles , à peine de nullité. Rien de plus fort que les expressions
de ces motifs.
1
.
I l est évidem m ent, y e st-il d it , de l'essence d'une inscrip
tion hypothécaire de contenir les énonciations prescrites, etc.
relativement au x personnes q u i s ’inscrivent ( les nom s, pro
fessions et demeures des créanciers ) , et à la date du titre dont
elles se prévalent ; — que dans l ’espcce, ces énonciations,éta n t,
.soit omises ( les prénom s, jprofessions et d om iciles), soit erronnées ( la date de la sentence ) , la contravention à la lo i, et
la nullité de cette inscription, sont manifestes.
L e système hypothécaire est d’ordre public. Aussi les nullités
d’inscriptions ne se couvrent-elles pas,par le silence. On peut
les opposer en tout état de c a u se , même sur appel, s’il n’en
avoit pas été question en première instance. N ous avons sur
ce point de droit un arrêt de la Cour de cassation, dans le
journal par Denevers , en date du 6 juin 1810, page 276.
Ainsi donc l’inscription de la dame veuve de Ghabannçs est
nulle, et celles de ses subrogés le sont aussi.
:>u :.|> ■
r>.;
Dans notre mémoire imprimé , nous avons insisté sur ce
m oyen, x°. parce qu’en Cour souveraine il|Q,e faut en négliger
iiucun ; 2°. parce que ce n’est qu’aux créanciers inscrits que la
4
�loi du i l brumaire an 7 , article 31 ,, donne la faculté de requérir
la mise aux enchères.
>Ce n’est pas que Ton eût à craindre cette réquisition.
i° . ¡Le bien n’a été revendu au sieur de Sarrasin que 72,000 fr .,
som m e insuffisante pour constituer une vilité de prix.
20. La dame veuve de'Chabannes l ’a si bien senti, que nonseulement elle ne suit pas sa réquisition, mais qu’encore elle
ne la montre pas. E lle n’en parle même plus.
3°. L e sieur de Sarrasin a fait transcrire. Il a notifié son
contrat et sa transcription , en 1810, tant à cette dame qu’à ses
Subrogés , et personne n’a fait enchère.
4 °. Où mèneroit une enchère? Frédéric de Chabannes est
créancier de plus de 600,000 fran cs, et premier inscrit ; il absorberoit to u t, et il est le garant du baron d’Hompesch ; en sorte
que l’on ne feroit que tourner autour d’un cercle vicieux.
Nous n’avons pas pensé à contester, dans notre mémoire im
prim é, le bénéfice de la distinction des patrimoines ; nous conr
-venons que la succession étant ouverte avant le Code Napoléon,
la dame veuve de Chabannes pourroit, sans inscription préalable,
réclam er ce ^bénéfice.
’M ais, d it le sieur leiR asle, page 3;i de son m ém o ire, si l’on pla■coit la créa n ce de F réd éric de Chabannes avant ce lle de sa m é re ,
l ’ o n A R R A N G E R O N T OLES C H O S E S A
'C O L L O C A T IO N S J- C A R Y
«un
UNE
S U C C E S S IO N
l ’iNVERSE
DE L O R D R E LÉ G A L DES
A Y A N T L I E U A S E P A R A T I O N D E S P A T R I M O IN E S
» ¿N ÎF IC IA IR E
(O U V E R T E
AVANT LE
CODE ) ,
ÎU A D A M E D E ’ C lI A B A 'N N E S D O IT ¿ T R E C O L L O Q U E E A U P R E M IE R R A N G ,
P A R C E Q U E SO N H Y P O TH È Q U E E ST D E
P A ï i QU’APR ÈS E L LE
,
PARCE
QUE
SO N
175g :
T IT R E
S O N F IL S N E D O IT E T R E
n ’î
-ST Q U E D E
1780.
Autant d’erreurs que de mots.
i°. L e sieur le Rasle parle contre sa science.
Lors de notre mémoire im prim é, nous ne connoissions pas la
subrogation du 29 ventôse an i 3 ; nous n’en rapportâmes que
ce qu’en dit le sieur le Rasle Iui-m ém e, dans sa requête du 19
février 1811. Mais son récit n e s t pas exact; il y a quelques
�<9 )
expressions de plus dans l’acte que nous avons pris en com
munication.
Dans cet acte il y a : L e q u e l, pour assurer d ’autant plus à
à M . le Rasle les droits résultant en sa faveu r de l'obligation
de 53 ,ooo f r . qu’ il lu i a passée solidairement avec d am e, etc. ,
le 3 o thermidor an 1 2 , enregistrée, a , p a r ces présentes qui ne
sont q u ’une suite e t un complément d u dit a c te , déclaré q u i l
n ’a été , n i dans son intention, n i dans son esp rit, lors de
lad ite obligation, de pouvoir exciper à l ’avenir contre led itsieu r
le R asle d ’une inscription qu’i l déclare avoir lui-mêm e prise
avant ladite dame sa m ère, sur la terre de R o ch cfo rt, f o u r
E M P E C H E R L E D IT SIEU R L E R
L A TERRE ,
a sLE
D E SE F A IR E P A Y E R A V A N T L U I SU R
D E S CA U SE S E T A U X É C H É A N C E S D E SON O B LIG A T IO N .
E n conséquence, etc. , subroge led it sieur le R asle jusqu’ à
concurrence, etc., dans l ’effet de F inscription q u ’il déclare
avoir fo r m é e , etc. , fe 9 prairial an 10 , etc. , pour par lu i
l exercer en son lieu e t p la c e , e t privativement à lui-m êm e.
P
ourquoi
il
con sen t
que
,
PA TfE E A SES É C H É A N C E S , M . L E
l a d it e
RASLE
o b l ig a t io n
PU ISSE
s ’e
n ’é t a n t
pas
N F A IR E PA YE R .
A V A N T L U I , A L A D A T E D E SA.DITE IN SC R IPT IO N D U g P R A IR IA L A N Î O . j
L ’on peut donc dire au sieur le Rasle : « E x ore tuo te ju d ico .
« Dans cette subrogation, que vous avez accep tée, dont
«
«
«
«
yous
faites u sage, vous avez reconnu que Frédéric de Chabannes
étant premier inscrit, devoit être payé premier. Aujourd’hui
parler autrem ent, est vous donner un démenti qui n’est pas
de bonne foi. »
20. P eu importe que les successions de Chabannes n’aient été
acceptées que sous bénéfice d’inventaire.
Elles sont ou vertes, celle du p è r e , en 1780, et celle du fils,
en 1789.
L inscription de Frédéric a été faite en prairial an 10.
La vente de Rochefort a été consentie en l’an xx.
L inscription de la dame veuve de Chabannes est aussi de
l’an x i.
�i Cela; p o s é c ’est la seconde loi de brumaire an 7 , qui doit
résoudre la difficulté présente.
s^Or-J'dans le titre 3 , dont la rubrique est, Dispositions rela
tives a u x hypothèques, privilèges et mutations du passd, si les
articles 37 et 38 portent que les inscriptions faites dans les trois
rnois qui sont accordés,'conserveront a u x créanciers leur hypo
thèque ancienne, l’article 3 g dit : L es hypothèques q u i n au
raient pas été inscrites avant: Vexpiration des trois mois ,
n ’auront ''effet qu’ à compter du jo u r de l ’inscription q u i en
seroit requise postérieurement.
■
» ,
L ’article 5' ne fait d’exception que pour les cas de f a i lli t e ,
banqueroute ou cessation publique de payem ent d ’un débiteur.
Si l’inscription n’est pas faite avant les dix jour& de la faillite,,
elle ne confère pas hypothèque. Mais ic i, pas un mot pour le
.cas du bénéfice d’inventaire ; l’article 5 n’est que pour les com merçans. • t •
'
Au reste, la question a été jugée par la Cour de cassation r
section civile. Son arrêt, du 5 septembre 1810, est rapporté par
Denevei-s, page 5 i 2. L e m otif est que, en admettant que l’art. 5
de la loi du 11 brumaire an 7 fû t, dans le système de.cette loi»
applicable au cas de la succession bénéficiaire comme à celui
de la faillite, c e t article étoit sans in fluen ce dans l’espèce, où
l’hypothèque de D ucluzel étant de 179 1, antérieure par consé
quent à cette lo i, il s’agissoit non pas d’acquérir, mais de con
server un droit préexistant.
D e cet arrêt et de la loi de brumaire an 7 , il suit que sous
cette loi on pouvoit faire une inscription hypothécaire contre
une succession bénéficiaire, et cela en vertu d’un titre ancien.
Si 011 le p o u vo it, cette inscription avoit l’e ffet que lui donne
l’article 3g. L ’in scrivan t n ’a hypothèque que du jour de son
inscription.
Q u ’on ne répète pas qu’y ayant lieu à la séparation des patri
moines y la dame veuve de Chabannes n’avoit pas besoin d’ins
cription.
�Cela est vrai pour les créanciers du défunt, contre ceux de
l’héritier, pour faire que les premiers soient payés avant les
seconds.
< Mais quand la querelle n’est qu’entre les créanciers du dé
funt , le principe de la distinction des patrimoines n’est plus
nécessaire. Ils ne sont tous que des créanciérs de la personne
décédée ; ils ne sont que des créanciers ordinaires. Les uns
contre les autres ont les avantages comme les désavantages
attachés à la formalité de l’inscription hypothécaire. C eux qui
sont inscrits doivent l’emporter sur les non inscrits, tout comme
ceux qui le sont les premiers ont un rang antérieur à celui des
créanciers négligens. V igilantibus ju ra subveniunt.
• t a •
. . .
§.
¿ 1
’él
n .
Inscription de Frédéric de Chabannes.
Étant ce rta in , en point de d roit, que Frédéric est le premier
C r é a n c ie r
h y p o th é c a ir e ,
en
v e rtu
de
son
in s c r ip tio n
du
9
prairial an 10 , sa créance absorbant, et au delà, le prix d e là
vente du domaine de R o ch e fo rt, il semble superflu de s’o c
cuper davantage , et de la dame veuve de Chabannes, et de
ses subrogés.
Il ne reste plus que Frédéric de Chabannes qui paroltroit avoir
subrogé à l’effet de son inscription, x°. le sieur le R a sle, le 29
ventôse an i 3 , pour 53 ,000 francs ; 20. la dame de Reclesne
et le sieur JVIallet, le 16 mars 1808, pour 27,212 francs 5 ocen t.
Q u’avoit Frédéric de Chabannes contre la succession béné
ficiaire Chabannes ?
Il
avoit une créance toute mobilière , et rien de plus. Il
n’auroit donc pu céder que cela au sieur le R a sle , par l’acte
du 29 ventôse an i3 , ainsi qu’à la dame de Reclesne et au
sieur M a llet, par l ’acte du j.5 mars 1808.
�Ces contrats ne seroiént donc que des transports d’une ciéan ce
mobilière.
O r , suivant les anciens principes, maintenus par les-articles
1690 et 1691 du Code Napoléôn, le cessionnaire d’une créance
n’en est saisi que par la signification du transport au débiteur
de cette créanée.
Jusqu’à cette signification, des créanciers du cédant pouvoient
saisir et arrêter utilement la c ré a n c e , tout com m ê le débiteur
£ouvoit la payer valablement au cédant.
Ici point de notification au baron d’Hompesch, ni de la part
du sieur le R asle, ni de la part des autres prétendus subrogés.
En vain dit-on qùe Frédéric de Chabannes étant tout à la
fois créancier de suo , et débiteur, comme héritier bénéficiaire
de la chose c é d é e , il ne falloit pas lui notifier des transports
q u ’il avoit consentis lui-m ém e.
x°. Respectivem ent au sieur le Rasle et autres subrogés, le
prix de la vente du domaine de Rochefort étoit chose purement
mobilière. Cela ne valoit pas plus qu’ une simple obligation no
tariée. O r , dans le cas d’une simple obligation notariée, le
transport n’en ayant pas été notifié, il est indubitable que le
payement qui en auroit été fait directem ent à Frédéric de
Chabannes , seroit valable. I c i il y a parité de raison.
20. N ous accordons bien q u e , respectivem ent à Frédéric de
C h aban n es, il ne fallo it pas de notification à lu i-m ém e.
Mais respectivement à un tiers, il en falloit absolument une.
D ’ailleu rs, Frédéric en subrogeant le sieur le Rasle et au tres,
à l’effet de son inscription, leur présentoit nécessairement l’idée
que ce seroit contre un tiers et non contre lui-m ém e qu’ils
auroient à demander 53 ,ooo fr. d'une part, e t 27,2x2 fr. 5o c e n t
d’autre. Il falloit donc une signification de ces cessions à ce
tiers, ou ce lu i-ci pouvoit payer valablement à Frédéric luim ém e.
1 O r , le prix de la vente est payé depuis le jour même du
contrat de vente ( le 7 pluviôse an 1 1 , ou 27 janvier i8 o3 ),
�depuis plus de deux ans avant la subrogation faite au sieur
le R asle, depuis plus de cinq ans avant la subrogation faite à
la dame de Reclesne et au sieur Mallet. Ayant fait transcrire
en l’an 1 1 , ayant quittancefdu même jour du contrat, s’étant
déterminé par l’assurance que le sieur Frédéric étoit seul inscrit,
et dès-lors un créancier hypothécaire .qui couvroit to u t, le
baron d’Hompesch n’avoit que faire de s’occuper de c e qui
seroit inscrit après.
M ais, d it-o n , i°. par le co n tra t, le baron d’Hompesch s’est
obligé à payer le prix de la vente à Frédéric de Chabannes,
aussitôt après la transcription, sans opposition au bureau des
hypothèques de Clermont; 2°. il a fait transcrire : de là vinculum ju ris entre lui et les créanciers inscrits; 3°. dans l’instance en
la Cour impériale de Paris, en l’an 14> il a offert de payer
qui par justice sera ordonné : donc la quittance de 86,000 f r . ,
qui n’est que sous seing privé , .n’existoit pas en l’an 11.
E n premier lie u , la stipulation de payement après la trans
cription, n’étoit que pour le baron d’Hompesch : il étoit bien
en son pouvoir d’anticiper.
La quittance du 7 pluviôae an 1 1 , contient seulem ent, i°. jitj
règlement de ce que Frédéric de Chabannes devoit au baron
d’Hompesch, à la somme de 36 ,000 francs; 20.,l’accusé de récep
tion d’une somme de 14,000 fra n cs, en une traite à trois mois
de date; 3 °. pouvoir de tirer sur le .baron d’Hompesch pour
27,600 fra n cs, à trois mois de date ;,4°. acquit de 4,800 fr.
dûs à un sieur M archan d , et dont le baron d’Hompesch avoit
répondu; 5°. reçu d’une traite de 3 ,600 francs sur un .sieu r
Brette , à deux mois de date.
Le sieur le Rasle, pages 2.5,2 6 et 27 de son mémoire, voudroil
élever des doutes sur la sincérité et la valeur (en France,) des
titres de la créance du baron d’Hompesch.
Mais tout est réglé par la quittance du 11 pluviôse an 7 ; elle
a été faite à Paris. Il est donc inutile d’exam iner s i , d’après
�( i4 )
l’article i5 du Code Napoléon , et les arrêts cités par Sirey et
Denevers , il falloit que ces titres fussent confirmés par un ju-s
gement fendu en France.
1
î
L e sieur le Rasle oppose que l’on ne rapporte pascfei comptes
et les traites acquittées ( page 26 de son mémoire ).
Mais , x°. c ’est pour la première fois que l’on en fait l’objec
tion , parce que l’on sait qu’il est moralement impossible d’avoir
à cet égard aucun renseignement de la part du baron d’Hompesch.
On n'a pas proposé le moyen au tribunal civil de Clerm ont,
quand il pouvoit y répondre lui - même.
20. L e sieur le Rasle rapporte-t-il lui-même aucun protêt de
ces traites? S’il n’y en a aucun,-les lettres de change ont donc
été acquittées à leurs échéances. Elles étoient au moins de l’an
11 ; leurs échéances étoient à deux et trois mois. 'Nous sommes
en l’an 20 ; et l’article 21 du titre 5 de l’ordonnance de 1673
porte : L e s lettres ou billets de change seront réputés acquittés
aprcs cinq ans.
E n second lieu , la transcription aux hypothèques forme bien
vinculum ju ris, quand elle est suivie de notification aux créan
ciers inscrits.
M ais, i°. elle n étein t pas les droits et les exceptions que
p ourroit avoir l’acquéreur.
a°. L ’inscription de la dame veuve de Chabannes étant n u lle,
l’on ne peut pas nous opposer le défaut de notification, parce
q u e quod nullum e s t , nullum producit effectum .
E n troisième lie u , le sieur le Rasle n’étoit point partie dans
l ’instance sur laquelle est intervenu l’arrêt de l’an 14.
En la Cour impériale de Paris, la dame veuve de Chabannea
crie beaucoup à la vilité du prix de la vente.
L e baron d’Hompesch répond : Il n’y a pas de vilité ; mais
faisons estimer par exp erts, et je payerai le montant de leur
appréciation à qui par justice sera ordonné.
La dame de Chabannes n’accepte pas.
�( i5 )
Ainsi point de contrat formé.
Mais l’offro du baron d’ Oom pescli n’est pas contre l’exis
tence de la quittance en l’an u .
Aujourd’hui il est encore à temps de la produire, dès que
nous sommes en justice pour faire dire à qui revient la somme
de 66,000 fr. prix de la vente.
Term inons cette partie de la cause par les remarques sui
vantes.
Frédéric de Chabannes étoit obéré : tout le monde le sait.
Si la quittance du 7 pluviôse an i l n’étoit pas sincère quant
à sa d a te , et si le sieur Frédéric n’avoit pas reçu réellement
les 86,000 fra n c s , n’auroit-il pas agi en payement aussitôt la
transcription du 28 ventôse an 11? L ’on défie de rapporter au
cun acte de poursuite de sa part.
Les 3 o frimaire et 8 nivôse an i 3 , Frédéric de Chabanes
dépose son bilan au greffe du tribunal de com m erce de Paris.
A cette époque, l’acte du 29 ventôse an i 3 , en faveur du sieur
le R a sle , n’existoit pas encore. Si les 86,000 francs montant de
la quittance avoient été dûs a lo rs, Frédéric de Chabannes deY O it les c o m p r e n d r e d a n s c e b i l a n , e t y a - t - il porté e n a ctif o u
passif le baron d’Hompesch ? S’il ne l’a pas f a it , c ’est parce
que tout étoit réglé par la quittance. D on c elle existoit avant
qu’il fût question de rien entre lui et le sieur le Rasle.
A quoi sert au sieur le Rasle de dire que cette quittance
n’est que sous seing p riv é , et q u e , suivant l’article 1328 du
Code iNapoléon , elle n’a contre lu i, tiers, de date certaine qu’à
compter du jour de son enregistrement?
Mais il faut entendre civilem ent cette disposition; il faut con
sidérer ce qui se pratique journellement.
O r , dans l’u sa g e , on ne fait enregistrer les quittances que
quand on veut les produire en justice. Pour l’enregistrement de
ces a c te s , il n’y a pas de délai fatal à peine de payer îe double
droit : voilà pourquoi on ne les soum et à cette formalité que
lorsqu’on en a besoin.
�(, i 6 )
Dans la c a u s e , le baron d’Hompesch n’a eu besoin de pro
duire cette quittance qu’au tribunal civil de Clermont : jusque-,
là il eût été inutile de faire ltis frais de l'enregistrement.
A u re s te , qu’est le transport d’une créance ? Si des saisiesarrêts préalables ayoient été faites entre les mains du débiteur
de la créan ce, avant la notification du transport, ces saisiesarrêts l’emporteroient sur la cession non signifiée. ( N e perdons
pas de vue que nous sommes à un temps antérieur au Code
N apoléon, et que nous devons être jugés par les principes an
ciens. )
O r , si le sieur le Rasle se trouvoit en concurrence avec des
créanciers saisissans ; s’il s’agissoit de répondre, et sur sa de
mande , et sur celle des saisissans, qu’auroit à faire le baron
d’Hompesch ? Il auroit à dire : « Je ne dois rien ; voilà ma
cc quittance. »
*
On ne pourroit pas lui répliquer utilement : « Votre quit« tance n’ a pas été enregistrée en l’an 1 1 ; contre nous elle n’a
« de date certaine que celle de l’enregistrement. » T ou t ce
qu’on pourroit exiger du baron d’Hom pesch, ce seroit son affir
mation de la sincérité de la quittance ; mais sa quittance seroit
parfaitement bonne.
L e sieur le R asle oppose en -vain qu’il a une subrogation a u
thentique , tandis que le baron d’H om pesch n’a qu’««e quittance
occulte e t suspecte.
i°. Il saute aux yeux que l’acte du 29 ventôse an i 3 a été
fait contre la quittance du 7 pluviôse an 11. Il suffit de donner
quelqu’attention à toutes les expressions du sieur de Chabannes
en faveur du sieur le Rasle.
Si la quittance n’eût pas existé, l’acte du 29 ventôse an i 3
étoitinu tile; puisque, par celui du 3 o thermidor an 12 , le sieur
le Rasle étoit subrogé à la dame veuve de Chabannes, puisque
Frédéric de Chabannes étant lui-m ôm e débiteur du sieur le
R a sle , il ne pouvoit se prévaloir de son inscription contre son
créancier personnel. Mais ce moyen de fraude contre la quit
�tance est une preuve de l’existence préalable de la quittance.
C ’est le lieu de dire nimici prœcautîo dolus.
a0. Il n’eat pas vrai que le sieur le Rasle ait une subrogation
qui puisse lui être utile.
En e ffe t, les 3 o frimaire et 8 nivôse an i 3 , quelques mois
avant la prétendue subrogation, Frédéric de Chabanes avoit
déposé son bilan.
L a subrogation seroit donc n u lle , suivant l’art. 4 du titre 1 1
de l'ordonnance de 1673, la déclaration du 18 novembre 1702,
et un arrêt de la Cour de cassation, du 8 octobre 1806, rap
porté par D enevers, page 614» parce qu’un failli ne peut vendre
ni créan ces, ni immeubles.
3 °. L e baron d’Hompesch avoit, par sa quittance du 7 pluviôse
an 1 1 , une subrogation ipso ju r e , à l’effet de l’inscription du
9 prairial an 10.
D ’abord, il est un point sur lequel toutes les parties sont d’ac
cord : ce point est que Frédéric de Chabanes n’a opéré aucuns
confusion dans lui.
B ré d é ric , héritier bénéüciaire de son père et de son f r è r e ,
est resté leur créan cier des G 3 o ,o o o fran cs m entionnés en son
inscription. Cela est certain en droit.
Les 66,000 francs pour la vente de R o cliefo rt, compris en la
somme de 86,000 fran cs, qu’il a quittancée le 7 pluviôse an 1 1 ,
sont à valoir sur sa créance contre la succession bénéficiaire. S i, à l’instant où la vente a été parfaite, Frédéric est devenu
débiteur de 66,000 francs envers cette succession, au même
instant s’est rencontrée sa qualité de créancier de 63 o,ooo fr. j
et au même instant s’est op érée, ip so j u r e , la (compensation
jusqu’à due concurrence. Ip s o jure c o m p e n s a tio n e m p r o s a lu ta
h a b e r i o p o r te t e x e o tempore e x q u o a h u tr ù q u e p a r ta d e b e tu r .
L. 4» tit. D e c o m p e n s â t.
C ’est une erreur de la part du sieur le R a s le , de prétendre
que le sieur Frédéric ne pouvoit pas se payer par lui-méme.
i°. Il excipe des droits de F réd éric ; il n’auroit donc pas d’in-
�térét à faire cette objection : ce seroit parler contre lui-méme.'
2°. La dame veuve de Chabannes soutenoit, en la Cour im
périale de P a ris, que Frédéric n’avoit pu vendre : cette Cour
a jugé la vente valable. S’il étoit capable de la fa ire , il l’étoit
aussi de payer, et dès-lors de compenser avec ce qui lui étoit dû.
M. D om at, en ses Lois civiles, liv. i er. , tit. 2 , sect. 3 , n. 7 ,
dit que l héritier bénéficiaire peu t payer les créanciers qui se
présentent les prem iers, s’ i l riy a pas de saisie ou autre em
pêchem ent de la part des autres. E is satisfaciat q u i prim i veniunt creditores, et si n ih il reliquum est posteriores venientes
repellahtur. L. u lt., ff. 4 > tit. D e ju re delib.
Rousseau de Lacom be, verbo H éritier, n. 1 1 , dit : S i F héritier
bénéficiaire intervertit l ’ordre naturel du payem ent des d ettes,
i l en est responsable envers les créanciers. D o n c, par argument
à contrario, s’il se conforme à l'ordre naturel, il n’est respon
sable de rien. Mais toujours est-il qu’il pouvoit p a y e r, sauf à
rester responsable.
D an s’la cause actuelle, la vente et la quittance sont d’avant
le Code Napoléon : il faut donc juger suivant les anciens prin
cipes.
Dans la cause a c tu e lle , l’ordre étoit tout fait. Frédéric étoit
prem ier créan cier inscrit ; il absorboit tout ; et en se payant par
lui-m ôm e , en faisant compensation des 66,000 francs , l ’ordre
légal se trouve exactem ent observé.
N ous avons dit plus haut qu’en payant à Frédéric, le baron
d ’Hompesch est d even u , illico e t ipso ju re , subrogé à l’effet
de l’inscription du 9 prairial an 10. Nous allons le prouver.
Frédéric avoit deux qualités. i°. Celle d’héritier bénéficiaire,
2°. celle de créancier.
Comme h éritier, il est vendeur de la terre de R ochefort, et
débiteur. Com m e créan cier, il a reçu.
D e cela il est résulté que Frédéric , créancier , a reçu les
66,000 francs, prix de la vente.
O r , i°. Rousseau de Lacom be dit, verbo Subrogation, n. 8 ,
�7$
( 19 )
que Vacquéreur q u i "paye au créancier de son 'vendeur, est
subrogé de plein droit. R enusson, en son Traité de la subro
g a tio n , ch. 5 , n, 5o , enseigne la m êm e doctrine.
2°. M. D o m a t, liv. 3 , tit, î , sec. 6 ,. n . 7 , pose le même
principe ; il le déduit de la loi 3 , tit. D e his q u i ïn prior. cred.
loc. su cc., portant S i potiores creditores pecuniâ tua dimissi
su n t, quihus obligata f u i t possessio quam 'emisse te d ic is , ità
u t pretium pervenireb a d eosdem priorçs creditores, in ju s
eorum successisti.
*
L ’article i2.$i du Code Napoléon porte que la subrogation
a lieu de plein droit au profit de l ’acquéreur d ’un im m euble,
qui emploie le p rix de son acquisition au payem ent des créan
ciers auxquels cet héritage éto it hypothéqué.
La terre de Rochefort étoit hypothéquée à Frédéric ; il étoit
le premier créancier. Sa créance est diminuée de 66,000 francs.
L e baron d’Hompesch est d o n c, ipso ju r e , subrogé à Frédéric.
Sur l’imputation des 86,000 francs portés par la quittance de
pluviôse an 1 1 , i°. Frédéric termine cette quittance par ces
mots importans et décisifs : J e l u i d o n n e q u i t t a n c e f a r c e s
P R É S E N T E S , EX R ECO N M O I8SA KCE A VALOIR. SU R L.E P R IX T O T A L ., Ct
J ix er par les arbitres que nous avons nomm és,
DE LA TERRE
d e la d ite v e n te
DE R O C H E FO R T , E T DE C E L LE D E MA C R É AN C E .
La
terre de Rochefort étant nommée la p rem ière, il est clair que
l’intention des parties s’est portée d’abord sur cette terre.
20. Le baron d’Hompesch avoit plus d’intérêt d’y appliquer
les 66,000 fra n c s, parce que par là il acquéroit subrogation,
ipso jure , à la créance hypothécaire de Frédéric ; il consolidoit
son acquisition ; il assuroit ses deniers contre les créanciers
postérieurs qui l’auroient recherché.
Pour la créan ce, il n’avoit pas le même m otif; il l° i sufiîsoit
de signifier sa cession à la dame Bernard de Chabannes. Par
cette signification, il étoit saisi de la chose ; il n avoit pas à
craindre d’autres créanciers. Au reste cette chose est zéro, à
cause de l’insolvabilité dq cette dame même en l’an 11 .
�( 20 )
.
Sur les dommages-intéréts réclamés par le baron d’Hompesch ,
il est certain que les contestations qu’on lui a élevées, et leur
continuation, lui ont fait grand tort. L e sieur le Rasle n’est pas
en bonne foi- pour avoir pris une subrogation de la part d’un
failli; pour l’avoir prise sachant bien que déjà la somme cédée
étoit payée. Il est d’ailleurs répréhensible d’avoir porté si loin
l’opiniâtreté. Il est donc juste de le condamner à la réparation
d’un mal qu’il a fait à dessein, et qu’il a aggravé fortement.,
GO U R B E Y R E
avoué•
A RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison L a n d r iot . —• Février 1812«
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Préfet du Puy-de-Dôme. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
créances
brevets
séparation de biens
émigrés
hypothèques
contrats de mariage
erreur matérielle
sujet d'une puissance en guerre
acquéreur anglais
séquestre
Chabanes de Lapalisse (Frédéric de)
compensation
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour M. le Préfet du département du Puy-de-Dôme, exerçant les droits du Gouvernement français, et à ce titre, ceux du baron d'Hompesch, lieutenant-général des armées d'Angleterre, diligences de M. le Directeur des domaines, appelant ; contre sieur François Le Rasle, intimé.
Table Godemel : inscription hypothécaire : 6. l’erreur dans l’énonciation de la date d’un contrat de mariage, en vertu duquel est prise une inscription hypothécaire, ne rend pas nulle cette inscription. Mandataire : 2. la circonstance que le créancier, comme mandataire du débiteur, a fourni des baux à ferme des biens appartenant à celui-ci, ne peut faire présumer ce créancier comptable et soumis à une compensation, s’il n’est pas établi qu’il a perçu le prix de ces mêmes baux. Obligation : 4. celui qui n’est porteur que d’obligations souscrites en pays étranger, et qui n’a pas fait juger en France, avec le débiteur, qu’il est réellement créancier du montant de ces obligations, est non recevable à l’égard d’autres créanciers ayant titre authentique, à éxercer les droits du débiteur, et à réclamer la priorité d’une inscription par lui prise.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 11-1812
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2203
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2201
BCU_Factums_M0417
BCU_Factums_G2202
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort-Montagne (63305)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
acquéreur anglais
brevets
Chabanes de Lapalisse (Frédéric de)
compensation
contrats de mariage
Créances
émigrés
erreur matérielle
hypothèques
séparation de biens
séquestre
sujet d'une puissance en guerre
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53431/BCU_Factums_G2202.pdf
ec8bfa56968f8707ebf801fa22e97792
PDF Text
Text
------
EN R É P O N S E ,
Pour F r a n ç o i s LE R ASLE , ancien avocat au
parlement de Paris, habitant à Paris, intimé
et incidemment appelant ;
Contre M. le Directeur de la régie et des do
maines, poursuivant} au nom de monsieur
le P r é f e t du département du Puy-de-Dôme,
la cause de M . le baron d e Hom pesch y
lieutenant général au service de TAngle
terre, appelant y
E n p résen ce d e m a d a m e M
a r ij e
—E
l is a b e t h
T A L E Y R A N D D E P É R I G O R D 3 veuve
de Jacques-Charles
de
C
habanes
,intimée y
E t encore en présence de dame M a r i e - L o u i s e
B R A C H E Ty veuve de
R eciesn e
J oseph M A L L E Ty et J a c q u e s
, H e n r iF IL L E -
COQy intimés.
X J n E cause de la plus grande simplicité a été em
brouillée par des demandes en n u l l i t é et en reddition
de compte ? que la régie ne peut aujourd’hui justifier
A
�(Z )
par aucun titr e , ni étayer par aucun texte de loi.
Pour ôter un prix de vente aux créanciers d’une suc
cession bénéficiaire, et le recevoir elle-même, la régie
lan*' oppose une quittance non enregistrée, «poin» ’f o y pora» à des actes authentiques.
E lle attaque de nullité une inscription prise sur la
succession bénéficiaire , sous prétexte de l’en:eur dans
la date du mois , quoique la séparation des patrimoines
ait été ordonnée, et que l’acquéreur n’ait eu pour créan
cier de fait et de droit que les créanciers de la succession.
E n fin , elle persiste à demander un compte préalable
de gestion, sous prétexte d’une procuration ancienne,
sans pouvoir justifier d’aucune gestion ni versement de
deniers.
Quelques faits et quelques réflexions suffiront pour
renverser un système de résistance plus opiniâtre que
spécieux»
I A I T S.
L e sieur le Rasle est créancier du sieur Jean-Frédérïc
de Chabanes, et de madame Marie-Elisabeth Taleyrand
de P érigo rd , sa m è re , d’une somme de 53,000 francs,
portée par obligation passée devant F ouclier, notaire
à Paris, le 30 thermidor an 12.
Par cet acte, madame de Chabanes a subrogé le
sieur le Rasle à l’effet d’une inscription prise par elle ,
le 26 ventôse an 1 1 , sur les biens de Jacques-Charles
de Chabanes? son m ari, et de Marie-Jacques-Gilbert
de Chabanes, son fils, héritier dudit Charles.
Cette inscription.étoit de 221,858 francs, c’est-à-dire,
�( 3 )
Z
147,144 francs pour le capital de sa dot ou douaire,
13,714 francs pour les intérêts, et 60,000 francs pour
le droit d’habitation ou préciput de communauté \ mais
la subrogation n’est faite que jusqu’à concurrence des
53.000 francs dûs au sieur le Rasle.
L e 29 ventôse an 1 3 , M . de Chabanes a subrogé
le sieur le R asle, pour plus grande sûreté, à l’effet d’une
inscription qu’il avoit prise lui-même, le 9 prairial an 10,
sur la succession de M arie-Jacques-G ilbert,’ son frère
( acceptée par lui sous bénéfice d’inventaire ).
Cette inscription étoit de 630,000 francs, c’est-à-dire,
300.000 francs pour la légitime dudit sieur Frédéric de
Chabanes, promise par son contrat de mariage, du 24
juillet 1780, et le surplus pour intérêts échus ou à échoir.
M . de Chabanes n’étoit alors connu à Paris que
comme le descendant d’une illustre maison, et comme
I inventeur breveté des vélocifers. O n ignoroit que déjà
à L o n d re s i l a v o it fa it des en trep rises de c o m m e rc e , n i
quelle en avoit été l’issue.
M . le baron de Hompesch s’est présenté comme ac
quéreur de la terre de R ochefort, sur laquelle frappe
l ’inscription de madame de Chabanes, dont il demande la
nullité et la radiation.
M . de Hompesch d it , dans son m ém oire, qu’il étoit
lié d'affaires et d’am itié,à Londres, avecM .d e Chabanes.
II a exp liq u é, dans d’autres écrits, la nature de cette
liaison. M. de Chabanes avoit fait à Londres une grande
entreprise sur le commerce du charbon. M . de Hompesch,
sans révéler quelle sorte d’intérêt il avoit dans cette
entreprise, se contente de dire qu’il a réglé ses comptes
A 2
�\ ,
C4)
avec M . de Chabanes à 2,396 livres sterling 2 sous1
et d em i, dont M . de Chabanes resta son débiteur ;
20. que M . de Cliabanes parvint à fa ire passer son
établissement sur la téte de M . de Hompesch.
Quoi qu’il en soit du passé, il paroît que M . de Cha
banes vendit à M . de Hompeseli, par acte sous seing
privé, du 7 pluviôse an 1 1 , fait à P aris, r°. en qua
lité d?héritier bénéficiaire de son frère, la terre de R o chefort ; 20. en son n o m , une créance de 1 5,ooo francs
sur la dame Bernard, veuve de Chabanes, sa parente,,
payable après le décès de ladite dame..
L ’acte ne porte aucune compensation avec des créances'
précédentes; au contraire, M . de Hompescli s'oblige de
payer le p rix aussitôt après la transcription.
Ge prix de vente n’est pas fixé ; il fut remis à l’esti
mation des sieurs W anlioorick et Houssey.
Ces arbitres vinrent de Paris estimer la terre de R o chefort à 66,000 f r . , et le prix de la créance à moitié:
du capital, attendu l’usufruit. ( La dame Bernard avoit
q u atre-vin gts ans. )
Cette vente alarma madame de Chabanes, qui-n’avoit
plus que ce g?ge ( 1 ) pour toutes ses reprises. Il paroît
que guidée par le texte de la coutume de P aris, elle
crut devoir en demander la nullité ( en l’an 12 ), comme
faite par un héritier bénéficiaire sans les formalités lé
gales.
(1) La
terre de L a p a lisse , v e n u e par su b stitu tio n d ’un o n c le ,
n ’é to it pas sujette
(
à l’h y p o th è q u e
de m a d a m e de
Chabanes..
�( 5 )
Cette demande avoit été accueillie par jugement du
22 floréal an 12 ; mais ce jugement fut infirmé en la
Cour impériale de la Seine, le 20 frimaire an 1 4 , par
le motif que la coutume d’Auvergne ne prescrit aucunes
formes à l’héritier bénéficiaii’e pour aliéner les biens de
la succession.
Il est bien à remarquer que lors de cet arrêt M . de
Hompesch ne dit pas le moins du monde qu’il eût rien
payé à son vendeur ; au contraire, il demandoit acte de
ses offres de payer le prix de sa vente à qui il seroit
dit et ordonnée
M . de Hompesch avoit transcrit, mais il ne notifïoit
pas sa transcription pour sommer les créanciers de faire
une enchère. Madame de Chabanes le mit en demeure
de faire cette notification , par exploit du 31 janvier
1806, pour être fait enchère s’il y avoit lieu , sinon elle
lui fit sommation de payer ses créances,;en exécution de
l ’art. 2169 du C ode civil.
Cette sommation n’a pas engagé M . de Hompesch à
se mettre en règle ; il a même vendu à M . de Sarrasin,
le 16 mai 1807, la terre de Rochefort^ moyennant le
prix apparent de 72,000 francs, en se soumettant à faire
radier les inscriptions, et à ne recevoir 30,000 francs
qu’après cette radiation, sans intérêts jusqu’alors.
Pour tenir sa parole envers M . de Sarrasin , M . de
Hompesch a assigné en mainlevée d’inscription, i ° . la
dame de Taleyrand-Périgord, veuve de Chabanes; 20. le
sieur le Rasle, la dame de Reclesne, les sieurs M allet
et V iileco q , tous subrogés à l’inscription de madame de
Chabanes.
�c
.
Il a prétendu que l’inscription étoit n u lle, et que
d’ailleurs madame de Chabanes étant comptable envers
ses fils, n’avoit pas dû prendre d’inscription jusqu’à l’apu
rement de son compte.
Il a conclu encore à la reddition de ce com pte, et à
des dommages-intérêts.
Pour moyen de nullité de l’inscription, M . de Hom
pesch a dit que le contrat de mariage de madame T a leyrand de Périgord y étoit daté du 18 juin 175 9 , au
lieu du 18 février 17 5 g.
M . de Hompesch a produit alors une quittance sous
seing p riv é , de M . de Chabanes, datée du jour même
de sa vente ( 7 pluviôse an 11 ) , enregistrée le a 5 mai
1808, par laquelle M . de Chabanes auroit reconnu avoir
reçu par anticipation, de M . de H om pesch, 86,000 fr.
Il s’est prévalu de cette quittance pour dire qu’il y
avoit compensation et payement des 66,000 fr. dûs pour
p rix de la terre de R ochefort; d’où il s’ensuivoit que les
inscriptions étoient inutiles pour le forcer à payer ce dont
il étoit déjà libéré.
P our prouver que madame de Chabanes étoit comp
table envers son fils , M . de Hompesch a produit une
procuration à elle donnée le 30 juin 1782, pour régir
ses biens, et un bail à ferme de la terre de Curton, du
4 janvier 1783.
Madame de Chabanes a répondu que son inscription
étoit régulière, et que loin d’avoir fait usage des pro
curations à elle données pour recevoir aucune somme,
elle prouvoit être en avance de fonds.
E lle a conclu à la séparation des patrimoines.
�(
7
)
.
31
D e son c ô té , M . le E asle, plaidant avec les deux ins
criptions de l’an 10 et de l’an n , a pris les mômes
conclusions que madame de Chabanes , en ajoutant que
l ’eiFet de l ’inscription de l’an 10 de voit lui être adjugé,
comme seul subrogé à cette inscription, contre laquelle
M . de Hompesch ne proposoit aucun moyen de nullité.
P ar jugement du 14 avril 1810 , le tribunal de Cler
mont a décidé , i ° . que l’inscription de madame de Cha
banes étoit l'égulière, parce que la date du mois et de
l ’année étoit conform e, et qu’il n’y avoit pas d’autres
actes de la même année ; 20. que la compensation n’avoit
pas lieu par un acte sous seing p riv é , au préjudice des
droits acquis à des tiers , surtout en succession bénéfi
ciaire; 3°. que la séparation des patrimoines est de droit,
et s’oppose encore à toute compensation ; 40. que les
pretentions de M . de Hompesch, à faire déclarer madame
de C habanes co m p tab le e t d é b itr ic e , d o iv e n t ê tr e dis—
cutées lors de l’o rd re , dont il ne s’agit pas.
E n conséquence, le tribunal de Clermont a déclaré
l’inscription valable, a ordonné la séparation des patri
moines demandée par madame de Chabanes, et a con
damné M . de Hompesch à rapporter le prix de son
acquisition, sous réserves des droits respectifs des parties,
même du sieur de H om pesch, pour les faire valoir à
Tordre.
Sur le surplus des demandes, les parties ont été mises
hors de Cour.
L a régie de l’enregistrement a été autorisée par M . le
�( 8 )
Préfet du P u y-d e-D ôm e à mettre le séquestre sur les
biens de M . de Hompesch, comme sujet de l’Angleterre,
et à interjeter appel dudit jugement.
M . le Rasle ne voyant aucun chef du jugement statuer
sur ses conclusions, et craignant qu’on ne lui objectât
le hors de Cour prononcé, pour l’éliminer de l’instance
sur l’appel, a cru devoir interjeter un appel incident,
motivé sur le silence du jugement à son égard , et no
tamment en ce qu’il ne lui avoit pas adjugé tout l’effet
de l’inscription de l’an 10,
C ’est en cet état que la cause fut présentée en l’au
dience d e là C o u r, du 8 juin 1811. Les conclusions de
M . de Hompesch étoient toujours pour la nullité et
radiation des inscriptions, et subsidiairement pour un
compte. Cependant l’arrêt ordonne seulement une plus
ample contestation sur le compte demandé à madame de
Chabanes, et sur le bénéfice de la séparation des pa
trimoines.
L a rég ie, parlant aujourd’hui au nom dé M . de
H o m p e sch , n’en revient pas moins à toutes ses prétentions.
E lle veut encore la nullité de l’inscription de madame
de Chabanes, pour erreur dans le mois de l’année i y 5g.
E lle refuse à madame de Chabanes le droit de de
mander la séparation des patrimoines, parce que, dit-elle}
elle n’est pas créancière.
E nfin, la régie ajoute que si madame de Chabanes
est jugée créancière, son fils, qui a droit comme elle à
la séparation des patrimoines, primeroit son hypothèque,
ayant une inscription antérieure.
Néanmoins ayant bien compris que ce dernier moyen
servoit
�( 9 )
eervoît au sieur le Rasle plus qu’à l u i , la régie sè hâte
de dire que M . de Chabanes n’a pas pu; subroger M . le
Rasle à son inscription sur R ochefort, parce qu’alors
les choses n’étoient plus entières , M . de Hompesch étant
libéré du prix de sa vente par un payement ’antérieur.
T e l est le sommaire des moyens de M . dè'liompesch.
M . le R asle, qui les a déjà réfutés, s’en tiendroit à ses
précédens écrits, si l’arrêt de la Cour ne lui faisoit un
devoir de donner une plus grande explication1sur le fond
de la contestation , qui avoit été renvoyé aux discussions
de l’ordre. Il doit donc se défendre aujourd'hui comme
préparé à être jugé sur le tout. A insi le sïeür le Rasle
va répondre aux prétentions de M . de Hompesch, dans
le même ordre qu’il les propose; après quoi il'résu
mera ses propres prétentions , com m e corollaire de ce
qu’il aura prouvé.
' ......... 1
g
1er.
L'inscription de madame de Chabanes (cédée au sieur
le R a sle, pour 53,000fr a n c s ) est-elle nulle ? .
. •• ; :„i il ■
Il y avoit une question préalable que M . de Hompesch
a jugé à propos d’omettre, quoiqu’elle eût été agitée à
la première audience de la Cour.
E to it-il besoin d’une inscription ?
M . de Hompesch auroit pu trouver tout à là fois la
solution de ces deux questions dans le -silence même de
l ’arrêt du 8 ju in , qui ne laisse à statuer que sur le pré
tendu compte et ses résultats, saris rien-préjuger if/r/e
fo fid . Alors M . de Hompesch se seroit épargné l’article
B
�( 10 )
principal’ die. sa discussion , . celui rà la vérité' q u il avoit
foçtifié. le plus ,1 parce qu’il parois&oit y .attacher le plus
(¿■importance. < f
Ge n’est pjas Sans .une grande méditation que la Gouc
$ élagué leg :finS de non-recevoir , qui eussent été prér
judicielles et :péremptoires ; c’est qu’en effet, il n’est
plus douteux; que les créanciers n’ont besoin d’aucune
insci’jptiOni^ouv demander la séparation des patrimoines
dans les.stuoçeâsions ouvertes avant le Code civil.
Les. titres du code çt du digeste D e bonorum separatiombùs ,;la loi ;sur le régime hypothécaire, du 11 bru■maiiie a n -71,Æçodrdoiént.expressément et sans condition,
auX créanciersTdu défunt, le droit de demander la sépa
ration d0s-patrimoines. L ’art. 878 du Code civil donne
le> même droit dans tous les cas et contre tout créancier.
A la vérité, l’art. 2111 exige une inscription dans les
six mois de Youverture de la succession, et défend de
prendre hypothèque valable sur l’héritier avant ce délai.
-Mais il n’étüit pas possible d’appliquer cette disposi
tion aux successioiîs' anciennes, sans un effet rétroactif
que la loi prohibe, et même sans contrarier ouvertement
Te texte de là iloiy qui n’entepdoit pas fixer un d élai,
çuand ce délai étoit <passé. pvA u surplus, cette question ta é té 'Solennellem ent jugée
en la Cour de cassation , par arrêt du 8 mai 18 11, qu’il
jefet :iiïuti'lc' de tran scrire, :parce qu e tous les arrêtistes
¿Tont ¡recueilli- Comme fixant la jurisprudence. (D enevers,
¿811^ page:067. Sirey, 1 8 1 1 , pag. Bibl* du barreau,
année :3b8 i t . .^urisp. du Code c iv il, etc.)
::1 J^oiifseulcment1ce. point de droit est constant aujour-
�( II )
.........................
d’hui pour toutes les successions anciennes, mais ¡il fau*
droit le dire de même pour une succession ouverte sous
le Gode c iv il, lorsqu’elle n’est acceptée que sous bénéfice
d’inventaire.
.
:î
- C a r , à l’égard d’une telle succession, la séparation
des patrimoines est de d ro it, puisque, i° . l’effet-du be*
néfice d’inventaire est à*empêcher la cor\fusion des biens
de l’héritier avec ceux de la succession, suivant'l’art. 802
du Godé civ il; 20. l’héritier'bénéficiaire n’est qyüun
administrateur qui doit rendre compte au x créanciers
de la succession, d’après l’art. 803.
'
w
Il ne faut donc pas d’inscription ; pour avertir les
créanciers personnels de l’héritier de. ne- pas compter
sur une confusion impossible ; et à rquoï serviroit-elle,
lorsque l’art. 2146 du Code a dit que.les inscriptions
prises depuis l’ouverture d’une succession bénéficiaire 9
ne produisent aucun effet entre les créanciers de la
S u ccessio n .
.>?,-■) j io.
Ces principes viennent d’être^ appliqués par :un nrâjèt
de la Cour impériale de P aris, entre leo sieuirrPigalj,'
créancier chirographaire de la succession .Ledoux ( ou
verte sous le Code c iv il, et acceptée par benéfice^d’iriven taire), et les créanciers inscrits 'àë la dame :GKoi,
héritière bénéficiaire. Ceux-ci prétendoient à la priorité*;
comme seuls hypothécaires et inscrits*, ils réclamaient
le bénéfice de l’article 2 r n , qui exige une inscription
dans les six mois pour permettre la séparation des pa^
trimoines. Mais la Cour de Paris, a. jugé autrement^—« Attendu que, par celat seul qu’wnfi. succession -est
« acceptée par bénéfice d’in v e n ta ire , la_séparniion -de»
B 2
�« patrimoines existe nécessairement ^ que les créanciers»
« de l’hérédité n’ont pas besoin, en ce cas, de demander
a-cettè séparation ; que c’est par une conséquence de ce
k principe, que l’article 2146 du Gode Napoléon porte
«: que l’inscription' pi’ise depuis l’ouvertue de la succes« êion , ne produit aucun effet entre les créanciers de
« cette succession, lorsqu’elle est acceptée sous bénéfice
« d’inventaire;,
:/ « Attendu que l’article 2 111 ne s’applique-qu’aux suc« cessions acceptées purement et simplement ;
« M et l’appellation et ce dont est appel au néant ; émen« d an t, décharge L’appelant des-condamnations contre
« lu i prononcées.
.
« D u 20 juillet 181 r. Cour impériale de Paris (1). »
D ’après cela", et puisque madame de Chabanes est
créancière d’une succession non-seulement bénéficiaire ,,
mais'encore ouverte avant le’Code civily il ne paroît pas
fort essentiel de suivre M . de Hompesch dans sa disser
tation ¡sur l ’effet que doit-produire, dans u n e i n s c r i p t i o n ,
la! ( d if f é r e n c e e n t r e le 1 f é v r i e r 1759, et- le 18 j u i n I rj 5 c)i
_;Xes.deu».arrêts copiés par M ..de Hompesch n’avoient
d’ailleurs qü’üne application fort indirecte à la cause ac
tuelle; car dans le premier (du.22-avril rSoy ) il s’agissoit
d^neànscriptioafaite sans là moindre mention d’un titre;
dans.le second (d u y septembre 180 7), l’inscription ne
contenait ni'les noms, ni les prénoms des créanciers pour
qui elle ;étôit' faite,. ni, la vraie date du titre ; en sorte
___ 1•
•
(1) Sirey , supplément , 18 11, pag.
_______
385.
Denevers , supplé
ment, j 8 i i } pag. 2o.c>.
%
�( i3 )
qu’il étoit impossible de casser l’arrêt qui avoit jugé une
semblable inscription irrégulière.
T out cela n’a rien de commun à une inscription où
le nom et le prénom du créancier» le nom et le prénom
du débiteur, la date de l’année, et l’époque de l’exigi
bilité sont réguliers. Q u’importe après cela la différence
du m ois, lorsqu’aucune hypothèque de la même année
n’est en concurrence; lorsqu’il seroit ridicule de supposer
un mariage arrivé deux fois dans la môme année entre
les mêmes personnes ; et lorsqu’enfin avec le secours des
tables alphabétiques des^ contrats de mariages établies
dans tous les bureaux d’enregistrement, depuis 1740 ,
aucun créancier postérieur ne pourroit prétendre de
bonne foi se trouver dépaysé dans ses recherches.
Ce moyen de nullité avoit été parfaitement discuté
par le jugement dont est appel , qui l’a rejeté. Rien n’étoit
plus pitoyable, en effet, que d’avoir: cru renverser un
titre avec u n aussi fr ê le •m o y e u d ’attacjue : aucwpiu?H
syllabaruniy et rien de plus.
A u reste, cette arme s’est brisée dans les mains de
M . de H om pesch, depuis l’arrêt de cassation dont il
n’a pas' jugé à propos de p arler, parce qu’il lui eût été
trop difficile d’en esquiver l’application. «;
.i
A in s i, et dans toutes les hypothèses, madame de
Chabanes a un titre de créance régulier sur la succes
sion bénéficiaire de son mari .et de son-fils (G ilb ert).
L a terre de Roçhefort est son g a g e , et ce gage est
affecté spécialement à la créance de M . le R asle, pour
un. capital de 53,000 francs.
.
; " ,r
-
�C I'4 )
§. I I .
M adame de Chabanes est-elle créancière ?
Autant M . de Hompesch avoit été abondant dans
"ges idées pour discuter la question précédente sur la
quelle la Cour ne lui avoit demandé aucijne explication,
autant il a été bref et stérile sur la prétention élevée
par l u i , que madame de Chabanes fi*est pas créancière’.
' En dix lignes bien com ptées, M . de Hompesch a
tout dit. Une procuration du 30 juin 1781 ( 1 ) , un bail à
fermé du 14 janvier 178 3, une procuration du 20 mars
178 6 , pour vendre deux cents carreaux de terrain ap
partenant à son fils à St.-Domingue; voilà, suivant M . de
ïlom p esch , trois pièces qui prouvent tout ce que la
Cour a v o u lu savoir. Il croit sur la foi de ces dix lignes
que madame de Chabanes doit être réputée débitrice,
sans autre démonstration, et il le croit par cela seul
qu’il y a conclu : Credidi propter quod lo c u t u s surn.
C e q u i v a lo it cependant la p ein e d’être recherché, c’étoit
l ’usage que madame de Chabanes pouvoit avoir fait de
ces procurations pour recevoir. Car enfin il arrive tous
les jours que celui qui voyage donne un pouvoir pour
renouveler ses baux ou faire d’autres actes urgens en
son absence, sans que pour cela le mandataire ait touché
les revenus du mandant. Il eût été fort aisé à M . de
H om pesch de compléter ses preuves, en puisant dans
(1) Elle est du 3o juin 1782. Vérifié sur les pièces même de
M. de Hompesch.
N
�( i 5 )
z r
les mêmes .sources où il a trouvé les .trois actes dont il
se prévaut. Les inventaires et papiers de la .maison de
Chabanes étoient à sa disposition, puisqu’ils sont pro
duits par madame de Chabanes.
Régulièrement c’étoit à M . de Hompesch à prouver
que madame de Chabanes avoit reçu des sommes pour
son fils, puisqu’il a articulé ce fa it, çt qu’il est deman
deur. M . le Rasle pourroit avec plus de raison éluder
la difficulté, en disant que madame de Chabanes reste
créancière de sa dot et reprises, tant qu’on ne rapporte
pas des quittances de compensation. Mais l’arrêt de la
Cour ne seroit pas exécuté ; et pendant que M . de Hom
pesch se récrie sur la lenteur de ce procès qu’il ne veut
pas éclaircir, M . le Rasle va donner à la Cour les ex
plications qu’elle demande, parce qu’il plaide pour tout
autre motif que celui de contrarier M . de Hompesch.
Il a l’intérêt très-réel de recouvrer son argent.
Mademoiselle de Taleyrand-Péi'igord se maria le 18
février 176 9 , avec M . Jean-Charles de Chabanes.
. Elle se constitua en d o t, i°. ses droits légitimaires
paternels, tels qu’ils étoient réglés par acte de liquida
tion passé entre M . de Taleyrand-Périgord et ses enfans,
le 14 juin 1757 ; z°. une rente de 6,000 francs annuel
lement sur l’état; 30. une rente viagère de 42 francs,
constituée en tontine sur sa tê te , par sa bisaïeule ; 40. la .
dame de Taleyrand, sa m ère, lui fit donation d e80,000 fr.
L e douaire de la future fut fixé à 6,000 francs de rente
viagère, réductible à 4,000 francs, en cas d’enfans, et le
fonds du douaire fut réglé à 80,000 francs.
Il lui fut assuré un droit d’habitation dans l’un des
�(i6)
châteaux du futur, avec meubles nécessaires et convena
bles à sa qualité , et la jouissance des jardins, parcs et
prés »clôtures dudit château.
L e préciput de communauté fut fixé à 25 ,ooo francs,
que la future pourroit retirer, même en renonçant à la
communauté, avec son carosse, sa toilette, garderobe,
diamans et bijoux.
M . Frédéric de Chabanes, fils de Jean-Charles, se maria
le 24 juillet 1780, avec mademoiselle de V o yer d’A r genson. Son père lui donna pour légitime 300,000 fr.
M . de Chabanes p ère, accablé de dettes en France,
et ayant obtenu une concession de terrains à Saint-Do
m ingue, partit pour cette île , à la fin de 1779, et laissa,
dit-on , une procuration, faisant espérer vraisemblable
ment à ses créranciers des fonds d’A m ériq u e, q u i, comme
on va le voir, ne devoient jamais arriver à leur destination.
A peine débarqué à Saint-Domingue, M. de Chabanes
ne p o u va n t sans doute e x p lo ite r les terrains concédés
sans une habitation, en acheta une du sieur Bourguignon,
appelée des Trois-Palmistes.
Il paya un à-compte de 26,300 francs, mais avec les
deniers du sieur Jouette; le surplus du prix n’étoit pas
payé à sa m o rt, pas plus que le prix de seize nègres
qu’il avoit achetés.
M . de Chabanes père mourut à Saint-Domingue, le 26
septembre 1780, laissant un testament du 9 , par lequel
il légua son habitation des Trois-Palmistes à M . le baron de
Taleyrand-Périgord, à la charge d’en payer le prix, et
celui des seize nègres, et de rembourser M . Jouette.
�( ^
,
1 ^
Madame de Chabanes fut nommée tutrice de ses deux
enfans , mais seulement honoraire. L e sieur Morandez
fut nommé tuteur onéraire; et lui seul, suivant 1 usage,
dut toucher les revenus, pour en rendre compte. ^
o On va tout d’un coup apprécier ce que pouvoieut être
ces revenus, après la déduction des charges.
^
Dans un précédent m ém oire, M . de Hompesch eva
luoit à 23,600 francs le revenu des terres de la succès
sion\ (1).
Sans perdre du temps à prouver qu’il y a de 1 enflure
dans cet état, voyons seulement les charges relatées dans
l’inventaire lui-même (d u 18 janvier 17 8 1).
L a succession devoit,
i° . En x*entes perpétuelles, dont le capital au denier
vingt é t o it .......................................................... 4 I >7 ° °
20. Des rentes viagères, dont le capital au
denier dix étoit d e ..........................................
30,000
3°. E n obligations ou effets, avec ou sans
intérêts................................................................ 176,202
4°. A u x fournisseurs de la m aison.........
16,264
5°. Dettes de Saint-Dom ingue..................638,000
Q u’on ajoute à cela les arrérages et intérêts non payes,
les reprises de madame de Chabanes,’ e tc ., on sera con-
(1) M. de Hompesch y ajoutoit 20,000 francs de rente pour
Lapalisse, idéalement, à la vérité, et par un simple calcul de
probabilité. Mais la terre de Lapalisse venoit d e Jean de Cha
banes , qui l’avoit substituée au profit de 1 un des enfans de
Charles de Chabanes ; ainsi cette terre n a jamais appartenu à
la succession.
C
�4o
c/v
( 18 )
vaincu à PInstant que les revenus étoient au-dessous de
z éro.
Madame de Chabanes en fut si promptement convain
cue, qu’elle renonça à la communauté par acte du 7 juillet
178 1, pour s’en tenir à ses reprises. ( L ’inventaire n’étoit
terminé et clos que le 16 juin 17 8 1.)
Ses deux fils se portèrent héritiers bénéficiaires , et
traitèrent sur la substitution de Lapalisse, qui fut déclarée
appartenir à Frédéric, par acte du 30 mars 1782, homo
logué au parlement.
Jusque-là madame de Chabanes n’àvoit eu aucune ges
tion. Son fils Frédéric, marié et émancipé avant la mort
de son p è re , jouissoit de ses revenus. Madame de Cha
banes avoit eu quelques instans la qualité de tutrice hono
raire de son fils Gilbert ( émancipé le 14 janvier 178 2 );
mais l’inventaire prouve que tout l’actif et les papiers
de la succession furent remis au tuteur onéraire, le sieur
Morandez. C’est donc à celui-là seul qu’on a un com pte
à demander pour cette première époque.
E n 1 7 8 2 , G ilb e rt de C h aban es, partant pour SaintD o m in g u e , laissa-à madame de Chabanes, sa m ère, une
procuration ( le 30 juin 1782) pour régir ses biens de
France, toujours communs et indivis avec son frère, qui
n’avoit pas encore répudié. Ne pouvant mettre à la voile
qu’en juillet ou a o û t, on présume bien qu’il se munit
de tous les fonds que les fermiers purent lui donner,
sans s’embarrasser des charges qu’il laissoit à acquitter.
Son voyage fut aussi court qu’il pouvoit l’être. Il ne
dut rester que quatre ou cinq mois à Saint-Domingue;
car il sc trouve un acte notarié , souscrit par lui en
�France le 29 juillet 1783; et nous allons Voir par d’autres
actes qu’il ne s’absenta plus jusqu’à la fin de l’année 1788.
L e seul usage qu’ait fait madame de Chabanes, de ce
pouvoir du 30 juin 1782, ou plutôt le seul qu’on lu i
im pute, est un bail à. ferme de la terre de Curton, fait
en vertu d’une procuration de madame de Chabanes, du
14 janvier 1783, devant un notaire de Bordeaux (1).
M . de Hompesch ne prétend pas que ce bail prouve le
moins du monde que madame de Chabanes ait rien
touché par anticipation sur ce bail ; et quant aux termes
à échoir, on voit que M . G ilbert de Chabanes étoit déjà
de retour avant que le premier terme eût pu arriver.
Gilbert de Chabanes avoit eu le temps de connoître le
mauvais état de sa fortune à Saint-Domingue. Il en re
vint dans le printemps de 1783, et le premier acte connu
qu’il fit en France fut une déclaration du 29 juillet 1783,
pour consentir à l’exécution du testament du p è r e , et
à la d é liv ra n c e des legs.
M . le baron de T a le y ra n d -P é rig o rd , légataire de
l’habitation des Trois-Palmistes ( à la charge de la payer),
s’en mit en possession ; et par arrangement de famille
(1) M. de Hompesch avoit dit dans un premier mémoire que
le prix de ce bail étoit de 7,000 francs, qu’il mettoit en ligne
pour faire monter le revenu de la succession à a3,6oo francs.
Mais ou avoit-il pris ce fait? Ce n’est pas dans le bail; il ne l’a
pas dans son dossier : il a l’inventaire de 1789» où ce bail est
énoncé, cote 3 , et le prix n’est que de 3 ,5oo francs.
Il cite aussi les baux des autres t e r r e s , et ne les produit pas.
Est-il aussi exact pour ceux-là que pour Curton?
C 2
�*
( 20 )
avec madame de Chabanes, sa sœur, il lui vendit cette
habitation le xi août 1783.
Madame de Chabanes eut donc des démarches à faire
pour régir cette propriété, ou pour en vendre de quoi
faire les payemens les plus urgens.
V oilà ce qui explique les deux procurations des 5 mai
1784, et 20 mars 1786, où M . de Hompesch prétendoit
trouver des preuves si claires de la gestion de madame
de Chabanes, et même des ventes par elle faites de la
propriété de ses fils.
La procuration du 5 mai 1784 contient pouvoir par
madame de Chabanes à M . le comte O gorm an, résidant
à Saint-Dom ingue, de régir et affermer l’habitation des
T rois-P alm istes, appartenant à ladite dame de Cha
banes (1) ; et celle du 20 mars 1786 lui donna pouvoir
d’en vendre deux cents carreaux ( l’habitation en avoit
trois cents). On ignore si cette vente a eu lieu; mais il est
inutile de le rechercher, puisqu’elle ne vendoit que sa
propriété, et non celle de ses enfans.
M ad am e de Gliabanés se mêloit si peu des revenus
de son fils depuis son retour en France, qu’il est prouvé,
10. par deux procurations des 24 février 1784, et 17 août
17 8 5 , que Gilbert de Chabanes avoit chargé M . de
Junquières, avocat, de régir , affermer ses biens de
France, recevoir tous loyers et rentes, etc. ; 2°. par trois
(1) M. de Hompesch a imprimé dans son dernier mémoire,
page 16, que madame de Chabanes avoit donné une procura
tion, le 20 mars 1786, pour vendre deux cents carreaux de
terrain appartenant à son fi ls aîné*.
�( 2ï )
procurations des 8 mars 1785, 20 mars 1786, et 31 janvier
I 7®7 ? qu’il avoit chargé M . Bessaiguet de Lcogane de
régir ses biens d’A m érique, et d’en toucher les revenus*,
3°« par des baux des 10 septembre 1785, 16 mars 1787 >e':
2 5 février 1788, qu’il afferma par lui-m êm e, ou par
d’autres mandataires que sa m ère, les terres de Rochefort,
M adiq et V i q , à l’expiration des baux précédens; 40. par
des actes des 6 mai 1786, 29 avril 1786, èt 30 juin 1788,
qu’il régloit ses affaires et ses com ptes, tantôt par luim êm e,, tantôt par ses agens, mais toujours sans l’inter
vention de madame de Chabanes.
Tous ces actes sont faits aussi sans la participation de
Frédéric de Chabanes, parce qu’après avoir e u , comme
on l’a d it , la qualité d’héritier bénéficiaire , Frédéric
avoit répudié, le 30 décembre 178 5 , à la succession de
son p ère, pour s’en tenir aux 300,000 francs de légitime
assurés par son contrat de mariage.
M . G ilb e r t de C lia b a n e s, p a rti u n e seconde fo is pour
Saint-Domingue à la fin de 1788, y mourut, le 6 mai
1789 : son inventaire fut commencé à Paris le 6 juillet
suivant.
r,
M . de Iiompesch avoit d’abord affecté de remarquer
que madame de Chabanes parut à cet inventaire comme
héritière des meubles et acquêts, qualité de laquelle il
tiroit de grandes conséquences. Il eût dû y voir plutôt
qu’elle n’y étoit à la première séance que comme habile
à se porter héritière, et qu’elle 11’y étoit plus du tout
& la seconde séance , au moyen de sa renonciation.
En effet, dès le lendemain de l’o u vertu re d’inventaire,
et par acte du 7 juillet 1789, madame de Chabanes avoit
I
�1)1*
.
C« )
renoncé à la succession de son fils; sa répudiation, datée
et énoncée à la seconde séance, ne pouvoit pas être igno
rée de M . de H om pesch, qui a cet inventaire dans son
dossier.
Frédéric de Chabanes accepta la succession par bé
néfice d’inventaire, le n juillet 1789, fit continuer l’in
ventaire comme seul héritier de son frère, et se mit en
possession | des biens en cette qualité.
V oilà tous les éclaircissemens qu’il a été possible de
donner à la Cour sur la prétendue gestion de madame
de Chabanes. Il est prouvé qu’elle n’a eu de gestion que
pendant la fin de 1782, jusqu’au milieu de l’année 1783;
et 011 ne montre aucun payement fait en ses mains en
cette qualité.
M ais, comment vivoit donc madame de Chabanes,
a voit demandé M . de Hompesch, si elle ne touchoit
rien? Sa dot étoit si m édiocre!
A cette question tu d esq u e, m adam e de Chabanes ré
p o n d it q u ’elle avo it, i° . la rente de 6,000 francs portée
en son contrat de mariage; 2°. son traitement de dame
d’honneur, de 4,000 francs; 30. un brevet de pension
créée pour elle en 1779, de 6,997 fL'ancs.
Quoi qu’il en soit, il est prouvé que madame de
Chabanes ne doit aucun compte ; ou si on insiste à vouloir
qu’elle en doive un pour six m ois, elle l’a rendu, en
disant qu’elle n’avoit rien touché, et qu’au contraire il
est prou vé, par l’inventaire de 1781 , que madame de
Chabanes étoit en avance de 9,731 francs.
�( .2 3 )
A in s i, M . le Rasle, -son subrogé, revient présenter
¡avec confiance l’ inscription du 26 ventôse an 11 , et
conclure, non-seulement à ce qu’elle ne «oit pas rayée,
niais encore à être colloqué pour 53,000 francs et les
intérêts , au rang de cette inscription.
Est-elle ou n’est-elle pas exagérée quant aux arrérages
et droit d’habitation ? M . de Hompesch ne dit plus rien
là-dessus : au reste, cette discussion n’appartient qu’à
madame de Chabanes. Car il suffit à-M. le Rasle qu’il y
ait une créance incontestable de 53,000 francs, et il n’a
■besoin d’aucune nouvelle explication pour prouver ce fait.
§. I T I .
I f inscription, de Frédéric de Chabanes doit-elle primer
celle de madame de Chabanes ? et M . de Hom pesch
est-il aux droits de M . de Chabanes , comme libéré,
pour réclam er cette "priorité ?
M . de Hompesch le dit ainsi,-croyant s’attribuer à-lui
seul la créance jde M . de Chabanes, au préjudice de la
subrogation faite à M . le Rasle.
Pour arriver à cette démonstration, il part de loin ,
et il est obligé de confesser des principes et des faits qui
doivent abréger singulièrement la difficulté. Car M . le
Rasle va s’en emparer à l’instant, comme de chose utile
à lui seul.
‘
Frédéric de Chabanes, dit M . de H o m p e sc h , est créant
cier de son père et de son frère, en vertu de son contrat
de mariage j donc il a aussi- le droit de demander là
�I
( 24 )
séparation des patrimoines............. Adopté. Car M. de
Chabanes, simple héritier bénéficiaire de son frère , n’a
pas fait de confusion : il peut donc venir comme créan
cier , de son ch ef \ à, la succession du défunt.
L ’effet de la séparation des patrimoines , continue
M . de H om pesch, est de faire payer les créanciers du
défunt avant ceux de Vhéritier ,* elle établit un mur de
séparation entre ces deux classes de créanciers.............
A dopté encore. M . de Hompesch a traité avec Frédéric
de Chabanes, et il n’a de garantie que contre son ven
deur. M . de Hompesch n’est pas créancier de la suc
cession ; il ne peut donc pas venir en p rio rité , ni
même en concurrence avec madame de Chabanes, qui
est créancière de la succession. L e mur de séparation
est bâti par M . de Hompesch lui-m êm e ; il faut que
les créanciers de la succession bénéficiaire soient d’un
côté avec le prix de l’immeuble; l’acquéreur restera de
l ’autre avec les créanciers personnels du vendeur.
Ce n’étoit pas, à la v é r ité , pour cette conclusion que
M . de H o m p esch a placé M . de Chabanes au rang de
créan cier de la succession, et qu’il lui a accordé une
créance de 630,000 francs; il continue son raisonnement,
et il dit :
J ’ai payé 86,000 francs à mon ven d eu r, le jour même
de ma vente; donc je suis libéré par compensation. Il
a reçu cette somme sans im putation, et je suis maître
de l’imputer sur la terre de Rochefort plutôt que sur la
créance vendue. M on vendeur a donc touché sa propre
créance hypothécaire et inscrite; ce qui me met à sa
place pour son inscription.
Autant
�( 25 )
4 y
Autant d’erreurs que de mots.
Que peut signifier à'des tiers une quittance occulte
et suspecte, contradictoire avec le titre même de M . de
Hompesch, et avec le langage qu’il a tenu pendant
quatre ans ?
En quoi et comment cette quittance, fût-elle authen
tique, vau d ro it-elle libération, compensation, subro
gation, etc., après une transcription qui forme un contrat
judiciaire tacite , vinculum ju r is , entre l’acquéreur et
les créanciers dont l’immeuble est le gage ?
M . de H om pesch, se disant créancier de M . de Cliabanes, tantôt de 9,900 livres sterling (o u 230,000 fr .),
tantôt de 2,396 liv. 2 s. et demi sterling, produisant
aujourd’h u i, pour le prou ver, quatre actes publics passés
à Londres, et contenant obligation de i 6 , 5oo liv. sterling,
o u , si on veut, de 8,080 liv. sterling (1), auroit-il oublié
( 1 ) Ceci mérite une explication qui ne sera pas inutile pour
montrer que M. de Hompesch sait parfaitement faire ses affaires,
et qu’ainsi il ne faut pas attribuer à une simple négligence les
précautions qu’il dit n’avoir pas voulu prendre lors de sa vente.
Voici le style de l’une de ces obligations.
cc
«
«
«
«
«
« Soit notoire à tous, par ces présentes, que moi Jean-Frédéric
de Chabanes-Lapalisse, marchand de charbon de Mille-BanckStreet-Westminster, reconnois devoir et être fermement engagé envers M. Charles Hompesch, communément appelé le
baron de Hompesch Nein E lm s , dans le comté de Jury , en la
somme de huit m ille livres s ter lin g , argent bon et légal de
la Grande-Bretagne, etc.
« La condition de l’obligation ci-dessus, est que s i le susdit
D
�V
c î6 )
qu’il a avoué avoir été lié d’intérêt avec M . de Chabanes à Londres , et avoir succédé à ses magasins et
marchandises ?
Sa prétendue quittance ne contient libération sur le
passé que de 36,000 francs, q u i viennent, a-t-il dit, en
déduction du p rix des ventes. L e surplus est un nouvel
emprunt de 5o,ooo francs en traites sur Londres, et en
cautionnement d’effets.
On croiroit que M . de Hompesch, pour corroborer
cette pièce, et donner quelque vraisemblance à sa date,
rapporte au moins les comptes et les traites acquittées :
point du tou t; il ne justifie rien.
M- de H om pesch, qui veut ne pas payer tin prix de
vente, et qui prétend établir une concurrence avec des
créanciers hypothécaires, ne s’est pas flatté, sans doutey
e n g a g é F rédéric C habanes-L apalisse , ses h éritiers, ex écu
te teurs e t a d m in istra teu rs , p a y en t ou p a y ero n t ex a ctem en t
« e t fid è le m e n t , ou feront payer a u d it Charles Hompesch la
« pleine somme d e quatre m ille liv re s sterlin g de monnoie
«
« légale de la Grande-Bretagne, avec les intérêts de ladite somme
« à cinq pour cent par an , à dater du jour de la susdite obli« gation, a u ssitôt la dem ande fa ite ; a lo rs , le bon c i - dessus
« d e huit m ille liv re s ( sterlin g) d oit être n u l , sinon le susdit
<c bon ou la susdite obligation d oit rester dans tou te sa f o r c e
« ou p lein e valeu r.
« Londres, l'an 42e. du règne de notre souverain seigneur
« Georges III > roi des royaumes unis de la Grande-Bretagne r
« dans l’année de notre Seigneur 1802.
« S ign é J o i i n • de Ciiaba.nes-Lai>alisse. î>
�( 27)
.
*
de venir dispute? le gage des autres créanciers avec urr
chiffon sans date et sans probabilité, comme s’il eut été
le maître de se donner une créance.
Dans sa propre vente du 7 pluviôse an i l , M . de
Hompesch ne dit pas qu’il a payé ; il d it , au contraire,
qu’il payera le prix après la transcription.
Il ne peut prétexter à cette clause, toute de son fa it,
aucun m otif secret, aucune gêne. Il achetait sous seing
privé.
E n plaidant à P aris, il réitéroit cet engagement en
présence de madame de Chabanes. Il offroit de payer
h qui par justice seroit ordonné.
Que fa u t-il conclure de ce la , si ce n’est qu’alors la
quittance datée du 7 pluviôse an 11 n’existoit pas ?
Quand elle auroit existé, M . de Hompesch se jugeoit
lui-m êm e. Il contractoit un engagement qu’il veut ré
voquer aujourd’hui . . . . et avec quoi ?
A v e c u n p réten d u
règlem eT tt sous seing p r iv é , q u i
réduit à 36,000 francs sa créance apparente, d’abord
si én orm e, pour laquelle, à la v é r ité , il est encore
possesseur des titres.
Quand il seroit croyable que M . de Chabanes a payé
230,000 francs sans retirer les titres, il faut dire que
le titre et le règlement ne valent pas m ieux l’un que
l’autre.
Les obligations passées à Londres ne font un titre
en F ran ce, que lorsqu’elles sont confirmées par un ju
gement rendu en France. ( Code c iv il, art* * 5. S ire y ,
«n 12 , p a g . . . . et 192. D enevers, 1808, pag. 449*,
D a
�i 8i o
, png. 23'), 238; 18 11, png. 468. M erlin , Questions
de d ro it, V ° . Etranger et Ju g em en t, §. 14. )
Sa prétendue quittance est sous seing p r iv é , et n’a au
cune valeur contre des tiers, suivant l’article 1328 du
Code civil.
L a compensation qu’il propose est donc un rêve que
ne firent jamais des acquéreurs d’immeubles grevés
d’hypothèques ; et ce qui rend plus inconvenable la
prétention de M . de Iiompesch , c’est que sa soi-disant
quittance ne le subroge pas même à l’inscription dont
il veut s’emparer au préjudice d’un transport authenti
que fait au sieur le Rasle.
A in s i, plus on veut examiner le système de M . de
ïïom p esch , pour y chercher de vraies objections à r é
sou d re, plus on demeure étonné qu’avec une pièce
apocryphe et sans valeur il ait cru sérieusement acheter
un immeuble grevé d’hypothèque, sans le payer.
Quel privilège auroit donc cet acquéreur, après avoir
pris des engagemens bien formels par son acte, et les
avoir réitérés par sa transcription ?
L a loi étoit là pour lui expliquer les eiFets de cette
transcription, et lui marquer ses devoirs.
« La transcription.... 11e purge pas les hypothèques
« et privilèges établis sur l’immeuble.
« L e vendeur ne transmet à l’acquéreur que la pro« priété et les droits qiCil açoit lui-même à la chose
« vendue. Il les transmet avec Vaffectation des mêmes
« privilèges et hypothèques dont il étoit chargé. » ( Code
c iv il, art, 2182. )
�( *9 )
. .
. .
« L ’acqùéreur déclarera.... qu’il est prêt à acquitter,
« su r-le-ch a m p , les dettes et charges hypothécaires, jus
te qu’à concurrence seulement du pritf, s'ùïs ¡distinction
« des dettes exigibles ou non exigibles.''* ( Gode civil, àriì
2184.)
C 1j
M . de Hompesch ne s’est peut-être pas dissimulé qu’il
n’éviteroit pas de se conformer à la précision de ces
articles. Aussi il les a éludés, en'ne faisant aucune no
tification de sa transcription, pour qu’il n’y eût encore
ni enchère, ni ouverture d’ordre. Pendant ce temps-làj
il a engagé M . de Sarrasin, son acquéreur,*à transcrire
lui-même et à notifier aux créanciers inscrits; et M .'de
Hompesch continuoit de les occuper à discuterla quit
tance et ses prétentions novatrices.
Passons sur cet épisode, qui importe moins au sieur
le Rasle qu’il n’importera à madame de Chabanes et à
ses subrogés postérieurs; suivons encore M . de H om pescli dans ses objections.
Il sait bien qu’il n’est pas subrogé à M . dé Chabanes,
mais il veut se mettre à sa placé de> plein’ droit , en
disant que la quittance du 7 pluviôse an 11 équivaut à
un payement que l’héritier bénéficiaire se seroit fait à
lui-même de sa propre créance ; et en ce cas , dit-il, il le
porteroit valablement en compte de bénéfice d’inventaire
vis-à-vis les autres créanciers.
’ ’
•:
/
Si l’opération supposée étoit justifiée par un acte authen
tique , il resteroit encore la question de savoir si M . de Cha
banes, héritier et administrateur de la succession, auroiC
pu se payer par ses mains sans un ordre judiciaire. Mais
�H
( 30 )
acceptons, s’il le faut, sa quittance comme un transport
fait à M . de Hom pesch, le 7 pluviôse an 1 1 , d’une por
tion de la créance de M . de Chabanes contre la suc
cession bénéficiaire : il existe un autre transport au profit
de M . le Rasle, du 29 ventôse an 13. Lequel aura la
préférence ?
Il n’y a de transport valable que celui qui est accepté
par acte authentique par le débiteur, ou celui qui est
fait avec remise du titre et notification au débiteur. ( Code
civil , art. 1689, 1690.)
O r , M . de Hompesch n’a ni acte authentique, ni re
mise du titre, n i notification.
M . le Rasle a tout à la fois acte authentique, remise
du titre, et une inscription en son n om , qui est la seule
notification qu’il pût faire légalement après une trans
cription.
A insi tout ce que M . de Hompesch a dit pour prouver
que M . de Chabanes est créan cier sur l’immeuble vendu,
est dit en faveur du sieur le R asle; e t, d’après cela, le
droit que s’arrogeoit M. de Hompesch, d’imputer les
86,000 francs à sa guise, devient sans intérêt.
Cependant il n’est pas inutile de lui observer que la
clause de sa vente, comparée avec sa quittance, prouve
qu’il avoit entendu lui-même imputer ces 86,000 francs
sur lai partie de sa dette non sujette à transcription.
E n citant l’art. 12.56 du C od e, pour prouver que le dé
biteur est présumé payer la dette qu’il avoit le plus d’in
térêt d’acquitter, M . de Hompesch a pris cet article à
�C 31 )
rebours; car il avoit intérêt de ne pryer que la dette
m obilière, vendue par M . de Chabanes en son n o m ,
et il avoit intérêt ¿\ né pas payer à un héritier bénéfi
ciaire le prix d’un immeuble, pour ne pas le payer deux
fois.
L ’ordre de créances qu’a fait M . de H om pesch, en
plaçant le fils au premier rang, h cause de la date de son
inscription, est encore sans intérêt ; car M . le Rasle re
présente le fils et la m ère, et M . de Hompesch n’en re
présente aucun. D ’ailleurs, il arrangeoit les choses à l’in
verse de l’ordre légal des collocations ; car y ayant lie u ,
d’après lui-m êm e, à séparation des patrimoines sur une
succession bénéficiaire ( ouverte avant le Code ), madame
de Chabanes doit être colloquée au premier rang, parce
que son hypothèque est de 1759 : son fils ne doit être
payé qu’après elle, puisque son titre n’est que de 1780.
M . de H om pesclx se p lain t de ce q u e les prem iers juges
avoient renvoyé les parties à un ordre. Il atteste qu’il
n’en faut p as, et que l’ordre est tout fait.
Si madame de Chabanes n’a pas de raison pour s’y
opposer, M . le Rasle est encore tout prêt à faire écho
avec M . de Hompesch, pour répéter après lui : Un ordre
est inutile ; il est tout fait.
Personne, en eiïet, n’est moins intéressé à en vouloir
un que M . le Rasle ; il représente les deux créanciers’
inscrits, par une subrogation antérieure en date à tous
les titres dont se prévalent les autres parties de la cause.
Il peut donc parfaitement abonder dans le sens de M . de
Hompesch, pour que la Cour fasse dès à présent la col-
�(
3
2
}
location des 66,000 francs, parce qu’il sera inévitable
ment c o l l o q u é au premier rang, pour le montant de son
inscription et des accessoires.
r é s u m é
.
• M . de Hompescli est acquéreur d’un immeuble pro
venu de la succession bénéficiaire de Gilbert de Cliabanes.
Cet immeuble est grevé d’une hypothèque de madame
de Chabanes, depuis 17 5 9 , et d’une hypothèque de
M . Frédéric de Chabanes, depuis 1780.
M . le Rasle est subrogé à ces deux hypothèques jus
qu’à concurrence de 53,000 francs.
Elles sont conservées par des inscriptions régulières ;
et d’ailleurs y ayant lieu à séparation des patrimoines,
il n’a pas fallu d’inscription.
M . de Chabanes, qui a vendu l’immeuble grevé, n’a
pu ôter aux créanciers de la succession le droit de rece
vo ir le prix q u i représen te l’immeuble.
Il n’a pas perdu lui-même le droit de venir comme
créancier de la succession, puisqu’il n’a vendu que comme
héritier bénéficiaire.
Ainsi le sieur le Rasle, subrogé à M . de Chabanes, peut
se faire payer en vertu de son inscription, qui est re
connue au procès avoir une cause légitim e; il le peut
aussi comme subrogé à madame de Chabanes. A in s i, avec
ces deux titres, rien ne l’empêche de toucher les premiers
deniers de la vente.
L a demande d’un com pte, contre madame de Cha
banes ,
�V
( 33 )
banes, ne porte aucun obstacle à ce versement, puisque
M . de H om pesch, obligé de justifier sa demande en
com pte, n’a- pas prouvé que madame' de Chabanes fû t
débitrice.
Pendant l’année qui a précédé l’émancipation de son
fils, le sieur M orandez, tuteur onéraire, a. eu la gestion
comptable.
L a procuration du 30 juin 1782 n'a pas duré s ix
m ois, et n’a été suivie d’aucune gestion comptable;
A insi madame de Chabanes reste avec ses créances, et
M . de Hompesch n’a aucun m otif de ne pas payer après
sa transcription, comme il s’y est obligé.
La quittance sous seing privé, qu’il rapporte, n e s’im pute ni ne peut s’imputer sur le prix de sa vente, et peut
encore moins etre opposée à un créancier hypothécaire.
La cause n’a donc aucune sorte de difficulté, puisqu' il ne s’agit que de l’exécution d’un titre clair et non
conteste. On plaide pour savoir si un acquéreur payera
le prix de son acquisition.
$\
L e sieur le Rasle n’a pas cru devoir grossir ce mé
moire d 'une discussion sur son appel incident, parce
qu’il n’étoit fondé que sur le silence du jugement de
C lermont à son égard. On ne lui conteste pas le droit
de se présenter comme subrogé aux deux inscriptions;
e t, au contraire, on les discute contre lu i, en cette
qualité. M. le Rasle a donc obtenu déjà tout ce qu’il
avoit intérêt d’obtenir.
Il ne s’arrêtera qu’un instant sur une demande en
dommages-intérets que M . de Hompesch a jugé à propos
de form er, sous prétexte que lui-m êm e , M . de H om E
1
�( 34)
pesch, bien confiant dans la bonté de sa cause, s’est
engagé vis-à-vis M . de Sarrasin, à rapporter la radia
tion des inscriptions dans le m ois de la transcription,
et que ses adversaires ont la dureté d’em pêcher, en
v oulant prendre pour eux l’argent que M r. de Hompesch
s’étoit destiné. M. de Hompesch ajoute q u e , dans la
même confiance, il a consenti, vis-à-vis de M . de Sarrasin,
à ne toucher 30,000 francs qu’après cette radiation, sans
intérêts. E t sur cela il prend son texte pour dire qu’il
doit être indemnisé de ce qu’il perd.
Que ne s’obligeoit-il, par une clause plus chevale
resque en core, à un dédit considérable, pour avoir le
plaisir de le demander !
Cependant la ré g ie , qui parle aujourd’hui pour ellemême , trouve cette réclamation très-légitime.
Il
suffit de lui répondre qu’un créancier qui plaide
pour être payé d’une dette non suspecte et fondée en
titres, ne doit de dommages-intérêts à personne; et si
quelqu’un en devoit dans cette cause, ce seroit plutôt la
régie, pour le mauvais exemple qu’elle y a donné, en
voulant faire prévaloir un acte non enregistré, à des
subrogations authentiques, pour retarder le payement
d’ un prix de vente exigible depuis neuf ans.
M r. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. B E A U D E L O U X
avoué licencié.
A R I O M , de l ’im p. de T H I B A U D , i m prim . d e la C o u r im p ériale, et lib raire,
ru e des T a u le s , m aison
Landriot.
— Janvier 1812.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Le Rascle, François. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
créances
brevets
séparation de biens
émigrés
hypothèques
contrats de mariage
erreur matérielle
sujet d'une puissance en guerre
acquéreur anglais
séquestre
Chabanes de Lapalisse (Frédéric de)
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour François Le Rasle, ancien avocat au parlement de Paris, habitant à Paris, intimé et incidemment appelant; Contre M. le Directeur de la régie et des domaines, poursuivant, au nom de monsieur le Préfet du département du Puy-de-Dôme, la cause de M. le baron de Hompesch, lieutenant général au service de l'Angleterre, appelant; En présence de Madame Marie-Elisabeth Taleyrand de Périgord, veuve de Jacques-Charles de Chabanes, intimée; Et encore en présence de dame Marie-Louise Brachet, veuve de Reclesne, Henri-Joseph Mallet, et Jacques Villecoq, intimés.
Table Godemel : inscription hypothécaire : 6. l’erreur dans l’énonciation de la date d’un contrat de mariage, en vertu duquel est prise une inscription hypothécaire, ne rend pas nulle cette inscription. Mandataire : 2. la circonstance que le créancier, comme mandataire du débiteur, a fourni des baux à ferme des biens appartenant à celui-ci, ne peut faire présumer ce créancier comptable et soumis à une compensation, s’il n’est pas établi qu’il a perçu le prix de ces mêmes baux. Obligation : 4. celui qui n’est porteur que d’obligations souscrites en pays étranger, et qui n’a pas fait juger en France, avec le débiteur, qu’il est réellement créancier du montant de ces obligations, est non recevable à l’égard d’autres créanciers ayant titre authentique, à éxercer les droits du débiteur, et à réclamer la priorité d’une inscription par lui prise.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 11-1812
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2202
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2201
BCU_Factums_M0417
BCU_Factums_G2203
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort-Montagne (63305)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
acquéreur anglais
brevets
Chabanes de Lapalisse (Frédéric de)
contrats de mariage
Créances
émigrés
erreur matérielle
hypothèques
séparation de biens
séquestre
sujet d'une puissance en guerre
-
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d1c59bc644b593dd2653780c6b674e4d
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Text
■
'» C O U R
IMPERIALE
MÉMOIRE
D E RIOM.
P O U R
Z ° . C H AM BRE.
M. l e P r é f e t d u d é p a r t e m e n t d u P u y - d e - D ô m e ,
exerçant les droits du Gouvernement français, à ce
titre représentant le baron D ’H O M P E S C H , lieutenant général des armées d’A ngleterre, poursuites et
diligences de M . le Directeur des domaines, appelant;
*7*—^
*
CONTRE
Damef M a r i e - E l i s a b e t h T A L L E Y R A N D D E
P E R I G O R D veuve de sieur Jacques-Charles D E
,
C habannes ;
Sieur F r a n ç ois L E R A S L E ;7
Dame M a r i e - L o u i s e B R A C H E T ,
veuve
DE
R eclesne ;
;
Sieur H e n r i - J oseph M A L L E T
E t sieur J acques V 1 T T E C O Q intimés
,
.
L a Cour a ordonné une plus ample contestation, 1°. sur le
compte demandé à la dame veuve de Chabannes, 20, sur la
séparation des patrimoines.
A
•y
�Le baron cTIIompescli a cru devoir et pouvoir intevvenir en
la cause; il est dans l’erreur. Comme sujet d’une puissance
ennemie, il n’a pas le droit d’action en France. Le séquestre
est sur ses biens. Il n’a pas le droit de venir plaider devant
nos tribunaux, et de toucher le prix de la revente qu’il a con-f
sentie au sieur de Sarrasin. Mais qu’il soit sans inquiétude ; ses
intérêts seront bien défendus, bien conservés. Il doit des remercîmens à celui qui a averti à temps, et par là a empéché le
dépérissement absolu de ses droits légitimes.
F A I T S .
Le 18 février 1769, mariage de Jacques-Cliarles de Chabannes
et Marie-Elizabeth Talleyrand de Périgord.
D e ce mariage sont issus deux enfans, Marie-Jacques-Gilbert
et Jean-Frédéric.
Le 24 juillet 1780, contrat de mariage de Jean-Frédéric : son
père lui donne 3oo,ooo francs.
Le 26 septembre 1780, décès du père.
Jean-Frédéric répudie à sa succession, pour s’en tenir au don
de 3oo,ooo francs.
L a mère renonce à la communauté.
Marie-Jacques-Gilbert accepte l’hérédité.
Ce dernier part pour Saint-Domingue, et laisse à sa mère une
procuration devant notaire, du 3o juin 1781, pour régir, etc.
En vertu de cette procuration, la mère administre tous les
biens de son fils. Le 14 janvier 1783, elle afferme la terre de
Curton pour neuf ans, etc.
Le 6 mai 1789, décès de Marie-Jacques-Gilbert de Chabannes,
sans postérité.
Le 26 juillet suivant, Jean-Frédéric en accepte la succession
sbus bénéfice d’inventaire.'
La,révolution française arrive. Il émigre en Angleterre, où il
a des rapports d’affaires et d’amitié ayec le baron d’Hompesch,
�(3)
lieutenant général des armées d’Angleterre. Celui-ci en devient
créancier de sommes considérables.
Jean-Frédéric de Chabannes rentre en France. Le 9 prairial
an xo, il fait, au bureau des hypothèques de Clermont, une
inscription sur son père et sur son frère, pour la somme de
63o,ooo fr ., en vertu de son contrat de mariage du 24 juillet 1780.
Le 7 pluviôse an 1 1 , Jean-Frédéric de Chabannes, en qualité
d’héritier bénéficiaire de son frère , vend au baron d’Hompesch,
a0, les débris de la terre de Rochefort, provenue de JacquesCharles de Chabannes ; 20. une créance sur la veuve de JeanBaptiste de Chabannes, moyennant le prix qui en sera fixé par
deux arbitres qui sont nommés par les contractans. Le vendeur,
quant à la terre, s’oblige de garantir de tous troubles et cm*
pêchemens ; et quant à la créance, il se soumet à toute garantie.
Le montant de l’eslimation est stipulé payable au vendeur aus
sitôt après la transcription, sans opposition , au bureau des
hypothèques de Clermont.
Le même jour de la vente, Jean-Frédéric de Chabannes reçoit
du baron d’Hompesch un à-compte de la somme de 86,000 fr.
Dans la quittance . qui est sous signature privée , il dit : E n
avance du prix de la vente que je lui a i consentie aussi ce
jo u r , par acte double , et sous seing prive , de la terre de
Rochefort, et d’une créance sur madame veuve de Chabannes>;
Le i 3 ventôse suivant, les arbitres estiment la terre de Rochefort à 66,000 francs, et la créance à 75,000 francs.
Le 26 du même mois, l’on fait au nom de la dame veuve de
Chabannes, au bureau des hypothèques de Clermont, une ins
cription de 221,858 fr. 4° c * » sur son défunt m ari, en vertu
d’un contrat de mariage que l’on date du 18 juin 1769.
Le 28 du même mois, le baron d’Hompesch y fait transcrire
son contrat d’acquisition.
Le 4 messidor an 11, la dame veuve de Chabannes demande
au tribunal civil de Paris, contre le baron d’Hompesch, la n u llité
A 2,
�( 4)
dé la vente, pour avoir été faite de gré à gré seulement par un
héritier bénéficiaire.
Le 5 floréal an 12, elle fait donner copie, x°. de son contrat
de mariage ; 20. de son inscription aux hypothèques : dans cette
copie d’inscription, le contrat est daté du 18 février 176g.
Le 22 du même mois, jugement qui annulle la vente.
Le 3 messidor an 12, le baron d’Hompesch dénonce à JeanFrédéric de Chabannes, et l’assigne en garantie formelle.
Appel par le baron d ’H o m pesch , du jugem ent du 22 floréal,
contre la dam e de Chabannes.
Le 3o thermidor an 12 , obligation solidaire de 53,000 francs
par la dame veuve de Chabannes et son fils, au sieur le Rasle.
La dame de Chabannes subroge jusqu’à due concurrence le
sieur le Rasle, à l ’effet de l’inscription du 26 ventôse an 11.
Cette subrogation est mentionnée en marge de l’inscription,
le 14 fructidor an 12.
Le 2 ventôse an i 3 , autre obligation de 27,2x2 fr. 5o c. à la
dame veuve de Reclesne et au sieur M allet, et subrogation à
la même inscription : la subrogation est portée en marge de
l’inscription le 8. Les subrogés font en outre eux-mémes une
inscription où ils donnent au contrat de mariage la date du.
18 janvier 1769.
Le 7 du môme m ois, autre obligation de 9,000 f r ., et subro
gation au sieur Vitteeoq , qui fait porter la subrogation aussi
en marge de l’inscription le 27 floréal an i 3. Il fait lui-même
une inscription où il ne parle que de son acte de subrogation ;
pas un mot du contrat de mariage.
Le 20 floréal an i 3 , le sieur le Rasle fait porter en marge
de l’inscription de Jean-Frédéric de Chabannes , du 9 prairial
an 10, une subrogation qu’il dit lui avoir été consentie le 29 ven
tôse an i 3. Voici ce qu’il dit à ce sujet, dans une requête du
19 février 1811 : P a r un second acte du 29 ventôse an i 3 ,
Je u'eur Jcan-Frcdéric de Chabannes, pour plus grande sûreté
�(5 )
de payement de la somme prêtée , d é c l a r a e n f a v e u r d u
l e R a s l e qu’il ri avoit ètc n i dans son intention, ni dans
son esprit, lors de l ’obligation, de pouvoir exciper à l’avenir
d ’une inscription qu’il avoit lui-même prise avant la dame sa
mère, sur la terre de Rochefort, pour empêcher le sieur le
Rasle de se fa ire payer avant lu i sur cette terre ; en consé
quence , et pour donner au sieur le Rasle une nouvelle preuve
du désir qu’ il avoit que cette intention se réalisât , le sieur
de Chabannes, par suite de ïobligation du 5o thermidor an 12,
subrogea le sieur le Rasle jusqu’à concurrence du montant de
cette obligation, dans l ’effet de l ’inscription qu’il avoitformée
le 9 prairial an xo, contre Charles-Jacques de Chabannes, son
p è re , et Jacques-Gilbert-M arie de Chabannes, son fr è r e ,
pour par lui l ’exercer en son lieu et p la ce , et privativement
à lui-même.
Le 20 floréal an i 3 , inscription par le sieur le Rasle lui-m êm e,
sur les successions de Chabannes père et fils, en vertu de la
subrogation du 29 ventôse seulement.
Le 20 brumaire an 14, arrêt de la Cour impériale de Paris ,
sur l’appel du jugement du a 3 iloréal an 12.
Il résulte de cet arrêt, i°. que le baron d’Hompesch demande
la réformation du jugement et la maintenue de son acquisition;
subsidiairement, pour faire cesser le reproche de vilité de prix
répété cent fois par la dame de Chabannes, il demande acte
de ce qu’il est prêt et offre de payer le prix de la terre à qui
par justice sera ordonné, d’après une estimation par experts;
20. qu’au lieu d’accepter cette offre, la dame veuve de Chabannes
s’obstine à conclure au bien jugé de la sentence qui a annullé la
vente; 3°. (jug_cette sentence est infirmée, et la dame veuve de
Chabannés^cféboutée de sa demande en nullité ; et qu’il est fait au
baron d’Hompesch mainlevée de certaines oppositions faites
ès-mains des fermiers, sauf l'exercice des droits hypothécaires.
Cet arrêt est passé en force de chose jugée.
L ’on dit qu’en février 1806, la dame Yeuye de Chabannes a
s ie u ii
�( <n
fait signifier une réquisition de revente de la terre de Rochefort,'
sur enchères publiques ; mais on ne rapporte aucun acte à cet
égard. Cette dame n’en parle plus aujourd’hui. Nous n’aurons
donc plus à nous en occuper.
Le 16 mai 1807, le baron d’Hompesch revend la terre de
Rochefort à Jean-Louis de Sarrasin, moyennant la somme
de 72,000 francs, payable, i°. 3o,ooo francs dans le mois qui
suivra la transcription du contrat, degagée de toute inscription
hypothécaire (dans le cas où il en existeroit, à la charge par
le vendeur d'en rapporter mainlevée et radiation, sans inté
rêts de ladite somme jusqu’ à la radiation desdites inscriptions J;
20. 42,000 francs , moitié au i er. octobre 1808 , et moitié au
i cr. octobre 1809, avec intérêts à quatre pour cent sans retenue.
( Le sieur de Sarrasin a fait transcrire son contrat aux hypo
thèques; et le 3o août 1810, il en a fait la notification à la dame
veuve de Chabannes, e tc ., sans qu’il y ait eu aucune enchère.)
Le baron d’Hompesch assigne au tribunal civil de Clermont
la dame veuve de Chabannes, ainsi que le sieur le Rasle , la
dame veuve de Reclesne, le sieur Mallet, et le sieur Vittecoq,
en nullité des inscriptions et subrogations, avec 10,000 francs
de dommages-intérêts. Subsidiairement, il a demandé compte
de la gestion de la dame veuve de Chabannes, comme manda
taire de ses fils , pour en induire qu’elle étoit remplie de ses
reprises , et que dès-lors son inscription étoit sans cause.
Le 14 avril 18x0, jugement entre le baron d’Hompesch , la
dame veuve de Chabannes , le sieur le Rasle , la dame veuve
de Reclesne, le sieur Mallet, et le sieur Vittecoq. Il porte:
« En ce qui touche la demande de la partie de Rousseau , en
nullité de l’inscription prise par la partie de Jeudy, tirée de
l’erreur dans l’indication de la date de son contrat de mariage,
qui est son titre de créance ;
« Attendu i°. que si l’omission totale de la date du titre
entraîne la nullité de l’inscription , ainsi qu’il a été jugé par
l ’arrêt de la Cour de cassation, du 2 avril 1807, invoqué par
�(7 )
la partie de Rousseau, il ne doit pas en être de.même d’une
simple erreur échappée à l’attention du simple copiste , dans
l’indication de la date du mois seulem ent, en substituant le
mot ju in au mot février, lorsque l’indication de la date est
exacte d’ailleurs pour le jour ( 18 ) et pour l’année ( 1759 ),
conséquemment pour l’époque ;
« Attendu 20. qu’une erreur si légère ne doit pas tirer à con
séquence, parce qu’elle est indifférente en elle-méme , et ne
tombe point sur une partie essentielle de l’acte d’inscription ,
puisque celle dont il s’agit n’ayant été prise que le 26 ventôse
an 1 1 , pour une créance résultante d’un contrat de mariage,
elle a la date du titre ancien , son rang demeurant fixé par
l’article 3g de la loi du 11 brumaire an 7 , au jour de l’inscrip
tion seulement;
cc Attendu 3°. qu’il est de principe tiré de la loi 92, au di
geste D e regulis ju r is , que les erreurs d’écriture échappées à
1 attention sans dessein de fraude , et qui ne font tort à per
sonne , ne nuisent point à la validité de l’acte , et n’en détruisent
pas 1 effet non nocere ;
« Qu il n’en est même pas , dans ce c a s , de la date d’un
contrat de mariage comme de celle de tout autre acte simple,
ou d’un jugement.
« Par exemple , Paul veut connoitre l’état des affaires do
P ierre, avec lequel il veut traiter ; il a une connoissance per
sonnelle que Pierre est débiteur de Jean, en vertu d’obligation
ou de jugement à telle date.
« Cette obligation ou jugement aura été inscrit sous une autre
date, par la faute du rédacteur de l’inscription, et Paul croira
que l’obligation ou jugement dont il a connoissance n’a pas en
core été inscrit, et qu’outre la dette qui en résulte, Paul doit
encore à Jean le montant d’une autre obligation ou jugement,
quoique dans le fait il n’existe qu’ un seul et même titre contre
Pierre ; et cette erreur détournera Paul de ce qu’il avoit inten
tion de faire avec Pierre.
�(8 )
,
'
« H est sensible que dans ce cas l’erreur est préjudiciable ;
mais Paul saura bien que la dame Talleyrand n’a pas pu se
marier deux fois dans la même année avec M. de Chabannes.1
« Et s’il ne trouve pas l’inscription du contrat de mariage à
sa véritable date, il sera convaincu que ce n’a été qu’une faute
d’écriture de la part de celui qui a fait l’inscription ; et cette
erreur ne nuira à personne.
te L ’erreur commise dans la transcription du mois du contrat
de mariage de la dame de Chabannes nuit d’autant moins dans
la cause, qu’il n’y a pas d’inscription postérieure à la sienne.
« En ce qui touche la seconde nullité, tirée de ce que l’ins
cription dont il s’agit n’a été ni sur Jean-Frédéric de Chabannes,
détenteur à cette époque de l’immeuble hypothéqué, ni sur la
succession bénéficiaire de Jacques-Gilbert, possesseur immédia
tement précédent, mais sur J a cq u e s -Charles de Chabannes,
débiteur et possesseur primitif, décédé en 1780 ;
« Attendu que les inscriptions à prendre sur les biens d’une
personne décédée, peuvent valablement être faites sur la simple
dénonciation du défunt, suivant les articles 17 et 40 de la loi
du 11 brumaire an 7 , maintenus par l’article 12149
Code
Napoléon; d’où il 6uit que l’inscription dont il s’agit est à l’abri
de toute critique fondée, et doit être maintenue avec tous les
effets qui y sont attachés par la loi.
« En ce qui touche la demande subsidiaire de la partie de
Jeudy , tendante à la séparation du patrimoine de JacquesCharles de Chabannes, son mari, d’avec ceux de Jacques-Gilbert
et de Jean-Frédéric, ses enfans , héritiers, l’un immédiat et
l’autre m édiat, de leur père commun ;
« Attendu que cette action autorisée par les anciennes lois,
est maintenue sans condition ni restriction , par l’article 14 de
la loi du 11 brumaire an 7 , sous l’empire de laquelle la vente
de la terre de Rochefort a été faite et transcrite, et qu’elle
subsiste encore sous le régime du Code Napoléon, et n’a besoin,
pour être conservée, que d’une inscription pareille à celle que
la
�(
9
)
la partie de Jeudy a prise le 26 ventôse ah i l » et qu’en con
séquence elle a incontestablement le droit et la faculté d’en
faire usage, si elle préfère de s’en tenir au prix de la vente de
la terre de Rochefort faite à la partie de Rousseau, moyennant
66^000 livres, et de se contenter du rapport de ce prix et des
intérêts.
« En ce qui touche la demande de la partie de Rousseau t
exerçant les actions de son vendeur, qui prétend aussi être
son débiteur, tendante à être déclarée quitte et libérée du prix
de son acquisition, par compensation de ce prix avec ses pré
tendues créances ;
« Attendu que la compensation n’a pas lieu au préjudice des
droits acquis à des tiers, ni même de la dette personnelle de l’hé
ritier bénéficiaire, avec ce qui est dû à la succession ;
« Attendu que l’inscription de la partie de Jeudy, et son action
en distinction des patrimoines, lui donnent sur ce prix de la.
Vente de la terre de Rochefort des droits acquis, qui s’opposent
à la compensation de ce prix avec les créances que prétend
avoir la partie de Rousseau contre son vendeur, et que d’ailleurs
Ces c r é a n c e s n e s o n t q u e l a d e t t e p e r s o n n e l l e d u d i t v e n d e u r f
au lieu que le prix de la terre de Rochefort est une créance de
la succession qui n’a été acceptée que sous bénéfice d’inventaire ;
« Attendu que ce sera seulement à l’ordre et distribution du
p rix, que la partie de Rousseau pourra exercer les droits de son
vendeur, et qu’il ne s’agit pas dans ce moment de procéder
à cet ordre.
« En ce qui touche les demandes des sieurs le Rasle, R.eclesne, Mallet et Vittecoq, subrogés en partie aux inscriptions de
la partie de Jeudy, et du sieur Frédéric Chabannes, son fils ;
« Attendu que tout ce qui sera décidé en faveur de la partie
de Jeudy, leur cédante, doit leur profiter;
« Le tribunal donne défaut contre le sieur Vittecoq; et pour
le profit, faisant droit aux parties, sans avoir égard à la demande
de la partie de Rousseau, en nullité de l’inscription prise par
B
�( IO )
la partie de Jeudy, le 26 ventôse an i r , dont elle est déboutée;
déclare ladite inscription valable, et la maintient, pour sortir
l’effet qui y est attaché par la lo i, et notamment par les articles
2167, 2168 et 2169 du Code Napoléon, si mieux la partie de
Jeudy et ses subrogés, n’aiment.s’en tenir au rapport du prix
de la vente de la terre de Rochefort, faite par Jean-Frédéric
de Chabannes à la partie de Rousseau , et s’en contenter; en ce
cas, faisant droit sur la demande en séparation des patrimoines,
formée par la partie de Jeudy, ordonne ladite séparation , et con
damne la partie de Rousseau à rapporter le prix de son acqui
sition , et les intérêts d’ice lu i, pour être distribué entre les ,
créanciers de la succession de Jacques de Chabannes, dans
l ’ordre de droit ;
« Le tribunal réserve les droits respectifs de tous les créanciers,
même ceux de la partie de Rousseau, pour les faire valoir à
l’ordre ; leur réserve aussi leurs exceptions et moyens de réduc
tion contre leurs créances respectives, pour être également op
posés à l’ordre ;
« Déclare le présent jugement commun avec les sieurs le Rasle,.
M arie-Louise Erachet, veuve Reclesne, Mallet et Vittecoq,
subrogés en partie aux créances et hypothèques de la partie de
Jeudy, et de Jean-Frédéric de Chabannes, son fils ;
« Sur le surplus des demandes, fins et conclusions des parties,
les met hors de procès ;
« Condamne la partie de Rousseau aux dépens envers toutes
les parties. »
Le i er. août 1810, arrêté de M. le préfet du département du
Puy-de-D ôm e, q u i, i°. met en séquestre les biens du baron
d’Hompesch, comme sujet d’une puissance en guerre avec la
France ; 20. autorise le directeur des domaines du département à
interjeter, au nom de M. le préfet, appel du jugement du 14 avril
précédent.
Les 12, 20 et 24 septembre 1810, appel contre la dame veuve
de Chabannes, etc.
�( ”
)
Le 22 décembre suivant, arrêt par défaut, faute de com -'
paroir.
Le ;5 février 18 11, opposition de la'dame veuve de Cha
bannes.
Le 19 du même mois, opposition du sieur le Rasle, et appel
incident de sa part, en ce qu'on ne lui a pas adjugé exclusive
ment l’effet de l’inscription du 9 prairial an 10, faite par JeanFrédéric de Chabannes.
Les autres parties forment aussi opposition.
Le 8 juin 1811 , arrêt de la Cour, qui ordonne une plus
ample contestation, i°. sur la question relative au compte de
mandé à la dame veuve de Chabannes ; 20. sur celle relative
au bénéfice de la séparation des patrimoines.
DISCUSSION.
La cause présente trois questions.
i°. L ’inscription de la dame veuve de Chabannes est-elle ré
gulière ?
2 °« L 3. d a m e
v e u v e d e C h a b a n n e s e s t -e lle c r é a n c i è r e ?
3°. Si cette dame peut demander la séparation des patrimoines,
Jean-Frédéric de Chabannes ne le pourroit-il pas aussi ? Et en
cas d’affirmative, quid juris?
D e cette question en naît une secondaire. Dans les termes
où en étoient les choses, Jean-Frédéric de Chabannes pouvoitil, le 29 ventôse an i 3 , subroger le sieur le Rasle à l’effet de
cette inscription, au préjudice du baron d’Hompesch?
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
N ullité de rinscription de là dame veuve de Chabannes.
En fait, il est constant, i°. que le contrat de mariage de
B 2
�(
12
)
cette dame est du 18 février 1769 ; 20. que son inscription
énonce un contrat de mariage du 18 juin 1759.
C ’est sur l’erreur de la date du mois que le baron d’Hompesch
a fondé sa demande en nullité.
Le sieur le Rasle dit, page 11 de son précis, que ceci n ’est
q u ’une chicane de m ots, et qu’il est évident que l’erreur est
du fa it du copiste, lapsus calanit ; il nous renvoie à la loi 92,
au titre D e regulis furis.
i°. Une erreur de copiste est quelquefois peu considérable,
quand 1?original est régulier. Mais ici la faute est dans l’original ;
elle est sur l’original de l’inscription , sur le bordereau laissé
au conservateur des hypothèques (bordereau qui n’est pas une
simple copie, qui est l’ouvrage de la partie elle-même, art. 17
de la loi du 11 brumaire an 7 ) ; l’erreur est sur le registre du
conservateur, auquel seul foi est d u e, suivant la jurisprudence
établie par arrêt de la Cour de cassation, du 22 avril 1807,
parce que ce registre est le livre ouvert à tous les intéressés.
20. La loi 92, au titre D e regulis juris , n’est point applicable
à la cause ; elle se rapporte uniquement au cas où un copiste
auroit mal transcrit, mal copié un contrat : S i librarius, dîtelle , in transcribQndis slipulationis-verbis crrasseC, niliil nocere,
ejuominùs et reus et fidejüssor teneatur.
3°. L ’article 17 de la loi du n brumaire an 7 , porte que
l’inscription contiendra la date du titre.
L ’art. 5 i oblige le conservateur à donner à tous venans copie
des inscriptions, afin que l’on soit à même d’en vérifier le con
tenu. Si la date du titre est in exacte, par quel moyen celui
qui voudra acquérir, sera-t-il à même d’arriver jusqu’à la preuve
de la réalité de la créance?
Dans la cause actuelle, le contrat de mariage a été passé
devant un notaire de Paris. Les notaires de Paris 11e faisoient
pas contrôler leurs actes. En allant chez ce notaire demander
un contrat de mariage du 18 juin 1 7 % , il auroit répondu qu’il
�( i3 )
n’en avoit pas à cette date. Il auroit fallu s’en tenir là ; et croire
qu’il n’y en existoit point.
Au reste, l'art. 17 est impératif; il dit, contiennent la date
du titre , sans aucune distinction entre les actes devant notaires
et les actes judiciaires, sans aucune exception pour les contrats
de mariage. Quel que soit le titre, il doit être signalé par sa
date explicative des jour, mois et année.
4°. Deux arrêts de la Cour de cassation ont jugé la question ;
ils sont des 22 avril et 7 septembre 1807.
-,•'
Dans l’espèce du prem ier, il n’y ayoit pas énonciation de la
date du titre dans l’inscription.
Dans l’espèce du second, le titre étoit une sentence du châtelet de Paris , du i 3 septembre 1777. Dans l’inscription elle
étoit indiquée sous la date du i3 novembre 1777.
- Dans son précis, le sieur le Rasle rapporte., page 14, quelques
mots de l’arrêt du 22avril 1807. Pour toute réponse, nous trans
crivons ici les motifs des deux arrêts.
■
rP U E SI I B R
ARRET.
,
« La Cour, vu les articlesi2, 17 et 18 de la loi du 11 bru
maire an 7 ;
,
« Considérant que les formalités qui tiennent à la substance
des actes, sont de rigueur, et doivent, même dans le silence
de la loi, être observées à peine de nullité;
« Que ce principe, vrai en toute matière, reçoit plus particu
lièrement son application dans l’espèce, où ii s’agit de lois hypo
thécaires , dont la stricte exécution intéresse essentiellement
l’ordre public ;
cc Considérant qu’aux termes de l’article 18 ci-dessus, il faut,
-pour la validité d’une inscription hypothécaire, que le registre
du conservateur fasse mention d u c o n t e n u aux bordereaux, et
par conséquent mention de ce,que les bordereaux contiennent,
aux. termes de l’art. 17 , touchant la date du titre, et à défaut
�( i4 )
de titre, touchant l’époque à laquelle l’hypothéque a pris nais
sance;
>
' « Considérant que cette énonciation de la date du titre ou
de l’hypothèque est de l’essence d’une inscription ; car s’il
importe au public de connaître i celles qui sont prises sur un
immeuble, il ne lui importe pas moins de pouvoir 'vérifier si
elles ont une cause légitime ; ce qu il ne peut faire qu’autant
qu’il existe dans un registre public une indication précise, nonseulement du titre de créance, mais de sa date ou de celle de
l’hypothèque , à défaut de titres ;
cc Considérant que l’inscription faite par Conne sur le registre
du conservateur, ne renferme aucune de ces indications pres
crites par la loi ;
i
« Considérant que le bordereau >de Conne ne peut suppléer
à l’inéuffisancedutregisîre, puisque, d’une part', l’article 2 cidessus, déclare que l’hypothéque n e1prend rang que par son
inscription dans les registres du conservateur ; puisque , d’autre
part, nul article de la loi n’oblige le conservateur à délivrer
copie des bordereaux qu’il détient;
cc Considérant qu’il est indifférent que larrét intervenu en
l ’an 7 entre les parties , ait fait connôitre à la demoiselle Lahaye
et c o m p a g n i e , la date de l’hypothèque de Conne ; car dés qu’il
est établi que l’inscriptipn de Conne est nulle à l’égard des
créanciers régulièrement inscrits, elle ne peut être validée par
aucune considération ; — Casse , etc. »
D u 22 avril 1807. — Section civile.
lc
D euxième arrêt.
* cc La C o u r, sur les conclusions conformes de M. G iraud,
substitut du procureur général ; — Considérant que les for
malités’ qui tiennent à la ’ substance des a ctes, doivent être
exécutées à peine de nullité j;'alors même que la loi ne pro
nonce pas cette peine ; — :Qu’il'estJévidemment de l’essence
�( i 5 )
d’une inscription hypothécaire, de. contenir les 'énonciations
prescrites par les articles 46 et 17 dé la loi du 11 brumaire
an 7 , relativement aux personnes qui s’inscrivent, ¡et à la date
du titre dont elles se prévalent; —- Qae dans l’espèce, ces énon
ciations étant, soit omises, soit erronées dans l’inscription que
Lefevre a prise, la contravention àjlalloi, e t‘là nullité de cette
inscription, sont m anifestes.— Rejette, etc. jj
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D u 7.septembre 1807.
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. En vain l’on oppose que le baron d’Hompesch est sans qualité
et sans intérêt pour arguer de nullité l’inscription ten question ;
a0, parce qu’il n’est pas créancier inscrit ; 2°. parce que par son
contrat il s’est obligé à payer à Jean-Frédéric de Chabannes,
et dès-lors à ses ayans-droit ; et qu’à la Cour impériale de Paris
il.n a cessé d’offrir de payer àiqui par justice seroit ordonné.
i°. L ’hypothèque est de droit civil ; elle est conférée par le
législateur, à condition que l'on observera les formalités établies
par la loi. Il n’est pas nécessaire d’étre inscrit pour pouvoir
arguer de nullité une inscription; il suffit d’avoir un intérêt
C o n tr a ire .
D e
l ’i n s c r i p t i o n
n a lt r o it
le
d r o it :
la
n u l l i t é :<est
1!exception.
..;••• no ni. »• •
Le baron d’Hompesch est acquéreur; il a payé le prix de
son acquisition ; il en a quittance. Il a bien qualité pour sou
tenir sa quittance; donc il a qualité pour attaquer l’inscription.
20. Il est très-vrai que par son contrat du 7 pluviôse an îx ,
le baron d’Hompesch a promis payera Jean-Frédéric Chabannes,
après la transcription du contrat, sans opposition , et qu’à la
Cour impériale de Paris il a offert de payer à qui par justice
seroit ordonné.
i- •
■
Mais, en premier lieu, par le contrat d’acquisition, le baron
d’Hompesch a promis >payer après la transcription. Rien ne
l’empêchoit d’anticiper et dé donner un à-compte ; d’ailleurs la
quittance est un acte de -compensation entre le vendeur et
l’acquéreur.
�( i6 )
. En second lieu , la dame de Chabannes n’a pas pris acte de
l’offre faite en la Cour impériale de Paris. Le contrat judiciaire
n’a pas été form é, et le baron d’Hompesch a pu se rétracter,
pour proposer ensuite tous ses moyens contre l’inscription de
cette dame.
En troisième lie u , le baron d’Hompesch a offert de payer
à qui par justice sera ordonné. Nous sommes en justice, c ’est
le moment de juger à qui appartiennent les 66,000 francs, prix
de la vente du 7 pluviôse an 11; c’est le moment de juger si
l’inscription de la dame veuve de Chabannes est ou non régulière.
Tous les moyens du baron d’Hompesch nous restent dans
toute leur force. L’arrét de la Cour impériale de Paris porte
bien , sauf l ’exercice des droits hypothécaires; mais il ne nous
ôte pas nos exceptions contraires.
Cet arrêt nous les ôte d’autant moins, que le baron d’Hom
pesch auroit-il donné quelque consentement, il seroit subreptic e , et dès-lors nul ; parce qu’à la Cour impériale de Paris, en
signifiant l’inscription du 26 ventôse an n , la dame veuve de
Chabannes en auroit déguisé le v ic e , en faisant insérer dans la
copie qu’elle en a fournie, le 5 floréal an 12, qu’elle a été faite
en vertu du contrat de mariage du 18 février 1769, tandis qu’ou
n’y a énoncé qu’ un, contrat du 18 juin 1759.
D eu xièm e
q u e s t i o n
.
L a dame de Chabannes est-elle créancière ?
Nous rapportons une procuration du 3o juin 1781, un bail à
ferme du 14 janvier 1783, une procuration par elle donnée le
20 mars 1786, pour vendre deux cents carreaux de terrain appar
tenant à son fils aîné, à Saint-Domingue. Ces pièces la cons
tituent comptable ; elle est dès-lors réputée débitrice ; et, suivant
les principes, elle ne peut pas se dire créancière avant un compte
bien apuré.
L ’on
�( *7 )
L ’ôn nous renvoie à un sieur Maraudat, que l’on nous- dit
avoir été le véritable homme d’affaires, le véritable comptable.
Mais rien n’est justifié à cet égard ; et la procuration, le bail à
ferme, etc., doivent l’emporter sur les allégations du sieur le Rasle.
T r o i s i è m e
q u e s t i o n
.
Jean-Frédéric de Chabannes puurroit-il, comme sa,
mère , réclamer la séparation des patrimoines ?
Si la dame veuve de Chabannes étoit encore créancière ,
elle le seroit de son mari et de son fils aîn é, et dès-lors elle
seroit en droit de demander la distinction et la séparation des
patrimoines, et d’étre payée sur le prix de la terre de Rochefort,
qui est un propre de famille.
Mais Jean-Frédéric de Chabannes a le même avantage : comme
e lle , il est aussi créancier de son père et de son frère t en vertu
de son contrat de mariage, du 24 juillet 1780.
Sur la distinction des patrimoines, les principes sont assefc
connus. Elle produit l’effet de faire payer les créanciers du dé
funt avant ceux de l ’ h é r i t i e r ; e l l e é t a b l i t u n m u r de séparation
entre ces deux classes de créanciers.
Mais quand ce mur est fa it , quand le patrimoine du défunt
est détaché de la masse des biens de l’héritier, pour en désin
téresser les créanciers du défunt, reste à faire un ordre entre
ces derniers. Les chirographaires ne sauroient être colloqués au
même rang que les hypothécaires ; ils ne doivent venir qu’après
eux.
Quand aux hypothécaires, ils prennent rang suivant la priorité
de leurs inscriptions , dit le §. 4 de l’article 14 de la loi du
11 brumaire an 7.
O r, Jean-Frédéric de Chabannes est inscrit régulièrement à
la date du g prairial an xo ; il a donc hypothèque à compter
de ce jour-là. Sa mère n’est pas inscrite régulièrement : le seroitelle , elle ne le seroit que du 26 ventôse an 1 1 ; elle seroit primée
par Jean-Frédéric ; elle ne viendroit donc qu’après lui.
G
�( 18 )
_
Jean-Frédéric de Chabannes est créancier de-63o,ooo francs
en principal et intérêts : toutes les parties en conviennent. Le
prix de la vente de la terre de Rocliefort n’étant que de 66,000 f r .,
il est absorbé et au delà par la créance de Jean-Frédéric.
1
Q u’on ne dise pas, comme les premiers juges, qu’il faut en
venir à un ordre entre les créanciers.
i°. L ’introduction d’un ordre est l’exercice d’une action.
L ’exercice d’une action est soumis à la loi existante lors de
cet exercice.
Dans la cause, il s’agit d’une vente volontaire. Il n’y auroit
de créanciers inscrits que Jean-Frédéric; de Chabannes et la
dame sa mère.
Il ne seroit pas permis de dire qu’il y. en a un plus grand
nombre , et cela parce que ces deux créanciers auroient su
brogé le sieur le Rasle, la dame de Reclesne, le sieur Mallet et
le sieur Vittecoq.
D ’une part, les subrogés ne feroient que représenter les snbrogeans. Tous les subrogés réunis ne feroient pas un plus grand
nombre que les subrogeans. Jean-Frédéric de Chabannes et sa
mère auroient-ils subrogé cent personnes, cela 11e donneroit
jamais que deux créanciers inscrits.
D ’autre part, il faut juger la chose initio inspecbo. La trans
cription de la vente de la terre de Rochefort a eu lieu le 28
ventôse an 1 1 ; alors il n’y avoit que deux inscriptions. Les
subrogations n’ont été faites qu’en l’an 12 et en l’an i3 ; elles
n’ont pas eu l’effet de multiplier les deux inscriptions.
O r , l’article yy5 du Code sur la procédure civile, porte:
cc En cas d’aliénation, autre que celle par expropriation , l'ordre
<c ne pourra être provoqué s’il n ’y a plus de ¿rois créanciers
« inscrits. »
Donc ce n’est pas le cas d’un ordre ; donc le tribunal civil de
Clermont a eu tort de renvoyer à un ordre.
20. L’ordre est tout fait. L’on est d’accord que Jean-Frédéric
(le Chabannes est créancier de son père et de son frère, d’une
somme de 63o,ooo francs ; l’on est d’accord qu’il est inscrit à
�( 19 )
la date du g prairial an 10, tandis que sa mSre ne le serolt
qu’à celle du 26 ventôse an 11. Il la prime donc, et il absor"
beroit plus que.le prix de la vente, qui n’est que de 66,000 fr.
Mais Jean-Frédéric de Chabannes a-t-il p u, au préjudice
du baron d’IIompesch, subroger le sieur le Rasle à l’inscrip
tion du 9 prairial an 10?
D ’abord, dans son précis, le sieur le Rasle s’est trompé en
disant, page 3 , qu’il a été subrogé par acte du 29 -ventôse an g.
Celle qu’il a fait émarger sur le registre du conservateur, le 20
floréal an i 3 , n’est que du 2g ventôse an i3.
Cette subrogation est tardive : à cette époque les choses
n’étoient plus entières.
Dès le 7 pluviôse an 11 , le baron d’Hompesch avoit payé
à Jean-Frédéric de Chabannes la somme de 86,000francs. Il en
a une quittance bien expresse, en date du 7 pluviôse an 11.
Il est vrai que le sieur le Rasle prétend que cette quittance
n étant que sous signature privée, n’a de date certaine que
le 25 mai 1808, jour de son enregistrement au bureau de
Clermont.
Mais, 1°. où est la loi qui défend, aux acquéreurs d’immeubles
de prendre des quittances sous seing privé? N’arrive-t-il pas tous
les jours que des acquéreurs en usent ainsi, pour éviter des
frais d’enregistrement? Le contrat de vente n’étoit lui-méme
que sous signature privée.
20. Rien ne fait présumer que Jean-Frédéric de Chabannes
ait donné cette quittance après la subrogation du 29 ventôse
an i 3. Dès le 14 messidor an 1 1, il avoit, sous le nom de sa
mère, formé demande en nullité de la vente du 7 pluviôse
an xi. Le 3 messidor an 12, le baron d’Hompesch avoit assigné
Jean-Frédéric de Chabannes en garantie formelle. Soupçonnant,
avec raison , ou une complaisance aveugle de la part de la mère
pour le fils, ou un concert frauduleux entre eu x, le baron
dllom pescli a employé la voie de l’interrogatoire sur faits et
articles. Tous ces moyens extrêmes sont exclusifs de toute in
telligence entre le baron d’IIompesch et Jean-Frédéric de
G 2
�( 20 )
Chabannes. D ’après cela , il n’est pas à croire que postérieure
ment à la subrogation du 29 ventôse an i 3 , Jean-Frédéric de
Chabannes ait donné la quittance de 86,000 francs.
Si Jean-Frédéric de Chabannes n’avoitpas donné la quittance
avant cette subrogation, cet acte eût été lui-méme un empê
chement à ce qu’il la fit après, avec l’antidate du 7 pluviôse
an îx. La donner après, le constituoit stellionataire et contraignable par corps.
L ’on ne peut pas dire que c’eût été l’appât de l’argent comp
tant qui y auroit déterminé Jean-Frédéric de Chabannes. Sui
vant la quittance, il n’a pas touché un centime. Les 86,000 fr.
sont composés, i°. de 36,000 francs dûs au baron d’Hompesch;
20. de fonds destinés pour acquitter d’autres dettes passives de
Jean-Frédéric de Chabannes.
Enfin, ce que le sieur le Rasle dit lui-même en sa requête
du 19 février 1811, sur sa subrogation, ne prouve-t-il pas
complètement que si Jean-Frédéric de Chabannes n’avoit pas
fourni, le 7 pluviôse an 1 1 , la quittance de 86,000 francs, il
ne l’auroit sûrement pas donnée après la subrogation ?
De tout cela, il suit que cette quittance est sincère, et voici
les conséquences qui en résultent pour la cause. _
En droit, le prix de la vente des immeubles d’une succession
bénéficiaire appartient d’abord aux créanciers hypothécaires de
cette succession, suivant le rang de chacun : cela est indubitable.
En la cause entré Jean-Frédéric de Chabannes et sa m ère,
le fils est avant la mère, puisqu’il est inscrit avant elle; il doit
donc être payé le premier, et il absorbe tout.
Jean-Frédéric de Chabannes a deux qualités, celle de créancier
et celle d’héritier bénéficiaire ; mais elles ne se confondent pas.
Comme héritier bénéficiaire , il ne doit qu’un compte aux
créanciers ; en le leur rendant, il pourroit porter en dépense
sa propre créance, dont il se seroit payé par lui-même; si, comme
héritier bénéficiaire, il devoit, il lui seroit dû comme premier
créancier inscrit; alors ce seroit une compensation jusqu’à due
concurrence : cela est incontestable.
�( SI )
O r , le baron d’Hompesch a payé à Jean-Frédéric de-Chabannes
86,000 francs ; dans cette somme est celle de 66,000 f r . , prix
de la vente de la terre de Rochefort : par là Jean-Frédéric de
Chabannes a reçu
fr. à valoir sur sa créance contre la
» 66,000
7
succession bénéficiaire. Ce sont les deniers du baron d’Hom
pesch qui ont opéré cette libération partiaire.
Jean-Frédéric de Chabannes ayant touché cette somme en
l'an î x , cette somme s’étant compensée de plein,droit, et à
l’instant de la réception, à l’instant de la quittance, il n’a pas
p u, en l’an i 3 , en céder 53,000 fr. au sieur le Rasle.
Mais, dit le sieur le Rasle, la vente du 7 pluviôse comprend,
i°. la terre de Rochefort; û°. la créance sur la veuve de JeanBaptiste de Chabannes : la quittance de 86,000 fr. ne contient
aucune imputation particulière. Vous ne pouvez pas faire cette
imputation sur l’immeuble, qui est grevé par des tiers, plutôt
que sur l'objet mobilier, qui est libre.
i°. Que porte la quittance ? Elle porte : Je soussigné JeanFrcdei'ic de Chabannes, reconnois que M . Charles d'Hompesch
ni a. cejourd hui (~et en avance du prix de la 'vente que je lu i
c o n s e n tie ¿lussi c c j& u r 7 jjtir acùc ¿lotiòlii
son s sa in g jirivô y
de la terre de Rochefort, et de ma créance sur madame veuve
de ChabannesJ compté la somme de 86,000 francs.
i°. 11 semble qu e, suivant l’ordre de l’écriture , l’imputa-.
tion devroit se faire d’abord sur le,,prix de la terre de Roche
fort , parce qu’elle est le premier objet vendu, et parce qu’elle
est le premier objet nommé dans la quittance.
2?. Y auroit-il du doute, il seroit écarté par un principô
certain en droit.
M. Domat, en son excellent Traité sur les lois civiles, liv. 4»
tit. xer- , sect. 4 »d it, n°. i er. , que le débiteur de plusieurs dettes
envers un créancier peut acquitter celle qu’il lui plaît.
N 0. 2 , que si ce débiteur fait un payement , sans eu faire
en même temps Vimputation sur quelqu une de ces dettes, il
aura toujours la libertà d ’imputer ce payement sur la dette
qu il voudra acquitter.
�( 22 )
N°. 5 , que Vimputation- doit se faire sur la dette la plus
dure au débiteur, et dont il lui importe le plus de s’acquitter.
N°. 4, q ù è s ’il y a de l’excédant, il doit être imputé sur les
autres dettes.
M. Domat cite sur chaque article des lois romaines qui en
disposent ainsi.
L ’article 1256 du Code Napoléon a maintenu ce principe ;
il dit : Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le
payement doit être imputé sur la dette que le débiteur avoit
pour lors' le plus yd'intérêt d'acquitter entre celles qui sont
pareillement échues?. ,
Il
importoit plus au baron d’Hompesch , il avoit plus d’in
térêt d’acquitter le prix de la vente de la terre de Rochefort,
i°. parce qu’il eri auroit du les intérêts aussitôt la transcrip
tion de son contrat au bureau des hypothèques, tandis que
pour faire courir l’intérêt du pris de la créance sur la veuve
de Jean-Baptiste de Chabannes, créance toute mobilière, il
auroit fallu une demande judiciaire ; 2°. parce que faute de paye
ment aux créanciers inscrits, le baron d’Hompesch auroit été
poursuivi par e u x , et qu’il est toujours plus onéreux d’avoir
à faire avec plusieurs qu’avec un seul.
Le baron d’Hompesch avoit un corps certain dans la terre
de Rochefort; il lui répondoit de la somme. D ’ailleurs, au
inoment de la vente, il savoit qu’il n’ y avoit qu’une inscrip
tion , celle de Jean-Frédéric de Chabannes, son vendeur. Cette
garantie le rassuroit pleinement.
Mais le baron d’Hompesch n’avoit pas la même sûreté pour
la créance ; ce n’étoit qu’un objet incorporel. Jean-Frédéric
de Chabannes la lui avoit bien cédée avec toute garantie. Qui
dit tout, n’excepte rien. Cela embrasse bien toute espèce de
garantie pour l’insolvabilité présente et pour celle à venir. Mais
cela n’étoit pas aussi certain qu’ un objet corporel ; il falloit
attendre, il falloit peut-être plaider pour le recouvrer ; et com
bien d’obstacles pouvoient survenir! Le baron d’Hompesch n’étoit
obligé à payer le prix de la cession qu’autant qu’il auroit joui
�( 23 )
de la chose vendue. S’il en étoit empêché par l'insolvabilité de
la débitrice, il avoit un recours contre sonjcédant; ilvn étoit
pas obligé de payer.le; prix de>la- cession.;Jigo! ?• 'q !
Un empêchement a eu lieu auparavant, Jean*-I?rédéric do
Chabannes avoit affecté la même créance .au sieur de Saintr
Quentin.
' ■i
i.
1
A cet égard, le sieur le Rasle dit dans la note au bas de la
page 4 de son précis, qu’en vertu de son^ contrat de. mariage,
Jean-Frédéric de Chabannes ayoit deux droits contre la damQ
veuve de JeanrBaptiste de Chabannes, l!un de i 5o,ooo francs
à titre de créancier, et l’autre de 100,000 francs à titre d’héritier,
et que ce sont les 100,000 francs qu’il a cédés au sieur de Saintr
Quentin.
i°. De cette explication, en la supposant véritable, il résulteroit au moins que la créance de i5o,ooo fr. n’auroit aucun
rapport avec la succession bénéficiaire : et on le demande ; le
baron d’Hompesch n’avoit-il pas plus d’intérêt à i éviter tous
démêlés avec cette succession? cette partie de sa dette n’étoitelle pas plus importante à. éteindre?
1 :
2 °. L o n n ’e st pns e x a c t e n a r tic u la n t q u e
c ’ e s t lu s o m m e
de
100,000 fr. seulementque Jean-Frédéric de Chabannes a engagée
envers le sieur de Saint-Quentin. L’acte du 12 ventôse an 10
porte précisément sur celle de 160,000 francs , vendue au baron
d’Hompesch.
3°. Nous avons appris de l’homme de confiance du baron
d’Hompesch , que la veuve de Jean - Baptiste de Chabannes
est. m orte, que la succession est liquidée, que le résultat est
une insolvabilité absolue , et que cette insolvabilité existoit
même au temps de la vente du 7 pluviôse an 11.
D e là suit un litige ; là s’applique l’obligation d'avec toute
garantie.qu’a contractée Jean-Frédéric de Chabannes. Si celuici demandoit payement du resté dû sur les 76,000 fr. , prix de
la vente de la ciéance, il ne ponrioit l’obtenir. Que l’on juge
donc si le I3nron d’Hompescli avoit intérêt de payer le prix de
la terre de Xlochefort, plutôt que celui de la créance.
�( 24)
' Nous terminerons par l’article des 10,000 fr. de dommagesintéréts réclamés par le baron d’Hompesch.
Rien de plus légitime que ce chef de conclusions.
En effet, nous avons vu par la revente faite au sieur Sarrasin,
le 16 mai 1807, 1°. que 3o,ooo fr. ne sont payables que dans
le mois de la transcription du contrat, dégagée de toutes inscrip
tions hypothécaires ; 20. qu’en cas d’inscriptions, ces 3o,ooo fr.
sont sans intérêts de ladite somme jusqu’a la radiation desdites
inscriptions ; 20. que les 42,000 fr. restans, sont stipulés payables
dans deux ans avec intérêts , à quatre pour cent.
L ’inscription de la dame veuve de Chabannes, ses contesta
tions et celles de ses subrogés , ont eu l’effet d’empécher le
baron d’Hompesch de toucher les premiers 3o,ooo francs dans le
mois à compter de la transcription du contrat. Ces 3o,ooo fr.
ne portent pas intérêt aujourd’hui; depuis, quatre années et
cinq mois sont écoulés: : d’où il suit que pour cet article il y a
une perte d’entour 6,000 francs.
* Quant aux autres 42,000 francs, le baron d’Hompesch n’en
a rien reçu. Il paroît qu’il s’adonne au commerce ; ses affaires
ont dû souffrir du défaut de la rentrée de ses fonds.
D e toutes ces considérations il suit que 10,000 fr. ne sont pas
u n e dem ande exagérée , et qu’ils ne le dédom m ageraient pas des
torts résultant des retards qu’il a essuyés par le fait des intimés.
Tous les intimés sont passibles de condamnation à cet égard,
parce que les subrogés, comme les subrogeans, ont concouru
à élever et prolonger des contestations déplacées, des contes
tations qui ont fait que le mal est devenu de plus en plus con
sidérable.
Nous croyons avoir démontré le mal jugé du tribunal de
Clermont, respectivement au baron d’Hompesch, et nous aban
donnons à lui-même l’appel incident du sieur le Rasle.
GOURBEYRE.
A RIOM, de l’imp. dcTHIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Préfet du Puy-de-Dôme. 1812?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
émigrés
créances
hypothèques
contrats de mariage
erreur matérielle
sujet d'une puissance en guerre
acquéreur anglais
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. le Préfet du département du Puy-de-Dôme, exerçant les droits du Gouvernement français, à ce titre représentant le baron d'Hompesch, lieutenant général des armées d'Angleterre, poursuites et diligences de M. le Directeur des domaines, appelant ; contre Dame Marie-Elizabeth Talleyrand de Périgord, veuve de sieur Jacques-Charles de Chabannes ; sieur François Le Rasle ; dame Marie-Louise Brachet, veuve de Reclesne ; sieur Henri-Joseph Mallet ; et sieur Jacques Vittecoq, intimés.
note manuscrite : « voir l'arrêt rendu sur ce mémoire et les deux suivants au journal des audiences, sous lad ate du 5 mars 1812, p. 154. »
Table Godemel : inscription hypothécaire : 6. l’erreur dans l’énonciation de la date d’un contrat de mariage, en vertu duquel est prise une inscription hypothécaire, ne rend pas nulle cette inscription. Mandataire : 2. la circonstance que le créancier, comme mandataire du débiteur, a fourni des baux à ferme des biens appartenant à celui-ci, ne peut faire présumer ce créancier comptable et soumis à une compensation, s’il n’est pas établi qu’il a perçu le prix de ces mêmes baux. Obligation : 4. celui qui n’est porteur que d’obligations souscrites en pays étranger, et qui n’a pas fait juger en France, avec le débiteur, qu’il est réellement créancier du montant de ces obligations, est non recevable à l’égard d’autres créanciers ayant titre authentique, à éxercer les droits du débiteur, et à réclamer la priorité d’une inscription par lui prise.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1812
An 11-1812
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2201
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0417
BCU_Factums_G2203
BCU_Factums_G2202
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53430/BCU_Factums_G2201.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort-Montagne (63305)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
acquéreur anglais
contrats de mariage
Créances
émigrés
erreur matérielle
hypothèques
séparation de biens
séquestre
sujet d'une puissance en guerre
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53424/BCU_Factums_G2128.pdf
4f0e8acd6b14b96238e1338e1c024436
PDF Text
Text
W \ \U V « V M V V \W V \ U U W V W * V U V U V W V
MÉMOIRE A CONSULTER,
C
DE
ET CONSULTATION,
P O U R E mmanuel A U B IE R -L A M O N T E IL H E , Propriétaire,
SU R
SON
POURVOI
C O N T R E un Arrêt rendu en la 2e chambre de la Cour impériale
de R io m , le 1er août 18 12 ,
entre lu i, les Sieur et Dame
S T. M A N D E , et la Dame veuve de L A M O N T E I L HE.
mandais d’arrêts décernes contre moi par le comité révolutionnaire de
Paris, les 11 et 20 août 1792, m’ont forcé de fuir et de passer les fron
tières.
Pendant ma proscription , ma sœur a été ma mandataire ; elle s’en est ac
quittée avec un zèle vraiment fraternel ; elle m’a sauvé les débris de mon pa
trimoine.
D eux
Par les conclusions sur lesquelles est intervenu l'arrêt contre lequel je me
pourvois, elle a demandé acte de ce qu’elle me reconnaissait pour propriétaire
irrévocable du dernier immeuble dont elle devait me passer, pardevant
notaire , l’acte de transmission convenu.
Elle a fait la même déclaration en ce qui concerne le bien de Sauze t , qu’elle
avait déjà transmis à mon fils Lamonteilhe , en exécution de ma volonté,
comme elle l’a déclaré au procès, et même imprimé.
L ’arret a refusé de donner acte de ces déclarations; il a converti les trans
missions en libéralités , qui , bien loin d’être irrévocables, se trouveraient
d’avance, si cet arrêt subsistait, frappées de nullité, attendu que ma sœur ayant
institué ses héritiers, son fils et sa fille, celle-ci représentée par un m ineur,
et ayant de plus disposé de sa réserve par leurs contrats de mariage , elle n’a
pu disposer de rien à titre gratuit.
CA
�( 2 )
Par-là cet arrêt leur assure le droit de me dépouiller de tout, ainsi que mes
petites-filles Lamonteilhe , d’abord après la m ort de ma sœur.
Mais cet arrêt viole les dispositions les plus précises du Code C ivil, sur le
mandat, sur les engagemens de celui qui a géré volontairement les affaires
d ’autrui.
Dans le nombre infini des erreurs consignées dans les motifs de cet a r r ê t,
on y présuppose des conclusions qui n’ont jamais existé ; on y présuppose aussi
que le jugement de première instance contient une disposition qui n’y est pas.
Le malheur qui me poursuit depuis si long-tems a voulu que ma sœur,
gouvernée par son fils , lui abandonnât la direction de cette affaire, et
que celui-ci donnât toule sa confiance à un étranger q u i, après avoir longtems promené scs essais à Maçon , Lyon , Montbrison , le Puy , Iliom ,
est venu fixer à Glcrmont son talent pour embrouiller les procès : devenu
homme de loi pendant l’anarchie, il l’a portée dans ma famille, et malheu
reusement avec succès.
11 a égaré ma belle-fille au point de la faire intervenir en faveur de son
système , et d’invoquer contre m o i, qui l’ai comblée de bienfaits, les tables de
proscription dont le Gouvernement m ’avait effacé ; elle dont le père y avait
été inscrit et avait dû le salut de sa fortune à la fidélité de son mandataire ;
au point de solliciter elle-m êm e, comme tutrice , l’arrêt qui assure à mon
neveu les moyens de dépouiller scs filles mineures de la propriété que je leur
ai donnée.
Mon respect pour une cour où il y a tant de membres si intègres et si
éclairés , ne saurait être affaibli par l’erreur de cinq membres ( y compris un
jeune et nouvel auditeur ) , dont l’avis a décidé l ’arrêt qui sanctionne la per
sécution que j’éprouve.
Je prouverai mon respect pour ce corps en m ’abstenant dans mes réponses
aux motifs de cet arrêt, de quelques observations qui seraient cependant d’un
grand poids.
Avant tout, je vais présenter à la Cour suprême les faits, les lettres, les
actes constatant le mandat, son acceptation, son exécution.
Mon père est morL en réclusion le 22 brumaire an II.
Le 24 pluviôse suivant, mon frère , chanoine , a péri révolulionnairement à
Lyon.
A leur m ort, je n’étais inscrit sur aucune liste d’émigrés; on peut vérifier
le fait sur les listes imprimées.
Les ministres qui avaient arrêté la liste générale des émigrés , le 16 plu-
�( 3 )
6 c?i
viosc an II ( i ) , me trouvant sur celle des fugitifs <lu tribunal révolutionnaire,
avaient décidé que je ne devais pas être porté sur celle des émigrés.
Je n’ai été inscrit sur celle-ci que le 18 germinal an II (2). Il en résulte
qu’à la mort de mon père et de mon frère , arrivée le 22 brumaire et le
24 pluviôse an I I , leurs successions m’ont été dévolues, et que j’en ai été
saisi de droit, conformément à mon contrat de m ariage, qui me faisait seul
héritier de mon père , sous réserve de la légitime stipulée pour mon
frère et de ma sœur , et,au contrat de mariage de ma sœ ur, portant renon
ciation à toute succession dire.de et collatérale, à tous droits échus cl ¿1 échoir,
moyennant 3o,ooo livres de dot par moi garanties.
Le séquestre sur mes biens a été la suite de mon inscription.
En août 1792 , avant de quitter Paris, j’avais envoyé à mon père une p ro
curation pour soigner mes intérêts, avec pouvoir de s’adjoindre et de subs
tituer qui il voudrait : ma sœur a partagé et. continué ccs soins ; sa gestion de
mes affaires remonte à cette époque, et dès-lors même elle fut lice envers moi
par le quasi-contrat résultant de la gestion de la chose d’autrui.
D ’abord après la paix de Bâlc , j’écrivis à ma sœur et à ma femme pour les
prier de solliciter ma rentrée en France et dans mes biens ; je savais qu’ils
n’étaient pas encore vendus.
Ma sœur me répondit qu’elle se chargerait de continuer de gérer mes af
faires, de solliciter ma radiation cl de me conserver mes biens, mais qu'elle
(1) Ils l ’avaient décidé après avoir vérifié que les mandats d’arrêts avaient été décernés uni
quement parce que j’avais suivi Louis X V I à l ’assemblée le 10 a o û t, et veillé à son clievet aux
F euillans, où il coucha avant d’être conduit au Tem ple.
Considérant que ma place de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi m’ attachait au
service de sa personne, ils avaient eu l’indulgence de prendre pour soumission de me repré
senter l ’acte du 12 décembre 1792, par lequel j’avais requis le général de l ’armée du N ord et le
ministre de France à L a H aye de me recevoir prisonnier, et de me faire transférer à la barre
pour y être entendu , et concourir à la défense de L ouis X V I . Ma
réq u isitio n
avait élé envoyée
au Gouvernem ent, à qui mes amis avaient aussi représenté la lettre que M. de M alesherbes
m écrivit à ce sujet, par ordre de Louis X V I , le 12 janvier 1793; elle est connue.
G est sur ces motifs qu’en 1802 le Gouvernem ent m ’avait dispense d une des conditions de
l ’am nistie, et que, par décret du 10 décembre i 8 o 5 , S. M . 1 Lm percur m a confirmé cette
dispense et m ’a maintenu dans mes droits c iv ils , en me permettant de garder la place de
chambellan du roi de Prusse que j’avais alors.
D ep u is, j’ai satisfait à la loi de rentrée en France , du 4 avril 1810.
(2) Je l’ai été sur la demande d'une personne de ma famille que je m ’ abstiens de nommer.
�//><£
•
(4 )
voulait des pouvoirs illimités , pour cire libre de prendre toutes les mesures que
les eve'ncmens, que j e ne pouvais pas juger de si lo in , pourraient demander ■
qu’elle les voulait sans partage avec ma fem m e, parce que leur ancienne
mésintelligence était devenue excessive.
Elle m’apprit que ma femme avait fait divorce; que ce divorce lui avait
fait obtenir le domaine de Crèvecœ ur , dont j’avais payé le p rix, et que
par - là ma femme était payée de tout ce qui pouvait lui etre d û, tandis
qu’elle (m a sœur) était exposée à perdre les 12,000 livres que je lui devais
du reliquat de sa dot.
Ma sœur disait que son mari n’avait aucune confiance dans les achats de
Liens nationaux; qu’il ne voulait pas se procurer l’indemnité de ces 12,000 liv.
en soumissionnant quelques-uns de mes fonds ruraux séquestrés , dans la crainte
qu’on ne les lui reprît; qu’il ne voulait point faire inscrire sa créance sur le grand
liv r e , parce qu’il pouvait arriver telle crise où le litre de créancier de l’Etat
deviendrait dangereux, et où leur lisle pourrait devenir une liste de proscrip
tion ; mais que si j ’envoyais à ma sœur des pouvoirs avec promesse de garantie
dans tous les cas, envers et contre tous, il consentait à ce qu’elle soumis
sionnât mes biens pour mon compte , comme mon homme d’alï'aires, sans au
cune autre condition que celle de lui payer ses 12,000 liv. en numéraire.
l\ien de plus juste que cet accord ; il conservait à chacun de nous ce que
son contrat de mariage lui assurail: lo u t.se réduisait à satisfaire le Gouver
nement; et comme c’était moi qui avais encouru la confiscation , il mettait à
ma charge les frais de sa rédemption et le hasard de toutes les conséquences.
La contestation actuelle me force à dire en quoi ma sœur avait intérêt de
ne pas faire comme tant d’autres pareils ou amis , qui achetaient pour leur
compte personnel, et qui par-là demeuraient libres d’imposer telles condi
tions qu’ils voudraient ; le voici :
Avant de in ’avoir demandé mes p ou voirs, ma sœur avait cru sauver ses
12,000 liv. en faisant, en son propre nom , des actes d’héritier dans la succession
de mon père et de mon irere ; o r , non-seulem ent m on conti'at de mariage et
1(5 sien me faisaient seul héritier de l’un ci de l’autre , mais j’etais de plus alors
créancier de mon père d’environ 120,000 liv. , et mes hypothèques étaient
antérieures de neuf ans à la constitution dotale de ma sœur.
L ’adilion d’hérédité, faite par ma sœ u r, la rendait responsable envers moi
de toutes mes créances dès que je serais rayé.
A celte époque , ma radiation ne paraissait pas devoir souffrir de difficulté;
car depuis la mort de Robespierre jusqu’au 18 fructidor, 011 l’obtenait faci-
�lcment pour ceux qui étaient sortis de France après mandat d’arrêt : ma sœur
avait à craindre que, déduction faite du prix dont le quart était payable en
num éraire, cette acquisition ne rendît pas assez de bénéfice pour faire face aux
dettes, de manière à lui conserver l'intégrité de sa dot.
Il était donc très-sage de sa part d’obtenir de moi une garantie envers et
contre tous, qui emportât renonciation de ma part en sa faveur a l’anteriorite
de mes hypothèques ; elle ne pouvait xne là demander qu’en prenant l’enga
gement de racheter mes biens pour mon compte.
Cette observation explique tout, et particulièrement pourquoi ma sœ ur re
doutait tant que je donnasse ma procuration à ma fem m e, qui l’aurait tour
mentée, et avec qui elle était en guerre;
Pourquoi mon beau-frère n’avait voulu prendre part à rien dans ce qui con
cernait les affaires de la succession de mon père et de mon frère , et les
miennes ;
Pourquoi il avait consenti à ce que ma sœur prît la qualité de maîtresse de
ses biens extra-dotaux, quoique son contrat de mariage ne le lui permît pas ;
Pourquoi c’est en cette qualité qu’elle avait fait, sans l’autorisation de son
mari, l e s actes d’héritier qui, par ce m oyen, pouvaient être désavoués par
son m a ri, demeuré libre de faire ce qui deviendrait le mieux pour lui.
Sa prudence allant jusqu’à la défiance, il déclara, comme ma sœur me l ’a
mandé , qu’il ne lui prêterait pas un sou pour cette opération, et n’autori
serait aucun emprunt.
En envoyant une première procuration à ma sœur , je lui mandai qu’avant
d’avoir reçu scs offres, j’avais donné une procuration notariée à un M. Degènes de Paris, et une autre à un M. Lam olte, négociant de Hambourg , pour
suivre ma radiation; enfin, une troisième à M . L ev y, banquier de B erlin , pour
qu’en cas de confiscation de mes biens, il les fit soumissionner par son cor
respondant en France.
Ma sœur me manda qu’il y aurait du danger de tout gâter, faute de s’en
tendre, si je ne les révoquais pas; qu’elle ne pouvait demeurer chargée qu’à
cette condition.
Je les révoquai.
Deux mois après , ma sœur m’é criv it, par la voie des négociateurs de Baie ,
ce qui suit ;
« J ’ai attendu pour te donner de mes nouvelles, d’avoir réussi à obtenir ce
:» que je sollicitais auprès du corps administratif, qui est la jouissance pro» visoire desdits biens de la succession de mon père ; on me l’a accordée à
�(6 )
s» charge de donner caution. Je pense que lu approuveras le parti que j’ai pris ;
» je ne l’ai fait que d’après le conseil et l’exemple ,de tes ainis, sans aucune
» vue d’in térêt, puisque je suis toujours comptable ; ce n’est que de l’embarras
» que je prends : j’avais d’abord demandé le partage pour mettre obstacle aux
« ventes, j’y ai réussi ; maintenant mon but est d'empêcher tfe couper les
« arbres, d’entretenir les bâtimens : si, comme je l’espère , tu parviens à sortir
» de la classe des ém igrés, ce sera avec toi que j e fera i mes comptes, et lu es
» bien sûr que sans autres intérêts que les t ie n s , je me bornerai à nia légitime,
» que j’espère bien que tu auras la juslice de me donner en fonds, car les
» papiers ne sont plus que monnaie factice; rien ne m’occupe plus que ce
» qui t’intéresse ; je souhaite que tu me rendes la juslice de le croire. »
Ce projei échoua, parce que ma sœur ne trouva point de caution.
Une lettre du i 5 mars 1796 porte qu’elle avait communiqué ma procuration
aux administrateurs ; qu’on n’avait pas voulu s’expliquer sur sa validité.
On n’aurait pas élevé de doute sur sa validité, s’il n’y avait été question
que de demander ma radiation ; 011 joignait tous les jours de pareilles procu
rations aux demandes en radiation : le doute venait de ce que je donnais à
ma sœur pouvoir de soumissionner mes biens pour mon compte avec ma
garantie.
Ma radiation a été refusée dans les premiers jours de m ars, parce qu’au
lieu de rechercher et produire mon mandat d’arrét (que j’ai fort aisément
retrouvé en 1801 aux archives du comité révolutionnaire , et que j’ai produit
alors à la commission des ém igrés), l’agent de ma femme avait présenté des
mémoires qui contredisaient ceux de ma sœur et les miens, et parce qu’on me
confondait avec un de mes parens du même nom.
Dans ce c h o c , le Directoire avait décidé que je devais attendre l’amnistie
qu’alors on projetait de donner à tous ceux que les mandats des comités
révolutionnaires avaient forcé de fuir; la décision m’a été transmise le i 5 mars
officiellement.
M a sœur m’ayant confirmé que ce refus nécessitait qu’elle soumissionnât
mes biens , et réitéré qu’elle ne voulait le faire que pour mon compte, je lui
envoyai une nouvelle procuration notariée, afin que ma promesse de garantie
eut plus d’authenticité; elle contenait des pouvoirs bien illimités pour cette
soumission.
Cependant je lui m andais, p a r la lettre d ’e n v o i, de reculer les frais de rachat
tant qu’elle po u rrait, pour avoir le tems de chercher de l’a rg e n t, et parce que
l ’espoir d’ un adoucissem ent se mêle loujoui’s aux angoisses des infortunés,
�Ma sœur m’a accuse la réception de cette procuration et son acceptation,
par lettre du 4 mai 1796.
“
Les qualités de l’arret contre lequel je me pourvois, rédigées par le défen
seur de mes adversaires , établissent judiciairement en point de f a i t la récep
tion de celle procuration et son acceptation par nia sœur.
J’avais cru inutile de faire légaliser ma procuration par le ministre de
France à B erlin : ma sœur m’ayant observé que cela serait m ieux, je lui en
lis légaliser une seconde; il me l’accorda, parce que j’élais fugitif du tribunal
révolutionnaire ; il le refusait à ceux qui ne prouvaient pas cette exception.
Mon paquet fut retardé en route; ma sœur me mandait à ce sujet, le
4 juin 175)6 :
« J e suis inquiète: il p a ra ît, par une lettre écrite à madame Blau , que lu
« m ’envoyais une procuration légalisée par le m inistre ; je ne l’ai pas reçue ,
» je crains de ne pouvoir éloigner plus long-tems les acquéreurs qui se pré>' sentent; j’ai été bien secondée, mais actuellement je tremble. B o ir o t, qui
» m’avait conseillé de rester tranquille, veut absolument que je soumissionne
» tout, et tout de suite ; mais j e n ’ai pas d ’argent,, première difficulté. Dans
» la nécessité où je suis d’acquérir la fortune , j e ne veux rien que ma légitime.
» L e département m ’a refusé un mois de sursis ; l'ambassadeur rie laisse
» a u c u n espoir ; si j’achctc , le contrat passé, je vendrai des objets à loi pour
» le second paiement et simplifier la recette ; 011 est de part et d’autre irop
» méfiant pour mettre la te te dans le sac ; j e n ’ai pas envie du bien des
« autres. »
L ’im palicnce qu’elle m ontre d’avoir la procuration légalisée confirm e l ’acccplalion qu’ elle avait faite de mes pouvoirs dès l’envoi de la prem ière expé
dition non légalisée; sa peur d’etre obligée de soumissionner avant d’avoir
celle légalisation, prouve com bien elle était prudente , car j’élais aussi obligé à
la garantie par la procuration non légalisée qu’ elle avait déjà que par une
seconde expédition légalisée.
L a dernière phrase avait été occasionnée par une lettre de mon troisième
fils , sûr le ton de la défiance.
C ’est le 27 therm idor suivant (ao û t 1796 ) que ma sœur a soumissionné mes
biens , c l par conséquent ce n’est que trois mois après l’acceptalion de ma pré
cédente procuration , faite par le llrc du 4 inai I 79^-
A l’inslanl de la soumission, en pleine séance, un des administrateurs
demanda à ma sœur s’il était bien vrai qu’elle soumissionnât pour moi ; elle
répondit hautement ; Qui oserait en douter? Ce inot écarla aussitôt divers
�concurrcns : je le rapporte, parce qu’il honore à la fois ma sœur, les adminis
trateurs et mes concitoyens, f^ïe la situation de mes hiens à la porte de
Clermont devait attirer; en même tems, il prouve qu’en achetant, ma sœur
exécutait mon m andat, était mon prête-nom.
M a sœur ne soumissionna que les sept-neuvièmes de mes hiens , parce que
sa légitime fournit une dispense de payer cette portion ; clic promit de l’abdi
quer quand je serais rayé, et aurais complété le paiement de la dot de
3 o,ooo livres, moyennant laquelle elle avait x'enoncé a louL ; elle l’a fait.
L e 24 a o û t, immédiatement après la soumission, ma sœur me donne avis
qu’elle a exécuté le mandat ; elle annonce d’abord ce que mon perc avait
laissé.
»
»
»
»
»
« Tout ce qu’il laissait de denrées a été ven d u , pillé en quatre jours ; les
biens l’auraient été aussi, puisqu’ils étaient de droit confisqués. Les soins de
Boirot et les miens, incidens sur incidcns, que nous avions eu soin de faire,
ont retardé jusqu’à cet instant où rien ne peut échapper. Dans la journée ,
ils allaient être vendus à un étranger, après l’avoir refusé à cinq ; il a fallu
emprunter par-tout, vendre cher à soi (1) pour soumissionner ; m ais, mon
» cher , songe donc que c'est pour toi seul que j’ai pris cette peine.
« Yoilà le quart qu’il faut payer en numéraire ; je suis bien forcée de vendre ;
* il est possible que si ta femme parvient à semer des inquiétudes, je ne
trouve pas d’acquéreurs, alors je serai forcée de me laisser déchoir , étant
» bien résolue de n ’y mêler pour rien la fortune de mon mari.
» L ’opération d’experts m ’a coûté beaucoup d’em barras, a coûté cher. Si
» madame Aubier est d’aussi bonne foi que m o i, nous sauverons quelque
» chose, et encore une fois, ce n’est pas pour m o i; j e crois l ’avoir assez
v répété. »
Le sursis qu’elle ditlui avoir été refusé explique ce qu’elle enLcndait, en disant,
dans la lettre du 4 mai précédent, qu’elle allait faire opposition aux ventes; on
sait que l ’opposition était im possible, sur-tout au nom d’un émigré inscrit;
aussi elle n’en a jamais fait : ma sœur dit qu’elle 11c veut y mêler pour rien la
fortune de son mari; elle dit qu’elle n’achète pas pour elle ; elle dit qu’elle
a soumissionné pour moi seul, et par conséquent en exécution du mandat.
Le premier septembre elle m’é c r iv it.
(1) Ce m ot indique la maison paternelle , de vieilles possessions de la famille que je. devais
recueillir seul, comme seul héritier. J\Ia sœur élait dotée en argent, et n’a pu rien vendre à elle,
%
�( 9 )
«
»
»
»
o y /
« 11 csl juste que je te donne quelques détails. L ’adjudication est faite de
tous tes bien s, moyennant 100,000 liv. Ti^vois que ce n’est pas im m ense;
niais aussi je n’ai pas quitté les experts un m o m en t, et j’ai été bien s e c o n d e e ,
tant par les gens du pays m ontagneux, que par ceux de la plaine. Je n'ai
pas dissimulé rues intentions ; j ’éprouve que même, les plus patriotes ( i) on!
» pitié de ceux qui Joui leur devoir. J ai ¡1 nie louci de tous mes amis ; leur
« bourse m ’était ouverte , et l’on nie prévient, la femme , au c o n tia iie , ne
» trouve pas un sou ; j’ai paye to u t, et le sixième en numéraire.
» L e p etit village n ’a pas le moindre reproch e à se faire ; ils sont venus
« m 'offrir leur bourse ; j’ai refu sé, cela me gênait pour la ferme ; j’ai accepté
« du meunier des Forges , je l’aurais affligé. J e vais fa ire mon testament que
» je remettrai à l ’ami B o iro t ; je ferai l e s d é c l a r a t i o n s NÉCESSAIRES en cas
« que je vienne à m ourir. O n n’aura cependant rien à craindre, car il y a plaisir
» à entendre mes enfans. »
Quelle déclaration ma sœur devait-elle faire , si elle n’était pas ma manda
taire , mon prête-nom ?
Dans une lettre du 3 novem bre , elle dit « que les adm inistrateurs ne lui
>> ont rendu qu’alors ma procuration qu’elle leur avait laissée. »
L e 3 décembre elle m ’écrit : « Il y a quatre jours que le départem ent m ’a
» rendu tous les papiers de famille ; je suis occupée à les m ettre en ordre ; je
» les étiquette. J ’ai tro u vé, à mon grand étonnement , ceux relatifs à la no» blesse ; au moins il en manquera peu : ceux relatifs à ta femme y
sont
» aussi.
3) J ’ai payé les arrérages des dettes de l ’a b b é .... ( notre frère ).
» L e vicaire du petit village y dem eure caché ; il prie pou r loi dans la cha-
»
»
»
»
»
»
pelle. Je ne saurais assez te dire com bien ces gens t'aiment ; et vraiment,
s ’ils me croyaient capable de te tromper, j e crois qu'ils me chasseraient. Je
ne me serais jamais cru Autant d’a c tiv ité , et je doute que po u r les miennes
je le fusse autant ; cet intérêt est différent : il y a quelque chose qui flatte.
M on m ari me recommande de ne pas prendre une b ro ch e, que l’on ne p o u rrait plus faire ses comptes. »
ISon-seulcm ent elle dit que c’ est p o u r m on co m p te qu’elle a g i t , mais m êm e
qu'elle en est flattée.
C erta in em en t si le départem ent n ’ eût pas recon nu dans m a sœ ur m a m a n -
(1) Les plus exagérés disaient alors, comme les ministres avaient dit: c’est un fu gitif du
tribunal révolutionnaire cjui ne devait pas être inscrit.
a
�''V’ X ,
( 10 )
dataire, il ne lui aurait pas donné les papiers qui m’appartenaient person
nellem ent, sur-tout ceux de m^femme un acquéreur national n’avait pas
qualité pour les réclam er, encore moins ceux de la noblesse (i).
La renonciation de ma sœur la dispensait de payer les dettes de mon frère.
Il est si vrai qu’elle les a payées pour mon compte, qu’elle a porté tous les paiemens qu’elle a faits pour les dettes de mon frère, de même que tous ceux qu’elle
a faits pour dettes de mon père , dans le compte qu’elle m’a rendu , clos par
l ’acte du 8 mai 1801.
E n fin , il était si notoire que ma sœur n’était que mon homme d’affaires ,
que les paysans 11e voulurent point passer bail, avant que je leur eusse écrit
de Berlin , que je les agréais pour fermiers.
Le juge de paix ( M. D eberl ) voulut avoir un mot de ma main qui lui lînL
lieu d’ une expédition de ma procuration. En voici la preuve dans une lettre de
ma sœur, du 17 mars :
« J ’ai vendu la terre de B o u r r e à M . Debert ; quoique je lui aie fa it lire la
» procuration que la m ’as envoyée, il me prie de t’engager à mettre sur un
» billet séparé, dans une de tes lettres , que tu approuves celte vente : il en
» donne pour raison que , ne pouvant pas déposer ta procuration , elle ne lui
» sert à rien , si je viens à mourir. »
Les lettres ci-dessus ont été produites ; elles en disent assez pour que je me
dispense d’en transcrire tant d’autres ; j’en ai produit davantage, et j’en ai plus
de cen t, où ma sœur parle toujours en mandataire, se qualifiant mon prêtenom , mon homme d ’affa ires, demandant des insti'uctions, même sur les
objets les plus minutieux.
En janvier 1801 , mon retour fut annoncé à ma sœur par mon fils aîné; elle
lui répondit : « Le retour de votre père me fait un sensible plaisir ; mon cœur
» est satisfait, et l’intérêt de vos affaires , celui de ma tranquillité, le rendaient
» nécessaire : alors nous réglerons nos comptes, et je lui rendrai tout ; et c’est
» de lui seul que vous pouvez et devez dépendre ; je ne suis et n’ai ete que son
» homme d affaires , ne voulant rien disposer sans lui. »
Ce n’était que parce que ma sœur avait acheté comme ma mandataire, que
sa tranquillité demandait que je vinsse ratifier ce qu’elle avait fa it, recevoir
ses comptes , lui donner décharge.
(1) Lorsque l’assemblée de la noblesse de C lc rm o n t, dont j ’étais m em bre, sc sépara,
<*ti 1789, elle m’avait fait dépositaire de ses papiers,
«
�( ” )
Je suis arrivé à Clermont en mai's 1801.
Aussitôt ma sœur me présenta plusieurs personnes avec qui elle avait traité
pour mon compte , afin que je leur donnasse les ratifications qu’elle leur avait
promises de ma part ; jusqu’à ma radiation je les ai données sous seing-privé.
Ma radiation éprouva des retards (1) , parce qu’on avait mis à ma charge ce
qui concernait un autre Emmanuel A u b ier, mon cousin et mon filleul (aujour
d’hui subrogé-tuteur des mineursLamonteilhe). Il était alors absent, et aurait
été compromis si je ne lui avais pas donné le tems de rentrer avec un certi
ficat de non inscription qu’on lui avait obtenu, en mettant a ma charge ce
qui le concernait, même son inscription sur la liste des émigrés.
Ma sœur voulut qu’un acte constatât aussitôt qu’elle n’avait rien fait que
pour mon compte , qu’elle m’avait rendu ce compte.
En le rédigeant aussitôt, je ne m’attachai qu’à employer les expressions
qui pouvaient le plus satisfaire ma sœ ur, et lui exprimer ma reconnaissance
de son zclc pour moi.
J ’étais loin de prévoir qu’on pût lui faire désavouer un jour le mandat qu’elle
s’honorait alors d’avoir si bien rempli , dont elle me rendait compte et me de
mandait décharge.
L ’acte a été signé le 8 mai 1801 ; il porte que c’est elle qui a exigé que j’exa
minasse et appurasse ses comptes ; il ne peut pas y avoir d’aveu plus formel du
mandat. Cet acte étant p ro d u it, je me borne à en donner ici l’extrait.
Il est qualifié et intitulé , décharge et convention.
D é c h a r g e , p a rce que son p re m ie r et p rin c ip a l b u t était de constater que
ma sœur n ’ayant rien fait que p o u r m on c o m p t e , je là déchargeais de toute
responsabilité personnelle des opérations p ar elle f a it e s , soumission de mes
biens , a c h a t s , em prunts p o u r les solder , reventes de divers héritages p ou r
acquitter les em prunts , administration de tous im m eubles et meubles ; que je
la déchargeais de toute recette p a r elle faite des débiteurs de m on p ère , de
m on frère , de mes enfans, des traites avec ceux qui avaient des intérêts a d é
m ê le r , soit avec la succession de m o n p è r e et de m on frère, soit avec moi-m êm e.
Si ma s œ u r eût soumissionné mes biens com m e tout acquéreur n a t io n a l, et
p o u r son co m p te p e r s o n n e l, elle n’ eût rien eu de tout cela à faire ; elle l ’avait
(1) M a fam ille.cl mes amis m ’ avaient prop osé, en *79 ° ’ ma radiation par des certificats de
résilience; j’avais répondu que ma sortie de France était trop connue pour que je ne craignisse
pas. de compromettre ceux qui voulaient bien m ’offrir de m ’atlcslcr, et que je 11c pouvais pas
jprÊtcr serment de n’èlre jamais sorti de France,
�l'ait comme ma mandataire , parce que mon mandat était illimité pour toutes
affaires où je pouvais avoir in térêt, et parce que je l’avais expressément chargée
de faire honneur à la mémoire de mon père et de mon frère , ainsi que le dit
cet acte.
Convention , en ce que cet acte devait constater , comme il le fait , que ma
sœur n’avait soumissionné m es biens tjiie pour me les conserver ; que j’étais de
meuré propriétaire de to u t, même des deux neuvièmes que l’administration
s’était abstenue de vendre en les lui laissant comme portion héréditaire ; qu’elle
me remettrait cela comme le reste pour s’en tenir a sa dot constituée, moyen
nant laquelle elle avait renoncé à toute succession directe et collatérale, à
tous droits échus et à échoir ; enfin que je ne lui devais plus quç 2000 liv.
Convention, en ce que par cet acte je m’obligeais ¿1 la garantir envers et
contre tous , même, des recherches quelle pourrait éprouver comme héritière ,
à cause des imprudences que son conseil lui avait fait commettre : ma garantie
sur ce poinl était le prix de scs soins , comme ma mandataire.
Convention, parce que la transmission définitive , par acte notarié , n ’étant
pas possible avant ma radiation, il devait être expliqué que nonobstant la
décharge donnée , l ’acte serait différé jusque-là , et que par conséquent ma
sœur devait jusque-là demeurer mon prête-nom pour la propriété.
En prévoyance du cas où je mourrais avant d’être rayé , il y est déclaré que
mes trois enfans sont appelés à me remplacer collectivement.
Cet acte prévoit aussi le cas où je trouverais à marier mon fils Lamonteilhe
avant d’avoir obtenu ma radiation, et dit que je me propose de fixer sur sa tête
les principales propriétés que je laissais encore reposer sur celle de ma sœur.
Mais il ne dit pas que nous voulons par-là les sortir de la masse de mes biens
paternels que ma sœur reconnaît s’être chargée de me conserver: c’est un
avancement d’hoirie qu’il annonce.
Cet acte charge mon fils Lamonteilhe de la régie ; je lui attribue pour cela
1200 liv. d’appointcmcns : c’élnit chose inusitée entre père et fils , mais laite
avec réflexion pour constater qu’il n’était pas propriétaire.
Il y est dit qu’il est représentant de toute la famille , parce que mes enfans
étaient appelés collectivement, par la précédente disposition, à me représenter
si je mourais avant d’être raye, et avaient par-la, dans cette hypothèse, chacun
un tiers de chaque objet à réclamer ; scs frères étaienl absens. Je voulais que
le mot représentant constatât qu’il leur devait compte de to u t, mais qu’il était
autorisé à retenir 1200 liv. par an pour scs peines.
Cet acte contient une reconnaissance bien importante, celle que tous les
�papiers ont etc remis à mon fils Lamonteilhe ; ils sont encore dans les mains de
sa veuve , ce qui me met dans l’impossibilité de produire une multitude d’autres
preuves du mandat.
J ’aurais plus clairem ent exprim é dans cet acte que j’étais le seul et vrai p ro
priétaire, si je n’avais pas été dans le cas de craindre, com m ecela est avoué pat
ines adversaires , que le fisc voulût encore liériler de mes biens, si je mourais
avant d’être rayé.
En exécution de cet acte , et quoiqu’on m’eût touL confisqué , je renou
velai seul tous les engagemens pour dettes de mon pere, de mon frère et de mes
enfans, qui étaient dans le cas d’être renouvelés ; pas un de leurs créanciers
n’a perdu un jour d’intérêl , n’a reçu un assignat, n’a été renvoyé au grand
livre , n’a éprouvé l’échelle de dépréciation.
Personne n’a souffert de ma fu ite , et le fisc a été payé de tout ce qu’il a
voulu.
Lorsque j’avais mis dans l’acte du 8 mai 1801 , que je me proposais de fixer
sur la tête de mon fils Lamonteilhe les principales propriétés, s’il trouvait un
mariage qui me fût agréable , mon fils et ma nièce , aujourd’hui sa veuve ,
m’avaient déjà fait part de leur inclination: peu après , ils me pressèrent de les
unir sans attendre ma radiation. Ts’écoutant que ma tendresse pour eux , trop
confiant dans les senlimens que ma belle-fille m ’exprim ait, j’y consentis.
Comme c’est sur les promesses que je fis alors qu’elle a fondé son inter
vention , il est nécessaire que je rende ici compte des faits et des actes.
Dans le fait, je promis de faire tout ce qui me serait permis par la l o i , dès
que je serais rayé de la liste des émigrés , et en attendant de délaisser à mon
fils le bien de Sauset, sous réserve de 700 liv. viagères sur ma tête, e t 3 oosur
celle de mon troisième fils.
Alors, Sauset ne paraissait pas valoir la m oitié de la m asse, et les liquida
tions sur le Gouvernem ent paraissaient devoir solder tout reliquat de dettes, et
com pléter la légitim e de mes autres enfans.
Les jurisconsultes décidèrent que mon fd s risquerait de se voir dépouille de
Sauset d ’abord après la mort de ma sœur, par ses représentons, si le contrat
de mariage donnait lieu de croire <jue ma sœur fut, donatrice.
De plus, ma sœur trouvait qu’il était contraire à sa délicatesse qu’elle eût
l ’air de disposer de ce qui m’appartenait ; elle ne voulait point d’ un sim u la cre
de vente qui supposerait qu’elle avait reçu de l’argent; enfin, je ne voulais rien
qui pût frauder la légitime de mes autres enfans.
�■
' * ■.
( *4 )
Il fut décide; qu’on suivrait le plan annonce' par l’acte du 8 m a i, en fixant la
propriété de Sauset sur la tète de mon fils, au moyen d’une subrogation qui le
substituerait à ma sœur, qui était reconnue mon prête-nom, sauf à faire, quand
je serais rayé , tous les actes qui paraîtraient nécessaires.
La délibération de famille-, portant cette subrogation, .est datée de la veille
du contrat de mariage.
^
Pour se convaincre que nous n’avons voulu en faire qu’un délaissement
anticipé en avancement de ma future successio n , il suffit de remarquer ,
i°. qu’il y est déclaré que le prix du ra c h a t de Sauset a été fait de mes fonds;
2°. que mon fils y délaisse à ses frères, par anticipation, le tiers du domaine de
Crèvecœur que j’avais acheté au nom de mes trois enfans et paye pour eux ;
3 °. qu’il y consent à un prélèvement sur la masse de ma succession de i 5 ,ooo liv.
en faveur de chacun de scs deux frères: c’était réellement un retour de lot q u i,
avec les liquidations , devait faire plus que la légitime de droit.
Il est vrai qu’il est dit qu’il en sera comme si ma sœur avait été, quant, à
Sauset, prélc-nom de mon fils seul; mais le mot comme exprime que c’était
une fiction dont il fallait se servir dans un acte destiné à devenir public , afin
de se préserver du fisc, si je mourais avant d’être raye et pendant l ’absence
de ses frères.
Si on avait voulu alors, comme mon neveu le prétend aujourd’h u i, que Sauset
fut une libéralité de ma sœ ur, elle aurait été partie dans le contrai de mariage ;
eile n’y est pas même mentionnée comme témoin, quoiqu’il soit signé chez elle
et devant elle.
Il fut rédigé par l’avocat devina b elle-fille, cl M. C osle, son homme d’af
faires alors comme aujourd’hui.
T r o i s mois après ce mariage , mon fils me demanda une subrogation n o ta riée
de Sausel, parce que les fermiers voulaient avoir un bail notarié, il m’offrit
nn e contre-lettre qui déclarait que cet acte n’était qu’une ratification de la
délibération de famille , et qu’il tiendrait les conditions y exprimées.
La subrogation et la contre-lettre furent rédigées par M. Coste , homme
d’affaires de ma belle-fille; je les signai.
C ’est après ce t'acte que ma sœur m’a répété par deux lettres produites:
Tr mis avez eu le plaisir (le doler votre fils ......Je n ’ai été que votre prête-nom.
J’ai été amnistié le a 3 fructidor an X , et réintégré dans mes droits civils.
Aussitôt je me fis admettre à la qualité d’héritier bénéficiaire de mon père,
sous réserve de mes créances. Mes créances sur la succession de mon père se
montaient dès-lors à plus de i3o,ooo liv.; je suis prêt à le prouver: presque
�( i5 )
-
toutes primaient la dot de ma sœ ur; j’étais subrogé de droit aux 12,000 liv.
que je lui avais payées, à 5ooo que j’avais fait payer à la sœur de mon père }
pour reliquat de sa d ot, et à d’autres créanciers.
Mes répétitions se grossissaient d’environ 27,000 livres de dettes que je
m’étais encore chargé de payer pour mon père, mon frère et mes enfans.
L ’adition d’hérédité que ma sœur avait faite avant d’avoir reçu la procu
ration par elle acceptée, le 24 mai 1 7 9 6 l’avait rendue responsable de tout
envers moi ; ses acquêts en étaient grevés envers m oi, si e}le n’avait pas acheté
comme mon prête-nom : Sauset l’était comme le reste.
A in si, tous mes droits sur scs biens me demeuraient conservés, si j’eusse
voulu supprimer toute preuve du mandat et m’en tenir à mes créances.
C ’était le parti le plus avantageux pour m o i, car elles valaient quatre fois
plus que le V erger, seul objet qui me resta après avoir payé , pour ma fam ille,
deux fois plus que je n’en ai jamais eu , non-seulement en capitaux, mais
même en revenu.
Je fis ces observations à ma sœur et à mon beau-frère, le 7 vendém iaire (1802),
à St. Mande , en leur faisant part de mon amnistie et de ce que j’avais pris
la qualité d’héritier bénéficiaire , tant pour les co u vrir de l’im prudente adition d’hérédité de ma sœ ur, que pour consolider la garantie que j e leur avais
donnée envers et contre lous.
Ils me demandèrent de mettre sur leur double de l’acte du 8 mai 1801
que ma sœur m’avait rendu compte de la gestion qu’elle avait continuée •
qu’ils n’avaient retenu que les 2000 livres qui leur étaient redues sur les
12,000, complément de sa d o t, et qu’ils m’avaient soldé le reste; je le iis.
Ce deuxième compte et cette décharge, sont de septembre 1802; ils cons
tatent qu’après ma radiation , ma sœur et mon beau-frère ont reconnu la va' lidité du mandat accepté par ma sœ u r, .et par elle exe'culé pendant que j’ai
clé sur la liste des ém igrés, ce encore après ma radiation.
Je reconnus alors que Sauset, que ma sœur avait estimé de Go,000 à
70,000 livres lors du mariage, valait plus du double , tandis que la liquidation,
qu’on avait dit équivaloir à Sauset, n’ayant pas été mise en règle en tems utile ,
péi'iclitait.
En attendant une décision du Gouvernem ent , je demeurais sans aucun
moyen de subsistance en France , parce que j’avais engagé tout ce qui me
restait de revenu au paiem ent des intérêts des d e ttes, et à donner chaque
année des à-coinptes sur les capitaux, jusqu’à leur cxliuclion.
�*• V ' V '-'
( IG )
Déjà ma b elle-fille, pour qui je m’étais trop dépouillé, refusait de me re
cevoir, parce que je ne pouvais plus lui rien donner.
Embarrassé des instances de mes autres enfans pour obtenir des secours
que je ne pouvais plus donner , il fallut leur prouver qu’il n’y avait pas de ma
faute; à cet effet, je constatai, par acte reçu Sarray , notaire, le i 3 oc
tobre 1802 , mes représentations et leur inutilité.
Je profitai de.ee que le Premier Consul voulut bien me permettre d’aller
jouir en Prusse de la place et des ressources que la bonté du roi m ’y con
servait ; mon fils aîné était sur le point de s’y marier.
M a.sœ ur m ’offrit de se charger de mes pouvoirs; je les lui renouvelai,
laissant encore la propriété du Verger sous son nom pour retarder un gros
droit de mutation.
M on fils Lamonteilhe est mort en 1804.
En i 8 o 5 , j’appvis que le fils de ma sœur, mon neveu , prétendait que mon
séjour en Prusse, quoiqu'avec permission du Gouvernement, me faisait perdre
mes droits civils, et que cela autorisait sa mère à refuser de me passer acte
notarié de remise de la propriété dix Verger.
Je priai le ministre de France à B erlin , et S. Exc. le maréchal Duroc qui
s’ y trouvait, de demander pour moi , à S. M. l’E m p ercu r, une décision.
Un décret impérial de l ’Em pereur, en date du 10 décembre i8o!>, me
confirma la conservation de mes droits civils et français (1). Je l’envoyai à ma
sœur pour le présenter au préfet selon l’usage ; elle me le refusa.
Depuis la mort de la fille de ma sœur, son fiis avait pris sur elle un ascen
dant absolu, et ne cachait plus sa haine pour moi ; j’en fus d’autant plus affecté,
que j’avais pour lui cette prédilection que le titre de parrain inspire à celui
qui voit dans ce lien religieux une sorte d’adoption.
En 1809, je suis venu fixer ma résidence en France.
J ’ai satisfait à la loi du 24 avril 1810, devant M. le procureur-impérial de
Paris.
Par une lettre d’octobre 1809 , nia sœur m’avait annoncé qu’elle voulait être
totalement débai’rassée de la gestion qu’elle exerçait toujours par suite de mon
mandat, et comme étant encore mon prêle-nom pour la propriété, du Verger, etc.
Elle avait ajouté, sinon j e saurai vous y obliger; ce qui me menaçait des
actions que le mandataire peut exercer contre son mandant : celle menace me
(1) Il y ajoutait la permission de garder la place de chambellan du roi de Prusse.
�c *7 )
W 5
.
rappelait une autre lettre où elle s’était plainte de ce que je différais d’ac
cepter une transmission notariée. ,
Je lui répondis que j’étais prêt à l’accepter , qu’elle pouvait choisir dans
C lerm ont, pour terminer entre nous fraternellement, tel conseil qu’elle
voudrait, avocat, magistrat, notaire, avoué , bourgeois, que je donnerais un
blanc-seing à celui qu’elle nommerait.
J ’avoue que j’avais cet avantage, qu’il n’y avait presqug pas un habitant à qui
elle n’eût dit qu’elle était ma mandataire , parce qu’elle aim ait à être com pli
mentée sur son zèle fraternel.
M ais, précisément par cette raison, mon neveu lui avait donné pour conseil
l'étranger dont j’ai déjà parlé.
Il me fit répondre que ma sœur pourvoirait à tout par son testament ; c’était
une derision , car ma sœur a sept ans moins que moi et un bon tempérament.
Je profitai de l’occasion d’une maladie de cet étranger pour aller lui
faire visite et lui proposer d’être arbitre ; mais ce fut inutilei^icnt.
Pendant un a n , j’ai encore inutilem ent sollicité u n arbitrage : mes parens ,
mes a m is, mes concitoyens y ont échoué ; mon neveu est venu rom pre avec
arrogance une entrevue de conciliation chez un m agistrat ; enfin , ma sœur
m ’a fait dire qu’elle voulait être citée devant le juge de p aix, que cela pourrait
s’arranger ; elle fut citée.
Le juge de paix se trouvait être ce M. D ebert à qui elle avait montré ma
procuration en lui vendant un des objets du mandat. Mon neveu sentit que
si ma sœur paraissait en personne, elle ne pourrait pas désavouer ma procu
ration qu’elle lui avait montrée pour traiter avec lui ; pour l’éviter , on lui fit
envoyer un fondé de procuration , qui déclara que le détail du mandat lui pa
raissait inutile , qu’elle refusait toute conciliation.
Se borner à dire que l’aveu du mandat était in u tile , c’était avouer en
quelque sorte son existence.
Il devenait évident qu’on ne refusait de le reconnaître que pour que mon
neveu , et tous représentans de ma sœ u r, pussent soutenir après sa m o rt, que
toute transmission par elle faite était une libéralité faite en contravention à la
lo i, attendu qu’ elle avait institue ses deux enfans héritiers par égale portion,
et donné toute sa réserve à son fils.
Ma situation avec les créanciers cl avec mes enfans m’ayant forcé d’insister
pour avoir un litre notarié, ma sœur me fit dire qu’elle voulait être assignée ,
parce qu’une décharge judiciaire lui donnerait plus de surelc.
E n juin 1811 , ma sœur c l m oi convînmes de nous en rapporter à deux,
3
�( 18 )
magistrats respectables qui avaient notre confiance, comme ils ont celle
de tous nos concitoyens ; ils arrêtèrent entr’eux une transaction qu’ils
croyaient concilier les intérêts respectifs , et que je m ’empressai de signer
chez l’un des deux à P a ris, le 2 juillet 1811. 11 y est dit : « Emmanuel Aubier
» ( c ’est m oi) approuve et ratifie de nouveau, entant que besoin serait, ce
» qui a été fait par la dame de St. Mande , sa sœ u r, en vertu des pouvoirs
» confidentiels par lui donnés, confirmés ensuite par diverses procurations,
» i°. Pour acheter d*u domaine national les biens provenus des successions
» d’Antoine A ubier, leur père commun, et de Jean-Baptiste A u bier, leur frère ,
» lesquels étaient échus audit Emmanuel A ubier , en vertu de son contrat de
;> mariage, et par l ’effet des renonciations portées dans celui des sieur et
j> dame Si. Mande ; 20. Pour payer lesdilesluljudicalions, régir et administrer
» lesdits biens; 3°. Pour revendre, échanger diverses parties desdits biens,
j> et spécialement pour subroger Jérôme A u bier, second fils d’Emmanuel, à
» la propriété de Sauset. En conséquence , il promet de garantir et indem» niser M. et M me de St. Mande envers et contre tous. «
Par l ’art. 2 , ma sœur me transmettait le V erger, à condition, i°. qu’il de
meurerait chargé envers elle et son mari des garanties par moi promises ;
20. d’une rente viagère de 3 oo liv ., provenant d’emprunt fait pour ma femme ;
3 °. d’une dette en capital de i 3 , 5oo liv., provenant d’emprunt fait par mon
père : clause avantageuse à mes petites-filles.
U n des deux magistrats l’envoya à ma sœ ur , signée de m oi , p o u r qu’elle
la signât ; mais dans l’intervalle , les intrigues de l’étranger l’avaient em porté
sur la sagacité des conciliateurs ; elle refusa.
ISon-seiilement l’étranger avait décidé ma sœur à refuser tout arrangem ent,
mais il était encore parvenu à décider ma belle - fille à in t e r v e n ir en
faveur de ce systèm e, qui devait donner a mon neveu le droit de dépouiller
scs filles.
Il n’avait été que trop bien secondé par les faux amis qui entourent ma
b e lle -fille , qui la ru in en t, qui trem blaient qu’elle 11c p rît confiance en m oi et
que je 11c lui ouvrisse les yeux (1).
(1) Ils lui ont fait vendre pour 200,000 liv. de biens ruraux, à elle donnés par son père et
sa m ère; ils se sont fait céder ce qui était à leur convenance, et notamment, les bAtimens,
caves, celliers, etc., dont elle ne peut se passer pour l’exploitation du reste, afin «pic la dépen
dance dans laquelle cela la tient, amenât d ’autres affaires; ils lui en ont dévoré le prix des
�( i9 )
C e lle société avait décidé ma belle-fille , en lui persuadant qu’une ratifica
tion de la subrogation de Sauset par mon neveu vaudrait bien mieux que la
m ienne, parce qu’il était riche.
Cependant il n’y avait pas un de ces faux amis , et sur-tout l’homme de loi,
qui ne sût, i°. que la loi annulle tous engagemens pour droits successifs non
ouverts ;
2°. Que mon neveu partage la qualité d’héritier de ma sœ ur avec le m ineur
Chardon , fils de sa fille ; que le tuteur de celui-ci ne pouvait pas donner pa
reille ratification , et qu’en supposant qu’il se fît autoriser par un avis de pa
rons à la donner, ce serait encore une renonciation à droils successifs non
ouverts qui ne vaudrait rien ;
3 °. 11 était évident que, dans le cas où mon neveu viendrait à m ourir avant
ma sœur, et lorsque celle-ci viendrait ensuite à décéder , les tuteurs des m i
neurs , tant de mon neveu que de sa sœur, seraient obligés , par le devoir de
tu teu r, de demander la nullité de la subrogation de Sauset, nonobstant toute
ralilicalion , s’il n’avait pas été reconnu que ma sœur avait été ma mandataire ,
puisque sans celte reconnaissance, la subrogation de Sauset devenait libéralité
faite en fraude des héritiers.
Dans l’instance entre ma sœur et moi, on a conclu, i°. à ce que je fusse main
tenu dans la qualité de seul héritier dém on père et de mon frère ; 2°. à ce qu’il
me fut donné quittance de t2,ooo liv ., reste de sa dot ; 3 °. à la remise du Verger.
Par sa requête d’intervenlion , ma belle-fille demandait que je fusse déclaré
non-reccvable dans toutes mes demandes; ainsi elle voulait que je ne fusse pas
héritier, de mon père.
Elle se disait autorisée par un avis de parens ; mais n’en donnait pas copie.
Les parens questionnés chacun séparément, disaient n’avoir jamais enlendu
qu’on me contestât ma qualité d’héritier, ni la quittance de 12,000 liv., ni
le Verger ; ils disaient que quand on les avait menés sans citation chez le juge de
paix signer un avis, on ne leur avait parlé que de me demander de respecter le
don de Sauset, et même qu’on leur avait dit que la petite formalité qu’on leur
faisait signer n’était que pour amener un arrangement entre ma sœur et m oi,
où je ratifierais le don de Sauset.
ventes ; ils lui ont fait surcharger le reste de tant de dettes, que depuis deux ans les prêteurs sont
o b lig é s
de se contenter d’hypothèques sur l’usufruit de mes bienfaits que luidonne son contrat
de mariage, et sur la part qu’elle amende dans la succession de mon petit fils, m ort après son
père: ces faux amis jouent sur la dépouille de mes enfans.
�( 20 )
Vérification faite sur la minute de cet acte dont on refusait copie , que dit-il ?
qu’on a exposé aux parens que ma demande contre ma sœur tendait à faire
annuller le don de Sauset, comme fait sans autorisation de ma part : on ne
trouve pas , dans cet acte , un mot d’aucun des trois points auxquels l’affaire
avec ma sœur se bornait.
'
•
Rem arquons, i". que dans l ’exploit introductif, je déclarais que c ’était
par mes ordres et comme-ma mandataire, que ma sœur avait remis Sauset
à mon fils ; i°. que depuis ma demande j’en avais signé la ratification, que cet
étranger avait fait refuser par ma sœur et par ma belle-fille.
Cet exposé prouve qu’on sentait bien que les parens n’autoriseraient pas
l ’intervention , si on leur disait vrai : il prouve en même tems qu’on avait senti
que si on leur avait dit la vérité , ils auraient d éclaré, que bien loin
d’adopter le système de l’étranger, on devait se réunir à moi pour le
combattre. On a donc trompé les juges , en se disant autorisé à y adhérer.
On vient de voir avec quelle adresse cet étranger a d’abord égaré mon
neveu ; comment , à l’aide du fils , il a captive la m ère, et com m ent, à l’aide
de la mère et du fils, il a abusé de la confiance de ma belle-fille ; com m ent, à
l ’aide des trois, il a trompé les parens.
Bientôt il veut que ma sœur, ma belle-fille et mes petites-filles invoquent
les tables de proscription, la m ort civile contre moi. Mais il sait que les
avocats deClerm ont pensent trop bien pour se charger de plaider un si odieux
moyen , au nom des enfans contre leur père.
D ’ailleurs tous savent par la notoriété, et presque tous pour avoir été
consultés, que ma sœur avait accepté mon mandat. Que lait-il ? Il fait révo
quer par ma belle-fille l’avoué qui avait présenté son intervention, et consti
tuer celui de ma sœur: il le fait dès-lors parler au nom de ma sœur cl belleiille collectivem ent, afin de confondre ensemble deux intérêts , qui, au fond ,
étaient opposes. O u i, opposes, et diam étralem ent, puisque ce système assure
aux représentans St. Mande le moyen de dépouiller les mineurs Lamonteilhe.
Aussitôt il fait paraître des conclusions motivées el un mémoire, l’un et
l ’autre imprimés. En incident préalable , on y soutenait que l ’affaire n’était
pas de la compétence des tribunaux civils j qu elle devait être renvoyée aux
autorités administratives.
On voulait faire préjuger p a r -la que j’étais un émigré perturbateur d’acquereurs nationaux , à livrer à la sévérité des lois.
C ’était d autant plus ridicule, que l’autorité administrative près de qui on
�&
avait intrigué, avait dit franchement, que bien loin que ma demande annonçât
un rebelle aux lois contre les ém igrés, elle prouvait que je m ’étais empressé
de me soumettre à la confiscation, en chargeant ma sœur de soumissionner
mes biens pour mon com pte, et que par-là je m’étais moi-mème déclaré
acquéreur national de mon propre bien ; aussi n’avais-je pas hésité à proposer
au secrétaire-général du département d’etre arbitre.
! Dans ces conclusions et ce mémoire , l ’étranger soutenait que mon inscrip
tion sur la liste des émigrés , à l’époque où ma sœur avait accepté ma px-ocuration et soumissionné mes biens , annullait mon mandat ; on en concluait que
ma sœur était devenue propriétaire de mes biens avec faculté d’en disposer.
On allait plus loin , on soutenait que mon beau-frère était devenu aussi proprié taire de mes biens sans y paraître , et qu’il demeurait propriétaire m al "ré
lui.
A l’appui de ce système, on invoquait contre moi les tables de proscription,
et sur-tout la mort civ ile , tandis que c’était pour me préserver de ses con
séquences et me conserver ma propriété que ma sœur avait accepté mon
mandat.
La manière dont l’étranger justifie ce m oyen, est curieuse en morale comme
en droit. L ’intérêt est la mesure des actions, dit-il; et suivant lui ma b e lle fille et mes petites-filles ont besoin de ma mort civile pour que Sa use l soit
réputé don de ma sœ ur; elle a besoin qu’il soit don de ma sœur, pour q u ’il
ne soit pas compté dans la masse paternelle , et que mes autres enfans ne
puissent pas demander un supplément de légitime.
Il est vrai que dans l’état actuel des choses, mes petites-filles courent
risque d’avoir 10,000 liv. à rendre à mes aulres deux enfans ; mais pourquoi ?
1“. parce que Sauset vaut i 5o,ooo liv. au lieu de Go à 70,000 qu’il fut estimé
par ma sœur ; 20. parce que 160,000 liv. de liquidation destinées aux frères ont
cle forcloses p*^' negligence de mon fils IjAmontcilhe : ainsi c’est parce que
mes petites filles ont de moi 80,000 livres de plus que je n’avais promis ,
parce que j’ai etc trop libéral, parce que leur père, et après lui ma belle-fille7
ont etc negligens, que je dois demeurer à leur égard mort civilement.
E t a qui regrette-t-on de voir donner 10,000 liv. après ma m ort par mes
petitcs-iilles! Aux frères de leur père, dont l'un, l’aîné, était appelé p a rle tes
tament de mon père à tout avoir si je demeurais mort civilement.
Daillcurs, il. est encore bien incertain que mes petites-filles aient à donner
les 10,000 liv. , car ce 11’est qu’après ma mort qu’on peut savoir si je n’aurai
pas amélioré nia fortune ; le Gouvernement peut m ’accorder quelque
�indemnité des liquidations, car nos créances sont prouvées , fondées ; nous
n’avons été forclos que faute d’avoir suivi en tenis utile.
Il serait trop long de détailler ici les mensonges injurieux dont ce mémoire
est tissu ; je dois cependant en relever deux qui tiennent à la question à
juger.
On y lit que je veux reprendre Sauset pour en vendre la moitié , et rejeter
la légitime de mes autres enfans sur l’autre m o itié, tandis que ma demande
porte approbation du don de Sauset.
On y lit que je suppose des dettes pour les faire payer par mes enfans,
tandis que, par ma demande , j ’ai requis acte de ce que je me chargeais pour mes
petites-filles d’une dette de i 3 , 5oo liv. que l’acte du 8 mai 1801 avait assignée
sur Sauset, comme emprunt fait par mon père pour son premier achat.
Je ne relèverai poinl ici les divers persifflages ofTensans que ce mémoire
contient. A l’audiencc , l’étranger prononça en termes absolus que je devais
dem eurer, à l’égard de ma belle-lille, dans le néant d’ém igré, parce que
j’étais encore sur la liste le jour du mariage.
J’avoue que lorsque je rédigeais moi-même ( ainsi'qu’elle l’a imprimé )
l ’acte par lequel je ne me suis que trop dépouillé, n’écoulant que scs belles
pi’otestations de reconnaissance et de tendresse , je ne prévoyais pas que ma
nièce , la fille de mon compagnon d’infortune en émigration , inscrit comme
moi , me tiendrait un tel langage.
Mon avocat répondit avec la modération qui convient, à un père outragé, que
selon les lois romaines et françaises , celui qui était m ort civilement pouvait
encore faire les acLes du droit des gen s, et que le mandat était un acte du
droil des gens ;
Que telle était la jurisprudence de la cour de cassation.
Il démontra la réalité du m andat, par l ’acceptation de la procuration , les
lettres et les actes.
M es adversaires avaient fortement insisté sur ce qu’on lisait dans la lettre
du 4 mai 1796 , portant acceptation de ma procuration , ces mots j e vais en
faire usage pour fo rm er opposition au x ventes ; ils avaient voulu en conclure
que ma sœur ne l’avait acceptée qu’a cet effet.
Mon avocat p rou va, par la lettre de ma sœur, en date du 24 août, lende
main de la soumission , que par le mot opposition , elle avait entendu parler
de la demande en. sursis d’ un mois qu’elle y dit lui avoir été refusé;
Q u’il avait éte*impossible que ma sœur se fût chargée d’opposition au*
�( ^3 )
^3
ventes, puisque l’opposition étant un acte du droit civil, il était impossible
d’en faire une à ma requête , tandis que la soumission, comme mon prêtenom, étant un acte du droit des gens , elle pouvait s’en charger; que la loi
ne permettait pas même d’opposition à la requête de ma sœur ;
Que l’opposition, en la supposant possible , eût été sans effet et dangereuse ,
tandis que la soumission , comme mandataire , devait obtenir tout son e ffe t, et
était sans danger en gardant le secret.; que le bon esprit du pays l ’avait tellement
dispensée du secret, qu’elle avait affecté de publier qu’elle était ma mandataire;
que, de son aveu, elle n’en avait été que mieux sccondee; enfin , que toutes
les lettres constataient que ma sœur avait acheté comme ma mandataire.
Dans tout le cours de cette discussion , dans le mémoire et la plaidoierie, ma
sœur et mon beau-frère ne m ’ont pas une seule fois refusé la qualité d’héritier
de mon père, ni la quittance de 120,000 liv. E t depuis le projet de transac
tion que j ’avais signé chez un magistrat de la c o u r , ils ont toujours dit vouloir
me donner un acte de transmission du V erger pardevant notaire, pourvu
qu’on n’y dit pas que ma sœur avait été ma mandalaire.
Cela atteste leur désintéressement personnel , mais cela prouve que leur fils
les a subjugués au point d’en faire les instrumens du système dont ils n’ont
pas voulu eux-mêmes profiter.
Le ministère public conclut en ma faveur.
V oici le jugement prononcé en première instance , le 20 mars 1812 :
« En ce qui touche la demande de M. A u b ie r , tendante à être maintenu
» dans la qualité de seul héritier de son père et de son frère ,
» Attendu l’abdication de la dame de St. M ande, en faveur d’Emmanuel
« Aubier , son frère , de la part et portion à elle attribuée par les arrêtés de
» l’administration centrale, pour s’en tenir à sa constitution dotale;
» En ce qui louche la demande de M. A u b ie r, relative à la transmission ,
» de la part de la dame de St. M ande, à son p r o fit, du Grand-Verger de
» Montferrand ,
»
»
s*
»
» A ttend u , qu’il résulte de la correspondance des parties , et du traité
du 8 mai 1801 , que la dame de St. Mande n’a été que la mandataire d’Em manuel Aubier , son frère , à l’effet de racheter pour son compte ledit
héritage , cl qu’elle l’a soumissionné en execution dudit m andat, et l ’a
acquis de l ’administration centrale, paracle du 25 thermidor an 4 ,
« Attendu d’ailleurs que la transaction d u d itV erger n’est pas contestée ;
« En ce qui touche la demande de M. A u b ie r, relative a la quittance de
» 12,000 livres -,
�¿4 )
« Attendu que cette quittance a clé offerte par M. et Mad. de St. Mande;
» En ce qui touche la demande en remise des titres de famille ,
Attendu que de'funt Jérôme A ubier a été constitué dépositaire desdils
» titres, par l’acte du 8 mai 1801;
V ^
» En ce qui touche les interventions et demande de la dame veuve de
» Jérôme A u b ier,
» Attendu que l’acte du 8 mai 1801, enregistré à Pionsat, le 2 vendémiaire
» an X , par Chaudillon , qui a i*eçu un fr. 10 cent., et la subrogation du
» domaine du Sauset, reçue Costes, notaire, le 8 fructidor an. I X , enregistrée
» (ï C lcrm on t, le i 3 dudit m o is, ne sont point, attaqués , et que toutes dis>’ eussions à cet égard seraient prématurées , et que dès-loi’s son intervention
» est sans intérêt :
» Le tribunal , ouï M. Picot-Lacom be , procureur-im périal, déclare Em » manuel Aubier seul héritier de son père et de son frère ;
» Ordonne que dans la quainzaine de la signification du présent jugem ent,
» les sieur et dame de St. Mande seront tenus de passer pardevant nolairc acte
» de transmission à la partie de Jeudi, de la pleine propriété du Grand-Ycrger,
» situé à M ont-Ferrand', énoncé et confiné en l’exploit de demande ; sinon ,
>' et faute de ce faire dans ledit teins , et icelui passé , ordonne que le présent
33 jugement en tiendra lieu , sous les conditions néanmoins , i°. que le Verger
3) demeurera grevé , envers M. et Mad. de St. Mande , de la garantie de toutes
» recherches généralement quelconques , pour quelque cause que ce soit ;
3) 20. que ledit sieur A ubier demeurera chargé de la rente viagère de
»• 3 oo livres au profit de M lle D cbar ; 3 ». qu’il demeurera chargé des
3> intérêts, et garant du capital de *3 , 5 oo livres mentionné en l’acte du
» 8 mai 1801 ;
3> O rdonne q u e , dans le délai de quinzaine de la signification du présent
3) jugement , le sieur de St. Mande sera tenu de passer au sieur Aubier quil3) tance pardcvanl. notaire des
12,000 livres que le sieur A ubier lui a
» payées ou fait payer pour solde de la dot de la dame de St. Mande; sinon ,
« et faute de ce faire , ordonne que le présent jugement en tiendra lieu , et
3) servira de bonne et valable libération en laveur de M. A u bier;
» Ordonne enfin que tous les papiers de famille seront remis au sieur Aubier
* par la dame veuve L am onlcillie, représentant à cet égard son m ari, ou
» par loul. autre dépositaire , état sommaire d’iceux préalablcmsnt dressé,
» au pied duquel il sera donné décharge.
�LU»
( 25 )
» Sur le surplus (les demandes , fins et conclusions de M. A ubier et la
» dame de St. Mande , ainsi que sur les interventions et demande de la dame
« veuve Lamonteilhe , met les parties hors de procès , dépens compensés ,
» hors l’expédition du présent jugem ent, qui sera supportée par M . A ubier ,
>. demandeur.
>> Fait et prononcé judiciairement à l’audience de la première chambre du
» tribunal civil de Clermont -Ferrand , séant MM. JJom al, p résid en t,
« Chassaing , Gauthier. »
Le 29 avril 1812 , il m’a été signifié , par acte séparé , deux appels de ce juge
ment , l’un à la requête de ma sœur et de son m a ri, l’autre à la requête de ma
b elle-fille. Ils n ’ont rien écrit ni dit avant l’audience.
L ’avoué de ma sœur et son avocat y ont conclu : « à ce qu’il plût a la cour
« mettre l'appellation au néant; émandant et donnant acte à la dame de
'
» St. Mande de scs offres de déclarations consignées dans le jugement dont est
» appel , (le passer au sieur A ubier, à ses fra is, quittance authentique de la
» somme de 12,000 liv ., et acte de transmission.du Verger ; le déclarer non» recevable , ou en tout cas l’en débouter, et le condamner aux dépens des
« causes principales et d’appel , et cependant donner acte aux sieur et dame
» de St. Mande , de leur consentement à ce qu’il soit déclaré que les bleus
» n ’ont jam ais été acquis par ladite dame de St. M ande pour en fa ire sa
» propriété personnelle, sans qu’elle ait jamais été mandataire du sieur
» Aubier ; acte de ce qu’elle ne les a acquis que pour les conserver au sieur
» A ubier , son fr è r e , ou à ses enfans , et qu’elle a valablement transmis la
» propriété de Sauset à Jérôme Aubier , son neveu , et le surplus (les biens à
» Emmanuel A u b ie r , son frère ; qu’enfin les biens sont la propriété iirévo» cable de ceux à qui ils sont transmis. »
Ces déclarations sont un désaveu form el des conclusions prises en leur nom
en première instance, puisqu’on y avait soutenu que ma sœur était devenue
personnellement propriétaire de mes biens; tandis que, par ses conclusions ,
elle reconnaît les avoir achetés pour me les conserver ou à mes enfans ; enfin ,
que nous sommes propriétaires i r r é v o c a b l e s .
11 n est pas inutile de dire ici ce qui a engagé M. et Mad. de St. Mande à
ordonner qu’on fît ces déclarations.
Deux mois après l’a p p el, M. de St. Mande père ignorait qu’on avait inter
jeté appel en son nom du jugement de première instance ; il avait même dit
à plusieurs amis qu’il en clflit satisfait. Un de scs amis a essuyé des reproches
4
�( 26 )
pour le lui avoir appris. C'est par hasard qu’il apprit aussi qu’en première
instance on avait plaide, qu’il était devenu propriétaire de mes biens sans le
vouloir : c’est à la suite de cette révélation, et dans un élan de cette probité
qui lui est si naturelle, qu’il voulut qu’on fit en son nom et au nom de sa femme
(ma sœur) les déclarations ci-dessus. Mais il ne sort jamais de'la campagne; il
laissa ce soin à son fils, toujours dirigé par l’étranger; de là celte intercala
tion des mots sans q u ’elle ail jam ais été mandataire, au lieu de l’aveu du
mandat que l’ensemble de ces déclarations annonce, et que dans le fait elles
contiennent implicitement.
En principe de d ro it, on ne peut pas devenir propriétaire sans le vouloir,
et par conséquent de ce que xna sœur a déclaré judiciairement n’avoir jamais
voulu devenir propriétaire de mes b iens, il s’en suivait de droit qu’elle ne l ’a
jamais é té , pas même une minute.
En principe de d r o it, il ne peut pas y avoir d’achat sans acquéreur ; ainsi,
de ce que ma sœur n’avait pas acheté pour clle-mdme , il s’en suivait qu’elle
avait acheté pour une autre personne.
Cette autre ne pouvait être que m o i, puisqu’elle avouait avoir reçu de moi
une procuration , l ’avoir acceptée, et n’en avoir jamais eu d’autre que de m oi;
puisqu’elle déclarait s’être chargée de me conserver mes biens , et ne les avoir
soumissionnés qjie pour cela.
D ’autre p a r t, on ne peut transmettre valablement, la propriété d’un bien
que quand on en est propriétaire , à moins qu’on ne soit mandataire du vrai
propriétaire ; ainsi ma sœur, en demandant acte de ce qu’elle avait valable
ment transmis Sauset à mon fils, déclarait qu’elle l ’avait transmis comme ma
mandataire et mon prcle-nom; aussi, après avoir passé l’acte, elle me mandait,
par sa lettre d ’avril 1801 : T u as eu le plaisir de marier et doter to n fis ; je n’ai
été que ton prête-nom.
Enfin , il est bien démontré que dans tous les cas , dès qu’elle déclarait judi
ciairement qu’elle 11’élait pas devenue propriétaire , dès qu’aucun autre 11e
l ’avail chargée de le devenir, j’étais demeuré propriétaire, puisque la propriété
demeure à l’ancien propriétaire jusqu’a ce qu’un nouveau soit revêtu de ce
droit.
Dem ander (à la suite de la déclaration qu’elle s’était chargée de me con
server mes bien s) acte de ce qu’elle nous reconnaissait pour propriétaire irré
vocable , c’étaii im plicitem ent com pléter la preuve du mandai.
�( 2? )
Ces mots, sans qu'elle ait ja m a is etc mandataire, ne peuvent jamais détruire
ces déclarations ; ils sont tellement hors-d’œuvre , entre deux virgules, qu’ils ne
peuvent pas les atténuer. C ’est une amphibologie ; or toute amphibologie
placée dans le milieu d'un discours s’explique par l’ensemble de celui-ci ;
quand elle est dans le milieu d’une phrase, comme ic i, il est impossible de
l ’entendre autrement que par le sens entier de la phrase : ce sens y est si
opposé, qu’on crut d’abord que c’était une erreur de copiste. On verra dans
les motifs de l’arrêt à quel usage 011 destinait cette escobarderie. •
On devait s’attendre que l’avoué et l’avocat de ma belle-fille et de scs mineures
demanderaient acte de ce que ma sœur et mon heau-frere reconnaissaient que
Sauset avait été valablement transmis au père des mineures , et de ce qu’elle ch
était propriétaire irrévocable ; mais cela aurait dérangé le plan de l’anarchiste
directeur de cette affaire, qui voulait au contraire préparer à mon neveu les
moyens de les dépouiller.
L ’avoué et l ’avocat de ma b elle -fille , dociles à scs o rd res, ont conclu à
ce que je fusse déclaré non-recevablc dans toutes mes demandes ; ainsi ils ont
demandé que la cour me refusât la quittance de 12,000 livres; qu’elle me
refusât la transmission du V erger, dont mon beau-frère et ma belle-sœ ur me
réitéraient l ’offre , et même qu’elle me refusât la qualité d’héritier de mon père
et de mon frère, que ma sœur et mon beau-frère m ’avaient reconnue par tant
d’actes difTérens.
Qui aurait jamais pu imaginer que le don de SauseJ, quand même il eût été
fait par ma sœur en son nom personnel , pourrait donner à ma belle-fille le
droit de me faire priver des qualités d’héritier de mon père et de mon frè re ,
malgré mon contrat de mariage , malgré celui de ma s œ u r, quoique le Gou
vernement m ’eût réintégré dans mes droits civils par arrêté form el, malgré le
décret spécial, par lequel S. M. l’Em pereur me les avait confirmés? qui aurait
jamais pu penser que ce don lui donnait le droit de me faire rentrer dans le
néant, pour me 6crvir de l’expression de leur avocat en première instance?
Mon avocat en cour d’ap p el, fidèle à la modération que j’ai toujours mise
dans celle affaire, ayant dit qu’il voyait avec plaisir ma sœur renoncer à l’in
vocation de cet odieux m oyen, celui de ma belle-fille l’interrompit pour dire
qu’elle n ’y renonçait point; et c’est une chose fort importante a rem arquer,
qu’à chaque pas on a grand soin de faire dire par ma belle-fille et ses m ineures,
ce que mon neveu n’ose plus faire dire au nom de sa mère depuis que ces
déclarations le désavouent.
Il ne saurait y avoir de plus forte preuve de l’habileté en intrigue de l’c'tran-
�( 28)
ger qui'les dirige, que de voir l’avocat le plus instruit du barreau de R iom , si
renommé, séduit au point de défendre un système dont la conséquence légale
doit tôt ou tard dépouiller ses clientes de toute leur fortune.
M . l’avocat général, à qui la loi confie le soin de protéger les mineurs contre
les erreurs de leurs tuteurs et de leurs défenseurs, condut à la confirmation
pure et simple du jugement de première instance.
Il motiva son avis i sur ce que le mandat, ainsi que l’acliat, étaient des actes
du droit des gens, d’où il résultait que le mandat par moi donné pendant mon
inscription sur la liste des émigrés n’en était pas moins valab le, et que son
acceptation n’en avait pas moins irrévocablement lié ma sœ ur, conformément
à l’art. ig 84 du Code Napoléon ;
a". Sur ce que les lettres antérieures et postérieures à la soumission de mds
biens disent qu’elle avait acheté pour moi seul, et déclarent qu’elle était en
cela mon homme d 'affa ires, mon prê.le-norn ;
3 °. Sur ce que l ’article ic)85 du Code Napoléon , portant que le mandat peut
se contracter par lettres, elles suffisaient pour établir en point de droit irré
vocablement que mon mandat avait été donné et accepté , à l’effet de sou
missionner mes biens pour moi seul ;
4 °. Sur ce que la seule lettre dont on voulaiL induire que ma sœur n’avait
accepté le mandat qu’à l’effet déform er opposition aux ventes, disait seulement
qu’elle allait faire usage de la procuration pour former opposition, mais ne
disait pas qu’elle n’avait voulu se charger que de former une opposition q u i,
dans le d ro it, était impossible, et qu’elle n’a pas faite ;
5 ®.Sur ce que les lettres postérieures , de même que l’acte du 8 mai et tant
d’au tres, confirmaient qu’elle avait accepté le mandaL sans restriction , et
l ’avait exécuté ;
6". Sur ce que l’art. 1986 porte que l’exécution du mandai prouve son exis
tence, et rend ce contrat indissoluble, à plus forte raison le compte rendu et
la décharge donnée par acte.
L ’arrêt a déclaré au contraire que ma sœur n’avait pas été ma mandataire,
et m ’a débouté de ma demande.
Je vais le transcrire en entier, parce que les tournures employées pour tra
vestir la question de droit en question de fait sont si étonnantes, qu’on ne
voudrait pas me croire , si je me bornais à en donner l’extrait.
§. I". Aiiendu.cn droil tjuc le mandat ne se présume p a s , et ne se forme que
par l acceptation du mandataire.
�( 29 )
'
OlJS. Le Code dit que quand un mandat a etc exécuté, on doit juger qu’il
avait existé et avait été accepté ; il n’y a pas là d’autre base qu’une présom p
tion légale. Le législateur s’est fondé sur ce qu’en législation, comme en phy
sique, et même en métaphysique, il est impossible que ce qui a été n’ait pas
été ; mais le rédacteur de l’ari'et voulait que ce qui a ete n eut pas etc ; voila
pourquoi il a débuté de la sorte : on va voir comment il chemine vers son but.
E n attendant, il est bien certain que ma sœur a accep té, par lettre du
4 mai 1796, ma procuration, puisque le défenseur de mes adversaires , ré
dacteur des qualités de l’a rrêt, n’a pas pu se dispenser de le mettre dans le
point de fait; certainement rien ne peut empêcher que les conséquences
légales de la présomption légale établie par l’article 1986 , soient des ques
tions de droit.
L a question de savoir s i , en acceptant mon mandat illimité sans annoncer de
restriction, ma sœur aurait pu , par restriction mentale, limiter ses engagemens, et se réserver la faculté d’acheter pour elle-m êm e, serait encore une
question de droit.
II. Attendu, en point de fa it que la correspondance de la partie de F'issac
avec JEmmanucl A u b ier , son frère , alors émigré ou prévenu d'ém igration,
n ’établit pas qu’elle ait été constituée mandataire, à l'effet d ’acquérir pour lui
ses biens confisqués , et rnis en vente par l ’administration , en vertu des lois du
terns ; attendu au contraire que toutes les lettres dont argumente la partie de
B a y le , loin de faire présumer un m andat, sont d É n k g a t i v e s du m andai, en
vertu duquel Em m anuel Aubier soutient que sa sœur a soumissionné ses
biens, et s ’en est rendue adjudicataire.
§.
Or»s. Jamais mes adversaires n’ont osé en dire autant, parce qu’ils n’ont
jamais présente ni cité aucune lettre dénégative du m andat, et qu’ils savaient
bien que l’usage qu’ils ont fait d’un seul passage tron qu é, dont il sera question
ci-après , se rétorquait contr’eux.
E t comment le rédacteur peut-il qualifier dénégatives , i°. les lettres de la
première époque, antérieures à la soumission de mes biens, où ma sœur s’engage
à acheter pour moi s e u l , à rendre tous biens fo n d s , capitaux, revenus;
2U. rIoutes celles postérieures à la Soumission , où elle dit ne l’avoir fait que
pour moi seu l, q u ’elle n ’est que mon homme d ’affaires, que tout est à m o i,
que mes enfans n ’ont rien à y voir, que c ’est de m oi seul q u ’ils peuvent tenir
ce q u ’elle a soumissionné pour mon compte;
�( 3o )
3 °. Celles postérieures au mariage de mort fils , où clic déclare avoir etc mon
prêle-nom un tout, et n'avoir élé que mon prêle-nom; que j'étais maître de
tout ; que a'était de m oi seid que mes enfans devaient tenir ?
Ces lettres elaient produites ; elles étaient dans les mains du rédacteur dos
motifs , quand il a écrit ce paragraphe. Elles font plus que faire présumer le man
dat, elles le prouvent ; car l’art. ig 85 du Code Napoléon porte que le mandat
peut être établi par lettres ; et quelle force ne reçoivent pas ces lettres de
l’aveu qu’elles avaient été précédées d’une procuration ? L ’acceptation de celleci est présumée de droit illimitée , par le refus que ma sœur fait de la présenter ;
si elle avail élé limitée , ces lettres suffiraient pour prouver que j’avais donné
une ampliation de pouvoirs par les nouvelles procurations ou plutôt par
les confirmations de procurations que j’ai envoyées ensuite, et dont il est
parlé dans les lettres.
L e juge de paix ne doutait pas du m andat, lorsqu’il dit qu’il ne lui suffisait
pas-d’avoir lu ma procuration ; que puisqu’on ne pouvait pas la déposer chez
un notaire, à cause de mon inscription, il voulait un écrit de ma main à lui
directement adressé pour lui tenir lieu de l’expédition.
Les paysans de mon village , à qui ma sœur montrait ma procuration , parce
qu’ils avaient voulu voir ma signature, ne doutaient, jni de l’exislence, ni de la
validité du m andat, quand, de son aveu, ils lui disaient que s ’ils la croyaient
capable de me tromper, ils la chasseraient.
Je n’ai produit que 25 lettres; je pourrais en produire c e n t, où ma soeur
me rend compte de l’exécution du m andat, des détails de sa gestion. Selon
l’art. if )85 du Code Napoléon, chacune de ces lettres a la force d’acte d’ac
ceptation ou ratification du mandai. Leurs conséquences légales sont de même
nature que tousles genres d’acceptation ; dans celle matière, toute lettre vaut
contrat.
III. Attendu , continue l’a rr ê t, que les mêmes lettres apprennent que la
partie de V'issac a spontanément, p a r pure générosité, par la seule impul
sion de l ’irdérêt q u ’elle portait à sa ja m itié, soumissionné les biens confisqués
sur son frère, cl q u ’elle les a acquis au moment même où la partie de
B a y le , espérant les soustraire à la main-mise nationale , sur le fo n d e m e n t
(fu’il clail É t r a n g e r A LA, F R A N C E , n'imaginait pus q u ’ils pussent être mis
en vente.
§.
Q bs . Le premier mars 1796, le Directoire, en me refusant ma radiation, avait
�( 3i )
répondu que je devais attendre l’amnistie qu’on projetait alors de donner aux
Français dont la fuite avait etc forcée.
Cette réponse prouve que j’avais réclame comme F ran çais, et que le D irec
toire voyait en moi un Français. L ’étranger qui dirige la persécution que
j’éprouve , a intrigué pour que ce fut moi que l’arrêt fit étranger a la France.
Comme c’est une lettre du roi de Prusse, du i 5 mars 1793, dont les Gazettes
parlèrent alors, qui lui a servi de p rétexte, je vais la transcrire ici.
« M. d’Aubier , des sentimens pareils à ceux dont vous avez fait foi envers
» l’infortuné monarque que vous avez servi, sont toujours sûrs de mon estime ;
» les pei’sonnes qu’il honora de la sienne y ont d’ailleurs, par celam em e, des
» titres clicrs à mon cœ ur, et chaque fois que je puis récompenser en elles
» les services que Louis X Y I ne put acquitter, je crois offrir un dernier tribut
» à la mémoire de ce souverain respectable et malheureux : je vous donne ma
» clef de chambellan; je vous la donne comme un gage du tendre souvenir que
» je conserve à votre maître , et j’ y joins une pension de six cents écus sur la
» caisse de l’Etat de la cour , pour qu’à l ’abri de l ’infortune, qui poursuit
» vos compagnons d’e x il, vous puissiez consacrer des jours plus tranquilles à
» sa mémoire et à celle de ses vertus, de ses bienfaits et de scs malheurs. J ’ai
» donné ordre à mon ministre , à B e rlin , de vous en expédier le diplôm e, sans
» qu’il vous en coûtât les frais ordinaires, et prie D ie u , M. d’A ubier , qu’il
» vous ait en sa sainte et digne garde ».
Signe F h é d é îu c - G u illa u ih e .
F ra n cfo rt,
i 3 mars 1793.
On voit que le roi de Prusse m’offrait des ressources pour le tems de mon
exil; il ne me demandait donc pas de renoncer à la France, et encore moins à
la qualité de Français , qu’on peut garder hors de France. E l pourquoi me
les offrait-il? Pour services rendus au monarque français.
Comment les connaissait-il? 1°. Parce que le 12 août, quand, dans sa cellule
aux Feuillans, Louis X Y I connut le prem ier mandat d’arrêt contre moi dé
cerné, en me disant de fuir au plus vite , il me chargea d’informer ses frères
et le roi de Prusse des faits du 10 août, du mauvais effet du manifeste, et
de m’opposer à d’autres imprudences ; ce que j’ai fait (i).
(1) Les mémoires du lems disent par quelles représentations j’ai empêché un deuxième ma
nifeste, qui était tourné de manière à compromettre Louis X Y I de plus en plus.
�2° Paire que les hasards de la guerre avaient fait tomber dans ses mains la
lettre que Malesherbcs m’écrivait le 12 janvier 179a , par ordre de Louis X V I ,
où Malesherbcs me disait que Louis X V I ne voulait pas qu'un des hommes
de sa cour dont il était le plus aime, et qu'il estimait, le p lu s , se compromît
inutilement ; qu'il le conjurait de ne pas venir, parce q u ’on rejeterait son
témoignage comme celui d ’un homme à qui son attachement ne permettait pas
d'être impartial. Je n’ai point eu d’autre correspondance qu’avec Malesherbcs
jusqu’à sa in o r t, et je m’honore d’avoir mérité sa confiance ; il ne l ’aurait pas
donnée à un étranger à la France.
Informé qu’on intriguait pour que les motifs de l’arrêt me qualifiassent
étranger à la France, j’ai été, avant le jugement, présenter ces lettres au prési
dent; il les lu t, me dit avoir vu celle du roi de Prusse dans les journaux du
tems , et avoir entendu parler de celle de Malesherbcs ; c’est le lendemain
que, dans les motifs de l ’arrêt, il me fait étranger à la France.
Est-ce parce que j’ai toujours aimé le gouvernement monarchique que je
suis devenu aux yeux du rédacteur un étranger à la France ?
Ou est-ce parce que le roi de Prusse m’envoya la clef de chambellan ?
Mais Voltaire , d’Argens l’avaient reçue sans cesser d’être Français.
Jusqu’au Code , j’ai pu en jouir sans perdre aucuns droits ; cela est si vrai,
que c’est sur la production de la lettre du roi de Prusse et de celle de
Malesherbcs qu’en 1802 le Prem ier Consul me dispensa d’une des conditions
de l’amnistie.
Depuis le Code , j’ai eu besoin d’une permission ; S. M. l ’Empereur me l’a
donnée, par décret spécial de i 8 o 5 ; je n’ai pas attendu la guerre pour
rentrer en F ran ce, et satisfaire au décret de 1810.
A u reste, qu’importe aujourd’hui ce qu’on a pu dire en vain au comité ré
volutionnaire , à la ré g ie , au D irectoire , pour éviter une confiscation
dont la loi m’aurait préservé , s’ils avaient vu en moi un étranger à la
F r a n c e , au lieu d’y voir un Français. Si chacune des phrases employées
pendant la terreur pour échapper à la guillotine , aux tortures, aux confisca
tions, sauver.(lu pain à scs enfans, pouvait être relevée aujourd’hui et servir
de base à un droit (le propriété , en Javeur de tiers, il v a trente mille familles
dont les propriétés pourraient être revendiquées par diverses personnes à la
fois avec un égal titre, celui d’avoir aidé à les cacher, en prêtant leur nom
pour 1rs conserver ; c’est dans ces termes que ma sœur dit s’en être chargée.
Dans tous les c a s , 011 ne pouvait pas dire qu’en août 1796 , je pensais que
�( 33 )
mes biens ne pouvaient pas être mis en vente ; puisque les pièces produites
prouven t,
i°. Que le refus définitif de ma radiation est du premier mars 1796 ;
20. Que ce refus m’a été notifié le i 5 mars;
3 °. Que ma sœur en a été informée a lo rs, et m’a mandé que cela néces
sitait le rachat ;
4 °- Que c’est sur cela que je lui ai envoyé ma procuration ;
5 °. Q u’elle l’a acceptée par lettre du 4 mai, trois mois avant la soumission
de mes biens , et qu’elle m’a mandé qu’elle achèterait pour m oi seul.
Attendu que la partie de Vissrvc est devenue adjudicataire, de son
propre mouvement, dudit bien, dans la seule et honorable idée de les conserver
à son frère ou aux enfans de celui-ci; que celte résolution subite et indépen
dante a clé le résultat d ’un bien dangereux dévouement.
§. I Y .
O b s . Le rédacteur n’a pas pu croire que la resolution de ma sœ ur fût
subite , indépendante , puisqu’il était prouvé que cela était convenu depuis
six mois , et que la procuration était acceptée depuis trois mois.
Elle a fait une action généreuse en faisant gratuitement mes affaires ; elle
l ’aurait faite quand même elle n’aurait pas eu le m otif de sauver les 12,000 liv.
que je lui devais , et d’obtenir ma garantie pour s’affranchir de la responsabi
lité de mes créances qu’elle avait encourue.
Ce n’est donc pas m oi, c’est le rédacteur des motifs de l’arrêt qui veut lui
ôter le mérite de sa générosité, en supposant qu’elle a acheté mes biens pour
se les approprier ou en disposer.
Il la suppose coupable de fausseté , car selon son système , ma sœur ne
m’aurait demandé mes pouvoirs, ne se serait opposée à ce que je lui associasse
ma femme, ne m’aurait fait révoquer ceux que j’avais donnés à d’autres, ne
m’aurait écrit qu’elle achetait pour moi seu l, que pour que je me chargeasse
seul des dettes pendant qu’elle deviendrait propriétaire de mes biens , et libre
de garder tout ou d’en disposer au profit de tout autre que inoi.
Ma sœur en était incapable; elle a, par scs conclusions sur l’appel, désavoué
l 'étranger qui l’avait dit en son nom en première instance.
§. Y . Attendu encore qu'en vertu d'un mandat d ’Em m anuel A ubier, la
partie de V issac , sa sœ ur, ne pouvait acquérir sans compromettre son exis
tence personnelle, et donner même après la vente, ouverture à nouvelle con5
�( 34 )
fiscation, qui aurait irrévocablement dépouillé Em m anuel Aubier sans espoir
de retour.
O bs. L e rédacteur avait sous les yeux les lettres de ma sœur qui désa
vouaient la supposition qu’ elle pût com prom ettre son existence; elle y dit
franchem ent qu’elle a manifesté qu’elle achetait pour m oi ; que les administra
; qu’elle a été approuvée par tout le monde , même les
plus patriotes ; qu’on vient lui offrir de l ’argent ; qu’elle en accepte d’un ancien
d o m estiqu e, crainte de l’affliger; que les liabitans de notre village sont venus
lui po rter leu r b o u rse ; qu’elle l’a refusée; qu’ ils la chasseraient s ’ils la
croyaient capable de me tromper.
D ’ailleurs, la peur de se compromettre eût bien pu exiger qu’elle ne dît
pas si publiquement qu’elle achetait pour m o i, qu’elle était mon pretc-nom ;
mais celle peur ne pouvait pas annuller le mandat.
teurs l’ont
secondée
§. Y I. Attendu que les lettres d ’Em m anuel Aubier démentent le mandat
q iiil présuppose avoir donné ti sa sœur, et qu'il y est d it , que même après sa
radiation, U ne peut avoir que ce que sa sœur lui cédera, et q u ’en conséquence
il n ’aura ja m a is de droit sur le domaine de Sauset.
O b s . H n ’y a pas une seule lettre qui démente le mandat.
L e passage obscur que cet article indique est tiré d’un fragment tronqué
d’une lettre qui prouve le mandat au lieu de le démentir.
En e ffe t, c’est parce que dans cette lettre j’annonce à ma sœur que je
veux donner Sauset à mon fils, sans attendre ma radiation , que j’ajoute qu’a
près ma radiation je n’aurai aucun droit sur Sauset , et c’est parce que
j ’annonce que je ne cède que Sauset, et me réserve le reste , que je lui dis que
j’aurai besoin, après ma radiation , qu’elle m ’en fasse la remise.
Si j’y parle des appréhensions de m on f i l s , c ’est qu ’ il craignait que le
don des avantages ne fût pas so lid e , p a rc e que ce don est un acte du d roit
civil qui ne p o u v ait pas être valid e tant que j’étais su r la liste ; mais il était
loyal et b o n frèi’C ; il ne vo u la it pas frau der la légitim e de scs f r è r e s , il voulait
seulem ent être sûr qu’ on ne d é m e m b re ra it p o in t Sauset p a r un partage , q u ’il
on serait q u ille p o u r un r e to u r de lo i en argent.
Pourquoi mes adversaires n’onl-ils produit que la moitié de la lellre , cl
ont-ils supprimé l’auirc moitié? C ’esi parce qu’on y aurail trouvé bien claire
ment celle explication.
�( 35 )
¿m
Si ce passage, pris isolém ent, eut présenté un doute , il était levé par toutes
les lettres postérieures où ma sœur dit avoir été mon prête-nom, Elles
étaient produites, le rédacteur les avait sous scs yeux.
§. VII. Attendu que la prétention actuelle de la partie île Bayle , ouvertement
condamnée par sa propre correspondance et par celle de sa sœ ur, trouve encore
sa réprobation dans les actes postérieurs qui ont eu lieu dans le sein de la f a
mille ; qu'en effet on y l i t , qu'après la plus mûre délibération à laquelle assis
tèrent vingt-cinq paren s, la partie de
issac, adoptant elle-même la sagesse
des motifs qui ont déterminé cette réunion imposante , et le projet de mçiriage
d ’Em m anuel Aubier avec M arie-Claudine Cham flour, lui a transmis, sous
diverses conditions qui ont été modifiées ensuite, la pleine propriété du do
maine de Sauset, et lui en consent subrogation, comme si elle avait été prêtenom de lui seul pour en fa ire l'acquisition.
O b s . i ». Si ma prétention était ouvertement condamnée par ma propre co r
respondance, on n’aurait pas manqué de produire les lettres qui le d iraien t, et
on n’a pas même osé en citer une ; l ’abus qu’on a fait de l’équivoque d’un
passage tronqué d’une lettre dont on a déchiré la moitié pour lui faire dire ce
qu’elle ne disait pas , prouve qu’on n’avait rien à dire.
2°. S’il y a des actes qui contiennent réprobation de ma prétention, pour
quoi ne pas les transcrire , les citer, au moins en dire la date ?
3 °. Dire qu’il en sera comme si ma sœur avait été p rête-n om , c ’est dire
que c’est une fiction; car telle est, dans la langue française, l’acception du
mot comme ainsi placé ;
/f». L ’interprétation que l’arrêt veut donner à cet a c te , est désavouée par
toutes les lettres postérieures de ma sœ ur ; dans une du 3 juillet suivant, elle
dit : J e n'ai jam ais dem andé, mon frère , le renvoi de mes lettres; vous m’avez
dit qu'elles faisaient preuve que j ’avais été votre prêle-nom; dans une suivante,
elle répétait : J e n ’ai été que votre prête-nom.
Comment se fait-il que sans cesse les motifs de l’arrêt prêtent à ma sœur
des intentions, une conduite autre que celles consignées dans les lettres de sa
main, produites au procès, et q u i étaient entre les mains du rédacteur de
ces motifs ?
Si ma sœur avait voulu que Sauset fût réputé donné par elle, elle l ’aurait
fait mettre dans le contrat de mariage; elle y aurait été donatrice , au lieu de
ne pas même vouloir y être mentionnée comme témoin, Ma sœur désira que
�(36 )
vingt-cinq parens assistassent chez elle à la signature de ce con trat, pour que
tous vissent qu’elle n’y était pour rien ; qu’ils signassent la subrogation
faite par arrêté de fam ille, sous seing-privé, pour qu’ils vissent qu’elle
n’avait été que mon prête-nom ; elle le leur d it , et me l ’écrivit le lendemain:
sa lettre était produite.
Quant à m o i, j’ai désiré l’assistance des parons, pour que leur concours
à l’émission de ma volonté engageât mes autres enfans à la respecter dans
le cas où je viendrais à mourir avant d’être rayé , et à ne pas abuser de ce
que l ’acte du 8 mai les appelait à partager, dans ce ca s, tous également.
Je désirais que Sauset ne fût pas partagé; je comptais sur les liquidations
que ma sœur disait certaines, pour compléter la légitime de mes autres
enfans.
§• V III. Attendu que dans les mêmes acles elle reçoit les remercîmens d ’E m
m anuel A ubier son frère et de toute la fam dle assemblée, des soins qu'elle
a pris, des peines infinies qu 'elle s 'est données pour la conservation des biens et
de sa générosité, sans q u ’Em m anuel A ubier ail fa it entrevoir q u ’elle ait été
sa mandataire.
O b s . Mon fils Lamonteilhe et mon neveu St. M an de, son beau-frère ,
Chardon , le frère de celui-ci, M M. B o ir o t, D artis, jurisconsultes, ont signé
la reddition de compte du mandat, l’acte de mai 1801 : comment ont-ils pu le
faire , et. sur-tout des jurisconsultes aussi éclairés, sans entrevoir que ma
sœ ur avait été ma mandataire ? Cet acte a été remis au père de ma bellefille et à son avocat avant le mariage.
La preuve que le père de ma belle-fille partait de cette base en traitant
avec m o i, est consignée dans un écrit de sa main qui avait été produit, et
que le redacteur avait sous les yeux quand il a écrit ce paragraphe.
A u s s i, quelques mois après le mariage , ma sœur répétait dans scs lettres:
J e n 'a i agi que pour toi seul, cela te laisse maître de faire ce que lu
voudras ; j e te proteste que c'est pour toi que j 'a i ag i, qu'à ton retour, maîlr»
de. ta fo r tu n e , lu as eu le plaisir de marier et doter Ion f i s . Dans une autre :
N'oubliez pas que c ’est vous qui avez choisi Lam onteilhe, et cela depuis
trois ans.
Si tout cela ne laisse pas entrevoir que ina sœur a été ma mandataire , mon
prête-nom , que faul-il donc?
�( 3, )
§. IX. Attendu que l'ensemble de ces actes démontre que la partie de V i s sac
n'eut jam ais celte qualité, mais bien q u ’elle se rendit adjudicataire de sa propre
détermination, et par un dévouement sans borne à son frère et à ses neveux;
attendu que tous les actes auxquels Em m anuel Aubier a concouru attestent
encore la profonde reconnaissance dont il était alors pénétré pour ¿oui ce
q u ’avaitf a i t etfaisa it alors sa sœ ur, et exclut toute idée d ’un mandat.
O b s . Ma reconnaissance, de ce que ma sœur a etc gratuitement ma man
dataire , ne peut pas exclure toute idée du mandat.
Ce mandat avait donné beaucoup de peine à ma sœur ; ma reconnaissance
était juste, mais l’arrét ne devait pas supposer des dangers qu’elle n’a pas
courus, pour lui en faire un droit de disposer des biens dont elle n’avait
jamais voulu , droit qui eût été injuste, puisque c’est sur le fondement que
tout était à m oi, qu’elle m’avait engagé à me charger de toutes les dettes, et
à lui donner garantie envers et contre tous. On lui fait tort en lui prêtant cette
intention. L ’équivoque de sa conduite dans cette affaire appartient à l'étranger.
§. X. Attendu que ces actes doivent être respectés, et q u ’il n ’est pas permis
à la partie de Bayle de se préparer par une voie indirecte le moyen d ’anéantir,
ou du moins d ’atténuer au futur la transmission fa ite par la partie de T^issac
à Jérôme Em m anuel A u bier, du domaine de Sauset, q u ’il n ’attaque pas
dans ce moment.
\
O b s . A i-je pu montrer plus de respect pour les actes qu’en signant les ra
tifications , et particulièrement celle deSauset ? L ’étranger l’a fait refuser, parce
que la famille St. Mande devait aussi ratifier, ce qu’il ne voulait pas; ce
refus ne peut pas avoir eu d’autre m otif que l’envie de demeurer libre d’at
taquer le don de Sauset après la m ort de ma sœur.
§. XI. Attendu qu'Em m anucl A ubier et ses enfans ont du recevoir avec une
respectueuse reconnaissance la loi et les conditions que leur a imposées la partie
de V is s a c , et les ont effectivement subies comme les actes l ’attestent.
O b s . C ’est la partie de Yissac ( ma sœur ) qui a répondu d’avance à cet
article. Dans une lettre postérieure au m ariage, qui est p roduite, on lit :
Q u ’elle ne m ’a imposé aucune condition, que le supposer c ’est l ’outrager.
Ma sœur a toujours dit et dit encore de même.
§. X II. Attendu que le même Em m anuel A u bier, qui voudraitfaire déclarer
�^
( 38 )
que sa sœur f u i mandataire , est non-recevable dans sa dem ande, après avoir
reconnu q u ’il ne pouvait rien obtenir que de la bienfaisance et de l ’obligation
morale contractée envers elle-même dans les principes de la délicatesse, et
après avoir resté pendant d ix ans dans le plus proforul silence sur celte pré
tention inconvenante, et repoussée par tous les fa its dé la cause.
O bs. i °. Selon le C ode, le mandat esl un contrat de bienfaisance: ainsi
j’aurais pu employer ce mot sans qu’il en résultat une fin de non-recevoir;
mais on ne cite ni lettre ni acte où je l ’ai dit.
2°. Si le retard de ma demande avait jamais pu être de nature à élever une
lin de non-recevoir, elle serait écartée par un acte reçu Sarray, notaire ,
en octobre 1802 , par lequel, dans les deux mois qui ont suivi mon amnistie,
quinze mois après le mariage de mon fils , j’ai offert d’op érer, entre tous mes
enfans, un règlement définitif, en me bornant à un très-médiocre viager ; j’avais
proposé, par cet a c te , pour arbitres , M M . Dartis et Mauguc.
3®
. Si j’e'tais devenu non-reccvable, il fallait dire en q u o i, et prononcer la
fin de non-recevoir, au lieu de déclarer qu’il n’y avait pas eu de mandat.
On voit bien pourquoi on ne l’a pas fait. L ’invocation d’une fin de nonrecevoir contre l ’exercice d’un d ro it, dit que ce droit a existé. E lle n’exclut
que celui qui s’est mis dans le cas d’être déclaré non-recevable ; ain si, dans
l ’espèce , en me déclarant personnellement non-recevable , on n’aurait point
attaqué le principe des droits de mes petites-filles sur Saüset. L ’arrêt veut
que M. de St. Mande fils demeure maître de leur ôter Sanse t.
§. X I II . Attendu q u ’en présupposant, q u ’il eût existé dans le principe un man
dat d ’Em m anuel Aubier ¿1 sa sœur pour ac<juérir, ce m andat eût été anéanti
par celui qui l ’a d onn é , et les actes qui l ’ont suivi.
O b s . i°. P ou r fónder l’arrêt sur l’assertion que le mandai a été anéanti
par uii a clc subséquent , il aurait fallu citer , dater et produire l ’acte
subséquent qu’on suppose la v o ir anéanti; o r on ne le cite même pas.
20. Un acte qui anéantirait un mandat constitué par un précédent a c te ,
prouverait l’existence du mandat ; car on n’avait pas besoin de l’anéantir s’il
n’existait pas. On révoque un m andai, mais on ne peut pas faire qu’il n’ait
pas exisié , sur-tout quand on a opéré en exécution du mandai, quand on en
a rendu com pte, reçu décharge et garantie, parce que les conséquences
légales en soni réciproquement acquises à qui de droit. La r é v o c a t i o n ou
l'anéantissement ,
si
on veut l’appeler ainsi , ne pourrait pas rendre jna
�< 39 >
sœur propriétaire de ce qu’elle avait soumissionné en vertu du m andat,
sur-tout après avoir demandé judiciairement acte de ce qu’elle n’avait pas
voulu devenir propriétataire , de ce qu’elle n’avait été que conservatrice ; pour
que le mandataire devînt propriétaire, pour qu’il pût disposer, il faudrait
que le mandant lui cédât ses droits à la propriété.
§. X IV . Attendu que la partie de Pages a eu droit d'intervenir dans la contes
tation pour empêcher que , par une voie oblique , Em m anuel A ubier ou ses
cnfans puissent ja m a is porter atteinte à la transmission de Sauset, et aux
clauses du contrat de mariage qui sont déterminées par cette transmission.
Je n’ai jamais cherché à porter atteinte à la transmission de Sauset, et
je défie que dans les quatre ou cinq cents lettres qui se sont écrites sur nos
O bs.
affaires dans le cours de douze ans , on en trouve le moindre soupçon ; au con
traire , j’ai reconnu sa validité, j’en ai signé la ratification qu’on a refusée.
Si , comme il p a ra ît, par l’adroite c o m b in a is o n de ce paragraphe avec les
précédentes suppositions, on a voulu dire que lors du mariage de mon fils Lamonteilhe , on a eu l’intention cl le but de sortir de la masse de mes biens le
domaine de Sauset, afin qu’il ne comptât pas dans l’évaluation de la légitime
de mes autres cnfans, c?est une fraude dont on suppose coupable ma bellefille , son p è r e , ma sœur , vingt-cinq parens, les quatre jurisconsultes et le
notaire qui ont concouru aux actes : le plus coupable serait l’avocat de ma
belle-fille et de son p è re , qui a tout dirigé , qui a fait le contrat de mariage à
tête reposée chez l u i , qui a revu , rectifié la délibéi’ation de famille , qui a
fa it, avec le notaire de ma belle-fille et son p ère , l’acte de subrogation notarié
de Sauset.
Je les croyais trop délicats pour prêter leur ministère à une fraude ; c’est
cependant ce que nous serions forcés de croire, s’il fallait s’en tenir à ce que
disent les motifs de l’arrct.
Nos juges n’ont pas fait attention qu’eux-mémes, en donnant de tels motifs à
l’arrêt* ont l’air de sanctionner une fraude, tandis que le texte précis du
Code Napoléon leur ordonne au contraire de proscrire tous les moyens indi
rects et frauduleux qui auraient un pareil but.
Cette fraude n’aurait pas même le but d’être utile aux mineurs, comme on
le suppose ; car si Sauscl est une libéralité de ma s œ u r , les mineurs le per
dront tôt ou tard : tous représentans de ma sœur et leurs créanciers en auront
le droit, et de minorilé en m inorité, ce droit peut sc perpétuer cent ans.
�•<
( 4o )
§. X V. Attendu que les deux appels des parties de P~issac et de Pages ont eu
pour objet unique de faire reformer lejugem ent, ainsi attaqué dans la dispo
sition qid déclare la partie V issa c m andataire, et que l'une et l ’autre n'ont
point réclamé contre les dispositions secondaires du ju g em en t , en tant qu'elles
sont fondées sur le consentement qu'a généreusement donné la partie de
P ls s a c , même en abdiquant les droits héréditaires sur la succession de son
père et sur celle de son fr è r e , morts révolutionnai rement à Lyon.
Les deux actes d’appels étaient indéfinis, illimités : on peut aussi voir
dans les conclusions prises à l ’audience ( transcrites , pag- 25 et dans les
qualités de l’arrèt ) , qu’elles ne disent pas ce que le rédacteur leur fait dire.
On peut v o ir , pag. a 3 , que le jugement de première instance ne contient
point de disposition qui déclare ma sœur mandataire.
On peut v o ir , dans les qualités de ce jugement qui sont imprimées , que
O bs.
jamais je ne l ’avais demande ; que je n’avais parlé du mandat que comme m otif
et moyen de ma demande : mes adversaires l’avaient nié , c’était leur moyen
de défense ; mais ils n’avaient jamais demandé qu’il fût prononcé que ma
sœur n’avait pas été ma mandataire. Ils avaient seulement conclu à ce que
je fusse déclaré non-recevable dans mes demandes : or je n’en avais formé
que trois; la prem ière, en maintenue dans la qualité d’héritier: ma sœur et
mon beau-frère y avaient consenti ; la deuxièm e, pour avoir quittance des
12,000 liv. : ils l ’avaient offerte ; la troisièm e, en transmission du V erger : ma
sœur y avait aussi consenti.
Le rédacteur des motifs dit que ces trois demandes et les dispositions qui
les ont accueillies étaient secondaires d’une demande principale qu’il suppose;
jamais mes adversaires n’ont dit cela , et encore moins dans leurs conclusions
sur l’appel où est cette demande principale.
11 veut que je n’aie été héritier de mon père et de mon frère que par
l'effet du consentement de ma sœur et de mon beau-frère, tandis que mon
contrat de mariage et celui de ma sœur me constituaient seul héritier ; tandis
que ma sœur avait renoncé à toute succession directe cl collatérale, à tous
droits échus et à échoir, et déclarait s’en tenir à cela.
C ’est en exécution de ces contrats de mariage et de cette renonciation que
mon beau-frère et ma sœur avaient abdiqué la légitime en corps héréditaire ;
même pendant mon inscription, ma sœur ne pouvait pas avoir tout à-la-fois
Ja dot constituée et la part légitimaire en corps héréditaire ; et certes elle
�( 4i )
avait grand intérêt de s’en tenir à ma garantie de la d o t, puisque les dettes lui
auraient fait perdre les corps héréditaires.
A u reste, la confiscation des biens et droits des émigrés n ’avait pas été p ro
noncée au profit de leurs parens , et par conséquent elle n ’avait pas autorisé
m on beau-frère à se dire h éritier de mon pore.
«
»
»
»
»
«
L e dispositif de l ’arrêt n’est pas moins singulier que ses motifs. L e voici :
« La cour dit qu’il a été mal jugé par le jugement dont est a p p e l, en ce que
la partie de Vissac a été déclarec mandataire de la partie de Bayle bien
appelé ; émendant faisant droit tant sur cette demande que sur l ’inlervention de la partie de Pagès, déboule en ce point la partie de Bayle de sa
demande, et déclare que la partie de Yissac n’a pas été mandataire d’Em manuel Aubier pour acquérir les biens confisqués sur lui ; au résidu , donnant acte a la partie de Yissac de ce qu’elle consent à l’exécution des autres
» dispositions du meme jugem ent, ordonne que ces dispositions sortironl leur
» plein et entier effet sous les conditions qui y sont exprimées (i). »
D e quelle demande suis-je déboulé? Je suis forcé de le rép éter, je n’eiï
avais formé que trois : la i re, en maintenue de nia qualité de seul héritier de
mon père et de mon frère ; ma sœur et morl beau-frère y ont acquiescé avec
grand plaisir, cela les débarrassait; la 2e en quittance de 12,000 liv. : ils y ont
acquiescé avec plaisir , parce que cela constatait qu’ils s’en étaient tenus à
la dot ; la 3 ' en transmission du Verger : cl ils y ont aussi acquiescé en pre
mière instance, le jugement le dit ; ils auraient seulement voulu qu’on les
dispensât d’avouer le mandat.
Cependant ils n’en avaient pas moins demandé acte de c,e qu’ils n’avaient
pas voulu devenir propriétaires de mes biens ; de ce que ma sœur s’était
chargée de me les conserver, ce qui confessait formellement le mandai; ; de
ce qu’ils me reconnaissaient pour propriétaire irrévocable, de ce Verger ; ils
( 1) M. le président V ern y a voulu qu’on sût (ainsi je ne commets point d’indiscrétion
en le répétant ic i, et m im e je le dois à la délicatesse des autres membres de cette respectable
c o u r ) , que c’était lui qui avait rédigé les motifs de l’ai r ô t , ainsi que le dispositif, et
comment il avait fait prévaloir son avis. Il y avait neuf délibérans ; il a révélé que quatre con
seillers avaient ete de l’avis de l’avocat-géuéral sur la validité du mandat et de confirm er le
jugement de première instance; que trois conseillers s’étaient rendus à l’avis du président; que
L’arrct avait été décidé par l’avis du jeune auditeur, qui était le neuvième opinant: c’est l ’élève
du président et le beau-frère de son fils , lequel est aussi conseiller.
Le
gendre du président plaidait contre m oi; et -son n e v e u , a v o u é , occupait
m o i, e t c ., etc.
6
contre
�( 4a )
en disaient autant pour Sausct en faveur de mes petites-filles. Cela déclarait
judiciairement l’existence, le but et l ’exécution du mandat.
Pourquoi l’arrêt n’a-t-il pas donné acte de ces conclusions , portant recon
naissance de nos droits de propriété ? C ’est qu’on voulait en faire des libéra
lités révocables, que St. Mande fils pût faire annuller après la mort de sa mère.
Cet arrêt, en déclarant que ma sœur n’avait pas élé mandataire, ne dit pas
pourquoi on le déclare ainsi. On a glissé tout bas que c’est parce que j’avais
été sur la liste des émigrés; mais on a craint de heurter trop ouvertement
les principes en le mettant dans les motifs.
On a fait quinze paragraphes pour dénaturer graduellement les questions
de droit, et altérer les faits de manière à travestir la question de droit en
question de fait ; mais i°. l ’acceptation de la procuration n’en est pas moins
avouée et prouvée; 20. les lettres, l’exécution du m andat, la déclaration
qu’elle a acheté pour rnoi seul comme mon homme d 'affaires, mon prêtenom , vingt actes ou traités avec divers intéressés à la succession de mon père
et de mon frère , enfin le compte rendu du mandat n’en sont pas moins, selon
les articles 1984 , ig 85 et 1986, des contrats irrévocables, authentiques, dont
toutes les conséquences légales sont des questions de droit.
S’il suffit de qualifier de négatif l’acte qui est affirmatif pour soutenir que
la cour suprême ne peut plus examiner si on a violé la loi, il est inutile de
passer des actes ; le législateur a fort inutilement pris la peine de faire des
lois pour en fixer les conséquences et les effets ; il a inutilement chargé la cour
suprême de les faire respecter.
Une cour, en disant qu’un acte d’acceptation de succession est un acte de
répudiation, serait-elle maîtresse de faire passer à un tiers les droits de l’hé
ritier contractuel qui a accepté la succession? Le cas est le même ici : danscette m atière, l ’acceptation de la procuration, les lettres, les actes , son exé
cution, attestent qu’il était illimité et sa spécialité à l’cftel du rachat ; ce sont
autant de contrats d’acccptation.
E t de même que la loi serait violée et l ’arrêt cassé pour le cas où l ’accep
tation d’hérédité serait travestie en répudiation, de même il doit l’être pour
le cas où Vacceptation du mandai est travestie en refus du mandat.
Le dispositif de l’arrêt suppose que le jugement de l ’inslance contient une
disposition qui déclare ma sœur mandataire On a vu que cela n’est pas ; il
est seulement vrai que la transmission est motivée sur la preuve du mandat.
La tournure de l’arrêt suppose aussi que mon beau-frère , ma sœur et ma
belle-sœur ont conclu à ce qu’ii fût déclaré que ma sœur n’a pas été ma manda
�( 43 )
4
?
taire , et cependant leurs conclusions n’en disent pas un mot ; l’ordre judiciaire
s’oppose à ce qu’on tolère que, pour violer plus aisémenl la l o i , les juges puis
sent supposer des conclusions qui n’existent pas.
Le directeur de toute cette intrigue a si Lien senti que le silence des conclu
sions sur celte demande , leurs contradictions avec les motifs et le dis
positif de l’arrêt décelaient les vues de celui-ci, qu’en faisant imprimer les mo
tifs et le dispositif, il en a écarté les qualités où se trouvaient les conclusions ,
les déclarations de ma sœur, et l’aveu de l'acceptation de ma procuration.
Il paraît que c’était pour que mes petites-filles ne pussent point, à leur ma
jorité, former tierce opposition à l’a rrê t, que l’étranger avait imaginé de faire
intervenir leur mère en qualité de tutrice, afin de donner à son système force
de chose jugée contradictoirement avec les mineurs.
Il paraît que c’est pour y ajouter la force d’un acquiescement spontané
à l’arrêt qu’on l’a fait lever par ma belle-fille , qu’on me l’a fait signifier, tant
en son nom personnel qu’au nom de tuteur de mes petites-filles ; q u ’ on m’a fait
sergenler en toute rigueur, à leur requête, pour l’cxéculoire du coût de
l’a rrê t, quoique j’eusse offert de le payer sous réserve ; mais plus la légèreté
et la faiblesse de ma belle-fille se prêtent à tout ce qui peut compromettre
les droits de ses enfans, cl plus je crois qu’il esl de mon devoir d’aïeul de
travailler à leur sauver des ressources en défendant mes droits , qui sont aussi
les leurs , puisqu’elles doivent hériter de moi.
Au point où 011 a mené les choses , une renonciation de mon neveu au b é
néfice de cet arrêt ne remédierait point au m al, puisqu’il s’agit des droits
successifs non ouverts ; puisqu’il a un cohéritier mineur ; puisqu’il peut mourir
avant sa mère laissant des mineurs: de minorité en minorité , mes pelites-filles
ne pourraient obtenir aucune sûreté, même de la bonne volonté des tuteurs.
Le seul moyen qui pût les mettre à l’abri, serait une garantie de M. de
St. Mande père ; mais il a repousse la proposition qu’on lui en a faile.
Il me semble que la cour suprême doit être plus sévère contre la violation
de la l o i , lorsque le mal jugé est si évident ; lorsqu’on se pavane de ce qu’une
injustice tournée en fait, met à l ’abri de sa censure, car c’est ainsi (pie s’ex
priment ceux qui ont dirigé cette tournure ; lorsque celte violation de la loi a
pour but de donner à des tiers les moyens de dépouiller des mineurs du patri
moine dont leur aïeul avait doté leur père.
La cour suprême 11e voudra pas que deux innocentes , l’une de douze ans,
l’autre de on ze, soient, par cet a rrê t, privées de tout espoir d'établissement ; que
tout moyen de subsistance pour elles dépende, après la mort de ma sœur, des
�( 44 )
caprices d’un jeune homme qui fut élevé dans de bons principes , il est v r a i,
mais à qui les flagorneries de cet étranger on tpcrsuadé qu’il avait le droit d’être
le despote de toute sa fam ille, et qui le fait débuter par en proscrire celui
que l’ordre de la nature , les lois religieuses et civiles,, les contrats de ma
riage , les testamens et toutes les conventions de famille en ont fait le chef ;
qui a passé sa vie à la servir, à payer éducation , placem ent, mariage et dettes
de tous. Un père pousse-t-il trop loin ses prétentions quand il borne son am br
lion à tenir encore aux enfans qu’il a dotés , à les servir, à maintenir l’ordre
et la juslice parmi eux?
J’invoque la justice de la cour pour moi-même : encore chargé de diverses
dettes et de garanties pour ma fam ille, après avoir payé pour elle quatre fois
plus que la valeur du seul objet qui me reste , demeurerai-je exposé à être
dépouillé le jour où j’aurais le malheur de perdre ma sœur? Serai-je à la
merci d’un neveu , d’un filleul qui a répondu à ma prédilection pour lui par les
procédés les plus offensans? Quelle persécution contre un oncle de soixante-cinq
ans , au bout d’une vie si pénible, d’une carrière si malheureuse !
La cour suprêm e, conservatrice des lois que la France doit à la restaura
tion de la monarchie, symbole du gouvernement patriarchal, ne peut pas
penser que le père doive rester dans le néant à l’égard de ses enfans , comme
le décide l’étranger, parce que son attachement au gouvernement monar
chique le fit proscrire quand la monarchie même était proscrite.
Lorsqu’on 1802 le Premier Consul me dispensa d’une des conditions de
l ’amnistie; lorsque S. M. l’Em pereur me maintint la qualité de Français cl ses
droits (quoiqu’alors chambellan du roi de Prusse) , ce fut sur l ’exposé des
circonstances de ma conduite, où le rédacteur des motifs a voulu qu’on vît
celle d’un étranger à la France.
Signé A U B IE R - LAMQ3NTE1LIIE.
�( 45 )
CONSULTATION.
L es anciens avocats en la cour impériale soussignés qui ont lu le mémoire à
consulter du sieur Emmanuel Aubicr-Lam onteilhc, ensemble l’arrêt rendu en
la cour impériale de Riom , le i er août 1812 , et les pièces y jointes sont
d’avis des résolutions suivantes :
De ce que la loi du 16 septembre 1807 a statué que l’erreur dans l’interpretation des conventions ne constitue qu’un mal jugé contre lequel le recours
en cassation n’est point admis , on ne doit pas conclure q u e par cela seul que
les motifs d’un arrêt semblent réduire la question litigieuse à un point de
fa it, cet arrêt se trouve à l ’abri de la cassation.
11 est des cas où la discussion d’un point de fait devient elle-même une
preuve de violation de la lo i, comme par exemple lorsque la loi elle-même
attache à un fait des effets et des conséquences qu’un arrêt a refusé d’adop
ter, ou lorsqu’un fait se trouvant constaté par des a ctes, les résultats légaux
de ces actes ont été méconnus.
t
C ’est ce qui se rencontre dans l’espèce actu elle, pour éluder la disposition
des lois sur le mandat ; la cour impériale de Riom a été plus loin ; nonseulement elle a dénaturé la convention sous le prétexte de l’interpréter, mais
pour faciliter cette violation elle a été jusqu’à mettre en fait Vinexistence d’un
mandat qui était légalement prouvé , qui était reconnu judiciairement, et qui
avait été exécuté dans tout son contenu par la mandataire.
En travestissant la question de droit en question de fa it, cet arrêt a jugé
» que la daine de St. Mande n’a pas été la mandataire de son frère pour ac» quérir ses biens confisqués sur lui par suite de son émigration. »
Examinons si l’existence de sa procuration est légalement prouvée et judi
ciairement reconnue , et si la dame de St. Mande a exécuté le mandat dont
son frère l’avait chargée ; ce premier point établi, il sera prouvé que l ’arrêt
attaqué viole ouvertement les dispositions des articles 1984, ig 85 et 1993 du
Code Napoléon, et les articles i 35 o et i 352 du même Code.
�( 46 )
E t d’abord il a etc avoué cl judiciairement reconnu que la daine de
St. Mande a accepté , par lettre du 4 mai 1796, une procuration de son
frère ; ce qui , selon l’article 198/f du Code Napoléon , la constitue manda
taire : il a été avoué que cette procuration a clé acceptée par la dame de
St. Mande , à la suite d’une gestion volontaire de sa part des affaires de
son frère, laquelle a commencé à l’instant de la mort du père q u i, jusque la r
en était chargé ;
A la suite d’une correspondance confidentielle sur lesdites affaires, par la
quelle le sieur Aubier approuvait et avouait tout ce que sa sœur faisait pour
son compte et dans ses intérêts ;
Enfin , après que la radiation d’Einmanuel Aubier de la liste des émigrés
avait été refusée, ce qui ne laissait plus rien a faire dans son interet que de
soumissionner ses biens pour son com pte, mais sous le nom de sa sœur
comme prête-nom, parce qu’il était sur la liste des émigrés.
Ils est avoué dans la cause, et judiciairement constaté dans les conclusions
prises sur l ’appel par les sieur et dame de St. Mande, que celle-ci s’étail char
gée de conserver à Emmanuel A ubier son frère ses biens, et par conséquent
de les racheter pour son com pte, puisqu’il n’y avait pas d’autres moyens; elle
a demandé acte de ce quelle n’avait pas voulu en devenir propriétaire, de ce
qu’elle a voulu que son frère demeurât propriétaire irrévocable de l’immeuble
dont il s’agit, et les mineurs Lamonteilhe, petites-filles de celui-ci, du bien
de Sauset, qu’elle leur avait transmis ; dès lors le m o lif, le but et l’existence
du mandat ont été judiciairement constatés, et l ’existence du mandat a été
reconnue judiciairement ; dès-lors la confirmation du jugement de première
instance a cessé d’être au fond réellement contestée par les sieur et dame de
St. Mande.
En supposant que l’intervention et les conclusions de la dame veuve
Lamonteilhe pussent former obstacle à la confirmation pure cl simple du juge
ment de première instance, la cour devait dans tous les cas au moins donner
acte des conclusions judiciaires prises p a rles sieur et dame de St. Mande,
cl mettre les parties hors de procès sur l’appel précédemment interjeté par les
sieur el daine de St. Mande.
Mais puisque la cour a pris un parti opposé, nous devons ajouter ici quelques
observations.
Emmanuel Aubier a articulé, et aucune des parties n’a contesté le fait, que
lorsque le sieur Aubier fui forcé de quitter la France pour se soustraire au
mandat d’arrêt décerné contre l u i , il avait chargé son père de la gestion de
�( 47 )
scs affaires : à la mort de celu i-ci, la dame de Si. Mande se chargea de conl'nuer celle gestion, qu’elle a toujours suivie; en conséquence elle s’élablil dèslors la mandataire lacite de son frère.
Lorsque la venle de ses biens fut décidée, la dame de St. Mande s’occupa
du soin de les lui conserver ; ce qu’on ne pouvait faire qu’en les raclielant du
Gouvernement.
Dans ces circonstances, une procuration est adressée à la dame de
St. Mande par le sieur Aubier; madame de Si. Mande en accuse réceplion.
Puisqu’il est avoué par la dame de St. Mande qu’elle l’a reçue et acceptée , il
est indifférent qu’elle eût demandé cette procuration à son frè re , ou que
son frère l’ait envoyée de son propre mouvement. Quand les lettres pos
térieures ne le prouveraient pas, il y a présomption légale que celle p ro
curation élail illimitée , comme le sieur A ubier le soutient, et qu’elle conte
nait pouvoir de soumissionner. Cette présomption devient l ’évidence m êm e,
lorsqu’on remarque que madame de St. M ande, qui p o u v a it faire cesser tous
les doutes sur le contenu de cette procuration en la représentant, ne l’a pas
exhibée dans le cours de l’instance , et n’a exihibé aucune des autres pro
curations qne d’après ses lettres elle paraît avoir reçues.
Il est de principe de droit que le défendeur qui fait valoir une exception
est tenu de la justifier in exceptione reus fit actor.... actori incurnbil anus
probandi. Madame de St. Mande prétend tardivement que la procuration
n’était pas spéciale à l’effet de soumissionner scs biens ; c’est à elle à justifier
la non spécialité du mandat par sa représentation : elle ne la représente p a s,
l’articulation du sieur Emmanuel A ubier et la présomption légale restent
tout entières ; elles rendent la dame de St. Mande non-recevable à opposer
celle exception : d’ailleurs si elle autorisait à faire toul ce qui serait nécessaire
pour lui conserver ses biens, la spécialité du cas particulier se trouve comprise
dans la généralité.
Madame de St. Mande a soumissionné les biens , et s’en est rendue adjudi
cataire : elle en a vendu une partie pour solder le prix? elle a afferm é,
échange, perçu les revenus, liquidé le.s dettes. A u retour de son frère en
ïra n c e , elle lui a rendu un compte général de scs opérations ; elle a porté en
dépensé dans ce compte le prix de ia soumission , et les frais accessoires ; elle
a porté en recette le produit des ventes partielles et des revenus.
Elle a exigé de son frère qu’il ratifiât en son nom toutes les ventes et
échanges qu’elle avait faits ; celui-ci a contracté dans l ’acle qui reçoit ce
compte les conditions de garautio cnycra et conlre tous \ il a parfait le paie
�\ V
C 48 )
ment en numéraire des douze mille francs qui étaient dus à sa sœur sur sa
constitution dotale. C ’étaient les seules conditions qu’elle avait apposées à
l’exécution du mandat. C ’est la loi qui détermine la conséquence de ces faits,
puisque après avoir dit que le contrat du mandai formé par 1’acccptalion du
mandataire, article 1984 , le Code Napoléon ajoute : L ’acceptation du mandat
peut n'être que tacite et résulter de l ’exécution qui lui a été donnée par le
m andataire, article ig 85 .
Il en résulte que l ’arrêt de la cour impériale deRiom , en déclarant que la dame
de St. Mande n’a pas acquis les biens de son frère comme mandataire, lors
qu’il était reconnu au procès que le mandat avait été reçu et exécuté, lors
qu’il est prouvé que la dame de St. Mande avait rendu compte de son exécu
tion, a violé ouvertement les dispositions des articles 1984 et 1985.
E n vain dira-t-on qu’en déclarant que la dame de St. Mande n’a pas été
la mandataire de son frère pour celle acquisition , la cour impériale de lliom
n’a jugé qu’une question de fait dont la cour de cassation ne doit pas con
naître; le législateur a déterminé, par un article précis de la loi (1985), com
ment l ’acceptation du m andat, et par conséquent son existence, pourrait se
reconnaître en cas de dénégation.
Les cours n’ont pas le pouvoir de prononcer contre le texle de la loi :
¡’interprétation contraire à celle que la loi a donnée est une violation positive
de la loi.
L a cour de cassation , dans son arrêt du 22 juillet 18x2, a. établi que lors
qu’il s’agil de déterminer la nature et l’essence d’un acte, une fausse interpré
tation qui tend à maintenir ce (pie la loi prohibe ou annulle est une véritable
violation de la loi; que lorsqu’ une clause est claire et précise, il n’y a pas lieu
à interprétation ; à plus forte raison dans l’espèce présente, où c’est le texte
précis du Code Napoléon qui a fixé l ’effet et les conséquences de l’acceplalion
de la procuration et de son exécution.
Le m andat, dit l’arrêt c o n tre lequel on se pourvoit, ne se présume pas:
c’est une erreur; l’art. 1985 du C o d e N a p o l é o n , porte que l’acceptation peut
s’établir par le seul fail de l ’exécution : comme on ne peut ni accepter, ni
exécuter ce qui n’existe pas , le Code Napoléon a très-justement statué que
l ’existence s’établit, comme l’acceptation, par le seul fail de l ’exécution.
Dans l’espèce, il ne s’agit point d’une présomption fondée sur de simples
raisonnemens, sur des analogies, sur des circonstances, mais d’une présomption
dont l'article 1985 fait une présomption légale; elle dispense de toute preuve
celui au profit duquel elle existe , art. i 35 o et x31)2 .
�(J / S
À*
( 49 )
Quand on voudrait faire à la dame de St. Mande la concession qu’elle n’a
point eu de mandat spécial de son frère pour soumissionner ses biens , l’aveu
par elle fait qu’elle les a achetés pour le compte de son frère et pour les lui
conserver, a dû suffire pour l’établir negotiornmgestor, et la soumettre en
conséquence à toutes les obligations du mandat ? En cela,' de son aveu , elle a
été constituée la mandataire de son frère? L ’arrêt viole donc l ’article 1372 du
Code Napoléon.
C ’est ainsi qu’il devient de plus en plus constant que l’arrêt attaqué a violé
les art. ig 8 5 , i 35 o et i 352 du Code.
E t pourquoi la dame de St. Mande aurait-elle exigé que son frère reçût
son com pte, lui donnât décharge, garantie, si elle n’était pas sa mandataire ? Ce
genre de preuve de l’existence du mandat est plus qu’une présomption légale ,
car cela constate irrévocablement qu’elle a été mandataire. Si madame de
St. Mande voulait se ménager les moyens de contester le m andat, soit qu’elle
voulut le supposer n u l, soit qu’elle voulût contester sa réalité ou en modifier
l ’effet, et sur-tout si elle avait le projcL de faire de la remise des biens une
libéralité, elle ne devait pas présenter à son frère un compte de ses opérations,
exiger q u ’il Vapurât., qu’il donnât décharge et garantie ; en l e faisant, elle s’est
ôté tout moyen et même tout prétexte pour v e n ir, onze ans après , sou
tenir qu’elle avait seulement eu l’intention de s’opposer aux ventes, quand
il est démontré en droit que l ’opposition était impossible; qu’en d ro it, la dame
de St. Mande pouvait soumissionner pour le compte de son frè r e , parce que
l’achat est un acte du droit des gens, quand les faits et les actes constatent
qu’elle l’a fait ; l’arrêt Blayac dit qu’en tel cas on n’écoute pas ce que les
parties disent avoir voulu faire, mais ce que l ’acte atteste avoir été fait.
D e quelle importance n’est-il par pour le sieur Aubier que la dame de
St. Mande ait été sa mandataire! Elle a soumissionné scs biens, et il s’est
chargé des dettes : elle est remboursée du p rix ; il a rempli très-scrupuleuse
ment toutes les conditions que lui imposait sa qualité de mandant, et toutes
celles que la dame de St. Mande avait apposées elle-même à l’acceptation
du mandat de son frèx’e. Il a donc le droit d’exiger, q u ’aux termes de l ’ar
ticle igg^, la remise de ce qui a été acheté en vertu du mandat soit motivé sui
te mandat.
Vainement on dira que la dame de St. Mande offre de faire à M. Aubier
la transmission de propriété de tout ce qui lui reste de la soumission de ses
biens; que l’arrêt confirme le jugement qui la condamne à faire cette trans
mission.
�.
( 5« )
11 faut en revenir à ce point : quel caractère a du avoir, quel caractère doit
conserver la transmission P
Si on s’arrête aux apparences de la transmission de Sausct, faite dans un
tems où on n’osait pas parler bien clair, en faisant abstraction des autres actes
qui constatent que madame de St. Mande a été la mandataire d’Emmanuel
Aubier, cette transmission devient, par l ’effet de l’arrêt, une libéralité, puis
qu’il n’y a pas de prix fixé pour cette transmission , et que la cause qui lui a
donné l’être n’est point exprimée : sera-ce au même titre que le sieur Aubier
aura reçu la transmission du Verger? L ’arrêt le veut ainsi.
Si la dame de St. Mande n’a pas été la mandataire de son frère pour faire
l’acquisition de scs biens , et que la transmission ne soit pas fondée sur le man
dat , cette transmission étant alors également gratuite, ce sera une libéralité
contraire a la lo i, attendu les engagemens qu’elle a pris par les contrats de
mai'iage de scs enfans ; au décès de leur inère , ces enfans viendront dépouiller
le sieur Aubier ou les siens d’un bien qui est incontestablement sa propriété.
L e sort de tous les acquéreurs partiels des biens du sieur Aubier est lié à
cette contestation ; si la dame de St. Mande n’a pas acquis pour le com plc de
son frère , si elle n’est pas jugée sa mandataire, comme la dame de St. Mande
a traité avec les acquéreurs en son nom seul, et sans aucune autorisation de
son m a ri, toutes les ventes par elle faites seront nulles ; malgré les ratifications
du sieur A u b ie r, les acquéreurs de bonne foi seront évincés de leurs pro
priétés; si la dame de St. Mande n’a pas élé mandataire de son frère , tous les
traités par elle passés pour les affaires des deux successions sont nuls , car c’est
le sieur Aubier qui est déclaré seul héritier ; si elle n’a pas été mandataire de
son frère , les m ineuresLam onteilhe, ses petites-filles, perdront tôt ou lard la
propriété de Sauset, de même qu’il perdra le Verger à lui transmis. Voilà
quelles seraient les conséquences d’un système trop légèrement adoplé en la
cour impériale de J\iom !
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cela ; nous renvoyons à la con
sultation de M, P o irie r, a celle des jurisconsultes de l\io in , au Mémoire de
M. Darricux ; les principes y sont développés avec la plus grande clarté.
Il ne nous reste plus qu’a dire un mot sur l’intervention de la dame
Lamonteilhe.
Suivant les principes ordinaires du droit, l ’intervention n’est admissible
qu’en faveur du tiers qui a intérêt à la contesta lion pour la conservation de
droits actuels. ^Madame Lamonteilhe n’était pas dans ce cas; en effet, que la
dame de St. Mande ail été mandataire de son frère, cela ne porte aucune
�(50
atteinlc au droit actuel de la dame Lamonteillie et de scs enfans, puisque
M. Aubier reconnaît la validité de la subrogation de S ausct, et l’approuve
comme si elle eût été faite par lui-méme.
La dame Lamonteillie dit : si madame de St. Mande n’a été que le prêlenom du sieur A u b ier, mon mari aura reçu Sauset en avancement de la suc
cession paternelle, et alors ce d o m a in e sera sujet à retranchement pour la
légitime de ses frères; mais c’est en prévoyance de ce cas que le pacle de
famille porte que chacun des autres enfans de M. Aubier a droit de prendre
sur scs biens paternels un prélèvement de i 5 ,ooo livres, au moyen duquel
et de l’abandon; consenti par le sieur Lamonteillie de son tiers dans le
domaine de Crèvecœur , ce dernier est dispensé du rapport du domaine de
Sauset; les craintes de la dame Lamonteillie sont donc rejetées dans une éven
tualité qui ne peut pas légitimer son intervention.
Mais comment ne s’est-elle pas aperçue qu’elle courait un danger plus grand
et certain si la prétention de madame de St. Mande était accueillie ; car il en
résulterait que la transmission de Shusci n’éiaii qu’une libéralité de madame de
St. M ande, libéralité qui, dans tous les cas excéderait ce dont la dame de
St. Mande aurait pu disposer, qui lui était interdite , et qu’elle ne pouvait pas se
permettre depuis l'institution contractuelle qu’elle avait stipulée au profit de
ses enfans en les mariant ; ceux-ci au décès de leur mère auraient donc le droit
de demander la révocation de celte libéralité, et le délaissement à leur
profit du domaine de Sauset ; les mineurs Lamonlcilhe seraient totalement
dépouillés de la propriété de ce domaine ; d’ailleurs on ne peut pas plus pour
des mineurs que pour des majeurs se faire un titre d’ une fraude , et dès que
, Sauset a été acheté pour le compte d’Emmanuel Aubier père, qui a tenu compte
du prix à sa sœ u r, le soustraire à compter dans la masse serait une fraude ;
si c’élait cela que l’arrêt a voulu , il a violé d’autres dispositions du Code.
Il est à regretter que par erreur sans doute, cl par l’effet de quelques con
seils inconsidérés, madame Lamonteillie a it, dans cette circonstance, agi contre
les véritables intérêts de ses enfans, q u i, si cet arrêt n’était pas cassé , p er
dront lot ou tard le bien de Sauset.
Nous finirons par observer que s’il demeurait jugé que la dame de St. Mande
n’a pas été mandataire de son frère , comme c’est en qualité de mandant qu’il
a promis garantie envers et contre tous, il resterait dans le droit d’exercer
toutes ses créances sur les acquêts de sa sœ ur, à cause de la responsabilité en
courue par celle-ci par l’adition d’hérédilé.
Emmanuel A u b ie r , et après lui scs enfans, pourraient demander compte
�( 52 )
du prix du rachat de Sauzet , que la subrogation dit avoir été faite des deniers
paternels; lu i, et après lui ses enfans, auraient droit de rentrer dans la partie
de Sauzet qui n’a pas été soumissionnée ; puisqu’il a payé à sa sœur sa légitime
en deniers, elle n’a pas pu la retenir en biens-fonds.
Il pourrait également, et après lui ses enfans, demander compte de la
partie des autres biens revendus par la dame de St.. M ande, qui n’a pas été
vendue par le Gouvernem ent, ainsi que de tout l’actif de la succession de son
père et de son frè re , touché par la dame de St. Mande et tous autres;
E n fin , Emmanuel Aubier resterait maître de disposer comme il voudrait, et
le sort des mineures Lamonteilhe serait empiré sous tous les rapports. Mais
la cassation de cet arrêt ne peut pas être refusée, et l ’intérêt des mineurs la
sollicite.
Délibéré
à
Paris, le 16 A ou t 18 13
Signé R O U X - L A B O R IE , L A C R O IX - F R A IN V I L L E , D E SÈ Z E .
A PA R IS, DE L ’IMPRIM ERIE D E P IL L E T , RU E CH RISTIN E, N» 5.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, Emmanuel. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Roux-Laborie
Lacroix-Frainville
De Sèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
correspondances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, propriétaire, sur son pourvoir, contre un arrêt rendu en la 2° chambre de la Cour impériale de Riom, le 1er août 1812, entre lui, les sieur et dame Saint Mande, et la dame veuve de Lamonteilhe.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Pillet (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
52 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2128
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53424/BCU_Factums_G2128.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
correspondances
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53423/BCU_Factums_G2127.pdf
0701678de69aaa47da281a6a43e1d900
PDF Text
Text
/
R
E
S
U
M
E
POUR
M . E m m a n u e l A U B I E R - L A M O N T E I L H E , ancien
magistrat, demeurant en la ville de Clerm ont, intimé;
CONTRE
Dam e M a r ie -F r a n ç o is e
B e n o it
FABRE
D E
A U B I E R ,
ép o u se de
S t . M A N D E , a u to r is é e
p a r j u s t i c e , e t le s ie u r D E
S t . M A N D E , so n
m a r i , a p p e la n s ;
ET ENCORE C O N T R E
D am e M a r i e - C l a u d i n e D E C H A M P F L O U R
veuve de sieur Jérôme-Emmanuel A UBIER-L A MONTEILHE , tant en son nom qu'en qualité de tutrice
de leurs deux enfans mineurs t appelante.
L a dame de St. Mande a acquis les biens de M. A ubier, son
frère. L ’adjudication lui en a été faite pendant l'immigration de
ce dernier , qui soutient que sa sœur n’a acheté et agi qu’en
vertu du mandat q u 'e lle avoit reçu et accepté de lui.
En première instance, la dame de St. Mande a prétendu , en
fait, que n’y ayant point eu d’acte synallagmatique constatant
le m andat, elle n’avoit pas été mandataire; en d ro it, qu’il ne
pouvoit pas y avoir de m andat, parce que M Aubier , mort
A
�c 2 \
civilem en t, ne pouvoit s’obliger ni obliger personne par cette
espèce de contrat.
Les premiers ^juges ont vu dans la cause un m andat, et en
ont ordonné l’exécution.
La .dame de St. Mande s’est pourvue contre leur jugement.
Elle a paru d’abord fonder son espérance sur le point de droit.
On lui a répondu par une consultation..
Elle annonce aujourd’hui qu’elle veut s’en tenir au point de
fait.
On lui répond par un résumé des faits.
Antoine Aubier de Lamonteilhe avoit épousé Jeanne de Champilour, à laquelle il a survécu. D e ce mariage sont issus Emma
n u el, intim é, Jean >Baptiste , supplicié révolutionnairement à
Lyon , et Marie-Françoise , épouse du sieur de St. Mande ,
appelante.
L e 4 décembre 1768, Emmanuel a contracté mariage avec
Jeanne Margeride. Ses père et mère l’onflnstitué leur héritier
■universel, sans autre réserve que celle de la somme de 40,000 fr.
pour la légitime paternelle et maternelle de Marie-Françoise, et
celle de Jean-Baptiste, leur frère.
Le 10 février 17 7 7 , M arie-Françoise a épousé le sieur de
St. Mande. Par son contrat de mariage , sa dot a été fixée à
o,ooo francs, pour droits paternels et maternels, moyennant
quoi elle renonce à toutes successions directes et collatérales,
et à tous droits cchus et ¿1 échoir.
L e z brumaire an > Antoine Aubier père est mort en ré
clusion. '
Dans le mois de'pluviôse de la même année, Jean-Baptiste
a perdu Is* vie à Lyon.
A cette époque, Emmanuel étoit fu gitif; il cherclioit à éviter
l ’exécution de deux mandats d’arrdt qui avoient été décernés
contre lui les 11 et ao août 1792. Mais il n y avoit point eu de
jugement par contumace ; son nom ne so trouvoit sur aucuno
liste d'émigrés ; ses biens n étoient ni séquestrés, ni annotés :
5
5
4
�3
(
)
ainsi il s’est trouvé saisi des successions d’Antoine , son père ,
et de Jean-Baptiste , son frère.
Son inscription sur la liste des émigrés , a eu lieu à la m u
nicipalité de C lerm on t, le 18 germinal a» , et au départe
ment , le 7 floréal de la même année. Le séquestre de ses
biens en a été la suite.
M. A u b ier, alors retiré en Prusse, chercha , comme beaucoup
de ses compagnons d’infortune, à conserver ses propriétés , et
à les soustraire à la rigueur des lois révolutionnaires. Il avoit
pour cela deux moyens à em ployer; le premier étoiü, en ob
tenant sa radiation, de se faire restituer ses biens ; le secon d ,
de s’en rendre lui-m ém e adjudicataire, dans le cas où il ne
pourroit empêcher la vente avant d’étre rayé.
Il étoit impossible à un émigré d’agir directem ent ; il falloit
à M. Aubier un intermédiaire. La dame de St. M ande, sa sœur
(e t sa créancière pour reste dé sa d o t), accepta son mandat.
Ses nombreuses lettres montrent qu’elle a répondu à la con
fiance de son frère, avec exactitude, courage et générosité.
Pendant long.temps M. Aubier n’a vu dans ces lettres que
la preuve de la tendresse de sa sœur ; il les conservoit par reconnoissance. Il étoit en effet difficile de croire qu’elles pussent
devenir un jour des pièces de procès, et que M m\ de St. Mande ,
après avoir tout fait pour conserver la fortune de son frère ,
voudroit elle-méme détruire son ouvrage , faire suspecter ses
intentions, et contraindre M. Aubier à produire à la justice,
comme titres obligatoires, ce mêmes lettres.
Aujourd’hui, la dame de St. Mande ne veut plus avoir été la
mandataire de son frère ; cédant aux conseils qui l'entourent
elle se prétend propriétaire des biens par elle acquis.
4
9
Il faut donc lui montrer par ses lettres, rapprochées des actes
de la c a u s e , qu’elle a reçu le mandat de M. A u b ier, q u ’e l l o
l’a accepté , qu’elle l’a exécuté.
Pour c e la , il faut classer les faits sous trois époques.
La première comprend ce qui s’est passé depuis l’émigration
A a
'
�(4)
de M. A u b ier, jusqu'à l’adjudication de ses biens, qui a eu lieu
le
thermidor an 4La seconde embrasse le temps qui s’est écoulé de cette ad
judication à la rentrée de M. Aubier, qui eut lieu avant sa ra
diation, et ne fit conséquemment point cesser l’état de mort
civile que la loi prononçoit contre lui. C ’est pendant ce temps
qu’a été contracté le mariage du sieur Aubier fils avec la de
moiselle Champflour , veuve de Bullion.
E n fin , la troisième se compose de tout ce qui s’est passé de
puis le mariage jusqu’au moment actuel.
25
P
remière
E
poque.
Les premières démarches à faire étoient de provoquer la ra
diation de M. Aubier ; la mainlevée du séquestre devant en être
la suite nécessaire. Pour y parvenir , il falloit simultanément
agir auprès de l’administration du département, et auprès du
ministère : la dame de St. Mande se chargea de présenter,
comme fondée de la procuration de son frè re , toutes les péti
tions qui pourroient être nécessaires, et de surveiller les démar
ches qu’un sieur Busche faisoit à Paris, soit directem ent, soit
par l’intermédiaire de l’ambassadeur de Prusse.
Les difficultés étoient sérieuses ; il falloit du temps pour les
vaincre : intermédiairement les biens pouvoient se vendre, si
l’on ne parvenoit à embarrasser la marche trop active de l'admi
nistration. Mme. de St. Mande seule avoit les moyens de le faire ;
comme cohéritière de son frère , elle pouvoit demander le par
tage , l’envoi en possession provisoire; elle pouvoit m êm e, si les
circonstances l’exigeoient, former opposition aux ventes, et a c
cumuler t o u s les obstacles que la prudence p o u r r o i t lui suggérer,
pour empêcher 1 adjudication ; et ce n’étoit qu après avoir épuisé
toutes ces ressources, q uelle devoit elle-même se rendre adju
dicataire.
La dame de St. Mande a-t-elle agi d une manière conforme
�c 5 }
aux idées que l ’on vient d’expliquer? a-t-elle agi pour M. Aubier?
a-t-elle agi en vertu de ses procurations ou mandats?
Sur toutes ces questions, qu’on l’écoute elle-méme.
D ans une prem ière le ttre , du 20 septembre 179 5, elle d it:
« Il seroit très-urgent d’a g ir, pour te procurer la rem ise de tes
« biens. » E lle assure avoir obtenu un arrêté qui l’envoie en
possession provisoire ; arrêté dont elle n’a pas fait u sa g e , parce
q u ’elle craignoit les suites du partage que le district vouloit
provoquer. E lle ajoute : « Je ne ferai rien qui puisse heurter
« tes vrais intérêts ; hâte-toi de travailler à lever les d ifficultés....
« l ’acte e t brevet que tu as envoyés à ta fe m m e , ne sont pas
« su tfisa n s...... Elle avoit vu d’abord avec chagrin mes clèmar« ches; mais on lui en a fa it sentir /'avantage : je ne désire rien
« que pour ton utilité.
« T u écris souvent à ta fem m e; j’espère que tu me rends la
« justice de me croire portée pour tes intérêts. »
A in s i, la dam e de St. M ande annonce qu’elle n ’agit que pour
son frère ; elle l’invite à lever les d ifficu lté s, en envoyant un acte
plus détaillé ; et elle ne tém oigne qu’un seul chagrin , ce lu i de
voir la confiance de M. A ubier partagée entre elle et sa bellesœur.
P ou r faire cesser les querelles de rivalité entre sa fenrme et
sa sœ ur, M. A ubier leur avoit proposé d’envoyer un de ses fils ,
qui auroit été le fondé de pouvoir de M. A u b ie r; elles s’y re fu
sèrent , en disant que ses trois enfans étoient inscrits ( ce qui
ne s’est pas trouvé vrai ). M me. de St. M ande est ainsi demeurée
seule chargée du mandat de son frère.
Une nouvelle lettre apprend à M. Aubier que sa sœur a ob
tenu l’envoi en possession provisoire de son b ie n , mais qu’elle
n’est que son h o m m e d ’a f f a i r e s . « J’ai agi, dit-elle, par le conseil
« de tes am is, sans aucun intérêt, puisque je serai t o u j o u r s
c< c o m p t a b l e . 53 Elle n a demandé le partage que p o u r mettre
obstacle à la vente, et empêcher la d é g r a d a t i o n . Elle d i t e n f i n :
« Si tu parviens à te faire rayer, ce sera avec to i que je ferai
�( 6 )
« nies comptes ; et tu es bien sur que sans autres intérêts que
« les tiens, je me bornerai à ma légitime. 33
Voilà la dame de St. Mande qui se reconnolt homme d’af
faires , comptable de M. Aubier.
Allons plus loin. Dans une troisième lettre , après avoir re-r
proché à son frère d’avoir envoyé les pièces probantes à d’autres
qu’à e lle, elle dit : « J’ai présenté ton mémoire au département;
« il n’a pas été accueilli............Si l’adjudication se faisoit, j’y
« mettrois opposition, en provoquant le partage. >3
Ainsi encore la dame de St. Mande agit pour son frère.
Une quatrième lettre s’exprime ainsi : « Comment se fait-il
« que je ne reçoive plus de tes nouvelles? Dans un moment.où
« tu dois avoir à me mander ce que tu veux que je fasse, tu
« dois être im patient de savoir où en sont tes affaires ; elles
cc n’avancent pas............ Ici les soumissions se font : on croit
« cependant les ventes reculées, à raison du discrédit des msn»
cc dats........... Je vais faire , en vertu de ta phocuhation , les
te oppositions a u x ventes , et former tous les obstacles que tes
k conseils me suggéreront. »
Cette lettre ne laisse aucune équivoque. La dame de St. Mande
non-seulement n’agissoit que pour M. A u bier, mais encore elle
se conformoit en tout à sa volonté : les actes qu’elle faisoit
n’avoient lieu qu’en vertu de la procuration de son frère , et elle
sentoit elle-méme la nécessité de conformer sa conduite aux
avis des conseils de M. Aubier.
Mais pourroit-on exiger plus d’explication? Que l’on lise la
cinquième lettre.
La dame Aubier y parle des démarches du sieur Busche au
près du ministère; elle dit qu’un voyage à Paris , et une lettre
au ministre de Prusse , seroient nécessaires ; elle ajoute ensuite :
(c J’ai présenté aujourd’hui ton mémoire au département : on
te a eu 1 air tres-étonné j et sans me faire aucune réponse sur
et la validité de ta rnocuiiATiON , on m’a remise à quatre jours,
u M. Boirot a maintenant plus de confiance cri ton a ffa ire, sans
�( 7 ")
« Cependant en répondre. Quand même tu rcussirois h sauver
« la confiscation , il te restera toujours la qualité de père , et
« par conséquent le séquestre. »
Quoi de plus clair ! Toutes les démarches de la dame de
St. Mande ne sont-elies pas dans l’intérét de M. Aubier ? n’estce pas lui qui les dirige? n est-ce pas de son affaire dont il
s’agit? la dame de St. Mande consulte-t-elle dautres conseils
que ceux de son frère , et pour dautres intérêts que les siens?
enfin, fait-elle un seul pas sans produire la procura tion, ou
sans en parler? ne va-t-elle pas jusqu’à craindre que ce guide
de t o u t e s ses démarches ne soit insuffisant ou irrégulier?
Ici les choses changent. Les mesures que le gouvernement
avoit cru devoir prendre contre les émigrés , devenoient de
jour en jour plus sévères, et étoient exécutées à la rigueur. Il
n’y avoit plus de moyens d’obtenir la radiation de M. Aubier ;
le refus en avoit été notifié officiellement au ministre de P russe,
qui lui-méme en avoit donné avis à M™. de St. Mande , sui
vant son propre aveu. La confiscation étoit définitive ; et pour
sauver ses biens, il falloit recourir à la ressource extrême de
l’adjudication.
La dame de St. Mande étoit pressée par le conseil de son
frère , qui Vouloit qu’elle acquit sur-le-champ ; m ais, d’une part,
elle ne trouvoit point sa procuration assez régulière; de l’autre,
elle avoit des craintes , et même des arrangemens à prendre,
qu’elle communique à son frère dans une lettre dont voici l’analise.
Bile dit d'abord qu’elle n'a pas reçu une procuration léga
lisée du m inistre, que M. Aubier lui envoyoit; qu’elle craint
de ne pouvoir plus long-temps éloigner les acquéreurs, et que
M. Boirot lui conseille de soumissionner t o u t , et to u t de su ite;
elle est arrêtée par le défaut d’ argent, et par la crainte de dé
plaire à sa belle-sœur, à qui elle veut donner la jouissance sans
lui donner la propriété , à moins q u e lle ne l ’y fo rce. Mais ,
dit-elle, « dans la nécessité où je serai d'acquérir ta fo r tu n e ,
« je ne veux rien que ma légitime. » Revenant ensuite sur la
�' ( 8 )
nécessité qu’il y a d’acquérir promptement ,■soit parce que le
département ne veut donner aucun d élai, soit parce que le sieur
Busche et l’ambassadeur de Prusse ne laissent plus aucun espoir,
soit enfin parce que les émigrés même rentrés ne peuvent ob
tenir aucune restitution , elle finit par dire : « Si j’ach è te , le
« contrat passé, je vendrai d e s o b j e t s a t o i pour faire le second
« payem ent, et s i m p l i f i e r l a r e c e t t e ; car on est, de part et
« d’autre, trop méfiant pour que je mette la téte dans le sac. »
L ’on ne peut douter que la dame de St. Mande ne pouvoit ni
ne vouloit acheter pour son compte ; que l’état de sa fortune
l’empéchoit même d’y penser ; et qu’il étoit aussi conforme à
ses intérêts, comme créancière de son frère pour sa légitim e,
qu’à l’honnêteté de ses vu e s, de n’acquérir que pour M. Aubier.
Aussi veut-elle une procuration régulière, qui lui permette nonseulement d’acheter, mais même de vendre. Elle ne doit courir
aucune chance ; elle sent bien qu’elle va devenir comptable ;
mais comme elle ne doit acquérir la fortune de son frère que
pour la lui rem ettre, elle veut en distraire tout ce qui sera né
cessaire pour la p a yer, sans y rien mettre du sien.
D euxième
E poque.
i
M. Aubier soutient que la dame de St. Mande ayant reçu la
procuration légalisée qu’elle désiroit, et qui lui avoitété adressée,
acquit, comme mandataire, les biens dont il s’agit, et les ad
ministra ensuite en la même qualité; il ajoute même que tout
acte de transmission de ces biens, qui a pu être fait par la dame
de St. M ande, n’a eu lieu que pour lui et en son nom.
La dame de St. M ande, pour agir utilement en faveur de
son frè re , avoit différentes précautions à prendre. Elle devoit
d’abord intéresser l’adm inistration, et le public même , à la
situation de M. Aubier : l’administration, pour obtenir d'elle un
expert qui n'exagérât point la valeur réelle des biens dont elle
vouloit devenir adjudicataire; le public, pour éloigner les per
sonnes
�9
C
)
sonnes qui auroient eu envie de soumissionner ces mêmes pro
priétés. Le moyen le plus simple étoit de déclarer qu’elle ac*
quéroit pour son frère.
Devenue adjudicataire, la dame de St. M ande, se trouvant
à la téte de l’administration de toute la fortune de son frère ,
devoit également lui rendre un compte exact de sa gestion : de
là la nécessité de ne rien lui laisser ignorer. Les payemens , la
manière dont ils dévoient être faits , l’emploi des revenus ou des
capitaux provenant des ventes qu’il voudroit autoriser, les ré
parations que les héritages exigeoient, tout devoit être connu de
M. A ubier, afin de lui donner les moyens d’apprécier sa situa
tion, et faciliter le compte qu’auroit à rendre la mandataire.
Les pièces et les lettres vont-apprendre ce qu’a fait la dame
de St. M an d e, et en quelle qualité elle a agi.
L ’adjudication est du
thermidor an 4 ; elle comprend les
biens d’Antoine et Jean-Baptiste Aubier , et a été faite moyen
nant la somme de 99,258 liv. 9 sous.
Comme la dame de St. Mande avoit qualité pour venir à
partage ( en rapportant les sommes reçues à compte de sa lé
gitime ), pour rendre le rachat moins onéreux à son frère, elle
ne se fit adjuger que les sept neuvièmes des biens composant
les deux successions.
La dame de St. Mande va nous apprendre toutes les circons
tances et toutes les suites de cet acte.
Une première lettre , du 16 septembre 1796 , dit que l’adju
dication a été faite moyennant 100,000 fr. , parce que l’adju
dicataire n’a pas quitté les experts qui devoient estimer les biens.
Mme. de St. Mande ajoute qu’elle a été secondée par tout le
monde, parce qu’elle a manifesté son in ten tion , et que tous sea
amis lui ont ouvert leur bourse. Après avoir expliqué quelle
vente il faudra faire pour p ayer, elle parle de ré g ie , de répa
rations , des héritages qui ont plus ou moins souffert pendant
le séquestre, et se plaint de ce que l’administration voudroit
exiger la garantie de son mari ; ce qui la gène , car elle a
B
25
�C i° )
tout f a i t en son nom. E lle assure ¡ensuite avoir fait an testa
m ent où l’on trouvera les déclarations k îc e ss a ir e s ; elle dit
q u e , pour les payem ens , elle a fait venir des mandats de Paris ,
parce q u ’ils étoient moins c h e r s , et term ine par ces mots -: « Je
« ne m ’o ccu p e que de cela i j’y suis toute entière et s e u le ,
« le. mari n’étant o ccu p é que d e ses tropues affaires . »
C ette lettre n ’indique-t-elle pas pour qui la dame de SaintM ande a agi? L 'intention qu’elle a m anifestée pou voit-elle* être
autre que d’apprendre qu’elle acquéroit pour son frère? E lle an
nonce que c ’est la source de Y intérêt qu’elle inspiroit à tout le
m onde. La déclaration consignée dans son testam ent pouvoitelle avoir un autre objet ? le soin qu’elle apportoit à em pêcher
que son mari ne contractât -des obligations personnelles , ne
prouve-t-il pas que c ’est p arce qu’e lle agissoit seulem ent com m e
m andataire, e t parce qu’e lle craignoit les suites de son m a n d a t,
qu'elle prenoit toutes les précautions possibles pour em pêcher
que la fortune de son mari ne fût com prom ise?
U ne seconde lettre s’exprim e ainsi : « V oilà le quart qu’il
*t faut payer en num éraire, je suis bien forcée de vendre. Il est
k possible que si ta fem m e parvient à 6emer des inquiétudes ,
a je ne trouve pas d’acquéreurs : alors je serai forcée de m e
« laisser déchoir , car je suis bien résolue de tiy mêler pour
•c rien la fortune de mon mari. L ’opération des experts m ’a
« donné beaucoup d’embarras «t coû té cher. N ous sauverons
« quelque chose ; e t , encore une f o is , cb n ’e s t pas pour moi.
« P r in c ip a u x , revenus , seront bien comi>tiLs , bien ren d us ;
« j’en réponds. »
Ainsi la dam e de St. Mande reconnolt qu’elle a dirigé l’opé
ration des experts. En annonçant qu’elle se laissera d é c h o ir,
s’il faut payer des deniers de son m a ri, elle donne pour raisoo
que c e n’est pas pour e l l e q u ’e l l e a acquis , et s è reconnolt
com ptable des principaux et des revenus.
Dans une troisième lettre, elle dit : « T a femme cherche à
« ven d re, pour rentrer dans le pays montagneux. Lorsque j ’a i
�C
)
ce a ch e té , Ce n’est que pour empêcher q u e l’on adjuge à ’ un
cc autre. On m’a rendu ta rnocunATiON , mais on a gardé le
« mémoire. » Cette lettre parle ensuite des ventes qu’il faut
faire pour finir d'acquitter le. prix de l’adjudication.
Ici se placent plusieurs réflexions. L ’on voit q u e , dans ces deux
lettres , la dame de St. Mande avoit conçu des inquiétudes sur
le compte de M“ e. A u bier; d’abord, elle craignoit qu’elle n’éloignât les acquéreurs ; ensuite elle lui suppose le projet de se
mettre en possession des biens de montagne. Comment la dame de
St. Mande auroit-elle conçu de pareilles idées, si elle eut acquis
pour elle? Ses intérêts étoient absolument séparés de ceux de la
dame Aubier : il est évident que cette dernière ne pou voit rien
exiger de sa belle-soeur; et ce ne peut être que parce que
M me. de St. Mande reconnoissoit que les biens q u e lle venoit
d ’acquérir appartenoient toujours à son fr è r e , qu’elle supposoit à la femme de ce dernier le droit d’y rentrer par des moyens
quelconques.
La procuration dont il est parlé n’est pas insignifiante : c ’est
en vertu de ce titre que la dame de St. Mande agissoit ; et ",
pour donner plus de publicité à ses dém arches, elle l’avoit
déposé à l’administration, après l’avoir communiqué à beaucoup
de monde.
Vient actuellement une quatrième le ttr e , du
décembre
1796, qu’il faut analiser, parce q u e lle prouve tout à la fois, le
mandat , l’administration la plus générale , et l'obligation de
rendre compte.
Elle commence en ces termes : « Je suis toujours occupée
« de TES a f f a i r e s : mes payemens sont faits jusqu au jour. »
Elle dit qu’elle cherche à vendre la maison; qu'elle a affermé
le pays montagneux ,000 francs ; q u elle a fait des réparations
au verger, où elle a planté six douzaines de pommiers. Et après
avoir dit que le département a rendu tous les papiers de fam ille,
elle termine en ces termes : « Je ne saurois assez te dire coma bien les gens de ton village t’aiment : sana cesse ils parlent
B 2
3
5
�(12 )
« de tes enfans ; e t, vraim ent, s ’ils m e connoissoient capable
« de te trom per , je crois qu’ils me chasseroient. Tns a f f a i r e s
cc m’occupent beaucoup. Mon mari me recommande de ne pas
« prendre une broche , que l’on ne pourroit ensuite faire le
« compte. »
N ’est-ce pas toujours des affaires du sieur Aubier dont il est
question ? Un mandataire peut-il reconnoitre plus formellement
qu’il doit un com pte, entrer dans plus de détails; et chacun
de ces détails ne prouve-t-il pas de plus fort le mandat.
A cette ép o qu e, M. Aubier travailloit à se faire rayer de
la liste des émigrés. Sa sœur avoit connoissance de l’instruc
tion qui se faisoit à la police sur cela.
Le 16 janvier 1797, elle lui écrit que l’acquisition qu’elle a
faite de ses biens rend cette mesure inutile ; que la restitution
du p rix , qu’il pourroit espérer, ne produiroit autre chose
qu’une inscription sur le grand livre; ce qui n’étoit pas un
avantage assez considérable pour balancer les sacrifices qu’il
seroit obligé de faire. Cette lettre contient ensuite un tableau
de la position de M. Aubier ; elle lui fait de nouveau sentir la
nécessité de vendre pour payer le prix de l’adjudication ; elle
termine : « Je n’ai d’autres intérêts que les t i e n s ............Si je
« donne quelque chose à ta femme, ce sera en numéraire . . . .
ce Je ferai aller du jour au jour. »
Il est difficile de comprendre pourquoi la dame de St. Mande
ne vouloit pas que M. Aubier se fit rayer. Dans tous les c a s , si
la dame de St. Mande n’eut pas acquis pour son frère , et pour son
frère seulem ent, pourquoi lui parle-t-elle toujours de ses intérêts,
et lui rend-elle com pte, à chaque courrier, de l’administration
d’une propriété qui ne lui auroit pas appartenu? pourquoi annonce-t-elle qu’elle prend sur les revenus de cette propriété ce
qu elle donne à Mm*. Aubier de la part de son mari ?
Une sixième lettre, du 19 janvier 1797, contient l’envoi des
bordereaux de m andats qui ont servi à acquitter le prix de la
vente j elle explique ensuite la manière dont les payemens de-
�3
( i )
voient se fa ire , et comment elle les a effectués; elle dit qu’elle
doit en core, sur le prix de la v e n te , une somme de 16,000 f r .,
envoie la note de ce qui reste à payer aux créanciers de JeanBaptiste, décédé à L y o n , et finit par ces expressions : « C ’est
un dédale où je me perdrois moi-même, si je n’écrivois-exac
tement toutes recettes e t dépenses, e t encore bourse à part. »
- Si la dame de St. Mande a été la mandataire de quelqu’autre
personne que de son frère , que le mandant montre , s’il est
possible, des lettres aussi explicatives qui puissent établir son
droit ; qu’il prouve avoir envoyé des procurations comme
M. Aubier père.
Le 17 mars même année, la dame de St. Mande écrivoit :
« J’ai vendu la terre de Burre, qui touchoit M. de Beyre (1)......
« Quoique je lui aie fait lire la p r o c u r a t i o n que tu m’as en« vo y ée, il me prie de t’engager à mettre sur un billet séparé,
« dans une de tes le ttres, que tu approuves cette v en te ............
« Il donne pour raison que ne pouvant pas déposer cette rno« c u r a t i o n chez un notaire, qui ne la recevroit pas, elle reste
« dans mes m ains , et ne lui sert à rien si je venois à mourir. 33
Cette lettre contient ensuite d’autres détails sur les ven tes, sur
les réparations à faire, et en général sur l’administration des biens.
F a u t-il quelques observations sur cette lettre? La dame de
St. Mande peut-elle dire qu’elle n’avoit point de procuration de
son frère? mais elle nous apprend elle-méme que c’est en vertu
de cette procuration qu’elle agissoit. P eu t-elle dire que c ’est
pour un autre que pour son frère , qu’elle avoit acquis et qu’elle
revendoit? mais c ’est à lui qu’elle s’adresse pour obtenir une
ratification de ces ventes, et pour tranquilliser les acquéreurs,
qui craignoient que la procuration qu’avoit la dame de St. Mande
leur fût in u tile, dans l’impossibilité où elle se trouvoit de la
déposer chez un notaire.
7
( l ) ^USC
Pai* «le M ontferrand, lieu du domicile de la famille et de la situa
tion de la majorité des biens.
�r4
C
)
Dans une autre lettre, de la fin du mois de mars même
année, la dame de St. Mande annonce à M. Aubier l’envoi
qu’elle vient de faire d’une lettre de change au troisième fils
de M. Aubier. « J e t’en préviens, d it-e lle, ne voulant jamais
« leur faire d’envoi à ton insçu. »
A in si, de même que la dame de St. Mande rendoit compte
à M. Aubier de son administration, et des sommes qu’elle avançoit à la dame A u b ie r, de môme elle croyoit devoir l’inforr
mer de tout ce qu’elle envoyoit à ses en fans, parce que c ’étoit
de l’agrément de leur père, et pour son com pte, qu’elle leur
faisoit ces envois.
P e u t-il y avoir une reconnoissance plus formelle' qu’elle est
sa m andataire, dans cette disposition de fonds, comme en touti
L ’on trouve parmi les lettres de Mme. de St. Mande, pro
duites par M. A ubier, quelques-unes adressées aux fils de ce
dernier ; dans toutes, la dame de St. Mande convient qu’elle
n’a été que l ’ i ï O îh m e d ’ a f f a i r e s de M. Aubier père ; elle ajoute
q u e lle désire être débarrassée des peines que sa gestion lui
donne; elle dit positivement qu’elle leur refusera toujours l’ar
gent qu’ils pourroient dem ander, à moins que le pere ne con
sente à leur en envoyer.
A u commencement de 1801, M. Aubier est rentré en France;
il navoit point obtenu sa radiation; il étoit en surveillance y et
conséquemment toujours privé de l’exercice de ses droits civils.
Son retour fu t annoncé à la dame de St. M ande, par le sieur
Aubier, fils aîné, qui reçut de sa tante,dans le courant de février,
la lettre que voici : « Le retour de votre père me fait un plaisir
ce sensible ; mon cœur est satisfait, et l’intérêt de vos affaires,
te celui de ma tranquillité le rendoit nécessaire ; j espère qu’il
« sera rayé définitivement, et alors nous réglerons nos comptes;
« je l u i rendrai t o u t , et c ’est a l u i s e u l et d e l u i s e u l que
« vous pouvez et devez dépendre. Je ne suis et n’a i été que
et SON IlOMMB D AFFAIRES, HC POU VANT, IIQ Voulant RIEN DISPOSER ,
« RIEN A U Î N E n SANS LUI. »
�15
c
)
Cette lettre, qui n’a pas besoin d’interprétation, précéda de
peu de temps l’arrivée de M. Aubier à Clermont. A peine est-il
de retour, que la dame de St. M ande, et tous les acquéreurs à
qui elle avoit toujours dit qu’elle n’étoit que l'homme etaffaires
de son frère , engagent celui-ci à ratifier les ventes qu’elle avoit
consenties. Mme. de St. Mande témoigne en même temps le dé
sir le plus v if de rendre compte de sa gestion , et de se débar
rasser, sinon du mandat de son frère, au moins de toutes les
peines que lui donnoit l’administration de ses biens.
M. Aubier pensoit devoir obtempérer à la volonté de sa sœur;
mais l’un et l’autre étoient arrêtés par les difficultés résultantes
de ce que M. A u b ie r, n’étant pas encore rayé de la liste des
ém igrés, étoit en état de mort civ ile , «t ne pouvoit conséquemm ent reprendre ses propriétés, qui auroient été nécessairement
remises sous le séquestre ; il ne pouvoit non plus les administrer
publiquem ent, puisqu’il auroit eu les mêmes dangers à courir,
et que d’ailleurs les démarches qu’il avoit à faire pour obtenir
'sa radiation, ne lui permettoient pas de se livrer à l’embarras
de ses affaires domestiques. Il falloit donc faire un acte q u i,
tout en débarrassant la dame de St. Mande de l’administration
des biens , lui laissât la qualité de m a n d a ta ir e il falloit égale
ment que cet a cte , tout en constatant que les biens a voient été
acquis pour M. Aubier lui-m êm e, et qu’il en étoit le vrai pro
priétaire , comme il l’avoit été avant leur confiscation, fû t assez
équivoque pour que, dans le cas où le gouvernement voudroit
séquestrer de nouveau ses b ien s, on pût répondre au fisc que
que M. Aubier n’étoit pas propriétaire.
L e sieur Aubier fils parut être, à la dame de St. Mande et
à son frère, un intermédiaire qui pourroit faire cesser toutes ces
difficultés, et l’on pensa à le faire intervenir dans l ’acte * pour
en fa ire , ou le subrogé mandataire de la dame de St. Mande r
dans le cas où M. Aubier nuroit capacité pour reprendre ses
biens, et qualité pour recevoir le compte que lui devoit sa sœur,
ou le représentant de tous les enfans de M. Aubier p è r e , vé-
�C
)
ritable mandant, dans le cas où la continuation de sa mort civile
s’opposeroit à ce qu’il put valablement recevoir la transmission
que la dame de St. Mande vouloit lui faire de ses biens.
En conséquence, tout cela ainsi réglé, il est passé , le 8 mai
1801 , un acte entre la dame de St. Mande, d’une p art, et les
sieurs Emmanuel Aubier , son frère , et Jérôme - Emmanuel
A ubier, son second fils, d’autre part. .
C et acte est intitulé d é c h a r g e et convention.
La dame de St. Mande dit qu’elle a acheté les biens prove
nant d’Antoine et Jean-Baptiste A ubier, pour conserver lesdits
biens à s o n f r è r e ...... ou aux en fan s de son frère; qu’ayant réi
téré ses offres de faire l’acte de transmission desdits b ien s,
Em m anuel A ubier l ’en rem ercie, tant en son nom q u a u n o m
d e s e s e n f a n s , de qui il a déjà remis à sa sœur acte d’adhé
sion à tout arrangement.
L on ajoute ensuite que acte authentique de transmission
définitive desdits biens à E m m a n u e l A u b i e r , n’étant point pos
sible solidem ent, jusqu’à ce que celui-ci a it obtenu sa radia
tion définitive ; d’ailleurs , Emmanuel et sa sœur voulant fixer
sur la téte de Jérôme les principales propriétés, s’il trouve un
mariage avantageux ; que les conditions de ce mariage , et le
résultat de quelques affaires non term inées, devant influer sur
la nature et la quotité des réserves qui doivent être faites ,
tant pour Antoine et Jean-Baptiste-Antoine , premier et troi
sième fils d’E m m anuel, que pour la subsistance nécessaire à
celu i-ci, surtout s’il perdoit sa p la ce , les parties sont convenues
de différer l’acte définitif de transmission.
Cependant la dame de St. Mande , voulant être délivrée des
peines que lui a données le soin de ces propriétés, il a été
convenu qu’elle en demeure dès à présent déchargée.
On examine ensuite le compte de sa gestion.
On la remercie de l ’avance des fonds, et des emprunts qu’elle
a faits ; de l ’emploi des revenus et des ca p ita u x , et des objets
qu’elle a revendus pour éteindre tous lesdits emprunts.
1
Em m anuel
�7
( i
)
E m m an uel, tant en son nom q u e n celu i de ses t r o i s n t s ,
ratifie toutes les ventes , et garantit la dame de St. Mande de
toutes recherches.
Il reconnolt que la dame de St. Mande a fait raison de toits
les revenus desdits biens ; de manière q u e , par le résultat du
compte et des compensations, elle est créancière de 2,000 fr.
sur la légitime paternelle et maternelle, que lesdits sieurs Aubier
s’obligent
Jusqu’à
radiation
plutôt un
de lui payer.
l ’arrangement d éfin itif qui sera fa it, soit après la
é£Emmanuel A u b ie r , soit plutôt, s’il se trouvoit
mariage avantageux pour Jérôme, ce lu i-ci est établi
a d m i n i s t r a t e u r des biens, et r e p r é s e n t a n t de toute la f a m ille ,
pour toutes les affaires ; mais ju sq u ’ à la radiation d ’E m m anuel,
il ne pourra recevoir les remboursemens des principaux, faire
aucune vente ou échange, passer de transaction définitive, s a n s
l ’ a u t o r i s a t i o n d e sa t a n t e ; i l reconnoît que ce lle -c i lu i a
remis les titres et papiers desdits biens e t des deux successions ,
q u ’elle a pu retirer des dépôts des autorités constituées.
Jérôme prélèvera sur les revenus 1,200 francs pour sa dé
pense personnelle et ses s o i n s ; il fera du surplus des revenus
l ’emploi qui lu i sera indiqué chaque année par sa tante ,
jusqu’à ce que son père a it obtenu sa radiation.
N ’est-ce pas là le constituer subrogé m andataire?
L ’on a dit en première instance, pour la dame de St. Mande,
que cet acte devoit expliquer ce que les lettres pouvoient avoir
d’équivoque sur le fait du mandat. Cette id é e , dans la situation
où se trouvoientles parties, n’est pas exacte sous tous les rapports.
Mais ce qu’il y a de plus certain , c ’est que cet acte, rappro
ché des différentes lettres que 1 on a déjà analisées , ne sauroit
laisser aucun doute sur le m andat, sur la personne qui l’a
donné et r e ç u , sur celui auquel le compte en est rendu. Lors
même qu’il seroit permis de l'isoler de tous les faits de la
cause, seul il prouveroit encore le mandat.
En e ffe t , la dénomination de l’acte apprend que c ’est une
G
�8
( i
)
décharge qu’a voulue la dame de St. Mande. L ’acte dit que c ’est
pour des biens qu’elle avoit ach etés, à l’effet de les conserver, et
qu’elle offre de remettre : c ’est delà qu’elle tire la nécessité d’une
décharge. Lesdits biens avoient nécessité une gestion; la dame
de St. Mande en rend compte. Il avoit fallu vendre une partie
de ces propriétés pour conseryer le reste; la dame de St. Mande
fait ratifier les ventes. L ’administration de ces biens devient pé
nible et gênante; la dame de St. Mande se fait substituer par
un tiers, en ne conservant que la surveillance. Tout cela n’éta
blit-il pas l’existence d’un mandat? ce qui s’est passé lors de
l ’acte de 1801 n’en est-il pas la suite nécessaire?
La dame de St. Mande avoit acquis pour conserver les biens
« son fr è r e , ou aux enfans de son frère ; elle ne peut point les
transmettre au frère , parce qu’il n’a point sa radiation dé
finitive ; elle retarde cette transmission jusqu’au moment où il
sera rayé : donc elle reconnolt que c ’est pour lui qu’elle avoit
acquis, et que lui seul pouvoit définitivement la décharger des
suites de son mandat. C ’est, d’ailleurs, avec lui personnellement
qu’elle traite ; c ’est à lui que tout se rapporte ; et lorsqu’il est
question des enfans du mandataire , c ’est lui qui les nomme , et
qui en parle toujours en termes collectifs.
M. Aubier père a toujours le soin de les désigner tous les trois,
lorsqu’il s’agit de-recueillir l ’effet du m andat; et s’il est plus
particulièrement question de Jérôme dans cet acte, c ’est parce
que son père le nomme pour représenter toute la famille auprès de
la dame de St. M an de, dans le cas où il ne pourroit recueillir
l’effet de son mandat ; et Jérôm e, devenant alors le subrogé
mandataire de la dame de St. M ande, contracte lui-inéme des
obligations, soit envers la première m andataire, soit envers le
sieur Aubier p ère, lui-m éine.
Jusque - là il étoit impossible de supposer que la dame de
St. Mande pût élever la prétention d’avoir acquis pour son propre
com pte, et avec la faculté de disposer à son gré de ces biens.
Jérôme Aubier voulut bientôt contracter mariage avec la de-
�C 19 )
moiselle Champflonr. M. Aubier père avoit l’intention de faire
à son fils tous les avantages que sa fortune et les lois lui permettoient ; il ne pouvoit prendre, à ce sujet, des renseignemens
certains qu’auprès de la dame de St. Mande; elle connoissoit,
mieux que lu i , l’état réel de sa fortune ; e t, sur l’aperçu qu’elle
lui en donna, il fut convenu que l’on délaisseroit à Jérôme
Aubier le domaine du Sauzet, et le mariage fut conclu.
L ’état de mort civile dans lequel se trouvoit M. A ubier, rendoit
difficile le délaissement de ce domaine. La dame de St. Manda
ne pouvoit agir publiquement, comme mandataire d’ un émigré.
On convenoit cependant qu’elle ne pouvoit rien transmettre
sans l’autorisation de M. Aubier ; et comme il étoit alors frappé
de mort civile , on imagina de le faire assister d’un conseil
de famille , comme cela se pratique pour un homme interdit
de ses droits. La dame de St. Mande y dit qu’elle a acquis pour
transmettre à Em m anuel, si la demande en radiation prospéroit,
ou pour procurer des établissemens aux enfans dudit Emmanuel ;
en conséquence, en présence et du consentement dudit Em m a
nuel, elle délaisse le bien du Sauzet à Jérôm e, moyennant cer
taines conditions, entendant qu’il en jouisse comme s i elle n'avoit
été que le prête-nom de lu i seul. Ainsi cette délibération établit
encore que la dame de St. Mande étoit la mandataire de son
frère ; qu’elle avoit besoin de son consentement pour disposer
de ses biens ; et ce n’est qu'avec l’agrément de M. A u b ie r,
qu’elle dit qu ’ on supposera qu’elle a acquis comme préte-nom
de Jérôme.
Le contrat de mariage de ce dernier est du 11 prairial an g :
Jérôme s’y constitue le bien du Sauzet, toujours du consentement
de son père.
T
roisième
E
poque
.
Mm*. de St. Mande va dire elle-m ôm e si elle a agi comme
propriétaire des biens qu’elle avoit acquis, si elle les a transmis
en-son nom?
G 2
�( 20 )
~ En avril 1801 , elle écrivoit à son frère :
- « Je n’ai agi en tout que pour to i ; il n’a jamais été question ,
« avant le m ariage, que d’une p r o c u r a t i o n que je donnerai à
« ton fils , pour qu’il régisse ce qui resteroit, à ma place , à
« la charge de te rendre compte : cela te laisse bien le maître
« de faire ce que tu voudras. Je te proteste que c ’est p o u r t o i
« que j’ai agi ; qu’à ton retour , m a î t r e de ta fortu n e, tu as eu
« l e plaisir de marier et doter ton fils. Le reste suffit pour les
« autres. »
Ainsi la dame de St. Mande ne regardoit elle-méme l’acte
de 1801 que comme une procuration donnée au fils de M. Aubier
pour gérer à sa place ; elle convient que M. Aubier a toujours
été le maître de ses biens , et que c ’est lui qui a marié et doté
son fils : donc , encore une fois, elle n’agissoit dans ces derniers
actes que comme mandataire ou prête-nom de son frère.
M. Aubier s’aperçut bientôt q u e , pour le porter à faire des
avantages considérables à son fils, on lui avoit déprécié Sauzet,
d’une p a rt, e t , d’autre p a rt, exagéré le reste de sa fortune ,
particulièrem ent les liquidations sur l’E ta t, qui depuis ont été
refusées. Il éprouva quelques chagrins d’avoir été trom pé, le
manifesta à sa Sœur, et se plaignit de ce qu’elle l’avoit engagé
dans une démarche qui faisoit un tort réel et irrévocable à ses
enfans.
L a dame de St. Mande répondit qu’elle avoit pris conseil ;
qu’il lui paroissoit inutile que son frère prit amnistie, parce que
Jérôme ne pouvoit frustrer ses frères, tous les avis étant que l'on
pourra lu i disputer ce q u 'il a , mais qu’il ne pourra, lu i, dis
puter à ses frères ce qu ’ils auront par m oi ; elle dit qu’elle sera
exposée aux tracasseries de Mme. A u b ier, « qui me fera inter« peller pour savoir s i j ’a i été ou non ton prête-nom ........Plus
« je vois tes idées s’em brouiller, et plus je tiendrai à ne pas
« me défaire du verger , quand môme tu resterois et accep
te terois l’amnistie. Je dois pour ma sûreté, pour l’utilité de
« mes n eveux, dire et soutenir que cet objet est à moi; tu
�C 21 )
« 'en auras le revenu ; au lieu que s’il est à t o i , tu n’en auras
cc bientôt plus un sou. »
Quelle lettre ! et combien toute seule elle prouve de choses!
La dame de St. Mande se garde bien de dire qu’elle n’est pas
la mandataire de son frère ; ses lettres, ses actes ne pouvoient
lui permettre un désaveu à cet égard. Mais elle use de finesse
pour se soustraire à l’effet du mandat ; elle engage son frère à ne
point solliciter son amnistie; elle cherche à dissiper les craintes
que sa disposition en faveur de Jérôme lui avoit inspirées; elle
lui fait penser qu’il a tout à redouter des tracasseries de son
épouse ;■elle craint d’étre obligée à'avouer à la justice qu’elle
a été son prête-nom; elle y glisse que, pour sa sûretc, elle dira
que le verger est à elle. Ainsi cette lettre est la plus forte preuve
du mandat. S’il n’eût point existé, la dame de St. Mande auroit
franchement déclaré que les biens lui appartenoient; elle con
vient , au contraire, qu’ils sont à M. Aubier ; et ce n’est qu'en
cas de discussion qu'elle se réserve de nier.
L ’amnistie de M. Aubier est du 10 septembre 1802.
Il parolt , par la correspondance , que les démarches de
M. Aubier à ce sujet étoient contraires aux conseils que lui
avoit donnés Mme. de St. Mande. Cela donna lieu à quelques
altercations épistolaires, au sujet desquelles la dame de SaintMande écriv it, le o septembre : « Je n’a i , vous le savez, jamais
« fait ni signé d’actes que ceux que vous avez im aginés, ré« digés, consultés, et a v o u s s e u l : ainsi il en arrivera ce qu’il
« plaira à Dieu dans la suite. Je ne mets aucune partialité dans
« toutes vos affaires : il m ’est indifférent pour qui en sera le
« succès. »
5
Le 8 juillet 1802, elle disoit : « Je n’étois que votre prête« nom et celui de vos enfans ; je ne l’ai jamais nié. N ’oubliez
« pas que c ’est vous qui avez choisi Lam onteilhe pour a i n i 5 ,
cc et cela depuis trois ans. »
Ces deux lettres 11e disent-elles pas suffisamment que la dame
de St. Mande n’agissoit que comme mandataire, dans les actes
v
�22
(
)
qu'elle prétend aujourd'hui lui appartenir? N ’e s t- c e point
M. Aubier qui a choisi son héritier ? n’est ce pas lui qui a tout
fa it, qui a im aginé, rédigé les actes? La dame de St. Mande
n’est-elle pas obligée de convenir qu’elle s’étoit contentée de
prêter son nom à ces difiérens arrangemens ? ne dit-elle pas
qu’ils lui étoient si étrangers , que le succès des différentes
contestations auxquelles ils peuvent donner lieu lui étoit abso
lument indifférent?
Le contrat de mariage de Jérôme Aubier-Lamonteilhe a été
suivi d’une subrogation que la dame de St. Mande lui f i t , du
domaine du Sauzet, toujours du consentement de M . A ubier,
Elle est postérieure au mariage de trois mois.
A l’occasion de cette subrogation , la dame de St. Mande
écrivoît : « Dans le cas que tu aies des raisons pour ne pas si« gner, je déclare qu'alors j e ne -veux pas q u e t u r e n d e s l ’acte
« a TO a fils , ne voulant absolument le faire qu’autant que tu
« signeras toi-même. »
Ainsi encore la dame de St. Mande avouoit la nécessité de
la signature de son frère ; elle craignoit les suites de tout en
gagement contracté sans sort consentement. Pourquoi ces crain
te s, si elle n’eût point été la mandataire de M. Aubier?
L e juillet 180 î , la dame de St. Mande écrivoit : « Je n’a i,
« mon fr è r e , ni demandé ni désiré le renvoi de mes lettres.
« Vous m’avez dit qu’un jour elles feroient preuve que j e n ’ètoisr
<c que votre prête-nom e t celui de vos enfans; j e n e l ’a i j a m a i s
5
« NIÉ. 5»
«
«
«
u
«
83
L e ao octobre i o , nouvelle lettre : « Vous avez eu six semaines pour voir vos papiers ; vous avez agi l i b r e m e n t , s e u l,
et en pleine connoissance de votre position....... Vous vous
êtes lié et m’avez liée. Si les actes sont illégaux, vos enfans
seront toujours à tem çs, après la mort de leur m è re , de les
faire annuller. »
Enfin, le 26 avril 1804, la dame de St. Mande disoit encore :
« Quant à l'acte fait, dites-vous, par m oi, à Lamonteilhe ,
�« avant ou après le mariage , rien n ’est plus /aux ; et sûrement
« vous ne le croyez pas vous-même. Je n’ai J a it et signé d ’actes
<c que ceux que vous m'avez dictés : je n ’a i et n ’aurai jam ais
« d ’intérêt à en fa ire d ’autre, et je ne comprends pas les motifs
cc que vous avez à m’en prêter. »
Nous terminons ici l’extrait de cette correspondance, et le
bornons à ce qui étoit indispensable pour prouver le mandat.
L ’on auroit pu ajouter à cette p reu ve, en rapprochant beaucoup
de faits consignés dans une foule d’autres lettres ; mais le sieur
A u b ier, animé du désir de ne rien écrire de désagréable à qui
que ce s o it, a cru d evo ir, pour le moment a c tu e l, se res
treindre aux faits qu’il vient de développer.
La dame de St. Mande s’étant plaint à M. A u b ier, par plu
sieurs de ses lettres, de ce qu’il tardoit trop à faire passer l’acte
de transmission du v e rg e r, tandis que d’autre part elle se relusoit à ce que 1 acte énonçât qu elle le lui transmettoit comme
ayant été sa m andataire, M. Aubier la Bt assigner à cet e ffet,
comme elle le désiroit, par exploit du avril 1811.
La dame de Lam onteilhe, contre laquelle M. Aubier ne dirigeoit aucune demande , est intervenue dans la contestation,
pour em pêcher, d it-e lle , que la dame de St. Mande ne çoit
considérée comme le prête-nom de son frère.
Ces deux dames ont plaidé conjointement au tribunal civil
de Clermont ; un mémoire a été imprimé sous leur nom , et
elles n’ont pas craint d'y invoquer toutes les dispositions des
lois sur les émigrés, et d’en demander l’application contre leur
frère et beau-père.
3
Un jugement du 20 mars 1812 a accueilli la demande de
M. A ubier, et a réjeté l'intervention de la veuve Lam onteilhe,
parce que les actes qui lui ont transféré le domaine du S a u z e t
ne sont point attaqués.
Il y a appel de ce jugement.
En la C o u r, les appelantes divisent leurs défenses.
Quels peuvent être leurs moyens ?
�( H )
Quant à la dame de St. M an de, il est impossible q u elle ne
reconnoisse pas qu’elle a agi comme m andataire, lors de l’ad
judication des biens qui appartenoient à M. Aubier, son frère;
ses lettres, les actes qui les ont suivi, ne laissent aucun doute
sur ce fait; elle ne peut le désavouer.
Il est également évident que le mandat avoit été donné par
M. Aubier ; les mêmes lettres l’établissent : elles parlent de
procurations envoyées à différentes époques, et toujours pour
le même objet ; elles s’expliquent sur les suites qu’ont eues ces
procurations ; et comme la dame de St. Mande ne prouve pas
qu’elle ait reçu de mandats d’autres personnes que de son frère,
il faut qu’elle convienne que si elle a été liée envers quelqu’un
par cette espèce de contrat, ce ne peut être qu’envers M. Aubier
père. La transmission qu’elle a faite à Jérôme ne change rien ;
les actes qui ont eu lieu ne sont que la suite du mandat qu’avoit
accepté la dame de St. Mande; c ’est toujours en exécution des
volontés de son frè re , et pour son fr è r e , qu’elle a agi : tous ces
actes sont faits du consentement de ce dernier; conséquemment
ils lui appartiennent, et lui seul doit en garantir l’exécution,
ou en provoquer la nullité.
Quant à la veuve Lam onteilhe, elle n’a point d’intérêt dans
la cause.
D ’abord , M. Aubier n’a formé contre elle aucune de
mande : il a toujours respecté les engagemens qu’il a pris ; il
est même obligé de garantir la transmission qui a été faite à
son m ari, du bien du Sauzet : mais s’il pouvoit s’élever quelques
difficultés , elles ne naltroient qu’au décès de M. A u b ie r, et
entre ses enfans.
En supposant que la dame Lamonteilhe osAt soutenir que sa
tante étoit la mandataire de Jérôme A u b ie r, pour le domaine
du Sauzet, au moins n’oseroit-elle pas aller jusqu’à prétendre quo
son mandat portoit sur tous les biens de M. Aubier. Dès-lors,
le verger ne seroit point compris dans ce»mandat ; et comme
il aeroit au moins certain q u e , sous ce rapport , la dame do
�25
(
)
St. Mande auroit été la mandataire de son fr è r e , il resteroit
également pour constant que la dame de Lamonteilhe n’avoit
ni qualité ni intérêt pour intervenir dans un procès dont l’objet
étoit d’obtenir le délaissement de propriétés qui ne lui ont jamais
appartenu.
Outre ce m oyen, qui seul est déterminant dans la cau se, ne
s’en élève-t-il pas un foule d’autres contre la dame de Lamonteilhe?
E t d’abord, cette dame parolt craindre que les enfans Aubier
ne viennent, par voie de retranchem ent, prendre leur légitime
sur le bien du Sauzet ; mais ne voit-elle pas qu’elle a de plus
grands dangers à courir du côté des enfans de la dame de SaintBlande ?
En e ffe t, si elle a acquis pour e lle -m ê m e , il est évident
q u e lle n’a pas pu disposer de la presque totalité de sa fortune,
et qu’alors ses propres enfans viendront reprendre entre les
mains de madame de Lamonteilhe la plus grande partie du do
maine qui lui a été transmis.
Q ue l’on aille plus loin , et que l’on suppose , si l’on v e u t,
que madame de St. Mande n’a pas été la mandataire de son
frère : au m oins, comme il est certain qu’elle a été mandataire
de quelqu’un, il faudra bien que l’on recherche qui lui a donné
<ce mandat. Eh biei^J si ce n’est point le père s e u l, ce n’est
nonjilus Jérôme seul. Ç e dernier n’étoit rien à l’origine du
mandat; et l’acte du 8 mai '1801 n’en a fait que le représentant
dé toute la famille. S*il-figüre hypothétiquement dans le compte
du mandat, q u ia été.tehdH à*«on père*', il y assiste autant pour
ses frères que pour lui-même. Dans.cette position, tous les avan* tages qui-lui çnt été faits seroient absolument nuls. M. Aubier
■pèrÊ n’.autoiti pu disposer de biens dont il n’étoit plus proprié'ta irfti Mm
.e-.deSt. Mande n’auroit pu Yransmettre à Jérôme seul
c e q u elle avoît acquis pïmr les trois frères ; et les deux autres
qui étoient représentés par Jérôme , et qui même avoient
envoyé leur acquiescement à la décharge du compte rendu
�(
2
6
)
à leur père, auroient aujourd’hui le droit de demander chacun,
et dés à présent, le tiers du Sauzet.
Il seroit facile d’ajouter d’autres réflexions qui démontreroient
de plus en plus que les prétentions de la dame Lamonteilhe sont
en contradiction directe avec les intérêts bien entendus de ses
enfans. Mais comme l’on ne s’est proposé, dans ce résum é,
d’autre but que celui de donner l’extrait des faits de la cause,
et spécialement de ceux servant à établir que la dame de SaintMande n’a agi que comme m andataire, qu’elle tenoit son
mandat de M. A ubier, que c ’est à lui seul qu’elle doit faire la
transmission des biens qu’elle a acq uis, l’on croit devoir s’abs
tenir de toutes discussions, se référant, à cet égard, aux moyens
développés dans la consultation, et qui seront reproduits lors de
la plaidoirie de la cause.
Signe A U B I E R père.
M e. JN. C H. B A Y L E ,
avocat.
M e. D E V É Z E , avoué licencié.
9
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A RIOM, de l’imp. de T H I B A U D , Im prîm . de la C o u r Im périale, et lib ra ire ,
r u e des T a u le s, m aison L a n d r i o t . — Juillet1 8 1 2 .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, Emmanuel. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Aubier
Bayle
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Résumé pour M. Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, ancien magistrat, demeurant en la ville de Clermont, intimé ; contre Dame Marie-Françoise Aubier, épouse de Benoît Fabre de Saint Mande, autorisée par justice, et le sieur de Saint Mande, son mari, appelans ; et encore contre Dame Marie-Claudine de Champflour, veuve de sieur Jérôme-Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, tant en son nom qu'en qualité de tutrice de leurs deux enfans mineurs, appelante.
note manuscrite : « 1er août 1812, 2éme chambre, arrêt…. »
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2127
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53423/BCU_Factums_G2127.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53422/BCU_Factums_G2126.pdf
70500c959a031c6a0b4c0c89fc07d92c
PDF Text
Text
C ONSULTATION
[!;.:■ C, P
COUR
-/IMPERIALE
D E RIOM.
2 e . CHAMBRE.
L
e
c o n s e il
s o u s s ig n é
,
Après lecture du jugement contradictoire, rendu au tribunal
civil de Clermont-Ferrand, le 2 0 mars 1 8 1 2 , entre M . A u b i e r L a m o n t e i l h e p è r e , d’une part ; M. et M me. d e S a i n t - M a n d e ,
son beau-frère et sa sœ ur, et la d a m e C h a m p f l o u r , veuve
L a m o n t e i l h e , sa belle-fille, d’autre part;
C onsulté , 1°. sur la manière dont la transmission du GrandV erger, situé à Montferrand, que réclame M. Aubier, doit être
opérée pour être irrévocable ;
20. Sur l’intervention de la dame Champflour, veuve Lamon
teilhe ;
que M. Aubier doit attendre avec sécurité la décision
de la Cour impériale de R io m , sur l’appel interjeté par M. et
Mme. de Saint-M ande, et par la dame veuve Lamonteilhe , du
jugement sus-énoncé.
E stim e
1°. M. et Mme. de Saint-Mande ne refusent pas de transmettre
a M. Aubier la pleine propriété du Grand-Verger : les conclu
sions im prim ées, signifiées en prem ière instance, en contiennent
l’offre précise.
�Mais M. et Mme. de Saint-Mande, après avoir dit que jam ais
ils rion t refusé au sieur slu bier de lu i passer acte devant no
ta ire, et à ses f r a i s , ajoutent : Pourvu que le sieur A ubier ne
donnât point dans cet acte , à la dame sa sœ ur, les fausses
qualités de prête-nom et de mandataire.
A in si, M. et M me. de Saint-Mande attachent à la transmission
du V erger, la condition qu’elle ne sera point faite de la part de
la dame de Saint-M ande, comme ayant été la mandataire de
M. Aubier dans.; l'acquisition qu’elle en a faite de la nation.
Cependant la transmission offerte par M. et Mm*. de SaintMande doit avoir une cause : pourquoi ne pas vouloir exprimer
la véritable, la seule cause qui y donne lieu? M. Aubier doit
compter sans doute sur la délicatesse de M. et M” e. de SaintMande ; sans doute ils ne cherchent point à rendre illusoire la
transmission qu’ils lui feraient ; mais beaucoup trop d’inconvé*;
niens, étrangers même à M. et.Mme- de Saint-Mande, pourraient,
résulter d’une subrogation à la propriété du V erger, qui serait
faite sans cause, ou qui aurait une cause autre que celle qui
existe réellem ent, pour que M. Aubier ne doive pas persister
h demander une transmission à sa sœur, cpmme.n’ayant acquis
que pour lu i, d’après les pouvoirs qu’il lui avait.donnés .et qu’ellft.
ayait acceptés.
*
L ’existence d’un mandat entre M. Aubier et M me. de Saint) Mande, ne saurait être problématique.
L e contrat de mandat peut se former sans qu’il intervienne
aucune déclaration expresse de la volonté des parties. Il peut
être donné par lettres, et son acceptation peut résulter de
1 exécution qu’il a reçue de la part du mandataire. Pothier,
Traité du contrat de m a n d a t, chap. i er- > section 5 , nos. 28
et 29. — Code N apoléon, art. i g 85..
O r , le fciandat donné par M. A u b ier, son acceptation par
M me. de Saint-Mande, sont établis, non-seulement par les lettres
de M me. de Saint-Mande, que rapporte M. A ubier, mais encore
«
�( 3 )
f?
par les différens actes passés dans la famille depuis le retour de
M. A ubier, et surtout par l’acte du 18 floréal an g ( 8 mai 1801 ).
Les expressions de ces lettres, de ces actes, sont claires; et il
en sort positivement que ce n’était que pour M. Aubier que
M 1,,e. de S a i n t - M a n d e , d’après les pouvoirs cju’elle avait reçus
de lu i, se rendit adjudicataire des biens qui lui appartenaient,
vendus par la nation.
<
M. et Mme. de Saint-Mande ont contesté faiblem ent, en point
de fait, l’existence du mandat. Ils se sont retranchés sur le point
de droit ; et c ’est sur le point de droit cjue M. Aubier demande
particulièrement l’avis du Conseil.
La loi du 28 mars 179D avait déclaré les émigrés banrtis à
perpétuité du territoire fr a n ç a is , et morts civilement. Suivant
la même lo i, tous les biens des émigrés étaient acquis à la répu
blique. La loi du 12 ventôse an JB, relativement au!x émigrés
avant le 4 nivôse an 8, confirma le principe qu’ils ne pouvaient
-invoquer le droit civil des Français,
M. Aubier ayant été inscrit sur la liste des émigrés le 7 floréal
an a , a-t-il pu ensuite donner à Mn,e. de Saint-Mande un mandat
à l’effet d’acquérir pour lui ceux de ses biens séquestrés qui
seraient vendus par la nation?
Mn,e. de Saint-Mande a-t-elle été liée par l’acceptation et l’exé
cution de ce mandat?
M. et M'ne. de Sàint-Mande soutiennent la négative.
Il est facile d’é ta b lir, d’après les principes élémentaires du
droit, et d’après la jurisprudence,
Q ue le mandat est du nombre des conti-ats du droit des gens ;
Que les émigrés étaient capables de tous les actes qui dérivent
de ce droit :
D ’où se tirera la conséquence que M.' Aubier et M me. de Saint-
?
r V .;
�C4)
Mande étaient respectivement liés par le mandat donné par l’un
et accepté par l’autre.
On a distingué, dans toutes les législations, le droit des gens,
du droit civil.
Les hommes forment différentes sociétés. Il existe des relations
entr’eu x , soit qu’ils fassent partie de la même société, soit qu’ils
fassent partie de sociétés différentes. C ’est comme hommes, et
non comme citoyens d’un é ta t, qu’on doit alors les considérer.
Sous ce rapport, les hommes sont régis par des régies générales,
qui ont été puisées dans la nature, et qu’ils observent tous éga
lem ent, sans qu’elles soient soumises, quant à leur substance,
à aucunes formes particulières.
Ces règles constituent le droit des gens. Qnod naturalis ratiointer omnes homines constitu.it, id apud omnes perœque custo d itu r, 'vocaturque ju s gentium , quasi quo jure ovines gentes
utantur. Instit. de jur. nat. gent. et c i v ., §. i er.
Chaque société, indépendamment des régies universelles, est
soumise aux règles particulières qui ont été établies spéciale
ment pour les hommes qui la com posent, ou q u i , communes
à tous dans leur principe, reçoivent des modifications pour cette
société ; règles particulières qui peuvent faire dépendre la vali
dité des actes qu’elles autorisent, de certaines formalités ou con
ditions qu’elles imposent.
Ces règles constituent le droit civil. Quod quisqitc populus
ipse sibi ju s constituit, id ipsius propriurn civitatis.est, -vocaturque ju s civile , quasi ju s proprium ipsius civitatis. Ibid.
Les relations entre les hommes de différens états devaient
avoir particulièrement pour objet la vente , le louage , le p r ê t,
le commerce, le m andat, la société , le d ép ô t, etc. Aussi les lois,
contiennent-elles l’énumération des contrats , comme tenant en
général au droit des gens. E t e x hoc jure gentium omnes petic
contractus introdueti s u n t, ut emptio et v en d itio , locatio eù
�’
5 }
concluctio , societas , depositum , m utuum , et a lii innumerabiles. Ibid. § 2.
L. 5 , ff. D e justit. et fur. — L. i 5 , ff. D e
interdict. et releg. et déport,
Les adversaires de M. Aubier ont soutenu en première ins
tance , et dans les conclusions imprimées , que le mandat est
un acte qui appartient au droit civil.
Les lois citées ne font pas , à la v é rité , une mention parti
culière du m a n d a t, dans les contrats qu elles disent avoir été
introduits par le droit des gens ; mais serait-il possible que le
mandat ne fût point compris dans ces expressions employées
dans les lo is, et a lii innumerabiles, et caetera sim ilia ?
L e mandat est de sa nature un contrat de bienfaisance, un
contrat qui repose sur la confiance qu’une des parties a dans
1 autre. Il est gratu it, à moins de convention contraire, et le man
dataire fait un office d’ami. A ces caractères on doit reconnaître
un contrat du droit des gens.
D ’ailleurs, le mandat se rattache le plus ordinairement aux
contrats dont parlent les lois , tels que la vente , l’échange , etc.
Un étranger ne peut souvent acquérir et vendre que par le
ministère d’un tie rs, à cause de la distance où il se trouve du
lieu de la vente. Pourrait-il ne pas charger ce tiers de traiter
pour lui? sa présence serait-elle une condition inhérente à la
capacité que la loi lui donne? et en étendant cette réflexion aux
émigrés , q u i, comme on l’établira bien tôt, pouvaient consentir
tous les actes du droit des gen s, n’aurait-ce pas été les en pri
ver que de les obliger à traiter en personne, eux q u i, d’après
la loi du 28 mars 1793, étaient bannis à perpétuité, et ne pou
va ie n t, sous peine de m ort, enfreindre le bannissement?
Le mandat est donc essentiellement un contrat du droit de*
gens. Aussi les auteurs qui ont eu occasion de s’en expliquer ,
ne se sont même pas fait de difficulté à cet égard.
« Le contrat de mandat est de la classe de ceux qu’on appelle
« contrats du droit des gens y contractus ju n s gcntium ; il se
3
�(6 )
« régit par les règles du droit naturel. L e droit civil ne l ’a
« assujéti à aucunes form es, ni à aucunes règles qui lui soient
« particulières, » P o th ier, du contrat du m andat, cliap. i er. ,
section i erc. , n°. 2.
v L e mandat est de la classe des contrats du droit des gens;
« il n’est assujéti à aucune forme ni à aucune règle qui lui soit
cc particulière. Il est aussi-du nombre dés contrats de bienfai« sance, etc. » Répertoire de jurisprudence, au mot M a n d a t,
§. i er., n°. xer.
>
« Le droit des gens est celui qui lie tous les hommes en gé« n é ra l, abstraction faite des sociétés politiques auxquelles
« chacun d’eux peut appartenir. Les actes qui émanent de ce
« droit sont ceux qui établissent des relations entr’e u x , tels
« que la •vente , le dépôt, la société, le p rêt, le m a n d a t etc. »
M. Grenier, Traité des donations et testamens, discours histo
riqu e, page i ere.
,
\
Après avoir établi que le mandat doit être rangé parmi les
contrats du droit des g en s, examinons si les émigrés pouvaient
consentir des pareils contrats.
Les lois prononçaient contre les ém igrés, le bannissement à
perpétuité et la mort civile. O r, dans le droit romain, comme
dans l’ancien droit français, la mort civile, résultant de la dépor
tation ou du bannissement perpétuel, n’emportait que la perte
des droits civils. Les bannis, morts civilem ent, restaient capa
bles de tous les actes du droit des gens.
On trouve ce principe dans la loi i 5 , ff. D e interdictis et
relegatis et deportatis, déjà citée. Deportatus civitatem am ittit,
non llbertatern ; et speciali quidem ju re civitatis non f ru itu r,
ju re tamen gentium utitur.
R icher, dans son Traité de la mort civ ile, page ao 5 , après
avoir dit que , suivant les lois romaines, il est certain que la mort
civile ii’empéchait point d’acquérir à titre onéreux, et de vendre
%
�(7 )
ce qu’on avait acquis; qu’en un m ot, elle ne portait aucune
atteinte à la capacité active et passive, par rapport à ces sortes
de contrats , ajoute :
« T elle était la jurisprudence des Romains sur cette matière ;
« et nos auteurs décident presque tous unanimement que la
« même chose s’observe parmi n ou s, et que celui qui est mort
cc civilement peut jouir des biens par lui acquis depuis sa mort
« civile encourue.
« Carondas , en ses observations , au mot b a n n i, rapporte un
ce arrêt du 5 juillet i 558 , qui a jugé qu’un homme banni à per
te pétuité hors du royaume pouvait trafiquer en France par cor« resporidant, n’étant pas de pire condition qu’un étranger, et
« n’étant pas mort civilement à l’égard du pays où il demeure,
cc O r , cette permission de trafiquer renferme nécessairement
« les facultés qui constituent le trafic, c ’est-à-dire, d’aliéner
« et d’acquérir.
« Lebrun , en son Traité des successions , livre i er. , cliap. 2 ,
« section 2, n°. 9 , dit qu’on succède aux acquisitions faites
cc par un homme condamné au bannissement perpétuel, depuis
cc sa condamnation exécutée : d’où il suit que cet auteur concc vient qu’un homme en cet état peut acquérir. »
Richer pense néanmoins que pour décider de la capacité de
ceux qui sont dans les liens de la mort civile , même par rapport
aux contrats du droit des gens, il faut distinguer les causes qui
opèrent la mort civile. A in si, si elle provient d’une condamnation
à mort naturelle prononcée par coutum ace, il incline à croire
qu’elle ne laisse pas à celui qui l’a encourue, la faculté de con
tracter , au moins dans le royaume.
cc Mais il n’en est pas de m êm e, d it-il, à l’égard de ceux
cc qui n’ont été condamnés qu’à une peine q u i, en leur laissant
cc la v ie , les retranche du nombre des citoyens , comme les gâ
te 1ères ou le bannissement à perpétuité. La justice a cru devoir
cc leur laisser la faculté de vivre. Elle leur a enlevé l’être c iv il,
ce mais elle leur a laissé l’être p hysique, même l’être moral.
4
•
�« N ’ayant pas voulu le leur en lever, elle tolère qu’ils usent des
« moyens qu’ils peuvent tirer de leur industrie, pour se le
« conserver. »
Despeisses, tome 2, page 683 , en rapportant l’arrét du 5 juillet
i 558 , cité par Richer d’après Carondas, enseigne le même prin
cipe.
« L e banny à perpétuité, dit cet a u te u r, s’estant retiré en
« autre pays, y peut user du droict commun. Ainsi un tel banny
« ayant envoyé des marchandises en France pour les y faire
« vendre par sa fem m e, et le procureur du roi les ayant fait
« saisir, par arrest du parlement de Paris, du 5 juillet i 558 ,
« elle en eust main-levée contre le procureur du roi ; car il ne
« doit pas estre de pire condition que l’estranger, et partant
« audit pays il peut contracter, etc. »
On lit dans le Recueil de jurisprudence civile, deRousseaudLacom be, au mot Bannissement, n°. 3 , qu’i l n y a que les bannis
à perpétuité du royaume q u i soient morts civilement.__q u ’ils
retiennent ce qui est du droit des gens...... q u ’ils peuvent tra
fiqu er en France par correspondans. Rousseaud-Lacombe cite
Legrand , sur l’article i 35 de la coutume de Troyes , glos. uniq. r
n05. 54 et 35 , et l’arrét du 5 juillet z 558»
Si dans le droit rom ain, et dans Tancien droit français, le
banni à perpétuité pouvait faire tous les actes du droit des gens,
l’ém igré, sous l’empire de la loi du 28 mars 1793, aurait-il pu
ne pas avoir la même capacité?
Sans contredit, suivant les lois d’alors, l’émigration était con
sidérée comme un grand crim e; mais c ’était un crime politique
qui portait atteinte aux lois particulières de la F ran ce, sans
porter atteinte aux lois universelles et fondamentales reconnues
par toutes les nations, et q u i , comme on l’a vu , forment le
droit des gens. A u x termes de la loi du 12 ventôse an 8 , les
émigrés ne pouvaient invoquer le droit civil des Français. La
peine de l’éinigration était donc bornée à la perte des droits
civils.
�( 9 ); . .
Et comment pourrait-on aujourd’hui lui donner plus d’exten
sion ?
La mort civile encourue par suite de condamnations judi
ciaires , et pour crimes que toutes les nations punissent égale
m ent, ne prive pas néanmoins ceux contre lesquels elle a été
prononcée , de la capacité de contracter. Celui q u i, à cause de
ses opinions, fut forcé de s’expatrier , serait-il traité avec plus
de rigueur ?
Ajoutons que la position de M. Aubier lui imposait la néces
sité d’une fuite q u i , de la part de beaucoup d’autres , était vo
lontaire. Les 11 et 20 août 1792, des mandats d’arrét avaient é té
décernés contre lui par le comité révolutionnaire de Paris. Ses
co-accusés périrent peu de jours après sur l’échafaud.
- Les anciens principes sur les effets de la mort civile n’ont
donc reçu aucun changement par rapport aux émigrés. La Cour
de cassation l’a ainsi décidé par d iffé r e n s arrêts. Il y a p lu s, la
Cour de cassation a jugé que les peines portées par la loi du 28
mars 1795, et les lois subséquentes , n’avaient été établies quo
dans l’intérét de la nation.
Les arrêts de la Cour de cassation, qui sont en date' des 24
germinal an 4 , 20 fructidor an 1 1 , i 5 ventôse an 12 , 28 frimaire
an i 3 , et 28 juin 1808 , ont été rendu s, les uns contre des
émigrés qui demandaient la nullité d’actes par eux consentis
pendant leur inscription ; les autres en leur faveur (1).
Nous nous bornerons à citer quelques-uns des motifs des deux
derniers arrêts.
1.
«
et
«
cc
« Attendu , porte celui du 28 frimaire an i 3 , que les
sitions prohibitives des lois des 28 mars et 26 juillet
ne sont relatives qu’il l'intérêt n a tio n a l, et que par
quent l’émigré , auteur de l’aliénation, ainsi que ses
sentans , sont non recevables à s’en prévaloir ; — q u e
dispo1793 ?
consérepréla dis-
(1) V o y . le Journal de D encvcrs, volume Je l’an 12, png. 97 et 44 1 > vol. de
l’an i 3 , Pag- 17^5 e*
1808', pag. 368 .
H *.
�et
«
cc
«
«
«
position de la loi du 12 ventôse an 8 , qui veut que ceux qui
étoient considérés comme émigrés avant le 4 nivôse an 8 , ne
puissent invoquer le droit civil des Français , ne peut s’appliquer qu'aux actes qui dérivent uniquement de la lo i civile
et du droit de cité , et que dans l’espèce il s’agit d’une vente ,
espèce de contrat qui est du droit naturel et des gens, »
« Attendu , porte également l’arrét du 28 juin 1808, que la
cc mort civile prononcée contre les émigrés par la loi du 28 mars
« 1795, ne leur interdisait que les actes dérivant du droit de
ce cité , et non ceux dérivant du droit naturel et des gens , tels
« que les acquisitions et oblig ation s........... »
La Cour de cassation a fait l’application du même principe,
dans un sens plus favorable encore aux émigrés.
P a r u n arrêt du 17 août 1809, elle a jugé qu’un émigré qui
avait vendu un i m m e u b l e , av a it p u , avant sa radiation, exer
cer l’action en rescision pour cause de lésion d’outre-m oitié,
et ester en jugement sans l ’assistance d’un curateur ; « Consi« dérant que la mort civile n’interdit aux individus qui en sont
c< frappés , que l’exercice des droits et actions q u i dérivent
« du droit civil; qu’aucune loi expresse, avant la promulgation
« du Code Napoléon , ne privait ces individus des droits et
« actions qui dérivent du droit des gens ; — Considérant que « la vente étant un contrat du droit des g en s, l’action en payecc ment du juste prix résultante de ce contrat, dérive nécessai
re rement du même droit des gens; — Considérant qu’à l’époque
« de la vente dont il s’a g it, comme à l’époque de l’action en res
te cision, le vendeur était inscrit sur la liste des émigrés, sans que
te l’ o b je t vendu ait été séquestré; — Considérant que celui qui a
ce droit de vendre, a conséquemment le droit d’exiger le prix... j>
C et arrêt est rapporté , précédé des conclusions conformes
de M. le Procureur-général M erlin, dans le Recueil des ques
tions de droit de ce m agistrat, au mot M ort civ ile , §. 3.
La jurisprudence constante de la Cour de cassation ne laisse
pas de doute sur la capacité qu’avaient les émigrés de consentir
�C
)
tous les actes du droit des gens ; et le mandat est du nombre
de ces actes. Mais on.peut citer un arrêt rendu même pour le
cas particulier du mandat.
Le 2 septembre 1807 , la Cour de cassation a décidé « que les
« émigrés ne peuvent exciper de la mort civile dont ils ont été
«c frappés, pour faire annuller les actes par eux fa its , ou par
« leurs fondes de pouvoirs, pendant la durée de cet é ta t( i) . »
Ce qui a été jugé contre les ém igrés, l ’aurait été contre les
tiers qui avaient traité avec le mandataire, si la nullité des actes
avait été demandée par eux ; et cela surtout d après le prin
cipe consigné dans l'arrêt du 28 frimaire an i 3 , que les disposi
tions prohibitives des lois sur Immigration n’étaient relatives qu’à
l’intérét national.
Quoi qu’il en soit, il résulte évidemment de l’arrêt du 2 sep
tembre 1807 , que les émigrés étaient légalement représentés par
des fondés de pouvoir dans les actes qui leur étaient permis.
L ’arrét du 5 juillet i 558 avait jugé la même chose, à l’égard
des bannis à perpétuité, en décidant qu’ils pouvaient trafiquer
par correspondans.
M. et Mme. de Saint-Mande font une objection fondée sur
l’article 20o5 du Code Napoléon , d’après lequel le mandat finit
par la mort naturelle ou civile soit du matidant, soit du manda
taire ; ils en concluent que l’individu mort civilem ent ne peut
pas constituer de mandat.
Cette conséquence n’est pas ju ste, et l’article 2003 du Codo
ne fournit aucune induction contre M. Aubier.
Il est hors de doute que la mort civile dépouille celui qui l’a
encourue de tous les biens et droits qu’il possède ; il ne peut plus
exercer d’action contre personne, et personne ne peut en exercer
contre lui.
Mais il faut bien distinguer les biens et droits que le mort
(1) V o y . le Journal de D cncvers, vol. tic 1807, p^S'
4**o.
�( 12 )
civilem ent possédait avant d’avoir encouru la mort c iv ile , des
biens et droits qu’il acquiert par la suite.
A l’égard de ces derniers, il est comme s’il n’était pas mort
civilem ent ; il peut en jouir, et il a le droit d’exercer les actions
qui en naissent. C ’est le résultat de ce que dit R iclier, pages 2.0S
et a 5o , et de l’arrêt du 17 août 1809.
O r, de même que le mort civilem ent peut, après la mort civile
encourue, acquérir, vendre et intenter des actions relativement
aux objets dont il est devenu propriétaire ; de m êm e, après la
mort civile encourue, il peut constituer un mandat.
Un mandat donné par un individu peut avoir pris fin dès l’ins
tant de sa mort civ ile, par la môme raison que cet individu a
été dépouillé de tous ses droits et actions généralement quel
conques. Mais un mandat donné pendant la mort civile a obligé
celui qui l’a donné et celui qui l'a re ç u , par la même raison
qu’une vente, ou tout autre contrat, aurait produit des obli
gations réciproques entre le mort civilem ent e t l’autre partie con
tractante.
D ’après c e la , dire qu’un individu mort civilement ne peut pas
constituer de m andat, parce que la loi prononce l’extinction
du mandat par la mort civile, c ’est comme si l’on disait que le
même individu ne peut pas acquérir de b ien s, parce que la loi
le dépouille de tous ceux qu’il a.
C ependant, des acquisitions sont permises pendant la mort
civile. Le mandat l’est également, soit parce que deux contrats
d e la même nature 11e peuvent être régis par des règles diffé
rentes , soit parce q u e , ainsi que la remarque en a déjà été faite,
le mandat se rattache ordinairement à la vente et aux contrats
de la même esp è ce , et que presque tous les individus qui ne
6eraient pas capables du m andat, seraient privés du bénéfice
des autres contrats.
Au reste , la Cour de cassation , par son arrêt du a septembre
1807, a précisément jugé que le mandat donné par un individu
Avant son émigration n’avait point fini, h son égard, par la mort
%
�C *3 )
civile qu’il avait encourue. L ’engagement étant réciproque, le
mandat n’a pas dû prendre fin à l’égard du m andataire, plus
qu’à l’égard du mandant.
Si donc le mandant et le mandataire étaient liés par le mandat
donné et accepté avant l’émigration , à plus forte raison ils
doivent l’étre par le mandat donné et accepté pendant l’ém i
gration.
C ’est le cas dans lequel se trouvent M. Aubier et Mme; de SaintMande.
Il s’ensuit que M. Aubier a contre Mme. de Saint-Mande ,
< l’action appelée en droit manclati directa , de même que M me. de
Saint-Mande a contre lui l’action m andati contraria.
Il s’ensuit que Mme. de Saint-Mande doit à M. Aubier la trans
mission du Verger qu’il réclam e, comme ayant été sa manda
taire à l’effet de racheter cet héritage pour son compte ; et que
le jugement du tribunal civil de Clerm ont, qui a ordonné ainsi
cette transmission, doit être c o n f i r m é p a r la C o u r .
Il
reste à répondre à un moyen qu’on a fait valoir pour M. et
Mme. de Saint-Mande ; moyen qui n’a pas trait à la question qui
vient d’être discutée, et qui porte sur un défaut d’intérêt de la
part de M. Aubier.
uQu’im porte, d it-on , que ce soit à titre de mandataire, ou à
tout autre titre , que M««e. de Saint-Mande transmette à M. A u
bier la pleine propriété du Grand-Verger?
La propriété du Verger ne doit pas être incertaine. Doit-elle
rester sur la tête de Mme. de Saint-Mande, ou passer sur la tête
de M. Aubier? Mme. de Saint-Mande, on n’en doute p a s, est pour
ce dernier parti. Eh bien ! si la propriété du Vet-ger doit passer
sur la tête de M. A u b ier, elle doit y passer sans restriction ; et
il ne faut pas qu’après la transmission, on puisse douter encore
si M. Aubier est, ou n o n , le véritable propriétaire.
O r, quel serait l’effet d’une transmission pure et simple?
On ne pourrait la considérer que comme une libéralité, i
�(
}
Cela posé, Mme. de Saint-Mande, qui avait acquis le bien du
Saulzet, comme le V<rger de M ontfenand, en a transmis la
propriété au sieur l.amonteilhe fils; et cette transmission, si
M me. de Saint-Mande n’était pas jugée la mandataire de M. Aubier,
paraîtrait n’avoir été qu’uae donation de sa part en faveur du
sieur Lainonteillie, de même que la transmission du Verger pa
raîtrait n’étre qu’une donation en faveur de M. Aubier.
Par la transmission du bien du Saulzet, Mme. de Saint-Mande
n’avait-ellc point épuisé la faculté de disposer que lui donnait
la loi?
T elle est la question qui serait élevée après le décès de Mme. de
Saint-Mande, par des héritiers ayant droit de réserve, et qui
pourrait l’étre notamment au nom de mineurs , dans l’intérét
desquels leurs tuteurs devraient, sous leur responsabilité per
sonnelle, scruter les actes passés dans la fam ille; et l’on croit
devoir dire , d’après les faits constans et avoués dans les m é
moires imprimés, que cette question ne pourrait être décidée
à l’avantage de M. Aubier ou de ses héritiers.
A insi, M. Aubier serait obligé de rendre le V erger, qui ren
trerait dans les mains des héritiers de Mme. de Saint-Mande.
M. Aubier devait prévoir cette circonstance. Il a donc agi
prudem m ent, pour lui et pour ses enfans, en n’acceptant pas
une transmission pure et simple du V erger, que Mme. de SaintMande a acquis pour son compte. Son intérêt est évid en t, tandis
que Mn,e. de Saint-Mande , d’après les bonnes intentions qu’elle
a manifestées , n’en a absolument aucun pour persister à de
mander que le titre de mandataire ne lui soit point donné dans
1 acte de transmission.
1
4
2°. Mais la veuve du iils de M. A ubier, la dame Chainpflour,
veuve Lamonteilhe , fa it, en qualité de tutrice de ses enfans,
cause commune avec M. et M0“ . de Saint-Mande; elle est inter
venue dans la contestation.
L e sieur Aubier-Lamonteilhe fils, par son contrat de mariage
�C 1 5 -)
avec la dnme Champflonr, du 11 prairial an 9 , se constitua en
toute propriété le bien et domaine qui lu i appartenait dans le
lieu du Saulzet.
Le domaine du Saulzet appartenait à M. Aubier p è r e , et „
ainsi qu’on vient de le v o ir, il avait été acquis par Mme. de SaintMande, de même que le Verger de MontferrancL t
Ce domaine a été transmis au sieur. Aubier-Lamonteilhe , de
la part de Mme. de Saint-Mande, par des actes auxquels M. Aubier
père a concouru, et qui ont été passés en sa présence, et de son
consentement spécial.
La dame Cham pflour, veuve Lamonteilhe , craint que les
droits de ses enfans ne soient lé sé s, si M. Aubier, parvient à
obtenir la transmission du Verger de M ontferrand,,au titre qu’il
la réclame. C ’est, du moins là le prétexte de son intervention.
Le tribunal civil de Clermont a jugé que cette intervention,
était sans intérêt , « attendu que l’acte du 8 mai 1801,, et la
« subrogation du domaine du Saulzet , ne sont point attaqués,,
« et que toutes discussions à cet égard,seraient prématurées. »
Ces motifs sont décisifs.
La dame v e u v e Lam onteilhe, au nom de ses enfans',, e st en
possession du domaine du Saulzet. M. Aubier a toujours dittqu’iL,
entendait respecter les actes qui avaitnt.étéf passés; il ne de
mande rien à la dame veuve Lamonteilhe (a.)..
(t) Non-seulem ent je n’ai jamais attaqué la subrogation de Sau lzet, mais
m êm e, en tout t. ntps , j’ai offert.de ht ratifier; 11.depuis ma réclamation du
V e rg e r, j’ai signé chez M. Favart, médiateur, une ratification de la subroga
tion de SaulzU. Elle a été imprimée en première instance, à la fin de l’exposé
des
Cela n’a pas empêché M n>e. Lamonteilhe d’assnrcr, dans un mémoire im
prime’ , . ft signé d’elle, que je travaillaistà dépouillerim es;petites-filles de la
moitié de Saulzet, pour vendre cçttc moitié., et fdire-jrctombcr isuf l ’autre Ja
légitime de ses deux beaux-frères.
AUD
1E R
père.
�C 16 )
On dit pour M me. Lamonteilhe :
Etant jugé que M,ne. de Saint-Mande n’a été que la manda
taire de M. A u b ier, à l’effet de racheter ses biens séquestrés ,
il sera jugé que le domaine du Saulzet provient directement de
M. A u bier, que le sieur Lamonteilhe le tient de lui. Par suite,
ses enfans venant à la succession de M. Aubier , devront le
rapport de ce domaine ; ils auront tout au moins à craindre
l’action en retranchement pour la réserve des autres enfans de
M. Aubier.
En premier lieu , ce qui sera jugé avec M. et Mme. de SaintMande pourra d’autant moins être opposé à la dame veuve Lam onteilhe, que M. Aubier a toujours déclaré, et que le juge
ment dit que la subrogation du Saulzet n ’est point attaquée.
En second lieu , il ne peut être question de rapport à une
succession , d’action en retranchement d’une donation , tant
que la succession n’est point ouverte.
Le rapport n’est du que par des héritiers. Le droit de réserve
est attaché au titre d’h éritier, et il ne peut y avoir d’héritiers
d’un homme vivant. Kiventis nulla est hccrcditas.
La dame veuve Lamonteilhe ne peut donc élever aujourd’hui
des questions qui ne pourront être agitées qu’après la mort de
M. Aubier.
En troisième lieu , la dame veuve Lamonteilhe agit contre
le propre intérêt de ses enfans.
En supposant que les choses arrivent comme elle parait le
redouter, ses enfans ne devraient point le rapport du domaine
du Saulzet : les actes de transmission en contiennent la dispense
expresse.
Ils auront au moins, dit-on, à subir un retranchement !
O u i , si M. Aubier ne laisse pas assez de bien pour compléter
la réserve de ses autres enfans.
M ais
�( i7 î
Mais ce retranchement serait beaucoup plus considérable ,
M me. de Saint-Mande n’étant pas jugée mandataire de M. A ubier,
et la transmission du Saulzet étant dès-lors censée être une libé
ralité de sa part.
- ' :-vn ¿‘A ’•~q ■' < > ■
■
En e ffe t, et nous raisonnons toujours cl_après les faits constans et' avoués dans les m ém oires, les enfans Lamonteilhe de
vraient rendre au moins les deux tiers du domaine du Saulzet,
en même temps que M. Aubier devrait rendre le V e r g e r , dont
la transmission serait postérieur^.
.. Dès-lors les enfans Lamonteilhe_courraient_le risq u e , nonseulement d’étre dépouillés de la plus grande partie du domaine
du Saulzet, mais encore de ne rien conserver , pas plus que leur
grand-père et leurs oncles et tantes , des autres biens acquis par
Mme. de Saint-Mande comme mandataire de M. Aubier.
» La dame veuve Lam oateilhe doit-elle donc faire tant d’ef
forts !......
1
E n fin , on ajoute pour la dame veuve Lam onteilhe que la foi
des contrats de mariage ne doit jamais être violée.
Il
ne peut y avoir lieu à l’application de ce principe. M. Aubier
n’attaque point les conventions portées dans le contrat de m a
riage des sieur et dame Lamonteilhe.
La dame veuve Lamonteilhe n’aurait d’ailleurs rien à redouter.
M mfi. de Saint-Mande jugée mandataire de M. Aubier à l’effet cia
racheter ses b ien s, la propriété incommutable du Saulzet n’ en
devra pas moins rester aux enfans Lam onteilhe, puisque M. A u
bier a concouru aux actes de transmission.
1
Et la circonstance d’un retranchem ent!à souffrir p eut-être,
ne rend point cette propriété incertaine; car la faveur du con-*
trat de m ariage, en supposant même qu’il contint la transmis
sion , ne pourrait porter obstacle à l’exercice du droit de réserve,
s il y avait lieu : point certain qui ne pouvait manquer d étre
prévu lors du m ariage, les dispositions des lois étant précises ;
�( 18 )
ce qui écarte toute idée de violation de la foi due au con-;
trat (1).
D é l ib é r é
à R io m , par les avocats soussignés, le
3 o mai 1812
A L L E M A N D , J n. C h. B A Y L E ,
B E R N E T -R O L L A N D E .
Me. D E V È Z E , avoué licencié
(1)M a belle-fille, après avoir bien prou vé, dans son mémoire im prim é, qu’elle
tient Saulzet de ma seule volonté , n’ en a pas moins dit et fait plaider qu’ elle
aimait mieux que ses filles tinssent la confirmation de ce d on , des enfans de
Mme. de Saint-Mande que de moi leur a ïeu l, et de mes enfans leurs oncles. Ce
pendant, quand même elle serait sûre que M . d e S a in t-M a n d e fils conservera,
après la mort de sa mèr e , autant de bonne volonté que M mc. Lamonteilhe lui
en croit à présent, la minorité du p e tit-fils de Mme. de Saint-Mande héritier
pour moitié de celle-ci, ne met-elle pas un obstacle insurmontable à ce qu'on
dispense mes petites-filles de rapporter à la succession de ma sœur plus de moitié
de Saulzet, si ma sœur était réputée avoir acheté mes biens pour son propre
com pte, et non comme ma mandataire, en même temps que ce système me
mettrait dans la necessité de rendre à la mort de ma sœur le V erg er dont
il s’agit?
Je ne suis malheureusement que trop certain que M . de Saint-Mande fils
est le principal prom oteur de cette affaire, du changement de ma sœur à mon
égard, et du refus de toute conciliation.
Je supplie mes juges de pren d re la peine de lire les m ém oires im prim és en
prem ière in stan ce; ils sont absolum ent nécessaires p o u r bien conn aître le gen re
de persécution et d ’offense que j’ép ro u ve de la part d ’une b elle-fi l l e p o u r q u i
j ’ai fait des sacrifices tels q u e , dans l’état actu el des choses, les re v e n u s à m oi
réservés passent en entier à l ’acq u it des dettes assises sur S aulzet, que je paye
p o u r elle.
AUBIER
père.
A R I O M , de l’imp. de T H I B A U D , im p rim . de la C o u r Impériale, et lib raire,
rue des T a u le s , maison L a n d r i o t , — Juin 1812.
�
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Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, père. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bayle
Bernet-Rollande
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2126
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
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3155b9188522e58351e027fa85e4a13e
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JUGEMENT
DU T R I B U N A L D E 1er I N S T A N C E
D E C L E R M O N T (dont est appel; sur quoi, voyez les
Observations à la suite du ju g em en t),
R endu
entre
M.
A u b ie r -L a m o n te ilh e
p ère , in tim é
M . et M a d . de S . - M a n d e , sœur et b e a u -fr è r e dudit
A ubier
et la dame
C hampflour , V e L a m o n te ilhe ,
sa b e l l e - f i l l e , appelans.
N A P O L É O N , par la grâce de Dieu et les Constitutions de l’Empire ,
Empereur des Français, Roi d’Italie, et Protecteur de la Confédération du
R h in , à tous présens et à venir, S a l u t . Savoir faisons que
L e Tribunal de première instance de la ville impériale de Clermont-Ferrand,
chef-lieu du département du Puy-de-D ôm e, a rendu le jugement suivant:
Entre Emmanuel Aubier, ancien m agistrat, habitant de cette ville de
C lermont-Ferrand, demandeur au principal, aux fins de l’exploit du 3 avril
18 11, enregistré le 5 , et défendeur à l’intervention, comparant par M e GilbertHugues Imbert-Barthomeuf, son avoué, d’une p art;
E t dameMarie-Françoise A ubier, femme du sieur Benoît Fabre de S.-M ande,
propriétaire, habitante du lieu de S.-M ande, commune de S .-Y voin e, autorisée
en justice , défenderesse, comparante par M . Etienne T ré b u ch e t, son avoué ,
d’autre part;
E t encore ledit sieur Emmanuel A u bier, demandeur en assistance de cause
et autres fins, suivant les requête, ordonnance et exploit des 3 et 13 juillet
1 8 1 1 , comparant comme dessus, aussi d’une part,;
Et ledit sieur Benoit Fabre de S.-M ande, propriétaire, habitant du lieu de
Saint-Mande, commune de S.-Yvoine , défendeur en assistance de cause, com
parant par M* T réb u ch et, son avoué, d’autre part ;
Et encore entre dame Marie-Claudine de C h am pflo u r , veuve de JérômeEmmanuel Aubier-Lamonteilhe, tant en son nom qu’en qualité de tutrice de
leurs deux enfans mineurs ; propriétaire, habitante de cette ville de ClermontI
�u
( 2)
Ferrancî, intervenante et défenderesse suivant sa requête d’intervention du
i i novembre, signifiée en la cause le i 4 » comparante par ledit M e T réb u ch et,
par révocation de M e M ayet, son avoué, précédemment constitué, d’une p art;
Et ledit sieur Emmanuel Aubier et les sieur et dame de S.-Mande, défen
deurs à ladite intervention, comparans comme dessus, chacun par leur avoué,
d’autre part.
Les conclusions du sieur Emmanuel Aubier sont à ce qu’il plaise au tribunal,
en ce qui touche l’intervention do la dame veuve Aubier-Lamonteilhe, ès-norn
et qualité, la déclarer purement et simplement non-recevable, et la condamner
aux dépens.
En ce qui touche la demande principale :
D ire et ordonner que le sieur Emmanuel Aubier sera maintenu dans la
qualité do seul et unique héritier de son père et de son frère, conformément h
son contrat de mariage et celui de sa sœ ur, et comme admis au bénéfice
d’inventaire.
D ire et ordonner que le sieur de S.-M ande sera tenu de passer quittance au
demandeur , des douze mille livres qui lui restoientduessurladot de sa femmS,
et dont il a été p a y é , soit par le demandeur m êm e, soit pour son compte, par
sa sœur, et de deniers à lui appartenans; et c e , avec subrogation à tous droits,
en conséquence de la renonciation de la dame S.-Mando à toute succession
directe et collatérale.
En ce qui concerne la dame de S.-Mande, en sa qualité personnelle de man
dataire du demandeur :
Ordonner que, dans le jour de la signification du jugement à intervenir, les
sieur et dame de S.-Mande seront tenus de passer, par-devant notairo, acte
de transmission, au demandeur, de la pleine propriété du Grand-Verger, situé
à M ontferrand, de la contenance d’enlour cinq cent3 perches quarrées, joignant
la voie commune de m id i, o lie pré du sieur Dumas do bise; sinon et faute do
ce faire, que le jugement à intervenir en tiendra lieu; qu’en conséquence, lo
demandeur en restera et demeurera propriétaire incom m utable, pour en dis
poser comme il avisera, sous les conditions déjà convenues et acceptées entre
les parties, savoir : i° que ledit vorger demeurera grevé e n v ers les sieur et
dame de S.-M ande, de la garantie de toutes recherches généralement quel
conques, pour quelque cause que ce soit; 2° q u ’il demeurera chargé do la
rente viagère do trois cents francs par an, créée nu profit de mademoiselle
D e b a r , moyennant trois millo francs empruntés d’elle, pour les prêter à
madame Aubier; 3 ° qu il demeurora chargé des intérêts, et garant du rapitai
do treizo mille cinq cents francs, mentionnés en l’acte de mai mil huit cent u n ,
jusqu'il ce qu’il ait été pris d autres arrangemens entre ses enfans et petits-enfans ,
pour l'extinction de ladito dette.
Donner aclo au demandeur do ce qu’il so soumet à employer lo surplus des
�jy j
revenus dudit verger, si plus y a , en payement des intérêts et capitaux de«
autres emprunts par lui faits pour ses autres enfans.
Ordonner qu’il demeurera subrogé à tous droits quelconques, corporels et
incorporels, mobiliers et immobiliers, des sieur et damo de S.-M ande, par eux
prétendus ou à eux alloués, de quelque manière et pour quelque cause quo
ce soit , sur les successions paternelles et maternelles ; de même qu'à tous
revenus, échus, courans ou à échoir, aux offres qu’il fait de ratifier toutes les
garanties par lui promises à la dame de S.-Mande.
Ordonner pareillement que tous les papiers de famille lui seront rem is, tant
par la dame de S.-Mande, sa sœ ur, que par tous dépositaires, état sommaire
d’iceux préalablement dressé, au pied duquel il donnera décharge. E t, enfin,
condamner les sieur et damo de S.-Mande aux dépens.
E t , pour parvenir au payement des condamnations à intervenir contre la
<iaine de S.-M ande, condamner ledit sieur de S.-M ande, son m ari, à indiquer
des biens d’icellej à cet effet, de justifier de leur contrat de m ariage; sinon, et
faute de ce faire dans la huitaine de la signification du jugement à intervenir,
dire et ordonner que lesdites condamnations lui seront et demeureront person
nelles, sans qu’il soit besoin d’autre et nouveau jugement.
Les conclusions des sieur et dame de S.-Mande ont été à ce qu'il plût au
tribunal déclarer le sieur Emmanuel Aubier non-recevable dans toutes ses
demandes; ou, en tous cas, l’en débouter, et le condamner aux dépens.
Les conclusions de la dame veuve Aubier-Lam onteilhe, ès-nom et qualité ,
ont été à ce qu’il plût au tribunal la recevoir partie intervenante en la cause
entre les parties; et, faisant droit au fond, déclarer le sieur Emmanuel Aubier
père non-recevable dans ses demandes, ou autrement l ’en débouler, et le
condamner aux dépens ( * ) .
( * ) M adam e Lam ontcilhc a fo n d é l a ji n de non-rcccvoir sur la supposition que
le m andat, par m oi donné à ma sœ ur, et par e lle accepté à F e ffe t de racheter
pour m oi les lie n s de la succession de mon père et de mon f r è r e , d é v o lu s, par leur
m o rt, avant mon inscription sur la liste des ém ig rés, à m o i, n'étoit obligatoire
que dans l'ordre moral , mais n 'étoit point obligatoire dans l'ordre ju d icia ire ,
parce que f é t a i s in scrit sur la liste des ém igrés quand j 'a i donné le m andat, quand
ma sœur l a a cce p té, lorsq u 'elle s'est engagée à me transmettre to u t, et lorsqu e lle a renouvelé cet engagement par acte du 8 m ai 18 11. Cependant la Cour de
cassation a constamment ju g é , que les é m ig ré s, de même que tout banni à perpé
tu ité , pouvoicnt fa ir e validcm ent les actes du droit des gens , et a spécialem ent
appliqué ce principe au m andat, q u i , par son essen ce, appartient plus au droit
des gens que toute autre espèce d'acte.
(Note de M. Aubier.)
2
�V
( 4 )
POINTS
DE FAIT.
4
Antoine Aubier de Lamonteilhe est m ort, en réclusion, le 25 brumaire an 4 *
laissant de son mariage avec Jeanno do Cliampflour, prédécédée, trois enfans :
Emmanuel, demandeur} Jean-Baptiste, prêtre, chanoine do la cathédrale de
Clermont; et Marie-Françoise, épouse du sieur de S.-M ande, défenderesse.
Jean-Baptiste a péri révolutionnairement à L y o n , en pluviôse suivant.
Par le contrat de mariage d’Emmanuel Aubier avec Jeanne M argeride, reçu
Baptiste, notaire, le 4 décembre 1768, enregistré le 10, Antoine Aubier avoit
institué ledit Emmanuel seul héritier de tous les biens qu’il laisseroit, e t, en
vertu des pouvoirs à lui donnés par ladite Champflour, son épouse, predécédée, il avoit également nommé ledit Emmanuel seul héritier de celle-ci; le
tout sous la réserve de quarante mille francs, pour en faire les légitimes pater
nelles et maternelles des Jean-Baptiste et Marie-Françoise A u bier, ou en disposer.
Par le contrat de m a ria g e de Marie-Françoise Aubier avec le sieur Benoît
Fabro de S.-M ande, en date du 10 février 1770, Antoine Aubier lui avoit cons
titué en dot une somme de trente mille francs, pour tous droits paternels et
maternels, moyennant laquelle elle avoit renoncé à toute succession directe et
collatérale, et à tous droits échus et à échoir.
A l’époque de la mort d’Antoine A ubier, Emmanuel étoit fugitif a cause des
mandats d’arrêt contre lui décernés révolutionnairement les 1 1 et 20 août 1792 »
h l’occasion des faits du io août et des services rendus à Louis X V I , par ledit
Emmanuel A ubier, gentilhomme de sa chambre; mais il n’avoit été prononcé
aucune contumace ; ses biens n’avoient été ni annotés, ni séquestrés ; et il n’étoit
inscrit sur aucune liste d’émigrés, ni générale, ni particulière, ainsi que cela est
constaté par les listes imprimées, publiées par le Gouvernement, et par le certifi
cat du Préfet de ce département, dûment enregistré ; de sorte qu’il a été saisi do
fait et de d roit, do la propriété réelle des biens des successions à lui dévolues.
L e 18 germinal suivant, il a été inscrit sur la liste des émigrés, par la muni
cipalité do Clormont.
Le
7 flo réal m êm e
a n n é e , il a é té in sc rit s u r la listo des é m ig r é s , p a r
l ’a d m in istra tio n d é p a rte m e n ta le , et SOS b ien s ont é té séq u estres.
Emmanuel Aubier articulo et soutient que très-long-temps avant que ses
biens fussent mis en vente, ladam odoSaint-M ande, sa sœ ur, s’étoit chargée de
soigner ses intérêts, do suivre toutes ses affaires, et avoit reçu et accepté do
lui des pouvoirs confidentiels pour travailler a lui conserver ses biens, soit en
obtenant restitution gratuite desdits biens par voie de radiation do la liste dos
ém igrés, soit par leur rachat, si besoin etoit; qu’ensuite, et bien avant que sa
sœur les soumissionnât, elle avoit reçu dudit Emmanuel A u b ier, accusé
îécoption et accepté plusieurs procurations notariées, à l ’effet do racheter
�lesdits tiens pour le compte dudit Emmanuel Aubier seu l; qu’elle a rép été,
par toute sa correspondance, sa promesse de les racheter et conserver pour
lui seul , et qu’elle s’est aussi constituée et reconnue sa mandataire pour lo
rachat, et son prêle-nom pour la conservation de ses biens, jusqu’à ce qu ’il
fût rayé de la liste des émigrés.
L ’acte du 25 thermidor an 4 , par lequel l’administration départementale a
vendu à ladite Marie Françoise A u b ier, sœur dudit Emmanuel, les biens de
celui-ci, avoit alloué à ladite Marie-Françoise Aubier quelques portions dans les
prix des ventes, à raison de ses droits legitimaires et héréditaires ; mais Marie
Aubier et le sieur Benoît Fabre de S.-M ande, son m ari, se sont abstenus de
répéter contre lo gouvernement lesdites portions, ont préféré de s en tenir à la
constitution dotale de ladito Marie A u b ier, et aux clauses de leur contrat de
mariage. Ils ont abdiqué, au profit dudit A u bier, toute prétention, à la seule
condition d’ôtre p a yé , par lu i, en num éraire, des douze mille livres qu’il
j-edevoit sur cette constitution d otale, tant comme seul héritier d’Antoino
Aubier p ère, que comme ayant garanti personnellement ladite constitution,
par acte reçu Baptiste, notaire, le n lévrier 177 7, dûment enregistré.
Emmanuel Aubier a payé ou fait payer les douze mille livres en numéraire,
audit sieur de S.-M ande, qui en convient.
Plusieurs parties des biens ont été revendues avec l ’exprès consentem ent
d 'E m m anuel A u b ie r , porté par une nouvelle p r o c u ra tio n , ratifiant c e qui
avoit été déjà fait.
L e produit des reventes , ainsi quo les revenus des biens, ont été employés
,
à acquitter les emprunts faits pour le rachat des bien s, à payer diverses dettes
des deux successions, notamment ce qui étoit redû à la dame de S.-Mande sur
sa dot, et à la dame Aubier, veuve D ucrozet, leur tante, sur ses droits légiti—
maires; une partie a été envoyée audit Emmanuel A u b ie r, qui déclare et
offre de prouver l’avoir employée en entier aux affaires communos de sa
fam ille, et en avance pour ses enfans.
11 est constaté, par acte du 8 mai 1801, enregistré, quo Marie A u b ie r, femme
de S.-M ande, a rendu compte à Em m anuel, son frère , de toutes ses opérations,
achats, reventes, em plois, dépenses; qu’elle a demandé décharge, et offert de
transmettre aussitôt toutes les propriétés.
Par cet a cte, Emmanuel Aubier a tout approuvé, ratifié; a donné décliargo à
ladite dame de S.-M ande, avec promesse de garantie; a é ta b li J érû m e -E m m an u e l
A u b ier, son fils, régisseur desdits biens , et représentant do la fa m ille , pour
soigner ses affaires, avec douze cents francs d'appointement : à l’effet do quoi
l ’acte constate que tous les papiers de f a m il le , jusques-là demourés entre le s
mains do Marie-Françoise A u bier, ont alors été remis audit Jérômo-Emmanuel
Aubicr-Lam onlcilhe par ladito damo do S.-M ande, qui en a été déchargée.
Par acte reçu Costo , notairo , lo 8 fructidor an 9 , Mario - Françoise
3 .
�( G) .
.Aubier, avec le consentement exprès dudit Emmanuel A u b ie r, mentionné
dans ledit a c te , a subrogé Jérôm e-Em m anuel A u b ie r, son second fils , à la
propriété du domaine du Sau lzet, sous réserve d’une pension viagère de sept
cents livres par an , sur la tête et en faveur dudit Emmanuel Aubier.
Une contre-lettre du même jo u r, enregistrée, porte qu’il avoit été convenu,
dès le principe, que la réserve seroit de mille fran cs; mais qu’Emmanuel
Aubier avoit. réglé que trois cents francs seroient, payés à Jean-BaptisteA n to in e A u b ie r.d e I\ioux, son troisième fils; à l’effet de quoi ledit Jérôme
s’engage, par ladite contre-lettre, de les payer audit Jean-Baptiste sous les
conditions y énoncées.
D e tous les biens provenus desdites successions et du rachat, il n’est
demeuré sur la tête de Marie - Françoise Aubier , que le grand verger
situé entre les villes de Clermont et M ontferrand, mentionné en l’exploit
introductif de l’instance , et quelques recouvremens à faire pour reliquat do
reventes ou autres causes, dont la rentrée a été employée par Marie-Françoise
Aubier et son frère, soit à l’acquit des dettes desdites successions, soit aux
autres affaires communes de la fam ille; sauf trois petits articles dûs , à Montierrand, par François Defiorges, Annet Y eysset, et le nommé L an tin , provenant
de reliquat de reventes, lesquels ont été convertis en rente viagère sur la tête
et en faveur d’Emmanuel A u bier, par acte notarié reçu Gorce , enregistré; et
un article diï par le sieur Boutaudon, en vertu de sentence du tribunal de com
m erce, du 28 fructidor an 9 , enregistrée, encore due audit Emmanuel Aubier.
Emmanuel Aubier a été amnistié le 25 fructidor an 10.
L ’acte du 8 mai 1801, la subrogation de S a u lze t, et sa contre - le ttr e , ne
sont point attaqués.
D ès le mois de vendémiaire an 11 , différentes tentatives de rapprochement
avoient été faites entre les parties, pour terminer à l’amiable les difficultés
qui font la matière du procès ; ces rapprochemens n’avoient eu aucuns succès j
enfin , le sieur Emmanuel a introduit l’instance en ce tribunal.
D ’abord il a fait citer les sieur et dame de S.-Mande en conciliation, sur
la demando qu’il annonçoit vouloir former contr’eux , ayant pour objet la
transmission, à son profit, du grand verger de M ontferrand, sous différentes
conditions précédemment convenues , et qui sont rappelées dans les conclusions
ci-dessus et la remiso des papiers de famille.
Les parties ne purent so concilier, et M. le juSe
Pa*x ®n dressa procès
verbal sous la dato du 2 mars 18 11, enregistré le surlendemain.
Le 5 avril su ivan t, assignation a été donnée en ce tribunal aux sieur et dame
de S.-M ande, aux fins de la demando annoncée en la citation de conciliation,
dont les conclusions sont réitérées audit exploit.
M . de S.-Mande ayant comparu avec la dumosonépouso, par le ministère de
T réb u ch ct, avoué , déclara très-expressément qu’il n’entendoit point autoriser
sa dite épouse à ester en jugement.
�B P -------------------------------------------------------------------------------
' ( 7 )
Le 27 avril 1 8 1 1 , jugement est rendu portant autorisation par justice de
la dame de S.-Mande.
En cet état , Emmanuel Aubier a présenté requête conten an t, contre
M . S.-Mande personnellement, demande en assistance de cause, afin d’être
maintenu , lui Em m anuel, dans la qualité de seul héritier contractuel d’An
toine Aubier père, admis au bénéfice d’inventaire, et de feu Jean-Baptiste Aubier,
chanoine, et afin d’obtenir dudit sieur de S.-Mande quittance notariéô des douze
mille livres parfaisant la dot de son épouse.
En vertu do l’ordonnance de M. le président, du 3 juillet 1 8 1 1 , enregistrée
le i o , M . do S.-Mande a été assigné par exploit du i 3 dudit m ois, enregistré
le même jou r; et cette dernière demande a été jointe à la précédente par juge
ment du 28 août suivant.
En cet état, la dame Cham pflour, veuve de Jérûme-Emmanuel AubierL am o n teilh e , agissant tant en son nom que comme tutrice de leurs enfans
mineurs , s’est rendue partie intervenante en la cause, suivant sa requête du
11 novembre 1811 , et a adhéré aux moyens, et conclusions des sieur et dame
de S.-Mande.
Elle se prétend autorisée à intervenir en vertu de délibération du conseil de
fam ille, du 22 octobre précédent.
Les parties ayant fait signifier leurs conclusions motivées , la cause s’est
présentée à l’audience, et sa discussion a donné lieu à la solution sur les
questions suivantes :
POINT
DE D R O I T .
Emmanuel Aubier est-il seul héritier d’Antoine A u bier, son p ère , et de
Jean-Baptiste A ubier, son frère?
Monsieur de S.-Mande est-il tenu de passer, en faveur dudit Emmanuel
A ubier, quittance de douze m illelivres, que ledit Emmanuel lui a payées ou fait
payer pour reliquat de la constitution dotale do la dame sa sœur ?
Madame de S.-Mande a-t-elle été mandataire de son frè re, pour soumission’
ner et racheter ses biens? peut-ellp être forcée à lui passer déclaration et trans
mission de la propriété réclamée par ledit Emmanuel Aubier i
L ’intervention de la dame veuve Lam onteilhc, tant en son nom qu’au nom
de ses deux filles mineures , enfans dudit Jérôme Lamonteilhe , est-elle
recevable ?
E t quand même elle scroit recevable, n’est-clle pas mal fondéo l
Par qui les papiers do famille doivent-ils être restitues audit Emmanuel
Aubier î
Les qualités ci-dessus ont été signifiées à M e T réb u ch et, avoué des défen*
(
deurs et de l’intervenante, par acte du ministère de V id alein , huissier audien*
�( 8)
cicr, en date du i 3 avril 18 12 , enregistré le surlendemain, sans qu’il soit
survenu aucune opposition à leur rédaction.
.
Cause du rôle ordinaire, n° 620
Ouïs pendant cinq audiences Imbert-Barthomeuf, avoué du sieur Emmanuel
Aubier-Lam onteilhe, demandeur; Jeudi Dum onteix, son avocat; T réb u ch et,
avoué des sieur et dame de S.-M ande, et de la dame veuve A u bier; Rousseau,
leur avocat ; ouï aussi M. Picot-Lacombe , procureur impérial ;
En ce qui touche la demande de M . A u b ier, tendante à être maintenu dans
la qualité de seul héritier de son père et de son frère.
Attendu l’abdication delà dame de S.-M ande, en faveur d’Emmanuel A u b ie r,
son frère, de la part et portion à elle attribuées par les arrêtés de l'administra
tion centrale, pour s’en tenir à sa constitution dotale.
En ce qui touche la demande de M . A ubier, relative à la transmission, de
la part de la damo de S.-M ande, à son profit, du grand verger de Montferrand.
Attendu ce qu’il résulte de la correspondance des parties , et du traité
du 8 mai 1801, que la dame de S.-Mande n’a été que la mandataire d’Emma
nuel A u bier, son frère, à l’effet de racheter pour son compte ledit héritage, et
qu’elle l ’a soumissionné en exécution dudit mandat, et l ’a acquis de l’adminis
tration centrale, par acto du 25 thermidor an 4Attendu d’ailleurs que la transmission dudit verger n’est pas contestée (a ).
En ce qui touche la demande de M . A u b ie r, relative à la quittance de douze
mille livres.
Attendu que cette quittance a été offerte par M . et Mad. de S.-Mande (b ).
En ce qui touche la demande en remise des titres de famille.
Attendu que défunt Jérôme Aubier a été constitué dépositaire desdits titres
par l’acte du 8 mai 1801.
En ce qui touche les intervention et demande de la dame veuve de Jérôme
Aubier.
Attendu que l’acte du 8 mai 1801, enregistré à Pionsat le 2 vendémiaire an 10,
par Chaudillon, qui a reçu 1 fr. 10 centim es, et la subrogation du domaine du
Saulzet, reçue C a stes, notaire, le 8 fructidor an y , enregistrée à Clermont le 15
dudit m ois, ne sont point attaqués ( c ) , cl quo toutes discussions à cet égard
seroient prém aturées, et que dcs-lors son intervention est sans intérêts.
Le T rib u n a l, ouï M . Picot-Lacom be, procureur im périal, déclaro Emmanuel
Aubier seul héritier de son pèro et de son frère.
Ordonne quo dans la quinzaine de la signification du présent jugem ent, les
sieur et dame do S.-Mande seront tenus de passer par-devant notaire,
( a , b , c) V o y ez les notes, A la fin.
acto
�jTS/
............................................... ( 9 )
do transmission à la partie de Jeudi, de la pleine proprie’tjj du Grand-Verger,
situé à Montferrand, énoncé et confiné en l’exploit de demande; sinon, et faute
de ce faire dans ledit temps, et icelui passé, ordonne que le présent jugement
en tiendra lieu, sous les conditions néanmoins, i° que le verger demeurera
grevé envers M. et Mad. de S.-M an de, de la garantie de toutes recherches
généralement quelconques, pour quelque cause que ce soit; 2° quo ledit
sieur Aubier demeurera chargé de la rente viagère de trois cents livres, au
profit de Mad. Debar ; 5° qu’il demeurera chargé dos intérêts , et garant du
capital de treize mille cinq cents livres , mentionnées en 1 acte du 8 mai 18o i .
Ordonne que dans le délai de quinzaine de la signification du présent juge
m ent, le sieur de S.-Mande sera tenu de passer au sieur A u bier, quittance
p ar-d ev a n t notaire, des douze mille francs que le sieur Aubier lui a payés ou
fait payer pour solde de la dot de la dame de S.-M ande; sinon, et faute de ce
faire , ordonne que le présent jugement en tiendra lie u , et servira de bonne et
valable libération en faveur de M. Aubier.
Ordonne enfin que tous les papiers de famille seront remis au sieur Aubier
par la dame veuve Lamonteilhe , représentant à cet égard son m ari, ou par tout
autre dépositaire, état sommaire d’iceux préalablement dressé, au pied duquel
il sera donné décharge;
Sur le surplus des demandes , fins et conclusions de M . Aubier et de la dame
de S.-M ande, ainsi que sur les intervention et demande de la dame veuve Lamontcillie, met les parties hors de procès, dépens compensés, hors l’expédition du
présent jugement, qui sera supporté par M. A u bier, demandeur.
Fait et prononcé judiciairement à l’audience de la première chambre du tri
bunal civil de Clermont-Ferrand, séant Messieurs D om at, président; Chassaing,
juge , et Gauthier , juge à la seconde cham bre, et Monsieur Picot-Lacom bc,
procureur impérial ; le 20 mars 1812: enregistré à Clermont le 7 avril 18 12,
cases 5 , 6 , 7 et 8 ; reçu trois francs pour la reconnoissance d’héritier, mille
vingt francs quatre-vingts centimes pour le droit de m utation, sur le pied de
de vingt-cinq mille cinq cent vingt francs , à raison de 4 pour t o o ; p lu s, reçu
vingt-cinq francs pour droit de réduction sur les premiers cinq mille francs,
et cinquante-un francs huit centimes pour les vingt mille cîhq cent vingt francs
restans ; plus, reçu soixante francs pour le droit de quittance des d o u zo mille
francs, et trois francs pour la mise hors de cause des demandes en inter
vention ; plus, reçu cent seize francs quarante-un centimes pour le dixième
en sus: lesdites sommes payées par ledit sieur A u bier, sous toutes ses réserves de
droit. Signé G o y o n .
Mandons et çrdonnons à tous huissiers sur ce roquis, do mettre le présent
jugement à exécution; à nos procureurs généraux et impériaux près les tribu
naux , d y tenir la main; à tous commandans et officiers do la force-armée, de
prêter inain-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis, En foi de quoi, lo
�l e '
( 10 )
présent jugement a été signé par le président et le greffier. Pour expédition ,
signé Laroche, commis-greffier.
Reçu trente-irois francs pour d ro it d’expédition, à Clermont, le 18 avril
an 1812. Signé R ib cy r e , pour G o y o x .
O B S E R V A T I O N S . DE
M.
AUBIER.
(a) Je dois à ma sœur et à mon beau-frère do répéter ic i, que jamais ils n’ont
voulu révoquer leur promesse d’effectuer cette transmission; au contraire , ma
sœur m’a rep roch é, dans plusieurs lettres produites au procès , d’avoir tardé
de lui demander de remplir la formalité de passer l’acte devant notaire ;
mais ceux qui , depuis quelques années, se sont emparés de son esprit, ont
trouvé un moyen indirect de l ’ompêcher, en soutenant tantôt qu’il suffisoit
qu elle me fit cette transmission par testament, tantôt en m’offrant une vente,
et surtout en voulant que l ’acte de transmission ne fit aucune mention du
mandat par moi donné à ma sœ ur, et par elle accepté pour racheter mes biens ,
seul moyen de rendre cette transmission inattaquable; ils ont voulu y substituer
la supposition qu’elle avoit acheté pour son propro com pte: il en résultoitque
le fils et le petit-fils mineur de ma sœ ur, enfin tout représentant ou subrogé
à leurs droits ou à ceux de leurs enfans , même tout créancier des uns et des
autres, auroit eu, dès l ’instant de la mort de ma sœ u r, le d ro it, t°. de mo
dépouiller du verger, parce que, dans ce système , elle seseroit trouvée avoir
épuisé, par la subrogation de Saulzet, toute sa faculté de disposer avant de mo
faire cette transmission; z°. de dépouiller mes potites-filles de la moitié do
Saulzet, comme excédant sa faculté de disposer; et comme mon bcau-frèro
n’avoit pas concouru à la subrogation de Saulzet, mes petites-filles auraient été
exposées à se voir contester mémo la totalité do Saulzet par les représentant
do ma sœur et de mon beau-frère.
L e concours des enfans do ma sœur à la transmission, ne pouvoit procurer
aucune garantie aux m iens, parce que personno no peut traiter valablement
de droits succossifs^ôuverts.
Sur ma réponse que, la vérité et l'intérêt de mes enfans ne me permettoient
pas do me prêter à ce systèm e, je fus engagé à faire citer ma sœur devant lu
juge de paix : elle pensoit, mo d is o it - o n q u ’une conciliation judiciaire assu
rerait plus solidement sa ploino décharge do tout co dont elle avoit été chargée
pour moi; mais à peine cette citation a été donnée, que, sans refuser la trans
m ission, sans désavouer lo m andat, et en so bornant h dire quo les preuves
du mandat étoiont inutiles , il y a eu refus do conciliation , avec annonco do
l ’intervontion do Mad. Lam onteilhc, pour réclamer contro moi toutes les
rigueurs des lois révolutionnaires , mort civile, etc.
�(£) L ’offre de la quittance de 12,000 francs n’a pas été effectuée, parce que
le conseil de ma sœ u r, rédacteur du projet de quittance, y avoit ajouté , et
n’a jamais voulu se départir d’y ajouter une clause , qui me faisoit renoncer
à toute propriété, à tout effet do la transmission: j’ai encore ce projet écrit de
la main de mon beau-frère.
(c) Mes conclusions transcrites
page 2 , font foi que le don de Saulzet
n’a jamais été attaqué , et que j’ai respecté dans cette occasion, comme dans
toutes, mes engagemens.
En nous mettant hors de procès sur l’intervention de ma belle-fille, les Juges
ont pensé avec raison que le don de Saulzet n’étant point attaqué, elle étoit
sans m otif, sans intérêt pour intervenir ; que dans tous les c a s , ce n’etoit
qu’après ma m ort, et avec mes autres enfans, qu’on peut élever la question,
si j’ai pu faire insérer dans la subrogation do S au lzet, que ce bien demeureroit
exempt de rapport en partage.
Ils ont eu raison à tous égards; car ce n’est qu’alors qu’on peut savoir s i ,
même en cas de rapport, il y auroit lieu à retranchement pour compléter la
légitime de mes autres enfans.
Ma belle-fille jouit en paix du bien de Sau lzet; cllo a im prim é, plaidé que
c’étoit moi qui avois voulu, rédigé, et fait signer par ma sœur la subrogation en
vertu de laquelle ma belle-fille jouit : cetto générosité de ma part peut-elle lui
donner le droit d’empêchcr que ma sœur me rende le verger que je me suis
réservé ? L e revenu de ce verger ne fait pas le tiers de celui de Saulzet; ce revenu
est pour vingt ans absorbé par les dettes de mon p ère, de mes enfans, et pré
cisément par celle de i 5, 5 oo fr. dont Saulzet étoit chargé, et que j’ai prise à
mon com pte, après le m ariage, par aveugle tendresse pour son mari et elle.
Et elle pourroit me faire priver des moyens d’obtenir du temps pour acquitter
ce que je veux bien encore payer pour elle !
Je finis en deux mots. Si le système de mort civile, sur lequel elle fondo
ces monstrueuses prétentions, étoit fondé, il autoriseroit mes deux autres enfans
à réclamer chacun sur-le-champ un tiers dans Saulzet. En effet, l ’acte do
fam ille, du 8 mai 180 1, appeloit collectivement mes trois enfans à partager
également tout, si je fusse demeuré sur la liste des émigrés. A in s i, c’est moi
q u i, dans cette affaire, défends les véritables intérêts de mes petites-filles, en
combattant le système des faux amis qui abusent de la foiblesso de leur mère ,
et qui lui font sacrifier les vrais intérêts de ses enfans, au plaisir do provoquer
contre moi l’application des rigueurs prononcées par les décrets rendus contre
les émigrés , en l ’an 5 et suivans.
Mais est-ce au profit des enfans des émigrés qu’ont été créées les listes de
proscription de leurs pères ? autant v a u d ro it diro qu’on a mené les pères à
l ’échafaud pour hâter les jouissances des enfans. Si lc3 résultats d’une si gnmde
�( 12 )
criso politique ont nécessité qu’on maintînt quelques-uns des effets des lois
contre les ém igrés, c’est seulement dans l’intérêt du Gouvernem ent, comme
l ’a décidé la cour de cassation? O r, ici le Gouvernement a été désintéressé et
pleinement satisfait à mes dépens.
Depuis qu’il est si occupé de rétablir les mœurs, peut-il vouloir que les enfans
du père émigré puissent le retenir dans l’anéantissement de la mort civile à
leur égard, et sous le joug de leur insurrection contre les lois de la nature !
Peut-il approuver cette prétention dans la bouche d’une belle-fille dont le
p ère, mon cousin-germain, et le mari ont eu les mêmes opinions que m oi, et
ont suivi avec moi le parti qui m’a mis en besoin d’amnistie ?
Quand le Gouvernement m’a réintégré dans tous mes droits civils, en a-t-il
exclu ceux que je tiens de la nature comme père, et des conventions de
fam ille, autant et plus que de la loi civile î
N on - seulement j ’ai été réintégré dans mes droits par mon amnistie ,
mais même S. M . l’Empereur a , par décret spécial du 10 brumaire an 1 4
déclaré que j’étois conservé dans mes droits civils et ceux attachés à la qualité
de Français.
Mon beau-frère, le plus probe des hommes, n’a voulu que la dot qu’il a
bien reçue en num éraire, et ne veut rien de plus.
M a sœur dit encore qu’elle ne veut rien retenir de mes biens ; ils ne
contestent point la transmission du verger, objet de la demande : tous les deux,
et surtout mon beau-frère, ont exprimé publiquem ent, pendant un mois ,
écoulé entre le jugement et l’appel, leur satisfaction de ce que ce jugement
contenoit tout ce qui pouvoit assurer leur tranquillité. L ’appel fait sous leur
nom est donc le fruit de l’ascendant qu’exercent encore sur leur esprit les
perfides moteurs des divisions de ma famille : sans leurs coupables intrigues,
des amis communs eussent réglé à l’am iable, comme je l’ai toujours demandé,
tout ce qui n’étoit pas encore totalement terminé.
Signé A U B I E R .
M 8 D EVEZE , avoué en la C o u r impériale.
Voy e z les M émoires imprimés en première instance.
A C L E R iV lO N T , de l'Imprimerie de
L andriot,
grande rue St-Genés.
«
Im prim eur-Libraire,
ii
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Jugement. Aubier-Lamonteilhe. 1812?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Jugement du Tribunal de 1ére instance de Clermont, (dont est appel ; sur quoi, voyez les Observations à la suite du jugement), rendu entre M. Aubier-Lamonteilhe père, intimé ; M. et Madame de Saint-Mande, sœur et beau-frère dudit Aubier ; et la dame Champflour, veuve Lamonteilhe, sa belle-fille, appelans.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2125
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
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f86c3308424100eea5668c6b510f1061
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RÉPONSE
tribunal
de
De M. A U B I E R - L A M O N T E I L H E père,
au
M é m o ir e
de M. et M m
e D E ST M A N D E ,
et de M me L A M O N T E I L H E , intervenante
en son nom et comme tutrice de ses mineures,
petites-filles de M. AUBIER.
M
a
dame
L am onteilh e est intervenue dans l'instance pen dan te
entre ma sœ ur et m oi.
Lorsqu e le 22 février dernier je form ai m a dem ande p rim itive,
m on beau-frère m ’avoit annoncé la nécessité de prendre les voies
judiciaires , pour obtenir de ma sœur l’acte notarié de transmission
de la propriété du v e rg e r, q u ’elle m ’a promis par acte de mai 1801,
com m e ayant été m a mandataire pour le rachat des biens confisqués
sur moi par suite de m on inscription sur la liste des émigrés (1).
Je m ’étois soumis par m a demande aux conditions convenues
entre ma sœur et m o i , par divers écrits (2).
Son conseil m ’ a mis ensuite dans la nécessité d ’y ajouter des
conclusions tendant e s , 1°. à c e que je fusse maintenu dans la qu a
lité de seul héritier de mon père et d e mon f r è r e , en vertu de m on
contrat de mariage et de celui de m a s œ u r , portant renoncia
tion à toute succession directe et collatérale; 20, à ce que M . de
( 1 ) On a v u dans mon exposé que je n’ai été inscrit qne vingt mois après ma
fuite à cause des mandats d’arrêt décernés contre moi les 11 et 20 août 1 7 9 2 et
que mon inscription a été provoquée de la manière que j ’ai expliquée dans la note
page 7 de mon Mémoire.
( 2) La copie littérale de ma demande est à la fin de cette réponse.
A
Première Instance
Clermont
1erchambre.
Audienco
du 19 décem bre 1 8 1 1 .
�V
<
( 3 )
St-M ande fû t tenu de m e passer quittance notariée de 12,000 liv.
q e je lui ai payées ou fait payer pour solde de la dot de ma sœur.
11 n ’y a en cela rien qui puisse concerner ma belle-fille et mes
pctiles-fillcs, ni d ir e c te m e n t, ni indirectement ; leur intervention
m e paroissoit une faute tirant à conséquence pour elles. J’avois
cru la leur faire éviter, en publiant, (dès que j’eus avis de ce projet,
et avant qu ’on le r é a lis â t ), un exposé des faits bien sincèrement
détaillé.
C e la n ’ a pas empêché l’intervention ; elle a été accompagnée d ’un
mém oire im p rim é, où les faits sont dénaturés, et les questions tra
vesties au nom de ma belle-fille d'une manière offensante pour m o i .
L e moteur de nos divisions vouloit absolument vin procès où il
p ût aigrir les esprits , en d o n n a n t« m a sœur l ’air d ’être infidèle à
ses prom esses, à moi l ’air d ’être in g r a t , et où ma belle-fille fû t
l ’organe de ses calomnies.
Je suis obligé d ’y répondre. L ’énorm e quantité d ’erreurs et de
suppositions m e forcera d ’être un peu long; je le serois davantage,
si je détaiilois de nouveau les faits. Je prie nos juges de relire m on
exposé. J’y ai expliqué co m m e n t ma sœur m ’ avoit offert en 1795
de se charger de mes pleins pouvoirs pour toutes mes affaires de
F r a n c e ; com m ent elle s’étoit spécialement chargée de sauver mes
b ien s, et d ’y em ployer tous les m oyens que les circonstances demanderoient :
C o m m e n t je lui avois d ’abord e n v o y é , par lettres , des pouvoirs
confidentiels illimités pour tous les cas, pouvoirs qui avoient été sui
vis , confirmés par des procurations notariées, q u ’elle a accepü-es.
Je crois y avoir bien prouvé q u ’elle avoit soumissionné mes biens
pour mon c o m p t e , et reconnu les posséder pour rnoî pour m e les
conserver.
J’ai dit pourquoi j\ 5tois encore sur la liste des émigrés, quand j ’ai
m arié mon fils L am o n te ilh c, et com m ent ma sœur a été alors mon
prête-nom pour le su b ro g e r, pour mon compte , à |a propriété de
S a u lz e t , de m êm e q u ’elle l’avoit été pour la revente de partie de
me* b i e n s , et qu ’elle l ’est encore pour le \ c r g e r , objet de m a
demande.
�^
( 3 )
P ou r suivre l ’ordre judiciaire, j ’exam inerai, avant de passer au
fond , si l'intervention est recevable.
Je finirai par prouver qu ’ il n ’existe point d ’acte régulier et va
lable de transmission de la propriété du verger , com m e on l’a sup
posé pour échapper .par un faux-fuyant à une demande qu ’on sent
incontestable.
O n donne pour base
à
l ’intervention de IVÏad. Lam onteilhe , la
supposition que je n ’ai formé cette demande que pour me préparer
les m oyens d ’attaquer le don de Saulzet.
Cette assertion est dém ontrée fausse , i*. par le texte m êm e de
m a d e m a n d e , et toutes mes conclusions; elles sont imprimées à
la fin , chacun peut y vérifier q u ’il n ’y a pas un m ot qui prête à
cette sup position ..
Elle est démontrée fausse par les ratifications que j’ai données avant
et depuis m a d e m a n d e , car elle est du 5 avril dernier, et c ’est le 2S
juillet suivant que j’ai signé, dans le cabinet de ÎVT. F avard , une tran
saction par lui rédigée, par laquelle je ratiflois le don de Saulzet (1).
Enfin , elle est démontrée fa u sse , par tout ce que j ’ai d i t , f a i t ,
é c r i t , imprimé dans cette affaire. V oyez pag. 3 1 , 32 , 34 de m o n
exposé.
L a supposition que je veux attaquer le don de S a u lz e t, prend
un caractère de calomnie plus g rav e , quand on dit que je v e u x , dès
à
présent, réduire mes petites-filles
à
la moitié de S a u lze t, et q u ’elles
sont menacées de m e voir vendre la moitié que je reprendrai ,
de m a n iè r e ,d it-o n , p. 35 , que l’autre moitié seroit ensuite attaquée
pour contribuer aux légitimes de mes autres enfans.
Je savois que l ’auteur du M é m o ire seroit chargé de débiter
cette calomnie ; pour lui en éviter les r e g r e ts, M . I m b e r t , mon
a voue, a été de ma part lui c o m m u n iq u e r, avec diverses autres
pièces, l’original d ’un écrit fait triple entre ma sœur et moi et
m on fils L a m o n t e ilh e , par lequel je m ’étois volontairement en-
( 1 ) C é to it ma. sœur qui avo ;t proposé M. Favard pour m édiateur.
A 2
�(
4
)
gagé à ne jamais vendre aucune propriété, e t'j’avois statué que si
je les parlageois avant ma m o r t , entre mes e n f a n s , ils ne pourroient rien vendre ; j’avois donné l’exemple de cet engagem ent, pour
obtenir le m êm e engagement de mes enfans.
L ’auteur du M ém oire répondit qu ’il avoit le double de cet écrit;
il l’a bien l u , puisqu’ il en parle plusieurs fois dans ce M é m o ire
pour d'autres o b je ts; ainsi, quand il m ’a accusé , et a répété l’accu
sation en l’a g g r a v a n t, il avoit sous ses y e u x la preuve écrite de la
fausseté de son accusation.
Il dit que le verger et le bien de Crève-C œ ur sont assurés à mes
autres enfans; il les compte com m e biens paternels, parce q u ’il sait
que c ’est moi qui ai payé le prix viager de l’achat de C r è v e -C œ u r ; il
porte ces deux objets ensemble à 100,000 liv. ; il estime Saulzet
i 3o,ooo üy. : d o n c , d'après la connoissance q u ’il avoit de mon
engagement
ne r*en aliéner , et de ne pas souffrir d ’aliénation,
il ne pouvoit craindre pour mes petites-filles, au pis-aller, et selon
sa manière de co m p te r, q u ’un retour de lot de i 5 ,ooo 1. ; donc il ne
pouvoit en aucun cas craindre cette revendication de moitié de
Saulzet, et encore moins que je le vendisse; cela devoit lu i; faire
sentir que son accusation étoit fausse sous tous les rapports?
C e n ’est pas le seul point de ce M é m o ir e , où ce q u ’on lit dans
une page est démenti par ce qui est dit dans qu elqu’autre.
Observons que quand m on fils L am onteilh e a reçu S a u lz e t , il
étoit afferm é 3,000 l i v . , qu ’on ne l’a estimé que 60,000 l i v . , parce
q u ’en 1801 les biens n'avoient pas pris toute leur v a le u r , et que les
grains étoient à bas prix ; on avoue q u ’il vaut aujourd’hui i3 o ,o o o l.,
quelquefois on le porte jusqu’à i 5o,ooo l i v . ; donc les mineures
L a m o n te ilh e , m êm e en faisant le retour de i 5 , 000 l i v . , auroient
encore le double de ce que j ’avois promis à leur p ère; ainsi quand
l ’auteur dy M ém oire a ajouté à sa supposition que la famille Cham pilour se trouveroit trompée , il ne pouvoit pas le croire.
A i - j e fait d ’ailleurs quelque chose qui annonce rarrière-pensée
qu ’on me prête i Entre beau-père et belle-fille, les procédés ne sont
pas sans conséquence, pour l ’intérêt des enfans et pour prévenir
�(5)
J4)
les procès ; puisque l'auteur du M ém oire nous y m è n e , je vais dire
exactement tout ce qui s’est passé.
Il y a environ dix m o is, qu ’ayant fait demander à M a d . L a m o n teilhela permission d ’aller la voir, je lui présentai devan t M . de C lialier
son beau-frère, e t M .d e T r é m i o l e s p è r e , qui m ’avoient accompagné,
un mém oire où je lui rappelois, dans les termes les plus affectueux,
que son m ariage avoit été décide par m a confiance dans son carac
tère ; où je lui représentois que Saulzet valoit le double de ce
q u ’on l’avoit e s t im é , tandis que la perte de 80,000 liv. de liqui
dations faisoit craindre à ses beaux-frères de ne point a vo ir, après
m a m o r t , leur légitime de rigu eu r, et m e m ettoit dans une gêne
telle que je ne pouvois plus les aider ; ou je lui offrois la confir
m ât on de tous les avantages dont je pouvois disposer, sans lui rien
dem ander de mon vivant de plus que ce q u ’elle rendoit, quoique le
revenu en fû t double de celui sur lequel elle avoit dû co m p te r ,
de sorte q u ’elle jouiroit paisiblement jusqu’à ma m o rt ;
O ù je la priois de prendreenconsidération que mon fils aine avoit
renoncé , pour faciliter son m a riag e , aux avantages q u ’il avoit dû
espérer, étant Paine et indiqué par mon père pour avoir la préfé
rence ; que sa soumission
aux décrets de
l ’E m p e r e u r , d ’oc
tobre 1807 , lui ayant fait perdre l’emploi honôrable et utile qu’il
a v o it, et que les malheurs de la Prusse ne lui permettant pas d ’y
trouver des ressources jusqu’à la m o tt de son b e a u -p è re, je la
priois de faire à mon fils aîné quelques avances dont il lui assureroit la r e n tré e , tant en intérêt q u ’en ca p ita l, sur tout ce à
quoi il avoit déjà ou pourroit avoir droit ; que M . d ’Orcières étoit
p o r te u r,
à cet e f f e t , d ’une procuration pour lui en passer a cte,
et pour plus grande sûreté , d ’une lettre de change de 6,000 liv.
M a d . Lam onteilhe me répondit q u ’elle en conféreroit avec son
conseil. J’ai long-temps sollicité une réponse , mais inutilement.
Sans lui faire aucun reproche , je lui ai fait dire par un ami
com m un , que je renonçois à ma p riè re , qu'elle m e fcroit plaisir
de me renvoyer mon M ém oire. Elle l'a gardé. On peut y vérifier
si ce que j’ ai dit est vrai : je n ’ai fait aucune autre démarche. Dos
�»
'
( 6 )
représentations d'un beau-père à sa belle-fille , des prières ( car
je me suis servi de ce m ot ) , ne sont pas un trouble de possession,
quand m êm e je n ’aurois pas retiré ma prière com m e je l’ai fait.
C ’est le cas d ’ajouter ici, que depuis son mariage M a d . L a m o n teilhe, ma belle-fille , a laissé sans réponse toutes les lettres que je
lui ai écrites sur le ton le plus a m i c a l, presque toutes étrangères à
toutes affaires, et m êm e celles accompagnées de manière à exiger
réponse.
Sachant q u ’elle répondoit à d ’autres m em bres de la f a m ille ,
j ’ai cherché à pénétrer la cause de la différence. O n m ’a a v e r t i,
dès 1 8 0 2 , q u ’on le lui avoit d é f e n d u , parce que ses réponses
pourroient se trouver en contradiction avec le plan q u ’on avoit arrêté,
dès q u ’on eut obtenu les signatures qu ’on d é s ir o it, de s ’acheminer,
petit à p e t i t , à soutenir un jour q u ’on ne tenoit rien de moi ; à
m e retrancher de ma fam ille ; à m ’y faire traiter com m e m o rt
civilem ent u son égard. D e la est venue l’excessive hum eur q u ’on
a eue quand j ’ai e n v o y é , en 180 6, le décret du 10 brumaire an 1 4 ,
par lequel S. M . l’E m pereur , en me permettant de garder la
place de chambellan du roi de P r u s s e , me conservoit tous mes
droits.
Il m anquoit aux amertumes dont on m ’a fait abreuver par les
dames derrière lesquelles les directeurs de ce plan se tiennent cachés,
de me voir signalé co m m e un spoliateur de mes petites-filles, pour
lesquelles au contraire je me suis dépouillé m oi-m êm e outre m esure.
D a n s le f a i t , l’instance où ma belle-fille intervient ne conduit
pas plus à la question de savoir s’il y aura lieu h retour de lot
après ma m o r t , q u ’à celle d ’un prétendu projet de m a part de
revenir contre les actes par lesquels j ’ai d o n n é , ou fait d o n n e r ,
Saulzet à mon fils représenté par mes petites-filles , puisqu’on ne
pourroit agiter qu ’après ma m ort cette question de retour de l o t ;
car ce n ’est q u ’alors q u ’on peut savoir ce que je laisserai.
L ’auteur du mém oire défend un acte rédigé par moi , où il est
dit que mon fils L am onteilhe sera dispensé de rapporter Saulzet
en partage. Je ne l’ ai pas attaqué ; et si mes enfans vouloient
�( , )
l ’a tt a q u e r , ils ne pourrolent le faire qu ’après ma m o rt. E n quoi
l ’acte notarié de transmission du verger que je demande ù m a
sœur , peut-il empêcher mes petites-filles de le faire valoir alors?
Il doit suffire pour faire déclarer cette intervention non recev a b le , d ’observer ici que l ’acte de mai 1801 , par lequel ma sœur
s’ est obligée à me passer , par-devant notaire , la transmission que
je de m a n d e , est signé dem enfiis Lam onteilh e. Sa veuve intervient
donc pour s’opposer à çe qui a été convenu avec son mari ; elle
ne peut pas m êm e dire que cette convention n ’a pas été bien
connue de la fam ille Cham pflour avant le mariage. E n e f f e t , on
dit de sa part que le projet de fixer les principales propriétés sur
la tête de mon fils L a m o n t e ilh e , qui est énoncé dans le mêm e
a c t e , avoit été la première base de leur confiance. Elle intervient
donc pour entraver l ’exécution d ’un acte q u ’elle réclam e dans le
m êm e M émoire sous d ’autres rapports.
Cependant cette intervention a été autorisée par une délibération
surprise à six parens. D e p u is, plusieurs d ’entre eux m 'o n t dit, ou fait
d ire, q u ’on leur avoit persuadé que j ’avois déjà attaqué mes petitesfilles, et qu ’ilsavoient cru seulement autoriserla tutriceà les défendre.
D an s
les s i x , il
y
en
a
eu quatre du côté C h a m p flo u r , c ’ est-
à -dire, de ma belle-fille , deux seulement du côté p aternel; tandis
que la loi veut égalité de n o m b 1e , à peine de n u llit é , et que la cir
constance le demandoit encore plus rigoureusement, puisque c ’étoit
la m è r e , née C h am pflour, qui dem andoit une autorisation pour
faire plaider ses mineures contre moi leur aïeul paternel.
Il me semble que l’intérêt des m ineures, autant que la d é c e n c e ,
et mille autres raisons, devoient engager le subrogé tuteur, E m m a
n u el Au bier de C o n d a t ( 1 ) , à chercher à s'éclairer avec m oi sur le
véritable état de la question, avant de faire com m encer les hostilités
par mes petites- filles. Cela eût probablement amené une concilia
( 1 ) Mon cousin et mon fille u l, dont les im prudences avoient été mises à ma
ch a rg e, m avoient compromis et ont tan t retardé ma ra d ia tio n , comme je l a i d it
page »3 de mon Expos«?.
�t i o n , même avec m a sœur ; mais ce n ’étoit pas pour être conciliât eur
que le m oteur de nos divisions l ’avoit fait venir d ’Ardes.
O n avoit tourné l ’exposé de cette délibération de m anière q u ’on
eût pu donner à l ’aggression le sens dont j'ai p a r l é , page 34
d e mon E x p o s é , si celui-ci ne lui eût pas ôté tout espoir de faire
réussir le parti q u ’on vouloit tirer de mon inscription sur la liste
d e s 'ém igrés.
L ’auteur du mém oire dit q u ’au contraire la délibération porte
« autorisation pour défendre les mineures , dans le cas où je vieil-
» drois à alléguer m a m ort civile pour détruire l’effet des signa» tures apposées à ces titres. » L a délibération du conseil de
fam ille ne contient pas cela. A u contraire , elle porte pouvoir
d'intervenir dans une affaire où il ne s’élève aucune question
contre les mineures. O n doit donc en conclure que m on Exposé
ayant renversé son premier p l a n , il s ’est retourné.
.
II y a une autre conclusion à en tirer, c ’est qu ’attendu qu'au lieu
d ’alléguer ma m ort c i v i l e , j ’avois excipé dans mon Exposé de ce
qu ’elle n ’avoit pas pu vicier les divers actes que j ’avois passés avec
m a famille , parce que ces actes sont du droit des gens , et attendu
q u ’au lieu d'attaquer ces a c t e s , j’en ai offert la ratification, il
n ’y avoit pas lieu à l’intervention. M ais la besogne étoit p rê te ;
on n ’a pas voulu q u ’elle fu t p e r d u e , et on s ’est contenté de la
r e to u r n e r , au risque de sc voir en contradiction avec soi-m êm e
ü chaque page.
Si l ’intervention étoit recevable, il faudroit mettre en cause
mes autres e n fa n s; car ils se trouvent parties nécessaires dans la
cause , dès q u ’on veut traiter d ’avance de leurs droits sur mes
biens après ma m o r t , sur la qualité et la quantité des biens qui
doivent entrer en partage.
L ’auteur du M ém oire annonce aussi le projet de m et t r e en
cause le fils et le petit-fils de ma sœur. Ici on ne peut s'empêcher
de reconnoître q u ’il suit bien docilement toutes les idées du m o
teur de nos divisions. V o u la n t éterniser l’a ffa ir e , il veut que le
procès s’établisse* entre ma s œ u r , son m a r i , ses enfans , m o i , mes
en fan s,
�(9)
e n f a n s , mes petits - en fan s , en diverses qualités op p osées, d'où
doivent dériver diverses prétentions et des droits contradictoires ;
et pour q u ’ils le soient encore plus , ils seront à traiter sur h yp o
thèses opposées ; l’u n e , où m a sœur auroit acheté p our elle ;
l'a u t r e , où elle auroit acheté com m e m a mandataire ; de là
doivent n altredeux séries différentes de droits opposés sur les m êm es
biens , à traiter entre l’aieul et les petites-filles ; — entre le beaupère et la belle-fille ; — entre le frère et la sœ u r; — entre mes fils
et leurs nièces mes p etite s-fille s ; — entre m a sœur , tante et
grand’ t a n te , et mes fils ses neveux et mes petites-filles ses petitesnièces; — entre les co usins-germ ains, mes fils et les enfans de
M a d . de S. M a n d e ; entre les représentans et les représentés.
Il veut que M . de S t - M a n d e , m on beau-frère , y figure , no nseulement co m m e autorisant sa f e m m e , mais encore com m e ayant
acquis f sous le nom de sa f e m m e , un droit personnel à mes pro
priétés. C ’est en faire le propriétaire malgré lu i , car il avoue que
M . de S t-M ande ne l'a jamais voulu ; c'est ce que j'ai déjà dit
dans m on e x p o s é , en rendant hom m age à la pureté de son â m e ,
à la loyauté de son caractère.
C ’est com m e héritiers présomptifs d e M . et M a d . de S t-M a n d e ,
qu’il veut y appeler leur fils et leur petit-fils, a fin , d it- il, qu 'en
cette qualité ils puissent consolider le don de S a u lz e l, en fa v e u r
de mes petites-filles, en contractant judiciairement la renonciation
de leurs droits à ce b i e n , après la m o rt de m a sœur ; ainsi il
com m ence par mettre en doute la validité du don d e S a u lz e t, et il
démolit pour avoir le plaisir de faire du nouveau.
M ais quand le C o d e Napoléon annulle tout traité sur droits suc
cessifs non ouverts, faits pendant la vie de ceux dont on doit hé
r i t e r , quand il proscrit tout moyen*indirect de les lie r , ne proscrit-il pas cette espèce de comédie de mise en cause, de déclarations,
de co n v e n tio n s, avec lesquelles l’auteur du Mém oire veut créer
un m oyen indirect de faire ce que la loi défend ? Il n'en dem eureroit qu ’une chose: une reconnoissance en faveur du fils et du petitfils de M a d . de S t-M a n d e, d'un droit éventuel sur S s u lz e t , qu'ils
B
�n ’ont pas. A u cu n e renonciation ne pourroit en détruire l’effe t;
celle de M . de S t.-M an d e fils, quoique m a jeu r, ne vaudroit pas
m ieux que.celle, d e : M . Chardon pour son mineur ; " M . de St.M a n d e fils, tout en feignant de se faire mettre en cause pour
servir mes petites-filles, auroit acquis contre elles, de m êm e que
le mineur Chardon , le droit de d e m a n d e r , après la m ort de ma
sœ u r, la nullité de la subrogation de Saulzet ; celte nullité se trou■veroit déjà préjugée , et m êm e leur droit reconnu , par l ’adhésion
de M a d . Lam onteilhe à ce systèm e: je ne veu x pas dire que ce
soit cette seule arrière-pensée qui rende M . de S t.-M a n d e fils si
ardent pour ce système ; il y met peut-être plus d ’amour-propre '
que de spéculation d ’intérêt; mais il n ’en est pas moins vrai que
M a d . Lam onteilhe a ya n t un ¡peu différé de présenter sa requête
en in terv en tio n , M . de S t.-M a n d e fils est accouru ici ; il n ’a
pas quitté avant de l’avoir vu présenter et d ’avoir vu imprimer
l ’adhésion de M ad. Lamonteilhe à ce systèm e, le plus dangereux
de tous ceux qu^on put imaginer contre ses enfans.
J ’ai prouvé que M a d . Lam onteilh e étoit non recevable dans son
interven tion ; que si elle étoit recevable, on ne pourroit pas se
dispenser d ’appeler en cause mes autres e n fa n s, au lieu de ceux
de M a d . de S t-M ande, tout à fa it étrangers à cette a f fa i r e , sur
tout pendant la vie de leur m ère.
3q passe au fond de l ’instance.
J 'y répondrai d ’avance à tout ce q u ’on voudroit faire valoir pour
M a d . L am o n te ilh e, si l ’intervention étoit admise.
C o m m e l’auteur du M ém o ire me reproche un défaut d ’ordre et
de clarté, je m ’astreindrai à l ’ordre judiciaire de» questions à
juger :
i*. Suis-je héritier de m on p ère?
2*. M . de St-Mande doit-il m e donner quittance des 12,000 liv.
que je lui ai payées ou fait p a y e r, pour solde de la dot de ma sœur ?
5*. M a sœur a-t-elle été ma mandataire ?
4*. E n fin , la transmission q u e lle m ’a promise par acte de mai
1 8 0 1, est-elle faite ?
�< ">
i er0. Question.
- t *
Suis-je héritier de mon p è r e ? L ’ auteur i du
M ém oire avo ue, page 6 , que je sms'héritier u niversel' de m on
p è r e , et page 24» <ïue suivant la loi du g fructidor an 9 , l’ ins
titution contractuelle faite par mon p è r e , en m a fa v e u r , restoit
toujours valable ;
•
20. Q ue m a sœur a renoncé à toute succession directe èt co l
latérale et à tous droits échus et à échoir. V o y . page 6 . '
Il est prouvé que je n’étois pas sur la liste des ém igres, quand
m on père et mon frère sont morts ; par conséquent je dois être
maintenu dans la qualité d ’héritier de mon père et de mon frère (1).
Quand on a l u , t page 6 , que ma sœur a renoncé à tous droits
échus et à échoir ; quand on a l u , dans dix endroits d iffé r e n s ,
que son mari et elle ont voulu s’en tenir l à , com m en t concevoir
q u ’on soutienne, page 5 i , que m a sœur pouvoit prétendre à un
90 dans la succession de m on p è r e , et à la moitié dans la suc
cession de m on f r è r e ? vouloient-ils avoir ce 9 e et cette moitié
au par-dessus dea 3o,ooo l i v . , ce qui eût été contraire aux con
ventions? alors il ne falloit pas déclarer q u ’ils s’en tenoient à la
dot co n stitu é e , q u ’ils étoient fid è le s à leur renonciation à toute
succession directe et collatérale , a tous droits échus et à échoir.
Si
on n ’a feint un instant de vouloir sauver ce 9 e et celte
m o itié , que pour leur assurer de plus en plus ce que je leur d e v o is,
et épargner quelques avances jusqu’à ma rentrée dans mes droits ,
com m e M . et M a d . de St-Mande ont été entièrement payés des
5o,ooo liv. pour mon com p te, avec des deniers q u ’ils ont reconnu
m ’appartenir, ce qui est prouvé par les actes q u ’ils ont signés ; nous
avons fait une opération de toute ju stice, en laisant ce 9" et cette
moitié dans la masse qui m ’ appartenoit, lorsque nous avons traité
et com pté ensemble, par l’acte de mai 1801.
H « ’y a rien à changer à ce qui est fait à cet égard ; l ’acte de
t
( 1 ) O u sait que le testam ent Je mou père appcloit mon fils oint; à me rem pla
cer si j’avois ¿té exclu ; l'auteur du M dm oiie u’a pas pu le n ier ; mon contrat de
mariage y autorisoit mou p ère.
B 2
�( 12 )
mai 1801 est une transaction irrévocable, ainsi que tout ce qui
a été fait d ’après cette ba6e.
Q uels que pussent être les regrets
s’il en a ,
de M . de S. M a n d e fils,
car son père et sa mère pensent trop bien pour en
avoir ; quand m êm e j ’aurois envie d ’y déférer ( en quoi il s’y est
excessivement mal p r i s ) , il ne seroit plus t e m p s , puisque tout et
surtout les avantages faits à L a m o n t e ilh e , ont été pris sur le
résultat de cette opération.
Je ne m ’en cache pas, c ’est à M . de S t.-M a n d e fils, et point à son
père, que j’attribue tout ce système. Aussi, quelles erreurs, m êm e sur
les faits les plus aisés à vérifier I P a r e x e m p le , il y donne à m on
père quatre enfans au lieu de sept ; il y est dit que m a mère et m on
frère Pierre sont morts après mon m a ria g e , et ils sont morts sept
ans avant.
M a sœur n ’auroit pas donné des renseignemens aussi erro n é s ,
et si elle avoit lu le M ém oire avant q u ’il fû t im primé , elle auroit
certainement redressé celte e r r e u r , co m m e tant d ’autres qui lui
font perdre une partie d u m érite de sa belle conduite.
L ’auteur d u M é m o ire suppose que j ’ai reconnu à ma sœur la
qualité d 'h éritiè re , en disant dans l ’acte de m ai 1801 que je pro
met tois de la garantir de tout ce q u ’on pourroit lui demander
co m m e héritière de m o n père ; m ais c ’est au contraire précisé
m ent parce q u ’elle demeuroit fille d o t é e , avec renonciation à m o n
p r o f it , et parce que je restois héritier u n iv e rse l, co m m e il le
d i t , page 34 » <îue cette clause lui promet d e la garantir contre
ceux qui la supposeroient héritière.
M a sœur est née à C l e r m o n t , pays de droit écrit ; c ’est là que
son cotnrat de mariage a été passé , et que m on père et mon
frère étoient domiciliés quand ils sont m orts , et cependant l’au
teur du M ém o ire invoque la C o u tu m e d ’A u v e r g n e , sur le règle
m ent des qualités et droits à leur succession.
T o u t est erreur en droit com m e en fait.
a 8 Q uestion . C e que l ’auteur de ce M ém oire d i t , pour que
M.
de
S t.-M a n d e
soit
dispensé
de
donner quittance
des
�12,000 lîv. par lui tou ch é e s, et à lui payées pour m on com pte
pour solde du reliquat de la dot de sa fe m m e , est rem arquable,
com m e choquant les notions les plus communes.
C e tte quittance existe d é jà , dit-il, parce q u e , lors d ’un 2* compte
de sa gestion que ma sœur m ’a rendu le 27 vendémiaire an n ,
j ’ai mis en marge du double, qui est dans les mains de M a d . de
S t - M a n d e , la mention qu’ils avoient retenu les 2,000 liv. dont
j ’étois demeuré redevable envers le mari sur la dot de m a sœur, lors
du précédent com pte de mai 1801.
" M ais outre que pareille mention n ’est point une quittance suf
fisante , elle n'est pas sur m on d o u b le, elle est seulem ent sur celui
de M . de S t-M an d e. O r , le bon sens dit, co m m e toutes les l o i s ,
que la quittance doit être dans les mains de celui qui se lib è r e ,
et non de celui qui a reçu.
M a confiance en eux étoit toute entière ; ils la m éritoient ; ma
6œur étoit chargée de mes affaires; j ’ai cru que son m ari lui
remettroit la quittance. C e la a été différé ; q ua n d je l'ai dem andé ,
on a voulu larder cette quittance de clauses qui m ’ôtoient le
verger et les réserves, et d ’ailleurs très-nuisibles à mes enfans.
• C e tte quittance nepeut m ’être refusée ; elled oil être pure et simple.
3* Q uestion. M a sœur a-t-elle été m a mandataire ?
L ’auteur du M é m o i r e , fertile en questions préalables ,
me
r e p ro ch e , page i 3 , d ’avoir o u b lié de conclure à ce que M . de
S. M a n d e autorisât sa fem m e à plaider sur cette question.
Je réponds que cela étoit in u tile ; le C o d e N a p o lé o n , article
1 9 9 0 , a confirmé l’ancien principe que la fem m e peut être
mandataire sans être autorisée par son m a r i , celui-ci ayant tou
jours voulu qu’elle usât de cette fa cu lté , m a sœur en a y a n t u s é ,
et m ’ayant déjà rendu c o m p t e , sans l ’assistance de son m a r i ,
com m e cela est prouvé par l’acte de m ai 1801 ; enfin ma demande
n ayant pas alors d ’autre objet que m a réquisition de l ’acte nota
rié qu elle m ’avoit promis s e u le , et q u ’elle devoit passer seule ,
il eût été déplacé d ’appeler le m a ri qui vouloit éviter de s en
mêler. C ’est précisément pour constater q u ’ il ne se mêloit de
�( *4 )
rien de ce qui concernoit ce m a n d a t, q u ’il a voulu ensuite que
m a soeur fu t autorisée par justice. On voit par là que l’auteur
du M ém oire n ’a point consulté M . de S t - M a n d e , en faisant
celte difficulté.
L ’auleur du M ém o ire avoue , i*. que les inscrits sur la liste
des émigrés , de même que tous bannis , ont été capables des actes
du droit des g e n s , et que l’achat est un contrat de ce genre ; 2°.
que le mandat étant aussi un acte du droit des g e n s , que l’inscrit
pouvoit avoir un mandataire qui fit pour son compte tous les actes
du droit des gens. A i n s i , de son aveu , ma sœur a pu être m a
mandataire , à l’effet de r a c h e te r , pour m on compte et à m on
p r o f it , les biens sur moi confisqués.
Il ne s’agit donc plus que de savoir si elle a reçu et accepté
m on mandat.
J ai déjà démontre dans mon E x p o sé , par une chaîne de faits
bien notoires , surtout a C l e r m o n t , qu elle l’avoit reçu , accppté^
q u ’elle avoit acheté pour mon co m p te , qu ’elle avoif été mon prêtenom pour posséder et gérer, pour revendre une partie, pour subro
g e r , par mon o r d r e , m on fils L am onteilh e à la propriété de
S a u lz e t , et j ’ai dit q u ’elle étoit encore mon prête - nom pour me
conserver le verger, sous la condition de m e le transmettre ( i ) .
O n a répondu à m a demande par une sommation de déposer
au g r e f f e , avec inventaire, toutes les pièces qui pouvoient prouver
que ma sœur avoit été ma mandataire et mon prête-nom .
Ici je dois observer q u e , lors du procès verbal de non-concilia
tion , ma sœur et son m a r i, loin de nier les f a i t s , Se sont bornés
u dire q u ’ils étoient inutiles ; ce qui emportoit aveu.
• ^ après cela , j ’aurois cru blesser la délicatesse de ma sœur , en
supposant qu ’elle put jamais autoriser un doute sur un fait si
notoire , sur un fait où tout étant son o u v r a g e , je n'avois jamais
cru avoir besoin d ’autres preuves que sa conscience.
( i ) J'observe i c i , par a n ticip atio n , que la preuve que cette transmission n’est
pas encore fa ite , c ’est qu’on fait encore aujourd'hui les actes et dém archés relatives
i* la propriété du v e r g e r , sous son nom.
�L e Palais n ’a vu dans cet incident qu ’ une envie de paralyser
l'a ffa ir e , calculé sur la gêne dans laquelle on me sàvoii. En e ffe t,
cela ne me m eltoit pas seulement dans le cas de faire t im b r e r ,
enregistrer deux cents lettres de ma sœur , ou de ceux avec qui elle
m ’avoit mis en relation à l ’occasion de ce m a n d a t, lettres contenant
la série des instructions qu ’on me demandoit à chaque instant et
de leur exécution , et contenant de plus mention des promesses
et de payemens qui dévoient donner lieu à de gros droits , cela
m ’eût aussi forcé à déposer au greffe plusieurs sous-seings privés,
dont l'am end e,et le double droit auroient porté les avances à envi
ron 10,000 fr.
L e tribunal m ’a délivré de cette ch ica n e , en autorisant la co m m u
nication amiable de toutes les pièces entre défenseurs, com m e je
l ’avois offert.
D ès que le défenseur de ces dames a vu que cette com m unica
tion ne devoit plus me coûter de frais, il a dit q u ’il nen avoit plus
besoin; au reste, je n ’avois pas attendu c e lle décision pour envoyer
lui o ffrir de faire porter chez l u i , de confiance, tout ce que j'avofs
en mon pouvoir , en lui observant, com m e je l ’avois déjà répondu
par é crit, que lorsque j ’étois reparti pour Berlin , en 1802, lais
sant à ma sœur une nouvelle p rocuration, et encore plein de la
plus grande confiance , je lui avois laissé tous mes autres p ap iers,
M a d . Lam onteilhe doit avoir le reste; l'acte de mai
1 8 0 1, fait
foi que tout avoit été alors remis à son mari par m a sœ u r, et
que rien ne m ’avoit été remis.
E n atte n d a n t, et pendant qu ’il travailloit encore à son m é m o ire ,
je lui avois e n v o y é , co m m e il l’a v o u e , les originaux de sept le t
tres plus que suffisantes pour constater que m a sœur avoit reçu
de moi des pouvoirs illimités confid en tiels, et qu'elle avoit reçu
diverses procurations en form e ( 1 ) , et cela , avant la soumission
de mes biens.
( 1 ) Dans ce nombre il y en avoit une légalisée p a r le m inistre de France à B e r liu .
�( 16 )
C e tte soumission est du 26 fructidor an 4 «
U n e de ces lettres portant expressément mention de procurations,
est du 16 mars p ré c é d e n t, une autre du
4 mai ; ces dates y sont
d e la m ain de m a sœur : leur contenu fixe la date de l ’a n n é e ,
et prouve surtout q u ’elles sont bien antérieures à sa soumission de
m es biens, puisqu’il est dit dans celle du 4 m a i , q u ’elle va faire
usage de m a p ro cu ra tio n , pour s’opposer a u x ventes ou au moins
les retarder.
C ’est parce que ces lettres contenoient des preuves sans réplique
de la réception du m andat confidentiel , des procurations no
tariées et de leur acceptation ; c ’est parce q u ’il a su q u ’il y en
avoit une m ultitude aussi claire s, où m a sœur se déclaroit m on
agent d'affaires et mandataire comptable ; c ’est parce que ce
dernier point étoit prouvé par l’acte de mai 1801 , constatant
compte et apurement de c o m p te , que l’ auteur du M é m o ire a
imaginé de dire que tout cela étoit insignifiant, dès que je ne justifiois pas d ’un acte synallagmatique antérieur à la soumission de
mes b ie n s , qui portât qu’elle ( m a sœur) se constituoit m a m anda
taire et m on p rête-nom , qui détaillât nos obligations réciproques
et leurs conditions, et qui fut fait double s’il étoit sous-seing privé.
Il a invoqué à l’appui de ce systèm e l ’article i 325 d u C od e
N apoléon.
J ’observe d ’abord qu ’ il y a dans le C o d e un titre particulier
du m a n d a t ; que ce n ’est pas là que se trouve cet art. i 3a 5 ;
il est chap. 2 des co n v e n tio n s, section de la preuve littérale.
D a n s le chapitre du m a n d a t, qui est la véritable et seule loi sur
ce d o n l il s’agit , on l i t , article 1 9 2 5 , que le m andat peut être
donné par lettre , que l'acceptation peut même n étre que ta cite,
e t résulter de l'exécu tion qu i lu i a été donnée par le mandataire.
L e s lettres de ma sœur prouvent q u ’elle a reçu mes pouvoirs ;
les lettres de ma sœur portent acceptation de me* pouvoirs; ses
lettres portent q u ’elle a exécuté le m andat, et que dans son exé
cution elle s’est déclarée mon agent d ’a f fa ir e s , par conséquent
ma mandataire ; l ’acte du 8 mai porte q u ’elle a v o u l u , com m e
tout
�.
,
(
*7 )
fs s
tout m andataire, rendre c o m p te , avoir d é ch a rg e , que cela a été
f a i t ; q u ’elle a de m a n d é , com m e tout mandataire
des actes de
ratification et de garantie envers et contre tous ; que je les ai
donnés.
P eut - il y avoir jamais une réunion plus frappante de preuves
de tout genre du m andat? ne vont-elles pas au-delà de ce que le
code demande , pour que le mandataire soit bien irrévocablement
obligé ?
T o u s les raisonnemens que l’auteur du M ém oire fait sur ce que
j ’ai témoigné dans la lettre par laquelle je répondois à l’avis de
l ’exécution de mon m a n d a t , un peu d ’élonnernent de ce que m a
sœur s’étoit hâtée , ne prouvent r ie n , si ce n ’est que j ’avois con
servé plus long-temps l ’espoir d ’une radiation et de la restitution
gratuite.
M ais cela mêm e prouve q u ’elle m ’avoit donné avis q u ’elle avoit
acheté com m e ma mandataire ; car pourquoi auroit-elle voulu
m e prouver qu ’il y avoit urgence à ce q u ’elle r a ch e tâ t, si elle n ’avoit pas été e n cela m a m andataire, mon agent d ’a ffa ires , com m e
elle ne cessoit de me le m ander, com m e elle l’avoit dit à C le r
m ont m ê m e , en pleine séance des A u to r ité s, le jour du rachat.
Cette observation, fortifiée par toutes les lettres de ma s œ u r ,
anéantit tout ce que l’auteur du M ém oire d i t , pour faire croire que
les procurations q u ’il ne peut nier n ’étoient relatives q u ’à m a ra
diation.
J’en ai envoyé plusieurs ; il y en a eu où ma radiation étoit le
principal o b j e t , où le mandat de r a c h a t , qui étoit le pis-aller, n ’étoit
donné qu’en ces te r m e s , fa ire tout ce que les circonstances de
manderont pour me conserver mes biens ; parce qu ’il ne falloit
pas parler plus clair à certaines personnes exagérées à qui la pro
curation devoit être com m uniquée : mais il y en a eu d ’autres
parlant plus clair du rachat; chaque lettre d ’envoi confirmoit des
pouvoirs confidentiels illimités; le C o d e , en validant le mandat par
c
le t tr e , n a-t-il pas validé les pouvoirs confidentiels ? Je défie qu ’on
�( i 8)
en produise aucun qui limite mes pouvoirs à obtenir ma radiation
et la restitution gratuite de mes biens.
C e r ta in e m e n t, ma sœur n ’a pas autorisé l ’auteur du M é m o ire
à faire entendre q u ’elle a v o u lu , en acceptant mes pouvoirs, se
réserver, par restriction m e n ta le , d ’acheter pourelle-m êm e, si ou
ne m'accordoit pas ma radiation. Si c ’est son fils qui a fait faire
cette insinuation par l’auteur du M é m o i r e , c ’est une grande légéreté démentie par tous les faits, toutes les lettres, et que repousse
l ’opinion que ma sœur a donnée de son caractère. Elle a accepté
le mandat purement et simplement ; or il est de principe que celui
qui s’est chargé d ’une opération pour un autre , en acceptant son
m a n d a t , ne peut plus faire celte opération pour l u i - m ê m e , ni
pour aucun autre que celui dont il a accepté le m andat ; l’ applicacation de ce principe doit être d ’autant plus stricte ic i, que ma
sœur m avoit o ffe rt de se charger de m on m a n d a t , q u ’elle m ’ avoit
empêché de le donner à d ’autres, en m e disant que le désir de
sauver les 12,000 liv. que je lui devois Vintéressait à ce que l ’opé
ration f û t faite par e lle ; de sorte qu ’ il y auroit abus de confiance
préparé par un piège, si elle avoit acheté pour en disposer; abus
de confiance d ’une sœur vis-à-vis d ’un frère sous le glaive; abus
de confiance pour lui ôter l’ancien patrim oine de ses pères, que
celte sœur s’étoit chargée de lui conserver : ma sœur ne mérite
pas un tel reproche; elle a reconnu avoir fait l ’opération, comme
mon homme d’ affaires ; elle désavouera cette légéreté qui la c o m
promet.
Si ma sœur m ’eût annoncé sa restriction , j ’aurois donné la
commission du rachat aux banquiers étrangers qui m ’avoient offert
de s en charger , parce qu'alors ils faisoient en France de pareilles
commissions (1).
A u lieu de so dégager du m a n d a t , elle m ’a toujours écrit q u ’elle
travailloit pour moi se u l; héritages , c a p ita u x , revenus , tout te
sera fid èlem en t rendu, disoit-elle dans ses lettres.
( 1 ) Ils avoient alors l’argent à B erlin à /( , et en tiroient ao en F rance.
�(i9)
¿ 3
L ’ auLeur du M ém oire veut aussi exciper de ce que j ’ai donné
des procurations à ma sœ u r, postérieurement au rachat. O u i , j’en
ai donné une; mais pourquoi ? parce que les premières ne parloient
que de racheter mes biens de la confiscation, et de me les con
server ; o r , il falloit en revendre pour p a y e r, et les acqu éreurs,
à qui m a sœur disoit que c ’étoit pour moi q u ’elle avoit a ch eté ,
et qu’elle revendoit, vouloient voir ma procuration; en m ê l a de
m a n d a n t , ma sœur a donné une nouvelle preuve q u ’elle avoit
acheté en vertu de mon m a n d a t , et qu’en fidèle m andataire, elle
ne vouloit pas l’outre-passcr, sans ampliation de pouvoir.
Si elle avoit acheté pour son propre compte , pour avoir mes
biens à sa propre disposition , elle n ’avoit pas besoin de nouvelle
p ro cu ra tio n , elle pouvoit gérer et revendre sans cela ; les acqué
reurs ne m ’auroient pas demandé les ratifications que j ’ai don
nées; elle n ’avoit pas besoin de ce préalable, pour me faire ensuite,
ou faire à mes e n fa n s, tel ca d e a u , telle restitution q u ’elle auroit
voulu.
L ’auteur du M ém oire dit que l ’acte de mai 1801 ne contiendroit pas autant de rem erclm ens, si m a sœur avoit été m a m an
dataire. M ais est-ce q u ’un mandat gratuit n ’exige pas des rem ercimens ? est-ce que la difficulté des circonstances n ’augmentoit
pas le mérite de la conduite de ma sœur ? Je lui devois de la reconnoissance , des rem erclm en s, et c’est cette reconnoissance q u i ,
à mon retour en F r a n c e , m ’a a veuglé, en m ’empêchant de bien
ex a m in e r, si l’ exposé qu’ elle me faisoit de mes affaires n ’étoit
pas erronné. Elle s’offensoit des doutes ; je cédois à sa d ir e c tio n ,
crainte de lui déplaire ; j’ai continué sur ce pied jusqu’à ce que
je me suis vu réduit à une situation qui ne m e le permettoit p lus;
com m e elle ne croit jamais à l'impossibilité de ce q u ’elle ve u t, et
com m e elle n ’aime pas qu’on lui fasse des représentations, elle s’en
est ofienSée, et elle a prêté l ’oreille aux mauvais conseils qui la
dirigent.
M a confiance dans ma sœur étoit encore toute entière lors du
mariage de m on fils L a m o n te ilh e , et ma confiance clans le carac-
C 2
�c ,!-
( 20 )
tère que M nd. L am o n lcillic m ’avoit montré jusques - là fixa mon
clioix ; je ne savois pas qu ’il se mêlât tant de foiblesse à sa bonté
naturelle.
L e s affaires de ma f a m i lle , surtout les valeu rs, étoient plus
connnes de M . de Cham pflour qui étoit sur les lieux , que de moi
qui arrivois de quatre cents lieues, après dix ans d ’absence, sans
m ’être mêlé des biens de ma famille avant ma sortie , parce que
cela regardoit mon père qui vouloit être maître ; d ’ailleurs ma
fam ille me disoit que la révolution avoit tout déprécié , dégradé.
On avoue que la fam ille Cham pflour connoissoit l’acte de mai
de 1801.
Si o n . trouve qu'avant cet acte la qualification de prête-nom
n ’étoit pas le terme le plus propre à ajouter à celle de ma m an
dataire , il faut avouer qu ’au moins à dater de cet
acte , le
term e le plus propre a été celui de préte-nom , puisqu’il porte
que ma sœur possédera pour m o i, jusques à ce que m a radiation
permette de faire définitivement une transmission notariée.
E n tre cette promesse du 8 m ai 1801 et son e xé cu tio n , ma
Sœur n ’a pu être qu’un préte-nom . C e t acte est bien synallagm atique, com m e le demande l’auteur du M é m o ir e , et bien antérieur
à la subrogation de Saulzet; d o n c , quand m a sœur n ’auroit pas
été avant ma m andataire, cet acte suffiroit pour constater q u e ,
lors de la subrogation , ma sœur étoit m on prête-nom .
L ’auteur du Mémoire nous dit lui-m êm e pourquoi nous devions
éviter d ’em ployer dans nos actes le m ot mandataire et le mot
prête-nom , par la peur du fisc. II avoue que tant q u ’on éloit encore
sur la liste, et j 'y étois lors des actes dont il s’a g i t , on d e v o it à s o n
m a n d a ta ire , à son prête-nom , de ne pas le déclarer trop ouver
te m e n t, a plus forte raison dans des actes écrits, qui dévoient se
promener chez les homm es de loi , où ils pouvoient être rencontrés
par les agens du fisc ; il dit q u ’un inscrit qui auroit révélé q u ’il
étoit devenu p ro p riéta ire, auroit pu courir risque d ’une nouvelle
confiscation .de sa propriété ; que s il etoit m o r t , le fisc auroit hérité
de lui. V oilà ce que j ’ai voulu éviter.
�( 21 )
Pourquoi , après avoir d i t , pour les conserver a Emmanuel
A ubier son fr è r e , avons-nous ajouté ou ses en fa n sl C ’est afin
que la survivance d ’un seul de m e se n fa n s empêchât le fisc d ’hé
riter de m oi, si je mourrois avant ma radiation ; et c ’est au nom
de mes e n f a n s , au nom de la belle-fille qui jouit de presque tout
le bénéfice de ces précautions, q u ’on voudroit en abuser, pour
empêcher de reconnoître le principe de mon droit sur les débris !
L ’auteur du M é m o ire , en y révélant lui-même le danger d ’expres
sions plus claires, donne le m o tif et l ’excuse de toutes les réticences
des acles passés avant ma radiation, et de l’amphibologie qui peut en
résulter; mais cela ne détruit pas le fait p rim itif qui explique tou t,
le fait que ma sœur avoit, dès le principe , été m a mandataire , et
que son acceptation de mes pouvoirs l’avoit irrévocablement liée à
n ’être que mon représentant , fait qui donne la solution de tout.
Il étoit reconnu que la propriété n ’étoit sur sa tête que pour
m e la conserver ; q u ’elle nie représentoit, que la jouissance étoit
pour moi , mais sous son nom ; par conséquent elle étoit mon
prête - nom quand je l’ai autorisée, co m m e l’avoue l ’auleur du
M é m o ir e , à subroger mon fils Lam ontrilhc à la possession de
Saulzet ; donc c’esl com m e mon prête-nom que ma sœur a passé
cette subrogation , par acte fait en ma présence et de mon consen
tement. On ne pou voit pas l’indiquer plus clairement que le pacte
de famille le porte ; on y lit ces term es, comme si M ail, de St~
Mande n'avoit été dans celte acquisition que le p re te -n o m dudit
Jerôme-JLmmanuel sJubier seul.
On ne peut pas dire plus clairement que ma sœur avoit été le
prête-nom de quelqu'un, et que ce n ’etoit pas de mon fils Lam onteilhe , car dire que ce sera connue si elle l’avoit été de L a m o n teillie, c ’esl dire q u e lle n'avoit pas été le prête-nom de Lainonteilhe, mais d ’un autre.
D e qui ma sœur pouvoit-elle être prête-nom , si ce n ’est de moi
qui lui avois donné des pouvoirs ; de moi de qui elle les avoit accep
tés ; de moi pour qui elle avoit déclaré conserver les bie n s: ce
mot dit tout. L e mandat avoit été donné pour conserver. 11 n ’y
�\ u .
( 22 )
a que celui qui étoit précédemment propriétaire, à qui ce mot
puisse s’appliquer; car si le m andat avoit eu lieu au profit de tout
a u t r e , il n 'eû t pas été un acte conservatoire ; il eût ôté au vrai
propriétaire primordial, ce que l’ordre de la nature et des conven
tions de famille lui avoit assuré , pour donner à celui qui n’y étoit
pas appelé: or , le propriétaire prim ordial, c ’étoit moi.
Aussi , on lit dans cette mêm e délibération de famille , signée
de vingt-cinq parens et de plusieurs jurisconsultes, quelques lignes
plus h a u t , que le premier but de la conservation avoit ét ê pour
m o i, et pour me remettre mes biens dès que ma radiation Ièveroit les obstacles qui en retardoient la remise.
Rem arquons bien que c ’est dans l’assemblée de famille la plus
no m breuse, la plus solennelle, dans les actes même faits pour
régler les conditions du mariage , que ma sœur , mon fils L a m o n teilhe et son épouse , son père , M . de S t- M a n d e , son f il s , sou
gendre, ont reconnu que ma sœur étoit mon préte-nom.
Je crois que cela répond à tous les sophismes de ce Mémoire.
II est d i t , dans cet acte, que mon fils pourra se constituer Saulzet ;
dans son contrat de mariage daté du lendemain , on n ’a pas dit
qu’il 'avoit été subrogé par mon préte-nom , parce q u ’il dcvoit
passer sous les y eu x du f is c , et le M ém oire nous a dit le danger
auquel ces mots exposoient.
L a subrogation n otariée, reçue par C o s t e , trois mois après,
est déclarée par une contre-lettre, du même instant et du m êm e ré
d a cte u r, n ’être qu’une ratification de la délibération de famille où
L am onteilhe a reçu Saulzet de mon préte-nom.
C ette subrogation le fait renoncer ù toute s u c c e s s i o n paternelle,
et du côte paternel 5 c ’étoit encore p o u r éviter de réveler au fisc
la vraie base de la
d élib é ra tio n
de fa m ille ; elle accordoit i 5,ooo
liv. de préciput à chacun de scs frères, avec le tiers de C rè v e -C œ u r;
le tout étoit une espèce de retour de lot du don de S a u lz e t , ce qui
eut donné lieu à de gros droits.
L e lendem ain, M . C h am p flo u r, qui avoit dicté l’acte à M . C o s t e ,
et me l’avoit envoyé tout prêt , fit faire une consultation à
�fJ O )
^
( 2 3 )
Riom , pour prouver
On étoit déjà
que
cette renonciation
convenu que cette
étoit nulle.
renonciation ne vaut pas
m ieux que celle à la succession maternelle, contenue dans un sousseing privé de
1802, dont ma sœur et M . de C on dat se sont
déclarés dépositaires, en m ’en envo}rant copie de leu r main.
A lo r s Lamonteilhe vouloit renoncer à toute part dans la suc
cession m a te rn elle , pour garder Saulzet en son entier, sans avoir
à donner un plus grand retour delot que son tiers dans C rè v e -C œ u r .
M o n fils Lamonteilhe voyoit que Saulzet valoit le double de ce
qu'on l ’avoit estimé , et que les liquidations destinées à ses frères
étoient peu sûres ; il connoissoit un écrit de M . de Cham pflour
que j’ai encore dans mes m a in s , constatant que la négociation de
son mariage avoit été ouverte et conclue sur la base du plus ou moins
d ’avantage que je pourrois lui faire , com m e père et vrai proprié
taire de tout ce que m a sœur avoit racheté pour moi ; il convenoit
que Saulzet en fatsoit partie, q u ’en conscience et en honneur on
ne pouvoit le n i e r ; il étoit l o y a l , bon fr è r e , il vouloit rendre
justice à ses frères; mais il ne savoit que f a i r e , parce q u ’il ne
pouvoit connoître ma fortune qu'après que le sort des liquidations
seroit c o n n u ; celle de sa m è r e , q u ’après que les espérances don
nées par M a d . de Chazerat seroient réalisées ; de sages conseils
lui avoient dit qu'il ne pouvoit traiter solidement qu ’après ma
m ort pour le paternel, après celle de M a d . Aubier pour le maternel.
A u jo u rd ’hui sa veuve veut Saulzet à p a r t , et encore réserve de
part d ’enfant partout : q u ’elle attende notre m ort pour élever la
question.
E n ce moment il ne peut être question , m êm e sur le fon d de
l ’intervention, quede ce qui fait l’objet du fond de l’instance
en tre
m a sœur et moi : o r , il ne s’agit que d ’accomplir la formalité de
la transmission du verger par-devant n o t a ir e , à l’égard duquel
elle ne peut pas nier qu’elle est ma m andataire, et mêm e q u ’elle
est mon prête-nom , au moins depuis l ’acte de mai 1801 , par
lequel elle a promis cette transmission.
E t co m m en t, après toutes les preuvesque j’en ai données, ne pas
�(H )
être excessivement éfonné de ce qu'on l i t , page 3s du M ém oire
auquel je réponds. — M . Chardon a itérativement reconnu et
confessé que la dame de St-M ande , sa belle-m ère, ri avoit
acheté de la nation les biens de son fr è r e , que pour les con
server aux enfans de son frère ; mais quand M . C hardon a
confessé c e l a , car voilà le m o t que l’auteur du Mém oire em
p lo ie , il avoit signé l’acte de m ai 1801 , portant que M ad. de
St-M ande avoit acheté pour ¿on frère , et que les enians ne dé
voient remplacer leur p è re , que dans le cas où celui-ci ne seroit pas
ra yé ; il avoit signé la délibération de fam ille où il étoit répété
que M a d . de St-M ande avoit acheté ces biens, pour les conserver
à Em m anuel Aubier son frère ( à m o i ) , et me les rendre dès que
je serois rayé.
M . Chardon est un hom m e d ’honneur ; ce noble caractère ne
rend souvent que plus aisé à être trompé ; les directeurs de cette
m anœuvre ont été assez habiles, pour en faire leur instrum ent, soit
qu'ils lui aient surpris sa signature, soit qu'ils soient parvenus à
lui faire illusion.
C e t acte est un des m oyens employés clandestinement pendant
m on absence, pour exécuter le plan de me retrancher de ma
fa m ille , de m ’en e x c lu re , de m e tout ô te r, qu ’on m ’avoit révélé
en 1802 , et auquel je n ’avois pas voulu croire.
L 'a u te u r de ce plan com biné avec plusieurs calomnies imaginées
pour m ’aliéner mes enfans , a cru que l’offre des débris du reste
de ma fortune séduiroit mes autres e n f a n s , et les entralneroit
com m e M a d . Lainonleilhe.
Je ne craindrai jamais que mon fils aîné y participe ; je me tais
sur ce qu’on a employé pour séduire la fougue irréfléchie du troi
s iè m e ; un père ne se souvient jamais des erreurs de SCS e n fa n s,
que pour les avertir de ne plus écouter les mauvais conseillers qui
les ont égarés ; mais le cœur
me saignera jusqu’à la m o r t , de
tout ce que j'ai été dans le cas d ’apprendre, de tout ce q u ’on m 'a
fait éprouver ; je me tais.........
Dans le f a i t , on ne vouloit pas que je revinsse. On avoit cru
que
�■( 25 )
que la guerre entre la France et la Prusse m ’auroit ferm é pour
toujours la porte. M ais je m ’étois conduit de manière que toutes
les autorités françaises militaires, politiques et civiles m ’ont éga
lement rendu justice et témoigné leur eslime.
L ’ acte que je réfute révèle pourquoi on
avoil empêché m a
sœur de présenter à M . le Préfet le décret de S . M . l’E m p e re u r,
du
10 brumaire an i/^ > q11' m'avoit conservé tous mes droits,
en me permettant de garder ma place de chambellan du roi de
Prusse.
P e ut - o n imaginer une inconséquence plus grande que celle qui
se trouve dans ce M é m o ir e , quand, après avoir em ployé qvielques
pages à vouloir prouver que ma sœur a acheté mes biens pour ellem êm e et pour en disposer à sa v o lo n té, on y fait valoir des actes
où les enlans de Mad. de St-Mande déclarent q u ’elle n 'a achetéque
pour conserver aux en fans de son frère.
T o u t e s ces variations sont êgaleirientdangereusespourmospelilesfilles ; car si M a d . d e S t - M a n d e n ’avoit acheté que pour l e s e n f a n t
de s o n frè r e , l'effet de cette expression collective se parlageroit
également entre tous mes enfans par é g a lité , et par conséquent
l ’aîné et le troisième pourroient à l ’instant demander chacun un tiers de S a u lz e l, et sans attendre ma mort.
Mais il faut être bien convaincu d ’avance qu ’alors M a d . L a m o n teilhe auroit grand soin d ’opposer à ses beaux-frères tous les actes
qui constatent que ma sœur a été ma mandataire, et mandataire
de moi seu l; q u ’elle a été mon prdte-nom ; que j’étois le vrai
propriétaire de Saulzet, quand j ’ai autorisé ma sœur à subroger
Lamonteilhe à cette propriété; et qu’ au m oin s, jusqu'à ma m ort,
ils n ’ont aucun droit à critiquer les actes par lesquels je l’ai inves
tie. L ’auteur du Mém oire copieroit, pour défendre M a d . L am on
teilhe et mes petites-filles , tous les raisonnemens q u ’il a trouvés
absurdes dans mon Exp osé; sous sa pl ume ils deviendroient des
vérités élémentaires , q u ’on ne peut [tas combattre de bonne foi.
A u reste, com m e dans les trois rôles d iffe re n s , que ma sœur
prend tour-à-tour dans cette a ffa ir e , elle n ’en persiste pas moins
�dans le noble désintéressement dont son m aii lui a donné l ’exemple,
il ne faut y voir q u ’un changement d'idées sans e ffe t, parce que
le fait prim itif q u ’elle a été ma mandataire s’y oppose.
Passons à la 4 e question.
A cet égard , l ’auteur du M ém oire dit que la transmission du
verger que je demande , existe déjà , par un acte du 5 -fructidor
an 9 ; mais ce ne peut pas être sérieusement qu il le dit.
E n e f f e t , i \ l’écrit auquel il veut donner cette im p ortance, ne
n o m m e pas le verger ; or , il est de principe qu’un acte translatif
de la propriété d'un immeuble , et surtout d ’une propriété rurale ,
doit désigner sa n a tu re , sa situation, et au moins deux de ses
confins ; cette désignation est ordonnée par le C ode Napoléon , a
peine de nullité , m êm e pour une simple action ré e lle , à plus forte
raison , pour l'acte translatif de propriété ;
20. C e t écrit est antérieur, de plus d ’un an , à m on amnistie f
o r , il avoit été statué par l ’acte d e m ai 180 1, antérieur à cet acte,
que l ’acte légal et notarié de transmission définitive ne pourroit
être fait q u ’après ma radiation ou amnistie.
Si cet écrit avoit réellement effectué celte transm ission, pour
quoi encor» aujourd’h u i , tous les actes et démarches de proprié
taires se feroient-ils encore au nom de m a s œ u r , et par son fondé
de pouvoirs?
Pourquoi m'auroit-elle o ffe rt une vente e t m ’auroit-elledit, ainsi
q u ’à lout le monde , qu'elle avoit déposé chez M . C h assaig n e, no
taire, un testament o ù , prévoyant le cas où elle mourroit avant
que nous eussions tout term in é, elle m e transmettoit le verger.
T o u t cela n ’étoit-il qu ’une mystification ?
C e t écrit n ’a été fa it que com m e déclaration de la base qui
m o liv o it la jouissance que je faisois sous le nom de ma soeur, et
pour a jo uter, dans des cas im p ré v u s, à la force de la promesse
contenue dans l’acte de mai 1801.
En lisant cet écrit amphibologique, com m e lous ceux faits avant
ma radiation, et y réfléchissant, on verroit qu ’il étoit fait princi
palement en vue de statuer entre.m a sœur et m o i, com m e règle-
�J ÏS
( 27)
ment de fa m ille , que je ne voulois jamais aliéner aucune propriété;
c ’esl l'écrit dont j’ ai déjà parlé à ce s u je t; je Pavois fait pour
imposer d ’avance à mes
en fa n s
, par mon exemple , com m e je Pavois
déjà d i t , la condition q u ’ils ne pourroient rien aliéner de ce que je
leur partagerois de mon vivant.
Il est signé de ma s œ u r , de moi et de mon fils Lam onteilhe ;
celui-ci est le seul de mes enfans qui 1 ait signe , parce que les au
tres étoient alors en Prusse ; mais ils avoient donné un billet d ’hon
neur portant adhésion à ce que j’aurois réglé.
C e t écrit prolongeoit la réserve de Saulzèt, après ma m o r t, dans
un cas éventuel expliqué ; cette prolongation avoit été convenue
en considération de ce q u e , par acte postérieur de trois mois au
mariage de mon fils Lamonteilhe (ép oqu e où on exagéroit encore
plus If s liquidations), j'avois déchargé L am onteilhe d ’une dette de
i 3, 5oo liv. Je voulois éteindre celte d e tte , sans prendre sur les ca
p ita u x , et rien aliéner; cet écrit étoit sur tous les points la m esuçc d ’ un père de fa m ille , désespéré de ce q u ’on vouloit toujour»
vendre.
Je demande à ces dames et à l’auteur du M é m o i r e , à qui j ’ai
fait co m m u n iquer, par mon avoué, mon double de cet é c r i t , si je
puis le déposer chez un notaire, dans l ’état où il m ’est revenu de la
communication que ma sœur en avoit donnée à quelqu’un pendant
* mon voyage à Paris en 1802 ?
M es enfans peuvent - ils m ’envier la propriété de ce v e r g e r ,
quand il me représente loule l’hérédité de mon p' re et de m on
frère , que personne ne peut me c o n te s te r , puisque je n ’élois pas
inscrit sur la liste des émigrés quand ils sont morts ; quand il me
représente de plus les 200,000 liv. de créances que j’aurois sur celte
succession, par l ’accumulation des intérêts, enfin les 100,000 liv.
d ’avances que j ’ai faites pour mes en fan s, au-delà de ce que j ’ai
touché de nia fam ille, à quelque titre que ce soit?
Je ne demanderois pas c tt acte notarié, si je n ’en avois pas
besoin pour constater ma propriété aux yeux de ceux avec qui
ma sœur elle-m êm e m ’a invité de prendre seul des engagemens
d
2
�(a8)
pour ma famille , ^ ur les assurances qu ’elle me donnoit que je
disposerois seu l de tout. J ’ai annoncé aux créanciers que je m ’étois
interdit d ’aliéner la propriété; mais j’ai gradué mes engagemens,
de manière que les 20,000 liv. de dettes qui restent encore à p ayer,
seront acquittées successivement en capital et intérêts, par l ’ap
plication entière non-seulement des revenus du verger, mais encore
de toutes les réserves viagères que ‘je peux avoir du côté de ma
fa m ille , jusqu'à ce que les 20,000 liv. soient totalement payées.
Personne n ’a reçu de moi un assignat ; aucun des créanciers dont
je me suis chargé pour m a fa m ille , n ’éprouvera de retard aux
époques convenues, si on me laisse libre de pourvoir aux moyens :
si on m'entrave , le désordre tournera au détriment de tous mes
enfans (1).
E t n’est-il pas bien extraordinaire que M a d . Lam onteilhe oublie
que dans cette dette de 20,000 liv. , il y a i3,5o o liv. que je me
suis chargé de payer pour son mari depuis son mariage ; elle sait
que Saulzet dont elle jouit étoit chargé de cette dette ; elle en a la
preuve dans les doubles qui sont en ses mains de l’acte de mai
18 0 1, et de trois autres actes par lesquels j ’en ai pris la charge
sur m o i , actes où son m a r i, m a sœur et moi en avons assigné
le payement sur le revenu du verger; elle sait tout aussi-bien , que
les autres 6 , 5oo liv. sont le reliquat de dettes faites pour son
m a r i , de mêm e que pour ses frères ?
M a d . Lamonteilhe sait q u ’en 1 7 7 3 , quand mon beau-père , M .
M a r g e r id e , mit en vente C r è v e - C œ u r , il consentoit que l’achat
en fût fait en mon nom ; je voulus qu’il le fû t au nom de mes
( 1 ) J’ai
63
ans , jc su;s
sort;r ,le tu telle, >
’» moins qu’on ine fasse inter
dire ; on a murmuré , hasardé ce mot ï\ l’occasion île cette assemblée de fam ille
qui a autorisé l'intervention.
Il paroît que , quoique 4 <lcs parons fussent du ciitc de M. Cham pflour ( lui en
t è t e ) , le m oteur de nos troubles n’a pas osé risquer la propos it iou ; le juge de
paix l’a embarrassé sans doute : ce n est pas une cliose qu’il soit aussi aisé de
faire clandestinem ent, que des écrits du genre de celui que le Mémoire nous r é v ile
sans nous tout dire.
%
�(
29
)
enfans, pour que les parens de M ad. A u b ie r ne pussent pas dire
que j’avois voulu en faire ma propriété personnelle. J’ai payé le
viager ; le tiers qui revenoit à son mari dans le bien, lui a servi de
retour de lot sur Saulzet. Cela est avoué dans son M émoire.
M a d . Lam onteilhe sait q u ’en 1 7 8 4 , un an après avoir acheté
la charge de gentilhomme ordinaire de la cham bre, dont la finance
étoit de 5o,ooo l i v . , j ’ai transféré la propriété de cette finance sur
la tête de mes trois
en fan s
par égalité ; d ’a ille u rs, la preuve en est
dans les actes reçus M o n o t , notaire à Paris.
M a d . Lam onteilhe sait que j ’ai été seul chargé de son mari
com m e de ses frère s, depuis le premier janvier 1 7 7 3 , sans avoir
retenu un sou du revenu de M a d . A u b i e r , qui n ’a jamais con
tribué en rien au soutien de ses enfans.
M a d . Lam onteilhe sait que je n ’ai jamais rien touché du capi
tal de M ad. A u b i e r , placé par son père chez le mien ; que jamais
je n ’ai été mis en possession d'un seul héritage ni de M a d .
A u b i e r , ni de mon père;et elle s ’étonne qu'il soit encore dû 6, 5oo
livres du reliquat des différons emprunts faits par moi seul en
diverses époques pour faire face à tout sans redemander les capi
taux que mon père avoit à moi !
E t M ad. Lam onteilhe ose appeler cela dette supposée , ou fa ite
pour avoir e x c é d é nies moyens en P r u s s e ! C ’est pousser trop loin
la foible docilité pour les intrigans qui la dirigent.
Je n ’ai
jamais excédé mes m o ye n s,
qu'en comblant à l’ex
cès son mari et elle d e mes bienfaits , bienfaits dont elle jouit
aujourd’hui seule, jusqu’à ce que ses filles aient dix-huit ans.
C e Mémoire me reproche aussi la vente de quelques f o n d s ,
dont 011 porte le prix à 6,000 liv. Eh bien , il est prouvé par les
actes de vente qu ’elle a été faite par mon fils L a m o n te illie , en
vertu de procuration de ma sœur ; il n ’y en a pas eu tout à fait
pour 5,ooo liv* , et cette somme a été „aussitôt employée à des dettes
de mou frère, qui avoient été hypothéquées sur les biens ayant
qu 011 les confiscât. L e rachat avoit été fait u mes dépens.
�^» v \
( 3o)
D e p u i s , tout ce qu*il y a eu d'autres recouvremetis r tant en
capitaux q u ’en revenus à moi appartenons , mêm e le produit des
réserves en viager alimentaire , a été employé aux dettes ou en
avances à mes enfans et pour leur établissement. Cela est aisé à
vérifier en comparant les preuves d'emploi avec le# comptes de ma
sœ ur, qui a tout géré jusqu’au
I er
janvier 180 9, qu ’elle a donné
procuration à M . G orce.
Pendant que M a d . Lamonteillie et son père semoienl sur cela
les plus ridicules commentaires , je me taisois sur les immenses
ventes q u ’ils ont faites depuis le mariage de monfils a\ec M ad. L a in on teilh e, et qu ’elle a faites particulièrement depuis q u e lle est
veuve. Il me semble cependant que , com m e aïeul paternel de
mes petites-filles, j’ a i , surtout depuis la mort de leur p è r e , bien
autant de droit que l ’aïeul m aternel, de faire mes observations
sur ce que devient la fortune que lors du mariage on disoit assurée.
Qui de la famille Cham pflour ou de m o i, a été bercé d'espé
rances trompeuses , quand il est prouvé que M a d . Lamonteilhe
n ’aura pas de son côté moitié de ce qu ’on annonçoit, et qu’ elle
a de moi le double de ce que j’ai promis ?
M a d . Lam onteilhe et M a d . de St. M a n d e me menacent de
M a d . A u b ier , et par là elles m e forcent de leur ra p p e le r, que
lorsqu’il étoit question du mariage de Lam onteilhe , je voulois
préalablement composer avec M ad. A u b i e r , et mêm e lui faire
quelques sacrifices pour établir une paix générale dans la famille.
M a s œ u r , mo n fils , le père de M ad. L a m o n t e ilh e , s’y oppo
sèrent égalem ent, pour obtenir encore plus pour La mon t e i l h e ; ils
disoient que M a d . Aubier étoit remplie de ce q u ’elle pouvoit pré
tendre en vertu du traité de 1 7 7 9 , et q ue les pertes q u ’elle nous
îivoit occasionnées depuis , dévoient m ’éloigner de tout sacrifice.
J ’aurois traité malgré ces représentations avec M ad. Au bier , si
celle-ci n ’avoit pas rompu la négociation entamée par M . Dartis.
M ais n ’est - il pas bien étonnant que ce soient aujourd’hui les
mêmes personnes qui cherchent à exciter sur cela de nouvelles
divisions entre M a d . A u b ie r et moi ?
�N ’ont-elles pas déjà causé assez de pertes à mes enfans ?
Je serois fort fâché d ’avoir quelque démêlé avec M a d . A u b ie r ;
mais si elle m ’ altaq uoit, je saurois me défendre et lui opposer
les responsabilités qu’elle a encourues envers moi.
L ’auteur du Mémoire me menace de quelques lettres d ’où il croit
pouvoir tirer de grands argumens ; il n ’a pas la clef de notre cor
respondance, dans ces temps orageux; je l ’attends avec sécu rité,
bien sûr que tout ce que j ’ai d i t , écrit et f a i t , étoit toujours dicté,
et souvent exigé par l ’intérêt de mes enfans , eu égard à chaque
circonstance; com m e elles varioient souvent, il a fallu souvent
varier de mesures et d ’instructions à ma sœur com m e à mes enfans.
Je n ’ai point fait de sarcasmes sur M . C h am pflo ur, mais j ’ai
rendu à saillie la justice qui lui étoit d u c , quand j ’ai dit q u ’elle avoit
erré par lés conseils de son père.
M . Cham pflour a tort de se dire m alheureux ; un père ne peut
pas l'être, quand il est entouré d ’enfans , pelits-enfans , gendres,
qui se conduisent aussi-bien que les siens à son é g ard , dont les
soins sont toujours assidus , empressés , et dont l’obéissance ne
calcule jamais avec lui.
Je n ’ai persifilé personne, comme le suppose le M ém o ire , et
n ’ai voulu nuire à personne.
Je n ’ai parlé de casuiste que parce q u ’on avoit toujours opposé',
à mes observations les plus justes , quelque décision de casuiste
q u ’on ne nommoit jamais.
J’ai voilé le mieux que j’ai pu ce qui eût demandé d ’être traité,
surtout par un p è r e , un a ïe u l, avec des réflexions plus sévères;
mais elles ne sont pas dans mon caractère.
E n résumé, je persiste à dire que le système q u ’on a fait adopter
par M a d . de S l- M a n d e , en la m ettant aujourd’hui en contra
diction
avec elle m ê m e, est ce q u ’on pouvoit imaginer de plus
dangereux pour mes p e t i t e s - f i lle s ; par conséquent ma
belle-
fille a le plus grand tort d ’intervenir pour l’a p p u y er; mais heu
reusement pour nies petites-filles, l'intervention n ’est pas reccvable.
�' •k
( 32 )
A u r e ste , ma sœur, m a belle-fille et mes autres enfans veulentils s’accorder pour accepter une renonciation à la qualité d ’héritier
de m on père et de m on fr è r e , au profit d ’eux tous , ou de tels
d ’entre eux qu ’ils voudront choisir ? je suis très-disposé à la fa ire ;
mais com m e je demeure créancier de 200,000 liv. sur quiconque
représentera la succession de mon p è r e , composons : si l’esprit
d ’égalité veut ici que le père rende compte à ses enfans, ceux-ci
lui doivent alors compte de toutes ses avances pour e u x , et elles
vont à 100,000 liv.
Je ne suis pas difficile en composition ; je suis prêt à me ré
duire pour tout à 2,000 liv. de pension viagère alim entaire, sur
laquelle je rabattrai les petits viagers déjà créés.
Mais pour cela , il faut que M ad. Lam onteilhe commence par
m e donner les i 3, 5oo liv., dette de mon père sur Saulzet, dont j’ai
déchargé ce bien , et dont j'ai renouvelé seul les e ffe ts; attendu
que m oi-m êm e je ne pourrois plus les renou veler, quand on saura
que je suis exclu de tout bien ; il faut qu ’elle ou mes autres en
fans me fassent les 6 , 5oo l i v . , parfaisant les 20,000 liv. dont je
suis encore chargé pour eux.
11 faut q u ’on se charge de toutes les garanties, et q u ’on m ’en
décharge pour toujours.
V eu t-o n en revenir à la transaction faite par notre respectable
m édiateur et a m i, M . F a v a rd , que j’ai déjà signée chez lui le 25
juillet dern ier, contenant ratification spéciale de la subrogation
de Saulzet ( 1) , et généralement de tous mes autres engagemens
avec m a s œ u r , ma belle-fille et mes petites-filles ? J ’y consens :
elle contient toutes les conditions déjà convenues.
(0
Art* 1 • ft'nnianucl A ubier approuve et ratifie *lc nouveau , en tant que (le
besoin , ce qui a etc fait par la tlninc «le S t-M an d e sa s œ u r, en vertu (les pouvoirs
confidentiels par lui donnds, confirmes ensuite par diverses procuration s, i° . pour
acheter du domaine national les b ien s provenus des successions d’A ntoine A ubier
leu r père commun , et de Jean-Baptiste A ubier leur frère ; lesquels biens étoient
échus audit Emmanuel A u b ie r , en vertu de son contrat de mariage et par l’ effet
des renonciations portées dans celui de» sieur et daine de St-Mandc ; a°. pour
11
�(33)
Il y a motivé la transmission du verger sur ce que ma sœur
avoit racheté pour mon com pte, en vertu de mes pouvoirs confi
den tiels , suivis de procurations notariées , parce que cela éloit
surabondamment prouvé; parce que la sûreté de mes petites-filles,
de m êm e que de mes autres e n f a n s , des créanciers et de m o i ,
reposoit toute entière sur cette v é r ité , sur cette base.
O n l ’a jugée également importante pour M . et M a d . de S tM a n d e , com m e établissant à ja m a is, contre mes enfans et ayant
d r o it , le principe de l ’obligation que j ’ai contractée envers M . et
M a d . de S t - M a n d e , de les garantir et indemniser envers et contre
tous de toutes recherches quelconques.
D ’où l’on voit que ma sœur n'a rejeté celte transaction , quoi
que ce fû t elle qui eût choisi M . Favard pour médiateur ( i ) , que
parce que le moteur de nos divisions, son c o n se il, s’est entêté à
vouloir nous faire plaider.
s.
II a voulu que m a sœur eût l ’air d'être infidèle à ses promesses,
p a y e r lesdites adjudications , régir et adm inistrer les biens qui en faisoient partie j
3°. pour revendre , ¿changer diverses parties desdits b ie n s , et spécialem ent pour
subroger Jérôme A u b ier , second fils d’E m m an u el, à la possession de Saulzet.
Emmanuel ,A u b ier reconnoît que le tout a été fait pour son com pte , avec son
autorisation et con sen tem en t, ainsi qu’ il est porté par divers actes , notamment
celui de mai 1801 , déposé chez M. G ile t , n ota ire, et la subrogation de Sau lzet
reçue Coste , notaire , l’un et l’autre dûment enregistrés.
E n conséquence , il prom et de garantir et indem niser M . et M ad. de St-Mande
envers et contre tous de toutes recherches quelconques.
A rt. a. Pour tout term iner , M arie-Françoise A u b ier rem et par ces présentes à
Em m anuel A ubier son frère ,
le
verger situé entre Clerm ont et M ont-Ferrand ,
confiné au midi par la grande r o u te , du nord par le prd du Mas.
Ce pré demeurera ch argé, i° . des garanties promises p ar Em m anuel A ubier aux
sieur et dame de St-Mande , par privilège h tout ; a0, de la rente viagère c r é é e ,
au profit de M ademoiselle de B a r, par acte dûm ent enregistré; 3°. de la garantie
des treize m ille cinq cents francs mentionnés dans l’acte de mai 1801 , tant du
capital que des intérêts , jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu par
tous co-intéressés.
arran gem en t
entre
( 1 ) A u bout de 8 ans de refus de nom mer des arbitres , e lle -m im e , pour ter milier tQUt ce qui d iy ijo it la fam ille.
E
�(34)
que son mari m ’engageât à prendre les voies judiciaires, afin de
pouvoir ensuite
m e
supposer m oi-m êm e infidèle à mes engagemens,
pour mettre la division en tout sens, il a fait intervenir M ad.
L am onteilhe
en son nom et au nom de mes petites-filles, qui
n ’eussent jamais dû y êlre que des anges de paix. L e mal ira
toujours croissant tant qu ’on suivra son systèm e; j’en appelle de
nouveau aux sentimens naturels de ma s œ u r , à la b o n t é , à la
justice dont elle nous a donné tant de preuves avant q u ’elle chan
geât de conseil. Q ue de malheurs un bon conseil peut épargner à
une fa m ille ! que de malheurs un mauvais conseil lui attire! on
les oublie aisément quand la paix renaît.
A v e c quel plaisir je verrois renaître dans toute ma famille l’union
pour le retour de laquelle j ’avois fait tant de sacrifices!
En attendant, forcé par l’état des choses, je dois prendre des
conclusions judiciaires.
C O N C L U SIO N S.
M es conclusions s o n t, à ce qu'attendu que dans l’instance pen
dante entre ma sœur et m o i, je n'attaque point la subrogation
de Saulzet, ni aucun autre de mes engagem en s, en faveur de mon
fils Lam onteilhe représenté par sa veuve et mes p e tite s-fille s;
attendu que je consens à leur exécution jusqu’à ma m o r t , M ad.
L am onteilh e soit déclarée non recevable dans
l'intervention par
elle f o r m é e , tant en son nom q u ’au nom dé mes petites-filles;
A ce qu'attendu que je n ’étois point inscrit sur la liste des
émigrés quand mon père et mon frère sont m orts, je sois m ain
tenu dans la qualité de seul héritier de mon pere et de mon
fr è r e , conform ém en t à mon contrat de mariage et celui de ma
sœur ;
A ce q u ’attendu que M . de
S t-M and e a réellement touché
les 12,000 liv. à lui redues sur la dot de sa f e m m e , et qu ’il en
a été p a y é , soit par m o i- m ê m e , soit pour mon c o m p t e , par ma
f
�57!
(35)
sœ u r, et de deniers à moi apparlenans , il soit tenu de m ’en pas-
'
ser quittance , avec subrogation à tout d r o i t , en conséquencé de
la renonciation de ma sœur à toute succession directe et collatérale;
En ce qui concerne ma sœur en sa qualité personnelle de m a
mandataire;
A tten d u qu’elle a reçu et accepté mes pouvoirs confidentiels
suivis de procurations notariées, à l ’etfet de racheter, poi r m on
c o m p te , mes biens par elle soumissionnes et à elle vendus p arles
administrateurs du département du P u y -d e -D ô m e , le 26 fructi
dor an 4 > et ce qui résulte de l’acte du 8 mai 1801 ;
« Ordonner q u e , dans le jour de la signification du jugement à
intervenir, les sieur et dame de St-M ande seront tenus de
me
passer par-devant notaire acte de transmission de la pleine pro
priété du
verger situé à M o n t-F e rra n d , contenant environ cinq
cents perches quarrées ; et faute de ce f a ir e , que le jugement tiendra
lieu ; q u ’en conséquence je resterai et demeurerai propriétaire inco m m u ta b le , pour eu disposer co m m e j ’aviserai, sous les condi
tions déjà convenues et acceptées entre les parties ; savoir, i*. que
ledit verger demeurera grevé envers M . et M ad. de S i M ande de
la garantie de toutes recherches généralement quelconques, pour
quelques causes que ce soit ; 2*. q u ’il demeurera chargé de la rente
viagère de 5oo fr. par an , créée au profit de mademoiselle de B a r ,
m oyennant 5 ,000 f r . , empruntés d ’elle pour les prêter à M ad. A u
bier; 3*. qu ’il demeurera chargé des intérêts, et garant du capital de
i 3, 5oo fr. mentionné en l’acte de mai 1801, jusqu’à ce qu'il ait
été pris d'autres arrangemens entre m o i, mes enfans et petilsenfans, pour l’extinction de ladite d e tte ;
D onner acte de ce que je me soumets à employer le surplus des
revenus dudit verger, si plus y avoit, en payement des intérêts et
du capital des autres emprunts par moi faits pour mes enfans;
Ordonner que je demeurerai subrogé a tous droits quelconques
et tous revenus éch us, courants ou à échoir, aux offres que je fais
de ratifier toutes les garanties par moi promises à dame de StM ande.
-
�Ordonner pareillement que tous papiers de fam ille m e seront
remis , tant par ma sœur que par tous dépositaires, état sommaire
d ’iceux préalablement dressé, au pied duquel je donnerai décharge.
S ig n é E m m anuel A U B IE R - L A M O N T E I L H E , père.
M onsieur P I C O T - L A C O M B E , Procureur impérial.
M . J E U D Y - D U M O N T E I X , A vocat.
I M B E R T - B A R T H O M E U F , Avoué.
P . S. S i ma se n sib ilité , a ce que me fo n t éprouver les moteurs
de nos divisions qu i dirigent ces dam es , m’avoit f a i t é c h o p p e r
quelqu'expression qu i pût b l e s s e r personnellement la délicatesse
de ma sœ u r , à qu i toute la fa m ille a tant d obligations , je
m'empresserai de lu i en fa ire m es ex cu ses.
Je prie le
L ecteu r
de relire mon Exposé des faits, où se trouvent
disertement les m o y e n s , ceci n ’étant q u ’une réponse aux objections.
A CLERMONT
, de l ’Im p rim erie d e L a n drio t ,
ru e S t.-G en ès.
Imprimeur
do
la
P réfe c tu r e
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, père. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Picot-Lacombe
Jeudy-Dumonteix
Imbert-Barthomeuf
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse de M. Aubier-Lamonteilhe père, au mémoire de M. et Madame de Saint Mande, et de Madame Lamonteilhe, intervenante en son nom et comme tutrice de ses mineures, petites-filles de M. Aubier.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2124
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53420/BCU_Factums_G2124.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53419/BCU_Factums_G2123.pdf
d8d860d9953126b0d8ec9b4d39c9d9e0
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Text
tribunal civil
de
CLERM ONT.
MÉMOIRE
P O U R
D
ame
F
M
a r i e - F r a n ç o ise
abrede
A U B I E R , épouse de M . Benoît
S t . - M e n d e , autorisée p ar j u s t i c e , e t p o u r ledit
Sieu r D E S t . - M E N D E , propriétaires , habitant à S t.M e n d e , co m m u n e de S t . - Y v o i n e , défendeurs ;
E t encore p o u r D a m e MARIE-CLAUDINE D E C H A M P F L O U R ,
ve u v e de M . Jérôm e-E m m an uel A ubier- l a - M onteilhe ,
tant en son nom q u ’en qualité de tutrice de leurs d e u x
enfans m in e u r s , aussi prop riéta ire, d em euran t à C le r
m o n t-F e rra n d , intervenante et défenderesse ;
C O N T R E
M . E m m a n u e l A U B I E R - L A - M O N T E I L H E , ancien magis
trat } demeurant en la même ville ; demandeur.
M. A u b i e r ? frappé de mort civile par l’inscription de son
nom
sur la liste des é m ig r é s , a été réintégré dans ses droits par
un brevet d ’amnistie du 20 fructidor an 10. A ssu rém en t, depuis
n e u f ans, il a eu le tems de méditer le projet de traduire devant
1.re chambre
1 8 1 1.
�les tribunaux la dame de St.-M ende , sa sœ ur , et M. de S t.Mende , son beau-frère , pour les forcer de déclarer que , dans
l ’acquisition que la dame de St.-M ende a faite de la nation
des
biens séquestrés par suite de son ém igration, elle n ’a été que son
prête-nom ou sa mandataire. Ce projet s’est enfin réalisé , puis
qu ’il l é s a fait assigner à ces fins par exploit du 5 avril 18 11.
D ès ce moment , il a été facile de prévoir les desseins de ¡VI.
A u b i e r , et de calculer les conséquences de ses demandes. Aujour
d ’hui tout est connu } puisqu’il « révélé sa pensee d une manière
fort é te n d u e , dans un meinoire im p r im e , auquel celui-ci ya servir
de réponse.
Attaquer la dame sa soeur , en obtenir la déclaration qu’il e x ig e ,
n ’avait pour objet que de s’ouvrir une route pour arriver ensuite
à la dame veuve de la M o n te ilh e , sa belle fille , alin de lui faire
connaître que s i , lors de son mariage , elle a cru pouvoir compter
que le domaine de Saulzet serait une propriété assurée à ses enfans,
elle s’était grandement trompée , et que c’ était vainement que la
dame de S t.-M en d e , et lui même M. A u b i e r , en avaient souscrit
la subrogation à Jérôme A u b i e r , père desdits enfans.
L a dame de S t.-M e n d e , qui avait déjà apperçu le but que se
proposait M. son frère , ne voulant point être exposée au reproche
d ’avoir trompé la famille de Champflour , s’est refusée constamment
ù l’exécution dé pareils desseins, et a préféré combattre des p ré
tentions qu’elle ne peut aucunement approuver.
Mais
comment une s œ u r , qui a exposé mille fois sa v i e , dans
les tems les plus orageux de la révolution , pour le salut de son
fiè re ,
est-elle livrée aux ennuis d ’un procès
im agin é,
sous tous
les rapports , pour navrer son cœ ur de douleur ?
Com m ent encore un b e a u - f r è r e , qui a eu la générosité de refuser
tous les avantages quu les lois nouvelles lui procuraient , est-il in
quiété et soumis à une action judiciaire?
M . A u bier , dans la première ligne de son mémoire , répond d ’a
vance à
ces
convertit
questions, en assurant le public qu’une cruelle fa ta lité
en
procès ce gui eût du cimenter l ’ union dans sa Jam ille.
C e r te s, il faut croire que cette fatalité n ’est pas seulement cruelle,
siais q u e lle est encore bien aveugle , puisqu’elle amène des résultats
�(3 )
totalement opposés aux sentiîrjens que devaient faire naître natu
rellement des actions louables , de» services sigualés et de noble»
sacrifices.
Quoi qu’il en s o it, les choses en sont arrivées au point de fixer
l ’attention de la justice sur l’objet de la contestation, sur les faits qui
la constituent et sur les moyens de droit qui doivent la décicibr, Mais
ici remarquons que la dame de St.-Mende , son m a r i , et la dama
veuve de la Monteilhe ont des moyens différens à faire v a lo ir , et
que s^ils s’occupaient de chaque fait mis en avant par M. A u bier , la
tribunal perdrait nécessairement de vue le véritable point de la cause.
.
Il a plu à M. Aubier , sous le prétexte d’exposer les faits de sa
cause , de donner au public l’histoire de sa vie , et de n oyer l’affaire
qui doit nous occuper dans des détails si m u ltip liés, qu’à peine il est
possible de la reconnaître et de la saisir. A la vérité , cette histoire
est écrite avec la délicatesse de style qu’on acquiert plus particulière
m ent dans les cours des rois ; mais la cla r té , la précision , voilà ce qui
est nécessaire dans les cours de justice. Il y a même lieu de s’étonner
qu ’il ait négligé ces deux qualités essentielles, lui qui , a u tre fo is,
dans l’exercice des fonctions du ministere public , se faisait distin
guer par la réunion des trois qualités les plus precieuses , celles
d’être érudit , fleuri et concis.
Il faut pourtant convenir que M . Aubier a su trouver des res
sources extraordinaires, pour parvenir a masquer les défectuosités
de la plus déplorable de toutes les causes.
Il fallait commencer par se rendre intéressant.
Il a fait aussitôt connaître comment les circonstances les plus glo
rieuses de sa vie avaient en même teins causé ses infortunes ( page 6
de son mémoire ).
Il fallait aussi jeter un vernis odieux sur la conduite actuelle
de sa soeur , devenue son adversaire , et une petite teinte de ridicule
sur un beau-frère que sa probité notoire met à l’nbri de tout autre
genre d ’attaque ; il n’était pas même indifférent de répandre quel
ques agrémens sur un sujet aride et fastidieux de sa nature.
C ’est dans cette vue que M. Aubier a fait e n tier dans son
histoire un petit épisode relatif à un certain casuiste, qui est tout
�entiéi* de sa c r é a tio n , et auquel il fri! tenir un langage ridicule èt
mem.e absurde. Il le présente néanmoins comme le directeur des
consciences de M. et Madame de
S t.-M en de. Mais , d’après les
conseils de ce casuiçîe , M. de St.-Mende , qui veul qu'on rende, ne
sa it comment s'y prendre , et M adam e de St.-M ende ne veut
rendre q u ’ après sa m ort, c'est-à-dire } ja m a is ( pages 2 4 , 2 5 ,
20
27 de son m ém oire).
Il convenait d ’ajouter à l’intérêt de sa personné celui qu’inspirent
des enfans infortunés , et des créanciers sans espoir.
A u s s i , M . Aubier
gémit sur le sort de ses enfans qui , suivant
l u i , seront privés de toute légitime à sa m o r t , et sur le sort de ses
créanciers qu’il 11e pourra jamais p a y e r , si la dame sa sœ u r ne lui
rend rien ( page 56 ).
Enfin , il fallait neutraliser l’intérêt opposé que devait naturelle
m ent exciter la position d ’une veuve et de deux orphelines , obli
gées de se défendre contre un grand-père qui veut leur ôter la
moitié de leur fo rtu n e , assurée par des actes sacrés , tous signés
p a r lui-m êm e.
M. A u bier n ’est point embarrassé de cette difficulté; non-seule
m ent il parvient à neutraliser l ’intérêt de leur cause, mais il fait p lu s ,
il
s’en empare en
se présentant
comme leur vrai défenseur.
Suivant l u i , la fortune de ses petites filles court les plus grands
dangers. La dame de la Monteilhe } leur m è re , est une imprudente ;
elle ne voit pas qu’ un jour les enfans de S t.-M en d e peuvent leur
reprendre le domaine de Saulzet; que les actes qui ont transmis cette
propriété à Jérôme A u b i e r , leur père , sont nuls , et que leur grandp ere ne stipule ici que leurs intérêts , en cherchant à substituer à des
titres invalides , des actes irréfragables ; que s’il no peut leur assurer
que la moitié du domaine de S a u lz e t, c’est que la loi ne permet pas à
un père d ’en faire davantage } et qu ’il vaut mieux , pour ses petites
fille s , avoir une moitié c e rta in e , que d ’être exposées un jour à ne
rien avoir du tout (pages 27 et suivantes).
C ’est ainsi que le génie de l ’homm e peut applanir
tontes les
difficultés , et même les faire tourner à son avantage. Il est fâcheux
pour M. A u bier que les prestiges de l’imagination ne soient pas de
longue durée } (ct qu’on puisse lui prouver que son système do
�défense n ’est dû qu’aux efforts d’ un
esprit brillant , capable de
produire des effets séduisans ; mais d’un esprit qui , à force de
t r a v a il , se subtilise et s’évapore pour faire bientôt place à la vérité
à qui seule appartient le droit de fuiie des impressions duiables et
d ’obtenir des succès non-équivoques.
O r la vérité est que la dame de St.-M ende n ’a point été le p rê le nom ni la mandataire de M. son f r è r e , lors de son acquisition de
la nation.
l i a vérité est q u e, depuis dix a n s , la dame de S t.-M en d e ne
tient rien par le pur effet de sa générosité des biens de M. son
frère ; que le Saulzet est possédé depuis cette époque par les enfans
de la daine veuve de la M o n te ilh e , et que le grand verger de M o n t ferrand est possédé par M . Aubier lui-même.
L a vérité est que les deux fils de M. A u b ie r auront une légitime
a sa m o r t, parce qu’il ne peut vendre le grand verger et le domaine
de C rêve-cœ u r , l’ un à cause des hypothèques et garanties, l ’autre
parce qu’il appartient à ses fils.
L a vérité est que , si M. Aubier ne p aye pas ses créanciers
c ’est
q u ’il aura niai calculé ses ressources et excédé ses moyens.
L a vérité est que les petites-filles de M. A u b ie r sont très-soli
dement propriétaires de Rentier domaine de Saulzet j qu ’il voudrait
leur en ôter la moitié pour pouvoir vendre ensuite à son a is e, afin
d ’acquitter ses prétendues dettes en Prusse
et ailleurs.
L a vérité , enfin , est que la dame de St.-M ende n’a disposé des
biens qu’elle avait achetés de la nation , que par des actes souscrits
conjointement avec M .son frère; que le domaine de Saulzet tout entier
fut assuré à défunt Jérôme A u b i e r , pour lui obtenir la demoiselle
de Champflour en mariage ; que si M. A u b ie r en a regret } la dame
de S t.-M en d e , au contraire, n ’en a aucun r e g r e t , et qu ’elle
c jo î-
rait m a n q u e ra tout ce qu’elle se doit à e lle -m ê m e , que de porter
atteinte à des actes faits en connaissance de cause , et sur la foi
desquels les deux familles A u b ie r et C h a m p f l o u r l a dame de la
Monteilhe et ses enfans ont dû com pter pour toujours.
E n voilà suffisamment pour donner une juste idée de la cause;
maintenant nous allons rappeler les fuit» principuux } a p iès quoi
nous passerons à la discussion des points de droit,
�> 0 *
V -'
( G)
F A
I T
S .
D u mariage d e M . Antoine Aubier-la-M onteilho avec clame A nneJeanne de C h am pflo ur, sont nés quatre enfans , sa v o ir, M. A u b ie r ,
actuellement d e m a n d e u r, M. Pierre A u b i e r ,
M. Jean-J 3aptiste
A u b ie r , qui a été chanoine de la cathédrale de C len n on t , et la
^ !
dame de St.-M en d e.
L e 4 décembre 1 7 G8 , M. Aubier s’étant m a r ié , a été institué
héritier universel de son père.
Quelque teins après, la dame Aubier est décédée, ainsi que Pierre
Au bier , son fils.
i
L e 10 février 1777 , M. de S t.-M en d e ayant épousé mademoiselle
A u b ier , le pcrc de celle-ci lui constitua une dot de 5 o,ooo livres ,
j
1
au moyen de quoi elle renonça à toutes successions directes et co lla -
'
tcrales , et à tous droits échus et à échoir.
M . Antoine A u bier , père c o m m u n , est décédé le 25 brumaire
an 2 ; son fils aîné était alors en fuite pour échapper à des persé
cutions.
M . le chanoine Aubier a péri révolutionnairement à L y o n .
Dans cet état , quelle fut la conduite de M. de St.-Mende ?
j
M. Aubier dit lui-même ( page 5 do son m é m o ir e ) , que « M. de
» S t.-M en de n’hésita pas à d é c la r e r , dès l’instant de la m ort de
» M. A ntoine A u b ie r ,
q u ’il s’en tenait cà la constitution dotale
)> faite à sa femme , et qu’il y aurait des millions à g a g n e r , il
y
)) ne voudrait pas profiter du malheur de son beau-lrère )>.
j
Il était encore du 12,000 livres à M. de S t.-M en de sur la dot de
6on épouse.
L e 18 germinal an 2 , M. Aubier a été inscrit par la municipalité
de C l e r m o n t sur la liste des émigrés. Cet!« inscription a été bientôt
suivie du séquestre des birns délaissés par son père et par son frère ;
et lorsqu’au mois de messidor an 4 , un étranger allait les soumis
sionner , la dame de St.-Mende en fuL avertie , prit les devants et
les soumissionna elle-même
en sorte que les administrateurs du
�département du P u y - d e - D ô m e lui en ont passé vente le 2 5 ther
midor suivant.
Au m om ent de cette acquisition , la dame de St.-Mende ne fut ni
le p rête-n om ni la mandataire de M. son frere. 11 est vrai qu’elle
n ’entendait pas
plus
que son m a r i , profiter de la dépouille de son
fr è r e ; mais il est vrai aussi q u e , si ses intentions lurent toutes en
faveur de ce frère et de ses enfans , rien ne les commandait, et
q u ’elles prenaient leur source dans son extrême affection pour eux ,
ce qui est bien différent que si elle eût été l’instrument nécessaire
des volontés de M -so n frère. Au surplus, la conduite postérieure
de la dame de St.- M ende a bien prouvé la sincérité de ses intentions;
car quel usage a-t-elle fait des biens qu’elle avait achetés ?
Elle en a vendu une partie pour payer à la nation le prix de la
to ta lité , pour acquitter des dettes de M. son p è r e , pour rem plir
son mari des 12,000 livres qui lui restaient dues sur sa dot. Q u e l
usage a -t-e lle encore fait des revenus du surplus ? Elle les a fait
passer à M. son frère et à ses fils. E lle a donc fait tout ce q u ’une
tendre sœur peut faire , ce que peu de parens ont osé enlreprendre
dans des tems si terribles ; et quand le moment est arrivé , elle a
mis le comble à ses procédés généreux par la transmission des fonds.
A u mois de mars 1801 , M. A u bier ayant obtenu de rentrer en
F ran ce , sous la surveillance de M. le p r é f e t , revint à Clerm ont.
« Il se rappelle ( page 16 de son mémoire ) , la joie qu’il éprouva
« de se retrouver dans sa patrie , au sein de sa famille ». A h !
la dame de St.-M ende , sa soeur , se rappelle aussi ce jo u r de
f é lic it é , où elle put serrer dans ses bras un frère cliéri , p ou r
lequel elle avait risqué tant de fois sa vie. Cette allégresse fut
commune à M. de St.-M ende et a ses enfans. A peine M. A u b ier
eut-il goûté quelques jours de r e p o s , que sa sœur lui fit connaître
jusqu’à quel point elle avait porté la tendresse pour lui ; combien
il avait été l ’objet de ses pensées dans son acquisition et dans ses
opérations ultérieures, et combien elle désirait, par un compte e x a c t }
lui prouver que n ’ayant agi que dans l'intérêt de ce frère et de ses
f i l s , elle voulait bien ne garder pour elle quo les peines et les
soins de son acquisition , et leu r en laisser tout le profit.
\
�(8)
E lle ne présumait pas alors que , pour lui faire perdre le mérile
de ses actions son frère profiterait un jour des témoignages d’ une
affection sans bornes , pour la regarder à la lettre comme son prête-
nom , sa m andataire, et lui dicter des lois , et qu’il ne craindrait pas
de la traduire eu justice pour lui faire im prim er ces titres avec
toute la force et les effets que la loi leur donne.
C e r ta in e m e n t, M. A u b ier était alors aussi bien éloigné d’avoir de
telles pensées, et rien ne peut le mieux prouver que l’acte du 8 mai
1801 ( 18 floréal an 9 ) , passé entre la dame de S t .- M e n d e , son
frère et Jerôme A u b ie r , son fils , par les conseils de M M . Boirot
et D a r t is , en présence de M M . Dorcières et de Chardon. On est
étonné que M. Aubier ( page 16 de son m ém oiie ) , ne rappelle cet
acte que pour en extraire deux lignes : « L a dame de St.-M ende
)) y reconnaît , d i t - i l , avoir acheté mes biens pour me les co n se r)) ver. Cet acte finit par une promesse de faire
la transmission
J) définitive de tout , dès que je serai rayé. »
C e n ’était pas cela seulement qu’il fallait y re m a rq u e r, mais
bien si on avait traité alors avec elle comme avec un prête- nom , un
mandataire ; si , au moins , il y
avait quelques expressions qui
pussent en donner l ’idée.
L a lecture de cet acte suffit seule pour détruire toutes les
prétentions de M . A u bier touchant les qualités qu’il veut aujour
d ’hui donner à la dame sa sœur.
D écha rg e et convention entre M adam e de S t.-M e n d e , E m m a
n u el A u b ier , son fr è r e , et Jérôme E m m anuel A u b ie r , son
second fils.
M adam e de S t . - M e n d e aya n t , e n t r e a u t r e s p r e u v e s de tendresse qu’elle a
données à sa fam ille, fait la pénible en treprise d 'acheter de la rép u b liq u e le bien
de S a u lz e t , le grand v e rg e r et autres propriétés provenues de la succession
d’ A n toin e A u b ie r , sou p è r e , m ort en réclusion , et de Jean-B aptistc A u b i e r ,
sou frère , clianoiu c de la cathédrale de C lc r m o n t , condam né par lo trib u n al
ré v o lu tio n n a ire de L y o n , pour conserver lesdils biens à son frère E m m an u el
A u b i e r , soussign é, ou a u x enfans do son frère , et M adam e de S t.-M en d e
a yau t c cjo iiid ’ Iiui réitéré
scî
offres
de
faire l ’ucLu de transm ission desdits b ien s,
�E m m n nu cl A u b ie r l ’cn rem ercie avec la plus v iv e reconnaissance , tan t en son
muni propre qu’au nom de ses enfans , (le q u i il a déjà rem is à sa sœ ur acte
d adhésion à tout arran gem en t q u i p o u rrait être con clu en tre lad ite dam e de
S t.-M e n d c et E m m an u el A u b ie r.
I l la rem ercie p a rticu lièrem e n t des soins m aternels q u e lle a pris pour p rou
v e r que ses enfans n’étaien t point dans le cas de l ’ém igration , d en a v o ir
obten u des certificats au th en tiq u es, et d ’ a v o ir préparé les voies a sa l’ad iation
personnelle de la liste des é m ig ré s, dem ande sur laqu elle est in terven u e u n e
perm ission p ro v iso ire de re n tre r , sous la su rveillan ce du P réfet.
L ’acte au then tiq u e de transmission d éfin itive desdits biens à E m m a n u el
A u b ie r , n ’étant point possible solidem ent , ju squ ’à ce que c elu i-ci ait obten u
sa radiation d éfin itive ; d ’ailleurs E m m a nu el .Aubier et sa sœur se proposant
de fix e r les principales propriétés sur la tête de Jérôm e-E m m anuel A u b ier ,
second des fils d’E m m a n u e l, si ou tro u v a it pour lu i un m ariage avantageux:
agrce de son père et de sa ta n te , enfin , les conditions de ce m ariage e t le 3
résultats de quelques affaires non term inées d evan t in flu e r su r la n atu re e t la
q u alité des reserves q u i d evron t être faites ta n t p o u r A n to in e et Jean-B aptiste^ n t o i n e , p rem ier et second fils d’E m m an u el A u b ie r , que p o u r la subsistance
nécessaire à c e lu i-c i , sur-tout s’il perdait sa place , les partiesso n t convenues
d e difTerer l ’acte d éfin itif de transm ission.
M adam e de S t.-M en d c aya n t cependant désiré qu’ on ne différât pas de la.
délivrer des peines infinies que lu i a données depuis q u atre ans le soin desdites
prop riétés et de toutes les affaires de ces d e u x successions , i l a été con ven u
q u ’elle en dem eurerait dès-à-présent déchargée.
M adam e de St.-M endc aya n t e x ig é de son frère et de son n e v e u , q u ’ils ex a
m inassent le com pte de sa gestion , ils Vont f a i t uniquem ent parce q u ’ elle
l ’exigeait.
Us la rem ercien t de l ’avance de fonds et des em p ru n ts qu’elle a v a it eu la
com plaisance de faire pour cette acquisition , et d u sage em ploi q u ’elle a fa it
des revenus et des cap itau x des objets qu’elle a reven d u s , à éteindre tous
lesdits em p ru n ts, à solder ladite a c q u is itio n ,e t à liq u id e r les affaires des deux
successions très-em brou illées.
E m m a n u el A u b i e r , ta n t en son nom
qu’au nom d’A n to in e e t de Jean-
B ip tis te A n to in e , ses fils, et Jérôm e , soussigné eu son prop re nom , p rom etten t
de ratifier toutes v e n tes.e t re v e n te s, échanges , traités , et autres engagem eiis,
de ga ran tir et indem niser M adam e de S t.-M e n d c de toutes reclirrches quelcon
ques, soit q u elles fussent exercées con tre elle , comme acquércuse desdits biens ,
soit q u e lle fû t seu lem ent actionnée com m e héritière t n partie de aon père et
de son fr è r e .
E m m an uel A u b ie r a rem ercié plus p articu lièrem en t M adam e de S t.-M e n d a
d a vo ir fuit hon neu r à la m ém oire de leu r p è re
et a ïe u l, ainsi que de le u ï
�( ro )
frère et oncle ,en dédom m ageant en n u m éraire quelques personnes dont la créancese tro u v ait ren v o y ée sur le grand liv r e par la confiscation.
Ils reconnaissent que M adam e de S t.-M e n d e leur a f a i t raison des revenus
desdits biens , de m anière que par le résu ltat de tous comptes et de toutes com
pensations , M .“ e de S t -M onde est encore créan cière de d j u x m ille fr .sur sa lé g i
tim e paternelle ou m aternelle,qu ’ils s’obligen t de lu i payer d èsq u ’slle le v o u d ra ;
attendu qu’il est dû sur S au lzet une somme de treize m ille cinq cents francs ,
p ro v en a n t de n e u f m ille fran cs prêtés en 1 7 9 1 à A n toin e A u b ie r , père f par
sim ple b illet portant promesse d’in té r ê ts , pou r solder le p r ix de S au lzet , et de
tou s les intérêts de ce prêt qui sont dûs depuis lors
ju sq u 'à ce jo u r > le déten
t e u r de S au lzet fera p a y er à M adam e D eliolles , v e u v e du gén éral G r o b e u ,
subrogée à celte créance , la ren te v ia g è re de m ille francs , m oyen n an t laq u elle
i l a été composé de cette créance par un arran gem en t con ven u en tre elles et
E m m an u el A u b ie r , q u i porte aussi sur quelques autres ob jets. Jusqu’à l ’arran .
gem eu t d éfin itif qui sera f a i t , soit après la rad iation d’E m m an u el A u b ie r»
père , soit p lu tô t , s’il se tro u v a it plu tôt un m ariage a v a n ta g eu x pou r Jérôm cE m m an u el A u b ie r , c e lu i-c i est étab li ad m in istrateu r desdits biens , et rep ré
sentant de tou te la fam ille pour toutes les affaires des d eu x successions ; m aiSj
ju sq n ’à la rad iation d’E m m an uel A u b i e r ,
son p è r e , il ne p o u rra re c e v o ir
les rem bourseincns des p rin c ip a u x , faire aucune ven te ou échange , passer de
tran saction d éfin itive , sans l ’au torisation de sa tante ; il reco n n aîtq u e c e lle -c i
lu i a remis les titres et papiers desdits biens , et de ces deux successions qu’ elle
a p u retirer des dépôts des autorités constituées.
Jérôm e-E m m anuel A u b i e r , p rélèv era su r les reven u s desdits biens douae
cents francs par an , pour sa dépense personnelle et ses. soins ; l ’em ploi du
su rplu s des reven u s , après charges et entretien payés , lu i sera réglé et in d i
qué chaque année par sa tante , ju squ ’à ce que son père ait ob ten u sa rad iation.
F a it
trip le en tre nous ,
M a r c il l a t
par les Conseils de M M . B o i r o t , D
, Jurisconsultes , Tj U i l t .i e r ^ D o r c i e r e s ,
de-Cuardon
- D
ar tisd e
-
uranquet,
C lerin on t , le 18 floréal an 9 ( v. s . , 8 m ai 1801 ).
A U B IE R , Jérô m e A U B I E R , M a r i e AU B IE R - S r . - M E N D E ,
Em m anuel
L u i l l i e r - D o rcik re s , C u a rd o k - D u r a n q u e t, B o ir o t , D a iitis - M a r r c illa t^
M ich e l C hardon ,
Em m anuel
S t.-M e n d e .
En m a rg e -
Je reconnais que ma soeur m 'a f a i t raison de tou t ce qu elle a reçu pou r m oi,
’depuis le 8 m ai 180t , ju s q u ’ à ce jo u r , sur q u o i elle se retient les deux m ille
fr a n c s à elU dits, suivant l ’ acte ci-contre ; en conséquence elle demeure déchargé*
de toute recette , et j e demeure quitte desdits deux mille fr a n c s , le 7 vendémiaire
a n 1 1 . E m m a n u el A U B I E R ,
Depuis cet acte
,
l 'A B R E - S t . - M E N I ) E .
que s'est—il passé pour son exécution touchant
la transmission des biens acquis
par la damo do St.-M en de.
Jérôme Aubier ayant recherché en mariage la dame de C h a m p -
�f lo u r , alors veuve (le M. fie Bullion , M. Aubier , son p è r e ,
ras
sembla vingt-cinq parens le 10 prairial an 9 , et il fut arrêté que
de son consentement Madame de S t.-M en de subrogeait M. Jéiômo
A u bier à la pleine propriété du domaine de Saulzet , sous diverses
c h a rg e s, notamment de payer à INT. son père une somme annuelle
de 700 * , et qu’il laisserait à ses frères le tiers à lui revenant
dans le domaine de C r ê v e -c œ u r , dont Madame Aubier a la jouis
sance. Moyennant les conditions enoncees dans cet arrete , il fut
dit que , dans tous les cas quelconques , Jérôme Aubier dem eurerait
dispensé de rapporter le domaine de Saulzet a aucun p artage >
et qu’il était autorisé à se le constituer dans son contrat de mariage.
E n e f fe t , le lendemain 11 p ra iria l, le contrat de mariage ayant
été signé entre. Jérôme A u bier et la dame de Cliampflour , veuve
de JJtillion , il se constitua le domaine de S a u lze t, dont lui et ses
enfans n ’ont pas discontinué de jouir depuis cette époque.
L e 3 fructidor suivant , la dame de S t.-M en d e mit M . Aubier
son frère en possession de tout ce qui lui restait de son acquisition ,
et celui-ci lui donna une nouvelle décharge complète, avec la garantie
la plus étendue. Si depuis la dame de Saint-Mende a donné au sieur
G orce u n e procuration pour toucher les revenus du grand v e r g e r ,
avec ordre de les faire passer à M. son f r è r e , elle n ’a donné
ce
pouvoir que pour l’obliger , et non qu’il lui fût nécessaire.
L e casuiste qui , suivant M. Aubier , conseille à sa sœur de ne
rendre qu'après sa m ort , ignore apparem ment toutes ces conven
tions ; car , sans cela , il 11e se creuserait pas le cerveau pour cal
culer l ’époque et la manière de rendre des biens qui . depuis plus
de dix ans , ne sont plus au pouvoir de la dame de S t.-M en d e .
C e casuiste ne sait pas non plus , sans doute , que par un der
nier acte du 8 fructidor an 9 , passé devant M . Coste , notaire à
Beaurnont , la dame de St.-Mende , en présence et du consente
ment exprès de M . A u b ie r , non frère , qui a signé avec les p arties ,
a fait une subrogation bien authentique à Jérôme Aubier du do
maine de S a u lz e t , à la charge , i.° de maintenir les ventes et échan
ges que la dumo de S t.-M en d e a consentis de quelques petites par
celles d’héritages dudit bien; a.° de la garantie de toutes re ch erch e s,.
�5.° de la renonciation de Jérôme Aubier à son tiers dons le domaine
de C rêve-C œ u r , et à toute succession de l’estoc paternel $ 4 .° et
m oyennant une rente viagère de 700
au profit «le j\I. son père.
Si le casuiste eût su tout cela , il se serait dispensé de donner des
conseils sur des choses faites et non à f a ir e , ou plutôt comme M .
et Madame de'St.-M ende n ’ont pas dû lui laisser rien i g n o r e r , il est
clair que c ’est iin personnage de pure invention.
E t comment en d o u t e r , quand on voit M. A u b ie r ( page 58 de
6on m é m o ir e ) , convenir que « celui qui a le talent de conduire sa
» sœur d ’une manière si opposée à son caractère naturellement
)) noble et délicat, lui est tout-à-fait inconnu » ?
1
Si donc tout a été rendu par la dame de S t .- M e n d e , il y a plus de
d ix ans, comment comprendre queJYJ. son frère lui suscite un p ro
cès pour faire ce qu’elle a fait ?
C e qui a porté M . Aubier à en venir aux voies judiciaires , c’est
q u ’il 11e trouve rien de bon , rien de solide dans tous les actes dont
»
nous venons de rendre compte ; et cependant il les a médités avec
des jurisconsultes d’un grand mérite ; il les a présentés à la sanction de
vingt cinq païens j tous les ont non seulement app rouvés, mais signés,
et depuis dix ans ces actes ont reçu leur pleine et entière exécu
tion. T outes ces circonstances n ’ont pu tranquilliser M . A u b i e r , ¡1
a v o u lu ’absolument détruire ces actes , sans égard aux droits des
tiers , et il suppose que c’est sa sœur qui veut détruire ce qu’elle
a fait pour lui ( page 57 du m ém oire).
Puisqu’il voulait des actes n o u v e a u x , rédigés dans son intérêt et
dans le but qu’il avait en v u e , la dame de St.-Mende a trouvé que
ne pouvant y adhérer , il valait mieux lui laisser prendre les voies
judiciaires.
L e 5 avril 1 8 1 1 , M. A u bier fit signifier ù M . et Madame de S t .Mendo le procès-verbul de non-conciliation dressé par M. le juge
d e
p a i x
de M ontferrand le a mars p ré céd e n t, et les traduisit en ce
tribunal pour lui voir adjuger les conclusions suivantes, auxquelles
on doit faire une grande attention , parce que ce sont les conclu
sions qui fixent l’objet de la contestation.
�( i3 )
• V o ir d ire et o rd o n n er q u e , clans le jo u r de la signification tin ju g e m en t
'
!
1
à in te rv e n ir , les sieu r e t clame de St.-M cn de seront tenus de lu i laisser et
abandonner le grand v e rg e r situ e à M ontferran d ,
contenant en viron c in q
cents perches quarrées , et fau te de ce fa ire , que le d it ju gem en t tien d ra
lie u d ’acte de délaissem ent de leu r part ; qn’en conséquence le req u éran t
T estera e t dem eurera p rop riétaire
I
incom m utable , pour en disposer com m e
il a v is e r a , sous les conditions déjà convenues et acceptées entre les parties.;
s a v o ir ,
i,® que le d it v e rg e r dem eurera grev é en vers
M . et M .“ ®de S t.-
M endc de la garan tie de toutes recherches généralem en t quelconques , p o u r
quelques causes que ce soit ; 2.® qu’ il dem eurera charge de la rente v ia g è re
de 3 oo fr . par an , créée au profit de M .lle de I î a r t , m oyennant 3 ooo fr . ,
i
em prun tés d ’elle p o u r les p rêter à M .mc A u b ier , q u i doit les ren d re à l ’épo-
I
que fixée par son ob ligation ; 3 .° qu’ il dem eurera cliargé des in térêts , et
ga ran t d u cap ital de i 3 , 5 oo fr. , m entionné en l ’acte de m ai 1801 , ju squ ’ à
ce q u ’il a it été pris d’autres arrangem ens en tre le req u éran t et ses enfans
et petits eufans p o u r l ’ex tin ctio n de lad ite dette ;
V o i r donner acte au req u éra n t de ce qu’ il se soum et à em p lo yer le surplus
des reven u s d u d it v e r g e r , si plus y
a v a i t , en paiem ent des in térêts
et
d u ca p ita l des autres em prunts par lu i faits p o u r ses enfans j
V o i r ord on n er que le requ éran t dem eurera subrogé à tous droits q u el
conques et tous reven u s échus , courants ou à éch oir , a u x offres qu’il fa it
de ratifier toutes les garanties p a r lu i prom ises a u x sieu r et dame de S t.M en d e ;
V o ir ordonner p areillem en t que tous papiers de fam ille seront rem is audit
re q u é ra n t, tant par lesdits assignés que par tous dépositaires , é la t som m aire
d ’ic e u x préalablem en t dressé , au pied duquel i l donnera décharge ;
E t en ou tre pou r procéd er sur autres conclnsious que le req u éran t se xésorve de prendre par la suite , en tou t éla t de cause et à fin de dépens , sans
p réju d ice au req u éran t de tous ses au 1res d ro its , actions et prétentions géné
r alem e n t
quelconques , et pou r p a rv e n ir au paiem ent des condam nations à
in te r v e n ir contre lad ite daine de St.-M eu d e , se v o ir le d it sieu r de S t.M e n d e , son m ari ,
condam ner à in d iq u er des biens d’icelle à cet e ffe t,
ju stifie r de le u r con trat de m ariage , sinon v o ir d ire et ordonner qu’aprè*
liu ita m e ex p iré e de la M gilificalion
sont et lu i
fra is.
du ju gem en t , les condam nations lu i
d em eu reron t personnelles ,
Ces conclusions sont précédées
tant en
de
p rin cip a l , in té r ê ts , quô
vingt-trois motifs ,
dont
d ix -h u it uu moins sont inutiles ou sans liaison directe avec elles.
On remarquera que I\l, A u b ie r avait oublié de conclure à ce que
�( i4 )
M. de St.-Mendc autorise sa f e m m e , ou qu’elle Ferait autorisée par
la ju s t ic e , comme l’exigent les articles 2 i 5 et 218 du code N a
poléon. Néanmoins M. de St.-M en de , qui n ’avait sans doute pas
fait attention à cette omission , et qui ne voyait pas pourquoi on
lui intentait un procès , à lui qui ne s était melé de rien , déclara
q u ’il ne voulait pas autoriser sa lemine ; ce qui a donne lieu à un
jugement d ’autorisation , rendu le 27 avril dernier.
<
M. A u bier , qui voulait absolument tenir en cause M. de S t .Mende , imagina de présenter une requête tendant à ce qu’il lui
fût permis de l’assigner personnellement , en qualité de mari et
maître des actions dotales de sa femme \
P o u r assister en la cause pendante entre lu i M . A u b ie r et sa soeur , à cause
d u m andat par elle r e m p li, et autres conclusions , pour v o ir d iie qu’en exécu
tion du con trat de m ariage de M . de St.-M ende , lu i M . A u b ie r sera m aintenu
dans la q u alité de seul h é r itie r con tractu el bénéficiaire de son père , et appelé
à r e c u e illir tou t ce qui est proven u de sa succession , ainsi que de celle de son
fr c r c le clianoine j tou t ce q u i a etc conservé et rach eté
à quelque titre et
de quelque m anière que ce s o i t , et attendu que m oyennant la dot de 3 o,ooo fr.
fa ite à la dam e de S t.-M ende , elle a renoncé à toutes successions , et que celle’
d o t a été réellem ent payée à M . de S t.-M en d e , p o u r le com pie de M. A u b i e r ,
i l sera tenu d’en passer q u ittan ce en sa fa v e u r , dans le jo u r de la signification
d u ju gem en t à in t e r v e n ir , sinon que le ju gem en t v a u d ra q u itta n c e ; qu’en
conséquence , M . A u b ie r sera subrogé à tous droits légitim aires , de mémo
q u ’à toute h ypoth èq u e sur tou t ce q u i est p roven u , a été conservé ou racheté
p o u r son com pte ; v o ir au surplus , adjuger ti SI. A u b ie r les conclusions par
lu i prises c o u tr e la dame de S t -M e n d e',personnellem ent com m e sa m an d ataire,
pour la conservution et rach at des biens desdites successions , avec dépens , sous
la rc s e iv e que M . A u b ie r se fa it, pour tous les cas quelconques ,d e ses créances ,
e t de dem ander à q u i il appartien dra d’eu ôtro rcsponsablo le com pte do
tous cap itau x et intérêts.
Cette requeto du 8 juin a été notifiée à M. de St.*Mende le i 3
juillet avec assignation, et lo 28 a o û t , M. Aubier a obtenu
par
défaut 1111 jugement qui joint cette instance a la précédente dirigée
contre sa soeur, pour etre statué sur le tout par un seul et même
jugement.
Depuis et dans le courant d ’octobre , la damo veuve
de la
�( i5 )
M o n te illie , instruite des demandes de M. Aubier , et ne pouvant se
dissimuler qu’elles tendaient à préparer à son beau-père et à ses
enfans des moyens de Kevenir contre la subrogation du domaine de
Saulzet, a senti la nécessité d’intervenir dans la cause pour surveiller
les intérêts de ses deux filles mineures , et combattre les prétention»
de leur grand-père.
Comme t u t r i c e , elle devait se faire autoriser par le conseil de
famille , aux termes de l’article 464 du code Napoléon. Elle l ’a fa it,
et son intervention a été signifiée.
A ce s u je t , nous remarquerons que M. A u bier ( page 3 g de son
mémoire ) , annonce que sa belle-fille veut repousser ses demandes ,
en lui disant : V o u s êtes mort civilem ent pour m o i,
vous êtes
retranché de la fa m ille ; tandis qu’au contraire elle a obtenu l’au
torisation du conseil de famille pour défendre les droits et les titres
de ses enfans, sur-tout dans le cas où leur grand-père viendrait à
alléguer sa mort civile pour détruire l’effet de ses signatures appo
sées à ces titres.
L e procès-verbal du conseil de fam ille, la requête d’interven
tion , signifiés à M. A u b i e r , ne lui permettaient pas de prêter à sa
belle-fille des sentimens tous contraires à ceux qu’elle a e x p r im é s ,
et une défense indécente.
Mais continuons.
Com m e il était essentiel de connaître les actes sur lesquels M.
A u bier s’appuyait pour soutenir que la dame de St.-M ende n’avait
été que son prête-nom ou sa mandataire dans son acquisition de
]a nation , nous l’avons requis de nous donner une copie exacte
de ces actes, et de les déposer pour en prendre communication.
A p rè s nous avoir annoncé qu’il en avait une m ultitude, il a fini par
nous
communiquer sept lettres qui
nous dispensent
d’en yoir
davantage.
Dans l ’u n e , Madame de St.*Mende lui écrit d’un ton familier t
qu’elle n’est que son homme de confiance ; dans une a u t r e , elle
mande que le département lui a remis les litres de la famille j dans
une autre , elle dit qu’elle a présenté le mémoire et la procuratiou
aux administrateurs 3 et que l’ un d ’eux l’a persiflée. E n un
mot,
�iii
(
'
16
)
ces lettres sontloin de faire regarder la dame de St.-M ende comme
un p rê le -n o m ou la mandataire de ¡NI. son frère. Elles n ’ont mémo
pas de date , et leur contenu seul peut faire préjuger l’époque où
elles ont été écrites.
Au r e s te , que peuvent signifier des lettres quand les parties ont
souscrit des actes postérieurs bien plus clairs
bien plus positifs
q u ’une correspondance ? Si M. Aubier a des lettres de sa s œ u r ,
elle en a aussi de lu i, elle l’invite à ne pas la forcer d ’en faire usage.
Maintenant que les faits essentiels sont rappelés , il faut s’occuper
de la discussion.
m
o
y
e
n
S ..
§. I.er
M o yen s de la dame de St.-M ende.
M . Aubier veut que la dame sa sœ ur ait été son prête-nom et sa
mandataire dans son acquisition de la nation. Il allègue ce fait
( page i 5 de son m é m o ire ) , mais il ne le prouve pas. A u contraire ,
il en dit assez pour prouver qu’elle n ’était ni son prête-nom , ni sa
mandataire. Il convient « qu’il avait ignore l ’urgence du rachat j
)) que dans le premier in sta n t, il crut que sa sœur s’étaittropjhâtée,
» mais qu’il n’en fut pas moins empressé à a v o u e r , à ratifier ce
)> qu’elle avait f a i t , et qu’il lui envoya une nouvelle procuration. »
Si la dame de St.-M ende eût acquis de la nation comme prêtenom ou comme mandataire de M. son fr è r e , il n ’aurait pu ignorer
l ’ urgence du r a c h a t , et elle n ’aurait eu besoin ni de son aveu , ni do
sa ratification , ni d ’une nouvelle procuration.
Mais puisque M. A u b i e r , qui devait tout p ro u v e r, n ’a pu rien
prouver , la dame de S t.-M e n d e qui n’est tenue d’aucune preuve, va
faire cesser à l’instant
les vaines déclamations de son frère , en
démontrant à la justice deux vérités : la p re m iè r e , qu’elle n ’a pas
été son p r ê t e -n o m , ni sa mandataire ; la seconde , que ni l u i , ni
elle , ne pouvaient avoir cette pensée au tems de l’acquisition , et que
c ’est par un abus des mots que M A u bier voudrait faire croire à l ’exis*
tencodeln
d o u b le
qualité qu il a imagine do donner
à
la daniesa sœur*
D ’abord, qu’est-ce qu’ un prête-nom dans la réalité , et dans le sen»
des lois ?
�Si
m
( *7 )
C ’est une personne qui, pour accéder aux désirs d ’un autre, consent
à lui prêter sou nom dans une opération qu’elle se propose de faire.
Si le p rête-nom n ’en lire aucun bénéfice ( c e qui est rare ) } c ’est
un pur service ; si le prête-nom prend une rétribution, le service
ayant une récompense , n ’a plus autant de droits à la reconnaissance.
Mais , dans tous les cas possibles , il ne peut y avoir de prête-nom
sans un acte syn a lla g m a tiqu e, c ’est-à-dire, une convention par
laquelle les contraclans s’obligent réciproquement l’ un envers l’autre.
L a nécessité de cette convention résulte de ce que, sans cette p ré
caution, le prête-nom courrait personnellement toutes les chances
de l ’opération , et que celui auquel il aurait prêté son nom pourrait
être déçu de toutes ses espérances.
E n effet , si celui qui achète sous le nom d ’un autre , n ’a pas
fait une convention antérieure qui le prouve , comment pourra-t-il
forcer son prête-nom, qui est en qualité dans le contrat d’acquisition ,
à lui délaisser l’objet acquis? e t , si celui auquel 011 a prêté son nom
ne veut plus tenir ses engagemens
comment le prête-nom qui ne
devait être chargé de rien , et qui cependant est nominativement
obligé dans le contrat,pourra-t-il forcer l’autre à tenir ses engagemens?
Il est donc évident q u e , pour qu’il existe un p rê te -n o m , il faut
une convention antérieure ou authentique , ou du moins sous seingprivé , rédigée en autant d ’originaux qu’il y a de parties ayant un
intérêt distin ct, comme le veut l’art.
i 525
du Code K apoléon.
M. Aubier représente-t-il cette convention ? non. D onc il n ’a
pas eu de prête-nom dans l’acquisition qu’a faite ladame de St.-Mende.
Supposons qu’après son acquisition , la d a m e de S t.-M en de eût été
désavouée par M. son frè r e , qu’elle eût été poursuivie pour payer
la nation , et qu’ elle n eut pu se procurer de l ’a r g e n t, com m ent
serait-elle parvenue à forcer M. son frère à exécuter son marché ?
elle n’aurait pu y p a r v e n ir , parce que n ’étant lié par aucune con
vention antérieure y il lui ét^it impossible de le traduire devant
les tribunaux de Berlin , pour le faire condamner à remplir les
engagemens qu’elle aurait souscrits pour lui.
Il faut donc convenir qu’elle n ’était pas son p rê te -n o m , puis
qu 'elle n’ayait aucun titre ù faire valoir contre lui.
3
�Si elle eût été son p rê te -n o m , est-ce que M. Aubier aurait ea
besoin d’avouer et de ratifier ce qu’elle avaiL fait ? est-ce que , d ’un
autre c ô t é , la dame de S t.-M em le aurait eu besoin de son aveu
et de sa ratification ? leur convention aurait été leur l o i , et il n’a u
rait pas fallu autre chose que la montrer.
A p rès avoir fait voir que la dame de St.-Memle n ’a point été le
prête-nom de M. son f r è r e , allons plus a v a n t, et faisons sentir à
tout le monde que ni l ’un ni l ’autre n ’ont pu avoir cetto pensée
au tems de l’acquisition.
M. Aubier était en m ort civile au 25 therm idor an 4 . Dans cet
é ta t , il pouvait encore a c h e te r, vendre et d o n n e r, parce que ce
sont des contrats du droit des gens , et que les lois ro m ain e s, adop
tées par la jurisprudence française,accordaient cette faveur à celui
qui était en cet état.
Mais il faut prendre garde queles auteurs qui ont traité dé la mort
c iv ile , tels que R i c h e r , page 2o4 et 432 , L e b r u n , dan3 son traité
des successions , liv. i , chap. 2 , sec». 2 , n." 9 , rappellent que
les biens acquis par celui qui était en mort civile , passaient au fisc
après sa mort n a tu re lle ; et C u ja s, en ses observations } lib, Q >
cap. 2 5 , nous en donne la raison : c’e s t , dit-il, parce qu'un hom m e
jnort civilement ne peut pas avoir d héritier.
Si donc M. A u bier ne pouvait ignorer cette rigueur du d r o i t ,
c o m m e n t lui serait-il venu dans l’esprit de racheter ses biens par la
voie d’un p rê te -n om > p o u r , en cas de mort naturelle 3 les laisser
retourner au fisc }
Il y a plus : la rigueur des lois romaines n’était pas à com parer
avec celle des lois p o r t é e s contre les émigrés. L e corps politique >
tourmenté par une fièvre ardente , semblait ne pouvoir se désaLtérer qu’avec le
sang
de ses ennem is, et les emigiés fin en t mis en
prem ière ligne. La peine de m o r t , la confiscation, tout était employé
pour les ruiner et les détruire. O n n ’aurait pas souffert qu’ils jouis
sent en France des biens qu’ils auraient achetés , et s’ils avaient eu
la folie d ’acquérir } 011 leur aurait repris le lendemain
au raien t
racheté la veille. Ils 11e pouvaient tester
leurs droits , elle s’élait
réservé celui
ce qu’ils
la nation était ù
de succéder pendant 5 ®
ans pour c u j , e t de jouir dca usufruits (¿ui reposaient sur leurs têtes.
�( '9
)
C o m m e n t, sons une pareille législation , M. Aubier aurait il pensé
q racheter ses biens par la voie d’un prête-nom ? L a convention qu’-il
aurait passée à ce sujet avec sa sœur , n ’avait qu’à se découvrir par
quelque événement f o r t u i t , son bien retombait encore sous !e poids
cio la confiscation. 11 n ’avait qu’à venir à m o u r ir, ses enfans ne
pouvaient lui succéder , et c ’était encore le fisc qui devenait son.
héritier.
Madame de S t.-M e n d e ,
de son c ô t é ,
pouvait-elle servir de
prête-nom a son f r è r e ? Quelle garantie aurait-elle eue contre ce
fiè r e entièrement dépouillé ? Quelle action aurait-elle pu diriger
contre un homme mort civilement ?
M ais , flit M. A u b i e r , si ma sœur n ’a pas été m on prête-nom t
elle a du moins été ma mandataire.
Pas davantage , et la chose était encore plus impossible.
P o u r elre mandataire d’ un a u t r e , il faut deux c h o s e s , d’abord
qu’il y ait un m a n d a t, ensuite qu’on en fasse usage. O r quand on
supposerait , ce qui n’est nullement p ro u v é , que M . Aubier aurait
envoyé à sa sœ ur des pouvoirs confidentiels pour racheter son
bien , elle eût fait un acte de folie que de s'en servir; car alors la
nation aurait encore le lendemain repris ce qu’elle aurait vendu la
veille ; ou p lu tô t, comme les lois punissaient de m ort quiconque
entretenait des intelligences avec les é m ig ré s, si la dame de S t . Mende eût eu la témérité de se présenter avec une procuration
de son frère pour racheter ses biens , elle se serait jetée elle-m ême
dans le précipice. L a procuration
et le mém oire qu ’elle d i t ,
dans une de ses lettres , avoir présentés au d é p a r te m e n t, n’étaient
relatifs qu’à la radiation de M. A u b i e r , comme cela est avoué dons
l ’acte du 8 mai. M. Aubier était si éloigné de regarder la dame de
S t.-M e n d e , sa s œ u r , comme son prête-nom et sa m andataire,
qu il lui é criv it, peu do jours avant le mariage de son fils Jérôme f
que celui-ci a va it p eu r sans doute que son p è te on ses frères
le trompent. I l me semble cependant , ajoutait M. A u b i e r , que
nantie de tout t contre un père in scr it, sans titr e , sans qualité
p ou r agir , q u i , même après sa radiation , ne peut avoir que
ce que tu lu i céd era s , et p a r conséquent n’aura ja m a is de
�.\*
(
20
)
droit sur Sa u lzel } contre deux fr è r e s , à la vérité munis de
certificat de non-inscription , grâces à t o i, m ois étant à l ’étran
ger , n'ayant point de certifca t de résidence , p a r conséquent
ne p ou v a n t réclam er , de p lu s ne pouvant avoir que les droits que
tu leur transmettrais , il devrait être sans inquiétude,
V oilà qui est encore clair et décisif.
Mais , répond M. Aubier , si ma sœ ur n’a été ni mon p rê t e nom ni ma mandataire , pourquoi a-t-elle donc déclaré , dans l’acta
du 8 niai., qu’elle n ’avait acheté mes biens que pour me les con
server ? Pourquoi m ’a t-elle rendu un co m p te ? Pourquoi m ’a-telle demandé des ratifications et des garanties ? Pourquoi n ’a-t-elle
disposé de rien sans mon consentement revêtu de ma signature ?
Si elle était véritable propriétaire , elle était la maîtresse de faire
comme elle l’e n te n d a it, elle n ’avait pas besoin de moi. O u i , sans
doute , la dame de St.*Mende aurait pu agir comme maîtresse
absolue depuis son acquisition ; mais, pour rem plir ses intentions,
elle devait tenir la conduite qu’elle a tenue.
E lle n ’avait acheté vos biens que pour vous les transmettre ,
si votre demande en radiation prospérait , ou p ou r les em ployer
£ procurer des étal)hssemens et vos enfans . ce sont les termes
des actes du 18 floréal et du 10 prairial an 9. Or un prête-nom >
un mandataire n ’a rien à transmettre, puisque tout appartient à
celui auquel il a prêté son nom , ou à celui qui lui a donné ses
pouvoirs. Si donc la dame de St.-Mende a transmis à vous et à
votre
fils Jérôme
ce
qu’elle avait acheté
de
la nation ,
elle
ne l’a évidemment fait que par l’împulsion de son c œ u r , et non
comme y étant obligée par aucune des qualités que vous lui donnez
actuellement.
Si elle vous a rendu compte , c’est qu elle 1 a bien voulu j et
aussi vous d ites, dans l ’acte du 8 m a i , que vous avez exam ine
ce compte uniquem ent parce q u 'elle Vexigeait . E st-ce là le lan
gage qu ’on lient à un mandataire?
Si elle a demandé des ratifications , c’était pour tranquilliser
des acquéreurs tim id e s, q u i, avant le
18 f r u c t id o r , craignaient
une réaction , ou bien après votre radiation, pour leur servir de
preuve de votre ap p rob atio n , ce qui leur faisait plaisir.
�( 21 )
Si elle vous a fait stipuler des garanties , lors de la transmission
de vos biens , c ’est qu’il était bien juste qu ’en cas de recherches
au sujet de ces mêmes biens } vous l’indemnisiez , puisque voua
en aviez eu tout le profit , et qu’elle n ’en avait retiré que des
peines infinies : ce sont encore les termes de l’acte du 8 mai.
Si elle n ’a disposé de rien que conjointement avec vous , de votr»
co n sen tem en t, et sous l’approbation de vos signatures , c’est que
n ’ayant jamais eu d ’autre intention que de disposer des biens par
elle achetés que d ’une manière qui vous fût agréable et avanta
geuse à vous et à vos enfans, elle a voulu constater par vos signa
tures qu’elle n ’avait suivi à cet égard que vos propres déterminations^
L ’excès de la délicatesse l’a conduite, et aujourd’hui vous faites
ce raisonnement : « M a sœur a agi comme l ’aurait fait un prête-nom
» ou un mandataire , donc elle doit être regardée comme tel. »
V oilà tout le fondement de vos prétentio ns, mais il n ’a rien de
solide, parce que la différence est trop sensible.
L a dame de St.-M ende a agi dans votre i n t é r ê t , pas de doute;
mais elle n ’a agi que par sa propre im p u lsio n , et non par vos
o rd res, ni par l’efiet d ’aucune convention qui la soumît à faire
ce qu’elle a fait.
V oilà la pierre angulaire contre laquelle se brise tout votre s j's tême. P a r ses procédés généreux , elle a cru s’acquérir des droits
éternels à votre reconnaissance , tandis qu’elle en aurait bien peu
si elle s’était rangée dans la classe d ’un p rê te -n o m ou d’un man-:
dataire. Il est impossible que la justice prenne jamais le change
sur les motifs de sa conduite. E t dès-lors vous n ’avez rien à espérer
des tribunaux. L ’autorité publique a le droit de surveiller les actions
et de prendre connaissance des affaires des particuliers ; mais quand
elle ne voit que des actes de bienfaisance , elle se contente d'y ap
p la u d ir , et ne s’ingère jamais à en régler le mode et les conditions.
Q uant à la remise des papiers de famille , vous lui en avez donno
décharge par l ’acte du 8 mai. V os demandes conlre la dame votre
sœ u r doivent donc être re je tée s, car les magistrats, comme le public^
auront meme peine ù comprendre quelle illusion a pu vous décider
ù les m cllre au jour.
�M oyens de M . de St.-M ende.
M . A u b ie r a traduit son beau-frère devant la justice , et il a
pris contre lui trois chefs de conclusions , comme le prouvent ses
requête et exploit des 8 ju il le t i 5 ju ille t, ci-devant relatés.
Il v e u t , i.° que M. de S t - M e n d e , comme mari et maître des
actions dotales de sa fe m m e , soit témoin des débals touchant l’exé
cution du prétendu mandat qu’il prétend avoir donné à sa sœ ur
p our racheter ses biens ; 2.0 que M. de S t.-M e n d e le reconnaisse
pour seul héritier contractuel bénéficiaire de M. Antoine A u b i e r ,
son père ; 3 .° qu’il lui donne quittance de la dot qu’il a reçue.
L a réponse à ses demandes ne sera ni longue ni difficile , et
néanmoins elle sera pérem ptoire comme la précédente.
P r e m iè r e m e n t , M . de S t.-M en d e n ’a jamais voulu profiter des
avantages que les lois nouvelles procuraient à l u i , à sa femme et à
leurs enfans. Content de la dot faite à son épouse , il n ’a jamais été
tenté d’en prendre davantage. Profiter de la dépouille d ’un beau frèro
était une idée propre à le révolter. T o u t ce que-son épouse a fait lui
paraissait si digne de sou approbation t qu ’il ne s ’y est jamais
opposé.
Il savait qu’ elle n ’agissait que dans l ’intérêt de son frère ou de ses
en fa n s; m ais, quoiqu’il apperçût bien tous les dangers auxquels
e ’.le s’e x p o sa it, il crut devoir la laisser f a i r e , persuadé qu ’il existo
une protection
souveraine qui tôt ou tard couronne les bonnes
actions d’ un plein succès. Il voyait dans son épouse une sœur ardente
à sauver du naufrage les biens d ’un f r è r e , conduite par les sentiniens d ’une affection sans bornes, n’ayant que de bons desseins ; c ’en
était assez pour qu’il louât ses dém arches, au lieu de les contrarier.
Jamais il n’a pensé qu e, pour agir a in s i, elle fût le prête-nom ni la
mandataire de M. A u b ie r ; au co n tra ire, il a toujours cru que sa
conduite ne recevait d ’autre impulsion que de son cœ ur ; e t , coinmo
la dame de S t.-M en d e l’a démontré jusqu’à l’évidence da ns scs
m oyens personnels de défense , M. de St -M ende ne peut-être que
témoin de lu défuite de M. A u b i e r , et du rejet de ses demandes
relatives à son prétendu mandai.
�( *3
X
)
Secondem ent, il est vrai que M. A u b ier a été seul h éritie r institué
de son père , et que la dame de St. Mende , m oyennant une dot
fixée à 00,000 fr. , a renoncé à toutes successions directes et c o l
latérales. Mais qui est-ce qui a contesté ce fait à M. Aubier ? p e r
sonne. M. de St. Mende a -t-il demandé et reçu plus que le montant
de la dot qui lui avait été promise ? non. A -t-il pris quelque
portion dans la succession du chanoine A u bier , son beau-frère ?
non. D e quoi se plaint donc M. Aubier , puisqu’il a
pris avec
son fiis Jérôme l’entière succession de son père et de son frère ,
des mains libérales
de sa soeur ? M. Aubier se plaint de ce que
la dame de S t.-M en d e , sa s œ u r , a pris la qualité d ’ héritière en
partie de son père et de son frère le c h a n o in e , dans plusieurs
actes, tandis qu’elle n ’était qu’une fille dotée et renonçante.
V o y o n s donc si elle a eu le droit de
p rend re cette
qualité
tChéritière en p a r tie , qui e st-ce qui la lui a donnée , qui est-co
q u i l ’a reconnue comme t e l le , et si on peut maintenant la lui ôter.
Ce n ’est point M. de S t.-M en d e qui a fait donner à sa fem m e
la qualité d ’héritière en partie de son père et de son frère Je
ch a n o in e , car il est constant qu’il ne s’est mêlé de rien. C ’est la
loi seule qui la lui a donnée : en voici la preuve.
L ’art. I X de la loi du 5 brumaire an a a prescrit le partage
par égalité de toutes les successions directes et collatérales
ouvertes
depuis le i 4 juillet 178g.
L ’art. I X de la loi du 17 nivôse suivant l ’a ordonné de m ê m e ;
et l ’art X I a voulu que les dispositions contractuelles faites en mariant
un héritier présom ptif ne pussent lui être opposées pour l’exclure
du partage é g a l , à la charge de ra p p orter ce qu ’il avait reçu lors
de son mariage.
L ’art. 1 " de cette loi avait annuité les institutions contractuelles
dont l’auteur était encore v i v a n t , ou qui n ’etait décédé que depuis
le 1 4 juillet 1789.
Ces deux lois de brumaire et de nivôse contenaient évidemment
un effet rétroactif. Il fut détruit par la loi du 9 fructidor an 2 , qui
décida que ces lois n ’auraient d ’effet touchant la transmission des
biens qu à compter do leur promulgation. L a loi du .î vendémiaire
&u 4 s u r v in t, qui régla le mode de restituer aux héritiers rétablis
�( 2i
^
les Liens
qui avaient clé
soumis
)
au partage
d’égalité ; or ces
Tiérifiers rétablis étaient ceux dont les auteurs étaient décédés avant
la loi de nivôse. E t comme M. A u b ie r , père co m m u n , ¿taitdécédé
avant cette loi , son institution contractuelle restait toujours valable ,
et la dame de St. Mende n ’avait droit qu’à une légitime de r ig u e u r,
mais elle avait droit au partage d’égalité de la succession de son frère
le chanoine, mort ab intestat. A u s s i , lorsqu’au a 5 thermidor an 4 ,
la darne de St. Mende acheta lés biens délaissés par son p è r e , et
son frère le chanoine , TAdministration départementale régla ses
droits à une légitime de rigu eu r, c ’e st-à -d ir e , d'un neuvième dans
la succession de son p è r e , et à la moitié de îa succession de son
frère le ch an oin e, revenante , dit l’arrêté de l’Administration x à
M a rie A u b ie r , acquéreuse , comme héritière dans cette propor~
iion fie Jean-B aptiste A u b ie r , son frère..
L.a qualité ¿Vhéritière lui fut donc imprimée par l ’Adm inislration départem entale, d’apres les lois existantes ; mais , comme la
République représentait le frère é m ig r é , elle s’attribua le béné
fice de l’institution faite en sa faveur.
Depuis cette époque est survenue la loi du 18 pluviôse an 5 ,
q u i , par son art. X , a déterminé que les filles forcloses par les statuts
seraient appelées au partage des successions ouvertes postérieure
ment à la publication du décret du 8 avril 1791 , et que les filles
qui auraient renoncé dans les p ay s de non-exclusion prendraient
p art au partage des successions ouvertes depuis la publication de
la loi du 5 brumaire an 2.
Il résulterait donc de cette loi ( si tout n ’avait été réglé auparavant
p ar l’arrêté de l’administration d é p a r te m e n ta le ), que la dame do
S t .- M e n d e , quoiqu’ayant renoncé à toutes successions directes et
collatérales dans son contrat île mariage passé à Clerm ont ( pays de
droit écrit ou de non exclusion ) , a dû partager la succession de son
père , mort après la loi du 5 brumaire an u , et qu’ainsi la qualité
d ’héritière en partie de son père et de son frère lui ayant été
donnée par la loi ir.êm e, personne ne peut ni lu lui contester , ni
la lui ôter.
Il suffirait même que l ’administration
départementale
lui eût
imprimé celte qualité, pour que Ai. Aubier n ’eût rien à dire , parco
�(
25
)
q u ’n!ors la nation le r e p ié s e n ta it, et qu’un émigré rayé ou amnistié
doit prendre les choses en l’élal où elles se trouvent. D ’ailleurs , les
tribunaux ne peuvent rien changer aux arrêtés des corps adminis
tratifs , puisqu’ils n’ont pas même le droit de les i n t e r p r é t e r , et
q u ’en cas de dispute sur leur véritable sens , il faut absolument leur
en faire le renvoi, pour qu’ ils y statuent eux-mêmes.
*11 n’y a pas d ’exemple d’ un procès aussi extraordinaire que celuici. M. Aubier a Un-même reconnu sa sœur en qualité A'hèrU i re
en partie de son père et de son fr è r e , dans l’acte du 8 mai. 11 lui a
promis une pleine garantie pour tout ce qu’elle aurait fait en celte
qu alité; et voilà qu’oubliant son propre fait,
il veut que M. de
St.-Mende en réponde , q u o iq u e M .d e St.-Mende n ’y ait coopéré
en rien. C e n ’est pas tou t: M. de S t.-M en de pouvait exiger que sa
femme conservât pour elle et ses enfans les portions de biens qi,e la
nation lui a délaissées comme héritière de son père pour un neu
vième
et comme héritière pour moitié de son frèie le chanoine",
et cependant il lésa refusées pour augmenter la fortune de M. Aubier.
Com ment comprendre qu'un pareil acte de générosité lui vaille un
procès ?
L a qualité d ’héritière est imprimée par la loi même sur la tête de
la dame de S t.-M en de , et M. A u b ie r , après l’avoir reconnue , p ré
tend la lui ôter !
Cette qualité n’ a tourné qu’au profit, de M. A u b ie r , et c’ est lui
qui s’en plaint ! Pourrait-on jamais croire des singularités de cette
espèce ?
T ro isiè m e m en t, et relativement à la quittance de la d o t , M .
Aubier en a déjà plusieurs. Com bien lui en faut-il ?
Par l'acte du 8 mai , Madame de S t.-M e n d e reconnaît qu’il ne
lui est plus dû que 9,ooo liv. sur sa légitim e, et en marge est la
quittance de ces 2,000 liv. , signée de M. de S t . - M e n d e , à la date
du 7 vendémiaire an 11.
D e p u is , M. Aubier a reçu diverses lettres qui prouvent qu’il ne
doit rien rie la légitime de sa sœur ; et enfin , pour lui com plaire,
011 lu ia o lle r t une nouvelle quittance le 28 juillet d e rn ie r, et il l’a
refusée ; elle est encore dans notre d o s s i e r .
T o u t ce que M. do S t.-M en do vient de dire p our sa défense est
4
�tellement d écisif, que M. Aubier doit se reconnaître vaincu aussi
bien par son beau-frère que par sa soeur.
§.
III.
M oyens de la D am e veuve de la M onteilhe,
L ’intervention de la dame veuve de la Monteilhe , tant en son
nom que comme tutrice de ses enfans , était nécessaire , parce qu’en
définitif c ’était sur elle et sur ses enfans que devait porter tout le
poids de la contestation.
E n e f f e t , si la dame de St.-M en de n ’avait été que le prête-nom
ou la mandataire de M. Aubier dans son acquisition de la nation ,
il en résulterait un litige forcé sur la validité de la transmission
du domaine de S a u lz e t, faite à Jérôme A u bier par la dame de S t .M ende et par M. Aubier lui-m ême.
M. A u bier ou ses enfans auraient dit que la transmission de ce
domaine n ’avait pu s’opérer par la dame de S t.-M en d e ^ jugée
n ’être ni acquéreuse ni propriétaire v é rita b le , et que cette trans
mission émanée de M. A u b i e r , jugé véritable acquéreur sous le nom
de sa sœur , ne pouvait valoir que pour la portion héréditaire
de Jérôme Au bier , dont les enfans auraient été tenus de rapp orter
à la succession de leur grand-père le domaine de Saulzet pour c i r e
partagé en trois lois.
On pouvait même appréhender que M . A u b ie r n ayant signé la
subrogation de ce domaine que pendant sa mort c iv ile , son consen
tement ne devînt l’objet d ’une discussion.
Toutes ces considérations ont déterminé le conseil de famille à
autoriser la dame yeuve de la Monteilhe à soutenir les droits de ses
enfans.
F rap p ée de la solidité des moyens développés par la dame de
St.-M ende , elle n ’a point à craindre qu’on répute cette dame prêtejiotn ni mandataire de son frère dans son acquisition de la nation;
et dès-lors la subrogation du S a u lze t, fuite par la dame de S t.M ende à Jérôme Aubier ; conserve loulc sa force c l doit produira
tous ses effets.
�( 27 )
Néanmoins il est à propos de faire sentir u la justice que , quelque
convention qui eût pu exister entre la dame de St.-Mende et son
frère , la dame de la Montcillie et ses enfans
n ’auraient jamais
dû en être les victimes.
L a dame veuve de la Monteilhe s’est mariée avec Jéiôme Aubier.
E lle était alors veuve de M. de Bullion. Elle avait une propriété
personnelle , plus la jouissance des gains nuptiaux que lui avait
assurés son prem ier m a r i , un trousseau et des bijoux d’ une valeur
assez considérable.
E lle
pou vait
être certaine de trouver 25 o,ooo fr.
pour sa portion dans la succession de ses père et m ère ; et ceuxci , en attendant, lui constituaient un revenu annuel de 2}5 oo fr.
A la v é r i t é , elle avait une fille de son prem ier mariage ; mais le
patrim oine de M. de Bullion , son père , et l ’hérédité universelle
de sa grand’m è r e , procuraient à celle demoiselle une assez jolie
fortune personnelle pour n ’êlre jamais à charge à sa mère.
Dans cette situation, Jérôme Aubier l’a recherchée en mariage.
L e s intérêts des deux époux ont été examinés et déterminés par
deux jurisconsultes distingués et par vingt-cinq parens. L ’arrêté
de famille du io prairial an 9 en fait foi. Cet acte fut l’ouvrage
de M. A u b ie r , et il fut trouvé si parfait par les ju risconsu ltes,
q u ’ils l’approuvèrent en tous points. L a preuve s’en trouve encore
dans cotte même lettre écrite par M. A u bier à sa s œ u r , dont nous
avons déjà cité un passage. Elle commence ainsi :
Je devais , ma chère, amie , a ller te voir hier 3 et te porter
l ’acte que j'a v a is p rojeté , il y a six jo u rs. I l avait eu Vap
probation de Pâgés et B c ir o t, sans changer une virgule. Oit
m 'a traîné dix fo is de Coste à P a rtis , de D artis à liio m , etc.
parce que, d isa it-o n , la subrogation étant sans p rix donné p o u
vait être critiquée. B o ir o te t Pages trouvaient q u e, relativem ent
A un acte de fa m ille de bonne f o i , l ’ objection était ridicule.
J ai d u à Caste , auteur de l'objection , q u ’ elle était de p lu s
indecente , et j e l'a i dit a la DIonteilhe , qui revient dix fo is
en a rriéré , « /a crainte que ses avantages ne soient p a s bien
consolidés. P e u m'importent toutes ces difficultés.
C e lle lettre finit par ces mots : L e projet du contrat de m ariage
est littéralement de P a g é s , j ’ avais seulement ajouté l ’ article ,
page 4 .
—
�L a dame de St.-Mende subrogea Jérôme Aubier au domaine du
Saulzet ; et M. A u b ie r , son père , consentit à ce qu’il se constituât
ce bien en mariage. E t ce fut sous la foi de cette constitution
que le mariage a eu lien , et qu’il fut stipulé dans le co n tra t, qu’en
cas de p rédécès, les époux se donnaient mutuellement l’usufruit
de la moitié de leurs biens.
On sait que des conventions matrimoniales sont sacrées , que
la bonne foi doit y présider , et qu’étant le gage de l’ union des
époux et de leurs deux familles , elles sont aussi le fondement de
la fortune des enfans qui naîtront du mariage. On n ’ignore pas
non plus que les droits des tiers sont sous la protection spéciale
des lois et de la justice.
O r la dame de la Monteillie et ses enfans pourraient-ils jamais
souffrir des arraiigemens secrets qui auraient pu avoir existé entre
M . Aubier et Madame de St.-M en de, sa sœ u r? non.
Nous en avons une preuve bien récente dans une circonstance
semblable , qui a donné lieu à une affaire jugée en la cour de
cassation le i . " août dernier , rapportée dans le journal de M.
i
D e n e v e r s , page 4 oy du 10.' cahier de cette année.
L a demoiselle Iiereur-de-M alans, inscrite sur la liste des é m ig ré s,
n ’a été éliminée qu’en l’an g ; et en l ’an 1 2 , elle fut interdite
pour cause de démence. E n l’an 4 , elle avait donné une partie de
ses biens au sieur Higonaux par contrat de mariage.
A p rès son interdiction , son curateur attaqua de nullité cette
donation ; m ais, par arrêt rendu le 5 o mars 1 8 1 0 , la cour de
Besançon l’a m aintenue, « attendu que la loi du 12 ventôse an 8 ,
)) qui frappait de mort civile la demoiselle de Alalane , ne pouvait
» avoir l’effet d ’anéantir, au préjudice d'un tiers , les droits qui lui
» étaient acquis par la donation , avec d autant plus de raison ,
}) que le mariage du fils Rigonaux n ’a eu lieu que sous les auspices
» de cette donation , et que ce serait p riv e r deux familles et les
» enfans issus de ce m ariage, de l’e(Tet d’une libéralité fuite dans
» les formes voulues par la l o i , et sur laquelle ils ont dû compter. »
Cet arrêt a été attaqué , mais la cour do cassation a rejeté lo
pourvoi des héritiers de ]\lalaus ,
»
Attendu (¡u’avant la promulgation du code Napoléon , la dona-
�( 2g )
S 2 5
)> tion entre-vifs éta it, comme appartenant au droit des gens , et
3) non au droit c i v i l , au rang des actes dont les individus morts civi» lement étaient capables ; qu’ainsi la demoiselle de Malans a pu t
)> quoique frappée de mort c iv ile , transmettre valablement partie
» de ses biens à Rigonaux fils , p a r la donation insérée au contrat
» de mariage dudit Rigonaux du g frimaire an 4 , et que la dis—
» position de l’arrêt attaqué qui maintient cette donation , est
)) conforme aux principes et aux lois de la matiere. ))
O n voit , par cet a r r ê t , que les signatures de M. Aubier aux actes
de subrogation du domaine de Saulzet, quoique données pendant sa
inort civile sont valables , et qu’ainsi , sous tous les rapports , le
domaine de Saulzet a été irrévocablement assuré tout entier à Jérôme
Aubier j on voit que les droits des tiers ne peuvent recevoir aucune
atteinte ; on v o i t , enfin , que des conventions matrimoniales doivent
cire respectées. Dans l’espèce actuelle, la dame veuve de la Monteilhe
a de plus la satisfaction de reconnaître que la dame de S t.-M en d e
étail seule propriétaire du domaine qu’elle a cédé à Jérôme Aubier ,
ce qui tranche toute difficulté et dissipe toutes ses inquiétudes.
Elle ne peut néanmoins qu’êlre surprise d’entendre son beau-père
alléguer qu’il n ’aurait pas consenti a la transmission de l’entier
domaine de S a u lz e t, s’il n ’avait été trompé sur sa valeur ; qu’on lui
avait persuadé qu’il n’était afiermé que 5 ,ooo fr. , et que dans cette
proportion avec la masse de ses b ie n s , il n ’avait vu aucun obs
tacle à en saisir son fils Jérôme.
Comment M. Aubier peut-il tenir ce langage ? ... il ne pouvait
pas ignorer la vraie valeur du domaine de S a u lz e t, car dans son m é
moire (page 54 ) , il dit que M. son père l ’a acheté i o 5 ,ooo fr. en 1788.
L e s vingt-cinq parensqui ont été témoins de la subrogation de la dame
de St.-Mende connaissaient aussi la vraie valeur de ce bien. Environné
de tant de lum ières, à portée de juger par lui*mème , croira-t-on
qu’il ait agi par imprudence ? et c ’est après dix ans de mariage de
sa belle-fille , après le décès de son fils , qu’il fait une pareille
réclamation ! E s t - c e que l’acte du 8 mai ne prouve pas qu’il a voulu
fixer ses principales propriétés sur la tête de ce fils ? n est-il pas
constant que le domaine de Saulzet était la propriété principale»
de toutes celles achetées par la dame de St.-M ejide ?
/
�I
* i
(
So
)
M. Aubier se récrie aujourd'hui sur ce que le domaine de Saulzet,
fixé sur la tête d ’un de ses fils , met ses deux autres fils dans
le cas de n ’avoir point de légitime à sa m o r t, comme si la daine
de St.-Mende l’avait violenté dans cette résolution ; tandis qu’on
a v u , et par la c l e du 8 m a i , et par sa lettre à su soeur, que la
subrogation du Saulzet en faveur de son fils Jérôme, fut toujours
dans son intention , el qu’en cela même M. Aubier ne blessait point
la portion héréditaire de ses deux autres fils , sous le rapport des
dispositions du code Napoléon , qui leur servira de règle.
Pour bien ju ger
des choses , il faut se reporter au tems où
elles ont été faites, et apprécier l’esprit qui les a dictées. O r , le
domaine de C rêve-cœ u r , le grand verger , valent bien 100,000 fr. ,
et au tems de la subrogation du domaine de Saulzet
M. Aubier avait
encore plus de 80,000 fr. à espérer d’une liquidation du G o u v e r
nement. N ’y avait-il pas là de quoi assurer la légitime de ses deux
fils ? et fraudra- t-il
parce que celte liquidation est tombée en
déch éan ce, que la veuve et les enfans de Jérôme Aubier en sup
portent la perte ? non. C ’est en vain que M. Aubier colore son
attaque d ’un v if sentiment d ’intérêt pour ses deux fils , il a fait pour
le mariage de son autre fils J é r ô m e , tout ce qu’1111 père pouvait
faire , sans
que ses
autres enfans accusent
son coeur ni
sa
sagesse.
C ’est encore bien vainement qu’il veut persuader à la dame veuve
de la Monteilhe , qu’en assurant par de nouveaux actes à ses p etitesfilles la moitié du domaine du Sau lzet, il leur ferait un bien r é e l ,
et les mettrait à l’abri des attaques que pourraient un jour leur faire
les enfans de S t .- M e n d e , car elle n’a aucune inquiétude
de ce
côté-là.
Q u ’est-co que les enfans de St.-M ende pourraient demander aux
enfans de la dame de la M onleilhe ? quelles seraient leurs p r é
tentions ?
Suivant M. Aubier , les héritiers de St.-M ende pourraient récla
m e r tous les biens achetés de la nation par leur mère , sous le pré
texte que s’étant mariée d o ta lcm e n t, toutes ses acquisitions étaient
nécessairement dolalcs et inaliénables.
�( 3i )
Quand la daine veuve de la Monteilhe n ’aurait pas tous les motifs
qu’elle a de croire à la délicatesse des enfans de St.-Mende , qui se
feront toujours honneur d’imiter leurs pere et m e r e , en- v é r i t é ,
elle ne les craindrait pas.
La subrogation du domaine de Saulzet a été consentie au profit
de son mari par la dame de S t.-M e n d e , comme maîtresse de ses
biens aventifset paraphernaux ; or cette qualité lui a été reconnue
par M. Aubier dans tous les actes qu’il a passés avec elle, et par M. des
S t . M e n d e dans l’arrêté de famille du 10 prairial an y. D ’après c e la ,
comment les enfans de St.-Mende pouiraient-ils s a\isei de donner ,
iur cette qualité r e c o n n u e , même par vingt-cinq pareils et par les
jurisconsultes qui ont signé cet a c te , un démenti à leurs père et
m è r e , et aux deux familles Aubier et Cham pilour ?
L e s biens acquis par la dame de St.-Mende et ceux que l’admi
nistration départementale lui a délaissés en qualité d'héritière pour
un neuvième de son p è r e , et pour moitié de son f r è r e , et qu elle a
ensuite transmis à ce frère et à son fils Jérôme , lui étaient véri
tablement aventifs et
paraphernaux.
La
raison
en
est toute
évidente.
Dans le principe , la dame de St.-Mende avait été mariée avec une
dot fix e , moyennant laquelle elle avait renoncé à toutes successions
directes et collatérales ; mais son contrat de mariage ne porte nul
lement qu’elle se soit constituée en dot ses biens présens et à venir.
O r , comme les articles i / r et 8 du chapitre
i 4 de la Coutuir.e
d’Auvergne , à laquelle M. et Madame de St.-Mende se sont e x p r e s
sément soumis par leur contrat de mariage , répute aventifs et p ara
phernaux tout ce que la fille qui a une dot particulière peut avoir
d ’ailleurs , il est clair que les portions de successions que Madame
de St.-M ende a recueillies an delà de sa dot de 50,000 1. , s o i t comme
héritière de son père , soit comme héritière de son frère le chanoine,
lui est a ve n lif et paraphenuil ;
voyez Chabrol ,
sur l’article 8
précité. L lle a donc pu l’aliéner ensuite à son gré , sans mêm e
1 autorisation do son m a r i , parce q u ’avant le Code , cette auto
risation n était pas nécessaire.
Maintenant qu il est reconnu que la dame do St.-M ende a eu des
biens aventifs et paraphernaux , personne ne peut soutenir que
ses acquisitions soient dotales et inaliénables,
�f C ’est d ’abord une très-fausse idée que de vouloir répnier dotales
et inaliénables des acquisitions faites par une femme niariee , quand
jmême elle se serait constituée en dot ses biens pjésens et à venir.
Dans ce cas là m ê m e ,
ses
acquisitions sont réputées appartenir au
mari. L a loi Quint us M utins 5 i , //• de don. ¡nier vir. et ux. le
d é c id e , e t e l l e a été
adoptée dans
notre jurisprudence. M. C h a b ro l,
liv. 1 , p. 5 i , fait voir par des exemples que ces acquisitions entrent
dans le patrimoine du mari. A i n s i , dans cette hypothèse m ê m e ,
M. de St.-M ende ayant signé la subrogation du S a u lz e t, cette trans
mission consentie par lui-m êm e serait suffisante pour empêcher tes
enfans de la critiquer.
Dans notre hypothèse , il s’agit évidemment de biens p ara p h e rnaux transmis par la dame de S t.-M en de , qui en était dame et
jn a îtresse , comme s’exprim e l’art. 1 du chap. i 4 d e là Coutume.
Com m ent donc ses enfans pourraient - ils attaquer cette trans
mission ?
A la mort de Madame de St -Mende, ils pourraient d i r e , à la vérité,
que les subrogations faites par leur mère ne sont pas de véritables
aliénations; que celle du grand v e r g e r , à la date du 5 fructidor
an g , n ’a aucun prix , et que celle du Saulzet n ’est grevée que
d é ch a rg é s et conditions utiles à M. Aubier et à ses deux fils, et
n ’a rien produit à leur mère ; q u ’ainsi tous ces actes ne peuvent
être considérés que comme des donations
Partant de-là , ils invo
queraient l’article g i 5 du code Napoléon pour établir que leur
mère n’ayant pu donner à des étrangers que le tiers de ses b ie n s,
lesd& ux autres tiers de ce6 acquisitions leur reviennent p a r la force
de la loi.
Cette difficulté semblerait présenter des suites fâcheuses ; mais co
danger qui est dans l’ordre des possibles , a peu d ’npparence et
moins encore de réalité : d’une part , M.
épouse , fille de M. de S t.-M en d e , ont
de Chardon et son
signé l’arrêté de famille du
j o prairial ail (| ; M. de Chardon a encore signé l’acte du 8 mai, et
par un écrit particulier il a itérativement reconnu et confessé que
la dame de S t.-M e n d e , sa belle-mère , n'avait acheté de la
nation les biens de son fr è r e que p ou r les conserver aux enfans
�de ce frère , et qu'ainsi lesdits biens ne fo n t p oint p artie de la
succession de la dame de St.-M ende.
L e fils (le Madame de St.-Mende fait une pareille déclaration. Ainsi
quelle inquiétude peut-on avoir du côté des enfans de St.-M ende ?
Veut-on quelque chose de plus f o r t ? il est facile de consolider
ces déclarations , et de leur donner plus d ’authenticité. Il suffit
d’appeler en cause les enfans de S t.-M e n d e } qui les réitéreront
devant la justice.
L e jugement qui donnera acte de leurs déclarations ne sera point
susceptible d ’être attaqué par eux par voie de tierce opposition après
la m ort de la dame de St.-Mende ; car cette voie n ’est ouverte qu’à
ceux qui n ’ont pas été parties dans les jugeraens } suivant l’art. 4 y 4 du
code de procédure. Ils ne pourraient se pourvoir non plus par
requête c i v i le , n ’ayant à faire valoir aucun des m oyens indiqués
par le titre 2 du livre 4 du même Code. D ’ailleurs , le code Napoléon
ne prohibe point de pareilles déclarations. N ulle loi ne force p er
sonne à garder dans son patrimoine des biens qu’elle ne croit pas en
honneur pouvoir retenir , et qu’elle n ’a achetés que pour les conser
v e r à un autre , et avoir le plaisir de les lui transmettre. Quand
on supposerait donc qu’après un pareil ju g e m e n t , les enfans de
St.-M endë voudraient se déshonorer publiquement en attaquant
M . Aubier et les filles de Jérôme A u b ie r , ils seraient victorieuse
ment repoussés, i.° parce qu’aucune voie judiciaire ne leur serait
ouverte pour attaquer ce jugem ent ; 2.0 parce que leurs déclara
tions s’élèveraient contr’e u x , et qu’ils ne pourraient pas les faire
considérer comme de simples actes de soumission et de déférence à
la volonté de leurs père et mère ; puisque , loin qu’ils soient suspects
d ’avoir participé à aucune fra u d e , la bonne foi de leurs déclara
tions se trouvera justifiée par tous les actes qui auront servi de base
au jugement.
I) après cela , on ne voit pas com m ent jamais les enfans de
Jérôme Aubier pourraient être troublés dans la propriété de l’entier
domaine du Saulzet. Ils n ’ont donc à craindre que leur grand-pere
puisque, sous le prétexte de leur assurer irrévocablement la moitié
de ce dom ain e, il leur euléve l’autre m o itié , et rompt à l’inslant, de
5
�son autorité , les conventions matrimoniales de leurs père et mère.
C e p e n d a n t, si l’on en croyait INI. A u b ie r , ses petites filles seraient
dans un danger im m in e n t, et il y aurait une imprudence extrêm e de
la part de leur mère de ne pas préférer les avantages certains qu’i!
leu r offre aux incertitudes de l ’avenir. E h bien! ne nous contentons
pas de sonder le terrein , puisque M. Aubier prétend
ferm e
qu’il re n
un volcan capable de renverser un jo u r toute la fortune
de ses p e t ite s - f ille s ,
creusons ce te r re in , vérifions-le dans tous
les s e n s , et n ’ayons rien à nous reprocher.
Supposons l’impossible , plaçons-nous au centre du danger dont
on menace la dame veuve de la Monteilhe et ses enfans , et cal
culons si les effets du mal prévu seraient dans le cas de faire regretter
un jour des offres gracieuses qui l’auraient prévenu.
Adm ettons pour un instant qu ’à la mort de la dame de St. M en d e,
ses enfans ne soient arrêtés par aucune considération , par aucun
m oyen ni de fo r m e , ni de d r o it, qu’ils trouvent une justice capa
ble de consacrer leur in ju stice , c ’e s t-à -d ir e , de faire entrer dans
la succession de cette dame tous les biens par elle acquis de la
nation , et de décider qu’elle n ’a pu en sortir que le tiers par voie
de donation.
Dans ce cas , on trouverait que sa succession serait forte de
216,000 fr., savoir, sa dot de 5 o,ooo fr , le Saulzet valant i 5 o,ooo f r . ,
le grand verger 5 o,ooo fr. , et les héritages vendus à Malintra ou
ailleurs par M. A u b i e r , 6,000 f r . , le tiers serait donc de 72,000 f r . ,
irrévocablement acquis aux enfans de Jérôme Aubier. Joignons-y le
tiers du domaine de C r ê v e - c œ u r , qui appartient aux enfans (le
M. A u bier , et qui vaut au moins 54 ,000 fr. , il est clair que ses
petites filles auraient toujours 90,000 fr. Si les acquisitions deMadaino
de St.-M ende pouvaient être réputées appartenir au mari , le tiers des
biens de celui-ci formerait plus de i5 o ,o o o fr.
L orsqu e M. Aubier prétend que ces donations n ’en ont pas la
forme , il ignore donc quo , par plusieurs a r rê ts , la Cour de cassation
a jugé que les ventes simulées sont reputees donations valables pour
Ja portion disponible, quoique non revetues des formes des donations.
M aintenant, qu’auraient-elles d’assuré, si la dame veuve de la
�( 55 )
$ "£ > I
Monteilhe , leur mère , préférait les avantages qne leur offre leür
g ran d-père? elles auraient la moitié de sa succession , savoir , le
quart en préciput , et un autre quart pour leur portion héréditaire
dans les trois quarts. Si la fortune de M. Aubier se co m p osa it, à
sa m o r t , du Saulzet et du grand v e r g e r , on trouverait 180,000 fr.
an prix que nous avons porté ces mêmes biens ; m a is , comme
il prétend avoir 20,000 fr. de dettes , il ne resterait que 160,000 f r . ,
en sorte que les demoiselles la Monteilhe auraient 80,000 fr. p ou r
leur m o itié , plus 18,000 fr. dans le domaine de C r e v e * c œ u r , en
tout 98,000 fr. , ce qui présente une différence de 8,000 fr. de
bénéfice sur ce qu ’elles auraient, au cas où les enfans de St.-M ende
parviendraient à les spolier tout à leur aise.
Mais qui p eu t, répondre que M. Aubier laissera dans sa suc
cession 160,000 fr. ? S ’il était reconnu qu’il a racheté de la nation
ses propres biens par la voie d’un prête-nom ou d ’ un mandataire ,
il serait le maître de réduire sa succession bien plus bas ; c a r , quand
il ferait donation de la moitié du S a u lz e t, et mêm e du grand verger
à ses petites-filles , elles ne seraient pas pour cela sûres de la garder.
M. A u bier pourrait vendre l’autre moitié du Saulzet pour payer les
dettes qu’il prétend a vo ir, ou qu’il contracterait jusqu’à sa mort.
Alors resteraient le grand verger , et la moitié donnée du S au lzet,
qui feraient n 5 ,ooo f r . , dont ses petites-filles auraient la moitié
de .67,500 f r . , qui , réunis aux 18,000 fr. de Créve-coeur , feraient
75,5oo fr. , somme inférieure de i 4 , 5 oo fr.
à celle qui ne p e u t
jamais leur échapper , malgré les entreprises et les succès supposés
des enfans de St.-Mende.
Mais s’ il était vrai encore que l’épouse de M . Au bier eût des
créances considérables à exercer sur les biens de son m a r i , com m e
elle s’en vante p ubliquem ent, il serait possible qu ’elle s’em parât
du grand verger , et il 11e resterait à partager que la moitié du
S au lzet, c ’est-à-dire que la portion des demoiselles la Monteilhe
serait reduite à û2,5oo francs q u i , joints
aux
18,000 francs de
C r e v e - c œ u r , feraient 5 o, 5 oo francs. Ces calculs nous font voir que
la dame veuve de la Monteilhe ne p eu t, ni pour son intérêt, à
cause de sou usufruit et de sa portion dans la succession de sou
'
�( 36 )
y a
fils , décédé après son père Jérôme , ni pour l’intérêt de ses enfans ,
accepter les offres de M. A u b ier , puisqu’il est évident que , dans la
position la plus fâcheuse , les demoiselles la Monteilhe auraient presqu ’autant que si la succession de leur g ran d-pèie devait compii-mlre
tous les biens achetés de la nation par la dame de St.-Mende , et
q u ’en acceptant ses offres, elles courraient des dangers beaucoup
plus grands que celui dont on leur fait peur. Com m e le danger
re la tif aux enfans de St.-Mende n ’est qu’une chimère , M. Aubier
trouvera bon qu’elles préfèrent une fortune de i 5 o,ooo francs à une
nouvelle donation qui commencerait par leur en enlever la m oitié,
sans même pouvoir leur garantir l ’autre moitié.
D ’après c e la , M. Aubier peu t-il tant s’étonner que sa belle-fille
soit intervenue dans une contestation qui l’intéresse si é m in em m en t,
ainsi que ses enfans ? Devait-elle suivre le conseil qu’il lui donnait
d attendre les évènemens , sous le prétexte que la voie d e là tierceopposition lui serait toujours ouverte ?
Si M. A u b ie r eût réussi à faire déclarer sa sœur son prête-nom
ou sa m a n dataire, et que la dame veuve de la Monteilhe ou ses
enfans eussent attendu la mort de M . Au bier ou de Madame de St.M ende p our s’en plaindre , elles auraient vu alors si leur tie rce opposition aurait fait fortune , ou plutôt elles ne seraient pas arri
vées à cette é p o q u e , sans ressentir tous les fâ ilieu x effets de leur
silence.
Si la dame veuve de la Monteilhe ne fût point in terv en u e, elle
aurait manqué de prévoyance , elle aurait fait une faute impardon
nable , surtout pour une mère tutrice. L a dame de St.-M ende seule
n ’avait qu’à succomber , faute du développement de
tous ses
m o y e n s , il serait arrivé que M . A u b ie r aurait fait tout ce qu’il
aurait voulu.
Supposons qu’il n ’eût rien vend» , ses petites-filles n’en auraient
pas moins passé dans te public pour ruinées de la moitié de leur
f o r t u n e , et par conséquent auraient été très-embarrassées lors de
leur établissement.
Supposons que leur grand-père eût vendu une partie du do
maine de Saulzet pour payer les 20,000 fr. qu’il prétend devoir ,
�c 57
)
aussitôt sa "belle-fîlle était obligée de former tierce opposition au
jugement qu’il aurait obtenu contre sa soeur.
Is'e valait-il pas m ieux intervenir de s u i t e , profiter des p iè c e s ,
des documens et des moyens de Madame de St.-Mende , et par
un concert de justice et de raison , arrêter le mal dans sa source ?
Si M. A u bier ne veut pas convenir de cette v é r ité , tout le monde en
conviendra pour lui. L a dame veuve de la Monleilhe arrelerail~la
sa d éfen se, si M. son beau-père ne l’avait forcée d ’y ajouter quelque
chose.
E lle lui demandera d’abord à quelle fin il a p lacé, dans la page 5 i
de son m ém oire, une note tendante à faire croire qu’elle est plus
que ruinée , puisqu’il lui attribue seulement 4 ,000 fr. de revenus ,
chargés d'un paiement annuel de 6 , 5 oo fr. Cette note n'était d’aucuue
utilité pour la cause de M. A u b ie r ; c a r , la fortune plus ou moins
grande de la dame la Monteilhe ne peut influer sur la question de
s a v o ir , si la dame de St.-M ende a été son prête-nom ou sa manda
taire. Il y a plus , cette note tournerait dans la cause au profit de la
dame la Monteilhe ; car moins elle aurait de fortune , plus la justice
devrait se refuser à lui en ôter. E n ajoutant cette note dans son m é
m o ire , M. Aubier aurait dû sentir q u ’elle était pernicieuse pour
la tille aînée de Madame la M o n te ilh e , arrivée dans l ’âge d ’un
établissement ; que c’était faire un mal gratuit à la m ère et aux
enfans qui ne le méritaient certainement pas.
L a dame
veuve
de la Monteilhe
défend
ses droits
et ceux
de ses e nfans, contre les prétentions de M. A u b i e r , parce qu’elle en
a senti toutes les conséquences. E lle n ’emploie que des moyens
justes et honnêtes. Pourquoi M. Aubier e st-il sorti de son sujet pour
composer une note aussi déplacée ? puisqu’il reconnaît dans son m é
moire , et même vante les bonnes qualités et la douceur de sa
b e lle - f ille , il semble qu’il aurait dû user de ménagemens envers
elle. H eureusement que M. A u b ie r convient que les soeurs de la
dame la Monteilhe ont eu chacune 25 o,ooo fr. dans le partage
anticipé des biens que leur ont cédés leurs père et mère , et que
dès-lors on no peut douter qu’elle en
a eu
autant quo scs soeurs f
non compris ce qu’elles auront par la suite dans les biens reserves»
par M. et Madame de Champilour.
�C elte n o t e , au su rp lu s, l’a bien moins fatiguée que tout ce que
M. A ub ier s’esl permis de dire touchant M. de C h am pflo ur,
père.
Mais
qu’a
donc fait
M. Cham pflour
pour
sou
exciter le
courroux de M. Aubier ? « Il a été placé en Lête de la liste des parena
)> composant
le conseil de famille qui a autorisé la dame de la
)) Monteilhe à
former
son
intervention
» ( page 5 g
de son
m ém oire ).
Oui , sans dnule, M. Champflour a eu la place qu’il devait te n ir ,
suivant l ’article 4 oy du code Napoléon. E st-cç qu’ un père ne doit
pas élre le premier appelé pour autoriser sa fille ? Est-ce qu’ un
grand-père ne doit pas tenir le prem ier rang dans une assemblée
de parens convoqués pour l’intérêt de ses petites-filles ? C e n ’est
pas lui pour cela qui p ré s id e , mais bien M. le juge de p a i x , suivant
l ’article 4 16 du code. Com m ent M. Aubier peut-il donc se répan
dre en sarcasmes
en épigrammes , en reproches virulens" contre
un père qui 11’a fait que ce que la loi l’obligeait de faire ?
M. Aubier ( page 18 de son mémoire ) dit que M. Coste , homme
tV a ffa ires , et guidé p a r M . Champflour , a rédigé la subrogation
du 8 fructidor an 9 ; qu’ on lui a offert une contre-lettre également
rédigée par M. Coste , guidé p ar 31 . Cham pflour , portant que cette
subrogation n ’était qu’ une simple ratification de l ’acte de famille.Plus
h a u t , à la page 1 7 , M. A u bier avait dit qu’à la suite de quelques
conférences avec M. P a g ê s , avocat de M . Cham pflour , il avait
rédigé l’acte de famille du 10 prairial an 9.
N e croirait-on pas , d’après ces expressions , que M. Champflour
a ‘ tout m e n é , tout conduit pour les intérêts de la dame la M on
teilhe , sa fille ; que M. Coste aurait fait les actes sous sa diclée ,
et comme subordonné à ses vo lo n tés; qu ’e n f in ,
M. I’agès lui—
mêm e 11’aurait manifesté dans les conférences que
des pensées
utiles à M. Champflour ? et n’en conclurait-on pas que M. A u bier
a été circonvenu de toutes parts ?
Cependant il suffit de lire sa lettre à sa sœ ur , ci-devant trans
c r i t e , pour y trouver la justification de M. Champflour. On y lit
ces propres mois : P a gès et Boirot trouvaient qu'en se consti
tuant lu i même seulement scs biens présens et à v en ir , ccux-ci
�( 3 f) )
¿laieut suffisamment établis p a r l ’ acte de fa m ille . L a M ontheille
insiste pour se constituer Saulzet , cepsndant Cham pflour ne f a i t
aucune difficulté.
On y a déjà vu que M. Aubier a rédigé tous les actes,et notamment
l ’arrêté de fam ille, auquel les jurisconsultes ont donné leur a p p ro
bation , au point de
n’en pas retrancher une virgule 5 que
M.
C cste a reçu des reproches assez amers de ce q u 'il fa isa it des
objections-, qu’enfin M. Pages avait rédigé le contrat de mariage de
son fils J é r ô m e , de manière que M. Aubier avait seulem ent ajouté
Varticle page 4 .
Puisque M. Cham pflour ne faisait aucune difficulté , il est évident
qu’il s’en est rapporté à M. Aubier.
Pourquoi donc attaquer une personne qui n ’est pas dans la cause,
et ne peut dès-lors se défendre par lui-même ?
Pourquoi l’aflecter par des imputations injustes?
Quiconque connaît M.
A u b ie r et M. Cham pflour } conviendra
que le p rem ier devait avoir de l ’avantage sur le second , car un
ancien magistrat très-éclairé ne peut se laisser surprendre.
E n o u t r e , à quoi servent les d ia trib e s, surtout entre p arens?
L e s gens de bien les m ép risent, et le public s’en amuse. Ce n ’est
point ainsi que l’on conserve l’honneur des familles et la considéra
tion , qui est un bien précieux , très-difficile à obtenir et très-facile à
perdre.
Vainem ent voudrait-on diminuer dans le cœ ur de la Dame de
la M o n t e i lh e , la force des sentimens qu’elle a p our M. son père ,
elle dira hautement qu’aucun père n’a plus fait pour ses enfans
que M. de Champflour ; il s ’est élevé au-dessus des préjugés et
de l’hab itude, pour ne suivre que l ’équité naturelle dans la distri
bution de ses biens entre tous ses enfans ; et Madame de Champflour
en a agi de même ; l ’égalité de tendresse envers eux a amené l'ego Hlé
tte fortune. M. et Madame de Cham pflour se sont dépouïllés&euxmemes avant le t e m s , pour investir leurs trois filles des sept hui
tièmes de leurs propriétés. Ces exem ples 11e sont pas communs
mais ils n en sont que plus dignes d ’éloges. Ainsi l ’amour filial
devant etre en
rapport avec l ’amour paternel , la dame de la
Monteilhe se sentira toujours blessée quand on blessera M, son
père.
�( 40 )
A quoi bon peuvent encore servir ces déclamations de M. Aubier
qui terminent son mémoire ? et surtout cette p h rase ( page 3 9 ):
V o u s avez des appuis , mais nous avons un préfet ju ste 3 et
le tribunal où l'affaire va être ju g ée l'est aussi. Q ui est-ce qui
doute de la justice de M. le préfet., et de celle du tribunal ? Estce donc à M. et Madame d e S t.-M en d e et à Madame de la M o n teiLhe à redouter la justice des autorités et des organes de la lo i?
Si quelque partie de la cause pouvait se flatter d ’avoir des appuis ,
ce serait bien plutôt M. Aubier. Il est partout , il anime tous
les cercles , il compte de nombreux amis dans toutes les conditions
de la société. C ’est l'effet naturel de son m é r i t e , et de l’amabilité
de son caractère. Chacun de ses parens ne peut que l ’en féliciter.
Mais quels appuis peuvent avoir une veuve et deux orp h e lin es,
telles que la dame veuve d e la Monteilhe et ses deux petites-filles,
sinon ceux qui aiment la justice et désirent sa gloire ?
M . Champfl our , leur père et g ran d -p ère, n ’ignore pas que dans
]a prospérité on a beaucoup d 'a m is , mais qu’il en est tout autre
m ent dans l’adversité. Enfin , M. et Madame d e S t.-M e n d e , relégués
dans une maison de campagne is o lé e , loin des vanités du m o n d e ,
ne
cherchent d ’autres appuis que dans le témoignage de leur
co nscience, d’autre bonheur que celui de leur famille , et se reposant
tranquillement dans le sein de la ju s t i c e , ils ne croyent pas qu’on
puisse avoir jamais besoin de la solliciter.
Signé FABRE-DE-St.-MENDE , AUBIER
femme
DE St.-MENDE , DE CHAMPFLOUR, veuve AUBIERLA-MONTEILHE.
M. P1COT-LACOMBE, procureur-impérial .
M.c C. L. ROUSSEAU , ancien avocat.
M.e TRÉBUCHET, avoué.
A
CLERMONT-FERRAND,
Chez J. VEYSSET , Imprimeur-Librair e r u e d e l a T reille.
1 8 1 1.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier, Marie-Françoise. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Picot-Lacombe
Rousseau
Trébuchet
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Marie-Françoise Aubier, épouse de M. Benoît Fabre de Saint-Mende, autorisée par justice, et pour ledit sieur de Saint-Mende, propriétaires, habitant à Saint-Mende, commune de Saint-Yvoine, défendeurs ; et encore pour dame Marie-Claudine de Champflour, veuve de M. Jérôme-Emmanuel Aubier-la-Monteilhe, tant en son nom qu'en qualité de tutrice de leurs deux enfans mineurs, aussi propriétaire, demeurant à Clermont-Ferrand, intervenante et défenderesse ; contre M. Emmanuel Aubier-la-Monteilhe, ancien magistrat, demeurant en la même ville, demandeur.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2123
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Malintrat (64204)
Saulzet (domaine de)
Crève-Cœur (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
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996920ea8d637f6a28c2d007588feb19
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Text
^~r^ )CCoi -tCco
/
l-tC e-
EXPOSÉ
Faits de la Cause pendante au Tribunal
de prem ière instance, entre E m m a n u e l
A U B IE R -L A M O N T E IL H E p ère, et M. D E
S T M AN D E et M a r i e A U B IER , son épouse,
Des
S œ u r d ’EMMANUEL,
U n e cruelle fatalité convertit en procès ce qui eut dû cimenter
l ’union dans ma famille.
On sait quel zèle ma sœur a montré pour moi dans les temps
d ’anarchie , où la difficulté des circonstances ajoutoit à son mérite;
on se rappelle que le jour où elle soumissionna m es b ien s, un
administrateur lui ayant d e m a n d é si c 'étoit pour m o i, elle répondit
hautement: Q u i p o u r r o it e n d o u te r !
L ’Empire a terrassé l’anarchie; cependant la transmission de
mes biens est arrêtée, parce que de mauvais conseils ont conduit
petit à petit ma sœur et mon beau-frère à contester sur tout.,
même sur ma qualité d'héritier de mon père et de mon f rère.
Je les ai long-temps suppliés de nommer eux-mêmes un média
teur ; je me réjouis quand ma sœur choisit un magistrat de la
première cour de l’Empire, aussi respecté à cause de sa profonde
érudition qu'à cause de ses belles qualités morales.
L e 25 juillet dernier, j’ai signé dans son cabinet, à P a ris ,
les deux doubles de la transaction qu’il avoit rédigée, après véri
fication des fails et des actes entre lui et un magistrat d’ Issoire ,
conseil de ma sœur. Ce médiateur la lui a envoyée ( 1).
Quelque mauvais conseil a prévalu ; il a décidé ma sœur et
(1 ) V o y e z à la fin la c o p ie d e c e tt e p iè c e , a in s i q u e la c o p ie d u p r o je t p r é c é
d e m m e n t p ro p o s é p a r M d e
S t. M an d e.
yvus ci
a
tx—f'a jv& x à- f* rtsotCitJ ■
�>.
( o
'
son mari à vouloir qu’il y ait plaidoirie, publicité de débats,
jugement solennel.
C e qui nous divise a deux principes très-différens, à traiter
séparément; i°. ma qualité d’héritier de mon père; 20. le rachat
de mrs biens, fait pour mon compte, par ma sœur, munie de
mes pouvoirs.
Cet exposé contient les faits les plus nécessaires à leur déci
sion ; les mesures dont on me menace me font hâter l’impres
sion , et me feront dire plus que je ne voulois; il aura du moins
l’ utilité de prouver que les divisions de ma famille doivent être
attribuées à des conseillers perfides, auteurs des ridicules versions
qui ont été répandues.
Ier
O
bjet
.
»
— Suis-je héritier de mon père?
Par mon contrat de mariage, en date du 4 décembre 1768,
mon père m ’a institué son seul et unique héritier.
En vertu du- pouvoir à lui donné par ma mère, il m ’a aussi
nommé seul héritier de celle-ci; dont la dot avoit été fondue
dans les biens de mon père.
Il s’en est réservé la jouissance , et sur le tout, 40,000 liv. pour
en former les légitimes de mon frère et de ma sœur.
Par le contrat de mariage de ma sœur, de 1777, elle a renoncé
à toute succession directe et collatérale , moyennant 3 o,ooo liv . ,
tant pour bien paternel que pour bien maternel.
L ors de sa’ signature mon frère réclama ; les 10,000 liv. qui
restoient lui paroissoirnt insuffisantes pour sa légitime; il annonça
qu’à la mort de mon père il en demanderoit le complément par
réduction de la dot de ma sœur.
.
Je mis fin à cette querelle en m ’engageant sur le champ à
garantir personnellement à ma sœur l’intégrité de sa d o t , à mon
frère l’intégrité de sa légitime, et à payer de plus les legs rémunératoires que mon pore voudroit faire; il voulut que l’acte reçu
B aptiste, notaire, limitât cette faculté à 3 ,000 liv.
IVlon père est mort en réclusion le a 5 brumaire an 3, sans avoir
usé de cette faculté.
�( 3 )
J’étois absent; j’avois été obligé de fu i r , par deux mandats
d ’arrêt décernés contre moi par le comité révolutionnaire de Paris,
les i i et 20 août 1792 , et par les poursuites du tribunal révo
lutionnaire créé par le décret du 19 août (1).
A la mort de mon père, il étoit redù à mon beau-frère 12,000
liv. pour reste de la dot de ma sœur.
L eur contrat de mariage ne réservoit'à ma sœur aucun para
phernal , aucune action extra-dotale ; ainsi elle devoit etre en tout
subordonnée à la volonté de son mari.
Gelui-ci n’hésita pas à déclarer, dès l’instant de la mort de mon
père, qu'il s’en tenoit à la constitution dotale; qu’ il y auroit des
millions à gagner, qu’il ne voudroit pas profiter de mon malheur.
Ses opinions politiques et religieuses lui firent ajouter, qu’il
aimeroit mieux perdre les 12,000 liv. à lui dues , que de traiter
avec les agens de la révolution, même pour conserver mes biens,
gages de sa créance ; mais qu’il laissoit à ma sœur la liberté de
fa ire , pour mon compte , les opérations qu’elle jugeroit utiles pour
me sauver mes biens, à condition, i° . q u 'il se ro it d is p e n sé de signer
aucune autorisation de sa fem m e, 20. de faire aucunes avances,
3*. qu’il seroit payé en numéraire des 12,000 liv. à lui redues.
L ’autorisation du mari eût été absolument nécessaire, si ma
sœur eût voulu agir , soumissionner pour son propre compte ,
puisque son contrat de mariage ne lui permettoit point d'extradotal; elle n'avoit pas besoin d’être autorisée par son mari pour
être mon homme d'affaires, mon prête-nom,, comme elle l’a si
souvent d it, écrit. L article iqqo du Code Napoléon a confirmé
ce principe. C e n ’est pas ici que je dois rendre compte de ses
opérations; il suffit de savoir que M . de St. Mande a reçu
e
r
f les 12J000
fr. de ma part, qu’ils lui ont été remis pour mon compte par
ma sœ ur, des deniers à moi appartenans, provenant du rachat
( 1 ) Pour^ punir de mort ceux qu’on ajipcloit alors les com plices <le I.oms X V I ,
pour les finis du r 0 août. MCs coaccusi-s L a p o n e , Iiaclmiami et outres oflicicrs des
gardes-suisscs du r o i, ont ¿ t <5 par lui cn vojc's aussitôt à l’t c h a f^ d .
A 2
�(4)
et revente de mes biens , dont il sera ci-après parlé, et q u ’elle m ’a
porté ces 13,000 liv. en dépense dans le compte qu'elle m’a rendu.
L e dernier payement a été fait en octobre itfoa: ma grande
confiance dans M. de St. Mande,- l’économie des droits, fit différer
d’en prendre quittance notariée ; nous nous bornâmes à en mettre
mention à la fin du double d ’une reconnoissance portant l ’arrêté,
de compte ci-dessu3, demeuré dans les mains de M . de St. Mande.
A la même époque, je donnai connoissanceà Mad. de St. Mande,
de mon amnistie; de l’arrêté me réintégrant dans l ’exercice de mes
droits jusques-là s u s p e n d u s , de mon admission à la qualité d ’héri
tier bénéficiaire dé mon père, par ordonnance du tribunal de pre
mière instance, du 20 vendémiaire an 11.
En i 8 o 5 , quelqu’un ayant cKt à mon beau-frère qu’il pourroit
être recherché en rapport de ce qu’il avoit reçu , il désira un
nouvel acte de garantie de ma part; je le lui envoyai de Berlin ;
il l’a déposé chez M . Clément, notaire h Issoire.
En 1809, j ’ai eu besoin d’avoir quittance notariée; je l’ai
demandée. La première réponse de M . de St. Mande approuvoit la rédaction que je lui avois proposée: peu de jours après,
il m ’envoya un projet totalement écrit de sa main, tout différent;
on m 'y avoit ôté la qualité d’héritier de mon père. On y avoit
inséré cette clause : Emmanuel A u bier contracte l'obligation de
ne rien répéter contre la dame sa sœ ur, pour cause de la ges
tion et administration qu'elle a fa ite pour l u i , n i a u t r e m e n t .
C ’ctoit m’ôter tout'ce que j’avois au monde; car tout étoit dans
les mains de ma sœ u r, ou sur sa tête.
Convaincu .que mon beau-frère n ’avoit point celte intention ,
je lui écrivis qu'il avoit été sans le 'vouloir l'instrument de quel
qu'un qui avoit voulu nous brouiller ; que sûrement ni lui ni
ma sœur n’avoient voulu me dépouiller de ce que ma sœur s’étoit
engagée de me transmettre ; que pour lui prouver ma grande
envie de lui pla ire, je transcrivois littéralement son projet,
quoique la rédaction en fût vicieuse sous tous les rapports,
mais que l ’intérêt de mes énfans, de même que le mien me forçait
%
�( 5)
4
3
d’y ajouter la réserve de ce qu'un acte du 8 mai 1801 me
promettoit.
Je ignai l’acte, jele lui envoyai de Paris, daté du......avril 1810.
Par lettre du 9 avril 1810; mon beau-frère refusa la réserve et me
renvoya l’acte. Peut-être n’a-t-il pas lu ma lettre : on lui a dicté
la réponse.
Sur de nouvelles représentations de ma p a rt, il me dit de
prendre les voies judiciaires.
C ’est alors et à ce sujet que j’ai appris qu'on lui avoit persuadé
qu’e/z conscience il ne pouvoit pas me reconnoître pour héritierde mon p è r e , parce que peut-être mon absence, lors de la mort
de mon pèrç, m ’avoit fait perdre mes droits irrévocablement.
vLes mots en conscience avoient été employés pour interdire
toute réflexion à mon vertueux beau-frère, et l’entraîner à me
forcer à prendre les voies judiciaires comme nécessaires à la dé
charge de ¿a conscience.
Les confiscations révolutionnaires ont réduit la succession béné
ficiaire de mon père à environ 100 liv. de renie dont il reste 80 liv.
chargées de beaucoup de dettes : je l’ai acceptée pour éviter qu’elle
fût déclarée vacante, et un curateur qui auroit occasionné des frais
énormes. Je ne la défends donc point par cupidité ; mais c’est
précisément parce qu’on n’élève de doute sur mes droits que pour
perpétuer le désordre, que je dois les établir, les défendre.
Eh puis , quel père pourroil souffrir qu’un caprice le raye de
$a famille, et menace son existence civile au nom d ’une sœur
q\ù avoit demandé et reçu de ce frère des pouvoirs illimités
pour défendre scs droits, comme on le verra bientôt; elle n ’en
disconvient pas.
J’ai dit que j’avois ote institué seul héritier par mon père; la
question de savoir si h sa mort j’avois conservé mes droits civils,
se résout par les faits et leur date.
O u i , j’étois absentquand mon père est mort; mais je n ’étois ins
crit sur aucune liste d ’émigrés ) je n ’avois point été déclaré en pré.
venlion d'émigration, ce qui tîroitbicn moins à conséquence pour les
droits civils qued'étre inscrit ; enfin je n’étois pas dans le cas de l’èlre.
�*» ■
( 6)
En effet, les perquisitions de ma personne, l’apposition des
scellés chez moi comme fugitif des mandais d ’a rrêt, faites à mon
domicile à Paris, ( domicile de droit par ma charge, domicile de
fait par ma résidence continue depuis quelques années dans la
maison dont le roi m ’avoit donné la jouissance, ) me classoient,
par actes émanés des autorités administratives et judiciaires, parmi
ceux qu’elles avoient obligé de f u i r , malgré leur volonté de
demeurer.
Une condamnation par contumace auroit pu me priver de mes
droits civils; il s’en seroit suivi une confiscation au profit de la
république, comme si j'avois été guillotiné ; mais cette contumace
n ’a jamais été prononcée.
11 y a m ie u x : le courroux qu’avoit excité contre moi ma con
duite près de Louis X V I , avoit été détourné par la réquisition
que j'avois faite à Dumourier à Liège, et à M . Dubois*-Thainville,
chargé des (i) affaires de France à la H a y e , de me recevoir pri
sonnier et de me faire transférer à la b a r r e , pour y défendre
Louis X V I ,
et y répondre aux faits qui m ’étoient imputés;
tous ceux qui avoient un rôle parmi les autorités ne partageoient
pas le délire ; quelques - uns d'accord avec le vénérable M . de
Malsherbes (3) m ’avoient su gré de ma démarche.
C ’est à leurs bons offices que j ’ai dû de n’avoir jamais été ins
crit ni sur la liste de la municipalité de Paris, mon domicile, ni
sur celle du département de la Seine, ni sur la liste générale
arrêtée par les ministres le 29 brumaire an 2..
Notez que celle-ci a été faite par recensement de toutes les listes
particulières de tous les départemens, de toutes les dénonciations
des divers comités des recherches, dont l'un , celui de Paris, pro
vocateur des poursuites faites contre moi.
( 1 ) J'ai leu r réponse en date des 14 décem bre 179a et 7 janvier 1 7 9 3 , annon
çant riífiírj aux m inistres.
( a ) J ’ai u n e ré p o n se d e M a lsh e rb e s en «late d u î a ja n v ie r 1 7 9 3 , <?crite d u T e m p lo
sou* la d ic té e d e L o u is
p lu s ailUL*.
XVI,
q u i d a ig n o it m e .q u alifier l'h om m e d o n t il c’toit le
�( 7 )
Mon père et ma sœur avoient fait valoir d'autres moyens à la
municipalité de Clermont et au département du Puy-de-Dôm e:
inutile de rechercher pourquoi on ne m ’y a voit pas inscrit, il
suffit du fa it que je ne l’étois pas. L ’inscription est un fa it qui
se constate par des registres et listes authentiques ; par conséquent
il ne peut jamais être incertain: o r, il est prouvé par les listes,
par attestât de M . le préfet, par un autre de M . le maire de Cler
m o n t, que je n ’étois inscrit sur aucune liste générale, ni parti
culière, ni supplémentaire, avant le 18 germinal an 2, date de
mon inscription à la municipalité de Clermont.
Je n’ai été inscrit sur la liste départementale que le 7 floréal
suivant.
L ’une et l’autre inscription ont été provoquées par l’espèce de
dénonciation publique, résultante de ce queMad. Aubier a demandé
son divorce comme abandonnée pour cause d’émigration (1).
( 1 ) Madame A ubier a toujours mis tant de franchise dans scs caprices à mon
égard , que je ne peux, pas la soupçonner d ’avoir co n çu , dirigé ce qui s’est pratique
pour Son divorce.
Il étoit si aisé de divorcer le 6 frim aire an a , qu’il devoit lui suffire de m otiver
sa p étitio n , sur l'incom patibilité d’humeur déjh prouvée p a r la séparation depuis
a o ans , et la transaction sur p ro cè s, de 1 7 7 9 , qui régloit tout.
E lle donna sa confiance à quelqu’un qui voulut en faire une occasion de forcer
la m unicipalité de C lerm on t, où se portoit la p étitio n , à m’inscrire sur la liste des
émigrés où je n ’étois pas : à cet e ffe t, sans p arler de l ’incom patibilité , il fonda la
dem ande en divorce , sur la supposition que p a v o is abandonné ma fem m e pour
¿m igrer : il fortifia cette dénonciation par un prétendu acte de n o to rié té , disant
que j’ avois abandonné ma fem m e pour é m ig r e r, quoiqu’il fût notoire à Clennont
que nous étions séparés depuis ao a n s , et que les poursuites du tribunal révo
lutionnaire m’avoient em pêché de revenir a Clerm ont : il y joignit un prétendu
certificat d’adinihistrateur du d ép a rtem en t, disant que j ’étois déjà iu s c r it , quoi
que les listes et registres fissent foi du contraire.
Je suis fondé à d it s que cette pièce est fa u sse , parce qu’aucun des administra
teurs n’a été capable
de certifier un fait dém enti par les actes
authentiques
dont il est dépositaire.
C est cependant sur cela que le divorce f u t prononcé pour f a i t d ém igration e t
d 'in scr ip tio n , le C frim aire au 3 , par É sop e
T ru ch o n ,
ci-devant François*
�Mon père cloit mort le a/j brumaire an 2; par conséquent mes
droits civils et successifs n’avoient alors reçu aucune atteinte; par
conséquent j’ai été saisi dès l’instant même de sa rnort de tout ce
qu'il laissoit.
Supposons que j’en eusse été exclu; j’ai dans mes mains un
testament de mon père, par lequel, en profitant de la faculté
qu’il s’cn étoit réservé par mon contrat de mariage, il a nommé
mon fils aîné son seul et unique héritier, dans le cas où je ne
pourrois pas profiter de son institution en ma faveur.
E tienne , ce sont les term es de Pacte fait en séance publique de la m unicipalité ;
ce qui mit. la m unicipalité dans la nécessité de m’inscrire le 18 germ inal suivant.
Si Mad. A u b ier eût été capable de p areille dénonciation, elle en eût été détournée
par intérêt pour ses enfans et pour elle-m êm e ; car il étoit bien évident que cette
dém arche amenoit mon inscription et la confiscation des biens de mon père , sur les
quels elle avoit 41,000 1. provenant de la vente d’une m aison, rue de la T r e ille , et d’un
bien à Romagnat e tc ., dont le p rix avoit été p lacé par son père chez le m ien, et que cette
dénonciation’ l’exposoit à tous les genres de responsabilité envers moi. A ussi a-t-elle
eu ensuite la sagesse de ne faire aucune poursuite contre moi p ersonnellem ent; elle
s’est fait liquider contre la république par arrêté du d é p a rte m en t, du i 3 fructidor
an 8 ,
pour les 4>>°o° liv .
ci-d e s su s , à quoi se m ontaient toutes scs reprises
quelconques ; elle s’en est p ayée aussitôt par sa mise en possession de C rèvec œ u r , domaine acheté pour ses enfans , sur lequel la transaction de 1779 asseyoit
tout ce qu’elle pourroit jam ais prétendre , m êm e si son divorce étoit ré g u lie r:
cette transaction fut rédigée alors p ar M. Redon son a v o c a t , de l’avis de toute la
fam ille de M ad. A u b ie r , alors m ajeure , qui la sig n a , autorisée par son p ère et par
ju s tic e , et assistée de M. G ro s , représentant sa fam ille.
Par respect pour les principes , et pour que mes enfans ne pussent pas me repro
ch er d’avoir négligé les précautions de sûreté pour la conservation de propriétés
dotales qui lui sont échues depuis son divorce , jo lui ai fait notifier par deux
notaires m* protestation m otivée.
A u re s te , Ici actes sur lesquels M ad. A u b ier s’ est fait liq u id e r, p rouven t que
personnellem ent jo n’ai jamais reçu un sou de sa d o t , ni été mis en possession d ’un
seul héritage.
C ’est dans les mains de Mad. A u b ier qu’est dem euré le, porte-feuille de «on
p è r e , formant toute sa fo rtu n e , lors de sa m o r t, eu mon a b se n ce , parce qu ’il
avoit tout v e n d u , même la succession de scs sœurs
et son m obilier par antici
pation : cela est p rouvé p ar acte public.
D ’autres nctes constatent que depuis 1773 , c est Mad. A ubier qui a t o u c h é tout
revenu , que je suis seul dem eure chargé des trois enfans.
Ainsi
�( 9 )
.
O r , non seulement mon fils aine n ’a jamais ¿té inscrit, mais
même, par décret spécial du 5 germinal an 12 , il a été conservé dans
ses droits. Ce testament réduit ses frères à la légitime de droit.
D ’après ce testament, ce ne seroit ni ma sœur, ni les mineures
Lam onteilhe, ni mon fils de Rioux, qui pourroient profiter de mon
exclusion , si elle pouvoit avoir lie u , ce seroit mon fils aîné.
Je me plais à remarquer que ce testament m ’a été remis par ma
sœur; alors elle n ’écoutoit pas les conseils qui la dirigent en ce
moment.
Si M . et Mad. de St. Mande vouloient me contester la qualité
d ’héritier bénéficiaire de mon p è re , ils devoient prendre qualité
d ’héritier pur et simple; c'est ce dont ils n ’ont pas voulu courir
les risques.
J’étois et je suis le plus ancien créancier de mon père pour des
sommes considérables.
II a laissé entre les mains de mon be au -frè re un long mémoire
écrit et signé de sa main, où il se reconnoit mon débiteur de 80,200!.
C e mémoire 11e peut pas être s u s p e c t , puisque mon père y déclare
l ’avoir fait, parce qu’on lui avoit dit que je voulois révoquer mes
précédentes garanties, et que dans cette crainte il vouloit réunir
tout ce qu’il croyoit pouvoir faire réduire mes droits , accroître
ceux de mon frè re , et dispenser ma sœur de se servir de mon acte
de garantie.
A in si c’est pour donner des ridicules à M ad. A u b ie r , qu’on lui prête d ’avoir dit
que j’ai eu 200,000 liv . d’elle : il est vrai q u e , lors de son m ariage, son père annonçoit que j ’aurois de lu ia o o ,o o o liv . et le double de Mad. de C h azerat; mais, outre
qu il y avoit en cela mémo de 1 exagération , je n en ai jam ais rien reçu que l’hon
n e u r ’de p ayer des dettes , et le plaisir .de lui être utile dans le procès Chazerat.
A u r e s t e , M ad. A u b ier n a probablem ent jam ais lu ce qu’elle a signé contre
moi et contre scs enfans ; car son conseil lui a fait présenter de plus au d istrict,
des déclarations dcnonciativcs contre scs enfans du même genre que contre moi »
heureusem ent qu’on les dédaigna, qu’ ils n’ont jam ais été in scrits, que innsccur leur
obtint certificat de lion in scrip tio n , et que j’ai obtenu pour eu* deux décrets spéciaux,
des 3 frim aire et 5 germ inal an 1 1 , qui m aintiennent leurs droits.
Mais in tcn n éd iaircm en t, elle leu r a occasionné de grandes p o rtes, a retardé leur
rentrée , et leur a fait c o u r ir , sans en
avo ir
l'intention , de grands dangers.
Ii
v
�L e .rapport à lui fait étoit de toute fausseté, puisqu'au contraire,
en toute occasion, j’ai ratifié et renouvelé mes actes de garantie (i).
11 me seroit aisé de prouver que cette prévention l ’a conduit à
près de 20,000 liv. d’erreur à mon préjudice, telle que celle de
m ’imputer sur les capitaux des payemens faits pour intérêts réel
lement dus.‘Mon père se laissoi t gouverner alors par l ’a d u la t i o n ;
je le servois b ie n , lui étois bien soum is, mais je ne savois pas
l ’aduler comme d ’autres.
Il est reconnu que postérieurement à cette reconnoissance de'
80,200 liv., j ’ai emprunté pour mon père , à Paris, et lui ai livré
9,000 liv. par lui employées à achever de solder Sauset ; 'ce qui
porteroit mes créances à 109,000 liv. Si on y
toutes les sommes à moi dues depuis 1 7 9 1 ,
créances à plus de 200,000 liv. , et quiconque
de la qualité d’héritier de mon père, par une
s im p le , deviendrait mon débiteur de tout.
joint les intérêts de
cela porteroit mes
voudroit m ’exclure
acceptation pure et
Si ma sœur avoit conservé quelque doute, ce seroit parce qu’elle
ne se seroit pas donné le temps de lire les papiers de mon père ,
quand elle les fit retirer du lieu où mon père les avoit fait enfouir
par D efforg es, serviteur et ami de la maison; elle les fit jeter par
celui-ci dans la fosse d ’aisance ; elle peut avoir cru qu’il étoit
prudent de cacher au district mes créances , pour être plus libre
dans les démarches qu’alors elle vouloit essayer en son n o m ,
comme elle me le manda, pour me sauver quelque chose.
Plus d'un an après, en 1795, j ’ai'dû penser qu’elle avoit trouvé
( 1 ) Outre les garanties que j’avois données à mon frire c l nia sœur , j avois
ratifié et cautionné la vente faite par mon p o r c , avant ou après mon m ariage, de sept
domaines à A ugerolle ; «le trente journaux de terres et dix-sept journaux de p r is à
M o n t-F erran d , de la maison à Clcrm ont ; des Liens de R io u x , montagne de Lamonteilb e et C licz-Jam bcl. •
Il avoit trouvé les liiens de sa fam ille en saisie réelle , et a tout p ay é par. des
ventes g ra d u elle s; il est reconnu que je n’en ai jamais touché un
so uî
il vouloit
nantir tous intéressés de ma ga ra n tie, crainte que je ne mourusse avant l u i , et que
mes cu faiu ne fussent pas aussi soum is.
_
�(( 1 1
^
1)
dans mon propre secrétaire les papiers qui devoierit justifier toutes
mes créances; en e ffe t, lui ayant demandé si elle avoit sauvé
les papiers de ce secrétaire, elle m ’envoya par M . Barthélém y,
aujourd’hui sénateur, alors négociateur à Basle, une bague que
j ’avois laissée dans le même tiroir, comme preuve, disoit - elle ,
qu?aucun furet n’y avoit mis le nez.
A u reste,- M . et Mad. de St. Mande sont payés de to u t, et
munis de ma garantie: mon frère est m o r t , je suis son seui héri
tier, en vertu de la renonciation de ma sœur à toute succession
collatérale, dont j’ai acquitté le prix. Ainsi il ne peut plus y avoir
lieu à discuter entre eux et moi, sur l’antériorité, le privilège, l ’éten
due de mes créances ; je ne puis en avoir besoin que contre des
étrangers, s’ ils me recherchoient, et j’ ai encore plus qu’il ne faut
pour leur prouver la légitimité de mes créances.
M on frère ayant péri révolutionnairement à L yo n , bien avant
mon inscription, tout ce que je viens de dire quant à la succession
dém on père, s’applique également à celle de mon frère; j ’ai été saisi
de droit de tout , en vertu de la r e n o n c ia tio n de n ia sœur.
Les lois nouvelles, qui ont supprimé les forclusions coutumières,
ont conservé toute leur vigueur aux renonciations conventionnelles :
ainsi nulle difficulté.
J’ajoute, pour ne plus revenir sur cet objet : ma sœur n ’auroit
rien gagné à ne pas être forclose ; le refus de la restitution deé
40,000 li v ., en numéraire ou en lettres de change, trouvées sur
mon frè re, et la confiscation de ses biens, ont fait que le peu de
débris qui ont été sauvés ont été absorbés par ses dettes (1).
2 .e O
bjet
.
Rachat de mes biens.
Sur ce point les détails sont très-importans.
Les biens à moi dévolus par la mort de mon père et mon frère
( 1 ) L es hospices , HIM. Poisson , Chazelède , P e t i t , M ercier, Brufle, etc. , peuvent
X
?
attester avoir été p a y é s , en n um éraire, par ma s œ u r, pour mon co m p te, ou par
moi-m um e, sans qu’un seul ait reçu d’assignats, ni élé renvoyé au grand-livre , tandis
que ceuv qui me critiquent ont p ayé en assignats d ép réciés, quoiqu’ils n’aient pas
éprouve' comme nous confiscation.
B
3
�( 12 )
avant mon inscription, étoient sous le séquestre; j ’étois à Berlin
lorsque M . Barthélémy, négociateur de la paix de Basle, voulut
bien faire passer à ma femme et à ma sœur des lettres par lesquelles
je les priois de s’entendre entre elles et avec moi , pour procurer
la rentrée de mes enfans et la mienne, et sauver notre fortune.
M ad. Aubier répondit aussitôt franchement par un refus.
M a sœur me laissa deux mois sans réponse.
J’allois faire comme d ’autres émigrés en Prusse, accepter les
bons offices de banquiers de Berlin trafiquant en France , d ’y suivre
mes affaires, et de racheter au besoin mes biens, pour mon compte,
lorsque je reçus réponse de ma sœur.
Elle m ’offroit ses services, m ’apprenôit, comme je l’ai d it ,
que son mari ne vouloit avoir aucune relation avec les agens na
tionaux pour les 12,000 liv, à lui dues; me représentoit que si je
donnois mes pouvoirs à ma fe m m e , et que c e l l e - c i rachetât
mes biens , comme elles étoient mal ensemble , elle la renverroit
sur le grand livre: elle m ’ajoutoit tous les détails qu’elle croyoit
les plus- propres à m ’inspirer plus de confiance en elle qu’en ma
fem m e; elle ne mettoit aucune autre condition à son offre de se
charger de mes pleins pouvoirs, que celle d ’être payée en numé
raire des 12,000 liv., reliquat de sa dot.
Je l’acceptai.
Les premiers pouvoirs que je lui ai envoyés étoient confiden
tiels ; la circonstance l’exigeoit : le Code Napoléon a confirmé ce
principe de tous les temps, q u ’ ils peuvent être donnés par lettres;
ils étoient illimités pour toute demande en radiation, rentrée,
réclamation de biens, rachat, au besoin, etc.
Sur ces entrefaites , M ad. Aubier me somma par lettres de lui
renvoyer ses enfans; l’ainé et le troisième étoient avec moi, l'autre
à la Martinique.
Je lui offris de lui envoyer sur le champ le troisième, comme le
plus intelligent et le plus disposé à rentrer aussitôt en France.
J’attendois le passe-port qui m ’avoit été promis à Basle, quand
je reçus une lettre de ma femme qui s’opposoit fortement à ce
�(
*3
)
retour : je l ’ai, elle est d’avril 1795 ; ma femme m ’y faisoit en-*
tendre que mon fils éloit sur la liste , ce qui n ’étoit pas vrai: ma
sœur, qu*e j’avois consultée, en parloit de même.
J’envoyai bientôt après à celle-ci une procuration notariée.
Dans les suites je lui en ai envoyé une légalisée par le ministre
de France à Berlin.
Je le remarque, parce qu'il a\oit ordre de refuser des légalisa
tions aux Français inscrits sur la liste; il me l’accorda, parce qu’il
savoit que le conseil exécutif avoit pensé que je pouvois être classé
parmi les évadés du tribunal révolutionnaire.
M a sœur me manda que M ad. Aubier la tracassoit, en m'observant avec raison, qu’il y avoit entre elles celte différence, que
M ad. Aubier vouloit avoir mes biens pour elle seule, en refusant
de s’engager à rien , pas même envers ses enfans, tandis qu’elle
( ma sœur) ne vouloit rien pour elle que ses 12,000 l i v . , ne vou
loit sauver que pour m oi, ou si je mourois avant d ’être ra yé , pour
mes enfans.
M a s œ u r m e d i s o i t q u ’ a tle n d u q u e je n e p o u v o is p a s s a v o ir c o m m e
e lle c e q u e les c ir c o n s ta n c e s d e m a n d o i e n t , il n e fa llo it é c r ir e à
ma femme et à mes enfans , que dans le sens que ma sœur m ’indiqueroit.
Peu après, mon fils, excité par sa m ère, ayant écrit à ma sœur
sur un ton qui annonçoil qu’elle seroit tracassée si je mourois avant
d ’être rayé, je fis souscrire par chacun de mes trois enfans un
écrit portant qu’ils adhéroient d ’avance à tout ce que ma sœur
auroit fait de concert avec m o i , et acceptation de tout ce qui auroit été réglé entre elle et moi.
L ’espoir d’obtenir mes biens sans les soumissionner fut prolongé
lo n g - te m p s , parce que plusieurs personnes inscrites sûr la liste
après s’étre soustraites à des mandats d’arrêt, obtinrent s u c c e s s iv e
ment leur radiation et la restitution de leurs biens ; les négociateurs
de Haslc voulant bien m ’appuyer, cela d e v o it me réussir.
Mais malheureusement ma famille hasarda , sans mon aveu,
�de dire au département qu’un article secret de Basic m ’accordoit
ma radiation et la restitution de mes biens ; cela fut mandé aux
ministres ; cette supposition les courrouça. Ils repoussèrent les
sollicitations qu’avant ils écoutoient avec indulgence.
M a femme acheva de tout perdreen allantàParis produire partout
l ’acte de divorce prononcé pour fa it d’émigration', en cela elledonnoit un démenti aux notes données en ma iaveur par le ministre
de Prusse appuyé par M . Barthélémy.
En y joignant l’inconséquence de demander, sur le fondement
de mon émigration, la cession gratuite de mes biens, elle occa
sionna l’ordre de les vendre.
M a sœur, avertie par un ami qu’un étranger alloit les soumis
sionner, étant déjà munie de mes pouvoirs illimités, les soumis
sionna sans avoir le temps de me consulter.
J’ai dit en débutant qu’elle avoit déclaré en séance publique
qu’elle achetoit pour moi.
Je le répète avec rcconnoissance, la difficulté des circonstances
augmentait le mérite de sa conduite, quoiqu’aucune loi ne le lui
interdit. A u contraire, la loi romaine, alors en vigueur, dit que
l’achat est un contrat du droit des gens que le banni à perpétuité
peut faire faire par mandataire.
Ce principe n ’a point ¿té abrogé depuis par aucune loi ; la Cour
de cassation l’a reconnu par deux arrêts postérieurs à la publi
cation du Code Napoléon ; l ’article 2 de celui-ci dit en maxime
f o n d a m e n t a le que la loi n ’a point d’effet rét oactif; ainsi quand
011 y trouveroit matière à douter sur cette question, cela seroit
indifférent.
M . Caillard , ministre de France à Berli n , disoit à ce sujet : « Il
» est de l’intérêt politique de la France de le tolérer, pour faire
» rentrer les fonds sortis par les émigrés, ceux qu’ils peuvent gagner
» hors de France, et les rattacher à leur patrie en attendant
» qu’une amnistie les rappelle. »
Et qu’on ne dise pas que cette idée d ’amnistie n’étoit pas encore"
venue , elle étoit déjà venue au moins pour les fugitifs du tribunal
�( i5 )
révolutionnaire : c’est ce qui résulte d’une réponse du Directoire,
me concernant, faite à M. Sandoz en mars 17 9 6 ; j ’en ai la
preuve écrite.
J’avois ignoré l’urgence du rachat; j’avoue que dans le premier
instant je crus que ma sœur s’étoit trop hâtée; mais je n ’en fus
pas moins empressé à avouer, a ratifier ce qu’elle avoit fait ; je
lui envoyai une nouvelle procuration, non seulement pour la ges
tion , comme mon prête-nom, mais encore pour les reventes par
tielles nécessaires pour se libérer, tant des emprunts faits pour
l ’achat que pour diverses dettes , notamment pour payer à son
mari les 12,000 liv. à lui dues, et à ma tante Ducrozet ce qui lui
étoit encore du par mon père, etc. etc.
L e retard de la soumission, occasionné par nos espérances, nous
coûta de payer le quart en numéraire et le reste en mandats. Nous
avions cru bien faire.
M a sœur annonça aussitôt publiquement mes pouvoirs; elle
m e m a n d a q u 'il n’y a v o it p a s u n d e c e u x à q u i e lle r e v e n d o it , q u i
e û t a c h e té , s ’il n ’a v o it p as su q u e c ’é lo it p o u r m o n c o m p te .
M . D e b e r t , ju g e d e p a i x , é t a n t en m a r c h é d ’u n e te rre , d e m a n d a
q u e je lu i é c riv is se q u e je F a p p r o u v o is ; je le fis.
M . Gorce, notaire à Monl-Ferrand , chargé des ventes , ayant
fait marché pour lui-même de 4° œuvres de vignes , voulut que
l’acte notarié fût différé jusqu'à mon retour, afin que je le signasse;
cela s’est fait.
Enfin ma sœur me mandoit par une lettre que j’ai encore, « Si
» les gens de Sauzet croyoient que je n ’ai pas acheté pour toi,
» ils me chasseroient. »
J'ai dit ci-devant que j’avois emprunté pour mon père et mes
enfans ; toutes les fois qu’il en a été question entre ma sœur et
m oi, elle ni a répondu : « Comme c est pour toi seul que j ’ai a ch e té ,
» comme.je ne suis que ton prête-nom, ton homme d’affaires pour
v tes biens, c’est à toi seul à renouveler les effets des dettes dont tu
» voudras que les biens soient chargés. »
C est sur la ioi de c e s diverses p ro m e s se s que j'ai renouvelé seul
�les engagemens des emprunts faits par mon p è re , ou de ceux faits
par mes enfans.
Si j’avois douté de ma sœ ur, jemeserois bien gardé de les signer.
M . de S a n d o z , ministre du roi de Prusse à Paris , ayant obtenu
ma rentrée sous surveillance préparatoirement à ma radiation ,
je suis arrivé à Clermont en fin de mars 1801.
T o u t aussitôt chacun des acquéreurs a voulu que sans attendre
ma radiation, je donne les ratifications promises par ma sœur de
ma part; je lésai données , à mesure que ma sœur me les proposoit,
et en sa présence.
M a sœur voulut aussi que sans attendre ma radiation, un acte
constatât qu’elle avoit rendu le compte qu’elle reconnoissoit devoir
comme le doit tout mandataire, pour tout ce qu’elle avoit acheté,
revendu , géré pour mon compte.
Il a été signé , le 8 mai 1801 , entre elle et m o i , en présence
de mon fils Lamonteilhe et de quatre parens ou amis. Elle y reconnoit avoir acheté mes biens pour me les conserver.
Il finit par une promesse de faire la transmission définitive de
t o u t , dès que je serai rayé.
La joie de me retrouver dans ma patrie, au sein de ma famille,
après tant de crises, achevoit d'effacer de mon souvenir tout ce
(pii avoit pu jadis m’y mécontenter: j ’avois toujours été , sans
rancune, disposé à chercher l’interprétation la plus aisée à excuser,
croyant aux bonnes intentions de mes proches dès qu’il y avoit
p o s s ib ilit é de* me faire illusion, parce queje suisné confiant, aimant.
Cela encouragea mon fils Lamonteilhe à m'annoncer son Incli
nation pour ma nièce Cham pflour, V e Bullion , et qu elle partageoit scs sentimens: ma nièce nie ravoua. Ils me proposèrent de
consentir à leur union; ma sœ ur, mes autres parens me pres
sèrent de donner cette grande preuve d ’une parfaite réconciliation.
La douceur de caractère que j’avois toujours connue dans ma
nièce, sa conduite avec son premier mari et ses parens, l’impres
sion qu'avoil laissée dans mon cœur les vertus, les belles qualités
de ma respectablemere , née Chanipfiour, celles de M ad..Blau, et de
tant
�( *7 )
tant d’autres demoiselles Champflour qui avoient fait le bonheur
des maisons où elles étoient entrées, me décidèrent en faveur de
ma nièce Champflour, V e Bullion.
Je promis tous les avantages qui seroient à ma disposition ; je
n ’étois pas encore rayé : ma radiation étoit entravée, parce qu’oa
avoit mis à ma charge, devant la commission des émigrés, des
imprudences graves d’un de mes parens , de même nom ,
prénom ( i ) , de même commune et même département, mon
filleul , en écartant son surnom particulier j il étoit absent.
Cela seul m ’avoit fait suspendre mes démarches : si je ne les eusse
pas suspendues, j’aurois eu ma radiation avant le mariage.
Cependant mon fils Lamonteilhe et sa future craignoient que
je ne mourusse avant d’être rayé, ce qui les auroit privés d ’un don
régulier des avantages.
Je consentis, en prévoyance de ce cas, à nantir mon fils L a
monteilhe du bien de Sauset, en considération de ce mariage, et
et à le fix e r sur sa tête.
J ’avois annonce ce projet par une clause de l’acte du 8 mai précé
dent ( époque où on m ’avoit déjà proposé ce m a r i a g e ) ; elle portoit
q u e la transmission définitivedecedontma sœurdemeuroit ma d é p o
sitaire, ne pouvoit avoir lieu qu’après ma radiation : je me pro
posons de fix e r les principales propriétés sur la tête de Lamon
teilhe , si avant ma radiation il trouvoit un mariage qui me fût
agréable.
C ’est moi qu i, à la suite de quelques conférences avec M . Pages,
avocat de M . Cham pflour, ai rédigé l’acte de l’assemblée de famille,
sous seing-privé, en date du 10 prairial an y , par.lequel, en ma
présence et de mon consentement, ma sœ u r, mon prête-nom et
( 0 On lie peut pas clouter de cela j ¡1 y a eu audition de 18 témoins à la préfecture
do I’ uris pour écarter l'iden tité ; et lu i-m im e, à son reto u r, a signé chez L asteyras,
notaire , I acte de notoriété de non identité. Il eut été très-com prom is, si je ne lui
eusse pas donne le temps de rentrer , de se mettre en règle avant l'exam en «le >na
demande eu radiation: on verra ensuite que cette com plaisance est la source de ce
procès.
c
�mon chargé de pouvoirs, a subrogé mon fils Lamonteilhe quant
à Sauset.
Par une clause préparatoire d'un partage définitif entre lui et
ses frcres, Lamonteilhe y délaisse à ses frères, en retour de lot
anticipé , son tiers dans le domaine de Crèvecœur, acheté sous le
nom de mes trois enfans, mais payé par moi. Il y est stipulé que
chacun des deux frères recevra, à ma mort, un préciput de quinze
mille livres à prendre tant sur ce qui leur viendra de m oi, que de
ce qui viendroit de toute autre source , du côté paternel, de quel
que branche que ce soit.
L e vague de cette expression fut convenu en prévoyance de
ma mort avant que je fusse r a y é , pour que ce préciput s’exécu
tât sur ce dont ma sœur demeureroit encore mon prèle-nom.
Cet acte est signé par vingt-cinq membres de la famille et deux
jurisconsultes.
C ’est M . Pages qui a rédigé le contrat de mariage , par lequel,
sans autre litre que la permission que je lui en avois donnée la veille,
mon fils s’est constitué le bien de Sauset.
L a délicatesse de M . Pagès assure qu’il ne vouloit pas plus que
moi frauder la légitime de mes autres enfans; il connoissoit les
lois mieux que m o i, mais il étoit comme moi induit en erreur
sur le fait de la valeur des objets composant la masse, et tout le
monde disoit alors que Sauset étoit loin de valoir moitié de la masse.
C ’est M . Cosle , homme d’affaires de M . Champflour, q u i ,
guidé par celui-ci, a rédigé la subrogation notariée du 8 fructidor,
trois mois après le mariage : on l’a obtenue de moi en me disant
que les colons faisoient difficulté de reconnojlre mon fils pour
leur maître; qu’on ne pouvoit pas se s e r v ir de l'acte sous seing
privé pour les y forcer. Je fis quelques difficultés sur ce qu’on avoit.
supprimé la clause accordant à chacun de mes autres enfans i 5 ,ooo
livres préciput sur le reste do mes biens : on l’avoit remplacé
par une clause par laquelle mon fils renonçoit à ma succession
et à toulcsuccession paternelle. On inc dit que c’éloit pour épargner
des droits , et on m'offrit une contre-lettre également rédigée par
�M . Coste, guidé par M . Champflour, portant que cette subroga
tion n’étoit qu’une simple ratification de l’acte de famille.
En m ’observant qu’il y avoit dans le reste plus qu’il ne falloit
pour la légitime des autres frères, que la loi veilloit pour eux , on
obtint à force d’instances ma signature; cela se passa dans la
chambre de M. d ’Orcières, devant lui; M . Duranquet-Montluc
y a assisté à une partie des conférences.
La conduite de Mad. Lamonleilhe avec son mari a justifié la
bonne opinion que j’avois de son caractere.
Sous beaucoup d'autres rapports , les espérances, les assurances
que m ’avoit données sa fam ille, n’ont pas été remplies : je m ’ex
p liq u e r a i davantage quand on le voudra.
Pour moi, je suis coupable envers mes autres enfans; mais c’est
seulement pour avoir eu trop de confiance dans le tableau esti
m atif, en actif et passif, de ce qui m'avoit été sauvé, qui me fut
fait par ma famille, plus spécialement par ma sœur. Je connoissois
d ’autant moins les biens, que mon père avoit tout régi sans permettre
que je m ’en mêlasse, et que Ja révolution avoit renversé les notions
imparfaites que j ’a v o is pu a v o ir.
Dans ce tableau, Sauset étoit estimé 60,000 liv ., tandis qu’il
vaut plus du double.
Les liquidations en divers articles considérables, à nous dues
par l ’É t a t , que je destinois partie à mes autres en fa n s, partie à
payer les dettes, y étoient présentées de manière à me persuader
qu’elles iroient à 80,000 liv., et présentées comme assurées, tan
dis qu’après le mariage il ne s’est trouvé en règle qu’un seul petit
article qui a fait 1900 liv.
L e passif y étoit extrêmement rabaissé, dissimulé.
Enfin, jugeant des sentimensde ma famille par les miens, j’avois
cru qu’en supposant qu'il y eût des erreurs , mes enfans s’en fer'oicnt
amiablement raison lors d'un partage définitif.
Je croyois encore à la solidité des liquidations, et j ’élois encore
dans l’erreur sur la valeur de Sauset, lorsque par sous-seing privé
du 18 prairial an 9 , je déchargeai Lamonteilhe de la dette de i 5, 5oo
C 2
�liv. restée à la charge de Sauset par l’acte de mai i 8 o r ,d e lui signé,
commeprovenant de l'emprunt fait pour l'achatde Sauset, etlorsque
par autre sous-seing privé avec ma sœur et l u i , du 26 messidor an
9 , j’en chargeai le verger entre le s deux villes, demeuré sur la tête
de ma sœur comme mon prête-nom; enfin, lorsque lassé d’être
tourmenté par mon troisième fils pour vendre le verger, et em
barrassé de ce que ma sœur disoit qu’elle étôit prête à le faire si je
l’autorisois, je Assigner, le 5 fructidor an 9, une convention portant
qu’il ne seroit point aliéné, ni par moi, ni par mes e n fa n s, si je
le leur partageois (1).
L e mécontentement de mes autres enfans est fondé , parce que
je me suis mis hors d’état de pouvoir les aider autant que je voudrois;mais il me semble que j ’ai fa it, dès 1802, tout ce qui devoit
m ’excuser, en consacrant aux dettes qui devoient rester sur le ver
ger qu’ils doivent avoir à ma mort , non seulement tous les reli
quats de vente, de rentrée et tout le revenu de ce verger, dont
je devois jouir seul pendant ma vie, mais encore les petites réserves
viagères destinées à ma propre subsistance, établies sur Sauset, et
quelques reliquat d’affaires.
M on amnistie est du 23 fructidor an 10. Avec la permissiondu Ier
C o n su l, je suis retourné , en novembre suivant , en Prusse, où la
bonté du roi me conservoit un état honorable et des ressources.
J’y avois de plus des espérances de fortune pour mes autres
enfans, qui pouvoient me mettre dans le cas non-seulement de
confirmer le don de Sauset en entier en faveur de Lam onteilhe,
mais peut-être d ’y ajouter.
Avant mon départ, ma sœur à qui j ’avois donné de nouveaux
pouvoirs ( en vertu desquels elle avoit géré mes affaires pendant
mon séjour à Paris, de novembre 1801 à novembre 1802 ) , me
rendit un nouveau compte , toujours disant qu’elle n ’étoit que mon
prête-nom , qu’il lui i'alloit un apurement de compte : il a été
( 1 ) 11 faut garder du pain m algré eux aux eufaiis quî veulent tout faire vendre.
�21 )
clos par une décharge que j’ai donnée en marge de celui quVUem ’aToit rendu le 8 mai 1801 : je lui ai donné de nouveaux pouvoirs
pour administrer pendant mon absence.
Pendant mon séjour à Berlin, j'ai été dans le cas de m ’aperce
voir qu’on la travailloit contre moi ; les absens ont tort : l’art. 17 du
Code avoit donné lieud’espérer de pouvoir attaquer mesdroits. Pour
y remédier j’ai obtenu d e S .M . l’Empereurun décret, en datedu 10
brumaire an i4> q u i, en me permettant de garder la place de
chambellan du roi de Prusse , me maintenoit dans tous mes droits
civils et dans ma qualité de Français : je l’envoyai â ma sœur pour
le présenter à M . le préfet; elle s’y refusa : ce refus annonçoit le
plus grand changement dans ses dispositions pour moi : au bout
de 6 mois de prières inutiles , j'eus recours à M . de Trémioles qui
s’en acquitta.
Cependant elle a continué avec zèle la gestion de mes affaires ,
m ’envoyant exactement les rentrées: elleétoit devenue plus minu
tieuse pour les quittances; mais, en cela m ê m e , elle confirmoit
Ce qu’elle mandoit e n c o r e , q u ’e lle ctoit d d p o sita ir e d e m e s pro
priétés, mon homme d affaires, expression qu’elle employoit ,
sans quoi je ne me la permettrois pas.
L ’année précédente, j ’avois obtenu pareil décret pour chacun
de mes enfans.
Toutes nos liquidations ont péri parl’çffet de deux décrets géné
raux de 1808 et 1809, parce que la réclamation n’en avoit pas
été introduite avant l'an cinq. Ce m otif de forclusion n ’avoit pas
encore été publié lors du mariage : ce n ’est pas par ma faute,
puisque je n ’ai eu la permission de revenir en France qu’en l’an
9 ; et si' la faute pouvoit en être imputée à quelqu’un , depuis le
mariage, ce seroit à Lamonteilhe, que l’acte d é n ia i 1801 char. geoit des affaires communes.
A in s i a péri par le fait du Gouvernement, depuis le mariage
de Lam onteilhe, ce qui ctoit destiné à la légitime de scs frères,
ou à payer 1GS dettes.
J’avois compté sur cette ressource pour les 30,000 l i v . , reliquat
�des emprunts faits pour mon père et mes enfans , dont je me
suis chargé, savoir, i 5 , 5oo l i v . , dette pour ç auset déjà expliquée,
et 6,5oo liv. , reste d ’emprunts faits pour les affaires et les pro
priétés en commun de mes trois enfans (i).
Excessivement embarrassé, j'ai sollicité du porteur des effets
un arrangement; il s'y est prêté, parce qu il a vu que mon em
barras ne venoit pas de ma faute. H m'a donné les dehiis les plus
commodes , en morcelant et graduant par année le rembourse
ment du capital, moyennant l’intérêt au taux du commerce, à 6
pour i o o , décroissant à mesure des payemens.
J’ai promis de justifier dans l’année de propriétés le garantis
sant contre le cas de ma mort avant d ’avoir tout payé; c’est ce
qui me presse d ’agir.
Intermédiairement, ma sœ ur, comme mon fondé de pouvoir,
a emprunté 5 ,oooliv. , qu’elle a prêtées à Mad. Aubier: j’en paye
3 oo liv. rente viagère, sur la tête de Mlle. Debar et de sa nièce.
Pour faire face à tout cela , j’ai été obligé de retirer 5 oo liv.
par an sur les Soo que j ’avois attribuées à mon troisième fils.
Par lettre de novembre 180g , ma sœur qui avoit paru jusquelà préférer de garder la gestion de mes affaires et ma propriété
sur sa tê te , m ’a annoncé qu’elle vouloit en être déchargée. Elle
a ajouté qu'elle sauroit m ’y obliger.
Je ne peux pas deviner la cause de ce ton de menace ; c ’étoit
m ’imposer elle-même l’obligation de lui demander la transmission
définitive promise par l’acte de mai 1801. Je l’ai fait ; elle l’a
refusée avec humeur.
On a vu dans la première partie qu’à l’occasion de la quittance
de 13,000 liv. que je demandois à son mari , on avoit fait insérer
dans le projet que celui-ci m ’ e n v o y a en juin 1790, la clause que
je recopie ici :
( 1 ) Je n’y com prends pas 5 , 5o<> liv. d’emprunt fait pour l’ctnlilioscment de mon
fil» a în d , par mon canal et avec ma signature , parce que c’est sa dette p articu lière,
il devroit la rapporter à la masse , si je p arois pour lui comme sa caution.
�Emmanuel Aubier contracte Vobligation de ne rien répéter
de sa sœur pour la gestion et administration qu’elle a fa ite
pour lui , ni a u t r e m e n t .
II y a une singulière contradiction entre l’aveu qu’elle a géré pour
m o i , et cette exigence d ’une renonciation générale à rien répéter de
tout ce dont elle étoit encore dépositaire pour moi. On est bien
plus frappé de cette contradiction , quand on lit quelques lignes
plus bas , dans ce projet écrit de la main de M . de St. M a n d e , que
ma sœur a tout fait dans les vues et la seule intention de sa u v er,
pour mon compte, les débris de ma fortune etd ecelled e mon frère;
la proposition de celte renonciation est tellement en contradiction
avec la noblesse de son caractère , avec les engagemens envers moi,
dont elle s’est toujours fait gloire .et mérite auprès de tous nos
compatriotes, qu’il m’ a été même impossible de croire que cela
fut sérieux.
11 étoit évident que ma sœur avoit été subjuguée par quel
qu’un qui vouloit me dépouiller. Je lui fis des représentations : pour
toute réponse , ma soeur me fait écrire par son mari de. prendre
les voies judiciaires ; il a jo u lo it t r è s - p o lim e n t cju’c l le le v e r r o it sans
a ig r e u r.
J’ai rappelé dans ma citation en conciliation devant le juge de
paix , que je ne prenois la voie judiciaire que parce que ma sœur
et mon beau-frère l'exigeoien t.
M . F aure, fondé de procuration spéciale, signée de M . et
M ad. St. M an d e, a comparu ; sans nier les faits , en se bornant
à dire que plusieurs étaient inutiles , sans rien opposer à la de
mande déduite , il a déclaré, au nom des deux , qu’il n’y avoit
pas lieu à conciliation.
On devoit croire que M . de St. M a n d e , disant qu’il n ’y avoit
pas lieu à conciliation, autoriseroit sa femme à plaider; il a refusé.
IVlon conseil a cru qu’en cela leur conseil vouloit se ménager le
moyen de revenir, au nom du m ari, contre le jugement que j ’aurois obtenu.
L a question de savoir si j’étois héritier de mon père, ou si
�c ’étoit sa fem m e, ne pouvoit pas se juger sans lui , puisqu’il
s’agissoit d'un droit dotal ; de plus , c ’étoit à lui à nie donner
quittance des 12,000 liv. reliquat de dot que je lui avois fait
payer. En conséquence j’ai demandé qu’il assistât personnellement
dans la cause ; et cela a été o r d o n n é .
J’ai dit en débutant qu’après des instances infinies , j’avois
obtenu de ma sœur de nommer un médiateur , et que le 2S juillet
dernier j’avois signé une tr a n s a c tio n rédigée par ce médiateur.
Par cet acte je ratifiois tout ce que ma sœur avoit fait en
vertu de mes pouvoirs , et spécialement la subrogation de Sauset
en faveur de mes petites-filles. Cela renvoyoit après ma mort la
question de savoir si Sauset excède ce dont je peux disposer, si
elles devront quelque retour. Ainsi cet acte leur confirmoit impli
citement la jouissance jusqu'à ma mort ; ma sœur ne l’en a pas
moins refusé.
Je dois répondre ici aux diverses objections qu’on m ’a faites, en
son n o m , dans le cours de mes tentatives pour obtenir un arran
gement amiable.
On a débuté par me dire que le casuiste consulté (1) par M . et
Mad. de St. Mande , pensoit qu’il suffit pour l’acquit de leur cons
cience, i°. que Mad. de St. Mande déclare par son testament être
payée de sa dot; 2°. qu’elle dispose en ma faveur, par ce testament,
de la propriété du verger qui est encore sur sa tète.
Ainsi selon ce soi-disant casuiste, ma sœur auroit pu acheter pour
mon com pte, le reconnoître par divers actes postérieurs, promettre
par .celui de mai 1801 de me transmettre dès que je serai r a y é ,
et cependant à l ’aide d’une restriction mentale, se réserver de
no me rien rendre qu’après sa mort.
Mais ma sœur n’a que £7 ans , j’en al 63 ; elle est d’un tem-
( 1 ) Ma soumission à lV glisc et mon respect pour scs m inislrcs sont connus : les
casuistcs en sont l’clite; mais je suis l)tcn convaincu que celui •, q„| <m a (]onn(r cc
titre dans cette affaire , n a pas cc caractère : au,m oins est-il certain qu’il n’est pas
l ’clùvc tic notre digne e v iq u e ni de son prédécesseur.
pérament
�( ^5 )
pérament bien sain ; je dois, selon l’ordre de la nature, mourir
avant elle : en conséquence il ne me sera jamais rien rendu.
Ainsi selon ce casuiste , c'est à la femme et non au mari à
donner quittance de la dot ; car il n ’offre ni quittance ni testa
ment du m a r i, qui est aussi plus jeune que moi.
Ainsi quand ma sœur a voulu que je renouvelasse seul les
lettres de change ou engagcmcns de mon père et de mes enfans, elle
a voulu , par restriction mentale, que je n ’eusse jamais de quoi
les payer.
Mais avec de pareilles restrictions mentales , il ne falloit pas
faire écrire aux créanciers que si je mourois avant d ’être ra yé ,
on ne payeroit jamais. J’ai quelques-unes des lettres; c ’est par
ménagement que je ne nomme pas ceux qui les ont écrites.
C e que j'ai déjà d i t , prouve combien j'étois confiant dans les pa
roles de ma sœur ; mais ce que je viens de dire des restrictions
mentales du casuiste qui la dirige, me permet de demander, sans
lui manquer de respect, qui garantit, à ceux avec qui j’ai des affaires
à régler, l ’existence d'un te s ta m e n t qui a été aussi quelquefois pro
mis à c h a c u n de mes enfans, parce que l ’o n gouverne les hommes
avec des espérances. Où est-il? qui est - ce qui garantit que s'il
existe, i lne sera pas révoqué? Un père de famille, chargé d ’engagemens pour sa fam ille, peut-il présenter à personne pour garant
l ’espoir d ’un testament, quand tant de faits, tant d ’actes positifs
sont méconnus par le soi-disant casuiste qui dirige celle au nom
de qui on promet le testament ?
Et pourquoi veut - on faire disposer du verger par un testament
de ma sœur? C ’est pour substituer à la vérité qu’elle avoit acheté
pour mon compte , la supposition qu elle a acheté pour son propre
compte. Voyons à quoi cette supposition mène? i°. A ce que la
disposition par testament soit caduque ; car la valeur du verger
excède ce dont la loi lui permet la disposition.
a . A rendre la subrogation de Sauset également c a d u q u e ; car
elle excède bien davantage ce dont Mad. de St. Mande pourroit
D
�disposer. Elle ne sera pas seulement réductible, elle sera totale
ment nulle ; car si en soumissionnant Sauset, elle en est devenue
propriétaire pour son compte , Sauset est devenu à l’instant même
bien dotal, en vertu de son contrat de mariage, qui ne lui permet
poiiit d ’extra-dolal , et par-là il est devenu inaliénable. Mad. de
St. Mande n’ auroit pas pu en disposer même avec le concours
de son m a r i, à plus forte raison sans le concours du m ari, qui
n ’a point signe cette subrogation.
Rappelons ici que M . de St. Mande a voulu que sa femme, ma
sœur, agisse seule dans l’achat, les reventes, la subrogation , pré
cisément parce qu’il a voulu qu’elle ne les fit que comme chargée
de mes pouvoirs, et pour mon compte. Remarquons q u e , pour
écarter tout soupçon , il a poussé le scrupule jusqu’à ne vouloir
elre té m o in d ’a u c u n des actes d’achat, revente, transaction, compte ,
décharge, etc.; d a n s le principe il déclaroit ne vouloir paroitre que
pour loucher les 12,000 l i v . , et en d o n n e r q u it t a n c e ; p a rle z à luimême , il dira que c’est encore ce qu’il v e u t ; s’il a différé cette
quittance , s’il préfère q u ’elle soit prononcée par jugem ent, c ’est
que lecasuiste qu’on fait parler, a alarmé sa conscience, en élevant
des questions qu’il ne sait pas lui expliquer.
C e rte s, c ’est un singulier casuiste que celui qui a pensé qu ’en
conscience M . de St. Mande ne devoit pas profiter ni souffrir que
sa femme profitât de ma dépouille; qui décida alors qu’elle devoit,
en conscience , acheter ma dépouille pour mon compte , et q u i,
après m ’avoir empêché, par de telles promesses, de prendre un
autre fondé de pouvoirs, veut aujourd’hui que ma sœur ne puisse
pas reconnoilre avoir acheté pour mon compte, et que M . de St.
Mande 11c puisse pas souffrir q u ’e lle me rende à ce titre.
Je ne ferois pas de cet homine-lù un instituteur de la jeunesse.
Embarrassé de la probité de M . de St. M a n d e , qui au fond
veut qu’on re n d e , et ne permet de disputer sur la manière que
parce qu’il croit ne pas la com prendre, on m ’a proposé une
vente simulée du verger , moyennant un prix sim ulé, dont ma
�'
(v)
^
sœur donneroit une quittance sim ulée, avec une contre - lettre
portant que le payement n ’est que simule'.
Mais d ’abord , c'est un mensonge, de plus un mensonge inu
tile; car trente actes précédons le dém entent, de même que tous
les fuils dont on ne peut plus faire disparoitre les preuves.
C ’ est un mensonge dangeieux pour mes petites fdles ; car si
vous supposez que ma sœur a acheté pour son compte, le Sauset est
devenu aussitôt dotal comme le verger, et par conséquent inalié
nable , même avec le consentement de son mari, q u i , dans le fait,
n ’a pas concouru à la subrogation de Sauset. Enfin , avec cette sup
position on mettroit les choses au point que ma sœur ne pourroit
pas , même par testament, rendre à la subrogation de Sauset la
validité que ce système anéantiroit irrévocablement, sans possibi
lité d ’y trouver remède.
Vainement on croit pouvoir y remédier, en faisant intervenir
la garantie ou une ratification anticipée des enfans de ma sœur:
si on suppose qu’elle a acquis pour son propre compte au lieu
du mien, le Code détruit d ’a v a n c e l e consentement donné par
les e n f a n s pour l’aliénation de ce bien devenu dotal à leur m ère,
de même que pour étendre sa faculté de disposer.
C r o it- o n que le tuteur d e là mineure, petile-fillede ma sœur,
veuille violer ses devoirs ? c’est un homme d ’honneur qui respecte
la vérité, et qui ne voudroit point participer à une fraude, même
en faveur de son propre enfant.
Si je ne consultois que mon propre intérêt, celte manière plus
expéditive de me faire délivrer le verger auroitpeu d’inconvénient
pour moi ; mais les faits et les actes passés la rendent impossible ;
de plus le projet qui m ’a été proposé éloit plein de clauses astu
cieuses , très-dangereuses pour mes antres enfans.
L'anarchie condamna beaucoup d’honnêles gens à simuler des
actes pour lui arracher ce qu’elle vouloit d é v o r e r : tous les admi
nistrateurs honnêtes aidoient à y parvenir. Onsimuloit tout alors :
on faisoit publiquement serment aux professeurs de licence et
d impiété .qui se croyoient des dieux , de faire ce qu on savoil con-
D 2
�traire à la volonté de Dieu ; on juroil tout Las le contraire
dans le fond de son cœur ; mais ces horribles temps sont passés. Si
nous avions été forcés d’user précédemment de quelques simu
lations, ce seroil l’instant de les effacer et de révéler toute la véri
té: o r , ici la vérité est que ma sœur a acheté pour mon compte;
elle doit le déclarer; le soi-disant casuiste lui fera-t-il affirmer le
contraire? Je peux croire qu’il le lui conseillera; car, dans'ses
instructions par é crit, on lisoit : Mad. de St. Mande n est pas
obl'gée de dire pour le compte de qui elle a acheté. Mais si elle
a voit acheté pour un autre que m o i, elle ne pourroit pas, en cons
cien ce, me vendre, surtout pour un prix sim ulé, avec quittance
simulée , car elle n’auroit pas même ce prix à offrir à l ’autre.
M a sœur est incapable d’affirmer, quand même le so i-d isan t
casuiste lui promettroit de l’absoudre.
Il a p e u r d e c e r e f u s , il se r e to u r n e .
M a sœur pourroit b ie n , dit-il, déclarer qu’elle a acheté pour
moi et mes enfans , indéfiniment, collectivement; on veut con
clure de ce système que je n ’aurois eu droit qu'à un quart.
M ais, i°. ce subterfuge ne peut pas détruire tous les actes antécédens, notamment celui de mai 1801 , et i 5 o lettres de ma sœur
constatant qu’elle a acheté pour moi seul ;
2°. La subrogation passée sans mes autres deux en fa n s, n ’au
roit pas pu les dépouiller du quart que ce système altribueroit
à chacun deux dès l’instant même de l’achat; et remarquez bien
que ce quart pour chacun est précisément ce que le Code Napo
léon leur attribue dans ma succession, dans le cas du don absolu
de ma part de tous les avantages dont la loi me p e r m e t la dispo
sition. C e code est précis sur cela ; il p r o s c r it tout moyen indirect
de s’y soustraire, même les ventes.
D e qui les mineures Lamonteilhe pourroient-elles tenir le quart
auquel ce système me réduiroit? de moi. Quel seroit leur titre ?
mon consentement à la subrogation préparatoire du don d’avan
tages, que j’ai promis d’effectuer dès que je scrois ra y é , par une
transmission définitive que l’acte de mai 1801 renvoie à cette
époque.
�( 29 )
_
Supposons que je me prèle à toutes les fantaisies du soi-disant
casuistede ma sœur, que jesouffrepatiemmentqu’ilmedéclaremort
civilement ; que sa volonté soit plus forte que l’arrêté du Gou
vernement, qui m ’a réintégré dans mes droits , que le décret spécial
de PEmpereur , qui me les a confirmés.
11 s’ensuivroit que ma sœur a été le prête-nom de mes trois
enfans, seulement collectivement; mais ils auroient un droit égal ;
car aucun d’eux n ’est indiqué pour avoir la préférence, et ma sœur,
ne s’est réservé par aucun acte le droit de choisir : au contraire
Pacte de mai 1801, signé par Lam onteilhe, bien connu de toute
la famille Champilour avant le mariage, les appelle tous trois à
me remplacer.
Alors la subrogation de Sauset ne vaudra , en faveur de mes
petites-filles, que pour un tiers , les autres deux tiers appartiendront
déjà, en pleine propriété, à mes autres deux enfans.
Pour m o i , en voyant tant de dangers pour mes petites-filles,
je suis tenté de croire que le conseil secret tend des pièges à Mad.
Lamonteilhe comme à m o i, sans q u e M . et Mad. de S t . Mande
aient tout son secret ; il sème pour la chicane.
L ors du mariage de Lamonteilhe, celui-ci et ses amis Irouvoient
fort avantageux que le retard de ma radiation retardât ces arrangemens définitifs, parce que la loi transitoire d ’alors ne me laissoit pas
autant de liberté d ’élendre ce don , qu’il en étoit annoncé par
le projet du Code Napoléon connu dès-lors.
Les futurs , plus occupés de leurs sentimens que des formes du
don que je leur avois prom is, nous tourmentoient pour hâter la
célébration du mariage. On multiplia, on varia les actes et les
clauses préparatoires : de là une grande différence entre l’acte de
famille et le contrat de mariage; le premier daté de la v e ille , le
second du jour même de leur signature , quoique la signature des
deux ait eu lieu en même séance, dans la chambre de ma sœur.
D e là v ie n t q u e la s u b r o g a tio n n o t a r i é e , r e ç u e p a r Coste,
n o t a i r e , p a r lu i r é d ig é e so u s la d ir e c tio n d e M . C h a m p il o u r , d o n t
il e t o it 1 h o m m e d ’a i t a i r e s , s ig n é e tro is m o is a p rès la c é lé b r a tio n ,
d if i è r e si fo r t d es d e u x p r e m ie r s a c t e s .
�D e là vient que la contre-lettre du même jour, rédigée parCoste,
guidé par M . Champflour, diffère encore de la subrogation , quoi
que signéeau même instant : on ne savoit pascequ’on pouvoit füire;
on alloità tâtons, faisant la version en plusieurs façons, en atten
dant le thème définitif.
Et qu’on y prenne bien garde, en variant à chaque instant de
système sur leur interprétation, on se conduit à une autre question
fort dangereuse pour mes petites-filles.
En e f f e t , ces actes n ’o n t aucune des clauses expressives de dona
tion prescrites pour la validité d ’une donation ; par conséquent
si je mourois avant d ’avoir régularisé, en faveur de mes petitesfilles , le don d ’avantages dont la loi me permet la disposition ,
mes autres enfans seroient fondés à dire que ces subrogations
variées n’ont transmis à leur frère que le caractère que ma sœur
avoit relativement à moi. Quel étoit ce caractère? l’acte de mai
1801 l’a bien déclaré , fixé : celui de dépositaire d’un objet acheté
pour mon compte; d’où ils conclueroientque léur frère n ’a transmis
à ses filles, leurs nièces, que le titre de dépositaires , en attendant
la
ne
ce
de
transmission définitive que l'acte de mai 1801 avoit déclaré
pouvoir avoir lieu qu’après ma radiation. Ils arguëroient de
que Lamonteiîhe, requis par m o i , d ’abord après ma radiation ,
traiter de cet arrangement définitif, le refusa; ils diroient
donc que ses filles ne sont encore que dépositaires.
M . Champflour prévoyoit c e la , et que ces actes ne donnoient
point une sûreté définitive, quand , six mois après le mariage, il
me fit témoigner par un ami commun, M . d ’Orcières, son inquié
tude : j’envoyai aussitôt à M . Champflour un écrit, assurant que
je régnlariscrois le don des avantages, d ’abord après ma radiation.
J’ai sa réponse; il me remercie de mes sentimens pour sa fille.
11 n'y témoigne plus qu’une seule inquiétude, celle que mon fils
n ’ait pas un jour 1 5o,000 üv. de fortune, soit paternelle, soit mater
nelle, ainsi qu’il l’a voit espéré.
Eh bien! malgré la perte des 80,000 liv. de liquidations par le
fait du Gouvernement, malgré d ’autres perles, mes petites-filles
V
�( 3* )
4
auront de nous les i 5 o,ooo 1., car on avoue que Sauscl vautentour
1 5 0.000 liv. ; le verger, le bien de Crèvecœur valent bien ensemble
100.000 liv. ; Mad. Aubier aura de plus entour 180,000 li v . , qui sont
assurées par la confirmation du testament Chazerat. Quand elle
réduiroit ses petites - filles à la légitime de rigueur, celles-ci auront
1 5 0.000 liv. ; pour qu’elles ne les eussent pas , il faudroit que leur
part dans les 280,000 liv. de biens paternels ou maternels autres
que Sauset, ne valut pas ce qui manque ou ce qu’elles auroient à
rendre sur Sauset à leurs oncles lors d ’un partage définitit (1).
Q u ’ai-je fait dès que j’ai été ra yé ? J’ai offert d ’effectuer mes
promesses. Mais quoiqu’on eut encore confiance dans une partie
( 1 ) Il m e sem ble que l’aïeul paternel peut se perm ettre même question que
I’aieul m aternel ; mes p etites-filles en auront-elles autant de leur mère ?
M . C h am pflour, me prom enant, lorsdu m ariage, à B eau m on t, à B e y s s a t, à M a rlilla t,
à Savennes, me disoit : Ma fille aura de nous 4 à 5 oo,ooo liv res; elle a acheté et p ay é
a la fam ille Bullion cette forêt. Cela me paroissoit d o u te u x , exagéré , quoique ma
Sttur et d’autres p a r e ils l’attestassent. Mais ce n’étoit pas cet é ta la g e , c ’étoit la
douceur de sa lille qui »10 plaisoit. Q u ’a-t-elle ré ellem en t, définitivem ent ! quel
ques héritages épars à Ueauinont , sans h a b itatio n , sans bâtimens d ’exploitation ;
on les dit affermés 4,000 liv. , mais elle p aye par an 6 , 5 oo liv. ; son p ère; lui-m êm e,
dans une certaine o cca sio n , m’en a fait com m uniquer l’acte par un ami. Il y a
encore des restes de p rix de vente quelque p a r t , dit-on ; mais on avoue qu’ils sont
entravés par quelques créanciers , et cela se fond aisém ent.
E lle fut avantagée par son contrat de mariage du bien de T au ves , bien m aternel ;
son père l’a vendu depuis : il a produit iGo,ooo liv . dont le père a d isp osé, etc.
Je suis bien éloigiré de la blâm er d ’avoir consenti à l’égalité avec ses sœ urs;
mais ou est cette égalité , aujourd but que les deux belles propriétés paternelles
avec belle liatitation sont entre les mains de ses sœurs q u i , à cet égard, n’ont fait
que ce que l’intérêt de ses enfans dicte à toute m ère ; celle qui est le moins avanta
geusem ent partagé en a jo u r entour a 5 o,ooo liv . L eurs m aris ont eu raison de
vouloir d’autres sûretés que des vain es paroles : la m ort d’un père est toujours
une grande perte ; celle de mou fils Lam onteillic a eu les plus funestes conséquences
pour mes mes petites-filles.
Mad. i.am onteilhe a obéi à son père : le respect filial est la source de ses erreurs
en ca lcu l, en spéculation; à mes yeu x il jette un voile honorable sur ces erreurs;
son estim able fiüe aînJ(. enseignera cette vertu
ù
scj
petites soeurs , sa sagacité
saura les eclairer sur la m esure à garder , pour concilier tous leurs devoirs.
�(32).
des liquidations qui ont péri depuis, il étoit déjà évident qu’il y
avoit erreur dans les estimations qui avoient servi de base aux arrangemens préparatoires.
Après plusieurs prières inutiles , j’ai offert par acte instrumentairedeSarray , notaire, en date du 20 vendémiaire an 1 1 , de sou
mettre tout à des arbitres; j’ai déclaré que je nommois de ma
part M . Dartis*, jurisconsulte aussi conciliant que respectable, et
que partant pour B e rlin , je laissois chez lui une procuration notariée , pour accepter ce qui seroit réglé.
On s’y est refusé. A mon retour, j’ai réitéré cette offre ; on
l ’a rejetée dédaigneusement, dérisoirement. On a fait répandre,
par les dames les commentaires offensans dont les hommes ne
vouloientpas se charger : que je revenois contre ma signature , pro
messes , etc. etc. C'est tout le contraire : j’offre de mettre en forme
légale exécutoire les promesses qui n'ont pas encore ce caractère;
je les offre avec plus de latitude qu’elles ne pouvoienl en avoir lors
du mariage ; mais comme je respecte le Code Napoléon , comme
je suis un sujet fidèle incapable de fraude pour me soustraire à la
l o i , je dis qu'il faut subir les conditions de la lo i, respecter les
limites que la loi met à ma volonté. C e n ’est pas pour moi, c’est
pour mes autres enfans que je la rappelle à Mad. Lamonteilhe : et
quelle loi?4celle par laquelle le Gouvernement n’est que l’interprète
du droit naturel, qui veutqucla fantaisie du père ne soit pas libre de
priver ses autres enfans du nécessaire , pour procurer le superflu à
celui qu’il préfère. L e Gouvernement a modifié le droit de nature
qui sembloit appeler les enfans également. Parce qu’il connoit les
foiblesses humaines, il a voulu que le père eût une certaine liberté
de disposer, pour attacher, par l’espérance ou|p«>r lareconnoissance,
les enfans aux pères. L'anarchie lui avoit appris que les enfans
pouvoient s’égarer ; mais il a posé des limites aux préférences des
pères , parce qu’il a remarqué que l’enfant adulateur donnoit quel
quefois à un pèrefoible des préventions contre le frère trop loyal.
Je veux me conformer au Code Napoléon, au devoir que la loi
divine et naturelle prescrit à tout père : et je crois que le casuiste
de
�de ma sœur rie peut m'absoudre d’aucune violation de ccs devoirs.
Mad. Lamonteilhe aime mieux, d it-on, contester mes droits
qu’accepter la ratification de mes promesses; soit: si c'est son bon
plaisir.
On m ’annonce qu’elle va intervenir, au nom de mes petites-filles,
pour appuyer les difficultés élevées au nom de ma sœur; cela ne
change rien aux faits et aux actes ; la question demeure donc la
même.
Mais il me semble que sous le point de vue de l’intérêt de mes
petites-filles, c ’est une inconséquence bien inutile, imprudente et
même dangereuse.
En e f f e t , tout ce qui auroit pu être jugé entre ma 6œur et
m o i , sans que les mineureé fussent parties, ne pouvoit jamais
préjudicier à leurs droits , s’ils étoient bien établis.
;
•
Si le jugement entre nia sœur et moi avoit pu’ leur nuire après
ma mort pelles auroient pu alors y former opposition, remettre la
question en jugement. Mad. Lamonteilhe et ses filles n ’en auroient
pas moins joui de Sauset, juisques à m a m o r t ; c a r je n 'a i pris au
cune conclusion relative à cela; je ne les ai pas mises e n fcause.
Supposons que l’intervention de Mad. Lamonteilhe fasse juger
la question comme Mad. Lamonteilhe le veut : à m a ’ mort mes
autres deux enfans auront la même voie dé tierce-opposition ; un
jugement sans eux ne peut pas les empêcher de renouveler une
question où ils sont les vraies parties intéressées, et celles avec
qui elle doit être jugée: veut-on les appeler, cela m ’est bien égal;
mais quoi qu’on puisse juger, même eux en cause, les enfans ne
peuvent pas être liés /selon le Code , par ce qu'on leur fait faire ,
du vivant de l’ascendant, pour sa succession.
T o u te question ici est subordonnée à deux futurs contingens.
Vivrai-je assez pour avoir pu payer avant de mourir toutes les
dettes dont je me suis chargé pour ma famille ?
Parviendrai-je à améliorer ma fortune ?
Cela seul dit qu'on ne peut pas savoir encore s’il y aura matiçre
E
�( 34 )
à procès ; par conséquent qu’on a grand tort de vouloir faire procla
mer d'avance par ma belle-fille un acte solennel d ’ingratitude.
« Mais, dit-on , Mad. Lamonteilhc veut élever une question fort
» importante, celle de savoir si la circonstance, que vous n’étiez
« pas rayé quand elle s’est mariée, ne peut pas »faire juger que
» vous étiez, relativement à elle et à ses enfans, comme mort civi» lement ; elle croit que par s u ite on doit juger d’avance qu’après
» votre mort Sauset ne comptera pas pour bien paternel. » .
C elle dernière question seroit encore une question à juger, après
ma m ort, entre mes petiles-filles et mes autres enfans': la faire
juger d’avance avec moi est une chose inutile, puisque mes
autres enfans pourront revenir contre le jugement ; c’est une chose
contre nature; car jamais on n’a dit à un père : Nous venons dis
puter avec vous la question de savoir ce que nous ferons de'volre
dépouille, quand nous aurons eu le plaisir de vous enterrer.
Si je meurs avant que cela soit terminé , mes autres enfans
demeureront libres de faire ce qu’ils voudront.
Mais comme les torls de Mad. Lamonteilhe ( naturellement
bonne, mais gouvernée par_ quelque b o u t e - f e u ) , ne diminue
ront jamais ma tendresse pour mes petites-filles, je déclare que
mon intention est de leur donner, par testam ent, tout ce qui est
à ma disposition, à la charge de la légitime de droit de leurs oncles,
et que la valeur réelle de Sauset entrera dans le règlement de cette
légitime comme bien paternel , attendu que c'est de moi que leur
père le tenoit.
Lors du mariage, Mad. Lamonteilhe ne me demandoit que
2.000 liv. de revenu. On me présenta un bail de Sauset à 3,ooo 1. ,
en me laissant ignorer que le bail étoit , peu de temps a v a n t, de
5.000 liv. , taux a u q u e l le revenu a été porté après le mariage.
L a réserve fut fixée à 1>0oo liv. , elle est la même depuis que
Sauset a été reporté à 5 ,ooo liv. ; elle jouit donc du double de ce
que je lui ai promis.
Sauset a tté acheté en 1808 par mon perc io 5 ,ooo livres;
�( 35)
8 o,ooo liv. en furent aussitôt payés avec pareil capital que mon
père a reconnu alors avoir à moi ( i ) , avec gooo liv. q u ’il a
reconnu avoir fait emprunter par moi à Paris sur ma signature ,
et reconnu avoir employées à payer Sauset (2) ; lje reste du prix
a été fait avec le prix de parcelles d ’héritages à C e y r a t , vendus
par mon père.
L e rachat de Sauset en 179$ a été payé avec le prix d ’héritages
à moi appartenant à Mont-Ferrand , revendus pour payer Sauset.
Je suis encore chargé de i 35 oo liv. de d e tte s, dérivant de l ’em
prunt fait pour payer S a u s e t , restées à la charge de ce bien par
l'acte de mai 1801.
J’ai payé le via g er,
m oyennant lequel Crèvecœ ur avoit été
acheté sous le nom de mes e n f a n s , et les frais du procès pour le
leur conserver, terminé en leur faveur par transaction de 1779*
J’ai payé la finance de la charge de gentilhomme ordinaire de la
chambre de Louis X V I ; et en mettant le titre sur la tète de mon
fils a în é, j’ai mis la fin a n c e de 5o,ooo livres sur leurs trois têtes
en commun ; libéralité qui prouve q u e j-'otois p lu s o c c u p é d ’eux
que de moi , car je n ’avois que cela au m o n d e , fruit de ma
sagesse , et que j’avois le mêm e zèle pour tous trois (3).
J’ai fourni à tout pour eux pendant le cours de quarante-trois
ans de mariage , sans être aidé par leur mère depuis 1773.
J’ai avancé pour leur entretien , éducation , p la c e m e n t, voyages
militaires et ceux occasionnés par la révolution jusqu'au premier
janvier 1793 , la somme de 36 ,400 liv., toute en numéraire. J’ai
avancé depuis pour eux en numéraire 32 , 3 i o l i v . , non compris
les divers frais pour affaires com m u nes, et ceux de tous les voyages
tant en A lle m a g n e qu’en France, commandes tant par les affaires
com m unes
que pour pourvoir au placement de c h a c u n , et les
(0 ^°Xez page9.
(a ) V o y e z l’acte île niai >8o i.
(3 ) 1 : ainti se seroit trouv<? ainsi avoir les frais du service ù sa ch a rg e, sans avoir
plus que les autres dans l'in térêt de la finance, sau f 45 o 1. par quartier pour la table.
E 2
�préserver, eux et leurs biens, des malheurs et pertes dont les
circonstances les menaçoient.
Je suis prêt à l’expliquer, à compter.
C e que j’ai reçu de mon père, avant ma sortie de F ra n c e ,
n ’est que l ’équivalent de la partie du cas d’incompatibilité ou
verte par la sortie de ma femme , le premier janvier 1773 , de la
maison de mon père, qui retenoit le reste pour nourriture de mes
enfans; un compte régulier le prouveroit.
T o u t ce que j ’ai reçu de ma sœur depuis le rachat de mes
biens , a été employé pour aider mes enfans, aux affaires com
munes , â payer les dettes, entre autres à payer ma tante
D ucrozet, ma s œ u r, etc. e t c ., le tout en numéraire, sans que
personne ait reçu d’assignats, ou ait été renvoyé sur le grandlivre.
En résultat, je suis en avances pour ma famille de près de
100.000 l i v , , indépendamment des créances d o n t j’ai parlé cidessus. J’ai fait ces avances sans avoir jamais possédé un pouce
de terre de ma famille , mon père s'étant borné à m ’instituer
héritier sans me revêtir d ’un seul héritage.
Je les ai faites sans avoir jamais possédé un pouce d’héritage à Mad.
A u b ie r, sans avoir jamais touché un soude son avancement d ’hoi
rie placé c h e z ^ n père par IejjÎK?n , ni d’aucune autre manière.
Je les ai faites quoique privé, depuis 17 7 6 , de tout revenu
d ’elle, c a r , depuis cet instant, tout revenu lui a été abandonné,
quoique j'aie gardé les trois enfans ;
J’ai tout fait sans avoir une hypothèque à offrir aux amis qui
m ’offroient leur bourse : et l’on s’étonne que je leur d o iv e encore
20.000 liv. en reliquat de tant d ’avances !
Et on veut me refuser les moyens de les payer, même le titre de
propriété dont ils demandent que je justifie, pour attendre que
les revenus les payent petit à petit !
L e revenu du verger et de tout ce qui reste en réserves viagères
de toute espace, y compris les 5 oo liv. que j ai retirées de mon
fils de R io u x , est actuellement de 2800 livres : c ’est sans e sp o ir
�( $7 )
d ’augmentation depuis là perte dés liquidations, 'et que tous les
petits recouvremens de reliquats de vente sorit finis.
Il y a à payer par an a3oo 1., pour intérêts de dettes ou en à-compte
sur le capital de 20,0001., jusqu’à ce qu’il soit éteint;ce qui sera long.
Dans ces dettes il n’y a pas un sou emprunté pour moi ; toutes
sont reconnues par divers actes de famille signés de ma sœur et
de mes e n fa n s, dont un billet d ’honneur de mon fils de R io u x,
portant d’avance adhésion aux arrangemens que je viens de prendre
pour les dettes : chaque année il paroit quelque réclamation pour
reste d ’affaires et de frais à liquider; en sorte que l’année 1810,
il y a eu déficit d’entour 65 o liv. : cette année il sera plus fort.
. Ainsi j’ai vécu des bienfaits de mes augustes ‘protecteurs, et
je vis encore de quelques reliquats de mes économies sur le fruit
de mes services dans des places honorables mais très-peu utiles;
économies que j’ai faites à force de privations qui, à 65 ans,
deviennent plus pénibles.
r
Que pouvois-je et q u e p u is - je f a ir e de mieux pour contenter ma
famille?
.
J'aurois renoncé à tout pour avoir la paix, si mes engagemens
pour dettes de famille ne m'avoient pas rendu absolument néces
saire ce qui est encore sur la tête de ma sœur, mon prête-nom.
Si ce n’éloit pas pour mon compté- qu’elle eût acheté, revendu,
subrogé, m ’auroit - elle à chaque instant demandé des actes de
ratification, de garantie envers et contre tous de toutes recherches,
pour toutes opérations , etc. etc. Je les ai donnés, répétés.
M . de St. Mande a l’àme la plus pure, un cœur excellent;
ma sœur est serviable, elle l’a bien prouvé.
Mais que de maux me coûtent les rivalités et les entêtemens des
dames de ma familleà qui j'ai affaire depuis 40 ans ! Elles ont entra
v é , daos chaque occasion , ce que j’ai entrepris pour mes en fa n s,
rendu inutiles mes efforts ; et aujourd’hui ma sœur se conduit
commesi ellevouloitdéfaire ce qu’ellea fait pour moi ; cependant son
cœur est naturellement bon ; tout est l’ouvrage de mauvais conseils.
Je ne veux pas croire que le magistrat d ’Issoire que ma sœur dit
�être son conseil, soit l’auteur des difficultés que j’éprouve , parce
qu’en me parlant à moi - m ê m e , il m ’a montré des opinions
opposées à celles qu’on veut lui prêter ; sa correspondance avec
le médiateur pour tout arranger amiablement , repousse ce
soupçon.
L e jurisconsulte que ma sœur a chargé ici de sa cause contre
m o i , est un homme probe, moral, instruit; mais un avocat n’est
pas toujours l’auteur du s y s tè m e qu’il défend avec chaleur; il y a
souvent, derrière la partie qui lui prescrit ce système, un souffleur
tout puissant sur l’esprit de la partie, que l’avocat ne connoit pas,
ne soupçoune pas.
Il y a encore tant de ces incurables de l’ anarchie (i), bien mas
qués en régénérés, qui s’industrient pour brouiller les familles
qu’ils ne peuvent plus torturer autrement ; ils ont tant de plaisir
à vexer l'homme qui eut le malheur d’êlre remarqué pour sa fidé
lité aux principes de la monarchie et i son chef.
Il m ’est tout à fait inconnu , celui qui a le talent de conduire
ma sœur d ’une manière si opposée à son caractère naturellement
noble, délicat, tel qu’elle l’a montré à mon égard jusqu’au mariage
de mon fils Lamonteilhe.
Je suis persuadé que souvent elle déplore en secret la foiblesse
qui l’a fait céder à ces conseils; mais elle croit prouver qu’elle a
du caractère en y persistant.
Vous qui lui avez fait refuser pendant si long-temps tout arbi
trage, qui lui avez fait rejeter la transaction rédigée par le média
teur de son choix ; vous qui voulez me faire punir par elle-même
de la confiance que j’ai eue en elle;
Vous qui avez choisi pour me porter vos coups la main d’une sœur
en qui tant de malheurs domestiques et publics avoient concentré
mes affections et ma confiance, la main d ’une belle-fille que j ’avois
préférée quand quelques souvenirs pouvoient m ’en éloigner;
( 1 ) Ils ont fait pt'rir mon père en p ris o n , îlgti de 77 ansj fait fu s ille r, à L y o n ,
mon ir c r c , chanoine de la C athédrale: leu r avoir échappé est un crim e.
�Vous qui couvrez votre système du nom de mes petites-filles,
pour le rendre plus cruel à un cœur trop sensible;
Montrez-vous : venez dire vous-même en quoi je suis un per
turbateur d’acquéreurs nationaux.
Vous avez des appuis, mais nous avons un préfet juste; le
tribunal où l’affaire va être jugée l'est également : je lui prouve
que c’est moi qui ai été l’acquéreur national de mon propre bien ,
que mes petites-filles le tiennent de rnoii
Quand ces petites innocentes viennent à moi, en sautillant,
me dire : Comment te portes-tu, grand-père? elles ne se doutent
pas que vous voulez me faire dire par elles, devant le tribunal:
l yu es mort pour nous , fu is de nouveau tafam ille ; maman veut
que tu n’en sois plus.
i'
- Non , ce n’est pas là ce que pense-ma belle-fille.
J’appelle d ’une dame séduite par de mauvais conseils, à ma
belle-fille réndue à ses sentimens naturels, faisant usage de son
propre jugement.
L e p ere de ma belle - fille a é té a u ssi s u r la lis te d es é m i
grés , et b ie n a v a n t m o i ; il y a v o it été m is à tort, à grand
tort ; il l’a prouvé par de bons certificats de résidence: mais
si Mad. Lamonteilhé se fût mariée pendant que son père étoit
encore sur la liste, certainement elle .n’auroit pas élevé contre
son père et ses sœurs la question qu'elle veut élever, au nom de
ses enfans , contre moi grand-père, de la tendresse de qui leur
père tenoit tout ce qu’elles ont ; elle n ’auroit pas dit à son père :
Vous êtes mort civilement pour m oi, vous êtes retranche de la
fam ille. Non certainement : sa conduite passée répond pour elle.
E
mmanuel
A U B I E R - L A M O N T E I L H E , Père.
1M B E R T - B A R T H O M E U F , Avoué.
N o la . On re co n n o îtra aisém en t a u x fa u te s , a u x n ég lig en ce s do m on style,
que j’ai p assé les d ix -h u it d e rn iers
de ma vio au milieu d 'u n peup le q u i
p arle une au tre la n g u e. J’espère ce p e n d a n t q u ’on comprendra assez co que j ’ai
Youlu dire , pour ju g e r quo co n ’é to it pas lo ca s de m e m e n a c e r , co m m e l ’o n t
fa it ces d a m e s , d’un conseil de fam ille , c h e z lo juge do p a i x , ni do mettre , en
této do U lis te , M. C h a m p ilo u r et lo parent d o n t j ’ai p a rlé à la p age 17.
�( 4o)
P R O J E T à!Acte proposé par 31. de S t. Mande a M . A ubier,
en juin 1810.
N o ta . L es deux parties qui sc trouvent à la s u ite , en n o te , entre, deux paren
thèses , sont les additions propose'es par M. A u b ie r ; la prem ière se trouve tldjà dans
plusieurs actes précédons ; M. de St. M ande a refusé l’a c te , quoiqu’il r eût p ropose,
à cause de la reserve contenue dans la seconde addition.
]N"ous , soussignés, sieur Benoît Fabre de St. M ande, Marie-Françoise A u b ie r,
épouse dudit sieur de St. M ande, et Emmanuel A u bier, leur frère et beaufrère , avons fait les reconnoissanccs et décharges qui suivent :
»•1 x- .
'
,
Benoît Fabre de St. Mande reconnoît qu’il ne lui est rien dû de la consti
tution dotale faite à la dame son épouse, par leur contrat de mariage du.........
Quo les douze mille francs qui restoient à payer do cette constitution, au
décès de M . Antoine A ubier, pèro ot beau-père des soussignés , l ’ont été en
dix-huit cent un et dix-huit cent deux, sur les fonds que ladite dame a eus à
sa disposition , pour lo compte dudit Emmanuel Aubier, soussigné j que tous
actes relatifs à cet objet ne peuvent lui être opposés comme faisant double
emploi : lo sieur Fabre de St. Mande renonce à toute action contre ledit
sieur Emmanuel Aubi«r pour cause de cette môme constitution , comme ledit
Emmanuel Aubier contracte l ’obligation de ne rien répéter contre lad. dam®
sa sœ u r, pour cause de la gestion et administration qu’elle a faite pour lui ni
autrem ent, reconnoissant. que tout ce qu’a fait ladite dame dans les temps
malheureux de la révolution, a été fait de concert avec lui $t n’a été fait que
dans les vues et la seule intention.de sauver de la tourmente révolutionnaire ,
pdur le compte dudit Emmanuel A u b ier, alors fu gitif, quelques débris tant
de sa fortune que de celle de Jean-Baptiste A u b ie r, chanoine de l’église de
Clerm ont, supplicié révolutionnairement à L yo n , et que ladite dame de St.
Mande n’en a rien retenu, dont quittance et pleine et entière décharge *.
11 sera passé à la premièro réquisition da l’une ou l’autro des parties, mais
aux frais d’Emmanuel Aubier seu l, acte notarié des présentes **.
* ( A vec prom esse, de la part dudit Emmanuel Aubier , de garantir M ad.
de St. M ande de toutes recherches. )
** ( D e même qu'acte notarié de la -transmission de tous biens ou droits
ayant appartenu soit à Antoine Aubier p è r e , soit à Jean-Baptiste A u b ie r,
chanoine, ou provenus il'eux , f/ui pourraient encore sc trouver entre les mains
ou sous le nom do M ad. de St. Mande ).
TRANSACTIOty
�(4 0
T R A N S A C T I O N re'dîgëe par le médiateur choisi par M ad. de
S t. M an d e, signée à Paris par M . Aubier, le a 5 juillet der
nier , envoyée par le médiateur à M ad. de S t. Mande , et par
elle refusée.
JN fou s, soussignés, sommes convenus de l’acte qui suit:
P a r -d e v a n t , e t c .
Sont comparus Emmanuel A ubier, seul héritier contractuel d’Antoine Aubier
p è r e , admis au bénéfico d'inventaire, d ’une part j
M. Benoît Fabre de St. M ande, en qualité de maii et maître des biens
dotaux de Marie-Françoise Aubier son épouse , et ladite dame de lui autorisée,
d’autre part ;
Lesquels , pour terminer tout ce qui peut les diviser, et spécialement l ’ins
tance pendante au tribunal de première instance entre lesdites parties , sur
la citation à eux faite à la requête d’Emmanuel A u b ier, par exploit d u ...........
et celle formée contre ledit sieur de St. Mande , par lequête et exploit du . . . .
ont transigé irrévocablement ainsi qu’il suit :
A r t . 1er. Emmanuel Aubier approuve et ratifie do nouveau, en tant que de
besoin , co qui a été fait par la dame de St. Mande sa sœ ur, en vertu des
pouvoirs confidentiels par lui donnés, confirmés ensuite par diverses procura
tions , i°. pour acheter du domaine national les biens provenus des successions
d’Antoine Aubier leur père com m un, et de Jean-Baptiste Aubier leur frère ;
lesquels biens étoient échus audit Emmanuel Aubier, en vertu de son contrat
de mariage et par l'effet des renonciations portées dans celui des sieur et dame
de St. Mande ; 2°. pour payer lesdites adjudications , régir et administrer les
biens qui en faisoient partie ; 3°. pour revendre , échanger diverses parties
desdits biens , et spécialement pour subroger Jérôme A ubier, second fils d’Em
manuel , à la possession de Sauset.
Emmanuel Aubier reconnoit que le tout a été fait pour son compte , avec
son autorisation et consentem ent, ainsi qu’il est porté par divers actes , notam
ment celui de mai i8oi , déposé chez. M. G ile t, notaire , et la subrogation
do Sauset reçue C o ste, notaire , l ’un et l’autre dûment enregistrés.
En conséquence, il promet do garantir et indemniser M . et Mad. do St.
ISlando envers et conlro tous de toutes recherches quelconques.
A r t . 2. I’ourtout terminer, Marie-Françoise A u b ie r remet par ces présentes
it Emmanuel Aubier son frè re , le verger situé entre Cloi rnont et M ont-Ferrand , confiné au midi par la grande tou te, du nord par le pré du Mas.
F
�\ \ ;À
( 42 )
C e p ré dem eu rera ch a rg é , 1°. des g a ra n tie s p ro m ises p ar E m m a n u el A u b ie r
a u x sieu r et dam e de S t. M a n d e , p a r p r iv ilè g e à t o u t ; 2°. de la rente v ia g è re
cré é e , au p ro fit d e M a d e m o ise lle de B a r , p a r a c te d û m en t en registré ; 5 °.
de la g a ra n tie des tr e iz e m ille c in q c e n ts fra n c s m e n tio n n é s dans l ’a c te de
m ai
i
8 o i , tan t d u c a p ita l q u e des in té r ê t s , ju s q u ’à ce q u ’il y a it é té p o u rv u
p a r arran gem en t entre tous co -in té re ssés.
A r t . 3 . E m m a n u el A u b ie r co n tin u e ra de jo u ir et p e r c e v o ir s e u l les sep t cen ts
fra n c s de ré serv e via g è re a lim en ta ire su r la t ê te d u d it E m m a n u el , p o rtés en
la s u b ro g a tio n
de
S a u s e t su s m e n tio n n é e ; les
via g e rs a lim en ta ire s dûs
ce n t q u a tre -v in g t-se p t fra n cs
p a r F ra n ço is D e sfo rg e s ; c e n t v in g t fran cs via g e rs
alim en ta ire s dûs p a r A n n e t V a isset ; q u a ra n te fra n cs v ia g e rs a lim en ta ire s dûs
p a r L a n tin ; et tro is cen t s o ix a n te fra n c s via gers a lim en ta ires dûs p a r M .
B o u ta u d o n , to u s é g a le m e n t cré é s s u r la tête du d it E m m a n u el A u b ie r .
A r t . 4 - M . B en oît F a b re de S t. M a n d e re co n n o ît que p en d a n t que sa fem m e
a é té ch a rg ée de l ’a d m in istra tio n des a ffa ire s de son frè re , elle lu i a p a y é ,
p o u r le co m p te d u d it E m m a n u el , la so m m e de d o u z e m ille fra n c s en c a p it a l,
d o n t le d it E m m a n u el A u b ie r é to it resté d é b ite u r en v ers le d it sieu r B en o ît
F ab re de S t. M an d e , p o u r c o m p le tte r le p a y e m e n t des tren te m ille fr a n c s ,
m o n ta n t de la c o n stitu tio n d o tale de la d ite d am e de S t . M a n d e .
E n c o n s é q u e n c e , led it sie u r de S t . M a n d e et so n é p o u se de lu i au to risée ,
tien n en t q u itte le d it E m m a n u el A u b ie r de t o u t ; d é cla ra n t n ’a v o ir p lu s rie n
à p ré te n d re n i su r le s d ites su cce ssio n s , n i su r les bien s ra ch e tés , n i co n tre
le d it E m m a n u el A u b ie r , q u i d em eu re su b ro g é à leu rs d ro its.
T o u s p ap iers de fam ille é ta n t e n co re a u p o u v o ir do M a d . de S t. M a n d e ,
s e r o n t p a r e lle re m is de b o n n e foi a u d it E m m a n u el A u b i e r , q u i dem eu re
ég alem en t a u to risé à les re tire r de to u s d é p o sita ire s. Il en sera fa it é ta t so m
m a ire a u bas d u q u el il en d o n n era d é ch a rg e .
F a it d o u b le en tre
nous , avec
p ro m e sse do p a sser le p ré se n t a c t e d e v a n t
n otaire à la p re m iè re ré q u isitio n de l ’un de n o u s , et a u x fra is do M . A u b i e r ,
le v in g t-six iè m e de ju ille t m il h u it c e n t o n ze .
A CLERMONT , de l'imprimerie d e L a n d r i o t , Imprimeur-Libraire ,
rue St.G enès.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, Emmanuel. 1811?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Aubier-Lamonteilhe
Imbert-Barthomeuf
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Exposé des faits de la cause pendante au tribunal de première instance, entre Emmanuel Aubier-Lamonteilhe père, et M. de Saint Mande et Marie Aubier, son épouse, sœur d'Emmanuel.
note manuscrite : « voir le jugement à la page 573 et l'arrêt à la page 628. »
texte de la transaction rédigée par le médiateur.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2122
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53418/BCU_Factums_G2122.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Augerolles (63016)
Berlin (Allemagne)
Lyon (69123)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53395/BCU_Factums_G2025.pdf
5854313706a8a4f6e83e1f5f0accbe92
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Text
OBSERVATIONS
y'
'
r1
'
' P O U R
D am e B O N V O U S T
.
la
DE
:
•
PRU SLAY,
R o c h e l a m b e r t , autorisée
épouse
en ju s t ic e ,
intim ée et appelante ;
‘ C O N T R E
Les Héritiers bénéficiaires et Créanciers unis
d'E m m anuël-Frédéric de T a n e , appelans ;
T A N E , intimé ; E t i e n n e - J e a n N A T T H E Y , aussi intimé.
A m éd ée de
L ouis
Q u e l q u e s moyens qui n’appartiennent qu’à la dame
de P ruslay, une qualité qui lui. est propre et qui ne se
rencontre pas chez le sieur la R ochelambert, des intérêt?
qui ne p ouvoient pas sc confondre sans être, m éconnus
A
�ont etc des motifs suffisans pour elle de ne pas faire
cause commune avec son époux.
Quelques faits qui ne sont pas encore assez exactement
connus, et qui la concernent plus particulièrement, ont
besoin d’être mis sous les yeux de la Cour.
E t enfin , il ne sauroit être inutile de rapprocher
certains faits principaux qui sont communs aux deux
é p o u x , et qu’une discussion plus étendue n’a pas permis
de rendre aussi saillans. - '
C ’est là tout le but de la danie la Rochelambert. L e
m émoire du sieur N atthey, et celui nouvellement dis
tribué par les créanciers, la forcent de publier ces obser
vations.
-:V-
P a r son contrat de mariage avec le sieur la R o ch cla m b e r t, la dame de Pruslay se constitua tous les biens
dont elle jouissoit à cette époque. L a dame B o u rn e v ille , sa m è r e , lui donna en avan
ce m en t d’hoirie une somme de 120000 francs, et un
trousseau.
Il fut stipulé qu’en jouissant des revenus d o ta u x , le
mari lui payeroit une pension annuelle de 2000 francs.
lin lin , cjuo tous les autres biens qui échoiroient ù la
f u t u r e , par succession , donation , ou autrem ent, lui
appartiendroient en paraphernal.
E n 1788, fut acquise en commun la terre de Cliadieu:
fut-elle revendue de môme ?
Non. L e sicur de Saint-Poney la vendit à Sauzay en
1791 ; il s e ,prétendit fondé de procuration de la dame
la llo c hclambcrt ? et il u’en nvoit que pour emprunter
�ftot.
C 3 )
60000 fr. ; et cependant Sauzay acheta sur cette procu
ration bien connue de l u i , et annexée h son contrat :
il revendit de même.
• Si donc la dame la Rochelambert avoit voulu porter
le trouble dans cette cause, elle avoit un moyen assuré ;
on n’auroit pu lui opposer fructueusement , ni la loi
Q uintus M u c iu s , puisqu’elle a des paraphernaux , ni
une opposition de 1792', ni une inscription de 1808,
ni aucuns autres actes prétendus approbatifs qu’elle n’a jamais faits ni donné pouvoir de faire.
Mais confiante dans la force de ses m oyen s, elle ne
fera en ce moment aucun usage de ce droit incontestable.
11 faut observer ici qu’après la vente de 1788 les
sieur et dame la Rochelambert avoient versé en quatre
payem ens, dans la caisse de T r u t a t , une somme de
178000 fr. ; que 111000 fr. avoient été em pruntés, et
que les prêteurs avoient été subrogés aux privilèges des
créanciers primitifs ; qu’enfin , parmi ces prêteurs se '
trouvoient le sieur de Tane-Santenas, pour 30000 fr., et
la dame Bourneville, pour 44000 f r . , qui appartiennent
aujourd’hui en paraphernal à la dame la Rochelambert,
sa fille.
Q uoi qu’il en s o it, il faut dire un m ot de la vente
de 1791.
E lle est faite moyennant 5 ooooo f r . , dont i 25 ooo fr.
sont payés aux vendeurs.
Ils reçoivent en outre 30000 fr. pour le m obilier consi
dérable dont ils avoient garni le chûtcau et les bâtimens.
Enfin les 376000 fr. doivent être payés aux vendeurs,
ou y. si bon sem ble, à leurs créanciers, et spécialement
A 2
�..................................( 4 . )■
aux créanciers privilégiés sur la terre cîc C liadieu, dans
le courant d'une a n n ée, et non de deu x, comme le pré
tend Natl'hey.
Quels étoient ces créanciers privilégiés su r C lia d ieu ,
dont on entendoit parler ? L a suite nous l’apprendra
peut-être un peu mieux que ne le fait le sieur Nattliey.
L a vente de 1788 fut frappée de soixante-treize oppo
sitions individuelles.
Celle de 1 7 9 1, de huit seulement; mais il faut y remar
quer celle des créanciers u n is , et celles des préteurs de
111000 francs, subrogés aux privilèges des créanciers
qui avoient été payés de leurs deniers.
Ces oppositions , ot les lettres de ratification prises par
Sauzay, avoient formé un lien judiciaire entre ces créan
ciers opposans et Sauzay; dès-lors, celui-ci ne fut plus
libre de payer à d’autres qu’à eux : mais quand après
cela il auroit encore pu faire l’option qui lui étoit laissée
par le contrat, il ne l’auroit pas conservée long-temps. E t
c’est ici qu’il faut parler de sa déclaration ù la munici
palité d’A u teza t, d u ......... I 7 9 2Les mémoires ont appris que Sauzay ne fit celle dé
claration, comme il le dit lui-m em e, que pour donner
des preuves de son civism e, mais avec la résolution de
conserver les deniers entre ses mains , parce q u 'il a ,
d i t - i l , pris des lettres de ratification..........et que ces
som m es seront absorbées et au delà par les créanciers
opposans, qu’ainsi la république ne pourra ja m a is en
profiter.
Il éloit impossible assurément de mieux faire l'option
donnée par le con tra t, de payer aux créanciers oppo
�( 5
)
sons, à supposer qu’elle eût pu encore être nécessaire.
Cette option faite dans l’intérêt de Sauzay, l ’étoit aussi
dans l’intérêt de ses vendeurs; car elle avoit pour objet
de les libérer envers des créanciers, sinon personnels,
au moins hypothécaires.
Dès ce moment le contint devint parfait; Sauzay n’eut
plus le droit de payer à. ses vendeurs, en fraude des
créanciers; les sieur et dame la Rochelambert n’eurent
plus le droit de rien exiger de l u i , au préjudice des opp o
sitions et de l ’engagement qu’il avoit contracté envers
les opposans : tout dut se passer entre Sauzay et les opposans; mais les vendeurs de Sauzay eurent toujours droit
et intérêt de surveiller le payement.
C'est dans cet esprit qu’il faut lire la vente du 7 nivôse
an 2.
Il 11’est cependant pas inutile de remarquer en passant,
que par cela seul Sauzay ne considéra pas seulement
comme créanciers privilégiés les prêteurs des 111000 fr.,
mais bien les créanciers de T a n c , opposans ; et en effet
les prêteurs des 111000 fr. n’avoient de privilèges que
ceux auxquels ils avoient été subrogés par des créanciers
hypothécaires, payés de leurs deniers.
Quoi qu’il en soit de ce fait, d’ailleurs assez indifférent,
Sauzay 11e crut pouvoir se dégager de son obligation
envers les créanciers opposans que par une délégation
forme lie.
Il avoit déjà vendu un moulin et un pre a Feuillant,
moyennant 61000 fr. qui étoient restés entre les mains
de l’acquéreur, et qui y sont encore.
Il vendit le reste a W « llier le 7 nivOsc an 2 .
�( 6 )
II seroit superflu de copier textuellement ici la clause
de cet a c te , qui a rapport à la contestation ; la Cour
sait q u e , par une précaution que lui commandoit sa p o
sition vis-à-vis des créanciers opposans, Sauzay leur fit
délégation expresse de 3Ô5ooo francs.
P ar reflet de cette d élégation, W a llie r se trouva direc
tement obligé à payer aux créanciers; et cette obligation
ne fut pas seulement relative à Sauzay, niais bien aussi
aux sieur et dame la R ochelam bert, premiers vendeurs,
et qui avoient été débiteurs de cette somme.
Mais Sauzay leur devoit 376000 francs, et des intérêts
montant à 39062 fr. ; il s’en falloit donc de 59062 fr.
que la délégation fnt entière. U n e dernière clause de
l’acte, qui n’est pas encore connue, va expliquer ce qui
peut encore être douteux à cet égard.
« Sauzay déclare que cette somme de 366000 francs,
« ensemble les 61000 fr. de prix principal et intérêts,
« sont plus que suifisans pour désintéresser les ayans
« droit de ses vendeurs ; au moyen de quoi les parties
« conviennent que l’excédant de ce que devra ledit
« S a u .n y , lui sera payé par l’acquéreur qui s’y soumet
« expressément. »
Il résulte de là que Sauzay destinoit au payement des
69062 francs, les 61000 francs dûs par Feuillant.
E t Nalthey en tire la conséquence que ces 6 ioûo fr.
lui furent délaissés en p r o p rié té , la charge par lui de
payer la totalité de 376000 francs et intérêts; et comme
il a versé cette somme en assignats de l'an 4, que les
61000 francs sont encore en num éraire entre les mains
de Feuillant, il doit, suivant lui, avoir encore eli bénéfice
�<& oS
( 7 )
cette somme de 61000 francs; ce q u i, au reste, ne con
cerne pas la dame la Rochelambert.
Il paroît que le 24 pluviôse an 2 , la régie considérant
les sieur et dame la.Rochelambert comme ém igrés, fit
à S a u za y une sommation de payer le p rix de Cliadieu
en deniers ou quittances.
Sauzay n’en prit pas ombrage; il ne fit pas le moindre
mouvement ni vis-à-vis la régie, ni même envers W a llie r ;
il ne lui dénonça pas la sommation.
Cependant.on rapporte aujourd’hui une quittance du
' 26 floréal an 2 , bien étrangère à Sauzay; elle est donnée
à Natthey par le receveur de Saint-Amant, pour 355 ooo 1.,
dites déposées entre ses mains.
1 Si cette pièce p a u v o it ùtvc de la m oindre utilité dans la
cause, on demanderoit u celui qui voudroit en argumen
te r, quel caractère d’authenticité peut avoir la signature
du sieur M augue de Saint-Am ant, lorsque les registres
publics du receveur, seuls capables de faire fo i, ne con'tiennent pas la moindre mention de ce prétendu ver, sement.
A uroit-elle même cette valeu r, la seule qu’on veuille
lui donner, sans d ou te, de faire présumer que peutêtre la terre de Chadieu a:coûté quelque chose ù Natthey?
Il est difficile de le penser.
Mais dans l’intérêt réel de la cause, tout cela est inu
tile à rechercher, car il a été fait des versemeris postérieurs. Il faut donc se borner A cxflnunci si ces vcise
mons ont libéré soit Natthey, soit les sieur et dame de
la Rochelambert ; et certes c’est ce qui n’est pas difficile
\
\
»
“<*A
�,( 8 A
à vérifier, quant aux créanciers unis, car tout consiste,
clans un fait mathématiquement prouvé.
L e sieur la Rochelambert avoit été porté sur la liste
des émigrés.
N a tth ey, bien formellement délégué par Sauzay qui
étoit lui-même directement obligé envers les créanciers,
savoit mieux que personne que s’il versoit entre les mains
des sieur et dame la Rochelam bert, il ne payeroit pas
valablement.
Il savoit aussi q u e , par la même raison , il ne pouvoit
pas se libérer eu versant dans les caisses de la république
pour leur compte seulement.
Il voulut donc effectuer ses vcrscmcus contre les c r é a n
ciers c a s - m ê m e s . Lisons la sommation du I er. nivôse
an 4 , que la Cour ne connoit pas assez.
Il y expose que les syndics et directeurs des créanciers
de T a n e , envers lesquels il est tenu de libérer son ven
deur , o n t, par leur opposition, élu domicile---Que le receveur de •l’enregistrement est, par reflet de
la nouvelle lo i, leur unique séquestre.
Q u i l ne connoît d’autres délégations que celles con
tenues audit acte du 7 nivose an 2 ,*
Enfin , il somme les créanciers, tant au nom de Natthey
qiCciu nom des sieur et dame la R o ch ela m b ert, de se
trouver chez le receveur, etc.
A u jour indiqué, il obtient sa quittance pour la libé
ration de Chadieu.
Remarquons encore ici que les créanciers unis n’a voient
k réclamer que 263980 francs; et Natthey veut payer et
paye
�«&6>
( 9 )
■paye en effet 375000 francs, et les intérêts : en sorte
qu’il avoit intention d’y comprendre, comme il prétend
en effet y avoir compris les 111000 fr. dûs aux prêteurs
subrogés.
E t il le falloit bien ainsi ; car l ’obligation contractée
par Sauzay en prenant des lettres de ratification, et celle
de Natthey résultante du contrat de l’an 2 , avoient pour
objet la totalité des 376000 francs.
O n aura spécialement à examiner ici si .cette obliga
tion a été entièrement exécutée.
E t dès à présent observons que les créanciers unis
furent seuls sommés de se trouver à la consignation.
L e 11 brumaire an 1 1 , après sept ans d’inaclion, les
syndics font à Sauzay nno som mation do p ay e r 2 6 3 9 8 0 fi*.
q u i sont dûs par ledit S a u za y a u x créanciers de Tane..,.
au m oyen de Vopposition eï la charge, de laquelle ont
été scellées les lettres de ratification.
P a r cela seul ils-acceptaient la délégation portée par
cet acte à leur profit.
!
• Que fit Sauzay? garda-t-il envers ces'-créanciers, qui
ctoient les siens, le même silence qu’il avoit tenu en l’an
2 contre la république? Non ; il dénonça sa sommation
à Natthey le 22 pluviôse suivant.
N atthey, pour se débarrasser de cette poursuite q u ’il
rcconnoissoit légitim e, fit assigner à Clermont les créan
ciers un is, mais eux seuls, et il obtint le jugement de
l ’an 12.
Fixons-nous sur cc jugement. Il déclare Natthey bien
et valablement libéré ;
B
-.V.
�-SÔÎ.
r <•
( 10 )
E t , en co n séq u en ce, ordonne la mainlevée des oppo
sitions.
P ourquoi cette mainlevée ordonnée comme consé
quence de la lib éra tio n , si ce n’est parce qu’il fut jugé
que la libération de Nattliey avoit profité a u x créan
ciers , et éteint leur créance ?
E t comment leur créance auroit-elle pu s’éteindre par
leur fait contre le détenteur qui avoit pris des lettres de
ratification, et subsister contre tout autre?
A u reste, le jugement est fo n d é, i°. sur ce que les
receveurs d’arrondissem ent fu r e n t substitués a u x notaires-séqtiestres. . . . ;
2°. Sur ce tjuo îinttlicy n clii verser le prix do Cliacîieu.
dans les caisses nationales, soit à titre de dépôt, soit à
titre de payement.
Il est donc jugé q u e , quant à ce , Nattliey a versé le
p rix de la vente, et que ce prix a été reçu par les créan
ciers ou pour eux; que Nattliey est lib é ré , et que les
créanciers sont payés.
E t pour achever sur ce poin t, il faut rappeler ici que
le jugement dont est a p p el, en recherchant si les créanciers
de T an e ont encore quelques droits, déclare que c’est
chose jugée pur le jugement de l’an 12, et les condamne,
sur ce m o tif, contre toutes les parties.
Ils interjettent appel tant contre Nntthcy que contre
les sieur et dame la Rochel.unbeit. Cet appel leur donnoit
encore la faculté de se pourvoir contre le jugement de
l’an 1 2 , s’ils eussent cru que leur cause en fût devenue
meilleure.
�Mais bientôt ils abandonnent leur appel contre Natthey,
par un acte signifié. L e département est accepté ; le juge
ment de l’an 1 2 devient inattaquable; et désormais Natthey,
leur débiteur direct, leur seul et véritable débiteur, se
trouve irrévocablement affranchi de leur action. E t ils
prétendroient encore en conserver une vis-à-vis l’acqué
reur originaire qui a revendu à la charge de les payer,
lorsqu’ils ont accepté cette charge par leurs oppositions!
Ainsi disparoissent toutes les difficultés qu’on a fait
naître sur cette branche de la contestation. L a seule chose
qui ait le droit d’éton n e r, c’est que les créanciers unis
croyent encore avoir une cause contre la dame la Roclielambert.
Mais ils ne sont pas les seuls qui réclament contre
e lle : Oïl n ’a p a s e n c o r e p a r lé d e s d cm n n clcs r e la t iv e s a u x
1 1 1000 francs empruntés, et de la garantie réclamée à cet
égard contre Natthey.
T o u t ce qu’on vient de dire en fait se rapporte direc
tement à cette partie de la cause; car respectivement aux
créanciers unis, il suflisoit de leur opposer le jugement
de l’an 1 2 , et le département d’appel.
Mais les prêteurs des n 1000 francs, quoiqu’opposans
aux lettres de ratification de Sauzay, ne sont pas parties
dans ce jugement : il n’y a donc rien de décidé vis-à-vis
eux. Il faut donc examiner la force de l’engagement réci
proque des parties; et sans même s’inquiéter, quant à
ces créanciers , de ln question de savoir s’ils sont ou
non payés, rechercher si ce ne scroit pas encore aujour
d’hui l’obligation de Natthey, à supposer qu’elle ne fut
pas remplie.
�( 12 )
A cette occasion il n’est pas inutile de remarquer com
ment s’est engagée la procédure.
O n a vu que S a u zay, libre de faire une o p tio n , avoit
déclaré vouloir payer aux créanciers, et qu’il s’y étoit
obligé par ses lettres de ratification ;
Q ue revendant lu i-m êm e, il avoit imposé à son acqué
r e u r, "parf o r m e de délégation, l’obligation formelle et
sans co n d itio n , de leur payer 355ooo francs.
Lorsque les sieur et dame la Roclielambert ont été
assignés en mainlevée de leur inscription et en payement
de la rente d’A m éd ée de T a n e , il a été présenté au
tribunal de Glermont une requête par laquelle on demande
acte de ce qu’ils dénonçoierit à N a ttb e y , soit le comman
d em en t d ’ A i n c d é e , s o it les
in sc r ip tio n s
p rises
sur
le u i’S
biens par les créanciers.
Considérant ensuite avec raison Sauzay comme obligé
envers e u x , et Nattliey comme obligé envers Sauzay,
on met de côté la vente de 1791 ; et exerçant le droit
de Sauzay, on arrive ¿1 la vente du 7 nivôse an 2. O n
conclut contre Nattliey qu’ il soit tenu de l’exécuter inté
gralement ; à ce qu'en conséquence il soit tenu de justifier
qu’il a rem pli tous les engagemens qui en résultent,
qu’ il s’est valablement l ib é r é , et à ce qu’il soit tenu de
faire cesser to u te s poursuites, et lever les inscriptions
prises sur les sieur et daine la Kochelambert.
Ainsi donc l’ intance s’est engagée uniquement sur l’exé
cution de l’acte du 7 nivôse nu 2 , dont le vendeur ori
ginaire avoit bien le droit de s emparer.
E t ccltc instance s’est engagée contradictoirement avec
\
�( ?3 )
toutes les parties,' par la dénonciation de céttè requête,
qui fut faite aux créanciers, au sieur de T a n e , et aux
héritiers M ontmorin.
Il s’agit donc d’examiner ic i, d’après tout ce qu’on
vient de d ir e ,
j .
i° . Si le sieur Natthey doit la garantie des poursuites
d’A m éd é e de T a n e ;
2°. S’il doit supporter l ’inscription supplémentaire de
la dame la Rochelambert, relativement à la créance du
sieur Saint-Prix et à celle de la dame Bourneville. ^
Ces deux questions se réunissent dans leurs moÿensr.
Dans un cas comme dans l’a u tr e , en effet, Natthey ne
peut échapper à l’obligation de justifier qu’il a rempli
ses engagemens. Cette partie de la cause n’est autre que
celle des créanciers u n i s , i p art la sommation de l ’au
4 , et le jugement de l’an i z , qui ne s’y a ppliqu en t pas}
Et ici comme v i s - à - v i s les créanciers un is, il faut
reconnoître que la consignation du dernier acquéreur
est tellement inséparable du droit des créanciers opposans,
que l’un ne peut pas être valable sans que l’autre soit
éteint.
Cela se prouve par le fait et les principes.
Par le fait, i° . en ce que la vente de 1791 , dont il
ne s’agit môme pas aujourd’h u i , contenoit une obliga
tion de payer aux vendeurs ou a u x ci'éanciers.
E t ici il faut observer avec le sieur Natthey (page 4
de son m é m o ir e ), qu’à supposer celle indication étran
gère aux créanciers un is, elle s’appliquoit directement
aux prêteurs des 111000 francs : d’où il résulte, d’après
�c i>
C I4 )
JNatthey lu i- m e m e , que ces créanciers furent sinon
délégués, au moins indiqués spécialement à Sauzay par
le contrat de 1791.
2°. E u ce que cette o b ligatio n , d’alternative qu’elle
<5toit, est devenue pure et simple par l’efTet de l’option
q u’en lit S a u za y , dans sa déclaration à la municipalité
d’A u tezat, et plus encore par l’opposition que firent ces
créanciers sur la vente de 1791? et les lettres de ratifi
cation que prit Sauzay à la charge de ces oppositions.
3°. .En ce que respectivement à Natthey , et par sa
vente du 7 nivôse an 2 , la seule dont il s’agisse, cette
obligation a pris un nouveau degré de force, puisqu’elle
a été imposée sans alternative, et comme seul moyen
de libération.
E t comme il est de principe que les lettres de ratifi
cation chargées d’une opposition, forment entre l’acqué
reur et l’opposant un contrat judiciaire qui a la force
d’ une délégation acceptée, la conséquence nécessaire qui
en d é riv e , est que l’opposant a été mis judiciairement
à la place du ven d e u r, et que le payem ent, pour être
valable, a du être fait à l’opposant lui-meine.
Il est certain que cet engagement contracté par l’acquéi'cur a profité irrévocablement au vendeur comme
aux créanciers , et que c e u x -c i ne pouvoieut pas s’en
départir en fraude de ses droits.
11 est certain que ces acquéreurs ainsi engagés envers
le ve n d e u r, parce qu’ ils l’étoicnt irrévocablement envers
les créanciers de T a n c , qui ne les ont ni délié ni pu délier
de cet engagement au préjudice du v e n d e u r, ont dû
�<t>\ 2»
C ¡s j
nécessairement verser de manière à ce qu’ il y fut pleine
ment satisfait; qu’ainsi ils ont dû consigner dans les inté
rêts communs des créanciers de Tarie et des'sieur et dame
la R o ch elam b ert, qu’il ne leur a pas été permis un seul
instant de dissimuler les droits acquis à ces créancièrs, ni
de rien faire qui pût les compromettre.
1
i •'*
D onc il est certain que cette consignation a dû être
telle qu’elle valût payement 'aux. créanciers et libération
à la dame la Rochelam bert; car elle pouvoit être telle,
en effet, comme le dit'-la loi;,'q u i vouloit que le verse
ment fût fait sans prêjudicier a u x op positions, et comme
le démontre M . M erlin : donc elle a dû nécessairement
l’être sous leur responsabilité personnelle.
Donc il n’a pas dépendit d’eux que par leur francïe
ou leur 'dissimulation, et pour leur intérêt personnel,
les deniers qu’ils ont consignés tournassent au profit de
la nation , qui ne les a jamais déliés de leur contrat
judiciaire avec les créanciers, et qui n’a jamais pu ni
voulu profiter à leur préjudice de deniers qu’elle a dé
claré, par ses lois, leur appartenir exclusivement à elle.
Tou te la question est de savoir si la consignation faite
par les acquéreurs libère la dame la Rochelambert envers
les créanciers : car si elle ne la libère pas, c’est par leur
fa it, et uniquement par leur fait; et dons cc cas leur
engagement judiciaire envers les créanciers subsiste tou
jours, soit nu profit de ces créanciers, soit au profit de
la dame la Rochelam bert, qui malgré eux a le droit de
le faire valoir.
'Voilà des vérités q u i, partant d’un principe incon-
�( i 6 )
testable, sont à elle-mêraes autant de conséquences entraî
nantes.
V o u dra-t-o n persister h dire que le contrat judiciaire
n’a pas empêché l’acquéreur de payer au vendeur lui—
même ; que le vendeur étant émigré ou réputé t e l , on
a payé valablement à la nation qui le représente? Ce
seroit un cercle vicieux et une fausse supposition. T o u t
ce qu’on vient de dire y répondrait d’a v a n ce , mais on
peut ajouter quelque développement.
. 11 n’est pas vrai que le contrat judiciaire opéré entre
l ’acquéreur et les créanciers opposans, laissa aux sieur
et dame la Rochelainbert le droit de recevoir person
nellem ent le prix.
11 est constant qu’au préjudice et sans l’aveu des créan
ciers, ils n’auroient pas pu , après l’obtention des lettres
de ratification , consentir avec les acquéreurs à la rési
liation de la vente : tout ce qu’ils eussent pu faire sans
appeler les créanciers opposans, eût été radicalement nul.
D e là , et par une raison de réciprocité incontestable,
est née, de la part des créanciers, l’obligation de suivre,
avec la dame la R o ch ela in b ert, l’efTet de leurs opposi
tions, et de faire d ire, comme ils le prétendent, que les
acquéreurs ne les ont pas payés, et qu’ ils sont encore dans
les liens du contrat judiciaire qui les a chargés de payer.
E t de la part des acquéreurs, celle de prouver qu’ ils
ont fait tout ce qu’ils dévoient pour acquitter, et la dame
la Rochelainbert, et eux-mêmes, envers les opposans, et
de le faire juger contr’eux, ou bien demeurer responsables
des suites du défaut de libération.
En
�( 17 )
~ E n effet, si les acquéreurs avoient payé les créanciers,
ils n’auroient rien eu à payer à la n a tio n , qui reconnoissoit que la préférence leur étoit due, et ne réclamoit
pas à leur préjudice.
Si donc il leur a plu de payer à la nation par pré
férence aux créanciers, ou de consigner sans les appeler,
ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes; et on ne peut
s’en prendre qu’à eux s’ils ont fait un mauvais payement.
E n un m o t, depuis l’obtention des lettres, Natthey ne
devoit rien à la n atio n , parce qu’il ne devoit rien aux
sieur et dame la Rochelam bert, n’ayant entre les mains
que la somme due aux créanciers.
Il devoit à Sauzay q u i , respectivement à l u i , étoit
son créancier im m éd iat, comme vendeur,
t II devoit aux créanciers opposons, à qui les 375000 fr.
appartenoient exclusivem ent, soit par la force de leurs
oppositions, soit par le fait de la délégation expresse et
spéciale de sa vente.
E t remarquons bien ici que lors de cette délégation
du 7 nivôse an 2 , les lois sur l’émigration existoient ;
que Sauzay les connoissoit parfaitement, ce que témoigne
assez sa déclaration à A u te za t, en 1792 ; que cependant
il n ’en délégua pas moins les créanciers opposans , et
que Natthey 11’en accepta pas moins la délégation.
Remarquons aussi que par cela seul, les stipulations
de la vente de 1791 furent effacées ; qu’elles ne concernoient pas Natthey, qui ne devoit voir que son acte et
sa délégation , et ne reconnoîtrc d’autres créanciers que
Sauzay et les opposans. O r , ni Sauzay, ni les créanciers
opposans n’étoieul émigrés.
.
G
�( 1 8 )
O n n’a donc pas pu payer à la nation comme repré
sentant les sieur et dame la R ocheïam bert ; aussi tout
témoigne-t-il que jamais ce n’a été l’intention de Nattliey,
témoin sa sommation de l’an 4 , où sentant bien la force
de ses obligations, il assigna les créanciers pour voir, par
sa consignation, libérer non pas le sieur Nattliey envers
les sieur et dame la Rocheïam bert, mais bien lui Nalthey,
Sauzay, son intermédiaire, etles sieur et dame la R o c lie lam bert envers les créanciers.
L a dame la Rocheïambert le répète ; elle n’a pas à
e xa m in er, la justice n’a pas à décider si les versemens
sont valables et légalement faits : qu’ ils soient bons ou
mauvais , il faut que le contrat judiciaire s’exécute ; il
faut que la dame la Rocheïambert soit libérée.
Il faut que Nattliey fasse dire que Santeuas est payé,
ou qu’il le paye lui-même.
Il faut qu’il justifie la libération pour ceux des créan
ciers des 111000 fr. qui n’ont pas encore réclam é, ou
qu’il souffre l’inscription du vendeur.
Il faut enfin qu’ il fasse valoir le payement entier des
375000 fr. que la daine la R och eïam b ert, de son chef,
ne veut ni 11e doit examiner.
Voilii des vérités démontrées.
L a dame la Rochelambcrt croit ccs réflexions suffi
santes : cependant, le mémoire du sieur Nattliey contient
quelques passages qui ne doivent pas rester sans réponse,
et qui la forcent d’allonger 1111 peu.
Il met en doute d’abord (pnge 7 ) , que la vente du 7
nivôse an 2 , contienne une délégation spéciale; comme
si elle n ’étoit pas spéciale et exclusive, en ,taut qu’elle
�fciy
( 19 )
est faite à des syndics d’union, donc h tous les créanciers
unis ;
Comme si les créanciers n’étoient pas spécialement
indiqués par leur qualité de créanciers opposans.
Il dit ensuite ( page 8 ) que cette délégation n’étoit
faite que par Sauzay ; que même la Roclielam bert, au
lieu d’être déléguant étoit délégué; qu’enfin la délégation
n’étoit pas absolue en faveur des créanciers.
M a i s , de bonne f o i , est-ce que Sauzay pouvoit faire
cette délégation pour lui sans la faire pour ses vendeurs?
leur étoit-il donc devenu étranger ? devoit-il autre chose
que le prix pour lequel ils lui avoient vendu ? en le
payant aux créanciers, ne l’a-t-il pas payé à la décharge
de la dame la R o clielam b ert ?
Sans doute les sieur et dame la Roclielambert étoient
délégués concurremment avec les créanciers de T a n e ,
mais seulement par une expression distributive ; ils ne
l ’étoient que pour ce qui pourroit leur appartenir après
les créanciers payés : et c’est ce qui démontre que la
délégation étoit absolue.
Immédiatement a p r è s , Natthey ajoute que la som^
mation du 24 pluviôse an 2 fit évanouir les réserves de
M . et Madame la Roclielambert pour recevoir le restant
du prix de Chadieu.
Il est donc v r a i, d’après lu i-m ô m e , que la déléga
tion étoit absolue-, que la Roclielambert n’étoit délégué
que pour le restant du prix après les créanciers payés.
Il oublie ce qu’il vient de dire : quelle légèreté !
Il soutient ( page 9 ) q u ’ il fut impossible de payer, soit
aux la R ochelainbert, soit aux créanciers, parce q u e .
G ,
�( 20 )
d’une p a r t , la loi ordonnent de verser dans la caisse
nationale, nonobstant toutes oppositions, com m e sans
y préjudicier ; que de l’a u tr e , les créanciers n’étoient
délégués qu’à cause de leurs oppositions.
Il est donc vrai que l’acquéreur avoit dû consigner
sans f a ir e préjudice a u x oppositio7?s ,• donc sans préju
diciel* au contrat judiciaire résultant des lettres ; donc
sans préjudiciel’ aux intérêts de la Rochelarnbert.
L a délégation des créanciers avoit évidemment deux
causes indélébiles; leur opposition d’ab ord, et la délé
gation elle-même après.
Eufin , bien loin de rendre le payement im possible,
soit aux un s, soit aux autres, tout cela ne faisoit que
rendre indispensable de j)ayer aux d e u x , i°. aux créan
ciers, puisqu’il n’étoit pas permis de leur faire préjudice;
2°. aux la Rochelarnbert, en la personne de la nation,
si toutefois il y avoit quelque chose de reste.
Inutilement ensuite , pour faire perdre la cause de
v u e , Natthey emploie-t-il quatre pages à s’appitoyer sur
lui-même. T o u t cela se réduit à dire que la vente de
Siuzay fut jugée valable, conséquemment que les créan
ciers opposans restèrent dons leurs droits , et les acqué
reurs dans leur devoir de les p a y e r , soit en vertu de
leurs lettres, soit en vertu de la lo i, qui ne vouloit pas
qu’ il f û t f a i t préjudice aux oppositions.
Co qu’ il dit aux pages i 5 et 16 , n’est qu’une adroite
préparation pour présenter la question qu’il semble se
faire , de savoir comment il est entré dans l’esprit du
premier conseil de M . et Madame la Rochelambcrl de
l’uppeler en garantie.
�C ’étoit, sans doute , la meilleure transition possible
pour arriver au moyen résultant de ses deux lettres.
Sieur Natthey! on va vous répondre avec autant de
force que vous questionnez av,eç légèreté.
Dites-nous d’abord comment vous avez été déchargé
p
i
envers les créanciers de T a n e, et conséquemment envers
la dame la Rochelambert, de l’effet des oppositions, et de
la charge des lettres ? ou si vous l’avez été réellement,
faites donc dire que la dame la Rochelambert l’a été
comme vous.
<
Vous ne devez pas de garantie!
O n l’a déjà dit ; votre obligation est tellement insé
parable du droit des créanciers, que vous n’avez pu
l’accomplir sans faire cesser leur action.
Si donc leur action dure e n c o r e , v o tre obliga tion
subsiste.
E t ne dites pas que vos versemens Font éteinte, sans
que vous ayez à vous inquiéter de ce qu’est devenuç
l’action des créanciers; car la nation ne vous a pas délié
envers eux.; elle a reçu,.m ais en vous déclarant qu’elle
ne vouloit pas pour son compte ce qui étoit dû au;t
créanciers, qu’elle ne vous permettait pas d écon sign er
à leur préjudice. E lle ne vous a donc .pas promis de
garantie envers eu x , si v,ous faisiez quelque chose à.leur
préjudice.
Dès-lors, que n’imitiez-vous Sauzay? que ne declariezvous que le prix n ’a p p a r t e u o i t pas à la dame la Roche
lambert, mais aux c r é a n c ie r s o p p o s o n s ? que n’appelliezvous ces créanciers? que ne faisiez-vous juger avec eux
votre libération et celle d e 'la dame la Rochelambert ?
�V ou s l’avez fait pour les syndics, et encore, à cet égard,
votre obligation n’est-elle pas accomplie tant qu’ils de
manderont quelque chose; que ne le faisiez-vous vis-àvis A m éd ée de T a n e , le sieur S a in t-P rix et la dame
' Bourneville ? et si vous ne l ’avez pas f a i t , remplissez
donc aujourd’hui cette obligation indélébile; car votre
dissimulation n’a pas pu leur nuire.
N e dites pas, comme vous paroissez vouloir l’insinuer,
que ces créanciers de m o o o fr. n’étoient pas créanciers
de Tane.
Ils ne l’étoient p a s, il est v r a i , quant à la dame la
Roclielam bert, dont l’engagement personnel envers eux
étoit indépendant de la délégation.
M ais ils l’étoient quant à Sauzay, et à vous Natthey;
car leurs deniers avoient remboursé partie des 375000 fr.
qui sont l’objet de la délégation ;
Car ils avoient été subrogés aux hypothèques et pri
vilèges des créanciers délégués ;
Car les m o o o francs qui leur sont dûs font partie
des 375000 francs que vous avez dû payer aux créan
ciers délégués;
Car en fin , au moyen de cette subrogation, vous étiez
doublement lié envers eux par l’opposition de ces créan
ciers privilégiés dont ils profitoient, et par leur oppo
sition personnelle et la délégation absolue de votre
contrat.
V o u s 11e devez pas de garantie! et cependant vous l’avez
sans cesse reconnue et prom ise;
V o u s l’avez contractée, d’abord en vous substituant à
Sauzay, qui lu i-m ô m e y étoit obligé par ses Je ttrès de
�( 23 )
ratification, et qui l’avoit reconnu par sa déclaration du
22 décembre 1792;
V ou s l’avez contractée sous le nom de W a llie r , en
acceptant, par le contrat du 7 nivose an 2 , une délé
gation expresse et absolue ;
V ous l’avez reconnue par votre sommation de l’an 4 ,
dans laquelle, après toutes les lois sur l’ém igration, après
tous vos versemens, vrais ou prétendus, vous avouez et
vous faites un moyen de ce que vous êtes tenu de libérer
vos vendeurs envers les syndics et directeurs des créan
ciers d’ E m m a n u el-F réd éric de T a n e ;
En déclarant par le même acte, que respectivement
aux créanciers, vous etes la Rochelam bert, et que vous
agissez en son nom et p o u r le libérer ;
E n disant e n c o r e , qu e v o us ne reconnoissez d ’autres
délégations que celles contenues au contrat du 7 nivôse
an 2, qui vous lie irrévocablement envers les créanciers
pour la somme entière de 376000 fr. ;
V ou s l’avez reconnue form ellem ent, lorsque sur la
dénonciation que vous fit Sauzay, en l’an 1 1 , des pour
suites des créanciers unis, vous avez brusquement, et
en votre n o m , appelé ces créanciers au tribunal de Clerm o n t, et fait prononcer contr’eux seuls, parce qu’eux
seuls poursuivoient, et votre libéra tion , et la mainlevée
d’ une opposition qui frappoit su r C ha d îeu , et atteignoit
vos vendeurs;
Eniin vous l’avez reconn ue, et vous avez en même
temps avoué que vous n ’a v e z pas satisfait à cette obli
gation, vous q u i , eu siguant de
n’cn &tes pas moins
Natthey, par vos deux lcLtres missives de 1808, où pour
�( .* 4 ) .
vous préserver d’aucune poursuite de la pnrt des sieur
et dame la Rochelam bert, vous commencez par les assurer
que toutes choses sont parfaitem ent en règle avec les
créanciers de Tane ET t o u s a u t r e s ; et pour les en as
surer davantage, vous y reconnoissant bien o b lig é , vous
leur offrez, comme de Batz ou comme Nattliey, de vous
substituer à e u x dans cette affa ire,• où enün vous faites
cette offre qui n’emporte pas seulement une obligation
nouvelle, mais encore la confirmation d’un ancien enga
g e m e n t que vous reconnoissez subsistant, et que vous
renouvelez sous votre garantie et celle de Chadieu.
E t vous ne devez pas de garantie !
V o s lettres, d it e s -v o u s , étoient confidentielles! Des
lettres écrites de vous à votre partie ! des réponses à l’avis
qu’on vous donnoit des poursuites des créanciers, comme
vous concernant seul! V o u s voulez rire.
E t fallut-il s’en rapporter à votre m é m o ire , n’y con
v e n e z - v o u s pas que vous deviez et promettiez cette
garantie, si on ne faisoit pas d’inscription sur vous? n’y
témoignez - vous pas ouvertement l’ inquiétude où vous
étiez qu’on ne vous renvoyât la balle? n’en dites-vous
pas assez en convenant qu’avoir pris une inscription sur
vous, et demandé une garantie, c’est avoir m is le J e u ,
je té le trouble dans vos affaires ?
T o u t cela écarte d’avance l’effet des demi-pensées dont
vos conclusions sont parsemées : mais il en est une qu’on
ne sauroil passer sous silence.
« A tte n d u , dites-vous, que mettre les versemens en
« litige, seroit attaquer un acte administratif; que clcs« lors la C our ccsscroit d’être compétente, *
V ou s
�W 5
C *5
).
V ou s avez p e u r, Natthey t car voila un iaux-iuyanl :•
mais bien vain. V o u s n’avez pas dit cela aux créanciers.
Q u’a à faire ici la nation ? on ne lui demande rien , on
ne critique ni la réalité ni l’effet de ses quittances; il ne
s’agit que de savoir si vous êtes personnellement oblige,
îY faire valoir vos vèrserneris envers les créanciers; si vous
devez les désintéresser, en cas que vous ne l ayez pas
fait, comme vous deviez le faire; si enfin vous devez
préserver la dame la Rochelambert dé leur action : car
la nation n’a pas promis de vous garantir de ce devoir
envers les créanciers, ni envers la dame la Rpchelambert.
V o ilà , certes, une contestation privée à laquelle la nation
n’a aucun intérêt, et l’administration rien à v o i r ; car
l ’autorité administrative n’a rien à juger entre Natthey,
la dame la R o ch e la m b e rt et les créanciers de T a n e , p o u r
l’exécution des engagemens qui les concernent.
Encore une fois , que les versemens soient réels ou
simulés, valables oui nuls , la question est toujours la
même : ces circonstances sont étrangères à la dame la
R ochelam bert, elle ne' les examine pas; mais elle demande
h Natthey l’exécution des engagemens qu’il a contractés
envers les créanciers, et envers elle parce qu’il devoit la
préserver de leur action, et que ces créanciers la pour
suivent.
.;
C ’en est assez : la dame la Rochelambert finira par
témoigner un juste étonnement sur les plans de défense
respectivement adoptés par ses adversaires.
I^es créanciers, qui n’avoient cJ’nction directe que contre
Natthey, se laissent condamner par le jugement de l’an 12.
Ils a voient la ressource d’attaquer ce jugem ent, et ils
D
�( s6 )
l’abandonnent. Bien m ieux, ils l’approuvent dans toutes
ses parties, en déclarant qu’ils veulent l’exécuter contre
Natthey qui l’a obtenu.
E n fin , allant toujours tête baissée, ils approuvent visà-vis Natthey le jugement dont est a p p e l , et donnent
par leur fait, au jugement de l’an 12, la force de la chose
jugée.
Ils ne veulent v o ir , ils ne veulent poursuivre que les
sieur et dame la Rochelarnbert qui ne leur doivent rien;
et ils abandonnent N a tth e y , qui non-seulem ent étoit
leur d éb ite u rd irect, mais qui étoit chargé de les acquitter
envers les sieur et dame la Rochelarnbert.
Et Natthey qui a obtenu le jugement de l’an 12 , qui
s’ est fait déclarer lib éré au
m oyen
d ’ un versement q u ’ il
avoit-fait au nom des sieu r et dame la R ochelarnbert,
Natfliey refuse de s’en servir, et évite avec soin d’en dire
un mot.
Il
fait plus; et en soutenant que ses versemens l’ont
libéré envers les créanciers, il insinue que jamais il n’y
a eu de délégation, ni de lien judiciaire entre les créan
ciers et Sauzny.
D ’où il semble désirer qu’en le déclarant bien et va
lablement libéré envers tout le m onde, 011 déclare entre
les créanciers et la dame la Rochelarnbert une obligation
toujours subsistante.
En sorte que ces deux parties qui doivent tout démêler
entre elles, et ne laisser à la dame la Rochelarnbert que
le rôle de spectateur intéressé, évitent mutuellement de
s'aborder, et d irigen t, chacun à sa fa ço n , leurs efforts
fontvc elle.
�( 27 )
L a dame la R ochelam bert se garde de tout soupçon;
et s’il s’en élevoit dans son ame sur la loyauté de ses
adversaires, elle le repousseroit séverement.
Mais si elle supposoit pour un instant, contre sa propre
conviction, que les créanciers et Natthey fussent d’intel
ligence pour la mettre à contribution, elle leur demanderoit à eux-m êm es quelle autre conduite ils auroient
tenue.
Mais c’est une idée qu’elle rejette comme indigne d’elle
et de ceux à qui on pourroit la supposer ; elle ne re
cherche d’ailleurs aucun appui dans une cause qui se
soutient d’elle-m êm e, dans une cause tout à la fois évi
dente et essentiellement juste ; elle n’aura certainement
besoin ni de faveur ni de pitié pour faire entendre à la
justice qu’elle ne d o it pas être condam née à payer une
terre sans l’avoir, parce que son acquéreur chargé d’en
payer le prix aux créanciers, seroit dispensé de la libérer
ou de lui justifier q u’en se libérant il l’a libérée elle-même,
et qu’il a rempli l’obligation perso nnelle qu’il avoit con
tractée, et dont aucune puissance ne l'a affranchi.
M e. V I S S A C , avocat.
M e. H U G U E T , avoué licencié.
A R l O M , d e l’ im p . d e T H I B A U D , irn p rim . d e la C o u r im p é r ia le , e t l i b r a i r e ,
r u e d e s T a u l e s , m a iso n L
a n d r io t.
J u ille t 1 8 1 0 .
�
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[Factum. Bouvoust de Pruslay. 1810]
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émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
receveurs de l'enregistrement
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour dame Bonvoust de Pruslay, épouse la Rochelambert, autorisée en justice, intimée et appelante ; contre les héritiers bénéficiaires et créanciers unis d'Emmanuël-Frédéric de Tane, appelans ; Amédée de Tane, intimé ; Etienne-Jean-Louis Natthey, aussi intimé.
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
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de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2025
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
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Relation
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BCU_Factums_G2024
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0422
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assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
fisc
fraudes
prête-nom
receveurs de l'enregistrement
séquestre
union de créanciers
ventes des biens d'émigrés
-
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1aa6ae81b3b7d71b222a0d95a067d3ca
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Text
Ï 7 V.
REPONSE
POUR
L e s ie u r N A T T H E Y ,
CONTRE
M. et Mm
e. DE LA ROCHE-LAMBERT.
E
LS créanciers unis de Tane se sont départis de leur
appel contre le sieur Natthey ; mais M . et Madame de
la Roche-Lambert maintiennent leur action en garantie
contre lui, et soutiennent qu’ils lui ont délégué ces mêmes
créanciers. ( M ém oire pour M . de la R o c h e - L a m b e r t ,
pag. 41 et 42. )
On va prouver que M . ni Madame de la Roche-Lambert n’ont jamais délégué les créanciers unis de T a n e ;
que le sieur Natthey, acquéreur de C hadieu, a été chargé
par le sieur Sauzay, son vendeur, de le libérer envers
M . et Madame de la R och e -L a m b e r t, alors émigrés
A
�( 2
)
qu’ayant reçu , le 1 5 pluviôse an 4 , du préposé de la
régie, séquestre des émigrés et de leurs créanciers, quit
tance définitive du prix total de Chadieu, cette quittance
vaut pour lui comme donnée par M. et Madame de la
Roche-Lambert eux-mêmes, et comme décharge de la
part de leurs créanciers ;
Et qu’au besoin c’est uniquement à M. et à Madame
de la Roche-Lambert à faire valoir cette quittance envers
toutes tierces personnes.
Qu’enfin, l’action en garantie exercée par M . et Madame
de la Roche-Lambert, et leur inscription sur Chadieu,
dénuées de tout fondement réel, et moyens plus périlleux
qu’ utiles à leur cause, n’ont été q u ’ une pure vexation
qu’nuroit repoussée leur loyauté, s’ils en a voient connu
le vrai motif.
F A I T S
ET
MOYENS.
Chadieu a été acquis le 17 juin 1788, par M. et Madame
de la Roche-Lam bert conjointement et solidairem ent,
moyennant 375000 livres.
La vente a été consentie par Madame de Tanc-M ontmorin, sœur et h é ritiè re bénéficiaire d’Einmanuël-Frédéric de T a n c , son frère, décédé en 1783 propriétaire
de Chadieu.
Une partie des créanciers du frère avoit form é, le
11 avril 1 7 8 5 , un contrat d’union chez M°. T r u ta t,
notaire à Paris; et la sœur, créancière de sa dot, étoit
entrée dans cette union.
>
Par cc concert, Madame de jVlontmorin pouvoit vendre
�(3)
plus facilement Chadieu ; elle seule possédoit, elle seule
vendoit; et les syndics de l’union devant intervenir au
contrat pour l’approuver, les acquereurs se trouvoient
• garantis de toute surenchère de leur part.
C ’est sous cette forme, en effet, que Chadieu a été
vendu à M . et à Madame de la Roche-Lambert.
Ces acquéreurs s’obligèrent à payer 376000 liv. chez
Trutat, notaire-séquestre.
L e contrat ne contient aucune délégation , il n’y a
qu’une simple indication de payement; seulement la dame
de Montmorin se réserve la faculté de faire payer aux
créanciers qui auront été délégués dans le cours de deux
années.
L a ré se rv e de d é lé g u e r dans la s u ite , est e x c lu s iv e d e
to ute d é lé g a tio n a c tu e lle ; et la d am e de M o n t m o r i n n ’en
a fait a u c u n e , n i dans le d éla i d é t e r m i n é , n i d epuis.
A insi, point de délégation originaire; et M . ni Madame
de la Roche-Lambert ne peuvent appeler le sieur Natthey
à participer à aucune obligation qui dût s’y rapporter; à
raison surtout d’un acte qui lui est étranger.
Il faut prouver maintenant que M . et Madame de la
Roche-Lambert, en revendant Chadieu au sieur Sauzay,
par contrat du 27 novembre 17 9 1, ne lui ont pas délégué
les créanciers unis de Tane; ne les ont mûmc ni nommés
ni indiqués dans ce contrat.
O n y v o it d ’abord que M . et M adam e da la Roche»
L a m b e rt reçoivent com ptant i a 5 ooo liv. (ils ont aussi
reçu le môme jour 30000 liv. de p lu s, hors du contrat).
u Quant aux 375000 liv. restant dues, le sieur Sauzay
c< (ce sont les termes du contrat) s’oblige de les payer,
A
%
�( 4)
«
«
«
«
«
«
soit auxdits sieur et clame de la Roclie-Lambert; soit
audit S a in t-P o n ey, leur fondé de pouvoir; soit, si
bon semble audit Sauzay... • aux créanciers desdits
sieur et dame de la H oche- L a m b ert, spécialement
a u x créanciers privilégiés sur Chadieu, dans le cours
de deux années, etc. »
Quels étoient ces créanciers privilégiés, que le sieur
Sauzay pouvoit payer s i bon lui sernbloit, d’après l’in
dication de son contrat? Ce n’étoient point les créanciers
de Tane en général; ils n’étoient ni connus de M . de
la Roclie-Lambert, ni privilégiés.
E u c o r e m oin s l’ u n io n : car en cette q u a lité , elle n ’étoit
p o in t p r i v i l é g i é e ; et elle n’est n o m m é e ni in d iq u é e ù.
«aucune ligne de ce contrat.
Aussi ne s’agissoit-il nullement dans ce môme contrat
d’aucune espèce des créanciers de T a n e , unis ou non
unis, privilégiés ou non privilégiés.
Il s’agissoit de créanciers aussi parfaitement connus de
M . de la Roclie-Lambert, que les créanciers de Tane
lui étoient inconnus; et les oppositions aux lettres de
ratification prises à la même époque par M. Sauzay, vont
aussi nous les faire connoître.
C ’étoient les créan ciers person n els de M. de la RoclieLam bert, il qui il avoit e m p r u n té 109600 livres pour
payer une partie du prix de Chadieu ; et à qui il avoit
donné privilège pour le u r sûreté. G’étoient, nominative
ment, M. de Tarie de Santcnas, aujourd’hui représenté
par M. Amédée de T a n e , son neveu, partie au procès ;
M . de Saint-Prix, ancien fermier général, et I^ladame de
JtourncyiUc, tante de M. de la Roclie-Lambert.
�(5 )
Tels étoient les créanciers personnels de M.- de la
R o ch e-L ain b ert, spécialement privilégiés par lui sur
Chadieu , et dans les mains desquels il autorisoit
M . Sauzay à verser si bon lui sem bloit, sur le prix de
Chadieu, le montant de leurs créances.
Leurs oppositionssoDt les première, seconde et sixième
parmi les huit à la charge desquelles ont été scellées,
le 25 avril 1792 , les lettres de ratification prises par
M . Sauzay sur son contrat d’acquisition, du 27 novembre
I791‘
Parmi les autres oppositions sont celles de M . et de
Madame de la Roche-Lambert eux-mêmes, en date du
28 janvier 1792, pour la conservation de leurs droits sur
le p r i x d e le u r v e n te d e C h a d ie u ; et celle de M . S a u z a y
sur lui-même, en sa qualité d’acquéreur.
Quant à celles des créanciers de T a n e , unis ou non
unis, ce sont les trois suivantes.
;
Celle des syndics et directeurs des créanciers unis, du
22 décembre 1791 ( ils avoient négligé d’en former sur
le contrat du 17 juin 1788 )•,
Celle d’Antoine Compan, et celle de Parades-Veyrières,
créanciers non unis.
Sur l’opposition faite au nom des créanciers unis, il
faut observer que c’est le premier acte par le q u el ils nient
été connus de Sauzay , et bien retenir qu ils n ont eto
ni nommés ni indiqués dans son contrat d’acquisition,
du 27 novembre 1791.
1
Et afin que M. de la R o c h c -L a m b c rt ne puisse pas
chercher dans cette opposition quelque trace d ’h y p o
t h è q u e , il faut encore se souvenir que les créanciers
�{ 6 )
unis deTane avoient négligé de faire opposition au sceau
des lettres de ratification par lui prises sur son contrat
d’acquisition, du 17 juin 1788; d’où suit que Chadieu
a été vendu à M . Sauzay, purgé de l'hypothèque des
créanciers unis.
Enfin , M. et Madame de la Roche-Lambert avoient
pris l’engagement formel dans le contrat de 1791 , de
rapporter mainlevée des oppositions qui surviendroient,
et d’en effectuer la radiation dans un mois à dater de
la dénonciation que leur en feroit M . Sauzay.
Elle leur a été faite le 17 mai 1792, mais vainement.
A b s e n s alors , il ne p u t y a v o i r de leur p a rt aucune
e x é c u t io n de celte c o n d itio n p r in c ip a le d e le u r contrat.
Ainsi jeté dans de très-grands embarras, et forcé de
retenir dans ses mains le restant du prix de son acqui
sition, M . Sauzay devenu lui-mt*me créancier de M. de
la Roche-Lam bert, à raison de divers rembonrsemens
qu’il avôit été contraint de faire pour eux, se vit forcé
par la loi du 30 octobre suivant ( 1792 ) , h donner lu
déclaration authentique de ces circonstances. Elle est con
tenue dans l’acte du 10 décembre suivant, reçu Cabal,
nota ire à P a r i s , enregistré et notifié.
Jusqu’à p résen t les créanciers unis de Tanc ne sont
que des créanciers opposans; ils vont enfin utre délégués.
L e 7 nivôse an 2, le sieur S a u z a y a revendu Chadieu
au gieur N atthcy, sous le nom de W a llie r, moyennant
530000 livres.
Il a reçu comptant 40000 livres, puis 136000 livres;
et a laissé 355ooo livres pour être employé^ h la libé
ration de Chadieu. L'acte do vente contient au sujet de
celte dernière somme les dispositions suivantes.
�(7)
ft L ’acquéreur s’oblige de payer les 355 ooo livres ,
« soit A U X C RÉ A NC I ER S DE T A N E QUI SE SONT T R O U « VÉS
Orr OS ANS
AUX
lettres
de
RATIFICATION
« PRISES PA R L E D I T S A U Z A Y SUR SON A C Q U I S I T I O N ,
«
«
«
«
«
«
«
soit enfin d’en faire le dépôt et la consignation partout
où besoin sera , aussitôt après le sceau sans opposition
des lettres de ratification à prendre sur la présente
vente, avec les intérêts à partir du 12 du présent
mois, sur le pied du denier vingt safis retenue. Faisant
ledit Sauzay desdites 355ooo livres et intérêts du prix
de la présente vente, TO UTE S D É L É G A T I O N S N É C E S -
« SAI RES A U X D I T S L A R O C H E - L A M B E R T E T SA F E M M E ,
« o u a u x c r é a n c i e r s d e T a n e , p o u r s’acquitter
a e n vers e u x de to u t ce q u ’il le u r d o it de to u t le j^assé
c< jusqu’à ce jour. »
Telle est l’unique délégation en faveur des créanciers
de Tane. Elle a été faite, non par M . et Madame de la
Roche - Lambert , mais par le sieur Sauzay; et il en a
déclaré le motif : c’est parce que ces créanciers de Tane
se trouvent opposans aux lettres de ratification qiüil
a prises sur son acquisition.
O r , cette délégation n’est point spéciale en faveur des
créanciers unis de Tane; car, en cette qualité, ils ne s’y
trouveroient pas nommés. Lu délégation les embrasse in
distinctement sous la dénomination commune de créan
ciers de T a n e , opposans a u x lettres de ratification
prises par le sieur Sauzay.
Il est donc constant que la seule délégation qui ait
existé en faveur des créanciers unis de fa n e , non spé
ciale ni exclusive , et même prcsqu’équLYoque üt leur
�( 8)
égard, a ¿té faite, non par M . de la Roche-Lambert,
comme il le prétend dans son mémoire ( p . 4 2 ) , mais
par M . Sauzay. Que même , au lieu d’etre déléguans,
M . et Madame de la Roche-Lambert sont délégués. D ’où
suit que, cette délégation 11’étant point absolue en faveur
des créanciers de T an e, et plaçant en concours avec eux
les sieur et dame de la Roche-Lambert, le sieur Nattliey
ne pouvoit payer aux uns ni aux autres, qu’après con
tradiction et règlement sur leurs droits respectifs, et après
la mainlevée des oppositions.
A peine ce contrat de vente, du 7 nivôse an 2, étoit
passé , q u e la r é g i e n a t i o n a l e , cjui ne c onnoi ssoit p o i n t
e n c o r e le" n o u v e a u p r o p r ié t a ir e de C h a d ie u , in d iq u a au
sien?' S a u za y, les citoyen et citoyenne la R o ch e-L a m
bert comme émigrés \ et par acte du 24 pluvisôse an 2 ,
lui fit commandement de payer au bureau du receveur
de Saint-A m ant le -prix total de C ha dieu , en deniers
ou quittances : ce sont les expressions de ce comman
dement. A son tour, le sieur Sauzay le dénonça au sieur
Natthey.
A u m ô m e instant s’é v a n o u ir e n t les réserves faites p a r
M . et M a d a m e de la R o c h e - L a m b e r t , p o u r r e c e v o ir le
restant du p r i x de C h a d i e u , soit p a r e u x , soit par leurs
fo n d é s de p o u v o i r s ; car la loi citée dans le c o m m a n d e m en t de la r é g i e , disposoit ce q u i suit :
« Tout payement ialt a u x émigres ou à leurs fondés
« de pouvoirs, depuis le 9 lévrier 1792, est nul. »
{ A r t . 41 de la lo i du 28 mars 1793. )
T)ès-lors, et quand il y auroit eu les règjemens de
compte les plus réguliers avec les époux la Roche-Lamb ert,
•
�(9)
bert,
il
y avoit
i mpos sibil ité
de leur rien payer, à peine
de nullité du payement.
R e s to it dans le co ntrat de 1 7 9 1 >
fa c u lté d e p a y e r
les créan ciers des é p o u x la R o c h e la m b e r t ; et dans c e lu i
d u 7 n ivose an 2 , la d élé g a tio n au p ro fit des créan ciers
d e T a n e , opposans a u x lettres d e ratification prises p a r
le sieur S auzay.
Mais la loi du s 5 novembre 1793 ( art. 17 ) avoit
déjà prononcé ce qui suit :
« Les sommes dues aux émigrés seront versées dans
« la caisse des receveurs de l’enregistrement, nonobstant
« toutes oppositions , comme sans y préjudicier. »
Ici les sommes étoient dues aux époux la Roche
la m b e r t , p u is q u e c ’<5toit Je p r i x de Chadieu; et la délé
gation en faveur des créanciers de T an e, avoit pour seule
cause leurs oppositions.
Il y avoit donc égale impossibilité de faire aucun
pnyement, soit aux uns, soit aux autres.
A l’autorité irrésistible de ces lois, se joignirent bientôt
et se suivirent presque sans interruption, depuis le 24
ventôse an 2 , jusqu’au 9 frimaire an 4 , des commandemens, des contraintes, des saisies, la mainmise na
tionale , et le séquestre le plus rigoureux sur Chadieu.
C’étoit l’emploi constant de la force m a j e u r e , pour
ni-radier tout ¿\ la fois à un propriétaire, et sa propriété,
et le prix de cette propriété, et des sommes supérieures
à ce prix.
On voudroit s’abstenir de toute espèce de retour sur
des poursuites aussi injustes qu’opiniâtres; mais la cause
exige tout au moins le léger développem ent qu i va suivre.
B
�( IO )
L ’administration départementale du P u y - d e - D ô m e
commença, dans son erreur, par déclarer qu’il y avoit
eu collusion entre le citoyen Sauzay et les époux la
Rochelam bert pour soustraire Chadieu à la saisine
iiationale.
Ensuite elle annulla l’acte de vente consentie au sieur
Sauzay par les époux la Rochelambert le 27 novembre
1791 , quoique cette date fût fort antérieure à toutes les
lois sur l’émigration.
Il est vrai que la commission des revenus nationaux,
chargée spécialement de l’exécution des lois domaniales
et fiscales contre les ém igrés, ne partagea point cette
e r r e u r , et q u ’elle repoussa u n e tro p injuste s é v é rité .
Par décision motivée, du 13 prairial an 3, elle ordonna
la levée du séquestre sur Chadieu.
Cependant l’administration départementale persistant
dans ses premières résolutions, crut ne devoir pas déférer
à cet ordre.
Elle motivoit sa résistance principalement sur ce que
Madame de la Rochelambert ayant acquis Chadieu
conjointement avec son mari , et n’ayant point donne
une procuration sullisante pour vendre sa pari dans
cette propriété, son mandataire, en la vendant, avoit
excédé SCS pouvoirs ; qu’elle n’a voit pas rniiiié cette
vente-, qu’ainsi la nation qui étoit aux droits de Madame
de la Rochelambert, devoit tout au moins rosier pro
priétaire de moitié do Chadieu.
Ces motifs n’étoient que spécieux : les véritables
questions étoient de savoir, si Madame de la Roche
lambert, soumise par son contrai de mariage aux lois
�( II )
et usages du droit écrit, ayant eu des biens dotaux et
n’ayant pas eu de paraphernaux, avoit pu acquérir la
terre de Cliadieu conjointement avec son mari ?
S i , dans celte situation , M. de la Rochelambert,
'seul propriétaire légal de Cliadieu, n’avoit pas eu le
droit de le vendre en entier; surtout lorsque sa femme
n’avoit fait aucun payement ?
Et enfin, si l’ayant vendu solidairement ; et si M . de
Saint-Poney ayant également donné dans le contrat sa
garantie solidaire, il n’en résultoit pas que, la nation qui
les représentoit l’un et l’autre, se trou voit soumise envers
leur acquéreur à la même garantie qu’e u x; et par'eonséquent au maintien de la vente de Chadieu?
C es questions aynnt été soum ises par la régie à des
jurisconsultes , ont été toutes résolues contre l ’avis de
l’administration départementale du Puy-de-Dôme.
Cette administration avoit aussi attaqué la procuration
donnée par M . de la Rochelambert, et prétendu, dans
son arrêté du 17 pluviôse an 3 , qu’ayant été donnée en
pays étranger, elle auroit dû être revêtue du visa de
l’ambassadeur de France, et que ce visa n’y étoit point.
Mais le visa existoit; l’assertion contraire n’étoit qu’une
erreur de plus de la part de cette administration.
Quant à l’insuffisance de la p ro c u ra tio n do M a d a m e
de la Rochelambert , qu’importoient sa forme et sa
teneur? D ’après la loi de son mariage, Madame de la
Rochelambert n’étoit p ro p r ié ta ir e d’aucune portion de
Chadieu , malgré l ’autorisation et le consentement de
son mari, dans le contrat du 17 juin 1788.
Dès-lors aucune procuration d’elle n’étoit nécessaire
B 3
�( 12 )
pour vendre ce qui ne lui appartenoit pas; et M . de la
Rochelambert, seul propriétaire de la terre de Chadieu,
auroit pu la vendre seul, sans le concours de sa femme;
puisque, malgré son contrat d’acquisition, elle n’y possédoit rien.
Une dernière objection étoit tirée de ce que le fondé
de pouvoirs qui a fait la vente, avoit promis la ratifi
cation de M. et de Madame de la Rochelambert, et
que cette ratification n’avoit pas été faite.
On observa que les parties n’avoient pas fait dépendre
la validité de la vente, de cette ratification; qu’en pareil
cas, et sur le refus même du vendeur, l’acquéreur obtient
to u jo u rs u u ju g e m e n t q u i en tient lieu.
Mais qu’il n’en étoit nullement besoin dans cette
circonstance oil M . et Madame de la Rochelambert
avoient donné spontanément, par leur opposition du
25 février 179 2, au bureau des hypothèques de Cler
mont, la plus parfaite ratification de la revente de Cha
dieu faite en leur nom le 27 novembre 1791 ; puisqu’ils
avoient, par cette même opposition, renoncé à la chose
pour s’en tenir au prix.
Cependant, malgré l’avis des jurisconsultes , malgré
de nouvelles décisions de la commission des revenus
nationaux, l’administration départementale du Puy-deDôme s’obstina à maintenir, de sa seule autorité , le
séquestre sur Chadieu.
Mais enfin, un arrêté du comité des finances, du 4
brumaire an 4? y 111^ 0l'dre
ces mots :
« Considérant que la décision de la commission des
c revenus uatiouaux , sur la validité de la vente de
�( i3 y
« Chadieu au cit. Sauzay, n’a été donnée qu’après un'
« examen très-approfondi de cette affaire, et après avoir
c< entendu les corps administratifs ; . . .. que le refus que
« fait le département du Puy-de-Dôme, est une atteinte
k portée aux règles de la hiérarchie des pouvoirs, etc.; >
<f Arrête qu’il est enjoint à l’administration du dé« partement du Puy-de-Dôme, d’exécuter et faire exé« cuter, par tous préposés, la décision de la commission
« des revenus nationaux, du 13 prairial dernier, relative
« à la validité de la vente du domaine de Chadieu ; ï
« Charge la commission de rendre compte, le i 5 bru
it maire prochain, de l’exécution du présent arrêté. »
Cette fois, l’administration du département dut obéir,'
C e ne fu t ce p en d a n t q u ’ap rès a v o i r e x p r im é beaucoup d e
r e g r e t s , q u ’elle arrêta ce q u i s u i t , le 9 fr im a ire an 4 :
« V u la décision de la commission des revenus na« tionaux, ......... qui déclare bonne et valable la vente
« faite au cit. Sauzay , par le fondé de pouvoirs des
« sieur et dame de la Roclielambert................ comme
« étant d’un bien appartenant en totalité à la Roche« lambert, etc.
« V u l’arrêté du comité des finances de la conven tion
« nationale.......
« A rrêten t..,, que le séquestre établi su r le d o m a in e
« de Chadieu, acquis par le citoyen Sauzay des sieur et
« dam e de la Roclielambert, émigrés , est dès cet instant
« l e v é , etc., etc. »
L a vente de Chadieu par M . de la Rochelambert
ayant été reconnue valable, et pour sa totalité, en faveur
du sieur Sauzay, cette décision irrévocable de l’autorité
�c14y
administrative, et son exécution par la levée du séquestre,
lie laissoient plus à désirer par le propriétaire de Chadieu
qu’un règlement de comptes avec le préposé de la régie,
et les suites de ce règlement; s a vo ir, la quittance définitive
du prix de Chadieu, les mainlevée et radiation des op
positions sur Chadieu , et principalement de celle ejes
créanciers unis de Tane , à lui délégués par le sieur
Sauzay.
En conséquence , il a fait sommer par exploit du
I er. nivôse suivant (an 4 ) « les créanciers unis de Tane,
a.dans lu personne de leurs syndics et directeurs, et au
« domicile par eux élu dans leur opposition du 22
« novem bre I 7 9 I ■
> ^ l’eilet d e se t r o u v e r , si b o n le u r
« semble, le i 5 du mois de pluviôse prochain, au bureau
« .de leur séquestre lé g a l, le receveur de l’enregistrement
«. à Saint-Amant.... à raison de ce qu’il entend y faire
« reconnoître, vérifier et déclarer le payement total et
« définitif de Chadieu, tant en capital qu’en intérêts;
« et recevoir quittance et décharge valable des sommes
a qui ont été versées, soit par ledit Natthey, soit par
« le citoyen W allier sous le nom duquel il a acquis la« dite propriété , soit du citoyen Parades régisseur dudit
« Chadieu , soit de celles qui ont été saisies par ledit
« préposé de la r é g ie , et même par action de la force
« majeure;.y réclamer tout excédant, ou payer à qui de
« droit tout complément qui scroit dû ; obtenir 110111« mémcnl desdits syndics et directeurs, leur consente« ment, si besoin est, h la mainlevée et radiation de leurs
« oppositions. »
A u jour indiqué, les créanciers n’ont point paru ; le
�( 15 y
débat des comptes a eu lieu tant en capital qu’en intérêts,
tels qu’ils avoient été liquidés par la régie; et quittance
définitive a été donnée au sieur Nattliey, avec réserve de
se pourvoir devant qui de droit pour la restitution des
sommes touchées par le receveur de l’enregistrement, en
sus des sommes dues pour l’entière libération de Chadieu.
M . et Madame de la Rochelambert ne contesteront
pas sans doute sur cette quittance donnée en leur absence
par l’autorité administrative ; elle leur est personnelle^
ils doivent la respecter : le sénatus-consulte, de floréal
an .10, leur en impose l’obligation. Jamais ils ne doivent
perdre de vue qu’ils ne peuvent élever aucune discussion
sur tout acte émané de l’autorité administrative; qu’elle
a to u t fait , to u t o r d o n n é , tout d é cid é entr’eux -et le
sieur Natthey, soit sur la nature et la validité de leur
contrat de vente au sieur Sauzay, soit sur la liquidation
du prix de cette vente, en capital et intérêts; et, qu’en
donnant quittance de ce prix, elle a même reconnu a v o ir
reçu plus qu’il 11’étoit dû pour l’entière libération du
sieur Nattliey.
Par cette quittance, tout a donc été consommé entre
le sieur Nattliey et M. et Madame de la Rochelambert.
Quant aux créanciers de T a n e , un jugement du tri
bunal civil de Clermont, du 7 p lu v iô s e .m 12, et qui a
passé en force de chose jugée, a décidé que Sauzay, ou
N a l l h e y qui le représente, éloit valab lem ent libéré du
prix de la ve n te de C h a d ie u . 11 est fuit mainlevée de
l’opposition du 22 décembre 1791 ; 1;> radiation en est
ordonnée avec d o m m a g es et intérêts contre les créanciers :
et l’un des principaux motifs de ce jugement porte-que;
�( 16 )
le contrat du 17 ju in 1788 ne contient aucune délé
gation.
Eu vertu de ce jugement l’opposition a été rayée, et
les créanciers se sont, à leur tour, rendu justice en se
départant de l’appel qu’ils avoient interjeté contre le sieur
Natthey.
Ils ont reconnu dans leurs mémoires que le sieur
Natthey étoit valablement lib é ré , et qu’ils n’avoient
jamais eu aucune action ù former contre lui.
Cela posé, comment est-il entré dans l’esprit du premier
conseil de M . et de Madame de la Rochelambert, de
leur faire prendre inscription sur Chadieu, et d’appeler
l e sieur N a tt h e y en g a r a n t i e ? et m u iu t e n a n t, co m m e n t
peuvent-ils y persister?
Il reste un mot à dire au sujet de la publicité de deux
lettres de M . de Batz à M. de la Rochelambert.
Ces lettres étoient confidentielles, et de la nature de
celles qu’on laisse aller avec autant de rapidité que d’aban
don , lorsqu’elles s’adressent A des personnes du caractère
de M M . de la Rochelambert. En pareil cas il reste, avant
de les publier, un sceau de plus à rompre; ou doit ob
ten ir l’autorisation de celui qui les écrivit.
Pour la règle s u r t o u t , ainsi que pour la parfaite intel
ligence des deux lettres imprimées, il auroit fallu publier,
avant tout, celle de M. de la Rochelambert; car les lettres
do M . de Batz n’ont été que des réponses. Et il ne falloit
pas supprimer de cette correspondance ce qu’elle contient
de plus nécessaire à savoir. Car lorsque l’on vous écrit,
il ne tiendra, qu'à vous que je fasse un traité* avec vous;
ces paroles étant conditionnelles, on doit tout au moins
�( i7 )
dire à quoi tient ce traité. C ’est ce qu’il faut rétablir.
On n’imprimera pas les lettres de M . de la Roclielambert ; on se contentera d’en extraire ce peu de mots :
« Des inscriptions viennent d’être prises sur tous nos
« biens, de la part des créanciers de Tane...... Dans ces
« circonstances, j’espère que vous ne nous mettrez pas
« dans le cas de vous renvoyer la balle............... Issoire ,
a 14 juin 1808. »
Ces mots, et la lettre qui les contient, ont été dictés
à M . de la Rochelambert : le style, et des détails tech
niques de procédure ne permettent pas d’en douter.
. M . de la Rochelambert n’auroit pas écrit de son chef,
le 14 juin 1808 : D es inscriptions viennent d’être prises
p a r les créanciers de T a n e , lorsqu’elles étoient prises
depuis le 8 janvier précédent. Il n’auroit pas ajouté :
V o u s ne nous mettrez pas dans la nécessité de vous
renvoyer la balle, lorsqu’elle venoit d’être renvoyée déjà
depuis trois jours ; lorsque depuis trois jours M. et
Madame de la Rochelambert avoient fait leur inscription
sur Chadieu : et encore, quelle inscription!
M. de Batz prit tout à la lettre; tenant pour certain
que les inscriptions des créanciers venoient à?être.faites;
croyant les choses entières; loin de soupçonner que
M M . de la Rochelambert eussent commencé c o n tre lui
des hostilités; touché, au contraire, des égards et de
l ’extrême confiance qu’ils lui témoignoient , il s’aban
donna sans reserve au juste intérêt qu’inspiio leui cause
contre des créanciers q 111 n’ont j;inliI,s ^ ^cs leurs.
. Inquiet pour eux du plan de défense annoncé dans
la lettre qu’il venoit de recevoir, il prévint franchement
C
�.
.v t
( 18 }
M M . de la Rochelambert, que, prise comme elle devoit
l’être , cette contestation n’avoit pour eux rien d’alarmant; que, mal saisie, on pourroit y trouver des doutes :
qu’en un mot, du début d é p e n d a it Vissue.
Plein de cette opinion, M . de Batz l’avoit manifestée
en ces derniers termes (il croit sa mémoire fidèle). Pour
quoi les a-t-on supprimés? N ’étoit-ce pas répondre à
M . de la Rochelambert : Si vous ne portez pas atteinte
à votre cause; si vous renoncez à donner pour créanciers
à Natthey les créanciers de Tane; à les prétendre délégués
par vous-même; et si vous ne me renvoyez pas la balle, en
prenant sur Chadieu des inscriptions qui conti’arieroient
N a tt h e y et m o i clans d es affaires t r è s —i m p o r t a n t e s ; à CCS
conditions , il ne tiendra qu'à vous que ISatthey ou
m oi ne vous offrions de nous substituer à vous dans
cette affaire.
Q u’on lise maintenant la seconde lettre; on la trouvera
empreinte d’un juste mécontentement. Les inscriptions de
M . de la Rochelambert étoient prises; rien ne restoit de
sa lettre, si ce n’est la mise en action du plan que M . de
Batz désaprouvoit. Et M . de la Rochelambert s’étant
refusé à lever l’inscription qu’il ne lui appartenoit assu
rément pas de faire sur Chadieu, M. de Batz peut lui
dire : « Vous avez eu l’option sur tous points, et sur
« tous points vous avez préféré une contestation avec
« Natthey. Je consentois à me substituer à vous dans votre
« cause; mais ¿\ condition que vous ne jetteriez pas le
« trouble dans mes alla ires et dans celles de Natlhcy, par
« des inscriptions que vous ine disiez n’avoir pas faites.
« Et elles étoieut faites! Et cependant, vous Voulez que
�( 19 )
« je m’approprie gratuitement une discussion qui m’est
« étrangère !
« D e même pouvois-je vous dire : I l ne tiendra qu'à
« vous que f achète votre maison ,* mais, si vous y mettez
« le fe u , certes, je ne l’achèterai pas. »
Que résulte-t-il donc de ce dernier moyen de garantie?
Que les autres sont bien désespérés : et, qu’en soi-même,
celui-ci est aussi absurde qu’inconvenant, dirigé contre
M . de B atz, qui n’est point partie au procès.
CONCLUSIONS.
E n ce q u i to u c h e l ’nj^pel in terjeté co n tre N a tt lie y p a r
les créanciers d e T a n e ,
Attendu que ces créanciers s’étant départis dudit
appel, et leur département ayant été accepté, tout est
consommé entre eux , et qu’ainsi la Cour n’a rien à
statuer à cet égard.
En ce qui touche l’appel des sieur et dame la Roclielainbert, et leur demande en garantie,
Attendu que le sieur Nattliey n’a contracté envers eux
aucun engagement qui ait pu autoriser une semblable
action ;
Attendu que par le contrat de vente de 1788, les sieur
et dame la Rochelambert ne furent chargés d’aucune
délégation envers les créanciers de T a n e ;
A t t e n d u que par la re v en te de 1791 les sieur et dame
la Rochelambert, après avoir reçu comptant le quart du
prix de ce contrat, ne réservèrent qu’à eux et à leurs
C a
�( 2° )
créanciers personnels le restant du même prix ; qu’ainsi
ils en exclurent formellement les créanciers de Tane;
Attendu que par cet acte les vendeurs s’engagèrent à
l’apporter mainlevée des oppositions qui seroient formées
au sceau des lettres de ratification ; que ces lettres furent
effectivement chargées de plusieurs oppositions; que les
oppositions furent dénoncées, niais qu’il n’y eut pas de
mainlevée rapportée ;
Attendu que si par le contrat de vente de pluviôse
an 2 , les créanciers de Tane se trouvent en quelque
sorte délégués, cette délégation n’est qu’une conséquence
de leurs oppositions ; que cette délégation d’ailleurs est
purement alternative, et son elTet toujours subordonné
à la mainlevée des oppositions formées par les créanciers
la Roclielambert ;
Attendu dès-lors que les sieur et dame la Roclielambert
étant les vendeurs directs du sieur Sauzay, représente
par Natthey, ce dernier n’a dû et pu devoir qu’à eux
seuls le restant à payer sur le prix de la revente de 1791 ;
Attendu que les sieur et dame la Roclielambert ayant
été considérés comme émigrés, et leurs biens séquestrés,
la nation est devenue propriétaire à leur place des sommes
à eux restées dues par Natthey ;
Attendu que les receveurs de l’enregistrement étoient
investis par la loi du droit e x clu s ii de recevoir toutes
les sommes dues à des émigres, ou provenantes de leurs
biens ;
Attendu que Natthey fut sommé par la régie de verser
dans la caisse du receveur de Samt-Amant-Talendc, la
somme Ue Oooqqq l i v . , pour prix total de la vente du
�( 21 )
ï<jgi ; qu’ainsi les versemens faits par le sieur Nattliey
ayant été l’effet de la contrainte, devinrent encore plus
légitimes ;
Attendu que ces versemens ayant été déclarés valables
vis-à-vis les créanciers de Tane, par le jugement acquiescé
du 7 pluviôse an 1 2 , il est vrai de dire que ce jugement
doit également imposer silence aux sieur et dame la
Rochelambert ;
Attendu encore qu’on ne pourroit mettre ces verse
mens en litige sans attaquer uu acte administratif, et
que dès-lors la Cour cesseroit d’être compétente;
Dire qu’il a été bien jugé par le jugement dont est
appel, mal appelé; ordonner que ce dont est appel sortira
effet ; et dans l e cas OÙ , c o n t r e t o u t e a t t e n t e , la l i b é r a t i o n
du sieur Nattliey seroit mise en doute, alors renvoyer
cette partie de la cause devant les autorités administra
tives, pour déterminer les eifets de cette libération.
En ce qui touche l’appel interjeté incidemment par
Nattliey contre les sieur et dame la Rochelambert,
' Attendu que lors de la vente consentie par ces derniers
au sieur Sauzay, de la terre de Chadieu, il dépendoit
de celle même te rre, un pré verger appelé le GrandClos , avec moulin et four ban au x, le tout situé aux
Martres.de V a yre ;
que p ar acte du 25 juillet 1793 ?
sieur
S auzay vendit ces objets au sieur F eu illa n t, m oyennant
Attendu
la somme de 6 110 0 l i v r e s ;
Attendu que par la v e n t e consentie par Sauzay à W a llie r , le 7 nivôse an 2 , cette somme de 61100 liv. fut
comprise dans le prix général des objets cédés par ce
dernier contrat;
�( 22)
Attendu que Sauzay réitéra au profit de W allier la
lélégation expresse de la même somme, par la notification
du 17 germinal suivant; qu’ainsi, et par ces deux actes,
le sieur Natthey, comme représentant W a llie r, en est évi
demment propriétaire; et que pour parvenir au paye
ment de cette somme, il a eu le droit d’exercer toutes
actions ordinaires et conservatoires;
Attendu que les sommes versées par Natth ey dans la
caisse nationale excèdent même celles qui pouvoient
être nécessaires pour libérer intégralement la terre de
Chadieu, et pour le libérer lui-même comme proprié
taire de cette terre ;
A t t e n d u q u e l’e x c é d an t , s’ il y a , n e d o it ê tre re n d u
q u’à Sauzay, d’après la réserve qu’il s’en étoit faite par
le contrat;
Attendu enfin, que pour raison de la même somme,
existe une contestation entre Feuillant, acquéreur,
et Nattliey; et que devant le tribunal de Clermont, il
’a été formé aucunes demandes ni pris aucunes con
clusions relatives à cet objet; qu’ainsi les juges de ce
dernier tribunal n’ont pas dû s’en occuper;
D ire qu’il a été mal jugé par le même jugement, bien
appelé émendant, déclarer le sieur Natthey propriétaire
du prix de la vente faiteà Feuillant le
5
2
juillet 1793,
is mieux la Cour n’aime déclarer qu’il n’y a lieu à statuer
sur cet objet; et condamner les sieur et dame la RocheLambert aux dépens.
M c. D E V È Z E , licencié av oué.
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�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Natthey. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
receveurs de l'enregistrement
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour le sieur Natthey, contre M. et Madame de la Roche-Lambert
note manuscrite : « 9 août 1810, 1ére chambre, arrêt. »
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2024
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2025
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_G2024
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53394/BCU_Factums_G2024.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
fisc
fraudes
prête-nom
receveurs de l'enregistrement
séquestre
union de créanciers
ventes des biens d'émigrés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53393/BCU_Factums_G2023.pdf
ed0f9a02400b65de987abd3dd7158125
PDF Text
Text
MÉMOIRE
E
N
R
É
P
O
N
S
E
,
POUR
Sieur J o s e p h D E LA R O C H E -L A M B E R T ,
habitant à Issoire, intimé et appelant;
c o n t r e
Dame F r a n ç o i s e - A g l a é - G a b r i e l l e D E
L A L U Z E R N E , et sieur P i e r r e D E L A
G R A N G E - G O U R D O N , son m a r i; dame
A n g é liq u e - A r m a n d e - C am ille
D E LA
L U Z E R N E , et sieur A n a t h o c l e - M a x i m i l i e n H U R A U L T D E V I B R A Y E , son
mari, habitans de la ville de P a r i s , héritiers
bénéficiaires de madame de M ontm orin, laquelle
étoit héritière bénéficiaire du sieur EmmanuelFrédéric de T a n e , son fr è r e , appelans ;
c o n t r e
Sieur H
D U V E R G I E R , habitant à P a ris;
S i m o n T E R O U L D E , habitant à Daudeville;
P i e r r e - L o u i s L A I S N E , ancien sellier à
Paris, habitant à Sens; A n t o i n e - L o u i s
e n r i
,
�( 2 }
D U C H A S T E L , apothicaire à Paris ; et J e A N
C H A R D O N , chapelier , habitant a P a r is ,
syndics et créanciers unis dudit sieur d e T a n e ,
aussi appelans ;
C O N T R E
Sieur
Am
D E TANE - SANTENAS ,
habitant a P a r i s , intimé;
édée
E T
S ie u r
L o u is
C O N T R E
N A T T H E Y , habita nt de N y o n en
Suisse
aussi intimé.
S a n s la révolution et les assignats, cette cause seroit
de la plus grande simplicité dans les questions qu’elle
fait naître. L ’acquéreur d’ une t e r r e , chargé d’en payer
le p r ix à un notaire choisi par une direction de créan
ciers , lui en paye près de m oitié; ensuite il revend la
terre, et laisse dans les mains du second acquéreur une
gomme égale à ce q u’ il doit : des lettres de ratification
sont prises. Ce second acquéreur, poursuivi par les opposans, produit des quittances de consignation, assigne
les créanciers en mainlevée de leurs oppositions, et fait
juger sa libération valable à leur égard.
Cependant ces créanciers attaquent le premier acqué
re u r, qui met en cause son garant : c e lu i-c i emploie
�C 3 )
pour libération le jugement qui a validé sa consignation.
Alors l’acquéreur observe aux créanciers qui le pour
suivent , que leurs oppositions à des lettres de ratification
ont lié leurs intérêts à ceux du second acquéreur qui les
a obtenues, et que s’ils ont laissé juger qu’ils étoient
payés, ils ne peuventipas demander à etre payés une
seconde fois.
quoi se réduit la question principale, et il
est évident que jusqu’ici elle ne présente en point de
droit aucune difficulté sérieuse : mais le payement a été
fait en assignats, et les créanciers veulent en rejeter la
perte sur autrui. Les héritiers bénéficiaires du vendeur
originaire, qui comprennent que si la perte des assignats
n’étoit pas p o u r les c r é a n c i e r s e lle s e r o it p o u r euxmêmes, font cause commune avec e u x, pour que tout
r e t o m b e sur le premier acquéreur.
Alors tout s’exagère et se complique. L ’émigration de
l’acquéreur s’ajoute au procès, comme un point capital
qui domine tout : d’autres circonstances étrangères vien
nent se prêter à mille'équivoques. Quand la matière est
élaborée, on se croit déjà assez fort pour injurier et
celui qu’on veut faire payer ce qu’il ne doit pas, et le
tribunal même où il a trouvé justice. E n fin , après avoir
présenté un faisceau de lois étrangères à la q u e s t i o n , et
d’arrôts assez bien choisis dans la m u l t i t u d e , niais plus
étrangers encore, on vient crier à l’injustice et à l’indé
licatesse, en disant f r o i d e m e n t : « Q u e m’importe si vous
« devez recouvrer 011 non 5ooooo francs que je vous
« demande pour une dette qui n’est pas la votre ! Que
A 2
V o ilà à
�; •c 4 )
« m’importe encore si vous êtes ruiné par ce payement,.
« et si votre famille est respectable. Je veux de l’argent,
« et je ne veux en demander qu’à vous que je suppose
« moins en mesure de me résister; d’ailleurs votre émi« gration se prête à tous mes sophismes : il y a tant de
a lois sur cette matière, qu’il est impossible de ne pas
« y voir que tout doit retomber sur vous. D ’ailleurs,
« quand je me suis donné la licence d’imprimer qu’une
« décision contraire à mon intérêt étoit un jugement de
« f a v e u r , j’ai calculé l’effet de cette injure sur l’esprit
« des magistrats auxquels j’en demande la réforme. Si
« je ne puis les forcer à croire qu’il faut sacrifier un
et émigré p a r p r é f é r e n c e , m o n a d r o i t e c e n s u r e sera t o u « jours d’un poids quelconque dans la balance ; elle
a achèvera probablement de me conquérir le suffrage de
« ceux dont l’opinion auroit été incertaine. »
Ainsi eût parlé Machiavel ; ainsi parlent les syndics,
des créanciers de T a n e , qui veulent, per J a s et nefas >
intéresser en se présentant comme des victimes.
Qu’ils tachent de prouver à la Cour que malgré leurs
oppositions à des lettres, malgré un jugement qui pro
nonce contre eu x la validité du payement que le sieur
Natthey a été chargé de leur faire, il leur reste encore une
action : voilà leur cause.
Mais que dans leur colère et dans leurs calculs ils fassent
semblant de supposer de l’adresse, des insinuations cl de
la faveur; que tournant tout du côté de l’émigration, ils
cherchent à insinuer que cette émigration deviendra aux
sieur et dame de la Roche-Lambert un moyen de s’em
parer des plus clairs deniers des créanciers do T a n e ,
�. ( 5 )
et que ce sera s'être,fait de ses propresjfautes un moyen
à?acquérir : voilà ce qui n’est ni la cause ni la vérité ,
mais une insigne et brutale calomnie.
Car personne ne sait mieux que les adversaires qu’il
n’y a qu’à perdre dans tous les cas pour les sieur et dame
la Roche-Lambert, puisqu’ils ont payé 178000 francs en
écus sur une terre qu’ils n’ont pas : et on ose encore leur
demander plus de 5ooooo francs pour la même terre; et
on les signale comme des débiteurs de mauvaise fo i, parce
qu’ils résistent à cette épouvantable injustice..
'
F A I T S .
Après la mort du sieur Emmanuël-Frédéric de Tane,
sa succession fut acceptée so u s b é n é f i c e d ’ i n v e n t a i r e par
Françoise -Gabriëlle de T a n e , épouse de M. de M ontmorin, ministre des affaires étrangères^.
Madame de Montmorin ne pouvoit vendre en cette
qualité les biens de la succession sans y appeler les
créanciers ; elle fit apposer des affiches pour vendre aux
enchères les terres de la Soucheyre, Chadieu, la ChauxMongros et le mobilier de la succession. Il y a eu pour
777400 francs de ventes avant 179.0.
L a terre de Chadieu fut vendue par madame de
M ontm orin aux sieur et dame de la R o c h e - L a m b e r t , par
acte du 17 juin 178 8 , moyennant 376000 francs, et les
frais et faux irais évalués à 5 deniers pa r livre, pioduisant
7812 liv. 10 S. Il fut dit que les 375000 fr. seroient
payés solidairement par les sieur et dame de la RocheLam bert entre ¿es mains de T ru ta t , notaire-séquestre ,
�( 6 }
ou au x créanciers q u i auront été délégués ’ savoir, un
quart au i 5 septembre, et le surplus dans le courant
des deux années, en trois payemens. Il est ajouté que
les acquéreurs prendront à leurs frais des lettres de rati
fication , et q u e , s’il se trouve des oppositions du chef
de madame de Montmorin,. elle les fera lever dans les
six semaines ; mais hors ce cas, elle ni les créanciers ne
seront tenus de garantir, et l’acquéreur n’aura son recours
que contre les créanciers qui auront touché le prix.’
A la suite dudit acte on lit une intervention des sieurs
de Tane de Santenas, Teroulde, commissaire à terrier;
C h a r d o n , c h a p e l i e r ; Louis Laisné, sellier, et Toutain,
t a i l l e u r d ’h a b i t s , to u s sy n d ic s d es c r é a n c i e r s d e T a n e ,
lesquels, après avoir pris lecture de la vente, la con
firment et ratifient a u x conditions y exprimées. Ils font
élection de .domicile chez M. Pernot-Duplessis, procu
reur au parlement.
L e jour même de la vente, M . de la Roclie-Lambert
paya la somme particulière de 7812 liv. 10 s., à Trutnt,
notaire; dans les années 1790 et 1791 il versa dans les
mains du môme notaire 170644 francs.
E n 1791 , les sieur et dame de lu Roclie-Lam bert,
voyageant en A l l e m a g n e , envoyèrent au sieur de SaintPoncy , leur beau-frère, deux procurations; celle du
sieur de la Roclie-Lambert porte pouvoir d’emprunter
les sommes nécessaires ¿1 ses affaires, gerer, liquid er,
vendre ; elle est passee devant Heidz, notaire à Coblentz,
le 16 octobre 1791.
La procuration de la dame de la Roche-Lambert porte
pouvoir (Remprunter 60000 fr . pour placer sur Chadieu,
�• ( 7 )
régler compte avec M . T r u ta t, notaire ; recevoir ,
donner quittance, faire tous emprunts q u 'il jugera bon
être, pour !’arrangement des affaires de son mari. Cette
seconde procuration est passée devant Lutner, notaire à
W o r m s , le 25 octobre 1791 (0*
En vertu de ces actes, le sieur de Saint-Poney se crut
autorisé à passer la vente ci-après :
L e 27 novembre 1791 , par acte reçu C a b al, notaire
à Paris, le sieur de Saint-Poney, comme porteur de prorcurations des sieur et dame de la R o ch e -L a m b e rt, et
s’obligeant de faire ratifier dans le mois ( parce qu’il
p’avoit pas de pouvoir de la dame de la Roche-Lambert ),
vendit la terre de Chadieu au sieur Sauzay, banquier à
Pa ris, moyennant ôooooo f r . , dont il reçut 120000 fr.
en assignats , et quant aux 375000 fr. , le sieur Sauzay
prom it les payer dans im an au x sieur et dame de la
B-oche-Lambert, ou, si bon lui semblait, aux créanciers
desdits sieur et dame de la R o c h e -L a m b e r t , et spé
cialement aux créanciers privilégiés sur ladite terre..
Il est dit ensuite que si au sceau des lettres de ratification
il survient des oppositions du chef des sieur et dame de
la Roche-Lambert, le sieur de Saint-Poney les oblige et
( 1 ) Ces deux procurations Répondent déj:\ aux imputations
injurieuses des créanciers de T a n e , qui ont dit que les sieur et
dame de la Roche-Lambert quittoient la Fiance en s occup ant
plutôt de se fnire des ressources que de pnyer leurs dettes»
Personne n’a ignoré que leur première pensée a été de s o c cu p er
de leurs créanciers, et (pie tel a été l’vinique objet de la
sion donnée & M. de Saint- Poney.
mis
�( 8 ) .
s’oblige personnellement de les faire lever sous quinzaine.
Enfin, pour l’exécution de ladite clause, le sieur de SaintPoney fait une élection de domicile à Paris.
L e 4 janvier 1792, il fut pris des lettres de ratification
sur la vente de 1788 ; elles furent scellées à la charge
des soixante-treize oppositions. Il est essentiel de remar
quer que plusieurs des créanciers de Tane sont opposans
individuellement; mais qu’il n’y a pas d’opposition de la
part des syndics.
L e 22 avril 1792, le sieur Sauzay prit des lettres de
l’atifïcation sur son acquisition de 1791 ; elles furent frap
pées de h u i t o p p o s i t i o n s , dont l’un e, du 22 décembre
1 7 9 1 , étoit à la r e q u ê t e d es s y n d ic s d es c r é a n c i e r s de
Tane.
Dans la même année 1792, le sieur de la Roche-Lambert fut porté sur la liste des émigrés.
La dame de la Roche-Lambert n’a jamais été portée
sur aucune liste.
Sous prétexte d’une loi du 30 octobre 1792, ordonnant
le séquestre des biens des absens du territoire, sans les
désigner encore comme émigrés', le sieur Sauzay fit
déclarer par le curé d’Autezat, à la municipalité du lieu,
qu’en vertu de sa vente il devoit aux sieur et dame de
la R o ch e-L am b ert 376000 francs. Mais aussitôt il fit
mention qu’il avoit pris des lettres de ratification, et que
les créanciers opposans aux lettres absorberont le p rix
et au del;\ : d’où il conclut qu’il a intérêt de conserver
les deniers ci-dessus, parce qu’ils sont sa sûreté, des que
la terre est hypothéquée. « E n sorte q u e , dit le sieur
« Sauzay, s'il f a i t f a ir e ladite déclaration, c'est moins
�'l'bS.
(9 )
ti cause des sommes dont il peut paroître débiteur, et
dont la république ne pourra jam ais profiter, puisqii elles doivent être absorbées par lesdits créanciers
hypothécaires opposans aux lettres de ratification,
que pour donner des preuves de son civism e, et enipécher qu'on ne lui fasse des reproches de négligence
ou intelligence. »
Par acte du 25 juillet 1793? le sieur Sauzay vendit au
sieur Feuillant un pré-verger sis aux Martres, les mou
lins et fours banaux des Martres, dépendans de la terre
de Chadieu , moyennant la somme de 61100 francs,
payable après l’obtention des lettres de ratification.
L e 7 nivôse an 2, par acte reçu Cabal, notaire à Paris,
le sieur Sauzay vendit le surplus de ladite terre de Chadieu
ou sieur W a llier, S u is se , p o u r lu i ou la p e r so n n e que
W allier se réserva de déclarer dans les six mois, moyen
nant 530000 fr. dont W allier paya comptant 40000 f r . ,
s’obligea de payer 136000 fr. à Sauzay, après le sceau des
lettres, et enfin à l’égard des 3Ô5ooo fr. restans, W allier
fut délégué à les payer, soit au x créanciers de T a n e,
précédent propriétaire, qui se sont trouvés o p p o s a n s
k
«
«
«
«
«
«
A U X L E T T R E S DE R A T I F I C A T I O N PRISES PA R S A U Z A Y ,
soit afin d’en f a ir e le dépôt et la consignation partout
où besoin sera , aussitôt après le sceau sans opposition
sur le sieur Sauzay des lettres de ratification à prendre
sur la présente vente.
XjesieurNatthey dit avoir été subrogé parle sieurWallier
à ladite vente, par acte sous s e in g privé du me me jour.
Il dit que le directeur de la régie du Puy-de-Dôrno
fit décerner, le 24 ventôse an 2, une contrainte contre
B
�Tbl».
v
( 10 )
le sieur S a u za y , pour payer 5ooooo francs par lui dûs
au sieur de la Roche-Lam bert en vertu du contrat de
' vente de 1791, sous prétexta que le vendeur étoit émigré.
Ensuite, e t à la date du 26 floréal an 2 , le sieur
Nattliey produit la pièce suivante :
*
« Je soussigné, receveu r de l’enregistrement et des domaines
« au bureau de Sain t-A m an t-T allen d e, reconnois avoir reçu à
cc titre de dépôt, du C. Eticnne-Jean-Louis Nalthey, de N y o n ,
« au canton de Berne en Suisse ( propriétaire de Chadieu ,
« suivant la déclaration de com m and en sa faveur par le
'« C. W a lli e r , du 7 nivôse dernier ) , la somme de trois cen t
« cin q u a n te-cin q m ille liv r e s, pour servir tant au nom des ,
et cit.
Nattliey et S a u za y, qu’en celui du C. Jean-Baptiste
« W a l l i e r , à la libération de C h ad ieu.
te D e quoi m ’a été demandée la présente déclaration , à l’effet
cc d ’arrêter toutes poursuites et la mainmise nationale sur ledit
cc Chadieu.
1
te Saint-Amant, le 26 floréal an 2. Signé Mauoue. »
Il paKoît qu’ un arrêté du département, en l’an 3 ,
annulla la vente faite au sieur Sauzay, et mit la terre
de Chadieu en séquestre : mais ce séquestre fut levé par
un autre urrêté du 4 vendémiaire an 4 , et la restitution
de fruits fut ordonnée au profit du sieur Nattliey.
Dans la môme année, un procès eut lieu nu tribunal
de la Seine, entre les sieur Nattliey et W allier, se disant
tous les deux acquéreurs do Sauzay, et se disputant
Chadieu par la voie civile et par la voie criminelle.
Ce procès prouve que le sieur W allier avoit voulu se
libérer envers les créanciers opposans de Sauzay, et que
le sieur Nattliey prenoit pour son compte cette libération :
/
\
�( nO'
il fit des offres à W a llie r, et même une consignation en
mandats. Mais les lois sur la réduction du papier-monnoie
n’étant pas encore rendues, le tribunal de la Seine sus
pendit le procès, et on en ignore l’issue.
Les créanciers de Tane produisent à ce sujet la pièce sui
vante, tirée des mêmes re gistre s du receveur de St.-Amant.
« D u 15 frimaire an 4 , reçu du C. J e a n -M a r ie W a l l i e r ,
et des deniers empruntés de J a q u e ro t, par acte d u ............. la
« somme de 355<ioo f r a n c s , à valoir sur le prix du domaine
« acquis par S a u z a y , des sieur et dame de la Roche-Lam bert,
é m ig r é s , suivant le contrat du 27 novem bre 1791 ; ladite
« somme de 355ooo fr. payée en une rescription de la trésorerie
ce
cc nationale sur le receveur du district de C lerm o n t, n°. 424 > en
« date du i 5 brumaire dernier ; dont quittance. S ig n é M augue. >*
I ,e s c r é a n c i e r s o n t r e t ir e d u m ê m e l'e g istre la p i è c e
suivante :
« D u 26 frimaire an 4» reçu de Jean -L ouis N a tth e y la somme
te de 3285i francs 25 centimes pour les intérêts restans du prix
principal du domaine de C h adieu, acquis de la Roche-Lamit b e rt, sa fem m e et Saint-Poney, émigrés, par le sieur Antoine
ce
« Sa u za y, lequel en a fait vente au C. W a lli e r , par acte reçu
« C a b a l, notaire à P a r is , le 7 nivôse an 2 , lequel W a llie r a
« passé déclaration au profit dudit N a t t h e y , par acte sous seing
« p riv é , du 7 nivôse an 2 , enregistré à Paris le 17 messidor
«
«
«
«
cc
cc
an 3 , par Pinault; ledit payem ent fait en conséquence de la
liquidation des intérêts faite par le sieur A lia s , directeur de
correspondance à la régie de l’enregistrement h Paria , le
12 frimaire présent mois; et ledit payement effectué en une
rescription de la tré s o re r ie n a tio n a l« s u r les domaines d érmgrés, n°. 4g 3 , et sous la date dudit jour 12 du présent mois.
cc Certifié conform e, le 8 v e n d é m ia ir e a n 11. Sig n é Màdgof.. >1
v
“B 2
�( 12 )
L e I e r . nivôse an 4 , Natthey donna un exploit aux
créanciers de T a u e , aux domiciles par eux élus en leur
opposition ; il leur fait sommation en ladite qualité de
créanciers opposans aux 'lettres de ratification prises
par Sauzay, de se trouver le i 5 pluviôse suivant chez
le receveur de Saint-Amant, pour y recevoir le p rix de
CJiadieu. Il est constaté par cet exploit (resté au pouvoir
de Natthey, qui en a donné copie), que Natthey y procède
comme obligé d’acquitter yjSooo fr a n c s en capital, et
3285 2. f r . en intérêts , tant pour se libérer lui-m êm e ,
que pour libérer le sieur S a u za y , ainsi que les sieur et
dame de la R o ch e-L a m bert , premiers acquéreurs j et
il fait la s o m m a t i o n au nom des uns et des autres.
Les créanciers ne se présentèrent pas ; et le sieur
Natthey fit dresser, le i 5 pluviôse an 4 , par le receveur
de Saint-Amant, la pièce suivante produite par lui.
« Je soussigné, receveur de l’enregistrement et des domaine«
« au bureau de Saint-Amant-Tallende, déclare, d’après le débat
« des comptes qui a eu lieu cejourd ’hui entre moi et le cit.
« Parades, des M artres, fondé de pouvoir du C. Etienne-Jeanct L o u is N a tth e y , propriétaire de Cbadieu , qu’il a été versé
«
«
«
cc
cc
«
dans ma caisse, tant par ledit Parades qu’en vertu de saisies
nationales par moi faites avant la levée du séquestre de Chad ie u , la somme de s ix cen t d i x - n e u f m ille s ix cent quatre
livres quinze sous en Vacquit d u d it d o m a in e, dont quittance
et décharge , sauf audit P a rad e s, qui en l’ait expresse réserve
pour ledit C. N atthey , de plus ample examen et apuratioa
« desdits c o m p te s , et de se pourvoir devant (|ui il appartiendra,
« pour la restitution des sommes q u i l prétend avoir payées en
« sus des sommes d u c s p a r le d it C. N a tth ey pour la libération
te d u d it dom aine de Chadieu.
« Saint-Amant-Tallende, le i 5 pluviôse an 4. S ig n é Mauque. »
�*er
( *3 )
_
En marge est écrit :
« Sur l'invitation du C. P a ra d e s, je déclare qu’ aucun des
« créanciers appelés par lui dans son exploit du i er. nivôse der« nier, n’a comparu cejourd’ hui en mon bureau.
« L e i 5 pluviôse an 4 * Signé Maugue. »
Jusqu’ici les créanciers de Tane n’ont formé aucune
demande. Etoit-ce pour attendre la radiation du sieur de
la Roche-Lambert? Ils veulent qu’on le croie ainsi. Mais
nous voici au sénatus-consulte, du 3 floréal an 10 , et
c’est le moment d’être attentif sur leur première dé
marche, pour apprendre d’eux lequel des acquéreurs ils
ont considéré comme leur débiteur.
Souvenons-nous qu’en décembre 17 9 1 , les syndics ont
formé opposition aux lettres de ratification prises -par
S a u z a y , s u r sa v e n t e d u .27 n o v e m b r e 1 7 5 1 .
Par exploit du 11 brumaire an n , 1es s y n d ic s
des
créanciers de Tane font assigner Sauzay au tribunal de
la Seine, pour leur payer 263980 francs qui leur restent
dûs sur la vente de 1788; en conséquence, ils concluent
contre ledit Sauzay, comme obligé à payer ladite somme
de 263980 francs , à ce que la vente à lu i consentie
le 27 novembre 1791 , soit exécutée, et qu’il soit con
damné audit payement. (Cette pièce est produite par le
sieur Natthey.)
lie 22 pluviôse an 1 1 , Sauzay dénonce cette demande
à Natthey.
Alors Natthey assigne lesdits syndics au tribunal de Clermont, pour voir dire qu’il est v a l a b l e m e n t libéré au moyen
des vprsemens par lui faits, et pour être condamnés à lui
donner mainlevée de leurs oppositions.
1
�C î4 )
L e 7 pluviôse an 1 2 , le tribunal de Clermont rend
le jugement suivant :
« L e tribunal déclare Je demandeur (Nattliey) bien et
« valablement libéré du p rix de la terre de Chadieu •
« en conséquence, fait mainlevée de l’opposition faite
« par les défendeurs (les syndics) au bureau des hypo« thèques de Clermont, le 2 décembre; ordonne qu’elle
« sera rayée des registres du conservateur, en vertu du
« présent jugement; condamne les créanciers aux dom« mages-intérôts de Natthey, à donner par déclaration. »
Eu vertu de ce jugement, le sieur Nattliey a fait rayer
toutes les oppositions prises par les créanciers de Tane
s u r C h a d ie u . L e s s y n d ic s n ’y o n t m is a u c u n o b s t a c l e ,
et ont laissé passer quatre autres années sans hostilités.
T out d’un coup, en 1808 , ils ont pris une inscription
de 495369 francs aux bureaux d’Issoire, Ambert et Cler
mont, sur tous les biens appartenans ou ayant appar
tenu au x sieur et dame de la R oche-L am bert, en vertu
de la vente de 1788.
Les sieur et dame de la Roche-Lambert, instruits de
cette attaque, ont pris de leur côté une inscription sur
le sieur Nattliey, pour supplément à la précédente, qu’ils
ont considérée comme frappant sur Chadieu.
Il eût été hors de propos, jusqu’à présent, de dire
que pour verser 170644 francs en 1791 , il avoit été
emprunté pour les sieur et dame de la Roche-Lambert,
savoir, 44000 francs à la dame de Bourneville, mère de
madame de la Roche-Lam bert, et 30000 francs au sieur
Gabriel de Tanc-Santenas, représenté par Ainédée.
�( i5 )
On a vu que le sieur de St.-Poney, vendant à Sauzay,
ne lui laissa pas seulement les 263000 francs dûs aux
créanciers de T a n e , m a is , encore.une somme suffisante
pour rembourser les prêteurs ci-dessus.
Et comme les syndics n’avoient inscrit que pour leur
intérêt, il falloit grever Chadieu.du surplus de la somme
laissée entre les mains de Sauzay; c’est pourquoi il a été
pris à la requête des sieur et dame de la Roche-Lambert,
inscription supplémentaire de 112000 fr. sur Chadieu.
Cette inscription supplémentaire a été le prétexte du
procès actuel.
'
L e sieur Natthey, par exploit du 17 août 1808, a fait
assigner les sieur et dame de la Roche-Lambert en main
levée de ladite inscription.
1
L e lendemain, Amédée deTane(très-d’accord, comme
on le voit déjà, avec Natthey) a fait un commandement aux
sieur et dame de la Roche-Lambert de payer les arré
rages de l’emprunt ci-dessus de 30000 francs.
L e 23 du même mois, il a été présenté requête au
tribunal de Clermont, sous le nom des sieur et dame de
la Roche-Lambert ; ils ont conclu à la mise en cause des
créanciers de T a n e , et à ce que le sieur Natthey, se disant
lib é ré , fût tenu de faire valoir envers eux ladite libé
ration , sinon de garantir les sieur et dame de ln RocheLambert. Us ont conclu, en conséquence, à la x-ésiliation
des ventes de 1791 et suivantes, et au désistement de
Chadieu. Enfin ils ont conclu contre les créanciers de
Tane à la mainlevée de leur inscription, et contre le sieur
Amédée de Tane à la mainlevée du commandement de
�(
)
payer par lui fait, attendu que Nattliey, chargé de payer
tout le m onde, a dit avoir fait juger sa libération valable.
Cette mise en cause a eu lieu, les demandes ont été
jointes, et la cause a été jugée sur le fond le u juillet
1809.
Par ce jugement, le tribunal de Clermont distingue
les intérêts des créanciers de Tane, d’avec ceux d’Amédée
de Tane. A l’égard des premiers, il déclare valablement
libérés tant le sieur Natthey que les sieur et dame de la
Roche-Lambert, par suite du jugement non attaqué, du
7 pluviôse an 12 ; en conséquence, il ordonne mainlevée
de leui’s inscriptions.
Quant a u s ie u r A m é d é e d e T a n e , il c o n s i d è r e la s o m m e
de 30000 fr. prêtée pour déposer chez le notaire Trutat,
comme obligation directe et indépendante de l’acquisition
non purgée par les lettres, et il déboute les sieur et dame
de la Roche-Lambert de leur opposition au commande
ment de payer (1).
Il y a appel de ce jugement, tant par les héritiers et
créanciers de Tane contre les sieur et dame de la RocheLambert, que par les sieur et dame de la Roche-Lambert
contre Natthey et contre le sieur Amédée de Tane. On a
déjà indiqué en commençant quelles sont les prétentions
des créanciers : elles se réduisent à dire qu’ ils ont deux
actions distinctes-, l’une contre les acquéreurs de Chadieu,
l’autre contre les sieur et dame de la R oche-L am bert;
(1) C e jugement est transcrit en son çp tier, avec les m otifs,
à la fin du mémoire des créanciers de T a n o , c e qui a rendu
inutile d’en parler ayee plus de détail.
d’où
�( ¿7\ ) ‘
d’où ils concluent que le jugement de l ’an i 2 , t q u i , en
déclarant les acquéreurs libérés,‘‘les autorise à faire râdier
leurs inscriptions, ne les empêche'pas de se faire payer
par les sieur-'et dame de la Roche-Lambert.■
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■
> 2 ïï G .
m o y e n s
.u
'
f
Pour suivre cet appel dans toutes ses faces, et pour être
clair, autant que'possibkr, dàris une discussion dénaturée
et obscurcie :p a r’de'fausses applications dé principes, il
est nécessaire de ’sepàrer les ïiibÿens dès. créanciers de
Tane d’avec ceux dès héritiers de Montmorin, quoiqu’ils
aient réuni leurs intérêts, sérieusement ou'nôn. On exa
minera, eh premier lie u ’ s’il est vrai que les'créanciers de
Tane aient, ainsi qu'ils" le p r é t e n d e n t , une double a c tio n
contre les acquéreurs de Chadieü' et contre les sieur et
damé de la Roche-Lambert, et si la libération du sieut
Natthey, jugée valable par jugement du 7 pluviôse an* 12,
a dû profiter -au'sieur de la Roche-Lam bert. :i ^
J : 20. Sur l’appel des héritiers de Montmorin il s’agira
"de savoir si7 ¿u cas ou le1versement du prix dé Chadieu
seroit jugé être lTeffet de'l'a1 confiscation nationale , et
n’avoir pas acquitté les créanciers de T an e, la perle de
ce versement doit être pour les héritiers de madame^ de
M o n tm o rin , comme condamnée à m o r t1, ou pour le
>
. ./
1
sieur de la Roche-Lambert, comme émigre«
3°« Quant à l’appel du sieur de la Roche-Lam bert
contre le sieur Amédée de Tane, il y aura lieu d’examiner
si le sieur Natthey, chargé défaire faceà'tout, a également
libéré le sieur de la Roche-Lambert de cetlèJdette.
C
�( 18 )
Enfin, l’appel contre le sieur Natthey donnera lieu à la
question de savoir si> dans le cas où le sieur de la RocheLambert seroit condamné à payer des sommes quelconques
au\ créanciers délégués ou opposans, le sieur Natthey lui
devra une garantie, et quelle doit en être l’étendue.
A p p e l
d e s
c r é a n c i e r s
d e
T a n e .
La prétendue émigration du sieur de la Roche-Lambert
est le premier texte de la proposition des créanciers de
T a n e ; ils l’appuyent sur un arrêté du conseil d’état, du
3 floréal an 11 , portant que tout créancier d'émigré
non liquidé, a le d r o i t d e r e t i r e r ses titres du d é p ô t na
tional pour poursuivre l’émigré : ils en concluent que
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obliga
tions personnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens soumis
à leurs dettes.
,
Rien de plus incontestable que ce point de droit; mais,
aussi rien de moins applicable à la cause.
L ’arrêté de l’an 11 seroit applicable, si Chadieu ayant
été vendu nationalement r le sieur de'la Roche-Lambert
vouLoit renvoyer le vendeur ou ses créanciers au grand
l iv r e , pour rechercher le prix versé par l’acquéreur du
gouvernement.
Mais qu’y a-t-il de cpmmun entre cette espèce et celle
où sont les parties? Il faudrait s’obstinerà ne pas réfléchir
pour ne pas y trouver une prodigieuse différence.
i°. La terre de Chndieu , qui est le gage de la dette ,
et à raison de laquelle le sieur de la Roche-Lambert a
été débiteur, comrrfc détenteur, n’a point été vendue ;
�t (I9 ) ^
la nation ne s’en est point emparée : un séquestre aussitôt
mis que le v é , n’a pas empêché les acquéreurs de rester
propriétaires incommutables depuis 1 7 9 1 , et ils le sont
encore.
Cette terre étoit vendue, livrée, sortie des mains du
sieur de la Roche-Lam bert, au 27 novembre 1791 , et
le sieur de la Roche-Lam bert n’a été mis sur la liste
des émigrés qu’en 1792. La vente ayant une date au
thentique avant le 9 février 1792, devoit avoir tout son
effet aux termes des lois : la nation n’ a pas pu vendre
Chadieu ; et en etfet elle ne l’a pas vendu,
20. Dans quelle loi croit-on trouver l’horrible injustice
de rendre les émigrés victimes des événemens , lors-qu’avant leur départ iis ont m is hors leurs m a in s l’im
meuble par eux acquis , et ont transporté 6ur un nouvel
acquéreur toute la dette dont l’immeuble étoit le gage;
lorsque les créanciers ont accepté ce transfert par une
opposition expresse sur la deuxième vente ; lorsque,
suivant toutes les idées reçues, l’acquéreur intermédiaire
étoit dégagé de toute dette ; lorsqu’enfin les choses
n’étoient plus entières depuis 1791 , et n’avoient rien
de commun avec Pémigration?
30. Il ne s’agit pas de créanciers d'émigré, qui, après
avoir eu la nation pour seul obligé, parce qu’elle s'étoit
emparée de leur gage, reviennent à leur propre débiteur;
ce sont des créanciers opposans qui c h a n g e a n t leur action,
laissent de côte l’acquéreur qui a pris des letties, et qm
possède, pour s’adresser h un a c q u é r e u r intermédiaire.
Les créanciers de T anc ont bien senti qu’il fallait
C 2
�/kV'
( 20 )
prouver, avant to u t, comment ils avoicnt une action
directe contre les sieur et dame de la Roche-Lambert ;
aussi ils débutent par dire rapidement qu’il y a envers
eux engagement personnel de la part des sieur et dame
de la Roche-Lambert.
Ces créanciers-là ne veulent pas manquer de sûretés;
ils se donnent pour débiteurs solidaires, i°. les héritiers
de Montmorin ou d e T a n e , comme obligés directement;
2°. le sieur Sauzay, à cause de ses lettres de ratification,
ou Chadieu , à cause de l’hypothèque ; 30. le sieur de
la Roche-Lambert, comme délégué envers eux par l’acte
de 1788.
P o u r a m e n e r à e u x l e s ie u r d e la R o c h e - X / a m b e r t ,
il y a une seule chose à chercher : c’est une délégation.
Car il n’y a pas de délégation parfaite sans novation,
c?esl-à-dire, sans l’extinction de la dette du premier obligé;
et de môme il n’y a pas de novation sans l’intention
formelle de l’opérer. Ce sont là des principes élémentaires.
O r , qu’on lise et relise le contrat de vente de 1788,
on n’y verra pas môme l’apparence d’une novation ; au
contraire y madame de Montmorin reste débitrice des
c r é a n c i e r s de son frère. Ils se gardent bien de lui donner
quittance des 375000 fr. que payeront les acquéreurs de
C h a d i e u ; ils conservent sans le moindre doute le droit
d e s’adresser à madame de M o n t m o r i n ; et cela est si
b i e n p rouvé, que n o u s voyons dans l’inscription du j i
janvier 1808, et en la Cour, les dames de la Luzerne,
héritières, de M o n t m o r i n , se réunir aux créanciers de
Tant* pour attaquer le sieur la Roche-Lambert, à cause
de l’intérêt qu’il a à, ne pas payer lui-mème.
�74 K
v,t
( 21 •)
Si les dames de la Liizerne n’étoient pas restées débi
trices envers les 'créanciers de Tane , elles ne seroient
pas là pour fa ire valoir la vente; elles n’auroient pas à
s’inquiéter s’ils seront payés des 376000 francs; car l’acte
de 1788 leur vaudroit quittance de cette somme, s’il y
avoit eu une réelle délégation qui rendît les sieur et
dame de la Roche-Lambert débiteurs personnels} comme
délégués envers les créanciers.
Mais, dit-on, les créanciers sont parties en l’acte
1788. Donc il y a délégation et obligation directe
personnelle des sieur et dame de la Roche-Lambert ;
Font même exécutée en partie par leurs payemens
170644 francs.
de
et
ils
de
II est v r a i q u e les sy n d ic s des c r é a n c ie r s d e T a n e sop.f
intèrvenus à la fin de l’acte de 1788 , p o u r r a t ifie r v
confirmer la vente. Mais pourquoi se dissimuler les moi s
de cette intervention, commandée par d’autres circons
tances»
Madame de Montmorin étoit héritière bénéficiaire ;
elle habitoit Paris.
La coutume de Paris ne permet à l’héritier bénéfi
ciaire de vendre les meubles même de la succession ,
sans les formalités judiciaires, auxquelles les créanciers
connus doivent être appelés. Cette coutume est muette
sur les immeubles; mais l’article 343 de celle d’Orléans,
plus nouvellement réformée, en est le supplément; et
suivant la jurisprudence constante A Paris, aucun héritier
bénéficiaire ne peut v e n d r e les immeubles sans appeler
les créanciers.
r
�C 22 )
A in s i, pour la solidité de l’acte de 1788, il falloit
leur concours. On eût bien pu faire valoir qu’ils a voient
coopéré aux affiches ; mais n’étoit-il pas plus sage de
leur faire approuver la vente, pour la sûreté de l’acqué
reur, pour éviter des enchères et d’autres contestations,
qui , bonnes ou mauvaises, ne sont que trop souvent
suggérées à des masses de créanciers ? Il étoit donc pru
dent ici d’avoir leur approbation ; mais qu’avoit-elle de
commun à une délégation, lorsque ces créanciers, en
faisant une simple ratification in form a communi d’un
acte qui ne contenoit qu’une indication de payement,
ne disoîent pas dans leur intervention qu’ils acceptaient
l ’e n g a g e m e n t des sieur e t d a m e la R o c h e - L a m b e r t , et
qu’ils éteignoient celui de madame de Montmorin ?
Ce n’étoit donc que pour lever une difficulté, et pour
la sûreté de la vente, que les créanciers intervenoient;
mais point du tout pour une délégation qu’il ne faut
pas sous-entendre, et qu’on ne peut placer là sans cho
quer la loi elle-même. Quœ dubitationis tollendœ causa
in contractibus inseruntur, ju s commune non lœdunt.
Quant aux paycmens postérieurs faits par les sieur et
dame de la Roche-Lambert aux créanciers, c’est encore
vouloir forcer le sens des choses les plus •simples, que
d’y trouver une preuve de délégation parfaite et d’eii.gngemcnt personnel.
o Pour qu’il y ait délégation'(dit M . Pothier, n°. 564),
# il faut que la volonté du créancier de décharger le
a premier débiteur, et de se contenter de, Vobligation
« de ce nouveau débiteur qui s’oblige envers lui à la
N
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( *3 )
place du premier, soit bien marquée. C’est pourquoi
si Pierre, l’un des héritiers, pour se décharger d’une
rente envers moi, a, par un partage, chargé Jacques,
son cohéritier, de me la payer à sa décharge, il n’y aura
pas de délégation, et Pierre ne sera pas déchargé envers
m o i, si je n’ai par q u e l q r C acte déclaré form ellem ent
que je déchargeois Pierre : sans cela, quoique j’aie
reçu de Jacques seul les arrérages pendant un temps
considérable, on n'en pourra pas conclure que je Vaie
accepté pour mon seul débiteur à la place de P ierre,
et que j ’aie déchargé P ierre*. L. 40, §. 2, if. D e pact. »
Effaçons donc de cette cause que les sieur et dame
de la Roche-Lambert ont contracté une obligation per
so n n elle envers les c r é a n c ie r s d e T a n e , sous p r é t e x t e
d’une délégation qui n’existe pas, et substituons-y qu’ils
ont contracté comme acquéreurs e t d é t e n t e u r s ,
Tobligation de payer 376000 fr* pour le prix de la terre
de Chadieu.
Que va-t-il en résulter? Rien que de fort ordinaire;
c’est que s’il y a eu ensuite des lettres de ratification, les
créanciers opposans auront une action sur le p r i x , et
n’en auront plus contre l’acquéreur personnellement.
Quand il y auroit eu délégation parfaite, elle seroit
anéantie par ces lettres de ratification qui ont opéré un
nouveau contrat entre l’acquéreur et les opposans, lequel'
contrat détruiroit a b s o lu m e n t tonte délégation anté
rieure ; car les conventions particulières de la vente
�( 24 )
doivent cesser absolument pour faire place à celles que
la loi dicte, et dont elle ordonne l’exécution.
L e résultat des lettres de ratification prises par le sieur
de la Roche-Lam bert, sur la vente de 1788, devoit être
une procédure d’ordre entre les soixante-treize créanciers
opposans.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les créanciers de Tan e; ils
ont commencé l’attaque par une inscription sur les biens
personnels du sieur de la Roche-Lambert.
S ’ils n’ont pas ouvert un ordre contre le sieur de la
Roche-Lambert, c’est qu’en effet ils ne le pouvoient pas;
car, i°. les syndics n’ont pas formé opposition aux lettres
de ratification prises par les sieur et daine de la RocheL am b ert, sur la vente de 1788, mais seulement ù la
vente faite au sieur Sauzay le 27 novembre 1791.
Ainsi ils ont transporté leur action en payement sur
le sieur Sauzay, et ont laissé aux créanciers opposans
sur la vente de 1788, le droit exclusif d’attaquer les sieur
et dame de la Roche-Lambert.
Ils se sont jugés eux-mômes sur ce p o in t, par leur
exploit donné à Sauzay en l’an 4 y précisément parce qu’il
étoit obligé envers eux par ces lettres de ratification.
2°. Les lois invoquées par les créanciers , sur rém i
gration , prouvent qu’il n’y avoit plus lieu ¡1 un ordre,
si un émigré étoit débiteur, parce que le gouvernement,
dans ce cas, forçoit la consignation en ses mains pour
distribuer les deniers lui-mome.
3°. Les créanciers pouvoient encore moins ouvrir un
ordre contre le sieur de la R o ch e-L a m b ert, après le
jugement
�ys\
( *5 )
jugement du 7 pluviôse an 12, qui est rendu par suite
de leur provocation contre Sauzay. Natthey, son garant,
a répondu à leur demande en faisant juger qu’il avoit
payé valablement.
Les créanciers de Tane se croient dispensés de tout,
quand ils disent que cette chose jugée est un p iè g e , et
qu’ils ne veulent pas y tomber. Ils en sont les maîtres:
mais ce jugement est contr’eux; il n’est chose jugée pour
aucune autre personne.
L ’idée la plus bizarre des créanciers est de renvoyer
ce jugement à démêler au sieur de la Roche-Lam bert,
qui n’y est pas partie, afin, disent-ils, de le faire réformer,
parce qu’on n’a pas pu valider une consignation faite sans
offres, sans permission de justice, sans appeler les créan
ciers, et fa ite s u r t o u t c h e z u n r e c e v e u r d ’e n r e g i s t r e m e n t .
Ils en concluent que ce versement est pour un émigré,
et nullement pour libération envers eux.
Si les sieur et dame de la Roche-Lambert avoient à
prouver sérieusement et nécessairement que la somme
versée par le sieur Natthey a été pour le compte des
créanciers opposans, ils le prouveroient aisément, sans
rien contester des lois même qu’on leur oppose.
Il s’agit en ce point d’une vérité de révolution, où il
ne seroit pas prudent de s’abandonner à scs propres
forces. Pour être mieux écouté, en c h e r c h a n t le sens
de quelques lois de circonstance que le législateur ne
nous a pas données c o m m e r a tio s c r ip ta , il est plus
convenable d’emprunter le langage littéral d une autorité
prépondérante.
D
�(26)
Les créanciers de T a n e, en citant beaucoup d’arrêts,
ont prévu qu’on pourvoit leur opposer celui rendu en
la Cour de cassation entre les héritiers Lecomte et la
dame Bélanger; ils l’ont brièvement réfuté, en disant que
l’espèce ne s’appliquoit pas à la cause.
Us ont eu rigoureusement raison ; car quoique dans
cet arrêt il fut question d’une somme versée à la régie
par l’acquéreur d’un bien de condamné, après des lettres
de ratification , les créanciers n’avoient de procès que
contre l’acquéreur qui avoit payé ; en sorte que minu
tieusement on peut bien dire que l’espèce n’est pas mot
pour mot la même.
Mais ce n ’est pas dans les m o t i fs d e l ’a r r ê t que
nous puiserons des moyens ; c’est dans le plaidoyer de
M. M erlin , qui y a discuté avec sa profondeur ordi
naire le sens des lois qui ont obligé les débiteurs des
condamnés et des émigrés à verser les sommes par eux
dues, à la régie de Venregistrement. Dans cette discus
sion , ce magistrat n’omet pas d’examiner aussi quel doit
être Teffet de ce versement, et pour q u i il est présumé
être fait. V oici en peu de mots l’espèce de cet arrêt.
M . d’Ormesson, vendeur d’une ferme moyennant
426000 f r . , avoit reçu 340000 fr. ; il fut condamné à
m o r t, et la régie se lit payer 89904 fr. restons sur le
prix de la vente.
Après la loi qui restitue les biens aux héritiers, la
dame Bélanger, acquéreur, prit des lettres de ratifica
tion. Les héritiers Lecomte, créanciers opposons, pour
suivirent le payement du prix. La dame Bélanger se pré-
�C 27 )
tendit libérée malgré l’opposition, et soutint que le
créancier n’avoit d’action que contre le trésor p u b lic ,
parce qu’ayant versé le prix de sa vente, comme y étant
obligée à cause de la condamnation de son vendeur et la
confiscation de ses biens, son versement étoit pour le
compte des ayant d roit, et par conséquent des créan
ciers hypothécaires, en même temps que pour le compte
du vendeur.
j
C’est pour examiner cette prétention que M . Merlin
discute; et nous allons voir qu’il l’adopte entièrement.
'« Si au lieu de payer aux héritiers Lecomte (créanciers)
« le montant de leur créance, la dame Bélanger l’eût
« payé à un tiers autorisé à recevoir pour eux ( 1 ), leur
« hypothèque se seroit éteinte ni plus ni moins que par
cc u n p a y e m e n t fa it à e u x - m ê m e s .............
«
k
«
«
«
«
«
«
«
« Que reste-t-il ù examiner? Un seul point, celui de
savoir si en effet les héritiers Lecomte o n t , par les
mains d'un tier s, touché après la mort du citoyen
d’Ormesson, ce qui leur étoit dû par la dame Bélanger.
« (A rticle 14 de la loi du 8 avril 1792. Les débiteurs des émigrés, à quelque titre que ce soit, ne
pourront se libérer valablement qu’en payant à la
caisse du séquestre. )
« C’est donc par forme de séquestre, que la nation
va recevoir les sommes dues aux émigrés. La nation
ne les recevra donc pas précisément pour son compte
personnel ; elle les recevra pour h compte de ceux qui
(1) Ces mots sont aussi en lettres italiques dans le plaidoyer
de M. Merlin ; ils sont conformes à l’art. 1259 du Code civil.
D a
�C 28 )
k pourront y avoir droit ; elles les recevra par consék quent pour les remettre a u x créanciers que les émigrés
« peuvent avoir laissés en France, sauf à en retenir le
« restant à son profit, s’il y a lieu...........
« ( Article 17. Les sommes déclarées en vertu des
« articles précédens.. . . seront versées.... dans la caisse
« des receveurs de l’enregistrement, et ce nonobstant
« toutes oppositions de la part des créanciers de chaque
« ém igré, et sans y préjudicier. )
« Voilà qui confirme, qui développe bien clairement
« les conséquences que nous tirions tout à l’heure de l’ar« ticle 14 de la loi du 8 avril 1792. L es oppositions des
c< créanciers d u n émigré 11c p e u v e n t ni e m p ê c h e r ni
« dispenser son débiteur de verser à la caisse du rece« veur de l’enregistrement le montant de ce qu’il doit;
« mais ces oppositions n’en souffriront point pour cela :
« elles tiendront sur la somme que le receveur de Ven
ts. registrement aura touchée. Preuve évidente et sans
« réplique que le receveur de Venregistrement touche
« pour le compte des créanciers opposans; preuve évi
te dente et sans réplique que les créanciers opposans
« sont censés recevoir par les mains du receveur de
« Venregistrement ; preuve évidente et sans réplique,
« enfin, que le d é b i t e u r , en se libérant outre les mains
« du receveur de l'enregistrement, est c e n sé payer, non
« pas seulement à la république, mais encore aux créan
ts. ciers même opposans. » Questions de d roit , tome 5 ,
v°. Lettres de ratification.
I l faut remarquer maintenant que c’est dans ce sens
que la question ayoit été déjà jugée. Les créanciers d’ü r -
�C 29 )
inesson n’avoient été autorisés à attaquer l’acquéreur qiCcn
cas d?insuffisance des deniers versés, et le recours n’étoit
ouvert contre la succession iVOrmesson qu’au même cas
d’insuffisance. L e pourvoi des créanciers fut rejeté.
Les conséquences de ce qu’on vient de lire sont toute
la défense du sieur de la Roclie-LamLert ; elles prouvent
que les créanciers de Tane ne se sont fait une cause qu’en
dénaturant jusqu’aux faits, et en jouant sur les mots.
Quand ils ont poursuivi Sauzay pour les payer comme
leur débiteur, Natthey, son garant, a fait juger contre
eux qu’il étoit valablement libéré par deux quittances
de l’an 2 et de l’an 4. Ces expressions ont paru équivo
ques au£ créanciers; ils ont dit qu’il ne s’ensuivoit pas
la p r e u v e d ’u n p a y e m e n t , mais p l u t ô t d ’un v e r se r n e jït
pour un émigré.
Il falloit bien le dire ainsi pour s’emparer de l’arrêté
du 3 floréal an 1 1 , qui ne se rapporte qu’aux créanciers
d’émigré qui n’ont pas provoqué leur liquidation, et à
l’égard desquels il n’y a pas eu de payement.
Disons donc avec M . Merlin que si Natthey a payé
le prix de Chadieu, soit en l’an 2, soit en l’an 4 , ce n’est
pas pour le sieur de la Roche-Lambert qui n’avoit aucun
droit à ce p r i x , mais pour les créanciers hypothécaires.
Ainsi, quand les créanciers de Tane p o u r r o i e n t s’em
parer des lo is d’émigration qui ne les r e g a r d e n t pas, il
est b ie n prouvé qu’ils n’y g a g n e r o i e n t rien, puisqu aux
termes des lois on a v e r s é p o u r e u x : par conséquent
ils sont payés; e t , ne c r a ig n o n s pas de répéter, l’arrêté
�( 3° )
du 3 floréal an n , la seule loi de leur système, ne se
rapporte nullement à eux.
D e là est venu cet embrouillement de cause, de moyens
et de procédure. Il falloit se faire une qualité qu’on n’a
pas, épouvanter par une inscription de ôooooo francs,
et bien se garder de commencer une attaque directe,
pour mettre le prétendu débiteur dans un plus grand
embarras.
Mais qui a autorisé, on le répète, les créanciers de
Tane à prendre cette inscription? car il faut avoir un
titre exprès et portant obligation directe de la part d’un
individu, pour prendre inscription sur ses biens. Et certes
ces c r é a n c i e r s q u i n ’e n a v o i e n t p a s e n 1791 c o n t r e le
sieur de la Hoclie - Lam bert, en avoient encore moins
en 1808.
A ppel
d e s
h é r i t i e r s
d e
M o n t m o r in .
A leur égard, il n’est pas douteux qu’une obligation
personnelle de la part des sieur et dame de la RocheLambert a existé.
Mais existe-t-elle encore après des lettres de ratification
et un versement jugé valable? C’est ce qu’il est difficile
d’adopter.
Les Héritiers de Montmorin n’auroient une action di
recte que dans trois cas qui doivent concourir.
L e premier , en rapportant le consentement exprès
des créanciers opposons aux deux lettres de ratification.
L e second, en prouvant que les acquéreurs postérieurs,
�767
( 31 )
chargés de payer en l’acquit du sieur de la Roche-Lainbert,
n’ont pas payé.
L e troisième, en prouvant encore que la perte des
versemens faits pour la libération de Ghadieu doit être
plutôt pour le sieur de la Roclie-Lambert, à cause de son
émigration, que pour les héritiers de madame de Montm o rin , à cause de sa condamnation révolutionnaire.
Voilà ce que devoient justifier les héritiers de M ontmorin, au lieu de se jeter dans les questions de savoir si
les versemens ont dû etre faits avec ou sans des offres,
avec ou sans permission de la justice, et si après les lettres
de ratification, et même après le 23 septembre 1793,
c’étoit encore chez le notaire. Trutat que les deniers de
voient être versés, comme on 11e s’est pas fait un scrupule
d e le s o u te n ir .
Cependant les héritiers de Montmorin ont fait une
inscription, non sur Chadieu dont ils ne veulent pas,
mais sur les biens particuliers du sieur de la RocheLambert. En avoient-ils le droit?
. D ’abord ils ne rapportent ni mainlevée , ni consen
tement des créanciers opposans : ce seroit cependant chose
de première nécessité, quand il n’y auroit pas d’autre
obstacle.
En second lieu , comment prouvent-ils que les acqué
reurs postérieurs 11’ont pas pnyé ?
Tout ce qu’on vient de dite prouve avec évidence une
libération.
j
Les sie u r et d a in e d e la R o c h c - L a m b e r t o n t a c h e tq
d ’e u x et se s o n t e n g a g é s à paycr le p r i x , so it à Trutat,
)
.
*'•'
�( 32 )
soit aux créanciers', à déléguer dans le cours de deux
années.
Ensuite Cliadieu a été vendu à Sauzay, à qui on a
laissé l’option de payer 376000 f r . , soit aux vendeurs,
soit aux créanciers, et spécialement aux créanciers pri
vilégiés sur la terre.
On ne peut pas tirer parti de cette option, car le sieur
de la Roche-Lambert n’a rien touché de ces 376000 fr.
laissés dans les mains de son acquéreur pour faire face à
tout; et le sieur Sauzay ayant mis son contrat au bureau
des hypothèques, a contracté Vobligation directe envers
les mêmes créanciers , de payer les 376000 francs.
C e c o n t r a t ju d i c ia i r e r é s u lt a n t des le ttre s , efï’a ce l ’al
ternative : c’est donc comme si la vente de 1791 contenoit
indication expresse de payer 376000 fr. au x créanciers
privilégiés seulement.
t A son tour, le sieur Sauzay vend au sieur W a llie r;
et il a si bien entendu que les oppositions formées ¿1 ses
lettres, par le syndic des créanciers de Tane, l’ont obligé
de ne payer qu’à e u x, qu’il délègue W allier ou Natthey
î\ payer 366000 fr. a u x créanciers de T a n e , opposans
au x lettres de ratification.
Celui-ci appelle les créanciers en nivôse an 4 , pour
payer en leur présence, se disant obligé de les payer.
Il les assigne comme opposans aux lettres de Sauzay, et
aux domiciles élus par leurs oppositions. Il procède tant
en son nom qu'au nom des premiers acquéreurs : c’est
en cetto qualité qu’il verse le prix de sa vente.
Ensuite il les assigne, et fait juger contre eux, en qua
lité de créanciers de Tane ; qu’il est libéré.
Et
�* 38 )
?}nßt, 'Wo ftppßttei iQÇt jwgen^fl trfçs iiftie\; f< 7 / ; c w ; p n
difcquM iie;g,a ^ isw h d ß ,ftir? ()HgeiiUer 9giv$iziß<9jt yßlf'Wß
«gueidbtisMviatôrêt <IÏUf|) émigré.,\\ptrce;^ u ’iliest questjo#
rdßj ljai d an s Ifcs,jdires jdtf jsUiUr : JN-aUheyr/Majs
il est
i^ isi^question des jhijtiiiiQijß ^ iMoittmpfyti ,et ^le ljii^onfÆbcatjod de.-'létu-s îljie^s i; cMri j atth'ey ^, ,qüi jçh erçh 0tt à
dorisolider sa libérûtitfi? ,'neim ftoquöit1pas! tioijustifierjde
¿son ;mieux.,son -verseméiati*) par-levnari*é de^ toutes lies
,circonstances.\qui pou voient là rendre m eilleure, odrnoi
>Ce- qui prpu-ve;que de'jügemeot n’etQibpas/CQrtfre
-Immigré plutofjqupjGoatre.ttn'rautre, c^est-quejcet ém igré
rii’est ‘a i Ipartie',r)moQpjbelé> à-ce ¡jugement dont-oji veut
jlui) appliquer tout Fefiet.'') . . / «r jof-rr.q bb iioib ‘A
O r , vit-on jamais d é p lu s meon.ce>Vflblft
oqus e u le m e n t e n m a t i è r e d e c h o s e ju g é e , m a is e n c o r e en
'matière ¿ ’hypothèque: et'de leCtrßSrdeii^tftßciiiion
.r D ’un c ô té , cfe,sout des créanciers ôppbsaos qui veulentR a v o ir plus rien de connuuu',mi avée celui qui atpblenu
-les lettres y n i ¡avec saû niniinjdotaire,, changé de-Je! libéner
envers ces.mémescréancièrsiopposans^et qui\ne?vse<jlerit
^’«dresser ¿qu’au;¡premier; jocquérèur , apros avoir, ila^sé
juger contre aux la validité ,dè ;la libération ^suivie de la
m ainlevée de leurs oppositions; m ainlevééfqui lève toutes
le s 1éq u iv o q u es,« ^ ' VaffetvÀu payçincirLn\ iv>. '¡h oh
JD’un autre cuté^cejsoiïtitesliéritiiirs du vefideiiV quî ,
après une libération ijugécütoalaHeyiCkiWie' ,mhinlevée
des oppositions yön t la libnté de sè réuni* spontaném ent
av.ee les 'créanciérs id’uiJOf su cce ssio n bénéficiaire ,> pour
demander qu’on annulle cette libération sans attaquer
>(fo .
le jugement, -n
, rJi wi< ^ f vfnnnnotà
fi
�( 34 )
‘ ‘ N ?è&-ee pa’s un alius; du râisônnem>ent qup;deí¡soutenir
de^ tels paradoxes?' Si mott'1acquéreur ch-argó dé îvoùs
payer a fait j u g e r contre vous qu’il* a vo it valablement
\>ar¿ f qui pourra d ire , sans choquer le- bon sens, que
-jd'n?a-il páfc payé nïôi-meme, et; que ije' reste débiteur?
-Il d e v i e n t d o n c b ie n in u t ile d e ' r e c h e r c h e r si l e V erse’n i e n t a p u rê t r e r f a i t - c o m m e
il - l ?a été , 'quelle!^ v,toit la
caisse o ù il f a l l o i t v e r s e r , et s’ il y a v o i t su s p e n sio n des
; c a r rea judicata pro veritate\ hahetur,
u fr ip a y e m e h t q u i a u r o it été fa it en a s s ig n a ts ^ 'a p r è s l e u r
rem bo U rfcem ens
fitv p p re s frtô n ^ s è ro it ( C e r t a in e m e n t r é p u t é ê t r e e n ; tr è s bounG m b n n o i e , si un- j u g e m e u t l ’u v o i t d it r’ n ill n ’a u r ô it
le droit de parler des vices d’une telle libération ^ tant
qtté> ç e j u g e m e n t ’ lïïe -s e F o it pa& ¡attaqué;;
no f)70D:i‘> ¿¡¡ni: r
h 'b -jh
■ ! v t *' - '
n-> jn-»m
S ’f l r&ragissort n é a n m o i n s d^ertrainineri la .ju r i s p r u d e n c e
• ’q u ’ o n a p r é t e n d u si c o n s ta n te s u r la d é fe n s e des lo is d e
'C o n s ig n e r
sans
o ffre s p r é a l a b l e s ,
et sans a p p e l e r
les
■créaiiciVi’s,' il s e t r o u v e i vo it à c ô t é des c ita tio n s n o m ib r & is o s faites> p a r les a d v e r s a i r e s , d ’a u tre s c ita tio n s p lu s
ù ip p lic n b le s et> plus- précises- sur: la m a t i è r e des c o n s i g n a
t i o n s f o r c é e s , a p r è s des le ttre s d e 1 l’atification.
'M.iis ?» quoi-serviroit cette surabondance de doctrine
et de dissertation j si ce n’est ¿Vgrossir un. ¿crit de chosés
. inptilt?»piiiscjne lés» créanoieus et les héritiers de Tane
ne veillent'ri«“»
de tout'ccla avec le mandataire
de Sauzny, chargé de fairfc: face à leurs oppositions ,
qu’au contraire ils passent condamnation sur la validité
de son payement. '
-i
11
>'
K t , c h o s e é t o n n a n t e , c e q u e les a d v e r s a ir e s ' n e p o u -
�C 3 Ê>
voient oppçsen quejSMVifcàpVPfi&i^sJlaPfJ&^t^ N^tl)ey,]r
ils Font ¿réservé ¡pour les ..sieur et.d.amç ,dq la.Roche-,
Lambert, après avoir, laissé juger, que le, payement étoit
régulier. *; fd
son £ m t ^-ruina et;t.. au- vuoq »
zrioiüov c j' ! înr.buüij o J*j ; /nq ol ‘¡ih
goi. ¿ in \• S’il n’y avoit pas. de jCpillu.siQn pn tre les, hé rjtiers,et les
créanciers, est-ce que les héritiers de Montmorin ( qui
après les oppositions aux lettres ne sont plus que les
cautions du payement ) n’opposeroient pas aux créan cier
l’exception cedendarunt actionum^ et ne leur^diroien^
pas que s’il-leur a plu, de jlarsser juger ■
qut3(ileiir;.gagç
étoit perdu, et s’ils ne sont pas en état de subroger à leurs
hypothèques, ils n’ont jplus .de recours à exercer.
..j,
-n S ’il n’y avoit pas'collusion encore entre les créanciers et
Natthey, qu’ils expliquent donc pourquoi, se disant aussi
certains de la nullité de ses consignations, ils craignent
de s’adresser à lui ou à Sauzay, qui par ses lettres de ra
tification a contracté l’obligation de payer aux créanciers
privilégiés 375000 fr. ; pourquoi ils paroissent regarder
ses versemens de-l’an 2 6t de l’an 4 comme un chiffon
informe, sans le prouver^ s’ils en savent si bien le secret?
Mais l’exception que ne veulent pas opposer les héri
tiers d e T a n e , le sieur de la Roche-Lam bert le fera , et
il en a le pouvoir. O n ne peut le forcer de payer sans
qu’ il ait le droit d’opposer aux c r é a n c ie r s do J a n e que
s’ils ne font pas tomber le jugement de Fan.1 2 , et s’ils
ne remettent pas les parties au même état où elles etoient
avant ledit jugement, ils «ni p e r d u tout recours contre
lui ; car il est d’une épouvantable injustice qu’011 puisse
�7ÜV
.(• ‘*
C 36 }
lcd0dite^î %j'^diis:'£ivfei?rincheté'] Chadieu et>;VQUS l’ave?
cff¥ti¥feSdlti üèih Change dé'nôus payer ; noua avons accëpté
« cette' eIièrge,pfllr"üneJhppositiôn. Maintenant nous ne
« pouvons vous subroger ni à nos droits sur Chadieu ,
« ni à nos droits sur le prix ; et cependant nous voulons
PêèVjpoÿé* jikr‘4 oïrs ■
}qui' n'éi lé'sëfez :par perso'nrie ç et
¿/Jquî n’at/rez ni' là chose ni [ie"jirix'«
•» , «’x9iDnSy™
8ÜQuelque Atroce que soit? ce système, on ipç<rougit pas
'
•
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dè lè sotlttenir/ o n 1lé trotrveiqu Contraire
équitable5
ôn së^a&fbnhè1 mairie ïittj point'die> dire que« M l1jde^Td
Roché^L'àmhéït 'Ttiaiiqüe à:;îe£devqirs lorsqu’il n’ejt pa*
dirmème avîsi?A là vérité'çte’n’est ni ¡dans CondiUàc>ni
dans PtifFendorff qu’on va puîsOr pour justifier Vdqqifcé
fHifth’éïriati&iie c^cé^ràisôriïiemeBtl •<c’est; seulement! dims
r
•
..
*
lès'lôis su rléÿém fgi’ésj q.u^w»jirétendai troiavep la/prouve
tfôéyïe$vf>erit domino sign:i'fie'y,'e n ilangage delrévokvtian ^
que le prix d’un immeuble d& k des créancière opposons,
pour line vente antérieure^ à. toute émigration r a péri
portf ■f&rriigréi0'ti--ï r*
rip’n . :j ; .‘il coofi^£ r. . •>’ .
i‘°jÉ>ribVqiiloi iajbiiter:^ la idittcié des loiisrévolutionaires,
qutfrid éïlés'Tie isoht !pas ôOitpiables de cette subversion dè
Tous les'principes ?
Y* •' ■
Les lois de Ï79Î ordonnèrent'le »séquestre des 'biens
deà ém ïgtés, et chargèrent la régie de l'enregistrement
de ce séquestre* elles ’ofdonnèi’ent aux débiteurs des
'émigrés <ie verser dans la caisse de ce séquestre.
Mais qu’y a-t-il; de commun entre Chadieu vendu à
Sauzay par acte notarié, en 1 7 9 1 , et un bien d’ânigré?
Q u ’y a-t-il de commtin entre un acquéreur non ém igré5,
�( 37 )
qui »par des lettres de ratification a formé un contrat ju
diciaire avec des opposans non émigrés , et des délpi.tevirs
d)éniigrés?v
\ .lOŸÏUH.
.iK>i
A f -;. Iwi! -.1 Ü
>-•''>
.r: t‘Vr »; .
‘ ’ i i r -> ’ ■■ i 0 : ’ ■
Mais admettons en toute humilité qu’un répubjiqole n’a
dû souffrir de rien , et que tout le sacrifice doit tombe?
sur le proscrit, n’y a-t-il pas lieu de-s’étonner que les
héritiers de- Montmorin soient ici à l’unissonç avec, les
créanciers,, de <Tqne pourrir«? que /’émigré seul doit
p w k e le versement?
,
! “ bla-jrn
aviSi la Cour, partageant!l’opinion des adversaires, quQiqu’à notre sens elle déplace toutes les idées, jugeoit que
Natthey, quatrième débiteur,>.ayaqt payé la dette,de
Sauzgy, trpisième débiteur., n’a pas libéré les sieur; et
d<une> de la Ruche -I,ainbert , secours débiteurs ,• il
fpudra b ien , pour être conséquent, arriver jusqu’aux
héritiers do M ontm O rinprem iers débiteurs, çt dire que
Je moins qui puisse résulter de çp cahos, c’est que cette
dette a subsisté concurremment sur çes dçux derniers.
jM ais si M . dp la Roche>-Lambprt fi été sur la liste des
émigrés , madame de Montmorin a été condamnée r^volutionnairement : ainsi les lois sopt les mêmes pour les
deux circonstances,
,
.
L ’article I er. de>la’loi du 26 friniaii’e an 2 , dit que les
biens des condamnés devaient être régis et liquidés, et
vendus comme les biens d£$ émigrés.
La seule réponse quVu ait pu- foire à cette observa
tion , a été de dire que madame 4 o Montmorin fut con
damnée le 20 iloréfil an 2 , et que la nouvelle ^.’a pU
�n(*(
s
8
)
.
arriver en Suisse assez tôt poui' que Natthey revînt en
Auvergne consigner le 26.
Cette réponse est-elle bien sérieuse contre celui qui
prend la chose en l’état où il la trouve, lorsque surtout
on sait fort bien que ce n’est pas le Natthey, de N yon,
qui a consigné à Saint-Amant?
Que l’on dispute tant qu’on voudra contre le sieur
Natthey, sur la vraisemblance de ses versemens, sur
leurs dates et leur réalité; tant qu’il y a quittance et juge
ment de libération, le sieur de la Roche-Lambert profite
du payement fait par son mandataire, qui ne peut être
libéré sans que le mandant le soit.
S i m a l g r é c e tte é v i d e n c e d e li b é r a t i o n il fu llo it en v e n i r
à imputer sur quelqu’un la perte de ses versemens, il
est évident que ce ne peut être sur celui à qui il auroit
p rofité, c’est - ù - d i r e , aux héritiers de T a n e , comme
vendeurs de la terre, comme propriétaires du prix, puis
qu’ils étoient propriétaires de Chadieu juqu’au payement.
11 11’y a eu effet aucune raison de préférer pour la
perte les sieur et dame de la R o ch e-L a m b e rt, et de
s’arrêter à eux plutôt qu’à Sauzay ou W a llier; il y auroit
à cela une inconséquence tout arbitraire ; car il faut
opter entre le vendeur ou l’acquéreur, dont les lettres
sont grevées d’oppositions : l’un est le débiteur personnel,
et l’autre le débiteur hypothécaire.
Les acquéreurs intermédiaires n’ont contracté qu’une
obligation transitoire : à aucun titre le principe res périt
domino ne peut être pour eux.
Car la terre n’étant pas à eux , la somme consignée
�7 6 s.
( 39 )
pas pbnrHeiVx.:.Qu’elle ait été>,versée pour les hé■ritiers de JMontmprin ou pourries créanciers^tle‘T!an'e:,
c’est toujours a u x héritiers de Monlmorin que la^somme
dèvoit 'profiter, puisqu’elle étoit destinée à payer leurs
dettes.
• ' 'ti.ii
>'j
tfi'i ‘ r.
df ' : j
i i i(Domrtientfdonc a-t-on-pu espérer, ade prouver qu’une
sômme^evoit périr 'pourîles sieur et dame de la Roche-L a m b e rt, qui n’étoient propriétaires de cette somme
à aucun titre et e n aucune qualité, pas plus.qu’ilsI(ne
l’étoient de Chadieu ?
9! Il faut^conc-lure1plutôt'que si la libératijoiî dejNdtthey
'B’îi profitaiqii’à lui,seul'et n’a eu lieu quîà causeidursé
questre national, c’est le vendeur séquestré qui se retrouve
p a ss ib le d e s a 'd e tte , et n o n l’a c q u é r e u r * ,q u i n e s’est o b l i g é
i q u e c o m m e d é te n te u r., e b t ju L a d on né-.pou v o i i\à->u n îtieip
-d e'Iv erser fpo ur/lui..\> .J\
Vi
l i o i b < i u *•[ i
;i .Iir;j
Cum> jussu)m co' ià\qùod\ rnihi debes,\Soh>is creditori
met), et tu à me et ego à creditore mco lib ero r.lj. 64,,,
ff. D e sôlutionibifs.. * ilu =1?. ;?.ï ;* fiT ;'o n
1
* Souvenons-nous encore que M .iM erlin’n prouvé qu’uni
■¡versement fait'à la caisse du séquestre, étoit censé être
fait au x créanciers, et qud'c’est absolument-comme si’
ces créanciers avoient’eux-memes reçu jet donné quittance.
T o u t'ce quHl-à‘dit ■se1’Apporte parfaitement auxjhé'ri tiers de iVlontmorin;- qui viennent)ae présenter comme
ayant atù ctéoncier 3"ùo l’émigré pour lequel ils assurent',
que là somme étoit versée.
•! r : ! ‘
. ! •» i : ')' [■
.| •|
^’U n autre moyen s’applique cncorcraüx héritiers d e ‘
‘ :i;
�'I >4? )
Monimotin ; c’est que leur'sysfèrrie. de>seidirer créanciers
d ’uti émigré , c o n d u ite remarquer.que c’est la nation
qui les a représentés l’un et l’outre depuis le 2o floréid
un 2 , jusqu’au 21 prairial an 3 j époque de ;la resti
tution des biens aux condamnés.
Or, la nation auroit été d é b itr ic e s créancière du prix
-de Chadieu : donc il y ;a:extinction de la dette par con
fusion. ( Code civil , art. 1300. Sénatus-consulte, du 6
floréal tm 10., art 17. )
' ' - ‘Ainsi, fet dans -toutes les liypofthèsesi, les héritiers de
'Moütiiionn sont pstyèsipar'fflùtthey:, :onti fl’ont'dô recours
tjuc c o n t r e N a t t h e y o u Saur,ay. I l s n e s’a p p l i q u e r o n t pas
l’arrêté du 3 floTéal an 1 1 , pour rev.enir.de la nation à
Fémigré , puisque la nation les a traités de .niôiney pt
leur a rendu leurs droits ut ex nunci 'Voiiàj, n’en jdoûtobs paâ , ce qui «st démontré jusqu’à l’évidence.
1
.
.Ap p e l
• i >'
c o n t r e
■'
le
.
s i e u r
A médée
jjb
T an e.
Iàî jugement ¡Üe Clermont ntest pas conséquent dans
ses dispositions : ,il juge d’ubord que le versement-fait
par le sium* Nntthey a éteint :lcs délégations dont Sauzay
a v o i t chargé W allier; et cependant il >condumue les «iour
-et dame de lu Roche-Lambcrt h payer la créance du iieur
ATrtédéë'de Tan e, qui prétend représenter pour le .tout
le sieur ¿le Soutenus, prftteui de 30000 francs.
S’il est jugé que Natthey a valablement payé le -prix
entier de sa ven te, il est constant que le sieur Santenas
tfn plus d’action ; car -le sieur de la Roche-Iwmberl a
�( 4T )
laisse entre les mains de Sauzay une'somme suffisante
pour payer tout le prix par-eux d û , c’e s t - à - d i r e ,
376000 f r . , quoiqu’ils eussent payé déjà 170644 fr. :
à son tour, Sauzay a laissé à Nattliey une somme suffisante
■pour désintéresser les ayant droit de ses vendeurs.
A u reste, il suffit de renvoyer sur cet appel à ce qui
a été déjà d it, et de se réserver contre Nattliey la ga
rantie que le tribunal de Clermont n’a pas voulu pro
noncer, par une autre inconséquence.
A ppel
c o n t r e
l e
, sieu r
N a t t h e y .
Cet appel n’a qu’ un objet subsidiaire, puisque, si on
ne demande rien au sieur de la Roclie-Lambert, il n’aura
r ie n à d e m a n d e r a u s ie u r N a t t l i e y , d an s son propre
intérêt.
Mais si, par impossible, le sieur de la Roclie-Lambert,
qui n’a pas Cliadieu, étoit condamné à payer le prix de
Chadieu , alors bien évidemment le sieur Nattliey ne
peut éviter une garantie, puisqu’il s’est engagé expressé
ment à faire payer 3 55 ooo francs aux créanciers de
T a n e , opposans au x lettres de ratification prises par
Sauzay, ou à consigner après le sceau de ses lettres.
Dira-t-il qu’il a payé en vertu d’une contrainte; que sa
libération est jugée valable avec les créanciers ; q u ’ainsi
il a rempli son obligation mot pour mot ?
Mais tout cela ne le délie pas de son engagement
envers le vendeur; car il ne s u ffit ’pas qu’il dise, j’ai
payé; il doit être prêt à faire v a lo ir son payement vis-àvis le vendeur, toutes les fois que celui-ci sera recherché
/
*
F
�( 42 )
Lorsqu’un acquéreur s’est soumis à payer le prix de
sa vente à des tiers, ce n’est pas assez qu’il rapporte des
quittances, il n’est pas dégagé pour cela de faire juger
en présence de son vendeur qu’elles sont suffisantes pour
lu i, de faire en sorte qu’il soit quitte envers les créanciers
qu’il a spécialement délégués, et d’arrêter à toutes les
occasions les poursuites qui pourroient le troubler.
Cet engagement est tellement de stricte justice, que les
lois sur le papier-monnoie n’ont point assimilé les ac
quéreurs chargés de payer des délégations, aux autres
acquéreurs de cette époque : elles ne leur ont permis
de réclamer aucune réduction, et ont rigoureusement
exigé q u 'i ls r a p p o r ta s s e n t le s q u i t t a n c e s d e s c r é a n c ie r s
d é lé g u é s p a r la v e n t e , même lorsqu’il n’y avoit qu’une
simple indication de payement.
Toutes les difficultés du payement fait par un acquéreur
ne peuvent être levées et discutées que par lui : sans cela,
par une collusion coupable, il pourroit obtenir des créan
ciers délégués qu’ ils s’obstinassent à ne poursuivre que le
vendeur, lequel n’ayant rien payé lui-même, seroit privé
de tous moyens de défense.
E s t- il proposable, en effet, d’assujétir le sieur de la
R oche-L am bert à faire valoir seul les quittances d’un
payement qu’il n’a pas fait, vis-à-vis des créanciers qui
suspectent ce payement, et qui, malgré un jugement,
persisten t à dire que la libération est irrégulière?
Comment le sieur de la Rochc-Lambert sera-t-il en
état d’éclaircr les héritiers et créanciers de Tane sur
leurs doutes, et de leur apprendre si le premier verse
ment de 355 ooo fr., que Natthey dit avoir fait^à Saint-
�( 43 )
Amant le 26 floréal an 2 , sans appeler personne, doit
être préféré au second versement de. 619604 f r . , qu’il
dit avoir fait chez le même x*eceveur le i 5 pluviôse an 4 ,
en appelant les créanciers opposans?
Aucun autre que Natthey ne peut dire aux créanciers
si sa quittance du 1 5 pluviôse-an 4 est un versement ou
un compte , si la quittance de 32861 fr. en fait partie,
et enfin si les 264604 fr. qu’il a demandés à la régie pour
indemnité d’un séquestre de huit m o is, lui ont été tenus
à compte ; car rien ne donne la clef de tous ces faits ; et
cependant il faut savoir ce que la république a retenu,
pour savoir ce que Natthey a payé réellement.
Le sieur Natthey paroît vouloir dire qu’il a payé en
vertu d’un o r d r e d e la r é g i e , et qu’il n’a pas d’autre
compte à rendre, puisque sa quittance est un acte ad
ministratif.
Mais où auroit-il pris cette étrange doctrine ? elle
eût été très-commode pour payer ses dettes sans gêne;
car à supposer que la régie eût refusé une contrainte à
celui qui désiroit lui compter 3 Ô5ooo francs, il faut au
moins convenir qu’une contrainte n’est pas un ordre, et
n’a rien de commun avec un acte administratif.
Que Natthey objecte aux créanciers opposans tout ce
qui lui semblera bon pour faire valoir la cotisignation
que son contrat l’oblige à faire partout où besoin se ra ,
après le sceau des lettres de ratification ; mais plus il
sera en règle pour ce qu’il a fait comme mandataire^
plus il lui sera aisé de faire valoir son payement j et il
ne s’cn dispensera pas en rejetant la validité de ce qu’il
F2
�( 44 )
a fait aux risques de son mandant, car il est obligé sans
exception, ou de faire valoir ses payemens contre les
créanciers et de faire cesser leur réclamation , ou de
garantir le sieur d elà Roclie-Lambert de l’eifet de leurs
recherches.
Que si le sieur Natthey prétendoit, ainsi qu’il en a
menacé, s’isoler de cette procédure , en disant que la
validité de ses versemens n’est pas de la compétence judi
ciaire, on lui répondroit qu’il ne peut pas proposer de
déclinatoire? par plusieurs motifs.
i ° . P a r c e q u e l u i - m ê m e a s o u m is la v a l i d i t é d e ses
v e r s e m e n s à l ’a u t o r it é j u d i c i a i r e , et a o b t e n u j u g e m e n t
à c e t é g a r d le 7 p l u v i ô s e an 1 2 ; il a o p p o s é e n su ite ce
jugement comme un moyen péremptoire sur la cause
actuelle.
20. Parce que la demande en garantie a été jointe,
et que loin d’attaquer le jugement de jonction, le sieur
Nattliey a plaidé au fond.
30. Parce que dans des lettres missives adressées au sieur
de la Roclie-Lambert, le sieur Natthey a offert sa garantie
pour le procès actuel; en sorte que ce nouvel engage
ment a produit une nouvelle action qui ne peut être
soumise qu’aux tribunaux civils.
40. Parce qu’il résulte des arrêts déjà cités de part et
d’autre, que les tribunaux ont toujours statué sur la vali
dité des versemens faits dans les caisses publiques par les
acquéreurs même des biens provenus-d’émigrés ou con
damnés.
Daus tous les ens, les lettres du sieur Natthey suiïi-
�7 7( .
(
4
5
}
sent (1) ; l’offre expresse de sa garantie a été acceptée ex
pressément par le sieur de la Roclie-Lam bert dans ses»
21 juin 1808.
(1) « J’ai reçu votre lettre, M onsieur, et je 11e veux pas un
« seul instant vous faire attendre ma réponse.
« J’ai d’abord été fort surpris des inscriptions que les créan« ciers de T ane ont prises sur vos biens; j’ai dû ensuite m e
« souvenir qu’ils avoient précédemment regretté de n’avoir pas
« pris cette voie d’abord, et de s’étre engagés dans une autre
« voie qui ne leur a pas plus réussi que celle-ci ne peut leur
« promettre du succès. V o u s croyez d’a v a n c e , je l’espère, que
« toutes choses sont parfaitement en règle vis-à-vis d ’eux............
cc Vous avez quelqu’apparence d ’ i n q u i é t u d e s u r Je vrai pro-
« priétaire de Chadieu. D ’un mot je vous tirerai de toute inquiè
te tude. I l n e t i e n d r a q u ’ a vous q u e N a t t h e y ou m o i , a v o t r e
te
«
C H O I X , OU TOUS D E U X « ¿ U N I S , N E VOUS OFFRIO NS DE NOUS SUBSt it u e r
a
vous
dans
cette
: je vous en passerai acte
a ffa iu e
ce public avec grand plaisir et sans inquiétude; c a r, encore une
« f o i s , toutes choses sont parfaitement en règle avec ces mes« sieurs et tous autres.
«
« Voilà un premier problème ré so lu , à votre satisfaction sans
doute. V ous v o y e z q u e N a t t i i e t n i m o i n e n o u s e f f a ç o n s ;
ce QUE M Ê M E NOUS VOUS OFFRONS , SOUS N O T R E G A R A N T I E ET C E L L E
C
de
cc
u
cc
te
ce
« Vous êtes encore dans l’e r r e u r , quand vous supposez que
les créanciers de T a n e avoient fait opposition aux lettres de
ratification obtenues par M. votre père sur MM. de Tane.
Fayon s’inscrivit, fit inscrire aux hypothèques d’autres créan
ciers non u n is, et ne fit point inscrire l’union...............H n ’y
eut aucun acte conservatoire de la part de l’ union.
h ad ieu
,
vous.....................
«
de
nous
su b stitu er
a
�u
o
réponses : ainsi ce nouvel engagement passé entre M . de
Batz, représentant Nattliey, et M . de la Roche-Lambert,
« Mais aux lettres de ratification prises par Sauzay sur M. votre
« votre p è r e , l’union fit opposition, alors trop tardive si elle
« étoit nécessaire. En l ’an 4 > il Y eut des lettres de ratification
« prises sur S a u z a y , et l’union eut le tort extrêm e de ne pas
« prendre d’inscription, ni faire d’opposition.
« Ils n’ont donc que celle du 22 décem bre 1791 ; mais il y a
« condamnation contr’e u x sur c e p o in t, à l’occasion de l’ins« tance très-âpre et très-vive qu’ils avoient c o m m en cée à Paris
«
«
«
«
contre Sauzay. Repoussés dans cette voie par laquelle ils attaquoient, dans S a u z a y , W a llie r et N a tth e y , et se trouvant à
bout de voie , c ’est alors qu’ils regrettèrent de n’avoir pas
attaqué d’abord M. votre père ou votre famille, au lieu d e se
« faire condamner sur leur inscription de 1791. M a is, à dire
« v r a i , je n’aurois pas imaginé qu’après plusieurs années d e
a silence et d’inaction, ils auroient imaginé de finir par où ils
cc auroient voulu com m encer. Mais les actes subséquens, leur
et liquidation, leur p a ye m e n t, sont tels qu’ils ne peuvent chercc c h e r qu’à effrayer et à arracher quelqu’a r g e n t , du moins d e
« Sauzay : c ’étoit contre Sauzay leur plus solide projet.
cc S ’ils ont pris des inscriptions folles sur vos b ie n s , ils en
ce ont également pris sur Cliadieu.................... Instruisez-moi de
cc tout ce qui s’est passé d ’e u x à vous dans cette insurgence, et
cc vous aurez de ma part, ou par m o i, instructions parfaites. J e
cc vous répète que m ’identifiant à N a t t h e y , je me mettrai a v e c
cc plaisir à votre lieu et place. N e perdez pas un moment à me
cc faire savoir s’il y a de simples inscriptions prises, ou s’il y a
cc quelque demande formée. Voila de nia part, j ’e sp ère, francc ch ise, loyauté autant que vous pouvez désirer, et plus que
cc vous ne pourriez exiger.
ce Recevez l’assurance de mon bien sincère et 'invariable
�( 47 )
est aussi vnlable que s’il eût été souscrit par un acte en
forme-, car, d’après les principes, on contracte valable
ment per epistolarn aut per nuntium.
« a tta ch e m en t, et veuillez le faire agréer à M. votre père.
« Signé D e Batz.
« D ès que j ’aurai votre ré p o n se, je partirai ou vous écrirai
u sur-le-champ. Je ne suis nullement i n q u ie t , parce que je
« connois les faits, et qu ’ils sont réguliers. 33
Paris, 9 juillet 1808.
cc
ce
«
«
tt
te
«
« Je n’ai pas perdu de tem p s, M o n s ie u r, à prendre tous les
renseignemens et toutes les instructions utiles contre les créan
ciers de Tane. J’aurai une consultation des plus habiles gens.
L'affaire parolt inattaquable par les créanciers de Tane. Il est
heureux pour vous et pour moi que j’aye pris, dans le temps
u tile , surabondance de précaution, pour acquitter à la fois
vous et m oi, et pour mettre dans tous les sens les créanciers
en demeure. Vous ne pouvez vous défendre que par mes
« pièces..................... M. votre père n’ auroit pas dû prendre ins-
« cription sur C h a d ie u , surtout sans m’en prévenir : il n’auroit
u pas dû en prendre au nom d’autrui ; il ne devoit voir que les
« créanciers. S on intérêt est de faire cause commune avec
« Chadieu : quiconque lui dira le contraire se trompera , l’in« duira en erreur. A u reste, je lui demande, et j ’e s p è re qu’il
« ne me le refusera pas , de vouloir bien faire r a y e r son ins« cription a u b u r e a u de Clermont. J’ai besoin, pour ma seule
« délicatesse vis-à-vis de deux personnes à qui i a* f*1*1 deux
«t emprunts, d’avoir leur c e rtif ic a t d'inscription avant le vôtre,
« parce qu’agissant de b o n n e foi et d’entière confiance en m oi,,
« ils ont reçu dans leur acte ma parole d honneur qu il n existoit
�( 4 8 )
M . de Balz, représentant Natthey, a toujours continué
d’agir en conséquence de ce nouvel engagement. IL a
envoyé au sieur de Laroche-Lambert la consultation
très-détaillée de M M . P o i r i e r et Bellard ( annoncée dans
la dernière lettre), pour le rassurer sur ses risques, et
lui attester que les versemens de Natthey éteignoient la
créance.
11 y a donc impossibilité de délier le sieur Natthey de
son nouvel engagement, qui lève tous les scrupules des
lois de l’émigration, lesquelles n’ont rien de commun à
une garantie offerte et acceptée en 1808.
cc pas d’liypotlièque sur Cliatlieu ; et , 'certes , je croyois la
« donner en toute vérité, et il se trouve que la vôtre
existoit
« le jour m êm e où j ’affirmois qu ’il n ’en existoit pas , ou du
« moins que celle du maire de V ie , qui est nulle de f a i t , et
cc celle de deux pauvres petits créanciers que j ’ai fait condamner
« à Riom , et que j ’espére faire rayer à tous inomens. M. votre
cc p è r e , après avoir fait rayer celle qu’il a déjà fa ite , pourra
cc au m êm e instant, s’il le juge à propos, la faire rétablir. Je
«
«
«
«
cc
n’y suis que pour nia délicatesse seulem ent, et j ’espère q u ’il
ne me refusera pas cette satisfaction légère, q u i, dans aucun
cas , ne peut lui être dommageable , et qui a été pour moi
le sujet d’une véritable contrariété , honneur et délicatesse
parlant.
cc Au surplus , je prends le parti d’aller porter cette lettre à
« 1\J. Vautrin, et je m’en rapporte à ce qu’il vous conseillera
cc à cet égard.
cc Je vous re n o u v e lle , Monsieur,
1assurance
de mon dévoue-
cc ment à vos in té rê ts, et de mon bien sincère attachement.
"
'V tg n é D u
IU tz.
»
x
II
�( 49 ) '
Il ne reste plus qu’un mot à dire sur l’elTet de cette
garantie, s’il falloit en venir à elle ; il est réglé par l e .
Gode civil, qui s’exprime ainsi:
Article 1142. « Toute obligation de faire se résout en
« dommages-intérets, en cas de non-exécution de la part
« du débiteur. »
Article 1184. “ La condition résolutoire est toujours
« sous-entendue dans les contrats sy nalla gma tiques, pour
« le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à
« son engagement.
« Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein
« droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point
« été exécuté, a le ch o ix , ou de forcer l’autre à l’exé« cution d elà convention lorsqu’elle est possible, ou d’en
« d em an d er la réso lu tio n avec d o m m a g es et in térêts.
« La résolution doit etre demandée en justice, et il
« peut etre accordé au défendeur un délai selon les cir« constances. »
L e sieur de la Roclie-Lambert a conclu ¿\ la résolution
de la vente de 1791 , si la condition de le faire tenir
quitte de 355ooo fr. n’est pas exécutée : la loi ne lui
permet pas de douter que cette résolution ne soit pro
noncée, s’il étoit condamné à payer lui-môme la somme
considérable qu’on lui demande, et qu’il ne doit pas.
Comment le sieur Natthey pourroit-il soutenir l’idée
que le sieur de la Roclie-Lam bert dût être obligé de
payer Chadieu sans l’avoir, tandis que lui, Natthey, auroit
Chadieu sans le payer?
Jusqu’à présent le sieur Natthey n’a point élevé une
prétention aussi immorale \ il est vraisemblable qu’il s’eu
G
�tiendra à ce qui est raisonnable et légitime ainsi, à son
égard , il suffit de s’arrêter à l’idée qu’il fera valoir ses
payemens, puisqu’il s’y est engagé, ou qu’il s’arrangera
avec les créanciers de telle manière que son vendeur soit
à l’abri de toutes recherches.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour im périale, et libraire,
rue des T aules, maison L a n d r iot. — Juillet 18 10
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roche-Lambert, Joseph de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Joseph de la Roche-Lambert, habitant d'Issoire, intimé et appelant ; contre Dame Françoise-Aglaé-Gabrielle de la Luzerne et sieur Pierre de la Grange-Gourdon, son mari, dame Angélique-Armande-Camille de la Luzerne et sieur Anathocle-Maximilien Hurault de Vibraye, son mari, habitans de la ville de Paris, héritiers bénéficiaires de la dame de Montmorin, laquelle était héritière bénéficiaire du sieur Emmanuel Frédéric de Tane, son frère, appelans ; contre sieur Henri Duvergier, habitant à Paris ; Simon Teroulde, habitant à Daudeville ; Pierre-Louis Laisné, ancien sellier à Paris, habitant à Sens ; Antoine-Louis Duchastel, apothicaire à Paris ; et Jean Chardon, chapelier, habitant à Paris, syndics et créanciers unis dudit sieur de Tane, aussi appelans ; contre Sieur Amédée de Tane-Santenas, habitant à Paris, intimé ; et contre Sieur Louis Natthey, habitant de Nyon en Suisse, aussi intimé.
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2023
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_G2024
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53393/BCU_Factums_G2023.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
fisc
fraudes
prête-nom
séquestre
union de créanciers
ventes des biens d'émigrés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53392/BCU_Factums_G2022.pdf
8450e100acd2d28aab16279ffb18d8d5
PDF Text
Text
C/fl-SW nA m û
r
P R E C IS
Cour d'apper de
R iom .
P O U R les Héritiers bénéficiaires et Créanciers
unis d’EMMANUEL-FREDERIC DE TANE ,
Appelans
C O N T R E le s S ie u r e t D a m e
L A M BE R T , I n t i m é s .
*783.
^
'
DE LA R
o c h e
lere. Chambre*
f*
^
O J V k jJ f
'
-
M o r t d’Em m anuel-Frédéric de Tane.
• Madame de Montmorin , sa sœur et unique héritière, accepte
sa succession sous bénéfice d’inventaire.
.j
Elle convoque elle-même les créanciers de son frère dans
'* l ’étude de M e Trutat. Sur son invitation, les créanciers s’u
nissent pour agir en corps. Un contrat est sign é, par lequel il
est convenu que les biens seront vendus incessamment en l ’étude
1
du notaire de l’u n io n , en présence et du consentement des
créanciers à qui le prix est destiné.
Procès-verbaux d’affiches et publications à la requête de ma
dame de Montmorin et des créanciers. Clause expresse que
le prix des adjudications sera payé aux créanciers qui seront
délégués, sinon qu’il sera versé dans les mains du notaire sé
questre de l’union.
Les sieur et dame de la Rochelambert se rendent a d ju d ic a *7^3 , 2^ ma!,
taires de la terre de Chadieu, moyennant 375,000 l. L e con
trat qui leur en fut passé le 17 juin, conformément à l’acte
A
*
�(
2
)
d’union du n avril i y 3 5 , porte expressément Yobligation',
par les sieur et dame de la Itochelambert, de payer entre les
mains de T ru tat, séquestre, ou bien'aux créanciers qui auront
été délégués.
Les,syndics et directeurs interviennent dans cet acte , pour,
déclarer qu’ils confirment et ratifient la vente y contenue aux
conditions exprimées.
En exécution de leur obligation envers les créanciers co
vendeurs, M. et madame de la Rochelambert ont fait quatre
paiemens, dont le dernier est du 28 novembre 1791. Ces quatre
paiemens s’élèvent ensemble à 170,644
*9 s*»versés chez
M e Trutat, et qui furent employés à ’ l'extinction des créances.
Restait encore à payer 263,980 l i v . , ainsi qu’il est reconnu
par la quittance du 18 novembre 1751.
Les termes donnés par le contrat étaient expirés dès le 17
juin 1790. En 1 7 9 1 ,3 1 . et madame de la Rochelambert quit
tent le sol français, et ne s’occupèrent que des moyens de tirer
parti de leur propriété, pour se procurer des ressources à l’é
tranger.
Dans cet esprit, ils envoyent de W orm s et de Coblentzdeux
pouvoirs, en vertu desquels le sieur de Saint-Poney vendit la
terre de Chadieu , moyennant 5 oo,ooo liv ., dont i 25,ooo liv.
•7Î)1» 27 no-furent payées comptant, 375,000 liv. restèrent entre les mains
de l’acquéreur.
Tcmbre.
Cet acquéreur n’éluit qu’ un prôte-nom, dont le véritable pro-'
priéiairc sc servait, comme il s’est servi par la suite des sieurs
W alier et N a lh e y, que l’on va voir figurer bientôt.
Des lettres de ratification furent obtenues au mois dejanviçr
1792, sous le nom de M. et madame de la Rochelambert >
sur leur contrat du 17 j u*n I7^®* ^ en ^ut obtenu de nou
velles sous le nom du sieur S a u z a y , leur acquéreur.
L ’émigration des sieurs cl dame clc la .Rochelambert ; et la
�( 3 ?
sévérité des lois portées contr’eux, le 3 ooctobre 179Î payant
donné (les inquiétudes au propriétaire véritable de l'immeuble,
il fît faire par Sauzay, dès le 24 décembre 179 2 , la déclaration
de ce qu’il redevait sur la terre de Chadieu a ses vendeurs émi
grés, puis il fit d isparaître Sauzay par le moyen d’un contrat
de vente, passé le 7 nivôse an 2, au profit de W a lie r , pour la
somme de 53o,ooo li v . , dont 40,000 liv. parurent payées comp
tant, et 490,000 liv. restèrent dans les mains de W alier.
A l’instant même on fit encore disparaître ce W a l i e r , par le
moyen d’une déclaration de commande au profit de Nathey.
D ’après l’inscription des sieur et dame de la Rochelambert
sur la liste des émigrés, et la déclaration faite par Sauzay, le
24 décembre 1792 , le séquestre fut apposé sur leurs biens. Dès
le 24 ventôse an 2 , contrainte fut décernée contre S a u z a y ,
comme acquéreur de biens provenons de prévenus d’émi
gration , pour le paiem en t d’une som m e de 5oo,ooo liv.
A la faveur de ces transmissions apparentes, le propriétaire
véritable s’était flatté de sauver la terre de Chadieu; mais tout
au contraire, ces actes devinrent suspects ; on crut que l’excès
des précautions montrait la simulation, et les corps administra
tifs voulurent que l’on procédât à la vente de Chadieu, comme
tîtant encore la propriété de M. et madame de la Rochelambert,
à raison de leur émigration.
Il fallut alors faire des sacrifices, et ce fut uniquement par
ces motifs, et principalement à cause de la contrainle décernée
par la r é g ie , que le 26 floréal an 12, Nathey versa dan:» les mains
du receveur de la régie des domaines et de lYnrcgisirement a
Saint-Amand-Tallcnde, lieu de la situation de la terre, una
somme de 3 5 5 ,000 liv.
C e sacrifice arrêta les p o u r s u i t e s pendant quelque tems; mais
sur de nouvelles menaces , il fallut s ’exécuter encore; et comme
la dépréciation des assignats en offrait le moyen peu dispen
dieux } on apprend au jo u rd ’hui que ces versenieus divers se
sont élevés ù la somme de 733,851 Uv.
A
2
�(y .
u
y
'Jusqu’alors; celui qUi faisait mouvo:r Sauznyy W a - ’e i ' et
Natbey ne s’é:ait poinl encore avisé c’e songer aux créanciers
de M. de Tane. Tous les versem ens avaient élé faits bien loin
d’eux et à leur insu; N ath ej n’avait songé qu’à sa Iibérationen ~
vers la nation, qui représentait M» et madame de la Rochelambert; il ne pensait point à payer la dette de ceux-ci envers les
créanciers de Tane ; il ne le pouvait même pas. Mais le premier
nivôse an 4 , on imagina cette signification étrange, et qu’ils
n’ont jamais reçue ni pu recevoir, par laquelle on les somme
d’être présens à un paiement qui n’a pas eu lieu.
A u jour dit, le i 5 pluviôse an 4 , au lieu d’un paiement, il
se fa it, chez le receveur de Saint-Amand-Tallende , une réca~
pitulalionde tout ce qui a été versé. L e compte en est arrêté
par le receveur; c ’ e s t le résultat de ce compte q u i forme les.
7 3 2 ,8 5 i liv. ci-dessus..
Il était assurément fort inutile d’appeler les créanciers de
(T ane à ce calcul entre le receveur et Nalhey.
La loi de l’amnistie a ramené M . et madame de la Rochelambert dans leur patrie, mais elle n’a point eïïàcé les obliga*tion-î qu’ils avaient contractées précédemment;, elle ne les a point
aiT an his de leurs detles; tout au contraire, cette loi, l’arrêté
du 3 floréal an 11 et diverses autres dispositions, assurent aux
légitimes créanciers l’exercice de tous leurs droits contre les
débiteurs.
Sur lu foi de ces autorités et en vertu de leur titre, les créan
ciers ont lait un commandement à M. et madame de la Ro-f
cheiambert..
Ces derniers s’y sont rendus opposans, et delà cette contes»-;
talion portée devant le tribunal de Clermont.
Inutile de rendre compte ici des mojeus respectifs; hâtons-]
nous de faire connaître le jugement qu’a rendu ce tribunal,
le i 3 juillet dernier. ( V o y e z à la fin).
L es créanciers se sont pourvus eu Iji cour contre cette déci»
�( 5 )
sïon qui les blesse; achevons de prouver ce que déjà l’exposé
des faits doit avoir démontré; qu’elle blesse encore la justice et
qu’il est indispensable de la réformer.
m
o
y
e
n
s
• '
.
.
Une obligation p erso n n elle, directe, a été contractée parles
sieur et dam e de la R o ch ela m b e rt envers les créanciers de Tane.
Cette obligation est prouvée par un titre authentique ; elle
n’est p a s , elle ne saurait être déniée.
L ’on voit assez, sans qu’il soit besoin de le d ire , en quoi cette
obligation consiste : c’est de la part de M. et madame de la
Rochelambert à payer 375,000 liv. aux créanciers de Tane y
soit directement à ceux désignés par des délégations, soit à M e
T r u t a t , séquestre de l’union, pour les deniers être appliqués
au paiement des créances.
Réciproquement les créanciers covendeurs , intervenans ef
acceptans, ont fait h M .et madame de la Rochelambert le sacri
fice des droits hypothécaires qu’ils pouvaient exercer.
Point constant. // existe une obligation.
Partant de ce p oin t, les créanciers de Tane demandent à
M . et madame de la Rochelambert qu’ils y satisfassent.
Ceux-ci répondent qu’ils en sont libérés.
L ’unique question est donc de savoir s’ils le sont en effet ;
comment Pobügation a pu s’éte in d re.= C ’est 1111 fait à vérifier.
Jusqu’à celte vérification les créanciers de Tane n’ont rien
autre chose à faire que de se renfermer dans leur titre et dans
celle règle universelle de droit consacrée par l’art. i 3 i 5 ,Codo
Napoléon:
« Celui qui réclame l’exercice d’une obligation doit la prou
v e r ; réciproquement celui qu i sa prétend libéré doit justifier
Ï-E PAIEMENT OU LE FAIX QUI A r n O J ) J lT l ’eXUNCTION de SOll
„obligation. »
L a justice n’a pas le pouvoir d'affranchir arbitrairement un.
�704
'( 6 y
débiteur ¿e son engdgcirent; elle ne peut que vérifier sa libéj
ration. Ilfaut donc absolument qu’il la démontre, sans quoi son
obligation le retient dans le lien de droit qu’il avait lui-même
formé, lien indissoluble, et que ni les considérations, ni les
circonstances, ni la faveur ne peuvent rompre.
Et q u a n t a u p a i e m e n t , les sieur et dame de la Roche-lambert n’en ont point fait d’autres que les quatre ci-dessus
rappelés, montant à 170,644 liv. 19 s. A cet égard ils ont été
libérés dès 17 9 1, et les créanciers le reconnaissent.
N ’ayant rien payé de plus, M. et madame de la Rochelambert sont forcés d’invoquer le fait d’autrui pour l’appliquer
à la libération des 263,980 liv..qui restent.
C ’est ici que la Cour doit être attentive ; et si quelque faveur
est due, c’est à l’obligation démontrée quand l’extinction rie
l’est pas.
Q uel est donc ce f a i t étranger cCoîi Ton veut induire
î-cxtinction ? C ’est un versement fait à diverses reprises par
Nathey dans les mains d’un receveur des domaines à SaintAmand Tallende.
Ici l’on demande comment le versement fait par un tel
hom m e, dans une telle caisse, a pu délier M . et madame de
la Rochelambert de leur obligation envers les créanciers de
Tane ?Quel rapport peut-il y avoir entre les débiteurs et N a th ey,
entre le receveur de Saint-Amand et les créanciers de Tane ?
L a raison et la loi disent que le paiement se fait par le dé
biteur, ou même p a r un tie r s , pourvu que ce tiers agisse au
nom et en l’acquit du débiteur ( a r t . i 2 3 6 , C o d . ) ; que pour
payer valablem en t il faut Cire pro p riétaire de la chose don
née en p aie m en t (art. 1 2 3 8 ) ; que le paiement doit être
fa it au créancier ou à quelqu un ayant pouvoir de lu i , ou
bien autorisation soit par ju stice, soit par la loi ; sans cela
le paiement 11c serait valable qu’autant qu’il aurait été ratifié,
ou que le créancier eu aurait profilé (art. izdÿ).
�rou
(
7
)
'Comment une obligation p u t-elle s’être éteinte par des versemens qui sont tout-à-la-fois étrangers aux débiteurs et aux
créanciers; par des versemens qui n ont rien de commun avec
la dette dont il s’agit; par des versemens faits a plus de cent
lieues des créanciers, à leur in su , sans profit pour eux;
par un motif tout particulier a Nathey ; par suite d’un délit
personnel à M. et madame de la Rochelambert, qui ne s’in
quiétaient guère alors de ce que l’on faisait en France? V oilà
ce l’on ne conçoit point, et ce que les intimés ont cependant
eu le secret de faire juger.
Une grande faveur a sans doute opéré ce prodige; en l’ab
sence des créanciers de T ane , l’on n’a pas manqué d’insinuer
que ces créanciers en grand nom bre, et déjà tout accoutumés
à perdre, n’inspiraient pas assez d’intérêt pour qu’on leur
sacrifiât une famille du p a y s , famille distinguée, considé
rable, et qui serait ruinée p a r la perte d ’un procès malheu
reux. Ces insinuations , appuyées de recommandations fortes ,
secondées par le propriétaire véritable, et surtout employées
pour faire valoir des argumens subtils sur lesquels on fondait
une libération chim éiique, ont pu faire illusion auprès du
Iribunal , qui , se reposant sur la conscience et les lumières
supérieures de la C ou r, dans une cause où nécessairement
il y aurait a p p e l, n’aura pas cru compromettre les intérêts
de la justice par sa décision. Elle les a d’autant moins com
p rom is, et peut d’autant moins être à craindre par son i n - .
fluence , qu’elle est fondée sur des motifs vagues et co n tra d ic
toires entr’eux ; ces motifs trouveront leur réfutation dans la
discussion qui va suivre.
Les sieur et dame de la IlochcIamJjcrt, obligés , n’ont donc
payé que 170,644 liv. 10 s. : partant ils redoivent 2 C3 ,98oliv.„
plus les intérêts.
Aucun paiement personnel n’a satisfait a cette dettes
tl
f
�Personne n’a , soit pour eux et en leur ndin; soit avec su
b rogation, acquitté cette même dette.
Les syndics, les créanciers, M e T r u ta t, leur notaire, n’ont
ren reçu depuis 1791 ; ils n’ont entendu parler de rien.
Comment donc peut-il exister un paiement libératoire?
C ’est ici qu’il faut aborder franchement le système de libé
ration imaginé par M. et madame de la Roclielambert. Ce
système se réduit à dire : « Un homme a faitdes versemens consi» dérables dans la caisse d’un receveur de St.-Amand Tallende.'
» Cet homme était, à la vérité, notre débiteur direct,mais il était
» aussi le débiteur de notre créancier, et le sous-acquéreur do
>> notre terre de Chadieu. Nous profitons de ces versemens;
» nous nous en emparons n la faveur de notre émigration
» même. Lu loi qui nous frappait :t raison de ce délit, voulait
3> que nos créanciers s’adressassent à la nation pour Être payés";
».et co m m ela nation recevait ce qui nous était du, la nation
» êc chargeait de payer ce que nous devions. Ainsi les verse» mens ont été faits dans la caisse pour servir à cet acquit»> tement, et dès-lors ils ont opéré libération de notre dette.
»> Ces versemens ont d’ailleurs été déclarés valables par un
» jugem ent du 8 pluviôse an 1 2 , jugem ent qui 11 est point
» attaqué. »
Voyez
m otif du
le 90
juge-
Avant que de combattre ce système mal assuré, l’on doit
A
,
ment do»1 c»t repousser 1 argument lire de 1 autorité de la chose jugée.
^PPC^
S ¡1 était vrai qu’un jugement du 8 pluviôse an 12 , non
attaqué par les créanciers, les rendît non rcccvablcs d a n s
leur demande, il 11’y aurait plus do cause, et l’on devrait
Être étonné que les premiers juges n’aient pas rais ce motif en
première lig u e , comme rendant la demande inadmissible.
L a Cour sera surprise de v o ir , tout au contraire , ce motif
ajouté, comme par hasard, a tous ceux qui le précèdent, et
dans la vue seulement de confirmer cette proposition que le
dépôt fa it par Nathcy^ avait opéré libération valable .
Uu
�J<32>,
(
9
>'
U n mot suffît pour renverser et la prétendue fin do non
recevoir et le faux argument de libération fondés sur l’autôrité de la chose jugée : ce mot est que la chose jugée n’a, par
le jugement du 8 pluviôse an 12 , rien de commun avec l’af
faire qui concerne les intimés.
Que Nathey, tiers-acquéreur d’un bien provenant d'émigrés'*
se soit libéré, lui N a t h e y , par des versemens faits ( à raison
dc îém igration de M . et madame de la Ilochelambert ) ès
mains du receveur de Saint-Am and , qu’importe ce fait à
la question de savoir si l’obligation de M. et madame de la
Rochelambert envers les créanciers de Tane est éteinte ?
L ’obligntion personnelle de Nathey n’a rien de commun avec
l’obligation de M. et madame de la Rochelambert ; qu’irnporte qu’il soit ou 11e soit pas libéré, pourvu que M. et ma
dame du la Rochelambert soient encore obligés envers les
créanciers d e T n n e ?
L ’on a très-adroitement, en première instance, tendu co
piège aux créanciers de leur opposer le jugement du 8 plu
viôse an 12, pour les mettre aux prises avec Nathey, qui ne
leur doit rien, et qu’ils ne veulent ni ne doivent attaquer.
Mais les créanciers ont vu le piège et se sont bien gardés d’y
toucher. Ils ont senti que se serait se jeter dans une ,discussion
étrangère, et par cela môme périlleuse, que de contester ¿t
Nathey l’ellet des versemer.s qu’il a pu faire.
Comme acquéreur de S a u z a y , Nathey débiteur direct dû
son vendeur , comme ayant cause de S a u z a y , débiteur de M. et
madame de la Rochelambert, émigrés, Nathey, dirons-nous ;
a p u , même il a dà verser ès mains du receveur dn SaintAmand pour soustraire l’immeuble au s é q u e s t r e appose du chef
des vendeurs originaires. A quoi bon lui contester 1 effet de sou
versement ? Qu’il le fasse valoir comme bon lui semblera , les
créanciers n*y doivent point prendre part.
L a chose jugée à l’égard de Nathey, sur la demande en tnainD
Riponso h la
non- rcce-
�70k( io )
levés des opposiu'ons subsistantes contre lui, ne peut donc êtred’aucune influence dans la cause à juger avec les intimés, t e
jugement du 8 pluviôse an 12 est donc-/'« alia, et inter alios
jiid ica ta , qaæ ncque prodesse, neque nocere potest.
Sans cloute les créanciers n’eussent pas manqué de l’attaquar
ce jugement, et ils eussent été forcés de le faire, si réellement il
eut jugé avec eux le point dont il s’a g it, c’est-à-dire la question de
sivoir si l’obligation de M. et madame de la Rochelambert, per-.
sonnellement envers eux, subsiste ou non; sans cela les créan
ciers eussent été non-recevables ( i ) .
Déjà l’on voit que la fin dé non-recevoir est chimérique, car
on n’eût pas manqué de l’appliquer si elle eût été réelle; mais
de plus on voit encore que ce jugement n’a point de rapport
Ù la cause actuelle, et que ce motif dans le jugement dont est
appel, loin de le corroborer, en démontre lè peu de solidité.
O r, il est clair que les premiers juges ont au hasard inséré ce
motif q u i, s’il était applicable, détruirait seul l’action des
créanciers, et qui ne l’étant pas, ne peut qu’infirmer le jugement:
où mal à propos on le voit placé.
Reste donc à repousser l'argument d’où l’on veut induire la
libération des intimés.
i° . L ’homme par qui les versemens ont été faits à Saint-
(0
I.c» créanciers avaient deux actions contre deux personnes, qu’ils pou
vaient joindre ou exercer sép arém en t, l une contre les sieur et dame de la R o clio lam b ert, ré.Millanl de leur obligation ; cl l'autre contre leur acquéreur , en
rapport
son Pr' x * £)<• cc fl'ic par lViTct des loi» révolutionnaire» , et à cause
de Immigration des sieur et dame de la Iloch elam b ert, ils ont perdu la rtio n
contre N a tlic y , il ne s'ensuit pas qu'il» ont égalem ent perdu celle qu’ils exercent
aujourd'hui contre If* sicur ct dame ^e
K °cbelam bert. L e jugem ent du 8
pliiviôsç au ta a privé les* créanciers dc$ dioits qu ils avaient contre N ath ey f
njuis il n’a rien s ta tu é , ni l ien pu statuer sur ceux qui résultent de l'obligation
personnelle de» sieur et dame de la Ilo ch tla m b crt. Enfin , il n’eit point r e n d it.
ayee eux
ilj a y ont pas ¿té a p p e lé s..
�7oS.
? •'!**. r
( Il )
A'mand, notait point le mandataire de M . eï madame d e là
Rochelambert, ] ar conséquent il n’a point payé pour eux.
De plus, il ne pouvait pas l’être, car ces émigrés étant frappés
alors de mort c iv ile , la nation seule les représentent. Aucun
mandat n’était possible de leur part et executable en leur nom.
Sous ces deux rapports le fait de Nathey ne saurait devenir
le fait des intimés et servir à leur libération.
L e receveur de S a i n t - Amand n’était ni ne pouvait être
le mandataire des créanciers, à l’effet de recevoir pour eux le
2°.
paiement de ce qui leur était dû par M. et madame de la Roche
lambert.
3 °. L e versement n’a point eu pour objet l’extinction de la
créance des appelans contre les intimés.
Maintenant on le demande , qu’est-ce qu’un versement qui
n’est fait ni pour les débiteurs, ni pour les créanciers, ni pour
acquitter la dette du premier envers le second, et comment
serait-il possible de conclure cTun tel fait l ’extinction de cette
même dette ?
Voilà le point cardinal de la cause. Les intimés ont besoin
du fait d’autrui, (puisque eux-mêmes n’ont rien versé person
nellement) d’un fait qui produise, à leur égard, extinction
de leur obligation.
Et ce fait n’est pour eux que dans le versement de NatheyJ
Ils n’en n’invoquent pas d’autre.
O r , ce versement ne peut leur profiter, soit qu’on le con-|
sidère dans les circonstances et dans les motifs qui l’ont amené;
soit qu’on le considère d’après les principes du droit.
E t d’abord, si nous considérons ce versem ent dans le fait;
le séquestre était sur Chadieu. Pourquoi cela ? parce que les
corps administratifs regardaient Chadieu comme la piopriété
des émigrés la Rochelambert, parce q u ’ils suspectaient les actes
de veuto et revente faits sous les noms de Sauzay W a lier et
N athey, parce que Sauzay lui-même, en cxccution de la
B 3
�7o6
( 1 2 ,)
loi du 3 o octobre 1792 ; avait fait le 24 décembre suivant, là;
déclaration de ce qu’il devait aux sieur et dame de la Rocher
lambert comme émigrés, sur la terre de Chadieu ; parce qu’une
contrainte avait été décernée à raison de Immigration, etc., etc.
Quel a été donc l’objet de Nathey dans les versemens faits au
receveur de Saint-Amand ?
A cet égard il ne peut y avoir de question, car le fait de
l’émigration, l’inscription sur la liste, la déclaration de Sauzay,
l ’apposition du séquestre, la contrainte décernée, les quittances
données, tous les actes et tous les faits démontrent que les ver
semens n’ont eu lieu qu'à cause de /’émigration , pour libérer
Chadieu.
M a is les actes ne le diraient pas que la chose n’en serait pas.
moins évidente; il fallait sauver l’immeulile, em p êch er la
vente, justifier la propriété, di'.-ippr les doutes que les actes
eux-mêmes faisaient naître; car plus N-ilhey se disait le pro-..
priétaiie de Chudieu, plus il s’el força il de le prouver par ses
titres, m oin s 011 était (enté de le croire. Il s’est efforcé de le
piouvei par de> sacrifices; il a gagné du teins, il a sauvé l'im
meuble.
Il est faux, il est absurde de dire que de tels sacrifices aient
élé faits pour éleindie l’obligation de M . et madame de la
Rochehmibert envers les créanciers de Tune; car non-seule
ment fSnihev n’y pensait pas el ne s’en occupait guère, mais,
cncote il n’aurait pas pu s’en occuper.
E'i effet, l’on connaît la disposition des lois rigoureuses qui
régnaient alors. La nation se mettant à la place des émigrés,
- s’emparant de lous leurs biens, voulait qu’on lui payai à elle
seule tout ce qui leur étoit du. Les débiteurs d s émigrés
n’avaient pas la liberté d aller verser ailleurs que dans ses cof-.
fres; moins encore pouvaient-ils sc mêler de p a ie rie s dettes.
d«s émigrés.
Ij.eM donc.clair,^dans le fait, que Najhey n’a travaillé que»-
�7o ï.
( i3 y
pour luî-même ; n’a songé qu’à lui-même lorsqu’il a versé chez
le receveur de Saint-Amand à diverses reprises.
E t , s’il était besoin de confirmer encore ce point qui mainte
nant est l’évidence même, la caisse ou ces verseinens ont eu lieu
ne démontre-t-elle pas elle seule qu’ils étoient faits uniquement
à raison du séquestre et de Immigration de M . et madame de
la Roche'ambert.
En effet, la loi, par une disposition spéciale, avait ordonné
que toutes les sommes dues aux émigrés seraient versées chez
le receveur de l’enregistrement, dans le lieu de leur domicile
et de la situation de leurs immeubles. Cette caisse particulière
était affectée au service comme caisse des domaines nationaux,
dont les biens et créances des émigrés faisaient partie, de telle sorte
que le seul versement joint au fait de l’émigration des sieur et
dame de la R jchelambert, joint à celui du séquestre surChadieu et à la co n tra in te d é c e r n é e , dém ontre qu’il a été fait pour
libérer Chadieu de la mainmise nationale à raison de Immigra
tio n .
11 suit delà que dans l’exacte vérité , Nathey n’a fait que sa
propre affaire comme sous acquéreur d’un domaine séquestré’
sur un émigré, c omme suspect de vouloir soustraire l’immeu
ble à la confiscation , comme débiteur de M . et madame de I3
Hochelarabert, et qu’il n’a ni payé ni youlu p ajer la dette de
ces derniers.
Ce point démontré par le fait seul, ne l’est-il pas encore par
le droit ? c’est ce qu’il est également facile d’établir.
Pour payer la dette des époux la R o ch e la m b e rt envers le?
créanciers de Tant:, il eût fallu,si telle eut été l’intention , suivre
ce que disait l’obligation.
Que disait-elle ?que ces créanciers avaient à Paris leur u n io n ,,
dont le siège <5lol' t C|1CZ M 1-* T ju tat, leur notaire séquestre;
qu il fallait aller chez ce notaire, comme on y était allé déjà
quatre fois trouver ces créanciers toujours représentés, par leur.
�X *4 )'
■homme, M c Trutat, lequel était toujours prêt à recevoir et à
donner décharge.
Ici l’on ne manquera pas d’opposer la loi du 23 septembre
1793, et les argumens dont le tribunal a recueilli la substance
dans le troisième de ses motifs.
L a réponse sera prompte, et, nous osons le dire, péremptoire;
Avant d'examiner si M e Trutat pouvait recevoir, il fallait
aller chez lui trouver l’ union qu’il représentait, et dire que
l’on était dans l’intention de payer.
Qu’eût fait Me. Trutat? Il eût répondu que les créanciers
étaient prêts à recevoir, sans qu’il fût besoin pour cela de faire
un dépôt entre ses m ain s, dépôt dont la loi du 23 septembre
*1793 ne lui eût pas permis, à lui T ru tat, comme notaire, de
se charger.
Ainsi toute l’argumentation fondée sur ce que Trutat ne
pouvait plus recevoir de dépôts, s’évanouit par le fait; et rien
n’est plus facile.
Ce notaire qui, même avant la loi de septembre 1793, avait
la délicatesse de ne point garder dans sa caisse les fonds d’autrui ;
n’eût pas manqué de faire ce qu’il avait déjà fait des 170,644 1.
pnjécs en îyijo et îy ^ i j c est-à-duc, de les appliquei sur le
champ au paiement des plus anciennes créances, et de faire
cesser par la le cours des intérêts qu’elles produisaient; de telle
sorte qu’il y avait toujours à sa disposition et à celle des créant
cîers un emploi prompt, certain, utile à la masse et d’avance
approuvé. M® Trutat eût donc sur le champ offert les moyens
de libération valable et sûre, sans qu’il eût été besoin de faire
aucun dépôt ; d’ailleurs les syndics étaient là pour recevoir euxmêmes , convoquer une assemblée, prendre une délibération
s’ il eût été nécessaire, régulariser le paiement, et procurer
décharge en bonne forme.
Voilà ce qui fût arrivé si Ton eût voulu payer pour M. et
madame de la Rochelambert ; mais en supposant que ni
�M e .T ru ta t, îiiles syndics n’eussent pu ou voulu recevoir,.qjie*
ÎTit-il arrivé ?
Les débiteurs ou leur mandataire désirant se libérer en eussent
pris les moyens r é g u liers; pour cet efiet, après avoir fait des
offres , ils eussent obtenu l’autorisation de déposer ; où ? dans
la seule caisse instituée par la loi du 23 septembre 1793 , pour
recevoir les dépôts et consignations entre particuliers, caisse quipour les sommes payables à Paris en vertu d’obligations con
tractées et exécutoires à Paris, n’existait qu’à la trésorerie
nationale*
Ici s’applique tout ce que l’on a dit dans la consultation du i 5
décembre 1808, sur l’établissement et les fonctions de cette
cai se, sa destination, sa différence d’avec les autres caisses
nationales, dont le service n’a rien de commun avec celle-ci.
Gomment, d’apiès ces explications, les premiers juges ont-ils'
pu dire que ri étant plus permis de déposer chez le notaire '
indiq' épar le contrat, la lui vouloit que désormais de tels
'dépôtsfussen t Jaits cliezles receveurs de Venregistrement ?
Sans doute ils ont eu raison de dire ailleurs ( 7 e. motif y que
suivant les lois sur l'émigrabion , les débiteurs <£émigrés
avaient du déposer dans les caisses de ces receveurs ; mais
ils ne se sont pas entendus quand ils ont affirmé la même chose
dii dépôt ou consignation qu’un débiteur ou son mandataire
veut faire d’ùne somme due à des républicains, à des créanciers
non émigrés, capables de recevoir, et dont le notaire seulement
ne pouvoit plus garder l’argent à titre de dépôt.
De ces deux motifs le premier est faux , en ce qu’il suppose
que les receveurs de la régie ont été substitués aux notaires ;
mais de plus, il offre l’occasion de se convaincre que Nathey
n ’a point eu , du lo u t, la pensée de payer la dette personnelle
des sieur et darne la Ilochelainbert envers les^ créanciers de
Tane, S’il eût eu c e l t e pensée, si d’autre part il eut pu 1 exé
cuter, nul doute que d’abord il 11’eût cherché les moyens de;
�payer valablement, ce qu’il était si facile de faire; nul doute
que s’il ne les eût pas trouvés, il n’eût employé ceux d’un dépôt
régulier à la caisse de la trésorerie, dépôt précédé d’offres,
d’autorisation judiciaire, et auquel les créanciers de Tane
eussent été dûment appelés ( x ) .
( i ) L a loi du a 3 septem bre 1793 n’a pas dispensé les débiteurs qui ont
voulu se libérer par un d é p ô t, de l’observation des formalités , comme offres
réelles , demande en valid ité, ju g e m e n t, etc. , etc. ; la jurisprudence est bien
certaine sur ce point. V o y ez l’arrét de la Cour de cassation , rapporté à la page
a 5 de la Consultation du i 5 décem bre 1808. O n trouve encore dans le Journal
du Palais , supplém ent 1808, art. i 3 , pag. 100 et su ivan tes, la notice d’ un
arrêt de la Cour d'appel de Paris , du i 5 février 1808 , confirm atif d’un ju g e
m ent du tribunal Civil du départem ent de la S e in e , du 8 pluviôse an 7 , qui
ju ge la même question et de la m im e manière.
D ans cette espèce , Boussaroque de Lafond s’était rendu adjudicataire le 21
juin 17 9 2 , de la terre de M ontrésor ; il devait en payer le prix à des créanciers
délégués, entre les mains d’A rn a u lt, notaire , à Paris. L e vendeur était M . de
B eauvilliers, et il ne vendait qu’en qualité d'héritier bénéficiaire d e ...................
J\I. de Beauvilliers avait été condamné révolutionnairem ent à la inort ; il avait
en outre été mis sur la liste des ém igrés ; arrive la loi du a 3 septem bre 1793 ,
lioussaroque 11e pouvant plus déposer entre les mains d’A r n a u lt , va faire le
dépôt à la Trésorerie. L e jugem ent et l’arrét précités ont déclaré ce dépôt n u l,
a tte n d u que la lo i d u a 3 septem bre 1 7 9 3 , en o rd o n n a n t fjue les n o ta ires et
a u tres d éposita ires verseraient le m o n ta n t d e leu r d ép ô t à lu caisse n a t io
n a l e , n'a pas com p ris les som m es dues p a r des cito y e n s à d 'a u tres cito y en s ;
a tten d u que la d ite lo i a y a n t ch a n g é par sa puissance le d ro it que dans la
su p p o sitio n ci-d evan t f a i t e , l ’a d ju d ica ta ire aurait d e d ép o ser son p r ix
e n tr e les m ains iV A r n a u lt, l'a d ju d ica ta ire ne pouvait , sans un e a u to risa
t io n d e la ju s tic e , se créer un nouveau d ro it , et su b stitu er au d ép o sita ire
c o n ven u un d éposita ire q u i ne l'é ta it pas.
Quelle similitude ! m îm es faits, mêmes circonstances.
M . de Beauvilliers avait vendu comme madame de Montmorin a vendu aux
époux la R o ch c la m b e r t, en qualité d héritier bénéficiaire; comme madame do
Montmorin , il arait délégué le prix aux créanciers de la succession bénéficiaire ;
comme madame de Montmorin , il »
condamné a mort ; comme madame do
Montmorin , il avait stipulé que l'acquéreur paierait son prix entre les main*
,tlun n o u â t - , à P aris, ainsi que les époux la IVocliclanibert prétendent que
Quant
�i *7 y
‘
r Quant à cet autre motif ( 7 . ) que'lei débiteurs des émigrés
avaient dû déposer diws les caisses nationales, il esi e x a c t,
et c’est aussi ce qu’a fait Nathey comme redevable personnel
lement, à raison de la terre séquestrée. Du chef des vendeurs,
la Rochelamberl, créancier d’une partie de leur prix, Nalhey,
disons-nous , a dû d é p o s e r précisément dans la caisse du rece
veur de la régie à Saint-Amand, lieu de la situation de l’im
meuble , la somme qu’il restait à payer aux émigrés. Aussi le
versement qu’il a fait est-il libératoire pour lui Nathey, de ce
qu’il devait aux sieur et dame la Rochelamberl. Les créanciers
avoient reconnu ce paiement comme incontestable, et c’est sur
ce fondement.cjue le tribunal de Glermont a fait main-levée de
leurs oppositions par le jugement du 8 pluviôse an 12.
Ce versement n’était bon et libératoire que pour lui NalheyJ
dont il éteignait la dette, mais il ne pouvait éteindre celle per
sonnelle aux sieur et dame de la Rochelamberl envers les c r é a n
ciers de Tane; autrement il faudrait poser en principe que tout
paiement fait dans la caisse des domaines a libéré les émigrés do
tous leurs engagemens, et que la République avant pris sur elle la
charge de leurs dettes en s’emparant de leurs biens , l’extinction
de leurs obligations s’est opérée nécessairement. ,
Ce principe de libération avait d’abord ¿té soutenu pour les
émigrés, mais le Conseil d’Etat l’a solennellement proscrit par
l’arrêté du 3 floréal an 11 ; et maintenant personne n’ignore que
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obligations per
sonnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens avec lesquels ils eus
sent pu les acquitter. L a raison de cette décision a été que les
N atlicy l’a fait jo u r eux. L ’acquéreur Iîoussaroque avait déposé »on prix à la
T résorerie nationale ; sans offres réelles, sans jugem ent d’autorisation , Boussaroque invoquait aussi l'im possibilité dans
dans la caisse du n otaire; il
invoquait
la q u e lle
il
s'é la it
trouvé de déposer
la loi du .2.3 septem bre >7;)3 ; tout cela
a été inutile : il fnüait des offres réelles
et
une autorisation de la ju s tx e qn’ll
p>vuit pas , et que les sieur et dame de la ttoch clam bcrt n’ont pas non plus.
c
�(
t8
>
obligations sont des lois dont rien ne peut délier ceux qui les
ont contractées ; ce sont des titres perpétuels et indépendans
des cii con^t "nces dans lesquelles le débiteur a pu se trouver.
L ’homme qui s’engage doit considérer que, quoi qu’il arrive ,
son engagement subsistera jusqu’à ce qu’il l’ait éteint par le paie
ment, et qu’aucune considération ne peut l’en affranchir contre
le gré de son créancier. Les lois de tous les tems et de tous les
pays ont adopté ce même principe.
11 est donc inutile de répéter aujourd’hui que la Nation a pris
les biens; qu’elle s’est chargée des dettes; « que les créanciers de
s Taneontdû se pourvoir auprès de la République pour se faire
» payer par elle, conformément au* lois ; et que s’ils souffrent
» de leur négligence, ils ne peuvent l’imputer qu’à eux-mêmes.»
U n tel motif est manifestement conti’aire à la volonté de la loi
dont le tribunal a méconnu les dispositions; car cette loi déclare
non-seulement que les créanciers des émigrés peuvent s’adresser
aux débiteurs, malgré tous les versemens faits dans les caisses
nationales du prix de leurs b iens, du recouvrement de leurs de
niers , e tc., mais encore que ceux même de ces créanciers qui
se sont présentés pour être liquidés par la République, qui l’ont
été réellement, et dont ainsi la créance semblerait être la dette
exclusive de la République ; ces créanciers, disons-nous, peu
vent, s’ils n’ont pas converti leur liquidation en tiers-consolidé ;
reprendre contre leurs débiteurs l’exercice de leurs actions, en
vertu de leurs titres.
Nul doute que les créanciers de Tane n’eussent pu se présenter
a v e c leurs titres, sc faire liquider par les corps administratifs ;
mais de ce qu’ils ne l’ont pas fa it, s’ensuit-il que l’obligation des
sieur ci dame de la Rochelambcrt soit éteinte? Non, encore une
fois, le législateur n’a pas même voulu que ceux dont la liquida
tion était déjà faite perdissent le droit d’attaquer leurs débiteurs
rentrés. Les prem iers juges ont donc violé très-ouvertement cette
loi que l’on invoquait devant eux.
�'( * 9 )
Ils ont en outre fait une telle confusion des choses les plus dis
parates entr’elles, que l’intention de libérer M. et madame de la
Rochelambert s’y manifeste visiblement. L a lecture attentive
des 7, 8, g et io \ motifs le démontre.
En effet, qu’importe à la cause actuelle que les débiteurs
d'émigrés ayent dû verser dans la caisse nationale ? (7e)
que Nathey ait été sommé par le receveur de Saint-Amand ,
de payer à son bureau? (8e) Que la libération de Nathey ait
été reconnue valable , par jugement du 8 pluviôse an 12 ? (9e)
Tout cela 11e fait rien à la dette personnelle des sieur et dame
de la Rochelambert envers les créanciers de Tane.
Cependant c’est après avoir posé ces trois points comme
des motifs graves, que les premiers juges se sont avisés de
dire ( 1 0 e ):
»»
'»
»
»
« Attendu que si les sieur et dame la Rochelambert ne
s étaient pas trouvés sur la liste des émigrés , ils n’auraient
pu faire que ce que Nathey a fait ( n e ) , déposer dans la
caisse indiquée par la loi le restant du prix de leur acquisilion, et que N a th ey, en faisant ce dépôt, l’a fait pour
» tous ceux q u i , comme lu i, étaient tenus de le faire, et par
» conséquent pour les sieur et dame la Rochelambert. »
L a confusion des dettes et des caisses est ici par trop cho
quante , et de tels motifs pourraient faire soupçonner que les
premiers juges n’ont pas même entendu ce que l’on a.si soi
gneusement distingué devant eux, savoir, i° . la dette person
nelle de Nathey d’avec celle des sieur et dame la Rochelambert envers les créanciers de T a n e , dettes dont la première a
pour cause un contrat de vente, et la seconde ne résulte que
d une convention spéciale; 2°, la caisse du receveur des do
maines et de l’enregistrement d’avec la caisse instituée pour
les dépôts et consignations entre particuliers . inutile de levenir sur ces distinctions que la Cour saura parfaitement saisir.
Reprenons l’argument des premiers juges.
C 2
�"
(
30
) '
» Si les sieurs et dames de la Rochelambert n’eussent pas
émigré , dit on , ils n’auraient pu faire que ce qu’a fait Nathey.
Rien n’est évidemment plus faux : s’ils fussent restés en
France , et qu’ils eussent voulu payer , rien n’eût été plus facile ;
ils eussent trouvé chez M e Trutat toutes les facilités pour Iefaire
avec pleine assurance par l’emploi des deniers à l’acquittement
des créances les plus onéreuses et les plus anciennes.
Et en supposant ( contre toute vraisemblance ) que ces moyens
eussent manqué , et que l’on eût été forcé de faire <un dépôt J
alors ils eussent fait des offres, obtenu l’autorisation de verser
à la Trésorerie Nationale , et appelé les créanciers à ce dépôt,
qui dès-lors eût eu tous les caractères d’une consignation li
bératoire.
Voilà ce qu’eussent fait M . et madame de la Rochelambert i
restés en France , s’ils eussent voulu se libérer; mais prétendre
que sans dire mot aux créanciers , il eût été libre à ces débi
teurs d’aller secrètement verser à cent lieues delà chez un rece
veur de l’enregistrement des sommes quelconques, correspon
dantes ou non à la dette, et par ce moyen ils se soient trouvés
quittes , autant vaudrait-il soutenir que le dépôt ayant excédé
la dette de plus de 400,000 liv., la répétition de cet excédant,
plus les intérêts, serait fondée, puisque le dépôt aurait été fait à
cause de la dette.
Si N a th ey, comme débiteur de sommes appartenantes à des
émigrés , s’est vu forcé par des lois spéciales , par le séquestre ;
par des sommations impératives de verser le prix de ic i im
meuble dans la caisse du receveur de Saint-Amand , lieu de
la situation de l’immeuble; comment peut-on dire que M. et
m a d a m e de la Rochelambert républicoles, cl inlcgri status ,
n’auraient pu faire que ce qu a fait Nathey.
L a singularité de l’argument étonne à ce point > que l’on ne
sait comment y répondre; mais cet argument étrange se termine
par un §. qu’il serait dangereux de laisser passer sans le corn-
�1(5.
X 2 1 )'
battre; c’est que « Nathey, en faisant son dépôt, l’a fait ponr
» tous ceux qui, comme lui, étaient tenus de le faire, et par
» conséquent pour les émigrés de la Rochelambert.
N athey, débiteur d’ une somme due à des émigrés, a n é
cessairement fait le versement de cette somme, parce que la
l o i , le séquestre , sa déclaration , et la sommation le lui com
mandaient ; il a fait ce versement pour sa propre décharge ; il
l’a fait encore à la décharge de son vendeur Sauzay , débiteur
comme lui de la même somme envers la République , qui
s’était approprié tous les droits de l’émigré.
Mais il est faux qu’il ait fait pour la République, ou pour les
émigrés la Rochelambert, représentés par elle , un versement
libératoire pour elle ou pour eux ; une telle supposition est im
possible. L a République qui prenait to u t, se chargeait elle
même de payer et liquider comme bon lui semblerait le passif
des émigrés; elle ne permettait pas à leurs débiteurs de payer
pour eux ; elle commandait qu’ils lui payassent à elle-même ;
par conséquent il est faux que Nathey ait pu payer pour d’au
tres que pour soi-même et pour Sauzay;
L a République ainsi nantie de tout l’avoir des émigrés, c’était
à leurs créanciers à se présenter devant elle, à lui demander
leur paiement j eh bien , qu’est-il arrivé ? les uns se sont pré
sentés , on les a liquidés et payés. D’autres n’y ont pqs songé.
Cette négligence aurait pu leur faire encourir la perte de leurs
créances. Point du tout. L ’arrêté du 3 floréal a n n , déclare que
ces créances subsistaient dans leur intégralité, que les émigrés
en sont tenus, que les titres môme liquidés, conservent toute
leur force et vertu, ( i )
( i ) T o u t ce que l'on a dit sur la validité des versemens de N athey , sous
c« rapport qu'ils étaient faits par le débiteur de sommes appartenantes à dey
¿m igrés , tju’il*
étaient faits par suite d ’une déclaration expresse , et pou r
obéir à des contraintes; tout cela ne doit s entendre cju« dans la supposition otii
�•
\> t
( 22 )'
•
• •
'
X
Que reste-t-il donc aux intimés pour prouver l’extïnction de
leur engagement par le f a i t de N a th ey , fait qui comme on
ne doit pas le perdre de vue , est seul invoqué ?
Rien absolument. — Donc leur obligation subsiste contreeux__Quand nous disons qu’il ne leur reste rien , noire inten
tion n’est pas de dissimuler l’objection des intimés et le cin
quième molifdu tribunal tiré de la condamnation de madame
de Montmorin; maiscommé ce motif est dénué de raisons , nous
croyons pouvoir affirmer d’avance qu’il ne reste aux époux de
la Rocbelambert aucun prétexte de libération sur le f a i t de N a
they.
C ’est un principe universel, non-seulement en d roit, mais
dans toutes les parties des connaissances humaines, que la même
chose ne saurait être et ne pas être tout à-la-fois: Idem potest
esse sim ul et non esse.
Si donc, le versement a été fait par Nathey pour raison de
Vémigration des sieur et dame la Rochelambert, par suite du
séquestre apposé sur leur immeuble, en vertu de contrainte, et
poursuites exercées contre N a th ey, contre leur débiteur ; si l’on
invoque ce versement comme libératoire , par cela même qu’il
1es versem ent auraient ¿-té faits en espèces admissibles; car s'il se trouve que lors
des
versemens , la loi défendit d'adm ettre des assignats dépréciés ; ti la loi
déclarait mOmc que des paiemens faits en de telles valeurs étaient des vol» ,
alors il serait difficile d'adm ettre que les siour et dame de la U o c h e la m b e rt,
s ’ il » f u s s e n t
restésen I‘ rance, eussent pu
d e T a n e ,o v c c ces assignats.
p a y e r le u r »
dettes envers tes créanciers
C e q u 'its
n'eussent pu faire, com m ent leur prétendu
mandataire l’c û t- il fait pour eux et
leur profit ? Com m ent ces assignats o n t-
ils été reçus aux époques des versemen» ?
Si I
on examine ce point avec atten
tion , il est facile de voir que ces chim érique* valeurs avec lesquels aucun dé
biteur n'eût osé se pre5c n tfr , ne sauraient établir une libération sérieuse m im e
du d ébiteur N ath ey envers les ém igrés la R ochelam bert, à plus forte raison
n'ont-elles point éteint la dette perionnellp de ces émigrés envers les
ciers de T a n e,
créan
�i l y.
^
( a3 )
fut fait à raison de Immigration , du séquestre, de la contrainte,
et en vertu des lois dont la rigueur frappait M. et madame de
la Rochelambert. “ Comment peut-on changer toui-a-coup
et dire que le versem ent fut fait à raison de la condamna
tion de madame de Monlmorin?
Assurément si l’une des allégations est vraie, l’autre ne sau
rait l’être; car il est impossible qu’elles soient toutes les deux
vraies en même tems.
O r , il est démontré par le fa it, il est attesté par les actes , que
le versement a eu pour cause unique l 'émigration des époux
de la Rochelambert.
Donc la confiscation Montmorin n’a pas fait opérer ce ver
sement.
Ce qu’il y a d’étrange dans le jugement dont est a p p el, c’est
qu’il admet tout-à-Ia-fois ces deux motifs inconciliables, et que
sans s’inquiéter s’ils se détruisent l’un l’au tre, il attribue la
cause du versement et à la condamnation Montmorin et à
l’émigration de la Rochelambert.
Si la condamnation Montmorin peut offrir un moyen libéra
toire, qu’on l’établisse et qu’on s’y tienne.
Il en est de même du moyen tiré de Immigration de la R o
chelambert, mais il faut opter l ’un ou l’autre.
Invoquer, et sur-tout admettre l’un et l’autre à la fo is , c’est
prouver que l’on ne s’entend pas, et que l’on n’a ni l’un ni l’autre
moyen en sa faveur.
Prenons garde que les premiers juges n’ont pas même laissé
l’alternative que ce fût l'un ou tautre. N o n , ils affirment 1 un
et l’autre, ils les cumulent tout opposés et inconciliables qu ils
sont. — Voyez les 5 et 6e motifs et suivans.
Par cela seul tombe le ju g em e n t qu ils ont rendu.
Mais la Cour plus attentive , plus exacte , désirera savoir si
dans la vérité cette co n d am n atio n de madame de Montmorin
peut offrir un moyen libératoire.
�Sur le champ il faut la satisfaire et lui prouver que la chose
est impossible.
io. Si la confiscation par suite de la condamnation Montmorin eût été la cause du versement, Nathey n’eût pas manqué
de dire comme débiteur d’une somme appartenant à madame de
Montmoriu, condamnée, qu’il payait cette somme tombée en
confiscation. O r , par cela seul qu’il ne l’a pas dit, il est clair
qu’il n’a pas payé en vertu de la confiscation.
'
2°. Tout au contraire, il a versé comme débiteur des sieur et
dame la Rochelambert, à raison de leur émigration, du sé
questre apposé sur Vimmeuble même , par suite des . con
traintes, etc., et des décisions administratives. Tout se faisait à
l’o cca sio n de Immigration des sieur et dame de la Rochelambert...., lien à l’o cca sio n de la mort de madame de M on tmorin , dont il n a jamais été question.
3 «. Madame de Montmorin, venderesse, pour la forme seule
ment, d’un immeuble de la succession de T a n e , immeuble
dont le prix était appliqué sur le champ aux créanciers de Tane,
envers qui les époux la Rochelambert s’étaient personnelle
m e n t obligés, ne laissait point in bonis de créance comme les
époux la Rochelambert.... et jamais la nation n’a rien réclamé
du chef de madame de Montmorin.
4°. Mais elle a réclamé du chef des émigrés la Rochelam
bert.... et ce n’était pas seulement le restant du prix de la vente
par eux faite, c était Chadicu m êm e , dont elle s’emparait
comme étant toujours leur propriété, malgré les actes trans
latifs dont on excipait sous les noms de Sauzay, W alier et
N a t h e y , actes suspects de simulation, et qui n’excitaient que la
défiance. Voilà pourquoi l’on s est empressé d é fa i r e des sa
crifices pour empêcher la mise en \enle, et les versemens n’ont
pas eu le moindre rapport a madame de Montmorin.
Pira t*on qu’il serait équitqblc de les supposer ainsi foils et de
leur
�X
25 5
leur appliquer* malgré l’évidence du contraire,' line cause Fa
vorable à la libération.
L ’on répondra, i°. qu’une telle faveur serait une injustice en
vers des créanciers légitimes, dont le Gouvernement a cru de
voir respecter les droits ;
2°. Qu’elle serait en opposition avec les principes sur lesquels
le Gouvernement a fondé son arrêté du 3 floréal an 11 ;
3 °. Qu’une telle fiction ne peut être admise contre la vérité
qui s’y oppose et qui la rend impossible. L ’effet d’une fiction est
bien d’opérer, en l’absence de la vérité, ce qu’opérerait la vérité
même, mais non pas d’anéantir la vérité pour mettre à sa place .
une supposition qui, se trouvant détruite par le fait, serait une
fausseté manifeste.
Inutile de reproduire ici tout ce que l’on a dit dans la consultalion du i 5 décembre 1808, en réponse à l’argument tiré de la
condamnallon de madame de Montmorin ; il suffît d’y renvoyer
(pag. 9 , io et i i ).
Nous lisons dans le jugement de Clermont ce motif :
« Attendu que les créanciersdeTane, à qui le restant du prix
» (de l’acquisition des sieur et dame de la Rochelambert) devait
» être payé dans les tems du premier contrat, n’ont jamais été
3> connus ni délégués par l’union de ses créanciers, ainsi qu’elle
» devait le faire.
Ce motif renverse l’argument par lequel les sieur et dame la
Rochelambert voudraient prouver qu’on a payé pour e u x , en
vertu d’un mandat tacite, leur dette envers les créanciers de
T a n e , inconmÊtit noW&Hégués.
II
renverse cette sommation bisarrc par la|^^0£ggynj|jf^t »
sans qu’ils s’en doutassent, ces créanciers d^Tane à des versemens qui devaient se faire et qui ne se sont point faits, poui payer
une somme dont le remboursement était suspendu par la lo i ( i ) ,
( i ) C ette loi est la résolution du Conseil de» C in q -C en ts, du 11 frimaire an
4 » sanctionnée le lendem ain i a , qui caractérise de vols les rem boursem ens qui
"
D
�n«( aC )
ici jour, chez un receveur de St.-Amand, avec qui l’on a simple
ment fait un compte sans lui rien verser. A vec cette sommation
s’écroule tout ce qu’on avait bâti dessus.
Lorsque l’on oppose, au nom du débiteur lui-même, à ses
créanciers, qu’ils étaient inconnus, non délégués , et que l’on
ne savait où les trouver et les prendre, il est clair que les verseraens faits par un tiers n’ont pas eu pour objet le paiement de
ces mêmes créanciers.
Nous lisons encore cet autre motif :
« Attendu que les sieur et dame de la Rochelambert riontja -*
3) mais été mis en demeure de payer les 263,980 liv ., formant
35 le restant du prix de Chadieu, »
De ce qu’ils n’ont pas été mis en demeure par des commandemens, s’ensuit - i l q u ’ils aient acq u is libération? L a consé-'quence serait absurde. Que s’ensuit-il donc? Rien autre rhose,
sinon que les créanciers ont attendu la commodité des débiteurs ;
mais comme ils n’ont pas attendu plus de 3 o ans, et que leur
droit reste entier, les débiteurs ne trouvent point dans cette at
tente de i5 ou 16 ans le fait libératoire dont ils ont besoin.
S i, du côté des sieur et clame la Rochelambert, on attendait
pour pa\er qu'ils fussent mis en demeure, il est évident que les
sc faisaient en assignats, et qui porte, art. 4 : * T o u t créancier qn» se croira
» lésé par te paiement nu remboursement qui lui serait ollert de capitaux k lui
x> du», par obligations pub'iques <>u pfivées, antineuresi au premier vendé—
» n,iaire, sera libre de le refuser. ».
C 'est depuis cette loi que N atliey ¡1 »ongé a iÆ u eu r et dame de la H oclielam rn *''* faisant joim rtff •> «n domicile élu , dc ic trou
ver . le
i5
pluviô e de lu même année , . lira le receveur ,1e l'enregistrem ent k
S, i.,t- \ in a n d , pour étro présen» au paiem ent qu'il entendait fu;rc p w u U b W
C U 'Ü eu .
Ce ne sont pas lh de» offres réelles. Il n y a point de jugem ent-qui l'ait auto
risé à déposer. 11
ya
bien plus q'te tout cela ; c e s t la loi p réiité c q u ij bien.
anU ii turc m e n t, avait suspendu tou* le* rem boursem enj.
�1 X\ .
v
r
< s 7
),
versemens de Nathey n’ont pas eu pour objet d’acquitter leur
dette.
Cet autre raolif : « que l’union des créanciers n’a pas formé
i> d’opposition au sceau des lettres de ratification obtenues par
« les sieur et dame de la Rochelambert -, ce qui forme de
j> nouveaux obstacles au paiement du restant du prix »
loin'd’offrir aux débiteurs un prétexte de libération, ne sert
qu’à prouver l’existence de leur obligation non acquittée, et cette
preuve est d’autant plus certaine, que si l’union en corps n’a pas
formé d’opposition, les créanciers de Tane en avaient indivi
duellement formé. Par ce m oyen, les sieur et dame de la Roche
lambert sont devenus, en impétrant les lettres scellées à la char
ge de ces oppositions, obligés de nouveau, suivant l’édit de 1771,
à la représentation de leur prix.
Nous avons parcouru tous les motifs des premiers juges, et les
principaux argtimens des époux la R o ch elm n b ert. Ces motifs et
ces argumens ont trouvé leur réfutation dans l’ordre de noire dis-*
cussion. Maintenant on le demande, où donc est le fa it équi
valent à paiement dont ils puissent conclure l’extinction de leur
engagement personnel?
L e seul fait invoqué (le versement de Nathey chez le receveur
de Saint-Amand), ne peut avoir opéré cette extinction.
Par conséquent l’obligation demeure, et puisqu’elle subsiste,
il faut l’acquitter.
En se résumant, il n’y a réellement point de question, et l’on
ne trouve pas la matière d’une difficulté sérieuse.
L ’importance de la somme, les circonstances, l’influence de
la famille, celle de l’acquéreur, ont seules égare les premiers
juges qu’un sentiment d’intérêt mal entendu prévenait en faveur
des intimés.
Qu’à la place des noms et des sommes , l’on substitue ceux-ci :
Pierre s’est obligé personnellement envers Jacques à lui payer
100 fr. L ’obligation est certaine; Pierre n’a point p a jé ; Jacques
D 2
ejtr
�c * 8 y
peut-il demander les 100 fr.? Il ne s’est écou’é que 16 ans ; point
de prescription. Pierre invoque-t-il un fait d’où lésulte néces-sairement l’extinction de son engagement, un fait équivalent au
paiement? L e seul fait qu’il invoque est celui d’un versement
fait par un tiers ; ce fait remplit-il le vœu de la loi ? suffit-il pour
anéanlir l’obligation ?
Voilà toute la cause, et l’ on ne craint pas de dire qu’une telle
question fondée sur le seul fait de Nathey, n’est pas proposabîe
sérieusement.
M e. P I E T , Avocat.
J U G E M E N T
D O N T
EST
A PPEL.
« A t t e n d u que les marias la Rochelambert, acquéreurs de
Chadieu, par conlrat du 17 juin 1788, moyennant la sommede 375,000 liv ., s’étaient obligés de payer ce prix dans le
cours des deux années suivantes, entre les mains de Trulat,'
notaire , séquestre de l’union de partie des créanciers de
Tane, ou à ceux de ses créanciers qui seraient délégués.
» Attendu que, dans le cours de ces deux années, et jus
qu’au 28 novembre 1791-, les marié* la Rochelambert payè
rent chez Trulat une somme de 170,644 liv. 19 s. ;
» (^ue par conlrat du 27• novembre- 179*» les mariés la
Rochelambert vendirent Chadieu au sieur S auzay, moyen
nant là somme de 5 oo,ooo liv., de laquelle il leur fut payé
celle de iz5,oooliv.
» Attendu que* Sauzay s obligea de payer dans le courant,
de Pann.'e les 370,000 liv. restant aux mariés la RocholainJjcrt, vendeurs, ou si bon leur semblait aux créanciers de
ces derniers, et spécialement aux créanciers privilégiés sur
.Chadieu, avec convention que s’il suvvcuuit des oppositions.:
�( 4
y
au sceau des lettres de ratification que Sauzay devait prendre;
ltes mariés la Rochelambert seraient tenus de les faire lever.
s) Attendu que par contrat du 7 nivose an 2 , Sauzay re-'
vendit Chadieu à W alier pour Nathey, moyennant 53 o,ooo liv.,
dont Sauzay reçut 40,000 liv. ;
» Que W alier s’obligea de payer les 400,000 li v . , savoir, àSauzay, son vendeur, 135,000 1. s’il n’y avait point d’opposition
au sceau de.-> let'ies de ratification que W alier devait prendre;'
» Et les 3 55 ,ooo liv. restant, à ceux des créanciers de
Tane qui s’étaient opposés au sceau des lettres de ratification
prises par Sauzay;
» Ou de faire le dépôt et la consignation de ladite somme'
partout où besoin serait ;
» Qu’ainsi Sauzay et W alier ont été successivement chargés
par leur contrat d’acquitter le restant du prix de l’acquisition
fuite par les la R o c h e la m b e r t , p rem iers «acquéreurs.
» Attendu que les créanciers de T a n e , à qui ce restant de*
prix devait être pa^é dans les temps du premier contrat, n’ont
jamais été connus ni délégués par l ’union de ses créanciers,
ainsi qu’elle devait se faire;
» Que les mariés la Rochelambert n’ont été mis en retard
de payer les 263,980 liv. formant le restant du prix, ni parla*
dame de Montmorin , venderesse , ni par l’union de ses créan
ciers ;
» Que la loi du 23 septembre 1793 a défendu de faire1
aucun dépôt chez les notaires et autres' olliciers publics, et.
a voulu que désormais ils lussent faits chez les receveurs de
l’enregistrement ;
» Qu’ainsi il n’a pas été permis de déposer chez le notaire
T ru ta t, indiqué pur le contrat.
» Attendu (¡ne l’union des créanciers de Tune ne forma point
^opposition <m sceau des lettres de ratification prises par Icsi
maùés la Rochelambert j,
�( 3o y
» Qu’il en fui fait par un grand nombre d’autres créan
ciers, ce qui formait de nouveaux obstacles au paiement du
restant du prix de Chadieu.
» Attendu que la dame Montmorin, qui avait vendu aux
mariés la Rochelambert, et q u i , outre sa qualité de pro
priétaire de Chadieu, avait conservé sa qualité de créancière
sur cette terre, avait été condamnée à la peine de mort, et
que par suite les biens furent acquis et confisqués à la nation ;
» Que les mariés la Rochelambert furent portés sur la liste
des émigrés, et traités comme tels ;
» Que, d’après la législation des émigrés, leurs débiteurs
avaient du faire le dépôt de ce qu’ils leur devaient dans les
caisses nationales,
» Nonobstant toutes oppositions ;
» Et que les corps administratifs devaient régler et ordonner
le versement desdits dépôts entre les mains des créanciers des
émigrés;
» Qu’ainsi Nathey, sommé par le receveur de l’enregistrement
de Saint-Amand de payer le restant du prix de l’acquisition
de Chadieu , n’a pu s’empêcher de l’opérer ;
» Et qu’il avait été dans l’im p o s s ib ilité , ainsi que les précédens acquéreurs, de l’opérer autrement ;
» Qu’ainsi les créanciers de Tane , et tous les ayant droit et
hypothèque sur ce prix, ont dû se pourvoir pour le toucher
conformément aux lois, et que s’ils souffrent de leur négli
gence ils ne peuvent l'imputer qu’à eux-mômes.
» A t t e n d u , e n f in , q u e
été re con n u e valable
la libération opérée p a r ce dépôt a
p ar ju g em e n t de ce trib u n a l, en date
du 8 pluviôse an 12 ;
» Que ce jugement 11 a pas été attaqué.
„ Attendu néanmoins que les dépôts faits par Nathey 11e
peuvent s’appliquer qu’au paiement des objets par lui acquis
xlo Sauzny ;
�7ZÍ.
I
'
j
( 3 0
» Et attendu que S a u z a j avait précédemment vendu à Feuil
lant différens articles qu’il détacha de Ghadieu ;
» Que le prix de cette vente est encore entre les mains des
acquéreurs.
» La libération de Nathey a-t-elle profité aux mariés la Rochelambert, et par suite, la demande en main-levée de Pins-,
cription prise contr’eux est-elle fondée ?
Attendu que si les mariés la Rochelambert ne s’étaient pas
trouvés !>ur la liste des émigrés ils n’auraient pu faire que ce
que Nathey f i t , déposer dans la caisse indiquée par la loi le
I
!
restant du prix de leur acquisition ;
» Que Nathey, en faisant ce dépôt, l’a fait pour tous ceux
q u i, comme lui, étaient tenus de le fa ire , et par conséquent
pour les mariés la Rochelambert.
'^r_
» En ce qui touche l’opposition formée par les mariés la
Rochelambert au commandement de payer qui leur a été fait
par Amédée de Tane ;
» Attendu que l’obligation des mariés la Rochelambert en
vers le sieur de Tane résulte d’ un prêt directement fait aux
mariés la Rochelambert, et pour la restitution duquel ils affédèrent personnellement leurs biens ( i ) ;
»
'
L E T R IB U N A L
déclare , soit N athey, soit les mariés la
Rochelambert, valablement libérés par les dépôts faits par
Nathey au bureau de Sainl-Amand, tant envers les héritiers
qu’envers les créanciers de Tane , mais du prix seulement de la
vente consentie parSauzay à tSullit-y ; ordonne en conséquence
la main-levée et radiation des inscriptions piises aux bureanx
de> conservateurs de Cîei nioul, d’A uberl et d’Issoire par les
( i ) Chose singulière, M . <!«• T a n e fait pat lie Je l’union comme héritier de
la Jame sa m è r e , créancière de «..-n mari pour sea repris- s et conventions matri
moniales; et il perd son procès, «¡nsi <pil‘ •<» autre» créanciers. Mais il est en
core créancier des sieur i l darne la Hocbi U m bcrt, comme héritier de M . do
T a n e - S a n t e n a , son oncle ; e t , daiii • it t e (¡ualilé, il le gagne,
Q^uou explique çtjttc cwHrjuUttwi* cobuimj on pourrai.
-wr
�( 32 )
héritiers et créanciers de Tane sur les mariés la Rochelambert,
et par ces derniers sur Nathey , et à l' égard de celle-ci seule
ment, en ce qu’elle frappe sur les biens vendus par Sauzay à
Feuillant, et ordonne q u e , quant à ce, les mariés la R o ch e
lambert , ou tous autres leurs ayant droit, se pourvoiront, ainsi
que de droit, pour la distribution du montant de ladite vente
et accessoires;
Déboute les mariés la Rochelambert de leur opposition audit
commandement de payer du 16 août 1808, ordonne que les
poursuites commencées seront continuées , condamne les ma
riés la Rochelambert aux dépens faits par Amédée de Tane;
» Compense les dépens faits entre Nathey et les mariés la
Rochelambert; condamne les créanciers et héritiers de T a n e ,
parties de B ia u z e t , a u x dépens faits co n tr’eux par les mariés
la Rochelambert, et aux deux tiers des co ût, expédition et
signification du présent jugem ent, et l’autre tiers sera supporté
par les mariés la Rochelambert ;
» Sur le surplus des autres demandes , fins et conclusions
des parties, les met hors de cause. »
*
D e l'imprimerie de T E S T U et Compe. , Imprimeurs de
l ’Empereur, rue Hautefeuille, n. 13.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Tane. 1811?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Piet
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
receveurs de l'enregistrement
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour les héritiers bénéficiaires et créanciers unis d'Emmanuel-Frédéric de Tane, appelans ; contre les sieur et dame de la Roche-Lambert, intimés.
note manuscrite : « arrêt 3 août 1810. »
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Testu et Compagnie (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1811
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2022
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_G2024
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53392/BCU_Factums_G2022.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
fisc
fraudes
prête-nom
receveurs de l'enregistrement
séquestre
union de créanciers
ventes des biens d'émigrés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53386/BCU_Factums_G2016.pdf
16814b381089fdc3e24602b9592653ce
PDF Text
Text
MÉMOIRE
EN R É P O N S E .
�COUR
MÉMOIRE
EN
IM PÉ R IA LE
D E RIOM .
Ire. CHAMnnE.
RÉPONSE,
A u d ien ce
P O U R
du
2 ju illet 1810..
Dame J e a n n e - M a r i e D E C H A M P F L O U R ,
veuve du sieur P a u l - François d e M o n t r o z i e r sieur J e a n - B a p t i s t e D E C H A M PF L O U R ; dame M a r i e - A n n e - F é l i c i t é D E
F R E D E F O N T , et sieur J e a n - J a c q u e s D E
R O C H E T T E , son mari ; demoiselle G a b r i e l l e D U R A N D D E P E R IG N A T , et dame
M a r ie D U R A N D , relig ie u se ; tous habitans.
de la ville de Clermont-Ferrand, intimés;
C O N T R E
r
\
Dame A n n e - E m i l i e D E F E L I X , veuve de
sieur Claude-François-Léon d e S i m i a n e 5
propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix,
département des Bouches-du-Rhône, appelante;
en
p r é s e n ce
D e dame M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , veuve
du sieur J a c q u e s -F r a n ç o is de M o n ta n ie r
C l a u d e - A ntoine - J oseph D E
DON
demoiselle A n n e D E
CHAR~
CHARDON/
A <&
�C4 )
dame B e r r e t t e D E C H A R D O N , veuve du
sieur V a l l e t t e d e R o c h e v e r t ; tous proprié
taires, habitans de la ville de Riom, intimés;
ET
EN
PRÉSENCE
D e J a c q u e s - M a r i e L A V I G N E s et J e a n
P I R E L , habitans de la ville d’Ambert, aussi
intimés.
QUESTIONS.
i°. Les religieux q u i, -par Veffet rétroactif de la loi
du 5 brumaire an 2 , ont obtenu un droit successif de
la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à
rendre cette succession après le rapport de cet effet
rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés
représentés par la république, comme émigrés?
2°. L a nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas
censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point
voulu user du bénéfice des lois des gfructidor an 3 , et
3 vendémiaire an 4 ?
3°. L e sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n’a - t - ï i
Teiuiu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que
les biens qui se trouvoient dans les mains de la nation,
p a rla voie du séquestre, au moment de Vamnistie?
C e s questions sont exactement les mêmes que celles
présentées par la dame de Simiane. Il fauf y ajouter
�(5 )
qu’elle se dit créancière du sieur Hector de Sim iane,
mort émigré , et que c’est en cette qualité qu’exerçant
les droits de la république, elle veut la ire aujourd’hui
ce qu’elle prétend que la république auroit dû fa ire après
le g fructidor an 3 , c’est-à-dire, ôter aux héritiers d’une
religieuse ce qui lui a été abandonné nationalement, dont
elle a joui dix ans et jusqu’à sa mort. Cette prétention
est si bizarre, qu’il faut être surpris de la voir élever
sérieusement, après tant de lois faites pour rassurer les
possesseurs des biens transmis, à quelque titre que ce
soit, par la république.
F A I T S .
L a dame A n n e D elà i r e , épouse de JVT. de C la r y , est
décédée le 27 octobre 1 7 9 1.
Elle avoit institué pour héritiers, par un testament de
17 8 7 , M . Hector de Simlane, son cousin paternel, et
M . de Chardon, son cousin m aternel, à la charge d’ac
quitter pour 240000 francs de legs.
Hector de Siiniane, domicilié à A vign o n , étoit sorti
de France à l’époque des troubles du Comtat. Mais n’y
ayant encore aucunes lois contre les ém igrés, il paroît
que M . de Simiane se présenta pour recueillir la suc
cession de Clary ; mais en 1792 il fut inscrit sur la liste tles
émigrés, et le séquestre fut mis sur ses biens.
Jusqu’au 28 mars 179 3 , ce séquestre n’étoit qu une
occupation des biens. Mais la loi du 28 juillet ^793 Jjannit
à perpétuité les ém igrés, et les déclai’a morts civilement.
Madame de Clary avoit une sœur religieuse (Jeanne
�(6 )
D elaire) : la loi du 5 brumaire an 2 l’appela h succéder,
puisque madame de Clary étoit morte après le 14 juillet
1789. Eu conséquence, Jeanne de Clary obtint à son profit
la mainlevée du séquestre, fut déclarée héritière de sa
soeur, et envoyée en possession de tous les biens, par un
arrêté du 8 nivôse aii 2.
L a loi du 9 fructidor an 3 abolit l’effet rétroactif de
la loi du 17 nivôse. En vertu de ce changement de légis
lation, on dit que M . de Chardon reprit les biens maternels
de madame de C la ry , qui lui étoient légués par le tes
tament de 1787.
Si le sieur de Sim iane eût été régnicole ù cette é p o q u e ,
il n’est pas d o uteux q u ’il n’eût eu aussi le droit de re
prendre les biens paternels dans les mains de Jeanne
Delaire.
Mais il étoit toujours sur la liste des émigrés -,
Il étoit mort sans -postérité avant la loi du 9 fructidor,
à A sti, et en état d’émigration;
Par conséquent il ne laissoit à ses héritiers que les
biens dont il étoit propriétaire à l’époque de son décès,
c’est-à-dire, le 1 % prairial an 3.
C’est ainsi que la famille elle-même l’entendit à cetle
époque ; et une circonstance assez singulière va le prouver.
M . de Simiane mouroit sans enfans : il laissoit deux
héritiers ab intestat ; l’un étoit le sieur Vidaud de la
T o u r , et l’autre étoit Jeanne D ela ire elle-même.
L e sieur Vidaud de la T o u r avoit seul qualité pour
disputer à la religieuse Delaire la propriété des biens
C lary, et pour prétendre qu’ils étoient dans la masse de
la succession de Simiane.
�C/ 7 )
Bien loin d’en agir ainsi, M . Vidaud de la T o u r se
réunit à Jeanne Delaire pour demander au direçtoire
exécutif la radiation de M . de Simiane , et l’envoi en
possession de ses biens propres situés a A vignon.
En effet, ils obtinrent une radiation le 28 nivôse an 5.
A lors ils prirent la qualité d’héritiers bénéficiaires de
M . de Simiane; et en vertu d’un jugement du tribunal
de Vaucluse, du 24 thermidor an 5 , ils firent commettre
le sieur Chambaud, notaire à A vign on , pour faire l’in
ventaire du mobilier de la succession.
Il ne vint pas môme à la pensée du sieur Vidaud de
la T o u r (seul intéressé, on le rép ète,) de faire com
prendre dans ce mobilier de la succession Simiane
aucune portion de la succession de madame de Clary.
L ’arrete de radiation n’avoit été qu’une indulgence
éphémère due aux circonstances. T.es lois de l ’an 3 sur
les émigrés avoient fait des exceptions pour les émigrés
d’A v ig n o n , et la journée du 18 fructidor an 5 ramena
les mesures générales de 1793* Eli conséquence, une loi
du 22 nivôse an 6 ordonna que les émigrés avignonnais
qui auroient obtenu des radiations par suite de la loi
du 9 fructidor an 3 , seroient réintégrés sur la liste.
L e séquestre fut dono remis sur les biens du sieur de
Simiane, mais seulement h Vaucluse, et il ne fut levé
qu’après l’amnistie générale, du 6 floréal an 10.
A lors Jeanne Delaire se réunit encore au sieur Vidaud
de la T our, son cohéritier; ils obtinrent la radiation du
défunt, le 26 frimaire an 11.
Ils sollicitèrent l’envoi en possession tics biens; et c’est
ici le cas de remarquer encore que M* Vidaud de la T o u t
�(8 )
•n’eut pas plus qu’en l’an n la pensée de se mettre en
possession des biens d’A u vergn e, qu’il ne fit de diligences
qu’à V aucluse, et laissa la religieuse Delaire en pleine
possession des biens de sa sœur.
. Il y a plus : car la religieuse Delaire vendit seule
'tous les biens de sa sœur en l’an 10 , après le sénatusconsulte, et le sieur Vidaud de la T o u r ne s’y opposa
pas.
Dans le même temps on clierchoit à empêcher la des
tination que M . le Préfet de Vaucluse vouloit faire d’un
domaine du sieur de Simiane pour une pépinière : le
sieur Vidaud de la T o u r réclam oit contre cette occupa
tion, conjointem ent avec Jeanne Delaire; et même après
la mort de Jeanne Delaire il ne crut pas pouvoir vendre
ce domaine sans y appeler ses héritiers.
La dame Delaire, religieuse, est décédée l e n messidor
an n . Les familles de Chardon et Champilour se sont
partagé la succession comme héritières des deux lignes :
elles ont eu à défendre celte qualité dans deux procès;
mais elles ont fait juger qu’elles étoient héritières, et
elles sont toujours restées en possession.
La dame F élix de Simiane s’est elle-même adressée à
elles en cette qualité, le 8 février 1808, non pas pour
leur disputer les biens, ni former des demandes hypo
thécaires, mais seulement pour faire liquider à Avignon
ses reprises contre elles, comme héritières du sieur de
Sim iane, par représentation de la religieuse Delaire.
Ce seroit peut-être une tâche fort difficile pour la dame
de Simiane de justifier ces reprises, lorsqu’ayant vécu à
A sti jusqu’à la mort de son parent, elle s’est emparée de
tout
�( 9 )
tout son m obilier, de toutes les ressources qui les faisoient
exister l’un et l’autre hors de France. Et elle vient aujour
d’hui , comme héritière de sa fille par les lois actuelles,
réclamer la succession de son fils et l’effet d’un testament
qui a rendu ce dernier créancier, du chef de son père,
du sieur de Simiane, mort à Asti.
Quoi qu'il en soit de ce circuit de qualités, madame
de Simiane procédant comme héritière de sa fille, qui
l ’étoit de son frè re , s’est fait adjuger 296000 fr. pour des
terres vendues de l’estoc de la dame de Seveyrac, aïeule,
pour des pensions et des fermages , sans expliquer le
moins du monde comment tout cela lui est rigoureuse
ment dû.
Les héritiers Champflour, par acte du 18 février 1809,
répudièrent au greffe d’A vignon la succession du sieur
de Simiane.
Jusque-là on prévoit difficilement comment la dame
veuve de Simiane pourra enfin renverser tout cet ordre
de choses , et s’en prendre aux biens de la religieuse
Delà ire. Il paroît qu’elle-même n’auroit pas commencé
cette attaque; mais elle y fut menée par circonstance, et
elle a cru peut-être de bon augure d’être appelée à un
procès par des débiteurs de 92000 fr ., qui ne vouloieni
se libérer qu’en sa présence. V oici comment la dame de
Simiane a été appelée à ce procès, et quelle est l ’origine
de sa réclamation actuelle.
Il paroît qu’en prairial an 10, la dame de Sim iane,
il peine rayée elle-même de la liste des émigres, s’occupa
B
�C 10 )
d’actes conservatoires pour la sûreté de ses prétendues
reprises : scs agens firent en son nom des inscriptions à
A vign on , à Clermont et à A m bert, et même une saisiearrêt entre les mains des sieurs Lavigne et P ire l, qui
avoient acheté des immeubles de la religieuse Delaire.
Ces mesures n’avoient rien que de naturel, puisque
Jeanne Delaire étoit héritière du sieur de Simiane , et
par conséquent débitrice personnelle de l’adversaire tant
qu’elle ne répudieroit pas. Ainsi il ne faut pas regarder
ces actes de l’an 10 comme une prétention semblable à
celle que manifeste aujourd’hui la dame de Sim iane,
après une répudiation.
E n 1809 , les héritiers D elaire assignèrent les sieurs
L a v ig n e et P ir e l en payement de la somme de 92160 f r .,
prix de la vente à eux consentie par Jeanne D elaire,
en l’an 10 , et des intérêts depuis cette vente.
Les sieurs Lavigne et Pirel ayant en mains une saisie-*
arrêt, en excipèrent, et demandèrent la mise en cause
de la dame de Simiane : elle fut ordonnée; et la dame
de Simiane fut assignée en mainlevée de sa saisie et de
ses inscriptions.
Scs droits n’étoient pas encore liquidés, et elle se hâta
drobtenir à A vign on un jugement par défaut , le 16
mars 1809.
A lo rs m adame de Simiane se disant créancière , se
présenta au tribunal de Clermont pour demander la con
firmation de sa saisie-arrêt ; et alors elle éleva, pour la
première fo is , la prétention que les biens de madame
de Clary appartenoient à Hector de Simiane pour moitié,
et qu’ainsi ces biens étoient le gage de ses reprises.
�( 11 )
L e tribunal de Clermont n’a point accueilli cette de
mande ; il a annullé la saisie-arrêt et les inscriptions de
la dame de Simiane : son jugement du 9 août 1809 est
fondé sur des motifs très-solides et très-lumineux.
Ils se réduisent à dire que M. de Simiane ayant perdu
les biens Clary par son émigration, et étant mort émi
g r é , ses héritiers n’auroient pu les réclamer que si ces
biens s’étoient trouvés dans les mains de la nation lors
de l’amnistie •, mais que la nation ayant été désistée de
ces biens par la religieuse D elaire, et n’ayant pas eu le
droit de les lui redemander, les héritiers de l’amnistié
n’ont dû prendre ses biens dans les mains du gouverne
ment qu’en l’état où la révolution les avoit laissés (1).
L a dame de Simiane prétend n’avoir pas perdu l’es
pérance de faire réformer cette décision qu’elle trouve
cependant légale dans ses bases , m a is t r o p sévère, et
fausse dans ses conséquences.
Il semble cependant diiïicile que la Cour pût être
plus indulgente, sans blesser les droits des héritiers de
la dame D elaire, et sans porter atteinte aux lois qui Jes
ont investis de cette succession.
M O Y E N S .
Les lois qui vont être citées rappelleront des souvenirs
pénibles, et ramèneront peut-être à des idées àe pros
cription et d’injustice. Mais sans s’occuper d’une justifljugement est transcrit
de madame de Simiane.
(1) L e
litté ra le m e n t
dans le mémoire
B 2
�( Ï2 )
cation qui seroit aussi déplacée qu’une critique, il sera
bien permis du moins de demander ù la dame de Simiane
si elle croit avoir eu un titre plus sacré que Jeanne D elaire, pour lui disputer la succession de sa sœ ur, et si
les lois de 1793 ont été véritablement une spoliation
dans cette circonstance.
Madame de Clary n’avoit qu’une sœur; elle n’avoit
pas pu en mourant lui laisser sa fortune , puisque les
religieuses étoient incapables de succéder. Elle pensa alors
à des parens éloignés , et sa mort précéda l’époque de
l ’abolition absolue de la vie monastique.
E q août 1792 les religieuses furent expulsées de leurs
asiles , et les biens q u ’elles possédoient en échange de
c eu x qu’elles avoient abandonnés en renonçant au siècle,
leur furent enlevés avant qu’il fût question de dépouiller
les émigrés de leurs fortunes.
Peu de temps ap rès, les lois qui avoient rendu les
religieuses au monde leur permirent d’être successibles ;
et alors, il ne faut pas en douter, si madame de Clary
eût vécu , ses intentions eussent été d’accord avec la na
ture et la loi ; sa sœur eût été son héritière.
Eh bien! ce que madame de Clary au tombeau ne pouvoit pas r é p a r e r , l’a été par le hasard d’une révolution;
le bannissement de M . de Simiane lui a ôté ce que les
jnânes de sa bienfaitrice lui regrettoient indubitablement *
et cette sœur jadis bannie clle-môme et morte au monde,
a retrouvé tme fortune à laquelle d’autres événemens
l ’avoient rendue étrangère.
Qui donc osera dire que Jeanne Delaire m urpoit ,
lorsqu’une loi lui a donné la fortune de sa sœur ? Madame
�( 13 )
de Simiane le d it, sinon à elle, au moins à ses héritiers.
Elle va plus loin dans son injustice, car c’est contre eux
qu’elle veut rejeter tout l’effet de l’émigration , tandis
qu’elle veut, elle-même émigrée, avoir été invulnérable.
Elle vient dire aux héritiers de Clary : « Je vous sais
« bon gré de la peine que vous avez pi'ise d’obtenir des
« radiations ; mais sic vos non vobis, je m’en adjugerai
« tout le profit, si vous le trouvez bon. Jeanne Delaire
« a em pêché la nation de vendre les biens C lary, vous
cc avez empêché la vente des biens Simiane *, tout cela
« sera mon bénéfice. Je reviens de l’émigration noti
ce seulement avec la dépouille du défunt, mais encore
« avec des titres qui absorbent tout le reste, et je pour« suis des reprises que la nation française a eu la bonté
« de me réserver intactes. T out ce qui a été vendu est
« perdu pour les héritiers ré p u b lic o lc s , et tout ce qui
« reste est conservé pour moi. »
Mais ce n’est pas par des réflexions morales qu’il faut
repousser l’attaque de la dame de Simiane ; ce sont les
lois elles-mêmes qui sauront y répondre victorieusement.
La loi du 28 mars 1793 a déclaré morts civilement
tous ceux q u i , alors inscrits sur des listes d’ém igrés,
n’étoient point rentrés en France dans les délais accordés
par les lois précédentes.
Il ne s’agit pas de vérifier quelle étoit l ’ é p o q u e de l’ins
cription du sieur de Simiane, et si les émigrés d’A vignon
devoient être exceptés : car le Comtat fut r é u n i à la France
en 17 9 1, et par conséquent les lois de 1792 et 1793 ^es
atteignirent comme les autres Français.
�( m )
T out ce qu’il faut savoir, c’est que M . de Simiane
u’étoit pas rentré en France avant le 28 mars 1793 . A in s i,
aux yeux de la l o i , M . de Simiane est mort depuis cette
époque.
N ’est-ce pas assez de sa mort civile ? eh bien ! s’il
faut y ajouter l’époque de sa mort naturelle , M . de
Simiane est mort à Asti le 12 prairial an 3.
A lors il étoit encore sur la liste des émigrés : ainsi
ses biens n’ont pas pu être transmis par lui à ses héri
tiers naturels, puisque la loi les avoit déclarés acquis
irrévocablement à la nation.
Peut-être bien que si rien n’eut dérangé cet ordre, et
si la nation eût conservé jusqu’à l’an 11 les immeubles
du sieur de Simiane, ses héritiers en auroient obtenu la
remise lorsqu’ils sont parvenus à le faire rayer de la liste .
des émigrés après sa mort : cette mesure étoit une consé
quence d e l’amnistie. L e gouvernement n’a voulu retenir
que les bois, et les perceptions déjà faites : mais aussi 11c
voulant être généreux ou juste que dans son intérêt, il
a marqué fortement l’intention que nul possesseur tenant
sou titre de l’autorité publique, ne fût inquiété pour
aucune cause.
V oilà ce que la dame de Simiane paroît ne pas vouloir
comprendre ; les articles de la loi lui semblent équi
voques*, elle n’y a v u que l’ordre donné aux émigrés de
maintenir les partages faits avec la république ; et se
mettant ainsi à l’aise, elle a cru suffisant de dire que la
religieuse Delaire n’avoit fait aucun partage avec la répu
blique*, d’où elle a conclu que les héritiers de Simiane
ont très-bien eu le droit de disputer à cette religieuse
�( i 5 )
les biens qu’elle avoit obtenus par un arrêté authentique
du 8 nivôse an 2.
C’est là la seule prétention sur laquelle la dame de
Simiane insiste ; car elle reconnoit que M. Hector de
Simiane étant mort en état d’émigration et de mort
c iv ile , n’étoit pas alors propriétaire des biens qu’elle ré
clame : mais elle soutient que si ses héritiers n’étoient
pas successibles à l’heure de sa m ort, ils le sont devenus
huit ans après, c’est-à-dire, lors du certificat d’amnistie
délivré en l’an 11.
Ce point capital de la contestation reçoit deux réponses;
l’une, générale et relative aux effets de l’amnistie d’émi
gration ; l’autre, particulière, résultante de la qualité
de religieuse qu’a voit Jeanne de Clary.
r_
Pour être plus clair dans la première réponse, il faut
la faire précéder de la loi elle-même, dont il sera facile
ensuite de tirer des conséquences.
L e sénatus-consulte, du 6 floréal an 10 , porte, ar
ticle 16 : « Les individus amnistiés ne pourront, sous
« aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession,
« succession, ou autres actes et arrangemens fa its entre
« la république et les p articuliers, avant la présente
« amnistie. »
A rt. 17. « Ceux de leurs biens qui sont e n c o r e devis
« les mains de la nation (autres que les bois et forets,....
« les créances qui pouvoient leur appartenir sur le trésor
« public, et dont l’extinction s’est opérée par confusion
« au moment où la république a été saisie de leurs
�( i6 )
« biens, droits et dettes a ctiv e s), leur seront rendus
« sans restitution de fruits. »
L ’arrêté des consuls, du 9 thermidor an 10, dit « qu’il
« est conforme à l’esprit du sénatus-consulte d’étendre
« la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu
« lui-m êm e hors d’état d’en profiter. S’il eût vécu , il
« seroit rentré dans les biens dont l’art. 17 du sénatus« consulte fait remise aux amnistiés ; comment refuser
« la même grâce à ses enfans républicoles, et nés avant
« l’émigration ? »
?
Si ce que la loi accorde aux enfans de l’émigré doit
s’étendre aussi aux collatéraux, croira-t-on, d’après ce
qu’on vient de lire, que les héritiers de M . de Simiane
eussent pu demander ses biens à tout autre possesseur
qu’au gouvernement?
Les héritiers Simiane ne l’ont pas cru possible; ils ont
vu vendre par la religieuse Deiaire tous les biens qu’elle
tenoit de la république, et il n’est venu à la pensée de
personne qu’ils fussent fondés à attaquer son titre, en lui
objectant qu’après le 9 fructidor an 3 elle auroit dû rendre
à la république ce que la république lui avoit donné.
A supposer qu’on tienne pour réponse suffisante à ce
fa it, le droit qu’ils auroient eu de s’y opposer ( ce qui
lious ramène à la question), il faudra bien qu’on indique
com m ent et par quelle voie on auroit pu soi-m êm e
attaquer un actef a i t entre la république et la religieuse
JDelaire.
Sera-ce sous "prétexté du rapport de l’effet rétroactif
de la loi du 17 nivôse ? mais la loi dit que l’amnistié
ne pourra attaquer l’acte squs aucun prétexte.
Madame
�( 17 )
Madame deSimiane aura encore quelques efforts de plus
à faire pour prouver que les héritiers de l’amnistié pouvoient rechercher des biens qui rfétoient plus dajis les
mci'ns de la nation depuis l’an 2. Ce n’est pas qu’elle
n’ait bien prévu cette difficulté, dont elle fait une question
principale en tête de son mémoire ; mais elle l’a éludée,
et l’a laissée à peu près sans réponse.
Répétera-t-elle que la religieuse Delaire a dû rendre
à la nation les biens Clary aussitôt après la loi du 9 fruc
tidor an 3 ? Mais comment une aussi bonne pensée n’estelle venue qu’à madame de Simiane? et comment le fisc,
toujours si en éveil, ne s’en est-il point avisé? Quantum
mntatus ab illol faudroit-il s’écrier-, ou plutôt il faudroit
se croire fort convaincu par cette seule réflexion , que
le fisc n’etoit point autorisé à ôter à Jeanne Delaire les
biens dont elle étoit en possession, p uisqu ’il ne les de
manda pas.
Ce que la nation n’a pas fait en l’an 3 , la dame de
Simiane voudroit que les héritiers de son mari l’eussent
fait en vertu de l’amnistie, q u i, suivant elle, auroit un
effet rétroactif au temps de la mort et même de l’émigration.
Mais aucun effet rétroactif n’est donné à l’amnistie; et
c’est pour cela que le sénatus-consulte veut que l’émigré
vienne prendre dans les mains de la nation s e u l e m e n t
ce qui y reste.
On a vu à Besançon un sieur Masson, émigré* dont
les biens avoient été vendus à sa femme p e n d a n t même
qu il étoit en réclamation , venir après l’amnistie de
mander à sa femme, non pas l’évictioo du bien national,
,
e
�(
18
)
mais l’administration de la communauté. La Cour de
Besançon avoit jugé que l’amnistie avoit rétabli la puis
sance maritale, et'par conséquent la communauté comme
si elle n’eût jamais été interrompue : mais cet arrêt a été
cassé le 10 juin 1806, par le motif principal que le sieur
Masson avoit été en état de mort civile jusqu’à sa radia
tio n , et que Vamnistie riavoit pas eu d'effet rétroactif.
Sans doute il y a quelque répugnance à penser que
malgré la règle le mort saisit le v if , M . de Sim iane,
mort en l’an 3 , n’a eu d’héritiers qu’en l’an 11. Mais
on conçoit que pendant cette lacune c’est la république
q u i a été h éritière interm édiaire -, et rem arquons qu’elle
n’a pas voulu l’être à titre d’usufruit ou de fidéicommis;
elle n’a pas même voulu qu’on lui succédât par repré
sentation , de peur qu’on usât de ses droits ou de ses
omissions pour faire des procès ; elle a déclaré avoir
rempli le degré comme propriétaire, et avec le droit
utendi et àbutendi, elle n’a rappelé l’émigré que pour
reprendre rebus integris ce qui rcstoit dans ses mains ;
et sans lui donner le droit de porter ses regards en arrière
pour rechercher quel étoit le titre de possession de ceux
qui occupoient ses biens, la loi a placé pour lui un mur
d’airaiu entre le passé et l ’avenir.
V oilà., ce semble, l’idée la plus juste qu’on puisse se
former de cette législation, et c’en seroit assez peut-être
pour prouver qu’en thèse générale les héritiers Simiane
n’ont pas dû contester à Jeanne Delaire le droit de dis
poser des biens de sa sœur. Voyons cependant ce que la
circonstance que Jeanne Delaire étoit religieuse, ajoutera
de force à la précédente démonstration.
�C 19 )
Lorsque rassemblée constituante, voulant favoriser la
sortie des cloîtres, eut rendu la loi du 19 février 1790,
.qui permetto.it aux religieux des deux sexes de rentrer
dans le monde, il fut nécessaire d’expliquer s’ils deviendroient capables de successions : alors fut rendue une
seconde lo i, du 26 mars 179°? ainsi conçue :
; A rt. i er. « Les religieux qui sortiront de leurs maisons
« demeureront incapables de successions, et ne pourront
« recevoir par donations entrevifs et testameos que des
•« pensions ou rentes viagères. »
A rt. 2. « Néanmoins lorsqu’ils ne se trouveront en
« concours qu’avec le fisc, ils hériteront dans ce cas pré« Jerablem ent à lui. »
L a loi du 5 bru m aire an 2 , art. 4 , dit que « les re-« lig ie u x et religieuses sont appelés à. recu eillir les suc« cessions qui leur sont échues à com p ter du 14 juillet
a 1789. »
L ’art. 7 dit qu’audit cas de successions ils rapporteront
les dots constituées par leur profession monastique, et
que leurs rentes et pensions seront éteintes.
C ’est en vertu de cette loi que Jeanne Delaire a ré
clamé la succession de madame de C lary, sa sœur, dont
elle étoit seule héritière ab intestat. E lle en a obtenu
la propriété par arrêté du 8 nivôse an 2.
Lorsque la loi du 5 brum aire an 2 fut rapportée dans
•son effet ré tro a c tif, le 9 fructidor an 3 , J e a n n e D elaire
a u ro it pu être obligée par M. de Simiane de rendre la
m oitié des biens de sa s œ u r, si M. de Simiane eut été
viv a n t ; mais il étoit frapp é de m ort
c iv ile
: et de m em e
G s
�j/j*
( 20 )
que les émigrés ne peuvent pas recueillir les successions
ouvertes pendant leur mort civile, de même ils n’ont pas
d’action pour réclamer le bénéfice d’une lo i; cai’, suivant
la loi du 12 ventôse an 8, les émigrés ne peuvent invo~
quer le droit civil des Fronçais.
Jeanne Delaire n’avoit donc pas M . de Simiane. pour
concurrent, mais seulement le fisc en sa place pour la
moitié paternelle, et M . de Chardon pour les biens
maternels.
Celui-ci a pris sa portion, parce qu’il étoit républicole ; mais le fisc n’a pas pris la sienne, car il en étoit
empêché par l’art, a de la loi du 26 mars 1790, ci-dessus
citée.
Il est bien incontestable en effet que si M . de Simiane
ou le fisc étoient mis de côté, Jeanne Delaire se trouvoit héritière de sa sœur : ainsi elle étoit parfaitement
dans l’application de la loi qui Pappeloit à succéder.
A in s i, sans aller plus lo in , voilà déjà, la religieuse
Delaire avec un titre légal. Elle n’est pas seulement habile
à succéder, elle n’est pas détenteur provisoire et précaire ;
elle est héritière ; elle occupe les biens pro suo. Car il
n’y a pas encore d’amnistie , il n’y en aura que dans
huit ans; et le fisc lui a cédé sa place, non pas pour jouir,
Nmais pour succéder directement et personnellement.
L a loi du 9 fructidor an 3 n’a donc rien dérangé au
titre de propriété donné par la nation à Jeanne Delairo.
Cette loi a été expliquée par celle du 3 vendémiaire an 4;
et en même temps que le législateur rend à tous les héri
tiers déchus le droit d’ôter aux personnes rappelées ce
�( 2ï )
qu’elles ienoient de l’effet rétroactif, il déclare formel
lement que le fisc n’aura pas le même droit contre les
religieuses.
En effet, l’art. 5 s’exprime ainsi : « Les partages faits _
« entre la république et les personnes déchues , qui
« étoient ci-devant religieux ou religieuses ......... sont
« maintenus, sauf l’exécution de l’art. 7 de la loi du 17
« nivôse ( relatif à la confusion des pensions ). »
Rien n’étoit plus clair que cette intention de la loi (1).
Cependant madame de Simiane ne veut pas y voir ce
qui est évident : elle se contente de dire que la reli
gieuse Delaire n’a pas fait de partage avec la république,
d’où il suit que l’article ne la regarde pas.
Il suffiroit de répondre que la loi ne peut pas tout
dire, et exp rim e r tous les cas, et que scire leges non est
earum verba tencre, sed vim ac polesialem. Mais ce
n’est pas même le cas de chercher un sens , car il est
parfaitement rendu.
La loi qui doit être b riè v e , et qui doit prendre pour
exemple ce qui arrive le plus souvent, n’a pas pu sup
poser de prime abord qu’une religieuse se trouveroit
unique héritière. Il n’étoit que trop d’usage que ce
(0 Comme cet article prouve qu’en laissant les
su cce ssio n s
aux religieuses, et en retenant leurs pensions, la r é p u b l i q u e %
aussi songé à son intérêt, madame de Simiane se récrie, en
disant qu’on ne donne pas une grosse s u c c e s s i o n pour 5oo fr.
de rente. Elle oublie que dans les loteries on donne 10000 fr.
pour un écu ; ce qui 11e prouve pas pour cela une fausse spécur
lation, parce qu’ un gros lot n’est pas pour tout le monde.
�( 22 )
fussent les familles nombreuses qui peuplassent les mo
nastères, pour le plus grand avantage d’un héritier prin
cipal. Le plus souvent aussi c’est cet héritier que la
nation a représenté par confiscation , et alors elle a eu
un partage à faire avec les religieux rappelés par l’effet
rétroactif de la. loi du 5 brumaire.
Si dans le cas de ce partage la nation s’est interdit
le droit d’ôter au religieux la portion qu’il n’avoit eue
que temporairement, qu’en résulte-t-il autre chose, si
ce n’est que tous les droits de la nation ont été aban
donnés aux religieux, comme l’avoit déjà dit la loi du
2.6 mars 1790?
E t com m ent p e u t - o n demander à son imagination
qu’elle invente une différence entre le cas d’un abandon
par la voie d’un partage, ou d’un abandon par la voie
du délaissement total? N ’est-ce pas toujours la république
qui cède son droit tel quel? et qu’importe de recher
cher s’il étoit universel ou de quotité, lorsqu’il ne s’agit
ici que de savoir si on peut exciper du droit de la ré
publique ?
En un m ot, si M . de Simiane eût v écu , il est indu
bitable qu’il ne pouvoit troubler Jeanne D elaire, parce
qu’elle étoit héritière avant son amnistie , parce que le
sénatus-consulte ne lui donnoit droit de rechercher des
immeubles que dans les mains de la n a tion , parce que
la remise des biens Clary, faite à Jeanne Delaire en l’an 2,
étoit c o n s o l i d é e par l’art. 5 de la loi du 3 vendémiaire
an 4 , et enfin parce que les émigrés n’ont pas le droit
de rechercher si la république a eu tort de donner à
quelqu’un la propriété île ce qu.i etoit a eux.
�Ce que ne pouvoit pas faire M . de Sim iane, ses héri
tiers l’ont pu encore moins quand cette propriété a été
consolidée par une longue possession. Mais madame de
Simiane, qu’est-elle pour vouloir bouleverser tout ce qui
a été fait, et respecté même par le fisc? Elle est un simple
créancier réduit à exercer les droits de son débiteur.
Mais qu’elle explique comment elle veut exercer les droits
d’un émigré mort avant sa radiation, et par conséquent
exercer, du chef de cet ém igré, les droits de la répu
blique qui ne le lui permet pas.
Enfin , et pour comble d’incohérences, madame de
Simiane a débuté par une saisie-arrêt du prix des ventes
faites par Jeanne Delaire après l'amnistie ; ce qui est
une reconnoissance évidente du droit de propriété de la
venderesse, et par conséquent une p reu ve de plus que
toutes les parties intéressées croyoient également à cette
propriété, comme à la chose du monde la moins suscep
tible de contestation.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. D E V È Z E ,
A
licencié avoué.
RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison LANDRIOT —•Juin 1810
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jeanne-Marie. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-Baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Fredefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durant de Pérignat, et dame Marie Durand, religieuse ; tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre Dame Anne-Emilie de Félix, veuve de Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, appelante ; en présente de dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montanier ; Claude-Antoine-Joseph de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perette de Chardon, veuve du sieur Vallette de Rochevert ; tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, intimés ; et en présence de Jacques-Marie Lavigne, et Jean Pirel, habitans de la ville d'Ambert, aussi intimés. Questions . 1°. Les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du 5 brumaire an 2, ont obtenu un droit successif de la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à rendre cette succession après le rapport de cet effet rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés représentés par la république, comme émigrés ? 2°. La nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4 ? 3°. Le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n'a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre au moment de l'amnistie ?
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2016
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2015
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53386/BCU_Factums_G2016.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53385/BCU_Factums_G2015.pdf
8aef37c30d916dc063ce723739530f8f
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
D ame A nne-É milie D E F É L IX , veuve de Claude-FrançoisLéon d e Simiane, demanderesse en maintenue de saisiearrêt ; appelante;
CONTRE
D
M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , et autres, dem an
deurs en p arta ge et en nullité de saisie-a rrêt, in tim és;
ame
Et contre Sieur J e a N-BAPTISTE D E C H A M P F L O U R ,
et autres, défendeurs au partage intimés ;
,
Et encore contre J a CQUES-MARIE L A V I G N E et JEAN
,
P I R E L , habitans de la ville d’Am bert défendeurs et
intimés.
i
�C O U R D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
de
R I O M.
POUR
AN
D ame A nne - É m il ie D E F É L I X , veuve de Sieur Claude-François
L é on de S im ia n e,
l8 lO .
propriétaire à Collongues, arrondissement
d ’A ix , département des B o u c h e s -d u -R h ô n e , demanderesse en
maintenue de saisie a r r ê t , et appelante
y.
CONTRE
D
am e
M
a r g u e r it e
'
D E CH A R D 0 N , veuve d u S ie u r Jacques-F rançois
de M on ta g n ier , ancien m a g istra t ; C l a u d e - A
D O N ; D em oiselle A
nne
DE
n t o in e - J o s e p h
C H A R D O N , D am e P
D E CHAR
e r r ette
DE
CH A R D O N , veuve d u S ieur V a llette de R o c h e v e rt, tous propriétaires ,
h a b ita n s de la ville de R iom. , se q u a lifia n t héritiers sous bénéfice d ’inventaire
de d êfu n t e D a m e M a rie—Jea nne D e l a i r e . , ancienne relitgieuse , p o u r la ligne
m aternelle , dem andeurs en p a rta g e et en n u llité de saisie-arrêt , in tim és ;
E t contre Dame J e a n n e M a r i e D E CH A M P F L O U R , veuve du Sieur P aulFrançois de Montrozier ; Sieur J e a n - B a p t is t e D E CH A M P F L 0 U R ;
Dame M a r i e -A n n e -Fé l ic it e D E F R Ê D E F O N T , et Sieur Jean-Jacques
de Rochelle, son m ari; Demoiselle G a b r î e l l e D U R A N D - D E - P É R I G N A T , fille majeure; et Dame M a r i e D U R A N D , ancienne religieuse, tous
propriétaires , habitans de la ville de Clermont-Ferrand se qualifiant héritiers
bénéficiaires de ladite Dame religieuse D ELAIRE , pour la ligne paternelle ,
défendeurs au partage , et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés;
E t encore contre Sieur J acq u es -M a r i e L A V I G N E , notaire impérial, et
Sieur J e a n P I R E L , m archand, habitans de la ville d A m ber t , tiers
sa isis, appelés en cause défendeurs et intimés.
,
,
QUESTIONS.
L
e s
lois du
R eligieu x cl R elig ieuses qui par l'effet
5
é tr o a c tif d e s
r
brumaire et du 17 n ivôse un 2 , ont repris les succes-
v
�sions de leurs parcns , qui avaient déjà été appréhendées p a r
des héritiers p lu s éloig n és, ont-ils été soutnis à la restitution ,
après Vabolition de cet effet rétroactif , lorsque les héritiers réta
blis se sont trouvés représentés p a r la n a tio n , comme inscrits
sur la liste des émigrés ?
II. L a nation , dans ce cas p a rticu lier , n ’ est-elle, p a s censée
avoir renoncé à toute recherche , n’avoir point voulu user dubéné fic c des lois du y fru ctid or an 5 et du 5 vendémiaire an 4
enfin avoir consenti tacitement à une compensation dont le
résultat était de laisser aux religieux et religieuses les succes
sions dont on vient de p a r le r , en échange et pour se rédimer
des pensions que la nation s’ élait obligée de leur p a y er ?
III. L e sénatus-consulte du G flo r é a l un 10 , n 'a - t -il rendu
aux émigrés am nistiés ou ci leurs h éritiers , que les biens qui
se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre >
au moment de V a m nistie , et non les biens q u ’ elle n'aurait p as
séquestrés , à cause de la compensation ci-dessus présumée ?
Ces questions se sont élevées à l’occasion d’une saisie-arrêt faite à
la requête de la Dame veuve de S im ia n e , crcaucièle considérable
d ’IIector de Simiane
son cousin , dons les mains des Sieurs Pirel et
L a v ig n e , acquéreurs de maisons et domaines situés à Ambert cl aux
environ s, lesquels Hector de Simiane , depuis mort en élat d’émi
gration, avait valablement recueillis dans la succession de Daine A n ne
Delaire , épouse du Sieur de Clary , décédée lo a8 octobre i y y i }
comme son héritier paternel.
L e Tribunal civil de Clermont-Ï’errand, par jugement c o n t r a d i c
toire du 9 août 180g , a décidé la négative do la première question
et l’atlirmative des deux a u t r e s , et n déclaré nulle lu s a is ie - a r r ê t
de la Dame veuve de S im iane, (pii, convaincue de» erieurs pal
pables que renferme ce ju g e m e n t, et dont ello est v ic t im e , n’a
point hesite û soumettre ces questions a 1 autorité de lu (Tour por
la voie d ’un appel régulier.
�( 5 )
F A I T S .
F ran çois*L ouis-IIector de Simiane , né à Clerm ont-Ferrand le
i . ' r décembre 1 7 1 7 , a quitté son domicile d’origine le 524 août 1787
pour aller demeurer à Avignon , d’où il est sorti le 1 2 janviei 1 7g 1 , à
l ’âge de plus de 75 ans > effrayé des mouvemens impétueux qui
ont agité le ci-devant Comtat avant sa réunion a la p ra n c e , pro
noncée le i 4 septembre de la même année.
C e vie illa rd , après avoir vainement cherché le repos d ’abord à
M enton , dans la ci-devant principauté de M o n aco, fut terminer sa
carrière le 12 prairial an 3 à A s t i , dans la ci-devant principauté
de Montferrat.
Dans l’intervale qui s’est écoulé depuis sa sortie d ’Avignon jus
qu’ à son d é cè s , il importe de remarquer ce qui s’est passé à son
sujet.
L e 28 o c to b re 1 7 9 1 , D a in e A n ne D e la ir e , épouse du Sieur
Charles de Clary , p résid en t en la cour des aides do C le r in o n t ,
décédée sans postérité, avait une s œ u r religieuse qui ne pouvait
dès-lors lui succéder , en sorte que ses héritiers naturels et légi
times étaient le Sieur H ector de Simiane, son co u sin , de l’estoc
paternel , et le Sieur de Chardon , son cousin , de l’estoc maternel,
qu’elle avait de plus institués ses héritiers universels , chacun dans
leur lig n e , par un testament olographe du 20 juin 1 7 8 7 , et un
codicile de la veille de sa m o r t , à la charge d’acquitter 24 o,ooo liv.
de legs, savoir; g 5 ,ooo
H y.
aux hôpitaux d e C le r m o n t e t d’Am bert,
20,000 liv. aux Sieurs de Féligonde et liellègue-Eujens, ses exé
cuteurs testamentaires., et le surplus à divers pareils , ù plusieurs
ecclésiastiques , à ses amis et à diverses c o m m u n a u t é s religieuses.
I.c Sieur Hector de Simiane ayant oppris le décès de la Dame
de C l a r y , appréhenda, lu portion paternelle de sa succession, et en
acquitter les droits , les 18 et ü5 aviil 17»)a , “ ux bureaux do
Clerniont et d’A m b e r t , lieux do la situation des Liens.
A la fin d(. cette même année, le S ieur H e c t o r de Simiane fut
inscrit sur la liste des émigrés duns le département de Vaucluse t
et le iéquebtre national fut apposé sur ses biens d ’Avignofi et sur
�( 6
)
ceux qu’il avait recueillis de la Dame de C lary et qui sont situés
dans le district d ’A m b e r t, département du P uy-de-D ôm e.
L e s choses étaient en cet é t a t , lorsque parut la loi du 5 brumaire
an 2 , dont l’art. 4 appelle les ci-devant religieux et religieuses à
recueillir les successions qui leur sont échues à compter du i 4
juillet 1789. De ce moment et par l’efFet rétroactif de cette l o i ,
la Dame religieuse Delaire se trouva investie de l ’universalité de
la succession de la Dame de Clary sa s œ u r , comme si elle lui eût
succédé immédiatement au 28 octobre 1791 , époque de son décès,
comme plus proche héritière excluant nécessairement ses cousins
de Simiane et de Chardon.
Il n ’y avait plus qu’à faire le ve r le séquestre apposé surles biens
paternels situés dans Je district d’A m b e r t , puisque la loi les avait
fait changer de maître, et c’est aussi ce qui eut lieu, sur la simple
pétition de la religieuse D e la ir e , et sans la moindre difficulté.
V oici l’arrêté de main-levée pure et simple de ce séquestre :
V u le mémoire et les pièces y annexées , le procureur-syndic
entendu, les administrateurs du district d’ Ambert réunis en surveil
lance permanente et tenant séance p ublique, « considérant que le
» séquestre n ’avait été mis sur les biens délaissés par le décès
v d ’Anne Delaire , femme
» S im ia n e , son c o u s in ,
C la r y , que parce que
qui s'en
disait h é r i t ie r ,
le
nommé
est suspecté
» d ’émigration ;
» Considérant que celte An ne Delaire n ’est morte que le 27
>* octobre
1791 , et que par l ’art.
4 du décret du 5 brumairo
» d e r n ie r , les ci-devan t religieux et religieuses sont appelés à
)) recueillir les sucocsMons qui leur sont échues à compter du i 4
» juillet 1789;
)j C o n sid é ran t qu’aux termes de celte l o i , Jeanne D elaire, ci-
)> devant ursuline do Montferrand , est habile à hériter d’Anno
» Delaire , sa
soeur ,
préférablement à Simiane , parent plus
}> éloigné ;
)> Considérant q u e , par les difFercns actes joints au m ém oire, il
» est
établi
que
Jeanne Delaire est
«(rur
germaine
d’Anno
» D elaire, femme C l a r y , et qu’elle a accepté sa succession, »
Accordent à Joanno Delaire la innin-levéc du séquestre mi# suc
�(7)
les biens délaissés par la m ort d’Anne D e laire , sa sœur , dont elle
est héritière , à la charge par elle de payer tous les frais auxquels
le séquestre a donné lie u , suivant le règlement qui en sera lait par
l ’administration. Fait le 8 nivôse , l’an 2 de la république une et
indivisible. Signé P e r r e t , Cisterne , D u rif, Rigodon , Crosmarie.
L a loi du 17 nivôse an 2 vint encoretco n firm er, par ses articles
1 et 5 , les dispositions de la loi du 5 brumaire précédent.
Il paraît q u e , p e n d a n t l’investiture donnee par ces lois à la reli
gieuse Delaire des biens de la Dame de C la r y , sa s œ u r , elle n’a
aliéné qu’une maison sise place du T errail a Clermont. Cette mai
son qui appartenait à l’eitoc paternel, fut vendue par elle-même le
a 5 pluviôse an 5 .
A celte é p o q u e , le Sieur de Shniane était occupé à adresser ses
réclam ations , tant au gouvernement qu’aux autorités locales , sur
l ’injustice qu’on lui avait faite en portant son nom sur la liste des
é m ig ré s, étant sorti d’Avignon avant sa réunion à la F r a n ce , et se
trouvant dans les cas d'exception énoncés aux articles 5 et 8 du litre
prem ier de la loi du a 5 brumaire an 5 , portant révision des lois
précédentes sur les émigrés. Il obtint en effet le 8 ventôse an 5 un
arrêté du comité de législation de la Convention
qui lui accordait
un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation de son nom de
la liste des émigrés
Cependant
et se procurer les pièces nécessaires.
le séquestre
existait toujours sur ses
propriétés
d’Avignon , et il n’avait été levé sur ses propriétés d ’A m b e r t , comme
on l ’a vu , qu’à cause du changement de mains que ces propriétés
avaient éprouve par le rappel de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Danio de C l a r y , sa s œ u r , rappel qui n ’était dû qu’à
l'effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse. C et effet r é t r o a c t i f
avait excité des plaintes universelles, qui furent e n f i n e n t e n d u e s par
la Convention nationale.
Le 5 floréal an 3 , parut la loi qui suspendit toute action intentée
°u procédure commencée à l’occasion de reflet rétroactif de la loi de
nivose; cette loi fit préjuger facilement que cet effet rétroactif 110
tarderait pas à disparaître.
Néanmoins , tel fut le sort d’ H e c to r d e Simianc , qu’il mourut le
l u prairial an S a u r uno terre étrangère , comme il a été déjà d i t ,
�( 8 )
sans avoir pu connaître le résultat de ses réclamations touchant l ’ins
cription de son nom sur la liste des é m ig ré s , ni voir l’abolition
formelle de 1’eflet rétroactif des lois de brumaire et nivôse.
Ses héritiers naturels et légitimes étaient la religieuse D e laire , du
côté m a te rn el, et la famille de la Tour-\ idaud de G r e n o b 'e , du côté
paternel.
A près avoir fait remarquer ce qui s’est passé à l’égard d’IIector de
S im ia n e, depuis s a s o r t i e d’Avignon jusqu’à son d écès, il n’est pas
moins essentiel de remarquer tout ce qui s’est passé depuis sa mort ,
parce que tous ces faits ont un rapport direct à la décision do cette
cause.
Le
fructidor an 5 , la Convention décréta que les lois des 5 bru
maire et 17 nivôse an 2 , concernant les divers mode&de transmission
des biens dans les familles, n ’auraien t d ’eflet q u ’à c o m p te r des
époques de leur p rom u lgatio n .
Cette loi ne fit-elle pas évanouir à l ’instant mêm e le titre que la
loi du 5 brumaire an 2 , par son effet rétroactif
avait conféré à la
religieuse Delaire d ’héritière de la D a m ed e C lary } sa sœ u r, morte
le 28 octobre 17(1! ?
L e s héritiers légitimes delà Dame de Clary , au tems de sa m o r t ,
ne reprirent-ils pas à l’instant mémo leurs titres et leurs droits dont
ils avaient été déchus ? c ’est ce quo nous mirons bientôt à oxaminer.
Duus ce mémo mois de fru ctid o r, les administrations du district
d’Avignon et du département de Y a u clu so ,
reconnaissant que le
Sieur de Simiane était dans les cas d’oxeeptiou portes aux articles
3 et & du titre premier de la loi du a/> bçiimniro an 5 sur les ¿-migré«.,
ordonnèrent que son nom serait rayé' do la lis-ta des uniigrés. Ces
arrêtés de radiation des îa et *j5 fructidor furent sou mis. à la sanction
du gouvernement. Dans l’intervalo , parut la loi du .>veiuluminiro an
4
contenant le m o d e d’exécution de la loi du 9 fruclidor an 3 ,
ubolilive de lcffet rétroactif des lyis de brumaire et nivôse.
l/article premier maintient les ventes et los hypothèques acquises
de bonne foi sur les biens compris dan» Je* dispositions rapportées
par la loi du q fruclidor nn 5 , pourvu qu’elles aient uno date ceiïtuiiic poslénuurt» à lu promulgation.des lois, de beunmiro <?t< nivôso
un i , mujfc uiitérieurc ù lu publication'do la loi. dit 5 lloiiéaliaii .1 , sauf
�( 9 )
le recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues ; mais
toutes aliénations , hypothèques et dispositions desdils biens à titre
onéreux ou g r a tu it, postérieures à la promulgation de ladite loi du
5 floréal dernier , sont nulles.
L ’article 2 ne permet pas aux héritiers rétablis de réclamer les
fruits et intérêts perçus avant In publication de la loi du 5 floréal.
L ’article 5 veut que les héritiers rétablis reçoivent les biens en
l ’état où ils se tro u ve n t, s a u f l’action pour abatis de bois futaie.
L ’article 4 ordonne à ceux qui sont obligés de re stitu er, de tenir
com pte du p rix qu’ils auront retiré de leurs aliénations ou de leur
va le u r, au teins où ils les ont recueillis , s’ils sont autrement sortis
de leurs m a in s, et autorise les personnes rétablies à exercer toutes
actions nécessaires qui appartenaient à ceux qui ont aliéné à titie
onéreux ou gratuit.
L ’article 5 maintient les partages entre la République et les per
sonnes déchues qui étaient ci-devant religieux ou religieuses.
A pres la publication de celte loi , la religieuse Delaire pouvait^
elle se dispenser de restituer tous les biens composant la succession
de la Dame de Clary , sa s œ u r , aux héritiers rétablis ?
A l ’égard du Sieur de Chardon , héritier m a t e r n e l, elle n’a fait
aucune difficulté de lui rendre tous les biens maternels; m ais, à
l ’égard des biens paternels , comme lallation garda le silence , elle
continua sa jouissance.
Cependant , comme le nom du Sieur H ector de Simiane était
toujours sur la liste des é m ig rés, et que le gouvernement n ’avait pas
encore statué sur les arrêtés des 12 e t a 5 fructidor an 5 des adminis
trations de Vnuclusc , qui ordonnaient sa radiation , 011 demunde m ,
d ’après cette loi du 5 vendémiaire an '» , la religieuse Delaire aurait
pu se re fu se ra la restitution d e s biens paternels , si la n o t i o n les eut
réclamés , et eût voulu y apposer le séquestre , com m e représentant
H ector de S im ia n e , encore réputé émigré
, e t q u i était évidemment
1 h é r i t i e r paternel rétabli «le la Dame do Clary.
C ’est oticoro ce qu’il faudra’ examiner.
L e qH nivôse an 5 , lu Directoire e x e cu tif) sur la réclamation du
Sieur I <nlour-Yidatid et de la religieuse Delaire , cohéritiers d’IIector
de S im ia n e, statuant sur les arrêtés du district d’Avignou et du
À
�( 10
)
département de Vniicluse des 12 et i 5 fructidor an 3 , relatifs â
a
radiation du nom d ’IIector de Simiane de la liste des émigrés ,
prit l'arrêté suivant :
« Considérant que Fran çois-L ou is-H eclor de Sim iane, ci-devant
domicilié à A v ig n o n , est parti de cette commune le 12 janvier
» 1791 , époque antérieure à la réunion du ci-devant Comtat à la
» F ran ce , pour aller voyager en pays étranger; que rien 11e cons» taie qu’il ait formé , a v a n t cette é p o q u e , un établissement en
» pays étranger , et qu’il est par conséquent dans l’ exception
v portée par les art. 5 et 8 du titre 1 . " de la loi du 25 brumaire
)> an 3 , après avoir entendu le rapport du ministre de la police
)) générale,
A r r ê t e : i.° que le nom de F ran ço is-L o u is-IIe c to r de Simiane
sera défin itivem en t r a y é de toutes listes des ém igrés où il aurait
p u être inscrit} 2.0 qu ’il sera sursis à toutes ventes de ses biens qui
resteraient sous la main de la nation ; que le séquestre établi sur
ses biens meubles et im m eubles, sera maintenu jusqu’à la paix ,
conformément aux art. 5 et 8 de la loi du 25 brumaire
an 3 ;
5 .® qu’il lui est défendu de rentrer en Franco tdnt que durera
la guerre , ù peine d’être détenu par mesure de sûreté générale
jusqu’à la p a i x , conformément à l’art. 5 de la loi du s 5 brumaire
an 3 .
C et arrêté n ’a - t - i l pas fait cesser la mort
civile d’IIcctor do
Simiane ?
L e séquestre de confiscation qui subsistait encore sur scs biens
d ’Avignon , n ’u-t-il pns été changé en fchnpio séquestre de sûreté
et de conservation ?
Si H ector do Simiano eût encore vécu à celle époque , la reli
gieuse Delaire qui détenait toujours les biens paternels do la Dame
de C la r y , sa s œ u r , dont il était l’héritier r é ta b li, aurait-elle pu
raisonnablement lui en refuser la restitution, sauf à la nation à y
poser le séqueslto do surete et de conservation?
La mort civile d ’Ilecto r do Simiane étant effacée par l’arrêté
du Directoiro o x é cu tif, et sa mort naturelle étant connue et cer
taine» « la date du iu prairial an 3 , ses héritiers personnels, ail
tenu do ta m ort, n ’étaient*!!» pfli censé» avoir recueilli scs bierrs
�(
I I )
d’Avignon et d ’A m b e r t , suivant le mode de succession de la loi
de n ivô se , c ’e s t - à - d i r e , moitié pour la religieuse Delaire , h éri
tière pour la ligne m atern elle, et moitié pour la maison Latour\ i d a u d , héritière pour la ligne paternelle ?
T o u t e s ces questions seront exam inées dans la discussion.
Reprenons le cours des faits.
E n e x é c u tio n de l ’arrêté du D ire c to ir e e x é c u t i f , et le
m id o r an
rent
24 t h e r
5 , la religieuse D elaire et le S ieu r L a l o u r - V i d a u d se f i -
7
O
admettre héritiers
bénéficiaires d’IIector de Simiane
jugement du tribunal civil de Vaucluse
par
séant à Carpentras , à la
charge par eux et suivant leurs offres de faire procéder à l’ inven
taire général des biens meubles et im m e u b le s, titres et papiers ,
et documens dépendans de la succession d’IIector de Simiane de
vant SI.* Chainbaud , notaire à A vign on, commis à cet effet; comme
aussi de faire procéder de suite à la vente des meubles et effets
mobiliers devant le même notaire pour être délivrés aux plus of
frants et derniers enchérisseurs , et le p rix en provenant être retiré
par lesdils h éritiers p o u r Faire fonds dans la masse.
A peine la religieuse Delaire et le Sieur L a to u r-V id a u d avaientils eu le tems de rechercher toutes les pièces relatives à la suc
cession d’Iïe cto r de Simiane , qu’ils furent arrêtés par la publica
tion d ’une loi rendue en haine des émigrés d’Avignon et parti
culière à ce pays.
Cette loi du 22 nivôse an G , porte , nrt. 5 , que les liabitans des
ci-devant comté Venaissin et comtat d ’A v ig n o n , dont la radiation
provisoire ou définitive a eu lieu par l’application de la loi du q
iructidor an 5 ( concernant les émigrés d’Avignon ) , ou des articles
<>.» 7 et 8 de la loi du 25 brumaire an 5 , seront réintégrés sur la
lÎ6te générale des émigrés.
l'iii vertu de cette loi , lo d ir e c te u r des dom aines nationaux do
\ üucluse continua le
séquestre
sur les
p ropriétés d ’ M cctor
de
Simiano à Avignon. A lo rs la religieuse D elaire et l e Sieur L a t o u r -
Viduud p rése n tè re n t à l'adm inistration c e n t r a l e une pétition ten
ant
à
ob tenir la levée do ce nouveau séquestre. Ils d o n n èren t
p o u r motifs q u ’ IIe c to r do Sim iane , étant sorti
Comtat avant leu r réunion à la l'r u n c c ,
d Avignon et du
11e p o u v ait
plus ¿tro
�( 12 )
considéré comme véritable émigré, et que d’ailleurs étant décédé même
avant sa radiation défin itive, la loi du 22 nivôse an 6 ne pouvait
lui être applicable.
Cette pétition resta sans réponse.
A cette même é p o q u e , les légataires d e là D am e de C l a r y , q u i ,
depuis le 28 octobre 1791 , avaient pris p atien ce , se déterminè
rent à demander la délivrance de leurs legs , et s’adressèrent à la
Dam e religieuse Delaire et au Sieur de Chardon , détenteurs des
biens de la Dame de Clary.
L e u r citation est du 29 ventôse an 6 , et elle a été suivie d’ un
procès-verbal de n o n - conciliation , où l’on voit que le Sieur de
C hardon et la religieuse Delaire répondent que , d’après l ’article
4 i du chapitre 12 de la coutume d’A u v e r g n e , la Dame de Clary
n ’avait p u disposer par testam en t que du q u a rt de ses biens de
coutume ; q u ’ e n co n sé q u e n ce ils offraient le quart desdits b ie n s ,
plus la totalité de ceux de droit é c r i t , sous la réserve de la quarte
falcidie. On convint d ’experts pour estimer tous les biens com po
sant la succession de la Dam e de Clary.
L e 1 . " germinal an 7 , les experts affirmèrent leur rapport. L e s
biens paternels de la Dame de C lary y sont estimés 280,000 liv. ,
et les biens maternels 108,700 liv.
L e 6 floréal an 1 0 , vint enfin le sénatus-consulte qui amnistie
les émigrés. L ’article 16 porte que les amnistiés ne p o u rro n t, en
aucun cas , et
sous aucun prétexte , attaquer les
portages de
présucccssions , successions , ou autres arrungemens et actes entre
la République et les particuliers , avant lu présente amnistie.
L ’a rticle 17 rend a u x ém igres leurs biens non vendus.
C e sénntus-consullo n’u point empêché la religieuse Delaire do
v e n d re , le 17 ‘lu même mois, une maison sise à A m b e r t , trois
domaines et un pré de réserve dans les environs do celte v ille ,
aux Sieurs l ’irel et Lavigne , moyennant 93,1(10 liv. , quoique ces
immeubles «lissent
été estimé» par les experts ivq, 100 liv. Sur
quoi il c»L « propos d ’observer que les conseils de la religieuse
Delaire , incertains sur scs droits , et ge
méfiant de l ’a v e n ir ,
�( i 3 )
eurent la prévoyance de reculer de dix ans l’époque du paiement.
L e Sieur L atour-Vidaud et la Dame religieuse Delaire , cohéritiers
bénéficiaires de feu H ector de Sim iane, v o ja n t qu’on n’avait fait
aucune réponse à leur pétition touchant la fausse application que
le directeur des domaines nationaux avait faite de la loi du 522
nivôse an 6 , s’empressèrent de présenter à M. le préfet de V au cluse une autre p é titio n , pour être admis aux déclarations p re s
crites par le sénatus-consulte , et par l’arrelé que ce mêm e préfet
avait pris le i 4 du même mois de floréal ; et ils ne doutaient pas
q u ’on ne l e u r rendît su r-le -ch a m p le petit domaine d e l a ^ r i a d e j
puisqu’il n ’avait pas été vendu.
Mais quel fut leur étonnement , lorsqu’ils apprirent que M . le
préfet se proposait de déclarer cet immeuble définitivement natio
nal , pour l ’afTecter à l’établissement
d ’une pépinière nationale ,
et que ce projet était porté à la décision du conseil général du
département !
Aussitôt le Sieur L alour-V idaud et la religieuse Delaire don
nèrent leurs pouvoirs à M*. l'e rra n d , avoué à G r e n o b l e , pour
réclamer auprès du conseil général ; et le 10 prairial an 1 0 , celuici distribua à chaque membre du conseil une nouvelle pétition
imprimée , tendant à faire rejeter le pio jet qui lui était soumis.
Il e x p o s a , au nom des cohéritiers bénéficiaires de feu H ector de
Simiane , qu’il avait été vendu pour plus de onze cent mille francs
de ses biens ; que c’était par une interprétation erronnée de la loi du
22 nivôse an 6 , que le séquestre avait été maintenu sur son domaine
de la T ria d e ; q u e , considérant même feu I lector de Simiane comme
a m n istié, le sénatus-consulte restituait aux amnistiés leurs biens
non vendus et non ufleclés au service p u b lic , qu’ainsi 011 ne pouvait
les priver de ce polit domaine»
Pendant qu’on attendait le résultat de cette n o u v e lle pétition, la
Dame de F é l i x , veuve du Sieur L éon «le Simiane , qui avait été aussi
inscrite su r in liste des é m ig ré s , m a i s q u i en avait rté éliminée pur
arretù «lu ministre «le la police générale du s messidor an y , prit le
25 prairial an 1 0 , tant au bureau des hypothèques d’A m b c rt qu ’au
�i f H -
'( H )
burenu de C le r m o n t , une inscription pour ¡220,000 liv. sur les biens
de feu H ector de Simiane , son cousin; et le 29 messidor su iva n t,
elle fit une saisie-arrêt entre les mains des Sieurs Lavigne et Pirel ,
débiteurs du p rix de leur acquisition.
L e 9 thermidor s u iv a n t , le conseil d'état donna un avis portant
que les prévenus d ’émigration , non rayés définitivement, dont le
décès avait précédé la publication de l’amnistie , pouvaient être
amnistiés; et qu e, comme l’amnistie avait été accordée principa
lement en faveur des familles des é m ig ré s,
il était conforme
a.
l'e sp rit du sénatus-consulte d ’étendre la grâce aux h é r itie r s, quand
la mort a mis le prévenu hors d ’état d ’en profiter. Cet avis fut
approuvé par le prem ier consul.
De ce m o m e n t r, la religieuse
Delaire et le Sieur L atour-V idaud
D
s ’o c c u p è r e n t d ’ob te n ir un b r e v e t d ’am nistie p o u r feu H e c t o r de
S im ian e , et ils l ’ob tin re n t en effet le 2G frim aire an 11 du G r a n d Juge , m in istre de la justice.
L e 4 germinal suivant, le conseiller d ’état ayant le département
des domaines nationaux , écrivit au Préfet de Vaucluse pour l’inviter
à donner les ordres nécessaires pour que les héritiers d ’IIector de
Simiane rentrent dans la jouissance de ses biens.
L e 29 germinal an 1 1 , M. le Préfet de Vaucluse prit un arrêté
en faveur desdits héritiers bénéficiaires, portant m a i n - le v é e du
séquestre.
L e 11 messidor s u iv a n t , la Dame religieuse Delaire est dccedee ,
laissant pour héritiers paternels la fumille de Champflour , et p our
héritiers maternels la famille de Chardon.
L lle avait alors fait disparaître tons les biens dont. H ector do
Simiane avait hérité d e là Dame d e C l a r y , so ilen vendant les uns ,
soit en cédant les autres aux hospices et aux autres légataires de sa
soeur.
L e 3 floréal nn 12 , le Sieur L a t o u r - V i d a u d , en sa qualité
d'héritier paternel sous bénéfice d ’inventaire d ’IIector de Simiane,
l it procéder à la vente du petit domaine de la Triade prés A v i
gnon , au plus offrant et dernier enchérisseur , d ’autorité de jus
tice et devant
lo
notaire c o m m i s
par le jugement du tribunal
civil do Vaucluse du 3* thermidor an 5 , «prés y avoir uppelô
�( i5 )
les créanciers, ainsi que la Dame religieuse Delaire ou ses repré
sentons / e t ce petit
domaine fut adjugé à la D am e veuve
de
S im iane, moyennant 40,000 liv. , quoiqu'il 11 eut été estimé par la
régie de l’enregistrement l’année précédente que 06,000 livL e 8 février 1808 , Jn Dame veuve de Simiane fit assigner devant
le
tribunal civil
d ’Avignon tous
les héritiers de la religieuse
Delaire , cohéritière bénéficiaire dTIector de Simiane , pour voir
liquider ses créances , et êtfe condamnés à les lui payer.
L e 27 décembre de la même annee , la famille de C h a r d o n ,
héritière maternelle de la religieuse Delaire fit assigner devant le
tribunal civil de Clermont la famille de C lia m p flo u r, héritière
p a te rn e lle , pour venir partager sa succession.
L e 18 janvier
1809 , la famille
de Chardon
fit assigner les
Sieurs Lavigne et Pirel d ’A m bert , devant le tribunal civil de
C le r m o n t , en rapport au partage de la succession de la religieuse
Delaire des sommes par eux dues en capital et intérêts du p rix
de la vente qu’elle leur nvait consentie le 17 floréal an 10.]
L e 8 février suivant, le tribunal de C le r m o n t , sur la déclara
tion des Sieurs Lavigne et Pirel qu’ils étaient prêts à se libérer,
en le faisant dire , avec la Dame veuve
de Simiane , ordonna
qu’elle serait mise en cause à la requête de la partie la plus diligente.
L e 18 du même mois , tous les héritiers de la religieuse Delaire ,
à l’exception du Sieur Gérard de Cliampflour o n c le , passèrent au
greffe d’ Avignon leur répudiation à la succession du Sieur de Sim iane, dont cette religieuse était héritière maternelle bénéficiaire,
mais ils se réservèrent la succession de celte religieuse.
L e 8 mars su iv a n t, le jugement de Clermont qui appelait en causo
la D am e veuve de Simiane , lui fut signifié , à la r e q u ê t e des h éri
tiers maternels de la religieuse Uelairo, avec a s s i g n a t i o n pour voir
«nnuller sa saisie-arrêt.
L e iQ du m ém o m o i s , la D a m e veuve do Simiane
tribunal civil d ’A v ig n o n un ju g em en t
obtint
au
contre le S ie u r ( jç r a r d du
ChumpHour oncle , la dame de S t.-D id ie r , mitre cohéi itie re , qui les
condam na à lui p a y e r
7 francs
55 c e n t i m e s , m on ta n t du ses
créances liquidées , au r a p p o r t de M . Don } j u g c - c o n u n i s s a i r e , c l
�-AW( i6 )
sur les conclusions du ministère public , et qui ordonna plus ample
justification des autres créances réclamées par la Dam e veuve do
Simiane.
Enfin , c ’est d ’après l’apperçu de tous ces faits et la jonction do
toutes les demandes , que le tribunal de C le rm o n t, par jugement du
9 août 1 8 0 9 , a statué sur le mérite de la saisie-arrêt de la Dame
veuve de Sim iane, qui était incidente au partage entre les h éri
tiers de la Dame religieuse Delaire.
V oici le texte du jugement dont est appel :
P o in t de droit. — L es biens situés à A m b e r t , dépendant de la
succession de la Dame de C l a r y , vendus aux Sieurs Lavigne et Pirel
p ar Marie-Jeanne Delaire, ont-ils fait partie, de
ceux remis aux
héritiers du Sieur de Simiane , en conséquence de l’arrêté d’amnistie
du 26 frimaire an 1 1 , ou b ie n avaient-ils appartenu définitivement
à ladite M a rie -J e a n n e D e laire ?
L a Dam e de Simiane peut-elle se prévaloir des lois des g fruc
tidor an 5 et 5 vendémiaire an 4 , relatives au rapport de l’efTet
rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 , pour pré
tendre que lesdits biens étaient de droit restitués par la nation
à la succession dudit de S im ia n e, ou ré su lte -t-il de l’art. 5 de la
loi du 5 vendémiaire et du principe posé en l'art. 2 de celle du
20 mars 1 79 0 , que Jeaune-AÎarie Delaire n’avait jamais perdu la
propriété desdits biens qui lui avaient été délaissés par l ’arrêté
administratif du 8 nivôse an 2 ?
Résulte-t-il des exceptions portées par lesdits deux articles, et
de l’ensemble d’autres lois législatives , quo les ci-devant religieux
et religieuses étaient préférés au fisc ?
Ouïs
les avocats des parties et le procureur impériul en ses
conclusions;
a A t t e n d u , i*n qu H ector de S im ia n e, par son émigration en
y» 1792 et J7<j<ï> avait perdu la propriété des biens qu’il avait
)) recueillis de la succession do la Dame Delaire de Clary , décédée
» en octubro 1791 ;
» Attendu , 2.* qu'en conséquence, lorsque 1’efïct rétroactif delà
» loi du 5 brumaire an a , appela la religieuse Delaire à recueillir
» ces b ien s, qui lui furent remis par arrêté administratif du 8 nivôso
�( 17 ) . .
w an 2 , ce ne fut pas le Sieur de Simiane qui en fut dépouillé,
» puisqu’il l’était d é jà , mais seulement la république qui avait pris
» sa place ;
» A t t e n d u , 5 .“ que le Sieur de Simiane était mort en émigra» tion le 12 prairial an 5 , avant le rapport de 1 effet rétroactif
)) des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2 ; que sa succession
)> était encore celle d’ un émigre , lors de 1 effet rétroactif de ces
» lois par celle du 9 fructidor an 3 et celle du 3 vendémiaire an
)) 4 ; d’où il suit que tous les droits qui en dépendaient, app a rte» naient à la république par droit de confiscation ; que la nation
» ne voulut p a s user de l ’ eJJ'et rétroactif des lois de bruinait c
« et nivôse an 2 à son p r o fit , lorsqu’ il s’ agissait de dépouiller
)) les religieux et religieuses envers lesquels elle s*était redunee
» de la pension q u elle leur f a i s a it , p a r la compensation des
» pensions avec l e s revenus des successions p a r eux recueillies ;
» en conséquence, la nation renonça a la recherche p a r l art.
j
» de la lai du 5 vendémiaire an 4 ;
)) A tte n d u , 4 .° que l’e x -re lig ie u s e D éfaire a conservé en c o n s é )) quence pendant toute sa vie , la libre jouissance, administration
)) et disposition des biens dont il s’agit, et q u ’elle l ’avait spécialement
)) de f a it et de droit , soit lors du sénatus-consulte d ’amnistie du
)> G floréal an 10 , soit lorsque l ’amnistie fut appliquée audit Sieur
» de Sim ia n e en l’an 11 , huit ans après sa m o r t , au profit de ses
» héritiers ;
)> Attendu , 5.° et e n f i n , que dans cet état de c h o s e s , l ’article
» 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés amnistiés que
« ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains de la nation ,
)) il est conséquent que les biens dont il s’agit 11e fussent pointrendu*
)> aux héritiers dudit Sieur Simiane , et qu’il résulte que la saisiel> arrêt, faite par ladite Dam e de Simiane entre
l e s
mains des acqué
» reurs des biens provenus «le la succession de fa Dame de C la r y ,
>’ »itués n A m bert , comme des bipns Sim iane, son débiteur , le 25
» messidor an 10 , est nulle et de nul effet, et q» ainsi les inscriptions
» par clic prises portent à faux ; »
I-c T r i b u n a l déclare l a s a i s i e - a r r e t , faite entre les mains dcsSieurs
P ire l et Lavigno le u5
m e ssid o r
an 10 , ù la requête de la veuve du
&
�( i8 )
S im ia n e , exerçant les droits de la succession d’H ector de Simiane ,
nulle et de nul effet , en fait pleine et entière main-levée aux h éri
tiers bénéficiaires de la religieuse Delaire ; ordonne q u e , sans s’y
a r r ê t e r , P irel et Lavigne videront leurs mains en
celles desdits
h é r itie r s , des sommes dont ils sont débiteurs en capitaux et intérêts j
à quoi f a i r e , ils seront contraints par les voies de contraintes, par
lesquelles ils sont obligés; ce faisant, ils en seront bien et vala
blem ent déchargés ; fait pareillement main-levée auxdits héritiers
des inscriptions prises par la veuve de Sim iane, soit en son n o m ,
soit en exerçant les droits de la succession du Sieur de Simiane au
bureau de la conservation d ’Am bert sur les biens provenus de la
succession de la Daine de C l a r y , qui ont été aliénés par l’ex-religieuse
D e l a i r e , ou qui pourraient exister encore , ordonne qu'elles seront
rayées de tous registres ; fait défenses à la veuve de Simiane d ’eu
requérir de pareilles s et la condamne aux dépens envers toutes le3
parties.
L a Dam e veuve de Simiane a interjete appel de ce jugement en la
C o u r , où elle espère en obtenir l ’entière réforraation.
M O Y E N S .
L ’œ uvre de la justice ne consiste qu’en deux ch oses, la rech er
che de la v é r ité , et la manifestation de la vérité.
L a Dame veuve de Simiane n ’a rien négligé pour faire connaître
à ses juges la vérité. Elle a rassemblé elle-même les faits et le»
pieces qui devaient les écluircr. Loin de se montrer avide du bien
d ’autrui , cllo a eu la générosité do ftiire voir aux magistrats
q u ’elle ne demandait pas , à beaucoup près , tout ce qu’elle avait
droit do demander ; q u ’elle voulait respecter tout ce qui avait
été donné par la religieuse Delaire aux hospices de Clermont et
d ’A m b e r t ,
quoique ces
d o n s - 1« fussent faits à
ses d é p e n s ;
qu’elle ne voulait pas même troubler les acquéreurs , quoique les
aliénations de la religieuse aient été fuites dans un tems où elle
n ’en uvait pas le droit , et quo le prix apparent des ventes soit
t rè s-m é d io c r e , qu’elle voulait bien tenir pour libérés les acqué
reur* qui avaient payé ; qu’enfin elle 110 réclamait , comme cr'¿an-
�( T9 )
cier considérable (PHector de Simiane , son cousin , que le p rix
encore dû des biens qui lui ont appartenu
p rix dont on ne
pouvait la priver , sans une double in ju stic e , puisque non-seule
ment c’est le gage de ses créances , mais encore qu’il faudrait
en déclarer propriétaires , et par suite en enrichir des familles
fort r i c h e s , qui n ’y ont aucun droit.
E n se présentant aussi favorablement, la D am e veuve de Simiane
devait-elle s’attendre que ses juges , au lieu de manifester par
leur jugement
la vérité qui se montrait à eux d ’une
manière
éclatante , chercheraient à l’obscurcir par des raisonnemens
n ’ont pas même le mérite d’être spécieux
qui
et par des systèmes
que les lois réprouvent évidemment ? n o n , sans doute. E t si sa
surprise a été grande , en
se vo yant condamnée en
première
instance , sa conGance en la justice de 6a cause l’accompagnera
toujours devant ses juges su p é rie u rs, car l ’erreur n ’a qu’un te m s ,
tandis que la vérité est immuable.
E x a m in o n s d ’ab ord scru p u le u sem en t les m otifs qui on t d é te r
m in é les p re m ie rs ju g e s à c o n d a m n e r les p réten tion s de la D a m e
ve u v e de Sim iane , et distinguons-y soign eusem en t ce qui y est vrai
d ’avec ce qu ’il y a d 'e r r e u r .
T ouch an t le prem ier m o tif , nous sommes d ’accord de cette
v é r ité , qu’IIector de Sim iane, après avoir recueilli en octobre 1791
les biens paternels de la succession de la Dam e de C l a r y , en perdit
la propriété , par la force de l’art. 1 . " de la loi du 38 mars 1795
qui frappe de mort civile les émigrés et déclare leurs biens con
fisqués ; o r , pour être réputé é m ig ré , il suffisait d ’être inscrit sur
la liste des ém igrés, comme l’a été en eiTet H ector de Simiane.
C e p e n d a n t, dans la ré a lité , quiconque était inscrit sur la liste des
émigrés n’était qu’un prévenu d ’émigration , puisque » il réclamait
en teins utile et parvenait à se fairo rayer , ses propiiélés n avaient
été perdues pour lui que tem p o rairem en t, puisqu il le» recouvrait
alors avec tous nee droit» civils.
T ouchant le second m o tif , nous sommes également d ’accord de
c ette v é r i t é , que lorsque la religieuse D elaire fut appelée û la succes
sion de lu Dame de C l a r y , sa soeur , morte lo 38 octobre 1 7 9 1 , p a r
�( 20 )
reflet rétroactif de la loi du
5 brumaire an a , et lo r s q u e , le 8
nivôse suivant , l’administration (lu district d ’Am bert accorda à
celte religieuse la levée du séquestre qui avait été mis sur les pro
priétés d ’A m b e r t , à cause d’Hector de Simiane qui les possédait
au moment de son inscription sur la liste des émigrés , ce ne fut
pas H ector de Simiane qui en fut dépouillé , mais bien la répu
blique qui avait pris sa place. Cependant on ne peut pas se dis
simuler q u e, tout en dépossédant la ré p u b liq u e , comme'représen*
tant alors H ector de S im ia n e , c ’était bien lui-m ême qui se serait
trouvé dépossédé par le rappel d’ une héritière q u i , quoique plus
proche successible de la défunte que l u i , n ’avait pourtant pas le
droit de succéder en 1 7 9 1.
Jusqu’i c i, nous ne sommes point en opposition d’ opinions ; mais
il n ’en est pas de m ê m e to u ch a n t le troisième m o tif du jugement
dont est a p p e l , qui renferme des principes qui nous paraissent
insoutenables.
O n y dit d ’abord q u ’H ector de Simiane étant mort le 12 prairial
an 5 , avant les lois du 9 fructidor an 3 et 5 vendémiaire an 4 , qui
détruisent l ’eflet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse
an 2 , sa succession était encore celle d ’un émigré , qu’ainsi tous
les droits qui en dépendaient , appartenaient à la république par
droit de confiscation.
Ce n ’est pas là-dessus que nous nous récrierons , car il est encore
vrai que , quoique le comité de législation de la Convention natio
nale eût accordé à Hector de S im ia n e , par son arrêté du 8 ven
tôse an 5 , un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation
de son nom de la liste des
émigrés , et se procurer les pièces
nccessair39, il n ’en mourut pas moins le 12 prairial an 3 , sans
avoir pu encore faire accueillir ses réclamations , et q u ’ainsi la
république Ie représentait encore et pouvait exercer tous ses droits.
.Mais lorsque Ie9 premiers juges ajoutent que la nation ne voulut
p a s user <le l ’f j f ' t rétroactij des lois de brumaire eL nivô.ie an 3 a
son projit , l orsi/u 'il .l'ofjissait
dépouiller les religieux et r e li-
fiicuies envers h-si/uel* elle s'éta it redimée île la pétition <¡11’elle
leur Jais ait , par la compensation des pensions avec les rede
vance* j l c s successions p a r eux recueil lies , et q u ’en conséquence
�( 21 )
la nation renonça « la recherche p a r l ’ article 5 de la loi du o
vendémiaire an 4 ; voilà une doctrine que
nous
tenons pour
fausse.
E n e ffe t , où pourra-t-on trouver dans lés lois un seul mot qui
indique cette prétendue volonté de la Republique de ne point user
de l’effet ré tro actif des lois de brumaire et nivôse an 2 à son profit ,
lorsqu’il s’agissait de reprendre des mains des religieux et religieuses,
les biens qu’ils n ’ avaient recueillis qu’à la faveur de
cet effet
rétroactif?
Dans quelle loi encore trouvera-t-on que la nation ait pensé à faire
des compensations et à se rédimer des pensions qu'elle faisait aux
religieux et religieuses, en leur laissant les successions qu’ils auraient
recueillies par l ’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse ?
E n f i n , par quelle disposition législative la nation a-t-elle renoncé
à toute recherche ?
L ’article 2 de la loi du 20 m ars 1 7 9 0 , in voq u é p a r les p rem iers
. j u g e s , dit que « lorsque les re lig ie u x ne se tro u v ero n t en concours
» qu avec le fisc , ils h é r ile r o n t dans ce cas p ré fc rab le in e n t à lui. u
Quel rapport cet article a -t il avec notre cause ? J 1 ne s’agit pas
ici d’ une succession ouverte depuis le 20 mars 1790 en faveur de la
religieuse Delaire en concours avec le fisc, puisqu’au 28 octobre
1791 , jour du décès de la Dame de C l a r y , sa sœur , H ector de
Simiane et le Sieur de Chardon étaient tout-à-la-fois ses héritiers
naturels et testamentaires.
Il n’y a donc aucune induction ù tirer de celte loi pour appuyer
le système que nous combattons ; c a r , à l ’époque où l ’effet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse a été abrogé par les lois des 9 fructidor
an 5 et 3 vendémiaire an 4 , la religieuse Delaire n’aurait pu se
refuser à restituer ù la nation les biens advenus à Hector de Simiane
cn 17 9 1 > sous le prétexte de la loi du 20 mars 1 790 , et *c regardant
alors en concours avec le fisc; car 011 lui aurait répondu avec avantage
‘ l»’il no n’ngi.iftuit pas d ’une succession ouverte à son profit au mo
ment do l'abolition de l'effet rétroactif et «ù 1®
aurait éle 6cul
en concours avec e l l e , mais qu’il s’agissait au contraire do resti
tuer au fu c un bien confisqué sur Ilc c to r de Sim iane qui l ’avait
recueilli sans difficulté lo 28 octobre 1 7 9 1 , à titre d ’héritier paternel
tout-à-la-fois légitime et testamentaire de la D am e de C l a r y , qu\iin»i
�( 22 )
la Dame religieuse Delaire ne s’étant point trouvée en concours
avec le fisc, l o r s de l’ouverture do la succession de sa s œ u r , ne
pouvait argumenter en aucune manière de l’art. 2 de la loi du 20
mars 179 0 , dont nos prem iers juges ont très - mal à-propos tiré
l ’induction que la religieuse Delaire était devenue propriétaire dos
biens paternels de la Dam e de C lary , sa sœur.
L ’art. 5 de la loi du 5 vendémiaire an 4 , ne contient aucune
renonciation de la part de la nation à la recherche des biens passés
dans les mains des religieux et religieuses à la faveur de l’eflbt
rétroactif des lois de brumaire et nivôse j et c ’est encore très-mal
à-propos que les premiers juges l ’ont ainsi prétendu : cet article
porte que « les partages entre la république
)) déchues qui étaient ci - devant
religieux
et les personnes
ou religieuses, sont
» maintenus. »
L ’esprit de cet article est le même que celui que l’ on retrouve
dans toutes les dispositions de cette loi du 3 vendémiaire an 4 , qu i,
en ordonnant les restitutions au profit des héritiers rétablis, veut
faire respecter tout ce qui a été fait de bonne foi pendant le cours
de l’efTet rétroactif des lois do brumaire et nivôse. Aussi nous ne
ferons point de difficulté de reconnaître et d ’avouer que si la répu
blique avait été en position de faire un partage aveo la religieuse
D e l a i r e , et que ce partage eût été consommé, il serait inattaquable.
Mais est-il vrai qu’il y ait eu partage entre la religieuse Delaire et
la république ? ......... no n ; car la république ni la religieuse Delaire
n ’ont jamais été dans la position de faire un partage.
Si l ’administration eut demandé à la religieuse Delaire la resti
tution des biens passés dans ses mains à la fuvour do l’effet rétroactif
des lois de brumaire et n iv ô s e , cette religieuse aurait été obligée
de los rendre tou s, à 1 exception de ceux aliénés par date certaine
et antérieure à la loi du 5 lloréal an 5 , comme le porte l’art. 1 do
la loi du 5 vendémiaire an 4 , desquels biens aliénés la religieuse
aurait encore c o m p t é le p r i x , aux tonnes de l’art. 4 do cette loi.
Il no pouvait donc y avoir lieu à aucun partage entre la r é p u
blique qui pouvait tout r e p r e n d r e , ot la religieuse Delaire qui no
pouvait rien retenir ; ot de f a it , il n y en a jamais eu aucun
ce qui
démontre quu l’article 5 de la loi du 3 vendémiaire an 4 est sans
application dans la cause.
�( 23 )
Q ue s’il faut dire le véritable m o tif qui a em pêché l ’adminis
tration de faire restituer à la religieuse Delaire les biens donl il
s’agit , en vertu des lois des 9 fructidor an 5 et 5 vendémiaire
an 4 ; c’est qu’ alors on craignait que ces biens , une fois rentrés
dans les mains de la nation, ne fussent ven d u s, au gr/md préju
dice des hospices de Clermont et d ’A m b e r t , auxquels la Daine
de C lary avait fait des legs considérables. L ’intérêt des pauvres fit
garder le silence aux administrations , qui laissèrent la religieuse
Delaire jouir paisiblement , malgré la révocation absolue de son
titre -d’héritière de sa s œ u r , opéree par l’abolition de l ’efTet rétro
a ctif des lois de brumaire et nivôse. M a i s , si le silence des admi
nistrations n ’a rien ôté à cette r e lig ie u se , il n e lui a non plus
rien donné , en sorte que sa jouissance , devenue précaire , ne
pouvait exister que jusqu’à ce qu’on retire de ses mains les biens
dont elle n ’était plus que dépositaire.
Quant aux compensations et rachat des pensions que les p re
miers juges supposent avoir élé consentis entre la nation et les
religieux y c est encore la une idcc cliiinericjuc. Jsnisis la nation
n ’a pensé à se rédimer des pensions qu’elle faisait aux religieux
en leur abandonnant , à titre de compensations , des propriétés
quelconques.
L a nation avait si peu pensé à ce singulier systèm e de com pen
sations , que par l’art. 4 de la loi du 17 nivôse an 2 , elle voulut
que les pensions attribuées aux religieux et religieuses, diminuent
en proportion des revenus qui leur
écherraient par succession ;
et l’art. 5 exige même qu’ils in scrive n t, dans leurs quittances de
pensions, la valeur des successions qu’ils auront recueillies.
Ces dispositions législatives nous font voir que n o n - s e u l e m e n t
la nation 11’a jamais entendu donner aux religieux et religieuses
des propriétés en compensation de leurs p e n s i o n s , m a i s qu elle
voulu même qu’à
proportion
qno les r e l i g i e u x e t religieuses
auraient des revenus par les successions qui leur écherraient posté
rieurement u u x lois des 5 b r u m a i r e e t >7 1,' vo9°
2 , leurs
pensions fussent diminuées d ’autant. Ainsi , jamais on ne nous
lera croire que la nation ait voulu donner cent mille écus de proprié
tés à la religieuse Delaire, en compensation d ’une pension de 700 lir.
�( H )
payable en l ’an 4 avec des assignais ou mandats presque sans valeur.
Il
est donc évident que le troisième m o tif du jugement dont est
a p p e l, repose sur des opinions insoutenables.
A l’égard du quatrième m o tif, comme il n'est que la conséquence
du p ré c é d e n t, il n ’est pas surprenant qu’un faux principe ait donné
lieu à un faux résultat. A u s s i , lorsque les premiers juges ont dit que
l'ex-religieuse D elaire avait conservé toute sa vie la libre dispo
sition des biens dont il s’agit, et qu'elle Vavait spécialement de
f a i t et de d ro it , soit lors du sénatus-consulte d'amnistie du 6 Horéal
an 10 , soit lorsque l’amnistie fut appliquée au Sieur de Simiane après
sa m o r t , au profit de ses h éritie rs, ils ont eux-mêmes déclaré que
c ’était la conséquence du principe posé auparavant, que la nation
n ’avait pas voulu user de l’effet rétroactif des lois de brumaire et
nivôse an 2 à son profit ; or nous croyons avoir d ém on tré suffisam
m ent combien cette idée était chim érique; et dès-lors s'est trouvée
démontrée d ’ avance l’illusion de la conséquence tirée en faveur de la
religieuse Delaire.
C elte conséquence est tellement f a u s s e , qu’en y substituant le
véritable principe puisé
naturellement dans la législation, et sui
vant à chaque pas ses effets, on sera forcé de reconnaître que la
religieuse Delaire n ’a conservé la libre disposition des biens d e là
Dam e de C l a r y , sa soeu r, que depuis son rappel à sa succession
en vertu de l’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôsejusqu’à
la loi du 5 ilorédl an 5 , puisque l’art. i . ' r de la loi du 4 vendé
miaire an 4 , ne maintient que les ventes fuites avec date certaine
antérieurement ù cette loi du 5 tloréal an .1 , et encore sauf le
recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues.
A i n s i , il faut convenir que dès le 5 floréal on 5 , la religieuse
Delaire fut privée du droit de disposer des biens de su sœur ; q u e lle
ne conserva plus que -défait et précairement la jouissance et l'ad
ministration des biens de la Dame de Clary , sa sœ u r; que le droit
do reprendre et do disposer de ces mêmes b ie n s , pour la portion
du Sieur de Sim iane, repasse dans les mains de la nation par l’effet
de la loi du <) fructidor an»), portant abolition de reflet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse an a , tout de nicme que la portion
du Sieur de Chardon retourna en «ou pouvoir ; quo lors de l’urrêté
�( * 5 )
du Directoire e x é cu tif du 28 nivôse an 5 , qui ordonnait la radiation
du Sieur de Simiane de la liste des émigrés , faisait cesser sa mort
civile et se bornait à un séquestre de conservation, le cours ordi
naire et naturel des successions se trouva r é ta b li, de manière à
reconnaître les héritiers légitimes d ’IIector de Simiane , au tems
de sa m o r t , lesquels héritiers étaient la religieuse Delaire , pour
la ligne maternelle, et le Sieur L ato u r-V id a u d , pour la ligne pater
n e lle , qui se firent adm ettre au bénéfice d ’inventaire par ju ge
m ent du 25 therm idor an 5 j que la loi du 22 nivôse an 6 ayant
réintégré H ector de Simiane sur la liste des é m ig ré s, la nation a
encore repris les mêmes droits qu’elle avait avant l’arrêté du D irec
to ire , et que ces droits ont subsisté jusqu’à l’application du séna
tus-consulte d’amnistie en faveur d’IIector de Simiane ou de ses
h é r it ie r s , par arrêté du Grand-Juge du 26 frimaire an 1 1 , qui a
enfin rendu à la religieuse Delaire et au Sieur L a to u r -V id a u d les
droits attachés à leurs qualités d ’héritiers bénéficiaires.
V o ilà vé ritab lem en t les effets q u ’ont p r o d u its to u ch a n t les biens
q u ’I I e c t o r de S im iane avait recueillis de la D a m e de C la r y , soit
les lois con cern a n t
les successions , soit Jes lois
c o n c e r n a n t les
é m igrés , et nous tenons p o u r fa u x tout s y s tè m e co n tra ire.
Quant au 5 .* m otif du jugement dont est a p p e l, où l’on prétend
que l’art. 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés am
nistiés que ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains
do la nation, il est conséquent que ceux dont s’agit ne furent point
rendus à ses h éritiers, et q u ’il en résulte que la saisie-arrêt de la
Daine veuve de Simiane est n u lle , et que ses inscriptions portent à
f a u x , il n'est encore que le résultat du faux principe posé dans le
n io t ii, où les premiers juges ont supposé gratuitement une com
pensation qu’aurait faite la république avec les religieux et reli
gieuses pour se rédim er do leurs pensions , en leur laissant les biens
qu ils auraient recueillis à la faveur do l'effet rétroactif des lois de
brumaire et nivôse an 2 : o r , c o m m o ce principe est insoutenable ,
la consé(ji|t»|,co actuelle tombe avec lui. Il faut ait co,itruire tenir
pour certain que jamais la république n ’a pensé ù faire do pareils
marché*» j qu’elle n ’a jamais renoncé à la recherche des biens que
les religieux et religieuses devaient restituer en vertu do la loi du
3 vendémiaire un <i j que l’art. 5 do ccttu loi qui maintient le*
�4 $ o.
( 2G )
partages entre la république et les religieux et religieuses d é ch u s,
est tout entier dans
l’intérêt de la n a tio n , et ne reçoit aucune
application dans l’espcce , puisqu’ il n ’y a jamais eu matière à partage
entre la république et la religieuse Delaire ; que la levée du séquestre
p ar arrêté de l’administration du district d’ Ambert en date du S nivôse
an 2 , a été nécessitée par le rap p e l de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Dame de C la r y , s a sœur j par l’ellet rétroactif de la loi de
brum aire; que le silence des administrations après l’abolition de cet
effet rétroactif, ne peut en aucune manière être assimilé à une donation
oïl autre arrangem ent présumé fait entre la nation et cette reli
gieuse, qui a bien pu par ce moyen continuer sa jouissance de fa it,
mais non de d ro it , puisque son titre d ’héritière était révoqué ,
que les véritables héritiers étaient rétablis par la loi du 9 fruc
tidor an 3 , q u ' i l e c t o r de S im ia n e était re p ré s e n té par la nation
qui était saisie de tous ses droits , et qu’il en résulte que la Dame
veuve de Simiane a pu prendre inscription sur ses biens d’A m b e rt,
saisir valablement
les deniers provenans des aliénations de ces
b ien s, comme la prem ière et la plus considérable de ses créan
ciers , et que ce n’est que par un système contraire ù la vérité
qu’on lui a fait l ’injustice dont elle se plaint en la Cour.
Cette injustice est d ’autant plus pénible pour l ’appelante , qu’elle
s ’est présentée devant les premiers juges avec des sentimens hono
rables , et qu’ ils n ’ont pas daigné faire attention à plusieurs circons
tances et considérations qui militaient également en sa laveur.
Ne devait-on pas remarquer l’époque de la vente consentie par la
religion* e Delaire aux Sieurs Lavigneet l ’ i r e l , l’éloigncment iiu lermo
du paiement et le long silence des héritiers de cette religieuse ,
qui n ’ont pas même osé toucher les intérêts des acquéreurs ?
C ’est le 17 floréal an l o q u e c.-tte religieuse a fait cette v e n t e ,
c’e s t - à - d ir e , dix jours opiès la date du séiiutus-consulte d’umnistio
des émigrés.
lilla avait évidemment attendu jusqu’à ce m o m e n t, dans la crainte
q u ’en lo faisant plutôt , cela ne donnât l’éveil aux agens de la répu
bliques , et qu’ ils no rétablissent le séquestre et n ’exercent contre
elle les recherches qu’ils avaient le droit do faire depuis la loi du 9
fructidor an 3 , qui avait aboli l’cfTct rétroactif des lois de biun iaiie
et nivôse.
�( 27 )
L e sénatus-consulfe d ’amnistie lui parut d ’un présage favorable.
E lle se hasarda à vendre ; mais n ’étant pas encore bien fixée sur les
effets que ce sénatus-consulte pourrait produire à l’égard des émigrés
décédés , les acquéreurs pensèrent q u e , pour leur sûreté , il fallait
reculer de dix ans le p a ie m e n t, d’autant qu’ils savaient bien que si
l ’amnistie profitait aux héritiers des émigrés décédés , les créanciers
de ceux-ci pouvaient
dem ander
à ces héritiers le paiement de leurs
créances , et attaquer les a c q u é r e u r s qui auraient payé imprudem
m e n t , surtout
d a n s
la circonstance où la religieuse Delaire étant co
héritière bénéficiaire d’Ilecto r de Simiane avec le Sieur L a to u r—
,Vidaud , elle exposait sa vente à être querellée par son cohéritier
p our l’avoir seule consentie.
Cette précaution de la religieuse Delaire et de ses acquéreurs,
annonce qu’ils ont prévu non seulement ce qui arrive aujourd’hui ,
mais encore ce qui pouvait arriver de pluS fort.
Pourquoi d ’ailleurs les héritiers de la religieuse Delaire ont-ils
gardé un si long silence sur la saisie-arrct de la Dame veuve de
Simiane ?
Devait-on regarder indifféremment la circonstance singulière qui
se rencontre i c i , de voir aujourd’hui le Sieur de Chardon soutenir
que les biens d’H ector de Simiane situés à A m b e r t , ont formé le
patrimoine particulier de la religieuse Delaire depuis qu’elle a été
rappelée à la succession de la Dame de C l a r y , sa sœur , par l’effet
rétroactif de la loi de brumaire ; qu’elle en a toujours conservé do
f a i t et de d r o i t } la libre disposition ; qu’enfin , ils font partie do
sa propre succession et non de celle d ’IIector de Simiane , lui Sieur de
Chardon q u i , dans trois occasions solennelles, a prouvé qu ’il pensait
tout le contraire ?
D ’abord après l ’abolition de l’effet rétroactif des lois de brumairo
et nivôse, le Sieur de Chardon s’est fuit restituer par la religieuse
Delaire les biens de l’cstoc maternel de la Daine de Clary , sa s œ u r ,
dont il était héritier en 1791. O r pourquoi 11c veut-il pas reconnaître
que cette religieuse etuit de même soumise ù 1° restitution des biens
de l’estoc paternel, recueillis uussi en «7‘J 1 l>ar H ector de S im iane,
héritier de cette ligne ? c’est parce qu'il voudrait recueillir , c o m m e
héritier de cette religieuse , la portion paternelle des biens do la
jja m e de Clary ; mais comme les moyens qu’il a fait udopter p u ile *
�(
28
)
premiers juges sont illu soires, ses espérances à cet égard se dissi
p ero nt en la Cour.
Com ment encore v i e n t - i l actuellement soutenir que les biens
d ’ Am bert no font pas partie de la succession d H ector do Simiane ,
lorsqu’il a reconnu dans le Sieur L a to u r-V id u u d , héritier benéfi-»
ciairo dudit de Simiane , qualité pour défendre t conjointement avec
lu i, la totalité des biens délaissés par lu Daino de C lu r y , contre les
prétentions d ’une femme romanesque , qui a voulu tout-ù-la-fois
usurper le nom et la fortune du président do Clury et de son epouso ?
11 est ù propos de diro ici un mot do cette affaire , qui est aussi peu»
dante eu lu Cour.
L n l’nn 3 , la femme do Louis M a r l o t , coutelier ù C l c r m o n t ,
attaqua la religieuse Doluiro , alors rappuléo ù la succession de la
Duiuo do Clary , sa tic u r , pour lui dplivrer lo liers do cottc succès**
sion , en conformité do furticle >3 do lu loi du 12 brumaire au 2 , so
prétendant fille adultérine do la Dame de Clary.
Un jugement arbitral du 4 messidor suivant lui permit de prouver
sa possession d ’é t a t , conform ém ent à l’article 8 de la loi précitée.
J)es enquêtes respectives eurent lieu.
L a loi du a 5 nivôse an 3 renroya devant les tribunaux toutes les
questions d ’état.
L a femme Marlct garda lo silence pendant dix ans.
L es 6 et a i messidor an 1 2 , elle assigna en reprise d ’instance lo
Sieur do Chnrdon et le Sieur I«atour* Vidaud.
C c u x - ii n'eurent pas do peine à repousser sa demande.
Lll 18o(> , un jugement contradictoire «lu tribunal civil «le C lerjnont déclara vteiole ctabulic toute la procédure d e là femme M arlet,
com m e faite en exécution de r*-lTet rétroactif de U loi du ia
brumaire an a , touchant une aucc^Mon ouverte en 1 7 9 1 , et cela
d ’après l a i t i c l c
|3 d® 1* loi du .*> vendémiaire an », et la r li c l t
1 . " do U loi du i S l h c r m i d o r su iv a n t, n la condamna aux dt jKçn*.
l ’eu de teint apuft , b femme MarSet fit •**»gu?r U .Sieur de
Clary de Mural , frere de feu le p r o i'l c n t de î. î*»ty , Irt Sieurs
dr ( furdou et I-stour-V i d ¿ u d , lu-ritier* de U I'jimc de C l a r y ,
|*««u *uir «lira «(u'cilo n$îí rcv.mnu» filíe Irgiurac tic* hitar
et
lJ-tuiQ
Irui »
-c
C U r y , c l sn ;«u>ctjuëiuc ïb v o v cc eu
t»
�T
- ,
29 ^
i .e qo août 1808 j mitre jugement contradictoire, q u i , attendu
que la
femme
M arlet
n ’a
ni
titre
ni
possession d ’état
do
lille légitime des Sieur et Dam e de G a r y , décédés ; qu ’elle n ’a
non plus ni commencement de preuvo pnr é c r i t , ni présom ptions,
ni même d ’indices propres à déterminer lu preuve pur témoins
de sa prétenduo filiation, l ’a déclarée non rccevablo duns ses de
mandes , lui fait défense d ’usurper les noms des Sieur et Damo
do C lu r y , et l’u condumnéo aux dépens.
A p p el et assignation donnée en la Cour , n la requêto des mariés
Marlet , tunt au Sieur de Chardon qu’au Sieur L atour-Vidaud.
C e lu i-c i a depuis renoncé à la succession d’ Ilcctor do S im ia n o ;
et comme les héritiers de la religieuse Delnirc , sa
cohéritière
bénéficiaire , ont aussi renoncé', le tribunal civil d’Avignon a nommé
un curateur à cette succession vacante; et le Sieur Latour-Yidnud
lui a dénoncé sa copie d ’acto d ’appel , pour défendre à sa place ;
et n i effet , co curateur l’n substitué.
C e n est pas pour toucher le fouit do 1« cause «le la femme M a rlet,
que nous venons rappeler ce» faits , cnr cette uilàire n’est pas do
nature à donner de l’inqu iétude, et ne mérite pas qu’on s’en occupo
avant l’audience ; mais c ’est ufin de rappeler au Sieur de Chardon
qu'il a reconnu d a m tout le cours des procédures que le Sieur
L utour-V idaud avait été justement appelé par la femme M a r le t ,
pour défendre les bien» de l’estoc paternel de la Dame de C l a r y ,
comme lui Sieur de Chardon avait été aussi appelé pour défendra
les biens de l’estoc maternel.
Que
si le Sieur de C hardon eut p en sé d a m ce toms*lù, com m e
»1 • l ’air d e le faire aujourd'hui , il n ’eùt pas m anqué de repré
senter à la justice que le Sieur Latour* Yidaud n'étant qu héritier
bénéficiaire
d ’H rctor
de S im ia n e ,
n'avait aucune quahté pour
dcTendre le» bien» de la Dam e de Clary »iluc« •« An»b*rt ; qur ces
bien» étant devenu» propriétés de la relifieu *' Dc--*lirtl cr* vertu
•!*
loi du 5 brumaire an 3 , et du «¡Urne* ' l t ' administration»
• p r ç * l'a bolition
i ! c l ’e f f e t r é t r o a ' ù f d e
! c * • 1 * l a i t « u x »eul«
h c n l i f f i ¡II» c r i te r e l i g i c u t e à r e p o w * * * * I** ^ t t j - j u r * d i n ^ r r » c o n t r e
es» tr.ct?* p r o v e n a n t d e >4
■îi- C h a n l u n
ivatrmf®
, lo%n «le
trouvi
**c *a «n n r ;
teuir c»
t r é » * j u » ’. c e t
en
tfrt-tu lu id
»ÎM.
que !c
q u e «1 l r S » c u r
rt
»
I^itour-
�( 3o )
V idaud se réunisse à lui p our
fe m m e
combattre les prétentions de la
Mariet , qui voulait usurper tout-à la-fois le nom et la
fortune de la Dam e de C l a r y , n ’a -t-il pas bien reconnu lui-même
que cet héritier d ’H ector de Simiane avait qualité et intérêt de
conserver les biens qu’H ector de Simiane avait recueillis à A m b e r t ,
dans la succession de la Dam e de Clary ?
Com ment donc après une reconnaissance si solennelle faite devant
la justice en 1806 et 18 0 8 , le Sieur de Chardon a -t-il pu tenir un
langage si opposé en 1 8 0 9 ? .............. c’est que pour repousser la
femme M a r l e t , le Sieur Latour-Vidaud aide le Sieur de Chardon
à conserver la portion qui lui est advenue dans les biens de la
D am e de C l a r y , tandis que quand il s’agit de laisser au repré
sentant de son c o h é ritie r l’a u tr e p ortio n , il ch an ge vite de sys
tème pour tâcher de l’écarter et la prendre à sa place dans la
succession d e là religieuse Delaire dont il est encore héritier , en
sorte que , par cette subtilité , le Sieur de Chardon arrive à son but,
qui est d’avoir toute la succession de la Dame de Clary.
Cependant il est si vrai que les biens d 'A m b e rt ont toujours
été
considérés publiquement et notoirement
d’IIector de Simiane depuis les lois
comme propriétés
des 9 fructidor an S , et 5
vendémiaire an 4 , que la femme M arlet n’a pas hésité à faire
assigner le
S ieur
L atou r-V idaud et non les héritiers de la religieuse
Delaire , pour les lui contester.
Certainement , la femme M arlet ne demandait rien des biens
p r o p r e s d’JIector de Simiane. E lle ne s’adressait au Sieur L ato u rV id a u d
b i e n s
, héritier du Sieur de Simiane , que pour lui
enlever les
s i t u é s à A m b e r t , qu’IIector de Simiane avait recueillis comme
héritier paternel de la Dame de C la r y , comme elle s’adressait au
S ’ eur de Chardon pour lui abandonner les biens qu’il avait aussi
recueillis c o m m e son héritier maternel. Quoi de plus évident pour
convaincre la C our que le Sieur de Chardon change de principes
et de manière de voir au gré de son intérêt ?
L ’appelante
est
bien
éloignée de ne parler et de n■’agir que sui
vant son intérêt personnel.
E lle consulte avec scrupule les lois ,
pour ne demander à la justice que ce que les lois lui accordent ;
encore est-il fucile de démontrer combien ses demandes sont audessous de ses droits.
�<C
J*'
3i )
P rem ièrem ent , la Dam e veuve de Simianc exerçant les droits
d ’IIector de S im ia n e, son
débiteur, et voulant rigoureusement
ramasser les débri3 de la fortune de celu i-ci, pour se faire p a y e r
ensuite des 4oo,ooo liv. environ qu’il lui doit , pouvait dem a n d e r
aux Sieurs de Féligonde et Bellègue-Bujeas , exécuteurs testamen
taires de la Dame de G a r y , un compte de leur administration depuis
le 28 octobre 1791 jusqu’au mois de décembre 1795 que le séquestre
a été mis sur les biens d’Amberf.
Inutilement le testament de la Dame de C la ry les dispensait de
rendre compte. L a Coutume d’Auvergne ne lui laissait le droit do
disposer que du quart des biens de coutume : donc ils étaient au
moins comptables des trois quarts des biens de l’estoc paternel ; or
les trois quarts de 5280,000 liv. font 225,000 liv. , dont le produit
n ’est point à d é d a ig n e r, puisque dans le courant de plus de deux
ans de jouissance , ils ont dû recevoir environ 20,000 liv. ; cepen
dant la Dame veuve de Simiane n ’a point demandé ce compte.
2.
L a Dam e de Clary ayant légué 24 o,ooo liv. , il y avait lieu à
la réduction de ses legs qui ne pouvaient enlever que les maisons de
C le r m o n t , pays de droil é c r i t , et le quart des biens de coutume ,
ce qui n ’aurait point excédé i 5 o,ooo l i v . , c’e s t - à - d ir e , que la
réduction aurait produit 90,000 liv. en viron , dont 60,000 profite
raient à H ector de Simiane et par conséquent à sa créancière. Cepen
dant la Dame veuve de Simiane n’a point demandé cette réduction ,
et 11’entend jamais retirer des mains des pauvres et des infortunés les
largesses qu’il a plu à la Dame de C lary de leur fa ir e , et à la religieuse
Delaire d’acquitter. Heureuse de s’associer par ses sacrifices à ces
actes de bienfaisance , elle s'en félicite, au lieu de les regretter.
5 .° T ou te la portion des biens de l'estoc paternel de la D am e de
C la r y , advenus au Sieur H ector de Simiane , excédait de 40,000 liv.
tous ses legs. Com m ent la Daine religieuse Delaire les »-t-elle tous
distribués , moins les 9 2,160 liv. encore dues par les Sieurs l i i e l et
Lavigne d’Am bert ? Com ment le Sieur de Chardon qui devait sup
p orter le tiers «le ces legs , puisque sa portion «le 1 estoc maternel est
du tiers <Ie la succession, n ’a-t-il pas c o n t r i b u é en proportion ? Si
les biens d’Iie cto r de Simiane ont tout payé , la Dauie veuve de
Simiane peut donc réclamer de lui cette portion contributive ; cepen
dant elle ne l ’a pas fait. L u i conviçnt'il de vouloir encore souslrtiiro
*
�à la Dam e veuve de Simiane une somme aussi inférieure à ses créances,
que l’est celle due p a r les Sieurs L av ig n e et Pirel d’A m b e r t , pour se
l ’approprier à la faveur d’ un systèm e qui n ’a de fondement que dans
son imagination.
4 .° L a Dame religieuse Delaire ayant vendu le 2 5 pluviôse an 3 ,
une maison sise place du T e rra il à C le r mo n t , laquelle faisait partie
des biens paternels d e la Dame de Clary , sa s œ u r , échus à H e c t o r
de S im ia n e, cette religieuse en devait restituer le p rix , aux termes
de l ’art. 4 de la loi du 3 vendémiaire an 4 : cependant la Dam e de
S i m i a n e n ’a point inquiété les héritiers de cette religieuse à ce s u je t,
quoiqu’ils n ’aient point fait d’inventaire depuis son d é cè s, et qu’on
p û t les convaincre d’avoir fait des actes d ’héritiers purs et simples.
5 .° L a religieuse Delaire n ’ayant eu q u ’une jouissance précaire
des biens d ’H e c t o r de Sim iane depuis la loi du 5 floréal an 3 , elle
était comptable des jouissances, et ses aliénations postérieures étaient
nulles, suivant l’art. 1.er de la loi du 3 vendémiaire an 4. C e p e n
dant non seulement la D a me de Simiane n ’a point inquiété ses
h é r it ie r s , mais n ’a pas mêm e voulu évincer les acquéreurs ni les
donataires , quoiqu’il soit évident que les Sieurs Lavigne et P irel
aient acheté le 17 floréal an 1 0 , m oyenn an t 92,160 liv. des p ro
priétés estimées 129,100 liv.
C e r te s , lorsque la Dam e veuve de Simiane s’est montrée avec
des procédés si généreux et si d élicats, elle devait compter sur
une justice bienveillante, au moins sur une justice exacte. M a is,
puisque le sort en a décidé autrement en prem ière instance, elle
se flatte qu’en la Cour la vérité qu’elle a cherchée de bonne foi sera
manifestée avec assez d’éclat pour la consoler de l ’injustice passagère
qu’elle a éprouvée.
Signé à l ’original sur papier timbré ,
M .e C. L . R O U S S E A U , ancien avocat.
M .e G A R O N , avoué.
A
C L E R M O N T -F E R R A N D
,
Chez J. VEYSSET , Imprimeur-Libraire d u l y c é e , rue de la Treille.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Félix, Anne-Emilie de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rousseau
Garron
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Anne-Emilie de Félix, veuve de sieur Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collonges, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, demanderesse en maintenue de saisie arrêt, et appelante ; contre Dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montagnier, ancien magistrat ; Claude-Antoine-Jospeh de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perrette de Chardon, veuve du sieur vallette de Rochevert, tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, se qualifiant héritiers sous bénéfice d'inventaire de défunte dame Marie-Jeanne Delaire, ancienne religieuse, pour la ligne maternelle, demandeurs en partage et en nuliité de saisie-arrêt, intimés ; et contre dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Frédefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durand-de-Pérignat, fille majeure ; et dame Marie Durand, ancienne religieuse, tous propriétaires, habitans de la ville de Clermont-Ferrand, se qualifiant héritiers bénéficiaires de ladite dame religieuse Delaire, pour la ligne paternelle, défendeurs au partage, et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés ; et encore contre sieur Jacques-Marie Lavigne, notaire impérial, et sieur Jean Pirel, marchand, habitans de la ville d'Ambert, tiers saisis, appelés en cause, défendeurs et intimés.
note manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 300. »
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2015
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2016
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53385/BCU_Factums_G2015.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53323/BCU_Factums_G1720.pdf
45a5d299819a05306cbe173d4ae41ce0
PDF Text
Text
M
É
A
M
O
I
R
E
CONSULTER
E
T
CONSULTATION,
P
O
U
R
Félicité D E
N O L L E T veuve du sieur Louis Augustin. DE PlERREPONT;
La
Dam e
Rosalie
Sur la , Question de savoir si le sieur L E C O Q
D E B E U V I L L E est fondé à. se pourvoir en
Cassation contre un A rrêt de la Cour d'appel de
C A E N , qui le condamne , au double titre d ’héri
tier et de donataire du sieur de Pierrepont , à fo u r
n ir le douaire de la dame sa veu ve .
1 8 0 6
�M
É
A
M
O
I
R
E
CONSULTER-
EN 1781 , le sieur Louis-Augustin de Pierrepont est décédé,
En 1 7 8 8 , sa veuve a demandé son douaire.
Elle a formé cette demande contre les sieurs L ecoq h é r iti e r s de
son mari par représentation de la dame leur mère.
88
L e 29 fé v r ie r 17
, sentence du bailliage de Caën , qui
l’exposante une provision de la somme de 3 ,000 liv.
Le i
4
accorde
à
décembre 1792 jugement du tribunal de district de la
même ville ,q u i } 1 . condamne solidairem ent les sieurs L e c o q , en
leur qualité d 'h éritiers du sieur de Pierrepont, à donner à sa veuve
A
1
�une déclaration des biens sujets à son douaire j 2®. lui accorde une
nouvelle proûsion de 3 ,ooo fr.
L e 29 décembre , ce jngement est signifie au sieur Lecoq de B eu ville , qui refuse de l'exécuter, su r le m o tif que la (erre affectée au
dou aire appartient à tes frè r e s p u în é s, avec lesquels ce douaire
a va it été ascencé( constitué en rente).
De quelle terre entendait parler le sieur Lecoq de Beu\il!c ? Ses
frères et lui en avaient recueilli deux de leur ayeul , une comme ses
héritiers, l ’autre par l ’efiei d ’ une donation qu’il leur avait consentie
en 1776 , el qui avait clé acceptée par le sieur Lecoq de Beuville lu imeme.
Ces deux terres appelées de Saon et de Sannerville étaient égale
ment affectées an douaire de l’ Exposanlc.
Elle répond qu’elle a une action solidaire contre le sieur Lecoq
de Beuville et ses frères; que s’il n’acquitte pas les 3 ,000 lr. de
provision, elle se pourvoira sur scs biens personnels el à ses périls
cl risques , sur la terre de Sannervillc , vendue eu 1791 , à la dame
Leblanc , par ses deux frères . tant, en leur nom personnel que comme
se fa is a n t fo r t pour lui.
L a dame de Picrrepont lui faii sommation de représenter l ’acte
d ’ascensement dont il a annoncé l ’existence.
Il réplique , par exploit du 5 janvier , que les biens sujets au douaire
de la «lame de Pierrcpont, étaient en la possession des sieurs Lecoq
d'O utreval cl de Saint-Etienne , scs frères , prévenus d ’émigration ;
que ces biens étaient sous le séquestre national, et que la dame de
Pierrcpont devait se pourvoir devant les autorités administratives.
Rien ne l ’y obligeait, puisqu’ elle avait une action solidaire. Elle s’y
1
�47&
c5 )
détermine pourtant à la sollicitation du sieur de Beuville. Sa réclama
tion est infructueuse.
Elle fait de nouvelles poursuites contre le sieur de Beuville, pour
obtenir le recouvrement de la provision, qu’il est condamné à lui
payer. Il lui fait demander , il obtient, d'elie, de nombreux délais.
Elle ne peut croire qu’il lui conteste sérieusement «on douaire.
Enfin , il forme opposition , dans le mois de frimaire an 7 , au ju
gement du l i décembre I 7 9 2,
I/aflaire est portée d’abord au tribunal civil du déparlement du
Calvados, ensuite au tribunal de première instance de Caen.
L e sieur de Beuville déduit ses moyens d ’opposition : il prétend
qu'il n’est pas héritier de son ayeul ; qu’il ne possède aucun des
biens de sa succession ; qu’elle a été entièrement recueillie par les
sieurs d ’Oulreval et de Saint-Etienne; que, d ’ailleurs, elle avait été
a c c e p t é e parla dame de Renéville , leur mère , sous bénéfice d m -
vcnlaire seulement.
L e sieur de Beuville omet prudemment de parler de la donation
qui lui avait été faite en 1776.
Interpellé de s’expliquer au sujet do cette donation , il déclare
qu ’ il ne s'en rappelle point.
L a cause appointée, l ’Exposante p ro d u it l ’acte qui contient la d o
n a t io n , e t , avec cette p i è c e , plusieurs autres qui prouvent irrésisti
b l e m e n t que le sieur de B euville a pris possession de la terre d c S a n -
Ticrville, aussitôt après le décès de son ayeul ; qu’il l ’a régie et
a d m in is t r é e j q u ’il en a perçu les fruits ; que les ferm iers on t été p o u r -
A 2
�(4 )
suivis en son n o m ;
en un mot, qir’il a pleinement joui de cetio
terre, soit par lui-même, soit par ses fondés depouvoir^ jusqu’à l’é
poque où elle a été vendue à la dame Leblanc.
L e s pièces p ro d u its par l ’Exposanle contre le sieur deBeuville ,
ont encore prouvé qu’il avait fait acte d ’héritier de son ayeul ; qu'il
avait été condamne, en celle qualité, au paiement de plusieurs dettes
de la succession ; qu’il avait, en conséquence , réclamé de l ’autorité
administrative', une indemnité sur les biens de ses frères ; qu’il avait
enfin reçu Je remboursement de renies considérables dont la succes
sion éuiil composée en partie.
•s
Néanmoins il persiste à soutenir qu’il n^est point héritier, et qu’il
n ’a point profilé de la donation de 1776.
Il affirme que les divers acies , par lesquels on veut établir son
adilion d ’hérédité , n ’ont jamais été que l'ouvrage de scs fondes de
pouvoirs., qui onl dépassé leur mandat.
Il affirme encore qu’il n ’avait point autorisé ses frères à vendre . en
son nom , la terre de S a n n c n ille , et qu’il n’a point reçu sa^portion
du prix de la vente.
Parmi les pièces produites par la dame de Pierrepont, il en réclame
cinq comme lui appartenantes, et, api ès les avoir prises au gre/Ie en
communication, refuse de les rendre.
Un jugement du 2f thermidor an 10 , lui permet provisoirement de
les garder, sous la condition qu’il en léra signiiier copie à l ’E x p o sanlc.
Cet incident jugé , le fond est discuté de nouveau.
L a dame de Pierrepont, ne pouvant être privée de son douaire, en
�aucun cas , demande snbsidiairetnent la mise en cause de la dame
Leblauc , acquéreur de la terre de Sannerville.
Le
3 o frim a ire
an 1 1 , jugement de première instance , ainsi
conçu :
« i ;£> question à décider tst de savoir si la qualité d'h éritier des
» l>iens a p n t appartenu au leu cil. de Pierrepont, attribuée au cit.
»' l.ec.aq de Beuville , est. suffisamment établie au procès , pour
»-ordonner l'exécution dn jugement du 1+ décembre 1792 ; s’il est
» uéocs>-.'ure «l’ordonner rapprochement de l ’acqüéreur de la terre do
)> Sannei ville, 011 s i l ’opposition l'oimée par ledit cil. I.ecoq deBeu» ville, pour faire rapporter ce jugement, est fondée et doit élrc
)) accueillie 5 cutin , s^il v a lieu d ’accorder la provision demandée ?
)» Considérant que le douaire réclam é p ar la dame de P ie rre p o n t
)> lui est d v sur les biens que possédait son m a ri; lors de son mariage ;
» Considérant que la terre de Sannerville faisait partie de ses biens ;
» Considérant que feu le cit. de Pierrepont en disposa en 1776, par
» donation entie vils en laveur du cil. Lcuis Marie-FrançoivÀuguste
» L e c o q , tant en son nom quYn sa qualité de tuleur naturel de
)) Inouïs II*'ilri et «1p Robert—V rançoj.s. Auguste I_«ecoq , ses deux
» frères mineurs, que cette donation fu t acceptée p a r ledit Lecocq
)> a în é , pour lui et «es frères, devant Je notaire cle T r o a m , qui la)) reçut le 17 avril uu<\il an.
» Considérant qu ’il est constant , par la production des pièces com » mu niquées par Ja dame de Pieriepont , que le cit. Lecoq aîné
» s'est mis >11 possession de la terre qui lui avait été donné « p a r
j) son aie ni ; q u ’il a fait- compter le fe rm ie r de cette terre et q u 'il
)> en a usé en véritable propriétaire.
\
�( G )
)>
»
»
»
» Considérant qu’il est également constant par cetle production ,
que le cit. Lecoq aîné a fa it acte et s’est reconnu héritier des Liens
provenant du cit. Pierrepont, son grand-père ; que ce fuit résulte
particulièrement d une procédure qui a exit.té entre lui et un cit.
G a u ch er, créancier de la succession dont il s’ a g it, dans laquelle il
consent payer sa part contributive dans lu renie demandée par le
créancier.
»
»
«
»
»
»
» Considérant que les moyens employés par le cit. Lecoq de
Beuviile, pour se défendre de la qualité d’héritier qui lui estattribuée, ne peuvent être d’aucune considération , parce que cette
qualité est établie p a r des actes souscrits par ses fondés de pouvoirs reconnus et avoués par lui dans les écrilures du procès ,
parce que le cit. Le su e u r , l’un d’eux , est le même qui a figuré et
signé à !a signification préparatoire à l’opposition au jugement du
>»
v
» i 4 septembre 1792.
»
»
»
«
»
» Considérant qu’ il résulte de ces faits que le cit. Lecoq de Beuviile
réunit contre lui deux qualités pour le rendre passible du douaire
demandé par la dame de Pierrepont ; d'abord , celle de donataire
de partie des biens y sujets , et celle d’héritier aux biens, qui en
sont susceptibles ; qu’ainsi il ne peut se dispenser de répondre à la
demande qui lui est formée.
)) Considérant que rapprochement de l’acquéreur de la terre de
» Sannerville , demandé par la dame de Pierrepont , devient , quant
» à présent, inutile , parce que c’est au citoyen Lecoq â fournir le
» douaire demandé, sauf, en cas que cet approch»ment devienne
» nécessaire , à le requérir quand et ainsi qu’ il appartiendra.
w Considèrent que la dame de Pierrepont poursuit depuis 1 7 8 8 , '
» pour obtenir la liquidation et le paiement de son douaire, qu’il ne
» paraît pas même quelle ait été remplie des iuibles provisions
» qu’elle a obtenues ; que dans cet état, il est de l’équité que la
�» Justice lui subvienne par une provision à valoir sur les anvra-y?» de
» son uouaire, qui t.’¿lèvent aujourd’hui'à «les sommes cônsn'crùbies.
» Le tr ib u n a l, p a r son jugem ent en p rem ier ressort ,
.
.
...
.
«
D
»
»
»
)>
»
................................... a reçu !e cit. Leror) de IJcuviüe
opposant, poi.r la forme, au jugement du i 4 décembrç 1792;, e t ,
sans avoir égard à son opposition , dont il e^t déboute , a ordonné
<|i.p ledit jng meut t>oilira son plein et entier «Jlet , avec dépens ,
cl faisant drOiî Mir la piuvision demandée, en a accordé une de
tî,ooo !. , en ouMe telle prononcée par ledit jugement, ce q u i, en
ce r h e i , sera exécuté nonobstant opposition, np|,ellali< n el »uties
*»
voies quelconques, a la caution du douaire de ladite femme. »
L e sieur de Btuville interjette appel do ce jugem ent, el de celui du
2 1 thermidor an 10.
(
11 demande :
i \ L ’iuiinillalion de c e l u i - c i , parce qn*il ne contient pas Ica
quatre parties prescrites par la loi du 24 août 1790 ;
2°. L ’annullation du jugement définitif ( du 5 o frimaire an 1 1 ) 't
parce qu’il est la suite du premier, et parce qu’il a ordonné l’exécu
tion de relui du 14 décembre 1 7 9 2 , annnllé par’ autre jugement du
tribunal civil de Caün, du ay messidor an g. * ’ * : •
'
Il esta remarquer que ce dernier jugement n’a jamais été produit
au procès, el que d’a il't u r * , devantles premiers juges, le sieur L e coq uvait conclu formellement à/élre reçu opposant à celui du i 4
décembre 1790.
'
’
;■
f
* '1 '
Le sieur de Beuville prétend , de plu s, qu’il n’avaitîpas été vala
blement as.signè au tiibunal du cl-devant district de Cuën.
'
'
.
.
.
.
1
1
Il fuit de n ouveaux efforts p o u r sa défense au fond.
\
�( 8 )
Il demande acte de ce qu’il abandonne l’efTst de la donation de la
terre de Sannerville , et de ce qu’il n’y réclame rien.
Il invoque un jugement rendu entre lni et la dame L e b lan c, le Ier.
pluviôse an 1 1 , par le tribunal civil de Caën , jugement qui donne
acte à celle dame de la déclaration passée par le sieur Lecoq , qu’ il
lie réclame aucuns droits sur la terre de Sannerville.
Uu tel délaissement n’était que dérisoire.
L a dame de Pierrepont découvre et produit devant la Cour d’appel
qui avait appointé la cause , un acte reçu G a illa r d , notaire à
S a in t -L ô , le i 4 thermidor an 3 , contenant quittance, de la part du
sieur Lecoq de Beuviile., du remboursement d’ une rente annuelle
«le
o f. , due à la succession de son grand-père. Il est qualifié, dans
55
l ’a c t e , héritier et représentant L ou is-À u gu stin de Vierreponl , son
a ïeu l maternel.
L a dame de Pierrepont avait produit, en première instance, un autre
aclc n.çu par le notaire d’ Asigny, le 25 prairial précédent , conte
nant aussi quittance, de la part du sieur de Beuviile, de la somme
de ao,oco 1 . , pour l’extinction d’ une partie du capital d’une autre
rente annuelle de la somme de i , 55 o f.
Il est vrai que le sieur de Beuviile n'avait point figuré, en personne;
dans ces actes auxquels avait comparu pour lui le sieur Masson , en
vertu d’une procuration qu’il lui avait donnée le ib p r a ir ia l an .
3
Il imagine donc de désavouer, par rapport à la cause seulement,
ce fondé de pouvoir q u i, justement offensé de ce désaveu, lui fait
signifier , le
fructidor an »a, un acte par lequel il prend le soin do
lui rappeler que sa procuration n ’avait d'autre objet que celui
p o u r lequel i l en a f a it usage j que tout était entendu avec lu i ;
qu$
�( 9 )
4j V
nue li s Ja n d s avaient une destination convenue; que ni lui ni
le sieur Houssaye, q u i dirige ses opérations , n'ont rien
ignoré t etc.
L e sieur de Beuville, ainsi vaincu jusque dans ses derniers retranchemens , s’avise enfin de prétendre que la dame de Pierrepon; ayant
converti sa créance, en 1 7 8 1 , en une simple rente viagère, et laissé
vendre les biens de son mar>, sans se faire délivrer son douaire &n
essence, doit être renvoyée exercer ses droits vis-à-vis de la nation.
L e 5 fructidor an i 5 , la Cour d’appel prononce un premier arrêt ,
portant :
«. h a Cour , faisant droit sur l’appel du jugement du 2 1 thermidor
v an 1 0 , a annuité ledit jugement.
n Evoquant le principal , trouvé en état d’être ju g é , a déclaré le
» sieur Lecoq propriétaire des cinq pièces d’écriture, par lui reven» diquées, a ordonné que les copies signées comme de production par
» lui fournies desdiles pièces, vont lui être remises avec les originaux.
« E t sans s’arrêter aux nullités et irrégularités cottées contre le ju » gement du 5 o frimaire an 1 1 , a ordonné qu’il va être passé à
» l’examen du principal définitif, aux fins de statuer sur le mérite de
» l ’appel du sieur Lecoq au fond. »
L e 5 fructidor, arrêt définitif ainsi conçu :
« La Cour a remarqué que, pour statuer sur le mérite de l ’appel
j) au principal définitif, les questions suivantes se présentaient à
u décider :
a Le jugement du i 4 décembre 179 2 devait-il être maintenu, ainsi
» que l’ ont décidé les premiers juges ? ou devait-il être rapporté comme
» nul et surpris, au respect du sieur Lecoq j n u l, en ce qu’il aurait
B
)
�i> rendu sans assignation commise à sa personne on à son domicile, et
» surpris en ce qu’il a été condamné comme donataire et comme h é » ritier pur et simple du sieur de Pierrepont son ayeul?
\
« La restitution de la provision payée en exécution du jugement
» du «^o frimaire an 1 : , doit-elle être ordonnée ?
» Considérant q u e , suivant les dispositions de la coutume rie Nor» mandie et des réglemens qui ont eu force de loi dans cette ci-devant
» province jusqu'à la promulgation du code civil, tous, et un chacun
» des héritiers d’ une succession pouvaient être poursuivis et condatn.)) nés personnellement et solidairement pour le paiement de la tota» lité des dettes du défunt, sauf leur recours entre eux.
« Considérant qu’encore bien que l’action de ladame de Pierrepont
» n’ait été adressée qu’au sieur Lecoq de S t .- E tie n n e , ses deux frères
» unt pu valablement être condamnés comme co obligés solidaires.
ï
»
*
))
« Considérant d’ailleurs , que le sieur Lecoq aîné n 'a point c x c ip ê ,
devant les premiers jiii»rs , du défaut d’asMgnation individuelle & lui
commise; que, sur la notification qui lui fût faite du jugement du
i4 d é ce iiib ie j 7(^2 , il déclara seulement que la terre aiTi-ctée nu
douaire de la dnme de Pierrepont, appartenoit à son frère; que, dan»
son écrit du i 4 pluviôse an i o , et dans ses conclusions lors du ju-
» gement définitif, il &e borna à demander que le jugement contre le» quel il était o p p o s a n t , fut rapporté comme surpris, en sorte que
» quand son opposition eût été fondée, il serait non-recevableaujour» d’hui à la proposer.
« Considérant que, por 1 acceptation qu’il fit de la donation de la
» terre de SannerviUe, pour lui et ses frères , il fut investi de la pro» priété certaine et irrévocable de la tierce partie de cette terre q u i ,
» dès-lurs, obtint dans ses mains le inême rang que ses autres biens»
» tellement qu’ il n’a pu en être désaisi qu’au moyen d’uu acte ou d’ un
» contrat translatif de propriété par lui consenti.
�,
(ii
A&
.
)
« Considérant q u ’ il est constant qu’après la mor1 du sieur dePierre» pont, son donateur , il ne mit aiiiii que ses frères, en possession et
» jouissance de ladite terre.
« Considérant qu’en 1 7 9 1 , époque où ses frères firent la vente de la
v terre dont il s’agit, à la dame Leblanc, ils le regardèrent comme
# leur co - propriétaire, puisqu’ils prirent soumission de lui faire
» notifier cette vente.
« Considérant qu’aux termes de l’art. 442 de la coutume de N o r » mandie , les donataires sont tenus de porter toutes rentes et charges
)) réelles dues sur les choses à eux données , encore qu’il n’en soit fait
» mention dans la donation : que le douaire étant au nombre de ces
)) charges, le sieur Locoq , en acceptant la donation, a contracté
» l’obligation d’acquitter celui de la dame de Pierrepont, « raison de
>; la portion qu ’elle lui a conférée dans la terre de Sànnerville.
)> Considérant qu'il ne justifie point d ’un acte de cession ou d’a b a n » don de sa p a rt dans ladite donation.
» Considérant qu’en fait de donation entre-vifs , le droit d’accroîs» seinent n 'a point lieu; que, quoiqu'il n’ait point réclamé contre la
» vente faite par ses frères, il n’a pas pour cela perrlu son droit;
» qu’il est toujours censé propriétaire de sa part afférente dans la terre
)> de Sànnerville suivant la maxime : q u i habet actionern a d rem
» vindicandam rem ipsam habere vide lu r.
» Considérant que le délaissement ou l’abandon qu’il a déclaré
» faire, en cause d 'a p p e l , ne peut le garantir de la demande en
» douaire formée par la daine de Pierrepont ; puisque, quoiqu’ il s’as» simile, dans ses écritures, à un tiers détenteur, il n’a pas fait ce dé»
» laissement dans les formes voulues par la lo i , en pareil c a s , aveo
» offre de subrogation et de répétition des fruits perçus.
a Considérant que le sieur Lecoq doit encore être tenu do fournir
‘B a
�"• • <
( 19 )
« le douaire do la dame de Pierrepont comme héritier dans la succes« de son ayeul ; p u isq u ’il a fa it actes qui lui attribuent nécessaire
ment cette qualité.
»
j)
»
»
)>
»
» Qu’en effet, il s’est saisi des titres de cette succession ; qu’ il a
pris cette qualité vu faisant des soutiens et des réclamations, pour
empêcher les effets des actions solidaires , dirigées contre lui pour
dettes, dont scs frères et lui étaient prenables; et pour obtenir la
récompense des renies et charges , qu’il acquittait au delà de sa
portion contributive ; qu’ il a été condamné comme héritier, malr
gré ses réclamations, et qu’ il a reçu ou fait recevoir, par ses ogens,
n l'amortissement de plusieurs rentes dues à la succession de son
» a ïeu l, dont il a remis les titres et les contrats ;
» Considérant que les désaveux qu’il a passés, à l’égard do ce qui a
» été fait en son nom par les sieurs Lesueur et Moisson, ne sont
»
«
»
«
»
»
i)
»
«
»
»
point fondés, et ne peuvent être capables de détruire les conséquences qui résultent des actes et des opérations, qu<; ces deux
mandataires ont fait pour lui ; en effet, le sieur ln ’sueur était porleur de sa procuration, et il a été articulé et non méconnu , sur le
procès , qu’il résidait chez lu i, en sorte qu’ il doit ê tr e présumé avoir
géré et administré les affaires du sieur L e c o q , à sa parfaite connaissance ; d’un autre côté, ce dernier n’a-t-il pas ratifié ses faits relatifs
à la procédure, sur laquelle est intervenu le jugement de 17 9 ^ ,
rendu au profit du sieur G a u ch er, par le paiement de sa rente de
y5o livres, puisqu’il a exécu té, et cxtcule encore ce jugement, en
payant annuellement cette rente?
» Considérant, en ce qui concerne le sieur M oisson , que la pro-
)> curation dont il s’est se rv i, pour les rachats faits en ses mains , des
» rentes dues par les sieurs Jtégnaull et L e gamine, r , étaient sufli» sanies pour l’autoriser; que ce mandataire, en prenant contredit
» du désaveu qui lui a été signifié, a soutenu qu’il n’avait lien fait
�( i
3
)
V qui ne fût conforme à la volonté de son commettant, ainsi qu’à ses
v intentions, par rapport à la destination convenue, des fonds pro» venansde ces rachats, sans que le sieur Lecoq ait pris la voie pour
)> faire prononcer sur son désaveu; que ce q u i, d’ailleurs, doit faire
» présumer que le sieur Moisson n’a point abusé, ni outrepassé ses
» pouvoirs , c’e s t , d’une p a r t , les termes de sa procuration, sa date
» rapprochée de celle des amortissemens, et, d autre p art, le silence
v gardé par le sieur L e c o q , sur l’interpellation qui lui a été fa ite ,
« d’indiquer quelles étaient les autres rentes dont il voulait recevoir le
» rachat, lorqu’il donna sa procuration au sieur Moisson ;
» Considérant qu ’ il résulte de ces actes, que le sieur Lecoq n'a
» point jo u i des biens de la succession de son a ïe u l , comme héritier
» bénéficiaire au droit de sa mère ;
. » Considérant que, s’il a paru réclamer cette qualité, il l’a abdiquée
» par le fait, et s’est porté héritier p u r et simple , et absolu , et
» qu’il a pu user de celte faculté, vu l’article 91 da la coutume de
» Normandie.
M Considérant que c’est par le fait du sieur Lecoq, que la dame de
» Pierrepont est privée du gage qu’elle avait dans les deux rentes
» dont il s’a git, et qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’agir utile» ment contre ceux qui en étaient débiteurs;
w Considérant qu’il est,constant que, sur les réclamations qu’elle a
» faites devant les corps administratifs , elle n’a point obtenu la liqui» dation de son douaire;
)) Considérant q u e , par l’arrêté du Gouvernement du 3 floréal
» an 1 1 , tous ceux qui n’ ont point été remplis par voie de liquida
it tion de leurs droits , sur des émigrés rayés , éliminés ou amnistiés,
�( |4 5
» ont été maintenus dans ces droits vis-à-vis de leurs débiteurs et co"
)> débiteurs ;
»
»
»
»
» Considérant enfin, que la dame de Pierrepont ayant été privée
de la jouissance de son douaire, pendant grand nombre d’années ,
il lui était dû une provision ; que le sieur Lecoq le reconnaît lui—
m êm e, puisqu’il n’a conclu à la restitution de celle à laquelle il a
été condamné, que pour le cas où. il parviendrait à faire réformer
le jugement du 3 o frimaire an 1 1 ;
P a r ces motifs, et ceux employés p a r les prem iers ju g e s ;
» L a C o u r , ouï M. B la iz e en son rapport, et le substitut du pro» cureur général en ses conclusions; et conformément à icelles,fai» sant droit définitivement sur l’appel du sieur Lecoq , et sans s’arrê-
»
»
»
)>
))
ter à ses moyens et exceptions, dit, qu’il a été bien ju gé , mal et
sans griefs appelé ; ordonne que le jugement, dont est a p p e l, sera
exécuté selon sa forme et teneur ; a condamné le sieur Lecoq aux
dépens des causes principale et d’appel, dan* lesquels, toute fois
n’entreront ceux relatifs au jugement du 2 x thermidor an 1 0 , etc.
Il paraît que le sieur de Beuville a formé un pourvoi en cassation.
Il n’est pas vraisemblable que ce pourvoi porte sur l ’arrêt du 3 fruc
tidor an i 5 .
La daine de Pierrepont se borne donc à demander si elle doit ejl
craindre le résultat, par rapports celui du 5 du même mois.
�C O N S U L T A T I O N .
L E C O N S E I L S O U S S I G N É , vu le Mémoire à consulter
de la «lame P icrrepon t, l ’arrêt rendu en sa faveur par la Cour d ’appel
de Caën , le ô fructidor an i 3 , ensemble les pièces du procès ;
E st
d ’a v i s
qu’il n ’est point a craindre pour la darne de Picrrepont,.
que le sieur de Beuville obtienne la cassation de l’arrêt de la Coup
d ’appel de Caeu ,
du ô fructidor an i 5 .
En la forme , il a été décidé, par cet arrêt, que le sieur de Beu ,-ville avait été valablement assigné en la personne d’un de ses frères ,
au tribunal de disirict de Caën. Cette décision est conforme à l’art.
546 de la ci-devant coutume de Normandie , cl à l ’art. i 5 o des placités, qui avaient force de loi dans celle province. On doit meme
être surpris <le ce que le sieur de Beuville a fait valoir un Ici
moyen. L a Cour d ’appel a d ’ailleurs remarqué qu'il élail non—
reccvable à le proposer..
A u fo n d , celte Cour a décidé principalement des questions de
J’a i l , qu'il n ’est pas p e r m is au sieur de Beuville de discuter de nou
veau devant la Cour suprême.
q u ’il s’ est mis en possession
avec ses frères, de la lerre de Sanncrvillc , qui leur avait été donnée
eu 1776 j 2°- q u il est héritier absolu du sieur de Picrrepont.
Elle a jngé,
en
p o in t d e f a i t
, i".
�( iG )
Ces points de f a it ne peuvent plus ¿ire révoqués en doule, sui
vant la jurisprudence invariable de la Cour supreme, qui ne formant
pas un troisième degré de jurisdiction , examine seulement si les
arrêts soumis à sa révision régulatrice, contiennent une jusie appli
cation des lois , d'après les difierens faits constatés par les juges qui
les ont rendus.
A i n s i , le sieur de Beuville étant reconnu héritier pur et simple de
son o n cle , était-il passible, en celte qualité , de l ’aelion formée
contre lui par la dame de Pierrepont, à l'effet d'exercer son douaire ?
On voit si l'affirmative de cette question peut êtrç raisonnablement
contredite.
Et pourtant le sieur de Beuville avait prétendu, devant la Cour
d ’appel, que par cela seul qu’il ne possédait aucun des biens du sieur
de Pierrepont, la Consultante avait mal à propos dirigé contre lui sa
demande en douaire , une telle action étant purem ent réelle.
Il s& ait fondé sur les dispositions des articles 378 et 379 de la
coutum e, qui sont ainsi conçus :
Art. 37 8 : ft L'héritier n’est tenu de douer la femme de son p ré)» décesseur ¡fo r s de ce q u 'il a eu de la succession. )>
Art. 379 .* « Si le m a r i, durant son mariage, a vendu de son h é » ritagtf, la femme en peut dem ander douaire ù celui qui le pos» sède. »
L e sieur de Beuville avait conclu, de la combinaison de ces deux
articles , que la veuve devait toujours s’adresser aux détenteurs des
biens sujets à son douaire.
Il les avait mal interprétés.
E t d’abord , ils ne doivent pas l’être l’ un par l’a u tre , suivant la
remarque qui en a été faite par M. Roupncl de Çhonilly.
« Car,
�(
i)
»
»
»
17
)
■«Caí*, ajoute ce commentateur, (fuand il est dit que Phérilier
n'est obligé de fournir le «¡ouaiie qoe sur ce qu’il a eu de la succession, cela nè se doit pas entendre quand son prédécesseur a
aliéné Vimmeuble sujet au douaire. E n ce cas , il est certain
que l*héritier est obligé de récompenser la veuve. »
L e sens de l ’art. 678 e s t , d’après B a sn a g e, que si le fond aífectó
au douaire venait à périr, la femme n’aurait pas d’action pour en
demander récompense ou garantie à l’héritier du mari»
Ce même article a principalement eu pour objet, dans les vues des
rédacteurs de la coutume, d’empêoher, par toute sorte de voies, que
le douaire excédât le tiers des biens immeubles du mari ; « de sorte,
1) continue Basnage, que cet article ne peut s e r v ir a l’héritier du
»
)>
))
»
m a r i , que quand le défunt a promis un douaire plus grand que les
biens ne peuvent porter , uu lorsque les biens sont péris par quelque
cas fortuit , comme si les biens consistaient en maisons,qui eussent
été brûlées pour la plupart, ou démolies en tems de gutrre , ou
))
»
»
»
»
))
»
en rentes sur le roi, dont le remboursement n’aurait été fait que de
»
peu de chose, la veuve n’en aurait pas récompense sur les biens qui
resteraient : hors ces c a s , cet article est inutile à l ’héritier , parce
qu’encore que la veuve ne lui puisse demander directement et p e rsonnellement son douaire , que sur ce qu’il a eu de la succession ,
il ne laisse pas d ’être garant envers /es acquéreurs du bien
qui leur est donné. »
Basnage, expliquant l’art. ^ 7 9 , ajoute:
« Bien que la femme puisse demander douaire sur les biens aliénés
» de son mari , néanmoins elle ne peut déposséder les acquéreurs ,
» s’il reste assez de biens en la possession de l’héritier pour lui
» fournir son douaire.
« Cet article 3 7 g , observe M. Roupnel de Chenilly, ne parle que
n d’héritage, et ne se peut appliquer ni aux rentes , ni aux ollices ;
C
�k fi
'
■
■
( 18 >
)) c a r , à le u r é g a r d , la fem m e n ’a point d’action , ni contre les débi)> leurs ayant fait l’amortissement des re n te s , ni contre le nouveau
)> titulaire de l’office, mais elle a seulement s a réco m p e n se s u r les
)j a u tres b ien s , ou
L ’art.
379 de
peu so n n ellem en t
contre les h é r itie r s d u m a r i.»
la coutum e a donc été p o rté en fa v eu r de la vtuive à ,
laquelle il donne le droit de déposséder les tiers acquéreurs des biens
im m eubles de son m a r i , si ses h éritiers ne peuvent fo u rn ir le douaire ;
mais cet article ne lui enlève point le droit de se p o u rv o ir d ’abord ,
et par prem ière a c tio n , co n tre les h é r i ti e r s , p o u r les faire co ndam ner
à lui indiquer les biens qui avaient appartenu à son mari.
E t s^ils les ont eu x -m ê m e s alién és, quel ridicule, n ’y aurail-il point,
de leur p a r t , à re n v o y e r la veuve e x e rc e r son action contre les a rq u é rcu rs q u i, sans d ou te, les ap p elleraien t aussitôt en garantie?
T e l était néanmoins le systèm e du sieur de 13euville, qui ne peut
sérieusement se p la in d re de ne l’avoir point fait adopter par les p r e
m iers juges et les juges supérieurs.
Peu im p o rte la qualification qui sera donnée à l ’action appartenant
à la veuve.
E lle a le droit incontestable de l’e x e rc e r contre les h éritiers d e
son m a r i , puisqu'elle n ’a la faculté de déposséder les tiers-acqué
reu rs des immeubles , que lorsqu’il ne lui reste pas d'autres moyens de
6e p ro cu rer son douaire.
Il ne suffit donc point à l’h é r i ti e r , p ou r repousser son iiclion, de
p réten d re qu’il ne possède aurun des biens de son m a r i ; car il le r e
présente entièrem ent. Il est môme obligé de fo u rn ir le douaire sur ses
biens p r o p r e s , si ceux de son p ré d é c e sse u r ont été alién és, o n , c e q u ;
est la mêm e c h o s e , de garan tir les détenteurs de ces b ie n s , s’ils sont
attaqués par la veuve. Elle doit en efïW a v o i r , d ’une m anière ou de
l ’a u t r e , l’usufruit du tiers de tous les immeubles qui appartenaient st
son m a r i , à l’époque du mariage.
I
�C19 )
Ainsi, dans fous les cas, l ’héritier pur et simple est tenu de lui pro
c u r e r cet usufruit.
S ’il fallait
a b so lu m e n t
qualifier l’action qui lui appartient, il serait
évident que cette action est m ix t e , ainsi que l’ont remarqué plusieurs
auteurs, notamment Rousseau Delacombe, au mot D e tte s.
Or le sieur de Beuville a été reconnu héritier pur et simple du sieur
de Pierrepont.
Donc l’action de sa veuve était légalement dirigée contre lui.
Il y a plus , la Cour d’appel a reconnu que le sieur de Beuville avait
reçu le remboursement de rentes considérables qui avaient appar
tenu à son ayeul.
D o n c , sous ce nouveau rapport, le système qu’il s’était créé lui
était inapplicable ; car il ne pouvait alléguer qu’il ne possédait au
cun des biens de son ayeul.
Ici pourraient se borner les réflexions propres à justifier l’arrêt
de la Cour d'appel d eC aen , qui déclare le sieur de Beuville, en quar
litê d’héritier p u r et simple du sieur de Pierrepont, passible de
l ’action formée par sa veuve, pour l ’exercice de son douaire.
\
Mais il est facile de démontrer qu’il en était encore passible en qua
lité de donataire, bien qu’il eût prétendu avoir abandonné l’effet de
la donation.
l i a soutenu que cet abandon devait le mettre à couvert des pour-;
suites de la dame de Pierrepont.
Il a invoqué la doctiins de R ic a rd , qui enseigne que les donataires
ne peuvent être tenus des dettes,que jusqu’à concurrence de ce qu’ils
C 2
�( 20 )
profitent des biens du défunt, et que silôt qu’ils en sont évincés , ou
fju 'ils le s ont a b a n d o n n é s v o lo n ta ire m e n t , l ’action que les créanciers
avaient contr’eux cesse absolument.
L e sieur de Beu ville a soutenu que, dans les donations entre-vifs
comme dans les dispositions testamentaires, il y avait lieu au droit
d’accroissement.
Tels ont été les principes sur lesquels il s’est fondé pour éviter
l ’application de l’art. 442 delà coutume de Normandie. „
Cet article est conçu en ces termes :
» L es donataires sont tenus de porter toutes rentes foncières et
»se ig n e u ria le s, et a u tres c h a r g e s r é e lle s , dites à r a iso n d e s ch o ses
)) à e u x d o n n é e s , encore qu’il n’ en fût fait mention en la donation,
)> sans qu'ils en puissent demander récompense aux héritiers du do» nateur. »
Une disposition aussi précise, ne laissait à examiner que la ques
tion de savoir, si le sieur de Beuville é ta it, ou non, donataire de
son ayeul.
Or , il ne contestait pas qu’ il eut cette qualité.
Donc il était tenu de fournir le douaire de la dame de Pierrepont.
C ’étail une grande erreur de sa p art, de p ré te n d re que le droit d'ac—
croisseinent n lieu pour les donations entre vifs,qui,à l’instant même
où elles sont acceptées par le donataire, le saisissent irrévocablement
de la propriété de la chose donnée.
Il ne peut dès-lors s’en dessaisir que par un acte également trans
latif de propriété.
L e sieur de Beuville a-t-il justifié d’un tel acte,à l’égard de la terre
de Sannerville ?
La Cour d’appel a décidé, en p o in t de f a i t , qu’il n’en avait pas
justi fié , et qu’il était encore propriétaire de ce domaine. Elle
en a conclu, avec raison, qu’il devait j en qualité de donataire,
�( 21 )
fournir le douaire dont il s’agit, au moins pour sa portion dans les
biens qui étaient l’objet de la donation.
S ’il n’était pas en possession de ces biens, s’ils avaient été vendus
sans sa participation , il avait une action pour les réclamer, q u i habet
actionem a d rem vindicandcim rem ipsàm habere videtur.
Que signifiait le délaissement, qu’il a prétendu avoir fa it, de la
terre de Sannerville ?
Avait-il délaissé ce domaine à la dame de Pierrepont? Avait-il
déclaré la subroger à ses droits ?
De deux choses l’ une : ou il avait aliéné la terre de Sannerville, ou
bien elle lui appartenait encore.
Au premier cas, il devait franchement déclarer cette aliénation,
afin que la Consultante fît ordonner, comme elle y avait subsidiairem e n t c o n c lu ,1a mise en cause de l’acquéreur, qui, au reste, eût formé
son recours contre le sieur de Beuville.
A u second cas, il devait abandonner, en lermes exprès, la pro
priété de sa portion, dans la terre de Sannerville , déclarer ce délais
sem ent par
acte authentique ; enfin, subroger réellement et effecti
vement la dame de Pierrepont, à son droit de propriété sur cette
terre.
Il sJest~borné à dire qu’il n’y réclamait rien. Une déclaration aussi
vague, aussi équivoque, porlée par une simple requête, ne pouvait
détruire l’effet d’une donalion entre-vifs , et les conséquences qui en
résultaient, contre le donataire, d’apres l’article 4 4 2 , de la coutume
de Normandie.
E n fin , le sieur de Beuville, reconnu héritier pur et simple, re
connu donataire de son aieul, ayait, en désespoir de cause, entrepris
�(22)
de se soustraire aux obligations que lui impose irrévocablement ce
double titre , en soutenant que la daine de Pierrepont était dechue de
son douaire, e t devenue simple créancière de l’etat, faute, par elle,
de s’être conformée à la loi du 1 er. floréal an 3 .
Cette misérable objection est suffisamment écartée par les motifs
de l’arrêt de la C o u r d’appel de Caen.
Il faut dire, avec l ’auteur d’ uue consultation, délibérée le 21 ven
tôse a n 1 3 en faveur du sieur de Beuville, que cette affaire devait se
réduire au seul point de savoir s’il a pris le titre d’héritier de son
aieul.
O r , il est souverainement jugé en f a i t , qu’il a pris ce titre.
Son pourvoi sera donc infailliblement rejeté.
D é l i b é r é à P a r is , le 1 . ja n v ier 1807,
G A C H O N,
,
----------------- ---------------- ‘ ' * ' * ..............................- » ■ ■ ■
G O D A R D.
I I
!
. I
.
.............................
P O R T H M A N N , Imprimeur ordinaire de S, A. I. et R. MADAME!,
Rue Preuve des p e tits-Champs, près le Ministère des Finances.
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Nollet, Rosalie-Félicité de. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gaschon
Godard
Subject
The topic of the resource
douaire
émigrés
séquestre
donations
coutume de Normandie
successions
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour la dame Rosalie-Félicité de Nollet, veuve du sieur Louis-Augustin de Pierrefont ; sur la question de savoir si le sieur Lecoq de Beuville est fondé à se pourvoir en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Caen, qui le condamne, au double titre d'héritier et de donataire du sieur de Pierrepont, à fournir le douaire de la dame sa veuve.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Porthmann (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1788-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1720
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
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séquestre
Successions
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159ba7df6bfbbed86919b72492b39817
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Text
REPONSE
A
ce qui m est objecté personnellem entt
d 'a voir refusé toute espèce de médiation.
J E suis loin d’avoir la prétention d’ajouter aux moyens
de défense qu’a produits M . P . M . ; je veux traiter seulement la partie morale de mon procès avec M M . MaletVandègre et Ignace Sampigny, q u i, en m’accusant d’avoir
rejeté leurs offres, pag. I I ,
et
de leur m ém oire,
se donnent un air de candeur et de loyauté propre à. les
entourer du plus grand intérêt. Peut-être en seront-ils
55
56
dépouillés par le récit simple et fidèle de tout ce qui s'est
passé entre eux et m o i, par l’intermédiaire de M . Bergier,
leur conseil.
Peu après la notification de m on en chère, faite à ces
messieurs le 21 nivôse an I I , je vis venir chez moi
M . B ergier, pour me proposer un accommodement.
Je souris toujours aux voies de conciliation, et je
m ’annonçai pour être bien disposé.
M . B e rgier, après avoir traité au long de toutes les
difficultés de cette affaire, m’apprit qu’il étoit chargé de
m ’offrir 20000 francs comptant.
V o u s me demandez, lui dis-je, un sacrifice trop fo rt,
p u isq u e, outre les frais et les in té rêts, vous me faites
•perdre considérablement sur le capital; cependant je suis
A
�4ûU
2
«' ’ *
(
)
prêt à vous donner une preuve de ma m odération, et
surtout de la déférence que je porte à votre caractère de
conciliateur; je me borne à 24000 francs : ce n’est que
2000 francs de plus qu’il en conte à chacun de ces mes
sieurs, pour sauver l’honneur de leur beau-p ère et de
leurs en fans.
M . Bergier prétendit que c’étoit trop exiger de ces
messieurs, qui déjà s’étoient exécutés de tout leur pou
voir. Com m e j’insistois, il se retira en me disant qu’il
alloit rendre compte de sa mission, dont il m ’apprendroit
bientôt le résultat.
Quelques jours s’écoulèrent sans aucune nouvelle de
M . Bergier : mais le service qui eut lieu dans l’église de
l’O ra to ire , pour M . T ix ie r p è r e , avocat, nous ayant
attirés dans le môme lie u , je fus abordé par M . B . . . .
qui me dit c»- sortant : L ’aiFaire est finie au prix que
vous le v o u lez; vous pouvez la regarder comme telle,
,et so u s m o i n s de q u i n z e j o u r s n o u s p a y e r o n s : ce délai
est nécessaire h ces messieurs, pour leur donner le temps
de terminer entr’eux quelques arrangemens qui n’ont
.plus rien de commun avec vous. Il suffit, répliquai-je;
je ne suis jamais pressant, quand on me donne d’aussi
bonnes raisons.
Plein de confiance dans cette promesse et dans la loyauté
de M M . Malet et Sam pign y, je suis au moins quatre
m o is à m’apercevoir qu’il se perd bien du temps. Je
prends encore patience; et rien ne m ’annonçant une fin,
j’écrivis de ma campagne ù M . B . . . pour lui rappeler
les propositions convenues.
J e ne reçois pas de réponse: je prie un am i d ’aller
�(3 )
la demander ; on la promet sous quelques jours. E nfla
M . Bergier dit verbalement de me mander que je peux
être tranquille; que les intentions sont toujours les mômes;
que leur exécution tient à la santé de M . V n n d è g r e ,q u i
est allé la rétablir aux bains d e . . . et que tout se ter
minera à son retour.
A u bout de quelques m o is , j’écris de nouveau à
M . B . . . qui me fait rendre, par le porteur de ma lettre,
de nouvelles raisons tirées de la santé et dés affaires de
M . V an d ègre; mais il doit arriver bientôt, et tout va
se terminer.
Par caractère, je suis confiant. J ’avoue cependant qu’il
s’éleva dans mes idées de l’inquiétude, et je me p r o p o s a i ,
lorsque la saison me forceroit de quitter la campagne,
d’avoir un éclaircissement avec M . Bergier. J ’arrive enfin
à C le rm o n t, et je vais lui témoigner toute ma surprise.
V ou s avez raison, me dit-il avec embarras, m a is .. . vous
tenez toujours aux 24000 francs?. . . V o y e z . . . toutseroit
bientôt term in é, si vous vouliez reprendre les premières
p r o p o s i t i o n s , v o u s c o n t e n t e r d e s 2 0 0 0 0 francs. — Q u o i ' !
" ces messieurs mettent l ’honneur de leur beau-père et de
leurs enfans en balance avec 2000 fr. pour chacun d’e u x ;
et l’intérêt encouru depuis ce temps les compose à peu
près! — M . Bergier se retranche sur beaucoup d’autres
dettes. — E h b ien , monsieur, j’accepte les 20000 f r . , mais
à condition que nous allons terminer sur le champ. Si
ces messieurs n’ont pas tout leur argent, qu’ils me donnent
une garantie suffisante; je me prêterai encore à des faci
lités pour le payement. — M o n sieu r, me dit M. B e rgie r,
A 2
�(4 )
je vous donne ma parole d’honneur pour ces messieurs;
je vais écrire à M . de Vandègre qui partira aussitôt ma
lettre reçue, pour venir terminer comme vous le désirez.
Ennuyerai -je mon lecteur à lui faire lire mes autres
courses chez M. Bergier, qui finit un jour par me dire
qu’il avoit bien une autre proposition à me faire; mais
qu’il ne se permettroit pas de la mettre au jour ? J e ne
lui en donnai pas la facilité ; j’ignore encore ce qu’elle
pouvoit être. Je me retirai en me disant à moi-même,
que si j’avois l’honneur d’être avocat, il y auroit à ma
porte une rigoureuse consigne pour gens qui auroient
compromis à ce point ma parole.
A cette ép oqu e, les négociations furent suspendues:
des amis communs cherchèrent à les renouer. On me vit
toujours dans les mêmes dispositions. L e bien de M ontrodès me fut offert à la chai’ge d’un retour de 20000 fr.
Je refusai ; l’objet étoit trop cher en lui-m êm e; les frais
de toute espèce alloient encore le renchérir : il pouvoit
y avoir du danger à débourser 20000 francs de plus; et
je n’avois qu’une am bition, celle de n’entendre plus parler
d'une maison qui avoit coûté tant de soupirs à ma famille.
Les 20000 fr. furent encore remis en proposition ; ils
ne tenoient qu’à un abandon de madame de Muriolles,
sur quelque portion de J a y e t, si je me le l'appelle bien.
C elle-ci, habituée aux sacrifices pour l’honneur de sa
maison, y consentit. J ’étois dans l’espoir de toucher mes
20000 fr. , lorsque je reçus, le 24 prairial an 1 2 , de
M . M a let-V a n d èg re, la lettre dont voici la copie litté
rale :
�(5 )
4of
C lerm on t.
M
on sieu r
'
,
Ayant échoué jusqu’à présent dans les tentatives d’accommo
dement favorable à nos intérêts respectifs, c’est avec regret que
j’ai l’honneur de vous prévenir que toute suspension à faire va
loir les droits de chacun doit être censée levée.
Je vous prie, monsieur, de me rendre la justice de croire
qu’il n’y a nullement de ma faute dans la lenteur qu’a éprouvée
cette affaire aussi majeure pour nous tous, et dont les discus
sions judiciaires seront aussi épineuses que coûteuses.
J’ai l’honneur d’étre très-parfaitement,
M o n s i b -u a ,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur,
VANDÈGRE.
J e m’en rapporte à l’ impression que fera naître la lec
ture de cette le ttre, et je demande si elle ne paroîtra pas
la preuve la plus complète que j’ai épuisé tous les pro
cédés puisqu’ ils ont été de nature à déterminer M . MaletVnndègre à cette démarche.
M_ M a lety qui se disculpe dans sa lettre de la lenteur
q ita éprouvée une affaire aussi m a jeu re, a-t-il été fondé
ù faire autant de bruit au tribunal d’arrondissement de
Riom } de la longue inactivité dans laquelle je suis resté
après avoir lancé mon enchère, et de rejeter sur moi la
n é c e s sité où ils se sont trouvés de changer leur système
de défense en un système d’attaque?
Cette inactivité est-elle de leur fait ou du m ien ?
�(6 )
Ces messieurs ont-ils le droit de dire, page n de leur
m ém oire, « que les appelons, après avoir fait de vains
« efforts pour prendre des arrangemens avec les princi« paux créanciers, notamment avec le sieur Juge , ne
« pouvant demeurer danscet état d’incertitudeetd’anxiété,
« se déterminèrent à aller en avant. »
Q ui d’eux ou de moi a fait de vains efforts ? Les
leurs ont-ils été bien sincères? Je crois , sans forcer la
supposition, que tous leurs efforts ont tendu à se procurer
la faveur de l’opinion ; et c’étoit pour eux un coup de
partie de pouvoir imprimer qu'ils ont cherché dans tous
les temps , et ont sa isi toutes les occasioiis de term iner
am iablem ent avec tous.
L a p r e u v e , messieurs ! L a p re u v e ? vos offres ont été
acceptées, et vous avez reculé.
Ces messieurs n’ont pas de perte de temps à se repro
cher , puisque, lors même qu’il s’agissoit de renouer , ils
faisoient notifier , le 12. nivôse an 1 2 , à leur beau-père ,
mon enchère du 21 nivôse an 11 ; puisque , le 9 prairial
an 1 2 , le conseil de famille autorisoit, page 12 , la reven
dication de la moitié des biens , et que le 26 pra irial,
deux jours après la lettre de M . V a n d èg re, la délibération
put être homologuée par jugement du tribunal d’arron
dissement de Riom.
T o u s ces actes se combinoient sous le voile même des
négociations ; et le 24 prairial l’on m ’écrit : C ’est avec
regret que f a i Thonneur de vous prévenir que toute sus
pension à ,fa ir e valoir les droits de chacun doit ctre
censée levée.
E lle l’étoit pour ces messieurs depuis long-temps.
�/ 7^
Dans le silence, ils préparent leur attaque; et soigneux
d’éviter la faute que j’avois commise en les laissant res
p ir e r , ils précipitent leur marche. L e 26 p ra irip l, ils
obtiennent un jugement d’homologation.
Les jours suivans ils procèdent aux affiches , pour aller
en avant sur l’expropriation forcée ; et le 8 messidor, ils
en déposent un exemplaire au greffe du tribunal, avec
indication pour la vente au 6 thermidor suivant. D e cette
manière le temps perdu est bien vite réparé»
L ’affaire s’engage ; je gagne , après deux audiences,
grâces à la bonté de ma cause et à la logique de M . P e
la pcliier.
Q u ’i f me soit permis de lui demander p a r quelle fata
lité il a été entraîné à m’abandonner, au moment de l’au-r
dience, lorsqu’il s’agissoit de me défendre au tribunal
d’appel! Sa défection a étonné le barreau des deux villes.
J ’avois triomphé avec modestie. J ’espérois que le temps
feroit éclore des propositions de paix ; je persistois à croire
que M M . M alet et Sampigny calculeroient mieux les
conséquences de constituer leur b eau-p ère en étaj: de
faillite. Je les jugeois d’après mon cœ ur, et d’après un
exemple qui m’est personnel.
Gendre de M. d’ÏIaumières, ses affaires tout à coup pri
rent la plus fâcheuse tournure, et une fortune d’un million
parut absorbée par la nuée de créanciers qui réclam è
rent tous la fois.
La fortune entière appnrtenoit à madame d’Haumières,
et étoit dotale : tout s’ unissoit donc pour la conserver aux
enfans. Il n’y eut qu’jun cri dans la famille, cp fut pour
l’honneur du chef. TcOUiuse jeJÀHveot a«* pi^ds de la mère,
�(
8
)
et refusèrent un bien qui les couvriroit de confusion,
en imprimant sur eux l’infamie de la banqueroute.
Madame d’Haumières, chez qui l’honneur parloit aussi
haut qu’à ses enfans, consentit à la vente de ses biens :
elle fut ratifiée par eux ; et capital, intérêts et frais, tout
fut remboursé en peu d’années.
V o ilà la prérogative superbe que je lègue à mes enfans;
personne ne peut se vanter d’avoir une inscription sur
leur honneur. Ils marcheront la tête h aute, et la con
tenance assurée ; ils n’auront à rougir devant personne ,
ni à se reprocher de dévorer la substance de qui que ce
soit.
J ’attends avec calme la décision de la cour. Aussi sévère
qu’elle soit, je n’y peux perdre qu’une portion de ma for
tune. M M . Malet-Vandègre et Ignace Sampigny en serontils quittes à aussi bon m arché?
:
JU GE-SOLAGN IAT.
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A I O M , de l’imprimerie de L andr i ot , seul imprimeur de
la Cour d’appel. —. Mai 1807.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Juge-Solagniat. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge-Solagniat
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions
avancement d'hoirie
adjudications
créances
ventes
enchères
affichage
minorité
conseils de famille
séparation de biens
contrats de mariage de mineurs
donations entre vifs
experts
séquestre
coutume d'Auvergne
mort civile
expropriations
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse à ce qui m'est objecté personnellement, d'avoir refusé toute espèce de médiation.
Particularités : Notation manuscrite : 23 mai 1807, arrêt de la 2nde sectionb, mal jugé en ce qu'il a été statué prématurément sur la demande en revendication et confirme quant aux surplus.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1792-1807
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1715
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1711
BCU_Factums_G1712
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1710
BCU_Factums_G1714
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53318/BCU_Factums_G1715.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
Montrodeix (terre de)
Orcines (63263)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
adjudications
affichage
avancement d'hoirie
conseils de famille
contrats de mariage de mineurs
coutume d'Auvergne
Créances
donations entre vifs
émigrés
enchères
experts
expropriations
minorité
mort civile
séparation de biens
séquestre
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53317/BCU_Factums_G1714.pdf
5671c63c7b8c7445ab8cfac1f1b9ce2a
PDF Text
Text
MEMOIRE
P O U R sieur M a r t i a l J U G E - S O L A G N I A T , maire
de la ville de Clerm ont-Ferrand, tant en son nom que
comme héritier de la dame Q u e r i a u , sa m è r e ,
intim é ;
C O N T R E sieu r G i l b e r t - F r a n ç o i s M A L E T
D E V A N D È G R E , m embre du con seil général du
département du P u y - d e - D ô m e , habitant au lieu
d ’E n g la r d , com m une du Q u a r tie r , en q ua lité de père
et légitime adm inistrateur, et tuteur légal de D elphiniG ilb ert-A n toin e M a l e t d e V a n d è g r e , son f ils, et
de défunte dame M arie-M arguerite V É N Y , son épouse;
et contre dame M
a r i e
- A
nne
V E N Y
, épouse du
sieur Ignace-H yacinth e S a m p ig n y , de lu i autorisée f
habitante de la ville de R io m , appelans ;
E n
p résen ce
d es a u tr e s c r é a n c ie r s de
V É N Y , a u s s i in tim é s
E t
en
présence
P a u l-A u g u stin
*
dudit Paul-A ugustin V é n y , p a r e il
lement intim é.
L e
sieur Juge-Solagniat, tant en son nom qu’en qua
lité d’héritier de la dame Q ueriau, sa m ère , et les autres
créanciers de P a u l-A u g u stin V é n y , com battent. pou r
conserver le gage de leur créance, p o u r ne pas perdre des
sommes qu’ils ont légitim em ent prêtées.
A
�MX
. (2)
F A I T
S.
. L e sieur P aul-A ugustin V é n y a contracté un prem ier
mariage avec demoiselle M arie-Jeanne G oyet de L ivro n .
A cette époque, P ierre-G ilb ert de V é n y , son p è re , étoit
décédé.
P ar le contrat de m ariage, du 23 décembre 17 7 0 , la
dame D auphin de M on trod ès, sa m è re , lui donna en
avancement d’hoirie la terre de M on trodès, sous la ré
serve de l’ usufruit, et à condition qu’elle demeureroit
grevée d’une substitution graduelle et perpétuelle en fa
veu r des descendans du m ariage, des mâles d’a b o rd , et
à défaut des m âles, en faveur des filles, l’ordre de p rim ogéniture toujours observé.
Il n’y a point eu d’enfans de ce mariage,
v L a demoiselle de L iv ro n ne vécut que peu de temps.
L e 11 octobre 1 7 7 3 , le sieur P a u l-A u g u stin V é n y ,
encore m in eur, contracta un second mariage avec demoi
selle M arie-G en eviève M alet de V andègre.
P ar le contrat de m ariage, la future se constitue, i° . en
tous les biens meubles et immeubles à elle échus par le
décès de ses père et mère ;
2°. E n une somme de 4000 fr. d’une p a rt; 1380 fr.
d’autre; et en une somme de 9000 francs, à laquelle sont
estimés la récolte ameublée de la terre d’E n g la rd , les
meubles meublans du château, et quelques bestiaux;
30. E n fin , en tous les biens qui pourroient lui échoir.
est ajouté : E t ou il seroit ven d u , pendant et constant
11
le futur m ariage, des biens propres de la demoiselle
�(
3
)
fu tu re, le futur sera te n u , ainsi qu’il s’y o b lig e , d’ea
faire l’em p lo i, soit en achat d’im m eubles, ou en acquit
tement des légitimes de ses frères et sœurs.
L e futur époux lui donne des bijou x et dorures jus
qu’à concurrence de la' somme de 6000 francs.
P a r ce m ême contrat de m ariage, le futu r, pour m aintenir le lustre de la m a iso n , fait donation entre-vifs, pair
préciput, de la moitié de tous ses biens présens et à ven ir,
à celui des enfans mâles à n aître, qui sera choisi ; et à
défaut de ch o ix , à celui qui se trouvera l’aîné à l’époque
du décès;
A la charge et condition que les biens donnés seront
substitués graduellement et perpétuellem ent en faveur de
celui des enfans mâles du donataire qui sera choisi ; et
à défaut de c h o ix , à l’aîné.
O n prévoit le cas où P a u l-A u g u s tin V é n y n’auroit
point d’enfans mâles du mariage qu’il contractoit. L a
donation est répétée en ce cas en faveur de celle des
filles qui sera choisie; et à défaut de c h o ix , en faveur
de celle qui sera l’ainée à l’époque du décès, avec même
charge de substitution en faveur de sa postérité mascu
lin e, dans le même ordre établi pour la postérité des èhfans mâles.
Cette donation grevée de substitution n’a é té , ni insi
n u é e , ni publiée.
A la fin de l’acte, la m ère réitère les réserves et con
ditions portées par le prem ier contrat de m ariage, rela
tivem ent à la terre de M ontrodès.
•
<:■
' " D e ce m ariage sont issues d eu x fille s 'M a r ie - M a r g ù e A 2
:.i w i
�rite V é n y i qui a contracté m ariage avec le sieur de V a n d è g r e , l’un des appelons, et M a r ie -A n n e V é n y , qui
s’est mariée avec le sieur de Sam pigny, et qui est aussi
appelante.
Il paroît qu’en 1784 la dame de V andègre demanda et
obtint sa séparation de biens ; qu’elle poursuivit ensuite
la liquidation de ses reprises et conventions m atrimo
niales, qu’on a portées à 86666 liv. 17 sous, quoiqu’on
ait v u que sa dot m obiliaire, y com pris les 6000 francs
pou r bagues et jo y a u x , ne s’élevoit qu’à la somme de
20380 francs.
L e 14 avril 179 2 , P a u l-A u g u s tin V é n y vend à son
épouse la terre de Jayet, qu’il tenoit à titre de donation
entre-vifs de demoiselle Elizabeth-Françoise V é n y -d ’A r b o u ze, sa tan te; i° . à la charge de payer trois rentes
viagères de o, 30 et 20 francs, dont il avoit été chargé
par ladite donation du 26 novem bre 176 7; et en outre,
moyennant la somme de 130000 fr ., sur laquelle somme
il fut délégué à payer aux Sœurs religieuses de Saint-
5
5
Joseph de V en sa t, une rente de oo francs, au capital
de 10000 francs, dont il avoit été égalem ent chargé par
la d o n atio n , et 10921 liv. 2 sous à divers particuliers,
p o u r créances toutes antérieures au contrat de m ariage,
à l’exception de celle de 4217 liv. 2 sous, due au sieur
Rose Beauvais, qui paroît postérieure; et le surplus, il
fut dit que la dame de V andègre le retiendroit en ses
m ains, à compte des sommes dont ellç avoit obtenu la
condamnation.
O n fait ensuite, et dans le même a cte, le calcul de
ces sommes.
�C S )
C a p i t a l .........................
86.666 liv, 17 s.,
^43
Intérêts jusqu’au jour
F ra is..............................
T
4600
»
»
J
120409 liv . 1 7 s.’
o t a l
Peu de temps après cette v en te, Paul-A ugustin Y é n y
a été compris sur la liste des ém igrés, le séquestre ap
posé sur ses biens.
P ar arrêté du départem ent, du
messidor an 2 $ la
ven te, comme postérieure au 9 février 179 2 , a été dé
clarée nulle ; mais on convient que la nullité n’a été
prononcée que dans l’intérêt national.
L es 24 prairial an 3 , et 19 therm idor an 4 , arrêtas
qui font distraction en faveur des frères et sœurs de Paul-
5
A ugustin V é n y , sur la terre de Jayet, de quarante-quatre
septerées.
E n même tem ps, M arie-M arguerite V é n y , et M arieA n n e V é n y , ses deux filles, se réunirent pour réclam er
l’effet de la donation de m oitié b ien s, portée au contrat
de m ariage, et la distraction de cette m o itié, quant aux
biens présens. L e u r réclamation fut rejetée par arrêté
du 5 messidor an 2 , sur le fondement qu’elle étoit annullée par la lo i du 17 nivôse an 2.
L a lo i du 17 nivôse an 2 ayant été rapportée, elles
•se pourvurent de nouveau.
L e I er. com plém entaire an
4,
second arrêté qui rap
porte le précédent; brdonne qu’il sera délivré à M arieM arguerite V é n y , l’aînée, la moitié de la terre de Jayet,
ainsi que de la terre de M ontrodès, déclarée aussi faire
partie des biens présens \ qu’il lui sera également délivré
�(
6
)
la moitié de ce que l’ém igré avoit à prétendre dans la
succession indivise de P ierre-G ilb ert V é n y , son père.
Ce second arrêté a été rendu , sans que la dame Q ueriau et les autres créanciers, qui avoient déposé leurs titres
à l’adm inistration, aient été appelés.
Il a en conséquence été procédé au partage. La terre
de Jayet a été divisée en deux lots. Quant à la terre de
M o n tro d ès, et aux biens provenus de P ie rre -G ilb e r t
V é n y , les experts ont déclaré ne pou voir encore y pro
céd er, n’ayant point les renseîgnemens nécessaires.
L e rapport contenant partage de la terre de Jayet a
été hom ologué par arrêté du n floréal an 7 . L e prem ier
lot est é e h u , par le tirage, à la réclamante. L e second
lot est demeuré sous le séquestre, com m e appartenant à
la nation.
M arie-G eneviève Malet de V an dègre, épouse de PaulAugustin V é n y , est décédée en l ’an 6.
Ses deux filles, M arie-M arguerite de V é n y , épouse du
sieur de V an d ègre, et M arie-A n n e de V é n y , épouse du
sieur de Sam pigny, lui ont succédé conjointement.
M arie-M arguerite de V é n y , épouse du sieur de V a n
dègre, est elle-m êm e décédée bientôt après, en l’an 7 ,
laissant de son mariage un fils, D elp liin i-G ilbert-A n toin e
M alet de V a n d è g re , au nom duquel G ilbert-François
M alet de V andègre , son père , agit comme son tuteur
légal.
t
P a u l-A u g u stin V é n y , en vertu de l’amnistie et du
sénatus-consulte du 6 floréal an 1 0 , a obtenu la main
levée du séquestre de ses biens. Il est rentré'en propriété
et en possession des biens qui n’avoient pas été vendus.
�C ’est,ainsi qu’il jouit de la m oitié de la terre de M on t- rodés.
• Quant à celle de Jayet, il n’en jouit point, parce q u’il
Pavoitvendue en 1792. Cette terre est jouie conjointem ent
par le tuteur du m ineur V an d ègre, et par la dame de
Sam pigny, comme héritiers de M arie-G eneviève M alet de
V a n d èg re , m ère et aïeule, qui l’avoit acquise en paye
ment de partie de ses reprises.
L e 29 brum aire an 1 1 , il a été passé entre le père et
tuteur du m ineur V an d ègre, et la dame de Sam pigny,
d’une p art, et P aul-A ugustin V é n y , d’autre p art, un traité
dont il faut donner connoissance.
Dans cet acte, on commence par rappeler les faits que
l’on vient d’exp liq u er; la vente de 179 2 , consentie par
P aul-A ugustin V é n y à la m ère; l’arrêté du i.er. com plé
mentaire an 4, qui avoit investi la fille aînée de l’effet de
la donation de m oitié biens, quant aux biens présens;
la radiation de P a u l-A u g u s tin V é n y de la -liste des
émigrés.
« Cet événem ent, d isen t-ils, a fait revivre la vente du 14
et avril 1792, qui n’ayant été annullée que pour l’intérét national,
« a dû reprendre sa première existen ce, lorsque l’intérét de la
« nation a cessé.
« Dés-lors cette vente est devenue pour madame de Sampigny,
«
«
«
«
et pour l’ enfant de M. de V andègre, héritiers de Geneviève
Malet deVandègre-Vény, leur mère et aïeule, un titre qui les investit de la propriété actuelle de la terre de Jayet, dont moitié
leur avoit déjà été attribuée par l’arrêté du. département, du
« i cr. complémentaire an 4, en vertu de la donation éventuelle
« portée par le contrat de mariage de Paul-Augustin Y é n y , leur
« père et a ïe u l, du 11 octobre 1773.
�j^ K ,
( S )
« Cependant la mort civile présumée de Paul-Augustin V én y,
« qui avoit autorisé leur réclamation de la moitié de la terre
« de Jayet, comme donataires éventuels, étant aujourd’hui efcc facée par sa radiation, on pourroit soutenir que leur droit ‘
« sur cette m o itié, comme donataires de leur p c r e, n est point
cc encore ouvert; qu ’i l ne s ’ouvrira que par la mort naturelle
« dudit P a u l de V é n y , et que jusque-là ils n ’ont point d ’autre
cc titre que la vente de 1792, pour se regarder comme proprié
té taires de cette terre : mais il n’en est pas moins vrai que leur
« .d ro it, comme donataires, doit s’ouvrir un jo u r , et que c ’est
g un juste m otif de réduire le p rix de la vente de 1792, en
cc proportion de ce qu’un immeuble dont l’acquéreur n’aura
cc obtenu la transmission de propriété incommutable que pour
cc m oitié, et le simple usufruit pendant la vie du vendeur pour
cc l’autre m oitié, dans le cas où les enfans du vendeur lui sur« v iv e n t, vaut de moins dans le com m erce qu’il ne vaudroit
« si la transmission de propriété étoit imperturbable et indépentc dante de tous événemens. C ’est un vice de la chose vendue,
cc en un m o t, de nature à entraîner, ou la résiliation de la v en te,
cc ou une .diminution dans le p rix, au choix de l’acquéreur.
cc Indépendamment de ce premier m otif de réduire le prix
cc de la vente de 1 7 9 2 , l’éviction de prés de cinquante septerées
cc'de terrain compris dans cette ven te, qui résulte des arrêtés
« du département, des 2 4 prairial an , et 1 9 thermidor an 4 ,
cc est une seconde cause de réduction également incontestable,
te et d’autant plus conséquente, q u e , d’après le rsipport du
cc commissaire Couchonat, nommé par l’administration d’Aiguecc perse pour se transporter sur les lieux et reconnoltre le terrain
cc dont s’agit avant d’en ordonner la distraction, rapport inséré
cc dans l’arrété du 19 thermidor an 4* ces terrains formoient le
« cinquième de la totalité de la terre de Jayet.
cc Sur q u o i , les parties voulant prévenir la contestation prête
cc à s’engager entr’elles sur ces divers objets de discussion, elles
« ont traité et transigé sur le tout de la manière qui suit.
3
�(9 ^
E n prem ier lie u , la vente demeure résiliée et comme
non avenue en ce qui touche lesdites quarante-qu atre
septerées de terrain évincées, sauf à Patil-Augustin V é n y
à les revendiquer contre ses frères et sœurs, s’il s’y croit
fondé.
E n second lie u , en ce qui touche la moitié de la terre
de Jayet , dont la propriété est assurée aux enfans de
P aul-A ugustin V é n y , q u i lui survivron t, par la dona
tion éventuelle portée en son contrat de m ariage, il est
dit que la vente du 14 avril 1792 n’aura effet que pour
transmettre aux ayans cause de G eneviève M alet de Vandègre, et aux acquéreurs, i ° . l’usufruit que conservoit
Paul-A ugustin V é n y , ven d eur, sur la m oitié d on n ée;
2°. la perspective éventuelle qu’il avoit aussi d’en rester
propriétaire , au cas où il survivroit à tous ses enfans
et descendans ; 30. pour consolider enfin sur la téte dudit
G ilb ert-A n to in e-D elp h in i M alet de Y a n d è g re , repré
sentant sa m è re , et de M a rie -A n n e V é n y , épouse de
M . de Sam pigny, par égalité entr’e u x , la pleine p ro
priété et jouissance dès à p r é s e n t, et in c o m m u ta b le m e n t,
de la m oitié de la terre de Jayet dont il s’a g it, quels
que "puissent être les événem ens, et soit que la propriété
leur en fût acquise à tout autre titre, ou qu’elle ne le fût
pas, sans aucunem ent déroger à leurs droits a cquis p a r
tout autre titre que ladite vente, n i y p réju d iç ier ; en sorte
qü’ils pourront exercer les droits qu’ils peuvent a v o ir ,
indépendamment de ladite vente, sans novation ni déro
gation contre les acquéreurs qui seroient subrogés à la
ven te, dans le cas oie sur la transcription q u i en sera
f a i t e au bureau des hypothèques, il surviendroit des
B
�enchères de la part des créanciers intéressés et in scrits,
sans qu’il en résulte en aucun cas de recours en garantie
contre le vendeur.
E n ce qui touche l ’autre moitié de ladite terre de J a y e t,
la vente de 1792 doit sortir son entier effet, sauf la dis
traction des quarante-quatre septerées.
A r t. 4* L a réduction du p r ix de ladite vente de 179 2 ,
q u i est la suite f o r c é e , soit de Téviction des quarantequatre septerées, soit de la décharge de la garantie de
Téviction q u i pourroit résulter de la donation éventuelle
de la m oitié des biens vendus , est J ix é e et réglée par ven
tilation à la som m e de 35000 j f r . j de sorte que le p rix
de la vente yq u i étoit de 130000 f r . , y compris le capital
de la rente q u i étoit due a u x Sœ urs de S a in t-Josep h
de J^ensat, ne sera plus que de la somme de 94567 livtournois.
P a r les articles
et 6 , le mineur V an dègre et la dame
de Sam pigny sont déchargés d’une partie des délégations
portées au contrat de vente de 17 9 2 , et tenus de payer
5
les autres délégations.
P a r l’article 7 , il est convenu que le surplus de ladite
somme de 94567 francs demeurera entre leurs m ains, à
compte et en dim inution de leurs reprises, telles qu’elles
sont fixées par ledit acte de 1 7 9 2 , et 011 leur réserve tous
leurs droits pour l’excédant.
Dans cet acte , le sieur de V andègre et la dame de
Sam pigny ont reconnu e u x -m ê m e s que la donation de
biens présens et à ven ir, portée au contrat de m ariage, ne
pouvoit avoir effet qu’après le décès.
Ils rcconnoissent qu’il est incertain qui en sera saisi,
�( II )
même s’ ils en seront saisis, puisqu’ ils achètent la pers
pective éventuelle que pou voit avoir P aul - A ugustin
V é n y de rester propriétaire incom m utable, dans le cas
où il survivroit à toute sa descendance.
Ils reconnoissent que la mort civile du père étant
effacée, il avoit le droit de jouir sa vie durant des biens
présens, c’est-à-dire, des biens à lui appartenans à l’époque
de son contrat de m ariage, et de cenx acquis depuis.
Ils reconnoissent qu’ils n’ont dans ce moment d’autre
titre pour jouir d’ une partie quelconque de la terre de
el
J a y c t, que la vente de 1792.
A la vérité ils prétendent que , quant à la moitié
d o n n ée, la vente ne peut porter que sur l’ usufruit ; e t ,
en conséquence, ils soutiennent qu’il y a lieu à réduc
tion du p rix de la vente. O n ne conçoit pas trop com
ment il peut y avoir lieu à une réduction actuelle du
p rix de la v e n te , sur le fondement d’une donation dont
il est incertain s’ils seront jamais saisis, le père pouvant
survivre à toute sa descendance; comment il peut y avoir
lieu a une réduction a c tu e lle , lorsqu’il est incertain, en
supposant qu’ils en soient saisis, s’ils renonceront ou non
aux biens à ven ir; comment il peut y avoir lieu à réduc
tion , lorsqu’il y a dans leur personne, comme on l’établira
dans un m o m en t, confusion de qualités.
M a is , sans entrer dans cette question, ils conviennent
qu’ils n’ont dans ce moment d’autre droit que celui résul
tant de la vente.
A p rès avoir reconnu qu’ils n’ont dans ce moment
d’autre titre que la vente > ils se réservent de faire valoir
la donation, dans le cas o ù , su r la notification de la
B 2
�(
1 2 }
tra n scrip tion , il surçiendroit des enchères de la -pari
des créanciers inscrits.
L e pi'emier frim aire an 1 1 , on soumet cet acte à la
transcription. On. fait transcrire en même temps la vente)
de 1792.
L e 24 du même m ois, on dénonce la transcription de
l’un et de l’autre aux créanciers inscrits, avec déclara
tion que les requérans en acquitteront ou compense
ront dans l’ordre de d ro it, les charges et hypothèques
légalem ent inscrites, mais seulement jusqu’à concurrence
du p rix-stip u lé dans le traité du 29 brum aire an 1 1 ,
qui confirme et modifie le prem ier contrat de 1 7 9 2 ,
se réservant expressément l’excédant de leurs créances.
Dans la notification de la transcription , le sieur de
V an d ègre a agi tant en son nom qu’en qualité de tuteur
et administrateur des biens de son fils.
L a dame Queriau , en qualité d’héritière testamentaire
de défunt sieur J u g e , étoit créancière d’une somme de
plus de 35000 francs : sa créance rem ontoit à 1775. E lle
a fait-notifier la déclaration d’enchère; elle s’est soumise
à porter ou faire porter à un vingtièm e en sus, soit le
p rix du prem ier contrat de ven te, dans le cas où l ’exé
cution en seroit o rd o n n ée, soit celui du second acte,
dans le cas où l’on ordonneroit l’exécution seulement de
ce second acte ; ce q u’elle se proposoit de faire juger.
L e 12 nivôse an 1 2 , le sieur d e V a n d è g r e e t la dame
de Sam pigny ont fait notifier à Paul-Augustin V é n y , eu.
son dom icile à P a r is , la déclaration d’enchère de la dame
veuve J u g e , avec sommation de rapporter dans dix jours
m ain-levée des iuscriptiQus excédant la somme de 94667 1.
�3
( J )'
tournois, et protestation de requérir' après le délai là
mise aux enchères.
L e 8 messidor an 1 2 , faute par P a u l-A u g u stin V é n y
d’avoir satisfait à cette som m ation, affiches à la requête
du sieur de V a n d è g re, au nom et comme tuteur de son
fils, se disant autorisé de délibération de fam ille, h o
m ologuée par jugement du 26 prairial précédent, et à
la requête de la dame de Sam pigny, pour procéder à la
revente et adjudication, avec indication à l’audience du 6
thermidorD ans l’affiche on comprend la totalité delà terre. Tous
les héritages sont d ésignés, form ant v in g t - s ix articles,
sous la distraction des quarante-quatre septerées adju
gées aux frères et sœurs de Paul-A ugustin V é n y , faisant
partie du second et du troisièm e article.
Suivent les conditions de l’adjudication.
Dans l’article prem ier il est dit : a E t attendu que la
propriété de la m oitié des biens ci-dessus est irrévo ca - *
blement acquise au m ineur V a n d è g re , soit p arla donation
éven tu elle, soit par l’arrctd du départem ent, soft par"
l’article 16 du sénatus-consulte de floréal an 10 , et qu’ils
s’étoient expressément réservé par le traité de brum aire
an i i , d’exercer tous leurs d ro its, dans le cas où sur la
transcription dudit traité il surviendroit des enchères,
f adjudicataire C en trera en jo u is s a n c e , et ne devien
dra propriétaire des le moment de V adjudication , que
de Vautre m oitié des biens de J a j e t seulem ent, telle
q u elle a voit été J ix é e p a r le partage J a i t avec la ré
publique. »
E t on ne transcrit point le partage; en sorte que
!
�( H )
l ’affiche désigne, et ne désigne point les objets à vendre.
M ais il falloit faire ordonner cette revendication contra
dictoirem ent.
■Il a en conséquence fait assigner à cette fin , soit la f
dame veuve J u g e , et les autres créanciers inscrits, soit
la dame de S am p ign y, soit Paul-A ugustin V én y .
A in si le sieur de V andègre est en même temps poursui
vant et demandeur en revendication.
L a dame de Sam pigny, de son côté, s’est trouvée figurer
dans la cause comme demanderesse, poursuivant conjoin
tement avec le sieur.de V an dègre la revente, et comme
défenderesse sur la demande en revendication.
L a cause en cet état a été portée en l’audience du 6
therm idor an n .
L a dame veuve Juge a combattu la demande en re
vendication , et soutenu la nullité de l ’afïiche.
• Les autres créanciers inscrits ont adhéré à ses moyens,
et aux conclusions par elle prises.
Sur la plaidoirie respective , jugement est intervenu
ledit jour 6 th erm idor, qui déboute le sieur de V a n
dègre de sa demande en revendication, et déclare d’un
autre côté l ’alïiclie nulle.
L e sieur de V andègre et la dame de Sam pigny .ont
interjeté appel de ce jugem ent, et c’est sur cet appel qu’il
s’agit de prononcer.
�( Ifi >
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e sieur de Vandègre est-il ¿fondé dans la demande
q u ’il a fo r m é e au nom et comme tuteur du m ineur
V a n d èg re, en revendication de la m oitié de la terre
de J a y e t ?
•
*
L e sieur de V an d ègre se fonde principalem ent sur
l ’arrêté du départem ent, du I er. complémentaire an 4 ,
et sur l’article 16 du sénatus-consulte de floréal jm 10.
Mais cet arrêté et le sénatus-consulte p e u v en t-ils être
sérieusement opposés?
L ’arrêté n’a été évidem ment rendu que dans l ’intérêt
national : la nation a pu m éconnoître ou abandonner
ses droits , mais cette erreur ou cet abandon ne peut
nuire aux créanciers. Il en est de cet arrêté comme de
5
celui du messidor an 2 , que les appelans conviennent,
png. 7 de leur mémoire , ne devoir être exécuté que
dans rintévêt de la nation.
L e sénatus-consulte du 6 floréal an 10 , q u i, en rendant
aux ém igrés les biens non vendus, maintient tout ce qui
a été fait pendant l’ém igration , n’a lieu également qu’à
l’égard de l’ém igré lui-m êm e, mais non à l’égard des tiersintéressés, qui ne peuvent être victimes de l’ém igration 7
et qui peuvent toujours se pou rvoir contre les actes et
les arrêtés auxquels ils n’ont point été appelés, et qui ont
été faits à leur préjudice.
L ’art. 16 ne dit pas généralement que les actes ne pour
ront être attaquésj il dit : L e s individus am nistiés ne
�• ry t
( 16 )
pourront attaquer. L a lo i, en leur faisant grâce, n’a pas
voulu effacer la peine pour le passé : elle n’a pas voulu
admettre la fiction, ju s post lim in ii, établie chez les R o
mains. M ais cette disposition leur est personnelle comme
la peine elle-même.
L e sénatus-consulte ne parle que des individus amnistiés ;
il ne parle point des tiers-intéressés. O n ne peut pas ajou
ter aux termes de la loi ; on ne peut y ajouter surtout ce
qui seroit une injustice évidente.
Vainem ent opposcroit-on que les créanciers ne peuvent
pas avoir plus de droits que leurs débiteurs; ce seroit
faire une fausse application de la m axim e, vraie en gé
néral. Sans doute les créanciers ne pourroient pas exer
cer un droit que le débiteur n ’a uroit ja m a is eu : mais
ce n’est pas ici la question. Les créanciers exei’cent le droit
originaire de leur d éb iteu r, dont celui-ci n’a pu les priver,
nec alienando nec delinquendo.
Xæ sénatus-consu lte a in tei’d it de revenir contre ce qui
auroit été fait pendant l ’ém igration , pour éviter tout
recours contre le gouvernem ent. M ais ici il ne peut y avoir
lieu à aucun recours. L a n ation , par arrêté du i er. com
plém entaire an 4 , n’a contracté aucun engagement ; elle a
renoncé simplement à user de la rigueur de son droit.
L ’art, i l de l’arrêto du gouvernem ent, du 3 floréal
an 1 1 , porte : « T o u t créancier d’ém igré ra y é , élim iné
a ou am nistié, qui voudra exercer ses droits contre son
a d éb iteu r, pourra réclamer ses titres; s’il les avoit dé« p o sés, il lui seront ren d u s, à moins qu’il n’ait donné
« quittance ou reçu son titre de liquidation définitive. »
L es créanciers sont donc autorisés à exercer leurs droits
contre
�C 17 )
contre leur débiteur ; à se venger sur les biens qui n’ont
pas été vendus, et par conséquent à faire la recherche
de leurs b ien s, à faire rentrer ce qui auroit été mal à
propos distrait.
L a loi de floréal an 3 , déclaroit créanciers directs de
la république, tous les créanciers qui déposeroient leurs
titres. L a dame veuve J u g e , et les autres créanciers qui
figurent dans la contestation, étoient de ce nombre. Etant
créanciers directs, ils n’avoient pas intérêt d’a g ir; mais
les choses ont changé. L a nation, en rendant les biens non
vendus, s’est affranchie des dettes. Dès ce moment il leur
im porte de conserver le gage de leur créance. Ils ont le
plus grand intérêt de s’opposer à un arrêté évidem m ent
surpris à l’administration. S’il en étoit autrem ent, ils ne
seroient payés, ni par la nation qui en rendant les biens
ne peut plus être tenue des dettes, ni par P aul-A ugustin
Y é n y , ni par le tuteur du m ineur Y a n d è g re , qui veut
retenir l’effet d’une donation dont il est même incertain
si le m ineur sera jamais saisi (1).
L a question est donc encore entière.
Paul-Augustin V é n y étoit m ineur àl’époque desonsecond
contrat de mariage. O n sait que par les lois les mineurs
sont dans la prohibition d’aliéner leurs biens ; et si les
aliénations à titre onéreux leur sont interdites, à plus
forte raison celles à titre gratuit. Cette sage interdiction
n’est pas seulement établie par les lois romaines; l’ar(1) Les créanciers se sont d’ailleurs pourvus, en tant que de
besoin, à l'adm inistration, contre cet arrêté.
G
�tid e 2 chi titré 13 de la coutume d’A u v e rg n e , qui régissoit le dom icile et les parties, en a une disposition p ré
cise et irritante.
a E t par ce doresnavant, dit cet article, m ineur de
« vingt-cinq ans ne p o u rra , par contrat ou autrem ent,
a disposer de ses biens im m eubles, sans autorité de cura¿ teur et décret du juge , soit par convenance de suc
ée céd er, ne autre. »
Q u ’on ne dise pas qu’ il faut faire exception pour les
dispositions portées par contrat de mariage ; que les con
trats de mariage sont susceptibles parmi nous de toutes
sortes de clauses, pourvu qu’elles ne soient pas contraires
à l’ordre public.
L es contrats de mariage sont susceptibles de toutes
sortes de clauses. Entre m ajeurs; on l’accorde.
A in s i, on a admis parmi nous les institutions contrac
tu elles, inconnues chez les Romains.
A in s i, on a admis la donation des biens présens et à
v e n ir , contraire à la nature des'donations e n tr e -v ifs ;
le caractère des donations entre-vifs étant que le donateur
se dépouille lu i-m ê m e , ma gis vult âonatarium habere
qua?n j<?,etle donateur ne pouvant se dépouiller des biens
à v e n ir, des biens qu’ il n’a pas encore en son pouvoir.
A in s i, on a admis les donations aux enfans à naître,
qui j étant encore dans le néant, ne seraient susceptibles
d’aucune libéralité entre-vifs.
M ais tout cela entre majeurs.
L ’article 26 du titre 14 de la m ême coutum e porte :
« T o u s pactes, avantages, donations entre-vifs ou à cause
« de m o rt, convenances de succéder, soient m utuelles,
�*9
(
)
égales ou non , et autres conventions quelconques faites
et passées en traité de m ariage, et en faveur d’ic e lu i, par
personnes capables à co n tra cter, sains ou malades , valent et tiennent au profit des mariés et leurs descendans. »
L ’article 219 de la coutume de Bourbonnais, rédigée
après celle d’ A uvergn e , contient la même disposition.
« Toutes donations, conventions, institutions d’héritier,
« et autres choses faites en contrat de m ariage, et en
« faveur d’icelu i, au profit et utilité des m ariés, de l’un
« d’e u x , ou des descendans dudit m a riag e, sont bonnes
« et valables.........et saisissent telles dispositi ons , les cas
«
«
«
«
« a ven u s, quand lesdites donations et dispositions sont
« faites p a r personnes habiles 11 contracter. »
Sur ces m ots, personnes habiles à contracter, A u rou x
observe : N o n intelligas hoc de habilitate ad nuptias
quœ requerit tantum 'annum 12 in J œ m in is , et quatuor
decim in m a sc u lis , ju re canonico quod in hoc sequim u r , sed de habilitate ad dispositionem b o n o ru m ,
pi/ta de m ajoritate a annis. Ita q u e si m inor 25 annis
5
in f a v o r e m
m a tr im o n ii a liq u id lib er ciliter d o n c t , rôm itta t, hccredem in s titu â t , societatem o m n iu m bo—
norum co n trah at, restituetur, utp lu ries ju d ic a r i vidissè
testatur dictus Joan n es D ecu lla n t. Il cite ces termes de
d’A rgen tré : N o n enim à capacitate m a trim on ii quœ
natures et ju r is e s t , capacitas d o n a n d iy quœ est actus
civilis debet co llig i, et q u i ( actus cw ihs ) non n isi à
consensu p roficisci p o te st, coTisensus , non m si ab
h a bili.
Il ajoute toujours, d’après l’autorité de D ecullant: Q u i
tamen habilis est ad nup tias, licet m inor
25
G 2
a n n is ,
�( 20 )
potest inire et contrahere ea quœ sunt ex statuto in
troducta , puta societatem , aut m a ri tus cum u x o r e ,
item doarïum et cœ tera om nia quœ veniunt citra dispositionem hom inis.
A in si, d itM . C h a b ro l, le douaire, dans cette province,
étant simplement viager , un m ineur ne pourroit pas
prom ettre un douaire propre à la fem m e, quand même
il seroit stipulé également propre aux enfans, comme il
se pratique à P a ris; de m ême la stipulation ordinaire
étant que le douaire n’aura lieu que pendant la viduité,
le m ineur ne pourroit pas prom ettre qu’il contimievoit
m algré le convoi et en secondes noces.
n
Un arrêt du I er. septembre 1640 , confirm atif d’une
sentence de la sénéchaussée de R iom , rapporté par
M . C h ab ro l, a annullé une institution d’héritier que les
deux conjoints s’étoient faite m utuellem ent, quoiqu’ils
fussent à peu près de même â g e , et leurs biens d’ une
valeur égale.
L e m êm e, M . C h abrol, rappelle un autre arrêt, du
18 août 173 5, qui a déclaré nulle une donation m utuelle,
dans une espèce bien plus forte. La future avoit contracté,
du consentement de toute sa fam ille, sous l’autorisation
de la m ère, qui étoit sa tutrice. La donation ne devoit
avoir lieu qu’à défaut d’enfans, et pour les biens qui se
trouveroient appartenir aux conjoints lors de leur décès.
L a disposition fut attaquée par une parente qui avoit
assisté au contrat de mariage. O11 lui opposoit son ap
probation , la réciprocité de la disposition, la faveur du
m ariage, le défaut de^réclamation de la fem m e, avant
l ’âge de trente-cinq ans, le consentement de la fam ille,
�la circonstance que, si elle eût survécu, elle auroit recueilli
la donation de son m ari, qui étoit majeur.
O n ne dissimulera pas qu’à la suite de ces décisions,
M . Chabrol ajoute que l’article de la coutume doit re
cevoir cependant une restriction en cas de donation ou
de substitution en faveur des descendans qui naîtront du
m ariage, principalem ent dans les fa m ille s n obles, dont
il est im portant de so u ten ir la dignité et Vétat ^ et il rap
porte trois arrêts, tous pour des familles n o b les, qui
l’ont ainsi jugé. M ais ces arrêts, qui ne sont qu’un abus
de l’autorité que les parlemens s’étoient attribuée ; ces
arrêts, entièrement contraires au texte et à l’esprit de la
coutum e, peuvent-ils être opposés?
L a coutume ne distingue point ; elle interdit géné
ralement aux mineurs de disposer de leurs biens im
meubles sans autorité de curateur et décret du juge :
et là où la loi ne distingue p o in t, il ne faut point dis
tinguer.
O n doit d’autant moins d istin gu er, qu’on a vu que
dans article 26 du titre 1 4 , elle s’occupe des conven
tions qui peuvent être faites par contrat de m ariage,
convenances de succéder, et autres, qu’elle ne valide
qu’autant qu’elles sont faites par personnes habiles à
1
contracter.
L ’article 219 de la coutume de Bourbonnais , qui
n’est que la répétition et le commentaire de c e lu i- c i,
comprend en termes exprès les donations aux enfans à
naître; et il est ajouté également : Q uand elles sont fa ite s
par personnes habiles « contracter ; et qui dicit de uno
negat de altero.
�Nous appliquerons ici la maxime : L eg ib u s, ?ion exem p lis , ju d ica n d u m .
D ép en d oit-il des parlemens d’établir une jurisprudence
contraire à la l o i , une jurisprudence particulière pour
une classe de citoyens?
L es motifs d’ailleurs qui ont déterm iné ces arrêts ne
subsistent plus.
A u x arrêts rapportés par M . C h a b ro l, on opposera
un jugement émané du tribunal civil de cette v ille , pré
sidant M . V e r n y , du 28 fructidor an 4 , qui a consacré
le retour aux vrais principes, dans la cause de la dame
Brossinliac, veuve Sarret-Fabrègues.
C lém en ce-G en eviève Brossinhac avoit contracté ma
riage en 17 4 5 , avec Joseph Sarret-Fabrègues. E lle étôit
à cette époque mineure. P ar le contrat de m ariage, elle,
du consentement de sa m ère, et le fu tu r, du consente
m ent de son p è re , firent donation de la m oitié de tous
leurs biens présens et à ven ir, h celui des enfans à naître,
q ui seroit choisi par eu x , ou par le survivant d’eux.
E n 1 7 9 1, ils firent conjointement une élection en faveur
de Sarret-Saint-Mancet. Sarret-Fabrègues père est décédé
en 1792. Sai’ret-Saint-M ancet ayant é m ig ré , la nation a
mis le séquestre sur les biens. L a dame de Brossinhac,
devenue v e u v e , a demandé la nullité de la donation,
comme ayant été faite par elle en m inorité. P ar arrêté
du départem ent, elle fut autorisée à se pou rvoir contre
le procureur général du départem ent, et renvoyée aux
trib u n au x, suivant les lois d’alors. L a cause portée au
tribunal civil de S a in t- F lo u r , la donation fut déclarée
n u lle; et sur l’appel le jugement fut confirmé.
�«
«
( 23 )
V o ici les motifs littéralem ent transcrite
« A ttendu que Clém ence-G eneviève Brossinîiac étoit
m ineure au moment du contrat de m ariage, du 28 fê
vrier 1740*,
« A tten du que le m in eu r, par la disposition précise
de la lo i, est mis dans l’heureuse impuissance d’aliéner
a titre o n é re u x , ou disposer h titre gratuit;
« A ttendu que le principe de l’inaliénabilité des biens
des m ineurs, frappe, et a dû dans tous les temps frapper
indistinctement tous les citoyens, sans aucune exception ;
•
«
«
«
«
« Attendu que l’action appartenante à G eneviève-C lémence Brossinîiac pour se p ou rvoir contre la donation du 28 février 17 4 5 , a été suspendue par l’existence
de son m ari, qui avoit intérêt à ce qu’elle ne l’exerçât p a s , et n’a été ouverte qu’au moment de sa v i-
•
«
te
«
et
« d u ité , suivant la m axim e : Contra non valentem agere
« non currit prœ scriptio. »
D ira-t-on qu’ici il n’y a point eu de cause qui ait fait
obstacle 8. la prescription? que le sieur de V é n y devoit
se pou rvoir dans le délai accordé aux m ineurs, dans les
d ix ans; et que ne s’étant point p o u rv u , ni lui ni ses
créanciers ne sont recevables à attaquer la donation ?
L e sieur de V é n y n’avoit pas besoin de se pou rvoir
judiciairem ent, des l’instant que les enfans, par l’acte du
29 brum aire an 11 , ont reconnu eux-mêmes la n u llité ,
et se sont fait consentir une vente.
L e sieur de V é n y n’avoit pas seulement dix ans; il
«voit trente ans pour réclam er, s’agissant de nullité de
coutum e; et c’est ce qui a été jugé par un arrêt d e là
co u r, de la prem ière section, du 14 nivôse an 13.
�( H )
« A tte n d u , porte l’a rrê t, que la demande a été fo r
ce m ée dans le délai de dix ans ;
« Attendu d’ailleurs que les parties étant soumises aux
« lois de la ci-devant coutume , l’article 2 du titre 13
« porte contre les mineurs non émancipés un statut nécc gatif et p ro h ib itif;
« A ttendu qu’A n toin e B o je r n’étoit pas ém ancipé ;
« qu’ainsi la disposition irritante de la coutum e rendant
« nulle l’aliénation qu’il a faite de ses droits successifs,
« il lui a été inutile de se pou rvoir par lettres de rescision. »
L e rédacteur du journal ou nous avons puisé cet arrêt,
renvoie à un arrêt de cassation , du 13 pluviôse an 10,
qui a jugé que quand la nullité étoit d’ordonnance ou
de coutume , on a voit trente a n s, et au journal de Sag u ie r, tom. 2 , pag. 294.
O n dira peut-être que dans l’espèce de l’arrêt de la
cour , le m ineur n’étoit point ém ancipé; qu’ici le sieur
de V é n y étoit émancipé et assisté d’ un curateur. M ais
cette circonstance ne change rien. L a coutume ne distin
gue point entre les mineurs émancipés et non ém ancipés;
elle suppose au contraire le cas d’émancipation , puis
q u’elle parle de curateur. 11 ne suffit pas non plus qu’il
ait été assisté du curateur; la coutum e exige non-seule
ment l’assistance du cu rateu r, mais encore le décret du
juge.
L ’émancipation donne le droit au m ineur de disposer
du m o b ilier, d’administrer et percevoir le revenu des
im m eubles, mais ne lui donne pas le droit de les aliéner.
A in si la raison est toujours la même.
L ’art. 2 du titre 13 ne distingue pas, et l’art. 26 du
titre
�( 2 5 }
titre 14 d it, sans restriction , p a r personnes hiibilas à
contracter.
L e sieur V é n y étoit ém ancipé, et assisté de curateur;
mais il n’y a point eu de décret du ju ge, ce que la coutum e
exige im périeusement; et l’article étant conçu en termes
irrilans et prohibitifs, la nullité peut être opposée pen
dant trente ans. C ’est le cas de la maxime : L o c u s est nullita ti, non tantùm restitutioni.
Q u ’on ne dise pas que le Code civil a borné toutes les
actions en nullité à dix ans; car le Code civil ne peut
avoir d’effet rétroactif. E t le traité, et la déclaration d’en
chère de la veuve J u g e , qui est du 21 nivôse an i r ,
sont antérieurs à la publication du Code.
• L e second contrat de mariage du jsieur de V é n y est du
11 octobre 1773. Depuis cette époque jusques audit traité,
et à ladite déclaration d’e n c h è re , il ne s’est pas écoulé
trente an s, abstraction m ême du temps qu’a duré encore
sa m inorité.
P o u vo it-il d’ailleurs par son silence nuire aux créan
ciers , à ceux qui ont prêté lors même qu’il étoit encore
dans le délai de dix ans ?
U n autre moyen de nullité résulte du défaut d’insinua
tion.
L ’art. 19 de l’ordonnance de 1731 exem pte de cette for
malité les donations en ligne directe. M ais cet article doitil s’entendre, non-seulement des donations faites par les
ascendans aux contractons m ariage, mais encore de celles
faites par les contractons aux enfans ù naître? A utant les
unes sont ordin aires, et ont pu paroître au législateur
D
�~
.
( 26 3
devoir être dispensées de l’insinuation , autant les autres
sont extraordinaires et inusitées. C ’est sur quoi il y a eu
grande diversité d’opinions.
U n arrêt rapporté par D en isard, au mot in sin u a tio n ,
du
juin 1 7 3 4 , en la prem ière chambre des enquêtes,*^a jugé que l’article 11e devoit s’entendre que des donations
faites aux contractans par les ascendans, dans la cause des
enfans mineurs du comte de Jum ilhard, contre M . B ertin,
de S ain t-G eran . L a question a voit été partagée en la
grand’ch am b re, le 27 juin 173 3 , au rapport de M . L o renchet. M . Pucelle étoit com parateur.
L e m ême auteur rapporte un autre arrêt rendu en la
5
grand’cham bre, sur les conclusions de M . Jo ly de F leu ri,
le 9 mars 174 2 , qui a jugé le contraire.
Dans l’espèce de cet a r r ê t, le conjoint donateur étoit
m ajeur : on pouvoit dire aux créanciers qu’un majeur
étant capable de toutes sortes de dispositions, ils avoient
à s’im puter de n’avoir pas pris connoissance du contrat
de mariage. Ici P aul-A ugustin V é n y étoit m in eu r, in
capable par là même : les créanciers n’ont pas dû croire
que le contrat de mariage contînt des dispositions que la
loi lui interdisoit.
. Mais de plus la donation étoit faite à la charge d’une
substitution graduelle et perpétuelle, à la charge par con
séquent de la faire publier et insinuer.
L e décret qui a aboli les substitutions, n’a pas pu dé
charger pour le passé de cette condition.
N ’ayant point rem pli la condition sous laquelle la do
tatio n a été faite, peut-on s’en p réva lo ir?
Peut-on demander l’exécution d’un acte, à la condition
duquel on n’a point satisfait?
�•
.
.
( »
7
) ..
.
™
Si on avoit satisfait à la condition qui étoit imposée*,
les créanciers auroient été avertis, et ils n’auroient pas
prêté : on ne pouvoit publier et insinuer la substitution,
sans publier et insinuer la donation.
• Mais quand on supposeront la donation valable, quand
on supposeroit qu’elle n’a pas dû être insinuée, M arieM arguerite V é n y en a-t-elle été saisie?
L a donation n’est pas faite nominativement à elle : elle
est faite d’abord aux milles ; à défaut de m âles, à celle
des filles qui sera choisie; et à défaut de ch oix seulement,
à celle qui se trouvera l’aînée à l’époque du décès.
L a donation est d’ailleurs de biens présens et à ven ir,
qui par sa nature autant que par les termes de l’a cte,
ne saisit qu’après le décès.
Paul-A ugustin V é n y est encore vivant.
L a loi du 28 mars 1793 a déclaré les ém igrés morts
civilem ent. Mais cette m ort civile qui a cessé par l’am
nistie , qui n’a été que temporaire , ne peut être consideree comme une véritable m ort; elle ne peut être con
sidérée que comme une suspension de l’état c i v i l , per
sonne ne pouvant m ourir pour un temps.
Cette m ort c iv ile , prononcée par une loi qui a été rap
p o rtée, ne dure qu’autant que la loi même. Ce n’est point
m ême une véritable mort.
Comme la m ort c iv ile , dit l’auteur du R épertoire de
jurisprudence au mot m ort civile en quoi il n’a fait
que suivre la doctrine de tous les auteurs qui ont écrit
sur ce sujet, est comparée à la m ort n atu relle, et qu’on
ne meurt point pour un temps, il faut que la condam D 2
�yrt
•'
08
. .
)
nation soit perpétuelle. C ’est en partie, par suite de cette
conséquence, que l’exil ou la captivité par lettres du
p r in c e , ne peut attribuer la mort civile. L e s c u 'c o j i s tances peuvent déterm iner le souverain à révoquer ses
ord res, c l ¿1 rendre la liberté au sujet à q u i il avait résolu
de Voter. I l 11j a que les décrets de la ju stice q u i soient
irrévocables et voilà p o u rq u oi nous a von s, continuet-il, posé en principe que la m ort c iv ile , véritablem ent
m ort civile , ne peut naître que d'une condam nation
ju d icia ire.
E t c’est ce qui est arrivé ; le souverain à f a i t grâce.
Il n’a point fait grâce pour îe passé : le sénatus-consulte n’a point d’effet rétroactif. Que résulte-t-il de là ?
que pendant tout ce temps les émigrés sont demeurés en
é ta t de mort civile; qu’ils n’ont p u , pendant ce temps,
faire aucun acte civil ^ et que ces actes civils n’ont pu
devenir valables, suivant la m axim e: Q u o d ab in itia vi~
tio su m est tr a c tu te/nporis co n v a lesce re n o n p o tes t. Mais
on ne peut en induire une véritable m ort, quant au droit
de succéder ; il en résulteroit qu’un homme laisseroit deux
successions, ce qui est absurde, nul ne pouvant m ourir
deux f o is , comme on ne peut m ourir pour un temps.
Il faut donc distinguer les actes civils du droit de suc
céder. Les actes civils faits jusqu’à l’amnistie sont n u ls,
et ils ne peuvent devenir valables , parce que la loi ne
rétroagit p o in t, parce que ce qui est nul dans le prin
cipe ne peut valider par le temps; ce qui est conforme
aux principes. Mais il n’en est pas de même du droit de
succéder; ce scroit étendre la peine après môme que la loi
pénale n’existe plus ; ce seroit donner un. effet perpétuel
« une peine temporaire.
�( 29 )
2>i <a
CJne m ort temporaire ne p e u t , en un m o t , donner
droit de succéder irrévocablem ent.
O n sait que les term es, dans le9 actes en tre-vifs, ne
reçoivent point d’extension , tantùm valent quantum
sonant. O n ne peut d’ailleurs les interpréter contre l’au
teur de la libéralité.
A qui la donation est-elle faite ? à celle qui se trouvera
l’aînée à l’époque du décès; ce qui ne peut s’entendre que
de la m ort naturelle. On ne peut pas supposer que le
donateur ait entendu parler du cas de la m ort c iv ile , et
se dépouiller lui-m êm e.
Ce n’est pas à celle qui seroit l’aînée, à l’époque de la
mort civile , qu’il a donné et entendu donner , mais à
celle qui seroit l’aînée à l’époque de la m ort naturelle.
A in si, quand on considéreroit P a u l-A u g u s tin V é n y
comme m ort civilem en t, le cas exprim é dans la donation
»’est point arrivé.
Non-seulem ent le m ineur V an dègre n’est point saisi 7
mais il est incertain même s’il le sera.
D é jà M a r ié -M a r g u e r ite V é n y , sa m è r e , a p r é d é c é d é
le donateur*: i l p e u t lu i-m ê m e m o u r ir é g a le m eu t a v a n t
le d on ateu r.
La donation n’est faite à celle qui sera l’aînée à l ’époque
du décès, qu’à défaut de choix.
Paul-A ugustin V é n y étant revenu à la vie c iv ile , peut
faire une élection au moins jusqu’à concurrence de la
quotité disponible.
11 peut faire une élection pour les biens à v e n ir , etchoisir la fille puînée. Il y auroit donc alors deux dona
taires , l’un des biens présens, l’autre des biens à ven ir.
�c 30 >
.
Cependant l’intention du donateur a été de n’avoir qu’un
seul d on ataire, et de ne faire qu’une seule donation de
biens pi-ésens et à venir.
L ’ordonnance permet de diviser les biens présens et à
v e n ir , mais après le décès.
Il est inouï qu’on puisse diviser la donation de biens
présens et à venir du vivant.
P o u r la d iviser, il faut renoncer aux biens à venir ; et
comment ren on cer, du v iv a n t, à des biens à v e n ir, à ded
biens qu’on ne connoît pas.
Si P aul-A ugustin V é n y acquéroit une fortune consi-*
dérable , pourroit-on opposer au m ineur V an dègre sa
renonciation? N e diroit—il pas qu’il n’a p u , ni M arieM arguerite V é n y , sa m è re , ren o n cer, du vivant du
d o n ateu r, à des biens à venir.
11 n’y a pas même de renonciation.
A utant l’administration , lors de l’arrêté du
messidor
an 2 , s’est m ontrée sévère, autant, lors de celui du pre
m ier com plém entaire an 4 , elle a été indulgente et gé
5
néreuse. Dans l’exposé des m otifs, on voit qu’elle pensoit que la pétitionnaire avoit également droit à la m oitié
des biens acquis depuis le mariage ; mais on ajoute qu’il
parnît que la pétitionnaire se borne aux biens présens.
E lle n’a demandé effectivement que la m oitié des biens
présens; mais il n’y a pas de renonciation aux biens à venix\
M ais il se p résen te, pour écarter la réclamation du
m ineur V a n d è g re , un autre m oyen, soit qu’on se réfère
à la m ort naturelle, soit qu’on se réfère à la m ort civile
du sieur de V én y . Ce moyen résulte de la loi du 18 plu
viôse an
5.
�3
C 1 )
L ’article I er. de cette lo i maintient les avantages, p récip u ts, donations, institutions conti’actuelles, et autres
dispositions irrévocables de leur n a tu r e , légitim em ent
stipulées en ligne directe avant la publication de la loi
du 7 mars 1 7 9 3 , et en ligne collatérale avant la pu bli
cation de la loi du 5 brum aire an 2 , tant, est-il d it, sur
les successions ouvertes ju s q u ’à ce jo u r , que sur celles
qui s’ouvriront à l’avenir. L a loi ne maintient que les
dispositions dont ceux au profit desquels elles ont été
faites ont été saisis irrévocablem en t, sav oir, quant à la
ligne d irecte, avant la publication de la loi du 7 mars
1793.
M arie-M arguerite V é n y a-t-elle été saisie irrévocable
m ent avant la publication de la loi du 7 mars 179 3?
L a peine de la m ort civile a été prononcée contre lés
ém igrés, par la loi du 28 mars 1793. Cette loi porte : Les
émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français; ils
sont morts civilem ent ; leurs biens sont acquis à la répu
blique.
L a m o rt civile n’a d o n c été e n co u ru e q u e p a r cette loi.
E n se référant d on c à la m ort c iv ile , la d am e V é n y -V a n dègre n’avoit aucun droit irrévocablem ent acquis avant
la loi du 7 mars. T an t que le sieur V é n y n’a point été
frappé de la m ort c iv ile , il a pu faire une élection ; et
tant qu’il a pu faire une électio n , la dame V é n y -V a n dègre n’a eu qu’un droit incertain ; elle n’en a même eu
aucun; elle n’en a point eu en vertu de la prem ière partie
de la clause, ni même en vertu de la seconde, qui ne
l'appeloit qu’à défaut d’élection; élection qu’il a été libre
au sieur V é n y de faire jusqu’à la loi du 7 mars.
�Cette loi a aboli la faculté de disposer; et ou voudra
en conclure que dès ce m om ent le défaut d’élection étant
devenu certain, le droit a été acquis en vertu de la voca
tion subsidiaire.
M ais la loi veut que le droit soit acquis antérieurement.
Il ne pourroit réclam er l’effet de la donation après le
décès, et il le réclam e du vivan t!
Comm ent peut-on dire qu’il a été saisi, par la m ort
civ ile, d’une donation dont il ne sera même pas saisi par
la m ort naturelle ?
Q u ’on n’oppose pas que la loi maintient les dispositions
irrévocables de leur n atu re, et que la disposition dont
il s’agit étoit irrévocable, surtout d’après la faculté don
née par l’ordonnance de s’en tenir aux biens présens.
O u i , elle étoit irrévocable quant au titre , mais non quant
à la personne qui devoit recueillir ce titre. L a qualité
d’h éritier , de donataire , ne peut pas exister par ellemême ; il faut un sujet à qui elle s’applique. La qualité
d’héritier e s t, si l’on peut parler en termes de gram
m aire, l’adjectif qui ne peut exister sans le sujet à qui
elle s’applique. La qualité, le titre de donataire étoit irré
vo cable; mais la personne qui devoit recevoir ce titre
étoit incertaine. Paul-A ugustin V é n y , jusqu’à la publi
cation de la loi du 7 mars 1793* pouvoit é lir e ; il pouvoit appeler à recueillir l’effet de la donation celle de
ses deux filles que bon lui seinbloit : aucune d’elles n’étoit
donc saisie irrévocablem ent.
U n arrêt d elà cour de cassation, du 13 therm idor an 1 3 ,
rapporté au journal de D en evers, pag. 8 0 , contraire à
un arrêt du 23 fructidor au 8 , qui avoit jusque-là fixé
la
�( 33 )
la jurisprudence, a jugé qu’une institution nom inative
d ’h éritier, subordonnée à un droit d’élection conféré à
un tiers, et non exercé avant la publication de la loi
du 17 nivôse, étoit devenue irrévocable; mais dans cette
espèce, le testateur étoit décédé en 179?*, antérieure
ment à la loi du 7 mars 1793.
Dans l’espèce de cet arrêt, l’institué nominativement
à défaut d’élection , avoit pour lui la volonté constante
du testateur , q u i , étant décédé en 1782 , n’avoit pu en
changer. Mais ici M arie - M arguerite de V é n y n’a pas
eu une volonté constante du d o n ateu r, antérieure à la
lo i du 7 mars 179 3 , puisqu’il a pu jusqu’à cette époque
faire une élection , et par cette élection la p river de
l ’effet de la seconde partie de la clause, qui ne l’appeloit
que subsidiairernent.
Comment le mineur Y an d ègre s’ap p liq u eroit-il, à Vexclusion de la dame de Sampigny yl’effet de cette donation ?
E t la dame de Sam pigny ne révendique point. E lle a
au contraire appelé tous les créanciers à enchérir sur
la totalité de la terre.
O n a tellement rendu homm age aux principes qu’on
vient d’établir, on a tellement reconnu que M arie-M arguerite Y é n y n’ayant point été saisie irrévocablem ent
avant la publication de la loi du 7 mars 17 9 3 ,1a dona
tion étoit sans effet, que dans l’acte du 29 brum aire an 11
on attribue la m oitié donnée, p a r égalité, au m ineur
V an d ègre et à la dame Sampigny : T roisièm em en t, est-il "
d i t , pour consolider enfin su r la tête du m ineur et de
la dame Sa m p ig n y, par égalité entre e u x , la pleine
propriété et jo u issa n ce , dès à p résen t, et m com m utaE
�**
( 34 )
blem ent.de la m o itié de la terre de J a y e t dont s’a g it,
quels que soient les événeniens ; ce qui seroit intolérable,
si le m ineur seul avo it dû recueillir l’effet de ladonation.
E t la dame de S a m p ig u y, encore une fois ne reven
dique point.
O n a dém ontré que la donation étoit nulle. O n a établi
que la donation ayant été faite à la charge d’une subs
titution graduelle et p erpétuelle, et par conséquent de
Ja faire publier et in sin u er, les créanciers qui ont con
tracté à la bonne foi ne doivent point être victimes de la
juste opinion qu’ils ont dû avoir que les biens étoient
libres sur la tête de leur débiteur. Subsidiairement on a
jétabli que le m ineur V andègre n’étoit point saisi de la
donation ; et du moins ne doit-on pas envier aux créan
ciers la ressource de se venger sur l’usufruit, la vie durant
de Paul-A ugustin V é n y .
R evien dra-t-on sur l’arrêté du départem ent? D irat-on qu’il n’y a plus lieu à agiter toutes ces questions?
O n a déjà répondu que cet arrêté ne pou voit être opposé.
M ais voici une autre réponse.
O n pourroit s’en faire un m oyen, si les choses étoient
encore dans le m ême état.
M ais depuis, cet arrêté est devenu sans effet, par la
réunion de la qualité d’acquéreur, par le contrat judi
ciaire résultant de la notification de la transcription.
P a r la réunion de la qualité d’acquéreur ! M ai'ieG en eviève M alet de V a n d è g re , à qui a été consentie
la vente de 1 7 9 2 , est décédée en l’an 6 ; M a rie-M a rguerite V é n y lu i a succédé conjointement avec Marie-
�C 35 )
M S
A n n e V é n y , sa sœ ur; elle n’a point fait faire d’inventaire',
elle s’est portée héritièi’e pure et simple.
Si elle entendoit ne pas confondre sa qualité de do
nataire, elle de voit n’accepter la succession que sous b é
néfice d’inventaire.
Ce n’est pas le m ineur V an dègre qui a succédé et qui
pourroit se jouer de ses qualités; c’est M arie-M argueritè
V é n y , qui étoit majeure.
D epuis elle est décédée elle-m êm e; elle a transmis sa
succession au m ineur V andègre ; mais celui-ci ne peut
pas avoir plus de droit que M arie-M arguerite V én y.
D ès le m oment de l’acceptation de la succession, M arieM arguerite V é n y a été aux droits de Ma rie-G en ev iè v e
M alet de Vandègre.
/
P aul-A ugustin V é n y a pu vendre. Il a pu vendre dès
qu’il ne portoit point atteinte à la m oitié des biens donnés:
car il n’avoit pas promis la m oitié de chaque nature de
bien s, mais généralem ent la m oitié de ses biens. O r ,
à l’époque de la vente, la terre de Jayet n’excédoit pas
la m oitié des biens libres. Il a pu vendre pour payer des
dettes toutes antérieures, et qui frappoient sur les biens
présens.
M ais en supposant qu’il lui eût été interdit de vendre
au préjudice de la donation , M arie-M arguerite V é n y ne
peut attaquer un acte qui est devenu son propre titre.
P aul-A ugustin V é n y ne peut l’attaquer: le retour de
l ’ém igration ne lui donne pas le droit de revenir contre
les actes qu’ il a souscrits auparavant. L ’adversaire con
vient lui-m êm e que l’arrêté du messidor an 2 , qui l’a
5
déclaré n u l , n’est que dans l’intérêt national, et c’est
E 2
�36
(
)
ce qui a etc encore jugé par un arrêt de la cour de cas
sation, du 28 frim aire an 13.
M arie-M arguerite V é n y est également tenue de l’exé
cuter. E lle étoit majeure à l’époque de l’ouverture de
la succession de M arie-G eneviève M alet de V a n d èg re;
elle a accepté la succession purem ent et simplement ; elle
est tenue de tous ses engagemens.
E t c’est l’équivoque à laquelle il faut prendre garde.
O n se référera toujours à l’arrêté du prem ier com plé
mentaire an 4. Cet arrêté donnoit la m oitié de la terre
de J ayet; mais depuis la donataire a succédé à celle qui
a acquis. Comme ayant succédé à celle qui a acquis, elle
est bien tenue de tous ses engagem ens, et par consé
quent de tenir le p rix de la vente à la somme de 130000 fr.
à laquelle il a été p o rté, en y com prenant les 10000 f.
capital de la rente de oo fr. due aux Sœurs religieuses
de Saint-Joseph de Vensat.
O n n’op p osera sans doute point l’acte du 29 brum aire
an 11. Sans faire d’autres réflexions sur cet acte, P aul-
5
A ugustin V é n y n’a pu évidem m ent dim inuer le p rix de
la prem ière vente, au préjudice des créanciers.
L a dame veuve Juge et les autres créanciers auroient
pu demander la nullité de cet acte, comme fait à leur
préjudice. M ais la déclaration d’enchère opéroit le même
effet; elle a enchéri également sur cet acte.
‘ M arie-M arguerite V é n y ayant succédé à M arie-G eneviè ve M alet de V an d ègre, a succédé à l’engagement que
celle-ci a contracté par la vente de 179 2; elle doit faire
compte en deniers, délégations, ou reprises valables, de
la somme de 130000 fr.
�(
37
)
Mais si elle est liée par la ven te, les créanciers ne sont
pas liés envers elle ; elle doit faire com pte de la somme
de 130000 f r ., sauf à déduire ses reprises, a d legitim u m
m od um . M ais rien n’empêche que les créanciers ne puis
sent enchérir.
Cette surenchère n’a rien que de favorable ; elle con
serve les intérêts de tous ; les intérêts du m ineur qui sera
libéré d’autant plu s, et les intérêts des créanciers, m êm e
des créanciers qui ont contracté postérieurement au ma
riage, parce qu’ils ont intérêt que les créanciers antérieurs
soient payés sur les biens présens, pour dégager les biens
à venir.
L e sieur de V an dègre ne s’est pas dissimulé l’objection.
Il répond que la confusion a cessé p arla mise aux enchères;
que la mise aux enchères a effacé la qualité d’acquéreur,
et ne laisse plus subsister que celle de donataire.
M ais c’est une erreur. Il ne faut pas confondre la mise
aux enchères, en cas de vente volo n taire, avec l’expro
priation forcée. Dans l’expropriation forcée , l’enchère
est effacée de plein droit par la surenchère , au point
qu’à défaut de p a y e m en t de la p a rt du s u ren ch érisse u r,
on ne peut revenir sur celui qui a enchéri le p rem ier,
sauf à poursuivre la revente à la folle enchère sur le
surenchérisseur.
Il n’en est pas de même , dans la mise aux enchères,
en cas de vente volontaire. L ’acquéreur , nonobstant la
mise aux en chères, n’est pas moins acquéreur. La mise
aux enchères suppose toujours une vente préexistante, et
une vente valable. 11 y a toujours ven te; il n’y a que la
personne de l’acquéreur de changée, si le prem ier acqué
reur ne veut pas enchérir à son tour. C ’est ce qui résulte
�de l’article 18 de la lo i du n brum aire , sur le régime
hypothécaire.
w « Si au jour annoncé pour l’adjudication, il se pré« sente des enchérisseurs, l’im m euble est adjugé à celui
« qui fait l’offre la plus avantageuse.
« Dans le cas contraire , elle est faite au profit du
« créancier p r o v o c a n t, pourvu qu’il la requière. S’il
« ne se présente p o in t, ni personne pour l u i , à l’effet
a de la re q u é rir, le tribunal d éclare, après l’extinction
« des trois feux consécutifs, que ce créancier demeure
« déchu du bénéfice de son enchère, et que Vacquéreur
« continue de dem eurer p ro p riéta ire, m oyennant le
« p r ix stipulé dans son contrat. Il condamne celui qui
« aura provoqué la vente aux frais de la poursuite , et
« en outre à payer , com m e excédant du prix , la somme
« à laquelle il s’étoit obligé de porter ou faire porter
a l’immeuble en sus du p rix conventionnel. »
C e seroit donner un singulier effet à la mise aux en
chères , de donner à cette mise aux en chères, com m e
des biens de P a u l-A u g u stin V é n y , l’effet de distraire
au contraire des biens dudit V é n y l’objet soumis à la
déclaration d’enchère, de faire revivre le droit que Marie-.
M arguerite V é n y auroit pu avoir de reven diquer; droit
éteint par la confusion!
Cette mise aux enchères détruit-elle la qualité pure et
sim ple d’héritière de celle qui a acquis?
L a réserve portée, par l’acte du 29 brum aire an 1 1 ,
de faire valoir les droits résultans de la donation , dans
le cas où su r la transcription et la notification de la
transcription il surviendrait des enchères de la part
des c r é a n c ie r s, est insignifiante. Cette réserve ne peut
�( 39
s% o\
)
pas plus que la mise aux enchères faire revivre la qualité
de donataire étein te, non dans la personne du m ineur
V an d ègre, q u i, à raison de sa m inorité ,.auroit pu se faire
restitu er, mais.dans la personne de M a rie-M a rg u erite
V é n y , par la confusion.
I/arrêté du départem ent est encore anéanti par le
contrat judiciaire résultant de la notification de la trans
cription.
Q u ’est-ce quela transcription? C’est la soumission de rap
porter aux créanciers inscrits le p rix du contrat. Q u’estce que la notification de la transcription? C ’est la sou
mission de rapporter l’immeuble m êm e, si les créanciers
prétendent qu’il a été vendu à trop bas prix \ c’est une
invitation faite aux créanciers d’enchérir pour l’avantage
de tous ; c’est une form alité introduite par la lo i pou r
préven ir toute fraude de la part du débiteur.
L e sieur de V an dègre s’est fait autoriser par avis de pare n s,p o u r revenir contre cette notification de transcrip
tion , contre son propre ouvrage. M a i s tout ce qui est fait
au nom des mineurs est-il nul par cela seul ? Si le m i
n e u r , ou le tuteur pour le m in eu r, ne fait que ce que
le majeur le plus prudent auroit fa it, sera-t-il reçu à de
mander à être restitué ?
L a transcription , et la notification de la transcription,
ne sont qu’une suite de la vente, de (1792. L e tuteur n’a
fait que ce qu’ une sage,.une vigilante administration lui
prescrivoit.
Il ne faut pas perdre de vije que le m ineur V an d ègre
n’a pas succédé directement à l’aïeule. S ’il avoit succédé
*4
�( 40 )
directem ent, il pourroit se faire restituer contre l’accep
tation pure et simple de sa succession :mais c’est MarieM arguerite V é n y qui a succédé, qui étoit alors majeure.
Il faut faire abstraction du m ineur V an d ègre, et ne con
sidérer que M arie-M arguerite V én y.
P a r la notification de la transcription il s’est form é
un contrat judiciaire.
L a prétention qu’on élève au nom du m ineur V a n
dègre ne tend pas seulement à enlever aux créanciers
la m oitié de la terre de J a y e t, mais encore la moitié
de la terre de M o n tro d ès, que l’arrêté déclare aussi
faire partie des biens présens, ainsi que la m oitié de tous
les biens avenus à P a u l-A u g u s tin V é n y par le décès
de son père. O n voit donc combien les créanciers seroient
constitués en perte.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
N u llité de Vaffiche.
Cette seconde question est commune au sieur de V a n
dègre et à la dame de Sampigny.
Les appelans trouvent extraordinaire que les premiers
juges aient accueilli les moyens de form e , et en môme
temps statué au fond; qu’ils aient prononcé la nullité de
l ’afRclie, et qu’ ils aient fait droit au fond sur la revendi
cation. C ’est suivant eux la prem ière fois qu’on a cumulé
les moyens de form e'avec ceux de fond.'M ais la nullité
et le jugement au fond ne portent pas sur la même de
m ande:
�monde : la nullité porte sur l’affiche, et le jugem ent au
fond porte sur la demande en revendication. Sans d ou te/
si la nullité avoit porté sur la demande en revendication,
si on avoit soutenu que cetle demande étoit nullem ent
et irrégulièrem ent fo rm é e , on n’auroit pu la déclarer
n u lle , et en même temps faire droit au fond, juger si
elle étoit bien ou mal fondée; mais ici la nullité n’avoit
trait qu’à l’affiche; et en déclarant l’affiche n u lle, le juge
n’avoit-il pas le p o u v o ir , disons m ie u x , n’étoit-il pas
indispensable, de faire droit sur la revendication, pour
déterm iner ce qui pouvoit être compris dans la nouvelle
affiche.
Les appelans prétendent que mal à propos les premiers
juges ont pensé que le dom icile réel de P a u l-A u g u s tin
V é n y étoit à Paris, et eux-mêmes l’ont reconnu dom i
cilié à Paris , par l’acte de notification de l’enchère de
ladite veuve Juge. O n sait que tout acte doit être signifié
à personne ou à domicile. Cet acte de notification, pres
crit par l’article . . . de la loi de brum aire an y , n’a pas
été signifié à personne; et si le dom icile n’est pas à Paris,
l’acte de notification seroit n u l, et par conséquent tout
ce qui a suivi.
Dans l’affiche même on le déclare dom icilié à P a r is .
Indépendamment des nullités accueillies par le juge
ment dont est a p p e l, il en seroit une autre bien sensible
dans le système du sieur de V andègre.
Dans l’affiche on comprend la totalité de la terre de
Jayet; ensuite il est dit que Vadjudicataire rfentrera en
jou issa n ce y et ne deviendra propriétaire dès le m om ent
de l'a d ju d ica tio n , que de Vautre m oitié des biens de
F
�( 43
J
J a y e t, seulement telle q u ’elle avoit été f ix é e p a r le par
tage f a it avec la république.
E t on ne transcrit point le partage; en so rte, comme
on l’a déjà o b serv é , que l’affiche désigne et ne désigne
point les objets à vendre.
O n conçoit que ce moyen n’est que subsidiaire, dans
le cas o ù , ce qu’on est loin de penser, les intimés succom beroient sur la revendication.
U n autre m oyen, qui n’est pas subsidiaire, est l ’omis
sion dans l’affiche du droit éventuel de P a u l-A u g u stin
V é n y de rentrer dans ses biens, en cas où il viendroit à
survivre à tous ses enfans ou descendans. Ce n’est pas ici
une expropriation forcée. Dans une expropi’iation forcée
on com prend ce que l ’on veut; mais c’est ici une revente,
et la revente doit com prendre tout ce qui est dans la
vente. Il faut bien se fixer sur la nature de la réclamation
du sieur de V a n d èg re; il ne demande pas, au nom du
m in eu r, la nullité de l’acte du 29 brum aire an n ; il ne
réclame que la distraction de la m oitié des biens donnée,
en vertu de la réserve qu’il s’est faite par ce même acte,
de faire valoir la donation et tous autres titres, dans le
cas o ù , sur la notification de la transcription , il surviendroit des enchères; en sorte qu’il entend bien que
l ’acte subsiste en tout ce qui ne porte pas atteinte à la dona
tion , et par conséquent quant à la vente du droit éven
tuel. Q uelque fo ib le , quelqu’incertain que soit ce droit
éventuel, car il n’est pas à présumer que Paul-A ugustin
V é n y ait le m alheur de survivre à toute sa descendance, il
est compris dans la vente. Il devoit donc être compris dans
l’affiche pour parvenir à la revente.
�^
C 43 )
Les appelans a voient opposé contre la déclaration même
d’enchère de la veuve J u g e , une fin de n on -recevoir,
i ° . comme la veuve Juge étant sans intérêt; 20. comme
n’étant point légalem ent inscrite. O n ne conçoit pas com
ment la veuve J u g e , à qui il est dû plus de 36000 francs,
auroit été sans intérêt. Ils déclarent au surplus, dans le
m ém oire im prim é, qu’ils n’y insistent poin t; et ils tachent
même de s’en faire un mérite.
Il ne reste plus qu’à ajouter k tout ce qu’on vient de
d ir e , les motifs du jugement où l’on trouvera encore
de nouvelles considérations.
M o t if s du ju g em en t.
• « En c e qui concerne le reproche fait à la dame Queriau ,
d’être sans qualité et sans intérêt pour procéder en l’instance ;
« Et d’abord, en ce qui touche le moyen tiré de ce que l’ins
cription de la dame Queriau a été faite dans un temps où le sieur
de Villem ont, comme réputé ém igré, étoit mort civilem ent,
et qu elle ne l ’a pas renouvelée après la radiation du sieur de
Villem ont;
' « Attendu que l’article 17 de la loi du 11 brum aire, a réglé
que l’inscription sur une personne décédée peut être faite sur la
simple dénomination du défunt ; que la dame Q u eria u , en réputant le sieur de Villem ont comme m ort, s’est conformée à
la loi;
et Attendu que cette loi étant générale , embrassant toute
espèce de créanciers et débiteurs, la dame Queriau, pour con
server ses droits ainsi que le rang et ordre de son hypothèque,
a dû prendre les précautions ordonnées ; que les mesures pres
crites par la loi ne devant jamais rester sans efiet, la dame Q u e
riau est fondée à en réclamer le bénéfice ;
F 2
�(
44
)
3
« Attendu que la loi du . . . . prairial an , qui ordonnoit aux
créanciers d’émigré de faire liquider leurs créances pour en tou
cher le m ontant, étoit une loi de circonstances, qui ne concernoit que les créanciers jaloux de réclamer leurs créances sur
la république , comme étant à la place de l'émigré ; mais que la
dame Q u eriau , ne demandant rien à la république, n’a pas eu
besoin de se faire liqu id er, les lois d’exception devant se ren
ferm er strictement dans leur cas particulier;
« Attendu que la loi de l’an , antérieure à celle de l’an 7 T
sur les hypothèques, n’a pu en détruire les effets , surtout lors
que la dame Queriau les invoque, non contre la république, mais
bien contre son débiteur, rentré dans ses droits éventuels, ou
contre ses représentans;
« Attendu qu’on ne peut puiser dans la loi du 16 ventôse
an 10, qui a prorogé le délai de faire inscription en faveur des
créanciers d’émigré, un m otif pour faire rejeter l’inscription déjà
faite par la dame Queriau , i°. parce qu’une loi de faveur et
de bienfait ne peut jamais devenir un titre de réprobation
20. parce que la loi en autorisant * sur les émigrés rétablis, l’ins
cription avec tous ses droits et privilèges, a entendu nécessai
rement que les inscriptions déjà faites par prévoyance eussent
le même effet sur ces mêmes ém igrés, la raison étant la même
pour un cas comme pour l’autre.
« En ce qui touche le défaut d’in térêt, reproché à la dame
Queriau ;
« Attendu qu’on n e peut raisonnablement opposer à la dame
Queriau qu’elle pourra être payée sur la m oitié, c< mme sur la
totalité du bien de J a y e t, puisque la démarche des poursuivans
dans l’instance , ayant pour objet de soustraire à la prise des
créanciers la moitié de ce domaine, la dame Queriau est fondée
à craindre d’être primée par des créanciers antérieurs , et que par
là l’autre moitié de l'immeuble ne sufiise pas pour remplir sa
créan ce; qu’a in si , n o n - s e u l e m e n t elle peut, mais qu’elle doit
m êm e, sous le rapport de son intérêt, s’opposer à ce qui peut
affaiblir son gage et sa sûreté;
3
�C
45
)
^
cc Attendu qu’en général tous les créanciers appelés à une exprô^
priation de leur débiteur , ont droit et intérêt de critiquer les dili
gences des poursuivans , soit sur le fond de la dem ande, soit sur
la régularité des poursuites , parce que le bien de leur débiteur
fait leur g a g e , et parce que les vices et les irrégularités retar
dent leur payement, et que si en d’autres circonstances les ac
tions sont seulement relatives, en matière d’expropriation toutes
les prétentions ainsi que tous les actes sont directs et person
nels à chacun des créanciers qui y trouve, ou un avantage à
prendre, ou un mal à éviter ;
cc Attendu que la dame Queriau ayant été appelée, soit pour
enchérir, soit pour l’audience d’expropriation , en vertu de son
inscription de l’an 7 , les poursuivans ont publiquement reconnu
par là qu’elle avoit intérêt et qualité suffisante dans la con
testation.
cc En ce q u i touche la revendication demandée par les pour
suivans , de la moitié du domaine de Jayet;
<c Attendu que cette demande se trouve en contradiction avec
la démarche faite parles demandeurs, lorsqu’ils ont soumis à la
transcription le contrat de vente de 1792 ; que cet arrangement
de famille ayant embrassé le domaine de Jayet sans division,
a dû être valable pour la totalité, ou nul pour le tout ; que les
poursuivans par leur transcription l ’ayant adopté et ratifié pour
le tout, ne peuvent prétendre aujourd’hui que cet acte doit être
scindé , puisque ce sont les actes qui font connoitre les véri
tables intentions des parties, et non les réserves faites après coup,
suivant la maxime '.P lusvalere quodagiturquam quod simultaùe
concipitur;
cc Attendu que la transcription étant un acte par lequel l’ac
quéreur vient demander à-la justice d’étre rendu propriétaire
incominutable, et n’obtenant ce bienfait que sous la condition
que les droits des créanciers inscrits seront conservés, il résulte
une espèce de contrat judiciaire, dont l’acquéreur ne peut plusw départir ; que la dame Q ueriau, en faisant une en ch èrer a
/
�•‘ a t
4
C ^> )
spécialement accepté le contrat ; que son enchère, la transcrip
tion des poursuivans, se lient et se rattachent au contrat de
vente de 1792, et par conséquent à la totalité du domaine de
J a y e t, dont la revente sans restriction est inévitable ;
« Attendu que les autres créanciers ayant aussi été provo
qués à enchérir , ayant aussi reçu des poursuivans l’assurance
d’étre payés jusqu’à concurrence du prix de la totalité du bien
de Jayet, ont également été saisis de cette promesse; que le
contrat est également formé avec e u x , puisqu’ils ont adhéré
aux demandes de la dame Q u eriau , et pris les mêmes conclu
sions qu’elle ;
« Attendu que le contrat de vente de 1792 ayant été con
senti à la dame de Vandègre, mère et belle-m ère des poursui
vans , la transcription par eux requise a implicitement annoncé
aux créanciers inscrits que c ’étoit en qualité d’héritiers de la
dite dame de Vandègre, qu’ils se rendoient propriétaires incommutables de cet im m euble, et que les créanciers pouvoient li
brement faire valoir les droits qu’ils pouvoient avoir sur tous les
biens de Jayet, comme venant en dernier lieu de la dame de
"Vandègre ; que les créanciers ayant suivi cette impulsion , ne
peuvent appréhender l’effet d’une revendication qui n’auroit pu
être reconnue contre la dame de Vandègre ;
« Attendu que la transcription du contrat de 1792 renferme
aussi, de la part des poursuivans, une volonté formelle de re
noncer à tous autres actes qui auroient pu porter atteinte à cette
v e n te , une intention marquée d’adopter ce règlement de préfé
rence , de s’y tenir plus particulièrement qu’à tout autre, et de
fixer sur lui seul l’attention et les poursuites des créanciers ;
« Attendu que sans cette intention spéciale dans les pour
suivans, la transcription de la vente de 1792 devient inexpli
cable ; elle ne présente aucun objet vis-à-vis des créanciers : la
notification qui leur a été faite seroit illusoire ; ce que l’on ne
peut admettre ;
« Attendu que l ’objection du traité de l’an 1 1 , passé entre
�le sieur de Villem ont et ses enfans, et soumis à la transcription’,
comme ayant dérogé à la vente de 1792, seroit sans fondem ent,
puisque cet acte ne peut concerner que les parties qui y sont
contractantes; qu’il est étranger aux créanciers dont les droits
étoient antérieurs et légalement conservés ; que de plus il parolt
que cet acte n’a eu pour objet que de donner plus d’effet et d’éten
,
due au contrat de mariage des père et m ère, d u ............ 1
de prendre des mesurés contre les prétentions du père, et d’as
surer l’egalité entre les enfans ; tous objets qui n’ont pu lier les
créanciers, et préjudicier à leurs droits;
« Attendu qu’en basant sur la donation de biens présens et à
venir, de 1775 , la revendication dont il s’agit, elle ne devient
pas plus favorable , puisque vis-à-vis des tiers tels que les créan
ciers, la donation n’est pas encore ouverte; qu’il faut attendre,
pour lui donner e ffe t, la mort naturelle du sieur de Villem ont;
que la mort civile par lui encourue m omentanément, a pris fin ,
relativement aux suites de la donation des biens présens et à
ven ir, par sa radiation de la liste des ém igrés; que les droits
éventuels attachés à sa personne, et subordonnés seulement à
sa mort n atu relle, ont repris vis-à-vis des tiers toute leur force
et effet primordial ; que sans doute au décès du sieur de Ville*
m ont, ses enfans donataires auront le choix de s’en tenir aux
biens présens seuls , en payant les dettes existantes lors de sa
donation , ou de prendre les biens présens et à venir, à la charge
de payer les dettes au temps du décès ; de même que les créan
ciers ou autres ne pourroient un jour obliger les enfans à se res
treindre aux seuls biens présens, et abandonner tous les biens'
à venir, de même ceux-ci ne peuvent dès à présent forcer les
créanciers à reconnoltre l’option prématurée des biens présens;
que par la raison que les enfans ne peuvent être dépouillés d e '
l’espérance des biens à venir,, ils ne peuvent aussi se d ire , h
l’égard des créanciers, saisis et revêtus des biens présens; que
le sieur de Villemont ne peut être en même temps réputé m ort,
pour donner aux enfans le privilège actuel de prendre les biens ;
773
�! « Attendu que si le s^natus-consulte de l’an 10 n’a rétabli
les émigrés dans leurs droits c iv ils , que sous condition de ne
pouvoir attaquer les actes faits par la nation, cette disposition
ne concerne que les émigrés personnellem ent, pour qu’ils ne
viennent pas porter le trouble, soit dans leur fam ille, soit dans
les arrangemens qui peuvent intéresser des tiers ; mais cette
défense n’a trait qu’aux seuls ém igrés, et n’a pas pour but de
frustrer des créanciers légitimes ; que dans la circonstance les
enfans du sieur de Villem ont ne peuvent pas être considérés,
vis-à-vis des créanciers, comme des tiers, ayant un droit acquis
par la ci-devant mort civile de leur p ère , puisqu’il n’est pas ques
tion , dans la circon stan ce, d ’un droit déterminé et con stan t,
comme seroit un fidéicommis sur des biens désignés, lequel seroit ouvert d’après l’article 24 de l’ordonnance des substitutions,
mais qu’il s’agit d’une donation de biens présens et à venir ; que
les effets de cette donation , quant aux biens présens, sont en
core liés, et inséparables de celle des biens à ven ir, dont l’op
tion est de droit attachée à la mort naturelle du sieur de V il
lem ont; que jusque-là rien n’est encore dû au donataire de cette
espèce, et que les enfans ne peuvent opposer à des créanciers
inscrits des actes qui n’ont pas été transcrits , et qui ne peuvent
être opposés à des tier6 ;
cc Attendu qu’indépendamment des principes , il se présente
en faveur de la dame Queriaux des motifs d’équité qui déter
minent , puisque ses droits sont constans et légalement con
servés ; que son hypothèque, assise sur tous les biens du père
tant qu’il étoit vivan t, étoit incontestable ; qu’elle retrouve au
jourd’hui les mêmes biens dans les mains de son débiteur ou de
ses enfans , qui n’ont pu les prendre qu’à titre d’enfans, et par
anticipation sur la succession de leur père encore vivant. Com
m en t, dans une telle position, la punition infligée par la loi au
père s e u l, profitable aux enfans à l’égard du père s e u l, pourroit-elle rejaillir sur un créancier légitime V Corpment des actes
qui n’ont été réellement que des arrangemens de famille et
de
�( 49 )
^
de circonstances, qui par leur tourn ure, leurs précautions et
leur obscurité , annoncent les circonstances qui les ont fait
naître ; comment de tels actes pourroient-ils fonder une reven
dication qui suppose des titres précis et des droits ouverts? D e
tels actes ne peuvent être regardés d’un oeil favorable.
« En ce qui touche les nullités de la procédure ;
a Attendu que les parties ont respectivement confondu avec
les moyens de la revendication, ceux de la nullité de la procé
dure , et qu’il a fallu en temps faire droit sur les uns et sur lea
autres, pour ne pas laisser la perspective d’une contestation
assurée au moment de la revente ;
« Attendu qu’après avoir présenté aux enchères la totalité de
J a y e t, après avoir induit à faire des offres sur cette totalité , la
revendication de la moitié du domaine, faite par les poursuiv a n s, tend à laisser sans enchère réelle l’objet proposé à la
revente, puisque, d’un côté, la dame Queriau se trouve avoir
fait sur une moitié de domaine une enchère qu’elle n’auroit pas
fa ite , ou qui auroit été beaucoup m oindre, et d’autre c ô té , les
poursuivans ont été obligés de consentir à l ’audience que cette
enchèrefut restreinte, ou q u 'il en f û t f a i t une nouvelle; qu’ainsï
il est vrai de dire que l’affiche a été présentée au public san6
véritable enchère , puisque celle qui est mentionnée n’est pas,
de l’aveu même des poursuivans , l ’e n c h è r e véritable et sérieuse,
qui doit être la première mise , et qu’ainsi l’article 5 de la loi
du 11 brumaire a été violé à cet égard.
« En ce qui touche la nullité résultante de ce qu’il n’a pae
été mis d’affiche au domicile du débiteur ;
« Attendu qu’on ne peut révoquer en doute que le dom icile
réel du sieur de Villemont ne fût à P a ris, vieille rue du Tem ple
( n°. 180 ) ; que le sieur. Villemont le déclare lui-méme dans son
acte d’élection de dom icile; que les poursuivans l’ont eux-mémes
reconnu, en signifiant au sieur de V illem o n t, à ce domicile de
Paris , com m a le seul domicile lé g a l, l'enchère de la dame
Queriau ;
G
�(
5o
)
« Attendu qu’il n’a pas été plus difficile d’apposer une affiche
au domicile de droit du sieur de Villem ont, que de lui signifier
une enchère ; que l’un et l’autre de ces actes étoient également
du ministère de l’huissier , également prescrits par la l o i , et que
l’exécution exacte de l’un de ces actes devient un titre de con
damnation pour celui qui a été omis et négligé ;
« Attendu que l’article
de la loi du 11 brumaire commandoit impérieusement cette formalité ; que la loi paroît avoir eu
deux objets dans cette disposition ; i°. d’apprendre au débiteur
qu’il est réellement exproprié, ou que le bien par lui vendu est
à l’enchère; 2°. de faire connoitre au public le degré de sûreté
et de confiance présenté par celui sur les biens duquel il y a des
poursuites légales; °. que la loi a toujours h cœur que les actes
importans soient faits au domicile réel et de droit du débiteur,
comme partie la plus intéressée à les connoitre ;
« Attendu que l’élection de dom icile, faite par le sieur de V il
lemont , chez M. Lougnon , son avoué , ne pouvoit dispenser de
faire l'affiche au domicile de d ro it, les élections de domicile
chez une personne désignée n'ayant lieu que pour les significa
tions des actes ordinaires et des copies de procédure , et non
pour une apposition d’affiche, qui doit être faite au domicile réel
et de droit ;
5
3
a Attendu que l’affiche n’a même pas été apposée au domicile
élu du sieur de V illem on t, et qu’ainsi la loi a été froissée dans
une de ses plus essentielles dispositions ;
« Attendu qu’à défaut du sieur V illem o n t, pour relever le
vice de la procédure, la dame Queriau et les autres créanciers
sont autorisés à s’approprier ce moyen ; qu’ils sont au droit de
leur débiteur, et qu’ils ont le même intérêt que lui à l’exécu
tion des formalités prescrites par la loi.
« En ce qui touche le moyen tiré de ce qu’il n’a pas été posé
d’affiche aux bâtimens du domaine de Jayet ;
« Attendu que cette formalité est aussi rigoureusement pres
crite par l’article de la loi du 11 brumaire ; qu’ainsi elle a dû
5
�( 51 )
être exécu tée, puisque l'affiche énonçoit l ’existence de ces bàtimens du domaine avec leur couvfcrture, et que par lù ils étoient
présentés comme étant en état d’exploitation.
« Attendu qu’il ne suffit pas d’alléguer que ces bâtimens
n'existent plus, et qu’ils sont tombés en ruine; car ou ils sont
écroulés, comme on le prétend, et alors il falloit n’en pas faire
mention dans l’affich e, au lieu de présenter aux enchérisseurs
un appât trompeur et mensonger, ou ils existent en tout ou en
partie, et il falloit une apposition d’affiche, même sur les ma
sures, comme restes des bâtimens saisis; qu’ainsi le vœu de la
loi a été m anqué, et la procédure infectée d’un vice radical.
« En ce qui touche le moyen tiré de ce que la contenue des
bâtimens du domaine n’est pas spécifiée ;
« Attendu que le même article
de la loi du 11 brumaire
exige aussi cette mention de contenue; qu’il importe à ceux
qui se présentent pour enchérir, de connoître l’étendue des bâ
timens d’un domaine, ainsi que leur existence et bon état; que
l’énonciation de l’étendue des bâtimens de m aitre, faite par les
poursuivans , leur apprenoit qu’il falloit pareille énonciation
pour les bâtimens d’exploitation, et qu’une telle omission est
encore un manquement essentiel de la loi.
« En ce qui touche la nullité fondée sur ce que les affiches
ont été posées un jour’ non ferlé, au lieu do l’avoir été u n jour
de dimanche ;
« Attendu que la loi du n brumaire ayant spécifié en détail
les formalités les plus importantes pour la régularité dçs af
fiches , n’a pas exigé qu’elles fussent posées un jour férié ou
non férié; qu’on ne peut à cet égard ajouter à sa disposition,
et créer une nullité qu’elle n’a pas voulu prononcer; qu’enfin
les dispositions de rigueur doivent être restreintes plutôt qu'é
tendues.
« En ce qui touche la distraction des quarante-quatre septerées de terre délaissées aux frères et sœurs du sieur de Villeinont, comme n’étant pas de la comprise du domaine de Jayet,
et par eux revendiquées ;
5
�(5 2 )
« Attendu que les motifs de la revendication sont Fondés;
que les poursuivans y ont consenti à l’audience ; que la dame
Queriau ne s’y est pas opposée non plus , seulement qu’elle
s’est réservé ses moyens de droit sur ces quarante-quatre septerées de terres, et que les autres créanciers comparans ne s’y
sont pas opposés. »
'
T els sont les motifs qui ont déterm iné les premiers
juges , et qui entraîneront sans doute la décision des
magistrats supérieurs.
M e. P A G È S - M E I M A C , ancien avocat.
M e. D E V È Z E , avoué licencié.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r io t , seul imprimeur de
la Cour d’appel. — Mai 1807.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Juge-Solagniat. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions
avancement d'hoirie
adjudications
créances
ventes
enchères
nullité
affichage
minorité
conseils de famille
séparation de biens
contrats de mariage de mineurs
donations entre vifs
experts
séquestre
coutume d'Auvergne
mort civile
expropriations
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Martial Juge-Solagniat, maire de la ville de Clermont-Ferrand, tant en son nom que comme héritier de la dame Queriau, sa mère, intimé ; Contre sieur Gilbert-François Malet de Vandègre, membre du conseil général du département du Puy-De-Dôme, habitant au lieu d'Englard, commune du quartier, en qualité de père et légitime administrateur, et tuteur légal de Delphini-Gilbert-Antoine Malet de Vandègre, son fils, et de défunte dame Marie-Marguerite Vény, son épouse ; et contre dame Marie-Anne Vény, épouse du sieur Ignace-Hyacinthe Sampigny, de lui autorisée, habitante de la ville de Riom, appelans ; En présence des autres créanciers de Paul-Augustin Vény, aussi intimés ; Et en présence dudit Paul-Augustin Vény, pareillement intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1792-1807
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
52 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1714
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1711
BCU_Factums_G1712
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1710
BCU_Factums_G1715
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53317/BCU_Factums_G1714.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
adjudications
affichage
avancement d'hoirie
conseils de famille
contrats de mariage de mineurs
coutume d'Auvergne
Créances
donations entre vifs
émigrés
enchères
experts
expropriations
minorité
mort civile
nullité
séparation de biens
séquestre
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53316/BCU_Factums_G1713.pdf
50bc09d60416083c1e7fce90049c323e
PDF Text
Text
77
MEMOIRE
'
.
I
:
P O U R
Sieur G i l b e r t -Fr a n c o i s M A L E T D E V A N D È G R E ,.
propriétaire, m em bre du conseil gén éral d u départem ent
du Puy-de-D ôm e, habitant au lieu d’Englard, commune
du Q u a rtie r, en qualité de père et légitim e administra
teur , et tuteur légal de D e lphini - G ilb er t-A n to in e
M a l e t d e V a n d e g r e son fils, et de feue dame M arieM arguerite V É N Y , son épouse; dame M a r i e - A n n e
V E N Y , épouse du sieur Ignace-H yacinthe S a m p i g n y ,
de lui autorisée, p ro p riétaire, habitant de cette ville
de R iom , appelans d’un jugement rendu au tribunal
d’arrondissement de cette v i l l e le 8 therm idor an 1 2 ;
C O N T R E •
L e sieur J U G E , propriétaire , f ils et héritier de la
dame Q u e y r i a u x , veuve J u g e , h abitant de la ville
de Clerm o n t, et autres créanciers inscrits su r sieu r
P a u l-A u g u stin V é n y , intim és ;
ET
E N C O R E
L e sieur P a u l - A
C O N T R E
V E N Y , propriétaire ,
aussi intim é.
u g u s t in
L a dame Q ueyriaux, veuve J u g e sans réflexion comme
sans in té r ê t, a jugé à propos d’enchérir sur une vente
consentie par le sieur de V é n y , au profit de la dame de
A
�( 2 )
V andègre , son épouse. L a darne veuve Juge n’a pas
calculé les suites d’une démarche inconsidérée. Q uel qu’en
soit l’événem ent, elle n’a pu concevoir l’espérance d’être
colloquée : les créances des appelans, indépendamment
de leurs droits aux immeubles vendus , absorbent et au
delà toute la fortune du sieur V é n y .
M ais cette enchère n’a pas moins fait naître des incidens
sérieux et m ultipliés. L ’expropriation forcée est devenue
indispensable. U ne revendication a été nécessaire. O n a
créé des chimères et des m oyens de form e contre la pro
cédure des appelans : les premiers juges ont tout annullé
sans examen. Prononçant tout à la fois sur la form e et
sur le fond , ils annullent la procédure et rejettent la
demande. C ’est un labyrinthe où il est impossible de
trouver une issue ; et c’est ainsi que les causes les plus
simples deviennent monstrueuses dans leurs détails. Les
appelans vont réunir leurs efforts pour ramener la cause
à son véritable point de vue ; ils vont parcourir succes
sivement les motifs qui ont déterm iné la décision des
premiers ju g e s, et ils se flattent de dém ontrer que les
créanciers sont sans droit comme sans q u a lité , pour con
tester une demande à l’abri de toute critiq u e, et dont
ils auroieut d û , pour leur in té rê t, préven ir l’événement.
F A I T S .
L e i l octobre 1 7 7 3 , le sieur P aul-A ugustin V é n y ;
père , beau-père et aïeul des appelans, contracta mariage
avec dame M arie-G en eviève M alet de Vandègre. Il étoit
déjà v e u f en premières noces de dame M arie-Jean n e
�( 3 )
G oh ier de L iv r o n , et cependant il n’avoit pas encore
atteint sa majorité.
Il n’avoit pas d’enfans de ce prem ier m ariage; e t , par
le secon d , il fit donation de la moitié de ses biens pré*•
_
sens et à v e n ir, en p ré c ip u t, à celui de ses enfans mâles
à naître, qui seroit choisi et nommé par lui ; à défaut de
c h o ix , à celui des mâles qui se trouveroit l’aîné lors du
décès de son p è re , pourvu qu’il ne fût engagé , ni dans
l’état ecclésiastique , ni dans l’ordre de M alte ; auquel
cas la donation profiteroit à celui des mâles qui suivroit
l’engagé.
Dans le cas où il n’y auroitpas d’enfant m âle, la dona
tion devoit sortir effet au profit de celle des filles à naître,
qui seroit choisie et nommée par le donateur • et, à défaut
de nom ination, à celle des filles qui se trouveroit l’aînée
au décès de son père.
Ce mariage a donné le jour à deux filles ; l’u n e , M arieM arguerite de V é n y , épouse du sieur de V andègre ; et
l’autre, dame M arie-A n n e V é n y , épouse du sieur Sumpigny.
' L a dame de V a n d ègre, épouse de sieur Paul-A ugustin
V é n y , se vit obligée, quelques années après son m ariage,
de form er contre son m ari une demande en séparation
de biens. Cette séparation fut prononcée en la sénéchaussée
de iM oulins, par sentence du 3 septembre 1784. B entot
a p rès, elle fit procéder à la liquidation de ses droits. U ne
sentence de la même sénéchaussée, du 14 décembre 178 5,
confirmée par un arrôt du parlement de P a ris, du 5 mai
1787 , liquida les créances de la dame de V é n y à la somme
de 86667
*7 s’ >
condamna le sieur de V é n y au
A 2
�\{St
( '4 )
.payem ent de cette som m e, avec les intérêts depuis 178 3 ,
époque do la demande.
Il étoit difficile au sieur de Y é n y de critiquer ces
condamnations , et plus encore d’en payer le montant
sans aliéner ses biens immeubles. ,En conséquence, et
m algré la donation portée en son contrat de m ariage, au
profit de l’un de ses enfans, il vendit à la dame son épouse,
le 14 avril 1792 , la terre de Ju yet, qui fonnoit la prin
cipale partie de ses biens. .
Cette vente fut consentie m oyennant la somme de
1 2 0 C 0 0 f r . , sur laquelle il en fut délégué 1 2 0 0 0 francs à
plusieurs créanciers antérieurs en hypothèque à la dame
de V én y.
E lle devoit se retenir le surplus sur ses créances , qui
se port.ûient d’abord , comme on l’a v u ,e n p rin cip a l, à
une somme de 86667 liv. 17 s. Les intérêts, depuis 178 3,
sont liquidés par cette vente jusqu’au jo u r , déduction
des retenues, à la somme de 29143 f r . , et les frais que la
dame de V é n y avoit été obligée de fa ire , à la somme
de 4600 fr.
Bientôt après cette vente, le sieur P aul-A ugustin Y é n y
fut inscrit sur la liste des émigrés. Ses biens furent séques
trés le 1 9 mars 179 3; et le départem ent, par un arrêté
du 5 messidor an 2 , prononça la nullité de la vente que
le sieur de V é n y avoit consentie au profit de. la dame son
, le 1 4 avril 1 7 9 2 .
L ’arrêté du département fut m otivé sur la disposition
épouse
de la loi du 28 mars 1793 , q u i annulloit toutes les ventes
faites par des ém igrés, ou réputés tels, lorsque ces ventes
étoient postérieures a u '9 février I 7 9 2,
�( S ,
Les frères et sœurs du sieur de V é n y prétendirent alors
qu’ ils étoient propriétaires de quarante-quatre septerées
de terre dépendantes de la terre de Jayet ; ils se pourvu
rent au département pour obtenir la distraction de ces
quarante-quatre septerées , et obtinrent, le 24 prairial
an 3 , un arrêté provisoire qui les leur adjuge.
Les appehins, de leur cô té, se présentèrent à l’adminis
tration pour réclamer l’exécution de la donation portée
par le contrat de m ariage de 1773. Ils avoient une pre
m ière fois succombé dans leur prétention , sur le fonde
ment que la donation portée au contrat de mariage du
11 octobre 1 7 7 3 , n’étoit point une donation en tre-vifs,
mais bien une donation éven tu elle, qui étoit annullée
par la loi du 17 nivôse et autres subséquentes.
Les dames V é n y furent plus heureuses dans une se
conde tentative. Les administrateurs reconnurent, par un
arrêté du prem ier com plém entaire an 4 , qu’ils avoient fait
une fausse application des lois précédem m ent citées; que la
donation du 11 octobre 1773 étoit expressément qualifiée
donation entre-vifs de la m oitié des biens présens du do
nateur ; que dès l’instant de cet acte, la fille aînée avoit
été saisie : en conséquence ils rapportent leur prem ier ar
rê té , et décident que la donation entre-vifs sortira son
plein et entier effet; qu’il sera d é liv ré .à la fille aînée
la m oitié des terres de Jayet et M ontrodés, et de tout ce
que le sieur V é n y , ém igré, avoit droit de prétendre dans
la succession indivise de son père.
est ordonné q u ’ i l sera nomm é des experts pour pro
céder au partage ; e t , en effet, ce partage a été consommé
par un arrêté p o stérieu r, du 11 iloréal an 7.
Il
/
\
�Les choses ont resté en cet état jusqu’au sénatus-consulte relatif aux émigrés. Ce sénatus-consulte est du 6 flo
réal an 1 0 , et c’est dans le courant du même m ois, que
le sieur Paul-A ugustin V é n y ,r a y é de la liste, obtint la
m ain-levée du séquestre de ses biens. Il rentroit dès-lors
dans tous ses droits de citoyen, et devoit reprendre la
m oitié de tous ses biens qui n’auroient pas été vendus;
mais il ne pouvoit porter atteinte ¿\ l’arrêté du départe
m en t, qui avoit ordonné l’exécution de la donation. Les
é m ig ré s, par ce sénatus-consulte, sont obligés de respec
ter tout ce qui a été fait pendant qu’ils étoient inscrits
sur la lis te , et dès-lors les arrêtés du département dé
voient continuer d’avoir leur exécution.
M ais le sieur V é n y avoit à traiter avec ses enfans.
C eux-ci, par des motifs de déférence et de resp ect, ne
vouloient point entrer avec leur père dans une discus
sion rigoureuse. L e 29 brum aire an 11 , il fut passé un
traité entre e u x , traité qu’il est indispensable d’analiser.
Dans cet a c te , Paul-A ugustin V é n y expose qu’il a
vendu la terre de Jayet à la dame son é p o u se, m oyen
nant la somme de 120000 fran cs, dont 12000 francs
environ furent délégués à divers créanciers, com m e an
térieurs en hypothèques à la dame de V én y . Il rappelle
les diiférentes liquidations que la dame de V é n y avoit
fait régler. Il en résultoit qu’elle restoit créancière d’une
somme de 120409 livres 17 sous. Ce principal s’étoit
accru de tous les intérêts échus depuis, à raison de l’inexé
cution de la vente qui devoit en opérer le payem ent, et
sans préjudice encore des articles de créance qui furent
omis et réservés dans cette liquidation.
�$o\
(7 0
O n rend compte ensuite de ce qui s’est passé depuis
l’inrcription du sieur de Y é n y , des démarches m ulti
pliées et sans succès, soit de la dame de V é n y , soit de
ses enfans, pour obtenir la m ain-levée du séquestre, et
l ’exécution de la vente de 1792. O n rappelle l’arrêtéd u
d épartem ent, qui fait distraction de quarante - quatre
septerées des m eilleures terres , et qu’oü a regardées
comme dépendantes de la terre de V illem on t ; l’arrêté qui
ordonne l’exécution de la donation, et en vertu duquel
les sieurs de V andègre et Sam pigny jouissoient ensemble
de la moitié de J a y et, tandis que l ’autre m oitié avoit
demeuré sous le séquestre.
L e sieur de V é n y reconnoît que sa radiation de la liste
des émigrés fait revivre la vente du 14 avril 1 7 9 2 , q u i ,
n’ayant été annullée que pour l’intérêt n atio n al, a dû
reprendre sa prem ière existence lorsque l’intérêt de la
nation a cessé. Cette vente , d’après le sieur de V é n y
lui-m êm e, est devenue un titi*epour ses enfans, qui les
investit de la propriété actuelle de la terre de Jayet, dont
la m oitié leu r avoit déjà été attribuée par l ’arrêté du
ier. com plém entaire an 4.
M ais le sieur V é n y pense qu’il pourroit soutenir que
ce droit de ses enfans sur la m oitié , comme donataires,
n’est point encore ouvert ; qu’il ne s’ouvrira que par sa
m ort naturelle ; et que jusque là ils n’ont point d’autre
titre que la vente de 1792.
L e sieur de V é n y cependant est obligé de convenir
que ce d r o it , comme donataires, doit s’ouvrir un jo u r,
et que c’est un juste m otif de réduire ce p rix de la vente
de 1792 , puisqu’elle ne pourvoit leur transmettre que
�....................(
8 )
la propriété de m oitié , dès que la donation leur assuroit
déjà l’autre m oitié. Cette circonstance étoit de nature à
entraîner, ou la résiliation de la v e n te , ou une dim inu
tion dans le p r ix , au choix de l’acquéreur.
U n second m otif de réduction également reconnu par
le sieur de V é n y , étoit l’éviction de quarante - quatre
septerées de terre, que ses frères a voient fait prononcer
par le département.
Sur cet exposé, les parties transigent. Par l’article i er. , la
vente demeure résiliée et comme non avenue en ce qui
touche les quarante-quatre septerées de terre évincées,
sauf au sieur de V é n y à les revendiquer contre ses frères
et sœurs , s’il s’y croit fondé , et ainsi qu’il avisera.
P ar l’article 2 , il est dit qu’en ce qui touche la m oitié
de la terre de J a y e t, dont la propriété est assurée aux
enfans de Paul-A ugustin de V é n y , qui lu i su rvivron t,
par la donation du n octobre 1773 , la vente du 14 avril
1792 n’aura d’efiet que pour transmettre aux ayans-cause
de G eneviève M aletdeV andègre, acquéreurs, i° . l’usufruit
que conservoit P au l-A u g u stin V é n y , ven d eu r, sur la
m oitié donnée ; 20. la perspective éventuelle qu’il avoit
aussi d’en rester p ro p riétaire, au cas où il survivroit à
tous ses enfans et descendans ; 30. pour consolider sur
la tèle de G ilbert-A n toine-D elphini de V an d ègre, repré
sentant sa mère , et de dame M arie-A n n e V é n y , épouse
du sieur S am p ign y, par égalité entr’eux , la pleine pro
priété et la jouissance dès à p résen t, et incommutablement , de la moitié de la terre de Jayet dont il s’a g it,
quels que puissent être les événemens , et soit que la
propriété Leur en J'ût acquise à tout autre titre , ou
q u elle
�C9 ) ]
qu elle ne le f û t p a s , sans aucunem ent déroger à leurs
droits acquis p a r tous autres titres que ladite ven te,
n i y p r é ju d icie r , ensorte qu'ils pourront exercer les
droits qu*ils peuvent a v o ir , indépendamment de ladite
vente , sans novation n i dérogation, contre les acqué
reurs q u i seroient subrogés à la v en te, dans le cas
où , su r la transcription q u i en sera f a i t e au bureau
des hypothèques , et sa n o tifica tio n , il surviendroit des
enchères de la part des créanciers intéressés et in sc r its,
sans qu’il en résu lte, dans aucun c a s , de recours et
garantie contre le v en d eu r, de q u o i il est déchargé.
P ar l’article 3 , en ce qui touche la seconde m oitié de
la même te rre, dont la propriété étoit libre sur la tête
du ven d eu r, lors de la vente du 14 avril 179 2 , cette
vente doit sortir son plein et entier effet, sans novation
ni dérogation , sauf la distraction du terrain évincé.
L ’article 4 réduit définitivem ent le p rix de la vente à
la somme de 94567 livres tournois.
t
L ’article 5 ne fait que régler ou anéantir des déléga
tions de quelques créanciers qui se trouvoient postérieurs
en hypothèque à la dame de V é n y .
L ’article 6 oblige les enfans V é n y d’acquitter le mon
tant des autres délégations portées au coutrat de ven te,
en déduction de la somme à laquelle le p rix en est réduit.
Ils sont autorisés , par l’article 7 , à se retenir le surplus
à compte et en dim inution de leur créance du ch ef de
la dame de V é n y , leurs actions leur demeurant réservées
pour l’excédant.
E n fin , par le dernier a rticle, il est reconnu que les
enfaus V é n y ne sont pas rem plis, ni à beaucoup p rès, de
B
�( 10 )
la totalité de leurs créances par cette com pensation, et ils
sont autorisés à retenir et im puter sur ce qui leur restera
d û , la somme de 4217 livres 2 sous, montant d’une créance
déléguée au sieur R oze Beauvais, qui avoit été payée par
la dame de V é n y , et ce , dans le cas où les créanciers
inscrits demanderoient le rapport de cette som m e, comme
payée à un créancier moins ancien q u ’eux.
Ce tra ité, lors duquel le sieur M alet de V andègre n’a
agi qu’en qualité de père et légitim e administrateur du
sieur V an d ègre, son fils, a été transcrit au bureau d esh y230lhèques de R io m , le prem ier frim aire an 11. L a noti
fication en a été faite à tous les créanciers inscrits, le 24
du m ême m ois; et le 21 nivôse an 11 , trois jours avant
l ’écliéance du d é la i, dame Claudine Q u eyriau x, veuve
et héritici-e testamentaire de François J u g e , négociant
à C le rm o n t, a fait notifier une enchère au dom icile
des appelans; e t , pou r ne pas se trom per, elle déclare,
par cet a c te , qu’ayant intérêt que les biens de son dé
biteur soient portés à leur juste valeur, pour obtenir sur
iceux le payement de sa créance , elle se soum et, confor
mément à l’article 31 de la loi du 11 brum aire an 7 , de
porter ou faire porter le p rix du prem ier contrat de vente
de 179 2 , dans le cas que son exécution soit o rd o n n ée,
à u n vingtièm e en sus de celui qui y est stipulé; et dans
le cas que l’acte p o stérieu r, portant l’atification et m odi
fication du p rem ier, passé entre son débiteur et les sieurs
V an d ègre et Sam pign y, le 29 brum aire an 1 1 , soit seul
exécuté, ce que la dame veu ve Juge se propose d éfaire
ju g e r, elle déclare qu’en attendant que cette contesta
tion soit entamée et v id é e , et parce qu’elle est pressée par
�soi
j«a?
( ii )
le délai que lui donne la l o i , qui est sur le point d’e x p ire r,
elle se soumet de porter ou faire porter le p rix exprim é
par ce dernier acte aussi à un vingtièm e en sus de celui '
porté au traité ; en conséquence , elle requiert la misé
aux enchères et adjudication publique des immeubles
vendus.
Q uel a donc pu être l’objet de la dame veu ve J u g e ,
lors de cette en ch ère? Il existe vingt-deux inscriptions
antérieures à la sienne , son hypothèque est postérieure
au contrat de mariage du i l octobre 17 7 3 , par consé
quent elle est prim ée par la dame de V é n y ; d’ailleurs
l’hypothèque ne peut frapper que sur la m oitié de la
terre de J a y e t, dès que l’autre m oitié en a été retran
chée par la donation faite au profit des enfans à n aître,
par le même contrat. L e p rix de la vente seroit plus
que tr ip lé , que la dame veuve Juge ne pourroit espérer
une collocation utile : elle en est convaincue ; elle ne l’a
jamais ignoré : cette dém arche étoit donc sans objet, mais
le coup étoit porté , et dès-lors il étoit nécessaire d’en
ven ir à une expropriation forcée.
L a dame veuve Juge, après avoir lancé son enchère, garda
le plus profond silence. Les appelans , après avoir fait de
vains e f f o r t s pour prendre desarrangem ens avec les prin ci
paux créanciers, notammentavec. le sieur Juge, ne pouvant
dem eurer dans cet état d’incertitude et d’anxiété!, se déter
m inèrent à aller en avant. L e 12 nivôse an 1 2 , ils firent
notifier à sieur P a u l - Augustin V é n y l ’enchère de la dame
veuve J u g e , du 21 nivôse an 1 1 , et lui firent sommation
de rapporter, dans d ix jours pour tout d é la i, main-levée
des inscriptions excédant la somme de 94567 1. tournois
B 2
'
�( 12 )
|
p rix de la confirmation et modification de la prem ière
vente du bien de Jayet, portée par le traité du 29 bru
maire an 1 1 , sinon ils protestèrent de poursuivre la mise
aux enchères et revente des droits à eux transmis par cet
a cte , en la form e et dans les délais prescrits par la l o i ,
m a is sans entendre se p réju d icier aucunem ent a u x
droits à eu x a cquis cdailleurs, et pa r tous autres titres,
su r le bien de J a y e t , circonstances et dépendances '
titres qu’ils se réservèrent au contraire expressément de
faire valo ir sans novation n i dérogation.
E u e ffe t, le sieur M alet de V a n d è g re , qui jusque-là
n’avoit agi qu’en qualité de tuteur légal de son fils, prit
le parti de rev e n d iq u er, au même n o m , la m oitié des
biens com pris dans les actes de vente des 14 avril 1792
et 29 brum aire an 1 1 , en vertu de la donation portée au
contrat de m ariage de 17 7 3 , et de l’arrêté du départem ent,
du prem ier com plém entaire an 4 , qui avoit ordonné l’exé
cution de cette donation , et l’avoit mis en possession des
biens. 11 se pourvut devant un conseil de fam ille pour faire
nom m er un subrogé tuteur à son fils, et en m ême temps
së faire autoriser à exercer la revendication , conform é
ment au Code c i v i l , dès qu’il s’agissoit d’une action im
m obilière.
L e conseil de fam ille , par une délibération du 9 prai
rial an 1 2 , autorisa la revendication de la m oitié des biens,
et autorisa pareillement le sieur de Vandègre à faire pro
céder à la vente par expropriation forcée du surplus des
mêmes biens; enfin le sieur D e z a ix , parent paternel du
m in eur, fut nomm é son subrogé tuteur.
Cette délibération du conseil de fam ille a été hom o-
�ù o 'i
( *3 )
loguée par jugement du tribunal d’arrondissement de Cette
v ille , du 26 prairial an 12.
, Il a été procédé aux affiches, pour aller en avant sur
l’expropriation forcée ; il en fut déposé un exem plaire au
greffe du tribunal d’arrondissem ent, le 8 messidor an 12 ,
avec indication pour la ven teau 6 thei’m idor suivant. L e
27 du même mois de messidor, le sieur de V an d ègre, agis
sant en qualité de tuteur légal de son fils , fit notifier un
acte à la dame de S am p ign y, à sieur P au l-A u gu stin V é n y -,
et à la dame veu ve J u g e , en leurs domiciles élus , par
lequel il exposa q u e , sur la réquisition de mise aux en
chères de la dame J u g e , il a v o it, en qualité de tuteur de
son fils, conjointem ent avec les sieur et dame de Sam
p ig n y , poursuivi la revente des biens par eu x acquis, et
que les affiches avoieiit été posées à cette fin. 11 observe
que les biens vendus par l’acte du 29 brum aire an 1 1 ,
n ’appartenoient à P a u l-A u g u stin V é n y , ven d e u r, que
p o u r m oitié ; que l’autre m oitié étoit la propriété parti
culière de D e lp h i n i - G i lb e r t - A n t o i n e M a le t de V a n d è g r e ,
son fils m in eu r, en vertu de la donation qui en avoit été
faite à sa mère par le contrat de m ariage du 11 octobre
1773 , et de l’arrêté du département du P u y-d e-D ô m e,
du prem ier com plém entaire an 4 , qui en avoit fait déli
vrance à la dame de V an d ègre, son épouse, à raison de
l’inscription du père sur la liste des ém igrés, et ordonna
le partage des biens, qui fut exécuté le 11 floréal an [7 ;
en fin , qu’en vertu du sén atu s-con su lte, du 16 floréal
an 1 0 , cet arrêté devoit avoir son entière exécution.
L e sieur de V andègre ajoutoit que pour faire le bien
des créanciers du sieur de V é n y , il avoit con sen ti, en
�( 14 )
sa qualité de tuteur , que les droits d’ u su fru it, et tous
autres que son beau-père auroit pu prétendre sur la m oitié
des biens de Jayet,, entrassent dans la vente n ou velle,
comme ils étoient entrés dans la p rem ière, mais sous la
condition expresse que dans le cas où il surviendrait
des enchères su r la nouvelle vente , et que la revente en
seroit poursuivie p a r expropriation f o r c é e , le requérant
pourroit exercer tous ses droits sans novation n i dérogation.
L e cas p révu étant arrivé , le m ineur V andègre ren
trait dans ses premiers droits ; de sorte que la m oitié du
bien de J a yet, échue à la dame sa m ère par le partage fait
avec la n atio n , devoit être distraite de la vente poursuivie
sur l’enchère de la dame J u g e , et l’autre m oitié seule
pou voit être soumise aux enchères.
P ar cette considération , les affiches annonçoient déjà
que l’adjudicataire ne pourroit devenir propriétaire que
de la m oitié seulement du bien dont il s’a g it, telle qu’elle
est déterm inée par le partage fait avec la république.
P o u r ne laisser aucun d o u te, le sieur de V a n d èg re, en
sa qualité de tu te u r , annonce qu’il veut faire légitim er
et confirm er, par un jugement p réalab le, la revendication
et distraction de la m oitié de la terre de Ja yet; e t, dans
cette v u e , il donne assignation à la dame de S am p ign y,
au sieur de V é n y , et à la dame veuve Juge , pour vo ir
reconnoîtrc son fils , m in e u r, propriétaire de la m oitié
échue à la dame de V an d ègre, par le partage du 11 floréal
an 7 , v o ir ordonner l’exécution de ce partage , con
firmer la revendication et distraction déjà faite par les
allich çs, et qu’ il ne sera passé à l’adjudication que de
�(i5 )
l’autre m oitié seulem ent, telle qu’elle est déterm inée par
le partage.
L e sieur de V an d ègre annonce enfin qu’il a déposé au
greffe tous les titres de propriété de son f ils , p ou r que
les parties intéressées puissent en prendre com m unication,
conform ém ent à l’article 27 de la loi du 11 brum aire an 7.
C’est en cet état que la cause fut portée à l’audience du
6 therm idor an 12 , jour indiqué pour procéder à l’adju
dication. L a dame Q u eyriau x, veu ve J u g e , entreprit de
contester la revendication et l’affiche, et proposa plusieurs
moyens de nullité en la form e et au fond.
L e prem ier moyen consistoit à d ir e , i° . qu’il n’a voit
pas été mis d’affiche à l’extérieur du dom icile du débi
te u r, qui fait d éfau t, et que les créanciers avoient intérêt
d’avoir en présence ;
2°. Q u ’il n’avoit été mis d’affiche qu’à la porte d’un
seul des bâtimens à vendre ;
3°. Q ue les affiches avoient été faites un jour ordinaire,
au lieu de l’être un jour férié , suivant la loi et l’usage ,
pour avoir une plus grande concurrence.
A u fo n d , la dame veu ve Juge prétendit qu’il étoit né
cessaire de réform er les affiches, soit à cause de leur rédac
tio n , soit parce que le sieur de V an dègre n’avoit pas mis
en vente tout ce qui devoit être vendu.
Suivant la dame veuve J u g e , le poursuivant avoit com
pris dans les immeubles à vendre toute la terre de J a y e t,
et cependant ensuite il demandoit deux distractions diffé
rentes ( la distraction des quarante-quatre septerées de
terre, adjugées aux héritiers V é n y , et la m oitié com prise
en la donation de 1 7 7 3 ) , ce qui engageroit l’adjudicataire
' acheter un tout inconnu ^ grevé de deux procès.
�(i6)
Cependant le sieur de V an dègre prétend que ces dis
tractions ont été effectuées par des actes administratifs,
et des partages qu’il veut faire m aintenir ; d ès-lo rs, dans
son propre systèm e, il ne devoit com prendre dans les
affiches que les immeubles qu’il prétend libres et sujets
à être v e n d u s, sauf contestation pour le surplus.
L a dame veu ve J u ge soutient que le sieur de V a n Sègre a eu intérêt à l’exécution pleine et entière de la
vente de 1792 ; qu’il n’a pas p u , en une qualité , faire
d im in u e r, en u n e a u tr e , l’efl’et d’une vente dont le ven
deur ne pouvoit pas lui-m êm e contester l’exécu tio n , et
q u ’il ne pou voit pas réd u ire, sous prétexte de droits éven
tuels qu’il avoit aussi aliénés.
E lle prétend que le sieur de V an dègre n’a pas eu
d ’action en garantie lors du traité de l’an 1 1 , parce que
J’exTet de la donation de 1773 , en la supposant valable ,
n ’étoit pas o u ve rt, et le sieur de V é n y , étant relevé de la
mort, c iv ile , conserve encore le droit d’élire;en fin , d’après
la dame veuve Juge , il restoit encore assez de biens
non vendus pour assurer la m oitié promise.
L a ré p u b liq u e , en faisant en l ’an 7 un partage avec
les prétendus successeurs du sieur de V é n y , leur a laissé
une portion com m e héritiers présomptifs , et en a gardé
une qu’elle n’a pas a lién ée, et qui auroit été seule à l’abri
des réclamations du sieur de V é n y , si elle avoit été vendue
à des tiers : il y a d’ailleurs eu dans ce partage une lésion
é n o rm e , et les créanciers ont le droit de le faire res
cinder pour lésion du tiers au q u a rt, parce que l’éga
lité est l’àme des partages. Il n’a été irrévocablem ent
distrait de la terre de Jayet que les objets donnés aux
frè re g
�£11
( r7 )
frères V e n y , qui sont sous ce rapport des tiers-détenteurs
non successibles.
L a dame Juge ajoutoit encore qu’on ne pouvoit con
cevoir de donation ouverte, tant que le donataire conservoit la capacité d’opter pour les biens à venir. L a dona
tion de 1773 , au profit des enfans à naître , étoit n u lle,
parce que le donateur étoit m ineur à cette époque , et
que cette donation n’a été ni insinuée ni publiée.
Par le traité de l’an 1 1 , les parties ont voulu donner
à la vente de 1792 tout son effet , puisqu’une m oitié
libre est donnée en l’article 3 , et l ’autre m oitié en l’ar
ticle 2.
L a dame Juge en conclut qu’il y a lieu de remettre en
vente la totalité de la terre de J a y e t, sauf la distraction
des quarante-quatre septerées de terre aliénées adminis
trativement , et sauf une ventilation pour dim inuer le
p rix auquel se soumettra l’adjudicataire pour la totalité.
L a daine veu ve Juge observe subsidiairement que quand
il y auroit lieu de baser la revente sur le traité de l ’a n .'i1,
il faudroit ajouter à la m oitié offerte par le pou rsu ivan t,
1°. l’usufruit qui appartient au vendeur ; 20. le cas de
survie éventuelle du v e n d e u r, mentionné en l’article 2
du tra ité , parce que ces deux objets font partie de la
chose vendue ; et dans le cas où la revente auroit lieu
d ’après les affiches , les enchères ne devroient pas être
faites sur 94600 francs, puisque dans la réduction du
prix convenu on n’a pas déduit la m oitié du p rix an cien ,
et qile cependant le poursuivant ne présente à revendre
que la moitié des objets vendus en 1792 , sous la déduc
tion encore des quarante-quatre septerées de terre dont
G
**
�«♦*,
(
18 ?
le sieur de V éu y a souffert l’éviction. C ’est d’après ces
m otifs, qui pourraient être plus clairement énoncés, que
la dame veuve .Juge demande la nullité des itfïiclies du
8 messidor an 12 , des procès verbau x, notification, et de
toute la procédure; qu’il soit ordonné que dans le mois
le poursuivant sera tenu de faire p o s e r, dans la forme
de la lo i, de nouvelles affiches qui contiendront, i° . la
mise en vente de la totalité de la terre de Jayet ; 20. la
distraction des quarante-quatre septerées de terre adju
gées par l’administration départementale aux sieur et
dame de V illem o n t; 30. la condition que l’adjudicataire
fera procéder dans le mois à la ventilation de la terre
de J a ye t, pour connoître la dim inution opérée par la
distraction des objets ci-dessus énoncés, et c e , contra
dictoirement avec le poursuivant et le prem ier créan
cier inscrit.
Subsidiairem ent, elle conclut à ce qu’il soit ordonné
qu’à la prem ière audience, et après de nouvelles affiches,
il sera procédé à la revente offerte par le sieur de V a n dègre de la m oitié de la terre de Jayet, sous la déduction
de la m oitié du terrain adjugé au sieur de V ille m o n t, lors
de laquelle revente la somme de 68200 francs, p rix du
contrat de vente de 1 7 9 2 , pour m o itié, servira de pre
m ière eu ch ère, sauf la ventilation ci-dessus requise.
T ou s les autres créanciers présens se référèrent aux
mêmes conclusions.
E n réponse à ces moyens , les poursuivons soutinrent,
i° . quant aux moyens de n ullité, que l’habitation momen
tanée du sieur de V é n y à Paris ne constituoit pas son do
m icile de d ro it, que son véritable dom icile étoit au lieu
j
�0 &
( r9 )
de J a y e t, et qu’il a été appose une affiche sur les bâtimens de Jayet.
Ces bâtimens font partie des objets compris dans la vente
de 1792. Ces bâtimens appartenoient au sieur de V é n y ,
et n’ont jamais été distraits au profit des frères et sœurs:
ils sont aujourd’hui les seuls existans; ils servent à la de
meure du propriétaire, comme à l’exploitation des biens.
L a loi du 11 brum aire an 7 , en prescrivant l’affiche
au domicile du débiteur, a nécessairement et évidemment
supposé que ce débiteur étoit dom icilié dans l’arrondis
sement du tribunal où se poursuit l’expropriation. Il y
auroit souvent impossibilité de poser une affiche à un
liôtel g a r n i, ou à une maison étran gère, et dans un lieu
où le tribunal n’auroit aucune autorité. L ’affiche n’est
nécessaire qu’autant que la maison habitée par le débiteur
seroit comprise dans les objets saisis. Cette affiche n’a d’autre
objet que de donner de la publicité à la v e n te , afin que
les créanciers inscrits et tous autres n’en prétendent cause
d’ignorance.' L e débiteur n’est-il pas suffisamment averti
par la notification de l’afïiche faite au dom icile par lui élu ?
La partie saisie seroit d’ailleurs seule fondée à se plaindre
de cette omission , et le créancier in scrit, comme le pour
su ivan t, n’ont ni qualité ni intérêt pour proposer ce
moyen.
L e véritable poursuivant dans la cause étoit la dame
veu ve Juge rc’est son enchère qui a détruit la vente volon
taire , et nécessité l’expi'opriation judiciaire. Dans ce cas,
l’acquéreur ne poursuit qu’à raison du silence de l’enché
risseur , et comme subrogé ou substitué à ses poursuites,
puisque l’enchère tient lieu de comnjaudement.
C 2
*£
�Ce créancier enchérisseur ne peut espérer le payement
du montant de ses créances qu’au moyen de la revente : il
n ’a donc aucune qualité pour s’y opposer , ou proposer
aucun moyen de nullité contre l’expropriation.
L a dame veuve ju g e a voit elle-m êm e nullement et irré
gulièrem ent inscrit : son inscription ne frappoit que sur
V é riy, ém igré. L a loi du 28 mars 1793 prononce la mort
civile contre les ém igrés, et la confiscation de leurs biens.
L a loi du I e r . iloréal an 3 prohiboit tous actes conserva
toires sur les biens nationaux , et n’indiquoit aux créan
ciers des émigrés d’autres moyens que la liquidation de
leurs créances dans les formes et les délais qu’elle prescrit.
Si la loi du 16 ventôse an 9 a accordé aux créanciers
inscrits le droit de faire inscription sur les ém igrés rayés,
la dame Juge devoit réparer les omissions ou les irrégu
larités de l ’inscription précédente par une n ou velle; elle
a môme négligé cette form e : elle étoit donc déchue de
tous d ro its, et les autres créanciers ne pouvoient se su
broger à une enchère nulle , et qui est censée ne pas
exister.
L es poursuivans crurent devoir négliger le moyen de
form e qu’on faisoit résulter de ce que les affiches n’avoient
pas été posées un jour de fête. O n ne trouve nulle p a r t,
dans la loi du 11 brum aire an 7 , que cette form alité doive
être observée , et on ne peut pas suppléer à la loi.
M ais sur la demande en revendication formée par le
sieur de V an d ègre, en sa qualité de tuteur, revendication
contre laquelle on avoit réuni tous ses efforts , le sieur de
.Vandègre observa que par l’arrêté du prem ier com plé
mentaire an 4 l’exécution de cette donation avoit été
�an
(•21 )
ordonnée ; qu’il résultait de cet arrêté que la dame’ de
V a n d èg re, ainsi qu’elle enm voitle d ro it, avoitab diq ué les
tien s à v e n ir , pour s’en tenir aux biens présens à l’époque
de la donation: elle avoit été en conséquence ’renvoyée ;en
possession actuelle et réelle de la moitié des biens ayant'appartenu au sieur de V én y . Cet arrêté était irrévocable^, et
ne pouvoit être attaqué devant.les tribunaux. L ’article 1 6
du sénatus-consulte,de floréal an ,10, interditaux ém igrés
toutes réclamations contre,ce ■
qui a été fait administra
tivem ent pour les.partnges de pré-successions, successions
ou autres actes généralement quelconques. Il résulte des
arrêtés du gouvernem ent, et d’une lettre officielle adressée
aux préfets, le 7 brum aire an 11 , par le conseiller d’état
ayant le département des domaines n ationau x, que l’ar
ticle 16 du sénatus-consulte s’applique.aux émigrés rayés,
élim inés, comme aux amnistiés.
n
L e sieur de V é n y , ém igré ra y é , ne pou voit donc re
ven ir contre cet a rrê té, et tout était consommé à cet
égard. L ’effet de la donation a été ti'ansmis par la dame
de V an d ègre à son fils, de sorte qu’il y avoit une v é ri
table novation dans l’état des choses.
'•
;
Les poursuivans n’a voient-ils pas été forcés de com
prendre dans les affiches tous les objets én on cés, soit dans
la vente du 14 août 179 2 , soit ceux compris au traité du
29 brum aire an 11 , dès que l’enchère de la dame veuve
Juge frappoit sur tous ces objets ? Mais ce dernier traité
n’étoit relatif q u ’a u sieur V é n y , et avoit été dicté par des
motifs de déférence et de respect desenfuns envers leurs
pères ; motifs étrangers aux tiers-intéressés. Aussi l’inten
tion des parties est-elle suifisamment manifestée par l ’ar-
�( * o
ticle 2 de cet a cte , qui réserve expressément lès droits
et actions des parties pour le cas particulier où elles se
trouvent. L e sieur V an dègre réunissant la double qualité
de poursuivant et de p ro p riétaire, a donc eu incontesta
blem ent le droit de revendiquer les biens qui appartien
nent à son fils, conform ém ent à la loi du 11 bx-umaire an 7.
L es affiches expliquoient suffisamment, soit les objets
revéndiqués, soit ceux qui doivent être distraits au profit
d u sieur de V ille m o n t: il étoit môme difficile de l’expliquér autrem ent, d’après l’enchère qui frappoit sur l’uni
versalité de la terre de Jayet.
Relativem ent à là validité de la donation de 1 7 7 3 , en
supposant que cette question put être discutée devant
les tribunaux , au préjudice de l ’arrêté administratif qui
la confirme,, personne n’ignore que le p è re, môme m i
neur , a toujours le droit de faire une donation au
profit des enfans à naître. U ne telle donation met le père
dans l’heureuse impuissance d’aliéner ses biens; les lois
consacroient la validité de ces dispositions, particulière
ment dans les familles nobles, et pour conserver le lustre
de leur maison. Dans tous les cas , la m inorité ne seroit
qu’un moyen de restitution, et il auroit fallu au moins
que le sieur V é n y se fût pou rvu dans les d ix ans de
m ajorité.
L ’ordonnance de 1731 dispense de l’insinuation toutes
donations faites en ligne directe par contrat de mariage.
O n ne pouvoit pas dire que la substitution portée par le
même acte n’eut pas été publiée. Comment le vérifier lors
que les registres ont été la proie des flammes? D ’ailleurs,
la substitution étoit indépendante de la donation; c’étoit
�041
( *3 )
une disposition distincte et séparée y qui ne pouvoit
préjudicier à la p rem ière, n i en atténuer les effets : d’un
autre c ô t é , à l’époque de la réclamation du sieur de.Y an t
dègre auprès des corps administratifs, toute substitution
étoit ab ro g ée, il ne restoit que la donation.
Les poursuivons conclurent en conséquence à ce que^
sans s’arrêter aux moyens de nullité proposés par la dame
J u g e , et tous autres qui seroient déclarés inadmissibles j
il seroit passé outre h la lecture de l’affiche ; subsidiàii’em e n t, ils demandèrent que l’inscription de la dame Juge
fût déclarée nulle et de nul effet, ainsi que tout ce qui
s’en étoit ensuivi.
Dans le cas où il seroit passé ou tre, il fut conclu à ce
q u e , faisant droit sur la demande en revendication du
sieur de V a n d è g re , aux qualités qu’il p ro cèd e, et pro
nonçant par jugement sé p a ré, la m oitié de la terre de
Jayet seroit distraite au profit du sieur de V a n d èg re,
conform ém ent à l’arrêté du départem ent, du 11 floréal
an 7 ; qu’il seroit pareillem ent fait distraction du terrain
délaissé aux frères et sœurs V é n y ; et que par autre juge*
ment il seroit ordonné de procéder à la vente des autres
objets non revendiqués, pour être adjugés à la chaleur
des enchères au profit du dernier enchérisseur, confor
mément à la loi : sauf au tribunal, d’après la revendis
ca tio n , à expliquer et régler le p rix tenant lieu d e là
mise aux en ch ères, sur lequel règlement les poursuivons
déclarèrent qu’ ils s’en rapportoient à droit.
A u milieu de ces débats, et après une discussion so
lennelle pendant deux audiences, il a été rendu un juge
ment contradictoire, q u i, faisant droit sur le to u t, sla-
�C 24 )
tiiant sur' les moyens de form e comme sur les moyens du
fon d , sans s’arrêter à la demande en revendication de la
; m oitiéî de la i terre de î Jayet soumise à la revente y de
laquelle le sieur de V andègre est débouté; sans s’arrêter
pareillem et à l’affiche / actes et autres-poursuites faites
à la* diligence des sieurs de V andègre et de Sam pigny,
et tendantes à la revente du domaine ou de partie du
domaine de Jayet,-lesquelles procédures sont déclarées
nulles et de nul effét ; il est ordonné que dans la form e
et dans les délais prescrits par la loi du ï 1 brum aire an 7 ,
sur les expropriations forcées, il sera procéd é, à 1la dili
gence des poursuivans, h de nouvelles affiches et poursuites
pour parvenir, à la revente du domaine entier de Jayet,
ainsi et de «même qu’il est porté dans le contrat de vente
du 14 avril-179 2 , soumis à la transcription par les sieurs
de V andègre et Sam pign y, lors de laquelle revente la
fixation et évaluation déjà faite par les mêmes parties à
la somme de 94567 francs,'ainsi que l’enchère de la dame
Q ueyriaux, veuve J u g e , de la somme de 4728 francs, tien
dront lieu de mise à p rix et de prem ière enchère.
Il est ordonné néanm oins, du consentement de toutes
lesp a rties,q u e,su r le domaine de Jayet, il sera fait distrac
tion du terrain délaissé aux sieurs de V ille m o n t, comme
n’ayant pas été originairem ent compris dans le domaine
d e'Jayet j sous la réserve faite par la dame veuve J u g e ,
de ses autres droits et hypothèques sur le terrain distrait,
en vertu de ses titres de créances.
;
Sur le surplus des demandes fins et conclusions , ' les
parties sont mises hors de cause; le sieur dé Vandègre et
la dame Sam pigny sont condamnés en tous les dépens; il
est
�( 25)
est donné défaut contre les créanciers noü com parans; e t,
p ou r le profit, le jugement est déclaré com m un entr’eux.
Il est indispensable de connoîtr'e les motifs nom breux
sur lesquels se sont appuyés lés premiers juges. Ils ont fait
résulter plusieurs questions des débats.
.La prem ière est de sa y o ir, i°. si l’acquéreur ou sou
représentant peut revendiquer la m oitié d’ un dom aine
v en d u , lorsque le contrat de vente renferm e la totalité du
domaine 'sans restriction , et lorsque c’est ce même contrat
qui est soumis à la transcription sans réserve. ;•
2°. Lorsque le titre qui fonde la revendication hypothé
caire est étranger aux créanciers inscrits; lorsque les droits
de ce créancier sur l’immeuble sont entiers , et que ce
créancier a été provoqué par l’acquéreur à faire son en
chère sur la totalité sans exception , la revendication peutelle être adoptée ?
3 °; Dans le cas de revente sur enchère d’un créancier
inscrit, y a-t-il nullité dans la procédure, lorsque l’affiche
n’a pas été posée au dom icile du déb iteur; lorsqu’elle n'a
pas été posée sur les bâtimens d’exploitation du dom aine
soumis à l’enchère; que l’étendue superficielle de ces bâti
mens d’exploitation n’a pas été spécifiée dans l'affiche ; et
enfin , lorsque l’affiche énonce vaguem ent une m oitié de
d om ain e, sans déterm iner si celte m oitié renfermera ou
non tout ou partie des bâtim ens, ou seulement des h éri
tages exploitables?
T elles sont les questions posées. O n verra bientôt que
la plupart d’entr’elles ne s’accorden t, ni avec le titr e , ni
avec l’alfichc.
D
�( *6 )
, Les premiers juges exam inant ensuite les différentes
objections des parties,
« i° . E n ce qui touche le moyen tiré de ce que l’ins« cription de la dame Q ueyriaux a été faite pendant l’émi« gration du sieur.de V é n y , et de ce qu’elle n’a pas été
« re n o u v e lé e après sa radiation, ils ont pensé que l’art. 17
« de la loi du 11 b ru m a ire , valide l ’inscription sur une
« personne décédée ; qu’elle peüt même être faite sur la
« simple dénom ination d’un défunt , et que la dame
« Queyriaux-, en réputant le sieur V é n y comme m o rt,
« s’est conform é à la loi.
;
« Cette loi étant gén érale, embrassant toute espèce de
«
«
«
«
a
créanciers et de débiteurs , la dame veuve J u g e , pour
conserver ses droits , ainsi que le rang et ordre de son
hypothèque , a dû prendre les précautions ordonnées
par elle. Les mesures prescrites par la loi ne devant
jamais rester sans ë ffe t, la dame veu ve Juge est fondée
« à en réclam er le bénéfice.
ce
et
cc
«
cc
«
«
«
« L a loi de prairial an 3 , qui ordonnoit aux créan
ciers d’ém igrés de faire liquider leurs créances pour en
toucher le m ontant, n’étoit qu’ une loi de circonstance ;
elle ne concernoit que les créanciers jaloux de réclam er
leurs créances sur la république , com m e étant à la
place de l’ém igré ; mais la dame Q ueyriaux ne demandant rien à la ré p u b liq u e , n’a pas eu raison de se faire
liq u id e r, les lois d’exception devant se renfermer strictement dans leur cas particulier.
« Cette loi de l’an 3 , antérieure à celle de l’an 7 sur
« les h yp o th èq u es, n’a pu en détruire les effets, surtout
�2>Z\
( . 27 ï
« lorsque la dame Q ueyriaux les invoque , non contre
« la rép u b liq u e, mais bien contre son débiteur rentré
« dans ses droits éventuels , ou contre ses representans.
« O n ne peut puiser dans la loi du 1 6 ventôse an 9 ,
« qui a prorogé le délai de faire inscription en faveur
« des créanciers d’ém igrés, un m otif pour faire rejeter
« l’inscription déjà faite par la dame veuve Ju ge, i° . parce
« qu’une loi de faveur et de bienfait ne peut jamais devenir
« un titre de réprobation ; 20. parce que la lo i, en auto« risant sur les ém igrés rétablis l’inscription avec tous
-«
«
«
«
ses droits et privilèges", a entendu nécessairement que
les inscriptions déjà faites par prévoyance eussent le
même effet sur ces mêmes ém ig rés, la raison étant
la m ême pour un cas comme pour l’autre. »
Sur le défaut d’intérêt qu’on a reproché à la dame
Q ueyriaux , on dit « qu’on ne peut raisonnablement
« opposer à la dame Queyriaux qu’elle ne pourra être
«
«
«
«
«
payée sur la m oitié comme sur la totalité du bien
de J a y e t, puisque là dém arche des poursuivans , dans
l’instance , ayant pour objet de soustraire à la prise des
créanciers la m oitié de ce dom aine, la dame Q ueyriaux
est fondée à craindre d’être prim ée par des créanciers
« an térieurs, et que par là l’autre m oitié de l’im m euble
« ne suffise pas pour rem plir sa créance. A in s i, non« s e u l e m e n t elle p e u t, mais elle doit même , sous le rap« port de son in té rê t, s’opposer à ce qui peut affoiblir
« son gage et sa sûreté.
• ; « D ’a illeu rs, tous les créanciers en général appelés
« à l’expropriation de leur débiteur , ont droit et intérêt
« de critiquer les diligences des poursuivans , soit sur le
D 2
éift
�4V ^
. ( *8 )
« fond des dem andes, soit sur la régularité des poursuites,
« parce que le bien de leur débiteur fait leur g a g e , et parce
« que les vices et les irrégularités retardent leur payement. E n m atière d’exp rop riatio n , toutes les préten« tio n s , ainsi que tous les actes, sont directs et per
ce sonnels à chacun des créanciers, qui y trouvent tous
* un avantage à prendre ou un m al à éviter.
« L a dame veu ve J u ge ayant été appelée , soit p ou r
« e n c h é rir, soit pour l’audience d’expropriation, en vertu
« de son inscription de l’an 7 , les poursuivans ont p u b li« quemertt reconnu par là qu’elle avoit intérêt et qua« lité suffisante dans la contestation. »
Sur la demande en revendication de la m oitié du do
maine de Jayet, « cette demande a paru aux premiers juges
« être en contradiction avec la dém arche faite par les pour*
« sui vans , lorsqu’ils ont soumis à la transcription le contrat
« de vente de 1792. Cet arrangement de fam ille embras« soit le domaine de J a y e t, sans d iv isio n , et a dû être
« valable pou r la totalité, ou nul pour le tout ; les pour« suivans, par leur transcription, l’ayant adopté et ratifié
«
«
et
«
«
pour le to u t, ne peuvent prétendre aujourd’hui que cet
acte doit être scin d é, puisque ce sont les actes qui
font connoître les véritables intentions des p arties, et
non les réserves faites après c o u p , suivant la m axim e :
P lu s valere quod a g itu r , quàrn quod sim ulatè
« concipitur.
« La transcription est lin acte par lequel l’acquéreur
« vient demander h la justice d’être rendu propriétaire
« incom m utable; il n’obtient ce bienfait que sous laco n « dition que les d r o i t s des créanciers inscrits seront con-
�«
«
«
«
o
«
«
v(
serves : il en résulte vunë espèce de contrat judiciaire
dont l’acquéreur ne peut plus se départir. L a dame
Q u e yria u x , en faisant une en ch ère, a spécialement a c - -»
cepté ce contrat : la transcription des poursuivons se lie
et se rattache au contrat de vente de 17 9 2 , et par conséquent. à la totalité du domaine de J a y e t, dont la revente sans restriction est inévitable.
« L es autres créanciers ont été aussi provoqués à en« ch érir j ils ont aussi reçu des poursuivans l ’assurance
« d’être p ayés, jusq u’à concurrence du p rix de la tota«
«
«
«
lité du Lien de Jayet; ils ont été également saisis de
cette promesse : ce contrat est également form é avec
e u x , puisqu’ ils,ont. ad héré.au x demandes de la dame
Q ueyriaux j et pris les mêmes conclusions qu’elle.
« L e contrat de vente de 1792 a été consenti à la
« dame de Y a n d è g re , m ère et belle-m ère des poursuivans.
« L a transcription par eu x requise a im plicitem ent
« annoncé aux créanciers inscrits que c’étoit en qualité
« d’héritiers de la dame de V an dègre qu’ils se rendoient
« propriétaires incommutables de cet immeuble. L es
« créanciers pouvoient librem ent faire valoir les droits
« q u’ils pouvoient avoir sur tous les biens de J a y e t,
« com m e venant en dernier lieu de la dame de V a n
te dègre : les créanciers ayant suivi cette im pu lsion , ne
« peuvent appréhender l'effet d’une revendication qui
« n’auroit pu être réclamée contre la dame V andègre.
« L a transcription ducontrat de 179 2 , renferm e aussi,
« de la part des poursuivans, une volonté form elle de
« renoncer à tous autres actes qui auroient pu porter
« atteinte à cette ven te, une intention m arquée d’adopter
�.......... . •
( 3° )
«
«
«
et
«
«
«
ce règlem ent de p référen ce, de s’y tenir plus particulièrement qu’à tout autre, et de fixer sur lui seul l’attention et les poursuites des créanciers. Sans cette in
tention spéciale dans les poursuivons, là transcription
de la vente de 1792 devient inexplicable; elle ne p résente aucun objet vis-à-vis des créanciers : la notification qui leur.en a été faite seroit illu so ire , ce qu’on
'
'H.
» ne peut admettre.
« L ’objection tirée de ce què le traité de l’an 1 1 , passé
« entre le sieur de V é n y et ses enfans, est soumis à la
« transcription, que dès-lors il a dérogé à la vente de
« 1792 , paroît être sans fondem ent, parce que cet acte
« ne peut concerner que les parties qui y sont contrack tantes; il étoit étranger aux créanciers dont les ^droits
« étoient antérieurs et légalem ent conservés. D e p lu s ,
« il paroît que cet acte n’a eu pour objet que de donner
« plus d’effet et d’étendue au contrat de mariage des père
« et m ère, du mois d’ôctçbré 1773 , de prendre des me« sures contre les prétentions du père, et d’assurer l’éga« lité entre les enfans ; ce qui n’a pii lier les créanciers,
« ni préjudicier à leurs droits.
« L a revendication dont il s’agit, étant appuyée sur la
« donation de biens présens et à venir portée en ce con« trat, ne devient pas plus favorable ; elle n’est pas encore
« ouverte vis-à-vis des tiers , tels que des créanciers : il
« faut attendre , pour lui donner e ife t, la m ort naturelle
« du sieur de V én y . L a m ort c iv ile , par lui encourue
« m om entaném ent, a pris fin, relativem ent aux suites de
« la donation de biens présens et à v e n ir, par sa radia
it' tion. Les droits éventuels attachés à sa' personne , et
�»
(■ 30
«'
a
«
«
«
«’
«
«
subordonnés seulement à sa m ort n atu relle, ont rep ris,
vis-à-vis des tiers, toute leur force et leur effet prim ordial. Sans d o u te, au décès du sieur de V ille m o n t, ses
enfans donataires auront le c h o ix , oü de s’en tenir aux
biens présens seu ls, en payant à proportion les dettes
existantes lors de la d onation, ou de prendre les biens
présens et à v e n ir , à la charge de payer les dettes au
moment du décès. D e même i que les créanciers ou
« autres ne pourroient un jour obliger les 'enfans à se
«
«
«
«
restreindre aux seuls biens présens , et à abandonner
tous les biens à ven ir;' de m ême ceux-ci ne p eu ven t,
dès à p résen t, forcer les créanciers à reconnoître l’option prém aturée des biens présens. M a is , par la raison
« que les enfans ne peuvent être dépouillés de l’espérance
« des biens à v e n ir , ils ne peuvent aussi se d ir e , à l ’égard
« des créanciers, saisis et vêtus des biens présens. L e sieur
« de V é n y ne peut être en m êm e temps réputé m ort et
« v iv a n t, pou r donner aux enfans le p rivilège actuel de
« prendre les biens.
« A la v é r ité , le sénatus-consulte de l ’an 10 n’a rétabli
« les ém igrés dans leurs droits c iv ils , que sous condition
« de ne p o u vo ir attaquer les actes faits par la nation ; mais
« cette disposition ne concerne que les émigrés person« nellem ent, pour les empêcher de pôrter le trou b le, soit
« dans leur fam ille, soit dans les arrangemens qui peu« vent intéresser des tiers, et cette défense n’a trait qu’aux
« seuls ém igrés : elle n’a pas pour but de frustrer des
« créanciers légitim es. Dans la circonstance', les enfans
« du sieur de V é n y ne peuvent pas être considérés, vis« à-vis des créan ciers, comme des tiers ayant un droit
�C'32 )
« acquis par la m ort civile de leur p è fe , puisqu’il n’est
« pas question d’un droit déterm iné et constant, comme
« seroit un fidéicom mis sur des biens désignés , lequel
« s e r o it o u vé rt, d’après l’article 24 de l’ordonnance des
« substitutions. M ais il s’agit d’une donation de biens
« présens et à venir. L es effets de cette donation , quant
et aux biens présens, sont encore liés et inséparables de
« celle des biens à v e n ir, dont l’option et le droit sont
« attachés à la m ort naturelle du sieur de V e n y . Jusque-là
« rien n’est encore dû aux donataires de cette espèce, et
« les enfans ne peuvent opposer à des créanciers incrits
« des actes non transcrits, et qui ne peuvent être opposés
« à des tiers.
a Indépendamment de ces prin cipes, il se présente en
« faveur de la dame veu ve Ju ge des motifs d’équité qui
» déterminent. Ses droits sont constans" et légalem ent con« servés;sbn hypothèque, assurée sur tous les biens du père
a tant qu’il étoit viva n t, étoit incontestable : elle retrouve
«
«
«¿
a
a
aujourd’hui ces mêmes biens dans les mains de son d é biteur ou de sès enfans, qui n’ont pu les prendre qu’à
titre d’enfans, et par anticipation sur la succession de
leur père encore vivant. O r , com m ent dans une telle
position* la punition infligée par la loi au père s e u l,
« profitable aux enfans à l’égard du père seu l, pourroitcc
«
«
«
elle rejaillir sur un créancier lé g itim e ? Com m ent des
actes qui n’ont été que des ai'rarigemens de fam ille ou
de circonstance, q u i, par leu r'to u rn u re , leurs précautions et leur o b scu rité, annoncent les circonstances qui
« les ont fait n aître; com m ent de tels actes pourroient-ils
« fonder Une revendication qui suppose des titres précis
a et
�M
l
C 33 3
« et des droits ouverts ? JDe tels actes ne peuvent être
« regardés d’un œil favorable.
Sur la nullité de la procédure , les premiers juges
soutiennent que « les parties ont respectivement confondu
« avec les moyens de la revendication, ceux de la nullité
« de la.procédure. Il a fallu en même temps faire droit sur
c les uns et sur les autres, pour ne pas laisser la perspec« tive d’une contestation assurée au m oment de la revente.
« A p rès avoir présenté aux enchères la totalité de
«
«
«
«
«
Jayet, après avoir induit à faire des offres sur cette iotalité , la l’evendication de la m oitié du domaine , faite
par les poursuivans , tend à laisser sans enchère réelle
l’objet proposé à la revente. En effet, la dame Q ueyriaux
se trouve avoir fa it, sur une m oitié de dom ain e, une
« enchère qu’elle n’auroit pas faite , oü qui aliroit été
« beaucoup moindre ; et, d’un autre côté, les pouvsuivans
«
«
«
«
«
«
ont été obligés de consentir à l’audience que cette enchère fût restreinte, ou qu’il en fût fait une nouvelle.
A in si , il est vrai de dire que l’a/ficlie a été présentée
au public sans véritable enchère, puisque celle qui est
mentionnée n’est pas de l’aveu même des poursuivons,
l’enchère véritable et sérieuse qui doit être la prem ière
« mise, et qu’ainsi l’article 5 de la loi du 11 brum aire a été
« violé à cet égard. »
Sur la nullité résultante de ce qu’il n’a pas été mis
d’ailiche au domicile du débiteur , le tribunal dont est
appel décide «
« dom icile réel
« T e m p le , n°.
« dans son acte
qu’on ne peut révoquer en doute que le
du sieur V é n y étoit.à Paris, vieille rue du
j8 o ; le sieur V e n y le déclare lui-m êm e
d’élection : les poursuivons l’ont reconnu
E
�k
«
«
«
«
«
ce
«
«
«
( 34 )
en lui signifiant, à ce dom icile de P a ris, l’enchère de la
dame veuve Juge. 11 est aussi aisé d’apposer une affiche
à Paris que d’y signifier une enchère ; l’un et l’autre de
ces actes sont également du ministère de l’huissier, également prescrits par la lo i; et l’exécution de l’un de ces
actes devient un titre de condamnation pour celui qui a
été omis ou négligé.
a L ’article 5 de la loi du n brum aire commandoit impérieusement cette form alité, Cette loi paroît avoir eu
deux objets dans sa disposition ; le prem ier, d’apprendre
au débiteur qu’il est réellem ent exproprié , ou que le
«
«
«
«
«
«
a
bien par lui vendu est à l’enchère; le second, de faire
connoître au public le degré de sûreté et de confiance
présenté par celui sur les biens duquel il y a des poursuites légales ; enfin , la loi a toujours à cœur que les
actes importans soient faits au dom icile réel et de droit
du débiteur , comme partie la plus intéressée à les connoître.
« L ’élection de dom icile faite par le sieur V é n y chez
«
«
a
cc
et
«
M e. L ougn on , son a v o u é , ne pouvoit dispenser de
faire l’affiche au dom icile de droit. Les élections de
dom icile chez une personne désignée, n’ont lieu que
pour les significations des actes ordinaires ou des copies
de pro céd u re, et non pour une apposition d’afliche qui
doit être faite au dom icile réel et de droit : d’ailleurs,
« l’affiche n’a pas même été apposée au domicile élu du
« sieur de V én y.
« Si le sieur de V é n y néglige de relever ce m oyen, la
« dame veuve Juge a le droit de se l’approprier.
« L ’apposition d’affiche n’a pas même eu lieu aux bâti-
�«
«
cc
«
«
mens du domaine de Jayet. Cette form alité est cependant rigoureusement prescrite par l’article 5 de la loi
déjà citée. L ’affiche énonçoit Vexistence de ces bâtimens
avec leur couverture : ils étoient donc présentés comme
étant en état d’exploitation.
« Il ne suffit pas d’alléguer que ces bâtimens n’existent
« plus, et qu’ils sont tombés en ruine. O u ils sont écroulés,
« comme on le prétend, disent les premiers juges, et alors
« il ne falloit pas en faire mention dans l’affiche, ni pré-
« senter aux enchérisseurs un appât trom peur et m en« songer ; ou ils existent en tout ou en partie, et il falloit
« une apposition d’affiches, même sur les masures, comme
« restes de bâtimens saisis. » D e là les premiers juges font
résulter un vice radical dans la puocédure.
O n avoit fait également usage d’ un m oyen résultant
de ce que la contenue des bâtimens du domaine n’avoit pas
été spécifiée. Les premiers juges ne veulent pas faire grâce
de cette objection , et ont pensé qu’une telle omission
étoit encore un manquement essentiel à la loi.
Ils sont plus généreux sur l’objection tirée de ce que
les affiches n’ont pas été posées un jour férié. L a loi du 11
brum aire n’exige pas cette form alité : les dispositions ri
goureuses doivent être plutôt restreintes qu’étendues, et
on ne peut pas ajouter à la loi.
Ils ne sont pas plus difficiles sur la revendication du
terrain adjugé aux frères V é n y : toutes les parties y ont
consenti -, la dame Queyriaux ne s’y est pas même opp osée,
elle s’est seulement réservé ses moyens de droit sur cet objet.
O n voit c[ue les premiers juges ont porté le plus grand
soin dans la rédaction de leurs m otifs; tout prouve même
E 2
�¡v»vt«
«
(s6)
qu’ils y ont mis de la prétention : mais en sont-ils m ieux
fondés? L e sieur de V a n d èg re, aux qualités qu’il p ro
cè d e, a-t-il eu le droit de revendiquer lu m oitié du do
maine de J a yet? Y a-t-il des nullités dans la procédure ,
qui puissent faire la plus légère impression ? Telles sont
les questions principales que les poursuivans soumettent
à la cour par leur app el; questions qui exigent un exa
men ap p ro fo n d i, et d’assez longs détails : mais la cause
d’ailleurs est assez importante pour ne rien négliger dans
la discussion.
P R E M I È R E
QUESTION.
L e sieur' de V a n d ogre est bien f o n d é à revendiquer au
nom de s o n jïls la m oitié de la terre de J a y e t.
Ce n’est pas sérieusement, sans doute, qu’on a voulu
attaquer la donation portée au contrat de m ariage du 1 i
octobre 1773* La m inorité de M . de Y é n y 11’étoit pas
un obstacle à la validité de cette donation. Si la Coutume
d’A u v e rg n e , article 2 du titre 1 3 , défend au m ineur de
disposer de ses biens im m eubles, par contrat ou autre
m en t, cet article, qui est de droit com m un, rccevoit
une restriction en cas de donation faite par le m ineur,
en faveur de ses enfans à naître, par contrat de mariage.
Des dispositions de cette nature, dit le dernier commen
tateur, ne causent aucun préjudice à celui qui les fait;
elles le mettent dans l’heureuse impuissance de dissiper scs
biens, en les assurant à scs enfans a qui ils doivent natu
rellement revenir par ordre de succession. D eu x arrêts,
�C 37 )
l’u n , du 13 mars 1 7 4 1 , rendu en faveur de M . le duc
d’O lonne; l’au tre, du 7 mars 17 6 8 , rendu en faveur du
sieur de Strada, ont consacré ce principe.
L a clame de V é n y , épouse du sieur de V an dègre , a
donc été irrévocablem ent saisie de la moitié des biens
dé son p è r e , au moyen de la donation portée au contrat
de mariage de 17 7 3 , avec d’autant plus de raison que le
sieur de V é n y ne s’est pas pourvu en restitution contre la do
nation par lui faite dans les dix ans de sa majoi’ité.
T o u t est consommé aujourd’hui au moyen de l’arrêté
du département qui a investi la dame de V andègre de
la m oitié de J a yet, ainsi que du surplus des biens de son
père. La succession de ce dernier étoit alors ouverte par
la m ort civile qu’ il avoit encourue, et qui a les mêmes
effets que la m ort naturelle. La dame de. V an dègre a fait
son option pour les biens présens, en répudiant les biens
à venir ; et si le sieur V é n y , son p è re , est depuis rentré
dans'tous scs droits de citoyen, il ne peut plus jeter un
regard sur le passé , il est obligé de respecter tout ce qui
a été ¡fait par les corps administratifs pendant son absence;
etses créanciers, qui n’ont pas plus de droit qu’il ne pourroi t en avoir lui-m êm e, attaqueroient vainement l’arrêté
qui a investi la dame de Vandègre de sa propriété.
L a dame de V andègre., par son d écès, a transmis la
m oitié des biens de son père à l’enfant qu’elle a eu de
son mariage avec le sieur de V a n d è g re : cet enfant l’a
recueillie à litre de succession. L ’état des choses a changé;
il y a novation en faveur du iils, qui est aussi irrévo
cablement saisi.
E u cct état de choses, com m ent seroit-il possible de
�contester la demande en revendication qui a été form ée
par le sieur de V a n d èg re, comme tuteur d e , son fils?
Il s’est conform é, en tous points à la disposition de la
loi du i i brum aire an 7. Cette l o i , article 25 , pose en
principe que l’adjudication définitive ne transmet à l’ad
judicataire d’autres droits à la propriété que ceux qu’avoit
le saisi. E lle accorde dix ans aux parties intéressées pour
revendiquer la propriété des objets qu’on auroit mal à
propos compris dans les affiches, ou même dans l’adju
dication. O n n’a opposé au sieur de V andègre aucune
omission dans les formes pour régulariser sa demande ; il a
suivi toutes les formes prescrites par l’article 27 de la
même l o i , et il n’est pas inutile d’ajouter q u e , d’après
l ’article 2 9 ,1a revendication antérieure à l’adjudication
n’em pêche pas que le tribunal ne puisse ordonner l’ad
judication de tout ou partie des objets non revendiqués. Cette observation trouvera sa place dans la suite de la dis
cussion.
L e traité du 29 brum aire an 1 1 , qu’on présente sans
cesse comme une pierre d’achoppem ent, ne peut cepen
dant faire obstacle à la demande en revendication. En
supposant, comme on a voulu le prétendre , que ce traité
contînt une renonciation aux droits déjà acquis au m ineur
V an dègre , il seroit absolument nul sous ce rapport. O n
rem arque en effet que le sieur de V andègre p è r e , n’a
agi ,.11’a contracté qu’en qualité de père et légitim e admi
nistrateur de son fils mineur. Il n’a pris aucun engage
ment personnel ; et personne n’ignore qu’on ne peut
déroger aux droits d’un m ineur impubère., que le tuteur ;
n’a ni qualité ni capacité, pour aliéner les biens de sou
�*
(39 )
p u pille: le sieur de Vandègre d’ailleurs n’a été autorisé par
aucun conseil de famille ; il n’a été observé aucune des
formalités prescrites pour l’aliénation des biens du m ineur :
dès-lors ce traité seroit illusoire et n u l, et seroit opposé
sans succès.
M ais le sieur de V andègre lui-mêm e a-t-il voulu dé
roger aux droits acquis de son fils ? Cet a c te , dont on
veu t tirer d’aussi grandes inductions , n’est qu’un arran
gement de famille qui ne peut nullem ent concerner de3
tiers; un acte dicté par des motifs de déférence ou de
respect pour un père m alheureux que des enfans ne veu
lent pas entièrement dépouiller.
Mais le sieur de V a n d è g re , comme la dame de Samp ig n y , ont senti le danger que pourroit avoir une défé
rence absolue ; aussi ont-ils expressément stipulé qu’ils
accédoient au désir de leur p è r e , sans aucunem ent dé
roger ¿1 leurs droits acquis par tout autre titre que la
vente y n i y préjudicier. Ils se sont réservés la faculté
d’exercer les droits qu’ils peuvent avoir indépendamment
de la ven te, sans novation ni dérogation contre lés acqué
reurs qui y seroient su brogés, dans le cas où , su r la
transcription q u i sera fa ite de cette len te au bureau
des hypothèques , et la n otifica tion , il surviendroit des
enchères de la p a it des créanciers intéressés et inscrits.
Ce n’est pas ici une simple réserve, une protestation
générale et indéfinie , c’est une condition expresse et sine
qua n o n , une condition tellement inhérente au tra ité,
que l’une ne peut exister sans l’autre : c’est le m otif unique
et absolu qui les a déterminés à prendre des nrrangemens.
Ils ont bicu voulu se prêter à ce qui pouvoit convenir au
�U ° )
sieur de V é n y , mais ils n’ont pas voulu être en butte à
ses créanciers; ils ont cherche à l’obliger personnellement,
mais sans com prom ettre leurs droits ou leurs intérêts visà-vis des tiers. Ce n’est que par cette, considération , et
au moyen de leur réserve , qu’ils ont traité ; et comment
des tiers ou des créanciers pourroient-ils s’emparer d’un
pacte de fam ille, d’un acte dans lequel le sieur de V é n y
n’a point cherché des avantages pour lui personnelle
m e n t, ni pour ses enfans, où il ne s’est au contraire
occupé que de l’intérêt de ses créanciers , en leur assu
rant sans reto u r, par les stipulations du traité, le p rix de
la vente de l’an 11 , nonobstant tout événem ent dont il
a mis les risques à la charge de ses enfans acquéreurs,
autant qu’il n’y auroit pas d’enchères.
L:\ dame veuve J u g e , loi’s de la plaidoirie de la cause,
ji’étoit pas allé si loin que les premiers juges ; elle sembloit reconnoitre la validité des titres du m ineur V a n d ègre; elle accédoit à la revendication; elle exigeoit seu
lement qu’on réduisît la mise à p rix ou le taux de son
enchère.
M ais les premiers ju g e s , dans leurs m otifs, pensent
que la revendication est en contradiction avec la dé
m arche faite par les poursuivans , lorsqu’ ils ont soumis
à la transcription le contrat de vente de 1792.
Il faut être bien ingénieux pour trouver une contra
diction dans cette demande. E n e ffe t, lors du traité de
l’an 11 , le sieur de Y an dègre , tuteur , et la dame de
Sampigny , n’ont accédé aux propositions du sieur de
V é n y , qu’autant qu’ ils feroient transcrire la vente de
1792 et le traité lui-m êm e; et dans le cas..où sur la
transcription
�( 41 )
transcription il y auroit des enchères, alors ils se sont ré
servé tous leurs droits. Cette démarche est sans doute trèsconséquente , au lieu d’être contradictoire. Us ont dit :
O n veut que la vente de 1792 sorte son effet avec les
modifications ou réductions que nécessitoient les circons
tances. Nous acceptons cette proposition , pou rvu que
nous puissions devenir propriétaires incom nm tables, et
qu’il n’y ait pas d’enchères -, mais s’il y a des en chères, il
n’y a plus ni vente ni traité ; nous rentrons dans tous
nos droits : et certes , un tel arrangement est facile à
concevoir. Pourra-t-on jamais supposer que les appelans , créanciers de sommes considérables , comme h éri
tiers de la dame de V é n y , leur m ère, dont les créances
étoient antérieures à toutes autres , puisqu’elles rem ontoient au contrat de mariage de 1 7 7 3 ; que le sieur de
V andègre , dont le fils étoit p ro p rié ta ire incomm utable
de la m oitié de Jayet ; que les appelans réunis aient
voulu sacrifier tous leurs droits, tous leurs intérêts au
profit des créanciers qu i leu r étoient postérieurs ? U n
tel abandon ne pourroit s’exp liq u er; et les principes les
plus rigoureux de délicatesse ou d’honneur ne com m an
dent pas de pareils sacrifices.
O n oppose que les actes font connoîlre les véritables
intentions des parties, et non les réserves faites après
coup , suivant la m a x im e , plus valere quod agitur ,
quàrn quod sim ulatà concipitur.
Cette maxime ne sauroit être plus étrangement appli
quée. Ce n’est point ici une protestation ou réserve géné
rale , qui souvent sont inutiles, comme le dit L e b ru n ,
lorsqu’elles sont form ellem ent contraires à la substance
F
�C 42 )
<3e l’acte ; mais c’est une condition expresse, q u i, loin
d ’être contraire à la substance de l’acte, explique et ma
nifeste suffisamment l’intention des parties ; condition
in d ivisib le, sans laquelle le traité n’auroit pas eu lie u ,
de laquelle l’acte tire sa force et son existence , au point
q u ’il ne peut pas subsister sans la con dition, puisque les
parties n’ont transigé que dans cette confiance. Ce n’est
pas une réserve faite après coup , puisqu’elle est con
tenue dans l ’article 2 de ce traité qui en renferm e sept
autres; elle e s t, au co n traire, le prélim in aire, la cause
essentielle : elle doit donc avoir tout son effet.
Dans l’espèce, le sieur de V andègre particulièrem ent
avoit deux qualités. Comm e tuteur de son fils , il étoit
propriétaire de la m oitié des biens du sieur de V é n y ; il
a bien voulu ensuite se prêter à devenir acquéreur, mais
6 OUS la condition qu’ il n’y auroit pas d’enchères ; et dès
q u’ il y a eu des enchères, il n’y a pas de doute qu’il a pu ,
p o u r s’exprim er com m e les premiers juges, scinder l’acte
de vente , abandonner aux créanciers la m oitié qui apparlenoit i\ leur débiteur, et revendiquer l’autre, dont son fils
étoit propriétaire : moitié qui n’a jamais pu être soumise
aux créanciers, qui n’ont d’hypothèque que depuis le con
trat de mariage de 1773.
En vain opposeroit-on que la transcription, suivie d’en
chères , saisit les créanciers ; q u ’ il y a un contrat judiciaire
avec e u x , et qu’ils ont été saisis de la totalité du bien de
Jayet par la transcription qui en a été faite.
Ce raisonnement , qui n’a pas même le m érite d’être
spécieux, conduiroit ¿\ de singulières conséquences. Il faudroit retrancher de la lo i du 1 x brum aire an 7 , le titre des
�0 3 7
N
C 43 )
revendications, parce qu’il ne pourroit jamais y avoir lieu
à revendiquer. E n effet, souvent un vendeur com prend
dans sa vente des objets qui ne lui appartiennent p a s, ou
pour lesquels il est en p éril d’éviction; souvent un créan
cier poursuivant com prend dans son affiche des biens qui
n’appartiennent pas au saisi. Dans l’un comme dans l’autre
cas , les créanciers sont investis de la totalité des biens
compris dans la transcription ou dans l’affiche. L ’enchère
frappe sur la totalité des objets; il y a, comme dans l ’espèce,
un contrat judiciaire, suivant le dire des premiers juges : et
cependant, dira-t-on qu’alors le propriétaire des objets
mal à propos confondus dans la transcription ou dans
l ’affiche , ne peut pas les revendiquer ? Non-seulem ent il
le peut d’après la loi antérieurement à l’adjudication, mais
encore d’après la même lo i, qui établit en ce point un droit
nouveau, il peut exercer cette revendication pendant d ix
ans, à com pter de l’adjudication.
Quelle différence y a-t-il donc entre ce propriétaire qui
revendique dans ce cas , et le sieur de V andègre qui exerce
aujourd’ hui la même action ? N ’a - t - i l pas les mômes
droits? la loi l’auroit-elle privé de cette faculté ?
M ais on dit qu’il réunit les deux qualités d’acquéreur
et de p ro p riéta ire, et qu’ il a renoncé à cette dernière
qualité en acceptant celle d’acquéreur ; et où a-t-on trouvé
qu’il ait fait une pareille renonciation? T o u te renoncia
tion doit être expresse ; les lois n’en admettent pas de
tacites. Ici le sieur de V a n d è g re , loin d’abandonner son
droit de p ro p rié té , l’a réservé expressément : il a donc
pu revendiquer. N ’a r r iv e - 1 - il pas tous les jours , par
e x em p le, qu’ un acquéreur achète des objets sur lesquels
F 2
�C 44 )
il avoit cîes d roits, ou pour lesquels il avoit form é une
demande en désistement ? Il acquiert pour éviter un
procès ; il transcrit son contrat, et éprouve des enchères.
V oudroit-on soutenir que, parce qu’il a acquis, il n’a pas
le .d ro it de revendiquer les objets dont il avoit demandé
le désistem ent? L ’article 2177 du Code civil décide bien
positivem ent le con traire, puisqu’il v e u t, avec la liaison,
que les servitudes et droits réels que le tiers-détenteur
avoit sur l’im m eu b le, avant sa possession, renaissent
après le délaissement, ou après l’adjudication faite sur lui.
A in si , les raisonnemens des premiers juges tombent
d ’eux-mêmes : ils sont inconséquens, et en contradiction
avec la loi. L e sieur de V an dègre n’est plus acquéreur,
dès qu’il y a une en chère; il rentre dans tousses droits,
du moment que les biens sont sous la main de la justice:
il a donc pu les exercer dans toute leur étendue ; il a donc
pu revendiquer la m oitié qui appartient à son iils.
Les premiers jnges en reviennent à dire que la reven
dication n’étant appuyée que sur la donation des biens
présens et à venir de 1773 , cette donation n’est pas ou
verte vis-à-vis des tiers tels que des créanciers,: il faut
attendre, pour lui donner effet, la m ort naturelle du sieur
de V én y .
Celte assertion est contraire à tous les principes. L a
m ort c iv ile , dit R ic b e r , page 2 7 3 , est une fiction qui
doit se conform er en tout à la nature. Quand un hom m e
est frappé de la m ort naturelle , sa succession est ouverte
au profil de ceux à qui elle app artien t, soit par le sang,
soit par la disposition de la loi,soit, enfin par la disposition
testamentaire du défunt lui-même. 11 en est ainsi de la
�( 45
m ort civile ; elle dépouille celui qui l’a encourue de tous
les biens qu’ il possédoit. S’il renaît à la vie civile par quelqu’événement que ce s o it, il ne rentre dans la plénitude
de ses droits que p our Tavenir $ mais les pertes qu’il a
faites par sa m ort c iv ile , et dans l’intervalle , sont sans
retour. lie Gode civ il le déclare positivem ent, articles 25
et 30 ; et les lois de la ré v o lu tio n , qui ont rappelé les
religieux à la vie c iv ile , consacrent le même principe.
Les religieux succèdent, en e ffe t, depuis la loi du 5 b ru
maire an 2 ; mais ils ne sont réintégrés ni dans leur patri
m oine qu’ils a voient perdu par leur profession religieuse,
ni dans les successions écliues dans l’intervalle de leur pro
fession à la loi du 5 brumaire.
O r , si le sieur d e V é n y avoit été d é c é d é , sans contredit
le sieur de V an dègre , son petit-fils , eût été propriétaire
incomm utable de la m oitié de ses biens-, les tiers n’auroient
eu rien à récla m er, à l’exception des créanciers antérieurs
a la donation. Il en est de m êm e de fa m o rt civile ; elle
a eu les mêmes efi'els. L e sieur de V é n y ne peut pas re
v iv re pour l’espace de temps qu’il a été enveloppé dans
la proscription : il ne peut plus revenir sur le passé; et
lorsque les premiers juges ont soutenu que la disposition
de la loi ne concernoit que les émigrés personnellem ent,
n’a voit trait q u’à eux seuls , et ne pou voit regarder les
créanciers, c’est m éconnoître tous les principes, c’est vo u
lo ir qu’ un homme soit tout à la fois m ort et vivant ; ce
qui l’épugne aux lois d elà nature comme aux règles de la
m ort c iv ile , qui imite la m ort naturelle dans tousses effets.
Q u’ on ne dise pas que cette donation contenant tout à
la fois des biens présens et à v e n ir, les biens présens sont
�inséparables des biens à v e n ir, et que l’option est attachée
à la m ort naturelle du sieur de V é n y . Ce n’est là qu’une
pétition de p rin cip e, un cercle vicieux. Ün a déjà dit que
la séparation des biens à venir avoit été faite, que l’op
tion des biens présens avoit été consommée par l’arrêté
des corps adm inistratifs; et il n’appartient pas aux tri
bunaux d’annuller des actes .administratifs qui ont déjà eu
le u r pleine exécution , auxquels les créanciers se seroient
vainement opposés, puisqu’ils .n’avoient aucun droit sur
les biens com pris en la donation de 1773.
L es premiers juges n’ont pas ignoré que leur système
étoit contraire aux principes du droit*, ils s’appesantissent
principalem ent sur des m otifs de considération , et c’est
s’o u vrir un cham p bien vaste; mais lorsqu’ils disent que
la revendication tendroit à laisser sans enchères réelles
'l’objet proposé à la rev en te, ils ont encore erré en point
de d roit, comme en point de fait.
En point de d r o it, parce que la mise à p rix sur la tota
lité des objets ne peut pas em pêcher la revendication , elle
ne peut pas m ême m ettre obstacle à l’adjudication de
tout ou de partie des objets non revendiqués. L ’article 29
de la loi du 11 brum aire an 7 en a une disposition pré
cise, et tous les jours on en vo it des exemples dans les
tribunaux. A la v é r it é , la loi ne s'explique pas sur les
en c h è re s , et ne déterm ine pas de mode de réduction ; mais
il est raisonnable de penser qu’alors le créancier enché
risseur peut retirer son enchère, parce qu’il peut dire
que la revendication a dérangé ses projets, et qu’il n’auroit
pas enchéri, s'il n’a voit com pté sur la totalité des objets.
llicn n’em pêchoit la dame Juge de retirer son enchère :
�«3 *1
( 47 )
les appelans y donnoient les mains; ils ont m êm e déclaré,
et à cet égard leur consentement est consigné dans les
motifs du jugement , qu’ ils consentoient à ce que la mise
à prix de la dame veu ve Juge fût réduite h la m oitié, dèslors les intérêts de la créancière étoient à co u v e rt, et,
comme on le v o it, il y a erreur en point de f a it, d’après
le consentement des sieurs de V a n d ègreet Sam pigny.
On ne peut dissimuler son étonnement d’ailleurs de
cc que les premiers ju g e s, en déclarant la procédure
n ulle, ont ^tatué en même temps sur la demande en reven
dication. C ’est au moins le prem ier exem ple d’un juge
ment qui statue tout à la fois sur la form e et sur le fo n d ,
lorsque la procédure est déclarée nulle. S i , en effet,
ralliche et Pexpropration sont annullées, tout disparoît,
même la demande en revendication qui n’en est que
l ’accessoire. Il n’y a lieu a revendication qu’autant qu’il
y a expropriation. L es premiers juges se sont bienaperçu de cette inconséquence; e t, p o u r s’en tirer, ils ont
prétendu que les parties avoient respectivement confondu
avec les moyens de la revendication ceux de la nullité
de la p ro céd u re; dès-lors, disent-ils, il a fallu en même
temps faire droit sur les uns et sur les autres, pour ne pas
laisser la perspective d’une contestation assurée au m oment
de la revente.
Etonnante prévoyance dont il est peu d’exem ples, et
qui ne trouvera pas d’ imitateurs! M ais comment peut-on
dire que les moyens de la revendication ont été confondus
avec ceux de la procédure? Ce n’étoit pas les mêmes par
ties; le véritable poursuivant dans la cause étoit la dame
J u gc, puisque son enchère avoit fait cesser la vente volofi-
�J fk
(48)
taire de 1792 ou de l’an 2. L a dame veuve Juge gardoit le
plus profond silence après son en ch ère, et les acquéreurs
ne vouloient pas rester dans cet état d’incertitude. E n fai
sant procéder à l’affich e, le sieur de V an dègre et la dame
de Sam pigny ne faisoient que se subroger aux poursuites
qu’auroit dû faire la dame veuve Juge ; ils figurent comme
acquéreurs pour l’affiche et l’expropriation , mais .c’est le
sieur de V an dègre seul q u i, comme tuteur de son fils , et
après y avoir été autorisé par un .conseil de fam ille, a form é
la demande en revendication : demande^qui est une action
im m o b ilière, distraite et séparée de l’expropriation , qui
ne concernoit que le fils du sieur de V andègre seul, et qui
étoit étrangère à la dame de Sam pigny.
Il ne pouvoit donc pas y avoir de confusion. Les pre
miers juges, suivant toutes les règles observées jusqu’ici,
devoient préalablem ent exam iner les moyens de nullité
qu’on opposoit contre la procédure ; et dès qu’ils leur
paroissoient assez graves pour les déterm iner, ils devoient
se contenter de déclarer l’affiche n u lle , sans q u’il leur fût
permis d’exam in er, ni les moyens du fo n d , ni le m érite
de la revendication , qui n’existoit plus dès qu’il n’y avoit
plus d’affiches valables.
A in s i, sous tous les points de vue , la demande en re
vendication du sieur de V a n d è g re , en qualité de tuteur
de son fils , ne peut faire la m atière d’un doute sérieux.
Son fils est irrévocablem ent propriétaire de la m oitié des
biens du sieur V é n y , son aïeul ; la donation de 1773 est
valable en la form e : dans tous les cas, la restitution ne
seroit ]>1us adm issible, dès que le sieur de V é n y , donateur,
ne l’a point attaquée dans les dix ans de sa majorité.
La
�( 49 )'
L a m ort civile qu’il a eucourue momentanément a
donné lieu à. l’ouverture de sa succession ; l’arrêté du
département a investi la dame de V én y-V a n d ègre de tous
les droits qui lui étoieut attribués par la donation : cet
arrêté n’est pas soumis à la censure des tribunaux; il doit
être exécuté. L e sieur de V ény , quoique rétabli dans
l’exercice de ses d ro its, ne peut revenir sur le passé : il
doit prendre les choses dans l’état où il les trouve.
L e traité de l’an 11 est viscéralement nul par rapport
au fils de M . de V a n d è g re , puisque ce dernier n’a agi
qu’en qualité de tuteur de son fils, et qu’il n’a p u , d’après
les principes les plus certains en cette m atière, déroger
aux droits de son pupille. F û t-il valable, il n’a été fait que
sous la condition expresse qu’il n’y auroit point d’enchères
des créanciers, ou qu’en cas d’enchères il rentrex*oit dans
tous ses droits; condition très-licite qui fait partie essen
tielle de l’acte , et qui prouve l’intention des parties.
lie jugement qui a rejeté cette revendication est donc
évidem ment injuste; il est également prém aturé , puisqu’en déclarant la procédure nulle il ne pouvoit exam iner
le m érite du fond : dès-lors l’appel ne sauroit êti’e m ieux
fondé.
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
I l n y a point de nullité dans la procédure q u i a été tenue
par les sieurs de Vandègre et de Sampigny.
Les moyens de nullité qu’on oppose consistent à d ir e ,
i Q. qu’il n’avoit point été apposé d’affiches à P a ris, où
réside le sieur de V é n y , partie saisie; 2°. que l ’apposition
d’affiches n’a pas eu lieu aux bâtimens du domaine de
a
�( 5° )
Jaj^et ; 30. que la contenue des M tim ens du domaine n’a
pas été spécifiée dans l’afficlie 40. que les affiches ont été
apposées un joui* ordinaire, et devoient l’être un jour férié.
Relativem ent au p rem ier, il n’est d’aucune importance.
A la vérité , l’article 5 de la loi veut qu’il y ait une affiche
ù l ’extérieur du dom icile du débiteur et des édifices saisis;
mais la loi a entendu parler du dom icile de droit, et non
d’un dom icile momentané. L e sieur de V é n y a résidé pen
dant quelque temps à P aris; mais ce n’est pas dans cette
ville qu’il est dom icilié. D ’après la loi 7 , au code D e in
colis , le véritable dom icile est le lieu où une personne
jouissant de ses droits établit sa demeure et le siège de sa
fortune. In eodetn luco singulos habere dom icilium ,
72 0 71 am bigitur ubiquis lareni rerum que ac fortu n a ru m
suarum summarn co n stitu it, undè l'ursùs non sit discessurus , s i n ih il civocet ; undè cùtn profèctus est
peregrinari videtur , quod s i rediit peregrinari ja m
destitit. L e dom icile ne peut s’acquérir que par la rési
dence effective, et l’intention manifeste de fixer son dom i
cile en un lieu ; de là il suit que la résidence la plus lon
g u e , séparée de la vo lo n té, ne suffit pas pour constituer
un dom icile ; qu’il faut nécessairement l’intention de s’y
fixer. L e Code civil s’est conform é en tout point à ce prin
cipe , article 102 et suivons. D ’après ces articles, le dom i
cile est au lieu où le citoyen a son principal établissement,
avec l’intention de s’y fixer. L a preuve de cette intention
résulte d’une déclaration expresse faite, tant à la m uni
cipalité du lieu que l ’on quitte qu’à celle du lieu où l’on
va h ab iter, et à défaut de déclaration de ce g en re, l’iutention dépend des circonstances.
�( 5. )
Ici le sieur de V é n y a pour dom icile d’origine le lieu
de Jayet. S’il a habité pendant quelque temps ù Paris il
n’y a jamais eu son principal établissement -, il n’y tient
point de m énage; il n’y est appelé par aucune fon ction ,
par aucunes affaires; il n’a fait aucune déclaration à la
m unicipalité de son ancien d o m icile, ni à celle de Paris.
Rien ne constate son intention de se fixer dans cette capi- ■
taie : dès-lors les appelans n’ont pas dû faire poser d’af- ,
fiches en la ville de Paris ; il suffit qu’il y en ait une au
lieu de Jayet.
>
L es premiers juges ont donné une grande importance
à ce moyen. Ils ont prétendu que le dom icile réel du
sieur de Y é n y étoit à P a ris, sans aucun doute. Dans
l’acte d’élection qu’a fait le sieur de V é n y en la maison
de son avoué près le trib u n a l, il a dit qu’il dem euroit à
P a ris, vieille rue du T em p le, n°. 180 , et c’est à ce d o
m icile que les appelans lui ont fait notifier l’enchère de
la dame veuve J u g e ; mais de ce que le sieur de V é n y
a désigné le n°. ou il logeoit à P a ris, on ne peut tirer
d’autre conséquence, si non qu’il a fait une indication
ordinaire pour tous ceux qui logent à Paris, m ein em o
mentanément : il a plutôt donné son adresse qu’il n’a indi
qué un domicile d’intention et de f a it , comme le font tous
ceux qui sont logés à Paris, qui veulent avoir des nou
velles de leur fam ille; et on n’a jamais prétendu que
cette désignation, si nécessaire dans les grandes villes, pût
entraîner un domicile réel de droit et de fait.
Il seroit souvent impraticable d’apposer une affiche
au dom icile réel du débiteur ; il peut se trouver en
A m ériqu e comme à P a ris, en Italie ou en Espagne, et
G 2
*
�u * ,
( 52 )
ira-f-on jusqu’à penser qu’il faut une affiche dans ces
contrées lointaines , ou hors de l’em pire? 11 faut avouer
que cette interprétation si rigoureuse de la loi deviendroit rid icu le, et que ce n’est pas là ce qu’elle a entendu
prescrire.
L es appelans ne se sont pas contentés de faire mettre une
affiche au lieu de J a y e t, dom icile de fait et de droit du
sieur de V é n y , ils en ont encore fait signifier une à son
dom icile é lu , de sorte qu’ils ont satisfait en tout point
à l’esprit comme à la lettre de l’article 5 de la loi qu’on
voud roit leur opposer.
L e second moyen n’a pas plus de fondement. Ces p ré
tendus bâtimens d’exploitation de la terre de Jayet n’exis
tent plus ; il ne subsiste que les bâtimens principaux qui
servent tout à la fois au logem ent du m aître, et à l’exp loi
tation des biens : il seroit trop rigoux*eux d’exiger qu’on
m ît des affiches sur des décombres ; ces détails m inutieux
n ’auroient pas même dû occuper les premiers juges. Ils
disent à la vérité que ces bâtimens d’exploitation sont
compris dans les affiches ; mais il falloit bien les mettre
dans les affiches, puisqu’ils étoient dans la vente de 1792,
et si depuis ils se sont écroulés, il étoit impossible d’y
mettre des affiches : la loi ne l’exige, sur les édifices saisis,
qu autant q i i i l y en a . D ès-lors, dès qu’on a apposé des
affiches à l’extérieur des bâtimens principaux, ainsi que
cela est constaté par le procès verbal, le tiers saisi n’a
pas pu l’ignorer, et le public a eu plutôt connoissance des
affiches en les voyant sur les bâtimens qui existent, qu’il
n’auroit été les chercher dans ces décombres.
D ’ailleurs, la loi ne dit pas qu’il sera mis des affiches en
�^4 ï
C 53 )
général sur tous les édifices; on n’cn m et pas à toutes les
portes des bâtimens; il n’en est apposé qu’à la porte prin
cipale , et on n’en a jamais exigé davantage.
L e troisième moyen se tire de ce qu’on n’a pas spé
cifié la contenue des bâtimens du domaine. M ais cette
objection ne pouvoit être d’aucun poids : d’une p a r t ,
il n’a jamais été d’usage de désigner l ’étendüe super
ficielle des bâtim ens, et ce seroit souvent impossible.
Com m ent , en e ffe t, connoître l ’étendue superficielle
d’une maison divisée en plusieurs appartemens ? 11 suffit
de la confiner : c’est ce qui a été solennellement jugé
par un ari-êt de la cour de cassation rendu, en l’an 9 ,
dans la cause du sieur V ersepuy , négociant à Paris. L e
sieur Versepuy s’étoit rendu adjudicataire d’une maison
sise rue de Richelieu ; le tiers-saisi atlaquoit l’expropria
tion sur le fondement qu’il n’avoit pas été fait mention
de l ’étendue superficielle de cette maison. L e tribunal
de prem ière instance n’eut aucun égard à ce m oyen :
la cour d’appel à Paris confirma le jugem ent ; et le p ourvoi
en cassation du tiers-saisi fut rejeté.
M ais il est encore une circonstance en faveur des appelans ; car leur affiche contient la désignation de l’étendue
superficielle de ces bâtimens. E n e ffe t, on voit , dans
leur affiche, qu’ils énoncent en titre l’étendue superfi
cielle et la situation des biens à vendre ; ils y com pren
nent en prem ier lieu le corps des bâtimens avec ce qui
le compose , cour jardin et p a rterre, un p r é - v e r g e r ,
une terre en p é p in iè re , et un petit p ré; le to u t, est-il d it,
f o r m a n t un e n clo s, ce qui peut composer environ un
kiluire cin q u a n te -n e u f a r e s , ou v in g t-h u it seyterées.
�•
(
54 }
E n comprenant ainsi les bâtimens avec les héritages qui
form ent l’enclos, les appelans ont nécessairement donné
l ’étendue superficielle du tout ; et le m oyen tom be de
lui-m êm e.
..
Les premiers juges n’ont pas eu égard au moyen pro
posé relativem ent aux affiches qui n’avoient pas été mises
un jour férié. Ils conviennent que la loi du 11 brum aire
n’a pas exigé cette form alité ; que les dispositions rigou
reuses de la loi. doivent être plutôt restreintes qu’éten
dues , et qu’on ne peut résister ù la loi. O n n’ajoutera rien
à cette dissertation , c’est la seule chose raisonnable
q u’aient dit les premiers juges.
Us auroient pu se dispenser de discuter avec autant
d’étendue une objection proposée par les appelans, et
qui n’étoit qu’un m otif de considération. Ils s’étoient
p la in t, avec fondem ent, que la dame juge ctoit sans
intérêt dans son enchère. Ils disent qu’ils pourroient
écarter cette enchère par une fin de n o n -re c e v o ir à
laquelle la dame juge nuroit difficilement résisté. L a
faculté de requérir la mise aux enchères d’un im m euble
vendu par contrat volontaire , n’appartient qu’aux créan
ciers du vendeur légalem ent inscrits. Ils demandoient à
la dame Juge si elle pouvoit prétendre être de ce nombre :
elle avoit inscrit en l’an 7 su r V é n y , e x -m a r q in s, sans
autre explication. L a loi du i cr. floréal an 3 défendoit
aux créancier« d’émigrés tout acte conservatoire de ce
genre, et ne leur donnoit d’autre m oyen, pour être rem
boursés , que de faire liquider leurs créances dans les
formes et les délais q u’elle prescrit. La nation se char
geait alors de toutes les dettes des ém igrés, et vendoit
�(*5 5 )
leurs biens francs et quittes de toutes dettes et hypo
thèques. T o u t créancier d’ cm igrés devoit justifier de
Ses titres, et poursuivre la liquidation ; faute de justifier
dans le délai des actes qui établissoient ses créan ces, il
étoit déchu.
T e l a été l’état de la législation jusqu’au 1 6 vensôse
an 9 , qu’une loi nouvelle a accordé aux créanciers d’émi
grés le droit d’inscrire sur les émigrés qui ayoient obtenu
leur radiation. L a dame Juge avoit négligé de profiter du
bienfait de cette loi ; et sans contredit les appelans pouvoient soutenir que l’omission de la dame veuve Juge
entraînoit sa déchéance ; q u’ainsi les antres créanciers ne
pouvoient se subroger à une enchère nulle dans le prin
cipe, et qui étoit censée ne pas exister. M ais la dame veuve
Juge rendra cette justice aux appelans, qu’ils n’insistèrent
pas sur ce moyen ; qu’ils déclarèrent au contraire qu’ils rie
vouloient pas l’em ployer pour écarter la mise aux enchères
de la dame J u g e , et qu’ils ne se défendoient pas par des
fins de non-recevoir. Ils peuvent donc dès-lors se dispenser
de suivre les premiers juges dans leur dissertation sur un
moyen n égligé, et dont ils n’avoient fait mention que pour
prouver à la dame Juge qu’elle étoit aussi défavorable
que mal fondée dans une entreprise tém éraire et inutile.
Il ne reste plus aux appelans qu’à justifier la conduite
qu’ils ont tenue avec les créanciers du sieur de V é n y . T o u s
les reproches qu’on voudroit se permette sur leurs pro
cédés sont absolument injustes. Ils ont cherché dans tous
les temps , et ont saisi toutes les occasions de term iner
amiablement avec tous. Ils ont offert des sacrifices au-dessus
de leurs forces; ils ont donné aux créanciers l’état des
�( 56 )
biens du sieur de V é n y et des dettes qui existoient : on ne
pouvoit pas exiger d’eux qu’il abandonnassent la fortune
de leur m è re , qui étoit encore insuffisante pour rem plir
le déficit. L a dame veuve Juge ou son fils, ne désavoue
ront pas qu’on leur avoit proposé en payement le bien de
M ontrodès, à la charge d’ un retour de 20000 francs; qu’ils
ont également voulu désintéresser les héritiers Pitat, ainsi
que les autres créanciers , pour éteindre toutes dettes
hypothécaires.
M ais toutes leurs propositions ont été constamment
refusées; les créances se sont accrues, les intérêts se sont
accum ulés, les frais ont grossi. Il est un terme où le père
et l’époux doivent s’a rrêter, où il est perm is, sans blesser
les lois de l’honneur et de la p ro b ité , d’user rigoureuse
ment de ses droits ; et les appelans sont parvenus à ce
point qu’ils ne doivent plus entendre à aucune composi
tion , où les vaines clameurs ne doivent plus les arrêter.
Ils invoquent la plus rigoureuse justice, et ils ont tout à
espérer de l’impartialité de la cour d’appel : elle sera con
vaincue que les moyens de nullité qu’on oppose sont m inu
tieux et chim ériques ; que la demande en revendication
form ée par le sieur de V andègre doit être accueillie : et
les appelans trouveront enfin un terme aux persécutions
qu’ils ont ép ro u vées, aux vexations contre lesquelles ils
sont obligés de lutter depuis quinze ans.
M e. P A G E S ( d e R iom ) , ancien avocat,
V E R N I È R E S , avoué licencié,
A R IO M , de l’imprimerie de L andriot , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Messidor an 13.
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Malet de Vandègre, Gilbert-François. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Vernières
Subject
The topic of the resource
adjudications
créances
ventes
enchères
nullité
affichage
minorité
conseils de famille
séparation de biens
contrats de mariage de mineurs
émigrés
donations entre vifs
experts
séquestre
coutume d'Auvergne
mort civile
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Gilbert-François Malet de Vandègre, propriétaire, membre du conseil général du département du Puy-De-Dôme, habitant au lieu d'Englard, commune du Quartier, en qualité de père et légitime administrateur, et tuteur légal de Delphini-Gilbert-Antoine Malet de Vandègre, son fils, et de feue dame Marie-Marguerite Vény, son épouse ; dame Marie-Anne Vény, épouse du sieur Ignace-Hayacinthe Sampigny, de lui autorisée, propriétaire, habitant de cette cille de Riom, appelans d'un jegement rendu au tribunal d'arrondissement de cette ville, le 8 thermidor an 12 ; Contre le sieur Juge, propriétaire, fils et héritier de la dame Queyriaux, veuve Juge, habitant de la ville de Clermont, et autres créanciers inscrits sur sieur Paul-Augustin Vény, intimés ; Et encore contre le sieur Paul-Augustin Vény, propriétaire, aussi intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1792-An 13
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1713
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1711
BCU_Factums_G1710
BCU_Factums_G1713
BCU_Factums_G1714
BCU_Factums_G1715
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Gannat (03118)
Clermont-Ferrand (63113)
Jayet (terre de)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
adjudications
affichage
conseils de famille
contrats de mariage de mineurs
coutume d'Auvergne
Créances
donations entre vifs
émigrés
enchères
experts
minorité
mort civile
nullité
séparation de biens
séquestre
ventes
-
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7e43d4f6015970ff64e8733a1d15c044
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4»
MÉMOIRE A CONSULTER
E T
CONSULTATION
PO UR dame F l e u r i e t t e - L o u i s e - F r a n ç o i s e
D ’A R G O U G E S , veuve d’Antoine-Philippe
de la Tremouille-Talmond;
CONTRE le Directeur de la Régie de l’Enregistrement et des Domaines.
M a r i e - S uzan n e - F rançoise d 'A rgou ges mourut à Paris le
9 brum aire an 2.
Son héritière fut madame de Talm ond , qui accepta la suc
cession , prit qualité dans l’inventaire fait à sa requête, et se
trouva dès lors en possession, de droit, des biens héréditaires.
'
�[
( 2 )'
Elle acquit également la possession de fait de ces b iens, nonobs
tant son inscription sur la liste des émigrés.
Madame de Talm ond avait en effet réclamé contre cette ins
cription aussitôt qu’elle en avait eu connaissance. Les motifs
qu’elle fit valoir furent d ’une évidence si frappante , qu’elle ob
tint sa radiation provisoire dans le mois de vendémiaire an 4Mais l ’injustice de son inscription était tellement notoire,
que l ’on n’avait mis aucun séquestre sur les biens de madame
d ’Argouges.
Sa radiation provisoire confirma sa possession de fait -, elle
continua sa jouissance.
L a loi du 19 fructidor an 5 l ’obligea de sortir de F ran ce,
'p a r suite de la mesure générale qui'atteignit tous les prévenus
d’émigration sans distinction.
L e séquestre fut alors apposé sur tous ses biens , en con‘ formité de la circulaire du ministre des finances, du 27 fruc
tidor ; alors seulement les immeubles de la succession de ma
dame d ’Argouges furent frappés du séquestre.
»
Parmi ces immeubles se trouve la terre de Mézières , située
dans l’arrondissement de Blanc, département de l ’Indre.
L e fondé de pouvoir de madame de Talm ond n’avait point
fa it, dans le tem s, la déclaration prescrite pour le paiement
des droits de mutation -, et les orages révolutionnaires , h la
suite desquels il p érit, l ’en empêchèrent vraisemblablement.
Madame de Talm ond ignorait cette omission , e t , pendant tout
le teins qu’elle a joui de ses b ien s, la régie des domaines
n ’a fait aucune démarche pour l ’en avertir.
Par l’effet du séquestre , le préposé de la régie a administré
ses propriétés , pendant environ trois ans, sans faire lui-même
cette déclaration.
L a radiation définitive de madame de Talm ond ayaut enfin
�•***
(3)
été prononcée, elle'est rentrée en possession le premier flo
réal an 8.
C'est depuis, après sept années d ’un silence absolu, et sous
la date du g frimaire an g , que la régie des domaines a dé
cerné contre madame de Talm ond une contrainte de ig , 4 i 9
fr. , pour le droit simple résultant de la déclaration à fournir
pour les biens de la succession de mademoiselle d’A rgouges,
situés dans l’arrondissement de Mézières.
Cette contrainte a été visée par le juge de paix de M ézières,
le x x frimaire an g.
L e même jour , elle a élé signifiée au domicile de madame
de Talm ond à C orbançon, avec commandement.
Le
du même m o is, nouvelle contrainte pour la même
somme et le mèjne objet.
L e x4 , visa du juge de paix de Mézières.
L e 3 nivôse suivant, signification au domicile de madame
de Talm ond à Paris.
L e 6 germ inal, elle a formé son opposition motivée. Toutes
poursuites de la part de la régie ont resté suspendues jus
qu’au 2 germinal an io.
A celte époqu e, madame de Talm ond a été cités devant le
tribunal de première instance de Blanc / en déboutement de
son opposition.
La régie a même , par son exploit, amplié sa demande
primitive ; elle préleud aujourd’hui faire condamner madame
de Talm ond au paiement du demi-droit en su s, et en con
séquence, au liou de i g ,4.19 fr. , elle réclame la somme de
a 7 ,186 fr.
Jugement par défaut , ajljudicatif des conclusions prises par
la régie, sous la date du iG lloréul an xo.
�( 4 )
Opposition à ce jugement d e l a rpart de madame d e-T a lmond.
L ’instance est liée , et il s’agit de faire prononcer.
Madame de X’alinond oppose à la demande de la régie deux
fins de non-recevoir établies sur la prescription que la loi pro
nonce , et quo la régie a encourue.
L a loi du 22 frimaire an 7 contient sur ce point des dispo
sitions précises. L ’article 6 est conçu en ces termes :
« Il y a prescription pour la demande des droits, après cinq
années , ¿1 compter du jou r du décès pour les successions nondëclarëes.
« Les prescriptions ci-dessus seront suspendues par des de« mandes signifiées et enregistrées avant l ’expiration des délais.
< Mais elles seront acquises irrévocablem ent, si les poursuites
« com mencées sont interrompues pendant une a n n é e , sans
«. f/u’il y ait d'instance devant les ju g es com pétèns , quand
« môine le premier délai pour la prescription ne serait pas ex« pire. »
On soutient que la régie a encouru la déchéance de son
action sous ce double l’apport.
D ’une p a r t, le droit de mutation était ac juis à compter du
jour du décès de mademoiselle d ’A rgou ges, époque de l ’ou
verture de la succession.
O r , du 9 brumaire an 3 , au 9 frimaire an 9 , il s'est écoulé
s ix ans et onze mois. La prescription de cinq ans était donc
acquise..
D ’autre part , la régie a même encouru la déchéance irré
vocable de son action, en ne faisant aucunes poursuites sur
�4 V
(3)
son commandement du 12 frimaire an g , et en laissant éconlev ,
depuis cette cpocjue jusques au 2 germinal an 1 0 , date de sa
demande ju d iciaire, un délai de quinze mois et vingt jours ,
c’est à dire trois mois et vingt jours au-delà du terme ilxé
par la loi.
Les dispositions de la loi sont trop précises pour étrç mé
connues.
Les faits sont certains, et ne peuvent ctre désavoués.
L ’exception proposée mérite toute la faveur duc à un moyen
légal , qui tend à repousser une action rigoureuse , et en faveur
d ’une mère de fam ille, déjà trop infortunée, à qui, les évène*
mens de la révolution ont enlevé les objets les plus chers, à
son cœ u r, une fortune considérable, le repos qui la fuit de
puis dix a n s, l ’espoir même d ’une existence conforme à scs
habitudes et à ses. besoins.
A ces principes , à ces faits et à ces considérations , la régie
oppose , pour toute défense , que la prescription a été inter
rompue par le séquestre apposé sur les biens de madame de
Talm ond, Supposant que ce séquestre aurait opéré la confis
cation des b ien s, elle soutient que le receveur du domaine
n’a pu faire une déclai'ation sur des biens acquis à la nation
et qui n’ont appartenu à madame de Talm ond que depuis sa
radiation définitive.
L a régie n’a proposé encoi’e aucun moyeu de défense sur la
déchéance qu'on lui oppose.
C ’est en cet état de choses, d ’après les faits et les moyens
réciproquement allégués, que madame de Talm ond dçmaude
l’avis de ses Conseils.
�I
( 6)
CONSULTATION.
\
V u ' le mémoire ci-dessus et les pièces y jointes,
L E COIS S El L SOU SSIG N É estime que la résistance de madame
de Talm ond aux prétentions de la régie est fondée sur des moyens
de droit et sur des considérations extrêmement favorables. L e
texte précis de la loi du 22 frimaire an 7 justifie les fins de
non-recevoir qu’elle oppose , et ne peut être éludé par les faits
dont on cherche à so prévaloir.
Discutons séparément les deux moyens.
Quant au premier , il est incontestable ,
En principe , que la régie encourt la déchéance pour le
paiement des droits de m utation, après cinq ans , à compter,
du jour du décès.
En fa it, qu’il s’est écoulé plus de cinq ans depuis le décès
de mademoiselle d ’Argouges jusqu'à l ’époque du premier
commandement.
La ré"k‘ ne peut nier le principe.
Elle n’échapperait à son application qu’en prouvant qu’il
11e s’est pas écoulé cinq ans depuis le moment où il y a eu
ouverture au paiement des droits.
C ’est ausii là le but de scs efforts.
�4**
(7)
Son système se réduit à confondre l'époque à laquelle il y
eut ouverture au paiement des droits par le décès de made
moiselle d ’ A rgougcs, et par la translation de la propi’iété sur
la tête de l ’iiéritière , avec l ’époque où madame de Talm ond
a été irrévocablement maintenue dans son titre de propriété.
Suivant ce système , le paiement des droits a dû avoir lieu
non à l ’époque du décès , mais à l’époque où H iérilier a été
définitivement rayé de la liste des émigrés.
L a régie le prétend a in si, parce qu’elle suppose que l ’ins
cription sur la liste a dépouillé madame de Talm ond de ses
biens pour en investir la nation.
D ’où l ’on conclut que les droits n’ont pu cire payés à la na
tion par ses propres agens, et qu’il n’a été, dès lors , nécessaire
de faire des poursuites qu’au moment où la nation s’est désinvestie de ces propriétés pour les céder à madame de T a l
m ond, réintégrée dans ses droits politiques et civils.
L e résultat de cette prétention est de faire établir
Que la prévention seule d ’émigration a opéré la confisca
tion •,
Q u’elle a dépouillé de leurs biens les propriétaires l’éputés
émigrés , malgré leurs réclamations solem uelles, leur radiation
provisoire , et l’adoption définitive de leurs réclamations.
Que la restitution des biens aux prévenus d ’émigration étant
un acte spontanée de bienfaisance, non un acte rigoureux et
indispensable de justice, les droits de l'émigré ne peuvent
commencer qu’à l'époque où la restitution a été consentie par
un acte public et irrévocable.
T o u t est erroné dans ce système , et principalement dans
l ’application que l'on veut en faire à la consultante.
Les faits particuliers de la cause la repoussent.
Les principes s’élèvent contre une prétention opposée aux
�(8 )
premières règles de la m orale, de l'équité , d ’une sage poli
tiq u e, et. aux dispositions littérales de toutes les lois rendues
sur la matière.
i°. Et , d’abord , il n’est point exact de dire en fait que
madame de Talm ond n’a été investie de ses droits et de sa
propriété q u ’à l ’époque de sa radiation définitive.
Il est certain , au contraire , que la propriété des biens lui
a été transférée par tous les moyens qui pouvaient en opérer
la transmission et la consolider.
A u jnoment di,i décès , elle appréhende la succession par
les actes q u i, suivant l’usage, investissent l ’héritier , constituent
son acceptation , consomment la m utation, et rendent le suc
cesseur passible de toutes les charges d ’une hérédité , eu même
tems q u ’ils lui en acquièrent tous les avantages.
Ces actes sont la réquisition du scellé, la confection de l ’in
ventaire, l ’acceptation expresse de la qualité d 'h éritière, la
prise de possession des biens de la succession.
Ces actes sont de telle, nature, ils sont si bien constitutifs
du droit de propriété, ils sont tellement irrévocables , indépendans des évènemens u ltérieurs, personnels à l’héritier, et
favorables aux tiers, que , dans aucun tems , madame de Tâlmond ne serait admise à répudier l ’hoirie qu’elle a ainsi ac
ceptée •, qu’elle est pour toujours tenue des dettes •, qu’elle n’eût
pas été admise à délibérer à l ’époque de sa radiation défini
tive -, qu’elle ne pourrait argumenter de l'interruption qu’elle
a éprouvée dans sa possession; en un m ot, que ses.droits et
ses obligations prennent leur source dans la transmission pri
mitive et réelle qui s’opéra à son égard au moment du décès
de mademoiselle d ’Argouges.
T o u t a concouru d ’ailleurs à confirmer cette investiture de
propriété.
�(9 )
Depuis le 9 brumaire an a , jusqu’en l ’an 6 , la terre Je
Mézières n’est point mise sous le séquestre^ quatre ans s’écou
lent sans que la possession de la consultante soit troublée.
Sa radiation provisoire , prononcée au mois de vendémiaire
an 4 , consolidé sa jouissance.
Dès 1793 , le ministre des finances avait défendu l’aliénation
de ses biens séquestrés. Cette m esure, que l ’on a malheureuse
ment meconuue pour ses biens propres , dont une grande.partie
a etc aliénée, nonobstant les défenses/indique assez l'opinion
q u ’avait l’autorité de l ’injuste prévention d ’émigration qui
pesait sur sa tête.
Cette mesuré m ettait, à plus forte raison, hors de la main
mise nationale les biens qui n’ avaient pas même été frappés
du séquestre.
'
jt.
El s i, en l ’an 6 , par suite de la mesure générale prise envers
tous les prévenus d ’émigration, les biens provenant de la suc
cession d ’Argouges furent compris dans le séquestre, la lettre
du ministre des finances , du 27 fructidor an 5 , qui provoqi a
cette formalité , annonça suffisamment qu’elle n’était que pro
visoire , momentanée, et à litre purement conservatoire.
Observons en passant qu’elle devait l’être , d ’autant plus que
nulle disposition de la loi du 19 fructidor an 5 ne l ’avait
ordonnée à .l’égard des prévenus porteurs de radiation provi
soire , et que cette disposition, purement ministérielle , déjà in
compétente et hors du cercle des attributions du m inistre, n’a
jaïnais pu acquérir la force et la stabilité d ’un acte législatif.
Peut-on dire , lorsque des faits de cette espèce sont constatés,
que madame de Talm ond n’a été investie de sa propriélé que le
premier floréal an 8 ? E li! comment pouvait-elle l ’être pour
que la transmission s’opérât d’une manière plus certaine, plus
solem uellc, plus légale? Eùt-elle été autrement investie de ses
a
�d ro its, et posséderait-elle à tout autre titr e , si le séquestre
n’eût jamais éié apposé sur ses biens? Lui contesterait-on au
jourd’hui sa qualité d ’h éritière, son acceptation form elle, son
investiture de d r o it, et sa possession de fait ?
Les évènemens ultérieurs ont pu troubler sa jouissance , mais
ils n’ont pu effacer un fait positif. Ce qui a existé peut cesser
d ’ètre ; mais rien ne peut ’aire que ce qui fut n ’ait pas existé.
E t , dès lors , tout ce que l ’on peut d ir e , c’est que la posses
sion de madame de Talm ond a été interrompue-, que son droit a
été suspendu ; qu’il lui a été momentanément ravi pour lui
être rendu ensuite ; qu’elle a été privée des biens de la suc
cession d’A rgouges, comme elle l’a été de ses biens personnels,
dont on ne peut pas soutenir que la propriété ne lui fût plei
nement acquise avant le séquestre.
Cela étant, le tems de la déchéance a nécessairement couru
au préjudice du fisc*, et pour le dém ontrer, il nous reste à éta
blir que l ’apposition du séquestre n'a pu suspendre la prescrip
tion. C ’est le moyen principal de la légie qu’il faut attaquer
dans sa b ase, et dans toutes ses conséquences.
2°. Dans le système de la régie , la déchéance ne serait
point encourue , parce qu’on suppose que la nation a été pro
priétaire des biens de mademoiselle d ’Argouges jusqu'au
premier lloréal an 8 , époque de la radiation do madame de
Talm ond.
Nous disons , au contraire , que la propriété et la possession
de madame de Talm ond ont pris leur date au moment du décès ;
mais ou ne peut disconvenir que cette possession a été inter
rompue de fait pendant le séquestre.
L a question se réduit alors à savoir si le délai de la dé
chéance n'a commencé qu’après la main levée du séquestre,
ou si l’apposition intermédiaire du séquestre a interrompu les
�•M l
( ” )
délais -, si madame de Talm ond n ’a jamais acquis la pro
priété , ou si elle en a clé dépouillée par l’effet de la mesure
qui lui en a enlevé momentanément la possession.
'
Sous les deux rapports , la question est la même -, il s’agit tou
jours de savoir si la main mise nationale sur les biens d ’un pré
venu d ’émigration est une véritable confiscation.
Nous sommes bien loin de le croire; et pour démontrer le con
traire , il suffit d’exposer les principes reçus de tous les tems sur
les confiscations, les dispositions des lois relatives aux émigrés ,
la jurisprudence établie sur ce point contre la régie , la propre
opinion de la régie elle-même, manifestée par la conduite de scs
agens.
D ’après les principes, il ne peut y avoir lieu à confiscation
qu’autant qu’il y a prononciation d ’une peine contre le coupable,
emportant mort civile.
O r , il est constant que la mort civile n ’a lieu qu’au moment
de la condamnation prononcée et exécutée , ou après les cinq
ans de la contumace. C ’est cc que nous attestent tous les auteurs ,
et notamment Le prêtre , cent, i , cliap. 84 ", Lacoinbe, en ses
matières crim inelles , part. 1 , n°. 24 ; et Lebrun , T ra ité des
S u ccessio n s, liv. 1 , chap. 1 , sect. 3 , qui rapporte à ce sujet un
arrêt soleinncl du parlement de Paris , du 24 mars i 6 o 3 .
)
On connaissait bien , dans la jurisprudence française, des
cas où la morl civile était encourue par le seul fa it, lorsqu’il s’a
gissait, par exemple ,.des crimes de lèse-majesté , de d u el; de
parricide , etc. On pensait, à cet é^ard, non que la conviction et
le jugement ne fussent toujours et dans toutes les circonstances
d ’absolutinécessité, mais seulement que l’accusé étant convaincu,
les effets de la mort civile remontaient au jour où le crime avait
�( 12 )
été commis, et que la mort iüême (lu coupable ne pouvail le sous
traire à un jugement.
De là , cet!e maxime établie par Loyscau , en son T raité des
O ffices , liv. i , cliap. i 3 , n°. 5 o .• qu ’en France nul n ’est in
fâm e ipso jure •, mais c ’ est une règle "endraie que tout ce
qui avait heu ipso facto , et ipso jure au droit romain , re
quiert à nous sentence de'claratoire.
D e là , les règles éïablies par l'ordonnance de 1670, titre 2 2 ,
poxir.faire le pi’ocès au cadavre ou à la mémoire de l'accusé d'un
crime capital.
Ces principes sont fondés sur les premières inspirations de l ’é
quité naturelle , consacrée par le droit positif. Une accusation
ne peut jamais opérer l’eiFet d ’une conviction légale. Le soupçon
qui peut atteindre avec une égale facilité et le criminel que la no
toriété publique accuse, et l ’innocent que la haine , la calom nie,
et des indices trompeurs peuvent injustement diffamer ; ce soup
çon , qui provoque les recherches, qui appelle la justification, qui
autorise les rigueurs , qui nécessite un jugem ent, n’est pas luimême un titre absolu de condamnation, et par conséquent un titre
de peine.
Aussi voyons-nous que toutes les lois ont protégé , avec une
égale sollicitude , le maintien de l ’ordre public et l ’élat civil des
citoyens. Elles poursuivent l’accusé , mais elles ne flétrissent que
le coupable. Elles impriment à l’opinion définitive du magistrat
le caractère d elà vérité, mais elles autorisent lon^-’. emsle doute.
L e jugement môme reste sans effet, si l ’accusé meurt avant son
exécution. L ’absence du coupable appelle aussi dos mesures d ’in
dulgence , et le tenis que la loi lui donne pour se représenter et
sc défendre appartient tout entier aux présomptions de l'inno
cence.
�, ( ,1i 3 )
Ce sont les mêmes principes de raison et d ’iiumanilé qui ont de
tous les tems ré.,i les questions relatives aux coniiscations.
L à législation romaine a'jsur ce po^nt des règles que nous
avons adoptées , comme les érhànations de la sagesse , qui fit ap
peler le droit romain la raison écrite.
Un accusé était absent : ses biens étaient annotés : mais s’il se
représentait, et était absous , ses biens lui étaient rendus. L . i ,
et 5 fTT. de requir. v e l absent. damnai. — h . i , a et 4. — Cod. de
requir. reis.
,n
1
Pendant cette main mise de l ’autorité publique, tout était en
suspens ; et bien loin de considérer cette'mesure comme une
pein e, la loi ne la présentait elle-même que comme une invitation
à l ’accusé de venir se justifier : Cu n absenti reo , nous disent les
lois, gravia crimina intentantur, sententia festin a rin o n s o lc t,
sed annotari, ut requiratur , non utique ad pœ nàhï , sed ut
potestas c i sit purgandisc', si-potuerit.'
Aussi conservait-il tous les caractères du citoyen et du père de
famille pour les biens dont le fisc ne s’était pas donné l ’adminis
tration.
Aussi, la prescription , qui ne peut jamais avoir lieu lorsqu’il
s’agit d ’une confiscation absolue , avait-elle lieu pour les biens
sujets à Y annotation, et que le fisc n'avait pas revendiqués,
ainsi qu’on le recueille de la loi 2 , § 1 , cod. de requir, reis.
Cette annotation n’était que l ’eflet de l'absence , et ne précé
dait jamais la condamnation , quand l’accusé se présentait pour
se défendre.. Dans ce cas , la loi lui laissait l’administration de
tous ses biens : ni reatu constïtutus bona sua adrninislrare po
te si' ; eique debitor rectè bond fu ie j olvit. — L. 46 , § 6 , ff. de
ju re fisci.
|
¿Tous «es actes étaient valides à l ’égard des tiers.
�( *4 )
L e débiteur se libérait valideraient en ses mains. L . 4 *, ff. de
solut.
L e créancier avait le droit de le ppursuivre. L . 4 ^ , ff. cod.
Ces maximes ont é té , comme nous l ’avons d it, adoptées par
notre jurisprudence, et appliquées surtout aux confiscations.
Il a toujours été l'eçu parmi nous que la confiscation n ’était
acquise d ’une manière définitive et irrévocable qu’en vertu d ’une
condamnation prononcée et meine exécutée , tellement que les
biens du condam né, mort dans le teins intermédiaire à Ja pro
nonciation et à l’exécution , n ’étaient point soumis à la confisca
tion. C ’est ce qu’ont jugé les arrêts rapportés par Larocheflavin ,
liv. 6 , titre a 3 , art. 5 , et par M eyn ard, ltv. 4 t cliap. 52.
L ’article 28 de l ’ordonnance de Moulins , en déçlarant le con
dam né, par jugem ent, dépouillé de ses biens, voulait cependant
que les cp\iiiscataires ne pussent en. disposer pendant les cinq ans
de îa contumace. Alors seulement, et après l ’expiration de ce délai,
la propriété était consolidée dans leurs mains.
L ’ordonnance de 1G70 a été plus loin encore :
L ’article 3o du titre 17 veut que, pendant les cinq ans de la
contumace, les.confiscataircs se bornent à percevoir les fr u it$ et
revenus des biens des condamnés, et n e puissen t s'en mettre en
possession.
Par l’article 3 i , le législateur s’interdisait à lui-même le don
de tous les biens confisqués pendant le même délai.
E t , enfin , l ’article 3 a veut qu’après le délai de la contumace
les confiscataires 11e puissent se mettre en possession effective des
biens qu*après s*être pourvus en ju stice pour en obtenir la per
mission , et après avoir fait faire un procès-verbal de l ’état de
tous les biens confisqués.
Notre législation a môme été sur ce point plus indulgente que la
loi rom aine, qui maintenait la confiscation, après l ’exp rU u m
�( 15 )
du délai d ’un an , lors même que l ’accusé parvenait à se faire
absoudre , post sententiam latam et cinnam, in pcenam contumacice.
Mais de toutes ces lo is, dont les différences sont peu impor
tantes à relever i c i , résultent ces points certains et fondamen
taux pour toutes les législations d ’un peuple sage , humain et
éclairé:
Q u ’il ne peut y avoir de mort civile sans un jugement ;
Q u’il ne peut y avoir lieu à confiscation sans qu’il existe de
mort c iv ile ,
E t , par conséquent, sans qu’il soit intervenu un jugement qui
applique celte peine.
C ’est ce que Loyseau nous atteste dans son T ra ité des Offices,
liv. 1 , chap. i 3 , n°. 92 et suivans.
1
C el auteur, examinant ’toutes les questions relatives à l ’accu
sation qu’on peut intenter contre un officier, soutient que nonseulement la confiscation de l ’oflîce 11e peut être que la suite
du jugement , mais il nous donne aussi pour maximes :
i°. Que la suspension même de l ’officiér pendant l ’accu
sation n’entraîne pas note d]infam ie, e t , à plus forte raison ,
privation des droits civ ils , dans lesquels il faut mettre au pre
mier rang le droit de propriété;
3°. Que l ’infamie résultant d’une amende 11e résulte pas de
la peine en elle-même , mais de la conviction acquise par
la condamnation : non milita , sed causd , dit la loi , ff. de
pœ nis.
Ces principes , applicables à toutes les espèces de délits , ne
Sont point étrangers à celui de l ’émigration.
M ille circonstances peuvent ¡.jouter à la sévérité des peines
contre ce délit politique. Rien ne peut en rendre l’application
arbitraire, barbare, et contraire aux premiers sentimens de la
�( '6 )
morale et de l ’humanité. L a poursuite de ce délit egt subor
d onnée, .comme celle de t us !es a u t'e s .a u x formes protectrices
de l'innocence, aux règles de prudence et de circonspection, q u i,
sans blesser, les intérêts d ’un gouvernement qui veille à sa con
servation , respectent et protègent les droits de tous les citoyens,
dont eljes sont la garautie.
Nous ne devons pas aller chercher dans les anciennes législa
tions les règles qui doiyent nous gouverner aujourd'hui sur
cette matièip ; nous les trouverons toutes dans les lois rendues
depuis 1792.
Ce n’est pas que les lois antérieures ne pussent nous offrir des
principes d'une vérité éternelle, et des exemples utiles à ap
pliquer.
Nous verrions dans les états libres des tems anciens l ’érrçigrar
tion d’un citoyen rangée au nombre des droits attachés à sa* qua
lité d ’honune libre.
Athènes donnait à ses citoyens le droit d ’examiner les lois et
les coutumes , de s’éloigner et d ’emporter leurs biens,
,
Rome république proclam ait, par l ’orgaue de C ic é ro n , ce
droit de tous les citoyens, comme la plj.is belle prérogative des
membres d ’un état conseryateur des véritables maximes de la li
berté : O Jura prœclara.... ne quis in civitate maneat invitus.
Ou sent aisément qu’à ces époques la législation ne pouvait
que marcher d'accord avec les maximes de la politique, et que
des peines telles que la mort, civile et la confiscation ne pou»
vaient être appliquées à l’usage d ’un droit naturel, respecté çt
autorisé.
M a is, lors même que les principes politiques changèrent avec
la constitution de l ’état , les peines prononcées contre l ’éipigration ne furenj; jamais étendues jusqu’à entraîner, la. mort çivile de l ’absent.
<
1
�4
<i>>
( «7 )
Même , en distinguant l’émigration p er fugam , qui n’était
autre chose qu’un changement de dom icile, de la fuite vers
l ’ennem i, qui constituait la trahison et l’état de révolte , malo
consilio et proditoris animo , les lois n’avaient prononcé, dans
l ’un et l’autre cas, que la privation des droits de cité, civitatem
etfam iliam . C ’était la peine connue, dans le d roit, sous le nom de
mediam capitis diminutionem , qui n’entrainait d ’autre consé
quence que celle de la peine connue sous le nom de aquœ. et
ignis interdictio.
Rome , maîtresse du monde par ses armes et par ses lois , ne
comptait pas le nombre de ses ennemis. Sa majesté ne pouvait
être offensée par l ’abandon de quelques individus , dont la dé
sertion lui paraissait excusable , si elle n’était pas crim inelle, peu
redoutable, si elle était le fruit de la rebellion , e t , dans tous les
cas , indifférente pour le salut du corps politique. Elle se bornait
à ne plus regarder comme citoyen celui qui voulaitcesser de l ’être,
même celui qui se présentait comme son ennemi. M ais, dans toutes
les hypothèses , la privation du droit de cité n’allait point jus
q u ’à dépouiller un particulier de la faculté d’acheter, de ven dre,
de donner et de passer tous les contrats qui dérivent du droit des
gens. C ’est ce qu’annonce clairement la loi i 5 , ff. de interdict. et
relegat ; et c'est ce que Cujas a savamment démontré dans sa dis
sertation 9 , liv. 4 >sur la loi 19 , $ 4 * ^ de Capt. etc.
Ainsi , dans le droit romain , point de mort civile dans le cas
d ’émigration reconnue et de rébellion ouverte. A.plus forte rai
son ne l’eût-il pas autorisée sur une simple accusation, sur des
soupçons vagues , et malgré les réclamations du citoyen accusé
de de ection ou de révolte contre son pays.
Notre ancienne législation française 11e contient aucune loi
précise' contre l'émigratlon. C e n’est pas que des exemples, fa
meux n’aient présenté au législateur cette importante question à
3
�résoudre , et que des circonstances difficiles , telles quo celles- qui
suivirent la révocation de l ’édit de Nantes , n ’eussent dû appeler
sa sollicitude et môme sa sévérité. «Mais , comme l’observe M. de
« Bret dans scs plaidoyers / liv . 3 , décis. 7 , il est permis aux
« Français d’aller chercher une meilleure fortune , en quoi con« siste principalement la liberté naturelle des hommes -, et de là
« vient (ajoute ce magistrat) que les anciennes formules des con« cessions qui se faisaient de la liberté, contenaient ces paroles ex« presses : eam denique pergat partent quantumque volens,
i< elcgcrit.y>
Aussi tous les auteurs nous attestent que nulle peine n’a ja
mais été portée en France contre ceux qui vont demeurer en
pays étranger. On peut consulter sur ce point B acquet, T raité
du droit d’A u b a in e, chap. 4 ° > n°. 4 > C h o p in , du D om aine
de la F r a n c e , liv. 2 , tit. 2 , n°. 29-, P ap ou , not. 3 , liv. 6-,
titre des L ettres de N atu ralitê , etc. , etc.
Cependant, lorsque, dans des cas graves , le ministère public
s*est élevé contre des Français accusés de s’être rendus coupa
bles de rebellion et de félonie , en passant à l ’ennem i, 011 a tou
jours tenu en principes que l ’accusation seule, que les jugemens
mêmes qui ordonnaient des saisies et prononçaient des décrets
de pi'isc-dc-corps, ne pouvaient entraîner ni mort civile , ni
confiscation -, c’est ce qui fut reconnu dans l'affaire célèbre du
cardinal de Bouillon, lors des arrêts rendus en 1710 et 1711.
Les biens du cardinal avaient été saisis, et tous ses revenus sé*
questrés ; mais 011 regarda ce séquestre, non comme une confis
cation absolue , qui ne pouvait être le résultat que d’un juge
ment définitif, mais comme une simple saisie-annotation , dont
reflet , suivant le droit f n’est autre que celui d'une mesure
provisionnelle, conservatoire, qui 11e dépouille pas de la pro
p riété, et ne la transporte point au saisissant) et observons ca-
�4 ^
.
( «9 )
core que , dans ce cas , il ne s’agissait pas seulement d ’un
simple abandon de domicile , d ’ une fuite momentanée que
d e malheureuses circonstances pouvaient justifier ; il s’agissait
de la prévention d ’un crime de lèse-majesté , pour lequel la
confiscation remonte au teins du délit.
Ces maximes tutélaires de l ’innocence, ces lois qui ne sont
que l ’expression de la justice naturelle, ne sont point étran
gères aux dispositions que les évènemens de la révolution out
entraînées contre les émigrés. Notre b u t, en rappelant des vé
rités reconnues par tous les gouvernemcns, des principes essen
tiellement attachés à la législation de tous les peuples civilisés, -a
été de démontrer que tel est leur em pire, q u e , malgré la sé
vérité de notre code pénal contre les ém igrés, on ne les a pas
même méconnus en France à une époque où le choc de toutes
les passions exagérées devait étouffer le langage de la raison
et de la justice.
Les lois rendues depuis 1792 contre les émigrés sont extrê
mement rigoureuses. Mais nous osons dire qu’elles le paraissent
bien davantage encore par la manière dont on a souvent voulu
les exécuter , que par leurs dispositions littérales prises dans
le sens qu’elles doivent a v o ir, et dans les conséqueuces qu’elles
doivent entraîner.
L a régie des domaines en donne dans cette cause un dé
plorable exemple : elle veut faire juger par les tribunaux que
le séquestre apposé sur les biens d ’un prévenu d ’émigralion
doit avoir le même effet qu’un jugement de confiscation ) de
telle sorte qu’en cette matière l’accusation seule doit être assi
milée à un jugement de p ein e, et devenir un titre de convic
tion.
C e système résiste, comme 011 le v o it, à toutes les lois
naturelles et positives ; mais il est diamétralement opposé aus*
�aux lois de la m atière, qui sc trouvent précisément cîdquées,
à cet égard , sur les usages de tous les lems et de tous les lieux.
L a loi du 27 septembre 1792 fut la première qui prononça
la confiscation et la vente des biens des émigrés.
L ’article 6 de celle du 38 mars 179^ définit ce que l’on
entend par émigrés : elle annonce que ce sont les Français qui
ont quitté le territoire de la république depuis le premier
juillet 1789, et ceux q u i, absens de leur domicile, ne justifie
raient pas de leur résidence en France depuis le 9 mai 1792.
L ’article premier du titre premier de la loi du a5 brumaire
an 3 contient les mêmes dispositions. Elle prononce ensuite les
mêmes peines contre les coupables.
Mais de ces dispositions générales contre les émigrés , de la
fixation des mesures répressives ou afllictives déterminées contre
•un délit caractérisé par la lo i, il ne s’ensuit pas que leur applica
tion ait dû être faite d ’une manière absolue, arbitraire, sans exa
men , et sans aucune espèce de recours de la part des individus in
justement accusés. On 11e peut pas le dire davantage des lois sur
l ’émigration , qu'on n’oserait le soutenir de toutes les lois pénales
q u i, en prononçant sur tous les crimes qui peuvent troubler
l’ordre social, n ’ont jamais entendu que leur rigueur s’éten
drait , ipso fa cto et sans conviction , sur tous les malheureux
qu’une accusation capitale menacerait de leur application.
T o u t ce qui résulte des dispositions qui ont prononcé les
peines de bannissement, de mort civile, de confiscation contre
les émigrés , c’est que ceux qui seraient reconnus coupables d ’un
délit jusqu’alors inconnu et alors caractérisé, subiraient le sort
qu’ ils auraient encouru par leur désobéissance.
C e «pie l’on peut en conclure encore, c’est que , dans la pour
suite de ce délit, la loi a manifesté une sévérité plus grande que
pour tous les autres. Notre code pénal n ’oifrait point encore
�A«) >
'( 21 )
d’exemple d ’une saisie des biens de l’accusé , à l ’instant même
de l ’accusalion , et d ’une privation de ses revenus pendaut l ’ins
truction du procès : on n'avait jamais prononcé l ’interdiction pro
visoire des actions civiles contre un prévenu constitué in rcatu.
M ais, de ce que les mesures dans la poursuite ont été plus sé
vères , on ne peut en induire que leurs effets doivent être ab
solus et assimilés à ceux d ’un jugement contradictoire, sans
lequel il ne peut y avoir de conviction légale, et de condam
nation définitive.
Les lois mêmes que l’on invoque établissent, au contraire,
comme positives ,
L a possibilité d ’uue accusation injuste ;
L a faculté de réclam er;
L a réintégration de l ’accusé dans tous ses droits politiques et
civils provisoirement suspendus.
La loi du z 5 brumaire an 3 contient un titre exp rès, re
latif a u x réclamations contre l ’ inscription sur la liste.
Les articles 17 et 18 du titre 3 fixent les délais dans les
quels les réclamations doivent être faites.
L ’article 20 porte qu’/Z ne pourra être procédé à la vente
des m eubles et immeubles d es citoyens portés sur des listes
d’ émigrés , avant le jugem ent de leurs réclamations fa ites
en terns utile.
Les articles 2 1 , 22 et 23 déterminent le mode de jugement
sur les réclamations.
«
«
«
«
L ’article 26 veut que «les décisions du comité de législation soient exécutées sans, recours , soit qu’elles prononcent
la radiation , soit qu'elles renvoient aux tribunaux criminels
pour l’application des peines , soit qu’elles l’ejelleut les demandes. »
�.W
*\
( aa )
Les articles 27 et 28 déterminent le mode de publication
des jugeinens de radiation.
L ’article 3o et autres statuent sur les réclamations formées
à l ’époque de la promulgation de la loi.
L ’article 33 ordonne la réintégration dans leurs biens de ceux
qui seront rayés.
'
Enfin , l ’article 34 assure même le remboursement du capital
des ventes faites dans l ’intervalle, à ceux qui n’auraient pas ré
clam é en teins utile , et qui n’auraient pu , par conséquent, jouir
de la suspension provisoire ordonnée par l ’article 20.
Et ce n ’est qu’après avoir ainsi réglé toutes les mesures re
latives à la défense des accusés, au jugement de leurs récla
mations , à la conservation, de leurs droits pendant l ’instruc
tion , que la loi du a 5 brumaire s’occupe du tableau des peines
dans un titre subséquent. C ’est là que } présupposant que toutes
les formes ont été remplies , elle fixe le sort des individus q u i,
par un jugement contradictoire , ou par la conviction résultante
de la contumace encourue par leur silence dans les délais pres
crits , se trouvent soumis à la peine qui devient alors l ’effet de
l ’application de la l o i , application expresse ou tacite, mais tou
jours directe , positive et individuelle.
Comment peut-on soutenir , après des dispositions aussi pré
cises , que l’ inscription seule sur la liste a opéré le même effet
que celui d’ un jugement? La loi ne s’est-elle pas expliquée assez
clairement ?
L ’inscription sur la liste n ’est par elle-même qu’une accusa
tion , d ’autant moins grave en s o i, qu’elle n ’a pas présenté au
dénonciateur les risques qu’il court dans les accusations ordi
naires ; et qu’une triste expérience nous a prouvé que les pas
sions haineuses ou spoliatrices avaient fait surgir plus de dénon-
�( *3 )
cîatîons fausses, que l ’amour de la patrie n’en a produit de
fond ées.
Mais cette accusation établie nécessite un jugem ent, d’après le
texte même de la l o i , et jusque-là le sort de l ’accusé a resté en
suspens.
O r , le confiscalaire, définitivement investi, a ie di'oit d’aliéner,
et on ne songe pas à le lui interdire.
L a loi nous a dit que l ’on jugerait les réclamations faites dans
le délai lixé , et que toutes les mesures de saisie , séquestre, etc.,
ne seraient que conservatoires , puisque l ’aliénation des biens resr
terait suspendue.
Elle a dit qu’en cas d ’absolution le citoyen absent resterait
dans la possession de ses biens. O r , une confiscation provisoire
n’est pas une véritable confiscation translative de propriété. L e
droit de propriété ne peut pas rester en suspens ; il faut qu’il se
fixe et se consolide i o r , ce n’est pas donner la propriété que de
restituer.
L a loi a annoncé que l ’autorité compétente ne condamnerait
que ceux qui seraient convaincus , ou ceux contre lesquels leur
silence ou le refus de comparaître tiendraient lieu de conviction.
N ’est-ce pas dire assez que , jusqu’au ju gem ent, tous ceux
qui ont comparu, obéi à la lo i , réclamé leurs d roits, justifié
leurs plaintes , ont pu être accusés, mais n’ont été ni convaincus ,
«i jugés?
•;
N ’est-ce pas dire assez que celui sur le sort duquel il n’a pas
été statué , ou vis-à-vis duquel il n’existe qu’une prononciation
provisoire, subordonnée à une décision définitive, n ’a pu en
courir la p ein e, qui 11e serait que le résultat de la conviction
opérée par le jugement ou par la contumace ?
N ’est-ce pas là avoir consacré tous les principes reçus en ma
tière d ’accusation ?
�*^<V'
( 24 )
N ’esl-ce pas , en fin, avoir conservé aux citoyens leur existence
civ ile , la propriété et le domaine incorporel de leurs biens , tant
qu’ils n’en ont pas été définitivement dépouillés par le voeu du
juge , ou par la présomption de la loi , présomption que ne peut
jamais suppléer celle de l’homme , et surtout de l ’homme qui ac
cuse , et qui ne peut être à-la-fois accusateur et juge?
Toutes les lois postérieures n’ont rien changé à ces principes
gravés au coeur de tous les hommes , avant que le législateur les
consacrât dans ses codes , principes inaltérables , qui traversent
les siècles et le torrent des passions humaines, et surnagent audessus d ’elles.
Il est important même de remarquer que, lorsque la loi du 19
fructidor an 5 établit, contre les émigrés rayés provisoirement,
des mesures extraordinaires, 'elle garda un silence absolu sur le
séquestre de leurs biens, dont la jouissance leur avait été rendue,
en attendant leur radiation définitive. Une secousse révolution
naire exaspéra tous les esprits, et éveilla toutes les défiances. Les
dispositions sévères contre les individus furent reproduites, mais
les principes furent respectés. ’
::
/l;
L ’opinion seule du ministre en ordonna autrement. Mais alors
même q u e , par sa circulaire du 37 fru ctid or, il alla plus loin
que la l o i , et qu’il disposa du sort et de la subsistance de tant
d ’infortunés , il sentit bien qu’il ne lui appartenait pas de pro
noncer une peine , et que sa volonté 11e pouvait s’exprimer dans
les formes législatives ou judiciaires. C ’est sous íes rapports ad
ministratifs qu’il annonça cette mesure. Alors même l ’intérêt na
tional parut moins l ’occiiper que le sort des individus que la
loi c o n d a m n a i t à une absence et enlevait au soin de leurs pro
pres affaires. C e ne fut point à titre de peine , mais comme'une
mesure d’ordre et de protection pour les prévenus, qu’il ordonna le
séquestre : il voulut faire remplacer leur gestion par celle d ’un !
�( 2 5 }
préposé du gouvernement'; nwis il se garda bien de prononcer
une saisie , moins encore une confiscation que ‘là loi ne pro
nonçait pas.
Ne jugeons pas ici la ÿégularité de cette m esure, sa justice
et ses'résultats ; ne considérons que l’opinion qui l’a dictée, et
les motifs qui1,-servirent à l ’étayer. Ils prouvent suffisamment
que le séquestre apposé en l ’an 6 , aii préjudice des émigres
en réclamation , ou-rayés provisoirement , n ’a jamais été consi
déré comme une confiscation qui dépouillât absolument le con
fisqué de sa propriété , pour en investir le confiscataire.
»
T elle est la position de la consultante , et l’application de
tous nos raisonnemens Se fait facilement à sa cause.
I
Madame de Talm ond était inscrite sur la liste des émigrés.
Cela n ’empêcha point sa mise en possession des biens de
la succession d ’Argougcs, et sa jouissance: paisible pendant quatre .
ans. •' *•* J • '
.
- ;•
i: ■
' ' •'
" ■*
Elle avait réclamé en tems utile.
i>
’■Une défense particulière d ’aliéner ses biens lui avait appliqué
honiinàtivcment la disposition générale de la loi. ' •
: iwi
Sa [radiation provisoire fut prononcée. ■-g»
»nos
Scs biens lui furent rendus.’ 1 iJ;
J/iob ;;ir- „ ; j 'if-:
“ Lorsque le séquestre ordonné par la lettre dû ministre soumit
à l'annotation ceux de ses biens qui n ’en avaient jamais été
frappés ,j : il est absurde de-soutenir que la nation s'cii em para,
et en a joui comme propriétaire jusqu’au moment de la radiatioii définitive, et qu’elle ne les’ a' rendus à cette éjioquc
que |iàr lun don dèrenu Jlé fprincipC de Jla propriété de la con
sultante. r'
¡- •_«[ *1!t'.IÎ. f’fr: : , • ,.Vi
Là' régie ne pourra jamais le soutenir d?après les lois que
nous venons d ’examiner. Elles résistent trop1à cette ùnlerprétation forcée.
Ifo J.'i'ib o t u io w i o'i'V" *„•*> i;l
�v y v -n ,
( 26 )
Mais elle cherchera â sc prévaloir sans doute d'une dispo*
sition de la loi du 22 frimaire an 7 , dont il est facile d ’écarter
l ’application.
L ’article 24 de celte loi porte que « le délai de six mois
« ne courra que du jour de ,1a mise en possession , pour la
« succession d ’un absent •, celle d ’un condamné, si ses biens sont
« séquestrés -, celle qui aurait été séquestrée pour toute autre
« cause y celle d ’un défenseur de la patrie , s’il est mort en acn tivité de service hors de son département ; ou enfin celle qui
« serait recueillie par indivis avec la nation. »
On voudra conclure de cet article que , puisque le délai
pour l ’héritier n’a couru que du jour de sa mise en posses
sion , la prescription contre la régie n ’a pu courir que de la
même époque.
Voici notre réponse:
i°. Si la régie réduit la question à ce point, elle recon
naît donc la justice de tous les principes que nous venons
d ’établir. Il est donc vrai que le séquestre ne peut être par
lui-même assimilé.à une confiscation , et que l ’on a eu tort de
soutenir que les agens de la nation n ’ont pas dû se faire payer
sur des biens dont la nation elle-même était propriétaire. L e
séquestre, d ’après cet article , lie deviendra une cause d ’in
terruption que parce que la loi du 22 frimaire l ’aura ainsi
déterm iné, et non parce qu’il a dépouillé le prévenu d’émi
gration.
.(
' . n; |
Mais alors il s’agit de savoir si cet article s’applique vérita
blement aux délais de Iti prescription j car si cela n ’est, point , la
régie , abandonnant le principe général qu’elle avait d ’abord
établi 4 ne pouvant'»plus soutenir que les mots séquestre et
confiscation sont (-synonymes , n’aura pas même à sou appui
la dci'nière ressource dont elle se prévaut.
�J
( *7 )
O r , nous pensons que les dispositions de la loi du aa fr i
maire ne s’appliquent nullement aux délais de la prescription *,
et la conséquence que la régie veut en tirer est également con
traire à la lettre et au sens de cette loi.
w
Quant au texte de la lo i , il est absolument muet sur la pres
cription que la régie peut encourir par son silence. L ’article 24
ne statue que sur lçs délais dont jouira l ’héritier séquestré •, il
détermine seulement que ces délais ne prendront cours que du
jour de sa mise en possession effective. 11 ne prononce nulle
ment sur les obligations et les droits de la régie-, rien n’indique
que la loi ait eu pour objet de statuer sur ce p o in t, et cepen
d a n t, dans le système adverse, et d ’après le principe de récU
.procité dont on veut faire une conséquence nécessaire de la lo i,
il eût été tout simple d’ajouter que les délais pour la pres
cription contre la régie ne com menceraient égalem ent à cou' rir que du jo u r de la mise en possession d e l ’h é r itier , et
seraient suspendus pendant le séquestre.
L e législateur ne l ’a pas d it, parce qu’il n’a pas voulu et n’a
pas dû le dire 5 et c’est en le démontrant ,qiie noya prouverons 5
que le raisonnement de la régie est en contradiction avec le sens
de la lo i, et le but qu’elle se propose. — Tâchons de nous expli
quer clairement.
,
A u dpçès dç chaque citoyen un droit de mutation est acquis
au trésor public.
^
,
D e l'établissement dp ce droit naissent diverses obligations
prescrites par la lo i, et qui doivent être remplies dans les formes
et sous les peines qu’elle a déterminées.
Elle impose aux héritiers l ’obligation de déclarer la valeur
des biens recueillis, d ’en payer le droit, et de faire cette dé
claration et ce paiement dans un délai de six mois^à peine de
6uppoi’ter uu double droit. !
-ny>n »; in.
j
�I '•'* w
(28 V
Elle impose à la régie l’obligation de demander le paiement
des droits dans- un délai de cinq ans , à peine cl.e déchéance.
Ces obligations sont distincles *indépendantcS'l’une de l ’autre;
elles ont également pour but d’assurer le paiement1des droits.
Mais l ’une prononce une peine contre le redevable ; l’autre lui
fournit une exception contre le lise. L a raison en est simple :
l’une est le fait du redevable lui-même , tenu de fournir la décla
ration ; l'autre est ld : fait de la ré g ie , tenue de le poursuivre.
L e redevable et l ’agent du fisc ont chacun les moyens de se
conformer à la loi :
-I;
Le prem ier, en sacrifiant une portion de la propriété qu’il
acquiert à la libération d’une charge qui la grève ;
Le,.second, en'faisant des poursuites dans le tems requis ,
et en usant de tous les moyens de contrainte que la loi met à
sa disposition.
'
".rv
.
On voit assez q u e , dans le cours ordinaire des choses, ces
deux obligations n’ont aucune dépendance/aucune liaison en-tr’elles , et qu’il est’ possible de les gouverner par des principes
qui ne soient .pas les mêmes.
> 1
;
L e cas est arrivé qiie des biens ont été momentanément en
levés à leurs propriétaires , et mis dans les mains dé la régie >'
à titre provisoire, par forme de garantie et de nantissem ent,
pour les administrer et jouir des fru its, au lieu et place des
propriétaires , et jusqu’à leur réintégration.
.
"'{ 1
n <:
■Nous avons déj'ufprouvé ([u(iccllc\saisic-anno(ation n ’a pu
dépouillerlle propriétaire pour''investir la nation : N e c aufferre
proprielatcm , nec transferre dominiutm
*>
Les individus ainsi dépossédés sont donc restés propriétaires,
mais sans jouissance de leurs biens.^ i
•>
'
'
C ’est.à foison dei;cctte circonstance extraordinaire , et dans
l'objet de venir ù leur secours, que lu loi-du 22 frimaire a.été
rendue.
�( *9 )
L e .législateur a senti qu’il n'élait pas. juste
D e . soumettre au paiement des droits des particuliers privés
de leurs biens -,
.
;
D e faire courir un délai fatal contre des citoyens dont les ac
tions civiles étaient suspendues •,
D e prononcer des peines contre celui pour lequel la privation
même provisoire de ses biens était déjà une peine assez forte.
C'est à ces propriétaires sans action , sans moyens et sans
qualité que l ’on a appliqué l’axiome de droit : Contra non
valentem agere non currit prcescriptio.
Mais* les mêmes considérations n’ont pu faire appliquer cette
exception à la régie.
L ’action de la régie a toujours été ouverte , et n ’a jamais élé
suspendue, ni de fait ni de droit.
Cette action n’est point une action directe et personnelle
contre l’heritier ; elle est réelle , hypothécaire et privilégiée j
elle s’exerce sur les biens, dans quelque mains-qu’ils viennent
à passer.- On ne peut pas dire qu’elle est vaine , parce que le re
cours contre la personne peut être illusoire ; elle est toujours
utile, parce que l ’objet sur lequel elle porte ne peut lui échapper.
Elle prend sa source dans un droit certain et incontestable.
Il est dès-lors bien évident que le séquestre, qui a pu devenir
pour le propriétaire un motif de ne pas payer , et autoriser une
exception en sa faveur, n’a'pas dù , par cela seul, introduire la
même exception au profit de la régie , qui a du et pu se faire
payer , ou du moins en former la demande.
Elle l ’a du , parce qu'il n’y avait aucun inconvénient à le
fa ire , et aucun m otif pour l ’en empêcher. La propriété était
grevée du paiement des droits : cette propriété a-t-elle dù rester
dans lçs mains de la nation ? La formalité du paiement des droits
n’était plus qu’une mesure d ’ordre et de comptabilité : devait-
�i
( 3o )
elle retourner à son premier propriétaire? Les droits se trouvaient
acquittés à sa décharge, sans dommage pour l u i , et .par le fait
du représentant que la loi lui avait d onné, et qui devait ad
ministrer en son nom , comme il aurait administré lui-même.
El , dans le fa it, la régie a tellement pu se faire payer,
qu’elle n ’a eu qu’à faire une simple application des revenus
à une charge préexistante et préférable à toute jouissance de
la part de l’héritier et de ses représentans.
Aucune raison plausible n’aurait donc pu faire suspendre
l’action de la régie pendant le séquestre, dès q u ’il est prouvé
qu’elle pouvait l ’exercer justement et utilement.
Toutes les raisons de convenance, de justice et d ’humanité
tendaient, au contraire, à faire introduire en faveur de l ’héri
tier séquestré la prorogation d ’un délai qui n’a pu raison
nablement commencer qu’avec sa jouissance.
—
T e l a donc été le but de la loi que nous discutons, q u e ,
sans arrêter l ’action de la régie qui ne pouvait pas l’ê tre ,
elle a soustrait l ’héritier à des peines qu’il n’avait pu en
courir.
L a position d ’un héritier séquestré a dès lors été celle-ci
à son entrée en jouissance:
L a régie avait-elle perçu les droits ? il s’est trouvé libéré.
N e les avait-elle pas fait percevoir? a lo rs, de deux choses
l’une :
Ou l ’action de la régie était encore ouverte, et alors l ’héri
tier a eu six mois pour faire sa déclaration;
Ou l ’action de la régie était prescrite, et alors on n’a plus
eu rien à lui demander.
1
■
T e lle est , suivant nous , la seule manière raisonnable d'in
terpréter la lo i, et l ’on voit que notre interprétation 6e con-
�Soi
( 3. )
cille parfaitement avec le silence qu’elle a gardé sur le cours
de la prescription.
A in s i, concluons, sous ce premier rap p ort, que c’est inu
tilement que la régie invoquerait une disposition qui ne la
concerne pas.
2°. Mais allons plus loin , et supposons que la fausse in
duction que l ’on veut tirer de l ’article 34 puisse être ac
cueillie.
Dans ce cas même la régie ne pourrait l’appliquer à la
cause de madame de Talinond.
L ’article 73 , titre 12 de la loi du 22 frimaire an 7 , n ’abroge
les lois alors existantes que pour l’avenir.
Ce n’est donc que pour l ’avenir que la loi du 22 frimaire
a statué. Elle n’a pu avoir d ’effet rétroactif.
L a prescription de cinq ans contre la régie était prononcée
par une loi antérieure , celle du 19 décembre 1790. L ’article
18 contient sur ce point la même disposition que l ’article 61
de la loi du 22 frimaire an 7.
Mais la loi du 19 décembre 1790 ne renferme aucune dispo
sition semblable à celle de l ’art. 24 de la loi dvi 22 frimaire.
11 est- dès lors bien évident^ que la régie ne pourrait se pré
valoir de la disposition d ’une loi qui n ’existait point encore
à l’époque où la prescription était déjà pleinement acquise
contre elle.
Le décès de mademoiselle d ’Argouges ayant eu lieu le 9
brumaire an 2 , les cinq ans ont été révolus le 9 brumaire
an 7 > deux mois environ avant la publication de la loi du
22 frimaire.
L a conséquence est inévitable.
L a régie n’a pu justifier sou inaction par une disposition
�t
( 32 )
qui n ’existait pas. Elle ne peut invoquer une exception qui
n ’a pu lui servir de règle.
C e ne sera plus , si l ’on veut , la prescription prononcée
par l ’article 61 de la loi du 22 frimaire an 7 que madame
de Talm ond lui opposera -, ce sera le môme moyen pris
dans le voeu de l ’article 18 de la loi du 19 décembre ï 7i)°Mais alors nous avons eu raison de p ro u ver, comme nous l ’a
vons fait en commençant, que le séquestre n ’était pas par luimême suspensif des droits de propriété. La cause se trouve ainsi
réduite à cette première question , sur laquelle nous pouvons in
voquer même à notre appui la jurisprudence du tribunal de cassa
tion.
tE lle résulte principalement d ’un jugement rendu le 26 frimaire
an 8 , dont nous allons rapporter les circonstances et les motifs ,
tçls qu’ils sont consignés sur les registres du tribunal.
. Jeanne-M arguerite-Charlotte Sabourin , veuve Morisseau ,,
dpcéda à Fontenay-le-Peuple le i 5 brumaire an 2 , laissant un
grand nombre d ’héritiers.
Quelques-uns de ces héritiers étant émigrés , le séquestre fut
apposé sur tous les biens de la succession , généralement et sans
distiuction.
Un arrêté du département de la* Vendée , du 24 germinal an
5 , régla enfin les droits respectifs de la nation et des co-héritiers républicoles.
Les droits d’enregistrement pour la mutation intervenue n’a•
f. /
/
f
valent pas ete payes.
Les 2.5 frimaire et 19 pluviôse an 7 , saisie et contrainte de la
part de la ré g ie , pour une sbmmc'de 2.r5,ioo livres.
Sur l’opposition des héritiers , la contestation fut-portée de
vant le tribunal civil de la Vendée. •
Les héritiers prétendirent que la demande de la régie élAit
�S a
(33)
proscrite, ait en du qu’elle avait été formée après les cinq ans de
puis le décès de la veuve Morisseau.
L e 25 germinal an 7 , jugement du tribunal civil de la V en
dée , qui rejeta la demande de la régie comme prescrite.
Ce jugement fut fondé sur l ’article 18 de la loi du ig décem
bre 1790, et sur l ’article Gi de la loi du 21 frimaire an 7.
Pourvoi en cassation d e là part de la régie.
Elle prétendait que cette prescription s’appliquait uniquement
au cas où les choses allaient suivant le cours ordinaire, et où
aucun obstacle ri’empêchait les héritiers de se mettre en posses
sion ; que c’était aussi à ce cas que s’appliquait le mode d ’in
terrompre la prescription , en signifiant une demande ; mais
q u e , lorsqu’une succession 11’était encore entre les mains de
persojine, et qu’il était incertain s’il y aurait des héritiers,
comme dans le cas d ’un séquestre, il était évident qu’aucun
droit n’était ouvert ; qu’on ne pouvait rien dem ander, rien si
gnifier à personne ; que le faire serait une témérité ; qu’il fal
lait donc attendre l ’époque de l ’ouverture des droits par la mise
en possession de fait des héritiers.
C e système , absolument conforme à celui que la régie sou
tient aujourd’h u i, fut rejeté par le tribunal de cassation.
On argumenterait inutilement de quelques décisions rendues
par le même tribunal dan6 une hypothèse qui ne ressemble nulle
ment à celle de la cause actuelle. Pour prévenir l ’abus que l’on
pourrait en fa ire , il est bon de les rappeler, et de fixer ici une
distinction importante qui consolidera même les principes que
nous invoquons.
L e tribunal de cassation a j ugé le 22 vendémiaire an 9 ,
dans la cause de la veuve Bonol , héritière du C en C u illeau,
condamné révolutionnaireinent dans le mois de prairial an 2 ,
que les délais de la prescription n’avaient commencé à courir
�( 34 )
contre la régie qu’à dater du 21 prairial an 3 , époque de la
restitution des biens des condamnés à leur famille , et non à
l ’époque de la mort du condamné.
Une semblable décision est intervenue , le 30 prairial an 10 y
dans la cause des sœurs D éfieux, héritières du C en Servanteau de
l’Échasserie , condamné en 1793 par le tribunal révolution
naire.
Il est facile- d'apercevoir tout de suite les motifs de ces jugemens.
Dans l’hypothèse où ils ont été ren d u s, il existait des jugemens de confiscation. Ces jugemens , dont il ne faut pas cher
cher à discuter la. justice et la régularité , n’étaient pas uno
am ple accusation -, ils ne constituaient pas simplement l ’accusé en
état de prévention-, ils l’avaient jugé coupable-, ils avaient laforme d ’un acte judiciaire, contradictoire , solemnel et définitif ;
ils. avaient été exécutés -, quelle que fût la nature du pouvoir ter
rible duquel ils émanaient , ils avaient dû produire tous le&
effets attachés aux actes portant le caractère d ’un jugement , et'
par conséquent investir le confiscataire des biens« déclarés con
fisqués.
A lo rs, véritablem ent, il; n'y avait eu ni héritiers , ni trans
mission do p ropriété, puisqu'il n’y avait pas de succession.
A lo r s , enfim, les agens de la nation, devenue propriétaire
ipso fa c to , n’avaient pu remplir aucune formalité vis-à-vis des
héritiers qui ne possédaient les biens du condamné ni par
le d roit, ni par le fait , et qui les reçurent véritablement des
mains du gouvernem ent, à l ’époque du 31 prairial an 3 , par
un acte spontanée de la bienfaisance* nationale, éclairée et d i
rigée par la«, justice.
Mais toutes ces considérations , rapprochées de uotro h y
p o th è s e ju s tifie n t, d’autant plus le sy6tômc que nous soute-
�( 35 )
nous -, elles prouvent que la propriété d ’un citoyen ne peut
jamais lui être ravie que par la volonté qui le dépossède, ou
par un jugement qui le dépouille.
.
.
Les conséquences de tous nos raisonnemens sont bien simples :
Si madame de Talm ond n’a jamais perdu la propriété des
biens séquestrés, si sa dépossession passagère n ’a pu avoir
l’effet d ’une confiscation absolue , la régie , qui administrait
pour elle , et provisoirem ent, aurait'dû faire ce que madame
de Talm ond eût fait elle-même si sa jouissance n ’eut pas été
interrompue.
A défaut de déclaration de la part du préposé chargé de
l ’administration des biens , l’administration générale devait*
conserver les droits de la nation par une demande.
Cette double qualité d ’administrateur redevable et d ’agent*
de la nation , chargé des recouvremens des droits b u rsau x, ne
présente aucune espèce d ’incompatibilité.
L a régie elle-même a tracé à' ses préposés , dans sa' circu
laire dü mois d ’août 1793, la marche qu’ils' devaient süivVe',
et le mbdé de- comptabilité auquel ils devaient' se cotifûnnér
dahs cé cas.
Mais dans le xiombrc dés’ pièces qui ribtis' ont été représen
tées par madame de T a lm o n d , il s’en trouve une qui nous
fournit un exemple frappant de la contradiction qui existe
entre la prétention actuelle de la ré g ie , et l ’opinion qu’elle a
solcmnellement manifestée pendant la durée môme du sé
questre.
On a mis sous nos yeux , et l ’on présentera au tribunal
un état des inscriptions que la régie a prises sur la terre môme
de M ézières, pour la conservation des droits de la nation , à
raison de diverses rentes dont çelte terre était1 grevtîd' au
profit de plusicii’rs établisseriienY ecclésiastiques stippriiilés.
�( 35 )
Ces inscriptions sont au nombre de s ix , et pour un princi
pal de 25,465 livres.
Elles ont été prises le 24 floréal an 7 , pendant la durée
du séquestre , et un an avant la radiation définitive de madame
de Talm ond.
C e fait éclaircit suffisamment tous les doutes : il range en
faveur de noti’e système l ’opinion môme de l ’adminisU'ation,
qui n’a pu cx’oire tout à la fois que les droits de la nation
devaient être conservés sur les biens, et q u e , cependant, la na
tion en était propriétaire ; qu’elle a dû agir pour la conservation
des hyp othèques, et ne pas agir pour le paiement des droits
d ’enregistrement ; enfin , qu’il y avait dépossession envers ma
dame de T a lm o n d , dans un cas, et propriété grevée des charges
constituées par les actes , dans un autre.
C ’est par-là que nous terminerons une discussion qui nous
parait portée au dernier degré d’évidence , et sur laquelle nous
n ’avons cru devoir insister que pour éta b lir, une fois pour
toutes, des principes sur lesquels les agens du gouvernem ent,
chargés de l ’exécution des lo is, ne devraient pas répandre les
incertitudes d ’un doute qu’ils ne partagent même pas.
L e second moyen de madame de Talm ond est aussi décisif
que le premier.
11 repose également sur des principes et sur des faits cer
tains.
En principe, la régie encourt la déchéance lorsqu’elle né
glige de former sa demande daqs l’année qui suit le commande-
�■Soy
( 37 )
ment : le texte de la loi est précis -, le jugement du 2G frimaire
an 8 , que nous avons cité plus hau t, l ’a formellement con
sacré.
En fa it, la demande n’a été formée que quinze mois et vingt
jours après le commandement du 12 frimaire an g.
L a conséquence est inévitable.
L a régie ne s’étant pas encore expliquée sur ce point , il se
rait difficile de prévoir comment elle pourra échapper à un
moyen aussi tranchant.
Dira-t-elle que madame de Talm ond s’est adressée au ministre
des finances, et que la régie a été tenue de s’expliquer sur scs
réclamations ?
’
On lui répondra:
i° . Que le recours de madame de T a lm o n d , à la protection
du gouvernement, contre les injustices de ses agens , n’empê
chait point lu suite de l ’action judiciaire, que rien ne pouvait
interrompre, et que la loi soumettait à un délai fatal;
20. Que les représentations de madame de Talm ond auprès
du ministre n’ont donné lieu à aucun sursis, à aucun obstacle
qui ait paralysé les poursuites de la régie ;
3 °. QuO, bien lofth de là , le rÀ nistre, reconnaissant la compé
tence et l’indépendance du pouvoir judiciaire , n’a pas voulu
prononcer lui-même , et a laissé le ' soin aux parties de faire
statuer par les' tribunaux ; 4
4 °. Et enfin, que la régie a si peu imaginé que le recours de
la consultante auprès du ministre dût arrêter l'action judiciaire ,
q u e lle s’est p ou rvu e, quoique trop tard , par devant le tribu
nal de Blanc , avant même que le ministre eût prononce.
Ces considérations 11e permettent pas de croire que la régie
puisse échapper à la déchéance qu’elle a encourue.
Le tribunal observera , d ’ailleurs , qu’il s’agit ici de protéger
�débris d’ une fortune que l ’autorité même des lois n’a pu sauve
garder. Les malheurs de madame de Talm ond sont connus •, ils
sont irréparables : mais si rien ne peut effacer ses douleurs , il
est au pouvoir des magistrats de ne pas les aggraver en core,
lo rsq u ’ un moyen légal , favorable et décisif, permet à la jus
tice de venir au secours de l’infortune. D éjà assez de sacrifi
ces ont été imposés à la consultante ; elle a payé plus que sa
dette aux besoins de la patrie. L a patrie a contracte a son tour
une dette aussi sacrée envers les victimes d ’un régime dont le
souvenir ne peut être effacé que par la loyauté , la bienfaisance,
et le désintéressement d ’un gouvernement généreux et répa
rateur.
Délibéré à Paris le 23 thermidor an I I .
M. M ÉJAN .
j
ssZ d > / z/ '/ / l^
D E L 'I M P R I M E R I E D E B R A S S E U R
N o ta .
A IN E , R U E D E L A H A R P E , N °. 477.
O n t ’ engage , dan» c ette im prim erie , à
donner , dans l e co u rt espace de
quatre h e u re s, sans frais extra ord in aires, l ’épreuve d’ une feu ille d'im pression , pourvu
que lesi feu illets de m anuscrit ne soient écrits que d’ un côté.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. D'Argouges, Fleuriette-Louise-Françoise. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Méjan
Subject
The topic of the resource
biens nationaux
régie des domaines
successions
émigrés
séquestre
prescription
droits de mutation
confiscations
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour dame Fleuriette-Louise-Françoise d'Argouges, veuve d'Antoine-Philippe de la Trémouille-Talmond ; Contre le directeur de la régie de l'enregistrement et des domaines.
notes sur les engagements de l'imprimeur à imprimer dans des délais de 4 heures après dépôt des feuillets du manuscrit.
notes sur les engagements de l'imprimeur à imprimer dans des délais de 4 heures après dépôt des feuillets du manuscrit.
Table Godemel : Mutation (droit de) : 2. de quelle époque a lieu l’ouverture du paiement des droits de mutation pour décès, à l’égard de l’héritier inscrit sur la liste des émigrés ? est-ce du jour du décès de celui auquel il succède, ou, seulement, de celui où l’héritier a été saisi de la propriété par sa radiation définitive ?
le séquestre des biens, par la nation, a-t-il interrompu le cours de la prescription établie par l’article 6 de la loi du 22 frimaire an 7 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Brasseur aîné (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1793-Circa An 11
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
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BCU_Factums_G1312
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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Le Blanc (36018)
Mézières (terre de)
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confiscations
droits de mutation
émigrés
prescription
régie des domaines
séquestre
Successions
-
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0
P R E CI S
POUR
!
M arie
BO ISSO N ,
veuve
d'A n t o i n e
C H A R L E S ; A n n e B O I S S O N et J e a n B a p t i s t e R O B E R T , son m ari, de lui au
torisée ; autre M a r i e et autre A n n e B O IS S O N ,
_ filles m ajeures, lesdites B O I S S O N , héritières,
par bénéfice d’inventaire, de J a c q u e s B O IS
S O N , leur p ère, dem anderesses
CONT RE
Louis BOISSON a în é , et Louis - B l a i s e
BOISSO N cadet, leurs fr è r e s , défendeurs.
C O N C LU SIO N S,
A
c e qu’il plaise au tribunal, ayant égard à ce qui ré
sulte des informations converties en enquêtes, et des n ou A
tOi~
�x velles enquêtes, ainsi que des interrogatoires subis par
lesdits frères Boisson, condam ner ledit Boisson a în é , à
payer aux demanderesses la somme de trente mille livres ,
à concurrence de laquelle le serment in litem leur sera
déféré pour la valeur de f o r , argent et effets par lui sous
traits et recélés dans la succession de Jacques Boisson,
père com m un ,,,et déclarer.ledit Boisson a în é , privé de
la portion qu’il auroit pu.prétendre comme, cohéritier dans
les objets par lui soustraits, ou dans la valeur d 'iceu x, au
payem ent de laquelle il sera con d am n é, et les intérêts de
ladite somme de trente mille livres, à com pter du jour de
l’ouverture de la succession ; comme aussi le déclarer d é
chu de .toutes créances qu’il auroit pu prétendre au partage
de. ladite succession: condam ner.ledit Boisson cadet, à
rapporter les papiers qu il a reconnu avoir en son p o u vo ir,
dëpendans de la succession du j}ère com m un; e t, h raison
de sa connivence avec ledit Boisson-aîné, le déclarer éga
lem en t’ p riv é de la portioniqu’il auroit amendée dans les
objets ou la v a l e u r des-objets soustraits papj ledit-Boisson
aîné ; e t , faute par lui de rapporter les papiers , qu’il a
reconnu être en son pûirftoü' ÿ'etxl’fcvoir fait la déclaration
de leur nature et qualité, le condam ner, envers les deman
deresses, en ¿rois m ille livres' de dommages - intérêts, et
aux jntérCte'd^p^i%')’(i^^yturQ ÿe^^a .spccàssionj.éi co n
damner lesdits'Boisson, tant l’aîné que le cadet, en tous
les dépens.
-------------------------------------•p
G *j— 1 . * • -- i.i u./ •
* -----
O n se propose,, dans ce précis, de ne rendre compte.au
tribunkVque 'de te qui est absolument nécessaire pour d é- i/m vj,! i'j (.üoJyj.’itTr) is;
a u‘)
�C3 )
term iner son jugem ent sür lô seul fait des soustractions
imputées au citoyen Boisson aîrié, dans lesquelles le citoyen
Boisson ca d e t, a connivé avec ;soiv fr è r e , sans entrer dans.un détail inutile des procédures qui ont eu lieu pour lo.
partnge’dela succession dû père com m un', et qui est différé
depuis huit ans par les incidens et les chicanes de tout genre;
que.Boisson aîrié a jusqu’à présent fait essuyer à ses sœurso
t. Jacques Boisson>, père oom m unides parties, mourut''
le 2 juin 179 0 , après une m aladie'd'environ six semaines;*.
Il faut observer que depuis quelque temps aucun de ses
enfans n’ habitoit avec lui. L a maladie étant; devenue sé- ■
rieu se, les filles Boisson proposèrent^ leur frère aîné ( 1er
cadeti n’habitoit point alors la com m une de R iom ) , de s£[
rendre ensemble chez: leur père. L e frère a în é , qui avoit'
ses v u e s, les engagea, sous différens prétextes; à ne s’y
rendre que le lendem ain, sous la promesse qu’il leur fit der
ne s’y rendre qu’avec elles; mais il les p révin t; e t , le m êm e 1
jour de l’invitation , c’est-à-dire la veille du jour convenu
à l’entrée de la n u it, il fut alors auprès de son père trèsmalade dans ce m o m en t, et qui ne pouvoit sortir du lit.
Ce n’ étoit pas sans raison que Boisson a în é, vouloit
éloigner ses sœ urs, et les p réven ir dans la maison du père ;
et ce n’est que quelque temps après qu’elles n’ont pu ignorer >
quels étoient ses projets, et par quels moyens il les avoit
réalisés.
A près la m ort du p è re , il fut fait un inventaire dans.f
sa m aison; e t , pour qui connoît le caractère de Boisson-)
aîné , on ne sera pas surpris que :cet inventaire ne pût être
fait‘ à l’amiable , et qu’il fallut!y em ployer l’autorité de: là ,
justice. L o rs dé cet inventaire;, il ne se trouva dans le cabWj
A 2
�* ,
( 4 )
net, où le père m eltoit ses effets les plus précieux, ni or ni
a rg e n t, ni les titres les plus importans de sa succession ; on
y trouva seulement de vieux actes et papiers ^ la plupart
inutiles.
Sur les difficultés élevées entre les parties, après l’inven
ta ire, le citoyen M ayet, n otaire, entre les mains duquel
ont resté tous les papiers compris dans cet inventaire, fu t
établi séquestre des biens de la succession r et le séquestre
subsiste encore aujourd’hui.
■
;r
B ientôt après, les filles Boisson ne pouvant douter des
soustractions commises avant au après la m ort de leur père,
rendirent plainte, et firent faire des informations pour*
parvenir à la découverte des auteurs de ces soustractions.
L a plainte et les informations furent d’abord renvoyées,
par un jugem ent du tribunal du district, au tribunal de la
police correctionnelle, o ù , après avoir fait subir des inter
rogatoires aux deux frères B oisson, contre lesquels frap poient les dépositions entendues dans les informations T
attendu qu’il s’agissoit de soustractions imputées à des .
cohéritiers, les inform ations furent converties en enquêtes,,
perm is aux parties d’enquêter plus am plem ent, et ren
voyées n fins civiles, par-devan t les juges qui en devoient
connoîtrc. Ce dernier jugem ent est du 14 nivôse, an 2.
Cette procédure pour les soustractions avoit demeurélong-tem ps iinpoursuivie *, et ce n’est môme que dans le
mois de prairial dern ier, que les sœurs Boisson ont fait
expédier les informations converties en enquêtes.
-C ependant elles avoient form é d’autres demandes au
c i v il , relativem ent au partage de la succession du père
commun 3 et ces demandes avoient d’abord été portées
�C 5
devant des arbitres qui s’étoient plusieurs fois assemblés ,
autant dans la vue de concilier les parties, que de les ju ger
rigoureusem ent. L e caractère de Boisson a în é , est trop
connu pour qu’on ne trouve pas très-vraisemblable l’asser
tion de ses sœurs, qu’il a em ployé tous les subterfuges
pour em pêcher la conciliation ou le jugement des arbitres5
et ila v o it si fort m ultiplié les incidens, qu'il avoit gagné
le temps où les arbitrages forcés furent supprimés. Il fallut
donc alors le traduire au trib u n al, 'devant les juges ordi
naires.
E n fin , après quatre ans, il est intervenu en ce tribunal
un jugem ent, le 14 therm idor an 5 , qui a ordonné le
partage des successions des père et m ère communs. Sans
entrer dans le détail des dispositions de ce jugem ent, il
suffit d’observer qu’il ne prononce point en détail sur les
rapports et prélèvem ens à faire au partage; il se borne en
général i\ ordonner que chacune-des parties rapportera ce
quelle peut avoir reçu , et prélèvera ce qui lui est légiti
mement dû. Mais il y a de plus une disposition particulière
de ce jugem ent, qui réserve aux-parties toutes contesta^
tions q u i pourraient encore être pendantes.
Cette réserve de toutes contestations encore pendantes,
s’applique évidem m ent au procès crim in el, converti en
procès civil, auquel jamais les sœurs Boisson n’ont renoncé;
et au contraire dans tous les actes, de procédure, elles ont
fait les réserves les plus générales.
C ’est d’après cela et d’après le jugem ent rendu au tri
bunal de la police correctionnelle, qui a converti les infor
mations en enquêtes, et permis d’enquêter plus ample
m e n t, jugement dont il n’y a pas eu d’ap p el, et dont il
�e n
ne peut pas y en avoir, puisqu’il ne s’agit que d’instruction;
c'est, dit-on , d’après ce jugem ent, que les sœurs Boissonen ont obtenu un autre du trib u n a l, très-contradictoire1
avec Boisson a în é , qui a fait tous ses efforts pour l’em pê
cher, et qui a ordonné que les sœurs Boisson assigneraient*
les témoins qu’elles voudroient faire entendre, en enquê
tant plus am plem ent, sauf aux frères Boisson ù en faire>
entendre de leur part*
..
.
11 ne s’agit donc à p résen t, pour l'objet de la cause
actuelle, que de chercher d’abord dans les informations e t’dans les enquêtes des sœurs Boisson (car on ne présume
- pas que les f r è r e s Boisson entreprennent de leur part def
faire des enquêtes contraires) .s’il y a vraim ent des preuves!
de soustractions commises par Boisson a în é , et s’il y a eu»
connivence de la part de Boisson cadet, si'm êm e il n’y a'
pas eu quelques soustractions particulières de la part de;
c e lu i- c i. O n examinera ensuite si les dépositions des;
témoins ne d on n en t pas quelque lum ière pour connoître’
l’importance des soustractions ; et c’est après avoir recueilli
ou résumé les preuves sur ces deux parties, qu’on posera)
les principes qui dans la circonstance des faits prouvés»
doivent déterm iner la décision du tribunal sur les conclu
sions qui ont été prises; par les sœurs Boisson contre leurs:
frères.
1
U n précis ne com porte pas le détail de chacune des»
dépositions qui sont en -grand nom bre dans les enquêtes
des sœurs Boisson *, il faudroit copier ces dépositions , ce
qui seroit d’autant plus in u tile, qu’il sc‘ra fait lecture i\i
l’audience de celles des témoins qui ont été!entendus dans7
les informations .converties, en enquête > et que les autres!
�i
7 )
•témoins de la nouvelle enquête', seront ‘entendusrpubli
quem ent: il suffit donc de résum er l’historique et le résultat
-de toutes ces dépositions , avec précision et exactitude.
.r V o ilà donc ce qui se recueille en substance des déposi
tions des I er. 2 e. 4e. 5e. 6e. et 8e. témoins de l’infor
mation, en observant que le i er.itémoin est la garde-malade
q u i avoit servi B oisson, père , pendant sa m aladie; le
4 e. témoin , une fille q u i, dans le m ême temps, étoit au
service de Boisson, fils aîné ; et le 6e. tém o in , la fille
d e service de Boisson, père.
Boisson, aîn é, s’étant rendu tout seul’, pendant la n u it,
auprès de son p è r e , qui gardoit le lit depuis long - temps ,
¡fit tous ses efforts pour éloigner la fille de service et la
garde-m alade qui le servoient et veilloient nuit et jo u r ,
disant q u ’elles devoient être fatiguées, et qu’il les rem plaÇeroit et seroit auprès de son père toute la nuit ; cependant
il ne put renvoyer chez elle la garde-m alade, quelques
instances qu’il p û tlu i faire , et seulement elle se déterm ina
à prendre quelques heures de repos, sur un lit qui n’étoit
pas éloigné de celui du malade.
Il resta donc seul avec la fille de service, qui le redoutoit
in fin im en t, paxxe qu’il l’avoit souvent menacée et malr
traitée. Il se mit au chevet du lit de son p è r e , où il essaya
de prendre dans sa cu lo tte, qui étoit sous le c h e v e t, la
ciel du cabinet où étoient renferm és l’or et l’argent et les
papiers de son p ère; mais comme la présence de cette fille
qui étoit auprès de l u i , le gènoit dans son p ro je t, il lui
ordonna de passer au pied du lit pour ferm er le rideau , et
profita de, ce m om ent pour enlever la clef du cabinet.
i: A p rès quelques .instans, il feignit de) vou lo ir sc cou-
�( 8 )
'c h e r dans une pièce voisine de la cham bre de son p è r e , et
il y fit faire le lit par sa propre servante, qui étoit venue le
joindre dans la maison de son père. Boisson aîné fit alors sem
blant de s’aller coucher ; mais il avoit bien un autre dessein.
-M uni de la clef du cabinet, il s y introduisit, y demeura
près de trois h eures, et em ploya le temps où il vouloit
qu’on le crût au lit, pour s’em parer de l’o r , de l’argent, et
des effets et papiers les plus précieux. O n ne peut pas douter
‘de son invasion dans le cabin et, par la preuve de deux
circonstances; i ° . celle de la réverbération de la lum ière
qü’il avoit du porter dans le cabinet, sur le m ur qui est en
face de la fenêtre du cabinet ; 2°. par. celle qu’il ne fut pas
se coucher, comme il l’avoit annoncé, dans le lit qu’il
avoit fait faire , parce qu’il est p rou vé que lé matin le lit
ne s’étoit point trouvé d érangé, mais qu’il étoit dans le
m êm e état où il avoit été mis par sa propre servante, à qui
il l’avoit fait faire.
: Boisson aîné trouva sans doute aisément le m o y en , avec
la finesse qu’on lui eonnoit, de rétablir la clef du cabinet,
dont il s’ étoit saisi. Mais Boisson p è re , ayant eu un léger
intervalle dans sa m aladie, soupçonnant ce qui pouvoit
être a rriv é , quoique extrêm em ent foible, il se fit conduire
dans son cabinet, soutenu par sa servante et une autre
femme de ses voisines , et se rendit certain par lui-m êm e
de l’enlèvem ent de son or et de son argent; ce qui le frappa
tellem ent, qu’il fut hors d’état de continuer sa rech erche,
n l’égard de scs effets et de ses papiers ; mais il ne douta pas
qu’ils ne lui eussent également été enlevés, et il ne douta
pas non plus que son fils aîné ne fût l’auteur de l'enlève
m en t, et il s’en expliqua devant plusieurs témoins qui en
ont déposé.
A p rès
�A p rès cette v is ite , Boisson père reçut une Somme de
i5 o tf" d’un particulier qui la lui devoit ; et si • cette
somme ne fut pas trouvée lors de l’inventaire , c’est parce
que Boisson aîné s’introduisit encore dans le cabinet dont
il se fit rem ettre la clef par la servante effrayée à la vue
d’un sabre qu’il venoit de faire porter dans la maison de
son père.
Indépendam ment des enlèvemens faits dans le cab in et,
il y en eut encore'dans les autres appartemens de la m aison,
de plusieurs m eubles, et notamment des couverts d’argent :
plusieurs témoins ayant déposé des allées et venues de la
maison du père dans celle du fils , par les domestiques du
fils , ou autres personnes par lui préposées pour porter les
meubles enlevés.
T o u s les faits qu’on vien t de rappeler sont prouvés
par les témoins que l’on a ci-dessus indiqués ; mais il y
a d’autres preuves qui ajoutent encore à celles-là, et qui
se tirent des aveux m êm e de Boisson, qui sont prouvés
par deux autres dépositions des inform ations; c’est celle
de Françoise M assy, 1 5 e. tém oin , et le I er. d’une conti
nuation d’in form ation; et célle de M arguerite D e v a l,
16e. tém oin , et le 2e. de la m êm e continuation. A quel
que précision qu’on ait voulu réduire les dépositions
des inform ations, ces deux dernières sont trop intéres
santes pour qu’on ne se croie pas obligé de les rendre
avec plus de détail,
Françoise Massy dépose d’une conversation tenuç
entre les deux frères B oisson, aîné et cadet,' dans 1#
maison de ce dernier, en la ville de C lerm ont, et dans
«ne ch am b re, où ils s’étoient renferm és, croyant n y
B
�■pouvoir pas être entendus. Mais Françoise Massy
servante de la m aison, fut envoyée par sa m aîtresse,
fem m e du cadet, pour .¿coûtera la porte de la chambre
la conversation des deux frères.
. Ce témoin dépose donc avoir entendu qu’ il s’agissoit,
dqns cette conversation, d’une déclaration cjue Bojsson
aîné vouloit faire faire à la servante de son père, tendante
à le disculper des soustractions qu’il avoit com m ises;
et qu’à l’occasion de cette déclaration, le cadet dit à son
frè re , qu’avant de faire faire cette déclaration, il fallolt
que Boisson aîné lui déclarat sur le champ les différons
vols et soustractions q u ’il avoit faits chez son père ; à
quoi Boisson aîné répondit qu’il lui rendroit com pte
de ce qui lui reven o it; mais que le cadet ayant insisté
à ce qu’il s y engageât par écrit, l’aîné le lui refusa, en
disant que ces sortes de choses ne se m ettoient pas par
écrit, attendu qu’elles pourroient donner lieu à un procès
crim inel. L e m êm e tém oin dépose encore que le cadet
demandoit à l’aîné de lui rem ettre différentes lettres de
change que lui Boisson cadet avoit consenties à son frè re ,
qu’ il avoit fait payer et retirer par le p è re, et que
Boisson aîné avoit enlevées dans le cabinet; à quoi Boisson
aîné répondit : sois tranquille, m on frè re , je te les
remettrai aussitôt que nous serons à R iom .
O n ne peut sans doute rien de plus précis que celte
déposition; mais elle se trouve appuyée et soutenue par
celle de, l’autre témoin dont on a p a rlé , et qui dépose
égalem ent de l’ayeu fait par Boisson aîné de ses sous
tractions.
' , . :.
■
/ M arguerite D eval dépose avo ir entendu Boisson cadet
�S ï$
(
)
dire à son frère a în é , marchant ensemble dans la 'ru e
des Taules : T u m ’as avoué avoir pris dans le cabinet de
m on père tout son argent et tous ses papiers, parm i
lesquels étoient des lettres de change que j’avois déjà
acquittées ; j’espère que si tu ne veu x pas me donnqr
ma portion d’argen t, tu me remettras du moins mas
lettres de change; à quoi Boisson aîné répondit : N e
b a v a rd e pas ta n t, sois tra n q u ille, je tiendrai ma,
parole.
A in si, voilà deux témoins bien positifs des aveux de
l’aîné B oisson, des soustractions par lui commises dans
le cabinet de son père, de tout son argent, et de ses papiers
les plus précieux.
O n ne croit donc pas qu’il puisse y avoir rien de plus
à désirer sur la preuve des soustractions les plus com
plètes, et de l’indignité des moyens par lesquels Boisson
aîné y est parvenu. Mais on doit croire que le tribunal
trouvera aussi dans les dépositions qu’on vient d’analyser
une preuve de connivence entre les deux frères, Boisson ca
det ne demandant jamais à son frère que sa portion desobjets
soustraits, sans parler des portions de ses sœurs, et insistanttoujours à ravoir seslettresdechange,quiappartenoient
au p ère, puisque c’éto itlu i qui les avoit payées et retirées
de son fils aîné, et qui par conséquent devoient se trouver
dans "sa succession , pour par les sœurs prendre leur
part de ces lettres de ch an ge, comme de tout le reste.
O n trouve aussi dans les informations la preuve que
Boisson cadet avoit pardevers lui des effets et papiers
de son p è re ; il en est môme convenu dans son inter
rogatoire au tribunal de la police correctionnelle : il est
B 4
**t
�C I* )
'v ra i qu’il a dit en m ôm e temps tju'il les tenoit de son
'p è re lu i-m ê m e ; mais outre qu’il seroit difficile de le
p résu m er, c’est que jusqu’à présent il n’avoit jamais
vouludire quels sont ces papiers et effets, et quelle en est
•la nature ; en sorte que: la -remise qu’il a offerte, et
qu^il a dû effectuer entre les mains de M aye t, notaire
séquestre, laisse toujours dans le doute s’il a fait une
remise entière. Q uoi qu’il en soit, le tribunal jugera
de la qualité et de l’effet que doivent produire contre
Boisson" cadet les dépositions des informations et des
enquêtes; et quoique les demanderesses aient pris des
conclusions directes contre lu i, elles s*en rapportent aux
lum ières et à la prudence du tribunal sur ces conclusions.»
O n croit donc a v o ir rem pli le prem ier objet qu’on s’étoit
-proposé dans ce précis^'c’e s t - à - d ir e , la preuve que c’est
•Boisson a în é, qui est l’auteur des soustractions commises
[pendant la dernière maladie du père com m u n , que ces
•soustractions embrassent tout l’or et l’argent et tous les effets
-les plus précieux que le père avoit dans son cabinet, et
•qu’enfin il a été fait d’autres soustractions de meubles qui
-étoient dans les autres appartemens de la m aison, et parti
culièrem ent de la vaisselle d’argent.
; Il s’agit maintenant de prouver en point de d ro it, q u e,
pour,fixer la valeur deces soustractions, le serment in litem
•doit être déféré aux dernanderesses. Les principes de cette
m atière serviront aussi à indiquer les bases qu’il faut re
ch erch er pour déterm iner le q u a n tu m , jusques auquel le
serm ent in litem doit être déféré.
Ces principes sont tous dans le droit rom ain. Nos ordon
nances n’en ont point parlé ; e t , de toutes nos coutum es,
�S « o
-celle de Bretagne est peut-êtrç^4&seiilë qui gît prSvu le cas
'des sousti*actions et recèles, pour accorder le serm ent sur
la quantité contre celui qui en est l’auteur. Nos lois nou
velles n’ont pas encore atteint cette matière.,, et l’on ne
•trouve m ême rien qui y ait rapport dans les projets de
:code civil qui ont paru jusqu’à présent; mais la ;jurispru<dence avoit reconnu dans cette partie la sagesse des lois
romaines , dont elle avoit adopté les décisions.
•Ce seroit un vain étalage de rapporter toutes les lois qui
.ont rapport, au serment in litem ; le nom bre en est infini
•'dans plus de vingt titres, du digeste ou du code-; mais coipm e
.e lle s sont-tou tes uniform es, il suffit d’en citer une seule, la
iloi 9, au titre du code undè v i : cette loi porte que les sous
tractions étantiprouvées en général, si celui qui les a éprou
vées ne peut pas établir chaque objet de soustraction «n
.particulier, le juge d o itlu i déférer le serment-sur la va*
Jeur et ^estimation ; la loi ne met d’autre restriction, si ce
•n’est que le juge déterminera lui-m êm e la somme jusquesà
laquelle le serment .sera d é fé ré .<. Siquando v is in ju d ic io
jfueritpatefacta^deindè sub rebus abreplis et in vasis quœsr
tio p ra p o n etu r, si n o n p o tu e r it, q u i vim s u s tin u it, quœ
perdidit singula com probare, ta xa tion e à ju d ic e fa c tâ
pro personarm n atque negoiii qua litate , sacram cnto
œ stim atiom s rerum quas perdidit, m anifestet : ncc licea t
eiM itra taxationem à ju d ic e jh c ta m ju r a r e .
*’ ■
N otre jurisprudence s’est entièrement conform ée sur ce
point à la disposition des lois rom aines, et nos livres sont
pleins d’arrêts qui ont accordé le serment in lit e m , soit
contre les veuves qui ont commis des soustractions dans
les successions, de leurs jnaris ? soit, contre les “héritiers qui
�,
,
( H i '
; ont fait des rècék's darts les successions qui leur sont com
munes avec d’autres héritiers. Sur quoi on peut voir le
■
P rêtre , centurie prem ière , chap. 65 ; le journal des au:diencesj sur l’arrêt du i 5 mai i 656 ; le journal du palais
sur l’arrêt du 18 septembre 1690, et généralem ent tous lés
arrêtistes. La.:jurisprudence de tous les parlemens a été
„toujours uniform e sur cette matière, et le serment in litem ,
constamment déféré contre les auteurs de v o ls, de recèles
IV L
et de soustractions , lorsque la preuve s’en est trouvée faite
,en g én éral, quoiqu’on n’ait pas pu prouver chaque objet
en particulier. Seulement les juges, dans ce cas-là, ont fixé
une somme jusqu'à laquelle ou au dessous on pourroit
ju r e r, et qu’ils ; ont déterminée , comme dit la lo i, pro
personarum atque negotii q u a lita te , prenant en consi
dération la qualité du d éfu n t, s’il .paésoit pour r ic h e ,.e t
avoit de l ’argen t, et autres circonstances qui pouvoient
résulter des preuves générales des soustractions et recèles.
Les principes établis, voyons à quelles sommes on pour
roit en porter la valeu r, et jusques à laquelle le serment
p ourroit être déféré. '
.. . . . ' ,
O n trouve déjà quelques objets indiqués dans les infor
mations. Boisson père déclare à plusieurs témoins qu’on lui
a enlevé vingt-deux pièces d’or de 48 ^ chacune, et sept
de 24
; il parle ensuite de deux sacs d’a rg e n t, sans en
spécifier le montant -, il est question encore dans les infor
mations d’une somme de i 5o
, que le père avoit remise
depuis la prem ière invasion dans son cabinet, et qui fut
sansdouteencoreenlevée,lorsque Boissonl’aîn éy retourna,
sous le prétexte d’arranger les papiers de son p è r e , et après
s on être fait délivrer la clef par la servante effrayée à la
vue d’uu sabre*
�(r ^ X
/
Mais il y .a encore dans'les informations la preuve de
l'enlèvem ent des papiers et effets les plus précieux du
défunt; les aveux qu’en a faits Boisson aîné, sont également
prouvés. O r , parmi les effets, il y a lieu de croire "q u ’ il
d e v o ity en avoir pour des sorrçmes- bien excédantes celles
qui étoient en num éraire dans le cabinet ; on espère qu’il
sera prouvé par les témoins qui seront entendus dans la
nouvelle en q u ête, que Boisson p è re , peu de temps avant
la maladie dont il est m ort, avoit voulu placer 6,000 ^ d’un'
côté , et 3,000
de l’autre en rente v ia g è re , et que sur les
représentations qui lui furent faites, que p arce placementen
v ia g e r,e t à son â g e ,ilfe r o it tort à ses enfans, il répondoit
qu’ilavoitbienencore assez d’argent; mais ces placemensen
viager n’ayanl pas été faits vraisemblablement d’après les
représentations qui furent faites à Boisson p è re , du tort
qui en résulteroit pour ses enfans, il y a tout lieu de croire’
que Boisson père n’auroit pas voulu garder de si grandes
sommes d’argent m o rt, et qu’il les avoit placées en billets
ou lettres de ch an ge, d’autant m ieux que toute ’sa v i e , il
avoit exercé le commerce, et ces billets ou lettres de change
se trouvant dans le cabinet dans lequel Boisson, fils a în é ,
avoit fait l’enlèvem ent des effets les plus précieux , seroient
nécessairement passés en son pouvoir. O r, la vraisemblance
de ces conjectures doit sans douté entrer en considération
dans la fixation de la somme jusqu’à laquelle ce serment in
ïitam sera déféré.
*
Les informations parlent aussi de deux quittances que
Boisson aîné avoit données à son père, et qu’il avoit enle
vées avec les autres p ap iers, sans spécifier le montant de
ces quittances, et sur quels objets elles avoient été données/
�in
v v ,
- i (*6 )
.
Elles parlent également de deux obligations faites au père
Boisson; l’une par le' citoyen V ia le tte, l’autre par le citoyen
M o ra n d , sans dire les sommes auxquelles pouvoient re
m onter ces obligations.
O utre les enlèvemens faits dans le cabinet, les informa
tions parlent encore d’autres meubles enlevés par Boisson
lîls, dans les autres appartem ensde la maison de son père ,
çt particulièrem ent de sa vaisselle d’argent.
O n . espère q u ’i l sera encore prouvé par les témoins qui
seront entendus dans la nouvelle en q u ête, que trois mois
avant sa m o rt, Boisson père montra a ses fermiers de V ille
n e u v e , une bourse c o n s id é r a b le rem plie de louis, et une
caisse où étoit son argent blanc ; que ces mêmes fermiers
placèrent cette c a isse s u r la voitu re, l o r s q u ’ils vinrenteherch e rle père Boisson pour aller de R iom à V ille -N e u v e , et
qu’ils la replacèrent encore, lorsqu’ils le ram enèrent de
y ille -N e u v e à R iom .
, Enfin ? on ne doit pas perdre de vue la preuve qui résulte
des informations que , parm i les effets enlevés par Boisson
a în é , se trouvoient les lettres de change qiie lui avoit
consenties Boisson cadet, et qui avoient été acquittées et
retirées par le père.
. Dans le concours de toutes ces circonstàncçs, et d’après
les preuves certaines de l'enlèvem ent fait par Boisson a în é,
de tout l'argent et de tous les effets qui étoient dans le cabi
net de son p è r e , il sembleroit qu’il n’y a pas trop d’exagé
ration. dans la réclamation d’une somme de 30,000 ^ jus
qu’à laquelle lés filles Boisson demandent d’être admises
au serment in titam \ mais lé tribunal pèsera‘toutes ces
circonstances pour déterm iner cette somme dans to\ite sa
sagesse.
Pour
�C *7 >
î*our terminer ce précis, il ne reste plus qu’à établir
quelles sont les peines que doit subir Boisson aîné, à raison
des soustractions et recélésqu’ilacommii,etàcetégard,ce.
sont encore les principes du droit romain, quii ont fixé
liotre jurisprudence française.
Les lois romaines sont encore uniformes sur la peine des
recélés , et dans le grand nombre qu’on en pourroit citer,
il n y en a pas de plus précise que lai, 48, if* ad senatusconsuîtum trebelianutn. Dans cette lo i, le jurisconsulte Paul
répond que si un des héritiers a soustrait des effets de la
succession, il doit être privé de la part qu’il y auroit eue.
Paulus respondit : S i certa poriio hœrcditatis ciïicui
rclicta proponitur, et is res hœreditatis quasdam fu ra tus sit: liis rebus quas subtraxit} déhegari ci petitioncjn
çportel, rectè respondetur.
A l’égard de notre jurisprudence française, elle a exac
tement suivi les principes du droit romain, et c’est suivant
tes principes que les arrêts ont constamment jugé, et à l’égard
des veuves communes, et à l’égard des héritiers qui avoient
Commis de9 soustractions ; qu’ils étoient par là privés des
portions qu’ils auroient dû avoir dans les choses soustraites :
on trouve ces arrêts dans Louet etBrodeau, lett. R. som. 1
etsom. 48, et généralement dans les arrêtistes de tous les
parlemens ; et tous nos auteurs français, depuis Dumoulin,
ont également enseigné la même doctrine. Dumoulin alloit
même jusqu’à priver la veuve ou l’héritier qui avoient
recélé, n o n seulement de leurs portions, dans les choses
recéldes, mais même dans toute la communauté ou la
iuccessiom
,. :
.
Mais indépendamment de la privation qui doit être
�( >8 )
prononcée Contre Boisson aîné , de sa portion dans' la
valeur des objets qii’ il a soustraits et recélés, il doit encore
être déelaréxléchu de toutes créances et prèle vemens, qu’il,
pourroit prétendresur ]à succession de.sçn père. P ès qu’il,
est prouvé par les informatiQnsV que dans le nombre des.
effets qu’il a enlevés.dans le cabinet de son père,, étoiüht
deux quittances qu’il lui avoit données, la présomption,
de droit en ce cas est que ces quittances se>rapportoieiit
à tout ce que son père pouvoit lui devpir; sans quoi il
n’auroit eu garde, de les soustraire , puisque si elles
n’eussent été données qu’à com pte, ou pour des objets;
particuliers, son intérêt eût été de ne pas les soustraire,
s’il avoit effectivement des créances plus considérables que
le montant de ces quittances. Ont doit croire qu’il n’a enlevé
ces quittances, que pour faire revivre des créances éteintes
par le payement établi par ces quittances. Plusieurs auteurs,
et entre autres, Denizart,,au m ot B.ECÉLÉS, sont d’avis
que quand une femme commune ou un cohéritier sont
créanciers de la succession dans laquelle ils ont commis des
r e c é l é s , il se fait une confusion de plein droit en leurs
personnes, de leurs créances, et qu’on les présume payés
par leurs mains ; il en, doit être de même à plus forte rajsoqt
dans le cas particulier, comfne celui-ci, où il est prouvé quç
,parmi les effets recélés il y avoit des. quittances.çlpnnées ail
défunt par le cohéritier,.qui est l’auteur des recélés. ■ .
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*
1 Vf o t A1.' Les demanderesses ne doivent 'p as négliger de faire'
toutes réserves contre un traité sous seing privé, que Buisson: aîné
prétend avoir passé avec son père, tout écrit de main du clerc
�H \
( 19 )
q u e Boisson aîné avoit a lo rs, et qu’il prétend aussi être signé par
l e père. C e prétendu traité se tro u va lors de l’inventaire dans un
endroit du cabinet qui fu t indiqué par le fils. M ais il ne p o u vo it
y Être que par une insertiqn fu rtive de la part de B oisson aîn é,
lors des invasions qu’il avoit faites dans le cabinet. A u re ste , on
se borne ici à en faire l’ observation , p o u r m otiver les réserves
que se font les demanderesses et p o u r m ettre au grand jo u r ,
lorsqu’il en sera nécessaire, l’iniquité de cette m anœ uvre, si jam ais
on osoit faire usage du prétendu traité.
A in si semble devoir être défendue la cause des deman
deresses.
D élib é ré à R io m , le 11 m essidor, an 6. A N D R A U D .
A R I O M , D E L’ I M P R I M E R I E D E L A N D R I O T .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boisson, Marie. An 6?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Andraud
Subject
The topic of the resource
successions
inventaires
séquestre
serment in-litem
témoins
abus de faiblesse
vols
domestiques
recel
fraudes
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Marie Boisson, veuve d'Antoine Charles ; Anne Boisson et Jean-Baptiste Robert, son mari, de lui autorisée ; autre Marie et autre Anne Boisson, filles majeures, lesdites Boisson, héritières, par bénéfice d'inventaire, de Jacques Boisson, leur père, demanderesse ; Contre Louis Boisson aîné, et Louis Blaise Boisson cadet, leurs frères, défendeurs.
Table Godemel : Serment : 2. Lorsqu’une instance est engagée entre cohéritiers, sur des soustractions commises dans la succession, à qui, du demandeur ou défendeur, doit- être déféré le serment in litem, pour déterminer le quantum des objets enlevés ? quelle peine encourt le spoliateur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 6
1790-Circa An 6
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1224
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ville-Neuve (63458)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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abus de faiblesse
domestiques
fraudes
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recel
séquestre
serment in-litem
Successions
témoins
vols
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d1aec5c1c8daa6d479b0fdcd8abd168e
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Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
Marie-Louise-Joseph DE SCEPEAUX, veuve
de B laise DAURELLE DE CHAMPÉTIERE, intimée ;
C O N T R E
L o u is e - M a g d e l a i ne D A U R E L L E D E
C H A M P E T I È R E , sa fille, e t Jacques
B E I N A G U E T D E P E N A U T I E R , son
mari, appelans.
E s t - c e toujours la révolution qu’il faut accuser des
mauvais procédés des enfans envers ceux qui leur ont
donné le jour ? Mais la révolution est passée, et les
mauvais procédés durent encore ! M de. de ChampéA
�C2 )
tière, luttant contre sa fille de tribunaux en tribunaux,
devoit croire qu’après les débats fugitifs d’une audience,
un jugement éteindroit pour toujours cette cause de dis
corde et de scandale : mais M de. de Penautier, perdant
le sentiment des convenances , après a v o ir, dans des
éci’its, fait peindre son père comme un im bécille, et sa
mère comme abusant de cette imbécillité pour la dé
pouiller de son patrim oine, a jeté dans le public une
consultation im prim ée, pour graver ù jamais l’exemple
de son respect filial au profit de la postérité.
L ’oubli de ce respect filial étoit au moins renfermé
dans le cœur d’une mère ; et si quelquefois , portant
dans le passé un regard pénible, M ^. de Champétière se demandoit comment, pendant les angoisses d’une
arrestation, il avoit été possible que sa fille refusât obs
tinément d’écrire la moindre pétition pour elle; com
ment pendant un long séquestre de toutes ses propriétés y
il avoit été encore possible que sa fille refusât constamment
de venir à son secours, ayant cependant une très-grande
fortune, et sachant que son père avoit besoin de tous
ses revenus pour lui-même; alors peut-être la révolution
pouvoit être accusée de l’odieux de cette conduite : mais
quand M de. de Penautier a donné, en l’an 7,, une
procuration pour mettre les scellés chez son père, qui
11’cst mort que le 16 vendémiaire an 8; quand elle a fait
l’honneur à sa mémoire d’accepter sa succession par bé
néfice d’inventaire; quand depuis long-tem ps elle fait
semer sourdement, sur le compte de sa m ère, des bruits
ridicules de projets d’exhérédation, qui ne prouvent rien
de plus, siuon qu’elle croit l’avoir méritée ; quand eniù1
�I(J)/
C 3 )
lui disputant line reconnoissance de 41,000 francs qu’elle
n’a jamais ignoré être bien sincère et bien légitim e, elle
n’avoue pas que cet acte a déjà été approuvé par un
premier payement; tout cela, sans doute, est le produit
de la m éditation, part du cœ ur, et le prétexte ne peut
pas en être cherché dans des causes étrangères. Un jour
viendra peut-être que M de. de Penautier demandera
sa fortune à ses enfans : plaise à Dieu qu’elle ne retrouve
pas dans eux les 'procédés dont elle doit s’accuser ellemême. M de. de Gliampétière l’abandonne à cet avenir
q u i, heureux ou m alheureux, n’en sera pas moins le
temps des remords.
L a cause ne présente pas la question posée par les
citoyen et dame de Penautier, de savoir si une reconnoissancc d o ta le faite à une p e r s o n n e prohibée, est censée
un avantage indirect, à moins qu’elle ne justifie du paye
ment réel fait au mari. L a question est de savoir si quand
un mari n’ayant pas reçu toute la dot lors du contrat
de m ariage, et dès-lors ayant eu droit de la recevoir
api’ès, a rendu son compte par une reconnoissance de
ce qu’il a touch é, les héritiers du mari sont fondés, en
A u v e rg n e , ù contester cette reconnoissance •, s’ils sont
fondés à demander que leur mère justifie les sommes
touchées par leur père, et rende le compte que celui-ci
devroit à elle-m êm e, si la reconnoissance 11’oxisLoit pas.
F A I T S .
M de. de Champétière s’est mariée le 20 août 177o.
M do. de B aglion, veuve de Scepeaux , sa m ère, Ju*
A 2.
�(4)
constitua en dot tous les biens éclius par le décès de son
père ; pour lesquels, fut - il d it , et subsidiairement en
avancement d’hoirie de la succession maternelle , M de.
de Scepeaux délaissa à sa iille la jouissance totale de trois
objets immobiliers, à l’exception des droits seigneuriaux
en dépendans, qui lui demeuroient réservés : de sa p art,
M de. de Scepeaux, en faveur- dudit m ariage, promit
à sa fille l’égalité dans- sa succession, sans pouvoir avan
tager son frère germain à son préjudice.
M . de Champétière promit à sa femme un douaire de
1,800 francs ; et pour son logement , le château de la
B atonie, avec les meubles qui s’y trouveroient.
M de. de Scepeaux est morte en 17 7 3 , à.Paris. Cette
mort donna droit à M . de Cham pétière, en qualité de
m ari, de demander le partage de la succession de M . de
Scepeaux, dans laquelle il n’avoit eu jusqu’alors qu’une
jouissance d’immeubles d’après son contrat; de demander
aussi le partage d e la succession de M do. d e S c e p e a u x ,
qui venoit de s’accroître par une partie de celle de M de.
Plielippeaux , veuve D uguesclin, et d’un oncle mort
chambellan du roi d’Espagne, et qui, eu égard à sa fortune,
devoit avoir laissé un mobilier considérable, soit en A njou
son domicile ordinaire, soit ¿\ Paris où elle est décédée.
Ce mobilier fut-il inventorié? fut-il recueilli par M . de
Champétière amiablement ou avec les formes judiciaires?
en quoi consistoit-il? Sans doute la réponse à ces ques
tions appartient au m ari, maître de la dot*, et M do.
de Champétière, alors très-jeune et habitant l’A u vergn e,
ne devoit naturellement pas s’embarrasser des détails de
deux successions ouvertes en A n jou et à Paris.
�19 3
( s );
■ M de. de Champétière avoit deux frères; l’un né
d’un autre mariage, l’autre son frère’ germain ; et elle
n’avoit pas eu de sœurs. A insi la succession de M do.
de Scepeaux a dûiêtre partagée par moitié avec son frère
germ ain, quoique les citoyen et dame Beinaguet aient
fait imprimer qu’il y avoit plusieut's cohéritiers. Parens,
ils devoient savoir qu’il n’y en avoit pas -plusieurs ,• étran
gers, ils pouvoient consulter les Généalogies de France'
et le Dictionnaire de M oréri, qui les eussent empécliés
de mentir. ÇGen. de Fr. tom. V II,-p a g . 389. M o réri,
tout. 1-Xypag. 236, édition de ijô g .i)
11 est échu d ’autres successions à madame de Cliampétière depuis son mariage ; celle de M i l’abbé de Chaillan,
en 1779; celle de M . D u g u e s c lin , son oncle, en 1783;
enfin la succession de M . de Scepeaux, son frère, en 1786.
Ces trois successions, à là vérité, furent paraphernales;
mais une partie n’en fut pas moins :à la ; disposition de
M . de Cham pétière, qui pouvoit les' régir d’après la
coutume d’A uvergn e; et les citoyen et dame Beinaguet
l’ignorent si p e u , qu’un de leurs principaux, moyens ré
sulte d’un acte de 1793, dans lequel, disent-ils, M . de
Champétière s’est départi a lo rs, en faveur de sa.femme,
de ses biens dotaux et paraphernaux.
En effet, on conçoit encore que si M d(>. de Champé
tière a agi personnellement pour le partage des immeubles
de ces successions, au moins M . de Champétière n’a pas dû
être étranger au détail du m obilier, à la liquidation s u r to u t
des dettes actives et passives, et qu’il a été à peu près
le maître de régler les choses à sa fantaisie; 0x1 c o n ç o i t
aussi que les meubles et l’argent qu’il a touché dans ces
�( 6 )
liquidations, n’ont pas occasionné des débats en resti
tution. Il avoit toujours promis de faire une reconnoissance de ce qu’il avoit touché ; et M de. de Cliampétière, plus riche alors qu’à présent, ne mettoit pas un
grand empi’essement à ce que cet acte fût fait plutôt que
plus tard.
M de. de Penautier s’est mariée en l ’an 2. Son père
alors, ayant partie de sa fortune sur des maisons d’émi
grés, ayant eu la facile complaisance d’en cautionner
d’autres, étoit très-gêné dans ses affaires; il institua sa
fille héritière, mais ne se dessaisit de rien, parce qu’elle
faisoit un mai’iage très-i*iclie; et si alors il ne fut pas
question de reconnoître à M do. de Champétière ce
qui lui étoit d û , il faut en chercher la cause dans cet
état des affaires de son m ari, et dans la loi du 28 août 1792,
qui eût donné une action à M de. de Penautier, en
cas de prédécès de sa mère. D ’ailleurs le droit de répé
tition de M de. de Champétière 11e périclitoit pas, et
l ’institution ne pouvoit y porter aucune atteinte.
Enfin , M . de Champétière ayant eu une légère ma
ladie en l’an 5 , voulut mettre ordre à ses affaires, et se
décida à faire la reconnoissance qu’il retardoit toujours;
il reconnut le 16 germinal , avoir reçu sur les biens
dotaux et autres de sa femme , la somme de 41,000 francs
provenans tant du mobilier qu’il avoit retiré de la suc
cession de la dame Baglion veuve de Scepeaux, que d’autres
successions échues depuis son contrat de mariage.
Cette somme que les sienr et dame iteinnguet semblent
trouver exagérée , étoit certainement bien au-dessous de
ce à ([uoi M do. de Champétière s’attendait, d’après
�' Xoi
( 7 y
■
l’idée qii’elle avoit toujours eue de la fortune mobiliaire de
ses parons. .Mais enfin le comptable étoit son époux ; et
l ’honneur défendoi t de suspecter sa déclaration : ce même
honneur ne le défendoit pas à elle seule; niais quelque
•grand que soit ce juge, son autorité n’a force de loi que
pour ceux qui veulent la recevoir.
L e 19 prairial an 5 , M . de Cliampétière a fait à
sa fem m e, non pas une donation , comme on le d i t , de
l’usufruit de sa maison de Riom ; mais , comme par
son contrat de mariage elle devoit avoir celui de toute
l’habitation de la Batonie , qui eût empêché de
vendre la terre , M . de Cliampétière échangea ce
-logement viduel contre celui beaucoup moindre de sa
maison de Riom , p ou r, d it- il, éviter les discussions que
ce lo g e m e n t p o u r r o it o c c a s io n n e r entre sa femme et son
gendre. Sa crainte, comme on vo it, n’étoitpasunecliimère.
M . de Cliampétière a survécu près de [trois ans
à ces actes : jjeu de jours avant sa m o r t, il a fait un
codicile dans lequel il ne montre nulle envie d’y rien
changer : il est mort le 1 5 vendémiare an 8 ; et cet hom m e,
que sa fille et son gendre osent peindre dans un de leurs
écrits comme une machine désorganisée depuis l’an 5 , et
t e n d a n t la dissolution, écrivoit une lettre d’alfaires le
dernier jour de sa vie.
Aussitôt après sa m ort, le citoyen Dcspérouses, au
jourd’hui maire de Riom , se présenta pour faire apposer
les scellés , muni d’une procux*ation ad h o c , que la pré
voyance des citoyen et dame de Peinautier avoit dictée au
citoyen Cases notaire à Carcassonne , le 4 fructidor an 7 ,
quarante-six jours avant la mort de monsieur de Champétière ! !
�3
Il ne se trouva sous les scellés que peu de papiers , qui
furent remis lors de l ’inventaire, à l’agent du citoyen
de Penautier. L e défunt tenoit ses papiers à D om aise,
dans un appartement appelé le Chartrier; et si les citoyen
et dame de Penautier avoient alors le projet de contester
la reconnoissance qu’ils attaquent , qu’ils expliquent
pourquoi ils n’ont point appelé M de. de Cliampétière
à cet inventaire principal de Domaise , à celui de Cham•p étière/et à celui de la Batonie ; car là et là encore il
y avoit des papiers.
Mais c’étoit une recherche que le citoyen Beinaguet
vouloit faire seul ; et Domaise surtout étoit une mine
qu’il vouloit exploiter sans témoins. L e mobilier considé
rable de cette terre-fut bientôt vendu à v il prix ( i) ; un
pare»planté debois superbes faisoit les délices du m aître,
la liache en fit de l’argent. Ces deux objets produisirent
22,000 francs. Il vendit ensuite un moulin 14,000 francs :
c’étoit u n ■
leu rre , pour montrer qu’il vouloit liquider
la succession ; mais malgré les nombreuses affiches dont
le citoyen Penautier couvrit les villes et les villages, au
fait il ne voulut pluë rien vendre.
. ,M de. d e . Champétièrc qui voyoit que la succession
alloit se dévorer sans qu’il fut mention d’elle , et que les
coupes d’arbres étoient un attentat à son hypothèque, fit
des saisies-arrêts. Cet embarras força le citoyen Beinaguet
de s’expliquer: il paya la valeur des habits de deuil ; il
paya le premier terme du douaire de 1,800 francs ; il
•
•( 8
(1) Faut-il dire que le citoyen Beinaguet vendit tous les portraits
.de fam ille, et n ’excepta pas même celui de M . de Cham pétièrc !
paya
�2 03
(9 )
paya en outre une année d’intérêt des 41,000 francs , en
demandant quelque délai p o u r le capital : il prit pour ces
objets trois quittances séparées; il demanda main-levée
des saisies sous la foi de sa promesse qu’étant prêt à vendre
Champétière , M de. de Cliampétière seroit déléguée
la première.
En effet il vendit Cliampétière au Cen. l’H éritier,
par acte du 17 thermidor an 8 , moyennant 58,960 francs,
dont il mobilisa 8,960 francs , pour en faire son p ro fit,
ne supposant pour les immeubles, que 5o,ooo francs qu’il
voulut bien abandonner aux créanciers. M algré sa
promesse , et quoique M de. de Champétière fût la
première créancière, précisément il affecta de ne pas la
déléguer ; il choisit au contraire le citoyen Ducros dont
la dette n’étoit p a y a b le q u ’à termes très-éloignés, et trois
■créanciers cliirographaires qui n’avoient pas fait d’ins
cription.
Ce procédé malhonnête offensa justement M 3«.
de Champétière : elle poursuivit contre l’acquéreur la
distribution du prix de cette vente , devant le tribunal
d’Ambert.
L e Cea. Beinaguet chercha alors à s’excuser par des
phrases insignifiantes. Son projet plus réel étoit de deman
der du temps ; il en obtint : il proposa un traité qui ne
contenoit que des termes pour la facilité des payemens des
41,000 francs; mais il vouloit trop prolonger ces termes,
et il n’y eut pas de traité.
L a promesse de payer le capital ne s’effectuant pas,
M do. de Cliampétière se voyant jouée , reprit les
poursuites d’Ambert. L e citoyen Beinaguet se fit défendre
£
te
�;'» 0 «~
( 10 ) .
en demandant que les'titres fussent déclarés préalablement
exécutoires, et M do. de Champétière , qui eût pu s’en
d is p e n s e r , .pour suivre une procédure simplement hypo
t h é c a ir e , voulut éviter les chicanes en la suspendant,
pour suivre celle qu’on exigeoit.
ç
Elle assigna donc les citoyen et dame de Penautier à
Riom , pour, voir déclarér ses. titres exécutoires ; et il est
vraiment honteux de vo ir dans cette procédure , avec
quelle étude scrupuleuse on lui fit suivre toutes les
dilations et toutes les cascades de la chicane , avant
d’arriver à un jugement.
D ’abord réquisitoire de l’exploit de demande, quoique
la présentation mentionnait qu’on en avoit la copie ; puis"
refus du citoyen Beinaguet d’autoriser sa femme ; après
c e la exqeptions pour demander la nullité de l ’exploit,
parce que l’original n’étoit pas sur du papier de l’Aude ;
après cela autres exceptions déclinatoires pour demander
quelq cause fût renvoyée devant le tribunal de Cai’cassonne.
E n f i n , après,tant, d’épreuves
de patience , M de. de
Champétière obtint un jugement le 2 floréal an 9.
Elle revint à Am bert où l’ordre fut jugé avec tous les
créanciers , et elle fut avec justice colloquée la première,
par jugement du 26 messidor, suivant.
Les citoyen et dame de Penautier ont interjeté deux
appels de ces deux jugemens , ,1a veille des trois mois de
la signiiication.de celui d’A m b ert, et cinq mois après la
signification de celui de Riom.
Ils justifient cet appel, en disant que la reconnoissance
de 41,000 francs est un avantage in d irect, en fraude
soit de l ’institution faite à M de. de Penautier , soit
�Xoj
( ïi )
de la loi du 17 nivôse ; que M do'. de Cliampétière
ne prouve pas la réalité du versement des deniers,
qui. fait l’objet de cette reconnoisâance ; et qu’au con
traire ils prouvent, par un acte du 16 janvier 1793? que
M . de Chainpétière s’étoit départi au profit de sa femme,
à compter dudit jour de la jouissance, de ses biens dotaux
et de ses biens paraphernaux, et de tous droits sur iceux ,
promettant lui payer de son chef 3,000 francs par chaque
voyage qu’elle voudroit faire en A njou : de quoi ils font
.résulter que M . deCliampétière n’avoit rien retenu desdits
biens dotaux et parapliernaux; qu’ainsi la reconnoissance
■
a en une fausse cause, et a été frauduleuse.
M O Y E N S .
Les citoyen et dame de Beinaguet n’ont donc plus
de moyens pour harceler leur créancière par des incidens, puisqu’ils lui perm ettent, pour la première fo is,
de parler en faveur de la maintenue de sa créance, après
l’avoir obligée tant de fois à ne se défendre que contre
des discussions étrangères ; grâces en soient rendues
aux lois abréviatrices des procès. Il ne s’agit plus que
de savoir si M do. de Cliampétière doit être payée.
Ses efforts pour le prouver ue doivent pas être bien
grands ; car les faits rapportés pourroient én quelque
sorte dispenser d’appeler des autorités et des raisonneinens
en faveur d’un titre clair et sincère, reconnu pour tel.
Déjà il 11’est plus douteux, sans doute, que la recon
noissance du 16 germinal an 5 est incontestable ; i° . parce
qu’elle est une dette légitim e; 2°. parce qu’il'n ’y pas de
B a
■MéU
�( Ï2 )
prohibition qui s’ opposât à sa valid ité; 30. parce.que
les appelans ne sont pas parties capables de la contester;
40. parce qu’elle a été reconnue valable.§•
Ier-
L a légitimité se prouve par le contrat de mariage.
Il y est dit que les parties se régiront par la coutume
d’Auvergne : o r, cette coutume veut que tous les biens
qu’a la femme au temps du mariage, soient réputés do
taux, s’il n’y a clause contraire.
Il y est aussi de principe qu’une institution portée par
le contrat de mariage est de droit dotale, s’il n’y a clause
contraire, par la raison que la fem m e, quoique n’ayant
pas les biens institués lors de son m ariage, a néanmoins
ime espérance acquise sur iceux.
Il y est encore de principe que quand le mari jouit
des biens paraphernaux de sa femme, les fruits lui ap
partiennent , mais qu’ils peuvent convenir qu’il lui en
rendra compte.
Il y est de même en principe que tous les actes que
fait la femme avec son m a ri, ne peuvent diminuer sa
dot ni ses biens paraphernaux, et que dès-lors ils sont
nuls.
E n fin , il est de principe du droit com m un, que le
mari est maître de la dot de sa fem m e, qu’il peut en
exercer en son nom les actions inobiliaires, et qu’il est
le procureur naturel pour exercer les actions inimobiliaires, sous le nom de l’un et de l’autre. Il est aussi
de principe, dérivant de cette qualité et d elà justice,
�( ï3 )
que le mari doit un compte negotioTiimgestorunr, qu’ainsi
la femme pourroit l’actionner en reddition de compte de
ses parapliernaux pendant le m ariage, et actionner, ses
héritiers après la dissolution du mariage, en reddition
de compte de tous les objets dotaux.
Cela posé, si la reconnoissance de l’an 5 n’existoit pas,
ou si M de. de Cliampétière vouloit la contester, il
est d’abord certain qu’on ne pourroit la lui opposer.
Q u’en seroit-il alors ? c’est qu’il est tout aussi certain
que M de. de Penautier devroit alors un compte negotîorum gestoriun du chef de son père : ce compte se
com poserait, i°. de tous les objets que M .d e Cliampétière
a recueillis ou dû recueillir de la succession de M . de Scepeaux, suivant l’inventaire ou la preuve par commune
renommée, ensemble de toutes les dettes arréragées avant
le mariage ayant formé des capitaux, et de même des
droits seigneuriaux paternels , réservés par M de. de
Baglion ; 20. de tous les objets qu’il a aussi recueillis ou dû
recueillir de la succession de ladite dame de Baglion,
Veuve de Scepaux , lors de son décès en 1773 ; de même
suivant l’inventaire qu’il a dû en faire dresser, sinon sui
vant la preuve par commune renommée, parce que cette
succession est aussi dotale, y ayant une institution ou pro
messe d’égalité, ce qui est la même chose relativement
aux cohéritiers; 3^. de tous les capitaux des biens paraphernaux, touchés par M . de Cliam pétière, ainsi qu’il
résulte soit de ladite reconnoissance, soit de l’aveu fait
par les adversaires, qu’un acte du 16 janvier 1793 con
tient la môme mention de parapliernaux administrés justju’alors ;4°. enfin, des i*evenus même de ces parapliernaux }
�( *4 ) ... .
puisqu’il résulte de ces deux actes que le mari a eu
intention d’en rendre compte, et que tel est le vœu de
la. coutume d’Auvergne.
Si donc M do. de Champétière a une action en
compte indubitable, et si ce compte a été rendu par
son m ari, certainement tout est terminé dès qu’elle l’a
dopte. Elle a mis dans les mains de son mai’i , en 1770,
une partie de sa fortune-à venir à. titre de dot; elle
doit la retrouver intacte après la dissolution du ma-riage ; car il est de l’essence de la dot qu’elle ne soit pas
diminuée.
:
- L ’acte contesté’ est >entre les pai'ties une transaction
sur procès; car lai femme avoit une action et le mari étoit
comptable. La reconnoissance est un apurement de compte,
et certes, rien n’est plus indélébile contre les héritiers
du comptable , dès que la matière du compte est Connue.
.C e s m o y e n s s o n t-ils .d étru its pai* l’acte so u s seing-privé
du 16 janvier 1793; mais qu’est-ce donc que cet acte?
une quittance de la dot, disent les citoyen et dame
de Beinaguet. Mais est-il une hérésie plus grande que
de vouloir qu’une fenlme mariée puisse donner une dé
charge de la dot à son mari, pendant le mariage.
Mais comment cet acte donneroit-il quittance de la
dot? Il n’y a délaissement que de la jouissance ; et cette
expression seule est exclusive des capitaux. Le départe
ment de tous droits n’est que pour l'avenir; ainsi le passé
resteroit à régler. L ’induction tirée de la promesse du
m ari, de payer 3,000 fr. de son c h e f, n’est rien moins
qu’une preuve de tout abandon; au contraire, le mot
lui-même prouve qu’il distingüoit très-bien qu’il avoit
�( i 5 ') •
de l’argent à _sa femme et à l u i , dès qu’il-deyoit donner
les 3,000 fr. de son chef.
; : .
- .. .7,
Qu’étoit donc cet abandon de jouissance en 1793 ,,
quand déjà la guerre de la Vendée occupoitla plupart
des possessions de M de. de Chàmpétière,
,
A p rès la pacification, il falloit réparer pour jouir et
semer pour recueillir. M ais,bientôt M de.,.de Champétière, heureuse par la révolution comme par les pro-*
cédés des siens, a été mise sur la liste des ém ig ré s,.à
cent lieues du domicile qu’elle n’a jamais quitté. Si elle
a évité l’ostracisme, elle n’a pas évité un séquestre gé
n éral, qui a duré jusqu’au décès "de son. mari : ainsi,,
voilà le grand effet qu’auroit eu l’acte du 16. janvier,,
s’il, eût été réel et suivi d’exécution.
; ,,
A - t - o n L ie n pu, au r e s t e , a r g u m e n te r sérieusement
d’un acte de 179 3, marqué au coin de la,terreur et des
séquestres, acte de précaution sans doute inutile, mais
toujours nul et très-nul pour opposer à une femme mariée,
à quelque époque qu’il ait été fait.-;
.
,
Rien donc .ne s’oppose à la légitimité de la reconnoissance du 16 prairial : mais les citoyen et dame de.
Penautier'opposent à M de. de Chàmpétière des moyens
de prohibition ; il sera aisé de les écarter.
§ H .
Qu’a de commun Vacle du 16 prairial, avec les, cou-;
tumes de Bourgogne , de Nivernais et de Normandie,qui prohibent les avantages entre époux; et "de plus,
toute espèce de contrats par lesquels ils pourroient s’ayan-
�X\û
U /X
c 16 )
tager. Ces coutumes appellent la suspicion et la nécessité
de prouver que tout acte récognitif est sincère;les auteurs
qui les commentent, n’ont donc pas dû enseigner un
respect aveugle pour la convention, et cependant encore ils
citent plusieurs cas où la validité de l’acte se prouve par les
circonstances, sans recourir à des preuves ultérieures.
L a coutume d’Auvergne qui régit les parties, met la
femme seule dans l’interdiction de donner, et ne met
aucunes bornes à la générosité du mari. A la vérité, on
oppose une institution ; mais si la maintenue d’un tel acte
fait suspecter tous ceux qu’un père feroit ensuite en faveur
de ses autres enfans, c’est qu’il est dans la nature qu’il les
aime également; mais il n’en est pas de même des actes
qu’il passeroit avec sa femme ou des étrangers, parce
qu’il n’est pas dans la nature qu’il les préfère à ses enfans.
A u s s i cette coutume ne défend à celui qui a fait un
»
h é r itie r q u e d e fa ir e u n a u tr e h é r i t i e r ,c e q u i est p lu s r e la t if
aux c o h é r itie r s entre e u x , qu’aux cohéritiers vis-à-vis une
tierce personne. AussiDumoulina-t-ilexpliqué,quesi l’ins
tituant ne pouvoit faire un autre héritier, il n’étoit pas
empêché de donner ou léguer des choses particulières, et
la ju r is p r u d e n c e avoit fixé cette faculté au quart : ce taux
ne signifie rien à la cause, et il s’agit de conclure seulement
qu’en coutume d’A uvergne, il n’y a pas de prohibition.
On oppose encore la loi du 17 nivôse, qui veut, non
pas qu’un époux ne puisse avantager sa femme ; mais que
les avantages qu’il pourroit lui faire soient convertis en
usufruit de moitié quand il y a des enfans. La loi du 17
nivôse, n’est donc pas prohibitive des avantages; mais
elle les réduit, et ce n’est encore pas l’objet de la cause.
Si
?
�M*
m( *7 )
Si M de. de Champétière n’est pas une personne pro
hibée , il n’y a pas de suspicion proposable contre l’acte
du 16 p rairial, au moins de la part de l’héritière de son
m ari, comme elle l’établira dans le paragraphe suivant.
Quelque portion que M . de Champétière ait pu donner,
elle suffit pour lui avoir donné droit de reconnoître,
dans le cas même où par un compte exact et apuré
de sa gestion comptable, il seroit prouvé qu’il a reconnu
plus qu’il n’a reçu. Ce surplus devenant une libéralité
seroit encore valable, parce que M . de Champétière a
pu donner.
Car il est de principe que les reconnoissances du mari
valent comme donation : Confessio de dote recepta, facta
per m aritum , constante rnatrimonio, valet salteni in virn
donatioJiis, dit Ranchin, et la loi 3 2 , au il', de donat.
int. vir. et ux. avôit dit de même. La loi 2. au cod. de dote
cauta, avoitdit aussi qu’une telle reconnoissance ne pouvo it être contestée par les héritiers du mari. Cujas sur
ces deux lois, D anty, page 13 9 , enseignent la même
doctrine. Enfin la loi du 17 nivôse opposée à M de. de
Champétière, n’est qu’une confirmation de ces principes;
car elle ne veut pas qu’on annulle ce qui excéderoit
la quotité disponible, maisseulcment qu’on le réduise.
Quel a donc été le but des citoyen et dame de Penautier, en opposant la loi du 17 nivôse? est-ce qu’ils vou
draient d’abord rendre compte de la dot, et ensuite faire
réduire le surplus à un usufruit de moitié? Certaine
ment M do. de Champétière 11e pourroit qu’y gagner, si
les choses étoient entières. Mais seroit - ce sérieusement
que le citoyen de Peuautier propgseroit un. partage,
*C
�c -18 •)
quand il a fait les inventaires incognito, vendu le mo
bilier le plus précieux, démembré et dégradé d’une ma
nière pitoyable la principale terre, et vendu déjà pour
environ80,000 francs d’immeubles? Peut-être bien éloit-il
épouvanté alors d’une inscription ridicule de cent mille
écus sur la succession, et dont aujourd’hui il y a main
levée. M de. de Champétière n’entre pas dans ces
considérations: on a tout gouverné, déplacé et dénaturé
sans lui rien communiquer ; donc on ne l’a jamais re
gardée comme ayant droit à un partage. En vain lui
montrera-t-on que les dettes étrangères n’absorbent pas
plus d’un tiers de la succession : elle en est très-convain
cue ; mais elle n’a que faire de se jeter dans l’embarras
d’une liquidation et d’un partage dont l’idée seule est pire
p<|ur elle, que celle de perdre ce qu’on lui dispute si
obstinément.
Ne seroit-ce pas en avoir assez dit pour engager les
appelans à conclure à ce partage de moitié en u s u f r u it ,
par cela seul qu’il épouvante M de. de Champétière.
Mais ils ont dû remarquer qu’elle n’en a parlé que pour
abonder dans leur sens, et y opposer une fin de nonxecevoir.
La loi du 17 nivôse, pas plus qu’une institution, ne
peuvent porter atteinte à une dette réelle; car bona neque
dicuntur, nisi deducto œre aliéna. M . de Champétière
en instituant sa fille, n’a entendu lui promettre que les
biens dont il mourroit saisi. Déjà il étoit c o m p ta b le envers
sa femme, d’une dot qui n’étoit qu’éventuelle lors de son
contrat de mariage. La famille de Penautier a dû savoir
que ce compte n’étoil pas rendu, ou s’en informer : ainsi elle
�2
\ 2>
T9 )
n’a dû compter que sur les biens qui resteroient après ce
compte et après les dettes. M . de Champétière n’a pas
fait une donation: il a gardé la liberté de traiter et vendre,
même celle de léguer jusqu’à concurrence d’un quart;
il n’a donc fait dans la reconnoissance contestée qu’un
acte libre et valable; car qu i potest dare potest conJîteri\
ainsi les moyens de prohibition opposés par les appelons
sont sans application.
C
§. I I I .
L ’exception non numeratœ pecuniœ , admise par les
lois romaines, n’a pas lieu en France. Non seulement les
quittances de la dot constituée en espèces s o n t v a la b le s ,
m ê m e c o n tr e les
c r é a n c ie r s , lo r s q u ’e lle s p o r te n t r é e lle
; mais encore les quittances de la dot supplé
mentaire , ou autrement advenue pendant la durée du
m ariage, sont valables et irrévocables contre le mari et
ses héritiers.
Toutes les autorités qu’on a citées ou pu citer pour
la cause des citoyen et dame Beinaguet, sont, ou en
faveur des créanciers pour lesquels les lois veillent sin
gulièrement dans cette matière , ou en faveur d’enfans
d’un premier lit; et encore ces autorités supposent-elles,
en question préalable, une interdiction de donner.
P a p o n , Coquille, R icard , Denizart et Lacombe se
réunissent à dire qu’on ne peut faire indirectement ce
qu’on ne peut pas faire directement, et qu’ainsi si une
reconnoissance ou confession de devoir est faite à une
G 3
n u m é r a tio n
�( 10
personne prohibée, il faut enquérir et prouver la vérité
du fait.
Beaucoup d’autres auteurs enseignent les mêmes prin
cipes ; mais plus explicatifs, ils ajoutent, qu’en cas de
suspicion , les créanciers du mari pourront débattre la
reconnoissance ; (Basset, 1. 4 , tit. 5 .) que cette reconnoissance est bonne contre le m ari, mais que cela n’empêcheroit pas les créanciers de faire preuve qu’elle est
frauduleuse à leur égard; (Legrand, sur Troies, art. 24.)
que la reconnoissance ne peut préjudiciel’ aux créanciers,
et ne peut nuire qu’à celui qui l’a faite ; que la fem m e
11 est obligée de rien prouver, et que la suspicion de
l’acte n’est qu en fa v e u r des créanciers du mari; (Ferr iè r e , sur Paris, art. 281. )
Les auteurs cités par les citoyen et dame Beinaguet,
ne disent rien de contraire à cela. P ap o n , en exemple de
cc qu’il a d it, cite un arrêt rendu pour Lucas contre
la v e u v e .Amiot : mais L u c a s étoit u n a c q u é r e u r p o u r
suivi ; mais la quittance donnée à la femme étoit sans
réelle numération. Coquille n’ajoute rien à la coutume
qu’il commente, puisqu’elle prohibe, entre gens mariés,
toute espèce de contrats, par lesquelles ils puissent s’avantager, ce qui n’a pas lieu en Auvergne. Ricard cite en
exemple d’avantage indirect, celui q u i, après avoir donné
par testament tout ce que la loi lui permet de donner,
ajoute qu’il se reconnoît débiteur d'autres sommes. Sur
cela, Bergier remarque, en note, qu’il faut faire une
distinction entre les actes de dernière volonté, el les actes
entre vifs. Denizart et Lacombe ne font que citer ces
premiers auteurs,
�4
( 21 )
A ucu ne de ces autorités n’est donc contraire à M de.
de Champétière ; elles s’accordent toutes à favoriser les
créanciers, et cela est légal; mais les héritiers du mari
Je représentent, et il n ’est pas difficile d’établir que la
faveur due aux créanciers ne les regarde pas.
Menochius a dit : d o tis r e c e p tœ c o n fe s sio f a c t a
in
J r a u d e r n c re d ito r u m , p r œ ju d ic a t m a r ito e t h æ r e n i b u s
e j u s . Fachinée dit qu’il n’y a plus de soupçon de fraude,
quand
il n’y a pas de créanciers. Catelan et Heni'ys
disent que la confession de d e v o ir , faite par un mori
bond , ne nuit
qu’à l’héritier; D u n o d , Despeisses et
l ’auteur du traité de la d o t , enseignent de même que
les reconnoissances dotales authentiques, ou sous seingp r iv é , ne peuvent pas être combattues par les héritiers
<lu mari. ( M e n o c h . I. 3. p r œ s . 12. ■ F a c h m . c o n tr . ju r .
I. 8, c h a p . 87,- C a te la n , 7. 4 , ch a p . 2,5 ; H e n r y s , &
I er. , p . 593, a n c . é d .\ D u n o d , p r œ s c r ., p . 180; D e s p .
t.
1,
p . 4 7 4 ; tr . de la d o t, t. I I , p . 201.
Cette doctrine
est confirmée par une loi expresse.
I , ’ordonnance de 1629 porte, art. 130, « toute quittance
» de dot sera passée pardevant notaires, à peine de nullité,
j) p o u r le
rega rd des
c r é a n c ie r s
s e u l e m e n t
. »
Elle est confirmée par un acte de notoriété du Châtelet,
qui rapporte que l’exception
n o n n w n e r a tœ p e c im iœ
n’est point connue dans la coutume de Paris; qu’ainsi,
sans réelle numération, la reconnoissance du mari est
suffisante pour le charger envers sa femme de ce qu’il a
reconnu, et pour l’obliger, l u i e t se s h é r i t i e r s , à en
faire la restitution. ( A c t e s de n o to r. i
Les
5 m a i i 685 .)
citoyen et dame de Penautier prétendent
que
�(
22
)
M de. (le Champétière doit prouver la réalité du ver
sement des 41,000 francs, si elle veut les obtenir. C’est
une erreur contre le droit et contre les circonstances.
Contre le droit; car pour cette preuve il faut distin
guer toujours entre les créanciers et les héritiei’s , ce
que les appelans confondent toujours. Les auteurs font
encore d’autres distinctions ; si la dot n’est pas dite reçue
de la femme elle-même , si elle est reçue de quelqu’autre,
il est certain qu’elle n’a rien à prouver. Ciim ab alio
quàm à muliere, v irfa te tu r se dotem accepisse, nulla
est suspicio tacitœ donationis ; ac proindè dos verè nu~
merata prœsumitur. ( Fachin. ibid. ch. 85. ) Et si la
femme elle - même avoit donné des objets m obiliers,
qui ne parussent pas d’une valeur exagérée, la difficulté
de le prouver fait encore qu’elle n’y est pas obligée.
M illier quœ dédit augmentant dotis in rebits m obilib u s , non p o te s t a s s u m e r a in s e onus probandi reitt
s e modicavi dédisse. ( Menocli. ibid.)
Basnage, sur l’article 41 de la coutume de Normandie,
qui défend aux mariés de se faire ni donations, ni conJessions tendantes à avantage direct ou indirect, n’en com
mande pas moins le respect du aux reconnoissances,
quand la femme n’a pas payé elle-même, et dit qu’il
seroit injuste que les femmes fussent obligées de le vé
rifier , et qu’on les dispense de faire ces preuves. Basnage
cife deux arrêts de 1664 et 16 7 1, qui ont validé des reconuoissances attaquées par les héritiers du mari. Il en
cite aussi de contraires; mais sous des circonstances par
ticulières : dans l’u n , la femme s’étoit contentée de moitié ;
sans cela ? dit Basnage, les héritiers du mari n’uuroieiit
I
�ZM
(
23
)
pas été recevables à contester la confession du mari , et
la quittance qu’il avoit donnée , après tant d’arrêts qui
ont jugé de. la sorte.
Mais dans les circonstances de la cause, c’est vraiment
une abstention de raisonnement, que de vouloir que
M do. de. Champétière rende compte à l’héritière de
son mari de la gestion que son mari a dit avoir eue,
et qu’il a dû avoir en effet de sa dot éventuelle et de
diverses successions qui lui sont échues pendant son ma
riage , pour prouver que réellement c’est 41,000 francs
qu’il a touchés. N ’est-ce pas d ire , en d’autres term es,
que c’est l’oyant compte qui doit fournir les pièces jus
tificatives à son comptable ; et par conséquent n’est-ce pas
résister aux principes les plus habituels.
« Q u a n d p e n d a n t le m a r ia g e u n e fe m m e r e c u e ille lin e
« s u c c e s s io n , n ’e s t -c e
pas au m ari, maître des actions
« mobiliaires de sa fem m e, à faire toutes les diligences
« pour recouvrer le mobilier ? N ’eàt-ce pas à lui à compter
« avec les fermiers et débiteurs, et à rapporter les pièces
« nécessaires pour fixer le mobilier échu à sa femme
« et dont la reprise lui appartient? »
Ce que disoit Cochin dans son 127e plaidoyer, en ton
nant contre ceux qui nieroient des principes aussi clairs,
prouve que les citoyen et dame Beinaguet ne sont pas les
premiers héritiers q u i, aveugles dans leurs prétentions,
demandent des comptes qu’ils doivent eux-mêmes; mais
prouve en même temps que Cochin trouvoit la proposi
tion absurde , au point de n’ajouter aucune autorité au
raisonnement.
�»I .
( H )
M de. de Champétière n’a donc rien à prouver, et
Yundè liabuit est suffisamment éclairci par son contrat
de m ariage, et la reconnoissance elle-même.
Si elle plaidoit contre des créanciers, elle auroit une
action en recours contre sa fille, pour lui fournir les
pièces nécessaires à la preuve de Yundè habuit. Si donc
elle plaide conti'e sa fille elle-même, sa fille est garanteA
à cet égard, de sa propre demande.
§.
i v.
Jusqu’ici M de. de Cliampétière a défendu sa cause,
comme si tous les moyens des appelans étoient propo
sâmes , parce qu’il lui coûtoit peu de les détruire : mais
elle eût pu s’en dispenser ; car la reconnoissance des
41,000 francs est approuvée, et dès-lors il n’y a plus de
procès.
C e tte a p p r o b a tio n ré s u lte d e ce q u e ]Vllle. d e C h a m p é -
tière a reçu une année d’intérêts de celte somme , et
en a donné quittance. A la vérité , cette quittance n’a
été donnée que sous seing-privé ; mais il 11e lu i vint pas
même en la pensée que ce fait pût être désavoué, sans
quoi elle l’eût exigée pardevant notaires. Les citoyen et
dame de Penautier ne disent pas un m o t de cette quit
tance dans leurs écrits ; mais pour leur éviter le poids
d’un mensonge , au cas qu’ils fussent capables de s’y dé
cider , M de. de Cliampétière leur rappelle que le
payement de celte année d’intérêts a été fa it en présence
de personnes dignes de foi ", qu’ainsi elle pourroit
offrir
I
�2 5 -)
offrii' la preuve clc ce payement, et sans doute cette preuve
seroit admissible ; car c’est un fait et nullement une con
vention.
.
. Il est î\ croire que les citoyen et dame de Penautier
n’éleveront pas une question de droit sur les conséquences
de ce payement ; car il est de principe, que « les débiteurs
« qui acquittent volontairement des dettes, que môme ils
« auroient pu faire annullcr en principe, mais que l’é« quité naturelle rendoit légitimes 7 ne peuvent revenir
« contre cette approbation* » D o m a t, Uv• 2 , t. 7 , sect. 1 ;
JDenizart, v° payement.
Mais ce sont là de ces .vérités élémentaires qu’on ne. cher
che nulle part, parce que le bon sens les rend familières,
et qu’elles ne peuvent etre a u tre m e n t. Une a n n é e d ’in
térêts a été p a y é e p a r t ic u liè r e m e n t ; d o n c la d e tte a été
connue ; donc l’acte a été approuvé; et cette approbation
est d’autant plus irrévocable , que l’acte étant contesté
l’acquiescement est une transaction de lite movendâ.
Il est impossible que les citoyen et dame de Penautier
contestent sérieusement la rcconnoissance du 16 prairial;
ils n’ont de projet, et ils le font dire à l’oreille de tout
ïc m onde, que de traîner en longueur pour sauver le
capital qu’ils font semblant de croire devoir etre mis en
viager : mais quel est le but de cette calom nie, q u i , si
elle est rée lle , auroit au moins la franchise de ne pas.
dissimuler que le trépas futur de madame de Champétière donne lieu à des calculs anticipés ’comme celui de
son mari ? Si celte calomnie a pour prétexte les perles
considérables que M do. de Champétière a faites pendant
la révolution ? et les privations de tout genre qu'elle
D
:(
�( *6 )
est obligée de s’imposer depuis long-tem ps, l’invention
scroit adroite ; mais ceux qui raisonnent sans malignité
se diront aussi que M de. de Champétière a des pro
priétés qui ne la laisseroient pas dans le besoin d’attendre
l’issue d’un procès -, elle 11e doit compte de sa conduite
qu’à elle-même et à l’avenir qui la jugera. Mais comme
elle ne veut pas faire sa cour à l’opinion de ceux qui la
jugeroient comme son gendre , elle déclare que si elle a
conservé jusqu’ici ses biens patrimoniaux en contractant
des dettes malgré les procédés dont elle a à se plaindre,
elle y a tenu plus par honneur pour ses ancêtres , que
par reconnoissance et orgueil pour sa postérité.
S ig n é , ScEPEAUX, veuve D a u r e l l e d e C h a m p é t i è r e .
L , F. D E L A P C H IE R , homme de lo i.
L0
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T vF C O N S E IL
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F A Y E , a v o u é.
SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire ci - dessus r
la consultation des cit. Boirot et D artis, et les pièces mentionnées,,
E s tim t :
que M dc. de Champétière ne doit pas craindre
le
succès
de l’appel interjeté contre elle des jugemensde I\ioiii et d’A m b ert,
et que ces jugemens se sont contormés aux principes, en validant
la reconnoissance du 16 prairial an 5.
L ’origine de la dette se trouve dans le contrat de mariage du
1-7-70. L e mobilier de M ^ . de Baglion étoit un objet dotal. A insi
le mari en a été com ptable, et a dù le reconnoitre, pour éviter
nue action de mandat contre la succession. L ’acte du iG prairial
est fait près de trois ans avant le décàs Uc M . do ChampéLièro y
t
�j a a .......
.
— --------------
JU\
( 27 )
îl n’est point d’une somme disproportionnée à la fortune des parties;
c ’est l’acte libre, obligé et juste d’un père de famille qui descend
dans sa conscience pour fixer ce qu’il a reçu et éviter des procès à
sa succession. Cet acte est donc infiniment respectable, surtout
pour l’héritière unique du défunt. Si sa mere fû t décédée la prem ière, elle auroit eu une action contre M . de Champétière, en
restitution de ce qu’il a dû recevoir, suivant les inventaires qu’il
a dû fa ire, ou la preuve par commune renommée. M de. de Cham
pétière ayant le même d ro it, n ’a pu l’exercer qu’en viduité contre
l ’héritière de son mari. M de. de Penautier ne peut donc demander
que sa mère soit tenue d’établir le versement réel de la somme
\
totale des 4 1000 francs, puisque cette preuve dépend d’un compte
qu’elle devroit elle-même. L ’undè habuit est suffisamment prouvé
par le contrat de mariage et par le fait avoué de la mort de M de. de
Baglion. L ’acte opposé de 1793 , sérieux ou n o n , n ’est pas un
m o yen , parce q u ’une f e m m e ne peut valablem ent donner décharge
de sa d o t à son m a r i , pendant la durée du mariage. L ’insti t i o n
faite à M le. de Penautier, et la loi du 17 nivôse, ne sont de même
pas des obstacles à la validité de la reconnoissance qui fait l’objet
de la contestation ; car elles n ’auroient l’effet que de la réduire ,
si elle étoit une libéralité, mais elles ne peuvent porter atteinte à
un titre sincère et légitime.
D
é l ibéré
à R io m , le 14 prairial an 10.
G R A N C H IER, P A G E S , G A S C H O N , D E V A L ,
L F. D E L A P C H I E R , P R É V O S T , P A G È S MEIMAC,
COUHERT-DUVERNET.
«
A R I O M ,. de l’im prim erie de L a n d r i o t , seul im prim eur du
T rib u n a l d ’appel. — A n 1 0
, ,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Scepeaux, Marie-Louise-Joseph. 1802]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
L.F. Delapchier
Faye, Avoué
Granchier
Pagès
Gaschon
Deval
Pévost
Pagès-Meimac
Couhert-Duvernet
Subject
The topic of the resource
donations entre époux
avantages indirects
douaire
reconnaissance de dettes
coutume d'Auvergne
biens dotaux
émigrés
séquestre
droit romain
doctrine
donations
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Marie-Louise-Joseph de Scepeaux, veuve de Blaise Daurelle de Champétière, intimée ; Contre Louise-Magdelaine Daurelle de Champétière, sa fille, et Jacques Beinaguet de Pénautier, son mari, appelans.
Annotations manuscrites : « Jugement du tribunal d'appel, 29 vendémiaire an II, confirmé pour le motif qu'il y a eu approbation de la reconnaissance. Recueil manuscrit page 546 » .
Table Godemel : Reconnaissance : la reconnaissance d’une somme de 41 000 francs consentie par un mari en faveur de sa femme, le 16 germinal an cinq, doit-elle déclarée nulle comme contenant un avantage indirect, au préjudice de l’institution d’héritier assurée à sa fille, ou, au contraire doit-elle recevoir tout son effet, comme ne comprenant en réalité que des valeurs mobilières et partie de la dot constituée, touchées par le mari ; dont l’héritière instituée serait tenue elle-même, si le règlement n’avait était fait avant le décès ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1802
1770-1802
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0909
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0908
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53070/BCU_Factums_G0909.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Courpière (63125)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages indirects
biens dotaux
coutume d'Auvergne
doctrine
donations
donations entre époux
douaire
droit Romain
émigrés
reconnaissance de dettes
séquestre
testaments